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Larousse, Pierre (1817-1875). Grand dictionnaire universel du XIXe siècle : français, historique, géographique, mythologique, bibliographique.... 1866.
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GRAND
DICTIONNAIRE
UNIVERSEL
DU XIXe SIÈCLE
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Tout exemplaire non revêtu de ma griffe sera réputé contrefait et poursuivi suivant
toute la rigueur des lois.
Paris. — Imp. V" P. Larousse ot. C". rue du Moû '4 -armasse, la.
GRAND
DICTIONNAIRE
UNIVERSEL
DU XIX SIÈCLE
FRANÇAIS, HISTORIQUE, GÉOGRAPHIQUE, MYTHOLOGIQUE, BIBLIOGRAPHIQUE
LITTÉRAIRE, ARTISTIQUE, SCIENTIFIQUE, ETC., ETC.
comprenant :
LA LANGUE FRANÇAISE; LA PRONONCIATION; LES ÉTYMOLOGIES; LA CONJUGAISON DE TOUS LES VERBES IRRÉGULIERS*
LES RÈGLES DE GRAMMAIRE; LES INNOMBRABLES ACCEPTIONS ET LES LOCUTIONS FAMILIÈRES ET PROVERBIALES; L'HISTOIRE;
LA GÉOGRAPHIE; LA SOLUTION DES PROBLÈMES HISTORIQUES; LA BIOGRAPHIE DE TOUS LES HOMMES REMARQUABLES, MORTS OU VIVANTS;
LA MYTHOLOGIE; LES SCIENCES PHYSIQUES, MATHÉMATIQUES ET NATURELLES; LES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES;
LES PSEUDO-SCIENCES; LES INVENTIONS ET DÉCOUVERTES; ETC., ETC., ETC.
PARTIES NEUVES :
LES TYPES ET LES PERSONNAGES LITTÉRAIRES; LES HÉROS D'ÉPOPÉES ET DE ROMANS; LES CARICATURES
POLITIQUES ET SOCIALES, LA BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE; UNE ANTHOLOGIE DES ALLUSIONS FRANÇAISES, ÉTRANGÈRES. LATINES
ET MYTHOLOGIQUES ; LES BEAUX-ARTS ET L'ANALYSE DE TOUTES LES ŒUVRES D'ART ;
PAR PIERRE LAROUSSE
■ Le dictionnaire est à la littérature d'une nation ce que le fondement.
avec ses fortes assises, est à l'édifice. »
« Fais ce que dois, advionne que pourra.
Dupamloup.
Devise rnANÇAtse.
• La vérité, toute la vérité, rien que la vérité. » Dnoir criminel.
• Cecy est un livre de bonne foy. > Montaigne,
i Voilà l'os de mes os et la chair de ma chair, > Adam.
TOME DEUXIEME
PARIS
ADMINISTRATION DU" GRAND DICTIONNAIRE UNIVERSEL
, . 19, RUE -MONTPARNASSE, 19
1867
1 — Tiré d'un manuscrit de la BLbiu« royale de Munich. -
2 — Alphabet lapidaire de Turin. — XVe siècle.
3 — Tiré du missel du cardinal Cornélius. — XVIIe siècle.
4 — Tiré d'un manuscrit du XVIe siècle.
5 — Lettres bullatiques d'Italie. — XVIe siècle.
6 — Tiré d'un manuscrit de Venise. — XV» siècle.
XIIe siècle.
. 7 — Tiré d'inscriptions sépulcrales de Vienne (Autriche;. — XIVe siècle.
8 — Tiré d'un évangéliaire de la Bibi"» royale de Munich. — XIe siècle.
9 — Écriture d'église du XIVe siècle.
10 — Tiré d'inscriptions sépulcrales lapidaires de Naples. — XIIIe siècle.
11 — Tiré de la Bible du surintendant Fouquet. — XIIIe siècle.
12 — Alphabet vénitien du XVII* siècle.
B s. m. (bé, et mieux, suivant le nouveau
système d'épellation, be — du gr. p, lequel
n'est lui-même que le beth phénicien ot hé-
breu). La deuxième lettre de l'alphabet et la
Îiremière des consonnes dans presque toutes
es langues anciennes et modernes. Cepen-
dant, dans l'alphabet éthiopien, il occupe la
neuvième place, et la vingt-sixième dans
celui des Arméniens. Dans l'ancien alphabet
islandais, le b est la première lettre, et Ta la
dix-septième : Un B majuscule. Un grand B.
Un petit B. Un b mal formé. La panse, la bou-
cle d'un B. Un b initial, médiat, final.
— La figure de cette lettre est empruntée
aux Latins, qui la tenaient des Grecs. On a
dit qu'elle représente la forme que prennent
les lèvres avant l'articulation de cette con-
sonne, mais il est facile de sentir combien de
pareilles explications sont hasardées.
— Cette lettre, l'une des plus fréquemment
employées dans notre langue, fait défaut dans
plusieurs idiomes du nouveau monde : ainsi,
fa langue minteca manque des trois labiales
b,p, f et de la liquide r; la langue totonaca
manque des deux labiales 6, f, de la dentale
d, de la liquide r; au mexicain manquent
trois labiales, 6, f, v; une gutturale, g; une
dentale, d; la palatale j; la liquide r; la sif-
flante s.
— B, surtout lorsqu'il est placé au com-
mencement du mot, exprime fréquemment
une sorte d'explosion, un bruit ou un mou-
vement soudain, comme dans Bruit, Bondir,
Bousculer, Bombe, etc., etc. Nous sommes ce-
pendant tout disposé à accepter un millier
h.
d'exceptions, et notre prétention se borne ici
à formuler une remarque plutôt qu'une règle.
C'est une lettre qui appartient surtout au
langage mal forme des enfants, et alors il y
a souvent redoublement de syllabes : bébé (en
angl., baby), bibi, bonbon, bobo, etc.
Balbutié bientôt par le bambin débite,
Le B semble bondir «ur sa bouche inhabile.
De Pus.
— B est la première et la plus douce des
labiales; il a beaucoup d'analogie avec les
lettres du même ordre, p, fou ph, v, et avec
la liquide m. Cette labiale, aussi bien que le
?, se produit par une sorte d'explosion de
air vivement chassé des poumons, et ne dif-
fère du p que par. une moindre énergie de
l'action de cet organe {comparez Berthe et
perte). Toutes ces lettres, d'ailleurs, se per-
mutent les unes avec les autres, ainsi qu'on
va le voir par des exemples. L'alphabet san-
scrit, le Dêvanagari, qui, de tous les systèmes
graphiques connus, est celui qui rend le mieux
compte de la formation phonétique des sons,
et qui les classe selon la méthode la plus ra-
tionnelle et la plus logique, donne au b le troi-
sième rang dans Tordre des labiales. Le b et
le b aspiré ou bh constituent ce qu'on appelle
en grammaire comparée les labiales douces
ou sonores, et ont pour antécédents normaux
le p et le p aspiré ou ph, qui forment les la-
biales fortes ou sourdes. Ajoutons encore qu'à
l'ordre des labiales se rattachent immédiate-
ment encore la nasale spéciale m et la semi-
vovelle v. Ce simple procédé de classification
trahit chez les Indous l'habitude des hautes
spéculations philosophiques, et permet de
constater d'un seul coup d'oeil les diverses
modifications que la lettre 6 est susceptible
d'éprouver, il i" P devenu b. Voici des mots
latins et les mots français qu'ils ont donnés : .
Antirolis, AntiBes; volentarius, Boulanger;
Avotheca, Boutique-; eruina, Bruine; caver,
eaari; cœvula, ciaoule; duplex, douale; tym-
panum, tamnour. L'italien sorrasalto a donné
le français souaresaut. Dans les manuscrits,
on trouve fréquemment Betrus et Baulus pour
Petrus et Paulus. il 2° F devenu 6 : Fiaer, nom
latin du castor, a donné aiévre, ancien nom
français du même animal. Le grec bremô a
donné le latin fremo, d'où le français frémir.
D'après Plutarque, les Lacédémoniens chan-
geaient ph en 6 et disaient Bilippe au lieu de
Philippe. De même, le grecampHd (tous deux)
a donné omao en latin, il 3° V devenu b. Le
latin corvus a donné corBeau; curvus, course ;
vervex, créais; versare, Bercer; Yesuntio, Be-
sancon ; et le tudesque Aa-wen est devenu
Mb'ou; vtegen, Bouger. De plus, on trouve
fréquemment dans les manuscrits Berna pour
verna, etc., et, do nos jours, les Espagnols et
les Français du Midi prononcent encore le 6
pour le v, et réciproquement. Ainsi, les uns
disent Bi'fie pour vive; les autres, vâton pour
aâton. De la l'exclamation de Scaliger : Fe-
lices populi quibus vivere est Bisere! (Heureux
les peuples pour qui vivre c'est Boirel) Un
grand nombre de mots latins ont passé dans
le français avec le changement inverse de b
en v : aa-ante , avant; cerenellum, cerveau;
cannaBis, chanvre; caaallus, cheval; coluBra,
couleuvre; cuBàre, couver, desere, devoir;
fi
faei., fève; fearis, fièvre; fearuarius, février;
hiBermtm (tempus), hiver; guaernare, gouver-
ner; kaBere, avoir; eaur, ivoire; eBrius, ivre,
laarum, lèvre ; Huer, livre; liaerare, livrer,
proBare, prouver; roBur, rouvre; taaerna, ta-
verne; veruena, verveine; Verainum, Vervins.
L'espagnol saaana a donné le français savane.
Il 4» m devenu b. Du latin maritor, nous avons
fait tnarBre. Les anciens Arabes semblent
avoir également connu le changement de m
en b, car, à côté du mot Mekka, qui est le
nom de la célèbre ville sainte que nous écri-
vons Mecque, on trouve une autre forme ar-
chaïque Bekka. Du reste, b, aussi bien que
>, a beaucoup d'affinité avec la lettre m; de
à vient qu'il s'est intercalé entre cette lettre
et lune des liquides / ou r, dans plusieurs
mots tirés du latin : Cumulus, comale; ca-
mena, chamare, etc. ; b devient aussi m .- SaB-
Bati dies, samedi; sorBum, came. -Pour cette
raison encore, n devant 6, dans un même
mot, se change presque toujours en m : Eu-
barquer pour embarquer, enballer pour embal-
ler, iubu pour ixbu, etc., etc. Nous ferons
remarquer à ce propos, avec M. Delatre, que
l'insertion d'un 6 euphonique entre la labiale
m et la liquide n est également une des rè-
gles fondamentales de la dérivation espa-
gnole, comme le font voir les exemples sui-
vants : hominis, homare; luminis, lumare;
culminis, cumare ; femina, henmra, etc. L'ad-
dition de r épenthétique, après * eupho-
nique, est également très -caractéristique
dans la formation de ces mots. Le grec lui-
même n'est pas exempt do cette loi eupho-
niquo; c'est ainsi qu'il écrit gamiaos pour
1
2 B
gameros; mesèmaria pour mesèmeria; ammo- ;
«o pour amrosia, etc. B 5° B devenu p. Le
jatin larnsere a donné laper, et, dans la com- I
position des mots, 6 se change en p devant
un p : Ovpilare pour oBpitare, opponere pour :
oBponere, etc. Il 6" B devenu f. Sinilare, est
devenu sippler en français; seBum, suif; tu-
ner, truFFe. De même, dans la composition,
on dit offendere pour os/endere, oFficium pour
vBftcium, etc. Ceci est, à proprement parler,
plutôt un phénomène d'assimilation qu'un
phénomène de permutation. Du reste, la
permutation du b en v s'est faite sur la forme
ancienne elle-même, et, dans la basse latinité,
on dit déjà liverlas pour liuertas (liberté),
haveat pour haneat (qu'il ait), guvernare pour
gunernare (gouverner) ; mais cette mutation
ne s'est pas toujours faite simplement et di-
rectement; on a d'abord ajouté un u après le
i, dans certains mots : Fea\e, leB\re,deBvoir,
et les nécessités de l'euphonie ont ensuite
conduit à la suppression- du 6. Cependant,
nous avons encore dans certains noms pro-
pres Lefénvre, Lefenvre, pour Lcfèvre. Ajou-
tons .que les Grecs modernes prononcent leur
p ou 6 comme notre », lettre qui n'existe pas
en grec, et que l'hébreu permute son beth ou
b avec vav ou u. Il Le B, de même que le P,
placé devant un t, cède très-facilement au
pouvoir de l'assimilation, et se transforme en
t ; on peut même dire qu'il disparaît complè-
tement dans la prononciation, et que le t
ajouté n'a pour Dut que de le représenter
graphiquement et surtout de conserver à la
voyelle précédente sa valeur brève. Ainsi
gaBcna donne jaTte; recerta, recevra; deei-
rum, derre, qui pourraient aussi bien s'é-
crire jate, récite, dite.
— 11 est à remarquer que le 6 permuté au
radical reparaît quelquefois dans le composé :
ainsi, du latin huer, on a fait livre, liwaire,
iiBrairie. Ce fait, en apparence anormal, s'ex-
plique à l'aide d'un raisonnement très-
simple. Des deux mots livre et libraire, le
premier a été dérivé par la voie populaire
et suivant les lois phonétiques qui ont faitdu
latin le français ; le second, au contraire, est
dérivé par la voie artificiels du néologisme
savant, c'est-à-dire qu'il a été directement
emprunté à la langue écrite, et servilement
calqué sur la forme graphique. Ce procédéde
dérivation est extrêmement fréquent en
français, et n'a pas peu contribué à augmen-
ter dans une tres-forte proportion les riches-
ses de notre langue. Il n'est pas rare de voir
tel mot latin donner en français jusqu'à trois,
quatre et même cinq formes coexistantes et
divergentes, selon le chemin qu'il suit pour
parvenir jusqu'à nous.
— B se supprime fréquemment au milieu
des mots : Cusitus, coude; duBitare, douter;
presByter , prêtre; laBamts, taon; scriaere,
écrire, etc.; mais alors la suppression n'a pas
été immédiate et n'a eu lieu que par eupho-
nie j l'on a écrit d'abord counde, dowter, c est-
à-dire que l'on a supprimé d'abord; non point
le b lui-même, mais la voyelle brève qui sui-
vait cette consonne. La disparition du b est
regrettable en français dans un mot; c'est
dans la préposition à, qui correspond à !a fois
au latin ad et ab, deux particules ayant un
sens bien différent, puisquo l'une marque le
mouvement pour aller vers un endroit, et
l'autre le mouvement pour en revenir. Aussi
M. Delàtre dit-il avec raison que, dans les lo-
cutions comme demander quelque chose à
quelqu'un, arracher quelqu'un à l'infortune,
ochapper d un malheur, la préposition à, re-
présentant l'ai des Latins, devrait être régu-
lièrement écrite d. il Quelquefois l'usage a ré-
tabli le b quo l'usage avait supprimé : Dia-
uolus était devenu diaule et a enfin donné
dianle. il Le peuple, surtout dans certaines
parties do la France, supprime volontiers
cette consonne devant d'autres consonnes
quand l'articulation complexe est trop rude,
et il prononce acès, astention, ostiné, osta-
cle , au lieu de aBcës, abstention, OBstiné ,
oBstaele- Il Placé devant une consonne rude,
h so confond presque, dans la prononciation,
avec la forte p : Absurde, obtus, se pronon-
cent presque apsurde, optus. Il est à présumer
qu'il on était de môme chez les Latins; ce
qui nous le fait croire, c'est qu'il leur est ar-
rivé souvent de remplacer b par p devant un
s, dans les inscriptions, où on lit fréquemment
• ui'sens pour aBsens (absent), plees pour pleas
(plèbe), etc.-, ce qui provient, sans doute, de
l'habitude où ils étaient do prononcer comme
ils ont écrit. C'est ainsi qu'il arrive encore
tous les jours aux personnes peu lettrées
l'écrire les mots comme on les prononce, et
:ie substituer une orthographe naturelle à
l'orthographe légale et pseudo-savante. On
pourrait so demander pourquoi deux conson-
nes b et fêtant placées en présence, c'est la
seconde qui agit sur la première et non la
première qui agit sur la seconde, pourquoi
on un mot on ne prononcerait pas obdus au
lieu de obtus. Rien de plus simple à faire
comprendre; un groupe de consonnes devant
toujours être prononcé ou suivant la classe
douce, ou suivant la classe forte, c'est tou-
jours la seconde consonne qui modifie la pre-
mière, c'est-à-dire que si elle-même appar-
tient a la classe douce, la première passera
dans la classe douce, si au contraire elle
appartient à la classe lûrte, la première pas-
-era dans la classe forte. En effet, lorsqu'on a
;i prononcer un groupe de consonnes, au
UH-in/nit <\a l'émission. d,u son, on se préoc-
B
cupe instinctivement de prononcer la der- i
niére, et l'on dispose son appareil vocal en |
conséquence ; l'appareil vocal étant ainsi dis- I
posé reagit forcément sur la consonne précé- \
dente. C'est par lo môme raisonnement qu'on
rend compte des assimilations : quelquefois
la consonne suivante influe non-seulement
sur la classe forte ou douce de la consonne
précédente, mais elle l'altère si profondément
qu'elle en modifie la nature organique et la
rend semblable à elle-même ; ainsi par exem-
ple dans le groupe bt , non-seulement le t en-
traînera le changement du b en p, mais il
pourra le transformer en /' ou il. L'assimila-
tion est une des lois fondamentales de la dé-
rivation italienne. I
— B se prononce à la fin de la plupart des
mots étrangers : Achas, Cales, Job, Jocob, '
MoaB, etc. il II est tout à fait nul à la fin de
la plupart des autres mots : plornB, aploms,
surplomB, Doubs, etc. Cependant, il se pro-
nonce à la fin des mots techniques, comme
runia et radotas, au moins dans la lecture, car
ce dernier mot se prononce radou dans les
ports de mer.
— B se redouble dans abbé, rabbin, sabbat,
que l'on prononce cependant : abé , rabin,
sabat.
— Comme signe ou symbole , B s'emploie
fort souvent pour désigner le deuxième objet
d'une série. Ainsi, l'on dit : l'escalier B, le
rayon B, le cassetin B, et, dans l'ancienne ty-
pographie, la deuxième feuille d'un volume
portait un B à la signature. Il II marquait le
lundi dans le calendrier des anciens rituels,
A désignant le premier jour de la semaine ou
le dimanche, u Sur les monnaies françaises,
B indiquait naguère celles qui avaient été
frappées à Rouen, et BB celles qui l'avaient
été a Strasbourg, il Sur les monnaies grec-
ques, c'était une simple abréviation des mots
boulé (sénat) ou basileus (roi). Il Dans le sys-
tème numérique des peuples où les lettres
de l'alphabet tenaient lieu de chiffres, b mar-
qué d'un accent en haut (p') valait 2 chez les
Grecs, et ïoo avec un accent placé dessous (p,).
Les Romains lui donnaient la valeur de 300.
Surmonté d'un trait horizontal (B), il valait
3,000. Il En algèbre, il désigne, ainsi que les
autres premières lettres de l'alphabet, une
quantité connue.
— Comme abréviation, B, sur les monu-
ments et les médailles, sert à remplacer un
grand nombre de mots qui commencent par
cette consonne, tels que baie, bonus, Balbus,
Brutus, etc. u Précède d'un nom propre , il
signifie bis (pour la deuxième fois), et exprime
que la personne en question remplit pour la
deuxième fois les fonctions qui lui sont attri-
buées, ou, s'il s'agit d'un empereur, qu'il est
dans la deuxième année de son règne, il Suivi
d'un nom de saint ou de sainte, il signifie
beatus ou beata (bienheureux, bienheureuse) :
B. M., Beata Maria (la bienheureuse Marie,
la sainte Vierge), il De même, en français, B,
dans les livres de piété, remplace les mots
bienheureux, bienheureuse. Il Sur le cadran
d'un baromètre, il signifie beau. Il On écrit B.
ou Bon pour baron. Il En chimie, B a signifié
mercure et indique aujourd'hui le bore, Ba le
baryum, Bi le bismuth, Br le brome, il B. V.,
à la fin des inscriptions tumulaires, signifie
bene vixit (il a vécu en homme de bien),
éloge laconique qui paraissait encore trop
long aux Romains pour être écrit en toutes
lettres, et que. nous avons remplacé par ces
phrases fastueuses : bon père, bon époux, bon
ami, etc., etc., etc. u B. Q., dans le même cas,
signifiait bene quiescat (qu'il repose bien),
mots dont l'Eglise s'est emparée, sans peut-
être s'apercevoir de ce qu'ils ont d'un peu
païen , pour en faire requiescat in pace (qu'il
repose en paix). Il B. F., dans la dédicace d'un
monument, se lit bonœ fortunes (à la bonne
Fortune), il Dans les anciennes préfaces en la-
tin, B. L. signifie bénévole leetor (bienveillant
lecteur), il Dans le commerce, B, P, F., suivi
d'un nombre écrit en toutes lettres, signifie
Bon pour francs, et se met devant le mon-
tant d'un effet : B. P. F. deux cent soixante,
lisez : Bon pour francs, deux cent soixante.
— B sert encore à indiquer le mot bougre,
que les personnes honnêtes ne se permettent
pas de prononcer, et que les auteurs n'écri-
vent guère en entier. Comme ce mot lui-
même, outre la signification interjective,
il s'emploie aussi substantivement -, Duclos
avait l'habitude de prononcer sans cesse, en
pleine Académie, des F et des B; l'abbé Benel
lui dit : Monsieur, sachez qu'on ne doit pro-
noncer dans l'Académie que des mots qui se
trouvent dans son dictionnaire. (Chamfort.)
Les 4, les f, voltigeaient sur son bec;
Et les nonnains crurent qu'il parlait grec.
Gresset.
Les b. les f, cousus fr chaque mot,
Font cent fois au couple dévot
Invoquer tous les saints inscrits dons la légende.
Joudekt.
— Loc. fam. Ne parler que par n et par f,
Prononcer à tout propos des bougre et des
foutre, se servir habituellement de paroles
grossières.
— Ne savoir ni A «i B, Ne pas savoir lire,
ou simplement être fort ignorant, u Etre mar-
qué au B, Etre borgne, boiteux, bancal,
bossu, badaud, bête, bâtard, etc. ; avoir enfin
quelqu'un des nombreux défauts dont la dé-
signation commence par la lettre b. L'Acadc-
nitc, n'étend, cette locution qu'aux mots 6oi-
BAA
teux, bègue, borgne et bossu ; c'est ce qui ex-
plique comment elle a pu dire : Les gens
marqués au B passent en général pour mali-
cieux et spirituels.
— Mus. Dans la musique des anciens, B dé-
signait le ton supérieur, A celui qui formait
la base de leur système, u Au xi« siècle, B
remplaçait le si de la première octave, et b le
si de la seconde. C'est de là qu'on dit encore
quelquefois aujourd'hui : Une clarinette en B
bémol, pour Une clarinette en sr bémol, il Cette
lettre se retrouve de même dans la ^amme
de plusieurs peuples modernes; ainsi, chez
les Italiens et les Espagnols, elle correspond
également au si ; chez les Anglais, au ré. Il
B, placé en tête d'une partie, indique la basse
chantante, pour la distinguer de la basse
continue , marquée B. C. il Dans le plain-
chant, le si affecté du signe b prenait le nom
de b mot ou faible, par opposition au b carré
ou fort. (V. Bémol et Bécarre.) u Col B est
une abréviation des mots italiens col basso
(avec la basse), et signifie que la partie qui
porto cette indication doit suivre la basse.
BA s, m. (ba). Gramm, ind. L'une des la-
biales de l'alphabet sanscrit, la plus douce
de son ordre, u Oh écrit aussi bha.
— Mus. milit. Coup de baguette donné de
la main droite sur le tambour.
— Chim, Abréviation du mot baryum.
BAADEN-DURLACH (Marguerite de), femme
artiste allemande, vivait dans le xvme siècle,
et reproduisit par le burin et la plume des ta-
bleaux de Rembrandt et d'autres maîtres. Le
musée de Munich possède quelques-unes de
ses productions.
BAADER (Tobie), sculpteur bavarois du
xvne siècle. La ville de Munich renferme de
lui des œuvres assez remarquables, entre au-
tres, un Christ sur la crois avec la mère de
douleur, et une Vierge avec l'Enfant Jésus.
BAADER (Joseph-François de Pacle), mé-
decin allemand , né à Ratisbonne en nâ3,
mort en 1794. U était médecin de l'Electeur do
Bavière, Maximiiien-Joseph III. On a de lui
quelques ouvrages, qui ont aujourd'hui peu
d'intérêt scientifique, et, dans le nombre, quel-
?ues opuscules sur un sirop balsamique et
ondant, qu'il préconisait dans les affections
muqueuses et dans les obstructions.
BAADER (Ferdinand-Marie), médecin et
philosophe bavarois, né à Ingolstadt en 1747,
mort en 1797. 11 devint membre de l'Académie
des sciences de Munich et directeur de la
classe de physique et de philosophie. Il a écrit
divers ouvrages de médecine. Le plus remar-
quable est relatif au traitement des maladies
vénériennes.
BAADER (Joseph) , ingénieur distingué, frère
du philosophe François-Xavier, né à Munich
en 1763, mort en 1835. Ses principaux écrits
sont une Théorie de la pompe foulante et aspi-
rante, et des Conseils concernant le perfection-
nement des machines hydrauliques employées
dans les mines. Il était conseiller de la direc-
tion générale des mines de Bavière.
BAADER (Amélia), femme peintre et gra-
veur à l'eau-forte, allemande, née à Erding en
1763, élève de J. Dorner, a fait quelques co-
pies d'après Rembrandt et des portraits au
pastel; a gravé l'Amour tenant une lettre,
d'après le Corrége ; divers portraits, entre
autres celui de Dorner, son maître, et des
figures isolées, d'après Rembrandt, le Domi-
mquin, etc.
BAADER (François-Xavier), philosophe, né
à Munich en 1765, mort en 1841. 11 étudia
d'abord la médecine et les sciences naturelles
et ne se voua qu'assez tard aux spéculations
métaphysiques. Il appartient à cette famille de
penseurs du xixe siècle qu'on a vus en France,
en Italie et dans l'Allemagne catholique faire
de curieux, mais vains efforts, pour asseoir la
foi sur la raison de notre époque, et montrer
dans le catholicisme un produit légitime de la
philosophie, dans la philosophie un principe
de vie et de fécondité pour le -catholicisme.
Son nom se place naturellement à côté de ceux
de Bordas-Demoulin, Bûchez, Gioberti. Ab-
sorbé par la critique et la polémique, Baader
n'a pas donné une forme systématique à l'en-
semble de ses idées; celles-ci se trouvent
disséminées dans une foule d'écrits détachés.
Saisir et montrer les points vulnérables des
systèmes de Kant,de Fichte, de Schelling, de
Hegel, telle a été sa préoccupation la plus
constante ; et l'on doit reconnaître que, dans
ses efforts pour démolir les constructions idéa-
listes de la philosophie allemande, sa dialec-
tique a souvent porté des coups qui font hon-
neur à sa pénétration. Nommé professeur de
philosophie à l'université de Munich, il garda
sur le christianisme et l'organisation de l'Eglise
une largeur et une libéralité de vues qui s'ac-
cordaient mal avec les espérances qu avaient
mises en lui les partisans d'une restauration
du moyen âge. Il repoussait la suprématie du
pape et réclamait une Eglise catholique démo-
cratiquement constituée et régie par des con-
ciles. Il s'est fort occupé de politique et tou-
jours avec indépendance. En 18L5, il conseilla
à la Sainte-Alliance de légitimer sa cause par
un grand acte de justice, la restauration de la
nationalité polonaise. A la même époque, il
signalait la mission assignée à la politique par
les besoins des temps nouveaux, de réaliser
socialement los principes évangéliques de
, justice et dû chavvté,
BAA
Un trait particulier de la philosophie de
Baader, c'est la grande place qu'elle accorde
au mysticisme. Sous ce rapport, il a pour an-
cêtres Parocelse, Van Helmont, sainte Thé-
rèse, M>ne Guyoïi , Jacob Bœhme, Swedenborg,
Pascalis, Saint-Martin.
La théorie de la liberté est ce qu'il y a de
capital dans Baader. Suivant lui, l'histoire de
l'homme offre trois moments : l'innocence dans
laquelle il est créé ; le itère arbitre ou l'épreuve
par laquelle il est appelé à se donner ou à se
refuser à Dieu, a choisir entre le bien et le
mal; enfin le bien ou le mal, devenu par suite
du libre choix un mode de vivre définitif et
irrévocable. Charité, vie divine, liberté, autant
de mots qui expriment la vocation de l'homme,
le but de la création. 11 ne faut pas confondre
le but avec le moyen, l'état définitif avec la
condition de cet état, la victoire avec la lutte,
la liberté avec le libre arbitre ; le libre arbitre
est la faculté de choisir, la liberté est le bien
choisi. Le mal, en effet, est l'esclavage, car
la volonté coupable est sous la servitude des
attraits qui la dominent et des lois divines qui
répriment ses désordres, la frappent d'impuis-
sance et la paralysent. Il ne faut pas non plus
confondre cette liberté, qui est une charité
immuable, éternelle, une vie divine dont on
ne peut déchoir, avec cet instinct primitif du
bien imposé par la nature, et quon appelle
l'innocence. Dans l'innocence, l'homme est
uni à Dieu, fatalement, sans conscience propre;
il ne peut s'arrêter dans cet état; il faut qu'il
se distingue de Dieu en s'affirmant; il faut
qu'il passe de l'union fatale, inconsciente avec
Dieu, à l'union consciente. et volontaire ou à
la séparation choisie, de l'innocence à l'amour
ou à la révolte. L'épreuve est le péril, mais
c'est la dignité; elle seule permet a l'homme
le don de soi-même, en lui donnant la posses-
sion de soi-même. L'épreuve peut avoir una
issue heureuse ou une issue malheureuse ; ces
deux issues sont également possibles, et par
conséquent échappent à la prévision ration-
nelle ; en d'autres termes, le choix du bien ou
du mal est un effet qui ne peut être saisi
a priori dans sa cause ; il ne peut être connu
que par l'événement; la raison pure trouve
ici une limite à son empire , parce qu'elle
trouve une" exceptioii au déterminisme géné-
ral. Le monde des actes libres n'appartient
qu'à l'expérience; l'expérience seule peut nous
y introduire. Que nous dit-elle? Elle dit que la
mal est entré dans le monde. La conséquence de
cette chute devait être la cessation du libre ar-
bitre, et, par conséquent, pour l'homme tombé,
une douleur sans espérance. Ce n'est pas ce
qui a eu lieu; la chute a donc été réparée.
Cette réparation, sorte de création nouvelle,
était une tout autre affaire que la création
première: elle exigeait que Dieu s'associât à
la misérable condition que la déchéance nous
avait faite, vtnt partager nos douleurs, s'a-
baisser à toutes nos humiliations, se faire en-
tièrement semblable à nous, connaître même
la mort. Le sacrifice du Calvaire pouvait seul
sauver une race déchue. Le but de cette
expiation divine était de restituer à l'homme
le libre arbitre, et par le libre arbitre, par
l'épreuve, la puissance de s'élever à l'amour
éternel dont il s'était exclu. Grâce à la croix,
l'homme est ainsi replacé au second moment
de son histoire : mais il ne revient pas au pre-
mier moment, a l'innocence ; il a perdu l'in-
stinct spontané du bien; il ne peut suivre la
bonne voie qu'en réagissant contre sa propre
nature; il doit mourir à lui-même s'il veut
renaître à Dieu.
Mais ce mal, produit possible du libre ar-
bitre, ce contraire de Dieu, quel est-il? N'est-ce
qu'une borne, une limite, la limite nécessaire
du fini, comme le veut le panthéisme? Est-ce
une essence, un principe éternel, comme l'en-
tend le dualisme manichéen? Comment la
possibilité du mal peut-elle se concilier avec
l'existence d'un être infini? En quelle façon
l'homme libre peut-il vouloir contre Dieu?
Baader repousse également et cette conception
négative du mal qui en fait une simple limite,
et cette conception trop positive qui en fait
une sorte d'anti-dieu. Le mal, dit-il, ne dérive
ni de la nature même du fini, ni d'un principe
éternel et nécessaire. Il a sa source dans la
libre volonté de l'homme ; en ce sens, il est
très-positif; mais il ne peut sortir du sujet; il
aspire en vain à se réaliser, à se donner l'exis-
tence objective j sa révolte n'est qu'une illu-
sion qu'il se fait a lui-même; toujours, partout
il accomplit des lois divines ; de quelque côté
qu'il se tourne, il rentre dans lunité, dans
1 harmonie, dans le plan providentiel. L'homme
n'échappe pas , en réalité , à la volonté de
Dieu - il choisit entre deux manières de l'ac-
complir, entre deux obéissances ; mais il obéit
toujours : fata volentem ducunt, nolentem tra-
hunt. Grâce à cette théorie du mal, la philo-
sophie de l'histoire devient possible en dehors
du fatalisme, parce que si la volonté del'homme
ne peut être connue que par l'expérience, cello
de Dieu peut être prévue par la raison.
Baader ne sépare pas l'ordre intellectuel de
l'ordre moral. Le bien et le mal, dit-il, don-
nent à toutes nos facultés une direction diffé-
rente. La volonté a sur l'entendement une
décisive influence. Le libre arbitre joue un
grand rote dans les croyances et les opinions.
La première règle pour bien penser, c'est de
commencer par uien vivre.
Nous citerons parmi les ouvrages de Baader .■
Démonstration de la morale par la physique
(1813); De la quadrupliciié de la vie (1810);
BAA
BÂA
BAA
BAA
Principes d'une théorie destinée à donner une
forme et une base à la vie humaine (1820);
De la bénédiction et de la malédiction de la
créature (1826) ) Leçons de la philosophie reli-
gieuse en opposition avec la philosophie irréli-
gieuse dans les temps anciens et modernes
(1857); Leçons sur la dogmatique spéculative
(1828-1830)'; De la révolution du droit positif
(1832) ; Idée chrétienne de l'immortalité en
opposition avec les doctrines non chrétiennes
(1836) ; Leçons sur une théorie future du sacri-
fice et du culte (1836).
BAAKE (Ferdinand-Gottfried) , pianiste et
compositeur, né le l_5 avril 1800 a Hendeleer,
près de Haiberstadt. Il a eu pour maîtres
de piano et de composition Humraet et
Pr. Schneider. Après avoir rempli les fonctions
d'organiste a Haiberstadt , Wolfenbûttel et
Mulnausen, il abandonna la pratique de l'or-
gue pour diriger, à Haiberstadt, la société de
chant.
Le fait le plus saillant de sa carrière musi-
cale est une polémique acerbe contre M.Wilke,
sur l'art de la construction des orgues.
Les œuvres de Baake se composent de di-
vers morceaux pour piano et pour orgue, et
de chants à une et plusieurs voix.
JMAK-HATT1GH (Jean), peintre flamand du
xvnc siècle. Il peignit le paysage dans la ma-
nière pittoresque de Pœleriburg. Ses œuvres
sont rares et estimées.
BAAL, roi de Tyr, mort l'an 592 av. J.-C. Il
fut renversé par Nabuchodonosor, qui asservit
pour quelques années Tyr au joug des Assy-
rien^.
BAAL, BEL ou BELUS, grande divinité des
Phéniciens, des Babyloniens et des Carthagi-
nois. La forme Baal est la plus usitée chez
les Phéniciens , les Carthaginois et les Hé-
breux. Ce mot a le sens général de maitre ou
seigneur. On sacrifiait à Baal des taureaux, et
même quelquefois de petits enfants, comme à
Molochj les prêtres exécutaient autour de l'au-
tel des danses sacrées, et se mutilaient avec
des couteaux. En outre, Baal était encore
adoré sous d'autres noms ou surnoms : par les
Sichémites, sous celui de Baal-Beritfi , sei-
gneur de l'alliance, parce que cette idole pré-
sidait aux traités et aux alliances ; suivant
d'autres, parce qu'une idole de Baal était éri-
gée dans une ville de la tribu d'Ephraïm, nom-
mée Bertth ; par les Philistins, sous le nom
de Baal-Zeboub ou Seboub, le seigneur, le
maitre des mouches, parce qu'on attribuait à
cette divinité le pouvoir d'écarter des hommes
«t des animaux ce fléau si terrible en Orient ;
d'autres ont traduit cette expression , mais
avec moins de vraisemblance, par le seigneur
du monde inférieur ; chez les Moabites et les
Madianites, sous le nom de Baal-Péor ou Phé-
gor, dont on a fait Belphégor. Cette qualifi-
cation vient de ce que cette divinité était
adorée sur le mont Phégor ; le dieu y était
représenté sous une figure obscène, semblable
au Priape des Latins. De savants rabbins
donnent au mot Belphégor le sens de faire ses
ordures devant quelqu'un. Les femmes et
les jeunes filles se prostituaient en présence
du dieu , comme celles de Babylone devant
Mylitte.Chez les Egyptiens, cettedivinité por-
tait le nom de Baal-Tsephon,ledie«senii7!e//e;
l'idole était placée sur les frontières de l'E-
gypte, vers la mer Rouge ; les magiciens
avaient ordonné à Pharaon de la mettre dans
ce lieu comme un talisman propre à arrêter
les Hébreux et à les empêcher de fuir. L'idole
avait la forme d'un chien, et, suivant les
croyances populaires , elle aboyait lorsque
quelque Juif passait en cet endroit pour s'en-
fuir.
Ces différents noms montrent que cette di-
vinité multiple n'était au fond que la manifes-
tation d'une même idée, d'un même principe
considéré comme agissant de diverses maniè-
res. On peut la considérer comme l'emblème
de la puissance génératrice mâle de l'univers,
tandis qu'Astarta était la puissance généra-
trice femelle; et la nature de cette idole expli-
que parfaitement les excès libidineux auxquels
se livraient ses adorateurs.
Nous bornons ici l'énumération des sur-
noms donnés au dieu Baal, et nous ajouterons,
avec V Encyclopédie moderne : « Sous quelque
point de vue qu'on envisage ces surnoms, de
quelque manière qu'on les explique, il est pro-
bable qu'ils désignaient presque toujours des
qualités, formes ou personnifications du dieu,
variées selon les lieux ou les cultes; mais, au
fond, se rapportant à une seule divinité dont
l'essence comprenait toutes choses ; car il en
fut ainsi des religions de l'antiquité. La popu-
lace ignorante matérialise son culte et fait de
ses passions et de ses vices autant de divini-
tés; mais, tandis qu'elle se livre à la pratique
de ses grossières superstitions et multiplie les
dieux selon ses caprices, le sage seul, répu-
diant le culte des sens, s'élève par la pensée
jusqu'à la conception d'un dieu unique, maître
du soleil et ordonnateur de l'univers. «
Chez les Tyriens, Haal était adoré comme
un dieu national, et le mot Baal entrait dans
la composition de beaucoup de noms propres :
Abi-Baal, père de Baal; Ithobaal, Baal avec
lui; Jérombal ou Jèrobaal, le peuple de
Baal, etc. Considéré comme dieu protecteur
de la patrie, Baal portait le surnom spécial de
Melkarth, qui se modifiait en Melek-Qarth,
roi de la ville, ainsi qu'on le voit dans une
des inscriptions trouvées à Malte, et dont la
première ligne commence par ces mots : Laa-
donènou, lemelikereth, tsor, c'est-à-dire à no-
tre seigneur, à Melkarth , protecteur de la
ville de Tyr. La traduction grecque qui se
trouve en regard met Hèraklei Archégetei.
L'identité de Melkarth et de l'Hercule tyrien
est donc hors de doute. En outre, Melkarth et
Baal ne sont qu'un seul et même dieu. Voici
ce qu'on lit dans un fragment de Sanchonia-
ton : « On adorait ce dieu (le Soleil) comme le
maître unique des cieux, et on le nommait
Beelsamèn (Baal-Samim ou Schamaïm , le
maître des cieux). »
On a voulu voir aussi dans Baal la planète
de Jupiter, qui, dans l'astrologie, jouit des
mêmes propriétés que le dieu tyrien, et est
toujours jointe à la planète de Vénus, qui cor-
respond a Astarté. Astoreth ou Astarté vient,
en effet, du mot persan starah, asiara, étoile.
V. Astarté.
Le culte de Baal était très-populaire à Car-
thage, et le mot Baal entre dans la composi-
tion de beaucoup de noms propres carthagi-
nois : Hannibal , grâce de Baal ; Asdrubal,
aide de Baal; Maherbal, empressé pour Baal;
Adherbal, héros de Baal, etc.
Cette divinité a joué un rôle tellement im-
portant dans les cosmogonies primitives, que
nous n'hésitons pas, au risque de quelques ré-
pétitions, à reproduire ici en son entter une
notice du plus haut intérêt, écrite sur cette
idole par Jean Reynaud en 1854, et publiée,
par l'éditeur Fume, dans les Etudes religieu-
ses et philosophiques du célèbre penseur :
« Baal est la divinité principale de ces peu-
ples de la langue sémitique au sein desquels a
couvé, d'une manière qu'il faut dire si mer-
veilleuse, si l'on ne veut pas la nommer pro-
videntielle, le peuple de Jéhovah et de Jésus.
Il n'en est pas du baalisme comme des autres
religions de l'Orient, le brahmanisme, le boud-
dhisme, le mazdéisme, le judaïsme,1jui sub-
sistent encore et présentent à l'histoire d'an-
ciennes écritures. Celle-ci, malgré son étendue
d'autrefois, est absolument éteinte, et à peine
en démêle-t-on une trace lointaine dans le sa-
béisme. Tout le monde conçoit cependant
combien il y a d'intérêt à posséder au moins
un aperçu du milieu dans lequel la véritable
idée de Dieu s'est développée et dont elle s'est
dégagée en s'élevant de progrès en progrès
jusqu à la forme chrétienne. Il ne faut donc
pas craindre de recueillir minutieusement, sur
ce terrain, les moindres écrits des auteurs hé-
breux, grecs et latins, afin de combler autant
que possible cette regrettable lacune. Quand
les généralités font défaut, il n'y a d'autres
ressources que la multitude des particularités ;
à force de les entasser les unes sur les autres,
l'érudition réussit souvent à faire jaillir de
leurs interstices une lueur.
» Les dieux que trouvent les Juifs, à leur
arrivée dans le Chanaan, et auxquels ils com-
mencent par se soumettre, sont Baal et As-
tarté. « Il suivirent les dieux étrangers, dit le
» livre des Juges, les dieux des peuples qui
» habitaient autour d'eux ; et ils excitèrent la
» colère de Dieu, le délaissant, et servant
» Baal et Astarté. » Le livre des Rois donne
le même témoignage, car l'action de Samuel
consiste à détacher le peuple juif de ces
mêmes dieux. « Si vous revenez au Seigneur
» de tout votre cœur, enlevez du milieu de
» vous les dieux étrangers , Baal et As-
« tarte, etc. »
» Les noms de villes formés avec le radical
Baal offrent une autre marque du règne de
Baal dans le Chanaan. Ainsi, la ville de Baa-
lath, dans la tribu de Dan ; la ville de Baalath-
Beer, à la frontière de la tribu de Siméon;
Baal-Gad, dans le Liban, limite de l'invasion
de Josué; Boal-Azor, dans la tribu de Benja-
min ou d Ephraîm, lieu de retraite d'Absalon ;
Baal-Hermon , au pied de l'Hermon ; Baal-
Maon, dans la tribu de Ruben; Baal-Phara-
sim, dans la tribu de Juda; Baal-Thamar ,
dans la tribu de Benjamin, lieu de la défaite
des Benjamites. Chez les Hébreux eux-mêmes,
on rencontre des exemples du nom de Baal,
pris comme nom personnel : ainsi Baal, fils de
Joël ; Baal, fils d'Abigabaon ; Esbaal, fils de
Saill ; Méribaal, fils de Jonathan ; un des héros
d'Israël, Gédéon, porte même le nom de Jèro-
baal ; il est vrai que ce nom est interprété,
par le livre des Juges, comme signifiant vain-
queur de Baal. Ce serait alors le détourne-
ment ironique d'un des noms sacrés de la
divinité phénicienne, qui est écrit, sur les mé-
dailles,,/ r b h l, et qui se lit, sur une inscrip-
tion de Palmyre, sous la forme grecque iari-
bolos. Movers traduit par « Baal vainqueur. »
m Puisque la Phénicie n'était que la lisière
maritime et, en quelque sorte, qu'une dépen-
dance de Chanaan, il n'est pas étonnant d'y
retrouver le nom de Baal ; c'est là qu'il règne
par excellence. On le retrouve sur les mé-
dailles phéniciennes, sous la même forme que
dans les écritures juives.
» C'est une Phénicienne, femme d'Achab, roi
d'Israël, qui raviva dans ce royaume le culte
de Baal, avec une énergie fatale à sa cou-
ronne, et qui a consacré Te nom de Jézabel.
» Par leur navigation, les Phéniciens portè-
rent au loin le nom de Baal. On le retrouve
parmi les inscriptions de Malte, parmi celles
de Numidie ; on le retrouve surtout à Car?
thage. Baal était le dieu de Carthage, comaie
il était le dieu de Tyr. ■ Il se nomme Baal,
» dit saint Augustin, ce qui est le nom de Ju-
• piter parmi les nations de ces contrées, car
» les Carthaginois, en disant Baal, désignent
« le Seigneur, d'où vient que, par Baal-Sa-
» men, il entendent le Seigneur du ciel, car,
» chez eux , les cieux se nomment samen. ■
Ce nom de Balsamen se retrouve même dans
Plaute et dans Sanchoniaton, qui lui attri-
buent le même sens chez les Phéniciens sous
la forme de Beel-Samen.
» De même que chez les Juifs, le radical
Baal figure aussi dans les noms propres phé-
niciens : Rhobal , A'gbal , dans Hérodote ;
Eknibal, Merbal, dans Josèphe. Chez les Car-
thaginois , les noms d' Asdrubal , de Makar-
bal , à' Adherbal, A'Annibal, sont dans tous'
les souvenirs.
» On sait que Baal était également adoré en
Syrie. « Les Phéniciens et les Syriens , dit
» Photius, surnomment Kronos Et, Bel et
» Bobates. ■ Mais c'est surtout à Babylone
qu'était l'éclat de son règne. Son nom s'est
gravé dans celui de cette capitale fameuse
(Ba'-Bel). Il y avait un temple qui, par ses di-
mensions et sa magnificence, dépassait toutes
les autres constructions religieuses de l'anti-
quité, et dont la renommée a fait une des mer-
veilles du monde. Nonobstant quelque légère
différence dans le caractère et les attributs,
on ne peut douter qu'à Tyr et à Babylone ce
dieu ne fût essentiellement le même. Il appar-
tenait certainement à la souche commune
d'où étaient sortis les deux rameaux, celui du
littoral et celui de l'intérieur. En chaldéen, le
nom était identique, et, en hébreu, le nom du
dieu de Babylone ne se distinguait de celui de
la Phénicie que par un simple adoucissement
dans les voyelles : Beel au lieu de Baal. En
résumé, sauf Jéhovah, de la Méditerranée au
golfe Persique, il n'y avait d'autre dieu su-
prême que Baal. Mais quelle était la significa-
tion de ce mot? Saint Augustin nous le dit :
Baal signifiait le Seigneur, Dominus. Sancho-
niaton dit de même : le Seigneur, Kurios.
Ce nom, pris dans sa simplicité, a donc un
caractère général \ c'est le seigneur, c'est le
maitre, c'est le Dieu. Mais s'agit-il du Dieu
créateur ou du Dieu animateur? du Dieu
extérieur à la nature ou du Dieu enveloppé
dans la nature? du Dieu du spiritualisme ou
du Dieu du panthéisme 1 1l suffit de poser cette
question pour la résoudre. Baal représentait
le principe actif de la nature : c'était le Dieu
mâle. Dans la multiplicité des règnes que
notre esprit conçoit au sein du système du
monde, et qui, confondus à l'origine de la
pensée humaine dans une vague unité, en-
gendrent enfin, par l'excès de leur indépen-
dance, le polythéisme, qui voit dans chacun
d'eux un dieu distinct, l'universel Baal devait
se faire partout sentir. La nature tout entière
n'était que son incarnation. Il représentait ce
moment du développement de l'idée religieuse,
où la notion primitive, faute d'avoir su s élever
dans UDe région à part de l'univers, s'y ense-
velit et se prépare à s'y dissoudre en s'y dé-
composant en éléments où l'esprit égaré cher-
che en vain le sublime et ne trouve que le
matériel.
» Aussi ne faut-il pas s'étonner que les
Grecs et les Romains, qui ne connaissaient
que des dieux particuliers , c'est-à-dire des
dieux sans infini, aient eu tant de peine à dé-
terminer le caractère de Baal. Baal, pas plus
que Jéhovah, ne répondait à aucune des pré-
tendues divinités de leur Panthéon, ou plutôt
il les enveloppait toutes ensemble ; c'était le
polythéisme dans son œuf ; de là, le singulier
désaccord de leurs auteurs à son sujet. Il n'y
a presque aucune de ces divinités, à part,
bien entendu , les divinités féminines, aux-
quelles il n'ait été identifié tour à tour. Comme
Protêe, il prenait toutes les formes, ou, mieux
encore, semblable à ces idoles de l'Inde à plu-
sieurs faces, on lui voyait alternativement la
figure de Saturne, de Jupiter, d'Apollon, de
Mars, d'Hercule, suivant le côté par où on le
regardait.
» Saint Jérôme l'identifie avec le Saturne
des Latins : « Bel , que ' les Grecs appellent
» Belus et les Latins Saturne.' Servius dit
à peu près la même chose : « Chez les As-
» syriens, Bel, par rapport aux choses sa-
« crées, est dit à la fois Saturne et le Soleil. »
Diodore de Sicile témoigne aussi en faveur
de ce rapprochement r ■ Celui qui est nommé
• Saturne chez les Grecs, prédisant les choses
» les plus nombreuses et les plus grandes, ils
» le nomment Hélios. • Ce même Diodore ,
dans un autre passage, identifie au contraire
Baal avec Jupiter. « Jupiter, que les Babylo-
■ niens appellent Belus. » Hérodote fait de
même : « Consacré à Jupiter Belus , » dit-il,
en parlant du temple de Baal, et, ailleurs :
« La grande statue de Jupiter, ■ en parlant
de celle de Baal. A Tyr, dans la ville insu-
laire, selon Josèphe, était un temple dédié à
Jupiter. Jupiter (on Zeus) étant le dieu su-
périeur des Grecs et des Latins, cette assimi-
lation était, pour ainsi dire, inévitable. Son
exactitude rigoureuse a été soutenue, dans
ces derniers temps, avec une grande force
d'érudition, par Gesenius. Il s'est appuyé
principalement sur ce que les monuments au
sabéisme nous montrent la planète de Jupiter
comme le premier des astres bienfaisants et
sous le nom de Et, dont on ne peut nier l'ana-
logie avec celui de Bel. Mais les monuments
en question sont beaucoup trop modernes,
S comparativement aux temps lointains de Ba-
' bylone, pour qu'on en puisse tirer des conclu-
sions rigoureusement historiques. C'est d'ail-
leurs une invention tellement raffinée de
prendre une planète, fût-elle la plus brillante
de la nuit, pour en faire la divinité suprême
au détriment du Soleil, qui apparaît si bien
comme le roi du ciel, qu'on ne saurait y voir
le cachet de la simplicité antique.
» Aussi, l'analogie de Baal avec le Soleil s'é-
tait-elle présentée à l'esprit des Grecs, comme
nous venons de l'indiquer suffisamment par
les citations de Servius et de Diodore, et elle
pourrait assurément se soutenir avec autant
de raison que l'assimilation avec Jupiter. Le
Mithra des Perses, auquel s'est si facilement
uni le Bel des Babyloniens, s'identifie d'autre
part très-régulièrement avec le Soleil, et l'on
peut ajouter que le nom A'Hêlios, donné au
Soleil chez les Grecs, n'est pas plus éloigné
de celui de Beel, que le nom de El donné a la
planète Jupiter par les Arabes, puisque Hel et
Hèlios ne sont qu'un. Mais ce qui empêche ce
rapprochement, qui est peut-être le plus sé-
duisant, c'est que, chez les Juifs, on distin-
guait 1 adoration de Baal de l'adoration du
Soleil, et cette raison est si forte qu'elle sem-
ble pouvoir dispenser de toutes les autres.
« Josias, dit le livre des Rois, détruisit ceux
» qui brûlaient de l'encens à Baal, au Soleil, à
» la Lune, aux douze, signes et à toute la milice
» du ciel; » ce qui n'est pas dire que le Soleil
n'était pas Baal sous certaine forme, mais ce
qui dit que tout Baal ne se contenait pas dans
cette figure.
» En même temps que le Baal des Babylo-
niens paraissait incliner de préférence, aux
yeux des Grecs, vers Jupiter, c'est surtout
d'Hercule que paraissait se -rapprocher, pour
eux, celui de Tyr. On trouve dans leurs au-
teurs une multitude de témoignages qui rap-
portent à Hercule le culte que rendaient les
Phéniciens à l'antique protecteur de leur ré-
publique, sous le nom de Melkarth, « le roi de
la cité. • Hérodote dit que Tyr est une ville
consacrée à Hercule. Arrien affirme que l'Her-
cule des Ibères est le même que celui des Ty-
riens. Quinte-Curce nous apprend qu'Alexandre
engagea la guerre avec Tyr au sujet d'Her-
cule, • qui est, dit-il, la' première des divinités
» adorées à Tyr. • Enfin , Cicéron , dans son
Traité de la nature des dieux, marque bien
la confusion de cette mythologie , toujours
prête à se perdre dans ces êtres si mal définis
et si disposés à rentrer les uns dans les au-
tres : « Le quatrième Hercule, dit-il, fils de
» Jupiter et d'Astérie, sœur de Latone, parti-
» culièrement adoré à Tyr, dont on dit que
■ Carthage est fille ; le cinquième dans l'Inde,
» nommé Bélus. » Ce qui paraît certain, c'est
que les Tyriens, dans leur décadence, avaient
nni par accepter cette dégénérescence de
Baal , fondée sans doute sur de faux sem-
blants que nous ne connaissons plus, et qu'ils
représentaient cet antique protecteur de leur
nationalité avec les attributs ordinaires d'Her-
cule, la masse et la peau de lion.
» Quant à Mars, la chose a peu de valeur,
et, sans y insister, je rapporterai seulement
cette citation de Macrobe : « Hercule et Mars,
• dit- il dans les Saturnales, ne sont qu'un,
» car, selon l'opinion des Chaldéens, ils sont
» tous deux une même étoile. »
■ La même raison qui portait les Grecs à
voir Baal tantôt sous une figure, tantôt sous
une autre, devait porter ceux qui suivaient son
culte à lui donner divers noms. L'absolu dans
la dénomination de l'Etre suprême ne se con-
çoit que chez ceux qui ont la force de l'adorer
dans l'absolu. Autrement, cette puissance,
étant prise sans ses manifestations, se diver-
sifie comme elles, et les termes qui la repré-
sentent à l'esprit doivent tendre à se diversi-
fier également. Le substantif absolu y subsiste
donc, mais seulement comme fond, et l'adjec-
tif s'y unit pour le modifier conformément aux
relations avec le monde sensible : que l'ad-
jectif prenne le dessus, et le polythéisme' est
fondé. Le culte de Baal, dans la fécondité de
son développement, avait dû enfanter une
multitude de dénominations de ce genre. Mal-
heureusement, les livres juifs, qui sont à peu
près notre seule ressource à cet égard , n'ayant
jamais traité de Baal que d'une manière inci-
dente, ne contiennent qu'un très-petit nombre
de ces noms particuliers ; mais ils nous les li-
vrent en quelque sorte tous ensemble dans ce
pluriel Baalim, les Baal, qu'ils emploient
quelquefois.
» Le livre des Nombres mentionne le culte
du dieu Baal-Phéor chez les Moabites ; c'é-
tait un culte voluptueux, dans lequel les filles,
suivant une des plus abominables coutumes
de l'antiquité orientale, se livraient à une
sorte de prostitution sacrée. • Le peuple se ■
» prostitua avec les filles de Baal, et elles l'in-
■ vitèrent à leurs sacrifices (à leurs orgies), et
• il mangea et il adora leurs dieux, et Israël
» adhéra à Baal-Phéor. » C'est pour la répres-
sion de ce culte que Moîse aurait fait tuer
vingt - quatre mille hommes. Quant à la si-
gnification de Phéor; les uns ont voulu tout
simplement la déduire de la montagne de
Phéor, où se célébraient, chez les Moabites,
ces rites orgiaques ; mais il y a plus d'appa-
rence à ce que la montagne ait été dénommée
d'après le culte, que le culte d'après la monta-
gne. Aussi, l'opinion des rabbins, qui prennent
l'étymologie de Phéor dans le radical phr, ou-
vrir, en raison de l'action de ce dieu sur la
virginité , me paraît-elle tout à fait accep-
table.
» Le livre des Juges, dans l'histoire d'Abi-
melech, parle d'un temple de Baal-Berith, si-
tué à Sichem. Sur l'interprétation de ce mot,
4 BAA
il so présente une difficulté du même genre
que pour le précédent. 11 s'agit do savoir si
Bcrith a un sens spécial^ ou si c'est simple-
ment le nom d'une ville ou ce Baal aurait été
particulièrement honoré. Il existe effective-
ment, en Phénicie, une ville de Bcrytus (Bey-
routh), maïs son radical serait brvthet non
b r j t h, comme celui de l'adjectif joint au
nom de Baal. De plus, si un temple à Baal-
Berith peut se comprendre dans la ville de
Berytus, rien n'expliquerait sa présence dans
celle de Sichem. C'est pourquoi l'on ne doit
pas craindre de prendre tout simplement le
mot de Berith dans son sens propre , celui
d'alliance, de serment. Baal-Berith serait donc
le Baal des serments, un Zeus-Orkios , un
Deus Fidius, et assurément, chez un peuple
commerçant comme les Phéniciens, une telle
divinité se trouve à sa place. Movers, tout en
adoptant ce mode d'interprétation, l'a cepen-
dant appliqué d'une manière différente ; c est-
à-dire qu'il voit, dans Baal-Berith, le Dieu en
tant que l'homme contracte alliance avec lui,
à peu près comme Jéhovah, qui était aussi,
pour Israël, le Dieu de l'alliance.
• Les auteurs grecs et latins nous font con-
naître le nom de Baal-Samen, que j'ai déjà eu
occasion de mentionner, et qui n'offre aucune
difficulté, d'après le commentaire de Saneho-
niaton et de saint Augustin ; c'est Baal con-
sidéré dans sa qualité de maître du ciel.
■ Le livre des Rois mentionne Baal-Zebubh,
divinité des Philistins, qu'Ochosias, roi d'Is-
raël, envoie consulter dans le temple d'Acea-
ron. Or, zebubh. \eut dire mouche; Baal-
Zebubh signifie donc le Baal des mouches. Si l'on
considère que, dans les pays méridionaux, ces
animaux, en y comprenant, bien entendu, tous
les insectes ailés , constituent un véritable
fiéau ; qu'en l'évaluant au moyen du produit du
mal par le chiffre de sa fréquence, on le trou-
verait au moins égal au fléau des carnassiers
dont la mythologie grecque faisait honneur à
Hercule d'avoir délivré l'Occident ; qu'enfin
l'imagination des Hébreux n'avait pas cru au-
dessous des proportions de la colère de Jého-
vah d'en faire une des plaies de l'Egypte, on
ne s'étonnera pas que les habitants du littoral
aient pu adorer Baal en sa qualité de souve-
rain de ces multitudes malfaisantes. On peut
même l'admettre d'autant plus facilement, que
les Grecs avaient donné à Jupiter un sur-
nom semblable. Pausanias et Pline nous ap-
prennent que , sur l'Olympe , on offrait des
sacrifices a Jupiter Apomuios ( chasseur de
mouches), ou lauiagros (preneur de mouches),
et que le pays se trouvait délivré par là de
ces animaux, dont le naturaliste romain dit si
bien, à cette occasion, « qu'il n'existe aucun
» animai moins docile et d'une moindre intelli-
» gence. » Solin rapporte une fable à peu près
semblable, touchant un temple d'Hercule, et
Clément d Alexandrie dit, dans les Stromates,
que • les Eléens sacrifiaient à Jupiter Apo-
» muios, et les Romains à Hercule Apomuios.*
Malgré l'appui de ces analogies, on a prétendu
donner à Baal-Zebubh un tout autre sens ; un
érudit allemand a voulu y voir Baal adoré par
lus Philistins sous forme de mouche, c'est-à-
dire de ce célèbre scarabée ateuchus, qui sym-
bolisait, pour les Egyptiens, le dieu de l'u-
nivers. Mais cette conjecture , de laquelle
résulterait un lien si invraisemblable entre
Baal et l'Egypte, parait plus ingénieuse que
fondée.
> Ce Baal-Zebubh était demeuré fameux
chez les Juifs, car lorsque, la doctrine des an-
ges s'étant implantée chez eux, ils en vinrent
à faire des démons de ce qu'ils ne regardaient
autrefois que comme de vaines idoles de bois
ou de métal, ils attribuèrent à cette divinité
un rang de premier ordre dans les légions de
Satan. On ne peut, en effet, conserver aucun
doute sur l'identité du Beelzeboub des Evan-
giles, et du Baal-Zebubh du livre des Rois :
c'est une transformation analogue à celle de
Baal-Phéor en Belphégor. Au dire des trois
premiers Evangiles, les Pharisiens accusaient
Jésus de ne guérir les possédés que par l'entre-
mise de Beelzeboub, prince des démons. » Il
» possède Beelzeboub, s'écrientles scribes dans
» saint Marc, et il chasse les démons parl'entre-
» mise du prince des démons. » On voit toute-
fois,par la réponse qui est mise dans la bouche
de Jésus, que l'on regardait ce Beelzeboub
comme inférieur à Satan. ■ Si Satan se divise,
» comment subsistera son royaume? » Ce grand
nom de Baal était tombé jusqu'à u'étre plus
qu'un sobriquet : « Si l'on appelle Beelzeboub
* le père de famille, dit Jésus dans saint Mat-
» thieu, que dira-t-on de ses serviteurs ? » Il
y a plus : on en avait tiré, par une légère alté-
ration, un jeu de mots des plus injurieux. Cer-
tains .manuscrits, au lieu de Beelzeboub, por-
tent, en effet, Beelzeboul, c'est-à-dire seigneur
de l'excrément. Si on admettait pour Baul-
zeboub le symbole du scarabée ateuchus, rien
ne serait plus strictement mérité qu'une telle
qualification ; mais, pour inspirer une plaisan-
terie si méprisante, c'était bien assez de l'idée
que l'on avait alors de Baal, car elle peignait
bien te dégoût que devait causer, à des gens
si méticuleux sur le culte de la pureté, le chef
des esprits que l'on considérait comme le type
d:j l'impureté.
» Les Hébreux, en venant se heurter k
Baal, dans le Chanaan, l'y trouvent dans une
étroite association avec une autre divinité,
que leurs livres nomment Haschethoreth, et
dont les monnaies phéniciennes conservent
témoignage sous le radical hschthrth. Pendant
BAA
toute la période des Juges , l'adoration des
deux divinités est simultanée. Comme Baal'
était la plus haute divinité masculine des Ty-
riens, des Carthaginois et des Syriens, Has-
chethoreth était leur plus haute divinité fémi-
nine : « Astarté la très-grande , • porte un
fragment de Sanchoniaton. Son nom figurait
d'ailleurs, comme celui de Baal, dans les noms
Èropres, chez les Phéniciens: Abdastartus,
abeostartus, etc.
» Cette divinité était parfaitement connue
des Grecs et des Romains sous le nom d'As-
tarté ; mais ils n'étaient pas moins embarras-
sés, pour sa définition, qu'au sujet de Baal.
Son union avec Baal les portait naturellement
à l'identifier avec Junon, comme celui-ci avec
Jupiter ; c'est ce que disait saint Augustin :
« Junon, sans aucun doute, est nommée par
» ceux-ci Astarté, et comme ces langues (la
» carthaginoise et la phénicienne) ne diffèrent
» pas beaucoup l'une de l'autre, on croit avec
» raison que l'Ecriture dit des fils d'Israël
• qu'ils servirent les Baal et les Astarté, parce
» qu'ils servirent les Jupiter et les Junon. »
» D'autre part, son culte, célébré dans cer-
taines circonstances avec des rites voluptueux
comme celui de Baal-Phéor, avait porté un
grand nombre d'écrivains à S'assimiler à Vé-
nus. « La quatrième Vénus, dit Cicéron, con-
» çue à Tyr et en Syrie, qui est nommée As-
» tarte, et que l'on dit s'être unie à Adonis. »
Eusèbe confirme cette opinion : « Les Phéni-
' ciens disent qu'Astarté est Aphrodite. ■
» Enfin, sous d'autres aspects, Astarté était
une divinité vierge, une Diane sévère. Ter-
tullien la nomme Virgo cœlestis; saint Augus-
tin, Virginale numen; ce serait elle que Jéré-
mie mentionne sous le nom de Reine du ciel,
et, ce qui n'est pas moins décisif, on la voit
représentée, sur les médailles phéniciennes,
avec le croissant lunaire. Inséparable de Baal,
si Baal était Jupiter, elle devenait Junon; si
Baal était le Soleil, elle devenait la Lune j si
Baal était orgiaque, elle l'était ; et si Baal de-
venait pur, elle le devenait aussi. En un mot,
si Baal symbolisait le principe actif de l'uni-
vers, elle en symbolisait le principe passif; et
voilà pourquoi ils se trouvaient toujours asso-
ciés, au moins en principe, car leurs cultes
étant divers étaient par là même indépen-
dants. A Byblos, on les Voyait tellement unis,
3|ue la déesse y était adorée sous le nom de
iaaltis (la Baal). Peut-être même est-ce par
cette tendance de Baal à se rapprocher du se-
cond principe jusqu'à ne plus s'en différen-
cier, et à se féminiser lui-même, qu'il convient
d'expliquer l'emploi de Baal au féminin, qui
se rencontre dans l'épître de saint Paul aux
Romains, et dans plusieurs passages de la
traduction des Septante. Ce qui est certain,
c'est que, de la nature de Baal, la nature
d'Astarté peut se conclure directement , et
qu'ainsi l'époux et l'épouse se confirment l'un
1 autre.
» Il est moins facile de déterminer les diffé-
rentes espèces, et, par suite, les divers noms
sous lesquels on adorait Astarté. On ne peut
douter que la déesse, dont le culte uni à celui
de Bel occupait une si grande place à Baby-
lone, et dont Hérodote nous a transmis quel-
ques traits sous le nom de Mylitta, ne fût une
Astarté. L'original du nom grécisé par Héro-
dote se retrouve dans Afoledeth, qui fait en-
fanter. Ainsi que ne le montrent que trop les
coutumes impudiques rapportées par l'histo-
rien, c'était une Astarté vue sous la face vo-
luptueuse et féconde, tandis qu'à Carthage, et
probablement à Tyr, la déesse apparaissait,
de préférence, sous le côté impérieux et sé-
vère. Cette même Mylitta se retrouve, sous
le nom à'Alitta, chez les Arabes, et il n'y a
pas de doute qu'elle ne doive être identifiée
avec VAnaitis des Arméniens et la 7'anaîs ou
YArtemis de la Cappadoce et du Pont, dont
Strabon nous fait connaître les rites obscènes.
D'ailleurs, l'union primitive de cette Tanaïs
avec l'Astarté tyrienne nous est clairement
témoignée par les médailles phéniciennes, où
l'on trouve cette dernière sous les consonnes
( n t .• c'était la même sous un caractère di-
vers.
» Le nom à' Asehera embarrasse davantage :
c'est le nom d'un symbole phénicien que l'on
voit en connexion avec Baal, comme Astarté.
Ce symbole se place sur l'autel même de Baal.
Ainsi, lorsque Gédéon délivre les Hébreux de
la domination des Madianites : « Détruis l'au-
» tel de Baal de ton père, lui dit le Seigneur,
» et coupe l'Aschera qui est sur l'autel. » De
même, dans le royaume d'Israël, « Achab éle-
o va un autel dans le temple de Baal, qu'il
» avait bâti à Samarie, et il y mit l'Aschera. >
Do même encore, quand le culte de Baal s'é-
tablit à Jérusalem, « Manassé éleva des au-
» tels h Baal et fit d'Aschera comme en avait
• fait Achab, roi d'Israël, et il plaça l'Aschera
» qu'il avait faite dans le temple du Seigneur,
» sur lequel le Seigneur a dit a David et à Sa-
» lomon, son fils : Dans ce temple et dans Jé-
» rusalem , que j'ai choisie entre toutes les
• tribus d'Israël, je poserai mon nom pour tou-
» jours. •
> Que faut-il entendre par ce nom d'As-
chera? La Vulgato traduit par lucus (bois sa-
cré); niais c'est une traduction que le texte
suivi de près ne permet pas de soutenir, car
la lettre se rapporte à un objet placé sur l'au-
tel, et non pas à une plantation faite dans le
voisinage. Seulement, il est vrai, l'Aschera
était de bois, et, sans en chercher d'autres
exemples, il suffit de voir que Gédéon se sert
BAA
de celle de l'autel do Baal pour en faire le feu
de son sacrifice. La version des Septante, con-
firmée k cet égard par la version syriaque et
par celle d'Aquilée et de Symmaque, adopte
un tout autre sens, et, suivant toute appa-
rence, beaucoup plus voisin de la vérité ; elle
rend Aschcra par Astarté. Cependant, il est
incontestable que ces deux noms différents
doivent répondre à deux objets différents,
» Aussi, les uns, tout en admettant cette
identité, ont-ils prétendu qu'Astarté représen-
tait la divinité, tandis que les noms d Asche-
rah, Ascheroth, Ascherim, représentaient tout
simplement l'idole ; mais une telle distinction
entre la divinité et ce qui n'était qu'une ex-
pression figurative de cette même divinité,
paraît trop en dehors des habitudes connues
de l'antiquité pour être plausible. Gesenius a
ouvert une meilleure opinion, en admettant
qu'Aschera était bien Astarté, comme le veu-
lent les Septante, mais Astarté sous l'aspect
de la volupté, et il en déduit, en effet, son
nom, d'une manière assez naturelle, du radi-
cal ascher (heureux). Il est certain, en effet,
que, tandis que le culte d'Astarté est en gé-
néral sévère, celui d'Aschera n'est pas moins
obscène que celui de Mylitta. C'est à lui que
se rapporte, sans aucun doute, le célèbre
commandement du Deutéronome : « Tu n'offri-
■ ras pas le prix de la prostituée, ni le prix
» des prostituées, dans le temple du Seigneur
• ton Dieu. » Aussi, lorsque Josias détruit
l'Aschera du temple de Jérusalem, en chasse-
t-il en même temps les prostituées sacerdota-
les. Movers, dans son Histoire des Phéniciens,
a combattu cette opinion ; selon lui, Asehera
est une divinité syro-phénicienne, liée à la
Mylitta de Babylone , et distincte de l'As-
tarté proprement dite, qui serait une divinité
sidonienne; mais les textes hébreux, desquels
il a prétendu tirer cette distinction, ont géné-
ralement semblé trop peu concluants pour
l'autoriser. D'ailleurs, au point de vue que
nous avons suivi ici , cette opinion tendrait
simplement à faire placer, sous le nom d'As-
chera, les considérations que nous avons rap-
portées à celui d'Astarté. Ce qui a surtout
conduit Movers à cette thèse, c'est le senti-
ment du caractère essentiellement orgiaque
de cette déesse, qui lui a paru trop éloigné de
celui d'Astarté pour s'y lier par une simple mo-
dification. Il adopte une étymologie bien plus
crue , et par là même peut-être plus plausible
que celle de Gesenius : il fait venir Asehera de
aschar (se tenir droit), et il suppose que les ido-
les d'Aschera consistaient tout simplement en
un lingam de bois posé verticalement sur l'au-
tel. Les expressions des textes hébreux, au
sujet de la manière dont on brise ou dont on
établit ces idoles, indiquent, en effet, des ou-
vrages beaucoup moins complexes que de
vraies statues j et ce qui achève de donner
une probabilité tout à fait satisfaisante à l'o-
pinion en question, c'est que l'on sait, par le
témoignage des Grecs , que l'Artémis de
Cappadoce, qui est l'analogue de l'Aschera
phénicienne, portait le nom A'Orthia, à'Ortho-
sia, du radical orthos (droit), qui est justement
celui proposé pour Asehera, et parce qu'elle
était symbolisée sous la figure du lingam. La
nature féminine de la déesse n'était donc pas
un obstacle à l'adoption d'un tel symbole, et
l'on sait d'ailleurs qu'il était usité, non-seule-
ment dans le culte d'Artemis, mais dans celui
de Cybèle, divinité qui représentait également
le principe de la fécondité. Peut-être ce sym-
bole était-il regardé comme ayant l'avantage
de rappeler qu Astarté n'était rien sans Baal,
et de rendre les deux idées inséparables, à ce
point que l'on voit, par les livres hébreux, le
fétiche d'Aschera placé d'ordinaire sur l'autel
de Baal.
» Reste la figure terrible du Moloch phéni-
cien. Dans le lystème d'idées que nous venons
de suivre, ce ne serait encore que Baal, vu,
non plus sous le côté passif, mais sous le côté
privatif. Il est évident que, pour que la divi-
nité du panthéisme soit au complet, il faut à
sa puissance conçue dans ses manifestations
bienfaisantes ajouter sa puissance conçue
dans ses manifestations contraires au bien de
l'homme. Elle porte en elle deux maîtres
égaux, mais opposés, et faisant corps ensem-
ble comme les deux faces d'un monstre. Rien
n'aurait été trop cruel pour se proportionner
à cette figure funeste j et voila sans doute
pourquoi, au lieu de lui sacrifier par le liber-
tinage, comme à Baal, on lui aurait sacrifié
par le sang même des enfants.
» Tel est, à peu près, ce qu'on peut voir au-
jourd'hui de Baal, dissipé, comme il l'est, par
le souffle du temps. Base de la nationalité
des peuples au milieu desquels se trouve im-
médiatement enveloppé le peuple d'Israël ,
après son établissement dans le Chanaan, le
culte de Baal y était revêtu d'un appareil ana-
logue à celui que l'on retrouve plus tard au-
tour de Jéhovah. Il était non-seulement des-
servi par un corps sacerdotal, comme celui
que l'on voit se constituer à Jérusalem sous
les Rois, et dans des temples tellement sem-
blables à celui de Salomon, que ce dernier
avait été construit par des architectes de Baal,
et se prêtait indifféremment à l'un des cultes
uu à 1 autre; mais, ce qui est plus caractéristi-
que encore, il se soutenait par un corps de
prophètes. Ces prophètes, attachés à la per-
sonne du roi et nourris de sa table, se met-
taient en prières devant le Seigneur, dans les
occasions importantes, pour apprendre de lui
l'avenir et transmettre au peuple ses oracles.
BAA
I Rien ne témoigne mieux do la similitude des
I deux institutions, que les débals entre les pro-
i phètes de Baal et ceux de Jéhovah, dont il est
I question dans le livre des Rois. On peut donc
| conjecturer que ceux-ci, qui ne prennent leur
développement qu'à partir du moment où la
Judée, sous l'influence de Samuel, rejette le
baalisme d'une manière qu'on peut regarder
comme décisive, ne sont devenus un corps
régulier et permanent qu'à l'imitation des pre-
miers. La Judée pouvait bien emprunter, à
cet égard, à ses ennemis, puisque c était pour
tourner ces forces nouvelles dans la direction
opposée.
» On doit même reconnaître que l'influence
de Baal, longtemps si menaçante pour la na-
tionalité d'Israël, a été, en définitive, un auxi-
liaire puissant pour colle-ci, en raison de la
réaction persistante qu'elle devait nécessaire-
ment susciter. Que la contagion ait été fu-
neste h des multitudes d'individus qu'elle a
perdus, peut-être même au royaume de Sa-
marie tout entier, dont elle a pu faciliter la
dispersion, c'est là le côté accidentel et secon-
daire de cette histoire ; le principal, le seul,
par conséquent , qu'il faille considérer au
point de vue de l'histoire universelle, c'est
celui par où cette influence se témoigne ,
comme un instrument de la Providence, pour
attiser, fortifier dans Israël la véritable idéo
de Dieu. Il y a là une action saisissante. La
nation se voit transportée en présence d'un
Dieu universel, et, en apparence, tout-puis-
sant: et conduite par le sentiment de son in-
dividualité et de son passé, amplifié par le
prestige de la poésie, qui lui inspire de vou-
loir un Dieu à elle, qui ne soit pas moins grand
que celui de ses voisins et qui, cependant, no
se confonde point avec lui. elle n'a contre
cette absorption d'autre refuge que Jéhovah,
Ses anciens lui avaient enseigne qu'un Dieu
puissant, maître du ciel, lui était spécialement
affecté et protégeait ses pas : cet enseigne-
ment était bien court. Est-il certain que l'in-
stinct du monothéisme , inné dans la raco
d'Abraham, eût suffi pour empêcher une théo-
logie réduite à des termes si généraux de
prendre son cours vers le gouffre du pan-
théisme, si Baal, l'occupant déjà, ne l'en avait
écartée par sa seule présence, en la rejetant
sur la voie sublime de la théologie des pro-
phètes? En un mot, comme le Dieu de ses
ennemis était dans le monde, la nation, pour
se distinguer, était poussée à prendre le sien
hors du monde; et, dès lors; il allait à l'in-
fini. C'est ainsi que, par un simple effet d'op-
position à la religion baalique, se dégageait le
complément décisif du Dieu d'Abraham , et
triomphait dans le peuple l'esprit de Moïse.
Par ce seul fait de se détourner du faux, on
était amené dans le vrai. Je me figure ici un
enfant élevé loin du soleil, et, placé, au lever
de cet astre, en face d'une grande ville ; ses
yeux sont éblouis des rayons qui jaillissent de
tous les monuments, et l'admiration les rem-
plit en môme temps que la lumière ; qu'il s'i-
magine que les scintillements émanent d'un
immense foyer, situé derrière la ville et rayon-
nant à travers ses ouvertures, voilà le pan-
théisme; qu'il s'imagine qu'il y a autant de
foyers distincts qu'il voit luire de monuments,
voilà le polythéisme; mais qu'un accident
Quelconque 1 oblige tout à coup à se retourner,
il apercevra, précisément à l'opposé de ce
brillant spectacle, le vrai foyer de la lumière,
et c'est devant ce solitaire du ciel qu'il tom-
bera en extase, car il verra dès lors, dans les
splendeurs de la terre, un éclat réfléchi et
non pas un éclat direct, un effet de la puis-
sance et non pas la puissance même. »
Les Israélites introduisirent, à différentes
époques, comme nous l'avons dit, le culte tout
sensuel de cette divinité dans leur religion.
Cette idqjâtrie excitait le juste courroux des
prophètes, qui rivalisaient de zèle et d'indi-
gnation pour la flétrir. Voilà pourquoi le nom
de Baal, qui avait des temples chez les Juifs
au temps d'Athalie, se retrouve si fréquem-
ment dans le chef-d'œuvre de Racine •
D'adorateurs zélés a peine un petit nombre
Ose des premiers temps nous retracer quelque ombra
Le reste pour son Pieu montre un oubli fatal,
Ou même, s'empressant aux autels de Baal,
Se fait initier à ses honteux mystères,
Et blasphème le nom qu'ont invoqué leurs pères.
Alhalic, acte I".
Lasse enfin des horreurs dont j'étais poursuivie,
J'allais prier Baal de veiller sur ma vie.
Racine.
Pontife de Baal, excusez ma faiblesse.
J'entre : le peuple fuit, le sacrifice cesse.
Hacikk.
— Dans le style biblique, Baal est le nom
collectif des dieux des gentils, des faux dieux :
Les adorateurs de Baal.
— Ce nom a également donné lieu aux locu-
tions suivantes , encore fréquemment em-
ployées de nos jours par les écrivains : Cuttu
de Baal, l'idolâtrie; prêtres de Baal, prêtre»
hypocrites , intolérants ou fanatiques : Jean-
Jacques, dont vous me parlexj fait un peu de
tort à la bonne cause : jamats les Pères de
l'Eglise ne se sont contredits autant que lui;
son esprit est faux; cependant il a encore des
appuis. Je lui pardonnerais tous ses torts
envers moi, s'il se mettait à pulvériser par un
bon ouvrage les prêtres de Baal gui le persé-
cutent. J'avoue que sa main n'est pas digne de
soutenir notre arche ; mais
Qu'importe de quel bras Dieu daigne se servir?
VOLTAIRB.
BAÀ
Le préfet^ mieux avisé, instruit d'ailleurs,
guidé par le coadjuteur, les moines, les dé-
votes et les séminaristes, en appuyant son maire
et criant anatkème au prêtre de Baal, a montré
qu'il entendait la. politique du jour. (P,-L.
Cour.) Les hommes des campagnes se révoltent
contre leurs seigneurs, la chaumière incendie
le château, le temple renverse l'église, l'église
renverse le temple à son tour. Entendez-vous
ces cent mille voix qui s'élèvent impétueuses,
violentes et sans frein, proclamant la messe
une comédie, le purgatoire un trafic, l'hostie
un morceau de pain, l'adoration une idolâtrie,
le pape un anteckrist, les théologiens des so-
phistes, les cardinaux et les évêques autant de
prêtres de Baal, les religieuses autant de sau-
terelles sorties dupuits de l'abîme? (J . Janin.)
Il Fille de Baal , Courtisane, par allusion au
culte impur que les femmes de l'Assyrie et de
la Phénicie rendaient a ce dieu : Elle se de-
mandait quels secrets diaboliques possédaient
ces filles de Baal, pour tant charmer les
hommes. (Balz.)
BAALATII ou CARIATH-YARIM, petite ville
de Palestine, dans la tribu de Juda, consacrée
à Baal, idole des Moabites, L'arche sainte y
fut déposée quand on la ramena du pays des
Philistins.
BAALBEK, une des manières d'écrire le
nom de la ville de Balbek. V, ce mot.
BAALE (Henri van), poète dramatique hol-
landais, mort à Dordrecht en 1822. Ses œu-
vres les plus connues sont les tragédies des
Sarrasins et d' Alexandre , représentées avec
succès à Amsterdam, la première en 1809, et
la deuxième en 1816.
BAAL-GAD, petite ville de Palestine, au pied
du mont Hermon, au delà du Jourdain, n Baal-
Haser, ville de Palestine, dans la tribu d'E-
phraîm. n Baal-Phakasim, ville de Palestine,
près de Jérusalem. David y délit les Philistins.
Il Baal-Séphon, nom donné à la ville voisine
de l'endroit où les Israélites passèrent la mer
Rouge.
BAALITE adj. et s. (ba-a-H-te). Hist, relig.
Adorateur de Baal : Les Babyloniens et les
Assyriens étaient baalites,
BAALTIS ou BAAL1S. Myth. syr. Déesse des
Phéniciens, sœur d'Astarté, qui paraît être la
même que Diane ou Vénus.
BAAN ou BAEN (Jean de), peintre hollan-
dais, né à Harlem en 1G33, mort à La Haye
en 1702, Après avoir reçu les premières leçons
de Pirmans , son oncle ( d'autres disent son
cousin), il entra dans l'atelier de Jacob Baeker,
habile peintre de portraits. Celui-ci étant mort
en 1651, Jean de Baan, qui n'avait alors que
dix-huit ans, s'attacha a imiter la manière de
Van-Dyck et acquit bientôt une grande répu-
tation. En 1660, il se rendit à La Haye, ou il
fit les portraits de plusieurs personnages mar-
quants, et passa ensuite en Angleterre, où il
travailla pour Charles II. La faveur dont il
jouit auprès de ce prince lui ayant suscité des
ennemis, il prit le parti de retourner en Hol-
lande et y fit, entre autres portraits, ceux des
frères de Witt. On rapporte que, le jour de
l'assassinat de ces deux, illustres citoyens, la
populace demanda à Jean de Baan de lui livrer
ces portraits ; mais l'artiste réussit à les ca-
cher. Un autre portrait de Corneille de Witt,
qu'il avait peint antérieurement et qui se
trouvait à l'hôtel de ville de Dordrecht, ne put
être préservé ; il fut mis en pièces par la foule.
Jean de Baan était un fier patriote : on as-
sure que le duc de Luxembourg , gouver-
neur d'Utrecht, l'ayant invité à venir peindre
Louis XIV, il répondit par un refus. Il refusa
également la place de premier peintre à la
cour de Frédéric-Guillaume, électeur de Bran-
debourg. Les travaux ne lui manquèrent pas,
d'ailleurs, en Hollande. Les biographes ont
beaucoup parlé des animosités que lui aurait
attirées sa réputation ; on raconte même qu'il
faillit plusieurs fois être assassiné par ses
rivaux. Quoi qu'il en soit, les tableaux qui
nous restent de lui ne justifient guère cette
grande renommée; les portraits de Jean et de
Corneille de Witt, qui sont au musée d'Amster-
dam, et la toile de la même galerie, repré-
sentant les cadavres mutilés des deux frères,
ont une grande valeur historique ; mais, au
point de vue de l'exécution , ils sont assez
insignifiants, de l'avis de M. \V. Bùrger, On
peut en dire autant des portraits de Maurice
de Nassau et de Jean de Witt, que possède le
musée de La Haye. En revanche, le portrait
du prince de Nassau-Ziegen , appartenant au
roi de Prusse, passe pour un chef-d'œuvre.
A Dresde, on remarque un portrait de Jean
de Baan peint par lui-même. Il n'existe pas
d'ouvrages de ce maître dans les musées
français.
BAAN (Jacques de), peintre hollandais, fils du
E recèdent, naquit h La Haye en 1673, De
onne heure il rit des portraits, presque aussi
estimés que ceux de son père. Il suivit Guil-
laume III en Angleterre, où il peignit, entre
autres personnages, le duc de Glocester. Il se
rendit ensuite à Florence, où il fut bien ac-
cueilli par le grand-duc, et de là à Rome, où
il s'appliqua à l'étude des maîtres italiens. A
son retour, il s'arrêta à Vienne, où il mourut
à l'âgo de vingt-sept ans.
BAANA , brigand juif, complice de Réchab
dans le meurtre d'Isboseth, fils de Saûi. David,
à qui les assassins avaient apporté la tète do
leur victime, croyant être récompensés, les
fit périr dans les tourments.
BAB
BAANITE adj. et s. (ba-a-ni-te). Hist.
ecclés. Membre d'une secte manichéenne qui
avait pour chef Baanis. disciple d'Epaphro-
dite, au commencement du ix.e siècle.
BAAR ou BAHAR s. m. (ba-ar). Métr. Poids
en usage dans la Chine et dans les Indes
orientales, dont on se sert pour les épices, le
café, etc., et qui a une valeur très-variable
suivant les pays : à Achem, 192 kilo.; Am-
boine; 270 kilo. ; Banda, 276 kilo. ; Bantam,
179 kilo.; Batavia (le petit baar), 184 kilo. ,
(le grand baar), 276 kilo. ; à Ceylan, 247 kilo.;
en Chine (le grand baar), 272 kilo. , (le petit
baar), 181 kilo.; à Goa, 205 kilo. ; à Madras,
226 kilo.; à Malacca, 117 kilo.; à Moka,
189 kilo. ; à Séringapatam, S20 kilo. ; à Su-
rate, 407 kilo.; à Ternate, 207 kilo. ; à Tra-
vàncore, 180 kilo.
BAAR , paroisse et village de Suisse , au
centre d'un plateau qui s'élève à 448 mètres au-
dessus du niveau de la mer, dans le canton et
à 3 kil. N. de Zug^ 2,250 hab. catholiques.
Commerce d'entrepôt.
B A ARAS s. m. (ba-a-rass). Alchim. Plante
merveilleuse du mont Liban, qu'on disait
croître au printemps aussitôt après la fonte
des neiges. Elle était lumineuse ta nuit, invi-
sible le jour, et les alchimistes prétendaient
qu'elle avait la propriété de transmuer les
métaux en or et de détruire les charmes des
sortilèges. Les Arabes désignent sous le nom
d'herbe d'or une plante qu'ils disent être lo
baaras. Josèphe, dans son Histoire des Juifs,
s'étend sur la vertu de cette plante, qu'il com-
pare à une autre herbe de 1 Arabie employée
pour les évocations.
baardinan s. m. (ba-ar-di-nan). Ichthyol.
Genre de poissons des Indes orientales, qui
porte sous la mâchoire inférieure de très-
longs appendices filiformes.
BAABDT ou BAART (Pierre), poète fla-
mand, né en Frise, vivait dans le xvrre siècle. II
est auteur de divers poEmes en dialecte fri-
son, parmi lesquels on cite particulièrement
l' Agriculture pratique de la Frise, que quelques
enthousiastes ont ridiculement comparé aux
Géorgiques , mais qui, d'ailleurs, n'est pas sans
mérite.
BAAR-EL-CADES, lac de la Turquie d'Asie
(Syrie), à l'O. d'Hems, dans le pachalik de
Damas , d'une longueur de 24 kil. et d'une
largeur de 4 kil, Les eaux de ce lac se jettent
dans l'Oronte.
BAAB-EL-MARDJ], lac de la Turquie d'Asie
(Syrie), pachalik et à 10 kil. E. de Damas.
Environ 10 kil. de circonférence.
BAARGÂU, nom donné à une contrée de
l'Allemagne située dans la partie supérieure
du bassin du Danube (Wurtemberg et grand-
duché de Bade). Les localités principales sont
les villes de Mohringen , Villingsn , Neu-
stadt, etc. On y élève beaucoup de bétail et de
chevaux.
BAARLAND ou BARLAND (Adrien van),
érudit flamand, né en 1488, mort en 1552, à
Louvain , où il professait la rhétorique. Il a
laissé quelques écrits sur diverses questions
de géographie et d'histoire,
BAARPSOR s. m. (ba-ar-psor). Comm, Nom
donné à une nouvelle étoffe de deuil pour
femmes.
BAART (Pierre). V. Baardt.
BAASA, roi d'Israël, usurpa la couronne
après avoir tué Nabad, fils de Jéroboam, et
toute la race de ce prince (942 av. J.-C). Il
lit également mettre à mort le prophète Jéhu,
qui lui reprochait sa cruauté et ses dérègle-
ments, lit la guerre à Asa, roi de Juda, et
mourut vers 920 av. J.-C.
BAAT s. m. (bà-att). Métr. Monnaie d'ar-
gent du royaume de Siam, qui sert en mémo
temps de poids ; elle est de forme carrée et
porte des empreintes assez grossières, qui
ont quelque analogie avec les caractères chi-
nois. Cette monnaie, en raison de sa forme,
est sujette à s'altérer sur les angles et, par
cette raison, ne peut être admise au change
que d'après son poids actuel. Elle est au titre
de 792 millièmes de fin. Elle a cours en Chine
scus le nom de tical. Son poids légal est de
quinze grammes huit centigrammes.
BAAT (Catherine), femme peintre suédoise,
qui se distingua comme artiste, et comme1
écrivain dans le travail suivant : Tables gé-
néalogiques de la noblesse de Suède, rédigées
et peintes par Catherine Baat. Elle y réfute
fort savamment les erreurs de Messenius.
BAAU, déesse de la nuit dans la mythologie
phénicienne.
BAAZ ou BAAZIGS (Jean), prélat suédois,
évêque de Wexio, né en 1581, mort en 1649,
Il est auteur d'une bonne histoire ecclésias-
tique de la Suède, publiée en 1642, sous le
titre de Inventarium ecclesiœ Sueco-Gotho-
rum, etc. Cette histoire, qui s'étend depuis les
anciens temps jusqu'en 1642, n'a été dépassée
que par les travaux de (Ernheim et Celsius.
— Son frère, Benoît, mort en 1650, gouverneur
du château royal de Stockholm, a publié éga-
lement quelques écrits,
BAAZAS s. m. (ba-a-zass). Sorte de guitare
à quatre cordes des sauvages do l'Amérique.
BAB s. m. (babb — mot pers. qui signif.
littéral, père). Myth. parse. Feu , principe
universel; première essence de tout ce qui
existe.
BAB
BAB, mot arabe qui signifie porte, et que
l'on retrouve dans un grand nombre de noms
géographiques. Ce mot s'emploie aussi dans
la langue diplomatique avec le sens de cour,
et a pour synonymes, en turc capou, en persan
der.
BAB, célèbre réformateur persan, né vers
1825 à Schiraz, l'une des cités les plus impor-
tantes de l'islamisme, martyrisé dans la cita-
delle de Tébriz, a peine âgé de trente ans. Son
véritable nom était Mirza-Aly-Mohammed ; il
appartenait à la classe moyenne et avait reçu
une éducation soignée ; mais c'est surtout en
lui-même qu'il devait trouver les germes de la
doctrine nouvelle qui est peut-être appelée a
transformer l'islamisme. Toujours occupé de
pratiques pieuses, d'une grande simplicité de
mœurs, d'une douceur attrayante, il relevait
ces dons par le charme merveilleux de sa
figure et une éloquence douce et pénétrante.
Il ne pouvait ouvrir la bouche, disent tous
ceux qui l'ont connu, sans que ses paroles re-
muassent aussitôt le fond des cœurs. Sa doc-
trine, qui emprunte quelques reflets à la phi-
losophie grecque, est ornée des fleurs imagées
du Paradis des roses : il y a tout à la fois dans
le Bab Platon et Saadi. Ce nom de Bab est
lui-même une admirable métaphore ; Mirza le
prit au moment où il commença à prêcher sa
doctrine. En arabe , le mot bab signifie porte.
Ainsi Mirza se présentait aux hommes comme
la. porte qui conduit à la connaissance de Dieu ;
mais ce qui frappe surtout dans la naissance,
la vie et la mort du Bab, ce sont les rapports
étonnants qui existent entre l'origine du chris-,
tianisme et celle du babysme. Les Pharisiens
abondent aussi en Perse. L'un d'eux, voulant
embarrasser le Bab et montrer au peuple la
fausseté de la mission divine qu'il s'attribuait :
« Tu te donnes comme étant de nature divine,
et tu as composé un Coran impudemment ré-
pandu parmi la populace. S'u en est ainsi,
tourne-toi vers le chandelier de cristal, et prie
pour qu'il te soit révélé un nouveau verset. »
Et le Bab, sans s'émouvoir, fixe le flambeau
et improvise plusieurs versets arabes sur la
nature de la lumière et sur les caractères qui
marquent la décadence de l'autorité, c'est-
à-dire l'ancienne loi. ■ Cela vient du ciel? dit
avec mépris le mollah. — Cela vient du ciel,
répond froidement le Bab. »
Pour plus de détails sur cette nouvelle pa-
role qui traverse en ce moment en Perse la
période des persécutions et des catacombes,
v. Babysme.
BAB (Jean), théologien arménien, né vers
816, étudia dans le fameux monastère armé-
nien de Meirawank, et acquit une grande
renommée comme savant et théologien. Sa
Chronologie de l'histoire ecclésiastique et ses
Commentaires des Livres saints sont restés en
manuscrit.
baba s. m. (ba-ba). Pâtiss. Nom d'un
gâteau qui se prépare avec une pâte faite de
farine, de beurre, de lait et d'œufs, à laquelle
on ajoute du sucre, des raisins de Corinthc,
du rhum ou du vin de Madère, et une petite
quantité de safran en poudre : Le baba est
d'origine polonaise; c'est, dit-on, le roi Sta-
nisias qui l'a fait connaître en France. On
apporta une assiette de biscuits et de babas,
(CI. Robert.)
— Ornith. Nom vulgaire du pélican blanc.
BABA s. f. (ba-ba). Nom donné, en Russie,
à une femme de paysan serf ou affranchi. Il
se dit surtout, par mépris, d'une femme ba-
varde, d'une commère : Quelque temps après
l'enfant, il parut une baba. (Charrière.)
BABA s. m. (ba-ba). Hist. ott. Nom que les
Arabes tributaires donnent aux Turcs, en
signe de respect, n Titre honorifique des ca-
poudjis ou huissiers du sérail.
— Hist. ecclés. A Alexandrie, nom que le
peuple donnait à son patriarche.
— Encycl. Baba est un mot turc, qui signifie
père et se joint souvent aux noms de pieux
personnages turcs et persans, comme le fran-
çais père et le latin pater aux noms d'un re-
ligieux. Dans ce cas, il est quelquefois rem-
placé par dèdè, qui a la même signification;
ainsi scheikh âq àuinq dèdè) le eheik papa
moustache blanche).
BABA, ville de la Turquie d'Asie, pachalik
d'Anatolie, petit port sur l'Archipel, a 120 kil.
S.-S.-O. de ôallipoli, près du cap de son nom ;
4,000 hab. On y fabriquait jadis des lames de
sabres et de couteaux renommées. Il Petite
ville de la Turquie d'Europe (Thessalie), pa-
chalik et a 28 kil. N.-E. de Larisse, dans la
vallée de Tempe, sur la rive droite de la Sa-
lambria; 2,000 nab. Il Nom de deux montagnes
do la Turquie d'Europe ; l'une, située à SO kil.
et au N.-N.-E. de Scutari; l'autre, en Vala-
chie, à 28 kil. S.-E. de Cronstadt.
BABA? imposteur turc qui, vers 1240, tenta
de se faire accepter comme prophète par les
musulmans, dévasta l'Asie Mineure à la tète
de ses nombreux sectaires et tomba sous les
coups des Turcs et des chrétiens réunis.
BABA (Sudai-Abiverd), célèbre poste persan
du xvc siècle, néàAbiverd,dans le Khoraçan,
Dewletschah le cite comme un des poètes les
plus distingués de son époque, et dit qu'il était
en même temps fort goûté à la cour des
princes. Sa viile natale était souvent en butte
aux incursions d'une bande de brigands, et les
habitants avaient jusqu'alors vainement im-
ploré l'intervention du gouvernement. A cette
BAB 5
occasion, Sudai envoya au sultan Schah Rokh
une pièce de vers dans laquelle il exposait les
plaintes de sa patrie. Le sultan lit droit à sa
demande et délivra Ahiverd du fléau qui l'as-
siégeait. Plusieurs traits d'esprit de Baba Sont
restés populaires en Perse, et ses poésies ont
été rassemblées dans vin divan, if mourut à
l'âge de quatre-vingts ans, l'an 1449 de Jésus-
Christ.
BABA-ALI, premier dey indépendant d'Al-
ger, mort en 1718. Successeur d'Ibrahim, à la
suite d'une révolution militaire (1710), il im-
mola dix-sept cents victimes à sa sûreté et à
son ambition. Ce tyran moDtra, d'ailleurs,
autant d'habileté que d'énergie, et rendit sa
mémoire chère au peuple d'Alger, en le déli-
vrant du joug des pachas turcs et en le rendant
indépendant de Constantinople. Il sut aussi se
concilier les puissances européennes, et ci-
menta l'alliance de l'Angleterre avec Alger.
BABACTÈS adj. m. (ba-bak-tèss — du gr.
babazô, je pousse des cris confus). Myth. gr.
Surnom que les Grecs donnaient à Bacchus.
BABA-DAGH, ville forte de la Turquie d'Eu-
rope (Bulgarie), pachalik et à 130 kil. N.-E.
de Silistrie, près de la mer Noire; son port
est à Kara-Kerman, à l'une des entrées de la
lagune de Ramsin. Cette ville, bâtie par Ba-
jazet I", afin de défendre le pays qu'il venait
de conquérir, renferme 10,000 hab., turcs,
tartares, grecs et arméniens. Près de cette
ville se trouve une montagne qui porte le
même nom. Aux environs, on voit les ruines de
l'ancienne Tomes, lieu d'exil du poète Ovide.
BABA-KOUX, lac de l'Asie centrale, dans la
partie septentrionale de la Petite Boukarie,
non loin des monts Thian-Chan; longueur
95 kil. sur 47 de large.
BÂBA-LÂL, chef de secte au xviie siècle,
fut disciple de Chétana-Swâmi. Ses sectateurs
se nomment bâbd-lâlis} et sa doctrine tient à
la fois de la philosophie Védanta et de celle
des sofis.
baban ou BARBAN s. m. [ba-ban, bar-ban).
Entom. Nom donné, sur le littoral de la Mé-
diterranée, à une larve qui attaque les bour-
geons et détruit les jeunes pousses de l'oli-
vier. On croit que 1 insecte appartient au
genre thrips ' Quelques entomologistes ont dit
à tort que le baban était le thrips noir. (Thic-
baut de Berneaud.)
BABA-NASIBI, marchand et confiseur per-
san, qui mourut vers l'an 1537, après avoir
jouj d une grande faveur à la cour du sultan
Yacoub.
BABA-P1GHAN1 ou F1GHAN1, poète per-
san , contemporain du précédent. Il vivait
comme lui à la cour du sultan Yacoub, qui
lui donna le surnom de Père des poètes. Après
l'avènement du sehah Ismatl, fondateur de la
dynastie de San, il se retira a Biverd, dans
le Khoraçan, et mourut à Mechhed. Ses œu-
vres consistent en petits .morceaux lyriques.
babara s, m. (ba-ba-ra). Ichthyol. Nom
que les Hollandais donnent à un excellent
poisson de la mer des Indes, à forme allongée
et très-aplatio. Il pèse ordinairement de dix
à douze kilogrammes. C'est une espèce de
maquereau.
BABABCKY (Antoine), homme politique
hongrois, né à Ofen en 1813. Il a rempli
diverses fonctions, fut nommé député en 1847
et se montra fort'dévoué à la politique autri-
chienne. Son cousin, Charles Babarcky, aide
de camp de l'empereur d'Autriche, a publié
les Confessions d'un soldat (Vienne, 1850), où
il se montre partisan du gouvernement absolu
et de la domination autrichienne.
BABAS, conseiller d'Hérode l'Ascalonite,
dans le siècle qui précéda l'ère chrétienne.
Hérode, après avoir suivi quelque temps ses
avis et profité de ses services, le disgracia
et lui lit crever les yeux.
BABATAMB1 OU BABATEMBI S. m. fba-ba-
tan-bi). Bot. Genre de plantes, de la famille
des malpighiacées. Syn. de trioplère.
BABAD s. m. '(ba-bô). Etre chimérique
dont les mères menacent leurs enfants, en
Languedoc et dans la Provence, où il se pro-
nonce babaou. C'est le même personnage que
Croqucmitaine , avec cette différence que
Babau ne fouette ni n'emporte les enfants ; la
légende veut qu'il les mange sur place, en
salade. On écrit aussi babeau.
BABAUD-LARIBIÈRE, homme politique et
publiciste, né à Confolens (Charente) en 1819.
Avocat au barreau de Limoges, il concourut
a la rédaction de l'Echo du peuple de Poitiers
et de diverses autres feuilles, fut élu membre
du conseil général de la Charente, et nommé,
en 1848, commissaire de la république pour ce
département, qui l'élut représentant du peuple
à l'assemblée constituante. Il prit une part
très-active aux travaux de l'assemblée, vota
généralement avec la gauche, ne fui point
réélu à la législative, et publia, en 1-850, une
excellente Histoire de l'assemblée nationale
constituante, 1 vol. in- 18.
BABAYITB s. m. (ba-ba-i-i-te). Hist. relig.
Membre d'un ordre de derviches turcs, fonde
vers le milieu du xv= siècle.
BAB-AZ-ZOCKAK (la porte de la route), nom
que les Arabes donnent au détroit de Gibraltar.
BABBAGE (Charles), mathématicien anglais,
né en 1790. Après avoir fait de brillantes
études au collège de la Trinité, h Cambridge,
6
BAB
il se livra à la culture des sciences mathéma-
tiques et conçut le plan d'une machine à
calculer, qui devait servir surtout à trouver
facilement les logarithmes de tous les nombres.
C'est à l'aide de cette machine qu'il parvint à
construire d'excellentes tables logarithmiques,
qui vont jusqu'au nombre 108,000. Il fut ap-
pelé en 1828 il la chaire de mathématiques de
l'université de Cambridge, qu'avait illustrée
Newton, et qu'il occupa pendant onze années.
Son principal ouvrage, intitulé Traité de l'é-
conomie des machines et\des manufactures, que
notre économiste Blanqui appelle un hymne
en faveur des machines, a été traduit en fran-
çais par M. Edouard Biot. Il a aussi publié :
Comparaison des diverses institutions d'assu-
rance sur ta vie; Bévue de l'exposition univer-
selle de 1851; Sur les jeux de hasard; De
l'application de l'analyse à la recherche des
théorèmes sur les lieux géométriques; Mesure
des hauteurs par le baromètre; De l'applica-
tion des machines à calculer, etc.
BAI! BAR D (Ralph), mécanicien anglais du
xvie siècle, adressa à la reine Elisabeth la
liste de ses inventions, parmi lesquelles on
croit reconnaître la première idée du bateau
à vapeur.
DABBI (Christophe), compositeur italien,
né à Césène en 1748. Il fut depuis, en 1780,
maître des concerts de l'électeur de Saxe. Il a
composé des symphonies, des quatuors et
autres morceaux, publiés à Dresde en 1789 .—
Son frère, Grégoire, était, vers 1710, un des
premiers ténors de l'Italie. On assure qu'il
toucha jusqu'à 130,000 fr. pour deux années
d'engagement.
BABBINI (Mathieu), un des plus célèbres
ténors de l'Italie, né & Bologne en 1 754 . Après la
mort de ses parents, qui le destinaient a l'exer-
cice d« la médecine, Babbini, dénué de ressour-
ces et contraint d'abandonner ses études scien-
tifiques, se réfugia chez une parente mariée à
Bortoni, professeur de chant assez distingué.
Après de sérieuses études, Babbini aborda le
théâtre et se produisit à Berlin, Saint-Péters-
bourg, Vienne, Paris, où il eut l'honneur de
chanter un duo avec la Teine Marie- Antoinette,
et enfin à Londres. Il retourna ensuite en
Italie et obtint, à Venise, un immense succès
dans les Horaces de Cimarosa. Après avoir
brillé pendant plus de dix ans sur les grands
théâtres d'Italie, Babbini rentra dans la vie
privée et se fixa à Bologne, où il acheva ses
jours, en 1816, entouré de la considération
générale.
BABEK, célèbre imposteur persan du ixc siè-
cle, qui propagea , les armes à la main, une
doctrine religieuse basée, diUon, sur le liber-
tinage et l'impiété. Après vingt ans de guerre,
il fut vaincu et envoyé au supplice par le
calife de Bagdad Motassem (837).
BABEL s. f. (ba-bèl — mot syr. qui signif.
solon les uns confusion, selon d'autres, tempîo
de Bel ou fiéto).- Géogr. Nom hébreu do
Babylone.
— Hist. sainte. Tour de Babel, Grande tour
que les descendants de Noé , d'après le récit
de Mftïse, entreprirent d'élever pour esca-
lader le ciel. Dieu anéantit, par la confusion
dos langues, ces efforts insensés. Dans tous
los sens dérivés de cette locution, on dit plus
fréquemment Babel simplement que Tour de
Babel. Quelques-uns môme ont désigné par
le mot de Babel le lieu dans lequel la fa-
meuse tour fut bâtie : L'arc de l'Etoile rap-
pelle d'une façon frappante la confusion des
tangues de Babel; il est impossible d'imaginer
une réunion de manières plus contradictoires,
plus hostiles, (fi. Planche.) (
— Par anal. Construction gigantesque :
Il bâtit, au siècle où nous sommes,
Une Babel pour tous les hommes,
Un panthéon pour tous les dieux.
V. Huoo.
— Par ext. Amas d'objets gigantesques et
confusément entassés : D'immenses quartiers
de grès, affectant fies formes architecturales, se
dressaient de toutes parts et découpaient sur
le ciel des silhouettes de Babels fantastiques.
(Th. Gaut.) il Réunion d'objets ou même de
personnes formant un ensemble imposant,
mais confus -.
— . Sur cette Babel
Qui du pâtre a César va montant jusqu'au ciel.
Chacun en son degré se contemple et s'admire.
V. Hugo.
K Lieu où l'on parle un grand nombre do
langues ou d'idiomes différents : A la foire
de Beaucaire, le jargon provençal, sonore et
accentué, se confond avec le patois languedo-
cien, plus saccadé, plus incisif; le Corse, le
.Génois, l'Espagnol, le Portugais, le Grec, le
Barbaresgue y croisent leurs idiomes : c'est
une véritable Babel. (L. Reybaud.) il Se dit
d'une assemblée où règne une grande confu-
sion d'opinions et de discours, où tout le
monde parle sans pouvoir se comprendre ou
s'entendre : Leur réunion est une vraie tour
de Babel, il Réunion , entassement d'objets
confusément assemblés : Il est trois choses
que j'aime peu : les Babels de peintures qu'on
appelle des musées, où les tableaux se ruent
lun sur l'autre; les Babels de ramages qu'on
appelle des volières, où le rossignol, mêlé aux
chanteurs vulyuires, risque de tomber au patois;
les bosquets, ces Babels mêlées de couleurs,
de parfums qui se combattent et s'annulent.
(Michûlet.) il Chaos moral ou intellectuel :
Les passions, modifiées par les climats, les
gouvernements et les mœurs , font les nations
fa
BAB
] diverses; le genre humain cesse de s'entendre
et de parler le même langage ; c'est la société
qui est la véritable tour dk Babel. (Chateaub.)
— Fig. Entreprise, conception hardie,
téméraire : Pour arriver au perfectionnement
indéfini de l'espèce humaine , les générations
s'usent et se consument d la peine; les siècles
entassent laborieusement les assises de cette
nouvelle Babel, destinée à combler l'inter-
valle qui sépare la terre du ciel. (Portalis.)
Cela regarde un monde éventuel gui doit exister
un jour, et une société de bâtisseurs occultes qui
apportent depuis une centaine d'années des
matériaux à la Babel intellectuelle de Weis-
saupt. (Ch. Nod.) Charles Fourier a entassé
des Babels l'une sur l'autre. (Th. Gaut.) il
Réunion d'idées , de connaissances , de con-
ceptions formant un ensemble majestueux
et qui a quelque chose de gigantesque : La
science, cette Babel légitime de l'humanité,
est debout au milieu des siècles et des hommes,
ui viennent, les uns après les autres, y mettre
a main. (Lerminier.)
— Encycl. — I. . Or, la terre n'avait qu'une
seule prononciation et une seule langue. (Erat
autem terra labii unius, et sermonum eorum-
dem.) Et lorsque les peuples partirent de
l'Orient, ils trouvèrent une plaine en la terre
de Sennaar, et ils y habitèrent. Et ils se dirent
l'un à l'autre : Allons , faisons des briques, et
1 mettons-les dans le feu (car ils se servaient de
! briques au lieu de pierres, et de bitume au lieu
1 de mortier). Et ils dirent encore : Venez, bâ-
tissons-nous une ville et une tour dont le faite
s'élève jusqu'au ciel ; et rendons célèbre notre
nom avant que nous ne soyons dispersés sur la
face de la terre, (Et dixerunt .• faciamus civi-
iatem et turrim, cujus culmen pertingat ad
ccelum; et celebremus nomen nostrum antequam
dividamur in universas terras.) Or, le Seigneur
descendit pour voir la aille et la tour que les
fils d'Adam, bâtissaient ; et il dit ; Voilà un
seul peuple, et ils n'ont qu'un même langage ;
ils ont commencé, et ils n'abandonneront pas
leur dessein avant de l'avoir accompli; venez
donc, descendons, et confondons leur langue
de manière qu'ils ne s'entendent plus les uns
les autres. (Nec désistent a cogitationibus suis,
donec eas opère compleant. Venite, igitur, des-
cendamus et confundamus ibi linguam eorum,
ut non audiat unusquisque vocem proximi sui.)
Et ainsi le Seigneur les dispersa de ce lieu sur
toute la face de la terre, et ils cessèrent" de
bâtir leur ville. Et c'est pourquoi elle a été
appelé Babel (le sens étymologique de oabel
est confusion, d'après la Genèse), parce que
ce fut là que Dieu confondit les langues des
hommes. (Et ideirco vocatum est nomen ejus
Babel, quia ibi confusum est- labium universœ
terrœ.) »
Tel est le récit, histoire miraculeuse selon
la foi catholique, légendaire et mythique, sui-
vant la critique rationaliste , par lequel la
Genèse explique la diversité des langues et la
dispersion des peuples.
A côté de ce récit de l'auteur de la Genèse,
l'historien Josèphe place le témoignage con-
firmatif de la sibylle : « Tous les hommes
n'ayant alors qu'une même langue, ils bâtirent
une tour si haute, qu'il semblait qu'elle dût
s'élever jusque dans le ciel ; mais les dieux
excitèrent contre elle une si violente tempête
qu'elle en fut renversée, et ceux qui la bâtis-
saient parlèrent en un moment diverses lan-
gues; ce qui fut cause qu'on donna le nom de
Babylone a la ville qui a, depuis, été bâtie en
ce même lieu."
Une autre sibylle que celle dont parle Josè-
phe est citée par Volney, d'après le témoi-
gnage de Moïse de Corène, dont il nous donne
la traduction. < La sibylle bérosienne, dit
Moïié de Corène, donne trois fils à Xisuthrus :
Sim ou Zcrouan, Titan et Yopestothe. Ils se
séparèrent et se partagèrent le monde. La
même sibylle, en parlant de ces trois chefs,
dit ; « Ils étaient terribles et brillants, ces pre-
miers dieux; d'eux vint la race des géants au
corps robuste, aux membres puissants, à l'im-
mense stature qui , pleins d insolence , con-
çurent le dessein impie de bâtir une tour.
Tandis qu'ils y travaillaient, un vent horrible
et divin, excité par la colère des dieux, dé-
truisit cette masse immense, et jeta parmi les
hommes des paroles inconnues qui excitèrent
le tumulte et la confusion. »
Nous n'avons pas besoin, d'autre part, de
faire remarquer l'analogie que présente, sous
i le rapport du but orgueilleux et coupable prêté
aux hommes de Babel, le récit biblique de
leur entreprise avec le mythe des Titans en-
tassant montagne sur montagne pour esca-
lader l'Olympe. Il n'est personne qui n'ait fait
ce rapprochement, entre notre histoire sacrée
et la mythologie grecque.
— II. Il y a dans l'histoire de la tour de
Babel, telle qu'on vient de la lire, deux faits
distincts : 1° l'interruption, miraculeuse d'un
monument d'impiété etd'orgueil, devenu, selon
l'expression de Bossuet, un monument de fai-
blesse ; 2o la confusion du langage, aupara-
vant unique, infligée par Jéhovah irrité aux
constructeurs de ce monument, comme un
obstacle à l'accomplissement de leur dessein.
Il faut voir ici les efforts tentés par l'apolo-
gétique chrétienne pour sauver le miracle ,
sans trop offenser la raison , et pour se mou-
voir dans le texte où elle est enfermée de
manière à amener la science au désarmement
et au respect. A l'exemple de Casaubon, M. de
Mariés (Encyclopédie catholique) admet cette
BAB
opinion, autorisée par saint Grégoire de Nysse,
que la confusion de 5a6et relève de la psycho-
logie et non de la linguistique , qu'elle porta
sur la pensée même, non sur le mode de
l'exprimer, que la diversité des langues en
fut l'effet, non la cause , qu'une scission intel-
lectuelle seule , non une simple différence de
langage, pouvait arrêter le travail commencé.
• En effet, dit-il, pour bâtir une muraille,
élever des briques sur d'autres briques et les
cimenter de bitume, il suffisait de continuer
ce qui s'était fait; la différence de langage ne
rendait pas l'ouvrier de la veille incapable du
travail du lendemain. D'ailleurs, il n'y eut pas
autant de langues diverses qu'il y avait
d'hommes; chaque famille ou chaque tribu en
eut une. Les membres d'une même famille
auraient pu se réunir, chaque famille aurait
suivi cet exemple, et si la première s'était
mise k l'ouvrage, les autres l'auraient imitée,
et la tour aurait pu s'élever, avec plus de dif-
ficulté sans doute, mais sans impossibilité
absolue. D'ailleurs, la langue de ces temps,
extrêmement bornée, n'avait probablement
des mots que pour nommer les choses d'un
usage habituel. Il ne pouvait donc pas être
bien difficile de se faire entendre les uns des
autres après une assez courte étude , à moins
de supposer qu'avec la confusion des langues
les hommes avaient été dépouillés de toute
intelligence. Il semble, d'ailleurs, très-naturel
de penser que cette confusion, dont les hommes
furent frappés } n'agit que sur leur esprit.
Après avoir bâti pendant longtemps, ils durent
s'apercevoir que le ciel qu'ils voulaient attein-
dre se montrait toujours à la même distance j ils
étaient comme des enfants qui marcheraient
vers l'horizon pour toucher le ciel, et qui s'ar-
rêteraient enfin excédés de fatigue, et confus
d'avoir été dupes d'une illusion. ■
M. de Maries, qui considère le récit de la
Genèse comme n la narration précise, émanée
de la source la plus pure, d un fait certain,
incontestable « , n a pas le droit, ce nous sem-
ble, d'arguer de l'efficacité douteuse du mira-
cle pris a la lettre, pour en changer la nature.
Son interprétation fait, en réalité, un pas hors
du texte; qu'il y prenne garde; dans cette
voie de sacrifices a la raison, on ne s'arrête
pas facilement ; il n'y a que le premier pas
qui coûte; nous le rappelons au respect de la
lettre. Qu y a-t-il de plus formel que ces pa-
roles : « Le Seigneur descendit pour voir la
tour; et il dit : Voilà un seul peuple, et ils
n'ont qu'un même langage, et ils n'abandon-
neront pas leur dessein avant de l'avoir ac-
compli ; donc, confondons leur langue de ma-
nière qu'ils ne s'entendent plus les uns les
autres. » N'est-il pas clair que l'auteur sacré
établit une relation entre l'unité de langage
et la poursuite de l'entreprise, et qu'il entend
bien attribuer l'interruption de l'entreprise
à la cessation subite et surnaturelle de l'unité
de langage ?
Le cardinal 'Wïseman (Discours sur les rap-
ports entre la science et la religion révélée) et
M. Auguste Nicolas (Eludes philosophiques
sur le christianisme) n'ont garde d'insister sur
les circonstances et le but du miracle. Ce
Jéhovah qui descend pour voir la tour, qui
prend au sérieux le naïf et ridicule projet des
travailleurs, et qui par ces mots étranges :
venite, descendamus et confundamus, semble
inviter d'autres puissances célestes à se joindre
à lui pour en rendre la réalisation impossible,
tout ce dramatisme du récit biblique, est laissé
par eux dans l'ombre, comme un embarras que
l'on dissimule. Ils s attachent uniquement à
défendre ces deux grandes affirmations de la
Genèse : l'unité primitive du langage (Erat
autem terra labii unius et sermonum eorum-
dem), et l'origine surnaturelle de la diversité
des langues (confusum est labium universœ
terrœ). Ils invoquent à cet effet le témoignage
de la linguistique. Herder n'a-t-il pas dit
« que la race humaine et aussi son langage
remonte selon toute probabilité à une souche
commune, à un premier homme, et non à plu-
sieurs dispersés dans différentes parties du
monde ; et que, d'après l'examen des langues,
la séparation de l'espèce humaine doit avoir
été violente? ■ Sharon Turner n'a-t-il pas con-
clu d'une analyse très-détaillée des éléments
primitifs du langage, que les nombreuses ap-
Ïiarences d'attraction et de répulsion entre les
angues ne peuvent s'expliquer que par l'hy-
pothèse de quelque événement analogue à
celui dont le récit est déposé dans la Genèse ?
Niebuhr n'a-t-il pas remarqué que si l'on ad-
met l'unité originaire du langage , laquelle
se lie d'ailleurs à l'unité d'origine de l'es-
pèce humaine, on ne peut se rendre compte
de ses divisions subséquentes sans quelque
phénomène semblable à la confusion de Babel;
qu'en un mot « ceux qui font remonter les
différentes races humaines à un couple unique
doivent nécessairement supposer un miracle
pour expliquer l'existence d'idiomes de struc-
ture différente? •
Ainsi, poursuivent les défenseurs de l'ortho-
doxie, ainsi s'aplanissent sous les pas de la
science ces difficultés qui s'élevaient comme
des montagnes aux yeux de l'incrédulité. L'é-
tude des langues et des races humaines, qui
fut d'abord peut-être une dangereuse recher-
che, prête maintenant un appui précieux et de
plus en plus fort aux narrations de l'Ecriture,
Les langues se forment graduellement en
groupes ; l'affinité, la parenté qui unit ces grou-
pes s'affirme de plus en plus en même temps
que les caractères tranchés qui les distinguent;
BAB
on a la preuve d'un premier et unique point
de départ, et en même temps celle d'une sé-
paration violente qui répugne à la marche de
la nature et qui, par conséquent, suppose
une intervention divine. Voilà que le miracle
de Babel concilie les deux grandes écoles do
linguistes, celle qui professe l'irréductibilité
essentielle des grandes familles de langues, et
celle qui fait dériver toutes les langues d'une
origine commune. « Les dialectes variés du
globe nous apparaissent comme les débris d'un
vaste monument appartenant àl'ancien monde;
ils ressemblent à ces masses groupées, mais
désunies, que les géologues considèrent comme
les ruines des montagnes primitives. L'exacte
régularité de leurs angles en plusieurs parties,
ces veines d'aspect semblable dont on peut
suivre la trace de l'une à l'autre, indiquent que
ces fragments ont été autrefois réunis de ma-
nière à former un tout, tandis que les lignes
nettes et abruptes des points de séparation
prouvent que ce n'est point par une action
lente et continue qu'ils ont été désunis, mais
que quelque convulsion violente les a fendus
et séparés. » (Wiseman.)
M. l'abbé Le Noir (Dictionnaire des harmo-
nies de la foi et de la raison) n'est pas oom-
filétement satisfait de ces conclusions de la
inguistique orthodoxe. Il ne peut admettre
que le langage soit, tout à coup devenu mul-
tiple, La Bible nous dit que la confusion
des langues a été le moyen employé par la
puissance divine pour disperser les hommes
sur toute la face de la terre. M. Le Noir
f «réfère renverser les termes et supposer que
a formation des langages différents a été
l'effet, non la cause, de la division et de la
dispersion des familles humaines; cela est, à
la vérité, beaucoup plus raisonnable, mais
n'est pas du tout biblique. « Ne pourrait-on
pas. dit-il, expliquer comme il suit le passage
de la Genèse relatif à la tour de Babel? Le
genre humain conserve la fraternité et l'unité
du premier âge pendant cinq siècles. Vers
531 après le déluge, époque présumée de la
tentative de Babel, plusieurs chefs semblables
à Nemrod et dont il fait sans doute partie,
ainsi que l'ont pensé plusieurs Pères de l'E-
glise, se réunissent pour bâtir une ville et
une tour extraordinaire, dans un but de rallie-
ment des hommes sous leur puissance ou de
centralisation ; un très-grand nombre travaille
sous leurs ordres; mais Dieu, voyant que
l'unité de fraternité, d'égalité et de liberté va
se changer en une unité de tyrannie commu-
niste , • préfère semer l'anarchie dans cette
association perverse d'où l'on pourrait déduire
plus tard, si elle réussissait, le droit divin de
l'absolutisme. Il y suscite donc des germes do
discorde; tout se confond dans les idées, dans
les diseussions, dans les plans; c'est la dislo-
cation la plus complète; on ne s'entend, on no
se comprend plus ; l'inimitié naît pour ne plus
disparaître que dans la réunion future des
peuples ; et a partirde ce moment se produisent
les différents idiomes primitifs qui serviront de
souches aux principales familles de langues
que nous étudions aujourd'hui. L'histoire peut
dire que de là fut confondu le langage de toute
la terre et se fit la dispersion dans toutes les
régions, puisque c'est de là que part la dissé-
mination par peuplades ennemies et la forma-
tion par là même des diverses manières do
parler. Le fait de l'antagonisme étonnant des
dialectes entre les tribus sauvages des puys
les plus récemment peuplés, c'est-à-dire de
l'intérieur de l'Afrique, de l'Amérique et des
îles de l'Océanie les plus éloignées, antago-
nisme beaucoup plus grand que celui des dia-
lectes des peuples civilisés de l'ancien monde,
vient à l'appui de cette hypothèse, et lui donne,
ce nous semble, les conditions de la probabilité.
Les traditions de la guerre des géants se
trouvent aussi en parfaite conformité avec
elle, puisque cette confusion anarchique a eu
pour résultat l'interruption de l'ouvrage, in-
terruption que la poésie aura peinte sous les
ligures grandioses des montagnes culbutées et
des Titans foudroyés par le maître des dieux.
Il est vrai que cette supposition demande un
temps assez long pour la formation achevée
des langues premières à l'aide des éléments
fournis par la langue primitive , sous l'influence
des inimitiés, des isolements, des diversités de
climats , d'habitudes , d'objets de comparai-
son, etc. »
L'exégèse de M. Le Noir porte sa date avec
elle; elle appartient à une époque où la foi la
plus sincère est troublée et non affermie par
le miracle si elle ne peut lui assigner, lui sup-
poser une portéo morale et sociale; elle a des
préoccupations politiques qui eussent fort
étonné les apologistes des siècles précédents.
Il y a loin du Dieu républicain de M. Le Noir
qui sème l'anarchie et la discorde pour em-
pêcher le despotisme et la centralisation, au
Jéhovah biblique qui descend pour voir la
tour et qui semble craindre qu'elle ne s'élève
jusqu'au ciel, si l'on ne se hâte de confondre
les lèvres des insolents constructeurs. Comme
M. de Mariés, et plus encore, M. Le Noir doit
être rappelé au respect de la lettre. Sortir
de l'interprétation littérale, c'est avouer qu'on
ne marche pas sur un terrain historique bien
solide. L'Ecriture nous parle d'une révolution
subite dans le langage précédant et néces-
sitant l'interruption du la tour et la dispersion
des famines humaines dans les diverses con-
trées du globe ; elle ne nous parle nullement
d'anarchie, de discorde amenant cette inter-
' ruption et cette dispersion et, par suite, la for-
BAB
mation graduelle de langues différentes. Qui
ne voit, du reste, que le miracle, ainsi trans-
porté de la linguistique dans l'ordre moral et
politique, s'énerve en perdant de son authen-
ticité? Cette anarchie semée par Dieu, c'est
du merveilleux invisible et qui échappe à la
preuve, comme la grâce ; la Bible préfère les
gros miracles, bien matériels, bien frappants
et qui excluent toute cause naturelle. M. Le
Noir a besoin de l'élément temps pour créer
des langues diverses ; la Bible n'est pas em-
barrassée pour si peu.
III. — La polémique rationaliste contre le
miracle de Babel peut se résumer dans les
lignes suivantes de M. Larroque : a L'auteur
de la Genèse ne se donne pas beaucoup de
peine pour expliquer le fait de la diversité des
langues. Il l'attribue à une entreprise qui dé-
Easse les bornes ordinaires de 1 enfantillage,
«s hommes forment le projet de construire
avec des briques une tour dont le sommet
devait atteindre le ciel. Jéhovah descend pour
visiter leur ouvrage, et, comme s'il avait à
craindre de leur part une escalade, il les em-
pêche de continuer, en les faisant parler des
langues différentes. On ne saurait, j'en con-
viens, assigner la limite où s'arrête la sottise
humaine. Admettons donc qu'il y ait eu des
hommes assez insensés pour former un pareil
projet. Dans cette supposition, je dis qu'il y
avait un moyen d'embarrasser et de punir
leur sottise, mille fois plus efficace que le mi-
racle auquel on fait recourir la puissance di-
vine, c'était tout simplement de les laisser
faire. Mais alors il eut fallu chercher une
explication rationnelle de la diversité des lan-
gues, et cette manière trop peu expéditive et
trop peu merveilleuse de procéder n'était pas
dans les habitudes de l'auteur de la Genèse. »
M. Larroque ajoute avec raison que l'étymo-
logie du mot Babel, telle que la donne le récit
biblique, est inacceptable. Babel n'a jamais
voulu dire confusion ; ce n'est pas autre chose
que le nom de Babylone, ainsi appelée, de ce
que Bel ou Baal y était honoré. Or, le mot
Bel signifie maître, ce qui n'a aucun rapport
avec la confusion. »
Si nous sortons de la polémique pour de-
mander à la critique débarrassée de toute
préoccupation étrangère a la science, l'ori -
gine de la légende de Babel, M. Renouvier
nous répond ( Introduction à la philosophie
analytique de l'histoire) « qu'elle se rattache
doublement a celle du déluge des Hébreux,
et par le sentiment qui la leur inspira, et par la
nécessité d'expliquer, dans leurs données, la
prompte dispersion et les langages si vite in-
cohérents des membres d'une seule famille.
Ce sentiment est la répulsion profonde des
Sémites nomades, demeurés plus simples et
aussi plus moraux, pour les Sémites séden-
taires de la vallée de l'Euphrate, pour le dé-
ploiement d'une civilisation ardente où le tra-
vail, le crime et le plaisir avaient fait alliance
et engendré des cultes en rapport avec les
nouvelles moeurs ; en un mot, c'est la haine
des constructions et des villes. La descente de
Jéhovah, le miracle par lequel il confond les
lèvres des travailleurs de la grande tour de
briques, sont une reproduction affaiblie de
l'acte de la destruction des hommes, et répon-
dent à la persistance de la même cause, savoir
la tendance humaine aux grandes agglomé-
rations, à la vie civilisée, à ses. vices, à ses
cultes. Il est possible que la légende ait en-
core trouvé un appui pour se former, dans
quelque événement naturel ou politique de
1 ancienne histoire de Babylone. Ce qui est
plus certain, c'est que cette Ville fut de tout
temps une sorte de rendez -vous des peuples
en Asie, la cité polyglotte par excellence. »
Le même écrivain fait remarquer que la lutte
des nuages contre la lumière dans le Rig-Veda,
la révolte et la chute des Titans dans la
mythologie grecque, l'insurrection originelle
à'Akriman et la condamnation des Dews dans
le mazdéisme, les excès des géants antédilu-
viens de la Genèse, l'entreprise impie des
hommes de Babel, et enfin le dogme égyptien
des Fils de la défection et de Ta victoire du
Seigneur suprême, ne font que répéter une
seule et même idée primitive, variée selon
l'intelligence et la moralitédes peuples. L'ana-
logie de ces mythes peut s'expliquer soit par
l'analogie des causes qui ont sollicité en divers
milieux l'esprit humain, soit par les communi-
cations résultant du contact des races. • Il
faut tenir compte, dit M. Renouvier, de ce
que les données du problème du mal et les élé-
ments généraux du sentiment religieux ont
dû suggérer d'idées communes aux hommes
des races les plus différentes. Mais il ne faut
pas non plus oublier que l'existence des my-
thes dont nous venons de parler nous amène
à un lieu et à un temps où plusieurs de ces
races ont été certainement en communication
plus ou moins prolongée. »
Quant à la science du langage, ses résultats
les plus récents et les plus authentiques sont
loin d'être favorables a l'orthodoxie. L'idée
d'une origine commune des langues ne se
soutient plus guère parmi les linguistes que
grâce aux préjugés théologiques ou métaphy-
siques. Ceux qui .l'admettent (et ils sont au-
jourd'hui les moins nombreux) se gardent bien
d'expliquer par le miracle, la diversité des
langues, ce qui serait une façon de ruiner
leur propre thèse ; ils ont soin de dire que
Cette diversité leur paraît très-naturellement
explicable. » Dans l'étonnante fécondité de la
première émission des sons instinctifs et na-
BAB
turels, dit M, Max Mûller (Science du lan-
gage), et dans le triage différent de ces raci-
nes que firent ensuite différentes tribus, nous
pouvons trouver l'explication la plus complète
de la divergence des langues, toutes issues
d'une même source. Nous pouvons compren-
dre non-seulement commerd; le langage s'est
formé, mais aussi comment il a dû nécessaire-
ment se scinder en une foule de dialectes. »
V. Langage.
IV. — Le nom de Tour de Babel est demeu-
ré proverbial pour désigner une assemblée
tumultueuse, ou règne une grande confusion
d'opinions et de discours; une réunion, une
collection de choses qui ne se relient pas entre
elles par des rapports communs.
"Voltaire raconte qu'une dame disait un jour,
à la cour de Versailles : » C'est bien dommage
que l'aventure de la tour de Babel ait produit
la confusion des langues ; sans cela tout le
monde aurait parlé français. »
Les jeux de mots ont toujours été de mode
en France : il y a près de deux cents ans
qu'un révérend père jésuite disait que, si les
hommes ont construit la tour de Babel , les
femmes ont fait celle de babil. Molière fait
dire à Mme Pernelle, très-forte sur ces sortes
d'étymologies :
C'est véritablement la tour «le Babylone;
Car chacun y babille, et tout le long de l'aune,
M. Alfred de Musset transporte la tour de
Babel sur nos chemins de fer :
Sur deux rayons de fer un chemin magnifique
De Paris a Pékin ceindra ma république;
Là, cent peuples divers, confondant leur jargon.
Feront une Babel d'un colossal wagon.
• La presse, cette machine géante, qui
pompe sans relâche toute la sève intellec-
tuelle de la société, vomit incessamment de
nouveaux matériaux pour son œuvre ; le genre
humain tout entier est sur l'échafaudage;
chaque esprit est maçon ; tous les jours une
nouvelle assise s'élève : certes, c'est là aussi
une construction qui grandit et s'amoncelle en
spirales sans fin ; là aussi, il y a confusion des
langues, activité incessante, labeur infati-
gable, concours acharné, de l'humanité tout
entière, refuge promis à l'intelligence contre
un nouveau-déluge, contre une submersion de
barbares : c'est la seconde tour de Babel du
genre humain. » Victor Hugo.
« Les éditions de l'Encyclopédie se multi-
plient au dehors de la France, et toute l'Eu-
rope lettrée peut contempler plus ou moins
librement la Babel édifiée par les philosophes
français.
» Babel, en effet, mais construite avec bien
des matériaux précieux. Il y eut autre chose
qu'un orgueil impie dans cette espèce d'apo-
théose de l'esprit humain : il y eut l'amour
sincère de l'humanité, cette religion terrestre
qui survit a la religion de l'idéal et de l'éter-
nel, et qui permet d'en espérer le retour, tant
qu'elle n'est pas elle-même étouffée sous
l'égoïste scepticisme et lé matérialisme pra-
tique. » Henri Martin.
« Au jour et à l'heure fixés, la grande com-
pagnie de Paris fit irruption dans les salons
du docteur Raoul ; ils se trouvèrent trop petits
pour tout contenir. Ce qu'on y voyait de pla-
ques et de cordons étrangers était prodigieux ;
les Jarretière, les Saint-Esprit, les Toison
d'or, tous les autres ordres, réunis de tous les
points de l'univers, se trouvaient représentés à
cette fête ; on eût dit un congrès ou une Babel,
car toutes les langues s'y confondaient. •
Louis Reybauh,
« Escorté de quelques citoyens, M. Ledru-
Rollin se mit en marche pour l'Hôtel-de- Ville.
L'arène resta à la multitude sans chefs. C'est
l'heure du tumulte délirant, des motions folles,
des grandes excentricités populaires. La tri-
bune, débordante comme un pressoir et toute
chargée de grappes humaines, laisse échapper
mille cris incompréhensibles : c'est le gou-
vernement de l'anarchie dans le royaume de
Babel, c'est la confusion dans les cris et les
interpellations. » Hifpolyte Castille.
« Une femme de bien ne coucherait pas
avec son mari, ni une coquette avec son
galant, s'ils ne leur avaient parlé ce jour-là
d'affaires d'Etat ; elles veulent tout voir, tout
connaître, tout savoir, et, qui pis est, tout
faire et tout brouiller. Nous en avons trois,
entre autres, qui nous mettent tous les jours
en plus de confusion qu'il n'y en eut jamais à
Babel. » Paroles du cardinal Mazarin
à don Louis de Haro.
« Il y eut, vers trois heures du matin, un mo-
ment de confusion assez plaisant : les hommes
qui voulaient partir s'apercevaient alors tous
à la fois que le chapeau qu'ils tenaient à la
main n'était pas leur chapeau; une fée mo-*
queuse avait sans doute opéré ce prodige.
Alors une immense chasse commença autour
de nous, et l'on entendit des dialogues incoin-
BAB
préhensibles, inouïs : «Votre chapeau est-il à
» vous? — Non. — J'ai envie de vous donner
» le mien, qui n'est pas à moi. » Le jeune pé-
dant qui était près de nous, et qui ne manquait
pas une occasion de faire valoir son érudition,
dit : « C'est la Babel des chapeaux. •
Mlnc Emile de Girardin.
Babel (la tour de), revue de M. "*, repré-
sentée pour la première fois à Paris, sur le
théâtre des Variétés, le 24 juin 1834.
Cette pièce offre ceci de remarquable qu'elle
n'avait pas moins d'une trentaine de pères r
MM. Adam, Alboize, Aude, Barthélémy, Blan-
chard, Anicet-Bourgeois, Brazier, Bruns-wick,
Chabot de Bouin, Cogniard frères, de Courcy,
Armand et Achille Dartois, Deslandes, Didier,
Duflot, Dumanoir, Alexandre Dumas, Dumer-
san , Dupin , Jaime , Lafargue , Langlé , de
Leuven, Lhéric, Mallian, Roche, Rochefort,
Saint-Georges. Tous ces noms, dont la réu-
nion offre un exemple de collaboration assu-
rément unique, furent remplacés sur l'afficho
par trois étoiles. Le produit de cette œuvre
collective devait être versé dans la caisse de
secours des auteurs dramatiques, et chacun
avait apporté à l'édifice si bien nommé son
contingent de couplets, de bons mots et d'es-
prit. M. Alexandre Dumas n'en fut pas le
collaborateur le moins actif, si l'on en croit
M. Théodore Muret. La petite presse tirait
alors le meilleur de sa poudre sur le Consti-
tutionnel, et envoyait chaque jour à ce grave
journal ses balles les plus meurtrières. Un
homme qui lisait le Constitutionnel était à
jamais ridiculisé; les caricatures du temps
attestent, sur la foi des plus spirituels crayons
d'alors, que cet organe bien pensant conduit
les malheureux assez abandonnés de Dieu
pour s'en repaître, à l'abrutissement le plus
invétéré. Au théâtre on fit chorus ; le Consti-
tutionnel n'avait-il pas crié au scandale quand
la Comédie-Française avait voulu jouer An-
tony? Ne l'accusait-on pas d'avoir provoqué
l'interdiction du Roi s'amuse? Pour tout expli-
quer d'un seul mot, disons qu'il s'était fait
journal ministériel. M. Alexandre Dumas
saisit donc l'occasion qui lui était offerte, et
traduisit son ennemi le Constitutionnel dans
la Tour de Babel, sous les traits d'un vieux
foutteux, muni d'un garde-vue vert, et affublé
u nom significatif de Pudibond- Bococo. Le
rôle était d'ailleurs fort bien joué par Cazot.
Pudibond-Rococo a, pour industrie, de « faire
une feuille tout entière, à raison de trente sous
la ligne, où les nouvelles politiques et étran-
gères sont tarifées comme à la douane. >
Dans mon grand journal
Je suis souvent bien somnifère;
Mon style banal
Est parfois lourd comme un quintal.
Mon ton doctoral
Fait bâiller même la portière.
Mais je suis moral
Comme un garde municipal.
Pudibond-Rococo se pique d'être légal, con-
stitutionnel et classique; selon lui, il n'y a
plus de littérature en France depuis les beaux
jours de l'Empire; survient le bel Antony, qui
le prend à partie et l'accuse de lui avoir donné
un croc-en-jambes à la porte de la Comédie-
Française. Notre vieux goutteux, branlant et
chevrotant, ne s'en détend pas, il s'en fait
honneur, au contraire; car c'était, prétend-il,
pour protéger la pudeur et la décence, dont
il est le représentant attitré , malgré son an-
cien faible pour les anecdotes un peu grasses
de Pigault-Lebrun et les gaillardises de Parny.
En outre, il prétend être l'héritier en ligne
directe, l'ayant-cause de Molière, de Corneille
et de Racine. Antony, pour toute réponse, dé-
clame une tirade romanesque où la charge du
genre n'est pas non plus ménagée. Une lettre
lancée d'une avant-scène tombe aux pieds de
Rococo. Le bonhomme la ramasse et la dé-
cacheté. C'est une lettre de désabonnement,
la soixante-quinzième de la journée ; et ici il
n'est pas inutile de rappeler une caricature de
Traviès, qui eut alors une vogue considérable
dans le Charivari, et qui représentait le désa-
bonnement au Constitutionnel, la queue qui se
pressait en permanence rue Montmartre, en
face du marchand de brioches, non pour
s'abonner, mais pour se désabonner avec
enthousiasme. «La vérité est, dit M. Théo-
dore Muret, que la clientèle du patriarche
libéral de la Restauration s'éclaircissait à vue
d'œil, et qu'au sein de la faveur officielle, il
avait lieu de pleurer les beaux jours de ses
dividendes avec ceux de sa popularité. » Cette
lettre, tombée de la salle, exaspère Pudibond-
Rococo; il s'en prend à Antony, qu'il traite de
bâtard ; mais Antony, qui n'a pas sa langue
dans sa poche, réplique rudement à son en-
nemi, en l'appelant :
Un bâtard octogénaire
Dont le langage est glacé ;
Un vrai bâtard littéraire,
Dont le bon temps est passé.
Bâtard de bonapartisme,
Bâtard de moralité ;
Bâtard de patriotisme
Et bâtard de liberté!
Ainsi était traité, à la face du parterre ardent
à battre des mains, ce Constitutionnel, naguère
le chef de file et le potentat du journalisme. Le
vaudeville final de la Tour de Babel contient
un couplet qui rappelle les débats sur la ques-
tion algérienne :
Si, pour pinire a l'étranger,
Quoique doctrinaire
Parle encor de rendre Alger,
JetonS'lui la pierre.
BAB 7
« Il y avait, ajoute l'auteur de l'Histoire par
le théâtre, une notabilité de l'ancien coté
gauche littéraire représenté par le Constitu-
tionnel, un poète en faveur sur le Parnasse
libéral de la Restauration, qui était enveloppé
dans la même réaction, poursuivi et criblé des
mêmes traits que ce journal , c'était M. Vien-
net, maintenant l'honorable doyen des gens
de lettres et des auteurs dramatiques. »
Babel (la tour de), comédie en cinq actes
et en vers d'Adolphe Bruant (Liadières), re-
présentée pour la première fois à Paris, sur
le Théâtre-Français, le 19 juin 1845.
«L'action, dit M. Théodore Muret, était
censée se passer en Angleterre, sous le règne
de Guillaume III ; mais la transparence de
l'allusion laissait parfaitement apercevoir la
France derrière 1 Angleterre, Louis-Philippe
d'Orléans, roi par la révolution de 1830, der-
rière Guillaume d'Orange, roi par la révolu-
tion de 1688. Les différents partis hostiles se
coalisent pour une œuvre commune de ren-
versement. Ils sont personnifiés dans un vieux
soldat de Cromwell (les républicains), dans un
marquis jacobiste (les légitimistes), auxquels
s'allie un bourgeois sot et vaniteux (le centre
gauche, le tiers-parti). Un jeune peintre qui,
dans la naïveté de son cœur, croit a la liberté,
au dévouement, aux vertus civiques, se laisse
entraîner dans cette conspiration nuancée et
panachée. Mais un certain Calloughmore,
agent secret du gouvernement , jette parmi
les conjurés la désunion, la confusion des
langues; de cette agrégation hétérogène, il
fait une tour de Babel politique. Les offres de
places et de faveurs sont des moyens que co
personnage ne se fait pas défaut d'employer
et avec un plein succès. Quant à l'honnête
artiste, dont l'atelier est décoré des bustes de
Décius, de Caton et autres personnages célè-
bres dans les annales du patriotisme et du
dévouement, le sceptique disciple de Machia-
vel lui démontre que ces hommes-là furent
des niais, des imbéciles, et que bien sots se-
raient aussi leurs imitateurs. » A cette action
s'amalgamait par à peu près une historiette
amoureuse de couleur assez terne, accessoire
obligé, greffé pour la forme sur le sujet prin-
cipal. « Tourner en ridicule toutes les opinions
sincères, lisons-nous dans l'Histoire par le
théâtre, représenter tout drapeau comme cou-
vrant un intérêt, quand il ne couvre pas une
sottise, prétendre qu'il n'y a pas d'indépen-
dance à l'épreuve d'une place ou d'une pen-
sion, et, qu'au lieu de tuer un adversaire, un
gouvernement n'a qu'à le gagner et à l'avilir ;
refuser delà sorte aux partis contraires même
l'honneur de la conviction, telle était la con-
clusion bien manifeste de la Tour de Babel. »
Des vers assez fades, rococos et filandreux,
quelques rares intentions théâtrales perdues
dans le plus détestable entourage, voilà tout
ce que les amis de l'auteur, dans leur indul-
gence excessive, purent essayer de mettre en
relief pour sa défense. D'ailleurs, comme le
fait remarquer l'écrivain à qui nous emprun-
tons ces détails, aucun mérite d'exécution
n'aurait pu excuser une pareille attaque diri-
gée contre des sentiments que les hommes
sans conviction eux-mêmes devraient avoir le
bon goût de respecter chez autrui. Le scepti-
cisme de M. de Rantzau dans la comédie de
Scribe, Bertrand et Bâton, se dissimulait au
moins sous une forme légère et spirituelle;
mais, dans la Tour de Babel, l'auteur procé-
dait tout crûment; jamais l'immoralité politi-
que ne s'était affichée plus brutalement. Aussi
arriva-t-il une chose qui ne doit pas étonner.
Cette dose malfaisante, servie trop abondam-
ment, provoqua des nausées parmi les spec-
tateurs et fut rejetée de suite. L'intention de
la pièce s'était à peine manifestée que le sou-
lèvement de l'opinion en fit justice. Quand,
néanmoins, les romains du parterre, soutenus
par des voix salariées, demandèrent l'auteur,
ce fut au milieu des plus violentes protesta-
tions et des sifflets les plus aigus que l'acteur
Samson vint jeter le nom d'Adolphe Bruant.
Le nom inconnu était, on le savait, un pseu-
donyme; mais quel auteur réel se cachait
derrière ce masque 1 C'est ici que les collo-
ques passionnés des entr'açtes cessaient de
s'accorder. La présence de plusieurs person-
nages de la cour prouvait suffisamment l'in-
térêt que l'on prenait en haut lieu à ce malen-
contreux ouvrage. De plus, on s'accordait à
dire qu'il fallait que des influences considéra-
bles eussent pesé sur le Théâtre-Français
pour qu'il osât donner une pareille produc-
tion. « On nommait M. Liadières, député, offi-
cier d'ordonnance du roi, auquel son grade
dans Je génie militaire ne conférait pas abso-
lument le génie dramatique ; mais au inoins
ses tragédies de Conradin et Frédéric, de
Jean-sans-Peur, de Jane Shore et de Wal-
stein, offraient un certain mérite, et apparte-
naient au genre estimable, que ne pouvait re-
vendiquer la Tour de Babel dans aucune
acception du mot. D'autres citaient M. Tro-
gnon , M. Vatout ; d'autres tenaient pour
M. Larnac, ancien instituteur et secrétaire
des commandements du duc de Nemours. Il y
avait des voix qui attribuaient la pièce au
duc de Nemours lui-même, ou qui remontaient
jusqu'au roi Louis -Philippe en personne.
Contre la coutume, le secret de la comédie
avait été bien gardé; mais il est positivement
connu, à présent, que l'auteur si mal inspiré
était M. Liadières. « Sous la République, la
même M. Liadières eut encore une autre mau-
vaise inspiration ; il fit jouer auThéâtre-Fran-
8
BAB
çais les Bâtons flottants (v. ce mot), qui ne
flottèrent uas longtemps sur la scène... de la
rue de Richelieu. C'était au mois de juin 1851.
Ainsi huée et sifflée le premier soir, stig-
matisée comme elle méritait de l'être pur les
journaux, la Tour de Babel se fit siffler en-
core quatre fois; deux fois même elle ne put
être achevée. Cette pièce, qui révélait si bien
la tendance spéculatrice devenue aux. veux du
gouvernement d'alors un dérivatif utile, en ce
qu'elle détournait les esprits des questions so-
ciales et politiques toujours brûlantes, cette
pièce, par sa chute éclatante, donnait un sé-
vère avertissement à ce même gouvernement
qui, comme cela arrive toujours, c'est-à-dire
presque toujours, se garda bien d'en profiter.
Le souvenir de cette exécution mémorable dis-
parut presque aussitôt au milieu de la fièvre
d'argent qui saisissait alors la bourgeoisie, et
qui entrait dans la phase de sa plus grande
ardeur. — Acteurs qui ont joué dans la Tour
de Babel : MM. Samson, Provost, Leroux;
M"' Denain, etc.
BABEL (P.-E.), orfèvre et graveur français,
mort en 1770. Il a gravé les planches de l'ou-
vrage de Blondel sur l'architecture , et di-
verses estampes, entre autres Thétis et ses
nymphes. Il a fourni aussi beaucoup de dessins
d architecture et d'ornement a divers recueils,
et il a lui-même publié un Nouveau Vignole.
BABELA s. m. (ba-be-la). Bot. Acacia des
Indes sur lequel vit l'insecte qui fournit la
laque.
BAB-EL-ABOWAB (la porte des portes), nom
donné par les Arabes au défilé du Caucase ap-
pelé les Portes caspienncs. Les Persans le
nomment Dcrbend, la barrière, la frontière, et
les Turcs, Dcmir Caponsi, la porte de fer. A
ce lieu se rattache d'anciennes légendes sémi-
tiques fort curieuses. On attribue a Alexandre
le Grand (Iskender) la construction d'une mu-
raille gigantesque destinée à fermer ce pas-
sage ; d'autres traditions regardent ce rempart
comme la célèbre muraille de Gog et de àfagog,
dont il est parlé dans la Bible et le Coran.
BABÉLIQUE adj. (ba-bé-li-ke — rad. Babel)-
Néol. Qui a rapport à Babel, à ce qui s'est
passé lors de ia construction de la tour de
Babel : La linguistique donne le démenti à sou
histoire de la dispersion babélique. (Proudh.)
— Par anal. Gigantesque, très-élcvé : Là
montent, dans l'obscurité, de massifs autels
babéliques, hauts comme des cathédrales.
(V. Hugo.) il Qui offre une confusion compa-
rable à colle qui survint à Babel : La discus-
sion avait quetque chose de babélique.
babÉlisme s. m. (ba-bé-li-sme — rad.
Babel). Néol. Confusion : Bientôt deux Fran-
çais qui se rencontreront sur le terrain politi-,
que ne s'entendront plus; nous serons en plein
babÉlisme. (E. de Gir.)
BADELL (William), organiste et musicien,
né à Londres en 1690, mort en 17S2. Elève de
Hœndel, il surpassa, dit Mattheson, son maître
comme organiste. Son mérite le fit nommer
musicien particulier de George 1"; ses pièces
de clavecin sur le Binaldo de Hœndel sont
tellement difficiles que peu de personnes ont
pu les jouer après lui. Ses autres œuvres con-
sistent en solos et concertos pour violon, haut-
bois et flûtes.
. BAB-EI.-MANDEB (la porte des pleurs), dé-
troit qui fait communiquer la mer Rouge avec
la mer d'Oman. Il s'ouvre par 12<> 48' lat. N.
et 40» 41' long. E. entre la pointe de l'Arabie
au N.-E. et la côte d'Afrique au S.-O. 11 a
environ 4S kil. daus sa plus grande largeur et
20 kil. au point le plus étroit. La petite lie de
Périm, fortifiée depuis peu par les Anglais, ef
plusieurs autres moins importantes divisent ce
détroit en plusieurs branches et en rendent la
navigation périlleuse. Cependant l'origine de
ce nom lugubre parait due moins aux dangers
réels de l'endroit qu'aux terreurs des premiers
navigateurs arabes qui franchirent ce détroit
pour entrer dans la mer d'Oman et se rendre
aux Indes. Les Turcs l'appellent Bab-Bogkazi,
le détroit de la Porte.
BABELOT, cordelier, aumônier du duc de
Montpensier, qu'il suivit dans les guerres de
religion, et qui est suffisamment connu par le
passage suivant de Brantôme : « Quand on
amenoit au duc quelque prisonnier, si c'estoit
un homme, il luy disoit do plein abord seule-
ment : Vous êtes un huguenot, mon amy; je
vous recommande à M. Babelot. Ce M. Babelot
estoit un' cordelier, sçavant, qui le gouver-
noit fort paisiblement et ne bougeoit jamais
d'auprès He luy, auquel on amenoit aussytost
le prisonnier; et luy, un peu interrogé, aus-
sytost condamné à mort et exécuté. » Ce cu-
rieux croquis nous montre que le cordelier
Babelot était en réalité le bras séculier de
M. de Montpensier. Mais lui-même subit à son
tour les lois de ces guerres implacables ; pris
par les protestants, il fut pendu haut et court.
BABELU s. m. (ba-be-lu). Railleur, plai-
sant : C'est un babelu. Il fait le babelo. Il
Vieux et inus.
BABENBERG , famille princière allemande,
qui fut la première en possession de la souve-
raineté d'Autriche. Elle était issue, dit-on, des
anciens rois francs et ses membres possédèrent
dès le ix» siècle le comté de Babenberg, en
Pranconie, qu'ils gouvernaient avec titre de
gaugraves. Un d'entre eux, Léopold I" de
Babenberg, devint margrave d'Autricho en
883. Il mérita, dans les guerres contre les
BAB
Hongrois, le surnom d' Illustre et recula aux
dépens de ce peuple les frontières de l'Autri-
che. Ses successeurs furent : Henri I" (994) ;
— Albert le Victorieux (1018), qui remporta
de nombreuses victoires sur les rois do Hon-
grie j — Ernest le Sévère (1056) suivit le
parti de l'empereur Henri et périt dans l'ex-
pédition de ce prince contre les Saxons ; —
Léopold H le Beau (1075) embrassa la cause
de l'antiroi Hermann de Luxembourg contre
l'empereur Henri IV ; — Léopold III le Pieux
(lOOG) porta également les armes contre
Henri IV, en faveur du fils de celui-ci,
Henri V, mais se réconcilia ensuite avec lui et
épousa sa fille Agnès. Il refusa lui-même la
couronne impériale, que plusieurs électeurs
lui offraient. Il était renommé pour sa piété et
sa justice, non moins que pour sa bravoure.
L'Eglise le mit au nombre des saints ; — LÉo-
, pold IV (1136) fut investi du duché de Ba-
I vière par l'empereur Conrad III; — Henri H
(1142), surnommé Jasomirgott (par Dieu), à
I cause d'un juron qui lui était familier. Il céda,
I en 1156, la Bavière a Frédéric Barberousse,
! qui lui accorda, par compensation, la haute
| Autriche ainsi que des privilèges importants.
Ce fut ce prince qui transporta à Vienne la
capitale du duché; — Léopold V la Vertueux
(1172) reçut de Henri VI le duché de Styrie.
Outragé par Richard Cœur-de-Lion au siège
de Saint-Jean d'Acre, il le retint prisonnier
lors de son retour en Europe ; — Frédéric I"
le Catholique (1194) alla faire la guerre aux
Maures d'Espagne, et partit ensuite pour la
Terre sainte, ou il mourut; — Léopold VI le
Glorieux (1198) se croisa en îîn, prit part h
la guerre contre les Albigeois, puis aux guerres
d'Espagne contre les Maures. En 1217, il re-
tourna de nouveau combattre en Palestine ; —
Frédéric II le Belliqueux (1230- 1246), s'il-
lustra par une victoire sur les Tartares, qui
avaient attaqué les Hongrois, et fut tué à la
bataille de Leitha. En lui s'éteignit la maison
de Babenberg.
Après de longs troubles et le règne éphé-
mère de quelques prétendants, l'Autriche de-
vint la souveraineté de la maison de Habsbourg.,
BABENHAUSEN, ancienne seigneurie immé-
diate de l'Empire, médiatisée en 1806, faisant
aujourd'hui partie du cercle bavarois de
Swaben-Neuburg et appartenant actuellement
aux comtes de Tugger : 6,762 hab. il Nom de
deux villages situés, 1 un dans la seigneurie
dont nous venons de parler , l'autre dans la
Hesse-Darmstadt, à 20 kil. N.-E. de Darmstadt.
Commerce en grains et fabrication importante
de bouteilles.
BABENO SAINT-HUBERT (Louis), bénédic-
tin et philosophe allemand, né à Leimingen
(Bavière) en 1660, mort en 1726. On a de lui
de nombreux ouvrages de philosophie et de
théologie, qui lui donnèrent de son vivant une
certaine célébrité. Nous citerons seulement :
Problemata et tlieoremata philosophica (Snlz-
bourg, 1689); Quœsliones vhilosophicœ (1G92);
Philosophia Thomistica Salisburge'nsis (1716).
BARER, prince tartare. V. Babour.
babet s. f. (ba-bè). Abréviation populaire
du nom propre Elisabeth.
BABET (Hugues), poète latin moderne et
philologue, né à Saint-Hippolyte (Bourgogne)
en 1474. mort en 1556. Il professa les belles-
lettres a Louvain et fut charge de quelques
éducations particulières. Il avait laissé en ma-
nuscrit de nombreux ouvrages de théologie,
de grammaire, de philologie, ainsi que des
poésies latines, dont il ne reste que trois pièces
assez remarquables, qui sont imprimées dans
le premier volume des Œuvres de Gilbert
Cousin.
BABET LA BOUQUETIERE, surnom appli-
qué fort irrévérencieusement, mais fort plai-
samment, par Voltaire au cardinal de Bernis,
pour caractériser son caquetage spirituel et
ses jolis vers pleins d'afféterie et de grâce
maniérée. La Harpe dit de lui a ce sujet :
« Son poème des Saisons est encore une suite
de lieux communs de poésie descriptive, qui
ne sont pas sans quelque mérite d'expression ;
mais il y a dans les images plus d'abondance
que de choix, et plus de luxe que de richesse.
II prodigue trop les fleurs, et ne les varie pas
assez : c'est pour cela que Voltaire l'appelait
Babet la Bouquetière. »
BABETTE s. f. (ba-bè-te). Sorte d'ancienne
danse composée d'une suite de chassés.
— En Provence, Petit baiser : Veux-tu
faire une Babette?
BABEUF (François-Noel), écrivain politi-
que et conspirateur, né à Saint-Quentin en
1764. Avant la Révolution, il était géomètre
et commissaire à terrier dans la ville de Roye ;
il publia en 1730 un ouvrage intitulé Cadastre
perpétuel, fixa l'attention par des articles vi-
rulents dans le Correspondant picar ', et fut
successivement administrateur du départe-
ment de la Somme, puis du district de Mont-
didier, et secrétaire général de l'administration
des subsistances, à Paris. Poursuivi par des
haines locales, il se vit accusé d'avoir substi-
tué un nom a un autre dans une acquisition
de biens nationaux ; mais cette accusation, qui
lui attira une condamnation par contumace,
fut définitivement anéantie par un arrêt du
tribunal du département de l'Aisne. Après le
9 thermidor, il revint à Paris et publia divers
écrits, entre autres : Du Système de dépopula-
tion ou la vie et les crimes de Carrier, ouvrage
curieux où il associe & des principes démocra-
BAB
tiques très-ardents une haine énergique contre
le système de la Terreur. C'est lui, dit-on, qui
donna aux partisans de ce régime le nom de
terroristes. Peu à peu il prit sa direction vers
la démocratie radicale, et créa le journal le
Tribun du peuple ou le Défenseur de la liberté
de la presse , qu'il signait Caïus Gracchus
Babeuf, et où il commença à développer les
principes révolutionnaires pour le triomphe
desquels fut tramée la fameuse conspiration
qui a gardé son nom. Les idées de Babeuf et
de ses adhérents, qu'on peut rejeter et com-
battre, mais dont il est impossible de mécon-
naître la portée, marquaient par leur appari-
tion une phase nouvelle dans le drame de la
Révolution. C'était une sorte de communisme
élémentaire, où manquaient la science sociale
et l'intelligence politique, mais non la profon-
deur et la hardiesse. Le but des sectaires
était d'établir le bonheur commun, la républi-
que des égaux par la socialisation de la pro-
priété et la communauté des biens. Un club
fut ouvert au Panthéon, une propagande ac-
tive fut faite parmi le peuple; d'anciens con-
ventionnels et jacobins se rallièrent plus ou
moins sincèrement au nouveau symbole, et
secondèrent cette tentative désespérée du
parti populaire contre la réaction thermido-
rienne, continuée par la corruption directo-
riale. Une vaste conjuration fut formée en
1796, pour le renversement du Directoire et
des Conseils et le rétablissement de la Consti-
tution de 1793, dont les conspirateurs comp-
taient bien élargir les bases. Trahis par l'offi-
cier Grisel, Babeuf et ses complices furent
arrêtés en mai 1796, renvoyés devant une
haute cour nationale assemblée à Vendôme,
et condamnés le 26 mai 1797 : Babeuf et Dar-
thé, à la peine de mort, et d'autres à la dé-
portation. Tous avaient montré la plus in-
domptable énergie pendant le procès. Les
deux condamnés a la peine capitale se poi-
gnardèrent en entendant leur arrêt et furent,
le lendemain, portés mourants sur l'échafaud.
La doctrine de Babeuf a été nommée Babou-
visme, du nom de son fondateur; et ses
partisans, babouvistes. L'un des conjurés,
Buonarotti, a publié la Conspiration pour J'e-
galité, dite de Babeuf (Bruxelles, 1828), reln-
tion curieuse dont M. Gabriel Charavay u
donné (Paris, 1850) une nouvelle édition.
Pour l'analyse de la doctrine, v. Babou-
visme.
BABEUF (Emile), (ils du fameux conspira-
teur He ce nom, né en 1785, fut, à la mort de
son père, adopté par Félix Lepelletier do
Saint-Fargeau, devint dans la suite libraire et
publiciste, et fut emprisonné sous la Restau-
ration pour la publication du jourrfal le Nain
tricolore. Une Lettre à Carnot, qu'il publia
après 1815, pour ouvrir une souscription en
faveur des victimes de l'invasion, fit une telle
sensation qu'elle fut' réimprimée à Troyes en
lettres d'or.
BABEURRE s. m. (ba-beu-re — de battre
et beurre, ou, peut-être, de bas et beurre).
Ligueur séreuse qui reste après que le lait a
été battu, dépouillé de la partie grasse qui
constitue le beurre et qui renferme du sérum,
du caséum et une petite quantité de beurre ;
c'est ce qu'on appelle vulgairement lait de
beurre : Le babeurre resté dans le beurre
contribue promptement d son altération. Le
babeurre est rafraîchissant, à cause du sérum
ou petit-lait qu'il contient. (Tossier.) C'est au
moyen de lavages à grande eau, et mieux à
eau courante, que l'on parvient à débarrasser
le beurre du babeurre. (Leprince.)
BABEV (Athanase-Marie-Pierre), consti-
tuant et conventionnel, né h Orgelet en 1744,
mort en 1815. Il appuya toutes les mesures
révolutionnaires, mais vota pour la réclusion
dans le procès du roi, protesta contre la pro-
scription des Girondins, fut un des soixante-
treize députés emprisonnés pour ce fait, et
siégea assez obscurément au conseil des Cinq-
Cents jusqu'en floréal an VII.
BABEY (Madame), sœur de Bureaux de Puzi,
se distingua au commencement de la Révolu-
tion par un beau trait de courage. Ayant
appris que les habitants d'Auxonne voulaient
dévaster un château habité par une dame
âgée et sa nièce, elle rassembla ses domesti-
ques, et, armée elle-même d'une hache, elle
se mit à leur tête pour se porter à la défense
de ces deux femmes. Bans la lutte, elle ter-
rassa un des assaillants, et elle montra tant
de fermeté qu'elle força les autres à se reti-
rer et que plusieurs d'entre eux même se joi-
gnirent à elle pour empêcher tout acte de
violence.
BAB1 s. m. (ba-bi). Nom donné h des idoles
de pierre qu'on a trouvées en grand nombre
dans les déserts de la Russie méridionale.
— Ichthyol. Espèce d'anguille des mers
d'Amboine.
BABI (Jean-Fr.), révolutionnaire, né a Ta-
rascon en 1759, mort en 1796. Il commanda
Sendant la Terreur une troupe révolutionnaire
ans l'Ariége, fut emprisonné après le 9 ther-
midor, pendant que ses propriétés étaient dé-
vastées par les réacteurs , et joua un rôle
actif dans l'attaque du camp de Grenelle
(septembre 1796), mouvement qui se rattachait
aux complots de Babeuf. Arrêté dans sa fuite,
il fut condamné a mort et fusillé.
BABI A, déesse de la jeunesse chez les Sy-
riens, qui était particulièrement honorée h
Damas.
BAB
babiane s. f. (ba-bi-a-ne). Bot. Genre do
plantes de la famille des indées, établi aux
dépens des ixia-s, et qui n'a pas été générale-
ment adopte.
BABICHE s. f. (ba-bi-cho; corruption du
mot barbiche). Faire couper sa babiche. Pop.
— Mamm. Petite chienne à poils longs et
soyeux :
Vous perdez, pour une babiche,
Des pleurs qui suffiraient pour racheter un roi.
YoiTur.K.
BABICHON s. m. (ba-bi-chon; corruption
do batbichon). Mamm. Espèce d'épagncul à
poils longs et soyeux.
BABICHONNER v. a. ou tr. (ba-bi-cho-né
— rad. 6a6tc/ion). Nettoyer, peigner, rendre
propre. Se dit par allusion aux soins qu'on
prend d'un babichon : Nous avons trouvé la
laitière occupée à laver et à iubichonner la
petite fille. (G. Sand.) 11 Fam.
BABIE s. f. (ba-bi — de Babia, nom my-
thologique). Entom. Genre d'insectes coléop-
tères tetramères, voisin des chrysoincles et
des clytres, et renfermant une vingtaine
d'espèces, qui vivent toutes en Amérique.
RADIÉ DE HEnCENAV (François), publi-
ciste, né à Lavaur (Tarn) en 1761, mort vers
1830. 11 a collaboré a divers journaux et pu-
blié un grand nombre d'ouvrages : Galerie »ii-
lilaire ; Archives de l'honneur ; Voyage eu
liussie; Correspondance de Louis XVI (180.",
apocryphe) ; Titres de Bonaparte à la recon-
naissance des Français ; Dictionnaire des nou-
yirouettes (1810), ouvrage qui fut saisi et pro-
hibé, etc.
BABIL s. ni. (ba-bil, M mit. de l'hebr. babul ,
selon d'autres, c'est une onomatopée, les
syllabes ba, bi imitant le bruit de la parole.
On peut encore alléguer le gr. babazein, bal-
butier). Caquet, abondance excessive do
vaines paroles : Babil continuel. Babil insup-
portable, assourdissant. Babil de femme, de
petite fille. Le babil est une intempérance de
langage qui ne permet pas à un homme de se
taire. (La Bruy.) Tu me romps la tète de ton
babil. (Regnard.) L'écolier écoute en classa lu
verbiage de son régent, comme il écoutait au
maillot le babil de sa nourrice. (J.-J. Rouss.)
La langue fournit un babil facile aux attache-
ments médiocres. (J.-J. Rouss.) Les amours-
propres intéressés ont beaucoup de babil. (Ste-
lieuvc.) Quant! le n.wsiL n pour objet exclusif
de citer ce qui se passe chez les autres, il sa
nomme caquet. (Tliûry.)
Riches pour tout mérite en babil importun.
Molière.
J'admire le babil et l'air de confiance
lie ces messieurs ti peine échappés de l'enfance.
C iiIIaui.kvii.ie.
Paris se trompe moins que nous ne le disons,
Et le babil commun l'instruit de nos histoires
Mieux que nos serviteurs écrivant leurs mémoire!-.
Noki,.
— En bonne part. Agréable facilité do pa-
role, bavardage amusant : Un gentil babil.
Les jeunes filles acquièrent vite un babil
agréable. (J.-J. Rouss.) Le maitre du logis
avait convié quelques amis intimes, capitalistes
ou commerçants, plusieurs femmes aimables,
jolies, dont le gracieux babil et les manières
franches étaient en harmonie avec la cordialité
germanique. (Balz.)
Se taire est n'être plus qu'une unie qui s'ennuie,
Le babil est le charme et l'aine de la vie.
La Chaussée.
Ce séduisants dehors, un babil amusant.
Dans le monde voila ce qui fait l'homme aimable.
C. D'IlARLEVILLE.
— Bavardage, discours ou écrit composé
d'un flux de vaines paroles : Le détail, l'ana-
lyse de tous ces babils ne ferait qu'ennuyer,
affliger oudégoûier le lecteur. (Audiffret.) Pris
en ce sens, on voit que le mot admet un plu-
riel.
— Par anal. Chant babillard de quelques
oiseaux. Se dit surtout de l'interminable
gazouillement de l'hirondelle : Avec ce poète,
vous voyes passer dans les airs le vol et le
babil de l'hirondelle. (Villem.) L'hirondelle
fait son nid dans l'angle des murs, et mêle
son babil aux mille voix du jour. (Mme do
Montaran.J 11 Bruit imitant la voix de quel-
qu'un qui babille :
Vous fermez votre oreille au babil des fontaines.
Et diriez volontiers : silence! au rossignol.
Théophile Gautier.
— N'avoir que du babil, Ne dire que des
choses inutiles, futiles, dénuées de sens.
— Véner. Aboiement d'un limier qui donno
trop de voix ou qui a perdu la piste.
Syn. Babil, caquet. Le babil est une abon-
dance excessive de paroles inutiles ; le caquet
est mêlé d'assurance, de prétention, quelque-
fois de méchanceté. On impute le babil aux
femmes, aux enfants; il fatigue quelquefois,
mais il peut arriver qu'on s'en amuse; le ca-
quet appartient aux commères; il fatigue tou-
jours, il étourdit, il irrite. On rabat le caquet
d'un vantard ; on arrête le babil d'une petite
fllle.
BABILLAGE s. m. (ba-bi-lla-je, Il mil. —
rad. babil). Action de babiller, de parler
beaucoup : Le babil qui devient excessif, qui
s'exerce hors de propos, devient du babillagk.
(Girard.) Le babillage de cette enfant, qui ne
peut comprendre la gravité d'une semblable
révélation, aura effrayé et révolté la princesse.
(G. Sand.)
BÂB
— En bonne part. Causerie douce, gaie ou
amusante : Les doux babillages d'amour de
l'Egyptienne avec l'officier. (V. Hugo.)
— Par anal. Bruit babillard, bruit qui
'imite la voix d'une personne qui babille :
Je m'ennuie
Au son des cloches que j'aimais.
D'interpréter leur babillage,
PoCHe, a seize ans j'eus le don.
HÉGÉSIPPE MOREAU.
BABILLANT part. prés, du v. Babiller (ba-
bi-llan, II mil.). Qui babille : Elle ne voyait
plus que des fleurs, du gazon, des oiseaux ba-
billant dans le feuillage. (G. Sand.)
BABILLANT, ante adj. (ba-bi-llan, an-tc,
Il mil. — rad. babiller). Qui a une tendance
à babiller, qui cause beaucoup : Le goût des
marionnettes chantantes, dansantes et babil-
lantes est trop vif et trop généralement ré-
pandu en Italie, pour que la haute société et
même la bourgeoisie n'aient pas sonpé à se pro-
curer ce plaisir à huis clos. (Magnien.)
babillard, Arde, adj. (ba-bi-llar, ar-de
— rad. babiller). Qui aime à babiller, qui
parle beaucoup : Homme babillard. Servante
babillaRdE. Les enfants sont babillards.-//
est trop instruit pour être babillard. (Volt.)
Si le Français passe pour le plus babillard
de tons les peuples, le Parisien est sans contre-
dit le plus babillard de tous les Français.
(Audifiret.)
Qui veut parler sur tout, souvent parle au hasard ;
On se croit orateur, on n'est que babillard.
Andrieox.
Sais-(u pourquoi, cher camarade,
Le beau sexe n'est point barbu?
Babillard comme il est, jamais on n'aurait pu
Le raser sans estafilade. "*
— Qui parle sans réflexion , indiscret :
Personne ne m'a parlé de vous et je ne sais
point vos secrets; on m'a traité comme une pe-
tite fille babillarde. (G. Sand.)
— Parcxt. Où l'on babille; qui est accom-
pagné de babillage : Le soir venu, après un
diner babillard, nous allions au Casino. (A.
Houssayc.) J'ai passé une fort agréable jour-
née au monastère de Loukou, grâce à l'hospi-
talité babillarde de l'hégoumène ou supérieur.
(Ed. About.) il Qui sert au babil, que l'on
emploie à babiller :
TSe retiendras-tu pas ta langue babillarde ?
Quinault.
Il Qui inspire le babil, qui porte à parler
beaucoup : La joie est babillarde. (Mme de
Simiane.) Les passions sont un peu babillar-
des. (Volt.) La digestion est, selon le carac-
tère, ou babillarde ou silencieuse. (Balz.)
— Qui est plein do causeries et de digres-
sions dans ses ouvrages: Un de nos babillards
chroniqueurs est Tallemant des Réaux. (Balz.)
— Par anal. Qui imite une personne qui
babille : Perroquet babillard. Pie babillarde.
Ma mère marchait toujours dans notre jardin,
accompagnée de pierrots effrontés, de fauvettes
agiles et de pinsons babillards. (G. Sand.) Le
grillon babillard se taisait à son approche.
(G. Sand.) il Dont le son a quelque analogie
avec la vuix d'une personne qui Wbille : Un
ruisseau babillard. Quelle nature souriante et
calme.' que de cours d'eau babillards se per-
dant sous les gazons fleuris! (Jourdan.)
— Prov. La joie est babillarde, On aime à
parler beaucoup quand on est content, et
l'on cherche à communiquer aux autres la
joie que l'on ressent.
— Substantiv. Personne babillarde : Un
grand babillard vint à mourir. Une femme
dit à cette occasion : « Après tout, qu'est-ce que
la mort de M. '" : un peu moins de bruit dans
lequartier.'C") Je jugeai par cetteréponse que
le muletier était un babillard, et je n'en fus
pas fâché. (Le Sage.) Il faut que les gens de ce
pays-ci soient de grands babillards. (Mol.)
Ce sont des babillardes qui iront le répéter
dans toute la ville. (G. Sand.) Le babillard
jouit du mouvement -de sa langue, du bruit
qu'il fait et le plaisir de s'entendre parler.
(Massias.) Le babillard n'exige point que vous
l'écoutiez, mais seulement que vous restiez là
et que vous le laissiez parler. (Massias.) Le ba-
billard est un être mixte gui tient à la fois de
la portière et de l'indiscret. (Boitard.)
Babillard, censeur et pédant
Sont en plus grand nombre qu'on pense.
La Fontaine.
Babillard importun, toi qui ne sais rien faire,
Pour apprendre à parler commence par te taire.
Boissy.
— s. m. Techn. Axe central qui agite l'au-
get et fait descendre le grain entre les meules
d'un moulin.
— Chass. Chasseur qui ne sait pas se taire
pour cacher sa présence au gibier, il Chien
qui crie il droite et à gauche, sans motif : Le
babillard est un chasseur ignorant ou unchien
qui crie à droite et à gauche sans savoir pour-
quoi : on doit fuir l'un et noyer l'autre. (E.
Chapus.)
— Ornith. Nom vulgaire du gobe-mouches
vert de la Caroline, à cause de son gazouil-
lement continuel, il Nom donné à une espèce
du genre fauvette.
— Ichthyol. Nom donné à un poisson plat
du genre pleuronecte, à cause du omit conti-
nuel qu'il fait en nageant.
— Argot. Confesseur, à cause des conseils
qu'il prodigue aux pénitents, ou peut-être à
cause d'une défiance injuste, mais naturelle
chez ceux qui parlent l'argot, pour la discré-
BAB
tion des directeurs de consciences, il s. f.
Lettre missive, à cause des secrets quelque-
fois compromettants qu'elle peut contenir.
— Syn. Babillard, bavard. Le défaut du
babillard n'est pas odieux, "celui du bavard
peut l'être; le babillard parle trop, mais il le
fait par légèreté, par enfantillage ; le ba-
vard est indiscret et impertinent, il parle tou-
jours et il le fait d'un ton d'importance qui
prouve sa sottise. Voltaire ne se serait pas
permis d'appeler Homère un bavard; il lui
applique l'épithète de babillard dans les vers
suivants :
i Plein de beautés et de défauts,
Le vieil Homère a mon estime;
11 est, comme tous ses héros,
Babillard outré, mais sublime.
— Antonymes. Muet, silencieux, sobre de
paroles, taciturne.
Babillard (le) ( The Tattler), journal an-
glais publié par Steele. Le premier numéro de
ce journal parut le 12 avril 1709. Swift avait
. déjà popularisé le nom d'Isaac Bickerstaff
dans un pamphlet fort spirituel ; Steele l'adopta
pour pseudonyme et prit le titre de Babillard
«par déférence, dit-il, pour les dames aux-
quelles s'adresse principalement sa publication
et dont il réclame la protection. »
Steele avait fondé le Babillard h l'insu de
son ami Adijison. Celui-ci, qui se trouvait alors
en Irlande et qui lisait régulièrement la nou-
velle feuille, reconnut l'auteur dès le 6e nu-
méro , à une remarque sur Virgile qu'il lui
avait communiquée quelque temps aupara-
vant. Steele, se voyant découvert, sollicita la
collaboration de son ami , et c'est dans le
18e numéro, en date du 21 mai 1709, que l'on
trouve le premier article fourni par Addison.
Mais ce n'est Que quelques mois après qu'il
concourut régulièrement et activement à la
rédaction. En effet, ce fut dans le Babillard
que le futur éditeur du Spectateur publia quel-
ques-uns de ses plus charmants essais. « La
manière dont Steele avait conçu son essai pé-
riodique, dit M. Mézières, ne laissait pas en-
trevoir le degré de perfection que ce genre
devait bientôt atteindre. La première partie
du Babillard n'offre guère autre chose qu'un
verbiage insipide. »
Ses articles dataient tantôt d'un lieu, tan-
tôt d'un autre, suivant la nature du sujet;
ce babil de tavernes, ces lieux communs de
conversation, cette frivolité sans agrément,
tout cela niarque bien l'enfance de l'art et
les tâtonnements inévitables dans une carrière
nouvelle. Il est permis de croire que, si le Ba-
billard eût été continué sur le plan suivi par
Steele avant que son ami prît part à la ré-
daction, rien n'aurait sauvé l'auteur de l'oubli
où reposent aujourd'hui ses devanciers.
Steele indique lui-même avec franchise
Téeueil ordinaire de ce genre de publication :
« Quand on a pris l'engagement, dit-il, d'en-
tretenir une voiture publique, il faut partir,
qu'il y ait ou non des voyageurs. Il en est de
même de nous autres écrivains périodiques. »
En adoptant cette comparaison, on peut dire
qu'il part souvent à vide. Véritablement, il
épuise toutes les ressources de remplissage
que la négligence et la nécessité peuvent sug-
gérer h un journaliste. 11 prodigue jusqu'à
satiété les lettres et les conversations fami-
lières; quelquefois il cite des faits universel-
lement connus de l'histoire ancienne, tels que
le trait de continence de Scipion, la mort de
Pcetus et d'Arria, etc.; mais il en gâte la noble
simplicité par de faux ornements. Ailleurs, il
insère des avis semblables, pour le fond et
pour la forme, à ceux qu'on trouve de nos
jours dans les feuilles d annonces. Enfin , la
pénurie l'oblige à recevoir de toutes mains,
et à profiter des plus futiles communications.
La plupart des essais de Steele manquent
d'unité. Il n'adopte point de plan, ne suit au-
cune méthode. 11 se met à écrire sous l'inspi-
ration du moment, sans préparer son sujet
par la méditation, et il s'abandonne à, son ex-
trême facilité. A travers le désordre habituel
de ses compositions, on distingue ça et là des
traits d'observation, des idées justes ou ingé-
nieuses qu'on regrette de ne pas voir dans un
meilleur cadre, et qui ne laissent aucune trace
dans l'esprit. Toutefois, il est juste de recon-
naître que, du moment où Addison devient un
auxiliaire assidu pour la rédaction du Babil-
lard; le ton de Steele s'élève, se fortifie, s'é-
pure, et, dans un petit nombre d'articles, il
saisit assez habilement la manière do son
ami pour faire illusion aux lecteurs. Malheu-
reusement, Steele ne possédait qu'une instruc-
tion médiocre. Les irrégularités de sa jeunesse,
la dissipation d'une vie militaire et son amour
des plaisirs lui avaient interdit les fortes
études. Il savait un peu de français et un peu
d'italien, mais ne connaissait pas l'antiquité
grecque ; en outre, il semblait ignorer entière-
ment l'histoire, la philosophie et les sciences.
Toutefois, son goût en littérature n'était ni
étroit ni timide. Il est un des premiers qui
aient appelé l'attention de ses compatriotes
sur le génie de Milton,, encore mal apprécié.
Partout il se montre admirateur enthousiaste
de Sbakspeare ; et, dans le Babillard, il fait
ressortir avec âme et avec éloquence les
beautés de divers passages de Richard III,
d'Hamlet et d'Othello.
On s'occupait trop alors de politique en An-
gleterre pour ' que Steele se • dispensât d'en
parler, et Steele était lui-même trop patriote,
trop imbu de wighism pour garder le silence
BAB
au milieu de l'entraînement général. Nous ci-
terons-seulement, à ce propos, le numéro 187,
où Steele s'est élevé à une grande hauteur de
pensée et d'expression, et dans lequel il com-
pare le rappel de Marlborough à celui d'An-
nibal, et le triomphe des torys à celui des
partisans d'Hannon.
Le Babillard parut régulièrement trois fois
par semaine (les mardi, jeudi et samedi) jus-
qu'au 2 janvier 1711, époque à. laquelle le
triomphe du parti tory obligea Steele à en ar-
rêter la publication; mais il lui restait sa répu-
tation à'essayist dont il se servit pour créer le
Spectateur le 1" mars 1711. Le talent d'Ad-
dison et le succès du Spectateur ont quelque
peu nui à la réputation du Babillard; des
critiques se sont autorisés de ce discrédit ap-
fiarent pour rabaisser l'œuvre de Steele, mais
a lumière s'est faite .aujourd'hui, et, outre le
mérite d'avoir créé un genre que l'Angleterre
cultive avec une évidente supériorité , de
grands esprits tels que Forster, dans ses
Essais; Thackeray, dans ses Humoristes an-
glais; Hazlitt, dans ses Conversations autour
de la table, et Maeaulay, dans son Histoire
d'Angleterre, l'ont placé sur la même ligne que
le Spectateur, lorsqu'ils ne lui donnent pas la
préférence.
Malgré toute l'étendue que nous avons don-
née à cet article, l'analyse d'une feuille qui
tient encore aujourd'hui tant de place dans
l'histoire de la littérature anglaise resterait
incomplète, si nous ne revenions pas sur le
concours que lui prêta la plume d' Addison. Le
célèbre écrivain sut lui imprimer un intérêt de
tous les temps et des couleurs qui ne se terni-
ront jamais. Ses articles forment aujourd'hui
le plus bel ornement et le principal attrait du
Babillard. Ses essais sur le Procès des fabri-
cants de vins et sur le Régime diététique de
Londres, sont des modèles d'une exquise raille-
rie, qui trouveraient leur application ailleurs
que sous le méridien de Londres. Le Testament
d'un amateur et la Lettre de sa veuve mettent
en relief, avec un humour véritablement bri-
tannique, la manie des collectionneurs ; la Vi-
site chez une fleuriste est un morceau charmant,
auquel J.-J. Rousseau n'a pas dédaigné d'em-
prunter un des incidents les plus remarquables
de sa Nouvelle-liéloïse. Mais le morceau que
nous citerons de préférence, — et c'est par là
que nous terminerons notre article, — est celui
que nous lisons dans le numéro 153 Sous ce
titre : Comparaison des différents genres de
conversation avec les instruments de musique.
Cet extrait brille autant par l'imagination et
l'originalité que les meilleures pages du Spec-
tateur :
« J'ai entendu parler d'un tableau fort cu-
rieux dans lequel tous les peintres de l'époque
où il parut sont représentés assis en cercle,
et préludant à un concert. Chacun d'eux joue
de l'instrument particulier qui répond le mieux
au genre de son talent, au style et à la ma-
nière de peindre qui lui est propre. Un peintre
de coupoles, alors fameux, pour exprimer la
grandeur et la hardiesse de ses figures, tient
à sa bouche un cor dont il semble sonner avec
beaucoup de vigueur. Au contraire, un habile
artiste, qui travaillait ses peintures avec un
soin extrême, et leur donnait ces touches gra-
cieuses qui charment l'œil le plus délicat, pa-
rait accorder un téorbe. Le même genre d'i-
magination règne dans tout le morceau.
» En méditant sur cette idée, j'ai plus d'une
fois réfléchi qu'on pourrait également repré-
senter les divers talents de la conversation
par les différentes sortes de musique, et ranger
les nombreux discoureurs de cette grande
capitale en classes et en catégories distinctes,
selon qu'ils ressemblent aux divers instru-
ments en usage parmi les maîtres de l'har-
monie. Suivons-les donc dans leur ordre, et
commençons par le tambour'.
a Les tambours, ce sont les tapageurs dans
la conversation, qui, avec de gros éclats de
rire, une gaieté intempestive, et un torrent de
paroles, dominent dans les assemblées publi-
ques, intimident les hommes de sens, assour-
dissent leurs voisins, et remplissent le lieu où
ils se trouvent d'une clameur étourdissante,
qui rarement offre quelque trace d'esprit, de
belle humeur ou de savoir-vivre. Néanmoins,
le tambour, par cette vivacité turbulente, est
très-propre a en imposer à l'ignorance, et,
dans la société des dames qui n'ont pas un
goût très-fin, souvent il passe pour un cava-
lier aimable et spirituel, et pour une compa-
gnie merveilleusement amusante. Je n'ai pas
besoin d'observer que le vide même du tam-
bour contribue beaucoup à le rendre sonore.
■ Le luth est un caractère précisément op-
posé au tambour ; il résonne fort agréablement
seul ou dans un très-petit concert. Ses accords
sont de la douceur la plus suave, mais si fai-
bles, qu'ils échappent bientôt dans une foule
d'instruments, et se perdent même dans un
petit nombre, à moins qu'on ne leur prête une
attention particulière. Qn n'entend guère un
luth dans une compagnie de plus de- cinq con-
certants, au lieu qu'un tambour se produit avec
avantage dans une réunion de quelques cen-
taines. Les joueurs de luth sont donc ces
hommes d'un beau génie, d'un jugement su-
périeur, et d'une exquise politesse, qui obtien-
nent surtout l'estime des personnes de bon
goût, seuls juges dignes d'apprécier une mélo-
die si pure et si délicieuse.
» La trompette est un instrument qui a peu
d'étendue musicale ou de variété de sons, mais
qui ne laisse pas de plaire beaucoup, tant qu'il
BAB
9
se renferme dans sa sphère. Il ne compte pas
plus de quatre ou cinq notes, qui pourtant sont
fort agréables, et susceptibles de cadences et
de modulations gracieuses. Les messieurs qui
appartiennent à cette catégorie sont nos gens
à la mode, pleins de bon ton et de savoir-
vivre, qui ont acquis une certaine urbanité de
langage et un air d'élégance dans les sociétés
polies qu'ils fréquentent ; mais qui, en même
temps, ont un esprit superficiel, une capacité
médiocre et une faible dose de jugement. La
comédie, un cercle, un bal, des visites ou une
promenade au Parc, voilà les seules notes
qu'ils possèdent, et leur éternel refrain dans
toutes les conversations. La trompette, néan-
moins, est un instrument nécessaire dans le
voisinage d'une cour, et qui anime bien un
concert, quoique par elle-même elle ait peu
d'harmonie.
» Les violons sont ces beaux esprits vifs,
pétulants, indiscrets, qui se distinguent par
des éclairs d'imagination , de piquants im-
{iromptus, des traits de satire, et qui prennent
e dessus dans tous les concerts. Je ne sau-
rais pourtant me' défendre d'observer que,
quand on n'est pas disposé à entendre la mu-
sique, il n'y a pas dans l'harmonie de son plus
désagréable que celui du violon.
» Il y a encore un instrument musical plus
commun parmi nous qu'aucun autre : je veux
dire la basse, dont le ronflement fait le fond
du concert, et qui, par ses sons âpres et
mâles, renforce 1 harmonie et corrige ta mol-
lesse des divers instruments qui l'accompa-
gnent. La basse est un instrument d'une tout
autre nature que la trompette, et peut repré-
senter ces hommes d'un gros bon sens et d'un
esprit inculte , qui n'aiment pas à s'entendre
fiarler, mais qui quelquefois rompent leur si-
ence, avec une agréable rudesse, par une
saillie inattendue ou une boutade plaisante, au
divertissement de leurs amis et de leurs com-
pagnons. En un mot, je regarde naturellement
tout Breton d'un sens droit et de race pure
comme une vraie basse.
» Quant à nos beaux esprits campagnards,
qui parlent avec beaucoup de feu et d'élo-
quence de renards, de meutes, de chevaux, de
haies, de barrières, de fossés et de culbutes,
je doute si je dois leur accorder une place
dans le domaine de la conversation. Néan-
moins, s'ils veulent se contenter de monter au
rang de cors de chasse, je désire que doréna-
vant on ne les désigne plus que par ce nom.
■ Il ne faut pas omettre ici les cornemuses
qui vous régalent du matin au soir de la ré-
pétition de quelques notes, qu'elles jouent sans
relâche, avec accompagnement de leur bour-
don monotone. Ce sont nos lourds, insipides
et ennuyeux conteurs, la peste et le fléau de
la conversation, qui tranchent de l'important
personnage pour conter une anecdote se-
crète, et révéler une nouvelle dont la certi-
tude ou la fausseté n'intéresse en rien le public.
On a cru observer que le nord de l'Angleterre
est plus particulièrement fertile en corne-
muses.
■ Il y a si peu de personnes qui excellent
dans tous les genres de conversation, et qui
soient capables de discourir sur toute espèce
de sujet, que je ne sais si on doit en faire une
classe distincte. Néanmoins, afin que ma no-
menclature ne soit pas imparfaite, et par con-
sidération pour le petit nombre de possesseurs
d'un si rare talent, je les assimilerai au cla-
vecin, sorte d'instrument qui, comme chacun
sait, forme à lui seul un concert.
» Quant à nos harmonicas, qui regardent la
joie comme un crime, et n'aiment a s'entre-
tenir que d'objets lugubres et mortifiants pour
la nature humaine, je n'en ferai pas mention.
• Je passerai également sous silence tous
ces rebuts de la société, qui fourmillent dans
nos rues, dans nos tavernes, dans nos fêtes et
à nos banquets publics. Je ne puis voir dans
leurs propos une conversation , mais plutôt
quelque chose qui eu offre une faible image.
Si je voulais donc les comparer à quelque in-
strument musical, je choisirais ces modernes
inventions , la guimbarde , le mirliton et les
castagnettes.
» Si mes lecteurs ont envie de savoir où se
trouvent les divers personnages que je viens
de passer en revue, je puis leur indiquer une
complète réunion de tambours, sans parler
d'un cercle de cornemuses dont j'ai déjà fait
la description. Souvent on rencontre les luths,
par couples, sur les bords d'un ruisseau lim-
pide, ou dans l'asile des sombres forêts, et
dans les prés fleuris, qui sont également,
mais par des raisons différentes^ le séjour fa-
vori de nos cors de chasse. On voit ordinaire-
ment.les basses auprès d'une bouteille de bière
aigre et d'une pipe de tabac, tandis que ceux
qui aspirent au titre de violons n oublient
guère de paraître une fois le soir au café en
vogue. On peut rencontrer une trompette par-
tout aux environs du palais.
» Afin de recueillir quelque avantage moral
des réflexions précédentes, je conjure le lec-
teur d'exercer une surveillance active sur ses
manières et sa conversation ; d'examiner sé-
rieusement en lui-même, au sortir d'une com-
pagnie, s'il s'est conduit comme un tambour
ou une trompette, un violon ou une basse; et
de faire de son mieux pour corriger sa musi-
que h l'avenir. Quant a moi, il faut bien que
je l'avoue, jo fus, durant plusieurs années, un
tambqur. et même un tambour fort bruyant,
jusque ce que me civilisant un peu dans la
2
10
BAB
bonne société, je modelai ma conversation sur
la trompette, autant qu'il était possible à un
homme d'un tempérament fougueux. Grâce à
cette combinaison de diverses harmonies, je
crois avoir quelque temps ressemblé a un tam-
bour de basque. J'ai fait depuis bien des ef-
forts pour atteindre à la douceur du luth ;
mais, en dépit de toutes mes résolutions, je
confesse à ma honte que je me sens chaque
jour dégénérer en cornemuse. Si c'est l'effet
de mon grand âge ou de la compagnie que je
fréquente, c'est ce que je ne saurais dire.
Tout ce que je puis faire, c'est de veiller sur
ma conversation , et d'imposer silence au
bourdon, dès que je m'aperçois qu'il commence
à fredonner; bien résolu que je suis d'écouter
les notes des autres, plutôt que de jouer à
contre-temps et de troubler leur partie dans
le concert par les sons d'un si maussade instru-
ment. ■
Babillard (le), titre expressif qui fut pris
à différentes époques par uu certain nombre
de journaux politiques ou littéraires. Nous
rappellerons seulement ici : Le Babillard, par
Cabaisse (in-4°, an VI, )85 numéros);— le
Babillard, par Rutèledge, 48 numéros avec
cette épigraphe significative : Dicere, dicere,
et dicere; — le Babillard, journal du Palais-
lioyal et des Tuileries, du 1er juin au 31 dé-
décembre 1791 (in-8°, 137 numéros), au 117c
numéro il avait pris pour sous-titre : ou le
Chant du Coq. C'était un des organes des
Feuillants.
BaMtiard (le), comédie en un acte et en
vers de Boissy, représentée en 1725. Le Babil-
lard, c'est Léandre, amant d'une jeune veuve,
Clarisse. Tout, dans l'intrigue de la pièce, est
sacrifié a ce personnage. L'auteur l'avait
d'abord faite en cinq actes; elle n'eut aucun
succès : il la réduisit à trois; on la trouva
encore trop longue : enfin il n'en fit qu'un acte
très-court, où le Babillard est presque toujours
en scène : c'était le seul moyen de mettre au
théâtre ce caractère, qui ne peut être lié à
aucune intrigue, et qui ne plaît que par des
travers absolument incompatibles avec toute
idée suivie. Personne, mieux que Boissy ,n'était
en état de peindre ce ridicule : il avait, comme
auteur, les défauts d'un babillard de société,
et, sans effort^ il pouvait dessiner ce person-
nnge. Le mérite de ce petit ouvrage consiste
dans l'étonnante volubilité du rôle de Léandre,
volubilité qui se fait sentir, même en le lisant.
Il serait impossible de débiter ce rôle avec
lenteur; l'auteur vous entraîne malgré vous;
on passe avec lui, sans s'en apercevoir, d'une
idée à une autre. Le style n'offrant aucun mot,
aucune tournure qui retienne l'attention, on
suit involontairement dans sa course désor-
donnée ce singulier caractère. La scène des
six femmes est originale et piquante; c'est la
seule qui appartienne au véritable comique.
-Toute discussion sur le fond et sur la inarche
de cette comédie serait superflue : l'intérêt est
exclusivement fixé sur le personnage principal.
Le Babillard obtint vingt-cinq représenta-
tions consécutives. On applaudit surtout le
couplet final chanté au public par Léandre :
Messieurs, un mot avant que de sortir.
Je serai court, contre mon ordinaire.
Si, par bonheur, j'ai pu vous divertir;
Si mon babi! a su vous plaire,
Daignez le témoigner tout haut;
Si je vous déplais, au contraire.
Retirez-vous, sans dire mot:
N'imilez pas mon caractère.
Cette pièce est restée très-longtemps au ré-
pertoire et plairait encore, même de nos jours,
«i quelque artiste de talent se mettait en tête
d'étourdir le public par le babil spirituel du
.héros de Boissy.
BABILLE s. f. (ba-bi-lle; Il mil.). Argot.
Lettre, missive, pour babillardk.
BABILLEMENT s. m. (ba-bi-llo - man;
Il mil.— rad. babiller). Flux de paroles,
penchant à. babiller : Le babillement est
quelquefois un symptôme de maladie.
babiller v. n. ou intr. (ba-bi-116; «mil.
— rad. babil). Parler beaucoup, sans ordre,
sans suite et à propos de rien ; dire beaucoup
de choses inutiles : Tout ce qui babille et
s'habille, s'habille -pour sortir et sort pour ba-
biller. (Balz.) Une dame demandait un jour à
Alphonse Karr une définition de la femme;
l'auteur des Guêpes répondit immédiatement
par cette figure : La femme est une créature
qui s'habilh, babille et sa déshabille.
C'est véritablement la tour de Babylone,
Car chacun y babille et tout du long de l'aune.
Molière.
Adieu; je perds le temps : laissez-moi travailler;
Ni mon grenier, ni mon armoire
Ne se remplit a babiller. La Fontaine.
il Ecrire longuement : Ayez la bonté de vous
préparer à une réponse longue : les vieillards
aiment à babiller. (Volt.)
— Se dit de certaines réunions bruyantes :
Il y a beaucoup d'assemblées qui babillent ;
il eu est peu qui agissent. Le carnaval à Rome
fourmille, babille et scintille aux lueurs de
cent mille moccolelti. (Tli. Gaut.)
— Parler avec verve et facilité •. Qu'esl-il?
un intrigant qui peut posséder à merveille
l'esprit des affaires et babiller agréablement.
(Balz.)
— Par ext. Dire du mal, médire : Sur qui
n',\-t-on pas babillé?
Je sais fort bien que sur moi l'on bnbiile.
L'éeanoek.
BAB
— Par anal. Imftor la voix de gens qui
babillent : L'hirondelle dort peu, car on l'en-
tend Babiller dès l'aube du jour. (BufT.) A ma
droite s'ouvrait un charmant ravin plein d'om-
bre; un tas de petits oiseaux y babillaient à
qui mieux mieux. (V. Hugo.) Les grives ba-
billaient dans le buisson voisin. (G. Sand.) il
Produire un bruit semblable à, celui que font
des personnes qui babillent : Au moment du
départ, tout va bien; le postillon fait cla-
quer son fouet, les grelots des chevaux babil-
lent joyeusement. (V. Hugo.) Angoulême, ville
bizarrement juchée sur un coteau fort roide,
au pied duquel la Charente fait babiller deux
ou trois moulins... (Th. Gaut.) V Angélus tin-
tait dans l'air frais du matin; les merles sa-
luaient le jour; le moulin babillait sous les
saules. (J. Sande.au.)
— Véner. So dit d'un chien qui donne do la
voix sans motif : Ce limier babille trop.
— Transitiv. Dire en babillant : // récite
son esprit avant de le vendre; il babille
d'avance tous ses pamphlets (Champfort. )
Il Inusité.
— Syn. Babiller, bavarder, caqueter, jaho-
ter, jaser. Babiller, c'est causer beaucoup, un
peu a tort et à travers , dire des choses inu-
tiles ; on fatigue souvent les autres en babil-
lant , mais quelquefois aussi on les amuse.
Bavarder, c'est causer hors de propos , avec
impertinence, d'une manière ridicule et tou-
jours avec prétention. Caqueter, c'est parler
haut, sans ménagement pour les autres, comme
les commères qui se plaisent à dire du mal de
tout le monde et à répéter les nouvelles du
quartier. On jabote quand on cause douce-
ment, sans bruit, en petit comité. On jase
quand on parle longuement, avec complai-
sance et pour le plaisir de parler longtemps.
BABILLEBIE s. f. (ba-bi-lle-rî ; Il mil. —
rad. babil). Action de babiller, bavardage :
Ce sont ordinairement des jeunes gens \qui se
tiennent aux moustaches , aux cheveux , aux
œillades, aux habits, à la morgue, à la babil-
lerie. (Saint François de Sales.) il Ce mot
n'est plus usité.
BABILLOIRE s. f. (ba-bi-lloi-rû ; Il mil. —
rad.' babil). Sorte de chaise três-commodo
pour se livrer au plaisir de la conversation.
BABIN (François), théologien, né a An-
gers en 1651, mort en 1734. Il est auteur des
dix-huit premiers volumes des Conférences
d'Angers, ouvrage fort estimé, qui a été con-
tinué par Audebois delà Chalinière et d'autres
auteurs. Il a encore donné un Journal ou Re-
lation fidèle de tout ce qui s'est passé dans
l'université d'Angers au sujet de la philosophie
de Descartes (1679).
BABINAUEIIiDA, petite ville de l'empire
d'Autriche, province militaire de Slavonie, au
S.-O. de Vinkovize; 4,200 hab.
BABINE (république de), association formée
en Pologne, sous le règne de Sigismond-Au-
guste, par un gentilhomme polonais nommé
Psanka, dans sa terre de Babine. Elle se com-
posait des personnes qui s'étaient signalées
par quelque action ridicule ou bouffonne, ou
par quelque plaisanterie remarquable. C'était
une sorte de république des fous qui n'avait,
au moins en apparence, d'autre but que le
plaisir, et qui se maintint pendant un siècle.
babine ou BABOUINE s. f. (ba-bi-ne, ba-
bou-i-no — du lat. labia , lèvres. — Etym.
dout.). Lèvre pendante de certains animaux :
Les babines des vaches, des singes. Les babines
d'un dogue. Un singe qui remue les babines.
(Acad.) Des chameaux agitant leurs babines
velues. (Th. Gaut.) La panthère arriva, les ba-
bines sanglantes. (Balz.) il S'empl. le plus
souvent au pluriel.
— Pop. et triv. Lèvres d'une personne :
S'essuyer les babines. Zîonner un coujo sur les
babines de quelqu'un.
— Loc. pop. S'en doiiner par les babines, Se
régaler amplement de quelque mets, et aussi,
Manger, dissiper tout son bien, n S'en lécher
les babines, Témoigner le plaisir qu'on a eu
ou qu'on aurait de boire ou de manger quel-
que chose de bon : Quel dîner ! je m'en suis
léché les babines. Le louveteau déjà se lèche
les babines. (H. Rolland,)
BABINET (Jacques), le plus spirituel de
nos savants et le plus savant de nos hommes
d'esprit, né à Lusignan (Vienne), 5 mars 1794.
Il fut successivement élève du lycée Napo-
léon, de l'école Polytechnique (1812), et de
l'école d'application de Metz, d'où il sortit
avec le grade de sous-lieutenant d'artillerie.
Mais les exigences de ia profession militaire
étaient incompatibles avec les inclinations stu-
dieuses du jeune Babinet ^ il la quitta pour
entrer dans l'Université qui, en assurant a ses
besoins modestes des ressources suffisantes,
lui laissait le temps de se livrer à la science
et lui procurait le plaisir de l'enseigner.
D'abord professeur de mathématiques en pro-
vince, puis au collège Saint-Louis, à Pans, il
fit à 1 Athénée (1825) un cours de météoro-
logie, science pour laquelle il a conservé un
faible incorrigible; suppléa Savary au Collège
de France (1838); et, en 1840, remplaça Du-
long à l'Académie des sciences. M. Babinet,
décoré de la Légion d'honneur en 1831, est
aujourd'hui astronome-adjoint du Bureau des
longitudes.
Ses travaux, qui embrassent diverses par-
ties de l'astronomie, de la physique et de
la météorologie, consistent dabord en nom-
breux mémoires adressés à l'Académie.
BAB
Nous citerons seulement les principaux :
Mémoire sur la détermination de la masse de
la planète Mercure (1825); Recherches sur les
couleurs des réseaux (1829), où l'on voit que
M. Babinet, à l'aide d'un appareil très-simple,
mesure les déviations des raies des spectres
produits par le phénomène des réseaux, phéno-
mène qui avait été découvert par Fraunnofer;
Mémoire sur la détermination du magnétisme
terrestre (1829) : Mémoire sur la double réfrac-
tion circulaire (1837), où M. Babinet signale
l'inégale absorption des rayons ordinaires et
extraordinaires dans le phénomène de la double
réfraction; Mémoires sur les caractères opti-
ques des minéraux (1837); Mémoire sur le cercle
parhélique , les couronnes, l'arc-en-ciel, etc.
(1837) , dans lequel la théorie de ces météores
est rectifiée et complétée en quelques points ;
Théorie des courants de la mer (1837 et 1849) ;
Mémoire sur la perte d'un demi-intervalle d'in-
terférence dans la réflexion à la surface d'un
milieu réfringent (1839), etc., etc. M. Babinet
a inventé ou perfectionné divers appareils de
physique : on lui doit un polariscope, un go-
niomètre, un perfectionnement ingénieux qui
facilite la lecture des variations de l'allonge-
ment du cheveu dans l'hygromètre ; un robinet
grâce auquel on a pu augmenter considéra-
blement la puissance raréfactivede la machine
pneumatique, etc.. Il a encore composé un
élégant Traité de géométrie descriptive, et à
imaginé un nouveau système de projection,
dit nomalographique (omalos, régulier), pour
la confection des cartes de géographie. Dans
ce système, les cercles parallèles sont repré-
sentés par des droites, et les méridiens par des
ellipses, construction qui a l'avantage d'éta-
blir une proportionnalité exacte entre des
régions quelconques de la terre et les parties
correspondantes du plan.
Toutes ces notices sont en partie comprises
dans les Etudes et lectures sur les sciences
d'observation et leurs applications pratiques,
dont la collection comprend aujourd'hui huit
vol. in-12.
Par les articles qu'il a envoyés à la Bévue
des Deux-Mondes et au Journal des Débats,
par les leçons qu'il fait aux conférences de
l'Association polytechnique, articles et leçons
dont il se publie chaque année un volume, sous
le titre d'Entretiens et lectures sur les sciences
d'observation, M. Babinet s'est placé à la tête
des vulgarisateurs de la science. Moins métho-
dique, moins élevé, moins professeur qu'Arago,
il est plus piquant, plus goûté des esprits lé-
gers, plus abondant en anecdotes et en plai-
santeries, plus fourni de citations, plus cau-
seur, on pourrait dire un peu bavard. On se
passionnait pour la science aux cours d'Arago ;
on s'égaye d'en entendre parler aux causeries
du père Babinet. Soit qu'on l'écoute, soit qu'on
le lise, l'esprit est délicieusement récréé, lors
même qu'il n'est pas instruit: c'est, qu'en effet,
la verve du spirituel académicien ne saurait
se contenir dans un sujet unique; elle est aussi
vagabonde que l'abeille, qui ne compose pas
non plus son miel des sucs d'une seule fleur.
Malgré les plaisirs qu'il continue de procurer
a ses auditeurs et à ses lecteurs, quelques-uns
d'entre eux n'ont pas encore pu oublier qu'un
jour M. Babinet voulut, à son auréole de sa-
vant, ajouter celle de prophète, et qu'il leur
en coûta une déception mortifiante pour l'avoir
pris au sérieux. L'ancien professeur de mé-
téorologie avait annoncé, pour les 27 et 28 sep-
tembre 1859, le phénomène du mascaret de la
Seine à Ûaudehec. Il l'avait expliqué, en avait
décrit les merveilles, ajoutant que « Caudebec
est une jolie petite ville où l'on arrive facile-
ment..., où l'art et la nature feront à l'envi
spectacle pour les curieux. » Toutes les pré-
cautions du départ étaient indiquées avec un
soin minutieux, digne d'un guide de profes-
sion. Les curieux affluèrent, en effet; mais le
spectacle fut des plus maigres, et le chemin de
fer, qui avait amené des gens pleins d'espoir,
les ramena honteux et déçus, et garda leur
argent. Les réclamations plurent chez M. Ba-
binet; aussi, l'année suivante, annonçait-il
que le mascaret était devenu pour lui « un vrai
cauchemar; » ce qui ne l'empêche pas d'an-
noncer et de décrire périodiquement les phé-
nomènes du même genre, que ramènent les
deux grandes marées de chaque année. Mais
cette fois le prophète est cru sur parole. Et,
dans son excès de confiance, le Parisien a
soin de ne plus se déranger pour vérifier l'é-
vénement : il en était ainsi à Troie de la pau-
vre Cassandre.
Les conférences du spirituel savant sont
semées d'anecdotes, et personne ne s'en plaint.
Mais le professeur les trouve tellement pi-
quantes qu'il se délecte à les répéter. Par
exemple, en voici une excellente, nous en con-
venons,que M. Babinet n'a pas manqué de re-
dire dans les huit ou dix séances qu'il a con-
sacrées à ce malheureux câble transatlantique,
dont les fugues font le désespoir du Great-
Eastern, « Le cuisinier chef d'un bâtiment
monte un jour sur le pont et dit : * Mon ca-
» pitaine, quand on sait où est un objet, peut-
• on dire qu'il est perdu? — Non, mille sa-
» bords I — Eh bien , votre théière d'argent
» n'est pas perdue, car je sais qu'elle est au
» fond de la mer. » Et M. Babinet concluait
malignement que les Anglais avaient tort de
se désespérer de la perte du fameux câble,
puisque tout le monde savait qu'il dormait au
tond de l'Océan. »
Conclusion : Il ne faut lias plus abuser de
l'esprit que du pâté de lièvre; il en est de
BAB
l'esprit comme du plaisir, dont Voltaire di-
sait : «Toujours du plaisir, ça n'est plus du
plaisir. ■
BABl.NGTON (Antoine), conspirateur catho-
lique anglais, trama un complot pour assas-
siner Elisabeth et délivrer Marie Stuart, et
fut pendu et écartelô en 1586. Ce fanatique
avait écrit à Marie Stuart pour la prévenir
qu'il avait résolu, avec ses amis, de la délivrer
et « d'expédier > sa puissante ennemie. On ne
sait si l'illustre captive lui répondit.
BABINGTON (Gervais), théologien anglais,
évéque d'Exeter et de "Worcester, né dans le
comté de Nottingham, mort en 1610. Ses œu-
vres, réimprimées en 1637 , contiennent des
Remarques sur le Pentateuque, une Exposition
du Symbole, et divers autres traités ou com-
mentaires.
BAMNGTON (le Révérend Churchill), éru-
dit et naturaliste anglais, né en 18Î1, est pro-
fesseur de botanique à l'université de Cam-
bridge depuis 1861. Ce savant a écrit, outre
quelques thèses de controverse religieuse, des
parties entières dans les publications de Hooker
et Potter sur l'histoire naturelle, ainsi quo
dans les recueils scientifiques. Il a édité,
d'après les manuscrits originaux, les Discours
retrouvés d'Hypèride contre Démostkène, etc.
BABINGTON (Charles-Cardale) , natura-
liste anglais, né en 1808, membre de plusieurs
sociétés savantes, est auteur d'un Manuel de
botanique, de la Flora Bathoniensis, et de la
Flora of the Channel islands.
baBINgtûnie s. f. (ba-bain-gto-nî — de
Babington, naturaliste anglais). Bot. Genre
de plantes de la famille des myrtacées et de
la tribu des leptospermôes.
Babingtonite s. f. (ba-bain-gto-ni-te —
de Babingtoiij minéralogiste angï. ). Miner.
Nom d'un bisilicate de fer et de chaux.
— Encycl. La babingtonite est excessive-
ment rare. Elle ne s'est montrée jusqu'ici que
sur l'ulbite d'Arendal, en Norvège, et encore
en très-petite quantité. Elle cristallise dans le
système klinoedrique, ainsi qu'il résulte des
expériences de Lévy et de Duaber; néan-
moins, sa forme primitive se rapproche beau-
coup de celle de l'augite. Les échantillons
examinés jusqu'à présent sont colorés en
brun plus ou moins verdàtre ; ils contiennent
toujours un peu de magnésie et d'oxyde man-
Faneux. D'après Rammelsberg , qui en a fait
analyse, elie se compose de silice, d'oxyde
ferrique, d'oxyde ferreux, d'oxyde manga-
neux , de chaux et de magnésie. Le nom
qu'elle porte est celui d'un minéralogiste
anglais.
babinier, 1ÈRE adj. (ba-bi-nié , iè-re —
rad. babines). Pop.. Qui a de grosses lèvres
pendantes.
BAB1NOT (Albert), poète, né dans le Poi-
tou, mort vers 1570, fut un des premiers disci-
1 pies de Calvin. Lecteur en droit à l'université
de Poitiers, il tomba dans la suite dans un tel
dénùment, qu'il fut réduit a vendre des caques
de harengs. Il a laissé un recueil intitule la
Christiade, qui contient des sonnets, des odes,
des cantiques, etc. (Poitiers, 1559).
BABIOLE s. f. (ba-bio-le — pour l'étym.
v. bambin). Jouet d'enfant : Donner, acheter
des babioles à un enfant. Il Peu usité en ce
sens.
— Par anal. Chose de peu de valeur, baga-
telle : Acceptez ce petit présent, ce n'est qu'une
babiole. (Acad.) Les artistes mettent un prix
arbitraire à leurs babioles. (J.-J. Rouss.) Il
fut effrayé de la cherté de la vie et des moin-
dres babioles à Paris. (Balz.)
Le refus que l'on fait de nos riches babioles
M'apprend que ta maîtresse et toi, vous êtes folles.
Al. Duval.
Il Nom sous lequel on désigne généralement
les chinoiseries, les curiosités, et toutes ces
petites inutilités élégantes ou non dont on
surcharge maintenant les guéridons, les éta-
gères : Mille recherches ruineuses , mille ba-
bioles brillantes encombrent aujourd'hui la
demeure d'une femme à la mode. (G. Sand.)
Elle avait mis en évidence ces délicieuses ba-
bioles que produit Paris, et que nulle autre
ville ne pourra produire. (Balz.) Voilà donc,
messieurs, où en sont les gentilshommes en
France l Pour eux, la grande question est
d'avoir un tigre, un cheval anglais et des
babioles. (Balz.)
— Par ext. Personne brillante , légère et
sans valeur réelle : Il préférait, suivant ses
propres expressions, de vaillants et laborieux
soldats à tous ces petits marjolets de cour et
de ville, revêtus d'or et de pourpre; en un mot,
iln'entendaii pas favoriser ces babioles, comme
il les appelait dédaigneusement. (L. Reybaud.)
11 Peu usité.
— Syn. Babiole, bagatelle, breloque, brim-
borion , colifichet. Tous ces mots se disent
pour désigner un objet de peu de valeur. Une
babiole est proprement une chose qui ne peut
amuser que les enfants. Bagatelle est d'un
emploi très-général, et il s'applique bien aux
productions de l'esprit considérées comme
ayantpeu d'importance, aux biens de ce monde
comparés avec , les biens spirituels, etc. Bre-
loque se dit proprement des cachets et autres
petits bijoux qu'on attache aux chaînes de
montre; une breloque eut une chose de peu de
valeur qu'on expose à la vue comme si elle
avait un prix réel. Brimborion est un terme
fiAÈ
BAB
BAB
BAB
11
vulgaire, il ne s'emploie que dans le langage
familier et pour ridiculiser les petits objets
auxquels on l'applique. Colifichet se dit sur-
tout des petits objets servant à la parure, des
ornements puérils et recherchés.
BABION s. m. (ba-bi-on). Mamm. Espèce
de petit singe.
BABIROUSSA OU BABIRUSSE S. (ba-bi-
rouss-sa — mot malais qui signif. cochon-cerf}.
Mamm. Espèce indienne du genre cochon,
vulgairement nommée cochon-cerf, à cause
de la disposition de ses défenses, que l'on peut
comparer à des cornes : Les babiroussas se
trouvent assez communément aux Moluques et
uux iles Cëlèbes. (E. Desmarest. ) Le babi-
roussa se fait remarquer par ses formes tra-
pues et son museau très-allongé. (Bouille!.) Les
babiroussas sont bons nageurs. (Bouillet.)
Lorsqu'on chasse les babiroussas, lis se jettent
à la mer. (Cuv.)
— Encycl. Le babiroussa était connu des
anciens; mais ce qu'en ont dit Pline et les
auteurs qui l'ont suivi est mêlé de beaucoup
d'erreurs. Le babiroussa diffère des cochons
ou sangliers par son système dentaire. Un des
principaux caractères de ce genre est d'avoir,
a la mâchoire supérieure, les alvéoles des
dents canines dirigées en haut; ces dents, qui
atteignent un développement démesuré, sont
aussi dirigées en haut et se recourbent en
arrière sur elles-mêmes; les canines infé-
rieures ont de très-longues racines, et de-
viennent, quand l'animal arrive à un certain
âge, de véritables défenses. Le port du babi-
roussa, ses formes trapues, son museau allongé,
l'aspect de ses dents canines, ses oreilles
pointues et dirigées en arrière, sa queue grêle
et terminée par un bouquet de poils, sa peau
épaisse et plissée en plusieurs endroits, donnent
à ce pachyderme quelque ressemblance avec
le rhinocéros. Les canines supérieures percent
la peau du museau, et se recourbent en ar-
rière pour s'enfoncer dans la peau du front;
elles sont beaucoup plus courtes chez les
femelles. Ce sont ces canines que les anciens
avaient prises pour des cornes, d'où le nom
de cochon-cerf, qu'ils donnaient a cet animal.
Le babiroussa habite les îles de l'archipel
indien; il vit surtout dans les terrains maré-
cageux, à l'intérieur des forêts. Les naturels
en font grand cas et l'élèveut en domesticité ;
mais il garde toujours un caractère inquiet et
farouche. Omnivore comme les cochons , il
paraît préférer surtout le maïs. Les individus
apportés a la ménagerie de Paris y ont vécu
longtemps et s'y sont même reproduits. La
chair du babiroussa est très-bonne à manger
et très-savoureuse; presque entièrement dé-
pourvue de lard, elle rappelle, dit-on, par le
goût, la chair du cerf plutôt que celle du porc;
mais elle l'emporte en finesse sur l'une et sur
l'autre.
babka s. m. (babb-ka — mot polon. signif.
vieille femme). Art culin. Nom d'un gâteau
polonais très-haut et très-étroit, fait avec dos
œufs, du lait, du sucre, du fromage à la crème
et des amandes hachées, et qui est ainsi ap-
pelé parce qu'il offre une certaine ressem-
blance avec une vieille femme qui laisse
tomber sa tête . Le babka est une préparation
essentiellement polonaise; il s'en fait plus de
cent variétés, aux fruits, aux légumes, aux
poissons, etc.
— Métr. Petite monnaie de cuivre de
Hongrie, de très-minhno valeur.
BABLAH s. m. (ba-bla). Bot. Nom donné
aux fruits de l'acacia d'Arabie, peut-être
aussi à celui de quelques espèces voisines, '
qu'on emploie pour le tannage et pour la
teinture en noir ; de là le nom de tannin
oriental , que portent également ces fruits.
Le suc, jadis préconisé en médecine comme
astringent, est aujourd'hui négligé.
BABLOT (Louis-Nicolas-Benjamin), méde-
cin, né à Vadenay (Champagne) en 1754, mort
en 1802. Fixé à Châlons-sur-Marne, il y rem-
plit quelques fonctions publiques pendant la
Révolution. Il a publié, dans la Gazette de
santé et autres recueils , beaucoup de mé-
moires sur diverses questions médicales. On
a en outre de lui : Rapport sur la contagion
des cimetières (1793); Discours sur les maux
qu'enfante l'ignorance des lois (1795) ; Ré-
flexions sur les dangers des bains à l'eau cou-
rante des rivières ; Fragment d'un poème sur
la nécessité d'une religion , la religion natu-
relle (1797), etc.
BABMGG (Antoine), un des plus célèbres
ténors de l'Allemagne, né àVienneen 1794.
Toutefois il dut sa réputation plus k l'extraor-
dinaire beauté de sa voix qu à son talent de
chanteur. Il se retira du théâtre en 1842. Une
sonate à quatre mains pour piano a paru a
Vienne sous son nom.
BABO (Joseph-Marie), auteur dramatique
allemand, né en 1756, mort en 1822, fut pro-
fesseur de philosophie à Munich et d'esthétique
à Manheim. 11 a laissé beaucoup de productions
dramatiques, d'un mérite secondaire, mais où
l'on remarque de belles situations, des carac-
tères vrais et bien soutenus ; sa tragédie che-
valeresque intitulée Otto de Wittelsbach a
obtenu un grand et légitime succès. Le théâtre
de Babo a été publié à Berlin en 1793 et en
1804, 2 vol. in-8».
BABO (Lambert, baron de), agronome alle-
mand, né à Manheim en 1790. 11 est président
de la société d'agriculture de Bade, et, depuis
1853, professeur de chimie à l'université de
Fribourg. C'est un des meilleurs agronomes
de l'Allemagne. Il s'est particulièrement oc-
cupé de la culture de la vigne et de la fabri-
cation du vin. Ses ouvrages en ce genre
jouissent d'une réputation méritée. Les prin-
cipaux sont : Instructions pour la culture des
prairies (1836); La culture de la vigne (1840-42);
La vigne et ses variétés (1843); Chimie agricole
du cultivateur (1845 et 1850) ; Discours popu-
laires sur la culture de la vigne (1846); Manière
de faire et de traiter le vin (1846); Principes
de l'agriculture (l85l), etc.
BABO I S (Marguerite-Victoire) , femme poëte ,
née à Versailles en 1760, morte en 1839, sentit
son talent poétique s'éveiller à la mort d'une
fille chérie, et reçut des encouragements des
plus grands écrivains de cette époque, Ducis,
Lebrun, etc. Le critique Geoffroy disait que,
quand on pleurait comme elle, on ne devrait
jamais sourire. Mme Babois. a laissé des Elé-
gies maternelles, dont la versification est très-
pure, et des Elégies natio7iates, qui lui furent
inspirées par les événements de 1815.
BABOLEIN (saint), premier abbé de Saint-
Maur-les-Fossés, mort l'an 660. Il contribua à
la fondation de plusieurs églises et hôpitaux
de Paris.
BABON, burgrave de Ratisbonne, au xi<= siè-
cle. On raconte que l'empereur Henri II ayant
invité à une partie de chasse tous les gentils-
hommes qui se trouvaient à Ratisbonne, leur
avait recommandé d'amener chacun peu de
monde à leur suite. Mais comme Ba-bon avait
trente-deux fils, outre huit filles, il crut pou-
voir se faire accompagner par eux. L'empe-
reur montra d'abord quelque mécontentement
en voyant une suite si nombreuse, mais quand
il sut qu'il n'y avait là qu'une seule famtlle, il
leur témoigna a tous une grande bienveillance.
Les fils du burgrave Babon furent la tige de
plusieurs maisons illustres, presque toutes
éteintes aujourd'hui. Il mourut lui-même
vers 1030.
BÂBORD s. m. ( bâ-bor — de bas et bord,
parce que le côté gauche est moins noble que
le côté droit, ou, d'après d'autres, de l'allem.
backbord, bord de derrière). Mar. Côté gauche
d'un navire, lorsqu'on regarde de l'arrière à
l'avant. Se dit par opposition à tribord, qui
est le côté droit : En fait de préséance, le
bâbord passe après le tribord; néanmoins,
quand on est sous voiles, le côte' du vent est le
côté d'honneur, et par conséquent bâbord peut
le devenir aussi. Avoir les amures à bâbord.
Passer à bâbord. Etre incliné à bâbord. Lais-
ser une (le à bâbord. Découvrir une côte, un
navire à bâbord. Aborder, être abordé par
BÂBORD.
— Bâtiment de guerre qui n'a qu'une bat-
terie, par opposition à haut bord, vaisseau,
bâtiment qui a plusieurs batteries, u Peu
usité.
— Avirons de bâbord, Avirons de gauche
sur un canot.
— Quart de bâbord, Quart que font les
bâbordais, c'est-à-dire les hommes qui cou-
chent à bâbord.
— Par compar. Côté gauche de celui qui
parle, sur terre aussi bien qu'en mer : Avoir
un rocher, avoir un arbre à bâbord, l! S'empl.
quelquefois par plaisanterie dans ie langage
commun : Ces nuances fugitives vibrent encore
longtemps dans l'organe du goût; les gourmets
prennent, sans s'en douter, une position appro-
priée, et c'est toujours le cou allongé et te nés
à bâbord qu'ils rendent leurs arrêts. (Brill.-
Sav.)
— Loc. fam. Faire feu de bâbord et de tri-
bord, Faire usage do tous ses moyens, de
toutes ses ressources.
— Adjcctiv. Qui est du côté de bâbord : Le
capitaine essaya de faire mettre promptement
toutes ses bonnettes hautes et basses, tribord et
bâbord, pour présenterait vent l'entière surface
de toile qui garnissait ses vergues. (Balz.)
— Adv. Du côté de bâbord, du côté gauche :
Courir bâbord au vent. Brasse bâbord.1 Nage
bâbord 1 Feu bâbord !
— Bâbord la barre, bâbord un peu, bâbord
tout. Ordre au timonier de mettre la barre
du gouvernail plus ou moins à bâbord, c'est-
à-dire de la pousser du côté gauche, de l'y
pousser un peu ou complètement.
— Antonyme. Tribord.
BÂBORDAIS s. m. (bâ-bor-dè— rad. bâ-
bord). Mar. Chacun des hommes de l'équipage
d'un navire qui ont leurs hamacs à bâbord,
et dont le quart s'appelle de leur nom quart
de bâbord : La nuit, le bâbordais veille, tandis
que le tribordais se repose. Il est rare que les
matelots n'établissent pas des observations sur
les chances douteuses ou malheureuses des bâ-
bordais et des tribordais. (J. Lecomte.)
— Adjectiv. : Il trouve, sous la bride mal
attachée d'un bonnet trop petit, les favo-is d'un
matelot bâbordais. (Beaucé.)
— Antonyme. Tribordais.
BAB osa s. m. (ba-bô-za). Vitic. Variété de
raisin de l'île de Madère, qui sert à faire le
vin de Malvoisie.
babotte s. f. (ba-bo-te). Entom. Nom
donné par les Languedociens à la chenille de
la pyrale, qui attaque la vigne. On étend
quelquefois ce nom a d'autres insectes nui-
sibles.
BABOU (Jean), baron de Sagonne, sieur de
la Bourdaisière, grand maître de l'artillerie
vers 1529, mort en 1569. Il commanda l'artil-
lerie à la bataille de Saint-Benis,le 10 novem-
bre 1567, et prit part à la bataille de Jarnac du
13 mars 1569. V. Bourdaisiére (Babou delà)
.BABOO (Hippolyte), littérateur français, né
à Peyriac (Aude), le 24 février J824, débuta
par des articles signés ou anonymes dans les
petits journaux, écrivit ensuite dans la Revue
de Paris sous le pseudonyme de Camille Lor-
rain et publia dans divers recueils, tels que
Y Illustration, la Revue nouvelle, le Courrier
français et la Patrie, des articles de critique
et des nouvelles. Attaché à la rédaction de
l'Athenœum français, k la Revue française,
jusqu'à sa disparition en 1859, et plus tard à
la Revue fantaisiste, il s'est fait remarquer
surtout par la vivacité et le côté agressif de
son style. Ecrivain élégant, à la forme origi-
nale, fine et souvent prestigieuse, mais trop
ardent à l'attaque pour être toujours vrai et
juste , M. Hippolyte Babou est impitoyable
pour ceux qui ne partagent pas ses admira-
tions artistiques et littéraires. Il a, de plus, le
tort d'exprimer d'une façon étrangement im-
pérative ses sympathies et ses antipathies, et
de mettre trop aisément fiamberge au vent.
Au lieu de s'enrégimenter parmi les polémistes
rageurs et mécontents qui pullulent dans le
monde des demi- talents , peut-être aurait-il
mieux fait de s'en tenir à de certaines oeuvres,
qui décèlent en lui un conteur de la bonne
école, un peu froid peut-être, un peu précieux,
mais souvent original. On a de M. Hippolyte
Babou : La vérité sur le cas de M. Champ-
fleury (in-18); Lettres artistiques et critiques,
avec- un défi au lecteur (1860, in-12). Il a de
plus édité : Lettres familières écrites d'Italie
à quelques amis, de 1739 à 1740, par Charles
de Brosses, avec une étude littéraire et des
notes (2 vol. in-12, 1858, seule édition sans
suppressions) ; Les mémoires de madame de la
Guette (in-8a) avec préface.
BABOUCARD s. m. (ba-bou-car). Ornith.
Nom vulgaire de plusieurs espèces de martin-
pêcheur : Les espèces du babovcardsouI toutes
peintes des couleurs les plus variées et les plus
vives. (Buff.)
BABOUCHE s. f. (ba-bou-che — du pers.
pa-pouch, qui couvre le pied , prononce à la
turque babouch). Sorte de pantoufle en cuir
de couleur ou en étoffe de soie, sans quar-
tier et sans talon, qu'on porte par-dessus
la chaussure dans 1 intérieur des maisons, en
Turquie et dans tout le Levant : Babouches
de maroquin rouge, de maroquin vert.^Elle
traînait languissamment ses pieds emprisonnés
dans ces babouches émaillées, (Lamart.) Le
Turc partit en traînant majestueusement ses
babouches. (Chateaub.) De petites babouches
de maroquin jaune ne montraient que leur
pointe recourbée en sabot chinois. (Th. Gaut.)
Il lui semblait que, rien que d'entrer à Constan-
tinople, on devait être riche; que le sol devait
changer les bottes qui le foulaient en babou-
ches étincelantes de pierreries. (A. Karr.) A
l'entrée des riches demeures, il y a toujours
plusieurs paires de babouches pour les visi-
teurs, précaution qui garantit de toute souil-
lure les tapis des appartements. (Bachelet.)
BABOUE s. f. (ba-boû). Grimace pour épou-
vanter les enfants : Faire la babovs, une
baboue. Ce mot est vieux.
BABOUIN s. m. (ba-bou-ain — rad. babines).
Mamm. Espèce de gros singe, reconnaissable
à sa face couleur de chair et a la forme très-
prolongée de son museau. Il se fait remarquer
par sa force, sa méchanceté et sa lubricité :
Babouin à longue queue. Babouin à courte
queue. Babouin des bois. Les singes à museau
de chien avaient été connus dans l'antiquité sous
le nom de cynocéphales ; Buff on y a substitué
celui de babouin; mats l'ancien nom a prévalu.
(Geoff. St-Hil.)
— Par ext. Enfant étourdi, folâtre, tapa-
geur, et, dans ce sens, s'emploie aux deux
genres : Taisez-vous , petit babouin 1 Allez-
vous-en, petite babouine.
. . . Ah! le petit babouin!
Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise!
La Fohtaine.
Il Par allusion à la fable de La Fontaine,
l'Enfant et le Maître d'école : Nous , nous
n'avons pas tancé le babouin qui se noyait;
nous avons fait mieux que cela , nous avons
affranchi l'Italie. (Méry.) il Personne difforme
et de petite taille : Oh! le plaisant babouin
avec sa culotte courte, ses bas chinés et ses
souliers à boucle! (M. Chaumelin.)
— Figure ridicule que les soldats peignaient
autrefois sur les murs des corps de garde,
pour la faire baiser par ceux d'entre eux qui
se rendaient coupables de quelque faute lé-
gère, il Baiser le babouin, Se soumettre avec
quelque honte : Il a baisé, on lui a fait baiser
le babouin. Le duc de Rohan a été contraint
de baiser le babouin, (Caquets de l'accou-
chée.)
— Adjectiv. Babouin a été employé autre-
fois dans le sens de lâche, poltron : Le comte
de Flandres ne semble ni babouin ni bec jaune.
(G. Guiart.)
Si couard et si babouin
De n'oser parler que de loin.
Cl. Marot.
— Babouine a signifié aussi sotte, imbécile :
Ah! ah! bécasse, babouine, gu' alliez-vous faire
avec cet homme de là-haut? (Bér. de Vervillo.)
BABOUIN s. m. (ba-bou-ain —rad. babines).
Pop. Petite pustule qui vient aux lèvres.
BABOUINER v. n. ou intr. (ba-bou-i-ne —
rad. babouin)-. Faire l'enfant, le babouin.
. — Marmotter, comme les enfants mutins.
— Remuer les lèvres comme les singes,
imiter leurs grimaces. ([ Vieux et presque
inusité dans tous ces sens.
BABOUINERIE s. f. (ba-bou-i-r.o-rî — rad.
babouiner). Enfantillage ridicule, niaiserie. Il
Inusité.
— Figure bizarre et difforme, il Vieux en
ce sensi
BABOUNYA s. f. (ba-bou-ni-ia). Comm.
Nom sous lequel les fleurs sèches de la san-
toline odorante sont vendues dans les bouti-
ques du Caire.
BABOUR ou BABER (Mohammed), arrière-
petit-fils de Tamerlan et fondateur de l'em-
pire mogol dans l'Indoustan, né en 1483, pro-
clamé en 1494 souverain de la Tartarie occi-
dentale et du Khoraçan. En 1505, à la tête de
dix mille cavaliers déterminés, il entreprit la
conquête de l'Indoustan, soumit le Canuahar,
le Caboul, Delhi, Agra, et devint le chef
d'une dynastie qui a régné dans l'Inde jusqu'au
xviii» siècle. Il mourut en 1530.
Il a écrit des Mémoires qui contiennent l'his-
toire de sa vie et de ses conquêtes ainsi que
des détails curieux sur le Caboul et l'Indous-
tan. Erskine et Leyden en ont donné une tra-
duction anglaise (1826).
Cet ouvrage, extrêmement intéressant, est
encore peu connu en France. La langue dans
laquelle il fut écrit est le turc oriental ou
tchagatéen ; mais de bonne heure il fut tra-
duiten persan et répnndu^parmi les musulmans
de l'Inde. C'est sur la traduction persane qu'a
été exécutée la version anglaise dont il est
question plus haut. On ne sait pas à quelle
époque de sa vie Baber eut l'idée de composer
ses Mémoires; son ouvrage lui-même ne nous
apprend rien sur ce sujet; cependant il est
permis de croire que ce fut après sa dernière
expédition dans 1 Inde. Ces Mémoires, dont
nous allons essayer de donner rapidement
une idée , peuvent se diviser en trois sec-
tions : la première commence à l'avènement
de Baber au trône de Ferghana, et s'étend
pendant une période de douze années jus-
qu'à son expulsion de Ferghana par Chey-
bani-Khan; la seconde commence a partir de
son expulsion de Ferghana et finit avec la
conquête de l'Indoustan ; elle comprend une
période de trente-deux années ; enfin, la troi-
sième, qui embrasse un espace de cinq années
seulement, contient le récit de ses opérations
dans l'Inde. Au point de vue du style, c'est la
première partie et le commencement de la se-
conde qui présentent le plus d'intérêt ; la com-
position est plus méthodique, tes événements
sont racontés avec des détails mieux propor-
tionnés à leur importance, la narration est
plus rapide. Il faut du reste avouer que cette
première partie de la vie de Baber est celle.
qui est pour nous la plus curieuse ; elle offre
un intérêt qui tient presque du roman. C'est
le récit des exploits de tout genre, des en-
treprises hardies, des aventures pleines d'é-
motions d'un petit prince asiatique aux as-
pirations belliqueuses. Le reste des Mémoires
rappelle trop l'ennui qu'on éprouve à la lec-
ture d'un journal, dans lequel sont consignés,
à mesure qu'ils arrivent, les événements quo-
tidiens, abstraction faite de leur importance.
Néanmoins il faut reconnaître que sous le rap-
port historique ces deux dernières parties ont
une grande voleur, bien que la troisième par-
tie soit évidemment restée inachevée. Ces
Mémoires contiennent une peinture exacte,
pleine de couleur locale de la vie et des mœurs
d'un souverain tartare, nous donnent une ex-
cellente idée de l'administration et du gouver-
nement de Baber, de son caractère, de ses
goûts, de son génie, et un récit de ses guerres
du Ma-wera-nnahar, de l'Afghanistan et de
l'Indoustan.
L'empereur Baber semblait très-satisfait de
cette autobiographie, car nous savons qu'il en
envoya une copie de l'Indoustan à un de ses
amis de Kaboul. Après sa mort, ces sortes de
reliques furent l'objet d'une grande vénération
de la part de ses successeurs de Delhi et d'A-
gra. Plusieurs d'entre eux allèrent même jus-
qu'à les copier de leur main impériale. C'est sous
le règne d'Akber qu'ils furent traduits du turc
oriental en persan par le célèbre Mirza Ahd-
ul-Rahym. Cette traduction est précieuse en
ce qu'elle fournit aux orientalistes un contrôle
excellent pour étudier la langue tchagatéenne,
idiome encore peu connu et dont quelques sa-
vants, parmi lesquels nous citerons M. A.
Favet de Courteille , se sont seuls occupés
jusqu'ici. Nous relèverons ici une erreur
commise à ce propos par Langlès dans la Bio-
graphie Michaud. Langlès prétend que les
Mémoires de Baber furent traduits par Abd
ul-Rahym, après avoir été augmentés par
Djihanguir. Le résultat des recherches entre-
prises par les deux traducteurs anglais con-
tredit formellement cette assertion.
Plusieurs conquérants asiatiques semblent
avoir éprouvé le besoin d'écrire eux-mêmes
le récit de leur vie et de leurs guerres. Ainsi
déjà avant Baber, Timour-Lenk, appelé vul-
gairement Tamerlan, avait déjà composé des
mémoires, dans la langue même de Baber.
Cependant quelques savants contestent, non
sans raison, l'authenticité de cet écrit. Quant
aux Mémoires de Baber, il est bien positif
12
BAB
BAB
BAB
BAB
qu'il les composa lui-même; quand même le
style direct qu'il emploie partout ne suffirait
Sas a le prouver, cette œuvre est empreinte
'un tel cachet de personnalité et d'origi-
nalité qu'on ne peut songer un instant a la
considérer comme apocryphe. L'intérêt qu'elle
présente aux lecteurs est de même nature
que celui des Commentaires de César; nous
ajouterons même que nous avons trouvé en-
tre ce livre et les Commentaires de César de
nombreuses et singulières analogies. Chez les
deux auteurs militaires, c'est la même préci-
sion, la même rapidité dans le récit, la même
complaisance dans la description des manœu-
vres et des opérations de guerre, Va même net-
teté, la même sobriété dans les données géo-
graphiques sur les contrées avec lesquelles ils
se trouvent en rapport. Nous trouvons cepen-
dant que le caractère de personnalité est en-
core plus accusé chez l'auteur tartare que chez
l'auteur latin ; le récit descend quelquefois
chez le premier jusqu'aux détails les plus in-
times de la vie domestique, jusqu'aux anec-
dotes les plus piquantes. Un mérite qu'il est
impossible de refuser à Baber, c'est la sincé-
rité et la franchise; à ce titre, ses Mémoires
sont bien de vrais mémoires d'après lesquels
on est en droit de juger l'homme. On voit qu'il
ne cherche pas a passer sous silence ou h atté-
nuer certains actes peu louables , certaines
situations assez délicates, qui se rencontrent
fréquemment dans cette existence accidentée.
Quelquefois ces Mémoires renferment des pa-
ges, des épisodes qui sont de véritables ro-
mans; Baber était extrêmement brave de sa
personne, et il aimait les expéditions aventu-
reuses. On le voit souvent accompagné de
quelques officiers surs pénétrer dans le camp
ennemi ; et alors, forcé de battre en retraite
précipitamment , il se retourne pour lancer
ees flèches, à la parthe. Dans ces moments, le
récit passionne et émeut comme s'il s'agissait
d'un héros de notre race et de notre histoire,
Baber, malgré sa nature rude et sauvage,
avait des prétentions littéraires, dû reste as-
sez justifiées. Ses Mémoires sont entremêlés
de vers tchagatéens et de citations de poésies
persanes, qui quelquefois ne seraient pas in-
dignes d'un poiite de profession. D'ailleurs,
ce prince avait un véritable amour pour les
lettres et les sciences. Lorsqu'il envahit l'In-
doustan, il fut vivement frappé par l'aspect de
cette civilisation inconnue pour lui, et maints
passages trahissent cette impression qui dénote
un certain degré d'intelligence. Il s'occupe
curieusement de toutes les productions du pays
qu'il vient d'envahir, des mœurs de ses habi-
tants, de leur degré d'instruction, de l'éclat de
leurs connaissances scientifiques, etc. On com-
prend combien les détails nombreux de ce
genre qu'il a consignés dans ses Mémoires sont
précieux pour l'histoire de l'Inde moderne, et
quels inestimables renseignements on peut y
puiser. Malheureusement, les Mémoires de
Baber sont très-rares, et il est fort difficile de
se les procurer. La traduction persane n'existe
que dans quelques manuscrits conservés au
fond de nos bibliothèques; le texte tchaga-
téen original, publié par un professeur russe
de Kazan, très-incorrect du reste, n'est pas
parvenu jusqu'à nous; enfin, la traduction
anglaise faite sur la version persane est
excessivement rare et coûte un prix exor-
bitant.
BABOUVlSME s. m. (ba-bou-vi-snio — do
Babeuf, n. pr.J. Ensemble des théories poli-
tiques et sociales qui composaient le système
de Babeuf : Pour comprendre nettement l'en-
semble des idées qu'on appelle babouvisme, iï
faut considérer d'abord le grand mouvement
de la Révolution jusqu'à thermidor. (F. Thoré.)
— Encycl. Hist. Rien de plus simple et de
plus élémentaire que ce système : c'est le
communisme pur, dont on peut retrouver les
éléments épars dans les vieux utopistes de
tous les âges, depuis Platon jusqu'à Thomas
Morus, Campanella, Mably et Morelly. C'est
principalement de ce dernier que procédait
Babeuf. L'ancien régime expirant avait pro-
duit, comme toutes les époques de décadence
et de décomposition, quelques-unes de ces
mâles et fières natures, stoïciens de caractère
et de mœurs, dont la vie et les pensées étaient
une protestation continuelle contre la corrup-
tion de leur âge, et que l'horreur de l'injustice
et de l'oppression, le mépris de la société qui
les subissait, emportaient dans les rêves de
l'idéal philosophique jusqu'aux chimères do-
rées de l'absolue perfection, jusqu'aux fictions
poétiques de l'âge d'or. Nobles songes, après
tout, que ceux qui ont le bonheur de l'huma-
nité pour objet et pour but. Semblables aux
sectaires religieux, qui peuvent incessamment
échapper aux dégoûts du monde et au* peines
de la vie en se réfugiant dans la cité céleste,
dont l'image rayonne au fond de leur âme, les
croyants de l'utopie se consolent des réalités
sociales en se plongeant en esprit dans les mi-
rages de leur cité philosophique, dans les mer-
veilles idéales de ces républiques où le mal
est anéanti, où l'antagonisme des intérêts est
supprimé, et qui reposent sur l'harmonie par-
faite et l'équilibre de3 volontés.
Le babouvisme appartient à cette tradition.
Mais, à la différence de la plupart des réfor-
mateurs, Babeuf et ses adhérents, en raison
du milieu révolutionnaire où ils avaient vécu,
furent inoins des apôtres que des soldats, et
tentèrent de réaliser par la force des théories
a peine ébauchées dans leur esprit et qu'iU
croyaient destinées à la régénération do l'es-
pèce humaine. A cette époque d'action rapide-
et d'audace de conception, ces idées entraî-
nèrent un grand nombre d'hommes qui avaient
joué un rôle dans les drames de la Révolution.
On vit figurer dans la conspiration de Babeuf
d'anciens conventionnels et ministres, des gé-
néraux, des écrivains , la plupart d'ailleurs
jetés dans les partis extrêmes par le spectacle
de la décadence de la République, livrée à un
mouvement de réaction dont le terme était
facile à prévoir. Mais à côté de ces politiques,
pour qui l'entreprise était un instrument de
guerre, il y avait les véritables sectaires, les
théoriciens inflexibles , convaincus jusqu'au
fanatisme, qui confessèrent leur foi sous la
hache, et qui demeurèrent jusqu'à la fin les
chefs du complot. C'étaient Babeuf, Buoua-
rotti , Darthé , Drouet, Sylvain Maréchal,
Amar, et d'autres dont les noms ont moins de
célébrité.
Les conjurés avaient formé un directoire
secret pour préparer l'insurrection, dont le
but était la fondation de la république des
égaux, par la communauté des biens et la na-
tionalisation de la propriété. Cette doctrine
était journellement développée par Babeuf
dans son journal le Tribun du peuple, et pro-
pagée dans une société populaire dite du Pan-
théon, que les Egaux avaient ouverte dans
l'ancien local des Génovéfains.
Nous en résumerons ici les traits princi-
paux, tels que nous les trouvons soit dans le
Manifeste des Egaux, rédigé par Sylvain Ma-
réchal en mars 1796, au nom du directoire
secret; soit dans l'Analyse que le parti fit pla-
carder et répandre à profusion en avril de la
même année ; soit enfin dans la curieuse His-
toire de la conspiration pour l'égalité, écrite,
trente ans plus tard, par l'un des principaux
conjurés, Buonarotti.
Voici d'abord un exposé des principes gé-
néraux :
La nature 8. donné à chaque homme un
droit égal à la jouissance de tous les biens. i~
Le but de la société est de défendre cette éga-
lité, souvent attaquée par le fort et le mé-
chant dans l'état de nature; et d'augmenter,
par le concours de tous, les jouissances com-
munes. — La nature a imposé à chacun l'o-
bligation de travailler; nul n'a pu, sans crime,
se soustraire au travail. — Les jouissances et
les travaux doivent être communs. — Il y a
oppression quand l'un s'épuise par le travail
et manque de tout, tandis que l'autre nage
dans l'abondance sans rien faire. — Nul n'a
pu, sans crime, s'approprier exclusivement les
biens de la terre ou de l'industrie. — Dans une
véritable société, il ne doit y avoir ni riches
ni pauvres. — Les riches qui ne veulent pas
renoncer au superflu en faveur des indigents
sont les ennemis du peuple. — Nul ne peut pri-
ver un autre de l'instruction nécessaire pour son
bonheur : l'instruction doit être commune. —
Le but de la Révolution est de détruire l'iné-
galité et d'établir le bonheur commun. — La
Révolution n'est pas finie, parce que les ri-
ches absorbent tous les biens et commandent
exclusivement, tandis que les pauvres travail-
lent en véritables esclaves, languissent dans
la misère et ne sont rien dans l'Etat. — La loi
agraire ou partage des terres ne fut que le
vœu de quelques peuplades mues par leur in-
stinct plutôt que par la raison. La véritable
organisation, c'est la communauté des biens.
Plus de propriété individuelle des terres. La
terre n'est a personne ; les fruits sont à tous,
sous l'obligation du travail, etc.
Passons maintenant aux applications.
Le peuple français était déclaré proprié-
taire unique du territoire ; le travail indivi-
duel devenait une fonction publique réglée
par la loi ; la somme de travail était la même
pour tous les citoyens; les travaux répugnants
seraient exécutés à tour de rôle. Le gouver-
nement n'était plus qu'une simple administra-
tion chargée d'équilibrer la production , la
circulation, le commerce extérieur ; enfin, de
veiller à la répartition, faite par portions éga-
les, des produits rassemblés dan3 les maga-
sins publics. Cessation de tout salaire. Ré-
forme des richesses et du luxe ; l'effort de la
législation devait être de ramener les hommes
à la simplicité des mœurs, à la modeste ai-
sance pour tous, au mépris du luxe corrup-
teur et des arts futiles, à la suppression pro-
gressive des grands centres de population, qui
sont des foyers de misère et de corruption.
Point de classes privilégiées, pas de préémi-
nences, même intellectuelles ou morales ; le
fénie, même la vertu, ne peuvent donner un
roit de domination. L'éducation commune
devait se borner à l'acquisition des connais-
sances utiles, etc.
On le voit, les babouvistes prenaient pour
base de leur organisation une égalité parfaite
entre tous les nommes ; l'individu disparais-
sait devant une abstraction, l'Etat ; l'homme,
en un mot, était immolé sur l'autel de la so-
ciété. Nous négligeons de relever dans ce sys-
tème les réminiscences nombreuses de Platon,
l'organisation Spartiate de Rousseau, etc. Ces
analogies de détails sont suffisamment con-
nues. En résumé, comme nous l'avons dit plus
haut, cette théorie est le communisme philo-
sophique de la tradition, plus ou moins modi-
fié, et aspirant à se réaliser par la force.
Elle n'a donc rien de remarquable sous le
rapport de la science économique et de l'ori-
ginalité. On sait d'ailleurs que la partie prati-
que est le côté faible de toutes les utopies.
Mais Babeuf et ses adhérents n'en gardent
pas moins, dans l'histoire de ce temps, une
physionomie dont on ne peut méconnaître la
grandeur ; et leur tentative est un épisode qui'
mérite de fixer l'attention des économistes
aussi bien que des historiens. Leur fièvre d'a-
méliorations sociales, leurs aspirations égali-
taires, leur instinct profond du besoin de nou-
velles doctrines pour ranimer la Révolution,
épuisée d'idées, leur partialité farouche pour
les faibles et les misérables, l'énergie de leurs
convictions, la fermeté indomptable de leur
caractère, l'audace même de leurs projets,
cette foi imperturbable avec laquelle ils se
firéparaient a porter le poids d'une telle révo-
ution, tout cela donne a ces sectaires énergi-
ques et dévoués une physionomie saisissante,
qui contraste singulièrement avec la généra-
tion énervée, affadie et vulgairement dépra-
vée du Directoire. Ce sont les derniers repré-
sentants de la race héroïque dp 93 , des
Romains de Van II , qui traitent l'économie
politique militairement et surtout révolution-
nairement, et joignent aux idétis les plus sub-
versives un sens profond de l'ordre et toutes
les facultés viriles de l'organisation.
On sait que la conspiration, organisée avec
la sûreté de main et l'esprit pratique de ces
vieux habitués des mouvements révolution-
naires, fut sur le point d'éclater et probable-
ment de réussir. Ce que ces nouveaux consti-
tuants eussent fait, ce qu'ils eussent établi, il
serait sans doute oiseux de le rechercher ;
mais nous croyons que ce serait une erreur
d'imaginer un avortement complet. Les hom-
mes de ce temps avaient une virtualité, une
énergie créatrice qui suppléait à l'insuffisance
de leurs moyens scientifiques. Tout ce qu'il y
avait dans leur système de contraire aux con-
ditions de vie dos sociétés humaines aurait
été naturellement éliminé par la force des
choses ; tout ce qu'il pouvait y avoir de prati-
que aurait été appliqué. L'équilibre se serait
établi. De nouvelles idées auraient surgi, de
nouveaux horizons se seraient dévoilés ; et la
Révolution, rajeunie, comme Eson, par un
sang nouveau, se serait élancée peut-être à
de plus larges destinées.
Mais il arriva ce qui se produit souvent
dans l'es complots. Vendus par un traître qui
s'était glissé dans leurs rangs, l'officier Griscl,
les conjurés furent arrêtés le 10 mai 1790, au
moment où ils délibéraient pour fixer le jour
de la prise d'armes. L'un d'entre eux, Drouet,
ne pouvant, en sa qualité de député, être tra-
duit devant une juridiction ordinaire, tous fu-
rent renvoyés devant une haute cour natio-
nale, assemblée à Vendôme. Les accusés
étaient au nombre de soixante-cinq, dont dis-
huit firent défaut. Les débats s'ouvrirent le
2 février 1797 et durèrent plus de trois mois.
Le tribunal, craignant de prêter un nouvel
éclat à la prédication de doctrines révo-
lutionnaires , avait interdit les questions de
principes-, il en résulta que les babouvistes,
malgré leurs efforts, furent constamment re-
foulés dans l'aride et impuissante discussion
des faits qui leur étaient reprochés. Le 26 mai,
le jury national prononça son verdict. Ba-
beuf et Darthé furent condamnés à la peine
de mort-, Buonarotti et six autres à la dépor-
tation ; tous les autres accusés furent acquit-
tés. Babeuf et Darthé se poignardèrent à
l'audience, et furent traînés, le lendemain,
mourants, sur l'échafaud. Quant aux déportés,
on les relégua provisoirement dans un petit
fort construit sur un petit Ilot de la rade de
Cherbourg.
Ainsi fut écrasé ce parti, qui s'agifa vaine-
ment quelque temps encore et s'éteignit peu à
peu dans 1 indifférence publique, au milieu des
préoccupations purement militaires qui de-
vaient de plus en plus absorber toute la vie
de la France.
Mais, après 1830, une nouvelle école de ba-
bouvistes ou communistes révolutionnaires se
reconstitua parmi nous, sous l'inspiration du
vieux Buonarotti, qui avait survécu à la pros-
cription et à tous les événements. Cette école
compta de nombreux adhérents, parmi les-
quels il faut citer particulièrement Charles
Testent, dans une certaine mesure, M. Louis
Blanc. Le député Voyer d'Argenson, qui avait
recueilli chez lui Buonarotti, ne demeura pas
étranger à ces idées, qui exercèrent alors une
notable influence sur la masse du parti démo-
cratique.
babouviste adj. et s. (ba-bou-vi-ste —
rad. babouvisme). Hist. Partisan du systemo
politique do Babeuf : Buonarotti a nettement
exprimé, dans une note de son livre, toute la
pensée des niveleuts qu'on a quelquefois nom-
més babouvistes, (I'\ Thoré.)
BABRIUS ou BABR1AS, fabuliste grec dont
on ignore la patrie et qui vivait peut-être au
me siècle de notre ère. Il recueillit et coor-
donna un très-grand nombre des fables que la
tradition attribuait au vieil Esope, et qu'il mit
en vers, dans un style naturel, animé, sou-
vent fin et élégant. Le manuscrit renfermant
la plus grande partie des fables de Babrius fut
retrouvé en 1840, dans un couvent du mont
Athos, par le Grec Minoïde Minas. Le recueil
connu jusqu'alors sous le nom de Fables d'E-
sope ne renfermait que des apologues rema-
niés pour la plupart, et mis en vers, à différen-
tes époques, par des auteurs restés inconnus,
si l'on en excepte le moine Ignatius Magister,
qui vivait au ix« siècle. Le manuscrit du mont
Athos a été publié par M. Boissonade, qui en
a rétabli et corrigé le texte, qu'il a accompa-
gné d'une excellente traduction latine. Ces
fables ont été également traduites en français
par M. Boyer, professeur au collège Saint-
Louis.
BABUER, BABUREN ou BABUB (Théo-
dore), peintre hollandais, né à Utrecht, floris-
sait au commencement du xviie siècle. Il alla
étudier à Rome et y travailla dans la manière
du Caravage, dont il était contemporain -, on
voit de lui dans l'église de Saint-Pierre-t«-
Montorio des peintures d'une couleur très-
vigoureuse ; le tableau d'autel représenté une
Afi.se au tombeau dont il existe une belle eau-
forte, pièce très-rare, que quelques auteurs
croient pouvoir attribuer à Babuer lui-même.
Descamps, qui nomme cet artiste Babeur,
prétend qu'il eut pour maître Pieter Neef;
mais, suivant la remarque de Mariette, il n'y
a aucune analogie entre les compositions de ce
dernier et la Mise aie tombeau dont nous ve-
nons de parler. On a une estampe de Cornelis
Bloemaert, datée de 1655 et représentant un
homme à mi-corps tenant une flûte, d'après
un peintre du nom de Théod. Baburen, qui
n'est autre que notre maître d'Utrecht. Corn,
de Bie, qui le nomme Théodore Babuer, le fait
originaire d'Harlein.
BABUYANES, petit groupe des îles Philip-
pines, au N. de Luçon, dans la Malaisie. L'île
Babuyan , la plus importante d'entre elles,
donne son nom à ce groupe, dont la population
est évaluée à 2,000 hau., en grande partie
chrétiens.
BABY s. des 2 g. (bé-bé— mot angl. ; même
étym. que bambin). Enfant considéré comme
une poupée qu'on habille, surtout quand il
est gras et dodu .- Un baby. Une baby. Donc,
mon singe n'est plus un singe, mais un baby,
comme dit ma bonne anglaise, un baby blanc
et rose. (Balz.) Une jeune bonne, très-coquet-
tement attifée, conduit un baby habillé comme
l'enfant adoré d'une famille riche. (Th. Gaut.)
Au fond, une porte ouverte ; sur le seuil, une
femme qui balaye; devant elle, un daby
gui la regarde faire. (J. Trousseau.) Pour-
quoi le baby ei!/-i7 pleuré , quand celte qui
chantait en le berçant s'appelait la Mali-
bran? (h. Lespès.) Une baby témoignait son
enthousiasme pour la pièce d'une façon un peu
bruyante. (A. Legondro.) il On l'a employé
quelquefois au masculin pour designer une
petite fille : iVaîs allait être en blanc et rosé,
car elle est encore un BABY; elle va perdre ce
joli nom quand viendra le petit, car il sera le
cadet. (Balz.)
— Au plur., on écrit baby ou babies, à l'an-
glaise : Nais allait être en blanc et rose, avec
les délicieux bonnets des baby. (Balz.) Nul
peintre ne sait mieux que lui l'allure chance-
lante, les poses comi'/ueset les petits airs futés
des bajjiks. (Th. Gaut.)
— Rem. Ce mot est peut-ctro l'exemple le
plus frappant de cette manie que nous avons
en France de tout faire à l'anglaise : nous
avons une appellation charmante, gracieuse,
euphonique, c'est notre mot bébé. Rien est- il
plus doux que d'entendre ces deux syllabes
jumelles sortir de la bouche d'une jeune mère
pour tomber sur la tête d'un petit lutin frais
et rose: Mon bébé, mon petit bébé-, c'est le
plus jeune de mes deux bébés? Eli bien, non ;
ce mot blessait l'oreille do nos anglomanes.
Ils viennent de faire un voyage en Angle-
terre, ils ont entendu les filles d'Albion dire
aussi bébé; mais commo Albion écrit baby,
ils sont rentrés en France, plus fiers de cette
importation que s'ils avaient conclu le traité
du libre échange. Restons donc ce que nous
sommes ; affecter de n'être pas Français, c'est
proprement le mal français.
BABYLAS (saint), patriarcho d'Antiochc,
succéda à Zébin, vers Î3S, et subit le martyre
pendant la persécution de Déco, vers 251.
Fête, 24 janvier.
BABYLON , personnage mythique , fils de
Bélus. Il est un de ceux auxquels on attribue
la fondation de Babylone.
BABYLON, nymphe aimée d'Apollon, dont
elle eut Arabus.
BABYLONE, grande ville de l'Asie ancienne,
capitale du royaume de Chaldée, puis des em-
pires d'Assyrie et de Babylone, dans la plaine
(le Sennaar, sur l'Euphrate, qui la divisait du
N. au S, en deux parties à peu près égales ;
par 32« 30' de latitude N. et 42» 7' de longi-
tude E. La population de cette ville, à. l'épo-
que de sa pfus grande prospérité, n'était pas
en rapport avec son immense étendue ; Volney
pense qu'elle ne dépassait pas G à 700,000 hab.
Ces vieilles capitales de l'Orient, dont le vaste
développement flattait l'orgueil des princes,
étaient, à vrai dire, des camps retranchés au-
tant que des villes. La cité proprement dite
n'en occupait que la moindre partie ; la rési-
dence impériale, avec ses vastes constructions
et ses jardins immenses, en était toujours sé-
parée. Le reste se composait de terrains cul-
tivés, d'où se détachaient ça et là des crou-
pes d'habitations, qui ressemblaient moins à
des faubourgs qu'à des bourgades distinctes.
Tel était, à Babylone, le lieu qu'on nommait
Borsippa et qu'une tradition plus ou moins
authentique désignait comme la tour de Babel,
ainsi que l'exprime, au rapport de M. Oppert,
le nom cunéiforme qui signifie la tour des
langues.
Aperçu historique. Les autours anciens na
sont pas d'accord sur la fondation de cette
ville, la reine de l'Orient, non plus qu'au sujet
des souverains qui construisirent les magnifi-
BAB
ques édifices de cette fastueuse cité. Quant au
mythe hébraïque qui fait fonder Babylone
par Nemrod, le grand chasseur, au pied de la
tour de Babel, objet de la réprobation divine,
nous devons dire que la critique impar-
tiale de la raison ne trouve rien qui la
porte à admettre le récit biblique. Comment
supposer, en effet, que le petit-fils de Cham se
soit décidé à' fonder une ville près de cette
tour de confusion, que le ciel avait frappée de
sa colère ? La Genèse, au surplus, n'a pas re-
cueilli dans leur intégrité les traditions chal-
déennes qu'elle nous a transmises déjà épu-
rées ; ces traditions paraissent avoir été plus
naïvement reproduites dans le livre, malheu-
reusement perdu, du Chaldéen Bérose, d'après
lequel Abydène et Apollodore avaient fait des
abrégés, perdus à leur tour, mais dont quel-
ques fragments ont été sauvés du naufrage
par les citations et les extraits de quelques
auteurs. Les Grecs ne nous ont pas transmis
non plus toute l'histoire de Babylone, ni celle
des nations cantonnées autour d'elle. Ctésias
attribue à Sémiramis la reconstruction de
cette grande ville, dont la fondation première,
antérieure à Ninus et à Béhis, se perd dans
les temps fabuleux. Cette reine fit ensuite éle-
ver un pont de pierre sur l'Euphrate, à l'en-
droit où il offre le moins de largeur, et régu-
lariser le lit du fleuve par un double quai dont
les murs avaient la même épaisseur que ceux
de la ville. De chaque côté du pont, elle ftt
élever deux palais ou citadelles flanquées de
tours, nu moyen desquelles on commandait la
ville. Enfin, au milieu de la ville, elle fit con-
struire le fameux temple de Bélus. A ces
grands ouvrages, Nabuchodonosor, suivant
Bérose et Mêgasthène, en ajouta plusieurs
non moins célèbres, entre autres un canal qui
joignait l'Euphrate et le Tigre, et les jardins
suspendus, merveille attribuée par quelques
auteurs a Sémiramis. « Cette ville est si ma-
gnifique , dit Hérodote , qu'il n'y a pas au
monde une cité qu'on puisse lui comparer. *
L'historien grec s'accorde ici avec le passage
de Daniel, qui fait dire à Nabuchodonosor :
i N'est-ce pas la cette grande Babylone, dont
j'ai fait le siège de mon empire, que j'ai bâtie
dans la grandeur de ma puissance et dans l'é-
clat de ma gloire? » En effet, la puissance de
Babylone fut à son apogée sous le règne de
cet orgueilleux monarque et jusqu'à Cyrus.
Quand ce prince s'empara de Babylone, loin
de la détruire ou de l'endommager, il en fit la
troisième capitale de l'empire persan, après
Suze et Ecbatane, et elle devint alors sa rési-
dence d'hiver. Après la victoire de Darius,
fils d'Hystaspe, les portes et les murs furent
détruits et la ville tellement dépeuplée, qu'il
fallut faire venir des femmes des pays voisins
pour la repeupler. Xerxès enleva la statue
d'or de Bélus, et, d'après quelques historiens,
fît même renverser le temple. Plus tard ,
Alexandre voulut le relever , mais la mort
de ce conquérant arrêta les travaux. Ses
successeurs, les Séleucides, négligèrent Ba-
bylone pour Séleucie, dont la construction,
commencée par Seleucus Nicator, se fit en
partie avec les débris arrachés à la ville de
Sémiramis. La décadence de Babylone fut
alors si rapide que, du temps de Strabon et de
Diodore, un seul de ses quartiers était habité
et, peu de temps après, au second siècle de
notre ère, Pausanias dit ces mots expressifs :
« Babylone a été la plus grande ville que le
soleil ait jamais vue dans sa course. 11 n'en
reste que les murs et le temple de Bélus. »
Saint Jérôme, qui vivait au tv« siècle, écrit
que les rois parthes avaient fait de son en-
ceinte un parc pour chasser les bétes féroces.
Benjamin de Tudèle, parcourant ces contrées
au xiis siècle, nous apprend que deux mille Juifs
habitaient de son temps 1 enceinte de Baby-
lone ; assertion confirmée par son contempo-
rain Edrisi. Une synagogue même s'y élevait
à peu de distance des ruines du palats de Na-
buchodonosor. C'est là que les rabbins com-
posèrent ce livre mémorable appelé le Talmud
babylonien. Ainsi, la vieille métropole déchue,
ruinée, dépouillée de ses monuments et de sa
splendeur, conserva cependant un reste de
vie longtemps encore après l'avènement du
khalifat. Ce fut seulement vers la fin du
xie siècle, qu'abandonnée parla colonie juive,
qui en formait depuis longtemps la population
principale, elle perdit jusqu'à son nom, que
remplaça celui de Hillch, bien que ce lieu
n'occupe, sur la droite de l'Euphrate, qu'une
très-petite partie de l'emplacement qui fut au-
trefois la cité de Babylone. Cet emplacement,
qui depuis si longtemps faisait rêver les ar-
chéologues, les philologues et les historiens,
a été, dans ces dernières années, le champ
d'exploration d'une commission scientifique ,
dont nous indiquons les résultats dans le cours
de cet article.
Capitale d'un puissant empire , qui s'est
trouvé mêlé à toutes les grandes révolutions
du vieux monde asiatique, Babylone a vu plus
d'une fois les vicissitudes de la guerre ame-
ner les ennemis jusqu'au pied de ses hautes
murailles. Deux fois, les Perses victorieux
forcèrent ses portes d'airain. Cyrus, après la
bataille de Thymbrée, vint assiéger Babylone
et profita d'une* nuit de fête pour pénétrer
jusqu'au cœur de la ville, en suivant le lit de
l'Euphrate, dont il était parvenu à détourner
les eaux (538 av. J.-C). Vingt-huit ans après,
Darius, fils d'Hystaspe, réussit également à
franchir les murs de la grande cité orientale,
grâce au dévouement d'un de ses principaux
officiers. Ces dsux sièges ont été marqués par
BAB
les épisodes les plus dramatiques et les plus
extraordinaires ; mais comme ils se rattachent
moins à l'histoire générale qu'à la vie de ceux
qui en ont été les héros, nous renvoyons le
lecteur, pour les détails, aux articles Cyrus,
Balthazar, Manb Thécel Phares, Darius,
Zopyre, où nous donnons à ces épisodes des
développements qui feraient ici double emploi.
— Arcbéol. . Babylone , située dans une
plaine immense et fertile, formait un carré
parfait dont chaque côté avait, selon Héro-
dote, 120 stades (22 kil.) de longueur ,et 4S0
stades (88 kil.) de tour. Pline et Philostrate
donnent les mêmes dimensions. Ctésias, qui
avait longtemps résidé à la cour des rois de
Perse, comme médecin, dit que le pourtour de
la ville avait 360 stades, autant que les Babylo-
niens et les anciens Perses comptaient de jours
dans l'année ; Philon indique le même chiffre ;
mais il s'agit, sans doute, de stades asiatiques
qui, d'après les calculs de ce savant, sont de
500 au degré, de telle sorte que les 360 stades
de Ctésias et de Philon équivaudraient à peu
près aux 480 stades d'Hérodote. Relativement
au chiffre de 365 stades, mentionné par Clitar-
que, qui avait accompagné Alexandre dans son
expédition, et par Quinte-Curce, il est permis
de croire que ces écrivains ont pris pour base
le nombre de jours que les Grecs donnaient à
l'année. Reste l'évaluation à 385 stades, rap-
portée par Strabon ; mais elle diffère assez peu
de celles que nous venons d'indiquer, et l'on
sait, d'ailleurs, que Strabon, très-exact lors-
qu'il décrit ce qu'il a vu, commet de nombreu-
ses erreurs quand il parle des contrées qu'il
n'a pas visitées : Babylone est certainement
dans ce dernier cas. Quelque considérables
que soient les dimensions données par Héro-
dote, tout porte donc à penser qu'elles n'ont
rien d'exagéré. L'immensité de Babylone était
célèbre dans l'antiquité. Aristote (Polit. 111,2)
va jusqu'à dire que cette ville était une véri-
table province, et qu'elle pourrait être com-
parée au Péloponèse si l'on s'avisait d'entou-
rer de murs cette presqu'île; il ajoute que,
lorsque Cyrus s'était déjà emparé des extré-
mités de la ville, les habitants du centre n'en
avaient pas encore connaissance. Nous savons,
du reste, par Quinte-Curce, que l'immense
espace enfermé dans les murs de Babylone
n'était pas complètement bâti : il n'y avait,
au rapport de cet historien, que 80 stades su-
perficiels (environ 2,750 hectares), qui fussent
habités ; le reste était cultivé et ensemencé,
afin qu'en cas de siège les habitants n'eussent
pas à souffrir de la disette.
Les murailles qui formaient l'enceinte de
Babylone étaient placées au nombre des sept
merveilles du monde. Leur élévation était de
200 coudées royales (92 m. 50), selon Héro-
dote, ou, ce qui est la même dimension, de
50 orgyies, suivant Ctésias ; Strabon et Philon
ne donnent que 50 coudées; Quinte-Curce va
jusqu'à 100 coudées; Pline parle de 200 pieds.
Les auteurs que nous venons de citer sont
également en désaccord sur l'épaisseur des
murailles : Hérodote la porto à 50 coudées
(23 m. 10) et dit qu'il y avait sur ces murs de
petites loges ou tours, élevées les unes vis-
à-vis des autres et entre lesquelles se trouvait
assez de place pour qu'on put y faire tourner
un char. Si l'on en croit Philon, six chars
pouvaient y passer de front; Diodore dit deux
chars, et Strabon, deux quadriges. Ces mu-
railles, construites en briques posées à joints .
d'asphalte, étaient flanquées de 250 tours et
protégées par un large fossé extérieur où l'on
avait amené les eaux de l'Euphrate. Cent
portes d'airain, avec encadrement et seuil du
même métal, donnaient accès dans la ville.
Un boulevard, large de 2 plèthres (GO m.),
longeait toute l'enceinte. Cinquante rues
(vingt-cinq parallèles à l'Euphrate et vingt-
cinq perpendiculaires), aboutissant aux cent
portes d'airain, se coupaient à angle droit et
divisaient la ville en une multitude de carrés
dont une partie seulement, comme nous l'a-
vons vu, était bâtie. Les deux quartiers de la
ville, séparés par l'Euphrate, communiquaient
entre eux par un seul pont : sa largeur était
de 30 pieds grecs (9 m. 24) ; sa longueur, de
5 stades (925 in.) suivant Diodore, etde 1 stade
seulement suivant Strabon. Les piles étaient
solidement jetées, et à 12 pieds grecs (3 m. 70)
de distance les unes des autres; elles étaient
construites en pierres liées par des goujons de
fer et scellées au plomb. Le plancher du pont,
fait de madriers de cèdre, de cyprès et de
palmier, était mobile : on l'enlevait toutes les
nuits. Diodore fait honneur à Sémiramis de la
construction de ce pont. Quant au fameux
tunnel de 4 m. de haut sur 2 m. de large que,
d'après le même écrivain, cette reine aurait
fait construire en sept jours sous le lit de
l'Euphrate, il n'a probablement jamais existé
que dans l'imagination des légendaires orien-
taux. Le parcours du fleuve, dans la ville, dé-
crivait des sinuosités que longeaient des murs
de briques, aussi larges que ceux de l'enceinte
extérieure et percés de petites portes d'airain
auxquelles aboutissaient les rues; ces murs
étaient destinés à protéger la ville contre les
tentatives de débarquement faites par l'en-
nemi, et contre les inondations.
Les divers monuments renfermés dans Ven-
eeicte de Babylone et décrits par les écrivains
de l'antiquité datent de deux époques bien
^distinctes. Les uns remontent à la fondation
de la ville, aux temps reculés du grand empire
babylonien ; ce sont le temple ou tour de Baal
ou Bélus et l'ancien palais situé sur la rive
, droite de l'Euphrate, Les monuments de la
BAB
deuxième époque ont été construits par les
princes chaldéens qui régnaient au vue siècle
avant notre ère ; ces monuments sont : le pa-
lais de la rive gauche, les jardins suspen-
dus, etc.
La fameuse Tour dû Babel, qui n'était autre
que le Temple de Bélus ou Baal, est le plus
ancien monument connu après les pyramides
de Memphis. La Genèse rapporte que, pour la
construction de la tour, on se servit ae bri-
ques en place de pierres, et de bitume au lieu
de ciment. Voici maintenant la description
que les écrivains grecs ont donnée du temple
de Bélus. Il s'élevait au centre d'une enceinte
carrée ayant 8 stades (1480 m.) de tour, et
dans laquelle on <■ pénétrait par des portes
d'airain , qui subsistaient encore du temps
d'Hérodote. Le temple avait huit étages su-
perposés en retraite : l'étage inférieur était
une construction massive, mesurant un stade
(185 m.) tant en long qu'en large. Un escalier
extérieur, en spirale, conduisait aux étages
supérieurs, où se trouvaient de vastes salles
contenant des statues de divinités babylo-
niennes. Au milieu de cet escalier étaient
pratiqués une loge et des sièges pour ceux
qui montaient. Sur la plate-forme du dernier
étage s'élevait une chapelle où il n'y avait
point de statues, mais un lit magnifique, et, ii
côté, une table d'or. Les prêtres chaldéens
racontèrent à Hérodote qu'une femme du pays
venait y passer la nuit, comme cela se prati-
quait au temple d'Ammon, à Thèbes, et dans
celui de Pâture, en Lycie. Les savants ont
conjecturé que cette chapelle, dont le sommet
atteignait, selon Strabon , une hauteur de
204 m., servit d'observatoire aux astronomes
de la Chaldée. Au pied de cette immense py-
ramide à huit gradins, se trouvait une autre
chapelle où l'on voyait une statue d'or de
Bélus assis; à côté, une grande table d'or, un
trône et un marche-pied du même métal, le
tout valant S00 talents d'or (50 millions de
notre monnaie), selon ce que les prêtres chal-
déens dirent à Hérodote. Près de cette chu-
pelle s'élevaient un autel d'or sur lequel on
ne sacrifiait que des animaux à la mamelle, et
un second autel plus grand, destiné aux vic-
times d'un âge fait, et sur lequel les Chal-
déens brûlaient, chaque année, à la fête du
dieu, mille talents pesant d'encens (environ
25,000 kilo.) Le tombeau de Bélus était
placé dans le temple ; Elien rapporte qu'il fut
ouvert par Xerxès, qui s'empara aussi d'une
statue d'or massif de ce dieu, haute de 12 cou-
dées (5 m. 50). Le temple pyramidal de Bélus
rappelle l'architecture des Egyptiens, de qui
les Babyloniens, au dire d'Apollodore, reçu-
rent leur civilisation : la première construc-
tion fut peut-être élevée par Bélijs lui-même,
qui, si l'on en croit Apollodore, aurait régné
en Egypte avant de venir fonder le premier
empire assyrien. C'est à Sémiramis que Dio-
dore rapporte ce magnifique ouvrage, comme
la plupart de ceux dont nous aurons encore à
parler. Les découvertes modernes, faites par
la science archéologique, ont prouvé, comme
nous le verrons tout à l'heure, que Nabucho-
donosor reconstruisit en grande partie le
temple de Bélus. Cette pyramide colossale
tombait de nouveau en ruine, lorsque Alexan-
dre vint à Babylone.; ce monarque avait
formé le projet de la restaurer; dans les der-
niers temps de sa vie, il y employa 10,000
hommes pendant deux mois, mais ils ne par-
vinrent qu'à déblayer les décombres amonce-
lés autour 'de l'édifice. Alexandre mort, nul
ne songea à poursuivre les travaux.
Le Palais occidental, bâti sur la rive droite
de l'Euphrate, avait trois enceintes inscrites
l'une dans l'autre, et dont les murs étaient
construits en briques sur lesquelles, avant la
cuisson, on avait imprimé des figures d'uni-
maux de toute espèce, coloriées avec beau-
coup d'art, de manière à représenter la nature
vivante. Les murs de l'enceinte extérieure
s'élevaient moins haut que les murs de l'en-
ceinte intermédiaire, et ces derniers étaient
eux-mêmes moins élevés que ceux de l'en-
ceinte intérieure, qui étaient dominés à leur
tour par le palais central. L'ensemble de ces
diverses constructions présentait ainsi l'appa-
rence pyramidale, caractère essentiel des ar-
chitectures primitives. On peut juger des
proportions générales du palais par celles que
Ctésias assigne à l'enceinte intermédiaire : elle
était circulaire, tandis que les deux autres
étaient carrées ; elle avait une hauteur de
70 orgyies (129 m.), et son épaisseur était do
300 briques (environ 25 ni.) Quant à son cir-
cuit, il mesurait 40 stades (7 kil.), 20 stades
de plus que celui de l'enceinte intérieure et
20 stades de moins que celui de la première
enceinte, dont le développement n'atteignait
pas moins de 60 stades (11 kil.) Trois portes,
pratiquées dans ces trois enceintes, condui-
saient au palais; deux de ces portes étaient
en airain et ne s'ouvraient qu à l'aide d'une
machine.
Le Palais oriental était bâti sur la rive
gauche de l'Euphrate, en face du palais occi-
dental, auquel le reliait le pont que nous avons
décrit; il n'offrait ni les mêmes proportions
colossales, ni la même magnificence de déco-
ration. Son enceinte en briques cuites n'avait
de tour que 30 stades, ou même 20 stades,
suivant Quinte-Curce ; mais c'est dans les
dépendances de ce palais que se trouvaient
les Jardins suspendus , rangés , comme les
grandes murailles d'enceinte, au nombre des
sept merveilles du monde. Ces jardins, dont
Hérodote ne parle pas, furent établis par Na-
BAB
13
buchodonosor, qui mourut Van 561 av. J.-C.
Diodore rapporte que ce prince les fit con-
struire par amour pour une de ses femmes,
Amytis ou Amuhea, fille de. Cyaxare, qui re-
grettait les sites pittoresques de la Médie, sa
terre natale. Composés de terrasses étagées
en amphithéâtre , les jardins suspeudus for-
maient un carré dont chaque côté avait 400
pieds grecs (123 m.); ils s'appuyaient sur des
murailles en pierre de 22 pieds (6 m. 80) d'é-
paisseur, construites à 10 pieds (3 m. 08) l'une
de l'autre. La couverture de l'espace compris
entre ces murs n'était point une voûte à plein
cintre ou en ogive, comme on l'a prétendu ;
elle était formée, ainsi que le dit positivement
Diodore, de blocs de pierre de 16 pieds (4 m. 95)
de long sur 4 pieds (l m. 23) d équarrissage,
allant d'un mur à l'autre. Au-dessus de ces
blocs venaient successivement une couche de
roseaux et de bitume, un double lit de briques
cimentées avec du plâtre, et enfin des lames
de plomb, destinées à arrêter les infiltrations
de l'eau. Sur ce fond métallique était entassée
une masse de terre suffisante pour que les
plus grands végétaux pussent y prendre ra-
cine. « Telle est la vigueur des arbres qui
croissent sur ce sol créé par l'art, dit Quinte-
Curce, qu'ils ont à leur base jusqu'à 8 coudées
de circonférence, s'élancent à 50 pieds de
hauteur, et sont aussi riches en fruits que s'ils
étaient nourris par leur terre naturelle. D'or-
dinaire, le temps, dans son cours, détruit, en
les minant sourdement, les travaux des hom-
mes et jusqu'aux œuvres de la nature; ici, au
contraire, cette construction gigantesque, pres-
sée par les racines de tant d'arbres et sur-
chargée du poids d'une si vaste forêt, dure
sans avoir souffert aucun dommage. « Dans
l'épaisseur des terrasses de ce jardin original
étaient ménagées des galeries affectées au ser-
vice des habitants du palais. La galerie de la
terrasse supérieure contenait des machines
qui élevaient l'eau nécessaire à l'arrosement
général du jardin, sans que personne put, à
l'extérieur, apercevoir le travail.
Les écrivains de l'antiquité citent plusieurs
autres ouvrages remarquables exécutés par
les Babyloniens. Ce peuple parait avoir eu
une grande habileté dans les travaux hydrau-
liques. Ainsi que le Nil, l'Euphrate avait ses
débordements annuels : afin d'en prévenir les
suites, Nabuchodonosor fit creuser au-dessus
de Babylone, près de la ville de Sippara (Se-
pharvam), un lac auquel Hérodote assigne
un circuit de 420 stades (77 kil. et demi). Dio-
dore donne des dimensions plus considérables
encore à ce bassin, qui, selon lui, aurait été
creusé par Sémiramis. D'autres auteurs font
honneur de cet ouvrage à l'une des femmes
de Nabuchodonosor, Nitocris, qui gouverna
Babylone pendant les sept années que dura
la démence du roi, dont parle Daniel. Cette
même reine, à laquelle on attribue plusieurs
des travaux dont nous avons fait mention, fit
creuser, dit-on, au-dessus de la ville, un nou-
veau lit à l'Euphrate, pour arrêter les Mèdes,
dont la puissance, devenue formidable depuis
la prise de Ninive, menaçait alors toute la
haute Asie. Nabuchodonosor fit élever, dans
le même but, la célèbre muraille médique, qui
rejoignait l'Euphrate au Tigre.
Buines de Babylone. A rt babylonien. « Aujour-
d'hui, dit M. Raoul-Rochette, la plaine ou fut
Babylone est couverte, sur une étendue de
18 lieues, de débris, de monticules à demi
renversés, d'aqueducs et de canaux à demi
comblés. Ces décombres se sont mêlées à un
tel point qu'il est souvent impossible de recon-
naître la place et les limites certaines des édi-
fices les plus considérables. La désolation y
règne dans toute sa laideur. Pas une habita-
tion, pas un champ cultivé, pas un arbre en
feuilles ; c'est un abandon complet de l'homme
et de la nature. Dans les cavernes formées
par les éboulements ou restes des antiques
constructions, habitent des tigres, des cha-
cals, des serpents, et souvent le voyageur est
effrayé par 1 odeur du lion. » Ainsi se sont ac-
complies ces paroles du prophète Isaïe : Là se
couchent les animaux du désert; leurs demeu-
res sont habitées par des chouettes; les cha-
cals crient, ainsi que des chiens, dans les
maisons de leurs voluptés. « Ces ruines , dit
M. Ramée, ne sont pas comparables, par leur
beauté, ni par leur conservation, à celles que
nous offrent d'autres pays; mais ces monta-
gnes de décombres et de débris, que des voya-
geurs modernes sont allés étudier avec autant
d'étonnement que de fatigue, méritent néan-
moins une attention spéciale. Ce sont des ves-
tiges que des civilisations très-reculées ont
laissés à notre méditation. Là, ni colonnes, ni
chapiteaux élégants, ni entablements avec
frise ornée, ni frontons décorés de statues; on
n'y rencontre que des masses' énormes de
maçonnerie, des traces d'enceintes de palais
immenses, où l'art ne consiste que dans la
conception de l'étendue horizontale et perpen-
diculaire de colossales dimensions. • Le mon-
ceau de décembres. le plus considérable qui
s'élève sur la rive gauche de l'Euphrate est
désigné sous le nom de Kasr (eu arabe, le
château) : il a environ 245 m. de long sur
183 m. de large et 21 m. d'élévation. On y a
reconnu les ruines du palais oriental et des
jardins suspendus construits par Nabuchodo-
nosor. Au sommet de ce monticule, hostile à
la végétation, subsiste, comme par miracle, un
arbre séculaire, un athlèh (tamarin orientalis),
qui a paru à quelques rêveurs un aermer re-
jeton ou représentant des fameux jardins. La
partie orientale du tumulus, auquel le kasr a,
14
BAB
donné son nom, est appelée à bon droit par
les gens du pays Moudjêlibèh (la bouleversée).
On y a découvert une maçonnerie rectangu-
laire de 476 m. de tour, que l'on croit avoir
appartenu k l'une des citadelles de la ville;
elle renferme des souterrains et des corridors
croisés, de dimensions gigantesques. Sur la
rive droite de l'Euphrate, non loin du village
d'Anana, en face du kasr, le savant voyageur
anglais Ker Potter a reconnu les débris du
palais occidental. Mais les ruines les plus in-
téressantes, celles qui ont le plus exercé la
sagacité des explorateurs, s'élèvent au S.-O.
des précédentes, à environ9kil. de l'Euphrate,
et sont désignées sous le nom de Birs-Nim-
roud (tour de Nemrod). On a été longtemps
sans pouvoir assigner d'origine k ces ruines :
l'éloigneinent où elles sont des autres ruines
de Babylone faisait penser qu'elles n'avaient
pas pu faire partie (le cette ville. Les décou-
vertes qu'on y a faites, dans ces dernières
années, ne permettent plus de douter que ce
ne soient là les restes de la célèbre tour de
Babel ou de Bélus. Le Birs-Nimroud est une
masse de décombres, de 19-1 m. de long, de l'E.
a l'O., sur 150 m. de large, du N. au S. ; son
élévation est de 60 m. Tout au sommet, est un
pilier en briques cuites de terre jaune, ayant
encore 10 m. 50 de hauteur, et que Ton suppose
avoir appartenu à l'édicule qui couronnait le
tep.p.e de Bélus. Des canaux, de 0 ni. 12
de largeur sur 0 m. 216 millim. d'élévation
sont pratiqués, a une distance de 1 m. 20 les
uns des autres, dans le massif de la construc-
tion. M. Ramée pense que c'étaient des ven-
tilateurs destinés d'abord à sécher la maçon-
nerie, ensuite a rendre la construction plus lé-
gère. Le noyau de l'édifice était construit en
Briques séchées au soleil et cimentées avec du
mortier ; la base était revêtue de briques cuites
au feu et posées avec de l'asphalte, afin de ga-
rantir de l'humidité. Rich a observé le premier,
et beaucoup d'archéologues ont remarqué
après lui, que les briques trouvées au Birs-
Nimroud sont toutes timbrées en dessous, tan-
dis que, dans les monuments plus récents, les
caractères cunéiformes sont imprimés sur les
faces extérieures et même en tous sens. Ce
qu'il y a de plus remarquable, c'est que, dans
toutes les inscriptions lues sur les briques du
Birs-Nimroud, on n'a pas rencontré d'autres
noms que celui de Ncookhadrésar (Nabucho-
donosor). « Ce fait, dit M. Layard, ne prouve
cependant pas que ce prince ait fondé effecti-
vement l'édifice : il a peut-être reconstruit un
édifice plus ancien, ou il y a fait seulement des
additions. Il n'est pas impossible que, dans un
temps k venir, des restes de la construction
primitive ne soient découverts au Birs. »
Ce qui resta des édifices de Babyione no
suffit pas pour nous donner une idée précise
du caractère de leur architecture et des dé-
tails de leur décoration. Les déblais et les
fouilles que l'on poursuit avec zèle amène-
ront peut-être des découvertes qui, avec ce
que nous ont déjà appris les bas-reliefs trou-
vés à Ninive, permettront de faire une resti-
tution plus ou moins exacte de ces monu-
ments, a On conçoit d'ailleurs, dit M. Batis-
sier, que des constructions faites en briques
ne pouvaient se prêter qu'à des combinaisons
architectoniques très-rétrécies et très-unifor-
mes. » Peut-être y voyait-on quelques colon-
nes , mais nous ne saurions dire quelle en
était l'ornementation. Strabon nous apprend
qu'à cause de la rareté du bois de charpente,
on employait dans les maisons des piliers de
bois de palmier, autour desquels on enroulait
des cordes de jonc ou de paille, qui formaient
ainsi le remplissage que, dans d'autres con-
trées, on faisait avec du pisé. Ces cordes
étaient ensuite revêtues extérieurement d'un
enduit et peintes de diverses couleurs. Les
portes étaient également formées d'un entre-
lacement de jonc ou de paille enduit d'asphalte,
et les toits étaient totis en terre. La plupart
des archéologues prétendent que les Babylo-
niens n'ont jamais connu l'art de construire
des voûtes ; cependant M. Raymond assure
avoir observé, dans un pan de mur du kasr, les
débris du cintre d'une porte. Rien ne fait con-
naître d'ailleurs à quelle époque cette porte a
été construite. Les murailles en briques des
grandes constructions devaient présenter de
larges surfaces lisses, dont on rompait la
monotonie, dans les édifices construits avec
luxe, au moyen de figures d'animaux moulées
en relief k la surface des briques, et peintes
de vives couleurs. Parmi les nombreux dé-
bris de décorations de ce genre qu'on a exhu-
més, nous citerons la collection de briques
découvertes dans les ruines du kasr par 1 ex-
pédition scientifique envoyée de France en
Babylonie : cette collection offre les restes
d'une vaste composition représentant une
chasse royale; les personnages mêlés aux
animaux ont des yeux bleus ou fauves, des
boucles de cheveux et de barbe correcte-
ment frisées et peintes en bleu, le visage, les
mains et toutes les parties nues en émail
blanc. On croit que cette composition faisait
partie des décorations du palais oriental dé-
crites par Diodore. Il est probable qu'à Baby-
lone, comme k Ninive, des figures colossales
de dieux et d'animaux étaient placées à Ven-
trée et dans l'intérieur des palais et des tem-
ples. L'expédition française a trouvé, parmi
les débris du Moudjêlibèh, un lion gigantesque
qu'elle a eu beaucoup de peine k remettre de-
bout sur sa plinthe. Nous savons, d'ailleurs,
par les écrivains de l'antiquité, que les tem-
ples de Babylone étaient garnis d'énormes
ÈAB
statues d'or, d'argent, de fer et de bois. Les _
auteurs grecs ont représenté ceux de ces co- .
losses qui étaient en métal comme des ouvra- i
ges massifs ; mais on est fondé à penser que ]
ces statues avaient une âme de bois, que Ion
recouvrait de lames de métal travaillées au
marteau. Si l'on en croit Baruch, on adaptait
dans la bouche de ces idoles une langue mo-
bile que les prêtres chaldéens faisaient sans
doute mouvoir k l'aide de ressorts cachés; on
mettait à ces monstrueux simulacres une cou-
ronne sur la tète et un sceptre k la main ; on
les habillait de vêtements précieux et on les
parait de bijoux que la superstition populaire
se chargeait de renouveler. Pour ce qui est
du style de ces sculptures, tout porte k croire
qu'il ne différait pas sensiblement de celui des
ouvrages ninivites. On peut en juger par le
caractère des peintures sur briques dont nous
avons parlé , et par les ligures gravées en
creux sur les petits cylindres de pierre dure
trouvés en grand nombre dans les ruines de
Babylone, et qui servaient sans doute de ca-
chets ou d'amulettes. Quant aux statuettes de
marbre , d'albâtre ou de métal découvertes
dans les tombeaux par les membres de l'ex-
pédition française et par d'autres voyageurs,
elles sont, pour la plupart, des productions do
l'art gréco-romain : il en est cependant qui,
par la roideur des attitudes, la symétrie des
poses et des ajustements et la grossièreté de
l'exécution , ont paru se rattacher à un art
plus ancien et k une inspiration nationale :
telle serait, par exemple, une statuette de
Venus Mammifera, décrite par M. Fresnel,
figure bizarre qui soutient symétriquement
ses deux seins de ses deux mains. .
— Bibliographie. Les ouvrages les plus in-
téressants a consulter sur les antiquités baby-
loniennes sont les suivants : Mémoire sur les
ruines fie Babylone, par J. Beauchamp (Jour-
nal des savants, décembre 1790) ; Dissertation
sur tesruines de Babylone, par de Sainte-Croix
(Mém.acad. des inscr., tome LXVIII, 180s);
Mémoire sur les ruines de Babylone (Memoir on
the Ruins of Babylon), par C.-J. Rich (Lon-
dres, 18l6),in-4" ; Voyage en Géorgie, enPerse,
en Arménie, dans l'ancienne Babylonie, etc.,
de 1818 à 1820 (Travels in Georgia, Persia,
Armenia, ancient Babylonia, etc.), par R. Ker
Potter (Londres, 1821 et 1822), 2 vol. in-4<>;
Lettre sur les ruines de Babylone, par Honoré
"Vidal (Paris, 1822) ; Voyage en Mésopotamie
(Travels in Mesopotamia) , par J.-S. Buc-
kingham (Londres, 1827), 2 vol. in-8° ; Récit
d'un voyage en Babylonie, en Arménie, etc.
(Personal narrative of travels in Babylonia,
Armenia, etc.), par G. Keppel (Londres,
1827), in -8°, 3e édition; Recherches dans
l'Assyrie, la Vabylonie et la Chaldée (Resear-
ches in Assyria, Babylonia and Chaldea), par
W.-F. Ainsworth (Londres, 1838) ; Inscrip-
tions de l'Assyrie et de la Babylonie (On the
inscriptions of Assyria and Babylonia!, par
H.-C. Rawlinson (Journal of the royal Asiatic
Society, XXIIe vol., 1850); Oéeouuerfes faites
dans les ruines de Ninive et de Babylone (Dis-
coveries in the ruins of Nineveh and Babylon),
par A. -H. Layard (Londres, 1853), l vol. in-S";
Antiquités babyloniennes, par F. Fresnel (Jour-
nal asiatique, 1853); Expédition scientifique
en Mésopotamie, exécutée par ordre du gou-
vernement, de 1851 à 1854, par MM. F. Fres-
nel, Félix Thomas et Jules Oppert (Paris, 1856),
2 vol. in-4°, avec atlas.
— Littér. Babylone a joué un grand rôle
dans l'antiquité; rivale de Jérusalem, elle fut
souvent en guerre avec le peuple juif, qui y
passa les soixante-dix ans de captivité. Les
Ecritures en parlent comme d'un foyer de cor-
ruption et d'idolâtrie, et en ont fait la person-
nification du monde profane, le réceptacle de
tous les vices et de toutes les impuretés.
Exaspérés par la politique barbare des Baby-
loniens, les Israélites leur vouèrent une haine
profonde, et la dissolution de mœurs dont ils
lurent témoins dans la captivité ajouta k ce
sentiment celui de l'horreur et du dégoût. De
là le nom de grande prostituée, qu'ils donnèrent
à cette ville.
Les protestants, qui se prétendent seuls ob-
servateurs de la lettre et de l'esprit évangé-
liques, appellent la ville éternelle la grande
Babylone.
Aujourd'hui que Babylone n'est plus, le nom
seul a survécu et s'applique aux grands cen-
tres de population, comme Londres et surtout
Paris, ou l'agglomération des masses, les ri-
chesses, les raffinements de l'industrie et de
la civilisation engendrent fatalement la cor-
ruption des mœurs : t>
« La Babylone moderne sera dépeuplée et
détruite par les rats de Montfaucon. Des lé-
gions innombrables de rats vont descendre en
noires colonnes sur Paris. Cette terrible inva-
sion arrivera le jour où l'on transportera la
voirie dans son palais de la plaine des Vertus.
Tous ces rats, qui font k Montfaucon des dé-
jeuners de Balthazar, manquant soudain de
pâture, viendront k Paris manger de l'homme
à défaut de cheval. >
Théophile Gautier.
• Et ou irez-vous? — A Paris. — Comment !
k Paris 1 Mais irons aviez secoué sur la grande
Babylone la poudre de vos sandales 1 La déca-
dence du goût, l'essor de plus en plus marqué
de la cuisine romantique I Ce sont vos propres
paroles. > Octave Feuillet.
ÈAÈ
« Je ne vois que bergers et troupeaux ; je
n'entends que les chalumeaux et le murmure
des fontaines, et, dans l'innocence de ma vie,
je ne regrette rien de cette Babylone impure
que vous habitez; s'entend, je n'en regrette
que vous. » P.-L. Courier.
a La foule, le mouvement prodigieux d'Am-
sterdam favorisaient sa solitude; ces Baby-
lones du commerce sont pour le penseur de
profonds déserts. » Michelet.
« Lui seul a conservé le costume des déma-
gogues et les façons de parler qui en font
partie ; il vante encore Arminius le Chérusqtie
et Mme Thusnelda, son épouse, comme s'il
était leur blond descendant. 11 nourrit toujours
une haine patriotique contre la Babylone fran-
çaise, contre l'invention du savon, contre la
grammaire grecque païenne de Thiersch ,
contre Quintilius Varus, contre les gants et
contre tous les hommes qui ont un nez décent. »
Henri Heine.
« Supposez que Pétrarque soit un des fami-
liers de la papauté, qu'il la voie à toute heure :
nul n'en connaîtra mieux que lui la faiblesse ;
il mêlera sa voix k celle des précurseurs de la
Réforme, qui dénoncent la grande Babylone,
l'enfer des vivants, la courtisane effrontée. »
Edgar Quinet.
BABYLONE , ville de l'ancienne basse
Egypte, au N. et à 16 kil. de Memphis, immé-
diatement au-dessus de l'endroit d'où partait
le canal du Nil à la mer Rûuge. Quelques au-
teurs ont prétendu qu'elle avait été fondée
par une colonie de Babyloniens, après la prise
de leur ville par Cyrus ; rien ne prouve cette
assertion, combattue du reste par quelques
historiens, qui en ont attribué la fondation à
une colonie de Perses venus à la suite de
Cambyse. Quoi qu'il en soit, cette ville devint,
dans les premiers siècles du christianisme, le
siège d'un évêché catholique, et les écrivains
coptes prétendent que Le Caire occupe l'em-
placement de la Babylone égyptienne.
BABYLONE (François de), graveur fran-
çais du xvie siècle, désigné quelquefois sous
le nom de Maître au caducée, du monogramme
dont il a marqué ses estampes. IV exerçait son
art à Rome. Ses productions sont rares et re-
cherchées. Les plus connues sont : Apollon et
Diane; deux Sainte- Famille ; YAdoration des
rois; un Batelier qui traverse une rivière.
BABYLONICO - CHALDÉEN , ENNE adj .
Géogr. anc. Qui appartient aux Babyloniens
et aux Chaldéens. Il Empire babylonico-chal-
déen, Empire qui fut fondé à Babylone par le
roi chaldeen Nabuchodonosor, et que Cyrus
renversa un demi-siècle après.
BABYLONIEN, IENNE adj. et s. (ba-bi-lo-
ni-ain, i-è-ne — rad. Babylone). Géogr. anc.
Né à Babylone on dans la Babylonie ; qui ap-
partient a Babylone ou k la Babylonie : Un
Babylonien. Peuple babylonien. Femme ba-
bylonienne. En parlant ainsi, le Babylonien
pleurait comme un homme lâche qui a été amolli
par les prospérités. (Fén.)
— Par anal. Immense, gigantesque, comme
les anciennes constructions de Babylone : On
en chasserait les promeneurs au profit de la
spéculation, qui serait chargée de couvrir l'em-
placement d'hôtels babyloniens et de jardins
princiers. (Ph. Busoni.) Ce filet d'eau azurée
rase des quais babyloniens. (Ph. Busoni.) Et
cette ville, à mesure que je la regardais, affec-
tait des airs babyloniens. (Gêr. de Nerv.) Les
magasins de tissus sont des édifices babylo-
niens, larges et longs de ceni vingt pas, à six
étages. (H. Taine.)
— Fig. Très-considérable, immense : Bans
ta petite ville, le plaisir a su prendre des pro-
portions babyloniennes; nous avons dansé des
quadrilles gigantesques. (*")
— Philol. Lettres babyloniennes, Caractères
cunéiformes. V. Cunéiforme.
— Chronol. Tables babyloniennes, Tables as-
tronomiques qui auraient été trouvées à Ba-
bylone pendant l'expédition d'Alexandre, ot
qui feraient remonter les observations à plus
de vingt et un siècles avant Jésus-Christ.
Leur authenticité et môme leur existence
sont assez généralement révoquées en doute.
— Gnomon. Heures babyloniennes ou baby-
loniqu.es, Heures égales à la vingt-quatrième
partie du jour, selon l'usage babylonien qui
s'est transmis jusqu'à nous.
— Musiq. Mode babylonien, Un des modes
de l'ancienne musique arabe, n Substantiv.
Le BABYLONIEN.
— s. m. Linguist. Le babylonien, Idiome
parlé à Babylone, et qui différait peu du vrai
syriaque.
BABYLONIENNEMENT adv. (ba-bi-lo-ni-
è-ne-man — rad, Babylone). Néol. A la ma-
nière de Babylone, célèbre par ses jardins
suspendus : Le principal corps de logis est
situé au fond d'un jardinet, lequel est baby-
loniennement suspendu et forme terrasse.
BABYLONIQUE adj. (ba-bi-lo-ni-ke —rad.
Babylone). Qui concerne Babylone, qui a rap-
port à Babylone : Ce Nemrod, ce fort chasseur
devant le Seigneur, avait laissé un arc de sept
pieds babyloniques de haut, d'un bois d'ébène '
plus dur que le fer du mont Caucase. (Volt.) La
Phénicie, la Cilicie durent leur population au
rameau babylonique établi en Arabie. (Val.
Parisot.)
ÈAB
— s. m. Antiq. rom. Sorte de châle fabri-
qué à Babylone, et tort estimé des dames
romaines.
Babyloniqnes (LES) OU les AmOtirS de Rho-
danès et de Sinonis, roman grec de Jamblique,
qui n'existe plus et qui avait trente-neuf li-
vres d'après Suidas, seize suivant Photius,
qui en a fait un résumé. Rhodanès et Sinonis,
unis par le double lien de l'amour et de l'hy-
men, sont persécutés par Garmos, roi de Ba-
bylone, qui S'est épris de Sinonis. Ils lui
échappent et sont poursuivis par Damas e'
Sacas, eunuques du roi, qui ne leur laissent
pas un moment de repos. Les deux amants
courent un nombre infini de dangers. Au mi-
lieu de toutes les péripéties du roman, le noeud
de l'intrigue est dans la ressemblance éton-
nante du couple fugitif avec deux autres per-
sonnages, Euphrates et Mesopotamia, ressem-
blance qui donne lieu k une foule de compli-
cations et d'incidents inattendus. Après mille
aventures bizarres et un peu confuses, Rhq-
danès est réuni k Sinonis, renverse Garmos et
règne k sa place. Le fond de ce roman est
complètement asiatique; l'expression seule est
grecque. Aucun passage qui trahisse des ré-
miniscences du théâtre grec; mais des his-
toires de magie, des superstitions et des lé-
gendes chaldéennes, des mœurs complètement
différentes de celles de la Grèce. C'est l'ima-
gination orientale qui a mis dans cette fiction
des oreilles coupées, un homme élevé en
croix, une femme chargée de fers, une longuo
série de meurtres, d'enchantements et de sup-
plices. Le savant Huet juge assez favorable-
ment ce récit de Jamblique : a Son dessein ne
renferme qu'une action revêtue d'ornements
convenables, et accompagnée d'épisodes pris
dans la matière même. La vraisemblance y
est observée avec assez d'exactitude, et les
aventures y sont mêlées avec beaucoup de
variété et sans confusion. Toutefois, l'ordon-
nance manque d'art. » Photius trouve que
Jamblique n brille par la beauté du style, la
régularité du plan et l'ordonnance des récits. ■
La perte de l'ouvrage ne nous permet pas de
juger du style, mais la plupart de ces appré-
ciations semblent empreintes de trop d'indul-
gence. Le plan devait être moins régulier
qu'il ne le paraît d'après l'analyse de Photius ;
une foule d'incidents devaient ralentir la mar-
che de l'action. Quant k la vraisemblance, il
faut la révoquer en doute; Jamblique abuse
de la magie et des enchantements; ses morts
ressuscitent, ses poisons n'endorment qu'aussi
longtemps qu'il le veut; il sort volontiers des
situations difficiles par la violence, ressource
si chère a nos modernes romanciers. Ses ré-
cits ont de la variété , mais une variété qui
n'est pas exempte de confusion. Si l'on passe
à l'étude des caractères, on ne trouve pas un
seul type fortement tracé ; aucune des figures
que l'auteur nous présente n'a une individua-
lité marquée ; toutes se laissent aller aux évé-
nements, sans chercher h les modifier. Rho-
danès, le héros, montre très-peu de cœur et
encore moins de tète ; il n'a que des jambes ;
son seul exploit, au dénoûment, est une tra-
hison. Le rôle de Sinonis est moins efi*acé;
une jalousie vindicative et sauvage anime
constamment cette femme jeune et belle, qui
gagnerait k éprouver une passion douce et
touchante.
L'auteur des Babyloniques ne manque ni
d'imagination ni de talent dans le choix do
certains épisodes: il entend la mise en scène
et sait imprimer du mouvement k l'action. Il
a du savoir. C'était beaucoup pour l'époque
où il écrivit ; mais son ouvrage n'a plus pour
nous qu'un intérêt de curiosité littéraire. Si
l'on en croit Colomiès, le roman des Babylo-
niques s'était conservé en entier dans la bi-
bliothèque de l'Escurial jusqu'en 1670, époque
où il fut détruit par un incendie.
Babylonisme s. m. (ba-bi-lo-ni-sme —
rad. Babylone). Néol. Ce qui est grandiose,
gigantesque; se dit surtout en parlant des
édifices, des monuments : L'architecte de la
chose est M. Charles Duval, qui fuit du baby-
lonisme au rabais, pour le compte des fonda-
teurs de cafés-concerts. ("')
BABYRUSSA s. m. Mamm. Syn. de babi-
roussa.
BABYS, frère de Marsyas, dont il fut sur le
point de partager le sort. Apollon lui fit grâce,
a la prière de Minerve.
BABYS , nom donné aux partisans du ba-
bysme.
BabvSme s. m. (ba-bi-smo — rad. Bab).
Secto religieuse, née en Perse vers l'année
1843, ainsi nommée du nom qu'a pris son
fondateur, Bab, c'est-à-dire la porte, et dont
les adhérents portent celui de babys.
— Encycl. Jusqu'ici, l'existence du babysme
n'avait été signalée que par quelques voya-
geurs, qui n'ont donné au sujet de cette nou-
velle doctrine que des détails très-peu expli-
cites. Les premiers renseignements positifs
qui nous soient parvenus jusqu'ici sur le ba-
bysme sont ceux que contient l'excellent livre
récemment publié par M. le comte de Gobi-
neau : les Religions et les philosophies dans
l'Asie centrale (Paris, Didier. 1866). C'est à
cet ouvrage consciencieux et d'un intérêt con-
sidérable que nous allons recourir pour tracer
une esquisse rapide et exacte du mouvement
religieux, et politique si yeu connu, que l'on
désigne sous le nom de babysme. Nous com-
mencerons par faire l'histoire de la secte, et
ï
BÀB
nous passerons ensuite à l'examen de ses
dogmes et de ses doctrines politiques et so-
ciales.
I. — Histoire bv babysme. Le fondateur de
cette secte est un Persan de Schiraz, nommé
Mirza-Aly-Mohammed, oui, vers l'année 1843,
alors qu'il était à peine âgé de dix-neuf ans,
commença sa mission religieuse. Mirza-Aly-
Mohammed portait le titre de seyd , c'est-
à-dire, qu'à tort ou à raison, il prétendait des-
cendre de la race du prophète arabe, de
Mahomet. M. de Gobineau en fait le portrait
suivant : « Renfermé en lui-même , toujours
occupé de pratiques pieuses, d'une simplicité
de mœurs extrême, dune douceur attrayante,
et relevant ces dons par son extrême jeu-
nesse et le charme merveilleux de sa figure,
il attira autour de lui un certain nombre de
personnes édifiées. Il ne pouvait ouvrir la
bouche, assurent les hommes qui l'ont connu,
u'il ne remuât le fond du cœur. S'exprimant
u reste avec une vénération profonde sur le
compte du prophète des imans, il charmait
les orthodoxes sévères, en même temps que,
dans des entretiens plus intimes, les esprits
ardents et inquiets se réjouissaient de ne pas
trouver en lui aucune roideur dans la profes-
sion des opinions consacrées. Au contraire, sa
conversation leur ouvrait tous ces horizons
infinis, variés, bigarrés, mystérieux, ombragés
et semés çà et la d'une lumière aveuglante,
qui transportent d'aise les imaginations de ce
pays-ià. »
Ses préoccupations religieuses commencè-
rent de bonne heure, et se développèrent au
contact des idées chrétiennes, guèbres, mo-
saïques, et des spéculations des sciences oc-
cultes. Après avoir fait, très-jeune, le pèleri-
nage de la Mecque, il se sépara radicalement
de l'islamisme, et c'est après avoir visité la
mosquée de Koufa qu'il songea à créer une
nouvelle foi destinée a supplanter l'islamisme.
Les résultats immédiats de son double pèleri-
nage furent la composition de deux livres, qui
inaugurèrent sa mission de novateur : le pre-
mier est le récit de son voyage, et le se-
cond un commentaire sur une des sourates du
Coran, celle de Joseph. Dans ce commentaire,
■ la polémique et la dialectique tenaient, dit
M. de Gobineau, une grande place, et les au-
diteurs remarquaient avec étonnement qu'il
découvrait, dans le chapitre du livre de Dieu
qu'il avait choisi, des sens nouveaux, et qu'il
en tirait surtout des doctrines et des ensei-
gnements complètement inattendus. » Dès lors,
sa popularité commença et ne fit plus que
s'accroître dans des proportions extraordinai-
res ; tous se pressaient autour de lui ; il
parlait dans les mosquées, et, dans ses dis-
cours, le clergé musulman, représenté par les
mollahs, était très -vivement attaqué. Les
mollahs sentirent le danger qui les mena-
çait, et essayèrent de le conjurer en se réu-
nissant pour confondre les doctrines prêchées
par le jeune Mirza-Aly-Mohammed. Mais ce-
lui-ci réduisit au silence tous ses contradic-
teurs, le Coran à la main. Cette victoire re-
doubla la popularité d'Aly-Mohamméd, qui,
tont en continuant à faire sa propagande pu-
blique, commença à réunir autour de lui un
noyau de partisans dévoués, auxquels il dé-
voila les principes fondamentaux de" sa doc-
trine. C'est alors qu'Aly-Mohammed prit son
premier surnom, qui, depuis, servit a désigner
sa secte; il se fit appeler Bab (la porte), parce
qu'il était la porte par laquelle seule on pou-
vait arriver a connaître Dieu ; ses adhérents
lui donnaient plus souvent, par respect, le
titre de Bezrèté-Ala, altesse sublime. Les
choses arrivèrent à un point tel que le clergé
musulman, réduit au silence, écrivit à Téhé-
ran pour informer le gouvernement de ce qui
se passait et réclamer son intervention di-
recte. Le gouvernement persan, qui n'était
pas lui-même grand protecteur du clergé, eut
recours à une demi-mesure, et, après avoir
renoncé à l'idée qu'il avait eue un moment de
mander le Bab pour lui faire exposer ses doc-
trines, il se détermina, à le consigner jusqu'à
nouvel ordre dans sa maison. Mais la propa-
gande, quoique occulte, n'en fut pas moins
active, et le Bai, révélant enfin son véritable
caractère, fit connaître à ses disciples qu'il
était le Nokiek (le point), c'est-à-dire le géné-
rateur même de la vérité, une émanation di-
vine, une manifestation de la toute-puissance.
Il transféra alors le titre de Bab à l'un de ses
plus fervents adhérents, un prêtre du Khoras-
san, nommé Housseïn-Boushrewyèh, qui de-
vait imprimer au babysme une vigoureuse im-
pulsion et lui donner cette énergique activité
qui en fit un parti politique redoutable.
Housseïn-Boushrewyèh , après avoir em-
porté les ouvrages du maître et probablement
des instructions orales, se mit en marche pour
prêcher la nouvelle religion et la répandre
dans la Perse entière. Après s'être créé des
adhérents à Ispahan et à Kachan, il se rendit
à Téhéran; mais le gouvernement' lui intima
l'ordre de quitter immédiatement la capitale.
Cependant, d'un autre côté, deux émissaires
baoys continuaient l'œuvre de la propagande;
c'était d'abord Hadji-Mohammed-Aly-Balfou-
roushy, qui opérait dans le Mazenderan ; en-
suite une femme nommée Zerryn-Tadj (la
couronne d'or), et surnommée Oourret-oul-
Ayn (la consolation des yeux) , une des figures
assurément les plus extraordinaires de l'his-
toire du babysme. Sa beauté, son esprit, son
éloquence, sa science, son exaltation singu-
lière, 3ont restés dans la mémoire de tous les
témoins de ce drame. Chacun des propaga-
BAB
teurs de la foi nouvelle se réserva une partie
de la Perse : Gourret-oul-Ayn eut l'ouest, Bal-
fouroushy le nord, et Housseïn, expulsé de
Téhéran , se dirigea vers l'est , c'est-à-dire
vers le Khorassan ; le sud avait déjà été par-
couru avec succès. Après des événements
divers qu'il serait trop long de raconter,
Housseïn, à la tête d'une troupe d'adhé-
rents, aux aspirations belliqueuses, entra dans
le Mazenderan, et s'y réunit avec plusieurs
autres chefs de la secte. Un grand concile fut
tenu à Bedecht, petit village sans importance;
parmi ceux qui y assistaient, on remarquait
Gourret-oul-Ayn et Mirza-Jahya, jeune enfant
de quinze ans, qui devait être reconnu plus
tard comme le chef de la secte après la mort
du fondateur. Gourret-oul-Ayn prononça un
discours demeuré célèbre, qui valut au ba-
bysme une foule de nouveaux adhérents accou-
rus de toutes parts. Après quelques luttes
sanglantes, Housseïn vint s'établir avec tous
ses disciples dans une localité montagneuse et
boisée, connue sous le nom du pèlerinage du
cheykh Tebersy. Il y construisit une espèce de
château fort et s'y retrancha solidement. Alors,
les prédications recommencèrent avec une
nouvelle ardeur et prirent une couleur poli-
tique de plus en plus accentuée ; toutes les
populations du Mazenderan se levèrent à cette
voix et vinrent se grouper autour du château
fort, qu'ils environnèrent ainsi d'une espèce
de camp improvisé. Tout le monde était sur-
excité et n'attendait qu'une occasion de ver-
ser son sang pour la cause sainte.
On s'émut à Téhéran ; une première expé-
dition fut envoyée contre les babys et échoua
complètement, après avoir été en partie dé-
truite. On envoya alors un schahzadè, un
prince du sang en personne, nommé Mendy-
Kouly-Mirza, avec des forces imposantes:
même insuccès. Une troisième expédition ne
fut pas plus heureuse; seulement, Housseïn
fut mortellement blessé dans le combat; mais
les babys ne se laissèrent pas un instant dé-
courager par la perte de leur chef et conti-
nuèrent la lutte avec une nouvelle énergie.
Enfin, on organisa une quatrième expédition,
et l'on envoya de l'artillerie , canons , mor-
tiers, etc. Néanmoins, les babys firent une
résistance héroïque, et, malgré le manqué de
vivres, tinrent pendant quatre mois; enfin,
les babys ayant été presque tous tués, les
troupes royales parvinrent à s'emparer de la
place. Deux cent quatorze babys, hommes,
femmes et enfants, seul débris de la garni-
son, furent faits prisonniers, et, malgré la pa-
role qu'on leur avait donnée, on leur ouvrit le
ventre, et, détail caractéristique, on trouva
dans leurs entrailles des racines et des herbes
crues, leur seule nourriture. Cet échec, loin
de détruire le babysme, fut l'occasion d'un re-
doublement d'enthousiasme, qui se traduisit
par de nouvelles luttes, plus opiniâtres en-
core que les premières. Zendjan, capitale de
la province de Khamseh, se souleva. L'in-
surrection fut terrible; elle avait à sa tête un
jurisconsulte très-distingué, Mohammed-Aly-
Zendjany. La résistance fut longue et achar-
née, et l'insurrection ne succomba que sous
le nombre; il fallut concentrer sur ce point
des forces considérables pour en avoir rai-
son. Les quelques prisonniers qu'on fit furent
tués à coups de baïonnettes ou attachés à la
bouche des mortiers. Mais ces deux épisodes
sanglants, loin d'arrêter les progrès du ba-
bysme, ne firent que les accélérer. Le gou-
vernement, ne sachant à quelle résolution
s'arrêter, prit le parti de supprimer le chef de
ce mouvement menaçant; cependant, il est
avéré que le Bab n'avait pris aucune part di-
recte à toutes les entreprises de ses parti-
sans, et une accusation formelle était impos-
sible. Mais ia justice asiatique ne s'embar-
rasse pas pour si peu. Le Bab et deux de ses
disciples furent amenés à Tébriz, et, à la
suite d'une instruction sommaire, condamnés
à mort. Après avoir été promenés dans toute
la ville et exposés aux derniers outrages, le
maître et son disciple — un autre l'avait renié
— furent suspendus à des cordes le long d'un
mur très-élevé. En ce moment, on entendit
distinctement le disciple qui adressait au Bab
cette simple phrase : « Mon maître, est-ce que
tu n'es pas content de moi? » Aussitôt une'
compagnie de soldats, chargés de l'exécution,
les coucha en joue et tira. Le disciple fut tué
roide; mais le Bab, dont la corde avait été
coupée par une balle et qui n'avait pas été
atteint, retomba à terre et se réfugia dans un
corps de garde voisin, où il fut immédiatement
massacré.
Le Bab mort, lé babysme n'en devint que
plus redoutable. Le jeune Mirza-Jahya rem-
plaça le chef défunt et prit le titre de Hezrèté-
Ezel (altesse éternello). Mirza-Jahya quitta im-
médiatement la capitale pour se dérober aux
persécutions officielles, et aussi pour parcou-
rir les provinces et affermir ses partisans. En
1852, les babys répondirent à 1 exécution de
leur chef saint par un acte de réciprocité qui
montre jusqu'où va leur, détermination. Trois
babys essayèrent de tuer le roi, mais ne par-
vinrent qu à le blesser. Immédiatement saisis,
ils proclamèrent hautement leur doctrine, et
résistèrent avec un courage extraordinaire à
toutes les tortures. De nombreuses arresta-
tions furent opérées à cette occasion à Té-
héran parmi les personnes suspectes. Gourret-
oul-Ayn fut de ce nombre, et ayant coura-
geusement refusé de renier sa foi , elle fut
condamnée à être brûlée vive. On procéda
ensuite à l'exécution des autres prisonniers,
BAB
. parmi lesquels se trouvaient oeaucoup de
' femmes et d'enfants. Plusieurs des principaux
personnages de la cour, pour montrer leur
, zèle, en firent périr un grand nombre de leurs
propres mains, avec des raffinements inouis
de cruauté. Les autres furent exécutés en effl-
1 gie. On vit alors dans les rues et au milieu des
bazars de Téhéran, un spectacle que la popula-
tion n'oubliera jamais. On vit s'avancer, entre
les bourreaux, des enfants et des femmes, les
chairs ouvertes sur tout le corps, avec des
mèches allumées fichées dans les blessures.
On traînait les victimes par des cordes et on
les faisait marcher à coups de fouet; enfants
et femmes s'avançaient en chantant ce ver-
set : » En vérité, nous venons de Dieu et nous'
retournons à lui. ■ Leurs voix s'élevaient écla-
tantes au-dessus du silence de la foule. Quand
| un de ces malheureux tombait et qu'on le fai-
sait relever à coups de fouet ou de baïon-
nette, pour peu que la perte de son sang, qui
ruisselait sur tous ses membres, lui laissât en-
core un reste de force, il entonnait avec un
surcroît d'enthousiasme le verset cité plus
haut. Plusieurs enfants expirèrent dans le tra-
jet. Les bourreaux jetèrent leurs corps sous
les pieds de leurs pères, qui marchaient froi-
dement dessus sans leur donner un seul re-
gard. Un des bourreaux imagina de dire à un
père que, s'il n'abjurait pas à l'instant même,
il couperait la gorge à ses deux fils sur sa
propre poitrine. C'étaient deux jeunes gar-
çons, dont l'aîné avait quatorze ans, et qui,
rouges de leur propre sang, les chairs calci-
nées , écoutaient froidement le dialogue ; le
père répondit en se couchant par terre, et
l'aîné des enfants, réclamant avec exaltation
son droit d'aînesse, demanda à être sacrifié le
premier. Enfin, on acheva d'égorger ces mar-
tyrs, et la nuit tomba sur un amas de chairs
informes; une foule de têtes étaient attachées
par groupes aux poteaux de justice, et les
chiens accouraient des faubourgs par troupes
pour se repaître de ces. débris sanglants.
o Cette journée, continue M. de Gobineau,
donna au babysme plus de partisans secrets
que bien des prédications n'auraient pu faire.
Dès lors , il est vrai , la nouvelle doctrine
cessa d'exister au grand jour, et prit les al-
lures bien plus menaçantes d'une société se-
crète, qui aujourd'hui embrasse la Perse en-
tière. Les partisans du babysme sont actuel-
lement innombrables et se recrutent dans
tous les rangs de la société; c'est un dan-
ger positif pour le gouvernement contem-
porain, un danger impossible à conjurer, et
qui peut se traduire d'un jour à l'autre par
quelque explosion terrible , capable de chan-
ger singulièrement les destinées de l'Asie cen-
trale et de venir compliquer d'une façon inat-
tendue la situation respective de la Russie et
de l'Angleterre, déjà en présence de ce côté.
C'est pour cette raison que nous avons cru de-
voir attirer l'attention de nos lecteurs sur cette
grave question, dout l'importance politique
n'échappera à personne. Ajoutons que le ba-
bysme a envahi la province de Bagdad et pé-
nétré même dans l'Inde musulmane. »
II. — Exposition de la doctrine babystk.
La doctrine babyste est contenue dans des
livres prohibés qui circulent de main en main
d'un bout à l'autre de la Perse, et principale-
ment dans un livre arabe, composé en 1848
par le Bab et qui a pour titre Biyan (L'ex-
position). Le dieu du babysme est unique et
éternel comme celui des musulmans ; mais ce
monothéisme, semblable en apparence et par
la formule à celui de l'Islam, en est au fond
et par l'esprit très-différent. Entre les deux
conceptions de l'unité divine , il y a la dis-
tance qui sépare la psychologie religieuse des
races aryennes de celle des races sémitiques.
Pour l'unitarisme sémitique (judaïsme, mabo-
métisme), Dieu est une personne dans toute
l'énergie de ce mot; il a l'unité absolue, exclu-
sive, indivisible de l'individualité personnelle;
rien ne sort de cette unité parfaitement simple
et inféconde, rien n'y rentre et ne s'y absorbe ;
elle est renfermée en elle-même, absolument
et à jamais séparée du monde, qui est une
manifestation arbitraire et tout extérieure de
sa puissance, et non un produit, une exten-
sion de, sa vie. Pour le babysme, Dieu est un
en ce sens qu'il n'y a pas deux puissances di-
vines étrangères l'une à l'autre ; cette unité
est substantielle et compréhensive ; elle tend
essentiellement à sortir d'elle-même, à se ré-
pandre, à se communiquer, à produire. Créer,
pour le dieu sémitique, c est faire acte de
souveraineté et de bon plaisir; pour le dieu
babyste, c'est vivre et donner la vie : le pre-
mier crée parce qu'il veut; le second parce
qu'on ne peut le concevoir autrement que
BAB
15
échappe à la détermination numérique, qui
n'est pas limitée par d'autres unités, qui ne
fait pas partie d'une totalité ; il peut répandre
la vie sans éprouver ni diminution ni frac-
tionnement ; émanées de lui, les individualités
créées sont, au contraire, des unités suppu-
tées, c'est-à-dire soumises à la loi de quantité
et dont la vie s'épuise en se communiquant.
Cette distinction entre le créateur et la créa-
ture ne constitue pas une séparation complète,
définitive ; il n'y a rien; à vrai dire, en dehors
de Dieu qui, dans le Biyan, s'écrie lui-même :
« En vérité, à ma créature, tu es moi. » Au
jour du jugement dernier, toutes les créatures
se réuniront à Dieu, se réabsorberont dans
l'unité dont elles viennent, et toutes les choses
seront anéanties, moins la nature divine. On
voit que nous avons affaire à une religion
panthéiste. « Le dieu des babys, dit M. de
Gobineau, .n'est pas un dieu nouveau, c'est
celui de la philosophie ehaldéenne, de l'alexan-
drinisme, d'une grande partie des théories
gnostiques, des livres magiques, en un mot de
la science orientale de toutes les époques. Ce
n'est pas celui que confesse le Pentateuque,
mais c'est bien celui de la Gemara et du
Talmud ; ce n'est pas celui que l'Islam a cher-
ché à définir d'après ce que Moïse et Jésus
lui en avaient pu apprendre ; mais c'est très-
bien celui de tous les philosophes, de tous les
critiques, de tous les habiles gens qu'il a
nourris dans ses écoles. En un mot, soufys,
guèbres sémitisés, c'est-à-dire tous les guè-
bres depuis les Sassanides , et avant eux
l'Orient tout entier, ont confessé et cherché
ce dieu-là, depuis que la science a commencé
dans ces contrées. Pendant des séries de siè-
cles, l'Orient l'a honoré à sa manière, et après
la longue interruption amenée par la domina-
tion chrétienne et musulmane, interruption
qui n'a rien fait oublier, le Bab n'a fait autre
chose que de le tirer de son obscurité, de le
reprendre,, de le restaurer. »
Passons à la théorie babyste de la création.
Pour créer, le dieu des babys se sert de sept
lettres sacrées représentant sept attributs ,
sept vertus divines : la force, la puissance, la
volonté', Vaction , la condescendance , la gloire
et la révélation. Dieu en possède encore une
infinité d'autres, mais ce sont les seules qui
aient été mises en exercice dans la création
de l'univers actuel. La double représentation
des sept vertus divines , parole et écriture,
nous donne la double création de l'esprit et de
la matière ; comme paroles , elles sont la
source des choses purement intellectuelles ;
comme lettres, c'est-à-dire comme apportant
toutes les combinaisons des lignes, elles sont
la source de toutes les formes visibles sans
lesquelles la matière n'existe pas. Voilà donc
un premier nombre sacré, le nombre 7 : il y
en a un bien plus important aux yeux des
babys, le nombre 19. En effet, au-dessus des
expressions créatrices, il faut placer le mot
hyy (vivant), la vie étant à la fois la source et
le produit des sept énergies. Or, la valeur
numérique de la lettre A est S et celle de y est
10, ce qui fait 18; en y ajoutant l, valeur de
la lettre a pour la forme ahyy (celui qui donne
la vie), on a 19. Le Bab en conclut que 19 est
l'expression numérique de Dieu lui-même. Il
n'est pas possible d'en douter, si l'on considère
que le mot wahed employé par le Coran pour
indiquer Vunique, c'est-à-dire Dieu, et qui est
une des dénominations les plus élevées dont
puissent se servir les musulmans pour dési-
gner le souverain des mondes, a, lui aussi,
pour valeur numérique 19 (10 = 6, a = 1, h — S,
d = 4) ; il est donc évident que le nombre 19
signifie X unique qui donne la vie, c'est-à-dire
Dieu unique et créateur; et, par conséquent,
ce nombre renferme les sept lettres qui ser-
vent de moyen pour la production du monde.
Ce mouvement curieux de l'esprit oriental qui
passe de la puissance à la parole, expression
de la puissance, de la parole à la lettre, image
de la parole, de la lettre au nombre, valeur de
la lettre, et qui établit entre ces quatre choses
un rapport mystique et superstitieux d'équi-
valence, nous reporte en pleine Chaldée ; nous
touchons le principe d'une fausse science, bien
plus funeste par ses conséquences à l'établis-
sement de la véritable que les mythologies les
plus intempérantes. Ajoutons que nous voyons
s'unir, dans la doctrine babyste de la création,
deux idées parties certainement de points dif-
férents, sinon opposés, l'idée d'émanation et
celle de la puissance magique de la parole
créatrice.
Toute religion a sa théorie du mal. Quelle
est celle du babysme? Elle découle logique-
ment du panthéisme, de la doctrine de l'éma-
nation. Le mal, selon les babys, n'est que le
résultat du fait même de la création, l'imper-
fection inhérente à la séparation temporaire
de la créature d'avec l'essence divine ; ce
n'est ni un principe essentiel d'une portion de
la nature> ni un produit du libre arbitre et de
la solidarité humaine ; pas d'autre chute que
ce que les Allemands appellent la chute de
l'absolu. Le mal n'étant ni le dénoùment
d'une épreuve imposée à l'humanité , ni la
conséquence d'un dualisme essentiel et éter-
nel, l'expiation et le sacrifice^ la réprobation
de la matière et l'ascétisme spiritualiste, n'ont
pas de raison d'être. L'homme, à quelque dis-
tance qu'il soit du créateur, doit être tenu
pour naturellement bon; et cet attribut de sa
nature, il le manifeste par cela même qu'il a le
sentiment de son origine et aspire à y retour-
ner. De son côté, Dieu tend à ramener à lui
les parties de lui-même qu'il en a momentané-
ment écartées ; de là des rapports ininterrom-
pus entre le créateur et la créature, un cou-
rant sympathique qui va de l'un à l'autre; de
là, la révélation, la prophétie.
On voit que la théorie du mal nous conduit
à celle des rapports de Dieu avec l'homme, à
celle de la religion proprement dite. La na-
ture, éloignée de Dieu, ignorante et oublieuse
de l'unité primitive, appelle à son secours la
science divine; Dieu lui dispense cette science
avec les précautions qu'exige sa faiblesse. Il
ramène 1 homme, il le tire à lui, en quelque
sorte, au moyen d'une chaîne et par une suite
de secousses ménagées ; la chaîne, c'est la série
des prophètes ; les secousses, ce sont les révé-
lations que les prophètes apportent. Que petit
16
BAB
advenir le prophétismc dans une religion pan-
théiste? On le devine aisément. Nous avons
vu que l'unité supputée émane de l'unité pri-
mitive; comme, les autres hommes, comme
l'univers, le prophète est une émanation de la
nature divine, mais une émanation excellente
et supérieure, qui, restant en communication
constante avec son origine, constitue un in-
termédiaire entre Dieu et l'univers; c'est un
souffle de la bouche de Dieu, qui n'est pas ac-
tuellement Dieu, mais qui vient de lui et re-
tourne a lui plus rapidement que les autres
êtres. Quels sont les rapports des prophètes
entre eux? Nous sommes fondés à croire qu'ils
ne présentent aucune différence de nature, et
même qu'ils ne forment en réalité qu'une seule
et même essence; mais nous devons recon-
naître qu'une grande différence les sépare
quant au rôle qu'ils ont à remplir. Les pro-
phètes primitifs, venant agir sur une nature
humaine endormie, paralysée dans sa chute,
n'ont eu pour mission que de ta réveiller dans
la mesure du possible; leur rôle a été pure-
ment préparatoire. Us ont dû se borner à an-
noncer les vérités les plus simples et à pres-
crire les règles les plus nécessaires. L'humanité
ayant ouvert les yeux et fait les premiers pas,
les révélations primitives devinrent insuffi-
santes. A la loi de Moïse succéda l'enseigne-
ment de Jésus. Après Jésus parut Mahomet,
qui fut le promoteur d'un nouveau progrès.
Avec le Bab, la révélation est entrée dans une
phase nouvelle. D'une part, prenant conscience
de son développement historique et étendant
la- loi du progrès religieux à l'avenir comme
au passé, elle n'entend pas laisser croire à
l'humanité que le babysme soit le terme de ce
progrès. Comme le mahomé.tisme, le christia-
nisme, le mosaïsme, le babysme n'a qu'une
valeur relative et provisoire; il ne s'en recon-
naît pas d'autre. D'autre part, et il faut noter
ce fait curieux, la prophétie babyste ne se ren-
ferme pas dans un homme, n'est pas indivi-
duelle comme les précédentes.
Nous avons vu que, pour les babys, le nom-
bre 19 était le nombre divin, ou, comme ils
disent, le nombre de l'unité. Dans ce nombre 19
donné par le mot ahyy (celui gui donne la vie),
on a pu remarquer le rôle tout spécial de la
lettre a = 1 ; cette lettre qui donne au mot au-
quel elle est ajoutée une valeur active, la va-
leur d'un nom d'agent, porte le nom de point.
Le point est en chaque chose le principe
d'unité et de réalité, le centre ou le sommet
de l'être; en Dieu, c'est l'élément mystérieux,
qui fait précisément que Dieu est Dieu; cet
élément échappe à notre intelligence parce
. qu'il échappe a, l'analyse. De même que 1 unité
divine est composée de 19 énergies, l'organe
de la révélation babysto est constitué par
19 personnes; le Bab n'est pas à lui seul cet
organe, il est le point de l'unité prophétique,
laquelle est une représentation ou plutôt une
incarnation complète de l'unité divine. Ajou-
tons que cette représentation, cette incar-
nation est permanente. Chaque nombre du
groupe prophétique possède une double na-
ture, une nature humaine et mortelle, une
nature immortelle et divine. L'homme meurt
en lui, mais le souffle divin qui l'anime passe
dans une autre personne, de sorte qu'il n'y a
jamais de vide dans Vunité, ni d'interruption
dans l'action qu'elle exerce. Comme l'organe
de la révélation babyste, le livre par excel-
lence de cette révélation, le Biyan, doit né-
cessairement être constitué sur le nombre
divin, c'est-à-dire sur le nombre 19. 11 est donc
composé, en principe, de 19 unités ou divisions
principales, qui, à leur tour, se subdivisent
chacune en 19 paragraphes. Mais le Bab a
marqué lui-même le caractère provisoire et
incomplet do son œuvre en n'écrivant que 11
de ces unités ou divisions principales; il en
reste 8 à écrire; le livre n'est donc pas fermé,
la doctrine n'a pas dit son dernier mot; les
droits de l'avenir sont réservés, la page blan-
che attend celui que Dieu manifestera, et dont
le Bab n'est que le précurseur.
Ainsi, nous avons la perspective d'une révé-
lation qui doit être le couronnement de V édifice
babyste. Cette révélation dernière, que doit
suivre de près la fin des choses , les uns, les
plus mystiques, la croient et l'espèrent pro-
chaine , les autres, et ils deviendront de plus
en plus nombreux , l'ajournent volontiers.
Quelle sera cette fin des choses? Les bons et
les purs se réuniront à Dieu et vivront en lui,
participant à toutes ses perfections, à toutes
ses félicités, en un mot, ne feront qu'un avec
lui. Quant aux méchants, ils seront anéantis,
le néant seul étant le véritable terme du mal.
Il n'est pas nécessaire d'ajouter que la nature
entière partage le sort de l'humanité : ce qui
en elle est bon et pur retourne au grand foyer
du bien, à l'essence divine, et ce qui est mau-
vais tombe dans le néant. Maintenant que
nous avons exposé ce qu'on peut appeler la
dogmatique du babysme, il nous reste à faire
connaître sommairement le culte, la morale
et l'organisation sociale que le Bab en a dé-
duits.
D'abord, le nombre 19 étant celui de l'unité
divine et de l'unité prophétique, doit être d'une
application universelle ; il contient la loi na-
turelle, le type préétabli de toute collectivité,
de toute classification , de toute organisation.
• Organisez toutes choses, dit le Bab, d'après
le nombre de l'unité, c'est-à-dire avec une
division par 19 parties, i A cette condition
seule, le monde sera placé dans des rapports
normaux, dans des rapports d'harmonie avec
le créateur, l'esprit et la matière seront aflrau,-
BAB
chis de la forme arbitraire imposée jusqu'ici
à leur activité. Donc, l'année aura 10 mois,
le mois 19 jours, le jour 19 heures, l'heure
19 minutes ; le système entier des poids et des
mesures sera soumis à la division par 19; le
nom sacré triomphera dans toutes choses et
rcçlera toutes les relations. Chaque collège de
prêtres formera une unité semblable à l'unité
prophétique, c'est-à-dire composée de 1S mem-
bres et d'un chef qui en sera le point. Il est
inutile de faire remarquer que la constitution
de l'unité prophétique, et l'établissement de
collèges de prêtres à l'image de cette unité
préparent une forte organisation sacerdotale,
et par suite une société théocratique.
Un trait curieux et tout chaldéen du culte
babyste, c'est la confiance entière et absolue
que, d'après les prescriptions du Bab, les
fidèles doivent mettre dans les talismans. En
témoignage de cette confiance, chaque homme
doit porter constamment sur soi une amulette
en forme d'étoile, dont les rayons seront formés
par des lignes contenant des noms de dieu;
chaque femme doit avoir, de son côté, une
autre amulette, disposée d'une manière ana-
logue, mais avec d autres noms et en forme
de cercle. Cette consécration par le babysme
de la science talismanique, condamnée par le
monothéisme chrétien et musulman , a sa
source dans la théorie babyste de la création
et dans l'identité que cette théorie établit
entre les nombres, les lettres, les sons et les
énergies créatrices. « Il est clair, dit M. do
Gobineau, que l'homme est amené naturelle-
ment, par cette conception, à mettre une con-
fiance extrême dans le pouvoir qu'il possède
de combiner aussi les nombres, de disposer
des sons et des signes. »
Les autres caractères du culte babyste qui
nous paraissent devoir être signalés sont : le
luxe que le Bab prescrit de déployer dans les
temples; la réduction de la prière au minimum
(Est abqlie pour tous la prière, sinon une fois
par mois, dit le Biyan); la négation de l'idée
d'impureté légale, négation qui dépouille les
ablutions de tout sens religieux et ne leur
laisse qu'une valeur esthétique et hygiénique ;
l'abolition de la kibla, c'est-à-dire l'interdiction
de se tourner, comme les musulmans et les
juifs, vers un point donné de l'horizon, lors-
qu'on fait la prière (Partout où vous vous
tournez, vous avez Dieu en face),
La physionomie générale de la morale ba-
byste est l'importance qu'elle attache au déve-
loppement des affections douces , bienveil-
lantes, de l'hospitalité , de la sociabilité et
même de la politesse. On ne voit pas figurer
la peine de mort au nombre des châtiments
que le Bab autorise. Il y a plus, la torture et
les coups sont formellement interdits par le
Biyan. Est-ce dans le livre du Bat ou dans
l'Evangile que nous lisons la prescription sui-
vante : « En vérité, Dieu vous a défendu de
recourir à. la violence, quand même on vous
frapperait d'un coup de la main sur l'épaule. »
Dans le système des sanctions du babysme
n'entrent que deux sortes de châtiments : lu les
amendes multipliées, suivant la gravité des
faits , par le nombre mystique 19 ; 2<> l'inter-
diction d'approcher des femmes pendant un
nombre de jours ou de mois proportionné à
la gravité du délit. Mais écoutons le Bab :
« A celui qui contraint quelqu'un à voyager,
quand même ce ne serait que d'un pas, ou qui
entre dans la maison de quelqu'un avant d'en
avoir obtenu la permission, ou qui voudrait
tirer quelqu'un de sa demeure sans son con-
sentement, ou qui prétendrait enlever quelque
chose d'une maison sans droitj sa femme lui
est interdite pour dix-neuf mois. » C'est l'in-
violabilité de la personne et du domicile!
• Une violence est-elle commise sur quel-
qu'un, que celui qui en a connaissance et qui
peut agir la réprime, quand bien même une
année se serait écoulée depuis ; il faut que le
coupable comparaisse et fasse réparation. S'il
ne comparait pas, pouvant le faire, sa femme
lui est interdite pendant dix-neuf jours, et elle
ne lui sera permise de nouveau que lorsqu'il
aura donné 19 miskals d'or ou d'argent,
suivant ses moyens. Cette règle est prescrite
afin que personne ne soit violenté sous la loi
de l'exposition. » Précepte de solidarité !
« A celui qui met en prison quelqu'un, sa
femme est interdite pour toujours ; si, malgré
cela, il s'en approche, qu'il subisse une amende
de dix-neuf fois 19 miskals d'or chaque mois
pendant dix-neuf mois, qu'il soit rejeté de la
loi au nom du saint, et que. le retour à la foi
ne soit plus jamais admis de sa part. » Plus
de prison ! Inviolabilité absolue de la liberté !
Désarmement du pouvoir civil!
« A celui qui afflige quelqu'un avec intention
en quelque chose, qu'il soit imposé une amende
compensatoire de 19 miskals d'or ou d'argent,
suivant ses moyens, à moins qu'il n'ait agi
légalement et pour une cause juste. Quant à
celui qui cause l'affiiction par inadvertance,
qu'il demande pardon à Dieu, son Seigneur,
dix-neuf fois.
» Ne portez pas des instruments de guerre
entre vous, et ne vous affublez pas d'un cos-
tume qui fasse peur aux enfants.
; »_ Dans l'espace de dix -neuf jours soyez
l'hôte de dix-neuf personnes, quand même vous
n'auriez que de l'eau à leur donner, et si vous
ne pouvez avoir plus d'un convive à la fois
menez-le cependant chez vous. ■
» Il vous est défendu dans votre loi de jeter
les yeux sur les papiers des autres, à moins
qu'ils ne le permettent. » Précepte de discré-
tion 1 Inviolabilité du secret des lettres I
BAB
« Il vous est prescrit de faire réponse à
celui qui vous parle et vous interpelle sur oui
ou non. »
» A celui qui vous écrit sur du papier, vous
devez répondre également sur du papier, et
dans la même langue, à moins que vous ne
soyez dans l'impossibilité de le faire ; dans ce
cas il vous est permis d'employer un autre
moyen,
» Celui qui renvoie un message écrit ou le
déchire, ou qui, pouvant faire parvenir une
lettre destinée à quelqu'un, n'en fait rien, ne
sera jamais au nombre des serviteurs de
Dieu. • Préceptes de politesse et de servia-
bilité.
Le babysme fait de l'aumône une obligation
étroite. « En vérité, ô richesl dit le Bab, vous,
tous tant que vous êtes, vous êtes les préposés
de Dieu; soyez attentifs à la fortune de Dieu
qui est entre vos mains , et enrichissez les
pauvres de la part de votre Seigneur. • En
cela rien d'original ; nous retrouvons cette
conception théocratique et égalitairo des de-
voirs et des responsabilités de la propriété
dans le judaïsme , dans le christianisme et
dans le mahomôtisine. Mais quelque chose
de particulier à la religion nouvelle , et qui
tranche avec les notions les plus répandues
parmi ' les asiatiques, c'est l'interdiction de la
mendicité. » Il n'est pas permis de mendier
dans les bazars, et il est défendu de donner à
celui qui demande. » Est-ce un emprunt fait à
l'administration de l'Europe? On peut le croire.
Cependant il faut dire que l'interdiction de la
mendicité, sort très-naturellement de la doc-
trine du. Bab. Rien dans cette doctrine ne
rappelle les idées chrétiennes do pénitence et
de mortification, de renoncement aux biens et
à la gloire de ce monde, d'abstinence, d'amour
de la pauvreté et de la souffrance, de mépris
de la chair. Le babysme n'a rien d'ascétique;
il tient le travail, le commerce et le bien-être
en haute estime ; il n'a pas les rêves tristes et
sombres ; il ne connaît pas la mélancolie de
l'âme désenchantée soupirant après la patrie
céleste; la vie terrestre ne lui apparaît pas
comme une vallée de larmes ; le luxe, le plaisir
et la joie, comme un démon tentateur ; il n'a
que sympathie pour la nature et pour l'art.
Qu'y a-t-il, par exemple, de moins chrétien, et
aussi de moins bouddhiste, que les curieuses
recommandations faites parle Bab à ses fidèles,
d'aimer et de rechercher les riches vêtements,
les étoffes de soie et d'or, les broderies, les
pierres précieuses, les joyaux? C'est surtout
au jour de leur mariage que les babys doivent
s'entourer de tout l'éclat possible pour célébrer
leur bonheur. « Habillez-vous de vêtements de
soie au jour de vos noces, et, si vos moyens
vous le permettent, n'en portez pas d'autres. »
Ne croirait-on pas entendre Gœthe invitant
les hommes à jouir des dons de la vie, qui est
'divine, et leur disant : « Les sens sont aussi
un guide pour yous; si votre raison se tient
éveillée, ils ne vous montreront pas d'erreurs ;
d'un vif regard observez avec joie, et d'un
pas assuré et modeste marchez à travers les
plaines de ce monde comblé de riches dons. »
Si le Bab proclame la jouissance légitime,
il n'entend pas que le fidèle demande à l'i-
vresse le sommeil de la pensée et de la vo-
lonté : ■ Ne prenez pas , dit-il , de drogues
enivrantes, m araek, ni opium- n'en vendez
point, n'en achetez point. » Artiste et délicat,
il s'attache à prescrire les soins de propreté
les plus minutieux ; il fait passer ces soins
avant la prière ; il veut que l'on cultive la
forme et la beauté du corps, au nom da Dieu,
maitre de la beauté et de la forme. Dans ce
but, il défend de s'asseoir à terre et il ordonne
de raser la barbe , deux choses inouïes jus-
que-là en Orient : « Rasez les poils de vos vi-
sages, certainement vous en deviendrez plus
beaux. » Du reste, cette sorte de culte esthé-
tique que chaque baby doit à sa personne, ne
s'accompagne nullement de l'idée d'impureté
telle qu'elle existe en d'autres religions. Rien
dans la nature, aux yeux du Bab, n'est impur
et méprisable. « La semence des êtres animés
est pure, dit-il ; là est le principe de l'être qui
adore Dieu; mais, en vérité, embellissez vos
corps. »
Fourier a dit : « On peut juger de la civili-
sation d'un peuple par le degré d'influence
dont y jouissent les femmes. » On peut juger,
dirons-nous, de' la portée, de la valeur d'une
doctrine religieuse et sociale par la place
qu'elle fait aux femmes dans la société et
dans la famille. Considéré à ce point de vue,
le babysme apparaît comme un des événe-
ments les plus importants de l'histoire con-
temporaine de l'Asie. ^
Ce n'est pas en vain qu'une femme a été un
des plus puissants apôtres, un des plus coura-
geux martyrs de la religion nouvelle; en
Gourret-oul-Ayn, Yéloquenle et la belle, tout
le sexe féminin se trouve affranchi, ennobli,
glorifié. Etouffée, réduite à l'état de chose par
l'islamisme, la femme d'Asie aura désormais
une personnalité. Et d'abord, une place lui est
donnée à côté de l'homme, au faîte de la puis-
sance sacerdotale : parmi les dix-neuf mem-
bres de l'unité prophétique, il doit toujours y
avoir une femme. Voilà l'égalité des sexes
consacrée par la participation de la femme au
sacerdoce et à l'autorité. Voyez maintenant
les conséquences. Plus de harem , plus de
voile : « Tout baby est autorisé à voir toutes
les- femmes, à leur parler, à être vu d'elles.- »
La femme n'est plus exclue de la vie sociale
Ïiar le despotisme de la jalousie et de la vo-
upté ; elle peut porter librement son cœur et
BAB
montrer sa beauté partout où bon lui semble;
elle n'était qu'un moyen pour l'homme, moyen
de plaisir ou de génération, elle devient,
comme dirait Kant, une fin en soi; elle n'était
que génératrice, elle devient véritablement
mère. « En vérité, dit le Bab, vous, femmes,
vous avez été créées pour vous-mêmes et
pour vos enfants. » La maternité ainsi relevée r
(lignifiée, entraîne une révolution dans le sys-
tème des rapports des sexes. Le Bab repousse
le célibat; il voit dans le mariage une dette
que chacun doit "payer à l'avenir. « Il est né-
cessaire pour tous les êtres, dit-il, qu'il reste
de leur existence une existence. » Mais ce but
physiologique n'est pas tout : le mariage con-
stitue la famille, c'est-à-dire un ensemble do
rapports moraux et juridiques permanents.
Les parents ont des devoirs envers leurs en-
fants , les enfants des devoirs envers leurs
parents. Ecoutez ce précepte plus beau, plus
complet que le quatrième commandement du
décalogue : • Dieu a prescrit à vos pères et
mères de vous entretenir depuis votre nais-
sance jusqu'à la dix-neuvième année d'une
façon complète; et vous, à votre tour, vous
devez les entretenir jusqu'à la fin de leur vie,
dans le cas où ils ne pourraient le faire. » Cet
ensemble de rapports et de devoirs, en dehors
duquel il n'y a pas de famille, est incompati-
ble avec la polygamie simultanée ou succes-
sive. Aussi la monogamie est-elle l'idéal du
babysme. Le divorce est formellement pro-
hibé; il est défendu d'avoir des concubines;
le Bab, il est vrai, a fait une concession au
milieu musulman, en permettant deux femmes
légitimes ; mais ses successeurs regardent
comme mauvais d'user de la tolérance qu'il a
montrée à cet égard.
On voit à queue distance le babysme se place
du mahométisme et quel immense progrès
moral il promet à l'Asie. La condition sociale
des femmes devient, on peut dire, européenne.
Le Biyan eit plein de passages qui témoi-
gnent de l'affectueuse sollicitude qu'elles in-
spiraient au Bab ; il les dispense de ce qu'il' y
a de fatigant dans les pratiques pieuses; il
leur fait la dévotion aisée. Qu'elles soient
belles et mères, voilà, pour ainsi dire, toute
leur fonction religieuse. En parlant de la fian-
cée, il dit poétiquement : « Ornez votre orne-
ment t Glorifiez votre gloire ! »
a L'amour des enfants, a dit Proudhon, sied
au missionnaire de la régénération. » Plein
d'affection pour les femmes, le Bab a pour les
enfants une tendresse vraiment èvangélique ;
il trouve, en parlant d'eux, des paroles qui
rappellent celles de Jésus : « Laissez venir à
moi les petits enfants. » Dans sa prison, il se
souvint des douleurs de son jeune âge, lors-
que, obligé d'aller à l'école, il avaitsouflèrtdes
mauvais traitements de son maître. Aussi a-t-
il mis le nom de ce maître, avec un reproche
détourné, dans ce passage touchant du Biyan
où il fait parler un petit écolier : « En vérité, ô
Mohammed, ô mon maître, ne me frappe pas
jusqu'à ce que je sois arrivé à l'âge de cinq
ans, lors même qu'il ne s'en faudrait que d'un
clin d'œil que j'eusse atteint cette limite. Au
delà de cinq ans, si tu veux me frapper, ne
me donne pas plus de cinq coups ; et fais en
sorte que, entre la peau qui les reçoit et la
main ou la verge qui les donne, il y ait une
couverture. »
Un point intéressant à noter, c'est que le
Bab ne stipule rien relativement au gouver-
nement proprement dit; il ne s'en occupe pas ;
il semble qu'un tel sujet lui paraisse mdigne
de son attention. « Une telle façon de sentir
et d'apprécier les choses de la vie, dit M. de
Gobineau, est un signe auquel on peut recon-
naître sûrement les sociétés vieillies. On le
rencontre dans toute l'Asie, à une époque
déjà bien ancienne ; la Rome impériale sug-
gère une semblable disposition de pensée à
ses philosophes et à ses poètes, et, de nos
jours, nous voyons les partis avancés penser
à peu près la même chose et le dire... Au
rebours des sociétés jeunes et vivaces, où
nul homme ne conçoit un plus bel emploi
de sa fortune ou dô ses talents , de son
influence ou de sa bravoure, que de l'employer
à la chose publique... les babys, raisonnant
comme les économistes européens, imaginent
une organisation politique disposée de ma-
nière à donner la plus grande somme possible
de tranquillité, de sécurité et de bien-être. •
Ces réflexions et ces comparaisons de M. de
Gobineau ne nous paraissent pas rendre
compte, d'une manière sérieuse, de l'indiffé-
rence politique des babys. On ne voit nulle-
ment d'abord que les partis avancés et les
économistes de l'Europe se désintéressent du
rôle de l'Etat, des attributions qu'il convient
de lui accorder, des limites que son action
doit "s'imposer, de la forme gouvernementale
qu'il doit prendre; il est vrai qu'en Europe la
tendance est de donner de plus en plus à la
politique un but individualiste, but qui con-
traste avec celui qu'elle poursuivait dans les
cités antiques, et qui établit une grande diffé-
rence entre la république d'Athènes, par
exemple, et celle des Etats-Unis; mais de ce
que le but de la politique a changé, il ne suit
nullement que la politique soit devenue un
objet secondaire des préoccupations. La vérité
est que l'indifférence politique des babys est
un tait essentiellement asiatique. L'Asie n'a
jamais fait de politique proprement dite,
parce qu'elle n'a jamais conçu, en dehors de la
religion, fle la forme religieuse des sociétés,
que le pur despotisme, parce que la pensée
des asiatiques est complètement étrangère
BAC
BAC
BAC
BAC
17
à l'idée d'un ordre politique et civil distinct
de l'ordre religieux. 11 ne faut pas demander
au babysme cette idée de la distinction des
deux puissances temporelle, et spirituelle,
qui est née dans un pays conquis par tes
armes romaines , soumis à l'administration
romaine, et qui s'est développée et réalisée,
non sans luttes, sur le sol européen. Le 6a-
bysm.e ne s'occupe pas du gouvernement ,
parce que, dans la société par lui renouvelée,
il n'imagine pas sans doute de gouvernement
en dehors de la puissance sacerdotale, de
l'unité prophétique ; il n'entend certainement
pas borner son empire à la direction des con-
sciences, à une autorité purement morale.
On peut signaler entre le babysme et les
théories socialistes de notre Occident, par
exemple, les doctrines de Fourier et d'En-
fantin, plus d'un rapprochement curieux : la
place faite à la femme dans l'unité prophéti-
que, la négation très-accentuée de l'ascétisme,
la glorification de l'industrie, la réhabilitation
des plaisirs et du luxe; on suit que le fou-
riérisme a, comme le babysme, sa mathéma-
tique sociale, qu'il prescrit de l'appliquer à
l'organisation des séries, et qu'il voit, lui
aussi, naître de cette application le rétablis-
sement de l'harmonie dans la nature.
BABYSTE adj. (ba-bi-ste — rad. babysme).
Qui se rapporte au babysme : Doctrine ba-
BYSTE. Culte BABYSTE.
BAC s. m. (bak — du tudesque bach, nom
sous lequel on désignait un grand baquet ou
tout autre grand vaisseau de même sorte; en
holland. bak; en allem. back). Grand bateau
plat destiné à passer des voyageurs, des ani-
maux, des voitures, des marchandises, d'un
bord à l'autre d'une rivière, à l'aide d'un
câble tendu en travers du cours de l'eau, et
qui sert à diriger l'embarcation : Passer des
chevaux, des bœufs, dans un bac. L'autorité
domaniale enleva peu à peu l'exploitation des
bacs à la féodalité. (St-Germain.) il L'endroit
même où est établi le bac : 11 était nuit quand
nous arrivâmes au bac. Il Service de bacs éta-
bli pour passer une rivière : Les bacs étaient
autrefois des entreprises particulières, appar-
tenant à quelque châtelain (St-Germain.)
— Passer le bac, Passer la rivière dans un
bac : Henri IV faillit périr avec une. partie
en passant le e " "
Germain.)
de sa cour en passant le bac à Neuilly. (St-
— Loc. prov. Mener le bac, Gouverner, di-
riger les affaires. Dans ce dernier sens, on dit
plus ordinairement mener la barque.
— Mar. et navig. Bateau plat pour traver-
ser des bras do mer ou des cours d'eau, n
Petit bâtiment pour transporter le goudron.
— Pêcli. Endroit plein d'eau où les pê-
cheurs conservent du poisson.
— Techn. Cuve, baquet en usage dans di-
verses professions, il Cuve destinée à recevoir
les eaux pluviales, il Grande cuve où les bras-
seurs font germer, macérer et fermenter le
houblon. Il Petit bassin de fontaine, il Grande
auge à piler le sucre au sortir de l'étuve. Il
Bac à formes, Auge de bois où l'on met les
formes eu trempe, il Bac à sucre, Auge où l'on
jette les matières de raffinerie triées et sor-
ties des barils, il Bac à chaux, Auge où l'on
éteint la chaux qui sert pour les clarifications
dans les raffineries, il Bac à terre, Auge où le
raffineur délaye la terre employée pour terrer
le sucre, il Espèce de chariot a roues de fer,
qui sert au transport de la houille dans les
mines d'Anzin. n Sorte de charrette à bras, en
usage à Anvers : Sur le marché se trouvait
une petite charrette à deux roues, semblable à
ces petites charrettes qu'on nomme à Anvers
bac à moules, parce qu'elles sont principale-
ment employées au transport de ces mollusques.
(L. "Wocqutn.)
— Hortic. Grand baquet pour l'eau, dans
une serre.
— Féod. Droit de bac, Droit conféré aux
seigneurs d'établir des bacs ou voitures d'eau
sur les cours d'eaux qui traversaient leurs
domaines, et de fixer à leur gré le tarif du
passage, n On disait aussi droit de voiture
d'eau.
— Dr. civ. Servitude qui grève un lac ou
un cours d'eau de propriété privée et donne
le droit d'y passer en oac ou bateau.
— Encycl. Il arrive assez fréquemment que
le tracé d'un chemin est coupé par une ri-
vière en un point où la circulation n'est pas
suffisante pour motiver la dépense qu'entraîne-
rait l'établissement d'un pont, si économique-
ment qu'il soit construit. C'est alors au moyen
d'un bac qu'on fait passer d'une rive à l'autre
les voyageurs ainsi que les chevaux, voitures,
charrettes, etc., lorsqu'il n'y a pas de pont
assez voisin jour que les voitures puissent y
passer.
Le bac devant pouvoir s'approcher très-
près des berges, pour que les chevaux et voi-
tures puissent y entrer, est terminé a l'un et
à l'autre bout par des plans inclinés auxquels
s'adaptent des planchers mobiles, assemblés
avec ceux-ci au moyen de charnières. Ces
planchers sont tenus relevés pendant toute la
traversée ; quand on atteint le bord, on abaisse
le tablier correspondant, ce qui permet aux
bestiaux et aux voitures de passer facilement
du bac sur la berge et réciproquement.
Un bac étant généralement très-chargé, sa
forme d'ailleurs rendant considérable la ré-
sistance due au liquide déplacé pendant la
marche, ce n'est pas avec des avirons qu'on
le fait avancer ; on utilise l'action du courant,
qui fait passer le bac d'une rive à l'autre, grâce
a la réaction d'un cordage tendu en travers du
cours d'eau, ou, ce qui est préférable toutes
les fois qu'on le peut, fixé par une ancre en
amont du passage; dans ce cas, le système
porte le nom de traillc. Le gouvernail permet
d'utiliser l'action du courant dans l'un et l'autre
cas, eu faisant glisser le bac le long du câble
tendu, ou en lui faisant décrire un arc de cer-
cle dont l'ancre est le centre, quand le bac est
à traille. Pour que le passage s'effectue plus
rapidement, on ajoute souvent l'action des
rames à celle du courant, ou, quand la dispo-
sition du cordage le permet, on se haie en ie
plaçant sur l'épaule et en marchant de l'avant
a 1 arrière du bac sur la diagonale suivant
laquelle le câble le traverse.
Les câbles tendus en travers du cours d'eau
Îirésentent quelques inconvénients évités par
es trailles. Pour ne pas gêner la navigation,
ils doivent être tendus à une grande hauteur,
ou plonger dans l'eau. Dans l'un et l'autre cas,
leur installation présente quelque difficulté, par
suite de la tension qu'on doit leur donner, la-
quelle tend à déraciner les pieux ou échafau-
dages plantés dans la grève et sur lesquels
sont fixées les extrémités du grelin. Dans les
trailles, au contraire, le câble n'éprouve d'au-
tre tension que celle qui provient de la réaction
du courant sur le bac. Il est à regretter que
ce système soit peu connu en France, où 1 on
en voit peu d'applications , tandis qu'on en
trouve de nombreuses sur l'Escaut, le Rhin et
le Pô. Disons d'ailleurs que l'avantage des
trailles n'est très-sensible que sur les neuves
larges et rapides. Pour la facilité des ma-
nœuvres, il faut que le câble d'une traille soit
au moins égal à la largeur du fleuve; il est
soutenu de distance en distance par de petits
pontons.
Parmi les bacs les..plus importants, il faut
citer celui de Dïou (Allier) sur la Loire, qui
fait jusqu'à cent traversées par jour, et peut
porter chaque fois quarante personnes et six
à huit tombereaux lourdement chargés des mi-
nerais de fer que l'usine du Creuzot fait ex-
traire près de là, à Saint-Aubin et à Gilly
(Saône-et-Loire).
— Dr. civ. et admin. Le droit de bac, qui,
avant la Révolution , appartenait aux sei-
gneurs, et qui avait été maintenu par le décret
du 15 mars 1790 (tit. Il, art. 15), fut définitive-
ment aboli le 25 août 1792 (décret, art. 9) : il
devint loisible à tout particulier d'établir des
passages d'eau en payant un loyer fixé par le
directoire du département. Plus tard (loi du
6 prairial an VII), la propriété de ces pas-
sages fut attribuée au domaine publie, et cette
prise de possession s'appliqua à tous les cours
d'eau, navigables ou non.
Aux termes des lois et règlements actuels,
aucun passage d'eau ne peut être établi sans
faire l'objet d'une instruction administrative,
dans laquelle le préfet, les .ingénieurs des
ponts et chaussées, les conseils municipaux
des communes intéressées, le sous-préfet de
l'arrondissement et le directeur des contribu-
tions indirectes, doivent formuler des propo-
sitions ou des avis ; la décision est prise en-
suite par le ministre des travaux publics. Un
cahier des charges est dressé sous la direction
du ministre des finances, et le passage est mis
en ferme en adjudication publique. L'adjudi-
cataire est soumis à un cautionnement reçu
par le préfet, et, en cas d'inexécution de ses
obligations, peut être contraint par corps. Il
est tenu de se conformer au tarif approuvé
par le ministre des finances, et ne peut em-
ployer au service du bac que des personnes
âgées de plus de vingt et un ans, pourvues de
certificats d'aptitude et de moralité. Lorsque
l'adjudication n'a donné aucun résultat, l'ad-
ministration peut recourir à l'abonnement, en
s'adressant directement à des soumission-
naires.
Quoiqu'en principe les tribunaux adminis-
tratifs soient seuls compétents pour juger les
questions litigieuses relatives aux bacs et pas-
sages d'eau, une exception a été faite pour
déférer au juge de paix les contestations civiles
sur l'application des tarifs de passage (loi du
g vendémiaire , an VIII). Les contraventions
aux règlements sur la police des bacs et sur la
perception des droits de péage sont punies
par les tribunaux de simple police.
Outre les bacs publics, il peut exister, sur le.ç
cours d'eau navigables ou non, des bacs par-
ticuliers établis pour le seul usage d'une per-
sonne privée ou l'exploitation d'une propriété
circonscrite par les eaux, sous la condition
d'une autorisation accordée par l'autorité ad-
ministrative (le préfet). Ces permissions sont
très-faciles à obtenir, et les concessionnaires
de bacs ne sont pas admis à se plaindre de ces
exceptions, si les particuliers qui en profitent
n'en font pas abus : ils doivent indiquer nomi-
nativement les personnes attachées à leur
exploitation et interdire à toute autre l'usage
de leur bac. Les bateaux de promenade et d a-
grément, dont la destination est tout autre
que celle des bacs, ne sont assujettis à aucune
autorisation autre qu'un laissez-passer annuel
de la régie des contributions indirectes.
La servitude de bac ou passage sur un lac
ou un cours d'eau appartenant a un particu-
lier s'établit par titres et même par prescrip-
tion, si l'existence en est manifestée par des
ouvrages apparents et permanents; les con-
testations auxquels elle peut donner lieu sont
de la compétence des tribunaux civils.
| Le nombre des bacs publics diminue chaque
année , et le bénéfice qu'ils rapportent au
trésor n'est compté .au budget que pour une
somme insignifiante. L'administration annonce
l'intention de supprimer peu à peu tous ces
passages et de les remplacer par des ponts,
comme elle l'a déjà fait pour un grand nombre.
Il est même question (août 1SG5) de mettre
les bacs dans les attributions des conseils gé-
néraux et d'abandonner aux départements les
recettes qui en proviennent.
B«c (le), tableau des frères Jan et Andries
Both, au musée d'Amsterdam. Une large ri-
vière coule au premier plan. Le bac, contenant
trois passagers et trois vaches, vient de tou-
cher le rivage, où semblent l'attendre, pour
traverser à leur tour, une femme montée sur
un cheval gris, un homme vêtu de rouge et
un enfant tenant une mule par la bride. A
travers un bouquet d'arbres, on voit une
ruine. Un vaste et magnifique paysage se dé-
roule dans le fond et se termine par de hautes
montagnes. Un brillant coucher de soleil ré-
pand des flots de lumière dorée sur la scène
et lui donne un charme indescriptible. Cette
délicieuse peinture, où l'on trouve quelque
chose d.e la finesse lumineuse de Claude Lor-
rain, a été payée 3,690 florins, à la vente Van
der Pot, en 1808. Jan Both a fait une eau-forte
d'après cette composition.
Une (LE) OU le Passage du bac, tableau de
N. Berghem, au Louvre. Au second plan,
sur le bord d'une large rivière, des paysans
font entrer des bestiaux dans un bac; 'une
partie du troupeau -a déjà passé l'eau et s'a-
perçoit sur la rive opposée. D'autres animaux
sont groupés au premier plan; une femme,
montée sur un mulet assez richement enhar-
naché, semble parler à un berger; celui-ci
frappe à coups de bâton un baudet chargé de
ballots et qui rue. Cette composition est habile-
ment distribuée ; les groupes sont bien ordon-
nés ; les animaux soDt d'une vérité frappante.
Le paysage n'est pas moins heureusement
traité : l'air, la lumière y circulent; d'élé-
fantes constructions s'élèvent, à gauche, au
elà de la rivière; des montagnes, à demi
voilées par les nuages, se dressent dans un
lointain vaporeux. Ce tableau a été gravé par
Daudet dans le Musée français, et par Duples-
sis-Bertaux dans le Musée Fiihol. Il est peint
sur un panneau de o m. 50 de haut sur 0 m. 60
de large et porte la signature : Berghem f.
bac s. m. (bak). Abréviation et syn. de
baccarat : La musique n'arrivant pas, on a
taillé un petit bac pour prendre patience.
(Alb. Second.) Pop.
BAC (Jean-Baptiste-Théodore), avocat et
homme politique français, ancien représentant
du peuple, né à Limoges le 14 avril 1809, mort
à Paris le 31 mai 1865, était déjà le plus bril-
lant avocat de sa ville natale lorsque le procès
de Mme Lafarge, dont il fut le défenseur con-
jointement avec M. Laehaud , répandit son
nom dans toute la France (184 o). On n'a pas
oublié la passion que mirent à défendre leur
cliente les deux jeunes avocats, brusquement
devenus illustres ; ils devaient se retrouver
peu de temps après, mais face à face, dans
un procès non moins dramatique, le procès
Marcellange, qui fournit à Bac l'occasion de
déployer sous toutes ses faces son merveil-
leux talent. Comme homme politique , il n'a
cessé d'appartenir à l'opposition démocratique.
Il avait, dans les dernières années du règne de
Louis-Philippe, exercé une influence considé-
rable sur la population ouvrière de Limoges,
et contribué d une manière très-active S la
propagande socialiste entreprise dans le centre
de la France par M. Pierre Leroux devenu
imprimeur à Boussac. Après la proclamation
de la République, il fut le principal orateur
populaire k Limoges, tint la ville tout entière
entre ses mains et sut apaiser les foules. Ac-
clamé alors partout, chez lui, dans la rue, au
théâtre, on lui obéissait sur un signe. Sa con-
duite, à la fois calme et ferme, lui conquit
tous les suffrages. Aussi, à la suite des trou-
bles qui éclatèrent dans Limoges, à l'époque
des élections (23 avril 1S4S), ne fut-il pas im-
pliqué dans le procès intenté à ceux de ses
amis politiques qui avaient été entraînés au
désordre, ou qui n'avaient pas su en empêcher
les effets. Envoyé à l'assemblée constituante
par 38,775 voix, le troisième sur les huit re-
présentants de la Haute-Vienne, il fit partie
du comité des affaires étrangères et fut, K la
tribune, le défenseur de la Montagne si vive-
ment et si souvent attaquée. Homme honnête
et convaincu, il vota constamment avec
l'extrême gauche, eu motivant presque tou-
jours son vote par des discours empreints des
idées les plus généreuses, les pluslarges, les
plus démocratiques. On le vit repousser no-
tamment l'institution de la présidence qui,
telle qu'elle était formulée, lui paraissait offrir
des dangers pour l'avenir, en se prêtant à l'u-
surpation des rôles et des pouvoirs. Il n'ac-
cepta pas l'ensemble de la Constitution et
repoussa l'ordre du jour qui déclarait que le
général Cavaignac avait bien mérité de la
patrie dans les journées de juin. Après l'élec-
tion du 10 décembre, Bac combattit vivement
la politique napoléonienne, protesta avec la
! Montagne contre la proposition Râteau, qui
! amena la dissolution de la Constituante après
: avoir donné lieu aux plus vives discussions
' (12 janvier 1849), fut un des signataires de la
dcnuftide de mise en accusation contre le pré-
i sident et ses ministres, à l'occasion des affaires
de Rome, le siège de cette ville étant alors
regardé par le parti démocratique comme une
violation de la Constitution. Renvoyé à l'as-
semblée législative par les départements de
la Seine et de la Haute-Vienne, il s'associa de
nouveau aux actes de la Montagne, et, après
le mouvement du 13 juin., il se vit appelé à
combler le vide que faisait dans le sein de la
chambre l'exil des principaux chefs du parti
révolutionnaire. Lorsque éclata le coup d'Etat
du 2 décembre 1851, il prit part aux tentatives
de résistance faites à Paris. Porté sui'"la liste
des nombreux représentants expulsés rie
France comme protestant au nom de la Con-
stitution contre un état de choses aussi nou-
veau qu'imprévu, il dut à l'amitié du prince
de la Moscowa de n'être pas compris dans la
mesure dite de sûreté générale. Libre de rester
à Paris', il reprit sa place au barreau, et con-
serva sa foi politique. En mars 1864, lors
d'une élection complémentaire à Paris, il se
porta comme candidat à la députation , mais
se retira devant M. Garnier-Pagès pour no
pas diviser les voix de la démocratie.
Bac fut une des personnalités les plus re-
marquables de notre barreau, un de ces
hommes rares qui apportent dans la vie poli-
tique une probité, une droiture et une bonté
que rien ne peut faire fléchir; ses adversaires
politiques eux-mêmes ont toujours rendu jus-
tice à son désintéressement. Nature honnête,
plein de respect pour la robe qu'il portait et
pour son titre d'ancien représentant du peuple,
il choisissait scrupuleusement, dans les causes
qu'on lui présentait, celles qu'il pouvait dé-
fendre avec une conviction profonde. Défen-
seur de Blanqui au mois de juin 186 1, il prêta
depuis le concours de ton talent a. l'affaire
dite des Treize, qui fit, on le sait, beaucoup
de bruit. Il est mort d'un accès de goutte a.i
cœur. « C'est, a dit un journal, la façon de
finir de ceux qui souffrent et qui ont quelque
chose là! » Ses funérailles ont eu lieu à Bor-
deaux, où son corps a été transporté.
BACA ou BACCA s. f. (ba-ka, — du lat.
bacca, baie). Bot. Syn. du genre bœa.
BACALAB1A OU DE LA BACllLI.LIUli (Hu-
gues), troubadour provençal du xuc siècle, est
connu par la part qu'il prit à un tenson proposé
par un autre troubadour, nommé Gaucelin ou
Anselme Faydit. La question n décider était
celle de savoir si un chevalier peut accepter
l'amour d'une dame qui a déjà un autre amant
qu'elle ne veut pas quitter, mais qui consent
a ce que, dans le particulier, le chevalier fasse .
d'elle tout ce qu il voudra. Bacalaria soutint
l'avis suivant : i Prenez toujours ce que la
jolie dame vous offre, et plus encore quand
elle voudra. Avec de la patience on vient à
bout de tout, et c'est ainsi que bien des pau-
vres sont devenus riches. » Après de longs
débats, les deux troubadours cou viennent
qu'ils remettront la décision à une cour d'a-
mour, composée de belles dames du temps,
mais ils ne nous font pas connaître cette dé-
cision. C'est au même Bacalaria que Savary
de Mauléon s'adressa pour savoir quel est le
plus favorisé, de l'amant que sa daine encou-
rage par un regard amoureux, de celui dont
elle serre la main, ou de celui dont elle presse
secrètement le pied. Raymond a inséré quel-
3ues pièces de ce troubadour dans le tome IV
e son recueil.
, BACALAS ou BACALAR s. m. (ba-ka-lass,
ar.). Mar. Chacune des pièces de bois clouées
sur la couture de la poupe d'un navire, n Nom
que l'on donnait autrefois à une courbe à
deux bras, l'un en dedans, l'autre en dehors,
qui supportaient les avirons dans les galères
et les petits bâtiments.
bacaliau s. m. (ba-ka-li-ô — de l'espagn.
bacallo, merluche). Morue sèche, dans le lan-
gage des marins.
BACARE s. m. (ba-ka-re — lat. baccar ou
baccarium, même sens). Antiq. rom. Vase
dont on se servait dans les thermes pour jeter
de l'eau sur les baigneurs, n Esclave employé
à ce service.
BACASAS s. m. (ba-ka-zass). Mar. Bâti-
ment relevé de l'avant et de l'arrière, et
assez semblable à une pirogue, il On écrit
aussi bacassas.
BACASSON s. m. (ba-ka-son — rad. bac).
Techn. Auge de papetier, pour donner l'eau
aux piles, u On dit aussi bachasson.
BACAU s. m. (ba-kô). Bot. Espèce du genre
manglier, qui est devenue le type du genre
brugnière. il On dit aussi eacauvan.
BACAZ1E ou BAGASIE s. f. (ba-ka-zi). Bot.
Genre de la famille des composées et de la
tribu des mutisiées, formé aux dépens du
genre barnadésie , d'une seule espèce d'ar-
bustes qui croit sur les Andes du Pérou.
B A CC AL s. m. (ba - kal). Nom donné choz
les Grecs modernes à une boutique d'épicier :
Devant chaque baccal ou boutique d'épicier, on
voit une outre éventrée, pleine d'une substance
blanchâtre. (E. About.)
BACCALAR Y SANNA (Vincent), marquis de
Saint-Philippe, historien, né en Sardaigne
d'une famille espagnole, mort à Madrid en
1726. Il remplit d'importantes fonctions dans
son pays natal jusqu'à la révolte de cette îlo
contre la domination espagnole. U a écrit :
Histoire de la monarchie des Juifs; Mémoires
pour servir à l'histoire de Philippe V, de 1699
à 1725. Ces ouvrages ont été traduits en
français.
18
BAC
BAC
BAC
BAC
baccalauréat s. m. (ba-ka-lo-ré-a —
i).i lai.' bacca, baie; laurus, iaurier, parce
i|ii'autrefois on donnait à celui qui sortait
vainqueur du concours une couronne de
iaurier chargé do ses baies. Mais bien que
nous appelions aujourd'hui bachelier celui qui
\ icat de subir avec succès les épreuves du
baccalauréat , il n'y a entre ces deux mots
qu'un rapport purement fortuit et nullement
étymologique. C'est donc à tort quo la plu-
part des dictionnaires rattachent l'etymologio
do baccalauréat à celle de bachelier). Premier
grade que l'on prend dans une faculté : Bac-
calauréat ès-leltres. Baccalauréat ès-scien-
ces. Aspirer au baccalauréat. Le baccalau-
réat est une encyclopédie au petit pied.
(Dupanl.) Le baccalauréat, c'est le commu-
nisme de l'intelligence. (E. de Gir.)
— Encycl. Le diplôme à l'obtention duquel
est soumis le baccalauréat est actuellement
un témoignage par lequel l'université constate
qu'un jeune homme a fait des études secon--
claires suffisantes pour aborder certaines pro-
fessions libérales, ou se livrer aux études
spéciales qui y conduisent. Les règlements
universitaires reconnaissent quatre sortes de
baccalauréat : le baccalauréat ès-leltres, le
baccalauréat ès-sciences, le baccalauréat en
droit ot le baccalauréat en théologie.
— Baccalauréat ès-lettres. Les facultés des
lettres consacrent chaque année trois sessions
aux examens du baccalauréat ès-lettres. La
première session a lieu du 1" août au 1" sep-
tembre ; la deuxième, du 1« au 15 décembre j
la troisième, du 15 avril au 1er niai. Celle-ci
est exclusivement réservée aux candidats
précédemment refusés. Une session extraor-
dinaire peut en outre être autorisée par déci-
sion spéciale du ministre de l'instruction pu-
blique. Aucun examen, isolé ou collectif, ne
peut avoir lieu en dehors des sessions.
Les candidats doivent être âgés de seize ans
au moins , produire leur acte de naissance
dûment légalisé, et, en cas de minorité, le con-
sentement régulier de leur père et mère.'
Autrefois les candidats étaient en outre obligés
de produire un certificat d'études (V. ce mot),
constatant qu'ils avaient fait deux années
distinctes de rhétorique et de philosophie dans
un établissement où ce double enseignement
était autorisé. Le décret du 10 mars 1849, con-
firmé par l'article 63 de la loi du 15 mars 1850,
les a affranchis de cette obligation. Les can-
didats peuvent choisir la faculté devant laquelle
ils passeront leurs examens, et, une fois re-
fusés, ils ne peuvent se présenter avant trois
mois a de nouvelles épreuves. Le registre d'in-
scription des candidats est clos la veille du jour
de l'ouverture de chaque session. Tout candidat
doit être examiné dans la session pour laquelle
il s'est fait inscrire. Faute de répondre, le jour
indiqué, à l'appel de son nom, sans excuse va-
lable et jugée telle par le jury, le candidat
perd le montantdes droits d'ex amen consignés.
L'examen se compose d'une épreuve écrite
et d'une épreuve orale, lesquelles ne peuvent
être subies le même jour. La première épreuve
comprend : l" une version latine; 2° une
composition latine ou une composition fran-
çaise, suivant que le sort en décide. Le texte
do la version et les sujets de composition sont
choisis par le doyen de la faculté. Deux heures
sont accordées pour la version, quatre heures
pour la composition ; un intervalle de deux
lionres au moins sépare ces deux parties de
l'épreuve. L'épreuve écrite est jugée immé-
diatement par le jury, qui décide quels sont
les candidats admis àsubirles épreuves orales.
La note mal, pour l'une ou l'autre partie de
l'épreuve écrite, entraîne l'ajournement du
candidat. A l'épreuve orale, les candidats
doivent expliquer, à livre ouvert, des passages
d'ouvrages grecs, latins et français tirés au
sort parmi ceux d une liste annexée au règle-
ment, et répondre à toutes les questions litté-
raires qui leur sont faites. Les candidats sont
ensuite interrogés sur trois sujets compris
dans les programmes sommaires annexes au
même règlement. Ces sujets sont tirés au sort,
au moyen de trois séries de numéros corres-
pondant aux trois divisions suivantes : lo lo-
gique ; 2° histoire et géographie anciennes et
modernes; 3° arithmétique, géométrie et phy-
sique élémentaire. L'épreuve orale dure au
moins une heure.
Les candidats qui produisent le diplôme de
bachelier ès-sciences sont dispensés de la
partie scientifique du baccalauréat ès-lettres.
Les fraudes commises dans l'examen sont
immédiatement portées par le jury à la con-
naissance du doyen et du recteur, avec tous
les renseignements de nature à éclairer la
justice disciplinaire. Le recteur défère sans
délai les délinquants au conseil académique,
qui, après les avoir entendus ou dûment ap-
pour six
mois sans appel, ou, avec recours au conseil
supérieur, pour un an ou pour toujours. Les
diplômes de bachelier sont délivrés par le
ministre sur le vu des certificats d'aptitude
délivrés par le jury.
— Baccalauréat ès-sciences. Les formalités
préliminaires à remplir par les candidats sont
tes mêmes que pour le baccalauréat ès-lettres.
Les épreuves sont de deux sortes, les unes
écrites, les autres orales. L'épreuve écrite
comprend : 1° une version latine; 2° une
composition sur un sujet de mathématiques ou
de physique, selon quo le sort en décide. Le
texte de la version et lo sujet de la composi-
tion sont choisis par le doyen de la faculté.
L'épreuve écrite est jugée immédiatement par
le jury, dont .un professeur de la faculté des
lettres fait nécessairement partie. La note
mal, pour l'une ou l'autre partie de l'épreuve
écrite, entraine l'ajournement des candidats.
Lors de l'épreuve orale , les candidats sont
obligés d'expliquer à livre ouvert des passages
d'auteurs latins et français, allemands ou an-
glais. Ils sont ensuite interrogés sur les ma-
tières qui sont l'objet de l'enseignement scien-
tifique des lycées : savoir : 1° la logique,
l'histoire et la géographie ; 2° les mathéma-
tiques pures et appliquées; 3° les sciences
physiaues ; 4° les sciences naturelles. Les
candidats qui produisent le diplôme de bache-
lier ès-lettres sont dispensés des épreuves
littéraires du baccalauréat ès-sciences. Quand
l'examen ne porte que sur les parties élémen-
taires des sciences mathématiques, physiques
et naturelles, il ne donne droit qu'a ce qu'on
appelle baccalauréat ès-sciences restreint.
— Baccalauréat en droit. Le diplôme de
bachelier en droit est conféré à. ceux qui ont
Complété deux années d'études et subi, h la
fin de chaque année, un examen satisfaisant
sur les matières de l'enseignement.
— Baccalauréat en théologie. Aux termes
du décret du 17 mars 1808, les candidats au
grade de bachelier en théologie doivent :
l° être âgés de vingt ans; 2° être bacheliers
ès-lettres ; 3° avoir suivi pendant trois ans un
des cours d'une faculté de théologie; 4P avoir
soutenu une thèse publique. L'Eglise, d'ail-
leurs, ne reconnaît aucune valeur canonique
aux grades conférés par les facultés de
théologie.
Le baccalauréat ès-lettres est exigé pour
la licence ès-lettres, pour le doctorat en mé-
decine, les études de droit, l'Ecole des Chartres,
l'Ecole normale (section des lettres), les fa-
cultés de théologie, les bureaux de l'enregis-
trement et quelques autres emplois adminis-
tratifs.
Le baccalauréat ès-sciences complet est
exigé pour la licence ès-sciences mathéma-
tiques, physiques ou naturelles, pour l'école
normale supérieure (section des sciences),
l'école polytechnique, l'école militair.e, l'école
forestière, pour les aspirants au diplôme de
pharmacien de première classe. Ceux qui jus-
tifient de ce diplôme sont exemptés de l'examen
d'admission aux trois écoles d'agriculture de
Grignon, Grand-Jouan et la Saulsaie.
Le baccalauréat ès-sciences restreint est
exigé, avant la troisième inscription, des as-
pirants au diplôme de docteur en médecine on
en chirurgie. Le diplôme de bachelier ès-lettres
doit être produit avant de prendre la première
inscription.
BACCAR s. m. (ba-kar — mot lat.). Bot.
Nom donné par les anciens à une plante dont
les fouilles servaient à tresser des couronnes :
Qu'un magique baccar me vienne protéger.
MlLLEVOYE.
Quelques auteurs ont cru, mais sans preu-
ves positives, retrouver le baccar des anciens
dans la digitale pourprée, dans le gnaphale
sanguin, ou dans l'asarct commun. •
BACCARA OU BACCARAT s. m. (ba-ka-ra).
Jeu de cartes que les uns croient originaire
d'Italie, d'où il aurait été importé en Franco
à l'époque des guerres de Charles VIII, tan-
dis quo les autres en attribuent l'invention
à la Provence ou au Languedoc. Dans tous
les cas, ce sont nos provinces du midi qui
l'ont fait connaître à celles du centre et du
nord. Jouer au baccara. C'est le baccara gui
l'a ruiné, il Coup de dix, vingt ou trente
points, au même jeu : Avoir un baccara. Ce
baccara l'a sauvé.
— Encycl. Le baccara se joue entre un
banquier et des joueurs appelés pontes, dont
le nombre est indéterminé. On y emploie deux
jeux entiers et les cartes conservent leur va-
leur habituelle , c'est-à-dire que les figures
valent dix et les autres cartes les points
qu'elles indiquent. Chaque ponte commence
par mettre devant lui la somme qu'il veut
risquer. Le banquier la couvre aussitôt en y
ajoutant une somme semblable, puis donne les
cartes à mêler aux pontes, les mêle à son
tour, et déclare que, suivant le droit qu'il en
a, il en brûlera une ou plusieurs, à son choix.
Cela fait, il donne à couper, brûle la carte ou
les cartes qu'il a annoncées, et', enfin, distribue
deux cartes à chacun des pontes, ainsi qu'a
lui-même, en commençant par son voisin de
droite et en les donnant une à une. Chacun
examine les deux cartes qu'il a reçues. Les
points de 9, 19, 29 sont les meilleurs. Viennent
ensuite ceux de 8, 18, 28, puis ceux de 7, 17,
27, etc. Si l'un des joueurs, ponte ou banquier,
a 9 ou 19, 8 ou 18, il abat immédiatement son
jeu et tous les autres en font autant. Le ban-
quier ramasse les enjeux de tous ceux qui ont
un point inférieur au sien; il perd, au con-
traire, avec ceux qui ont un pomt supérieur,
et fait coup nul avec ceux qui ont un point
égal. Si, après la distribution des deux cartes,
Eersonne n'a un nombre 9 ou 19, 8 ou 18, le
anquier tire, c'est-à-dire donne une troisième
carte à qui la veut, en allant de droite à
gauche, et il s'en donne une à lui-môme, s'il
le juge dans ses intérêts. Cette troisième carte
est toujours donnée à découvert. Celui qui
l'accepte est dit tirer; celui qui la refuse se
déclare content. Tout ponte pour qui cette
carte fait un point supérieur à 29, perd de
plein droit, et le banquier prend son enjeu;
c'est ce qu'on appelle crever. Quand personne
ne demande plus de carte, en d'autres termes,
quand le banquier a servi son voisin de gauche
et a pris lui-même une troisième carte ou s'est
déclaré content, tous les pontes qui n'ont pas
crevé abattent leur jeu, c'est-à-dire les deux
cartes de la première distribution. Le banquier
gagne alors contre ceux qui ont un point plus
faible quo le sien, et perd contre ceux qui en
ont un plus fort. Il est inutile d'ajouter que si
son point est supérieur à 29, il perd contre
tout le monde. Quoique le baccara exclue
toute espèce de combinaison, il est quelquefois
difficile de savoir si l'on doit demander carte
ou être content. Cependant, comme les nom-
bres les plus favorables sont 9, 19 ou 29, on
doit chercher à s'approcher le plus possible de
l'un de ces nombres. En thèse générale, un
joueur dont les deux cartes ne font ensemble
que 3 ou 4 points, no doit pas hésiter à prendre
une troisième carte ; mais il agira sagement
de se tenir à son jeu s'il a 6 ou 16, parce que
la demande d'une nouvelle carte lui ferait
courir plus do chances de perte que de gain.
En ce qui concerne spécialement le banquier,
il doit se diriger d'après la conduite des pontes,
car il est tenu de payer toutes les fois qu'ils
ont un point de plus que lui.
BACCARAT (Burgaracum), ville de France
(Meurthe), ch.-l, de cant., arrond. et à28kil.
S.-E. de Lunéville, à 370 kil. E. de Paris, sur
la Meurthe, près de la forêt de Lefoug; pop.
aggl. 3,647 hab. — pop. tôt. 4,121 hab. Bac-
carat, autrefois ch.-l. d'une châtellenie dé-
pendant de l'évêché de Metz , située au pied
d'une montagne escarpée, sur la rive droite
de la Meurthe, que l'on passe sur un pont de
neuf arches, ne présente, au point de vue artis-
tique, que les ruines d'une tour fortifiée haute
d'une vingtaine de mètres, avec des murs de
trois mètres d'épaisseur. En revanche , cette
petite ville jouit d'une certaine importance
industrielle ; elle fait un grand commerce de
bois de construction et de charronnage, de
merrain, de planches et de charbons de bois ,
possède des fabriques de soude , des scie -
ries, des brasseries et des teintureries ; mais la
partie la plus importante de son industrie est
sa belle manufacture de cristaux, regardée
comme une des plus considérables de l'Europe.
La cristallerie de Baccarat occupe l'emplace-
ment d'une verrerie établie en 17G5; l'objet
principal de sa fabrication est le cristal ordi-
naire, à base de plomb, qui représente les
cinq sixièmes de sa production. La force hy-
draulique nécessaire aux ateliers est fournie
par un puissant cours d'eau dérivé de la
Meurthe , sur lequel arrivent les bois flottés
des Vosges. L'eau fait mouvoir deux cents
tours, et permet à l'ouvrier de réserver sa
force et son attention à la taille même des
cristaux. Dans les premiers temps de la fa-
brication du cristal de Baccarat, renommé
dans le commerce pour son éclat, sa pureté et
sa blancheur, on l'employait tout uni, ou taillé
d'une manière plus ou moins riche. Pour
donner plus d'extension à la vente, on mit
d'abord dans le commerce des pièces portant
uno moulure autour du fond; l'ouvrier, après
avoir donné au fond de la pièce la forme
voulue, la faisait réchauffer, puis, posant ce
fond dans le moule il s'efforçait, par son
souffle, de chasser le verre dans les cavités
du moule. Mais comme le souffle de l'homme
n'était ni assez puissant ni assez rapide pour
que l'impression fût parfaite , un simple ou-
vrier de Baccarat, Ismael Robinet, dont le
nom mérite d'être cité comme créateur d'uno
industrie nouvelle, eut l'ingénieuse idée d'em-
ployer un soufflet pour suppléer à l'action des
poumons. Le succès de cette heureuse inno-
vation, en faisant décerner à son auteur le
Srix Montyon (1823), apporta une diminution
e moitié dans les prix de main-d'œuvre, et
amena une perfection devant laquelle les an-
ciennes tailles, d'un fini moyen, sont tombées
au-dessous de toute valeur. On s'est occupé
surtout à produire des cristaux moulés, dont
la beauté approche des cristaux taillés, et
dont le prix est à la portée des fortunes médio-
cres. Cette belle usine occupe dans son inté-
rieur plus de onze cents- ouvriers, indépen-
damment de ceux qu'elle emploie au denois
pour l'exploitation de ses bois, pour ses trans-
fiorts et autres travaux; elle fabrique annucl-
ement pour 3 millions de cristaux , et se
glorifie d'une médaille d'honneur obtenue à
l'Exposition internationale de 1855. Une caisse
de secours mutuels fonctionne depuis vingt
ans pour les ouvriers de la cristallerie de Bac-
carat ; une caisse de retraite pour la vieillesse
y a été aussi instituée depuis trois ans.
BACCARÉo s. m. (ba-ka-rô-o). Mamin.
Nom d'un ruminant qui habite l'Indoustan;
on croit que c'est l'axis.
BACCARIDE s. f. (ba-ka-ri-de). Bot. Or-
thographe vicieuse du mot baccharide.
— Antiq. Plante dont on se servait dans
les enchantements. On a cru que c'était la
digitale, mais il est plus probable que c'était
l'asarct,
BACCARIDÉES. V. BaCCHARIDÉES.
. BACCAROÏDE adj. (ba-ka-ro-i-de — du
lat. baccar, asaret, et du gr. eidos, ressem-
blance). Bot. Orthographe vicieuse de bac-
charoîde.
baccaulaire adj. (ba-kô-lè-re — du
lat. bacca, baie; caulis, tige). Bot. Se dit dos
fruits qui se composent de plusieurs baies
réunies sur le même axe, mais non soudées,
comme le fruit des dryinis, des clavalicrs, etc.
11 s. m. Fruit qui offre cette conformation,
il Peu usité dans les deux cas.
BACCAURÉE s. f. (ba-kô-ré — du lat.
bacca, baie ; aurea, d'or). Bot. Genre de plantes
peu connu, rapporte, avec quelque doute, à la
famille des rhamnées, et dont on cite trois
espèces, qui croissent en Cochinchine.
BACCEI.Ll (Jérôme), littérateur et médecin
i italien, né à Florence vers 1515, mort en 1581.
Il a laissé une traduction italienne de l'Odyssée,
en vers sciolti ou non rimes. Il avait égale-
ment commencé, d'après l'ordre du grand-duc
de Toscane François I", une traduction do
l'Iliade; mais il mourut avant de l'avoir
achevée.
BACCETTI (Nicolas), historien et religieux
italien, né vers 1567, mort en 1647. Il fut abbé
de la Miséricorde de Settimo, près de Florence,
et composa une histoire do cette abbaye, où
l'on trouve des recherches curieuses. Elle est
intitulée Nicolai Baccetti, Florenlini, ex or-
dine Cisterciensi, abbatis Septimianœ historiœ
. libri VII, étoile lut publiée longtemps après sa
mort, avec des notes, par le P. Malachie d'In-
guimbert, de Carpentras, religieux du môme
ordre.
BACCHA s. f. (ba-ka — du gr. bakchê ,
prêtresse de Bacchus). Entom. Genre d'in-
sectes diptères brachocères, voisin des syr-
phes, et renfermant trois espèces, dont une,
la baccha allongée, habite l'Europe.
BACCHANAL s. m. (ba-ka-nal — du gr.
bakdios, furieux). Grand bruit, grand tapage :
Faire du bacchanal. Ils font bacchanal dès
le matin. Ah ça, m'expliqueras-tu ce que cela
signifie? Un jeune homme ne vient pas sans
motif dans une maison bourgeoise faire ce
BACCHANAL. (Balz.)
BACCHANALE S. f. OU BACCHANALES S. f.
pi. (ba-ka-na-le — lat. bacchanalia, même
sens, formé du gr. Bakchos, Bacchus). Antiq.
Fêtes religieuses célébrées en Grèce, puis a
Rome, en l'honneur de Bacchus : Si las bac-
chanales portèrent le trouble en Egypte et en
Grèce, elles ne produisirent pas des effets moins
funestes en Italie. (Th. Delbare.) - On dit
qu'Aristophane choisit le temps des baccha-
nales pour jouer Sacrale sur le théâtre. (Ri-
chelct.) Sans doute il y a là un mystère anté-
rieur au christianisme, ou quelque bacchanale
antique. (G. Sand.)
— Par anal. Orgie, débauche bruyante : Ils
ont fait une bacchanale qui a duré toute la
nuit. (Acad.) Cette fête était une vraie baccha-
nale, oii présidaient l'ivresse et la folie. (V.
Hugo.) Si quelque homme entrait en ce moment,
il se croirait à quelque bacchanale. (Balz.) Lo
mardi gras, tout ce qui n'a pas pris part aux
fêtes précédentes se mêle à la bacchanale, se
laisse entraîner par l'orgie. (Alex. Dura.)
— Par ext. Toute espèce de tumulte, de
désordre, d'excès : Dès l'année 1G48, s'ouvrit
la tranchée dans laquelle sauta la France pour
escalader la liberté. Celte bacchanale tachée
de sang brouilla les rôles; les femmes devinrent
des capitaines. (Chateaub.) Chez ces nations,
tout était Dieu, même la peur et ses lâchetés,
même le crime et ses bacchanales. (Balz.)
— B.-arts. Représentation de ces fêtes ou
de quelques scènes de bacchantes : Il n'y a
rien de plus plaisant et de plus gracieux que
les bacchanales peintes par Le Poussin. (Fé-
libion.) Les vases antiques qui, d'un côté, étaient
ornés d'une scène lugubre de l'histoire héroïque,
offraient souvent, sur leur revers, une joyeuse
hacchanale. (Cli. Lenorm.)
— Mus. Morceau de musique vocale, com-
posé sur une poésie burlesque ou populaire,
autrefois en usage à Florence, n Chant bachi-
que dans un opéra : La bacchanale de Jean
de Leyde, dans le Prophète de Meycrbeer. Il
Air de danse dithyrambique : Steibelt a écrit
des bacchanales pour piano, avec accompa-
gnement de tambourin. (Bachelet.)
— Chorégr. Danse emportée, tumultueuse,
dans un opéra, dans un ballet : Le second acte
de ce ballet est terminé par une bacchanale.
(Acad.) Dans la bacchanale antique, made-
moiselle Emma Livry danse un pas d'un très-bel
effet. (G. Chadeuil.)
— Encycl. En Italie et à Rome, les bac-
chanales ne diffèrent point, pour le fond, des
dionysies ou- dionysiaques de la Grèce, célé-
brées en l'honneur du même dieu, dont le nom
hellénique était Dionysos. Dans l'origine, ces
fêtes avaient, dit-on, un caractère chaste et
respectable. Mais il est permis de douter de
cette assertion quand on considère que l'un
des symboles du. culte de Bacchus était l'image
obscène du phallus que les Romains nom-
maient muiinus , taillé ordinairement en bois
de figuier, et qu'on promenait solennellement
sur un char magnifique. Les matrones ve-
naient couronner de fleurs ce simulacre de la
fécondité. Il parait qu'avant l'introduction des
dionysiaques en Italie, des fêtes analogues par
leur caractère licencieux se célébraient déjà
en l'honneur de la déesse Libéra. Les baccha-
nales auraient été le produit de )& fusion des
deux cultes.
L'Inde et l'Egypte avaient des fêtes de la
môme nature. On des mythes de la religion
égyptienne rapportait qu'Isis parcourut, dans
un esquif de papyrus, les sept bouches du
Nil, pour recueillir les quatorze lambeaux
BAC
épars du corps d'Osiris, son frère et son époux.
Elle parvint à rassembler tous les membres
du dieu, moins l'organe de la génération, que
les poissons avaient dévoré. Elle en fit un si-
mulacre en bois de sycomore, et, après avoir
ainsi recomposé dans son entier ce précieux
corps, elle l'offrit à l'adoration des peuples.
L'Egypte tout entière se réjouissait avec Isis,
la bonne déesse, dans laquelle elle s'était per-
sonEifiée, de ce qu'Osiris fût si heureusement
retrouvé ; c'est-à-dire de ce que le soleil, dont
Osiris était l'emblème, montât une seconde
fois dans les cieux pour féconder les jeunes
semences délivrées des eaux. Cette période
d'allégresse était marquée par des réjouissan-
ces publiques ; le phallus , symbole de l'in-
fluence fécondante du soleil sur les produc-
tions de la terre, était porté en triomphe. Ce
mythe et les cérémonies destinées à le perpé-
tuer avaient très-anciennement passé en Phé-
nicie. Isis elle-même, disait la tradition, était
allée à Biblos, où elle s'était faite la nourrice
et l'édueatrice du fils du roi. Le colon phéni- ■
cien Cadmus, ou Mélampe, selon les différen-
tes traditions, introduisit ces fêtes chez les
Athéniens, qui les célébrèrent avec plus de
pompe, mais aussi avec plus de licence, et
leur donnèrent le nom de dionysiaques , du
nom grec de Bacchus (Dionusos), auquel ils
avaient attribué le rôle d'Osiris. Les couron-
nes et les rameaux qu'on y portait solennelle-
ment marquent bien que, sur un sol étranger,
elles avaient conservé, du moins à l'origine et
quant au fond, leur vrai caractère. Ce Bac- '
chus, qui y présidait et que Diodore distingue
des autres Bacchus grecs, notamment par son
titre d'Indien et par sa sollicitude pour les
biens de la terre, était un dieu essentiellement
agricole, personnifiant « la force qui opère et
vit dans les fleurs et dans les végétaux. »
(Creuser.) Il aimait les couronnes et se nom-
mait symboliquement la couronne odorante
{bakchos, en dorien). Un archonte réglait la
célébration de ces fêtes. Les Athéniens se ser-
vaient parfois des dionysiaques pour supputer
le temps et pour assigner une date à un évé-
nement quelconque.
Introduites en Italie, ces cérémonies, en se
mêlant à d'anciennes coutumes , servirent
bientôt de prétexte aux plus affreux désor-
dres. Le sanctuaire n'était d'abord ouvert qu'à
des femmes. Il y avait, dans l'année, trois -
jours fixés pour les initiations, qui avaient
lieu le jour. Les matrones étaient prétresses à
tour dé rôle; mais l'une d'elles, Pauculla
Annia, campanienne, se fit passer pour inspi-
rée et changea tous ces usages. Elle ouvrit le
sanctuaire aux hommes, et tout d'abord à ses
deux fils, Minius et Hérénius ; elle établit que
les initiations se feraient la nuit, et seraient
'célébrées cinq fois par mois au lieu de trois
fois par an, comme il avait été réglé primiti-
vement. Depuis l'admission des hommes et le
mélange des sexes dans les ténèbres de la
nuit, aucun genre de forfait n'y demeura in-
connu, et l'on n'y respecta pas plus les lois de
la nature que celles de la pudeur. Les hom-
mes y feignaient des fureurs sacrées ; les fem-
mes, en bacchantes, les cheveux épars, cou-
raient au Tibre avec des torches de résine et
de chaux vive, qu'elles plongeaient dans les
eaux du fleuve, d'où elles les retiraient ensuite
tout allumées. Refusait-on le serment de l'as-
sociation, témoignait-on du dégoût ou de la
froideur, on était aussitôt précipité dans de
profonds caveaux, ou parfois même immolé
comme victime. Et la secte était si nombreuse
qu'elle formait presque tout un peuple (jam
prope populum, Tite-Live); elle comptait
parmi ses membres des hommes et des femmes
du plus haut rang. On en vint à décider, pour
se faire des instruments plus dociles, qu'on
ne recevrait personne au-dessus de vingt
ans. Ce fut la dernière décision que prit cette
abominable assemblée. L'an 5G6 de la fonda-
tion de Rome, une courtisane nommée His-
pala Fecenia révéla le secret de ces pratiques
à un jeune homme qu'elle aimait et que sa
propre mère voulait initier aux mystères de
Bacchus. Celui-ci avertit le consul Posthu-
mius, qui fit une enquête secrète. Hispala lui
révéla tout ce qu'elle savait. Quand la nou-
velle fut rendue publique , le sénat s'émut ;
tout bon citoyen frémit, et l'on trembla que
cette association ne cachât un complot fu-
neste à la république. Posthumius avait
agi avec" activité et prudence : le sénat lui
vota des actions de grâces; puis il chargea
les consuls d'informer extraordinairement
contre les bacchanales et les sacrifices noc-
turnes , de promettre des récompenses aux
délateurs, de saisir à Rome et aux environs
les ministres des sacrifices, et de publier dé-
fense à tous les initiés de former une assem-
blée de cette nature. Les édiles furent char-
gés de saisir et d'interroger les ministres de
ce culte. Beaucoup d'hommes et de femmes
furent livrés au supplice; d'autres se donnè-
rent la mort ; d'autres encore furent empri-
sonnés ou bannis. On évalue à plus de sept
mille le nombre des conjurés. Le sénatus-
consulte (186 av. J.-C.) avait été envoyé par
toute l'Italie, gravé sur des labiés' de bronze;
l'une de ces tables a été retrouvée en 1640 à
Tirioli, dans la Calabre ultérieure, par l'ar-
chéologue J.-B. Cigala. Elle est actuellement
à Vienne, Au temps des triumvirs, les baccha-
nales reparurent en Egypte, et se mêlèrent
aux orgies de Cléopâtre et d Antoine ; s' étant
appelé lui-même le nouveau dieu Liber, celui-
ci se montra dans Alexandrie, promené sur un
char paré de guirlandes de lierre, chaussé du
BAC
cothurne, une couronne d'or sur la tête et un
thyrse h la main.
On revit encore ces pompes infâmes on Ita-
lie, au temps de Messaline et des empereurs,
et elles se sont en quelque sorte perpétuées,
malgré le christianisme, par une série de fêtes
et de solennités folles ou licencieuses dont il
reste encore des traces dans notre carnaval
moderne.
Le mot de bacchanale est resté dans la lan-
gue comme synonyme de dérèglement et de
débauche. Il désigne d'une manière expressive
une orgie, le plus souvent nocturne, accom-
pagnée de tous les excès de l'ivresse et du
délire des sens.
Bucchanalei (REPRESENTATIONS ANTIQUES
des). Aucun sujet n'était plus propre à inspi-
rer les artistes de l'antiquité que la grande
pompe bachique ou thyasos, réunion des divi-
nités les plus gracieuses et des types les plus
bizarres de la mythologie : bacchantes et fau-
nesses aux formes voluptueuses , aux mou-
vements passionnés ; faunes amoureux et à
l'allure pétulante ; satyres à pieds de bouc ,
trahissant leurs instincts luxurieux par l'ex-
pression burlesque de leur physionomie ; si-
lènes gourmands et ivrognes, plus amoureux
du jus divin que du beau sexe; gentils amours,
compagnons inséparables du dieu sans lequel
Vénus elle-même se refroidit ; centaures et
centauresses, monstres farouches domptés par
les charmes de Dionysos; et, au milieu de ce
bruyant cortège, Bacchus, l'adolescent éter-
nel et sa belle amie Ariane , la fille du bon
roi Minos. N'était-ce pas là un admirable
thème pour une frise, pour un bas-relief, pour
la décoration d'une amphore au large ventre?
Parmi les nombreux débris de l'art antique
qui offrent ce sujet traité avec plus ou moins
de développement, il nous suffira de citer les
suivants : 1° auBristish Muséum, un fragment
de bas-relief trouvé à Athènes dans les ruines
du temple de Bacchus, au sud de l'Acropole :
on y voit le Bacchus indien recevant dans sa
coupe le vin versé par une bacchante et le
vieux 'Silène dansant devant un cratère ; —
2» au musée Pio-Clémentin, un bas-relief (n<> 76)
acquis sous le pontificat de Pie VI : le dieu
est assis sur un char traîné par des centaures,
et regarde avec tendresse une femme vêtue
de la nébride, qui le suit à pied ; les archéo-
logues ne sont pas d'accord pour désigner
cette dernière figure ; les uns veulent que ce
soit Ariane ; les autres Meta, personnification
de l'ivresse ; d'autres Nysa ou Ino, nourrice
du dieu, d'autres enfin Sémélé, ramenée par
son fils de la région des morts ; — 3° même
musée, bas-relief (n° 473) d'un bon style,
trouvé dans les environs de Naples : des cen-
taures et des centauresses sont mêlés au cor-
tège dionysiaque; — 4° et 5° même musée,
bas-reliefs (nos 2S et 228) de sarcophage figu-
rant des danses bachiques ; — 6" musée deyli-
Studj , belle peinture d'un vase antique de"
Nola : huit bacchantes entourent une statue
de Bacchus indien ; couronnées de lierre, les
cheveux en désordre, elles tiennent des fleurs,
desthyrses ; deux d'entre elles jouent, l'une du
chalumeau, l'autre du tympanum ; — 70 même
galerie, joli bas-relief en marbre placé dans
le musée secret : à gauche, une faunesse sai-
sit par les cornes un Priape-hermès ; un sa-
tyre sort d'un petit bâtiment et s'avance vers
elle. Silène, plus beau que d'ordinaire, s'ap-
puie, dans son ivresse, sur les épaules de deux
jeunes bacchants; il tient une coupe et une
couronne. Une nymphe drapée est étendue
sur une peau de bouc, un bras au-dessus de
la tète. Une bacchante porte des fruits, une
autre joue des cymbales. Une jeune satyresse
est à genoux devant un autre Priape; près
d'elle, un jeune satyre s'attache une courroie
autour des reins. Au fond, à droite, au haut
d'un rideau tendu, l'Amour se montre , un
flambeau dans une main, une' couronne dans
l'autre. V. Bacchus , Ariane, Silène, Faunes,
Satyres, Bacchants et Bacchantes.
Bacchanales (REPRÉSENTATIONS MODERNES
des). Il y a deux espèces de bacchanales :
10 Les Bacchanales où des bacchantes nues,
des faunes, des satyres s'enivrent et se font l'a-
mour au son des crotales, des flûtes, des cha-
lumeaux ou des tambours de basque; telles
sont les Bacchanales peintes par le Titien
(v. ci-après); par Nicolas Poussin (7. ci-après);
par Rubens ( tableau du musée des Offices ,
fravé par Suydernoef) ; par Van Dyck (ta-
leau du musée de Turin); par Benedetto.Cas-
tiglione (tableau du Louvre); par le Guide (gra-
vées par Costantino); par le Biscaino (gravées
par Costantino) ; par P. Parrocel (dessin et
gravure); par Carpioni (composition ovale,
gravée par Mechau) ; par J.-M. Pierre (v. ci-
après); par Fragonard (quatre petits sujets
gravés , imitant les bas - reliefs) ; par Ànt:
Ghisi (dessin et gravure) ; par J.-F, Lagrenée
(dessin et gravure) ; par Holsteyn (réunion de
satyres et de bacchantes, gravée par Fr. Mill-
ier); par le Sarzane (peinture du palais Balbi
Piovera, à Gênes) ; par Van Balen (tableau
du musée de Munich) ; par Le Barbier aîné
(gravées par Demarteau); par Ch.-Et. de
Laune (diverses compositions gravées en
forme de frises); par J.-F. Millet (gravées par
Coelemans) ; par Raymond Lafage (série de
dessins représentant dans leur développement
le Triomphe de Bacchus et d'Ariane, gravés
en vingt-huit pièces par F. Erlinger); par
Andréa Podesta (diverses estampes, dessin
et gravure) ; par Beccafumi, dit le Mecharino
(dessin et gravure); par Mantegna (v. ci-
BAC
après), etc. — 2» les Bacchanales dont les per-
sonnages, ordinairement des enfants, ayant
des attributs bachiques, dansent au son des
instruments. On a des compositions de ce
genre par Raphaël (v. ci-après); par Michel-
Ange (v. ci-après) ; par Ant. Tempesta (des-
sin et gravure en'forme de frise); par F. Mola
(gravées par Raphaël Morghen) ; par Aurelio
Lomi (gravées par Baillie); par Stefano délia
Bella (dessin et gravure) ; par La Hyre (des-
sin et gravure) ; par Lorenzo Lolli ( dessin et
gravure) ; par Brebiette (dessin et gravure) ;
par J. Scarcello (dessin et gravure) ; par
Rosso de' Rossi (gravées par Boy vin); par Pie-
ter van Avont (huit planches gravées par
Hollar); par Bonasone (dessin et gravure);
par Campagnola (dossin et gravure) ; par Eli-
sabeth Sirani (dessin et gravure), etc. Les
compositions intitulées Bacchus et Ariane,
Triomphe de Bacchus, Fête à Bacchus, Fête à
Pan, Offrande à Priape, sont, pour la plupart,
de véritables bacchanales. V. Bacchus, Pan,
Priape.
Bacchanale*, compositions de Raphaël. On
ne connaît pas de bacchanales peintes par le
célèbre artiste ; mais il existe trois estampes
représentant des sujets de ce genre, que ton
croit avoir été exécutées d'après ses dessins.
Un de ces dessins existe encore dans la col-
lection de l'archiduc Charles, k Vienne; il
représente une bacchante et deux jeunes
faunes qui dansent à la suite l'un de l'autre,
L'un des faunes, celui qui ouvre la marche,
s'appuie sur le pied droit, tandis que la jambe
gauche se relève en arrière; il est entière-
ment nu et joue du chalumeau qu'il tient des
deux mains. Derrière lui vient la bacchante,
une gracieuse jeune fille, dont la tunique lé-
fère laisse à découvert l'épaule et le bras
roit, les jambes et une partie des cuisses;
son pied gauche, placé en avant, supporte le
corps ; le pied droit ne touche le sol que de
la pointe ; ses bras sont arrondis avec grâce
et ses mains agitent des crotales (sorte de
castagnettes, formées ordinairement de deux
pièces métalliques creuses) ; sa tête regarde
en arrière et se montre de profil. L'autre
faune, jeune aussi et nu comme son compa-
gnon, souffle dans une trompe munie de deux
pavillons; il s'appuie sur la pointe du pied
gauche et rejette vivement la jambe droite
en arrière. ■ Ces figures, sans se toucher,
s'enchaînent et se cadencent avec un accord
parfait, a dit M. F. Gruyer. Raphaël, tout en
conservant son indépendance , s'est fait ici
l'interprète fidèle de l'esprit que l'antiquité
mettait dans ces représentations bachiques. Il
en a reproduit avec sincérité la verve et l'a-
nimation. Il a conservé à ses danseurs leur
mouvement et presque leurs qualités plasti-
ques ; il a rappelé avec mesure leur caractère
d'ivresse et de délire ; il les a doués enfin de
la plupart des dons que leur aurait prodigués
le ciseau d'un maître grec. » Il a été fait une
estampe d'après ce dessin, par Agostino Ve-
neziano, détail qui a échappé à M. Gruyer.
Mais dans cette estampe, c'est le faune à la
trompe qui ouvre la marche. Un autre dessin
de Raphaël, qui ne nous est connu que par
une gravure de Marc- Antoine, représente un
sujet analogue au précédent : une jeune bac-
chante, vêtue d'une robe transparente et lé-
gère qui dessine ses formes gracieuses, s'a-
vance en dansant de gauche à droite, les
pieds touchant à peine le sol, le visage tourné
vers le spectateur ; elle tient de la main droite
un miroir qu'elle élève à la hauteur de son vi-'
sage, et étend le bras gauche en arrière. Elle
est suivie par un faune, couronné de pampres,
qui-joue de la double flûte, le pied droit levé
en avant, le gauche appuyé à terre. Une se-
conde bacchante, vue de profil, vient ensuite,
tenant des deux mains une écharpe qui s'ar-
rondit au-dessus de sa tète. Gérard Audran a
gravé le même sujet, mais en retournant les
personnages vers la gauche et en modifiant
quelque peu les accessoires.
La troisième bacchanale, gravée par Marc-
Antoine, représente une scène de vendange,
avec Bacchus ou Silène assis au fond sur une
cuve. V. Vendange.
Bacchanales, célèbres peintures du Titien.
Chargé par Alphonse d'Esté, duc de Ferrare,
d'achever dans le palais de ce prince (Castello)
la décoration d'un cabinet commencée par
Giovanni Bellini, le Titien y peignit deux
Bacchanales qui, après la réunion de Ferrare
au domaine pontifical, en 1617, furent trans-
portées à Rome au palais Ludovisi et données
plus tard au roi d'Espagne. L'une se trouve
encore au musée royal de Madrid, l'autre ap-
partient à la National-Gallery, de Londres.
Ces deux tableaux jouissent d'une grande cé-
lébrité. On raconte que le Dominiquin ,• au
moment de les voir partir pour l'Espagne,
fondit en larmes à la pensée de la perte qu'al-
lait faire l'Italie. Augustin Carrache les pro-
clama les plus belles peintures du monde et tes
merveilles de l'art. Poussin et l'Albane les
étudièrent avec amour et s'en inspirèrent.
Rubens les copia, dit-on, et Raphaël Mengs,
ui les vit en Espagne, demeura devant eux
e longues heures en extase.
Le tableau de la National-Gallery représente
Bacc.lnis s'ëlaiiçant à In poursuite d'Ariane. Le
dieu, conduit en triomphe sur un char traîné
par deux panthères,' arrive au bord de la mer
où Thésée vient d'abandonner la fille de Minos.
Frappé des charmes de la belle délaissée, il
s'élance à sa poursuite avec toute la fougue
d'un héros amoureux. Le mouvement qu'il
BAC
19
I
fait en sautant de son char soulève et arrondit
derrière ses épaules une écharpe de pourpre,
son seul vêtement. Ariane fuit, en portant la
main gauche en avant et en relevant de la
main droite le bas de sa tunique flottante"; mais
dans sa fuite elle retourne la tête et regarde
le dieu d'un air peu cruel. Son chien, un vrai
roquet de courtisane , se montre plus re -
vêche : il fait tète et aboie à un délicieux petit
satyre, un satiretto, comme disent les Italiens,
qui, debout près du char de Bacchus, traîne
une tête de veau au bout d'une ficelle. Ce
bambin joufflu et qui se dresse sur ses pattes
de chèvre, avec un air de matamore, est la
plus charmante figure qu'on puisse imaginer.
Il est suivi d'un homme ivre enchaîné par des
serpents, dans lequel les uns voient un philo-
sophe austère, châtié pour crime de tempé-
rance, tandis que d'autres prétendent que les
serpents font allusion à l'agitation produite
par le vin bu avec excès. Derrière cet étrange
personnage vient un faune qui tient de la main
droite un thyrse et de la main gauche un gigot
de veau qu'il agite. Si nous en croyons Ridolli,
l'historien des peintres vénitiens, ce gigot de
veau et la tête du même animal, traînée par le
satiretto, étaient des accessoires accoutumés
des fêtes de Bacchus : ces débris rappelaient
Penthée mis en pièces par les bacchantes e&
métamorphosé en veau par Dionysos. Dans
la composition qui nous occupe, des faunesses,
les seins nus, les jupes retroussées, sont pla-
cées de chaque côté du char triomphal. Au
fond, à gauche, Silène ivre, couronné de pam-
pres et de raisins et monté sur son âne, s'ap-
puie sur un faune. 11 est suivi par un autre
Jaune barbu qui porte un énorme cratère sur
ses épaules. Un paysage planté de beaux ar-
bres, la mer, où l'on aperçoit le navire du volago
Thésée, et le ciel, où brille la constellation
d'Ariane, servent de cadre à cette composition
si gaie, si animée, si originale et d'un coloris
véritablement splendide. Est-ce à dire que ce
tableau soit sans défauts? M. Viardot a critiqué
avec raison le mouvement de Bacchus, qui a
l'air de tomber en tournoyant et qui, selon
nous, ressemble plus à un écuyer d'hippodrome
qu'à un dieu.
Le tableau du musée royal de Madrid, que
l'on désigne quelquefois comme représentant
Y Arrivée de Bacchus à Naxos, est une véritable
bacchanale. Rien n'y rappelle les aventures
de Bacchus et d'Ariane, si ce n'est peut-être
le vaisseau qui apparaît dans le lointain et que
l'on dit être celui de Thésée. Au premier plan,
à gauche, une superbe bacchante, que Ion a
prise pour Ariane, dort étendue sur le dos, le
bras gauche.replié sous la tête, la chevelure
éparse, les seins nus, le bras droit à demi en-
veloppé par la draperie sur laquelle la lascive
beauté s est couchée, ivre d'amour et de vin.
Un bambin s'est approché d'elle et, relevant
sa petite chemise, l'impertinent ose faire près
de ce beau corps ce que fait le Manneken-Piss
de la fontaine de Bruxelles. Un peu plus loin,
un jeune homme, ayant une couronne à la
main, danse près d'un arbre avec une jeune
fille à. l'attitude provocante, A droite, sur les
bords d'un ruisseau de vin, des faunes et des
bacchantes sont groupés, buvant, jasant, fai-
sant de la musique, faisant l'amour. Parmi
cette foule voluptueuse à laquelle sont mêlés
d'élégants gentilshommes , on distingue une
femme d'une beauté resplendissante qui porte
une violette à son corsage et qui n'est autre
que la Violante, la première maîtresse de ce
nom qu'ait eue le Titien. Au fond , sur un
coteau, Silène dort et cuve son vin. Ce tableau
justifie pleinement les éloges d'Augustin Car
rache. « Vrai prodige de couleur et d'effet, dit
M. Viardot, il vous attire à lui, vous retient,
vous fascine, vous enchaîne. • Les deux
Bacchanales ont été gravées avec beaucoup
d'esprit par le Génois Giovanni - Andréa
Podesta.
Bacchanales, peintures de Nicolas Poussin.
Le célèbre artiste a exécuté plusieurs compo-
sitions de ce genre. Nous ne savons ce qu est
devenue celle qu'il peignit, étant encore jeune
et ignoré, dans une espèce de loge ou de ga-
lerie ouverte des deux côtés, près du châ-
teau de Cheverny. Plus tard, lorsque la ré-
putation qu'il s'était acquise à Rome se fut
répandue en France, il fut chargé de peindra
pour le cardinal de Richelieu quatre Baccha-
nales et un Triomphe de Bacchus, Ce dernier
ouvrage est aujourd'hui en Angleterre : on en
trouvera plus loin la description au mot Bac-
chus. Il existe des Bacchanales du Poussin
dans plusieurs musées; les plus belles et les
plus célèbres sont celles que l'on voit au
Louvre et a la National-Gallery.
Bacchanales du Louvre. — No 440. On
pense que la composition cataloguée sous ce
numéro est une des quatre bacchanales que
Poussin peignitjpour le cardinal de Richelieu.
Elle a été désignée quelquefois comme repré-
sentant : l'Education de Bacchus ; mais ce titre
ne paraît pas suffisamment justifié. Un enfant,
soutenu par un faune, se désaltère avec le jus
d'une grappe de raisin qu'un satyre accroupi
exprime avec sa main dans une coupe. Une
ménade, l'arc sur l'épaule, s'appuie sur un
thyrse, derrière les personnages précédents.
Au premier plan, une bacchante, entièrement
nue, dort couchée sur une draperie blanche,
la chevelure éparse, la tête de profil, renver-
sée en arrière et reposant sur un tertre. Près
d'elle sont deux enfants : l'un s'est endormi
sur son sein ; l'autre retient un bouc qui
cherche à s'échapper. Adroite, deux autics
20
BAC
enfants, couronnés de pampres, s'embrassent.
Deux troncs d'arbre, qu'une vigne enlace et
festonne, s'élèvent derrière le groupe princi-
pal et partagent, à peu près par moitié, le
fond de la composition où se dérovile un
paysage assez agreste, borné par de hautes
montagnes. A gauche, a quelque distance, un
faune, adossé a un arbre, joue du chalumeau,
dont une femme assise à terre écoute les ac-
cords. Cette composition, traitée avec beau-
coup d'esprit et de finesse dans les tons clairs
et vifs qui distinguent la première manière du
maître, n'est pas à proprement parler une
bacchanale : on n'y voit ni ces danses folles,
ni ces scènes d'ivresse, ni cette promiscuité
délirante que nous offrent les tableaux des
maîtres italiens; mais rien ne rappelle mieux
le Titien que cette superbe figure de bac -
chante endormie sur le devant du tableau,
dans l'attitude du plus voluptueux abandon.
On a prétendu que Poussin mettait une pen-
soo .philosophique dans toutes ses composi-
tions. Le rédacteur des notices du Musée
Filkol s'est imaginé de découvrir celle qui se
trouve dans le tableau que nous venons de
décrire. Tout d'abord, il avoue qu'il règne un
peu d'obscurité dans le développement de la
pensée; mais, après s'être torturé l'esprit, il
finit par découvrir que « ce faune, ce satyre
dont les funestes mains livrent cet enfant au
délire de l'ivresse, offrent l'allégorie des dan-
fcrs dont l'homme est menacé lorsque, dès le
erceau, il est abandonné à des êtres pervers
et corrompus. • En d'autres termes, ce que
Poussin a voulu peindre, ce sont les Dangers
d'une mauvaise éducation. Voici comment
l'ingénieux critique explique son interpréta-
tion : « Quelles sont pour l'homme, dit-il, les
conséquences d'une éducation pareille? Il dé-
pense ses premières années dans l'apathique
repos de ngnorance, figurée par le sommeil
de cet enfant couché sur cette bacchante, ou
dans les puériles affections exprimées par les
caresses que se prodiguent ces deux autres
enfants, ou dans un degré d'avilissement plus
déplorable encore, en s' assimilant aux moins
nobles des animaux, comme le fait entendre
l'espèce de lutte ouverte entre ce bouc et cet
autre enfant. Dans la force de l'âge, appe-
santi, abruti par l'ivresse des passions, il mé-
connaît toute espèce de pudeur, comme cette
bacchante dont la nudité brave tous les re-
gards; il néglige de parer son âme, son esprit
et son cœur, comme elle néglige sa chevelure
que son désordre rend le jouet des vents; enfin,
son existence n'est qu'un sommeil profond,
qui le rend insensible à tous les sentiments
généreux, comme celui de cette thyase la rend
impassible aux injures de l'air. C'est ainsi que, •
plein de cette idée morale, le Poussin a écarté
du site agreste où il a placé cette scène allé-
gorique, toute espèce de fabrique et de culture
pour prouver que les arts, les sciences et les
sociétés n'ont rien a attendre d'un être élevé
de la sorte et que tout reste inculte autour de
lui, tandis que, semblable à cet homme qui
joue du chalumeau, il s'abandonne aux plus
futiles amusements. » Nous pensons que nul
ne serait plus surpris que Poussin en appre-
nant que tant de oelles choses sont réunies
dans une composition aussi simple. Ce tableau
a été gravé par Mathieu Pool (1699), par
Pauquier et Dupréel, dans le Musée français,
par Maria Hortemels, par Chataigner et Ni-
quet, dans le Musée Filhol. — No 441, La
toile inscrite sous ce numéro est un peu plus
grande que la précédente. Au centre de la
composition et au premier plan, une femme
assise à terre joue du luth ; une autre femme
l'écoute, étendue sur le gazon, dans l'attitude
de la Madeleine du Corrége, et appuyée sur
la jambe d'un faune, vu de dos, couronné de
pampres, et qui lève une coupe en l'air. Au
deuxième plan, derrière ce groupe, un autre
faune, debout, tient d'une main une grappe de
raisin et de l'autre vin vase, avec lequel il
emplit une coupe qu'un enfant lui tend., en se
hissant sur la pointe des pieds. A droite, un
enfant essaye de faire peur à un autre enfant,
en cachant son visage derrière un masque. Au
premier plan, près de la joueuse de luth, un
autre enfant dort couché sur le gazon. A gau-
che, au second plan, un personnage que l'on
croit être Bacchus, est étendu sur un lit de
pampres et de raisins, à l'ombre de grands
arbres. Un faune lui verse le contenu d'une
coupe sur la tète ; un autre lui amène un bouc.
Ce tableau a été gravé par Erlinger, en 1685,
par Chataigner, dans le Musée Filhol, et par
Normand, au trait, dans les Annales de
Landon.
Bacchanales de la National-Gallery. Ces
bacchanales, au nombre de deux, sont comptées
à bon droit parmi les meilleurs ouvrages du
Poussin. Ce sont, dit M. Viardot, « deux vrais
chefs-d'œuvre de science et de grâce qui
exhalent le plus pur et le plus délicieux par-
fum de l'antique. ■ Le no 42 est surtout admi-
rable. Suivant le critique que nous venons de
citer, « les détails pleins de variété autant que
de grâce et d'esprit, mais s'enchalnant avec
aisance dans un heureux ensemble, font de ce
tableau la plus charmante comédie a laquelle
on puisse assister. Ici, le gros Silène, ivre, que
soutiennent avec effort deux robustes adoles-
cents ; là, une danse animée et folâtre; plus
loin, un âne effronté qui s'attaque à la belle
croupe d'une centauresse et que le bâton pu-
nit de son insolence; puis, cavaealdant sur
une chèvre indocile, une faunesse rieuse, la
plus ravissante friponne dont les yeux puis-
ant donner l'ivresse ardente qui n'est pas
BAC
celle du vin. Enfin, toute la comédie anti-
que revit dans ce tableau, où l'on croirait
voir représentée une de ces joyeuses et tur-
bulentes atellanes venues à Rome du pays des
Osques. « Tout en reconnaissant que cette
composition est pleine de mouvement, d'ex-
pression, de variété et de nature!, et que la
conception en est beaucoup plus chaste que
celle des autres bacchanales du Poussin, le
Catalogue français, édité à Londres par
Clarke, déclare que « quelques détails de ce
tableau nous dégoûtent. » O pudibonderie
britannique t La vérité est que ce chef-d'œu-
vre n'a rien que de très-gracieux et de très-
séduisant : il est possible qu'une lady ne
puisse en permettre impunément la vue à sa
fille ; mais faut-il faire un crime a Poussin de
n'avoir pas songé aux blondes miss de la
chaste Albion. Ajoutons que l'exécution est
de la meilleure manière du maître : le coloris
est doux et harmonieux, les ombres ont de la
finesse et de la transparence, le dessin est
d'une pureté irréprochable. Nous ne connais-
sons pas de gravure de ce morceau exquis.
— Le n« 62 est une peinture d'une facture
plus énergique et dont la couleur est un peu
trop ardente ; mais la composition qui se dé-
roule a la manière des bas-reliefs antiques
est du style le plus savant, le plus pur : à
gauche, un vieux satyre enlace par le cou
une bacchante renversée, qui le repousse;
une autre bacchante, accourue pour défendre
sa compagne, saisit le satyre aux cheveux
et lève une amphore pour le frapper ; son
bras est retenu par une troisième bacchante,
qui danse une ronde avec deux faunes et une
autre jeune fille. Celle-ci, tout en dansant,
exprime avec la main le jus d'une grappe de
raisin dans une coupe que deux enfants se
disputent. Un hennés du dieu Pan, en l'hon-
neur de qui a sans doute lieu la danse, semble
rire de cette scène. De grands arbres s'élèvent
à gauche; une rivière coule dans le fond du
paysage, que bornent de hautes montagnes.
Ce tableau, que les Anglais ont payé 50 ,000 fr.,
a été gravé par Huart et Van Merlen.
La galerie d'Hampton-Court possède une
autre tiacchanale du Poussin, représentant
une Danse de nymphes et de faunes; nous ne
savons si c'est d'après cette composition qu'a
été exécutée une gravure qui figure dans
l'œuvre du Poussin, au cabinet des estampes
de la Bibliothèque impériale, et sur laquelle
nous avons lu le nom du célèbre amateur
Mariette et la date 1688. Voici le sujet de
cette gravure : une" femme demi-nue, sur les
fenoux de laquelle un jeune homme est en-
ormi, et dont un vieux satyre, assis près
d'elle, caresse le menton, se retourne vers un
faune qui lui présente une coupe. Un homme,
adossé à un tronc d'arbre, joue du flageolet;
un faune, agitant des cymbales, danse avec
une faunesse qui lève les mains par un mou-
vement des plus gracieux. A droite , trois
enfants puisent de l'eau ou du vin dans une
vasque de pierre que domine un terme du
dieu Pan, sur la tête duquel un manteau est
jeté. Un temple hexastyle, d'ordre corinthien,
s'élève dans le fond du tableau.
Le catalogue du musée royal de Madrid a
enregistré deux bacchanales, sous le nom de
Nicolas Poussin. Le n° 983 représente te
Triomphe de Bacchus (v. ce nom). Le n« 948
est une peinture sur bois qui n'a pas moins de
9 pieds de long sur 3 pieds et demi de large.
Au milieu d'un riant paysage qu'arrose une
rivière, des nymphes dansent eh regardant
Bacchus, près duquel Silène, engourdi par
l'ivresse, s'appuie sur un faune. Au premier
plan, une bacchante est endormie. D'autres
nymphes et des satyres sont groupés adroite.
Suivant M. Viardot, ce tableau n'est pas
l'œuvre de Poussin. Tout au plus retrouve-
t-on la touche du maître dans le fond du
paysage, qui est fort beau, mais les figures
ne sont pas de lui. « Elles ne sont pas non
plus de Poelenlmrg, & qui les attribuent
quelques uns, mais seulement dans sa manière
fine, léchée, brillantée, si éloignée du style
sévère de Poussin. •
D'autres galeries offrent encore des baccha-
nales attribuées au peintre Normand. Une
composition des plus riches en ce genre a été
gravée, en 1817, par Abraham (jirardet et
Forster, sous le titre de Fête à Bacchus : à
droite, est étendue une bacchante endormie
?ui rappelle celle de la bacchanale du Louvre
no 440) ; près d'elle, deux faunes sontaccrou-
pis à plat ventre sur le gazon, l'un ayant en-
core la force de se verser à boire, l'autre en-
gourdi par l'ivresse. Derrière la dormeuse
sont deux nymphes assises, dont l'une joue du
tympanum. Au milieu, trois bacchantes demi-
nues, un satyre et un enfant forment une
ronde. D'autres enfants jouent autour d'une
fontaine. Un satyre assis boit dans un vase
qu'il tient des deux mains. Plus loin, des fau-
nesses et des satyres dansent autour d'un
terme de Pan. Le paysage, arrosé par une
rivière sur laquelle est jeté un pont, est des
plus pittoresques. Un temple, des fabriques
diverses le décorent. — L Allemand Lips a
gravé une Fête à Bacchus, d'après Poussin.
Bacchanale OU le Triomphe de Bacchus et
d'Ariane, composition centrale du plafond de
la galerie Farnèse, à Rome, chef-d'œuvre
I d' Annibal Carrache. Le cardinal Odoardo Far-
j nèse avait appelé à Rome le célèbre peintre
bolonais, pour lui confier la décoration de
son palais (v. Palais Farnèse). Le prélat
Agucchi, chargé de désigner les sujets, voulut
BAC
que l'artiste peignit, dans la galerie, des allé-
gories de l'Amour vertueux, notamment les
fables d'Arion et de Prométhée, et, pour faire
contraste, une allégorie de l'Amour déréglé,
le Triomphe de Bacchus et d'Ariane. Annibal
Carrache a traité ce dernier sujet, sinon de
manière à éclipser les éblouissantes peintures
du Titien, du moins avec une richesse d'idées
et une grandeur de style bien propres à exci-
ter l'admirât! 3n. Deux chars occupés, l'un par
Bacchus, l'autre par Ariane, s'avancent de
front, de gauche à droite. Le dieu, jeune, im-
berbe, les épaules couvertes d'une peau de
panthère, la tête couronnée de pampres et
ceinte du bandeau bachique (crédemnon) , dont
les bouts reviennent sur la poitrine, est assis
sur le premier char que traînent deux panthè-
res, dont un enfant tient les rênes. Il regarde
de face. Son bras droit, dont la main tient un
thyrse, s'appuie sur le rebord du char; un en-
fant soutient le bras gauche, dont la main
élève une grappe de raisin. Ariane, vêtue
d'une robe flottante qui laisse l'épaule et le
bras droit à découvert, est placée sur le se-
cond char, auquel sont attelés' deux boucs
guidés par un enfant. Elle a le dos tourné,
mais elle montre au spectateur son visage
souriant. Un petit génie ailé, qui plane au-
dessus d'elle, dépose sur sa tête une couronne
royale. Silène, monté sur un âne, précède les
triomphateurs ; il est couronné de lierre et
tient une coupe vide ; appesanti par l'ivresse,
il est maintenu en équilibre par de jeunes
faunes, tandis qu'un vieux satyre, chargé
d'une outre pleine, fait avancer l'âne en le
tirant par un collier de lierre. Le faune qui
soutient à droite l'obèse divinité, souffle 6,
pleines joues dans une espèce de trompe
{cêras). Au premier plan, tout à fait à droite,
une bacchante est à demi couchée fur une dra-
perie ; un enfant ailé, un Amour s'appuie sur
elle. A l'extrémité opposée de la composition,
et pour contrebalancer ce dernier groupe, un
satyre est assis à terre et retient un bouc.
Derrière les chars, une bacchante choque des
cymbales, une autre porte une amphore sur
sa tête, et un compagnon de Bacchus, monté
sur un éléphant, ferme la marche. Au troi-
sième plan, vers le milieu du tableau, un
bacchant danse avec une bacchante, qui joue
du tympanum. Enfin, trois petits génies volti-
gent au-dessus du cortège bachique, portant,
Fun une corbeille pleine de raisins, l'autre un
vaste cratère, le troisième une amphore. Cette
magnifique peinture excita a Rome une pro-
digieuse sensation, et détermina une véritable
révolution dans l'art italien (v. Carrache).
Poussin affirmait que l'on n'avait point vu de
productions supérieures à celle -ci depuis Ra-
phaël, et ce fut à cause de ce chef-d'œuvre
que Mengs assigna à Annibal Carrache la qua-
trième place parmi les peintres italiens, immé-
diatement après Raphaël, le Titien et le
Corrége. t Tout, dans cet ouvrage, dit Lanzi,
respire l'élégance greequej la grâce de Ra-
phaël ; on y reconnaît 1 imitation non-seule-
ment de Tibaldi, le modèle favori d'Annibal,
mais aussi de Michel-Ange, et en même temps
tout ce que les Vénitiens et les Lombards
avaient ajouté de vigueur et de charme à la
peinture. Ce tableau a été le premier duquel
on ait pu dire avec justesse qu'il réunissait
tous les dons des plus grands génies des éco-
les italiennes. » La Bacchanale, d'A. Carrache,
a été gravée par Carlo Cesio, par Pietro
Aquila, par Le Blond, par Nie. Mignard.
Ajoutons, comme dernier renseignement, que
l'auteur de ce chef-d'œuvre ne retira pas plus
de 800 écus de la -décoration entière du palais
Farnèse! Malgré son extrême désintéresse-
ment, il conçut un profond chagrin de l'injus-
tice qui lui fut faite ; ce chagrin le tua...
Bacchanale, tableau de Jean-Marie-Pierre,
gravé par Preisler, à Copenhague (1752).
Vers le milieu, de la composition, un peu à
gauche, une femme nue se renverse en ar-
rière sur une draperie blanche, entre deux
autres femmes assises. Près d'elles, un satyre
debout exprime dans une coupe le jus d'une
grappe de raisin; un deuxième, engourdi par
livresse, dort appuyé sur un cratère. Adroite,
d'autres groupes de femmes et d'enfants bu-
vant ou dormant. Au second plan, un gros
Silène, assis près d'une fontaine, joue d une
espèce de flageolet.
BACCHANALEME s. f. (ba-lia-na-le-rî ).
Syn. de bacchanale, dans Je sens d'orgie
bruyante. Il Peu usité,
BACCHANALISER v. n. ou intr. (ba-ka-na-
li-zé — rad. bacchanale). Faire du bruit, se
livrer à la débauche : Ils ont bacchanalisb
toute la nuit.
BACCHANELLI ou BACCANELC1CS (Jeanl,
médecin italien, né à Reggio, vivait dans le
xvte siècle. Il a compilé un Recueil des apho-
rt'smes des médecins grecs et arabes, souvent
réimprimé, et qui est eucore curieux et utile
à consulter.
BACCHANT s. m. (ba-kan — rad. Bacchus).
Antiq. Nom gué l'on donnait aux prêtres de
Bacchus et à des hommes qui, déguisés en.
satyres ou en faunes, se mêlaient aux bac-
chantes dans la célébration des fêtes du
même dieu : Tous les génies nue l'art ou la
poésie transforma en suivants de Bacchus sont
des bacchants. (A. Maury.) On s'habitua dès
lors à voir dans les bacchantes et les bacchants
des acteurs de thiasos. (A. Maury.) A la voix
de leur dieu, les bacchants déguisés en faunes,
en satyres, parcouraient comme des furieux les
BAC
campagnes, effrayaient les habitants par leurs
hurlements et par le bruit éclatant des flûtes et
des trompettes. (Dolb.)
BACCHANTE s. f. (ba-kan-te — rad. Bac-
chus). Prêtresse de Bacchus. femme qui célé-
brait ics bacchanales ; Les bacchantes sont
aussi appelées ménades Une mode qui éloi-
gne les cheveux de la tête , bien qu'ils ne
croissent que pour l'accompagner, qui les hé-
risse et les relève à la manière des bacchan-
tes. (La Bruy.) En vérité, pensa Gringoire,
c'est une salamandre, c'est une nymphe, c'est
une déesse, c'est une bacchante du mont Mé-
naléon. (V. Hugo.)
Elle vole, pareille a lu jeune bacchante.
Delills.
L'œil ardent, lo soin nu, la troupe des bacchantes
Bondit; le vent se joue en leurs tresses flottantes.
Mollevaut.
Lève-toi, les seins nus! couronne-foi de fleurs!
Sois pleine de ion dieu, flère bacchante antique!
Entr'ouvre sur tes flânes les plis de ta tunique.
H. Castel.
— Par anal. Femme à qui l'ivresse ou la
lubricité a fait perdre toute réserve : Chacun
des chevaux portait deux ou trois poissardes,
sales bacchantes, ivres et débraillées. (Cha-
teaub.) Ici des bacchantes échevelées, le thyrse
en main , au bras de marquis fiers de leur
toupet à l'escalade ; plus loi», des villageoises
en bomiet aux navets, et des comtesses coi/fées
en vargelle. (Rog. de Beauv.)
— Nom donné par Fourier à des femmes
qui, dans son système, sont aussi nécessaires
que les vestales, bien qu'il leur attribue des
fonctions toutes différentes : Aussi, à côté des
bacchantes cm exercent la vertu de fraternité
et qui se vouent au plaisir de tout le genre hu-
main, on trouvera des vestales, des jouvencelles
d'une fidélité assurée. (Fourier.)
— B.-arts. Représentation d'une de ces
prêtresses do Bacchus : La bacchante se roule
sur sa peau de tigre avec une fureur orgiaque
admirablement rendue. (Th. Gaut.)
— Entom. Nom vulgaire d'un lépidoptère
diurne, du genre satyre ; joli insecte que son
vol saccadé a fait comparer à une personne
ivre. C'est le papilio dejanira de Linné.
— Bot. Syn. de baccharide.
— Epithétes. Folle , furieuse , échevelée,
demi-nue, insenséererrante, vagabonde, ivre,
enivrée, amoureuse, rieuse, joyeuse, folâtre.
— Encycl. Les premières bacchantes furent
les nymphes nourrices de Bacchus, qui le sui-
virent plus tard a la conquête de l'Inde. Pour
la célébration des fêtes, les bacchantes, qu'on
nommait aussi ménades, étaient le plus sou-
vent demi-nues, la tète couronnée de pam-
pre et de lierre ; elles avaient le thyrse à la^
main, couraient avec des flambeaux, la nuit,
à travers les rues et les canipngnes, au Son
des instruments, en répétant sans cesse le cri
à'Evohé, Bacche! Les poètes les ont repré-
sentées avec une chevelure de serpents vi-
vants, déchirant avec leurs ongles de jeunes
taureaux et mangeant leur chair crue ; mais,
par un heureux contraste, chaque fois que
dans leurs danses elles frappaient la terre du
pied ou de leur thyrse, elles en faisaient jaillir
des flots de lait, de miel et de vin. Primitive-
ment, les bacchantes devaient être des vierges,
et la décence présidait à leurs rites ; mais,
dans la suite, ces fêtes dégénérèrent en orgies
grossières. V. Bacchanales.
Le nom de bacchante est resté comme une
injure, pour désigner une femme dépravée,
livrée il tous les désordres de l'intempérance
et au délire des passions.
Buccbaiiies ( REPRESENTATIONS ANTIQUES
des) . Sur les monuments de l'art gréco-romain ,
les bacchantes sont ordinairement représen-
tées jçunes, pleines de fougue et à la fois d'un
voluptueux abandon, tantôt demi-nues et cou-
vertes seulement de peaux de chèvre {né-
bridé) ou de panthère (pardalide) passées en
écharpe, tantôt vêtues de robes légères et
transparentes, descendant jusqu'aux pieds
(bassaris). Des guirlandes de pampre ou de
lierre leur servent de ceintures. Leurs che-
veux flottent en désordre sur leurs épaules.
Elles portent des flambeaux allumés ou des
thyrses, ou bien elles dansent en s'accompa-
gnant du tympanum , des cymbales et des
crotales. Leurs attributs distinctifs sont le
phallus, le vase sacré et le ciste mystique
renfermant un serpent. Voici quelles sont les
représentations antiques les plus remarqua-
bles qui soient parvenues jusqu'à nous : 1» Bas-
relief en marbre, au musée du Capitolej publié
par Winckelmann dans ses Monumenti mediti ;
il représente trois bacchantes dansant avec
un faune nu. L'inscription Kaaaimaxos EHOlEl
(Callimaque le faisait) qui se lit sur ce bas-
relief a fait penser à Visconti que ce pouvait
être une copie d'un ouvrage du célèbre sculp-
teur grec. « Nous y voyons, dit Emeric David,
que Callimaque n avait pas entièrement aban-
donné le style éginétique. Ce style ne se re-
trouve pas seulement dans les attitudes et
dans les draperies où l'auteur pourrait avoir
été obligé de suivre les types anciens , il se
fait encore remarquer da"hs le dessin des par-
ties nues, sur lesquelles le maître a dû impri-
mer son cachet particulier; » — 2° Bas-reliof,
au musée Pio-Clémentin (no 94), provenant ae
fouilles faites dans la Terre du Labour : on
y voit deux femmes placées .près du taureau
dionysiaque et d'une espèce de foculus entouré
de bandelettes, ce qui les a d'abord fait prendre
pour deux prêtresses offrant un sacrifice; mais
BAC
BAC
BAC
BAC
21
on n reconnu depuis en elles des bacchantes
tétant Bacchus tauromorplie ; — 3» Bas-relief,
au musée Chiaramonti (n° 68) : bacchante dan-
sant devant un Priape; — 4° Statue colossale
en marbre de Luni, au musée Capitolin : bac-
chante vêtue d'une ample tunique, d'une sur-
tunique et d'un manteau dans le pan duquel
elle porte des raisins ; — 5o Statue en marbre
pentélique, au Vatican : elle a une tunique
longue qu'elle relève de la main droite de ma-
nière à découvrir la jambe. Le mouvement de
cette figure est peu animé; la tête, qui est
rapportée, est bien celle d'une bacchante, mais
M. de Clarac croit qu'elle a été ajustée sur le
corps d'une faunesse ; — 6° Statue colossale en
marbre de Luni, à, la villa Albani : les bras
sont cassés, mais le mouvement des épaules
indique que la bacchante jouait des crotales,
et celui des jambes et de la nébride, qu'elle
dansait; — 7° Statue en marbre grec; plus
grande que nature, au musée du Capitole :
Jemme âgée assise à terre et paraissant en
état d'ivresse; elle tient des deux mains une
bouteille, et on voit une grappe de raisin dans
sa main gauche. Bottari fait le plus grand
éloge de cette statue, qu'il croit être une copie
de la Vieille femme ivre, chef-d'œuvre du cé-
lèbre sculpteur grec'Myron. Elle a été trouvée
près de la voie Nomentana, a décoré pendant
longtemps le palais Verospi et a appartenu au
cardinal Ottoboni; — 8° Statue colossale en
marbre pentélique , au Vatican : bacchante
dansant. Elle a la tête couronnée de lierre et
ceinte du crédemnon; elle est vêtue d'une
tunique longue, sans manches et sans cein-
ture, et se drape dans un péplum dont elle
tient un bout au-dessus de son épaule et l'autre
bout sur la cuisse. Cette figure, d'un bon style,
provient du palais Colubrano, à Naples; —
9" Statue en marbre pentélique, au Louvre :
femme debout près d'un cep de vigne, relevant
sa tunique pour soutenir des raisins; attitude
pleine à élégance. » On pourrait voir dans cette
ligure, dit M. de Clarac, soit une figure allé-
gorique de YAutomne, soit la fille d'Icarius,
Erigone, que Bacchus séduisit en se changeant
en grappe de. raisin, p Cette statue provient de
la villa Borghëse ; — 10° Statue en marbre, de
grandeur naturelle, au Louvre : jeune femme
tenant de la main droite abaissée une coupe
pleine de raisins et portant la main gauche
vers le côté droit où se trouve la nébride ;
elle est vêtue d'une tunique légère, retenue
par une fibule sur une épaule et laissant l'autre
épaule à découvert. La simplicité de l'attitude
et l'expression modeste du visage ont fait
croire àquelques archéologues que cette statue
était celle d'une prêtresse de Bacchus et non
d'une bacchante : elle décorait autrefois le
château de Luciennes; — 11° Statue en marbre,
au musée de Dresde, provenant de la collec-
tion Chigi : jeune femme debout, vêtue d'une
tunique courte et d'une nébride dans les plis
. de laquelle elle porte un petit chevreuil,
i". de Clarac croit que cette figure est celle
e Diane. Les attributs bachiques, le erédem-
lon, la couronne de lierre, le raisin que tient
la main droite, sont dus à une restauration
moderne ; — 12" Statue en marbre grec, collec-
tion Marconi, a Rome : la pose est celle que
l'on voit ordinairement aux statues de Mi-
nerve ; la bacchante s'appuie d'une main sur
un long thyrse et de l'autre main tient une
flûte. Elle a trois tuniques superposées de lon-
gueurs inégales, l'une talaire, l'autre descen-
dant jusqu'aux genoux, la troisième à la nais-
sance des cuisses ; — 13° Statue eu marbre, au
musée Pio-Clémentin (no 73) : bacchante en-
dormie. Elle a un serpent enroulé autour du
bras. Visconti pense que cette figure pourrait
être une statue-portrait, placée primitivement
sur un tombeau ; ce qui expliquerait pourquoi
l'attitude est plus calme , plus décente que
chez les figures ordinaires de bacchantes. Il
est à remarquer que cette statue, comme beau-
coup de statues sépulcrales, n'est pas entière-
ment exécutée en plein relief; à part les
extrémités et les autres parties qui font natu-
rellement saillie et s'isolent, le corps est plus
platque ne le comporte la nature ; — uo Statue
en marbre, au Louvre : bacchante endormie,
provenant de la villa Borghèse. M. de Clarac
croit que cette figure est désignée k tort comme
celle d'une nymphe ; car elle n'a pas d'urne,
attribut ordinaire de cette sorte de divinités ; —
15" Peinture découverteàPompéi, Musée degli
Studj: bacchante nue assise sur une panthère '
marine ; le corps incliné, elle se retourne pour
lui verser du vin dans une coupe plate. « Jo-
lies formes, pose gracieuse, » dit M. Lavice; —
16° Peinture découverte à Pompéi, au musée
secret : bacchante attaquée par un faune ; un
genou en terre, elle tient par la barbe son ad-
versaire renversé sur le dos et se retourne
d'un air peu courroucé. Son attitude a de la
grâce ; ses beaux cheveux retombent en bou-
cles sur le dos. Le visage du faune est caché
par le bras de la femme.
Bacchantes (REPRÉSENTATIONS MODERNES
des). « Au seul nom de bacchantes, dit Mon-
gez, l'imapination des artistes modernes s'en-
flamme; ils ne croient jamais rendre avec
assez de force la fureur et l'ivresse de ces
- femmes .perdues de luxure et de vinj et ils
donnent a leurs visages des traits aussi forcés
que le sont les attitudes de leurs corps.
Wlnckelmann leur apprendra que ces carica-
tures sont contraires à l'idée de la joie que les
anciens exprimaient sur les monuments. Elle
n'était jamais éclatante; c'était l'expression
simple et douce du contentement et de la sé-
rénité de l'âme. Sur le visage d'une bacchante,
dit-il, on ne voit briller pour ainsi dire que
l'aurore de la volupté. Les anciens donnaient
aux visages des bacchantes le caractère de la
grâce comique, qui consiste le plus souvent
dans un sourire de gaieté, exprimé par les
angles de la bouche tirés en haut. • On peut
voir' par la description que nous avons donnée
des bacchanales peintes par Raphaël, Le Titien,
Nicolas Poussin, que ces grands artistes sont
restés fidèles, dans leurs figures de bacchantes,
aux traditions de l'antiquité. Le musée des
Offices, à Florence, possède une Bacchante
couchée, peinte par Annibal Carrache dans le
même sentiment : elle a le corps relevé et vu
de dos, et tourne la tête à gauche, vers un
faune, de façon à nous montrer son joli profil
grec. Un amour voltige au-dessus d'elle. Par
la suite, les peintres et les sculpteurs substi-
tuèrent généralement au type gracieux de
l'art antique une figure de femme avinée et
lascive. La description des innombrables com-
positions de ce genre enfantées par l'art mo-
derne et principalement par la statuaire serait
fastidieuse pour nos lecteurs. Il nous suffira
de citer les ouvrages suivants qui ont figuré
aux dernières Expositions de Paris : Salon de
1847 : Bacchante jouant avec un jeune faune,
groupe en plâtre , "par M. Deligand. — Salon
de 1848 : Jeune bacchante, statue en marbre
de Paros, par M. Victor Bernard ; Bacchantes,
statue en marbre, par M. Clésinger; statuette
en bronze par M. Jaley; Bacchante faisant
danser un enfant, groupe en plâtre, par
M. Schœnewerk (le bronze a été exposé en
1861). — Salon de 1S49 : Bacchante, statue en
marbre, par M. Jaley. — Salon de 1851 : Bac-
chante, statuette en ivoire, par M. Cubisole,
— Salon de 1853 : Bacchantes, statue en mar-
bre, par M. Barazzi; statue en marbre, par
M. Christophe Moore; statuette en marbre,
par M. Cubisole; buste en marbre, par M. Pol-
let. — Salon de 1855 : Bacchante agaçant une
panthère, groupe en marbre, par M. Cavelier
(v. ci-après) ; Bacchante enseignant la danse
à un satyre, groupe en plâtre, par M. Corpo-
randi ; Bacchantes , statue en marbre , par
M. Jaley ; deux bustes en marbre, par M. Pol-
let, « ouvrages qui ont de la souplesse et de
la vie, «suivant M. Th. Gautier; statue en mar-
bre, par M. Luigi Marchesi, sculpteur mila-
nais ; statue en plâtre, par M. Dutrieux, artiste
belge; Bacchante et faune, groupe en plâtra,
par Al. Jacquot; Bacchante couchée, statue en
plâtre par M. Molin, sculpteur suédois. — Sa-
lon de 1857 : Bacchante, buste en marbre, per-
sonnification de l'Automne, par M. A. Arnaud;
Bacchante et satyre, groupe en bronze, par
M. Crauck ; Bacchante et faune , groupe en
marbre, par M. Début; Bacchante, statue en
bronze, par M. L. Kley. — Salon de 1859 ;
Bacchante, statuette en plâtre, par M. Bau-
gillon (le bronze a été exposé en 1804); statue
en plâtre, par M. Chambard; Bacchante et
satyre, groupe en marbre, par M. Crauck;
Bacchante moderne , buste en marbre , par
M. Frison; buste de Bacchante (étude des
principes de l'art grec), par M. Le Père. —
Salon de 1861 : Bacchantes, buste en marbre,
par M. Franzoni ; statue en plâtre, par M. N.
Jacques. — Salon de 1863 : Bacchantes, buste
en marbre, par M. L. Auvray ; statue en mar-
bre, par M. Carrier-Belleuse (v. ci-après);
statuette en marbre, par M. Clésinger. — Sa-
lon de 1804 : Bacchante, buste en marbre, par
M. Lebroc. — Salon de 1865 : Bacchante, sta-
tue en plâtre, par M. Labarbera; Bacchante
jouant avec une panthère, groupe en plâtre,
par M. J. Gautier.
Bacchante et Satyre , groupe en marbre ,
par Pradier; Salon de 1834. Une bacchante,
pressée par un satyre amoureux , cherche à
se dérober à ses caresses ; mais il y a dans sa
résistance une grâce voluptueuse , une mu-
tinerie provocante qui font présager une
prompte défaite. Gustave Planche a dit de ce
morceau remarquable : « On y trouve bien des
parties qui, sans rappeler littéralement les
statues antiques, ont cependant avec l'art
grec une parenté si intime et si frappante,
qu'on est forcé de s'expliquer le travail de
1 auteur, plutôt d'après les lignes qu'il avait
dès longtemps gravées dans sa pensée, que
d'après la nature qu'il avait sous les yeux.
Cette fois-ci encore, comme dans les précé-
dents ouvrages de M. Pradier, les deux têtes
sont nulles. Il semble qu'il ait pris le parti de
n'attacher aucune importance a l'achèvement
et à l'expression du visage... Toute la partie
antérieure du torse de la bacchante est traitée
avec une souplesse, une élégance, une préci-
sion très-remarquables. Enfoui à quelques
lieues de Marseille ou de Nîmes, ce morceau
serait de force à mystifier plus d'un anti-
quaire. Le bras gauche du satyre est modelé
avec une richesse et une vérité très-rares. La
draperie est systématique et sèche. Si , après
avoir admiré fa vérité locale de ce groupe, on
vient a rechercher la vérité vivante et géné-
rale, on est loin d'être aussi satisfait. Ainsi,
par exemple ? la contraction musculaire du
bras gauche du satyre , très-bien rendue, est
assurément exagérée. La résistance de la
bacchante n'est pas assez vive, assez opi-
niâtre pour motiver un effort aussi énergique.
J'en dirai autant des impressions -digitées, in-
scrites Bi habilement sur le torse et principa-
lement sur les côtes du satyre. Il y a là un
grand talent d'exécution; mais ces impres-
sions supposent des contractions musculaires
que l'attitude du satyre n'explique pas suffi-
samment. Ce qu'il faut louer dans le groupe
de M. Pradier, c'est une merveilleuse inter-
prétation de l'antiquité... » Cette oeuvre capi-
tale de notre grand sculpteur fait partie de la
collfection Demidoff. Un autre groupe de Pra-
dier représentant un Centaure et une Bac-
chante, figure au musée de Rouen.
Baccbante npacnnt une panlbère, groupe
en marbre, par M. Cavelier; Salon de 1855.
Une jeune temme tourne autour d'un stèle
couronné par une tête de Bacchus indien, en
excitant une panthère par l'appât d'une grappe
de raisin. • Les draperies légères que sou-
lève la rapidité de la course, dit M. Th. Gau-
tier, tourbillonnent autour de la bacchante
comme une blanche écume , ne dérobant qu'à
demi ses formes jeunes et charmantes ; la tête
a le sourire mystérieux et les yeux moqueurs
de l'ivresse sacrée. La panthère , fascinée,
s'élance après la tunique flottante , mais elle
rentre ses griffes et fait patte de velours, comme
un chat familier qu'excite sa maîtresse. »
Suivant M. Maxime Ducamp, « ce groupe,
mouvementé circulairement autour du cippe,
tirebouchonne peut-être un peu trop, mais il
est gracieux, vif et animé. Les draperies, très-
légèrement traitées lorsqu'elles couvrent les
jambes, deviennent, en s'agitant, d'une roi-
deur pius pesante qu'il ne convient. »
Bnrcliaiitci , statue de marbre, par M. Car-
rier-Belleuse ; Salon de 1863. La bacchante
suspend une offrande à un buste de Priape,
idole. en style archaïque, a Cette bacchante,
a dit M. Th. Gautier, est peut-être d'une beauté
un peu moderne; mais quelle grâce, quelle
souplesse, quelle vie, quelle volupté I On
dirait que le marbre cède , comme l'argile ,
sous les doigts de M. Carrier. »
Bacchantes { r.ES ) , tragédie d'Euripide.
Chose singulière I Voici l'un des chefs-d œu-
vre du théâtre grec, un drame admiré de toute
l'antiquité, et qui n'a pu se concilier l'estime
ou la sympathie des critiques modernes, jus-
qu'au jour où Schlegel est venu détruire une
erreur invétérée, en formulant un jugement
plus équitable.
Cette pièce a pour sujet l'arrivée de Bac-
chus à Thèbes et la mort terrible de Penthée,
qui fut mis en pièces par sa mère et par sa
sœur ; Ovide a traité le même sujet dans le
IIIo livre de ses Métamorphoses, Avant de
passer outre, il est indispensable de présenter
quelques remarques historiques, empruntées
k la savante étude de M. Patin, et qui rédui-
sent à néant les réticences, les censures et les
dédains de Brumoy, de Prévost et de La
Harpe. « Il était naturel qu'à Athènes, où la
tragédie était sortie du dithyrambe, où ses re-
présentations étaient restées un des acces-
soires du culte de Bacchus, où les acteurs
s'appelaient artistes de Bacchus ; le théâtre ,
théâtre de Bacchus ; où, sur les murailles du
temple voisin de cet édifice, et aussi consa-
cré a Bacchus, étaient peintes les principales
aventures du cycle dionysiaque; il était na-
turel , disons - nous , que l'histoire du dieu
fournît beaucoup de sujets aux poètes tra-
giques. > M. Patin donne, en effet, un cata-
logue raisonné de ces drames légendaires.
Il ressort de cette récapitulation « que rien
n'était plus commun, sur le théâtre de Bac-
chus, dans les représentations dramatiques
ramenées par les fêtes du dieu, que des tra-
gédies empruntées à son histoire. ■
Voilà une première réponse ; en voici une
seconde, d'ordre différent : • D'où vient, entre
les anciens et les modernes, un tel désaccord
dans la manière d'apprécier l'œuvre du poëte ?
De la diversité du point de vue. Nous sommes,
nous, dans les Bacchantes, moins charmés de
la forme que blessés du fond, pour lequel les
anciens étaient et devaient être indulgents.
Une divinité toute sensuelle, une divinité qui
se venge, et si cruellement, ne les révoltait
S oint : le poète avait dû accepter ces données
e la tradition ; ils les acceptaient du poste
sans difficulté, a la condition toutefois que, de
cette fable consacrée, il saurait tirer des effets
touchauts, terribles, poétiques. »
Voyons maintenant si cette tragédie reli-
gieuse répond aux assertions de La Harpe,
qui l'appelle « une espèce de monstre dra-
matique en l'honneur de Bacchus une
fable atroce, » où Euripide a mêlé « le délire
des orgies et le ridicule de la farce. » C'est
ici qu'il faut citer l'appréciation plus éclai-
rée de Schlegel, aussi mauvais arbitre que
La Harpe en mainte circonstance, mais ad-
mirablement'inspiré au pied de cette statue,
taillée en plein Paros, qu'il a eu l'honneur de
remettre en haute estime auprès des secta-
teurs enthousiastes de l'art. « Les Bacchantes
représentent, de la manière la plus vive et la
plus frappante, ce délire inspiré qui, partie
essentielle du culte de Bacchus, saisissait les
Srêtresses de ce dieu et se répandait autour
'elles. L'incrédulité opiniâtre de Penthée et
la punition terrible qu il reçoit des mains de
sa propre mère , forment un tableau très-
hardi : l'effet théâtral de cette pièce devait
être extraordinaire. Il faut se figurer le chœur
des bacchantes, telles qu'on les voit sur les
bas-reliefs, les cheveux épars et vêtues de
draperies flottantes, tenant à la main des tam-
bourins, des cymbales et d'autres instruments,
se précipitant dans l'orchestre et y exécutant,
au oruit d'une musique éclatante, leurs danses
tumultueuses... >
On trouve, dans le tome VIII du Théâtre
des Grecs, du P. Brumoy, une longue ana-
lyse de la pièce des Bacchantes. Nous n'en
présentons qu'un sommaire très - succinct.
Bacchus vient pour établir à Thèbes le culte
de sa divinité ; il paraît sous la figure d'un
beau jeune homme : les dames thébaines for-
ment bientôt un parti favorable à l'étranger.
Mais le roi Penthée, à qui l'on veut faire re-
connaître l'origine du fils de Jupiter, annonce
que, si le prétendu dieu ne sort pas de Thè-
bes, il le fera mettre à mort. Le dieu méconnu
rend fou le monarque, pour châtier le doute
injurieux que celui-ci ose témoigner. Le roi
de Thèbes a si complètement perdu la raison,
qu'il prend le thyrse, revêtunerobe de femme,
et se fait eoitfer sur le théâtre par Bacchus
même. Penthée finit par être mis en pièces
par sa mère Agave, que le dieu a aussi rendue
folle, et qui revient sur la scène, rapportant
la tête sanglante de son fils, qu'elle prend
pour une tête de lion.'
Examinons la marche et la physionomie du
drame à un autre point de vue. Bacchus rem-
Elit toute la scène, décorée de tous les attri-
uts de sa divinité et de sa puissance. Pour
les acteurs, c'est un jeune serviteur du dieu,
doux, aimable et beau, dont le courroux s'arme
seulement d'ironie; pour les spectateurs, c'est
le dieu lui-même, tantôt le plus bienfaisant,
tantôt le plus redoutable des dieux. Au double
caractère de bonté charmante et d'implacable
ressentiment correspond un contraste analo-
gue entre deux classes de bacchantes. Celles
qui composent le chœur, suivantes dociles du
dieu, n'en éprouvent que les salutaires in-
fluences ; les autres, entraînées par la puissance
irrésistible du même dieu, se livrent à des fu-
reurs délirantes, à une force de destruction
effroyable. Il était impossible de peindre d'une
manière plus saisissante la nécessité de rendre
à Bacchus le culte qu'il exige des mortels.
La pièce d'Euripide a pour caractère une
inspiration dithyrambique, pleine d'éclat, de
mouvement et de pompe. Le chœur, abandon-
nant son attitude régulière, bondissait en tu-
multe au son de la cymbale et de la flûte phry-
gienne. Mais toutes ces séductions extérieu-
res n'enlevaient pas à l'ceuvre du poëte ces
traits pathétiques, pris dans le vif de la na-
ture, qui font le principal caractère de son
génie.
Un prologue ouvrait le spectacle. Dans
cette espèce de préface, le dieu s'annonçait
lui-même aux spectateurs. Cette introduction
est magnifique d'ampleur et de couleur locale.
L'étude des oeautés littéraires de toute la pièce "
a été faite en détail par M. Patin, avec une
rare sagacité ; il était difficile d'y apporter
plus d'érudition.
Les Bacchantes furent données l'année
même de la mort du poëte, ou l'année sui-
vante, par Euripide le jeune, à Athènes. Nulle
pièce ne fut plus admirée dans l'antiquité. On
rencontre partout sa trace chez les poètes,
qui empruntèrent à cette tragédie des allu-
sions, des images, des expressions, des ta-
bleaux, des exemples, et jusqu'à des motifs de
parodie. 11 faut admirer de nouveau, dans ce
chef-d'eeuvre si longtemps méconnu, un art
arrivé à sa pleine maturité et un génie aussi
sûr de ses combinaisons qu'il est original dans
le relief des caractères et dans la mise en
scène de son drame.
BACCHARIDE s. f. ( ba-ka-ri-de — rad.
Bacchus). Bot. Genre de plantes de la famille
des composées, tribu des astéracées, très-voi-
sin des conyzes, et comprenant plus de deux
cents espèces, dont la plupart sont des ar-
brisseaux qui croissent en Amérique, il On
dit aussi baccharis et bacchante.
— Encycl. Le genre haccharide a pour
caractères : capitules multifiores, dioïques;
corolles homogames , tubuleuses ; réceptacle
nu ou subpaléacé dans un petit nombre d'es-
pèces ; involucre hémisphérique ou allongé,
plurisérié, imbriqué. Le genre baccharide est
très-voisin du genre conyze, dont il ne diffère
3ue par ses fleurs dioïques. Il comprend plus
e deux cents espèces originaires d'Amérique,
d'Afrique ou de Syrie, dont deux seulement, la
baccharide de Virginie, ou séneçon en arbre,
et la baccharide à feuilles de laurier rose, sod*
cultivées dans nos jardins.
La baccharide de Virginie ( baccharis hati-
mifolia) croît sur la côte orientale des Etats-
Unis, depuis le Maryland jusqu'à la Floride.
C'est un arbrisseau de deux à quatre mètres,
à feuilles persistantes , un peu épaisses , ob-
ovales, cunéiformes, ponctuées et bordées
de larges dents inégales ; à fleurs blanchâtres,
disposées en petits capitules dioïques. La
baccharide de Virginie est remarquable par sa
couleur grisâtre et argentée ; elle fleurit en
septembre et en octobre: les longues soies
blanches qui couronnent les graines font un
très-bel effet. Cette plante est généralement
employée à l'ornement des bosquets , mais on
s'en sert aussi pour faire des haies d'un aspect
charmant. Elle se reproduit de graines , de
drageons, de marcottes et de boutures. Les
semis se font au printemps. On enterre légè-
rement les graines dans des terrines remplies
de terre de bruyère et placées sur une couche
à châssis. Le plant n'est mis en pleine terre
que lorsqu'il est en état de résister aux hivers
ordinaires , c'est-à-dire quand il a atteint
environ o m. 70 de hauteur. La baccharide de
Virginie craint les hivers rigoureux, et il n'est
pasrare de la voir geler ; elle n'est pas cepen-
dant perdue pour cela; il suffit de la couper
rez terre, au commencement du printemps,
22
BAC
BAC
BAC
Bac
pour qu'elle repousse de nouveaux jets tout
aussi vigoureux que les premiers.
La baccharide à feuilles de laurier rose
(baccharis neriifolia) est indigène du Cap.
Sous le climat de Paris, elle passe l'hiver en
serre chaude. Ses feuilles sont dures, glabres,
persistantes , lancéolées , à bords repliés en
dessous , d'une couleur un peu ferrugineuse
dans leur jeunesse ; ses fleurs sont disposées
en petites grappes au sommet des branches.
BACCHARIDE, ÉE OU BACCHAROÏDE adj.
( ba-ka-ri-dé, ba-ka-ro-i-de). Bot. Qui res-
semble à une baccharide.
— s. f, pi. Sous-tribu de la famille des com-
posées, ayant pour type le genre baccharide,
et classée, la cinquième, par M. Brongniart,
dans la tribu des astôracées.
BACCHAS s. m, (ba-kâss). Comm. Lie du
jus de citron.
BACCHE adi . Se dit quelquefois pour bac-
chique ou bacckiaque.
BACCHÉide s. f. (ba-ké-i-de — du gr.
Bakchos , Bacchus-, eidos, forme, ressem-
blance). Littér. Poëme héroï-comique, dont
îe sujet est le vin : S'il était venu me con-
sulter, je lui aurais indiqué le plus beau sujet
du monde, un poème sur le vin, la bacchéide.
(Balz.)
BACGI1E10S, surnom de Dionysos ou Bac-
chus, a Sicyone et a Corinthe, où, symbole
caractérisque, sa statue de bois doré avait la
face colorée d'un rouge éclatant.
BACCHIA s. f. (ba-ki-a). Chorégr. Danse
vive, à deux temps, en usago chez les
Kamtschadales, qui marquent la mesure en
frappant des pieds et poussant de forts gémis-
sements. Elle ressemble à la danse connue
sous le nom de danse de l'ours.
BACCH1ADES, famille corinthienne issue
de Bacchus , composée de deux cents mem-
bres, et qui exerça despotiquement le pouvoir
souverain de 777 à G55 av. J.-C. Les Buc-
chiades gouvernaient la cité par des prytanes,
magistrats annuels tirés exclusivement de
leur sein. Cypsélus délivra Corinthe de cette
oligarchie , mais s'empara en même temps de
la tyrannie.
BACCH1AQUE adj. ( ba-ki-a-ke — rad.
bacchius). Prosod. Se dit d'un vers qui n'est
composé que de bacchius. il On dit aussi
BACCHIQUE.
— s. m. Pied composé d'une syllabe brève
suivie de deux longues, il Nom impropre de
l'antibacchique, qui est composé de deux
longues et d'une brève, il Vers composé de
quatre bacchius, c' est-a-dire de quatre brèves
alternées avec huit longues disposées deux
à deux. Ce vers , trop monotone, ne s'em-
ployait guère seul.
BACCHIDE s. f. ( ba-ki-do — rad. Bac -
chus). Antiq. gr. Prêtresse de Bacchus. Il
Sorte de devineresse. Dans ce dernier sens,
on écrit aussi bacide.
— Entom. Genre d'insectes diptères, voisin
desnérées, comprenant quatre espèces qui
vivent généralement dans les caves, sur le
vin exposé à l'air, et sautillent quand on veut
les prendre.
BACCH1DÈS, eunuque de Mithridate, qui,
après avoir été vaincu par Lucullus, le chargea
de tuer sa femme et ses enfants. Appien le
nomme Bacchus.
BACCIUDÈS, général de Démétrius-Soter
et gouverneur de la Mésopotamie, combattit
Judas Macchabée et le vainquit. Le héros juif
périt dans la bataille ; mais son frère, Jona-
thas, le vengea par la défaite de Bacchidès,
qu'il força à s'enfuir de' la Judée.
BACCHIE s. f. (ba - kî — r&i. Bacchus). Méd.
Sorte do tache rougeâtre qu'on remarque
sur le visage et surtout sur le nez des
ivrognes.
BACCHIGLIONE, le Medoacus rninor des
Romains , rivière des Etats autrichiens (Vé-
nétie), formée de différents ruisseaux qui se
réunissent au N. de Vicence, arrose cette ville
et Padoue , et se divise en deux branches,
près de Chioggia : l'une communique avec la
Brenta; l'autre, plus considérable, tombe dans
l'Adriatique. Cette rivière , navigable entre
Vicence et Padoue, donna son nom, de 1806
a 1814, a un département du royaume d'Italie,
dont le chef-lieu était Vicence.
BACCHILIQUE s. f. (ba-ki-li-ke — rad.
Bacchus). Chorégr. anc. Sorte de danse en
l'honneur de Bacchus, qui s'exécutait au son
des sistres, des cymbales , des tambours, et
était accompagnée de chants dithyrambiques.
BACCHINE s. f. (ba-ki-ne). Bot. Légu-
mineuse des Indes.
IUCCHIM (Benoit), bénédictin et savant
littérateur, né dans le duché de Parme en 1651,
mort en 1781. Ses travaux les plus importants
sont : Giornale dei leiterati d'Italia ; Dell' Isto-
ria del monastero di San-Benedetto di Poli-
rone (Modène, 1G96), où il inséra une histoire
détaillée de la célèbre comtesse Mathilde ; De
Ecclesiasticœ hiérarchies originibus disserta-
tio, etc.
bacchionite s. m. (ba-ki - o -ni-te).
Antiq. gr. Nom donné à des philosophes qui
professaient un souverain, mépris pour les
choses de la terre.
BACCHIQUE. V. bacchiaqub.
BACC1I1S, célébra courtisane de Samos,
dont parle Atliônéc. Elle se distingua des
femmes de sa profession par son désintéres-
sement et sa modestie. Sa voix enchanteresse
était comparée au chant séducteur des sirènes.
On l'appelait t l'honneur des courtisanes et
l'apologie vivante de leur profession. » On eût
mieux fait de l'en appeler n la censure; » car
ses compagnes, humiliées par le contraste que
faisait sa conduite avec la leur, versaient à
pleines mains le ridicule sur ses qualités esti-
mables. Aucune biographie ne parle de ce
modèle dans la débauche, et nous-même, en
dépit de cette notice, nous éprouvons une cer-
taine incrédulité à l'égard de ce rara avis : ce
n'est pas à Bedlam que l'on décerne le prix de
sagesse, ni a Toulon des prix de vertu.
Baccbis (les deux), comédie de Plaute,
Un jeune homme, appelé Mnésiloque,a quitté,
depuis deux ans, Athènes par l'ordre de son
père Nicobule,pour aller à Ephèse recouvrer
une somme d'argent que le vieillard a laissée
entre les mains d'un ami. Inquiet du sort de
sa maîtresse Bacchis, Mnésiloque a chargé
son ami Pistoclère de s'en informer. Bacchis
a une sœur jumelle, qui porte le même nom
qu'elle et se livre également au métier de
courtisane , et Pistoclère prend celle-ci pour
la maîtresse de son ami. Dans les visites qu'il
lui rend pour remplir la mission que lui a con-
fiée Mnésiloque, il en devientamoureux et suc-
combe a la séduction , tout en s'accusant de
trahir un ami. Néanmoins, le plaisir lui fait
bientôt oublier ses remords ; mais il est troublé
dans son bonheur par les remontrances de son
pédagogue , censeur intraitable qui s'attache
a son élève et lui reproche ses déportements.
L'étourdi ne lui répond que par des railleries
et des bravades, et tranche une querelle qui
le fatigue par ces mots foudroyants pour un
précepteur romain : « Suis-je ton esclave, ou
es-tu le mien? » Cependant, Mnésiloque est de
retour et se croit trahi par sa maîtresse et son
ami. Pourtant sa Bacchis à lui, sa véritable
maîtresse l'aime toujours; seulement, con-
trainte par la misère, elle s'est engagée pour
une année avec Clôomaque, un militaire sot et
brutal, moyennant 20 mines, et, pour recou-
vrer son indépendance , il faut qu'elle lui
rende cet argent, environ 1,100 francs. Mnési-
loque, qui est revenu avec l'argent de son père,
aurait pu payer cette somme, mais, comme il
était convaincu qu'on le trompait, il a rendu
ses comptes a son père, et il se désole de sa
maladresse involontaire. C'est alors qu'appa-
raît un nouveau personnage, destiné à devenir
la cheville ouvrière de la pièce; c'est Chry sale,
l'esclave de Mnésiloque, maître fourbe, proto-
type du Scapin de Molière. A l'idée déjouer
un nouveau tour de son métier , le génie du
machinateur d'escroqueries s'échaufie; il in-
vente, agit, exécute comme un général d'ar-
mée, et les personnages qui l'entourent de-
viennent, sous sa main, des instruments qu'il
fait mouvoir à son gré : tous s'effacent à l'envi
pour lui laisser le premier rang. Bref, il sait
si bien ensorceler le" vieillard, que celui-ci,
vaincu, lui confie son argent pour aller déli-
vrer son fils d'un péril qui n'existe que dans
l'imagination de Chrysale. Mais ce n'est point
assez pour Chrysale d'arracher à Nicobute les
20 mines nécessaires pour la rançon de Bac-
chis', il faut encore qu'il en extorque l'argent
que le fils dépensera en festins et en amuse-
ments de toute espèce; il faut même, pour
finir par un coup de maître, qu'il entraîne le
vieillard et le père de Pistoclère dans les
pièges des courtisanes qui ont séduit leurs fils.
Cette comédie est très-licencieuse dans les
expressions et dans les situations mêmes des
personnages ; mais, au fond, elle est très-
morale, comme toute peinture vraie des mœurs
d'une époque. C'est un miroir où les débau-
chés, les fourbes et-les filles de joie ne sau-
raient se regarder sans honte. «De plus, la leçon
de morale ne refroidit pas la verve comique,
dit M. Naudet dans son excellente étude;
mais la verve comique anime et fortifie la
leçon morale. Quel jeu de théâtre combiné
habilement et animé de risibles passions I
Quelle énergique et naïve expression de carac-
tères dramatiquement exposés 1 Comme la
plaisanterie sort d'une source vive et abon-
dante, pour se répandre dans le dialogue et y
jeter une chaleur et un éclat naturels 1 II suffi-
rait du rôle de Chrysale et de deux ou trois
situations, avec quelques faciles changements
de détails que les mœurs demanderaient dans
l'état, les relations , les discours des person-
nages , pour faire une pièce excellente sur
tous les théâtres, fortement intriguée et pleine
a la fois d'intérêt et de gaieté. Plusieurs par-
ties, du moins, sont dignes de servir de modèle,
même à des maîtres. Demandez à Molière. »
bacchius s. m. (ba-ki-uss — gr. bak-
cheios , même sens, de Bakchos, Bacchus).
Prosod. Pied de vers grec ou latin, composé
d'une brève suivie de deux longues, comme
le mot latin amabunt ou le mot grecAlhëné.
On l'employait fréquemment dans les chants
en l'honneur de Bacchus.
BACCHIUS, dit le Vieux, écrivain grec qui
vivait vers le commencement du ive siècle
av. J.-C. Il est auteur d'un dialogue sur la
musique, intitulé : Introduction à l'art musical.
« C'est, dit M. Fétis, une sorte de manuel par
interrogations et réponses, qui semble destiné
aux écoles publiques. De tous les livres sur la
musique que les Grecs nous aient laissés , c'est
le moins pédant et le seul qu'on puisse con-
sidérer comme un traité de musique pratique.
Los demandes sont posées avec netteté, et les
réponses, en général, courtes et précises. »
En lG27,le P. Messenne a donné une traduc-
tion de l'œuvre de Bacchius, dans son Traité
de l'harmonie universelle.
BACCHIUS DE TANAGBE, médecin grec de
l'école d'Alexandrie, florissait entre 300 et 250
av. J.-C. Disciple d'Hérophile , il est un des
grands noms de la science médicale dans l'an-
tiquité. Il ne reste que quelques fragments de
ses écrits.
BACCHUBER s. m. (bak-ku-ber — de Bac-
chus). Sorte de danse guerrière en usage à
Gap et dans quelques autres localités du dé-
partement des Hautes-Alp'es. Selon Eustache,
elle vient de Bacchus , qui en est regarde
quelquefois comme l'inventeur : Le bacchu-
BKRest une espèce de danse pyrrhique qui s'est
conservée au Pont-de-Cervières, hameau dé-
pendant de Briançon. (A. Hugo.)
BACCHUS n. pr. ni. (ba-kuss — gr. Bak-
chos , même sens). Myth.gr. Dieu du vin,
fils de Jupiter et de Sémélé.
Et le dieu dos orgies,
Bacchus au front vermeil ceint de grappes rougies.
DeSAINTANOE.
Sur tin char, couronné de pampres et de lierre,
Bacchus parait enfin : avec des runes d'or,
De deux tigres domptés le dieu guide l'essor.
Veiin. de Saint-Maur.
— Poétiq.- Le vin : Les plus charmantes
retraites ne plaisent guère sans Bacchus et
sans.Cérès. (Le Sage.)
Et Bacchus scelle entre eux une paix éternelle.
Saint-Lambert.
... Lorsque Bacchus en nectar argenté
De son cristal étroit part, pétille et s'élance...
Demoustier.
Le pied du vendangeur frappe et brise la grappe,
Et Bacchus, en grondant, cède, écume et s'échappe.
Mollëvaut.
Il Les adorateurs, les disciples de Bacchus, les
enfants, les suppôts de Bacchus, Les buveurs,
les ivrognes :
Un suppôt de Bacchus
Altérait sa santé, son esprit et sa bourse.
La Fontaine. v
— Par Bacchus! loc. interj. empruntée do
l'ital. per Bacco ou du latin per Bacchum;
c'est une espèce de serment qui veut dire :
« J'en jure par Bacchus : » Par Bacchus!
je suis tout étourdi. (Balz.) Par Bacchus l
s'écria-t-il, mon carnaval me coûte cher. (A. do
Muss.)
— On dit de même per Bacco : Per Bacco !
il ne s'agit pas de lui! s'écria le cardinal en
interrompant, par cette exclamation païenne,
l'élève en médecine. (E. Sue.)
— Antiq. gr. Artistes de Bacchus, Nom
que prenaient les membres d'une association
formée entre les acteurs des théâtres do
l'Hellespont.
— Entom. Nom d'une espèce de charançon,
rapportée, suivant les auteurs, aux genres
attelabe ou rhynchite.
— Ichthyol. Espèce de lotte, d'après Pline.
BACCHUS (en grec Dionysos), dieu do
l'ivresse et du vin dans la mythologie grecque,
était tils de Jupiter et de Sémélé, suivant les
traditions les plus populaires, ou de Jupiter et
de Proserpine, ou de Cérès, ou d'Isis, etc.,
suivant d'autres légendes. La multiplicité et
la confusion des mythes qui se rapportent à
cette divinité ont donné heu à quelques my-
thographes anciens de distinguer plusieurs
Bacchus. Diodore en comptait trois, Cicéron
cinq, d'autres encore sept. Mais il est plus
vraisemblable que cette diversité ne prove-
nait que de modifications, d'additions et de
transformations successives de la même idée
primordiale, accomplies en divers temps et
chez les différents peuples qui avaient adopté
ce culte , probablement originaire d'Asie ,
comme la vigne. Plusieurs savants ont cher-
ché l'origine du mot Dionysos, qui est le véri-
table nom du dieu de la vigne, car Bacchus
n'est qu'un de ses nombreux surnoms. On a
proposé différentes étymologies, dont quel-
ques-unes sont assez ingénieuses. Il n'est pas
difficile de reconnaître dans la première partie
du mot Dio le Deus latin et le Zeus grec, cor-
respondant tous deux au Dêwa sanscrit. Cette
forme Dio se retrouve, du reste, dans plusieurs
autres mots grecs semblablement composés,
par exemple viogénès. Quanta la seconde par-
tie, nysos, elle est beaucoup plus obscure. Elle
rappelle tout d'abord, par une analogie maté-
rielle très-apparente, le mont Nysa, sur lequel
fut élevé, suivant la légende grecque, Baccnus
enfant. Dans cette hypothèse, Dionysos signifie-
rait littéralement le dieu de Nysa ; mais une ob-
jection grave s'élève contre cette théorie, c'est
que Dionysos serait dans ce cas un mot com-
posé contre toutes les règles des langues indo-
européennes. D'autres étymologistes ont voulu
voir dans Dionysos les deux mots sanscrits
dixoa. (jour) et niça (nuit) suivant eux, Bac-
chus aurait été ainsi nommé à cause de sa
gestation anormale et de sa double naissance.
Dio pourrait bien, a la rigueur, représenter
diwa — rapprochez dies — mais le sanscrit
niça, d'après les lois phonétiques qui règlent
ses rapports avec le grec, devrait forcément
avoir pour représentant un radical nykt —
comparez nocl-em — ou tout au moins nych.
Il est vrai que l'éolien, qui offre pour Dionysos
une forme sonnyxos, permettrait peut-être de
défendre avec quelque succès cette théorie
ingéniouse. Suivant un© autre interprétation,
Dionysos pourrait se lire diwa-niwasas (habi-
tant du ciel) , ou encore diwan-sutas (lils du ciel) .
Sémélé ayant péri par suite de sa fatale cu-
riosité, avant que son fils fût né, Jupiter sauva
l'enfant, et l'enferma dans sa cuisse pendant
le temps nécessaire pour compléter la gesta- ,
tion, Une autre tradition rapportait que Cad-
mus, h'rité des amours de sa fille Sémélé,
l'avait fait enfermer dans un coffre et jeter à
la mer. Le coffre fut poussé sur les cotes de
la Laconie- Sémélé était morte dans la tra-
versée, en donnant le jour à Bacchus, qui,
comme Moïse, fut sauvé des eaux, et élevé par
Ino, qui l'avait recueilli. Mais la version la
plus commune dit que Jupiter confia l'enfant
a Mercure pour le porter sur le mont Nysa,
où des nymphes furent chargées de l'élever.
Ses nourrices durent plus lard a la reconnais-
sance du dieu d'être changées en étoiles sous
le nom d'hyades. Des mains des nymphes,
Bacchus passa dans celles des Muses et de
Silène, qui lui enseigna la culture de la vigno
et l'art de composer une liqueur enivrante avec
le raisin. Dans son adolescence, il fut frappé
d'une folie passagère par la haine de Junon,
qui se vengeait toujours des infidélités de son
époux en frappant l'objet ou le fruit de ses
amours. Après avoir combattu les Titans ré-
voltés contre Jupiter, Bacchus partit pour
cette grande expédition de l'Orient et des
Indes, qui est demeurée si fameuse et si ca-
ractéristique dans les légendes de l'antiquité.
Monté sur un âne, comme Silène, environné
de faunes, de bacchantes, de satyres, de cory-
bantes, d'hommes et de femmes qui portaient
au lieu d'armes des thyrses ornés de pampres
et des tambours, il parcourt triomphalement
la Grèce, l'Egypte, la Syrie, l'Arabie, la Mé-
sopotamie et l'Inde. Cette conquête est une
procession bruyante et bouffonne souvent re-
produite sur les bas-reliefs, les vases et autres
monuments antiques. Accueilli partout comme
une divinité bienfaisante, Bacchus enseignait
aux peuples la culture de la vigne et les arts
de la civilisation. Il eut cependant quelques
combats à soutenir contre dos princes qui ^op-
posaient à l'établissement du nouveau culte,
c'est-à-dire à l'introduction de la vigne dans
leurs Etats. C'est ainsi que Penthée fut mis
en pièces par sa mère Agave et les ménades
ou prêtresses de Bacchus. On trouve d'ailleurs
dans les poètes une multitude de détails rela-
tifs a ces expéditions du dieu, qui étaient un
thème incessamment enrichi d'épisodes nou-
veaux par la fertile et riante imagination des
Grecs. Après avoir combattu les Amazones h
Panama, enlevé Adonis à Chypre, et vaincu
les Tlirao.es et leur roi Lycurgue, Bacchus re-
vint dans la Béotie, son berceau, puis passa à
Argos, où, les femmes refusant de l'honorer,
il les frappa d'une folie qui leur fit dévorer
leurs propres enfants. Il eut ensuite à soutenir
une longue lutte contre Persôe, se métamor-
phosa en grappe de raisin pour parvenir à
posséder Erigone, dont il était épris, fut pris
a Naxos par des pirates, se changea en lion
pour leur résister, et les métamorphosa tous
en dauphins, a l'exception de leur chef Acétès.
C'est aussi a Naxos qu'il trouva endormie sur
le rivage la belle Ariane, que Thésée venait
d'abandonner; touché de ses larmes et séduit
par sa beauté, il la prit pour épouse et en eut
plusieurs enfants. L'Achaïc, Argos, Delphes,
la Thrace, la Phrygie, furent encore le théâtre
de nouvelles excursions et aventures de Bac-
chus, qui, après avoir révélé sa divinité aux
hommes et institué partout son culte, alla
chercher sa mère aux enfers et l'enleva avec
lui au ciel. D'autres traditions ajoutent encore
un grand nombre de traits a la biographie
idéale de Bacchus; mais la plupart de ces dé-
tails n'ont pas une grande valeur mythologique
et n'appartiennent pas à la haute antiquité.
Beaucoup sont de 1 invention des poètes, no-
tamment de Nonnus, auteur du poème des
Dionysiaques, et se rapportent aux différents
types de cette divinité.
Outre Ariane et Erigone, Bacchus aima en-
core Vénus, Cérès, Alexiroé, Nicôe, Alphési-
bée et beaucoup d'autres femmes. Il eut un
grand nombre d'enfants, Phanos, Staphyles,
Priape, Jacchus, Méthé, Charis, Œnopion,
Evandre, Charmon, Déjanire, etc.
Dans Homère et Hésiode, Dionysos n'occupe
qu'un rang secondaire dans la hiérarchie di-
vine. Ce n'est que. dans les âges postérieurs
que sa légende s'est enrichie et qu'il a été
placé au premier rang parmi les grandes di-
vinités. Il finit par devenir un type d'héroïsme
et de valeur. Alexandre le Grand le prit pour
idéal, Dêmétrius Poliorcète pour mouèle ; Mi-
thridate se fit appeler Dionysos et Evios, du
suraom que ce dieu recevait des acclamations
en son honneur, Evohé.
Il y avait en Grèce, antérieurement à la
légende populaire de Jupiter et de Sémélé,
une autre tradition beaucoup plus ancienne et
extrêmement curieuse sous le rapport cosmo-
gonique. C'est celle qui était professée par les
adeptes des mystères d'Orphée, et qui nous a
été conservée en partie par le poSme de
Nonnus ; on peut même dire qu'elle était la
base fondamentale de leurs doctrines reli-
gieuses.et philosophiques. A ce titre, elle mé-
rite qu'on s'y arrête quelques instants. Bac-
chus , qui s'appelait Dionysos Zagreus , et
présentait tous les caractères d'un grand
mythe panthéiste, conçu dans des proportions
grandioses, était le dieu suprême de cette
secte mystérieuse et c'est pour cette raison
qu'Hérodote qualifie leurs cérémonies secrètes
BAC
BAC
BAC
. BAC
23
de bacchiques. Il était né de l'union de Zens
(le Ciel), sous la forme d'un dragon, avec
Perséphone (la Terre), considérée dans ses
alternatives de vie et de mort. Il était l'en-
fant favori de son père et destiné par lui à la
conquête du monde. Elevé dans l'isolement,
il ne fut pas cependant à l'abri de la jalousie
de Junon, qui envoya contre lui les Titans
pour le dévorer. Les Titans accomplirent leur
sauvage mission, et Junon apporta le cœur de
l'enfant à Zeus, qui le donna à Sémélé ou le
mangea lui-même. C'est de ce cœur que naquit
un autre Bacchus, le Bacchus ihébain de la
légende populaire. Quant aux Titans, fou-
droyés par Zeus, leurs cendres donnèrent
naissance aux hommes. De là la création du
bon principe et du mauvais principe, repré-
sentés le premier par les hommes nés des
débris du dieu dévoré par ses bourreaux, le
second par les hommes nés de la substance
même des Titans réduits en cendres. On re-
connaît là sans peine les traces d'une doctrine
dualistique, qu'il est assez intéressant de re-
trouver dans la branche hellénique de la
famille indo-européenne.
Le culte de Bacchus s'est répandu et pro-
pagé avec la culture de la vigne, et on le voit
surtout florissant dans les lieux où le précieux
arbuste donnait des produits abondants et re-
nommés. Il se répandit de l'Asie en Thrace,
puis de Thrace en Grèce. De là, il passa en
Italie, où le dieu reçut le surnom dé Bacchus,
qui finit par prévaloir chez les Latins sur le
nom véritable de Dionysos. Thèbes, en Béotie,
devint un des grands centres de ce culte; le
dieu avait un temple dans cette cité, qui le
regardait comme une divinité nationale. C'est
ce qui avait répandu la croyance qu'il avait
reçu le jour en Béotie. On a identifié le Dio-
nysos hellénique avec le dieu phrygien Saba-
zius, avec l'Osiris des Egyptiens, avec le Liber
paler italique, et même avec le Siva des In-
diens. Des analogies nombreuses paraissent
en effet justifier ces assimilations, qu'on a
§ eut-être un peu trop systématisées. Mais
'ailleurs, on sait que, dans l'antiquité, des
mythes originairement distincts finissaient, en
se propageant, par se confondre et s'amal-
gamer.
La légende du Bacchus indien était, à l'ori-
gine, bien distincte du mythe grec^avec lequel
elle a finipar se confondre. Déjà populaire avant
l'expédition d'Alexandre le Grand, elle prit à
cette époque une extension considérable. Sui-
vant Preller (Griechische Mythologie, vol. I,
p. 550), elle est née de la fusion des tradi-
tions grecques avec les traditions orientales,
d'après cette tendance générale qu'on re-
trouve dès l'origine chez les Grecs à s'assi-
miler les théogonies étrangères, et à en trans-
porter dans leur propre religion les principales
créations. C'était une très-ancienne habitude
en Grèce d'assimiler à Bacchus l'Osiris égyp-
tien, ou bien encore le dieu solaire des Arabes
Urotal. Pour justifier cette identification, on
alla même jusqu'à chercher sur les confins de
l'Ethiopie et dans l'Arabie l'emplacement d'un
mont Nysa. Preller pense que la légende des
conquêtes de Bacchus est originaire de l'Asie
Mineure. Du moins, c'est chez Euripide le"
Dionysos lydien, le nourrisson de Tmolos, qui
est représenté dans ce rôle de conquérant.
Primitivement, les conquêtes de Bacchus se
bornaient, dans la légende, à la Phrygie, à la
Perse, à la Bactriane, à la Médie et à 1 Arabie.
C'est seulement après l'expédition d'Alexan-
dre, et par suite d'une assimilation de Bacchus
et du héros macédonien, qu'on inventa l'expé-
dition du dieu dans l'Inde.
Les fêtes de Bacchus se nommaient Diony-
siaques en Grèce, et Bacchanales en Italie,
(V. ces noms.) On les appelait encore Eleu-
théries et Liberalia. Elles se célébraient avec
une grande licence et donnaient lieu aux
désordres les plus honteux.
Les anciens ont souvent aussi rapproché
Bacchus d'Apollon, en le considérant comme
une personnification de la force de maturation
dans les végétaux, comme un emblème de la
puissance génératrice qui féconde la nature
et dont le vin est le symbole. Mais ce carac-
tère solaire ne paraît lui avoir été attribué,
par extension, qu'à l'époque du 'grand déve-
loppement de la mythologie hellénique.
Il paraît que, dans l'origine, on immolait à ce
dieu des victimes humaines. On remplaça en-
suite ces odieux sacrifices par l'immolation
des animaux, particulièrement du bouc. Sou-
vent aussi on n'offrait que des fruits et des
libations sans vin.
Voici quelques-uns des innombrables sur-
noms de Bacchus : Acratophoros, qui donne
le vin pur^ Lyaïos, qui dissipe le chagrin;
Orthos , qui ne chanoelie pas (Amphitryon
ayant trouvé le moyen de tempérer le vin par
l'eau , dressa un autel à Dionysos Ort/ios) ;
2'hesmophoros , le législateur; Dithyrambo-
gènes, qui fait naître l'enthousiasme lyrique ;
Chrysocomès, à la chevelure dorée ; Lenaïos,
le pressureur; Saotes, le libérateur; Ampelo-
phytor, qui plante la vigne, etc.
Bacchus (Représentations antiques de).
Bien que n ayant pas rang parmi les dieux
supérieurs , Bacchus fut une des divinités
auxquelles les anciens rendirent le plus d'hon-
neur, et dont ils se plurent à placer les images
sculptées ou peintes dans leurs maisons et
dans leurs temples. Dieu du vin, de la gaieté,
des plaisirs bruyants , héros joignant à une
vigueur virile la beauté d'une femme , le fils
d«- Sémélé, avec son cortège de bacchantes,
de faunes, de silènes, prêtait plus qu'aucune
autre divinité aux conceptions d'un art essen-
tiellement gracieux, voluptueux, matérialiste.
On le représenta le plus souvent dans toute
la fleur d'une brillante jeunesse, conformé-
ment à Ces vers d'Ovide : *
Tibi enim inconsumpta jwenta est.
Tu puer œternus, tu farmosissimus alto
Cûnspiceris cœlo...
* Ta jeunesse est toujours nouvelle; tu es un
adolescent éternel ; tu es le plus beau de ceux
qu'on voit dans Pempyrée. u — L'image de
Bacchus, a dit M. Mongez, est celle d'un beuu
jeune homme qui entre dans le printemps de
•'a vie, qui sent les premiers mouvements de la
volupté, et qui, enseveli dans une rêverie en-
chanteresse, entre le sommeil et la veille,
cherche à en rassembler les images éparses
et à les réaliser. Les attributs ordinaires du
dieu sont : le lierre toujours vert, semper
virens, emblème de sa jeunesse éternelle, les
pampres et les raisins, parce que c'est lui qui
a enseigné la culture de la vigne. A ses longs
cheveux, bouclés et relevés comme ceux des
femmes, est entrelacée une large bandelette,
en forme de diadème, nommée crèdemnon, à
laquelle on attribuait, ainsi qu'au lierre, la
propriété de dissiper l'ivresse. Dans sa main
il tient une coupe ou thyrse, espèce de sceptre
enguirlandé de pampres et de feuilles de lierre.
Lorsqu'il n'est pas entièrement nu, ou qu'il n'a
pas revêtu le costume des femmes de l'Asie,
il est drapé dans une peau de chevreau (né-
bride), ou dans une peau de panthère (parda-
lide). Ce dernier animal lui est consacré, ainsi
que l'âne, originaire de l'Orient. L'art antique
le représente, du reste, sous des formes, dans
des attitudes et au milieu de circonstances
extrêmement diverses. Nous allons donner
l'indication des monuments les plus connus
qui peuvent servir à l'iconographie de ce dieu.
Bacchus (Naissance de). Cette scène a été
représentée d'une façon très-intéressante sur
un bas-relief du musée Pio-Clémentin, qui a
été trouvé près de la porte Portèse, et que
l'on croit être l'ouvrage d'un sculpteur romain
des derniers temps de la République. Le roi
des dieux est assis sur le mont Dracanus; de
sa cuisse gauche, qui est nue, le petit Bacchus
s'élance et est reçu par Mercure qui tient une
nébride pour l'envelopper. Trois déesses, ar-
mées de leur sceptre , assistent à cette nais-
sance miraculeuse, Lucine ou Ilithye, qui pré-
sidait aux accouchements, Proserpine Libéra
et Cérès. Ces deux dernières déesses étaient
honorées, en plusieurs lieux, en même temps
que Bacchus ; à Rome, un temple commun
leur avait été dédié, l'an 263 de l'ère romaine,
par le consul Cassius, en exécution d'un vœu
du dictateur Aulus Postumius. Ce temple, qui
était situé près du cirque Maxime, fut réédifié
par Auguste. (V. plus loin Bacchus et Arianu.)
— Un bas-relief du musée Chiaramonti repré-
sente Mercure prenant le dieu enfant pour le
confier aux nymphes. Sur un bas-relief du
Louvre, c'est Leucothoé qui reçoit dans ses
bras le fils de Jupiter. (V. l'article suivant.)
Baccbns (Education de). Aussitôt que Mer-
cure eut reçu Bacchus nouveau-né, il l'enve-
loppa dans une peau de chevreau (nébride)
pour le soustraire aux regards de Junon, et le
porta aux nymphes de Nysa, chargées de son
éducation. Cet épisode a été peint sur un vase
de Nola, qui appartient aux plus beaux temps
de l'art céramique et qui a fait partie de la
galerie Pourtalès. Mercure, coiffé du pétase,
vêtu d'une chlamyde et tenant le caducée, est
assis sur le rocher de Nysa. Sur ses genoux
est placé Bacchus enfant, déjà couronné de
pampres et qui tend les bras à la nymphe
Mœnas. Celle-ci, debout, la main droite ap-
puyée sur un thyrse, sourit avec tendresse au
jeune dieu. En arrière de Mercure est peinte
une autre nymphe, qui paraît adresser la pa-
role aux personnages précédents; un de ses
pieds est élevé sur une pierre, et sa main
fauche repose sur une tige de férule. — Un
as-relief,3u musée Chiaramonti, montre Bac-
chus enfant porté dans un van et entouré
par des ménades et des faunes qui dansent.
Sur un fragment de bas-relief de la même
galerie, on voit le jeune dieu soutenu par Am-
pélos et Acratos, ses génies familiers. — Une
précieuse peinture du musée degli Studj,
trouvée à Pompéi, dans le triclinium de la
maison de M. Lucretius, représente Bacchus
enfant, placé avec le vieux Silène sur un char
que traînent des bœufs guidés par des faunes
et que suivent des bacchantes.
Bacchus enfant ,cl Leucothoé. Le fils de
Jupiter et de Sémélé fut nourri par Leucothée
ou Leucothoé, qui n'était autre que Ino, méta-
morphosée en nymphe par Neptune. (V. Leuco-
thoé.) Un groupe de marbre du musée de
Munich, provenant de la villa Albani, et qui
passe pour un des plus beaux ouvrages de la
sculpture hellénique, représente le petit dieu
porté par sa nourrice. Un gjfoupe semblable,
mais d'une exécution bien inférieure, se trouve
dans le parc de "Versailles, et le même sujet
se voit sur un bas-relief du Louvre, désigné
sous le titre de : Naissance de Bacchus.
Bacchus enfant porté par Silène, célèbre
groupe de marbre, au musée Chiaramonti.
Kilcne, couronné de lierre, tient dans se3 bras
Bacchus enfant, et 1& contemple avec une
expression extraordinaire de tendresse. Il
s'appuie sur un tronc d'arbre, que recouvre
en partie la nébride et qu'entoure un cep de
vigne. Ce groupe, une des plus belles produc-
tions qui nous restent de l'art antique, était
autrefois au palais Ruspoli. Des groupes ana-
logues, connus sous le titre de Faune à l'en-
fant, se voient au Louvre et au musée de
Munich. V. Faune.
Bacchus enfant (Statues de). Les statues
antiques les plus remarquables que nous ayons
de Bacchus enfant, sont les suivantes : 1° Sta-
tue en marbre, au musée de Dresde, prove-
nant de la collection Chigi : le petit dieu, demi-
drapé, est assis sur un rocher; il tient dans la
main droite un oiseau, dans l'autre un raisin;
— 2o Statue en marbre, collection Pamphili :
Bacchus, ayant des raisins dans chaque main,
est placé dans une cuve de forme moderne où
il foule la vendange ; — 3° Statue en marbre,
collection Pamphili : enfant debout, vêtu d'une
chemise, dont il relève un pan pour soutenir
des raisins; — 4° Statue en marbre, collection
Pamphili : enfant entièrement nu, debout près
d'un tronc d'arbre, ayant des raisins dans les
mains; la tête est celle d'une autre statue;
— 5° Statue en marbre , collection Gastaldi :
figure semblable à la précédente ; elle n'a d'an-
tique que le torse et la tête ; — 6" Statue en
marbre, au British Muséum : l'enfant est de-
bout , il tient dans la main gauche une coupe,
et de la droite une grappe de raisin qu'il
élève; il est couronné de lierre et de corym-
bes ; une nébride lui couvre les épaules et
vient se nouer sur le ventre. Cette statue est
des plus gracieuses , le nu est bien modelé. Le
bras'droit, l'avant-bras gauche et les pieds
sont modernes ; — 7° statue en marbre, au Va-
tican : l'enfant est debout; il a une couronne
de pampres et porte une nébride sur le bras
gauche; de la main droite, il élève un raisin;
de l'autre , il tient un pedum. Cette petite
figure, qui est d'un bon style, à été trouvée, en
1S 1 1 , à Rome, sur l'emplacement du Forum ; —
8° Statue en marbre, trouvée en 1812, à Tivoli;
collection Vescovali : l'enfant , debout, tient
un raisin de la main gauche, et de l'autre une
urne appuyée sur un pilastre ; la nébride,
nouée sur i'épaule gauche, recouvre le devant
du corps. Cette figure, d'une tournure char-
mante et d'un style agréable, est bien con-
servée. On pense qu'elle a pu servir d'orne-
ment à une fontaine ; — 90 Statue en marbre,
provenant de Florence, collection Demidoff :
debout, près d'un tronc d'arbre, ayant un rai-
sin dans la main droite et un pedum dans la
gauche., le jeune Bacchus a pour tout vête-
ment une chlamyde jetée sur l'épaule gauche
et qui s'enroule autour du bras droit; —
10° Statue en marbre, collection Pembroke :
l'enfant dort, étendu sur sa chlamyde; sa tête
repose sur une urne. Joli morceau qui semble
avoir fait partie de la décoration d'une fon-
taine.
Bacchus enfaut sur un bouc, joli groupe
en marbre, de grandeur naturelle, collection
Carlisle (Angleterre). Le petit dieu est nu,
mais il a le buste entouré d une guirlande de
fleurs passée en éeharpe; il saisit de la main
gauche la seule corne qu'ait le bouc ; l'autre
main, posée en arrière sur la croupe de l'ani-
mal, tient un pedum. La tète de l'enfant est
moderne.
Bacchus a» repos. C'est dans l'attitude
d'une mo)le langueur, debout près d'un tronc
d'arbre, auquel il est ordinairement accoudé,
que le fils de Sémélé a été représenté le plus
souvent par les statuaires de l'antiquité. Parmi
les nombreuses figures de ce genre qui sont
parvenues jusqu'à nous , nous citerons :
l° Statue en marbre (hauteur l m. 940), pro-
venant du château de Richelieu; musée du
Louvre : le dieu est debout et s'appuie du bras
gauche sur un tronc d'orme qu'entoure un cep
de vigne ; il est entièrement nu ; sa tète est
couronnée de lierre et ceinte du crèdemnon ;
ses cheveux descendent en longs anneaux sur
sa poitrine. « La douceur de son regard, dit
M. de Clarac, la grâce de ses traits, ses formes
délicates et arrondies, tout dans cette figure
concourt à exprimer cette langueur volup-
tueuse dont les anciens avaient fait le carac-
tère distinctif de Bacchus; » — 2° Statue en
marbre pentélique (hauteur 2 m. 193), musée
du Louvre : le dieu est accoudé à un tronc
d'arbre et a la main droite sûr Sa tête, qui est
ceinte du crèdemnon ; la nébride descend de
l'épaule gauche. Cette statue, qui était autre-
fois à Versailles, est remarquable par son in-
tégrité : — 3° statue en marbre, au Louvre ;
figure a peu près semblable à la précédente,
mais de moindres proportions et moins bien
conservée ; les- bouts du crèdemnon retombent
sur les épaules j — i° Statuette en bronze, à la
galerie des Ofhces (Florence) : elle est inté-
ressante en ce qu'elle offre Bacchus avec les
deux mains repliées sur la tête; celle-ci est
penchée, et le reste du corps a un mouvement
analogue. L'exécution de cette figurine est un
peu sèche ; mais ce défaut est compensé par
l'élégance des formes et la justesse des propor-
tions ; — 5° Statue en bronze; à la galerie des
Offices (Florence) : figure de grandeur natu-
relle, du plus grand mérite, trouvée en 1530
dans une propriété d'Alexandre Barignani ,
qui en fit présent à François-Marie Ier, duc
d'Urbin. Celui-ci la donna plus tard à sa nièce,
femme du grand-duc de Florence, Ferdi-
nand IL Les archéologues ont beaucoup dis-
serté sur le nom du dieu que représente cette
statue : suivant un auteur contemporain de la
découverte, elle portait alors une couronne de
pampres et tenait un cep de vigne ; mais ou
a reconnu depuis, par un examen attentif du
bronze, que la couronne n'avait jamais existé ;
et quant au cep de vigne, que l'on conserve à
Florence, il est, dit-on, de travail moderne.
Gori donne & cette statue, dans son Musée
florentin, le titre de Dei prœstiiis signitm, et
■ la désigne, dans son Musée étrusque, comme
représentant un Génie public des Etrusques.
Winckelmann ne s'est occupé de cette iiguro
que pour dire qu'elle n'est pas une œuvre
étrusque. Lanzi l'a prise pour un Génie, et
Visconti y a vu Mercure, opinion qui a eu
l'assentiment de plusieurs autres savants.
Quoi qu'il en soit, dit M. de Clarac, il faut
reconnaître dans cette statue « l'oeuvre d'un
grand maître : les formes réunissent le mou-
vement, la grâce et la vérité ; les membres
ont de la jeunesse, et toutes les parties pré-
sentent cette harmonie qu'on est habitué à
trouver dans les belles œuvres de l'art an-
tique. »
Bacchus couché. 1» Statue en marbre de
Luni (hauteur o m, 866. longueur 2 m.), au
musée du Louvre : le dieu, étendu sur une
peau de panthère, la tête couronnée de pam-
pres, tient une corne d'abondance remplie de
raisins et semble caresser un tout petit en-
fant placé près de lui. Quelques archéologues
pensent que cette figure ornait primitivement
un tombeau; à la villa Borghèse, d'où elle
provient, elle avait été placée sur le célèbre
sarcophage de la Mort de Méléagre ; — 2<> Sta-
tue en marbre, au musée Pio-Clémentin : Bac-
chus est accoudé et a la main appuyée sur un
vase ; une draperie couvre le bras gauche et
va par derrière se déplier sur les cuisses.
Cette statue qui, malgré les mutilations qu'elle
a subies, laisse voir la manière d'un artiste du
plus grand mérite , a été trouvée à Tivoli,
avec les Muses, l'Apollon citharède, le Sommeil
et Minerve; — 3° Statue en marbre de Car-
rare, collection Gastaldi : le dieu est accoudé
sur une panthère accroupie, à laquelle il pré-
sente une coifpe. On croît que cette figure a
pu servir de décoration à un monument funè-
bre. Les statues d'éphèbes placées sur les
tombeaux recevaient assez souvent les attri-
buts de Bacchus. On voit une statue de ce
genre au Musée Capitolin, avec cette inscrip-
tion en grec: « Mon nom estSaturninus; mon
père et ma mère ont représenté leur enfant
en Bacchus. » Un bas-relief du musée Chia-
ramonti représente Bacchus couché sur deux
centaures : on a vu là une allégorie de la
puissance du vin qui dompte jusqu'aux tem-
péraments les plus robustes et les plus fa-
rouches.
Bacchus moulé sur un griffon. Le dieu est
ainsi figuré Sur un vase antique qui a fait
partie de la collection Pourtalès (n° 160) : il
est précédé d'un satyre et suivi d'une ménade
qui tient un tympanum. Un joli, groupe du
musée Pio-Clémentin nous le montre à cheval
sur un bouc et armé de son thyrse. Un autre
groupe, de la collection Smith-Barry, le re-
présente ivre, à cheval sur un âne, dans l'atti-
tude donnée quelquefois à Silène.
Bacchus buvant, Bacchus ivre. Il était na-
turel que le dieu du vin fût souvent repré-
senté la coupe à la main, le corps chancelant,
les jambes titubantes, tantôt seul et s'appuyant
à un tronc d arbre ou à un pilastre, tantôt
soutenu par Ampelos et Acratos, ses favoris,
ou par quelque autre de ses suivants. Citons
d'abord les figures isolées les plus remarqua-
bles que nous ait transmises l'art antique :
îo Statue en marbre pentélique (hauteur l m.
489), au Louvre : Bacchus, le corps renversé
en arrière, s'appuie de la main droite à un
tronc d'arbre, et tient une coupe dans l'autre
main ; — 2° Figure à peu près semblable, au
Louvre (marbre pentélique, hauteur 2 m. 383) :
au lieu d'une coupe, un raisin- — 3° Statue en
marbre, au Louvre : le dieu, debout près d'un
tronc de palmier, élève une coupe de la main
gauche et tient un raisin dans l'autre main, qui
est abaissée ; — 4° Statue en marbre grec, au
musée Chiaramonti : attitude de la figure pré-
cédente ; au lieu du tronc de palmier, un pilas-
tre ; le dieu est drapé avec élégance : la dra-
perie descend de l'épaule gauche et vient
s'enrouler autour du bras droit; — 5° Statue en
marbre de Carrare; trouvée à Tivoli, collec-
tion Demidoff : le dieu, debout près d'un pal-
mier, élève de la main droite un vase pour en
verser le contenu dans une coupe; — 6° Statue
en marbre grec, provenant de la galerie Far-
nèse, au musée de Naples : dressé sur la
pointe des pieds, Bacchus exprime le jus d'une
erappe de raisin dans une coupe ; œuvre d'un
on sculpteur romain ; — 7" Statue en marbre
grec, au musée de Naples :_ le dieu, appuyé
contre un tronc d'arbre, la tête couronnée de -•
Ïiampres et de raisins, tient une grappe dans
a main droite et une coupe dans la gauche ;
ouvrage grec d'une grande beauté; la tête ne
paraît pas être celle de la statue ; les bras
sont modernes. Le sculpteur Albaccini est
l'auteur des restaurations ; — 8° Statue en mar-
bre, collection Torlonia. : tète ceinte du crè-
demnon ; une coupe dans une main, un raisin
dans l'autre. On ne trouve pas dans cette
figuré, comme dans les précédentes, un mou-
vement penché exprimant l'ivresse, ni un geste
indiquant l'action de boire ou de montrer un
raisin ; le corps a un aplomb qui surprend ; —
9° Statue en marbre, provenant de la collec-
tion Chigi, au musée de Dresde : le dieu, cou-
ronné de pampres et vêtu de la nébride, tient
de la main droite abaissée une grappe de rai-
sin et de la gauche une coupe qu'il contemple
avec attention ; le visage est un morceau
d'excellent style ; — 10° Statue en marbre, ga-
24
BAC
lerie de Florence : jeune homme couronné de
corymbes et drapé dans un ample manteau
qui repose sur 1 épaule gauche et descend
jusqu'aux jambes, laissant à nu le côté droit
du buste; il regarde vers la droite et étend de
ce côté une vaste coupe; il tient aussi une
coupe dans la main gauche. Quelques archéo-
logues croient que cette figure est celle d'un
dieu lare ; — 11° Statue en marbre, musée royal
de Madrid : accoudé sur un pilastre, que re-
couvre en partie une draperie et qui est orné
d'une tête barbue , Bacchus tient un raisin
dans une main et une coupe dans l'autre ; —
120 Statue en marbre, musée de Venise : de-
bout près d'un tronc d'arbre, la jambe droite
croisée sur la gauche, le dieu élève la main
droite, qui tient un raisin et appuie l'autre
main sur sa hanche. Ouvrage d un sculpteur
grec de grand mérite; — 13° Statue en mar-
bre de Carrare, ïfllection Giustiniani : la tète
couronnée de lierre et ceinte du crédemnon,
dont les bouts descendent sur les épaules,
Bacchus regarde vers la droite; il a un thyrse
dans la main gauche et dans l'autre une coup»
qu'il élève assez haut par un mouvement très-
gracieux ; — 14° Statue en marbre de Luni, à la
villa Albani : Bacchus, ayant une grappe dans
une main et une coupe dans l'autre, s appuie
a un tronc d'arbre qu'entoure un cep de vigne
dont deux petits amours cueillent les raisins ;
il a des sandales aux pieds, une nébride pas-
sée en écharpe et croise la jambe gauche sur
la droite. D'autres groupes antiques, ressem-
blant plus ou moins à ceux que nous venons
de décrire, se voient au musée degli Studj,
au musée Pio-Clémentin, dans les collections
Chablais, Lansdowne, Blundell, Pembroke,
Cocke (Angleterre), à la villa Pamphili, à la
villa Borghèse, etc.
Bacchus et Ampelos. Bacchus ivre devait
avoir souvent besoin d'être soutenu et guidé
par un de ses génies familiers,*ou par un de
ses suivants, faunes ou satyres. Le favori du
dieu était Ampelos, phrygien, iils d'une nym-
phe et d'un satyre, aimé, dit-on, de Bacchus
pour sa grande beauté, et, après sa mort, mé-
tamorphosé par ce dieu en cep de vigne, Uu
groupe en marbre grec, du British Muséum,
découvert en 1772 à Storta, près de Rome, re-
présente Bacchus vêtu d'une pardalide, la
tète ceinte du crédemnon, les pieds chaussés
de sandales, tenant une coupe dans la maiu
droite et passant le bras gauche autour du
• cou d' Ampelos. Celui-ci est représenté au mo-
ment de sa métamorphose : sur son visage, sa
poitrine et ses bras, on voit des pampres et
des raisins ; la partie inférieure du corps se
termine par un large cep de vigne, au pied
duquel se dresse une panthère et rampe un
lézard.
Au musée de Florence, Bacchus nu, cou-
ronné de lierre et chaussé de cothurnes, s'ap-
puie sur l'épaule d'un adolescent, que les uns
croient être un faune, les autres Ampelos :
cet adolescent, aux formes gracieuses et ro-
bustes a la fois, tient un vase dans la main
droite et entoure de son bras gauche le dieu
qui chancelle. On pense que ce beau groupe,
qui est en marbre, est celui que Androaldi a
décrit parmi les antiques trouvés par Pietro
de Radicibus dans une vigne voisine de la
Porte-Majeure. Un autre groupe en marbre,
du même musée, représente Bacchus debout,
tenant de la main gauche une coupe et ap-
puyant la main droite sur l'épaule d'un éphèbe
presque agenouillé et qui lui embrasse le ge-
nou droit. Il semble douteux que cet éphèbe
soit Ampelos, comme l'ont avancé quelques
archéologues.
Bacchus et ses suivant*, Faunes, Satyres,
Méundes, etc. Un groupe en marbre, trouvé
à Murena, près de Frascati, sous le pontificat
de Pie VI, représente Bacchus nu, couronné
de pampres et la tête ceinte du crédemnon,
relevant le bras droit au-dessus de sa tête et
entourant de son bras gauche le cou d'un jeune
faune sur lequel il s'appuie nonchalamment. Le
faune le soutient et lui présente une coupe.
Près de celui-ci, on voit un tronc d'arbre auquel
il a suspendu sa syringe, un cep de vigne et une
panthère qui pose une patte sur une tête de
victime. Ce groupe joint à une simplicité ex-
traordinaire dans les lignes une beauté et une
vérité d'expression vraiment surprenantes. 11
en existe plusieurs répétitions antiques, d'un
style bien inférieur et où l'on remarque, du
reste, des modifications plus ou moins sensi-
bles : les meilleures sont au musée degli Studj,
au musée de Venise, dans la collection Fitz
"William. Au Louvre, Silène, accoudé a un
, arbre et tenant un vase de sa main gauche,
.appuie la main droite sur l'épaule de Bacchus
qui a des raisins dans les mains : ces deux
statues en marbre, provenant de la villa Bor-
ghèse, n'ont pas été groupées dans le prin-
cipe. Un beau groupe, trouvé au x.vine siècle
sur le mont Palatin — Bacchus s'appuyant
sur un vieux satyre — décore l'ancienne villa
des ducs de Parme, a Calorno j il a été gravé
par Bianchi {palazzo dei Cesari). M. de Clarac
«publié, dans son Musée de sculpture, plusieurs
autres groupes qui offrent Bacchus tantôt
avec un génie enfantin, tantôt avec un jeune
x Pan ou Panisque, tantôt avec un faune ou une
ménade. Sur un bas-relief, qui a fait partie de
la collection Pourtalès (no 617), le dieu, de-
bout, chaussé de cothurnes et ayant une dra-
perie sur l'épaule droite, sert lui-même d'ap-
pui a un vieux Silène, couronné de lierre et
dont le corps est velu. Plusieurs bas-reliefs,
dont deux au musée Pio-Clémentin, montrent
BAC
Bacchus ivre, soutenu dans sa marche par un
faune et accompagné de bacchantes et de sa-
tyres qui dansent. V. Bacchanales.
Bacchus et la Panthère. Ainsi que nOUS
l'avons dit, la panthère était consacrée à Bac-
chus ; elle accompagnait ce dieu dans ses
voyages, en traînant son char ; elle partageait
ses exploits, ses plaisirs, ses orgies. Parmi les
groupes antiques qui représentent le dieu et
1 animal, on remarque : 1° Statue de marbre,
provenant de la collection Chigi, au musée de
Dresde : nu, debout, ayant sur la tête une
lourde couronne de pampres et un diadème ,
Bacchus tient de la main gauche un thyrse, et
de l'autre fait couler le vin d'un vase dans la
gueule de la panthère ; — 2» Statue de marbre
grec, au musée Capitolin : debout près d'iin
tronc d'arbre, la nébride passée en écharpe
de gauche à droite, une chlamyde jetée sur
l'épaule gauche, les pieds chaussés de co-
thurnes, le dieu abaisse un raisin vers la pan-
thère , qui est accroupie près de l'arbre ; —
3° Statue de marbre grec, au musée degli
Studj, à Naples : œuvre de bonne sculpture
romaine, trouvée en 1756, à Pompéi, dans le
temple d'Isis; tête couronnée de lierre, che-
veux tombant sur les épaules, pardalide pas-
sée en écharpe, cothurnes enveloppant les
jambes. Les mains sont vides, mais, selon
Finati, l'une devait tenir une coupe et l'autre
un raisin. Une petite panthère est accroupie
à droite, au pied d'un tronc d'arbre. La plinthe
porte l'inscription suivante : Popidius Amplia-
tus paler P. S. (pecunia sua) ; — 4» Statue de
marDre de Luini, trouvée à Torre Marancio
(1823), collection Chablais : nu, debout, la
tête couronnée de lierre et de grappes, et
ceinte du crédemnom , Bacchus abaisse la
main droite au-dessus de la tête d'une pan-
thère, qui le regarde. A gauche, sur un tronc
d'arbre recouvert de la nébride, est un ciste
surmonté d'une tête de satyre ; — 50 Statue de
marbre, au musée degli Studj : le dieu, cou-
ronné de lierre et de pampre, les cheveux
descendant sur les épaules, s'appuie sur un
thyrse décoré de bandelettes et abaisse un
vase vers une panthère accroupie à sa droite
et qui le regarde. • Toute cette statue, dit
M. de Clarac, respire la noblesse et est d'une
bonne exécution ; » — 6« Statue de marbre ,
galerie de Florence : assis sur la nébride
étendue à terre, Bacchus est accoudé à un
rocher et montre une grappe de raisin à la pan-
thère ; — 7» Marbre de Paros, collection Hope
(Angleterre) : couronné de lierre, de corymbes
et de grappes de raisins, le fils de Sémélé est
debout et tient un raisin que la panthère
cherche à saisir; cette figure a une jolie ex-
pression • le torse est traité avec soin, la par-
tie inférieure du corps est un peu lourde ;
— 8» Marbre grec, collection Oiu Finiani : le
dieu, couronné de lierre et ayant une peau de
bouc sur la poitrine, est assis sur la panthère ;
il tient un raisin dans la main gauche et
appuie la main droite sur la tête de l'animal,
mouvement destiné probablement à indiquer
l'état d'ivresse dans lequel il Se trouve. Sur
un bas-relief du Louvre, Bacchus a à peu
près la même attitude sur une panthère en
course. D'autres groupes antiques, ayant plus
ou moins de rapports avec les premiers que
nous avons décrits, se voient au musée deyli
Studj, au inusée Pio-Clémentin, à la galerie
de Dresde, au palais Strozzi (Rome) et dans
diverses galeries particulières, etc.
Bacchus, dieu «les Saisons. Bacchus, con-
sidéré comme le dieu qui fait mûrir les fruits,
et les raisins en particulier, devint l'une des
personnifications du Soleil. On le représenta
tour à tour enfant , adolescent , avec de la
barbe et vieux, afin d'indiquer qu'il avait
quatre âges principaux , et pour ainsi dire
quatre révolutions, quatre saisons. De là aussi
I épithète &' Amphitesê (annuel), qui lui fut
donnée par les Grecs. Ce caractère solaire
ressort encore des mères, des épouses, des
sœurs qui lui sont attribuées par les mytho-
graphes : Sémélé, Leucothoé, Ino,Telephassa,
Europe, Agave, Autonoë sont autant de per-
sonnifications de la Lune. Bacchus-Soleil a été
confondu quelquefois avec Apollon, et Ma-
crobe (Satur. I, 18) nous apprend que l'une de
ces divinités était souvent honorée dans l'autre
(v. l'article suivant). Il est à remarquer,
d'ailleurs, que quelques statues d'Apollon
offrent une ressemblance marquée avec celles
de Bacchus. Tel est l'Apollon au cygne, du
Capitole, qui semble s'appuyer nonchalamment
contre un arbre. Le lierre, le serpent, le
lézard figurent dans diverses représentations
des deux divinités. Un bas-relief du Louvre,
d'une parfaite conservation, d'une exécution
précieuse, et que l'on croit être une répétition
de quelque œuvre magistrale qui aura été
détruite, représente Bacchus, dieu des Saisons.
II est jeune , imberbe , couronné de pampre ,
vêtu d'une draperie légère qu'une agrafe, en
forme de tête de bouc, retient sur l'épaule
gauche et qui enveloppe le bras du même
côté. Il est assis sur une panthère, tenant un
thyrse dans la main gauche, et dans la droite
un vase, avec lequel il verse du vin dans un
xython, qu'élève vers lui un petit satyre ac-
croupi sur le derrière de la panthère. Les
Saisons, représentées sous la forme de génies
ailés, sont placées deux à la droite, deux à la
gauche de Bacchus. La première est l'Hiver,
tenant de la main droite une corne d'abon-
dance appuyée sur l'épaule, et élevant de
l'autre deux cygnes. Vient ensuite le Prin-
temps, couronné de fleurs et ayant des guir-
BAC
landes dans les deux mains. A gauche de
Bacchus, se lient l'Eté, une couronne d'épis
sur la tête et une faucille àlamain. L'Automne
porte une corne d'abondance pleine de fruits,
et tient suspendu par les pattes un lièvre
qu'un chien épie et qu'un enfant caresse.
D'autres enfants, de tournure charmante, ani-
ment la composition : l'un fait manger des
raisins à la panthère; l'autre arrache une
épine de la patte d'un jeune satyre; un autre
joue avec une chèvre ; un quatrième joue avec
les guirlandes que porte le Printemps. Ce bas-
relief intéressant, qui mesure 1 mètre de haut
sur 2 m. 1/2 de long, a été gravé par Pietro
Santi, dans l'Adrniranda et par Bosq dans le
Musée Filhol,
Bncchtis et Mcipomène. Dans sa description
d'Athènes, Pausanias dit que la maison de
Polytion, située dans le quartier du Cérami-
que, hors de la ville, était consacrée à Bacchus
Àfelpomène, et il ajoute que ce surnom avait
probablement la même origine que celui do
Musagète donné à Apollon. Lucain nous ap-
prend, en effet, que le Parnasse était consa-
cré à l'un et à l'autre dieu et que les Muses
les suivaient tous les deux comme leurs
chefs :
■ Mons Dromio Phœboque sacer, cui numine mixto
Delphica Thcbanœ rcferunl Trieterica BaccluE.
C'était un rapport de plus entre les deux divi-
nités qui, ainsi que nous l'avons dit dans l'ar-
ticle précédent, furent souvent confondues
comme personnifications du soleil. Dans la
théologie égyptienne, Osiris, le même que
BacchuS, était aussi regardé comme le chef
des Muses, avec lesquelles il présidait au
mouvement des sphères. Une statue de mar-
bre, de la collection Hope (Angleterre), re-
présente Bacchus en costume tragique, éten-
dant le bras gauche sur une petite figure de
femme placée sur un piédestal : le dieu a les
cheveux en torsades ; il est chaussé de co-
thurnes et vêtu d'une tunique relevée de ma-
nière à laisser h nu les genoux, d'une parda-
lide passée en écharpe et serrée par une
ceinture , et d'un manteau qui couvre les
épaules. Les iconographes ont éprouvé quel-
que embarras pour s'expliquer ce mode de
représentation. Buonarotti a pensé que les
deux figures de ce groupe étaient des acteurs
représentés dans un de leurs rôles. D'autres
ont vu, dans la ligure de femme, Melpomène,
Muse de la tragédie, et dans l'autre figure,
Bacchus Musagète. Un groupe du Vatican,
que quelques savants croient représenter
Bacchus et une Muse, nous montre ce dieu
élevant le bras droit au-dessus de sa tête et
tenant par la taille une femme qui est debout
sur un petit piédestal et qui joue de la lyre :
cette femme, dont le torse est traité avec
beaucoup de finesse, lève les yeux et regarde
■ le geste que le dieu fait avec ses doigts. Ce
beau groupe a été restauré par le sculpteur
Pacetti. Une peinture de Pompéi représente
Bacchus tenant un masque scénique. au milieu
de personnages dont quelques-uns s apprêtent
à jouerune pièce. Nous croyons devoir ratta-
cher à ce genre de représentations les monu-
ments dits choragiques, destinés à rappeler
des fêtes musicales ou littéraires qui se célé-
braient en l'honneur de Bacchus : tel paraît
être un bas-relief du musée Cbiaramonti, où,
au milieu du chœur, s'élève un petit hermès de
Bacchus barbu que le chorége vient couron-
ner. Un autre bas-relief, qui a appartenu
successivement à l'Académie des inscriptions,
à la Malmaison, à M, Pourtalès, et que l'on
croit avoir pu être aussi un monument chora-
gique, représente Bacchus barbu, tenant un
thyrse et précédant trois déesses qui marchent
à la file en se donnant la main.
Bacchus cornu OU tnuromorphos ; Bacchus
Hëbon. Suivant les diverses conjectures des
archéologues, les anciens représentèrent Bac-
chus avec des cornes, soit pour désigner
la naissance qu'il tenait de Jupiter-Ammon,
soit parce que, le premier, il enseigna à lier les
bœufs au joug de la charrue, soit à cause de
la fureur que le vin fait naître chez les bu-
veurs, soit parce que les hommes se servaient
de cornes en guise de verres à boire, soit enfin
{>arce que les cornes, emblème des rayons
umineux, convenaient à une divinité solaire.
Horace [Od. II, 19), parlant des cornes de
Bacchus, dit qu'elles étaient formées d'or ou
dorées. Le Bacchus-IIébon, adoré chez les
Campaniens, était représenté sous la forme
d'un taureau & la face humaine. Une petite
statue de bronze de Bacchus cornu, trouvée h,
Portici en 1760, se voit au musée degli Studj,
Le dieu élève la main droite, qui est vide au-
jourd'hui, mais qui tenait probablement une
coupe autrefois, et il abaisse la main gauche,
dans laquelle est un thyrse fort long. Le cré-
demnon paraît seulement sur le devant de la
tête; le reste est caché par les cheveux, qui
sont relevés comme dans les coiffures de
femmes. Deux petites cornes sont placées au
sommet de la tête. Ce bronze est d'une exécu-
tion facile et savante ; les contours arrondis
sont bien dans le caractère des représenta-
tions du dieu.
Bacrhus biformis. Les archéologues ne
sont pas d'accord sur la signification de l'é-
pithète biformis, donnée à Bacchus par les
anciens. Les uns croient que ce surnom lui
vint de ce qu'on le représentait tantôt comme
un adolescent, tantôt comme un homme
mûr, tantôt ayant de la barbe et tantôt n'eu
ayant point. D'autres pensent que Bacchus fut
BAC
appelé biformis parce que le vin, dont il est le
symbole, rend les uns tristes et furieux, les
autres gais et aimables. Le musée Chiaramonti
possède un petit hermès à double face de
Bacchus biformis : d'un côté, une tête avec de
la barbe et des cornes ; de l'autre côté, un
visage d'adolescent à demi couvert par une
peau de mouton, laquelle fait allusion, suivant
les uns, à ce que Bacchus était fils de Jupiter-
Ammon; suivant d'autres, à ce que son père
le métamorphosa en mouton, au moment de sa
naissance, pour le soustraire aux fureurs de
la jalouse Junon.
Bacchus indicu, Bacchus barbu, Buccbus
pofeon. Les mythographes rapportent que
Bacchus laissa croître sa barbe pendant son
expédition des Indes. De là les représentations
fréquentes de Bacchus barbu ou pogon (du
grec trwywv, barbe) pour désigner le dieu
conquérant. Dans ces sortes de figures, les
artistes de l'antiquité cherchèrent à exprimer
la beauté idéale et la vigueur de formes propres
à l'âge viril, en même temps que la délicatesse
des traits et la gaieté qui caractérisent la jeu-
nesse. La représentation nntique la plus cé-
lèbre que nous ayons de Bacchus indien est
une statue colossale de marbre grec, du musée
Pio-Clémentin , que le nom de Sardanapolo
CARAANAllAAAOC,écritsurlebord du manteau,
a fait désigner par quelques archéologues
comme étant une figure du roi assyrien. C'est
un personnage vêtu à la mode orientale. Il ert
drapé jusqu'aux pieds dans une tunique talaii e
sur laquelle est jeté un ample manteau, qui no
laisse à découvert que le bras droit. Ses pieds
sont chaussés de sandales. Sa longue cheve-
lure, retenue sur le front par le crédemnon,
tombe sur les épaules et se confond avec la
barbe abondante qui couvre la poitrine. Cefie
statue a été trouvée, en 1766, près de Monte-
Porzio, dans les ruines d'une villa que l'on
croit avoir été celle de Lucius Verus. Elle
était entourée de quatre cariatides qui parais-
saient avoir soutenu une niche où elle avait
été placée. Ces cariatides ont figuré parmi les
antiques de la villa Albani et appartiennent
actuellement au musée de Dresde. Visconti
croit que l'inscription du nom de Sardanapale.
sur la statue que nous venons de décrire est
de beaucoup postérieure à l'exécution de la
statue elle-même. Il n'est pas douteux, d'ail-
leurs, que cette figure ne soit celle de Bacchus
indien, comme le prouvent beaucoup d'autres
représentations où se trouve le même person-
nage, entouré d'attributs bachiques. Un camée
de la collection de Jenkins le montre debout
près d'un autel, devant lequel un faune et une
bacchante s'apprêtent à sacrifier une chèvre.
Une urne colossale de marbre , du musée
Chiaramonti, représente, sur une de ses faces,
Bacchus et Ariane, et, sur l'autre face, dans
une espèce d'édicule, Bacchus pogon, auquel
on offre en sacrifice un bélier. Hamilton a
publié un vase étrusque sur lequel on voit
Bacchus barbu, couronné de laurier et vêtu
d'une robe brodée d'or. La seule collection
Pourtalès offrait plusieurs vases figurant le
même type, tantôt seul, tantôt avec des mo-
nades,tantôt avec Ariane (v. l'article Bacchus
et Ariane), tantôt avec d'autres divinités. Le
musée Pio-Clémentin possède un second Bac-
chus indien, demi-figure de marbre, dont la
partie inférieure a été perdue : le dieu est.
barbu, âgé ; ses longs cheveux sont ornés du
crédemnon; il est vêtu d'une tunique talaire
et d'un manteau qui s'enroule d'abord sur la
poitrine et retombe ensuite sur le dos en pas-
sant par-dessus l'épaule gauche et en couvrant
tout le bras. Un buste de Bacchus indien, en
marbre de Paros, figure au Louvre; M. do
Clarac croit que ce doit être la partie supé-
rieure d'une statue. La physionomie a une
grande douceur; la bouche et les yeux bien
enchâssés ont entre eux beaucoup d'accord ;
la barbe et les cheveux sont traités large-
ment et avec goût. D'autres figures de Bac-
chus barbu se voient dans le même musée,
au Vatican, et dans plusieurs collections pri-
vées! Au musée Chiaramonti, un buste, que
l'on désigne vulgairement comme étant celui
de Platon, n'est autre que l'image de la même
divinité. Bacchus indien figure enfin sur les
monnaies antiques de Thasos et de Naxos.
Bacchus hermaphrodite, Bacchus eu halili
de remue. Apollodore dit que Bacchus fut
élevé sous l'habit d'une fille, et Aristide assure
qu'il était alternativement homme et femme.
De là vient que, dans les plus belles statues, il
a des formes qui participent de celtes des deux
sexes : ses membres sont délicats et arrondis,
ses hanches saillantes comme celles des
femmes. Souvent aussi on lui donnait un cos-
tume féminin. Pline fait mention de la statue
d'un satyre qui portait une figure de Bacchus
vêtu en Vénus, et Sénèque (Œdip., v. 419)
appelle ce dieu une vierge déguisée. Nonnus,
dans ses Dionysiaques (xiv, v. 159), et Stace,
dans l'A chilléide (1,262), donnent ladescription
de l'habit de femme que portait Bacchus :
c'était une tunique, très-ample et traînante,
brodée d'or et retenue sous la poitrine par uns
ceinture de pampres; cette tunique s'appelait
bassara ou bassaris, d'où le surnom de Bassa-
reus donné quelquefois au fils de Sémélé. On
voit le dieu ainsi habillé sur deux beaux vases
de marbre du musée degli Studj, et sur plu-
sieurs vases peints. Une statue du musée
Pio-Clémentin, qui décorait autrefois la villa
Negroni, où elle était désignée sous le nom
de Bacchus hermaphrodite, représente ce dieu
vêtu d'une tunique longue et flottante, d'ui.u
BAC
surtunique serrée par une ceinture large et
bouffant au-dessous de la poitrine, d'un man-
teau qui couvre les épaules et d'une écharpe
qui passe derrière le corps et vient reparaître
sur l'avant-bras gauche. Selon Visconti , le
travail de cette statue annonce une copie d'un
original de quelque célébrité; ce savant a re-
marqué que l'exécution manque de sûreté et
de souplesse dans les contours et dans les
plis de la draperie. Une autre statue d'excel-
lente sculpture grecque, qui de la collection
Farnèse est passée au musée deûli Studj,
accuse plus nettement le caractère hybride de
Bacchus hermaphrodite : le dieu, élevant de
la main gauche un fragment de thyrse et
tenant dans la main droite une patère, aies
pieds chaussés de sandales, la tête couronnée
de lierre et ceinte du crédemnon, les cheveux
plats et longs, une tunique sans manches qui
s'arrête à mi-jambe et qui, relevée par la
ceinture , est ouverte sur la hanche droite
de manière que la cuisse est entièrement &
découvert.
Bneebue et Ariane OU I.ibcra. Les amours
du dieu du vin et de la ntle de Minos ont
exercé le talent d'un grand nombre d'artistes
de l'antiquité. Aux représentations que nous
avons déjà' signalées dans notre article sur
Ariane, il faut ajouter le3 suivantes : Bacchus
et Ariane entourés de faunes et de bacchantes
qui dansent, bas-relief de stuc, du musée Chia-
ramonti. Bacchus, couronné de lierre et te-
nant une corne à boire {keras), est placé en
regard de Mercure coiffé du pétase. En ar-
rière du fils de Sémélé , Ariane ou Libéra,
debout et vêtue d'une tunique talaire, écarte
le voile qui couvre sa tête et tient une tige
de lierre à la main. Bacchus et Ariane sur
un quadrige en avant duquel marche Mer-
cure tenant le caducée, peinture d'un vase
grec de la collection Pourtalès (n» 164). Ariane
sur un quadrige que précède une ménade;
à gauche, Bacchus qui tient une coupe et
se retourne vers son amante; peinture d'un
vase grec, collection Pourtalès (n° 163). Bac-
chus imberbe présente une coupe à Ariane,
vêtue d'une tunique et d'un manteau et tenant
un thyrse , vase grec , collection Pourtalès
(n° 158). Bacchus debout et barbu, tenant une
coupe et une tige de lierre ; devant lui, Ariane
vêtue d'une tunique de pourpre et d'un péplum
brodé; des ménades et des satyres ithyphalli-
ques entourent les deux amants, en sautant et
en faisant des gestes lascifs : revers d'une
magnifique coupe de Vulci (collectiou Pour-
talès, n» 159), dont la face représente Vulcain
retournant a l'Olympe sur un mulet, précédé
de. Bacchus et accompagné de satyres et de
ménades ivres, dansant et jouant de divers
instruments. Bacchus , un thyrse à la main,
assis aux pieds d'un lit de repos garni d'une
peau de panthère, sur lequel est à demi couché
un éphèoe couronné de myrte et tenant une
frande corne d'abondance surmontée de glo-
ules; Ariane s'avance, portant un plateau et
dirigeant la main droite vers la corne d'abon-
dance; au deuxième plan, une femme assise
relève un pan de sa tunique et porte un pla-
teau; près d'elle, un Silène vêtu d'une par-
dalide tientaussi un plateau; adroite, Vulcain,
couronné de lierre, s'appuie, dans sa marche
mal assurée, sur un Silène qui porte un flam-
beau ; au premier plan, un petit génie ailé tire
à lui une cordelette saisie par un cygne ; un
cep chargé de pampres couvre de son ombre
les principaux personnages de la composition.
Cette pointure intéressante forme le revers
d'un vase grec de la plus grande beauté (col-
lection Pourtalès, n° 136), dont la face repré-
sente une scène- d'initiation aux mystères de
Cérès et de Proserpine, divinités qui avaient,
ainsi que nous l'avons dit, un cuite commun
avec Bacchus.
Bacchus (triomphe de). 1» Une coupe anti-
que à couverte noire , qui a fait partie de la
collection Pourtalès, est ornée de bas-reliefs
représentant quatre quadriges conduits chacun
par une Victoire, et précédés par un Amour qui
tient des palmes et qui vole au-devant des
chevaux. Trois des chars sont occupés par
Minerve, Hercule et Mars. Sur le quatrième
est Bacchus, jeune, imberbe, vêtu dune tuni-
que courte et n'ayant d'autres armes qu'un
uiyrse. 2" Un bas-relief du musée Pio-Clé-
mentin montre Bacchus placé à côté d'Hercule
sur un char traîné par des centaures. 3° Le
vainqueur des Indes figure au milieu d'un"
cortège de bacchantes tenant des thyrses, des
boucliers et des tambours, dans une belle
peinture trouvée à Pompéi, dans la maison de
M. Lucretius, et placée depuis au musée royal'
de Naples. 4° Sur un bas -relief du musée
Chiaramonti (n° 595), il est assis et reçoit la
soumission des Indiens. Près de lui se tient le
dieu Pan, le chef de son armée. A sa suite
viennent des soldats ayant des cuirasses et
des boucliers, et des centaures armés d'arcs
et de thyrses précèdent le char triomphal de
Bacchus et d'Ariane. 5° Citons encore un bas-
relief du musée Pio-Clémentin (n° 75), vendu
à Pie VII parle sculpteur Pierantoni, ouvrage
d'un bon style, mais qui a malheureusement
beaucoup souffert des injures du temps : le
dieu, placé sur un char que traînent des cen-
taures, est accompagné de soldats montés sur
des chameaux et des éléphants, et qui con-
duisent des Indiens prisonniers. V. Ariane,
Bacchanales.
Baeebu* (torse de), antique célèbre sous
le nom de l'orse Farnèse. V. Torse.
BaCcbus (REPRÉSENTATIONS MODERNES DE).
BAC
Bacchus est peut-être, après Vénus, la divi-
nité païenne que les artistes modernes ont
fait entrer le plus souvent dans leurs compo-
sitions. Ce dieu jeune, ce dieu charmant a
inspiré aux maîtres de la Renaissance quel-
ques-uns de leurs ouvrages les plus séduisants.
Pour parler d'abord des sculpteurs, Michel-
Ange n'a jamais rien fait de plus gracieux que
son Bacchus ivre (v. ci-après) ; et, à côté de
ce chef-d'œuvre, au musée des Offices, on peut
admirer un Bacchus sculpté par le Sansovino,
qui n'est point trop écrasé par un pareil voi-
sinag'e. Les peintres italiens semblent avoir
eu une sorte de prédilection pour ce dieu,
dont ils avaient sous les yeux une foule
d'images antiques bieii propres à leur servir
de modèles. Le célèbre graveur Marc-Antoine
Raimondi nous a laissé une estampe représen-
tant Bacchus, de profil, relevant de la main
gauche un pan de sa nébride rempli de
fruits, et tenant de la droite une grappe de
raisin, qu'il élève au-dessus de sa tête. A
ses pieds, une panthère, l'œil en feu, re-
garde la grappe qu'elle convoite. Il est im-
possible de ne pas être frappé de l'étroite
analogia qu'il y a entre cette ligure et quel-
ques-unes des nombreuses statues antiques de
Bacchus que nous avons décrites. On croirait
presque à la reproduction exacte d'un débris
de l'art grec. « Mais la gravure de Marc- An-
toine, dit M. Gruyer, porte une empreinte
tellement poétique, la tête de Bacchus est
d'un si beau style, le nu est traité avec une
simplicité si magistrale, il y a dans le mouve-
ment général tant d'aisance et tant de no-
blesse, un souffle si puissant anime cette
figure, qu'il est impossible, en présence de cette
estampe, de ne pas nommer Raphaël entre
Marc-Antoine et l'antiquité. » C'est, en effet, à
Raphaël que les connaisseurs s'accordent a
attribuer le dessin d'après lequel aura été
exécutée cette gravure. Avant de décrire les
tableaux et les statues modernes les plus re-
marquables dont le dieu des vendanges est le
héros, nous allons dresser sommairement la
liste générale des ouvrages du même genre,
dus à des artistes de mérite.
Une estampe du Maitre au dé, que l'on croit
avoir été faite sur un dessin de Raphaël,
montre Bacchus entouré d'Amours. Le dieu en-
fant a été peint par Goltzius (gravé par Ley-
bold) ; par le Guide (v. ci-après); etc. Il a été
représenté : pressant des raisins (dessin et
gravure de G. de Lairesse); assis sur un ton-
neau, avec fond de paysage (dessin et gravure
de Jean-Etienne de Laune); à mi-corps,
couronné de pampres et tenant une coupe
(gravure très-rare de Bosschaert) ; ivre, cou-
ché près d'un tonneau (dessin et gravure de
Hans-Baldung Griln) ; ivre, soutenu par un
satyre et un Maure (tableau de Rubens, gravé
par Suyderhoef ) ; accompagné de Silène
(peinture de Dom. Piola, au palais Brignole-
Sale, à Gènes) ; accompagné d un faune (gravé
parJ.-G. Muller, d'après Goltzius); avec ses
attributs ordinaires (gravé par Bartsch d'après
le Parmesan, par Caraglio et J, Binck d'après
Rosso dei Rossi, par Bernard Lens le Vieux
d'après Van DycÉ, par Alberti d'après Poly-
dore de Caravage), etc.
La Naissance de Bacchus a été peinte par
Poussin (v. ci-après); par Fr. Boucher (gravé
par Aveline) ; par Boni (voûte d'une des salles
du palais Durazzo, à Gênés).
L'Education de Bacchus a été représentée
par Poussin (v. Bacchanales), par Duqueylar
(Salon de 1817), par M.Ranvier(Salonde 1865),
par M. Perraud, sculpteur (v. ci-après). Un
tableau minutieusement fini, du chevalier Van
der Werf, au musée Van der Hoop, à Amster-
dam, est intitulé : l'Enfance de Bacchus.
Les amours d'Ariane et- de Bacchus ont
inspiré un grand nombre d'artistes, notam-
ment : le Titien (v. Bacchanales); le Guide
(tableau fait pour la reine d'Angleterre, gravé
par G.-B. Bolognini et par Jacob Frey) ; Jules
Romain (gravé par Bartsch) ; Vouée (gravé
par Dorigny) ; Benedetto Luti (gravé par
Bartolozzi) ; Franceschini (gravé par Baillie) ;
A. Coypel (v. ci-après); Natoire (gravé par
Duflos, par J. Pelletier, par Sergent, v. ci-
après); Al. Marchesini (gravé par Jacopo da
Leonardis); A. Corradini (gravé par C.-P.
Lindeinann); L. Le Roux (dessin et gravure) ;
J.-M. Pierre (v. ci-après); G. de Lairesse
(dessin et gravure) ; Sébastien del Piombo
(tableau du palais Vivaldi Pasqua, à Gênes) ;
Clodion (groupe en terre cuite, vente de M. W.
1860); Francesco Migliori (tableau de la gale-
rie de Dresde) ; Luca Giordano (tableau de la
galerie de Dresde) ; W. van Mieris (tableau
de la galerie de Dresde); Johann - Victor
Platzer (tableau de la galerie de Dresde);
Giulio Carpione (tableau de la galerie de
Dresde); Erasme Quellyn (tableau du musée
royal de Madrid), etc. Un tableau de Luca
Giordano, au musée de Dresde, représente
Bacchus, avec sa suite et tous les dieux de
l'Olympe, apparaissant à Ariane. Une char-
mante peinture de la même galerie, que l'on
croit avoir été exécutée par le Garofalo,
d'après un dessin de Raphaël, nous montre
les Noces de Bacchus et a Ariane, sujet traité
par van Balen dans un autre tableau du même
musée. Il faut citer encore le Triomphe de
Bacchus et d'Ariane, plafond célèbre d'An.
Carrache, au palais Farnèse (v. ci-après) ; le
même sujet, par Jules Romain (v. ci-après);
par~"Subieyras (gravé par P. Parrocel) ; par
Cornelis Bos (gravé par le même), par J.-B.
Huet (gravé par Bonnet), par Pencz (gravé
BAC
par N. Garnier), par un ciseleur anonyme
sur un beau vase de bronze du palais Corsini
(Florence) ; par le sculpteur P. Petitot (Salon
de 1814); par F. Devosge, etc. Une estampe
de Bonasone, d'après Pierino délia Vaga, re-
présente Bacchus, seul sur un cliar traîné par
îles tigres et suivi de satyres et deTjacchantes.
Dans une composition dessinée et gravée par
G.-B. Franco , le triomphateur est couronné
par une Victoire et entouré de bacchantes et
de satyres conduisant des éléphants, des cha-
meaux, des tigres, des lions. Le Triomphe de
Bacchus a encore été représenté par Dome-
nico Parodi (peinture du palais royal, à
Gênes); par le maître aux initiales I. B.
(gravure allemande du xvic siècle) ; par Jean
Popels; par le Cortone (peinture du
BAC
25
Sacchetti, gravé par Pietro Aquila); par Bre-
biette (dessin et gravure) ; par Jean Laudin,
émailleur (grisaille rehaussée d'or, décorant
une coupe de la galerie Pourtalès, n° 1776) ;
par Pablo Fenollo (tableau du musée royal de
Madrid) ; par Cornelis de Vos (même musée,
v. ci-après).
Parmi les représentations où Bacchus joue
un rôle, nous devons signaler celles qui figu-
rent l'Alliance de ce dieu avec Cérès et Vénus,
en vertu de l'adage antique : Sine Baccho et
Cerere [riget Venus. (V. ces mots.) V. aussi
Ariane, Bacchanales, Faunes, Silène, Sa-
tyres.
Nous n'entreprendrons pas de décrire les
innombrables compositions que Bacchus a
inspirées à la statuaire moderne, depuis la
Renaissance jusqu'à notre époque. Il nous suf-
fira de citer celles qui ont figuré, dans ces
dernières années, aux expositions de Paris :
Salon de 1847 : Bacchus enfant et faune
jouant des cymbales, groupe de marbre, par
M. H. de Triqueti. — Salon de 1853 : Bacchus
enfant, statue de marbre, par M"»e Noéini
Constant. — Salon de 1855 : Bacchus, statue do
plâtre, par M. J. Beinig, sculpteur bavarois;
Bacchus et Erigone , groupe de plâtre, p;ir
M. Lanzirotti: Bacchus enfant, statue par
M. T. Ambuchi, sculpteur anglais; Bacchus
et Leucothoé, groupe de marbre, par M. Dû-
ment (v. ci-après). — Salon de 1857 : Bac-
chus, couronné de pampres et exprimant dans
une coupe le jus d une grappe de raisin, imi-
tation de l'antique, statue de marbre, par
M. Charqbard ; Bacchus, buste de bronze, par
M. Gumery ; Enfance de Bacchus, groupe de
plâtre, par M. Perraud (v. ci-après). — Salon
de 1859 : Bacchus, statue de bronze, par
M, Klagmann: Bacchus enfant, « remarquable
par le naturel et la verve du geste, » a dit
M. Chesneau, statue de marbre, par- M. Les-
corné. — Salon de 1861 : Bacchus enfant,
tourmenté par une nymphe des champs, groupe
de marbre, par M. Ramus. — Salon de 18G3 :
l'Education de Bacchus, groupe de marbre,
par M. Doublemard; Bacchus enfant, statue
de plâtre par M. J. Fesquet; l'Enfance de
Bacchus, groupe de marbre, par M. Perraud
(le plâtre a été cité plus haut) ; Fête à Bac-
chus, groupe de marore, par M. Révillon. —
Salon de 1864 : Bacchus, modèle de médaille,
bas-relief de plâtre, par M. A. Borrel ; Bacchus
enfant, statue de marbre, par M. Marcellin.—
Salon de 1865 : l'Education de Bacchus, groupe
de bronze, par M. Doublemard ; Bacchus cl
l'Amour, groupe de plâtre, par M. Janson.
Nous compléterons cette liste par l'indication
des ouvrages suivants, qui ont figuré à l'Ex-
position universelle de Londres en 1862 :
Bacchus et Ino , groupe de marbre , par
M. Wyatt ; Bacchus enfant, statuette de mar-
bre, par M. Baily; Bacchus et Ino, groupe de
marbre, par M. Foley.
Bae.-huH (naissance de), tableau de Nicolas
Poussin, musée de Montpellier. Le premier
plan de cette composition est occupé par une
pièce d'eau que dominent, dans le fond, des
rochers festonnés de lierre et de pampre, et
couronnés de grands arbres sous lesquels un
satyre assis joue du chalumeau. Une grotte,
remplie de vases et de corbeilles de fleurs,
est pratiquée dans la partie inférieure de ces
rochers, au bord de 1 eau où les nymphes de
Nysa se livrent au plaisir du bain. A gauche,
Mercure remet le jeune Bacchus à deux de
ces nymphes et leur montre, dans le ciel, Ju-
piter couché sur un lit et à qui Ganymède
présente une coupe d'ambroisie. Cinq autres
nymphes sont groupées, à droite, dans des
attitudes diverses. A gauche , au premier
flan, une femme est étendue^ au bord de
eau ; derrière elle, une autre femme est as-
sise, accoudée sur un rocher. Ce tableau à été
gravé par Dambrun dans le Musée français.
Une belle estampe de Giovanni Verini repro-
duit la même composition, mais avec quelques
changements : le groupe céleste se compose
de Vénus (?) assise sur un char attelé de deux
colombes, et à laquelle l'Amour vient annon-
cer la naissance de Bacchus. Mercure tourne
le dos à ce groupe et tient des deux mains le
bambino, qui a la tête radiée. Au-dessus de la
grotte, entre les arbres, Apollon apparaît dans
le disque solaire, conduisant quatre chevaux
fougueux. Le satyre qui joue du chalumeau a
une autre attitude, et la nymphe assise au
premier plan est plus vêtue. Il peut se faire
que cette estampe ait été exécutée d'après
le tableau de Poussin, représentant la Nais-
sance de Bacchus, et qui a été payé 17,500 fr.
a la vente de la collection du musicien Erard,
en 1832 ; nous laissons à ceux qui ont vu ce
tableau le soin de vérifier notre conjecture.
Baeebu» (éducation de), tableau de Nicolas
Poussin, à la National Gallery de Londres
(no 39). Les nymphes et les faunes président
à l'éducation du fils de Sémélé. « Les intentions
de ce tableau sont jolies, dit le catalogue pu-
blié par Clarke ; mais la composition n est pas
assez unie, ni l'effet assez vif et brillant. » Le
Critique anglais va jusqu'à reprocher à une
chèvre de n être pas bien dessinée. M. Viardot,
plus indulgent, assure que l'Education de
Bacchus est un petit cadre fin, spirituel, char-
mant. » Un autre tableau de Poussin, auquel
on donne quelquefois le même titre qu'au pré-
cédent, figure au Louvre. V. Bacchanales.
Baechua enfant, tableau du Guide, à la
galerie royale de Dresde (n° 446). Le dieu
enfant, qu à son obésité précoce et à ses for-
mes sans élégance, on prendrait plutôt pour
un petit Silène, tient à la main une bouteille
dont il est en train d'absorber le contenu. Il
.est assis, accoudé à un tonneau d'où s'échappe
un p*etitjetde vin, et lui-même il laisse échap-
per ce qu'il a bu de trop. On a une bonne es-
tampe de ce sujet. Une autre peinture du
Guide, qui appartient au palais Pitti (Florence),
représente Bacchus jeune, tenant une coupe
sur une assiette; un autre enfant, placé plus
bas, porte une cruehe. Cette composition, dont
les ligures sont a mi-corps, a été gravée par
Lorenzini et par Beissoo.
Baeebu* et Ariane, tableau de Simon Vouet,
gravé par Dorigny (1644). Bacchus], cou-
ronné de pampres et ayant un thyrse à la
main, poursuit Ariane, qui, d'une main, relève
le bas de sa tunique et tend l'autre main en
avant. Le dieu, ayant pour tout vêtement une
grande draperie flottante, dépose une cou-
ronne d'étoiles sur la tête d'Ariane. Cette
composition fait allusion à la métamorphose
de l'amante de Bacchus en constellation ,
comme nous l'apprend le distique suivant,
écrit sur la gravure de Dorigny :
Quod parère negas insnno, Ariadna, Lyeeo,
Grata coronabunt mox cap ut astra tuum.
Baccbue et Ariane, tableau d'Antoine Coy-
pel. Dans une grotte spacieuse dont le lierre
et la vigne festonnent les parois et qui est
ouverte de deux côtés sur la mer, Ariane gé-
mit sur le départ du perfide Thésée. Elle est
assise sur un rocher, mais son beau bras nu
repose sur un coussin moelleux. Le désordre
de sa toilette est sans doute un effet de l'art;
une amante qui vient d'être trahie peut-elle
songer si vite à faire de nouvelles conquêtes?
Bacchus, couronné de pampres et de raisins,
vêtu d'une chlamyde et d'une peau de pan-
thère, se penche vers elle, la main sur le
cœur, le sourire sur les" lèvres , et semble
s'offrir pour la venger de Thésée. Toutes les
femmes ne sont pas comme Niobé , qui ne
voulait pas être consolée (et noluit consolari) :
Ariane lance à Bacchus une œillade assassine,
et déjà le génie de l'hymen se tient derrière
les deux amants, un flambeau à la main. A
gauche, un satyre et une charmante bacchante
ont mis un genou en terre et présentent à la
fille de Minos une corbeille de fruits magnifi-
ques. Plus à gauche , un gentil amour est
monté' sur le char de Bacchus, tandis que les
tigres qui forment l'attelage se gorgent de
raisins. Dans le tond, Silène, ivre, chancelle
sur son âne. A droite, un faune et un petit sa-
tyre jouent avec une chèvre; un satyre ado-
lescent boit avec componction dans une bou-
teille, et un vieux satyre cherche à consoler
par ses caresses une suivante d'Ariane. Cetto
composition est loin d'avoir la verve entraî-
nante des Bacchanales du Titien et la fermeté
de style de celles de Poussin ; mais elle est
remplie de détails spirituels et piquants. Une
gravure, qui vaut assurément mieux que la
peinture , a été exécutée à l'eau-forte par
A. Coypel lui-même, et terminée au burin par
Gérard Audran, en 1693.
IWrbuv et Ariane, tableau de Jean-Marie
Pierre, gravé par Lempereur. Bacchus est
assis, couronné de lierre, tenant de la main
droite un thyrse en manière de sceptre, ayant
le torse nu et la partie inférieure du corps
couverte d'une peau de panthère. Ariane,
jeune et gracieuse fillette, presque entière-
ment nue, est assise sur ses genoux : elle
prend des raisins dans une corbeille que porte
un enfant. Au premier plan, à gauche, un
petit satyre se renverse en arrière, ayant à
la main une coupe qui déborde. Deux colom-
bes se becquètent en l'air, près de deux ar-
bres à droite. Au fond, sur la gauche, un
grand vase.
Baeebu* et Ariane , tableau de Natoire,
gravé par Pollet. Bacchus, tenant son thyrse
et vêtu d'une pardalide passée en écharpe de
gauche a droite, est assis au pied d'un arbre.
Il parle à Ariane, étendue à terre près de lui
et qui tourne le dos au spectateur. Au second
plan, une bacchante danse avec un faune qui
joue de la flûte. Un satyre, assis sur une es-
pèce de terrasse, joue du chalumeau; en l'air,
deux amours voltigent au-dessus de Bacchus
et d'Ariane.
Baeebu* (triompbe de), tableau de Nicolas
Poussin, collection du comte de Carlisle (An-
fleterre). Cette composition, que nous croyons
tre une de celles que le célèbre artiste exé-
cuta à Rome pour le cardinal de Richelieu,
est une véritable bacchanale, et pourrait s'in-
tituler les Amours de Bacchus et d'Ariane.
Le dieu et son amante sont descendus de leur
char et se promènent en devisant d'amour. Ils
sont placés, à gauche, au second plan : Ariane
a les bras croisés sur la poitrine et puruil
4
20
BAC
BAC
BAC
BAC
écouter attentivement le fils de Sémélé, qui,
de la main, lui montre les personnages grou-
pés au premier plan. Ici, deux satyres expri-
ment du jus de raisin dans une coupe et le
donnent à boire aux deux panthères attelées
au char de Bacchus. Un faune apporte sur
ses épaules un énorme cratère; un autre jouo
du flageolet, et une bacchante l'accompagne
en frappant une coupe avec une espèce de
pince. Trois enfants jouent sur le devant du
tableau : l'un d'eux est assailli par un bouc.
A droite, une bacchante nue dort, étendue a
terre entre deux amphores renversées, dans
une attitude pleine d élégance et qui rappelle
celle de la Bacchanale du Louvre (no 440).
Dans le fond, toujours à droite et en tête du
cortège dionysiaque , Silène , soutenu sous
chaque bras par un faune, chevauche lourde-
ment sur son âne : celui-ci, pour prendre part
à la fête, ne trouve rien de mieux à faire que.
de mordre là croupe voluptueuse d'une bac-
chante qui danse en agitant un tambour de
basque. Cette composition , empreinte d'un
sensualisme élégant et raffiné, est peinte dans
la manière claire que Poussin employait de
préférence pour ses bacchanales. Elle ornait
la galerie de lord Ashburnam, avant d'appar-
tenir au comte de Carlisle, qui l'a envoyée à
l'exposition de Manchester de 1857. On en a
une assez bonne gravure par D. Beauvais', sur
laquelle est écrit le quatrain suivant :
Du parjure Thésée Ariane se venge :
Au défaut d'unjmortel, Bacchus est son amant.
Elle ne perdit rien au dieu de la vendange :
Un buveur, en amour, vaut mieux qu'un conquérant.
Un autre tableau de Poussin, représentant
Bacchus fit Ariane, figure au musée des Offi-
ces, à Florence : c'est une toile de petite di-
mension et dont .la couleur est noircie. Le
musée royal de Madrid possède un tableau du
même maître, que le catalogue intitule Bac-
chanale (no 983), et où l'on voit Bacchus re-
cevant dans son char Ariane et Cupidon ,
tandis que des bacchantes et des faunes, cou-
ronnés do pampres, s'avancent, les uns bu-
vant, les autres dansant au son des flûtes et
du tympanum.
Bncchim (triomphe de) , tableau de Charles
de La Fosse, musée du Louvre (n° 206), Bac-
chus, le thyrse à la main, est assis sur un
trône porté par un éléphant blanc. Des saty-
res, des bacchantes et des enfants lui font
cortège, en dansant et en jouant de divers in-
struments. Au premier plan, a droite, un sa-
tyre ivre est étendu le visage contre terre.
Bacchus (triomphe de), tableau de Natoire,
gravé par Ch. Duflos. Le dieu, couronné de
pampres, est assis sur un tertre que recouvre
une peau de panthère. Il prend, de la main
droite, un raisin dans une corbeille que tient
un jeune faune, et, de l'autre main, il tend une
coupe à" une bacchante court vêtue qui lui
verse à boire. A gauche, un bacehant ayani
un thyrse à la main, est assis près d'une bac-
chante qui tient un tambour de basque et re-
garde le spectateur. Des enfants jouent sur le
devant du tableau, parmi des grappes de rai-
sin et des amphores renversées. Au fond, à
droite, des faunes et dés faunesses dansent.
Deux amours, l'un tenant une écharpe, l'autre
tenant une couronne, planent au-dessus du
groupe principal. La scène se passe dans une
espèce de parc, dont les grands arbres sont
enlacés de pampres et de lierres.
Bnccbua (triomphe de), peinture de Jules
■ Romain, gravée par Th. de Bry. Au char du
triomphateur est attelé un âne, celui du bon-
homme Silène sans doute ; des faunes, des sa-
tyres, des bacchantes, dansant et jouant de
divers instruments , forment le cortège du
dieu. Celui-ci est assis et tient une corne d'a-
bondance pleine de raisins ; derrière lui est un
faune qui s'apprête à le couronner. La pro-
cession bachique se dirige vers un temple qui
s'élève sur la droite.
Bacchus (triomphe de), tableau de Cor-
nelis de Vos, au musée royal de Madrid. Le
char de triomphe est traîné par des tigres. Le
dieu, soutenu par un satyre, embrasse une-
bacchante (Ariane?) et tient à la main une
grappe de raisin qu'un petit satyre mord à la
dérobée. Cette dernière figure rappelle celle
qui accompagne le Bacchus ivre Je Michel-
Ange. Le char est précédé par un bacehant
qui joue du tympanum et par un nègre qui
danse. A droite, Silène sur son âne. Cette
composition, qui n'a pas moins de 3 m. 50 de
long sur 2 m. 20 de large environ, est peinte
avec un certain éclat dans la manière de Ru-
bens.
Bacchus faisant alliance avec l'Amour, ta-
bleau d'Antoine Coypel, gravé par Jean Au-
dran; Les vers suivants de Gacon, qu'on lit
sur l'estampe d'Audran, expliquent le sujet de
la composition :
Un jour, le dieu de la vendange
Et le dieu de l'amour voulant faire la paix,
Par un aimable et doux échange
Troquèrent coupe contre traita.
Ils étaient lors sous une treille,
Où Vénus accourut du céleste séjour.
Elle vit Cupidon qui vidait la bouteille
Et Bacchus qui goûtait les plaisirs de l'amour.
Les deux jeunes dieux sont assis sur des
fauteuils de chaque côté d'une table recou-
verte d'une nappe blanche, et dont les pieds
sculptés imitent des pieds de bouc. Le beau
Dionysos, couronné de roses, l'air langoureux,
la bouche en cœur, se penche en souriant vers
monsieur de Cupidon, un charmant bambin, à
l'air espiègle, au minois fripon, qui, la coupe
à la main, semble porter un toast au dieu des
buveurs. Un vieux satyre appuyé sur le dos
du fauteuil où est assis Bacchus, et un petit
négrillon placé au bout de la table regardent
en riant l'Amour. Vénus, assise sur un nuage,
semble plus charmée que surprise des proues-
ses de son fils. Derrière celui-ci, à droite, à
l'entrée d'une grotte qu'encadre un cep de
vigne, on voit trois nymphes demi-nues, dont
une prend une bouteille dans un vase a ra-
fraîchir. A gauche, un amour cache son joli
visage derrière un masqu« difforme de satyre
et joue avec une panthère qui mange des rai-
sins. Un gentil petit satyre, à qui cet amour
a prêté son carquois et son arc, paraît tout
fier d'avoir de pareilles armes. Plus vers le
fond, un vieux satyre danse seul, tenant à la
main un chalumeau. Cette composition, trai-
tée avec la grâce un peu mièvre et l'esprit un
peu fade des peintres du xviii^ siècle, est, en
somme, une jolie peinture pour un boudoir
galant.
Bacchus Ure, statue de Michel-Ange, musée
degli Uffici, à Florence. Cette statue, qui est
neut-être l'ouvrage que le grand sculpteur a
fini avec le plus de soin et de délicatesse, re-
présente Bacchus couronné de lierre et de
pampres, levant d'une main une coupe pleine et
tenant de l'autre une grappe de raisin qu'un
petit satyre, assis derrière lui, grignote à la
dérobée. Le dieu a peine à se tenir debout-,
son attitude penchée, ses yeux à demi fermés,
sa bouche riante, tout en lui exprime admira-
blement l'ivresse. M. Viardot vante le style
doux, élégant, coquet, de cette figure, qui ne
s'éloigne pas autant que l'a prétendu M. La-
vice , du type de Bacchus .qui nous a été
transmis par l'antiquité.
BnccbuB (enfance de), groupe de' marbre,
de M. Perraud, musée du Luxembourg. Le
petit Bacchus est monté sur les épaules d'un
faune assis, dont il tire l'oreille pointue et qu'il
menace gaiement de son thyrse. Une musette,
une flûte de Pan, des cymbales, attendent à
terre qu'il plaise au capricieux bambin de
varier ses plaisirs. Le modèle en plâtre de ce
groupe a figuré au Salon de 1857 et y a été
justement admiré. « On reconnaît là, a dit
M. About, l'œuvre d'un artiste sérieux, qui
dédaigne les succès faciles et se moque des
applaudissements vulgaires. » « Le faune, a
dit de son côté M. Paul de Saint-Victor, rap-
pelle, sans les parodier, les meilleurs satyres
de l'antiquité : il en a les membres lestes, la
tournure allègre, la gaieté vivace et presque
animale. On ne pouvait mieux rendre la nature
sèche et nerveuse d'un demi-dieu agreste,
cousin germain des chèvres et des cabris.
L'exécution, qui, appliquée aune autre figure,
paraîtrait peut-être un peu maigre, s'adapte
à celle-ci comme le son aigre d'un pipeau à
une danse rustique. Le Bacchus est charmant,
avec son effronterie de gamin sacré et son
petit ventre bombé, qui veut se faire aussi gros
que celui de Silène. » L'Enfance de Bacchus,
exécutée en marbre, a été exposée au Salon
de 1863 et a valu a l'auteur la grande médaille
d'honneur. M. Th. Gautier a porté, à cette épo-
que, le jugement suivant sur cette œuvre capi-
tale : 9 L'époque moderne peut être fière à bon
droit d'avoir produit un groupe de cette valeur.
Le faune est d'une nature fine, robuste et
nerveuse, qui contraste avec les formes rondes
et potelées de l'enfant divin. Sa pose, de l'eu-
rhythmie la plus savante, donne lieu à des
développements de muscles Sans exagération,
mais accusant une profonde connaissance de
l'anatomie, bien rare de nos jours. Les del-
toïdes, l'emmanchement du col, sont des mor-
ceaux dignes des plus illustres ciseaux. Les
pieds, les mains sont irréprochables : la tête
a, sans grimace, cette expression de joie fac-
tice d'un adulte qui veut faire rire un enfant.
Nous cherchons un défaut, et nous ne le trou-
vons pas. Le seul qu'on y pourrait découvrir
serait une perfection trop sévère; le marbre,
comme s'il avait compris qu'on taillait un
chef-d'œuvre dans son bloc, n'a pas une tache,
pas une strie; il conserve la même pureté que
la statue. >
Bacchus enfant cl Lencothoé , groupe de
marbre de M. Dumont, Salons de 1831 et de
1855. La nymphe tient sur ses genoux et en-
toure de son bras gauche le jeune Bacchus,
qui vient de quitter Te sein de sa nourrice pour
une coupe qu'on lui a présentée. Elle sourit à
l'enfant confié à ses soins. Ce groupe, qui est
le meilleur ouvrage de l'auteur, a été sévère-
ment jugé par Gustave Planche, en 1831;'
après une véhémente tirade contre les ta-
bleaux de M. Dubufe, qu'il termine ainsi:
« Ce n'est pas même de la mauvaise peinture, »
l'austère critique s'exprime dans les termes
suivants, au sujet de 1 œuvre de M. Dumont :
> Bacchus' et Leucothoé rappelle , à s'y mé-
prendre, la peinture de M. Dubufe. Donnez à
M. Dubufe du marbre et un ciseau, et vous
aurez M. Dumont. La réciproque me paraît
également vraie. » M. Fr. Lenormand s'est
montré plus indulgent : selon lui, la Leucothoé
est une gracieuse figure dont la composition
est peu originale, la tète petite de caractère
et légèrement maniérée, mais dont l'exécution
est a la fois fine et vraie , particulièrement
dans les draperies qui enveloppent le bas de
la figure. Le même critique loue M. Dumont
.d'avoir coloré légèrement en vert les algues
marines qui couronnent Leucothoé, et d'avoir
différencié, autant par le ton que par le travail,
les chairs et les cheveux de la nymphe. Sui-
vant M. Th. Gautier, les deux figures de ce
groupe sont agencées habilement et présen-
tent de tous côtés d'heureux profils. « On y
sent le maître nourri des chefs-d'eouvre de
l'art antique, et qui a plus remarqué le marbre
que la chair : de faute, il n'y en a pas; il ne
mangue qu'un accent de nature, une étincelle
de vie, une négligence peut-être,
Et la grftce plus belle encor que la beauté. •
Le groupe de Bacchus et Leucothoé, qui a
valu à M. Dumont une médaille de ire classe
en 1831 et qui a figuré à l'exposition univer-
selle de 1855, appartient à l'Etat.
Bacchus en Toscane, BaCCO in Toscana,
poème italien de Redi (xvu° siècle). C'est un
dithyrambe en l'honneur du vin, écrit en petits
vers rapides, mais toujours harmonieux, et où
la grâce familière du style relève encore l'o-
riginalité de la pensée. Dans cette ode bachique,
qui appartient au genre bernesque, Redi sup-
pose que Bacchus, après la conquête des
Indes, vient en Toscane avec sa nouvelle
épouse Ariane, qu'il avait trouvée, à son re-
tour des Indes, abandonnée par Thésée. Ils
s'arrêtent sur les collines étrusques; sous les
bosquets verdoyants de Poggio Impériale, villa
des grands-ducs de Toscane, près de Florence,
et là Bacchus, dans les élans d'un lyrisme
filaisant, mais toujours noble, chante les
ouanges de la divine liqueur qui égayé et ré-
génère les dieux et les hommes. Le dieu
maudit celui qui a planté la vigne dans la
basse plaine de Lecore, où le vin est très-
faible, et voue les ceps à la dent des chèvres
et des moutons ; il loue et exalte, au contraire,
n le héros qui a planté le muscat dans les
vignes de Castello. » Bacchus se livre en-
suite à une vive et spirituelle philippique
contre toutes les autres boissons connues :
le chocolat et le thé , médecines qui ne sont
pas pour lui ; l'amer et épais café , pouah !
Bacchus boirait plutôt un verre plein de
poison ; le café est bon pour les esclaves ,
au pays des Arabes et des janissaires. La
bière, le cidre d'Angleterre, toutes les bois-
sons du nord sont bien plus funestes encore .-
mais rien que de penser à des buveurs insensés,
comme le Norvégien et le Lapon, qui ne con-
naissent pas le vin, le dieu se sent sortir des
gonds. Il revient au nectar de la Toscane, au
vin doré de San Savino, au vin vermeil
d'Arezzo, au blond Albano, au rouge Vaiano,
qui mûrissent dans les vignobles de Redi
(l'auteur), son fidèle Redi'. Bacchus s'exalte
en parlant do la vigne, et il y a là un passage
délicieux. Vient ensuite une longue et amu-
sante diatribe contre l'eau , liquide auquel
Bacchus a, comme on le pense bien, beaucoup
de reproches à faire. A force de lyrisme et de
rasades, Bacchus finit par se griser et tient à
Ariane des propos incohérents, mais qui ne
cessent jamais a être dignes d'un tel dieu...
L'originalité et la manière de Redi ont séduit
beaucoup de poètes italiens ; Redi a eu beau-
coup d'imitateurs, mais pas un n'a égalé son
Bacchus en Toscane.
BACCHYLIDE, poète lyrique grec, né à
Joulis, dans l'île de Céos, vivait à la cour
d'Hiéron, tyran de Syracuse, vers 411 av. J.-C.
Il était oncle d'Eschyle et neveu de Simonide.
Rival de Pindare, il eut dans l'antiquité une
renommée éclatante. Malheureusement, il ne
reste de lui que quelques fragments où l'on
remarque beaucoup d'élégance et de douceur,
surtout dans un beau péan adressé à la paix,
qui nous a été conservé par Stobée. Il avait
composé des hymnes, des dithyrambes, des
chants de victoire, des chœurs, des poésies
erotiques, etc. Les fragments de Bacchyiide,
publiés avec une traduction latine, par Fréd.
Neue , sous le titre Bacchylidis Cet frag-
menta (Berlin, 1822), ont été traduits en fran-
çais par Falconet dans le Panthéon littéraire.
BACC1ARELL1 (Marcellin), célèbre peintre,
né à Rome en 1731, mort à Varsovie en 1818.
Appelé à Dresde en 1753 par l'électeur de
Saxe Auguste III, il suivitee prince en Pologne,
et fut plus tard le peintre favori de la cour de
Stanislas-Auguste Poniatowski, qui lui confia
la direction des beaux-arts de Pologne. Il a
laissé dans ce pays un grand nombre d'œuvres
remarquables, dont voici les principales : Au
château de Varsovie, une série de portraits
des rois de Pologne, depuis Boleslas le Grand
jusqu'à Stanislas- Auguste ; six grands tableaux
historiques :, Casimir le Grand donnant des lois
et protégeant les paysans à Wislitza (1346);
la Fondation de l'université de Cracoui>(1369) ;
Hommage du duc Albert de Prusse au roi Si-
gismond I" (1525) ; Union de la Pologve et de
la Lithuanie à Lublin (1569); Paix de Ckotrim
(1621); Délivrance de Vienne par Sobieshi
(1683); dix portraits de personnages histori-
ques. A la cathédrale de Varsovie, un tableau
représentant la Vierge et l'Enfant Jésus ayant
à leurs pieds saint Jean-Baptiste et saint Sta-
nislas, patron de la Pologne. Stanislas-Auguste
dans la cabane du meunier et StanislaS'Auguste
mourant à Saint-Pétersbourg, sont deux com-
positions fort remarquables, aussi bien que le
tableau de Napoléon donnant une constitution
aux Polonais à Dresde en 1807. Bacciarelli a
fait en outre un grand nombre de portraits,
dont quelques-uns sont de véritables chefs-
d'œuvre. Il fut nommé directeur général des
bâtiments de la couronne; il était membre de
la Société royale des amis des sciences de
Varsovie, de l'Académie de peinture de Saint-
Luc de Rome, de celles de Dresde, de Berlin,
de Venise, de Bologne, etc., etc. Lors de l'ab-
dication de Stanislas-Auguste, il reçut un bon
de 25,000 ducats sur la liquidation des dettes
à payer par les puissances copartageantes.
11 s'est distingué surtout par la pureté du des-
sin, l'harmonie de ses compositions et un coloris
agréable.
BACCIEN, IENNE adj. (ba-ksi-ain, i-è-ne
— du lat. bacca, baie). Bot. Se dit des fruits
à péricarpe charnu qui ont quelque analogio
avec les oaies, tels que la groseille, le rai-
sin, etc. : Les fruits bacciens, à forme uac-
cienke. 11 s. m. pi. Classo de fruits qui offrent
ce caractère.
Baccifère adj. (ba-ksi-fè-rc — du lat.
bacca, baie; ferre, porter). Bot. Qui porte
des baies ; Les plantes baccieères sont presque
toutes,des arbres ou des arbustes. (Ferry.)
BACCIFORME adj. (ba-ksi-for-me — du
lat. bacca, baie, et de forme). Bot. Qui a la
forme et la consistance d'une baie ; Fruit
BACCIFORME.
baccile s. f. (ba-ksi-le). Métr. Ane.
mesure de capacité pour les grains, encore
usitée dans les îles Ioniennes. Elle vaut de
45 à 50 litres, it On écrit aussi bacile.
Baccinet s. m. (ba-ksi-nè). Art milit.
Syn. do bassinet.
BACCIO ou BACCI ou BACC1US (André),
médecin italien, né à Milan, vivait dans la se-
conde moitié du xvi« siècle. Il fut médecin du
pape Sixte-Quint et professa la botanique à
Rome de 1567 à 1600. Il a publié de nombreux
ouvrages de médecine et d'histoire naturelle,
dont le plus important a pour titre ; De Termis
(Venise, 1571); ce savant ouvrage a été plu-
sieurs fois réimprimé.
BACCIO BANDINELLI. V. Bandinelli.
BACCIOCH1 (Félix-Pascal), né en Corse en
1762, d'une famille distinguée, mais pauvre,
mort à Bologne en 1841. Simple capitaine d'in-
fanterie au moment où Bonaparte prenait le
commandement de l'armée d Italie, il obtint,
peu de temps après, la main d'Elisa, sœur du
jeune général dont le nom allait bientôt rem-
plir le monde et que de brillantes victoires
illustraient déjà. Que ce mariage plût ou non
à Bonaparte, il est certain qu'il y donna son
consentement, de même que sa mère. Il fut
célébré à Marseille en mai 1707. Bacciochi
fut nommé successivement colonel, président
du collège électoral des Ardennes, sénateur
(180-i), général, grand cordon de la Légion
d'honneur, etc. En 1805, Napoléon ayant
donné à sa sœur Elisa la principauté de Piom-
bino et do Lucques , Bacciochi fut couronné
avec sa femme ; mais ce fut le seul acte au-
quel celle-ci daigna l'associer. Pour tout le
reste, il ne fut que son premier serviteur et son
aide de camp ; il marchait derrière elle dans
les cérémonies et abaissait son épée devant
elle quand elle passait la revue de ses troupes.
Après la chute de Napoléon, il vécut dans
une condition privée, et finit par se' fixer à
Bologne lorsque sa femme fut morte. On rap-
porte qu'après sa dépossession, l'ancien prince
de Piombino, se trouvant dès lors sans titre,
se plaignait à M, de Talleyrand de ne plus
savoir comment s'appeler j le diplomate lui
répondit avec un sang-froid railleur : « Que
ne prenez-vous le nom de Bacciochi? il est
vacant. 1
Félix Bacciochi eut de son mariage avec
Elisa : Bacciochi (Jérôme-Charles), né en
1810, mort en 1830; — Bacciochi (Frédéric-
Napoléon), né en 1815, mort à Rome d'une
chute de cheval en 1833 ; — Bacciochi (Napo-
leone-Elisa), née en 1806, mariée en 1825 au
comte Camerata, et qui vécut séparée de lui
après 1830. Elle portait une vive affection au
duc de Reichstadt, et l'on rapporte que, l'ayant
décidé à fuir avec elle de Schœnbrilnn, elle ré-
pondit à ceux qui les arrêtèrent aux environs
du palais : « Voilà mon souverain ; je suis sa
cousine. » Son fils, Camerata (Napoléon), s'est
suicidé en 1853. Cette fin tragique a donné lieu
à des commentaires que nous ne pouvons rap-
porter ici, — Un cousin de ce dernier, le comte
Bacciochi (Félix), est aujourd'hui premier
chambellan de l'empereur.
BACCIOCHI-ADOBNO, de la même famille
que Félix Bacciochi, né en Corse, était lieu-
tenant-colonel des chasseurs royaux corses en
1799, et parcourut une carrière moins brillante
que celle de l'époux d'Elisa. Comme beaucoup
d'officiers de l'ancien régime, il émigra, porta
les armes contre la France au siège de Tou-
lon et dans l'armée de Condé, s'établit sous
l'Empire à Montpellier et fut nommé inspec-
teur aux revues. Louis XVIII l' éleva au grade
d'officier de la Légion d'honneur en 1816.
BACCIOCHI (Marie-Anne-Elisa Bonaparte,
Mme), v. Bonaparte (Elisa).
BACCIO DA MONTE- LUPO, sculpteur et
architecte florentin, né vers 1445, mort vers
1533. On croit que son véritable nom était
Bartolomeo Lupi , et qu'il prit le surnom de
Monte~Zupo, château situé à douze milles de
Florence , dans le voisinage duquel il vint
sans doute au monde. Vasari ne dit pas quel
fut son maître; Baldinucci suppose qu'il dut
fréquenter l'école de Lorenzo Ghiberti, et qu'il
se perfectionna dans la suite par l'étude des
œuvres de Michel-Ange. Il travailla d'abord
à Florence, où il a exécuté, entre autres ou-
vrages : un Hercule, aujourd'hui perdu, pour
Pierre de Médicis ; un Saint Jean-l'Evangé-
lisie, statue de bronze qui décore la façade
BAC
méridionale de l'église d'Or-San-Michele, et
dont il obtint la commande à la suite d'un
brillant concours; plusieurs beaux crucifix de
grandeur naturelle et même de proportion
colossale, soit en bois, soit en marbre. On ne
sait à quelle époque de sa vie il fit la statue
de Mars, qui est placée sur le tombeau du gé-
néral Benedetto PesarOj dans l'église de Santa-
Maria-dei-Frari, à Venise : « Cette figure est
froide dit M. Valéry, mais elle est remarquable
par lhabileté de l'exécution. » Baccio da
Monte-Lupo, dans sa vieillesse, se retira à
Lùcques et y donna les dessins de plusieurs
édifices, notamment de l'église Saint-Paulin
(1522), où il fut enterré. Un de ses fils, Raphaël
da Monte-Lupo, fut aussi un sculpteur dis-
tingué.
BACCIO DELLA PORTA, peintre italien.
V. Bartolomko (Fra).
BACC1US (André). V. Baccio.
BACCIVORE adj. (ba-ksi-vo-re — du lat.
bacca, baie; voro, je mange). Zool. Qui se
nourrit de baies.
— s. m. pi. Chez quelques ornithologistes,.
Famille d'oiseaux sylvains qui se nourris-
sent de baies.
BACCIVORIDÉS s. m. pi. (ba-ksi-vo-ri-dô
— rad. baccivore). Ornith. Famille d'oiseaux
qui fait partie de l'ordre des passereaux den-
tirostres de Cuvier, et qui se subdivise en
neuf sous-familles.
— Encycl. Les baccivoridés habitent pres-
que tous les grandes forêts de l'Amérique et
se nourrissent de baies ou de fruits mous. Ils
avaient été primitivement désignés par Vieillot
sous le nom de baccivores; mais, pour se con-
formera l'usage adopté généralement aujour-
d'hui dans les classifications d'histoire natu-
relle, de terminer en idés les noms de famille
et en inés ceux de sous-famille, on a changé
ce nom de baccivores en celui de baccivoridés.
Les caractères généraux de la famille des
baccivoridés peuvent se résumer ainsi : bec
de longueur variable, mais toujours élargi à
sa base, ordinairement déprimé et très-fendu,
plus ou moins comprimé sur les côtés "et vers
la pointe, qui est échancrée ou brusquement
recourbée; tarses courts; doigts courts ou
moyens, quelquefois syndactyles : l'externe
allongé, soudé plus ou moins loin avec le
médian, et beaucoup plus long que l'interne.
La famille des baccivoridés renfermant un
nombre prodigieux de genres et d'espèces, on
a dû la subdiviser, pour éviter la confusion,
• en neuf sous-familles dont il suffira de citer
les noms : pachycéphalinés , léiothricinés , co-
raciadinés, oriolinés, viréoninés, piprincs, am-
pélinés, coracininés, eurylaiminés. V. ces mots.
BACCO (Per). Mois ital. V. Pak Bacchus
au mot Bacchus.
BACCO-CULINAIRE adj. (ba-ko-cu-li-nè-
re). Néol. Qui tient à la fois du vin et de la
cuisine : Odeur bacco-culinaire. Puis la Pa-
lais-Royal est si bien situé à la sortie de
Véfour et des Provençaux, dont les vapeurs
bacco-cui.inaires prédisposent la rate du dé-
sopilement et la tête aux joies faciles! (CL..
Normand.)
BACCUSI (Hippolyte), moine et compositeur
italien, était maître de chapelle de la cathé-
drale de Vérone, vers 1590, et fut un des pre-
miers musiciens qui mêlèrent les instruments
aux voix dans la musique d'église. 11 a com-
posé beaucoup de musique sacrée, ainsi que
des madrigaux et autres morceaux.
BACELARE, commune de Belgique, avec
ruines d'un ancien château seigneurial, arrond.
et à 12 kil. E. d'Ypres. Brosseries, fabriques
d'étoffes de laine; 2,169 hab.
BACÈLE, BACELLE OU BACELOTTE S. f.
(ba-sè-le — du celt. bach, petit, moindre).
V. Bachèle.
BACELLAR. V. BarboSA.
BACH, nom d'une famille illustre dans l'his-
toire de la musique et de laquelle sont sortis,
pendant environ deux siècles, une foule d'ar-
tistes de premier ordre. Le chef de cette
famille futVeit Bach, boulanger à Presbourg,
qui avait embrassé le protestantisme vers le
milieu du xvr» siècle. Forcé, pour cause de
religion, de quitter Presbourg, il se retira dans
un village de l'Etat de Saxe-Cobourg-Golha
et s'y établit comme meunier, charmant ses
loisirs par le chant et la guitare. Ses deux
fils, Jean et Hans, auxquels il communiqua
son goût musical, commencèrent la lignée
d'artistes du même nom qui, pendant près de
deux cents ans, exercèrent en Thuringe, en
Saxe et en Franconie la profession de chan-
teurs organistes, ou ce qu on appelle en Alle-
magne musiciens de ville. Lorsque l'accrois-
sement de cette famille força les différents
membres de se séparer, ils convinrent de se
réunir une fois chaque année, à jour et en un
lieu fixes, afin de maintenir entre eux le lien
familial. Ces réunions durèrent jusqu'au milieu
du xviii" siècle, et l'on put voir fréquemment,
assemblées au même endroit, plus de cent
personnes du nom de Bach. Le but de ces
réunions était exclusivement musical. La
séance s'ouvrait par un chœur religieux, puis
on passait aux chansons populaires, sur les-
quelles se dessinaient des variations improvi-
sées, à plusieurs parties. Ces improvisations
portaient le nom de quolibets. Il était aussi
d'usage, dans cette singulière famille, de col-
lectionner les compositions de chacun de ses
BAC
membres, et la collection ainsi formée reçut
le nom de Archives des' Bach. Une notable
partie de ces intéressantes archives se trou-
vait, vers la fin du xvm» siècle, entre les
mains de Charles-Philippe-Emmanuel Bach,
fils de Jean-Sébastien Bach, dit le grand.
BACH (Hans), fils aîné de Veit Bach, fut
boulanger, puis musicien de la chapelle du
duc de Saxe-Cobourg-Gotha. Il mourut en
1G28, laissant trois fils, Jean, Christophe et
Henri, qui furent d'habiles musiciens.
BACH (Jean), fils de Hans, né en 1604, mort
en 1673, reçut de son père les premières no-
tions musicales, et vint à Erfurth, où il fut
las, qui furent aussi distingués comme musi-
ciens. Jean Bach a laissé, dans la collection
des Archives des Bach, quelques compositions
manuscrites qui ne sont pas sans valeur.
BACH (Christophe), deuxième fils de Hans,
né en 1G13, mort en 1061. Elève de son père,
il fut appelé à Lisenach en qualité de musicien
de cour et de ville. Organiste assez remar-
quable , il a légué aux Archives des Bach
quelques pièces pour orgue. Il laissa trois fils :
Georges-Christophe, Jean-Ambroise et Jean-
Christophe.
BACH (Henri), troisième fils de Jean et petit-
fils de Veit Bach, né en 1615, mort en 1692,
étudia les principes de la musique sous la
direction de son père, qui l'envoya compléter
son instruction à Erfurth, chez son oncle
Jean Bach l'aîné. Nommé en 1641 organiste
d'Arnstadt, il charma tellement le comte do
Sch-wartzbourg-Arnstadt, qu'il alla perfec-
tionner ses études en Italie aux frais de la
caisse seigneuriale. Après deux ans de séjour
en Italie , il revint à Arnstadt reprendre sa
place d'organiste et put voir avant sa mort
ses deux fils, plusieurs petits-fils et vingt-huit
arrière-petits-fils cultivant tous la musique
avec plus ou moins de succès. Ses composi-
tions, consistant en pièces d'orgue et can-
tiques, sont restées manuscrites.
BACH (Jean-Egide), deuxième fils de Jean
Bach d'Erfurth, né en 1645, mort en 1717, suc-
céda à son père en qualité de musicien du
sénat d'Erfurth et devint, par la suite, organiste
de l'église Saint-Michel. Entre autres composi-
tions religieuses conservées dans les Archives
des Bach, il a laissé un motet a neuf voix pour
deux chœurs.
BACH (Georges -Christophe), fils aîné de
Christophe et petit-fils de Hans, né en 1641,
mort en 1697, occupa les places de chantre et
de compositeur a Schweinfurt. Dans les Ar-
chives des Bach, on trouve de lui un motet
pour deux ténors et basse avec accompagne-
ment d'un violon, trois basses de viole et basse.
BACH (Jean-Christophe), fils aîné de Henri,
né en 1643, mort en 1703, est un des musiciens
qui font le plus d'honneur à l'Allemagne. Son
père fut son propre maître ; et, jusqu'à l'âge
de vingt-deux ans, Jean-Christophe se livra
au travail le plus acharné. En 1665, il fut ap-
pelé à Lisenach pour y exercer les fonctions
d'organiste de la cour et de la ville, fonctions ■
qu'il remplit pendant trente-huit ans. Les ou-
vrages de ce compositeur décèlent un talent
de premier ordre. Mélodiste original, harmo-
niste énergique , il se fit remarquer surtout
par ses compositions vocales. Les Archives
des Bach renferment un chant de noces de fa
plus grande beauté, écrit à douze voix ; on cite
encore de lui un motet à vingt-deux voix, un
autre motet à huit voix en deux chœurs, un
à cinq voix avec basse continue, une sarabande
pour clavecin avec douze variations , et un
solo d'alto avec accompagnement de violon,
basses de viole et basse continue.
Comme organiste, Jean -Christophe Bach
était au premier rang. Son éducation musicale
était si parfaite et ses doigts si rompus aux
difficultés, qu'il ne jouait guère qu'à cinq par-
ties réelles. Un musicographe allemand, For-
kel, prétend avoir vu à Hambourg des pièces
d'orgue de Jean-Christophe qui lui ont semblé
des chefs-d'œuvre de style et de contexture
harmonique.
BACH (Jean-Michel), second fils de Henri
et frère de Jean -Christophe, organiste et
greffier du bailliage de Amte-Gehren, fut,
comme son frère, compositeur remarquable de
musique d'église. La Société des amis de la
musique, à Vienne, possède de lui soixante-
douze préludes fugues pour des cantiques. On
ignore la date précise de sa naissance et de
sa mort. Une de ses filles (Marie-Barbe) a
été la première femme de Jean-Sébastien.
BACH (Jean-Ambroise), fils de Christophe,
né en 1645, succéda à son père comme musi-
cien de cour et de ville à Lisenach. Il avait
un talent distingué sur l'orgue, mais son plus
beau titre à l'immortalité est d'avoir donné le
jour à Jean-Sébastien Bach.
BACH (Jean-Bernard), fils de Jean-Egide,
né en 1676, mort en 1749, fut d'abord organiste
de l'église des négociants , à Erfurth , puis
passa, en 1699, à Magdebourg pour y remplir
les mêmes fonctions, et, enfin, en 1739, succéda
a Jean-Christophe Bach dans les fonctions
d'organiste et de musicien de cour à Lisenach.
Il a laissé d'excellents préludes pour cantiques
et des ouvertures dans le style français.
BACH (Jean-Christophe), fils aîné de Jean-
Ainbroise, mort en 1701, fut organiste à Or-
BAC
druff, dans le duché de Saxe-Cobourg-Gotha. '
C'est lui qui donna les premières leçons de
clavecin à Jean-Sébastien Bach.
BACH (Jean-Sébastien), né à Lisenach en
1685, mort en 1750 à Leipzig, fut un des plus
grands musiciens de l'Allemagne, peut-être le
plus extraordinaire de tous. Orphelin à l'âge
de dix ans, sans ressources, il fut contraint
de chercher un asile à Ordruff, chez son frère
Jean-Cl.ristophe, qui lui donna les premières
leçons de clavecin. Les progrès de l'enfant
furent si rapides que bientôt la musique que
son frère lui faisait étudier lui devint insuf-
fisante. Une anecdote, rapportée par M. Fé-
tis, témoigne de l'ardent amour de Jean-Sé-
bastien pour l'art musical. Jean-Christophe
possédait un recueil des pièces, les plus esti-
mées des organistes alors en renom : Frober-
ger, Fischer, Buxtehude, Bœhm, etc., et avait
toujours répondu par un refus aux instances
que lui adressait Jean-Sébastien pour avoir
communication du précieux livre. Bach par-
vint à dérober l'objet de sa convoitise dans
l'intention d'en prendre copie; mais, n'ayant
pas de chandelle et ne pouvant s'en procurer,
il fut obligé de faire sa copie au clair de la
lune, opération pénible qui lui demanda plus
de six mois ; et encore, a peine commençait-il
à étudier en secret ces précieux morceaux,
que son frèro lui enleva sa copie, dont il no
rentra en possession qu'à la mort de Jean-
Christophe, arrivée peu de temps après.
Abandonné à lui-même, Jean-Sébastien se
rendit à Lunebourg en compagnie d'un cama-
rade d'études , et tous deux s'engagèrent
comme choristes à l'église Saint-Michel de
cette ville, où ils suivirent le cours d'études du
Gymnase. Avide d'entendre et de voir tout ce
qui pouvait accélérer ses progrès sur l'orgue
et le clavecin, Bach se rendit plusieurs fois à
Hambourg pour y entendre le célèbre organiste
J.-A. Reinke. Il visita aussi la chapelle du duc
de Celle, composée en grande partie d'artistes
français de Lunebourg, passa à Weimar, où il
fut nommé, en 1703, musicien de la cour. Mais
sa prédilection pour l'orgue lui fit quitter cette
place pour entrer, l'année suivante, en qualité
d'organiste, à l'église d'Arnstadt.
Cet emploi Lui procura dès lors une aisance
qui lui permit d'acquérir les œuvres des orga-
nistes les plus justement célèbres, et d'y étu-
dier la composition en même temps que l'exé-
cution. Arnstad étant à proximité de Lubeck.
il fit à pied plusieurs voyages en cette ville
pour entendre le fameux organiste Dietricht
Buxtehude, dont les œuvres l'avaient frappé.
La manière de ce grand artiste le charma tel-
lement qu'il passa, en secret, trois mois à Lu-
beck pour se l'approprier.
A partir de cette époque, le talent "de Bach
était classé; plusieurs villes se le disputaient;
et, en 1707, il accepta la place d'organiste de
l'église Saint-Biaise, à Mullhausen. Mais l'an-
née suivante, le grand-duc régnant ayant fait
venir Jean-Sébastien à Weimar pour l'en-
tendre sur l'orgue, l'artiste y produisit un tel
effet que le duc lui offrit sur-le-champ la place
d'organiste de la cour. Loin d'arrêter ses tra-
vaux, les succès de Jean-Sébastien ne firent
qu'augmenter son ardeur pour arriver à la
perfection qu'il rêvait. Outre ses études sur
l'orgue, il acquérait de sérieuses connais-
sances harmoniques et écrivait une foule de
morceaux pour i'église et pour l'orgue.
Tant d'efforts devaient avoir leur récom-
pense. Bach fut, en 1717, nommé maître des
concerts du due de Weimar.
Jean-Sébastien' était arrivé à l'âge de trente-
deux ans , son talent avait atteint tout son
éclat ; l'Allemagne entière acclamait son nom,
?|u*and Louis Marchand, célèbre organiste
rançais, alors exilé de Paris, vint à Dresde
et captiva la cour d'Auguste, roi de Pologne,
par la légèreté et le brillant de son jeu. Le
roi voulut fixer Marchand à Dresde, avec des
appointements considérables ; mais Volumier,
maître des concerts de la cour de Pologne,
jaloux sans doute de la faveur naissante de
Marchand et connaissant la supériorité de
Bach sur l'artiste français, invita Jean-Sé-
bastien à se rendre à Dresde, et lui fit en-
tendre Marchand en secret. Bach n'hésita
point à porter au Français un défi, s'enga-
geant à improviser sur les thèmes que Mar-
chand lui soumettrait, l'épreuve devant, bien
entendu, être réciproque; le défi fut accepté
par Marchand et le lieu de la lutte fixé par
le roi. Au jour dit, les salons du comte de
Mashal, ministre d'Etat, étaient assiégés par
une foule d'élite. Bach se présenta, mais Mar-
chand avait prudemment pris la fuite. Bach
joua donc seul, et, sur les thèmes qu'il avait
entendu traiter à Marchand, improvisa avec
une telle abondance d'idées et une supériorité
d'exécution si écrasante, que l'Allemagne en-
tière célébra le triomphe de Bach comme une
victoire nationale.
Bach était de retour à Weimar, quand, en
1720, le prince Léopold d'Anhalt-Coethen lui
offrit la place de maître de chapelle. Bach
accepta et entra immédiatement en fonctions.
Le long séjour qu'il fit dans cette cour et
l'existence facile qu'il y trouva lui donnèrent
tout loisir de se livrer à l'étude et à la pro-
duction, qui était pour son génie un besoin
irrésistible. Vers 1722, il fit un secondnroyage
à Hambourg pour y voir une dernière fois
Reinke, alors centenaire ; et Bach se livra sur
l'orgue, devant Reinke, à des improvisations
si élevées, que le .vieux maître lui dit avec at-
BAC
27
tendrissement : « Je croyais notre art perdu,
mais je vois que vous te faites revivre. »
En 1733, Bach fut nommé directeur de mu-
sique à l'école de Saint-Thomas de Leipzig. '
Vers le même temps, le duc de Wassenfels le
nommait maître honoraire de sa chapelle ; et,
en 1736, le roi de Pologne lui conférait le titre
de compositeur royal. Depuis sept ans, Bach
habitait Leipzig, quand son second fils, Charles-
Philippe-Emmanuel, entra au service de Fré-
déric II de Prusse. Sur les instances du roi,
Emmanuel écrivit plusieurs fois à son père,
l'invitant à se rendre à la cour de Berlin.
Accablé de travaux, Bach oublia les lettres
de son fils; mais l'appel devint si pressant
qu'il se décida, en 1747, à faire ce voyage
avec son fils aîné Guillaume-Friedman. Tous
les soirs avait lieu à la cour de Prusse un
concert dans lequel le roi jouait quelques mor-
ceaux de flûte. Au moment où il allait com-
mencer un de ces concerts , un officier du
palais lui apporta la liste des étrangers ar-
rivés a Potsdam dans la journée. Frédéric
jette les yeux sur la liste, et, s'adressant aux
musiciens, s'écrie : Messieurs! le vieux Bach
est ici! Aussitôt le concert est suspendu et le
vieux Bach amené au palais , sans qu'on lui
eût laissé le temps de quitter ses habits de
voyage. Le roi proposa a Bach, dès son arri-
vée, d'essayer les pianos de Silberman qui se
trouvaient dans le palais; les musiciens les
suivirent de salle en salle, et Jean-Sébastien
improvisa sur chacun des instruments. Enfin,
il pria le roi de lui donner un sujet de fugue
et le développa de manière à frapper d'admi-
ration tous les artistes présents. Ensuite, il
joua, sur la demande du roi, une fugue à six
parties également improvisée sur un thème
choisi par lui-même. Le lendemain, Frédéric
ayant désiré juger son talent d'organiste,
Bach improvisa sur tous les orgues de Pots-
dam. Après son retour à Leipzig, il composa
une fugue à trois parties sur le thème que
lui avait fourni le roi, un ricercare à six par-
ties, et plusieurs canons avec l'inscription the-
matis régit elaborationes canonicm, y joignit
un trio pour flûte, violon et basse,- et dédia
le tout a. Frédéric sous le titre de Offrandes
musicales.
- Le voyage que fit Jean-Sébastien k Berlin
fut le dernier. Son assiduité au travail avait
altéré sa vue, et, progressivement, la cécité
devint presque complète. Ses amis le prièrent
de se faire opérer par un oculiste anglais,
qui se trouvait alors a Leipzig. Malheureuse-
ment, l'opération manqua deux fois; et les
souffrances qu'en ressentit Bach altérèrent
sensiblement sa santé. Il déclina rapidement.
Dix jours 'avant sa mort, il recouvra tout à
coup la vue ; mais , quelques heures après
cette amélioration , se déclara une attaque
d'apoplexie suivie d'une fièvre inflammatoire
qui arracha le grand musicien à sa famille, à
ses amis et à l'art mi»sical.
A un génie artistique extraordinaire, Bach
joignait les plus exquises vertus privées. Bon
père, bon époux, ami dévoué, il versait sur
tous ceux qui l'entouraient une bienveillance
inépuisable et montrait une constante égalité
d'humeur. Tout amateur de musique, à quel-
que nation qu'il appartint, était accueilli dans
sa maison avec tous les égards de l'hospitalité
la plus empressée. Cependant Bach n'était
pas riche, et sa famille était tellement nom-
breuse que, si lucratifs que fussent ses em-
plois et ses leçons, ses gains étaient toujours
entièrement absorbés. Il eût pu acquérir une
fortune considérable, s'il eût voulu voyager
et donner des concerts; mais il faisait aussi
peu de cas des suffrages populaires que de la
richesse ; et à toutes les couronnes de la re-
nommée, il préférait l'estime des connais-
seurs et le bonheur qu'il goûtait au sein de
sa famille. Sa modestie égalait son -génie, et
à tous ceux qui l'interrogeaient sur le mode
d'acquisition de son immense talent : En tra-
vaillant beaucoup , répondait-il ; et tous ceux
qui voudront travailler de la même manière y
parviendront comme moi.
Bien que la réputation de Bach ait été co-
lossale pendant sa vie, on peut dire que ce
giand homme n'a pas été apprécié à sa juste
valeur par ses contemporains. Les artistes le
reconnaissaient comme le plus habile des or-
ganistes, le plus fécond des improvisateurs,
le plus savant des compositeurs de l'Allema-
gne. Ses fugues pour l'orgue et pour le cla-
vecin excitaient l'admiration comme musique
savante ; mats là se bornait la connaissance
des œuvres de Bach : cette musique d'orgue
et de clavecin, aujourd'hui universellement
admirée, n'existait que manuscrite entre les
mains de ses élèves et de ses fils; ce n'était
que la minime partie des productions origina-
les d'un inépuisable génie. Les œuvres qu'il '
composait pour lui et pour quelques amis
étaient, aussitôt après leur audition, enfermées
pour jamais dans une armoire accessible à lut
seul, et c'est ainsi que restèrent si longtemps
ignorées ces sublimes compositions. Après sa
mort , quelques morceaux se trouvaient chez
l'éditeur Breitkopf ; ses deux fils, Guillaume-
Friedman et Charles - Philippe - Emmanuel,
s'en partagèrent la plus grande partie. Kirn-
berger, au service de la princesse Amélie de
Prusse, en recueillit un certain nombre, et le
i reste fut dispersé.
| Nul ne songeait aux œuvres de Bach ; lors-
qu'en 1788, Mozart, danr toute la maturité
' de son talent, après l'éclosion des Noces de
' Figaro et de Bon Juan , passa à Leipzig.
23
BAC
BAC
BAC
BAC
Le directeur do musique de l'église Saint-
Thomas lui fit entendre, le dimanche , à la
messe, un motet composé par Bach, qui pro-
duisit sur Mozart une telle impression qu'il
s'écria : Grâce au ciel, voilà du nouveau et
j'apprends donc ici quelque chose! Au sortir de
la messe, il demanda la partition. On ne put lui
en donner que les parties séparées, qu il dis-
posa autour de lui sur des tables et des chaises -,
puis il resta plusieurs heures en silence, étu-
diant et contemplant cette œuvre, qu'il disait
nouvelle et dont la date remontait peut-être à
une soixantaine d'années. Cette anecdote se
répandit; les paroles de Mozart attirèrent
l'attention des artistes sérieux sur ces produc-
tions alors presque oubliées. Fasch, directeur
de l'académie de Berlin, et Zelter, son succes-
seur, rassemblèrent tout ce qu'ils purent re-
cueillir de la musique religieuse de Bach, et
firent exécuter quelques-unes de ses œuvres
au milieu d'un indicible enthousiasme. Depuis
ce temps, les artistes ont toujours recherché
avidement la musique inédite de Bach, dont
la réputation ne pouvait que grandir au fur
et à mesure qu'elle se révélait aux connais-
seurs et au public.
Après Zelter, Mendelssohn donna plusieurs
auditions solennelles de la Passion, l'oratorio
le plus complet de Bach, et de l'admirable
messe en si mineur, œuvres dont le caractère
se retrouve dans le Paulus et VElie de Men-
delssohn. Après lui , Mosewius , directeur de
musique et professeur à l'université de Bres-
lau, donna un nouveau coup de fouet a la
curiosité publique par sa brochure Jean-Sébas-
tien Bach dans ses cantates d'église et dans ses
chants de chœur. Enfin, en 1850, une société
s'est formée pour une édition complète, im-
primée avec soin, des œuvres de Bach, mo-
nument tardif élevé à la mémoire d'un des
plus grands génies qui aient régné dans le
monde musical.
Comme exécutant sur l'orgue et sur le cla-
vecin, personne, ni dons les contemporains ni
dans les successeurs de Bach (et nous pour-
rions dire aucun des virtuoses du temps pré-
sent), n'a surpassé ni même égalé Bach: la
Ïireuve en est que les organistes et pianistes
ss plus accomplis considèrent comme une
étude pénible, et d'une exécution presque im-
Sossible, les badinages de Bach, qn'ils sont
"ailleurs obligés de jouer dans un mouvement
beaucoup plus lent que le mouvement marqué.
Les doigts de Jean-Sébastien étaient rompus
à tous les artifices du doigter. Ses pieds même,
pour le jeu des pédales de l'orgue, avaient
acquis une telle rapidité qu'il dessinait, avec
les pédales, de3 traits devant lesquels auraient
reculé des mains exercées. La connaissance
approfondie des ressources de l'orgue lui fai-
sait trouver des combinaisons exquises pour
le mélange des registres, et, dès les premiers
sons, il connaissait le fort et le faible de l'in-
strument qu'il maniait. „
Comme compositeur, le talent de Bach est
incommensurable. Toutes les nouveautés,
toutes les hardiesses qui firent l'éclat de ses
plus illustres successeurs, de Mozart même et
de Beethoven, se rencontrent dans les com-
positions de Bach. Le génie de cet homme est
Sresque effrayant d'immensité. L'accentuation
u récitatif dramatique, dont on fait honneur
à Gluck, apparaît grandiose dans les cantates
d'église de Jean-Sébastien et surtout dans
l'oratorio de la Passion d'après saint Matthieu.
Jamais ne fut porté à ce point l'art de faire
mouvoir un si grand nombre de voix et d'in-
struments, et les effets d'orchestration ont une
telle variété et une telle puissance, qu'on se
demande par quel instinct, quasi divin, Bach,
qui, séjournant dans de petites villes, avait
peu d'occasions • d'étudier les instruments, a
pu connaître leurs ressources et devancer
ainsi son siècle dans leur application.
L'élévation et le grandiose sont les carac-
tères distinctifs du style de Bach. Une sorte
de nimbe mélancolique circule autour de sa
mélodie, parfois bizarre, mais toujours saisis-
sante. L'idée musicale de ses chœurs exprime
toujours la respectueuse adoration du peuple
agenouillé devant les grandeurs célestes, ou
le cri de triomphe des hommes glorifiant
Dieu dans l'incomparable beauté de sa créa-
tion. La foi pure, ardente et victorieuse jette
son souffle et ses rayons sur toute cette mu-
sique, dont V alléluia d'Hœndel peut seul don-
ner une idée approximative. Ses motets et ses
psaumes devraient figurer comme musique
classique et exigée dans toutes les églises, car
jamais les splendeurs de la religion ne furent
et ne seront peut-être si dignement célébrées
que dans les compositions de Bach. Quant à
sa musique d'orgue et de clavecin, autant de
pièces autant de chefs-d'œuvre.
Analyser les productions complètes de ce
vaste génie serait une tâche au-dessus des
forces humaines. L'Allemagne elle-même, si
fière de son grand Bach, si portée à l'esprit
d'analogie et si patiente dans les travaux de
longue haleine, a dû reculer devant le nombre
des productions connues , sans compter celles
qui ne le sont pas encore. Le chiffre de ses
grandes cantates religieuses atteint deux cent
'cinquante-trois. Sept messes de lui ont été
exécutées. On compte environ vingt - cinq
motets, cent quarante-neuf psaumes, cent
cinquante chorals, deux cantates de musique
vocale dite mondaine. Les pièces pour clavecin
seul ou accompagn*, et pour orgue, ne peuvent
s'énumérer. Les compositions instrumentales
comprennent dix-sept numéros, tant ouver-
tures et symphonies que duos, trios, caprices
et concertos.
Quant à nous, Français, la tète de l'Eu-
rope pour ce qui concerne les lettres , les
sciences et les arts ; nous, les rois du domaine
de l'intelligence, voici comment nous avons su
apprécier Jean-Sébastien Bach : jusqu'à ce
jour, et à part deux ou trois érudits rangés
parmi les savants fossiles, la majorité de nos
artistes, même les plus recommandables", s'est
bornée à l'étude, souvent infructueuse et in-
comprise, des quarante-huit préludes et fugues
connues sous le nom de clavecin bien tempéré.
Et encore, a-t-il fallu, pour faire retentir le
nom de Bach aux oreilles du public, que Charles
Gounod tirât , d'un de ces mêmes préludes ,
la belle fantaisie qu'il a baptisée du titre à' Ave
Maria.
Jean-Sébastien Bach s'était marié deux fois.
De sa première femme, Marie-Barbe, il eut sept
enfants, parmi lesquels deux fils, Guillaume-
Friedman et Charles-Philippe-Einmanuel, se
montrèrent dignes de lui. Sa seconde femme,
dont le nom ne nous est point parvenu, lui donna
treize enfants, au nombre desquels huit fils,
dont le plus jeune, Jean-Chrétien, se fit un
nom comme compositeur dramatique. Jean-
Sébastien Bach eut donc vingt enfants, à sa-
voir : onze fils et neuf filles ; tous ses fils cul-
tivèrent l'art musical, mais trois seulement
surent acquérir une célébrité méritée.
BACH (Guillaume-Friedman) , fils aîné de
Jean-Sébastien, né à Weimar en 1710, mort
à Berlin en 1784, reçut, dès son bas âge, les
leçons de son illustre père, puis de Graiin
l'atné , alors maître des concerts à Marse-
bourg. Quand , en 1723 , Jean-Sébastien fut
nommé directeur de musique à l'école Saint-
Thomas de Leipzig, son fils l'y suivit, se fit
inscrire aux cours de l'université et s'adonna
à l'étude des mathématiques, science qui lui
devint très-familière. En 1732, il fut nommé
organiste de l'église Sainte-Sophie a Dresde;
mais il abandonna cette place , au bout de
quelques années, pour revenir chez son père,
qu'il accompagna dans plusieurs voyagea.
Nommé, vers 1747, directeur de musique à
l'église Notre-Dame de Halle, il habita cette
ville pendant vingt années, séjour qui l'a fait
désigner souvent sous le nom de Bach de
Halle. En 1767, il donna sa démission sans
motif connu et s'en alla a Leipzig, puis à
Brunswick, à Gœttingue et enfin à Berlin, où
il mourut dans la misère.
Une belle organisation musicale et de sé-
rieuses études avaient fait de Guillaume-Fried-
man Bach le plus habile organiste et le plus
savant musicien de l'Allemagne après Jean-
Sébastien. Par malheur, il aimait l'improvi-
sation et écrivait peu. La lecture des œuvres
qu'il a publiées, toutes empreintes d'origina-
lité et d'une science profonde, et son talent
d'exécution, généralement apprécié, rendent
pour nous inintelligible la fin malheureuse de
Guillaume-Friedman, qui fut obligé, dans les
derniers temps de son existence, de recourir
à la bourse de ses amis. Cette misère et cet
isolement doivent être attribués à son humeur
atrabilaire. Il s'irritait de l'impopularité de sa
musique , appréciée seulement par un petit
groupe de connaisseurs, et ne voulait faire
aucune démarche pour se faire connaître et
tirer parti de son talent. Ce n'est que depuis
sa mort que ses œuvres, estimées à leur juste
valeur, ont été avidement recherchées.
On a publié de lui treize sonates pour cla-
vecin, trois sonates avec accompagnement de
violon, douze polonaises, deux suites de pièces
d'orgue, et un concerto pour orgue à deux
claviers et pédale. En outre, il a laissé en ma-
nuscrit des pièces, fantaisies, sonates, fugues
et concertos pour clavecin et orgue, un Avent
à quatre voix, une messe complète pour la
Pentecôte avec orchestre et orgue, une sym-
phonie concertante, un trio, trois cantates,
des airs d'église avec orgue et cor; enfin,
quinze compositions à quatre voix, orgues et
instruments pour les fêtes principales de
l'Eglise.
BACH (Ch.-Philippe-Emmanuel), deuxième
fils de Jean - Sébastien , né à Weimar en
1714, mort à Hambourg en 1788, est connu
sous le nom de Bach de Berlin, parce qu'il
séjourna dans cette ville pendant vingt-neuf
ans. U fit ses premières études musicales à
l'école de Saint-Thomas, à Leipzig; puis, son
père le prit sous sa direction et lui enseigna
pendant plusieurs années le clavecin et la
composition. Pendant ces travaux, Charles-
Philippe-Emmanuel commençait à Leipzig un
cours de jurisprudence, qu'il alla achever à
Francfort-sur-1'Oder, ou il fonda une acadé-
mie musicale. En 1738, il se rendit à Berlin
pour y professer la musique, et entra en 1740
au service de Frédéric le Grand, dont il quitta
la cour en 1767 pour aller à Hambourg exer-
cer les fonctions de" directeur de musique, em-
portant avec lui, comme récompense de ses
services, le titre de maître de chapelle de la
princesse Amélie de Prusse. Ce n'est pas sans
difficultés que Bach put quitter les Etats de
Frédéric II. Né hors de la Prusse, il croyait
avoir la liberté d'aller où il lui plairait; mais
il s'était marié à Berlin, et sa femme et ses
enfants, nés sujets prussiens, ne pouvaient
quitter leur pays sans le consentement du roi,
qui, à chaque demande d'expatriation formu-
lée par Bach, répondait par une augmentation
d'appointements. Enfin, il obtint, a force de
prières, la permission de se rendre à Ham-
bourg, et la liberté dont il jouit dans cette
ville lui fut si chère qu'il refusa de la quitter,
quelque considérables que fussent les avan-
tages et les appointements offerts par plu-
sieurs princes a Allemagne.
Quand Burney vit, en 1773, Ch.-Philippe-
Emmanuel, il le trouva possédant une hono-
rable aisance, mais ne jouissant pas de toute
l'estime que méritait son talent. L'Allemagne,
accoutumée au style savant, mais massif, de
ses compositeurs ordinaires, traitait légère-
ment les gracieuses et.vivaces nouveautés
introduites par Ch.-Philippe-Emmanuel dans
ses productions, goûtées seulement en France
et en Angleterre. C'est pourtant la manière du
fils de Bach qui, perfectionnée par Haydn et
Mozart, s'est depuis imposée àl'admiration uni-
verselle. Créateur de la sonate moderne, Em-
manuel Bach subit le sort commun à tous ceux .
qui tracent à l'art des routes nouvelles. Ses
contemporains ne surent pas juger la valeur de
ses œuvres, trop nouvelles pour eux et trop
affranchies des règles étroites de l'école ; et ces
mêmes œuvres ont vieilli rapidement, parce que
ses successeurs, choisissant dans sa manière ce
qui était le plus conforme à leur génie parti-
culier, ont développé et perfectionné les nou-
veaux rudiments artistiques recelés dans ses
compositions. Emmanuel protesta contre l'hos-
tilité des amateurs et musiciens de son époque
par ses Sonates pour les connaisseurs, raillerie
inoffensive à l'adresse de ses détracteurs in-
téresses ; puis, quand la lourde critique alle-
mande vint à lui reprocher sa légèreté de fac-
ture et d'idées , due , prétendait-on , à son
ignorance des formes sévères de l'art, Emma-
nuel répliqua par deux sonates, publiées à
Berlin en 1761, dont le style serré et les ri-
chesses scientifiques fermèrent la bouche à
l'envie. La haute estime que professèrent
Haydn, Mozart et Clementi pour la facture
originale d'Emmanuel suffirait d'ailleurs pour
anéantir toute espèce de contestation sur la
valeur des œuvres de ce compositeur. Bach
fut longtemps péniblement affecté de l'indiffé-
rence du public à son égard ; mais quand il vit
Burney, son parti en était pris : « Depuis que
j'ai cinquante ans, dit-il à cet écrivain, j'ai
quitté toute ambition; vivons en repos, car
demain il faudra mourir; et me voilà tout
reconcilié avec ma position. >
Ch.-Philippe-Emmanuel, dépositaire des
œuvres de famille dites Archives des Bach,
possédait une superbe collection de musique
ancienne, de livres, cl'instruments et de por-
traits de musiciens, qui fut vendue en 1790.
Les œuvres considérables de cet artiste ne
sauraient être détaillées ici, à cause de leur
variété. Le catalogue complet de ses compo-
sitions se trouve dans la Biographie musicale
universelle de M. Fétis, à 1 article Charles-
Philippe-Emmanuel Bach.
BACH (Jeàn-Christophe-Frédéric),undesfils
de Jean-Sébastien, né a Leipzig en 1732, mort à
Bukebourg en 1795, étudia d abord la juris-
prudence', puis se mit à étudier la musique
sous la direction de son père. Charmé des
talents de Jean - Christopne , le comte de
Schaumbourg lui offrit le titre de maître de
chapelle, aux appointements de mille thalers.
Le peu d'occupation que lui donnaient ses
fonctions à la petite cour de Bukebourg lui
permettait de se livrer à loisir à ses travaux
musicaux de toute sorte; et cette modeste po-
sition lui était si précieuse, qu'il ne quitta
Bukebourg que pour faire un seul voyage de
quelques mois a Londres, où il accompagna
son frère Jean-Chrétien. De retour de Londres,
il mourut à Bukebourg, laissant la réputation
d'un parfait honnête homme et d'un artiste
remarquable. Ses œuvres c'ont point la vigueur
ni les grands cadres des compositions de ses
frères Charles-Pliilippe-Emmanuel et Guil-
laume-Friedman ; mais on y distingue une belle '
harmonie et la science complète de la fugue.
De ses ouvrages, qui sont en grand nombre et
dont la bibliothèque de Berlin possède une
partie en manuscrits, six seulement ont été
publiés. La femme de Jean-Christophe-Fré-
déric était cantatrice à la cour du comte de
Schawmbourg.
BACH (Jean-Chrétien), onzième fils de Jean
Sébastien, né à Leipzig en 1735, mort à Lon-
dres en 1782, n'avait pas encore quinze ans
quand il perdit son père, et se rendit à Berlin
auprès de .Charles-Philippe-Emmanuel, son
frère, pour y achever ses études de clavecin
et de composition. L'arrivée à Berlin de can-
tatrices italiennes lui causa un violent désir
de visiter l'Italie. Il quitta donc Berlin en 1754
et se rendit à Milan, où il fut nommé organiste
de la cathédrale, puis il alla, en 1759, à
Londres, où il fut nommé, presque à son arri-
vée, musicien de la reine et maître de sa cha-
pelle. En 1763, il fit représenter en Angleterre
son opéra A'Orione, dans lequel les clarinettes
furent employées pour la première fois en An-
gleterre.Le succès qu'obtint Bach le détermina
a se fixer à Londres, où il séjourna jusqu'à sa
mort.
Chrétien Bach fut un des musiciens remar-
quables du xvme siècle, bien qu'il n'eût ni la
splendeur harmonique de son père, ni les idées
variées de Charles-Philippe-Einmanuel. Le
prestige qui s'attache à la musique dramatique
est tel, que son nom et ses œuvres ont été,
pendant la dernière période de son siècle, beau-
coup plus généralement connus que le nom et
les productions de son père et de son frère.
Ses airs de chant sont très-remarquables, plu-
sieurs même ont joui d'une grande célébrité;
sa manière effleure celle des maîtres italiens
de l'époque, surtout l'école napolitaine ; il sait
faire ressortir les qualités de la voix humaine,
et l'accompagnement est élégant et souvent
heureux. On lui doit une réforme importante
dans le chant dramatique, la suppression de
la réapparition du thème andante, que les
maîtres italiens se croyaient obligés de ramener
après la cabalette allegro.
Bach a écrit quinze opéras, six morceaux
religieux, des motets et une cantate. Ses compo-
sitions instrumentales? au nombre de quatre-
vingt-quinze , se distinguent plus par leur
extrême simplicité que par le style.
Sa femme, Bach (Cécile), née Grassi, fut
engagée au théâtre italien de Londres depuis
1767 jusqu'à la mort de son mari. Elle était
faible comme actrice, et dépourvue de beauté;
mais le timbre de sa voix était si pénétrant,
ses accents si chauds et si expressifs, que ces
qualités faisaient oublier ses défauts. Après
la mort de Jean-Chrétien, elle retourna en
Italie.
BACH (Jean-Nicolas), fils aîné de Jean-
Christophe, né en 1669, mort en 1738, fut
nommé en 1S95 organiste à léna, où il établit
une fabrique de clavecins. Vers la fin de sa
vie , il prit sa retraite à Eisenach , sa ville
natale. Il a composé des pièces pour orgue et
clavecin, qui dénotent chez lui une grande
habileté de composition.
BACH (Jean-Louis), fils de Jean-Michel, né
en 1677, mort en 1730, fut maître de chapelle
de la cour de Saxe-Meiningen. On possède do
lui une messe funèbre à deux choeurs, avec
orchestre, et une grande cantate d'église pour
le vingt-cinquième dimanche après la Trinité,
compositions dignes de sérieux éloges.
BACH (Jean-Ernest), fils de Jean-Bernard
et petit-fils de Jean-Egide, né en 1722, mort
vers 1781, étudia six ans la musique à l'école
Saint-Thomas de Leipzig, et la jurisprudence
à l'université de la même ville. Quand il revint
à Eisenach, sa ville natale, il y exerça la pro-
fession d'avocat ; mais la musique fut toujours
sa principale occupation, car il fut, en 1748,
nommé organiste adjoint à l'église Saint-
Georges d'Eisenach, et reçut plus tard le titre
et les appointements de maître de chapelle.
On n'a publié de lui qu'un Jlecueil de fables
choisies mises en musique. Ses autres compo-
sitions sont restées manuscrites.
BACH (Jean-Elie), petit-fils de Georges-
Christophe, né en 1705, mort en 1755, exerça
les fonctions de maître de musique et d'inspec-
teur du gymnase de Schweinfurt. Il a laissé
quelques œuvres religieuses restées en ma-
nuscrit.
BACH (Jean-Michel), surnommé le Jeune,
fut d'abord conter à Tonna vers 1768 ; puis,
entraîné par l'amour des voyages, il parcourut
la Hollande, l'Angleterre et l'Amérique. De
retour en Allemagne, il étudia quelque temps
la jurisprudence a Gœttingue , puis se fixa à
Custrow dans, le duché de Mecklembourg, où
il exerça la profession d'avocat. Ses œuvres
se composent de Six concertos aisés pour le
clavecin, et d'un ouvrage didactique portant
ce titre : Instruction systématique pour ap-
prendre la bas,se continue et la musique en
général, avec des exemples pour ceux qui veu-
lent enseigner et pour ceux qui veulent appren-
dre (Cassel, 1780).
BACH (Guillaume), fils de Jean-Christophe-
Frédéric et petit-fils de Jean-Sébastien, né
en 1754, mort en 1846, étudia d'abord la mu-
sique à Londres, sous la direction de son
oncle ,■ Jean-Chrétien. De retour en Alle-
magne, il composa une cantate exécutée en
1789 à Minden, devant Frédéric-Guillaume II,
roi de Prusse, qui lui conféra le titre de tim-
balier de la musique de la reine , et ensuite
celui de musicien de la chambre, emplois qu'il
remplit pendant près de quarante ans. On a
publié, de ce compositeur, la cantate désignée
ci-dessus , neuf sonates pour clavecin et vio-
lon , six sonates pour clavecin seul , et des
chansons allemandes et françaises.
BACH (Oswald) , professeur de chant dont
l'origine est ignorée , est cité par Weber pour
son ouvrage intitule : Leçons de chant pour
mes élèves (Salzbourg, 1790).
BACH (Jean-Georges), musicien à peu près
inconnu, sous le nom duquel on trouve à Of-
fenbach, chez André, un sextuor pour piano,
hautbois, violon, violoncelle et deux cors.
BACH (Jean-Christophe) , dernier descen-
dant de la famille des Bach, né en 1780, mort
en 1846, cultivait la musique en amateur et
passait pour bon organiste. Il a été publié de
lui, à Erfurth, une fugue pour orgue.
BACH (Henri-Amand), docteur en méde-
cine et en philosophie, compositeur et pianiste,
né en 1791, Il commença son éducation musi-
cale au gymnase d'Oberschredeldorf , puis se
rendit à Breslau pour y terminer ses études.
En 1813, il partit pour Vienne, et passa
deux ans à Berlin, où il acheva son cours de
médecine. Comme compositeur et comme pia-
niste, il possède un talent remarquable; mais
il s'est encore fait connaître plus avantageu-
sement par son livre : De musices effectu in
homine sano et œgro (Effet de la musique sur
l'homme sain et sur le malade). On a de lui
un thème avec sept variations pour le piano.
BACH (Auguste-Guillaume), organiste de
l'église Sainte-Marie, à Berlin, ne en 1796,
mort en 1853, se livra à l'enseignement dans
la ville de Berlin, après l'achèvement du ses
BAC
BAC
BAC
BA
2y
études musicales, puis fut appelé ïi Stcttin
comme directeur de musique. Zelter, qui ve-
nait de fonder un nouvel institut musical,
appela Bach pour y remplir les fonctions de
professeur de composition. Dans les dix années
qu'il exerça son professorat, Bach forma de
nombreux élèves, qui se firent connaître avan-
tageusement comme organistes et comme pro-
fesseurs. A la mort de Zelter, il fut nommé
directeur de l'institut, puis membre de la com-
mission consultative pour la fabrication des
orgues en Prusse. En 1834, l'académie royale
des beaux-arts de Berlin lui conféra le titre
de membre de la section de musique. Il a
publié plusieurs compositions pour le piano et
l'orgue. On connaît encore de lui un oratorio
avec orchestre, et le Psaume centième, à
quatre voix et orchestre , dont la partition
récente pour le piano a paru en 1840, a Berlin,
chez l'éditeur Trautwein.
BACH (Jean-David), professeur de musique
à Berlin, n'est connu que par les ouvrages
suivants : Petit Catéchisme de chant ou Vérita-
ble et bonne méthode d'enseigner les éléments
du chant dans les écoles populaires ; Premier
enseignement (Berlin, 1827) ; Cours de la science
du chant, suite du Petit catéchisme (Berlin,
1828). Gassner prétend que Jean-David Bach
a été le dernier rejeton de la grande famille
des Bach.
Un autre musicien de ce nom, Bach, pro-
fesseur de chant a Cologne, est auteur d une
Méthode de chant, en trois parties, et de deux
recueils de Lieder, avec accompagnement de
piano.
BACH (Jean-Auguste), célèbre jurisconsulte
allemand, né en 1721, mort en 1759, professa
la jurisprudence ancienne à l'université de
Leipzig. Ses ouvrages les plus remarquables
sont : Histoire de la jurisprudence romaine ;
Commentaire sur les lois de Trajan; Sur les
mystères d'Eleusis, Ces traités, ainsi que d'au-
tres dissertations, ont été recueillis par Klotz
(Halle, 1767). L' 'Histoire de la jurisprudence
romaine a été réimprimée à Leipzig en 1807.
BACH (Victor), médecin et révolutionnaire,
né à Villefranche (Aveyron) vers 1770, mort
en 1799. Fixé à Paris pendant la Révolution,
il joua un rôle actif dans tous les mouvements,
notamment sous le Directoire et lors de la
conspiration de Babeuf. Désespéré de l'éta-
blissement du régime militaire, après le 18
brumaire, il ne voulut point survivre à la Ré-
publique et alla se brûler la cervelle au pied
de la statue de la Liberté, sur la place de la
Révolution.
BACH (Alexandre, baron de), homme d'Etat
autrichien, né à Loosdorf (basse Autriche) en
1813. Reçu docteur en droit dès l'âge de vingt-
quatre ans, il entra d'abord dans 1 administra-
tion, et les fonctions qu'il y remplit pendant
neuf ans lui fournirent l'occasion d'acquérir des
connaissances pratiques qui lui furent plus
tard très-utiles. A la mort de son père, qui
était un des meilleurs avocats de Vienne, il
quitta l'administration pour se consacrer au
barreau. Lors des événements dont Vienne
fut le théâtre en 1848, il fit partie de la com-
mission provisoire qui se chargea d'adminis-
trer la ville; bientôt après, il fut nommé
délégué au comité central des états provin-
ciaux de la monarchie autrichienne. Il se
montra dès iors partisan de l'unité du pouvoir,
en même temps qu'il désirait, pour les assem-
blées d'états, une participation plus large à la
vie politique. Il entra dans le ministère Dobb-
lhofl, où il reçut le portefeuille de la justice;
et le faubourg de Wieden, l'une des circon -
scriptions électorales les plus importantes dé
Vienne, le nomma. député à la Diète. Dès lors,
il s'occupa avec ardeur de réformer le sys-
tème judiciaire ; mais comme il réclamait pour
la couronne un droit de veto, et comme il
voulait apporter quelques restrictions aux
mesures demandées par le parti libéral, il de-
vint bientôt impopulaire, et l'insurrection du
6 octobre le força a prendre la fuite. Quelque
temps après, il se rendit à Olmutz, près de
l'empereur, et fut encore chargé du porte-
feuille de la justice dans le ministère Schwart-
zenberg-Stadion. 11 prit une part importante
à la rédaction de la constitution du 4 mars
1849, et lorsque Stadion mourut, dans le mois
de mai suivant, il le remplaça comme ministre
de l'intérieur. Il conserva cette haute position
pendant dix années ; mais la guerre d'Orient
ayant amené pour l'Autriche une crise pleine
de périls, Alexandre Bach dut quitter le mi-
nistère et fut envoyé à Rome comme pléni-
potentiaire, le 21 août 1859.
BACHA s. m. (ba-cha— du turc pâckd,
dont les Arabes, qui n'ont pas de p dans leur
langue, ont fait bâcha). Sorte de préfet en
Turquie. On dit mieux et plus ordinairement
pacha. On a écrit aussi bassa.
— Par ext. Gouverneur de province : Les
préteurs et les proconsuls étaient, si j'ose me
servir de ce terme, tes bâchas de la Républi-
gue. (Montesq.)
— Ornith. Espèce de faucon ou d'aigle
d'Afrique, oiseau de la grosseur d'une buse,
d'un naturel très-farouche, se nourrissant de
rats et de petits oiseaux.
— Ichthyol. Syn, de triure.
BACHACON s. m. (ba-cha-kon). Homme de
rien, goujat, u Vieux mot.
BACH-AGA s. m. (ba-cha-ga). En Afrique,
titre du chef des agas. C'est une dignité
intermédiaire entre les agas et les califes.
Le bach-aga est un chef indigène nommé
par le ministre delà guerre : Il y a, en Algé-
rie, 38 bach-agas, 9 califes, 34 agas et 656
caïds.
BACHala s. m. (ba-cha-la). Bot. Nom
vulgaire de l'amarante des potagers.
BAC3ALIK s. m. Forme arabe de pa-
cîtalik.
BACHAO s. m. (ba-eba-o). Syn. de bacau.
BACHARACH, ville de la Prusse rhénane,
sur la rive gauche du Rhin, à 35 kil. S.-E. de
Coblentz; navigation active, vins très-esti-
més ; 3,000 hab. Elle renferme quelques
monuments et curiosités, parmi lesquels nous
mentionnerons l'ancien château, résidence des
comtes palatins; l'église Saint-Pierre, belle
construction du style roman, percée d'un por-
tail à losanges, surmontée d'un haut clocher
militaire et incrustée de tombes de la Renais-
sance; les ruines de Saint- Werner, ancienne
église détruite par le» Suédois pendant ta
guerre de Trente ans, et dont le squelette en
grès rouge, selon l'expression de V. Hugo, se
profile fièrement sur le ciel. Un rocher cou-
vert d'inscriptions, mais ordinairement caché
par les eaux du fleuve, et nommé Bacchi Ara
(autel de Bacchus), a donné son nom à la
ville.
BACHARACH (Henri), grammairien et tra-
ducteur, né en Allemagne vers 18101 se fixa
jeune à Paris et devint professeur de langue
allemande à l'Ecole polytechnique. On a de lui
une Grammaire allemande (4e édition, 1854),
divers autres ouvrages relatifs à l'enseigne-
ment de cette langue, ainsi qu'une traduction
estimée de la Physiognomonie de Lavater
(1845).
BACHARAT s. m. (ba-cha-ra). Désordre,
tumulte. Vieux mot qui est encore usité dans
les environs de Paris.
bâchas s. m. (ba-chass), Syn. de bacau).
BACHASSE s. f. (ba-cha-se). Chaussée d'un
étang.
BACHASSON s. m. (ba-cha-son — rad. bac).
Techn. Dans les papeteries, auge qui sert à
donner de l'eau aux piles, il On dit aussi ba-
casson.
BACHAT s. m. (ba-cha — rad. bac). Techn.
Ange, baquet : Après bien des recherches, nous
découvrîmes ce sarcophage dans l'atelier d'un
fabricant de salpêtre, qui l'avait enlevé pour
en faire un bachat. (Millin.)
— Techn. Cavité qui se trouve sous le piton
d'une papeterie. Il B&ckat long, Gouttière,
dans une papeterie.
— Econ. rur. Auge à cochons.
BACHAUMONT (François le Coigneux de),
conseiller-clerc au parlement de Paris, litté-
rateur, né à Paris en 1624, fils d'un président
à mortier, mort en 1702. 11 figura dans le
parti de la fronde et exerça sa verve épigram-
matique contre la cour. On assure même que
c'est à une de ses saillies que cette faction
doit son nom. U avait comparé les parlemen-
taires aux écoliers qui allaient jouer au jeu
de la fronde dans les fossés de Paris, et qui se
dispersaient en voyant paraître le lieutenant
civil, pour se rassembler de nouveau après
son départ. Dès ce moment, les ennemis de
Mazarin consacrèrent cette plaisanterie en
prenant pour signe de ralliement des cordons
do chapeau en forme de fronde, d'où le nom
de frondeurs qui leur fut donné. Après les
troubles, Bachaumont vendit sa charge pour
se livrer exclusivement aux douceurs de la
vie épicurienne et à la poésie. Il inséra dans.
les recueils du temps un grand nombre de
bagatelles qu'on ne lit plus, et composa avec
son ami Chapelle ce Voyage qui a sauvé leur
nom de l'oubli, et
Qui du plus charmant badinage
Fut la plus charmante leçon. Voltaire.
On croit que sa part dans la composition de
cette bluette fut moins considérable que celle
de son collaborateur (v. l'article Voyage de
Chapelle et Bachaumont). Il avait épousé la
veuve du marquis de Marguenat de Cour-
celles, mère de Mme de Lambert, et il passait
pour être plus que le beau-père de celle-ci,
qu'il affectionnait beaucoup, et dont il fut le
premier précepteur. Devenu vieux, Bachau-
mont songea à faire une fin chrétienne, ré-
pétant à ses amis étonnés cette maxime assez
commode et qui semble une nouvelle ironie :
« Un honnête homme doit vivre à la porte de
l'églisfe, et mourir dans la sacristie. »
BACHAUMONT (Louis Petit de), littérateur,
né à Paris vers ia fin du xvnc siècle, mort en
mai 1771. Il étaitde la société de M"10 Doublet,
chez laquelle se rassemblait une nombreuse
compagnie de gens du monde et de littérateurs
et ou l'on tenait registre de toutes les nouvelles
du jour concernant la politique, les arts, la lit-
térature, le théâtre, la cour, la ville, etc. Ba-
chaumont rédigea les premiers volumes de ce
recueil, qu'on nomme quelquefois Journal de
Bachaumont. et qui fut publié en 1777 sous le
titre suivant ; Mémoires secrets pour servir à
l'histoire de la république des lettres (6 vol.
in-12). Ce journal tut continué par Pidansat de
Mairobert et autres, qui le portèrent à 36 vol.
in-12. Il a eu sous cette forme plusieurs édi-
tions. Chopin (1788), Merle (1808), et d'autres
encore ont donné des abrégés des Mémoires
secrets, mais dont aucun ne peut tenir lieu du
journal de Bachaumont et de ses continua-
teurs. C'est une compilation indigeste sans
doute trop volumineuse et sans valeur litté-
raire, mais où l'on trouve les analyses des
pièces de théâtre, les relations des assemblées
littéraires, les notices des livres nouveaux, ou
clandestins, ou prohibés, des anecdotes pi-
quantes, des pièces rares ou manuscrites, de
la prose, des vers, des éloges académiques,
des chansons, des satires, des sermons, etc.
La Harpe dit que c'est « un amas d'absurdités
ramassées dans les ruisseaux, où les plus
honnêtes gens et les hommes les plus célèbres
en tout genre sont outragés et calomniés avec
l'impudence et la grossièreté des beaux esprits
d'antichambre, etc. » Cette catilinaire signifie
simplement que La Harpe est quelquefois un
peu vertement traité dans les Mémoires se-
crets, qui d'ailleurs ne sont pas précisément
un manuel de critique judicieuse et de bon
goût.
*. Bachaumont avait acheté, vers 1754, la co-
lonne de l'hôtel de Soissons, ce monument de
la régence de Catherine de Médicis, que les
créanciers du prince de Carignan. voulaient
faire démolir. Il la revendit ensuite à la ville,
lorsqu'elle conçut le projet de construire la
halle au blé sur l'emplacement de cet hôtel.
On appelait Bachaumont la tête à perruque de
M. de Voltaire, parce qu'il s'étudiait à imiter
la coiffure du patriarche de Ferney. Il parta-
geait aussi ses idées en matière de religion.
Quand on lui parla, à ses derniers moments,
des consolations de l'Eglise, il répondit qu'il
ne se sentait pas affligé. On fit pourtant venir
un prêtre ; mais ce dernier ne put tirer de lui
que ces seules paroles : « Monsieur, vous avez
bien de la bonté, »
Bachaumont a publié en outre : Essai sur
lapeinture, la sculpture et l'architecture (1751);
Mémoires sur le Louvre, l'Opéra, la place
Louis XV, les Salles de spectacle, la Biblio-
thèque du Roi (1750); Vers sur l'achèvement
du Louvre (1755.)
BACHE (Alexander-Dallas) , hydrographe
et physicien américain, arrière-petit-fils de
Franklin, né en 1806 à Philadelphie, a orga-
nisé et.dirigé l'école supérieure de cette ville
(1841), et professé la physique et la chimie à
l'université de cet Etat. Il est actuellement
président du collège Girard et de la Société
philosophique américaine , fondée par son
aïeul. Nommé surintendant de l'exploration
des côtes (1843), il a présidé à l'exécution de
ce travailj l'une des plus vastes opérations
qui aient jamais été accomplies. Il a publié
des mémoires et des traités scientifiques, ainsi
?ue des Observations magnétiques et météoro-
ogiques (3 vol., plus un atlas). La Société
royale de géographie de Londres lui a décerné
une médaille en 1858.
BÂCHE s. f. (bâ-che — rad. bac, dont une
des formes a été bâche). Pièce de grosse
toile, souvent goudronnée, dont on couvre
les bateaux, les voitures, pour mettre les
marchandises à l'abri de la pluie : Dans les
produits du lin et du chanvre, l'échelle partait
de la toile à bâche à la plus belle batiste et au
linge damassé le plus somptueux. (L. Rcybaud.)
Cachez-vous plutôt; montez sur l'impériale et
jetez-vous sous la bâche. (Fr. Soulié.) il Toile
goudronnée servant à faire des abris volants
pour les charpentes, échafaudages , etc. h
Grande pièce de cuir avec laquelle on couvre
les bagages placés sur l'impériale d'une
voiture.
— Cost. Sorte de jupon de femme, en usage
autrefois.
— Arg. Faire les bâches, Se dit pour 6a-
chotter. V. ce mot.
— Mécan. Grande caisse de bois ou de
métal, dont la partie supérieure reste ou-
verte, et qui est destinée a contenir de l'eau,
quel que soit l'usage qu'on veut faire de cette
eau : Dans les machines à vapeur à condensa- '
tion, le condenseur est généralement placé au
milieu d'une bâche dans laquelle on fait arri-
ver de l'eau froide, qui entretient sa tempéra-
ture au degré convenable. (Tourneux.) Il Cu-
vette où une pompe aspirante déverse de
l'eau , laquelle est reprise par une autre
pompe.
— Métall. Petite caisse qui sert à mesurer
le minerai, il Caisse employée pour jeter le
minerai dans un haut fourneau, il Auge où
l'on'fait refroidir les scories.
— Mar. Partie de la grève où il reste de
l'eau quand la marée est basse. ,
— Pêch. Bâche volante, Filet attaché avec
des pieux, de manière à ce qu'on puisse aisé-
ment en changer la disposition. Il Bâche traî-
nante, Filet en manche que l'on traîne sur le
sable, dans les endroits où il y a peu d'eau,
pour ramasser de la menuise ou du frai.
— Agric. Sorte de foin grossier et dur,
composé surtout de graminées à tiges .épais-
ses et de cypéracées. On dit aussi bauche et
BAUQCB.
— Hortic. Abri, ordinairement vitré, sous
lequel on cultive des plantes délicates ou des
primeurs.
— Bot. Nom vulgaire d'un palmier du
genre manritia.
" — Encycl. Hortie. Pour établir une bâche,
on creuse en terre une fosse d'une étendue
proportionnée à la culture que l'on veut faire,
jusqu'à une profondeur de 1 m. 40 à 1 m. 80.
Le sol qu'on choisit pour l'emplacement ne doit
recevoir aucun ombrage de huit heures du
matin jusqu'à quatre heures de l'après-midi;
ces fosses ont ordinairement de 6 a 9 mètres
de long sur 2 m. 50 à 3 m., la plus grande
dimension étant dirigée de l'est à 1 ouest;
elles sont revêtues de quatre murs, dont un,
celui qui règne en long du côté du soleil,
est un peu plus bas que les autres, de manière
que la toiture vitrée dont on couvre la fosse
puisse être inclinée d'environ 20 à 30 degrés
sur l'horizon. Chacun des murs de l'enceinte
est double , et l'intervalle entre les deux
murs est rempli de charbon pilé et tassé ;
le fond de la bâche est pavé ou carrelé, sur un
lit de sable ou même de charbon en poudre. •
Les châssis, vitrés formant la toiture sont
analogues à ceux qui servent aux couches;
ils ont ordinairement 1 m. de large, et soni
disposés de telle sorte qu'on puisse en varier
l'inclinaison et même les ôter complètement
sans difficulté. Ils doivent être construits avec
grand soin et placés de façon que la pluie ne
puisse pénétrer. La porte de la bâche se trouvo
a. l'une des extrémités ; pour entrer, on des-
cend un escalier et l'on pénètre dans un pre-
mier compartiment où se trouve le poêle, et
dans lequel on dépose pendant quelque temps
l'eau destinée a l'arrosage, afin qu'elle en
prenne la température. Les couches sont pla-
cées dans un encaissement formé au moyen de
pierres plates et longues ; ordinairement il
n'y en a qu'une rangée, avec un passage le
long du mur le plus élevé ; quand on met deux
rangées de couches, avec passage au milieu,
la bâche doit avoir plus de 4 m. de large. La
hauteur de la couche varie suivant les' plantes
qu'on y cultive ; celles qui sont les plus éle-
vées reçoivent une plus grande quantité do
lumière et de chaleur, mais aussi elles sont
plus exposées que les autres au refroidis-
sement.-
Un bon maraîcher peut cultiver dans une
bâche toutes les plantes de serre chaude ou
tempérée; il y obtient des ananas, ainsi que
des primeurs, et peut y faire des boutures.
Une bûche remplace donc très-économique-
ment une serre, pour toutes les exploitations
maraîchères et pour les amateurs de jardinage.
BÂCHÉ, ÉB (bà-ché), part. pass. du v. bâ-
cher. Couvert d'une bâche. Bateau bien bà-
ché. Charrette, diligence mal bâchée.
BACHEBO s. m. (ba-che-bo). Ornith. Nom
vulgaire du pic.
BACHEL s, m. (ba-chèi). Métr. Mesure de
capacité pour les grains, employée en Morée,
à Patras. Le bachel vaut 29 litres 933.
bachelage s. m. (ba-che-la-je — rad.
bachelier). Hist. Temps que passaient les
jeunes nobles au service des bannercts, sorte
d'apprentissage du métier des armes : Bien
qu'un jeune seigneur eût pu devenir chevalier
banneret par la volonté royale, dès qu'il pos-
sédait assez de vassaux pour lever bannière,
tant qu'il n'était pas dans les conditions vou-
lues, il était dit en bachelage.
BACHELARD s. m. (ba-che-lar — rad. ba-
chèle). Vieille forme du mot bachelier, u Si-
gnifiait aussi MIGNON, jeune ami,
BACHÈLE OU BACHELLE S. f. (ba-chè-lo
— même étym. que pour bachelier). Hist.
Terme sous lequel on désignait, à l'époque
de la féodalité, l'ensemble des biens néces-
saires pour donner droit au titre de bache-
lier : La bachelle était de dix mas, chaque
mas représentait un bien de labour de deux
charrues à deux boeufs; quand un bachelier
possédait quatre bachblles, le roi pouvait
l'élever au rang de chevalier banneret. Il Terre
d'un bachelier,^/ gentilhomme vivait dans sa
BACHELLE.
— Encycl. Les terres n'avaient qu'un rang
secondaire. Elles étaient sujettes à certaines
obligations et devaient fournir, suivant leur
importance, un homme d'armes pour le ser-
vice militaire , ou un demi . ou un quart
d'homme d'armes. Dans ce dernier cas, plu-
sieurs bachèleries se réunissaient pour com-
Ïiléter le contingent. Les possesseurs de ces
erres portaient le nom de bacheliers. Ils
étaient au-dessous des chevaliers. Quelques
historiens les confondent avec les jeunes no-
bles nommés bacheliers, dont le nom, suivant
d'autres, viendrait de bas-chevaliers. On di-
sait aussi BACÈLE, BACELLEi BACHBLERIE OU
DAISSELLE.
BACHÈLERIE OU BACHELLER1E S. f. (ba-
chè-le-rî — rad. bachelier). Féod. Etat, grade
de bachelier : Rigou n'avait jamais voulu cé-
der la bachklerie. (Balz.) il Mense ou réu-
nion de menses possédées ou tenues par un
propriétaire ou fermier appelé bachelier. On
dit aussi baohèle dans ce sens, u Classe des
bacheliers : Convoquer toute la bachèlerle. u
Droit de bachellerte. V. droit.
BACHELET-DAMV1LLE (Louis-Alexandre),
général, né à Saint-Aubin (Seine-Inférieure)
en 1771, mort en 1813. Volontaire en 92, il figura
honorablement dans les guerres de la Révo-
lution, ainsi que dans la guerre d'Espagne, et
fut tué à l'attaque du village de Gossa (Saxe).
Le nom de ce brave officier est inscrit sur
les tables de bronze de Versailles.
BACHELET (Jean-Louis-Théodore), profes-
seur et. littérateur français, né en- 1820 à
Pissi - Pôville (Seine- Inférieure), fut reçu
agrégé d'histoire en 1846, après avoir fait ses
études à l'Ecole normale, et remplit les fonc-
tions de professeur dans divers collèges et
lycées, notamment au lycée de Rouen. Il a
publié divers travaux historiques; mais son
principal ouvrage est le Dictionnaire de bio-
30
BAC
BAC
BAC
BAC
graphie et d'histoire, en 2 vol., fait en colla-
boration avec M. Ch. Dezobry.
BACHELETTE s. f. (ba-che-lè-te, — fera,
de bachelier. V. ce mot). Jeune fille : Une
simple, une naïve bachelette. Ces statues sont
bien faites, mais les bachelettes de notre
pays sont mille fois plus avenantes. (Rabelais.)
Elle était enfant par le sentiment, grave par
la souffrance, châtelaine et bachelette. (Balz.)
Baçhelktte est évidemment congénère de ba-
chelier, et signifie jeune fille, comme l'autre,
jeune homme. (Littré.) '
A donc, me dit la bachelette,
Que votre coq cherche poulette.
La Fontaine.
Il "Vieux et marotique.
BACIIELEY (Jacques^, dessinateur et gra-
veur, né à Pont-lEveque en 1712, mort à
Rouen en 1781, était élève de Ph. Le Bas. Il a
gravé une Tempête dans la mer du Nord,
d'après Jos. Vernet; une Vue du château de
hyswick et une Vue des environs d'Utrecht,
d'après Ruysdael ; une Vue de Rotterdam ,
d'après van Goyen, et diverses autres vues de
Hollande et d Italie. — Un autre Bacheley
(L.-G.-M.) , dessinateur et graveur à l'eau-
forte, travaillait à Paris, en 1800.
BACHELIER s. m. { ba-cho-lié — suivant
quelques-uns, de bas chevalier; c'était l'opi-
nion de M. de Bonald : bachelier ne veut dire
que bas chevalier ; mais ce mot, qui est d'ori-
gine celtique, servait à désigner un jeune
garçon, un jeune homme, d'où le mot bachè-
lerie, dans le sens de jeunesse, adolescence.
En effet, le mot bachelier est analogue au
beçan et au byçant petit du gallois; au beay,
beagan de l'irlandais et de l'écossais ; au bihan,
bachan et bichan du breton. Les uatois de nos
provinces ont modifié presque a l'infini ce
mot, et en ont fait successivement béchot,
besot, petit garçon : bêchote, basselle, baiselte,
bachelette, petite fille, liaichot et paichan sont
encore actuellement usités en Picardie et en
Franche-Comté. L'italien baccelliere et bac-
celliero, et l'espagnol bachiHer} ont la même
signification que le mot français). Autrefois,
jeune gentilhomme qui, aspirant à être reçu
chevalier, servait sous la bannière d'un, autre
pour apprendre le métier des armes : Sire,
je ne suis qu'un pauvre bachelier dans le mé-
tier des armes. (Duguesclin.) Quand un bache-
lier a grandement servi et suivi la guerre et
nu'il a terre assez, et Qu'il puisse avoir gentils-
hommes pour accompagner sa bannière, il peut
licitement lever bannière, et non autrement.
(Le P. Daniel.)
Pour un signe de deux beaux yeux,
On sait qu'il n'est rien que ne fassent
Les seigneurs et les bacheliers. V. Huao.
Il Titre commun à ceux qui occupaient les
degrés compris entre le simple gentilhomme
et le baron.
— Chevalier bachelier, Se disait des cheva-
liers qui n'avaient pu lever bannière, parce
qu'ils n'avaient pas un nombre suffisant de
vassaux, ou parce qu'ils n'en avaient pas en-
core obtenu le privilège : Le duc faisait payer
très - ponctuellement les chevaliers bache-
liers qui n'avaient pas assez de vassaux ni
d'argent. (De Barante.) Il Bachelier d'armes,
Celui qui avait été vainqueur dans un tournoi,
la première fois qu'il avait combattu, il Ba-
chelier d'église, Prébendier, ecclésiastique
d'un rang inférieur à celui des chanoines.
— Par ext. Tout jeune homme : Encore en
Picardie, bachelier et bachelette sont appelés
non pas les enfants ou les fillettes de dix ans ,
mais les jeunes garçons de seize et dix-huit ans
et filles prêtes à marier. (Fauchet.)
Dans la Touraine, un jeune bachelier...
(Interprétez ce mot à votre £uise;
Wusage en fut autrefois familier
Pour dire ceux qui n'ont la barbe grise;
Ores ce sont suppôts de sainte Eglise. )
La Fontaine.
Il Tous ces différents sens ont vieilli.
— Actuellem. Celui qui a obtenu le pre-
mier et le moins élevé des grades que con-
fèrent les facultés : Je travaillai tant que je
parvins à l'honneur d'être bachelier. (Le Sage.)
J'avais seize ans lorsque je fus reçu bachelier
à Bourges. (G. Sand.) Aux universités de Cam-
bridge et d'Oxford, on décerne des diplômes de
bachelier et de docteur en musique. (Bachelet.)
Il vient d'être tout frais reçu bachelier es let-
tres, et il peut le faire voir. (Cormen.) Il Dans
les facultés de théologie, Titre que l'on accorde,
après un examen et une thèse latine, à un
bachelier es lettres qui a fréquenté deux ans
les cours d'une faculté de théologie, il Dans
les facultés de droit, Titre accordé, après deux
examens, au bachelier es lettres qui a fré-
quenté deux ans les cours d'une faculté de
droit, il Dans la faculté de médecine, se disait
autrefois de celui qui avait étudié deux ans,
et qui, après avoir passé l'examen général,
recevait la fourrure, pour entrer ensuite en
licence.
— Scolast. Bachelier formé, ou simplement
bachelier, Celui qui avait pris tous ses degrés
en théologie, après dix ans d'étude : Il vous
faudra un jour réprimer les bacheliers en
fourrure, ainsi que les gens en bonnet à trois
cornes. (Volt.) ,
J'ai des forces, du feu, de l'esprit, des études,
Et jamais sur les bancs on ne vit bachelier
Qui sût plus à propos interrompre et crier.
L'abbé pe Villiers.
— Par anal. Dans quelques-uns des six
corps do marchands de Paris, se disait de
celui qui, ayant passé par les charges, avait
droit d'assister les maîtres et gardes dans
leurs fonctions. Il On le disait aussi de celui
qui était passé maître dans quelque métier
que ce fût.
— Féod. Propriétaire ou fermier de cer-
taines menses.
— Encycl. Hist. Le bachelier était un gentil-
homme placé au-dessus du rang d'écuyer,
mais qui, ne possédant pas assez de vassaux
pour lever une compagnie de gens d'armes,
marchait sous l'étendard d'un banneret. Ber-
trand Duguesclin était bachelier lorsque Char-
les V lui donna la îieutenànce générale de son
armée. Le bachelier était également inférieur
au baron et au banneret. Ce dernier recevait
l'investiture par une bannière carrée , le ba-
chelier par un pennon se terminant en queue :
ce pennon était l'enseigne avec laquelle il
conduisait ses vassaux en guerre. On appelait"
aussi bacheliers les jeunes soldats qui, ayant
donné des marques de bravoure dans leur
première campagne, recevaient la ceinture
militaire et les éperons dorés. Ce titre disparut
avec la chevalerie proprement dite.
Bachelier de Salumanque (le) OU les Mé-
moires dû don Chérubin de la Bouda , tirés
d'un manuscrit espagnol, par Le Sage (Paris,
1736, 2 vol. in-12). C'est le dernier des romans
dus a la plume de Le Sage , et, bien que ce
soit une œuvre de sa vieillesse, on y retrouve
encore certains chapitres qui rappellent de
temps en temps Gil Bios.
Le Bachelier de Salamanque n'est pas tiré
d'un manuscrit espagnol, ainsi que Le Sage
le dit dans le titre de la première édition;
mais, comme on l'accusait de tout prendre a
l'Espagne, il lui importait qu'on le crut, et cela
même lui semblait devoir ajouter à l'intérêt
du récit. Il se fût, croyons-nous, félicité, si l'on
avait pu croire que don Chérubin de la Ronda,
le héros du livre, en était réellement l'auteur.
Don Chérubin de la Ronda est bachelier, et
bachelier de Salamanque, c'est-à-dire de la
plus célèbre université de toutes les Espa-
gnes. Il était né, ou plutôt il était resté sans
fortune à. la mort de son père, qui , ayant
toujours été homme de plaisir et fort désin-
téressé, laissa à peine de quoi vivre à sa veuve
et à trois enfants, dont elle demeurait char-
gée ; il put néanmoins faire ises études en la
susdite université, grâce à la protection du
corrégidor de Salamanque ; mais malheureuse-
ment, ce protecteur étant mort lui-même pré-
maturément, il dut songer à prendre un état.
Il débuta dans le monde par la fonction de
précepteur, malgré ce que lui avait dit du pré-
ceptorat et de ses inconvénients un bon curé
qu il rencontra dans l'hôtel garni où il était
descendu à Madrid. Il fit successivement l'édu-
cation de plusieurs enfants , et il nous raconte
ce qu'il eut à souffrir dans ce métier, et de ses
élèves et de leurs parents, avec une bonne
humeur et une finesse qui le cèdent peu à
celles des meilleurs chapitres du Gil Bios.
Diverses aventures marquèrent cette période
de la vie du bachelier, que rendit très-
pénible pour lui, plus encore que le caractère
ou la stupidité de ses élèves, la bizarrerie ou
le Caprice des parents, les uns exigeant préci-
sément de l'infortuné précepteur le contraire
de ce qu'en exigeaient les autres. Il n'eut
que trop lieu de se convaincre, par expé-
rience, de la justesse de ce que lui avait dit le
curé de Leganez, pour le dissuader d'en tenter
l'épreuve ; et il savait ce que c'était, le bon
curé, ayant lui-même été huit ans précepteur.
» Ne pensez pas, lui avait-il dit, que le pré-
ceptorat soit une condition pleine de douceur.
C'est plutôt une servitude à laquelle on ne
doit se réduire, comme lorsqu'il s'agit de se
faire moine, que si l'on est quelque chose de
plus ou de moins qu'un homme. »
Don Chérubin de la Ronda n'était qu'un
homme, et il le fit bien connaître, malgré la
gravité de ses fonctions , chez le marquis de
Buendia, chez le contador, chez la marquise,
et surtout chez la veuve dona Luisa de Pa-
dilla, qu'il faillit épouser. Mais il faut voir
tout cela raconté comme sait le faire Le Sage.
C'est déj$t presque un tort que de vouloir
analyser ce roman, qui, comme la plupart des
œuvres de ce genre, échappe a l'analyse, et
vaut surtout par les détails et l'intérêt général
du récit.
La Harpe s'est montré fort injuste envers
le Bachelier de Salamanque. Il le regarde
comme le plus médiocre des romans de Le
Sage, et comme roulant tout entier sur les
désagréments du métier d'instituteur. Cette
matière, ainsi que l'ont très-bien remarque
les auteurs de la Biographie universelle, en
fait à peine la cinquième partie. Moins plai-
sant, ajoutent-ils, moins épisodique (et en cela
plus Intéressant peut-être) que les autres
romans de Le Sage, celui-ci se distingue par
une teinte plus mélancolique.. On y recon-
naît d'ailleurs cette marche simple, ce style
dégagé de sentences et de prétention, qui
caractérisent l'auteur. On dit, et nous le
cro3rons sans peine, que Le Sage avait une
prédilection marquée pour cet ouvrage, le
dernier de ses romans et le fruit de sa
vieillesse. Il en a pris quelques idées dans les
inépuisables Relations de l'écuyer Obrégon;
mais cela même prouve que c'est la, comme
le Gil Bios, un ouvrage original, et que l'au-
teur ne l'a pas « tiré d'un manuscrit espagnol. »
BACHELIER (Nicolas), sculpteur et archi-
tecte du vrv siècle, né à. Toulouse vers HS7,
d'une famille originaire de Lucqucs, alla étu-
dier en Italie dans l'atelier de Michel-Ange.
De retour à Toulouse, il construisit plusieurs
palais richement ornementés. On citait comme
un de ses chefs-d'œuvre l'autel de la Vierge,
h l'église Saint-Etienne, où sont représentés les
apôtres et les anges assistant aux derniers mo-
ments de la mère du Sauveur. Ce beau monu-
ment a été détruit pendant la Révolution. Un
grand nombre de cathédrales du Midi s'enri-
chirent également de travaux exécutés par cet
artiste distingué ou sous sa direction. Il périt,
dit-on, victime de la jalousie d'artistes ita-
liens, qui scièrent les appuis d'un échafaudage
sur lequel il travaillait avec son fils.
BACHELIER (Jean- Jacques), peintre fran-
çais, né à Paris en 1724, mort en 1805. Il fut
agréé de l'Académie en 1751 comme peintre
de fleurs, et en 17C3 comme peintre d'his-
toire, sur un tableau de. la Mort d'Abel, qu'on
l'autorisa l'année suivante à remplacer par
la Charité romaine, qui est actuellement au
musée du Louvre. Choisi par M™c de Pom-
padour pour diriger les ateliers de décora-
tion à la manufacture de Sèvres, il eut plus
d'une fois l'occasion de déplorer les bévues
que les ouvriers commettaient, faute de sa-
voir le dessin. Dans le but de leur en pro-
curer une notion sommaire , il eut Vidée de
fonder une école gratuite de dessin appliqué à
l'industrie. M. de Sartines favorisa ce projet
de tout son pouvoir : l'école , autorisée par
lettres patentes en 17SG, fut ouverte en 1767,
à quinze cents élèves, et installée en 1776
dans les bâtiments de l'ancienne école de
chirurgie, où elle est encore aujourd'hui.
(V. Ecole de dessin.) Cette utile institution,
loin d'obtenir, à l'origine, tous les éloges qu'elle
méritait, valut à Bachelier d'amères critiques.
On orut assez généralement qu'il n'avait d'au-
tre but que de s'enrichir. C'était l'opinion de
Mariette et celle de Diderot. Ce dernier ex-
prima son sentiment de la façon la plus
cruelle : « Voilà un assez bon artiste perdu
sans ressource, écrivit-il h Grimm ; il >a dé-
posé lé titre et les fonctions d'académicien,
pour se faire maître d'école; il a préféré l'ar-
gent li l'honneur; il a dédaigné la chose pour
laquelle il avait du talent et s'est entêté de
celle pour laquelle il n'en avait point. Ensuite
il a dit : Je veux boire, manger, dormir, avoir
d'excellents vins, des vêtements de luxe, de
jolies femmes ; je méprise la considération
publique... » On a d'autant plus lieu de s'é-
tonner de cette boutade que l'on sait perti-
nemment que Bachelier , loin d'être mù par
une basse cupidité, n'hésita pas à engager
toute sa fortune, qui était de 60,000 livres,
dans une entreprise aussi hasardeuse. La pos-
térité se montrera plus équitable et plus re-
connaissante envers l'intelligent artiste, et
comptera parmi ses meilleurs titres de gloire
la fondation de l'école gratuite de dessin. Du
reste, comme peintre d'animaux et de fleurs,
Bachelier doit être placé parmi les plus habi-
les. Ses ouvrages en ce genre, quoique géné-
ralement décoratifs, sont traités avec beau-
coup d'énergie et d'éclat, témoin sa Chasse à
l'ours et sa Chasse au lion, tableaux non cata-
logués du musée du Louvre. Ses compositions
historiques sont d'une facture plus faible.
Comme directeur de la manufacture de Sè-
vres, il a puissamment contribué aux progrès
artistiques de cet établissement. « Avant lui,
dit M. Ch. Blanc, les produits de Sèvres étaient
décorés dans le goût des peintures chinoises ;
Bachelier voulut faire de la porcelaine fran-
çaise : il introduisit la mode de ces légers bou-
quets, d'un dessin pur et finement correct, qui
sont élégants sans être bizarres et qui s'épa-
nouissent avec tant de fraîcheur sur le blanc
laiteux de la pâte tendre. » Bachelier était, du
reste, un artiste ingénieux et chercheur : il
retrouva en 1749 le secret de la peinture à la
cire ou encaustique, en usage chez les anciens,
et peignit dans cette manière Flore et Zéphyre,
six ans avant que le comte de Caylus, qui
ignorait cet essai, fit exécuter sa fameuse
Minerve peinte sur bois par le même procédé.
(V. Encaustique.) Bachelier a exposé aux sa-
lons de 1751, 1753, 1755, 1757, 1759, 1761, 1763,
1765 et 1767.
BACHELIER (Jean-Marguerite), membre
du comité révolutionnaire de Nantes pendant
la Terreur. II était notaire, et Prudhomme ra-
conte sérieusement qu'il fit guillotiner tous les
notaires de sa ville, pour augmenter le nombre
de ses propres clients. Cette ineptie, comme
de coutume, a été répétée par tous les compi-
lateurs. Bachelier s associa, il est vrai, aux
mesures plus qu'énergiques de ses collègues.
Traduit avec eux au tribunal révolutionnaire,
un peu avant la mise en accusation de Carrier,
il fut acquitté. Il vécut jusqu'en 1843. Vers
la fin de sa vie, il était tombé dans une dévo-
tion mystique.
BACHELIER (Charles-Claude) , peintre et
lithographe français, né à Paris, a exposé,
aux salons de 1834, 1835 et 1830, des Vues
prises aux environs de Paris et en Savoie
(peintures), et, au salon de 1852, une litho-
graphie à plusieurs couleurs, représentant
l'Intérieur de l'église d'Ecthmeadzine, en Ar-
ménie.
bacheliérat s. m. (ba-che-lié-ra —
rad. bachelier). S'est dit pour baccalauréat.
BACHELIÈRE s. f. (loa-che-liè-re). Mot
qui a été employé ironiquement pour dési-
gner une femme lettrée, une femme savante :
Faut-il le priver du sacrement de mariage
quandil se porte bien, surtout après que Dieu
lui-même marie Adam et Eve ; te premier des
bacheliers du monde, puisqit'il avait la science
infuse, selon votre école; Eve, la première ba-
chelière, puisqu'elle tâta de l'arbre de la
science avant son mari. (Volt.)
— Peut aussi s'employer en bonne part :
Depuis quelques années, plusieurs jeunes per-
sonnes ont été reçues bachelières es lettres.
BACHELOT ( François- Marie ) , député du
Morbihan à l'Assemblée législative et au con-
seil des Cinq-Cents (L796). Dans cette dernière
assemblée, il ne monta qu'une seule fois a la
tribune, le 8 vendémiaire an VI (30 sept. 1797)?
pour appuyer énergiquement le projet de loi
qui excluait les nobles des fonctions publiques.
BACHELOT DE LA PYLAIE (Auguste-Jean-
Marie) , botaniste et archéologue, né a Fou-
gères (Ille-et-Vilaine) en 1786, mort en 1856.
Il a exécuté plusieurs voyages en Amérique
et en Afrique, et en a rapporté de belles col-
lections de plantes et de coquillages, qu'il a
généreusement données au Muséum de Paris.
n cite de lui les ouvrages suivants ; Manuel
de conchyliologie (1828); Traité des algues
marines (1829); Flore de Terre-Neuve, des iles
Saint-Pierre et Miquelon (1829). Il s'est oc-
cupé aussi d'archéologie , et il a publié quel-
ques mémoires sur les antiquités bretonnes.
BACHELD (Gilbert-Désiré-Joseph), général
français, né aDôl.e (Jura) en 1777, mort en 1849.
Il fut un des bons officiers du génie des guerres
de la Révolution et de l'Empire, et joua un rôle
brillantdans la campagne du Rhin, en Egypte,
dans l'expédition de Saint-Domingue, à Wa-
gram, en Russie, dans la campagne de France
et à Waterloo , où il fut blessé. Il fut nommé
successivement officier de la Légion d'hon-
neur et baron de l'Empire. Lors delà deuxième
Restauration, il fut emprisonné pendant quel-
ques mois, puis exilé. Il rentra en France en
1817, fut compris en 1824 dans l'ordonnance
royale qui mettait à la retraite l'élite des offi-
ciers de l'Empire ; devint, en 1831, membre du
conseil général du Jura , puis député de Dôlc
(1837) et de Chalon-sur-Saône (18381. 11 siégea
jusqu'en 1848 sur les bancs de 1 opposition
dynastique.
Bachelys s. m. ( ba-ke-liss ). Mamm,
V, Backelys.
BÂCHER v.a. ou tr. (bâ-ché— rad. bâché).
Couvrir avec une bâche ou avec quelque
chose qui en tient lieu : Bâcher un bateau,
une voiture. On a mal bâché cette charrette.
(Acad.) A défaut de toile, on bâche avec de la
paille.
BACHER s. m. (ba-kèrr). Ornith. V. Backer.
BACHER (Georges-Frédéric), médecin, né
en 1709 à Blotsheim (Alsace), mort vers la fin
du xvme siècle. Il est connu surtout par ses pi-
lules à base d'eHébore, qu'il prescrivit comme
un spécifique contre i'hydropisie. Il a laissé
divers écrits sur cette matière.
Son fils, Alexandre-André-Philippe-Frédé-
ric, né vers 1730, mort en 1807, s'occupa aussi
du traitement des hydropisies, embrassa avec
ardeur les principes de la Révolution, conçut
le plan d'une réorganisation sociale , et fit
imprimer les deux premiers volumes d'un
Cours de droit public (1803), ouvrage qui con-
tenait, dit-on , des idées très-hardies , mais
qui n'a pas été mis en vente et qui est introu-
vable.
BACHER (Théobald), diplomate, né à
Thann (Alsace) en 1748, mort en 1813. Il
suivit d'abord la carrière militaire, entra
dans la diplomatie en 1777, remplit les fonc-
tions de chargé d'anaires de la République,
puis de Napoléon, en Suisse, àla diète de Ra-
tisbonne et en Allemagne, et présida comme
commissaire à l'échange d'un grand nombre do
prisonniers. Ce fut lui, notamment, qui reçut
ta mission d'échanger la fille de Louis XVI
contre les commissaires de la Convention livrés
par Dumourier. Il était alors à Bâle ; il alla re-
cevoir cette princesse à Huningue et la remit,
avec tous les égards dus à. ses malheurs,
entre les mains de l'envoyé de la cour de
Vienne.
BACHEBACHT (Henri), médecin russe, né
à Saint-Pétersbourg en 1725, compléta ses
études médicales en Allemagne et en Hol-
lande, et, de retour dans sa patrie, devint
médecin de l'artillerie et du génie, puis de la
marine. U fut le premier qui pratiqua l'inocu-
lation de la petite vérole en Russie. On a de
lui divers ouvrages , parmi lesquels : Traité
pratique sur le scorbut, à l'usage des chirur-
giens de V'armée et de la marine russe, traduit
en français (1787).
bachet s. m. (ba-chè — dira, de bac).
Autrefois Petit bac.
— Agric. Variété de raisin.
BACHET DE HÉZ1RIAC. V. MÉZIRIAC.
bachevaleureux s. m. (ba-che-va-leu-
reu — de bas et chevalier). Hist. Bachelier
d'armes, qui était dans les conditions de la
bachèlerie et ne l'avait pas encore obtenue;
c'est ce qu'on appelait jadis un bachelier par
allusion, c'est-à-dire un homme qui s'était
conduit comme un bachelier.
— Adjectiv. Chevaleresque, il V. mot.
BACHEV1LLE (les frères Barthélémy et
Antoine), nés à Trévoux, suivirent la car-
rière des armes, se distinguèrent dans toutes
les campagnes de l'Empire depuis 1804, et
parvinrent au grade de capitaine. L'aîné, Bar-
BAC
thélemy, accompagna Napoléon à l'île d'Elbe,
et tous deux combattirent à Waterloo. Ils
vivaient dans leurs foyers, lorsque, peu de
temps après la deuxième restauration , ils
furent poursuivis sous le prétexte de conspi-
ration , et condamnés par contumace, l'aîné
à la peine de mort, et le second à deux années
d'emprisonnement. Mais ils avaient pu quitter
la France, où leur tête était mise à prix ; ils
se réfugièrent d'abord en Suisse , puis voya-
gèrent en Pologne, en Valacliie et en Orient.
Pendant que Barthélémy se fixait auprès
d'Ali, pacha de Janina, Antoine se rendait en
Egypte, puis en Perse , en Arabie et mourait
à Mascate en 1820. Barthélémy, ne pouvant
plus supporter le spectacle des actes de féro-
cité d'Ali, quitta son service et finit par revenir
en France, où les fureurs réactionnaires étaient
un peu calmées. Il purgea sa contumace et
fut acquitté. L'affaire des frères Bacheville
agita beaucoup l'opinion publique à cette
époque. Barthélémy mourut en 1835.
BACHI (Claudia), femme de lettres, née à
Paris vers 1830, morte en 1864. Par un caprice
d'artiste, cette dame avait, dans ses publi-
cations, italianisé son nom de cette manière ;
mais nous n'en connaissons pas précisément
la vraie forme. Avant de se consacrer entière-
ment à la littérature, Mme Bachi avait cultivé
la peinture avec quelque succès. De. nom-
breuses pièces de vers, publiées dans les
revues et recueils littéraires, révélèrent un
talent gracieux et original. 'En même temps
elle rédigeait, pour diverses feuilles, des arti-
cles d'art et de piquantes causeries. Elle a
publié en volumes : les Phalènes (1852), et la
Plume et l'Epée (1854), recueils de poésies,
parmi lesquelles il en est qui sont pleines de
délicatesse , de sentiment et de fraîcheur ;
■ Coups d'éventail et Feuilles au vent, recueils
de pensées et d'observations critiques, dont la
finesse est souvent épigrammatique, mais qui
ont de la verve et de l'esprit; enfin des Contes
français (en vers), d'une lecture agréable, rap-
pelant un peu la manière d'Alfred de Musset,1
mais originaux cependant et d'une moralité
irréprochable. Elle a laissé en manuscrit un
volume de vers et un ouvrage en prose.
IUCI1I, groupe d'îles de l'archipel des Phi-
lippines, Océanie espagnole , situé entre l'île
Formose et le groupe des Babuyanes , par
20°28' et 21019' de lat. N., et entre 119010' et
12l°49' de long. E. Six grandes îles et plu-
sieurs petites forment ce groupe, dont le sol,
d'une grande fertilité, produit en abondance
de la canne à sucre , des bananes , etc. La
plus importante de ces îles , l'île Bachi, a
donné son nom au groupe tout entier.
BACHIACCA (Francesco Ubertini, dit le),
peintre florentin, ilorissait vers le milieu du
xvi" siècle. 11 se forma sous la direction du
l'érugin, mais il ne tarda pas à renoncer à la
manière archaïque de ce maître pour se con-
former au style moderne, dont Andréa del
Sarto, son ami, lui fournit d'admirables mo-
dèles. Il peignit principalement des sujets de
petites proportions : on cite et ce genre le
Martyre de saint Arcade, qui décore le gradin
d'un autel dans l'église de Saint-Laurent, h
Florence. Il envoya en Angleterre, dit Lanzi,
une grande quantité de petits tableaux ; il
excellait à peindre ces arabesques eteesiigu-
res de fantaisie que les Italiens nomment gro-
tesques, et il n'était pas moins habile dans la
représentation des animaux dont il décorait
des piafonds, des lambris et jusqu'à des meu-
bles. Il décora pour Corne de Médicis, au ser-
vice duquel il fut attaché vers la fin de sa vie,
un cabinet dont les peintures représentaient
des oiseaux et des plantes, etquil exécuta à
l'huile d'une manière dioine, selon l'expression
de Vasari. 11 fit pour le même prince des des-
sins sur des sujets riants et gracieux, qui fu-
rent exécutés en tapisserie par un de ses
frères, Antonio Ubertini. Il mourut à Florence
en 1557. On voit de lui, au musée de Berlin, un
Baptême du Christ, avec de nombreux person-
nages en costumes italiens.
BACHI -BOUZOUCK s. m. (ba-chi-bou-
zouk). Soldat irrégulier de l'armée turque :
Les bachi-bouzouckS peuvent se ranger dans
trois catégories principales : le bachi-bou-
zouck albanais, le bachi-bouzouck nègre de la
haute Egypte, le bachi-bouzouck kurde. (Th.
Gaut.) Souvent M. Valerio rencontrait dans
la campagne des bandes de bachi-bouzoucks.
(Th. Gaut.)
BACHIE s. f. (ba-chî — dei?acc/ius,dieudu
vin). Rougeur que le vin fait venir au visage
des ivrognes : Il est couvert de bachies. il On
écrit mieux bacchie.
BACHIENNE (Guillaume-Albert), géographe
hollandais, né en 1712, mort en 1783. Il occupa
dix-neuf ans la chaire d'astronomie et de géo-
graphie de Maëstricht. Il a publié : une Des-
cription des lieux dont il est question dans la
Bible, une Géographie ecclésiastique, une To-
j ographie de la Hollande, etc. Son frère,
Jean-Henri, a laissé des ouvrages de théolo-
gie et de morale.
bachique adj. (ba-chi-ke — rad. Bac-
chus). Qui appartient, qui a rapport à Bac-
chus ou à son culte: l'été bachique. Fureur
bachique. Il n'y a certainement aucune exagé-
ration dans le tableau des fureurs bachiques
que nous ont laissé les anciens. (A. Maury.)
— Par ext. Qui a rapport au vin, à l'i-
• vtesse : Excès bachique. Chanson bachique.
La musique bachique n'enivre pas moins que le
BAC
vin, (Fén.) Il avait feint d'être encore fatigué
de ses excès bachiques de l'avant-veille, pour
se soustraire à la compagnie bruyante de
ses amis. (Cl. Robert.) Taconnet, dans la ba-
chique assemblée, fut proclamé d'emblée l'A-
pollon du cabaret. (H. Morcau.) le fis un signe
à Beaumarchais, pour lui dire de griser le fils
d'Esculape qu'il avait à sa droite; les trois
daines trempèrent dans notre conspiration ba-
chique. (Balz.) Autour de ces pots se grou-
paient force visages bachiques, empourprés ,de
feu et de vin. (V. Hugo,) Son nez bourgeonné
sembla s'illuminer de tous les feux d'une ba-
chique convoitise. (E. Sue.)
Redites-nous ençor ce petit air bachique.
Regnard.
Je ne tiens qu'au refrain bachique
Par le toumebroche annoncé.
BÉRANGER.
... Un des conviés, d'un ton mélancolique, "
Lamentant tristement une chanson bachique,
Tous mes sots à l'instant, ravis de l'écouter,
Détonnant de concert, se mettent il chanter.
Boileau.
En faisant sauter un bouchon,
La bouteille à l'instant nous réjouit l'oreille ;
La pinte à notre çré nous flatte et nous réveille
Par son bachique carillon. ***
— Poétiq. La liqueur bachique, Le vin. H
Troupe, bande bachique, Troupe de buveurs :
Par quelle fantaisie, s'il vous plaît, faites-
vous venir chez vous cette troupe bachique?
(Destouches.)
Toute notre bachique bande
But un grand verre à sa santé. Chapelle.
— B.-arts. Scène bachique, Troupe de bu-
veurs ou d'ivrognes : La plupart des tableaux
de l'école flamande représentent des scènes
bachiques. (Acad.)
bachiquement adv. (ba-chi-ke-man —
rad. bachique). D'une manière bachique :
Chanter bachiquement une chanson bachique.
BACHE1RS. V. BaSkihS.
BACHMANN (Charles-Louis), habile luthier
allemand, musicien de la chambre du roi de
Prusse, né à Berlin en 1716, mort en 1800. Ses
instruments, et notamment ses violes et vio-
lons, sont fort recherchés en Allemagne. On
lui doit l'invention des chevilles à vis pour la
contre-basse, invention qu'il appliqua ensuite
aux violoncelles. En 1770, il fonda avec Benda
le Concert des Amateurs de Berlin, qui eut
une longue et brillante existence.
Sa femme, Charlotte-Christine-Wilhelmine
Bachmann, était cantatrice du Concert des
Amateurs de Berlin, et chanta le solo de l'ora-
torio de Graiin, la Mdrt de Jésus.
BACHMANN (Jean-Henri), généalogiste al-
lemand, né à Feuchtwangen en 1710, mort en
1786 à Deux-Ponts, où il était conseiller intime
et archiviste du duc. Il a publié Droit politi-
que du palalinat de Deux-Ponts (Tubinge,
1784) , ainsi que d'autres travaux sur la généa-
logie de la maison de Deux-Ponts, sur le droit
politique de ce duché et sur ses archives.
BACHMANN (Jacques-Joseph-Antoine Lé-
ger, baron de), major général des Suisses au
service de la France, né à Nœfels (Glaris) en
1733, mort en 1792. Ilcommandait les Suisses
à la journée du 10 août. Arrêté après la vic-
toire du peuple, il fut condamné à mort par le
tribunal du 17 août, et exécuté le 3 septembre
sur la place du Carrousel, pendant le massa-
cre des prisons. Son frère, Nicolas-François
de Bachmann-Anderletz, qui avait échappé
par la fuite au même sort, combattit contre la
France pendant les guerres de la Révolution
et de l'Empire, et reçut un commandement au
retour des Bourbons.
BACHMANN (Sixte), religieux et composi-
teur allemand, né en 1754, mort en 1820. Il
était, dès son bas âge, si heureusement doué
sous le rapport musical, qu'à neuf ans il put
lutter avec Mozart sur le piano, sans être
vaincu par l'illustre maître. Ses parents, qui
le destinaient à l'état ecclésiastique, le firent
entrer de bonne heure chez les bénédictins de
Kittershausen ; là, il fut forcé de suspendre
quelque temps ses études harmoniques ; mais,
lors de son noviciat à Marchtal, l'arrivée du
maître de chapelle Koa lui permit de perfec-
tionner son éducation musicale. Comme exé-
cutant, Bachmann avait acquis une grande
habileté dans la manière de Bach, tant comme
pianiste que comme organiste. Retiré à March-
tal, il s'adonna surtout .à des compositions du
style religieux, dont il ne fit rien publier. Deux
sonates pour clavecin ont été seulement im-
primées , ainsi qu'une collection de .petites
pièces pour le même instrument; une sonate
pour piano, et une fugue pour orgue.
BACHMANN (Gottlob), organiste et compo-
siteur allemand, né en 1763, mort vers 1810.
Après les études musicales préliminaires qu'il
fit à Zeitz, il se rendit à Leipzig pour y étu-
dier à fond le contre-point. C'était alors le
moment de la vogue des oeuvres de Kozeluch
et de Pleyel. Bachmann se mit à imiter la
manière de ces deux auteurs, dont il se lassa
promptement, puis il se rit copiste littéral des
œuvres de Haydn et de Mozart. Enfin, délais-
sant ses nouveaux dieux, il en vint à subir
l'influence de Naumann , dont il calqua le
genre à son tour -, et, partageant les préjugés
de cet auteur contre la musique instrumen-
tale , il aborda la composition vocale, qu'il
borna encore à l'imitation du style simple de
Naumann, "Weigl, Salieri, Cimarosa et Mar-
tini.
BAC
On a de Gottlob Bachmann trois opéras, des 1
ballades et des chansons sur les poésies de |
Schiller, Bùrger et Gœthe; des symphonies >
pour orchestre, des sonates et pièces d'orgue, -
quelques trios et quatuors et un quintette i
BACHMANN (Charles-Frédéric), philosophe i
allemand, né en 1785 à Altenbourg, mort en
1855 à Iéna, où il fut longtemps professeur de
morale et d'économie politique. Il ' a écrit :
JEsthetices apud Grœcos vestigia (1811); De
l'Esthétique générale (1811) ; la Philosophie et
son histoire (181 1); Esquisses philosophiques
(1812) ; De la Philosophie moderne (1816); De
l'Histoire de la philosophie (1820) ; Système de ■
logique (1828); le Système de Hegel, etc., et
l'Anti-Hegel (1835), etc.
BACHMANN (John), naturaliste américain,'
né en 1790, fut le collaborateur d"Audubon
pour les Quadrupèdes de l'Amérique du Nord.
Outre des écrits de controverse religieuse, il
a publié une Analyse critique sur l Esquisse
des provinces naturelles du monde animal, etc.,
d'Agassiz (1855), et une Caractéristique des
genres et des espèces, applicable à la doctrine
de l'unité de la race humaine (1854).
BACHMANN ( Dieudonné - Louis - Ernest ) ,
philologue allemand, né en 1792 à Leipzig, est,
depuis 1832, professeur de littérature classi-
que à l'université de Rostock et directeur de
l'Ecole normale, après avoir professé à Halle
et à Wertheim, de 1816 à 1824. Pendant trois
ans, il a fait des recherches philologiques dans
les bibliothèques de Vienne, Rome, Naples et
Paris. Ses principaux ouvrages sont les sui-
vants : les Papyrus égyptiens de la bibliothè-
que du Vatican (1828) ; Anecdota grœcaecodi-
cibus bibliothecœ regiœ Parisiensis (1828,
2 vol.); Scholia in Homeri Iliadem (1835-
1838), 11 a édité le texte grec de YAlexandra,
de Lycophron (1830) , et des opuscules ou
scolies relatives à ce poëme (1848 et lS5l),
BACHMEGYBI (Etienne -Paul) , médecin
hongrois, né à la fin du xvne siècle, mort en
1735. Il cultiva toutes les sciences, mais s'é-
gara malheureusement dans les vaines recher-
ches de l'alchimie. On a de lui quelques ouvra-
ges. Au milieu d'une opération , un vase lui
éclata au visage. Il mourut des suites de ses
blessures.
BACHMOURIQUE adj. et s. (bak-roou-ri-
ke). Linguist. Dialecte de la langue copte :
Le dialecte bachmourique. Le bachmourique,
BACHO s. m. (ba-cho). Argot des collèges.
Abréviation et syn. de baccalauréat : Etre
reçu au bacho, passer son bacho, pour être
reçu bachelier, passer l'examen du baccalau-
réat, il Quelques-uns écrivent bachot : En face
d'elle se trouvaient deux jeunes gens aspirant
au bachot. (A. Meyer.)
BACHOLLE s. f. (ba-cho-le — rad. bac),
Techn. Grande casserole de cuivre dont on se
sert dans les papeteries.
BACHON OU BACHOU S. m. OU BACHOUE
s. f. (ba-chon, ba-chou — rad. bac). Techn.
Grand vaisseau de bois ayant la forme d'un
tonneau défoncé par l'un des bouts, et qui
est particulièrement en usage chez les boyau-
diers.
BACHOT s. m. (ba-cho — rad. bac). Navig.
Petit bateau employé pour la promenade, ou
pour le passage des voyageurs sur dos riviè-
res ou de petits bras de mer : On loue des
bachots pour la promenade. (E. Sue.)
— Techn. Sorte do crible dont on se sert
dans la fabrication de l'amidon : Le produit
lavé plusieurs fois, ëgoutté sur un crible appelé
bachot, constitue une fécule d'une qualité in-
férieure. (A. Mangin.)
BACHOT (Gaspard), médecin français, né
vers 1550 dans le Bourbonnais , mort vers
1630. Il est surtout connu par ses Erreurs po-
pulaires touchant les médecins et le régime de
santé (Lyon, 1626). Cet ouvrage renferme des
renseignements utiles. Mais il n'a pas la va-
leur de celui de Joubert, qui porte le même
titre, et qu'il était destiné a compléter.
BACHOT (Etienne), médecin et littérateur,
né à Sens, vivait à la fin du xvne siècle. Il fit
partie de l'Académie de médecine de Paris. Il
a donné, entre autres ouvrages, une Apologie
ou Défense de la saignée contre ses calomnia-
teurs (1646), et des poésies latines, parmi les-
quelles une traduction en cette langue des
sonnets de Benserade.
BACHOTAGE s. m. (ba-cho-ta-je — rad.
bachot). Emploi de celui qui conduit un ba-
chot, il Art ou action de conduire un bachot.
— Droit établi, perçu sur un bachot.
BACHOTEUR s. m. (ba-cho-teur — rad.
bachot). Batelier qui fait profession de con-
duire un bachot.
BACHOTTE s. f. (ba-cho-te — rad. bachot).
Pêch. Grand baquet qu'on remplit d'eau
douce pour transporter vivants des poissons
d'étang ou de rivière.
BACHOTTER v. n. ou intr. (ba-cho-té —
rad. bâches). Argot. Etablir les paris dans
une partie. On dit aussi faire les bâches.
BACHOTTEUR s. m. ( ba-cho-teur — rad.
bachotter). Argot. Celui qui, dans la filoute-
rie appelée emportage, arrange la partie et
tient les enjeux.
BACHOU s. m. (ba-chou). Techn. Sorte de
■ tonneau ouvert par un des fonds, et qui sert
de hotte, il On écrit aussi Bachon et Bachoue.
BACHOV D'ECHT, nom d'une famille aile-
BAC
SI
mande qui a produit quelques personnages
remarquables, parmi lesquels on connaît sur-
tout : Reinhart ou Renier Bachov d'Echt,
jurisconsulte, né à Leipzig en 1575, qui professa
la politique et le droit à Heidelberg. Privé de
sa chaire pendant la guerre de Trente ans , il
embrassa le catholicisme pour la recouvrer,
mais il retourna plus tard au luthéranisme. H
a laissé divers traités estimés sur différentes
questions de droit ; — Frédéric-Jean Bachov,
diplomate, né à Gotha en 1643, mort en 1736 ;
— Louis-Henri Bachov d'Echt, diplomate et
poète, né à Gotha en 1725, représenta la cour
de Danemark à Madrid, à Dresde et à Ratis-
bonne. Il a publié : Essais d'odes et chants
spirituels (1774).
BACHSMIDT (Antoine), compositeur alle-
mand et célèbre virtuose sur la trompette et
le violon, né en Autriche vers 1709, mort en
1780. Bachsmidt s'acquit surtout une grande
réputation par les sons extraordinaires et im-
prévus qu'il savait tirer de la trompette. Ap-
pelé à Eiûhstadt pour faire partie de la cha-
pelle de l'évêque-prince (Jean-Antoine III), il
se consacra à l'étude du violon, acquit un ta-
lent remarquable et devint successivement
premier violon et directeur des concerts du
comte de Strasoldo, successeur de l'évêque-
prince. Au retour d'un voyage qu'il fit en Italie
pour achever ses études musicales, et après
avoir été nommé directeur de la chapelle du
prince, il écrivit plusieurs opéras et quantité de
musique d'église, dont le style rappelle celui de
Graùn. Ses symphonies, quatuors et concertos
sont en grand nombre; mais sept ceuvres seu-
lement de ce compositeur ont été gravées.
BACHSTROM (Jean-Frédéric), savant alle-
mand, né en Silésie à la fin du xvne siècle.
Il eut une vie errante et agitée, et fut tour à
tour professeur à Thorn, aumônier d'un régi-
ment, médecin, imprimeur à Constantinople,
où il tenta de donner une traduction turque de
la Bible. Il a laissé un certain nombre d'écrits.
On lui a souvent attribué le Democritus redi-
vivus.
bachtan s. m. (bak-tan). Relig. arab. Mé-
téorite sur lequel les Arabes prétendent
qu'aurait eu lieu la conception d'Ismaël, et
auquel Abraham attacha son chameau avant
de procéder au sacrifice d'Isaac.
BAC1ABELLI (Marcellin). V. Bacciarelli,
BACICCIO (Jean-Baptiste Gaûli), peintre
italien, né à Gènes en 1639, mort en 1709. Après
avoir étudié quelque temps dans l'atelier de
Borzone, il alla à Rome, où il reçut les con-
seils du Bernin, débuta à vingt ans par une
Vierge entre saint Roch et saint Antoine, qui
fit quelque sensation, peignit ensuite des su-
jets allégoriques à la coupole de Sainte-Agnès,
et, grâce à la protection du Bernin, obtint d'être
chargé de la décoration de l'église de Jésus. II
employa cinq ans à ce vaste travail, qui est
demeuré son œuvre- capitale, et dont le mor-
ceau le plus remarquable est la voûte repré-
sentant l'Adoration du nom de Jésus, où des
anges de ténèbres sont foudroyés par l'éclat
des rayons qui s'échappent du saint nom et
semblent tomber de la voûte sur le specta-
teur ; c'est une composition du plus grand
effet. Cet artiste exécuta encore un grand
nombre de travaux, soit à fresque, soit à
l'huile, dans les églises de Rome: le Triomphe
de l'ordre de saint François, grande voûte à
l'église des Saints-Apôtres, d une exécution
trop hâtive; la Vierge avec son fils dans ses
bras, un Saint François-Xavier mourant, etc.
Baciccio excellait surtout dans les portraits et
dans les grandes compositions, décoration de
voûtes, plafonds, etc. Il possédait toutes les
qualités de ce dernier genre, science des rac-
courcis, entente parfaite de la perspective, des
reliefs et de l'effet, vigueur du coloris. On lui
reproche des incorrections de dessin, des fautes
de composition, des erreurs de goût, une grâce
parfois un peu maniérée.
On possède encore de lui les portraits des
sept pontifes sous lesquels il a vécu,
BACIDE s. f. (ba-si-de). Antiq. gr. Nom
donné à certaines femmes qui se mêlaient de
prédire l'avenir. 11 On écrit aussi bacchide,
BACILE s. m. (ba-si-le). Bot. Genre de
plantes de la famille des ombellifères : Le
bacile a une saveur salée, piquante, aromati-
que, assez agréable. (De Jussieu.)
— Encycl. Le bacile, qu'on appelle, selon
les lieux, criste-marine, passe-pierre, perce-
pierre, salicorne herbacée, fenouil marin, etc.,
est une plante vivace , à tige cannelée , rameuse ,
à feuilles alternes et à fleurs blanchâtres. Ses
feuilles et ses tiges charnues sont souvent
employées dans la composition des achars. Le
bacile se prête à toutes les préparations culi-
naires que reçoivent les légumes frais, no-
tamment les haricots verts ; on en fait des
conserves et on les met confire dans le vinai-
gre, comme les cornichons. Assaisonné de
beurre, c'est un mets fort sain; préparé au
jus, à l'huile ou à la maître d'hôtel, c'est un
aliment agréable, digne de figurer sur les
meilleures tables. La médecine lui reconnaît
des propriétés apéritives et diurétiques. Son
emploi est très-sain , surtout dans les pays
chauds, et l'on en recommande l'usage à ceux
que leur profession oblige de passer la journée
aux ardeurs du soleil. Le bacile croît natu-
rellement sur les bords de la mer, principale-
ment de la Méditerranée, de la mer Noire et
de l'océan Atlantique, depuis le Portugal jus-
qu'aux Canaries. On le cultive comme plante
32
BAC
BAC
BAC
BAC
potagère dans plusieurs pays, surtout en Pro-
vence. Il peut se semer dans un terrain léger
et un peu humide, à la volée ou en rayons ;
niais la terra doit être couverte pendant l'hi-
ver avec des feuilles sèches, et il faut lui
donner des abris pendant l'été. On le sème
aussi au pied d'un mur entre les joints des
pierres, à l'exposition du midi et du levant.
BACILE s. m. (ba-si-le). Métrol. Mesure
de capacité pour les matières sèches, usitée
dans les îles Ioniennes, et valant en litres,
à Zante, 44,0478 ; à Cèphalonie, 49,332 ; à
Ithaque, 35,238.
BACILLAIRE adj. (ïia-sil-lè-re — du lat.
bacillum, baguette). Hist. nat. Qui est long,
grêle et cylindrique comme une baguette.
— Miner. Qui a la forme d'un prisme al-
longé et plus ou moins profondément strié :
Cristal bacillaire, il Se dit aussi de toute
agglomération de cristaux disposés parallè-
lement les uns par rapport aux autres : La
harytine, le quartz et le calcaire se présentent
souvent en masses bacillaires. Groupe bacil-
laire.
— s. f. Infus. Genre d'animalcules infusoi-
res longtemps confondus avec les vibrions :
La bacillaire commune est l'espèce que l'on
trouve le plus fréquemment dans les eaux
douces des environs de Paris. (P. Gervais.)
BACILLARIÉ , ÉE adj. ( ba-sil-la-ri-é).
Infus. Qui ressemble à une bacillaire.
— s. f. pi. Famille d'infusoires ayant pour
type le genre bacillaire, il On dit aussi bacil-
i. ariens.
— Encycl. Les bacillariées ont un corps
cylindrique ou comprimé, aminci aux extré-
mités, linéaire, cunéiforme, aigu, tronqué ou
obtus, roide, transparent, marqué de points
globuleux ou de teintes jaunâtres. Ces infu-
soires sont, en général, des corps de fort pe-
tite taille, qu'on ne peut étudier sans le se-
cours du microscope. Il y en a beaucoup dans
les eaux douces, surtout dans les eaux douces
stagnantes ; les eaux de la mer en fournissent
aussi, et leurs débris se retrouvent à l'état
fossile sur tous les points du globe. Les genres
qui composent cette famille sont fort nom-
breux ; nous citerons, parmi les plus connus,
les genres bacillaire, échinelle, navicule, lu-
nuline et styllaire.
BACILLARIENS s. m. pi. (ba-sil-la-ri-ain
— rad. bacillaire). Infus. Syn. de bacillariées.
BACILLE s. ni. (ba-si-le — d,u lat. bacil-
lum, haguette). Kntom. Genre d'insectes or-
thoptères, de la famille des phasmiens, com-
prenant un petit nombre d'espèces, dont deux
vivent dans le midi de l'Europe.
— Bot. Nom donné au pédoncule de cer-
tains lichens.-
— Encycl. Kntom. Les bacilles sont carac-
térisés pur un corps grêle, linéaire, enforme de
baguette, et par des antennes très-courtes,
moniliformes et composées tout au plus d'une
douzaine d'articles. Ces insectes sont aptères;
ils se tiennent d'ordinaire sur les arbrisseaux
exposés à l'ardeur du soleil et semblent ne se
mouvoir qu'avec peine.
bacilliforme adj. (ba-sil-li-for-me — du
lat. bacillum, baguette; forma, forme). Hist.
nat. Qui a la forme d'une baguette : Epines
d'oursins bacilliformks.
BAC1I.LY (Bénigne de), compositeur de mu-
sique, né en Normandie vers 1025, mort vers
1090. Il était ecclésiastique. On a de lui : Re-
marques curieuses sur l'-ttrt de bien chanter
(1668); deux Recueils d'airs bachiques; deux
Recueils d'airs spirituels; Recueils des plus
beaux airs qui ont été mis en chant, etc.
Bacinet s. m. (ba-si-nè — du b. lat. ba-
cinelum). Art milit. Orthographe primitive
do bassinet, sorte d'ancien casque. V. Bassinet.
— Bot. Nom vulgaire de plusieurs renon-
cules, et particulièrement de la renonculo
bulbeuse.
BACIOCHl. V. BACCIOCHI.
BACIS s. m. (ba-siss). Entom. Genre d'in-
sectes coléoptères tétramôres, voisin des chry-
somèles , et comprenant trois espèces , qui
vivent à la Guyane.
BACIS, devin béotien, dont la célébrité fit
donner aux prophétesses grecques le nom de
Racides. On lui a attribué les Testaments se-
crets dont il est question dans le plaidoyer de
Dinarquo contre Dèmosthène, et auxquels était
attaché le salut d'Athènes.
BACK (sir Georges), navigateur anglais, né
à Stockport en 1796. En 1819, il coopéra a
l'exploration de la baie d'Hudson, entreprise
durant laquelle il accomplit à pied, en plein'
hiver, une excursion de 1800 kilom. Il prit en-
suite une part importante aux expéditions de
John Franklin, conduisit lui-même, en 1833-
1835, une expédition à la recherche du capi-
taine Ross, dont il apprit dans l'intervalle le
retour dans sa patrie, explora les grands lacs
de l'Amérique du Nord, s'engagea dans un
grand fleuve auquel on a donné son nom, et,
après une navigation très-difficile et très-pé-
rilleuse, arriva dans la mer Polaire, dont la
communication avec les lacs fut ainsi consta-
tée. Il releva ensuite avec soin les côtes de
cetto mer entre le détroit de Bathurst et la
baie d'Hudson, étudia les phénomènes des au-
rores boréales, et fit plusieurs autres observa-
tions pleines d'intérêt. Dans un autre voyage,
en 183G, il fut pris dans les glaces pendant
Plusieurs mois, et ne regagna qu'a grand'peina
Angleterre. Le capitaine Back a donné de
ses voyages des relations dont le style élégant
ajoute un charme de plus à ces émouvants
récits.
La relation de son voyage de 1836 a été tra-
duite en français par M. Cazeaux (2 vol.). Cet
intrépide navigateur, anobli par la reine, a été
nommé contre-amiral en 1857.
backelys s. m. (ba-ke-liss). Mamm. Es-
pèce de bœuf que l'on emploie à la guerre et
a la garde des troupeaux, dans quelques con-
trées de l'Afrique. Il On dit aussi bachelys,
BACKAL1S et BAKIiLEYS.
Backer s. m. (ba-kèr). Ornith. Espèce
d'hirondelle de mer, qui vit dans le nord de
l'Europe. On l'appelle aussi becqueteur. Son
cri est fort aigu, li On dit également bâcher.
backer v. n. ou intr. (ba-ké — de l'angl.
back, en arrière). Mot usité sur les chemins
de fer et les bateaux à vapeur, pour signifier
reculer. Dans le commandement, on emploie
ordinairement le mot anglais back, recule !
BACKEH (Georges de), imprimeur-libraire
belge, était établi a Bruxelles dès l'année 1693.
Outre ses éditions de classiques, il adonné un
Dictionnaire des Proverbes français avec leur
explication et leur origine (nio), reproduit par
Philibert-Joseph Leroux sous ce titre : Dic-
tionnaire comique, satirique, critique, burles-
que, libre et proverbial (Amsterdam, 1718),
avec des additions qui se sont augmentées à
chaque édition et ont fini par en faire un livre
très-ordurier.
BACKER ou BAKER (Jacob), peintre hol-
landais, né à Harlingen en 1608, mort à Ams-
terdam en 1651. Il travailla d'abord, à
Leeuwaarden, dans l'atelier de Lambert Ja-
cobsen, en même temps que Govert Flinck,
avec lequel il se lia d'une vive amitié, et alla
ensuite avec ce dernier étudier chez Rem-
brandt, a Amsterdam. Il exécuta des compo-
sitions historiques, des allégories; mais il se
distingua particulièrement dans la peinture de
portraits : il fit pour diverses corporations des
tableaux réunissant plusieurs portraits de
grandeur naturelle ; on en voit deux au nou-
vel hôtel de ville d'Amsterdam et un au musée
Van der Hoop. Parmi ses portraits isolés,
M. Waagen cite celui d'une femme vêtue de
brun et vue de profil (au musée de Dresde),
peinture remarquable par- la vigueur et la
transparence du coloris. La galerie de Bruns-
wick possède son portrait, qu'il fit d'après lui-
même, et deux compositions représentant des
Nymphes endormies sous un arbre et surprises
par un berger. Les musées français ne pos-
sèdent rien de ce maître.
BACKER (Adrien), peintre hollandais, neveu
du précédent, né à Amsterdam en 1643, mort
dans la même ville en 1686. Il s'adonna spé-
cialement à la peinture d'histoire. Ses princi-
paux ouvrages sont : un Jugement dernier, a
l'ancien hôtel de ville d'Amsterdam ; un tableau
allégorique, au musée d'Anvers; un Enlève-
ment des Sabines, signé et daté de 1671, dans
la galerie de Brunswick.
BACKEttEEL (Gilles), peintre hollandais,
vivait dans la deuxième moitié du xvi<= siècle.
Il imita heureusement Rubens. La cathédrale
de Bruges possède de lui un Saint Charles
Rorromêe du plus grand effet, et que la pureté
du dessin et la richesse du coloris ont fait com-
parer aux œuvres de Rubens et de Van Dyck.
BACKE11EUNGE, district de l'Indoustan an-
glais, présidence de Calcutta, sur le golfe du
Bengale, entre le Gange et le Brahmapoutra.
Sol bas et exposé k des inondations fréquen-
tes, mais très-fertile en riz. Surperficie 7,228 k,
carrés; 700,000 hab. Il Petite ville du district
de ce nom, sur une branche du Gange, a 200 k.
E. de Calcutta; jadis chef-lieu du district.
Commerce important de coton, riz et sel.
BACKGAMMON s. m. (bak - ga - mon —
mot angl. d'origine galloise). Sorte de jeu
anglais analogue au trictrac, et qui se joue
de même avec un cornet et des dés. Il répond
au jeu que nous appelons toute-table.
BACKHOUSE (John), sous- secrétaire d'Etat
des affaires étrangères, receveur général de
l'excise et écrivain anglais, né a Liverpool
d'un marchand de cette cité, mort en 18-15,
Nommé en 1812, par la chambre de commerce
de sa ville natale, pour aller défendre à- Lon-
dres ses privilèges commerciaux, il fit la con-
naissance de George Canning, alors représen-
tant de Liverpool, qui le prit avec lui pendant
quelques années en qualité de secrétaire par-
ticulier. Grâce à cette puissante protection et
a son mérite personnel, il fut nommé en 1822
rédacteur au conseil de la Compagnie des
Indes, emploi dont il se démit deux ans après
pour devenir commissaire de l'excise. En
1827, il fut nommé receveur général de ce
département, et, vers la même époque, sous-
secrétaire des affaires étrangères. Il a édité
le Récit de la résidence de Robert Adam dans
l'intérieur de l'Afrique, et collaboré à diverses
publications périodiques.
BACKME1STER (Matthieu), médecin alle-
mand, né à Rostock en 1580, mort en 1826. Il
professa les mathématiques à Rostock et devint
médecin du prince de Lunebourg. Il a laissé,
entre autres ouvrages, un Traité général de
médecine pratique en vingt-huit dissertations.
BACKMEISTER ( Hartmann - Louis - Chris-
tian)^ érudit allemand, né en 1736, mort en
1800. Appelé en Russie en 1770, il dirigea le
collège allemand de Saint-Pétersbourg, et en-
tra à l'académie de cette ville. Parmi ses ou-
vrages, on distingue une Histoire de la nation
suédoise, et des Mémoires et pièces authenti-
ques sur l'histoire de Pierre /t.
BACKNANG, ville du royaume de Wurtem-
berg, cercle du Necker, à 20 kil. O.-S.-O. de
Ludwisburg; 3,600 hab. L'église collégiale
renferme les tombeaux des premiers mar-
graves de Bade.
BACKOFEN (J.-G. -Henri), musicien et com-
positeur allemand, né à Durlach en 1708, mort
en 1837. Il était remarquable. par son habileté
sur la harpe, le cor anglais, la clarinette et la
flûte. Birckmanu lui enseigna l'art de jouer de
ces divers instruments et Grubert lui apprit la
composition. C'est surtout son talent sur la
harpe et le cor anglais qui lui fit un nom. Il
a laissé un grand nombre de compositions ,
tant pour harpe que pour cor de bassette et
clarinette, et deux méthodes, l'une intitulée :
Instruction sur Pari déjouer de la harpe, avec
des remarques sur ta construction de cet in-
strument (1802) ; l'autre, Méthode pour la cla-
rinette et le cor de bassette (1803).
BACKRA s. m. (ba-kra). Ichthyol. Espèce
de poisson du genre saumon, très-voisin de
la truite.
BACKHI (N...), négociant français établi a
Alger et qui employait sa grande fortune au
soulagement et à l'affranchissement de ses
compatriotes, devenus esclaves des Barba-
resques. En 1799, il vint à Marseille et y
équipa plusieurs vaisseaux pour Malte. Ces
opérations excitèrent, à tort ou à raison, les
soupçons du Directoire. Backri fut un moment
emprisonné, ainsi que son frère, secrétaire de
l'envoyé d'Alger. Tous deux furent ensuite
reconduits sous escorte à la frontière.
BACKHUYSEN (Ludolf), célèbre peintre de
marines, né h Embden (Westphalie) en 1631,
mort à Amsterdam en 1709. Il travailla jusqu'à
l'âge de dix-huit ans dans une maison de com-
merce de cette dernière ville, et s'y fit remar-
quer par son talent de calligraphe. Poussé par
une vocation irrésistible, il se mit, sans avoir
reçu aucune leçon, a faire, d'après les vais-
seaux du port,- des dessins a la plume que les
amateurs payaient, dit-on, jusquk 100 florins.
Ses succès 1 enhardirent, et il entra dans l'a-
telier du. paysagiste Albert van Everdingen.
Il s'appliqua dès lors avec ardeur à peindre,
sous leurs différents aspects, la mer, le ciel,
les côtes, les navires, et devint en ce genre
de peinture l'artiste le p)us habile de son temps,
le premier de l'école hollandaise après Wilhem
van den Velde, auquel on l'a quelquefois com-
paré. Waagen le place au-dessous de ce maître
pour le sentiment, l'harmonie, la transparence.
« Backhuysen nous fait craindre la mer ; Van
den Velde nous la fait aimer, » a dit M. Ch.
Blanc. Le premier excelle, en effet, à peindre
les tempêtes, les mers agitées, tandis que le se-
cond réussit particulièrement dans les calmes.
La réputation de Backhuysen a été quelque peu
exagérée et ses ouvrages sont aujourd'hui
moins recherchés qu'autrefois; celle de Van den
Velde, au contraire, grandit tous les jours. « J 'ai
rencontré dans ma vie quelques belles marines
de Backhuysen, dit M. W. Burger, et je suis
ainsi forcé de le tenir pour un maître d'une
certaine valeur; mais j avoue qu'en général
sa peinture me semble misérable, petite, froide,
maniérée. Ce commis de comptoir, ce calligra-
phe devenu peintre, n'a jamais eu le sentiment
artiste. Dans le sublime aspect de la mer, c'est
le détail qui le préoccupe 1 » On dit pourtant
qu'afin de rendre avec plus de vérité les effets
de la tempête, il descendait dans une barque
et se faisait conduire en mer, à l'embouchure
du Rhin, où il observait les variations des
nuages et des eaux, le mouvement des flots
soulevés par l'ouragan, les vagues se brisant
contre les côtes. Il eut un grand succès de son
vivant; les bourgmestres d'Amsterdam lui
commandèrent un tableau dont ils firent hom-
mage à Louis XIV. 11 reçut de nombreuses
commandes du roi de Prusse, de l'électeur de
Saxe, du grand-duc de Toscane. Weyermann
rapporte qu'il fut maintes fois chargé de des-
siner des vaisseaux pour Pierre le Grand, «qui
le visitait familièrement et dessinait lui-même,
sous sa direction, des navires pour se perfec-
tionner dans la science des constructions na-
vales. • Backhuysen trouva encore le temps
d'enseigner la calligraphie, k laquelle il ne
renonça jamais ; il exécuta une grande quan-
tité de modèles d'écriture, et en grava lui-même
plusieurs ; on en conserve un au cabinet des
estampes, à Paris. Smith n'a pas catalogué
moins de cent quatre-vingt-quatre tableaux de
ce maître. Il y en a cinq au Louvre, parmi les-
quels on distingue : l'Escadre hollandaise cou-
rant sous le vent à l'embouchure du Texel
(n° 5), grande composition d'un coloris désa-
gréable, mais où la perspective aérienne est
savamment entendue; le Coup de vent (n" 7),
bel effet de marée montante à l'embouchure
de la Meuse ; une autre grande marine avec
la vue d'Amsterdam k uiorizon (n« 6). Les
autres tableaux les plus connus de cet artiste
sont : au musée d'Amsterdam, l'Embarquement
de Jean de Wilt, le Quai aux moules et une
Mer houleuse ; au musée de La Haye, le Chan-
tier de la Compagnie des Indes à Amsterdam,
le Retour de Guillaume d'Orange à Maastuis,
toiles qui n'offrent guère d'autre intérêt que le
sujet, et une Mer agitée (n» 6), remarquable
par l'heureuse distribution de la lumière et de.
l'ombre ; au musée Van der Hoop, uce Vue du
port d' Amsterdam avec un grand nombre de
figures maladroitement peintes, et un Effet de
bourrasque sur l'ancien lac de Ilaarlem, tableau
éclairé d'une façon splendide, dit Waagen, et
où le ciel et les flots sont d'une admirable vé-
rité ; au musée de Rotterdam, deux marines,
dont uce très-riche de composition ; k la gale-
rie d'Arenberg, à Bruxelles, une Flotte en
pleine mer, peinture ample et magistrale, et
l'Approche de la tempête ; ala galerie de Dresde,
un Combat naval entre les Hollandais et les
Espagnols; au musée de Munich, une Escadre
en pleine mer et une Vue du port d'Anvers; au
Belvédère, à Vienne, une Vue du port d'Ams-
terdam et un Paysage avec une rivière portant
plusieurs barques, et des montagnes à l'ho-
rizon ; à la galerie royale de Turin, une Tem-
pête, etc. Quelques-uns des meilleurs ouvrages
de Backhuysen figurent dans les collections
particulières de l'Angleterre, notamment dans
la galerie Bridgewater, dans les collections
Baring, Holford, Ashburton, etc. La belle col-
lection du docteur Van Cleef, d'Utrecht, ven-
due à Paris en 186-1, renfermait un des chefs-
d'œuvre de Backhuysen, le Christ dans la
barque pendant la tempête, superbe marine du
caractère le plus dramatique, la seule compo-
sition religieuse que nous connaissions de ce
maître ; elle est datée de 1704. Backhuysen a
fait de nombreux dessins a l'encre de Chine
et au bistre, qui sont très-estimés; le musée de
Rotterdam en possède quatorze, dont quelques-
uns sont fort beaux. A l'âge de soixante et
onze ans , ce peintre exécuta une série de
treize eaux-fortes, remarquables par la vigueur
du clair-obscur; il s'est représenté lui-même
dans l'une de ces eaux-fortes; son portrait et
celui de sa femme, Anna de Hooghe, peints de
sa main , figuraient dans la collection Van
Cleef. Son nom s'écrit encore : Backhuisen,
Backhuizen, Bakhuizen et Backhysen.
Backhuysen était un homme d'un caractère
énergique qui ne se démentit pas pendant les
longues souffrances de ses dernières années.
Weyerman raconte que, l'usage étant assez
répandu k Amsterdam de distribuer du vin,
lors des obsèques, aux parents, aux amis et
aux voisins du défunt, Backhuysen avait acheté
lui-même le vin qui devait être donné le jour
de son propre enterrement. Il avait scellé les
bouteilles de son cachet et les avait déposées
dans un coin de sa cave. On trouva, en outre,
après sa mort, un sac rempli d'autant de flo-
rins que l'artiste comptait d'années (78), et un
écrit exprimant le vœu que cet argent fut em-
ployé à régaler ceux d'entre les peintres de sa
connaissance qui le porteraient en terre et dont
il avait dressé la liste.
BÂCLAGE s. m. (bà-kla-je — rad. bâcler).
Action de bâcler, de faire vite et mal : Le
bâclage d'un livre, d'une affaire.
— Mar. Fermeture d'un port au moyen de
chaînes, de bateaux, etc. n Fermeture d'une
rivière à l'aide de hérissons, n Opération con-
sistant à disposer les bateaux entrés dans
un port, de manière que le chargement et le
déchargement en soient commodes, il Droit,
salaire qui est dû à l'individu chargé de pré-
sider à cette opération.
BAGLAN s. m. (ba-klan). Agrîc. Variété de
raisin.
bâcle s. f. (ba-kle — dn lat. baculus, bu-
ton), l'ièce de bois que l'on place derrière
une porte, pour la fermer, et dont les extré-
mités sont logées dans des trous pratiqués en
regard l'un de l'autre, dans l'épaisseur dos
pieds-droits.
BÂCLÉ, ÉE (bâ-klé) part.- pass. du v. Bâ-
cler. Fa m. Expédié, fait ou conclu à la.hâte :
Mon travail est bâclé. C'est un mariage bâclé.
Je vous coiffe, je vous pose deux brins de fleu-
rettes, et je vous enlève dans ma voiture. Allons,
voilà une a/faire bâclée. (A. de Muss.) La mu-
sique de ce ballet est facile, banale, bâclée à
la diable, mais dansante comme le cor magique
d'Obéron.'(P. de St-Viet.)
— Particulièrem. Fermé avec une bâcle :
Porte BÂCLÉE.
— Navig. Gelé d'un bord à l'autre , en
parlant d'un cours d'eau navigablo : Fleuve
bâclé, n Fermé, en parlant d'un port, d'une
rivière : Port bâclé, rivière bâclée avec des
hérissons, n Disposé dans un certain ordre, en
parlant des navires : Bateaux bâclés.
— Hist. Charte bâclée. V. Charte.
BÂCLER v. a. ou tr. (bà-klé — rad. bâcle).
Fermer une porte ou une fenêtre par der-
rière avec une barre de bois ou de fer, avec
une bâcle : Il faut bâcler cette porte, cette
fenêtre. Autrefois, en temps de peste, on bâ-
clait les maisons où régnait la contagion.
— Faire, terminer, conclure à la hâte et
sans précaution : Bâcler un travail, une be-
sogne. Il a bâclé en huit jours un mémoire qui
demandait un mois de travail. (Acad.) Se rap-
pelte-t-il avoir dit dans une maison, hier soit- ;
Nous venons de bâcler quinze lois? (A. Karr.)
Je vais bâcler cette affaire en un tour 'lis nain.
(Damas-Hinard.)
Vous allez dodû ce soir bâcler trois maringes.
Voltaire.
Ne vous étonnez plus, morbleu ! des fruits que porte
Une sotte union qu'on bâcle de la sorte.
PONSARD.
— Navig. Bâcler un bateau, Le ranger de
manière à ce qu'on puisse le charger ou le
décharger facilement, n Bâcler un port, En
fermer l'entrée avec une chaîne, un câble,
BAC
ou do toute autre manière, pour en inter-
dire l'entrée et la sortie, il O a le dit, dans
lo môme sens, d'un fleuve, d'une rivière que
l'on ferme avec des hérissons ou autrement.
Se bâcler v. pr. Etre bâclé : Et vos articles?
— Bah 1 vous ne savez pas comme cela se bâcle.
(Balz.)
BACLER D'ALBE (le baron Louis-Albert
Guislain), peintre et ingénieur géographe, né
à Saint-Pol (Pas-de-Calais) en 1762, mort à
Sèvres on 1824. Pendant la campagne d'Italie,
Bonaparte l'attacha à son état-major comme
directeur du bureau topographique, puis
comme chef des ingénieurs géographes. En
1803, il fut nommé général de brigade, et, en
1813, chef du dépôt général de la guerre, place
qu'il perdit à la restauration. Bâcler d'Albe a
laissé, sur la gravure des cartes, un grand
nombre de travaux qui l'ont placé au premier
rang des cartographes. On lui doit la Carte
du théâtre des campagnes de Bonaparte en
Italie (54 feuilles), ouvrage fort recherché ;
des vues pittoresques de la Suisse, du Valais;
des collections de paysages gravés au trait,
d'après les maîtres, etc. Comme peintre, il a
• laissp un grand nombre de paysages estimés,
ainsi que d'autres tableaux, parmi lesquels la
Bataille d'Arcole, la Bataille d'Austerlitz ,
auxquelles il avait assisté, et Paris chez
Œnone, qui a décoré la galerie de laMalniaison.
BÂCLEUR s. m. (bà-kleur — rad. bâcler).
Néol. Celui qui bâcle, qui fait, qui termine à
la hâte : Calcules, au prix coûtant, sur l'édre-
don de vos sofas, ce que peut valoir la con-
science d'un BicLEUR de chartes ou d'un salarié.
(Cormen.)
— Peut s'empl. adjectiv. : Les députés
BÀCLEURS.
BACLIAU s. m. (ba-kli-o).Syn. àe Bacaliau.
BACO DE LA CHAPELLE, procureur du roi,
puis constituant et maire de Nantes, contribua
à la défense de cette ville contre les "Vendéens
(1793), fut emprisonné comme fédéraliste, en-
voyé par le Directoire en mission aux îles de
France et de la Réunion, qui refusèrent de le
reconnaître, puis à la Guadeloupe, où il mourut
en 1801.
BACOLOR . ville de l'archipel des Philip-
pines, dans 1 île de Luçon, capitale de la pro-
vince de Pamponya; 8,757 hab. Il Nom d une
rivière de l'archipel des Philippines, dans l'île
de Luçon.
BACON s. m, (ba-kon — anc. ail. bacho,
dos). Vieux mot qui signifiait lard, pièce do
porc salé. Il existe encore en anglais avec
la même signification, et, dans l'argot, bacon
se dit dans le sens de porc, cochon.
BACON (Robert), théologien anglais, moine
dominicain, né vers 1168, mort en 1248; il étudia
à Oxford et à Paris et se fit une grande répu-
tation comme prédicateur. On l'a quelquefois
confondu avec Roger Bacon.
BACON (Roger), moine anglais du xin° siè--
cle, surnommé le docteur admirable, né en
1214 à Ilchester (Somerset), mort vers 1294.11
étudia à Oxford, puis à l'université de Paris,
alors célèbre dans toute l'Europe. Après y
avoir reçu le degré de docteur en théologie, ri
revint en Angleterre en 1240, prit l'habit mo-
nastique dans l'ordre de Saint-François, et alla
se fixer à Oxford. Il fut tellement supérieur à
son siècle, qu'Alexandre de Humboldt n'hésite
pas a voir en lui la plus grande apparition du
moyen âge. « Il professait, dit l'auteur -du
Cosmos, une égale estime pour l'étude appro-
fondie des langues, pour l'application des ma-
thématiques et pour la scientia experimentalis,
à laquelle il consacre un chapitre spécial dans
son Opus majus. » Les historiens qui ont re-
cueilli quelques lambeaux des temps où il vé-
cut nous le représentent comme .continuelle-
ment occupé à l'étude. 11 fit avancer, disent-
ils, toutes les parties du savoir humain. Leland
dit : Philosophiam ita lotam penetravit et cir-
cuivit,utnullum locumjam non excussum reli-
guerit. Sa jeunesse fut surtout consacrée à
l'érudition. Outre le latin, il apprit l'hébreu,
le grec, l'arabe. Une section de son Opus
majus est consacrée à montrer la nécessité de
perfectionner la grammaire et la connais-
sance des langues, afin de donner un fonde-
mentà la théologie. Après les langues, Roger
Bacon étudia les mathématiques comme un
instrument pour pénétrer dans les sciences ; il
considérait le calcul comme la première des
sciences, celle qui précède toutes les autres
et nous prépare a les comprendre. Ses expé-
riences de physique et- de chimie paraissent
appartenir a une troisième période de sa vie,
comme on peut l'inférer du passage suivant
d'un de ses écrits : « Après avoir longtemps
travaillé à l'étude des langues et des livres,
sentant que mon savoir était plein d'indigence,
je voulus, négligeant Aristote, pénétrer plus
intimement dans les secrets de la nature, en
cherchant à me faire une idée sur toute chose
par ma propre expérience. »
Exposons sommairement les travaux et les
découvertes de l'astronome, du physicien et
du chimiste.
Un des titres scientifiques les plus glorieux
de Roger Bacon est d'avoir le premier proposé
la réforme du calendrier julien. On sait que
cette réforme, sollicitée aussi par Copernic,
ne s'est accomplie que sous Grégoire XIII, en
1581. « Les défauts du calendrier, écrit Roger
Bavon au pape Clément IV, sont devenus in-
tolérables au sage et font horreur à l'astro-
EAC
nome. Depuis le temps de Jules César,' et
malgré les corrections qu'ont essayées les
conciles de Nicée, Eusèbe, Victorinus, Cyril-
lus, Bède, les erreurs n'ont fait que s'aggra-
ver; elles ont leur origine dans l'évaluation
de l'année, que César estime être de trois cent
soixante-cinq jours et un quart, ce qui, tous
les quatre ans , amène l'intercalation d'un
jour entier ; mais cette évaluation est exagé-
rée, et l'astronomie nous donne le moyen de
savoir que la longueur de l'année solaire est
moindre d'un cent-trentième de jour (environ
onze minutes) ; de la vient qu'au bout de cent
trente années on a compté un jour de trop, et
cette erreur se trouverait redressée si on re-
tranchait un jour après cette période... Une
réforme est nécessaire; toutes les personnes
instruites dans le" comprit et l'astronomie le
savent et se raillent de l'ignorance des pré-
lats qui maintiennent l'état actuel. Les philo-
sophes infidèles, arabes -et hébreux, les Grecs
qui habitent parmi les chrétiens, comme en
Espagne, en Egypte et dans les contrées de
l'Orient, et ailleurs encore, ont horreur de la
stupidité dont font preuve les chrétiens dans
leur chronologie et la célébration de leurs so-
lennités/Et cependant, les chrétiens ont main-
tenant assez de connaissances astronomiques
pour s'appuyer sur une base certaine. Que
Votre Révérence donne des ordres, et vous
trouverez des hommes qui sauront remédier
à ces défauts. Si cette œuvre glorieuse s'ac-
complissait du temps de Votre Sainteté, on
verrait s'achever une des entreprises les plus
grandes, les meilleures et les plus belles qui
jamais aient été tentées dans l'Eglise de
Dieu. » Roger Bacon ne réduit pas ses vues
astronomiques à la réforme du calendrier;
avec une sagacité qui devance et annonce
Copernic, il saisit et signale les points vulné-
rables du système de Ptolémée ; le cosmos de
l'astronomie traditionnelle avec ses emboîte-
ments infinis, avec ses excentriques et ses
épicycles, lui paraît artificiel, compliqué, trop
asservi aux apparences sensibles, et infini-
ment éloigné de la simplicité que la raison est
portée à supposer dans la nature.
En optique, il est le précurseur de Galilée et
de Newton. Ses recherches le conduisent à
des observations judicieuses sur les phéno-
mènes de la propagation, de la réflexion et de
la réfraction de la lumière; sur la formation
de l'arc-en-ciel, sur la grandeur apparente
des objets et la grosseur extraordinaire du
soleil et de la lune observés à l'horizon. Il
décrit .avec précision le mécanisme de l'œil,
soutient contre Aristote que la propagation de
la lumière n'est pas instantanée, et que la lu-
mière des étoiles leur appartient en propre;
s'efforce de rendre compte de la scintillation
stellaire et d'expliquer le phénomène des
étoiles filantes. Ces prétendues étoiles, dit-il,
sont des corps relativement assez petits, cor-
pora parvœ quantitatis, qui traversent notre
atmosphère et s'enflamment par la rapidité
même de leur mouvement. Enfin, on lui a
attribué l'invention du microscope et du téles-
cope. Certains passages curieux de son Traité
d'optique ou de perspective (perspectiva) ont
été invoqués à l'appui de cette opinion. « Si
un homme, dit-il, regarde des lettres ou au-
tres menus objets à travers un cristal, un
verre, ou tout autre objectif placé au-dessus
de ces lettres, et que cet objectif ait la forme
d'une portion de sphère dont la convexité soit
tournée vers l'œil, l'œil étant dans l'air, cet
homme verra beaucoup mieux les lettres et
elles lui paraîtront plus grandes. Et h. cause
de cela, cet instrument est utile aux vieillards
et à ceux qui ont la vue faible, car ils peuvent
ainsi voir d'une grandeur suffisante les plus
petits caractères. (Si homo aspiciat Htteras et
alias res minutas per médium crystalli vel vitri,
vel alterius perspicui suppositi litteris, et sit
portio minor spherœ, cujus convexitas sit versus
oculum, et oculus sit in aère, longe melius vi-
debit Htteras, et apparebunt ei majores, etc.)
Nous aurions, ajoute-t-il, bien d'autres choses
à dire touchant'la vision rompue. 11 est facile,
en effet, de conclure des règles établies plus
haut que les plus grandes choses peuvent pa-
raître petites, et réciproquement, et que des
objets très-éloignés peuvent paraître très-
rapprochés, et réciproquement; car nous pou-
vons tailler des verres de telle sorte et les
disposer de telle manière à l'égard de notre
vue et des objets extérieurs, que les rayons
soient brisés et réfractés dans la direction
que nous voudrons, de manière que nous ver-
ions un objet proche ou éloigné sous tel angle
que nous voudrons ; et ainsi, à la plus incroya-
ble distance, nous lirions les lettres les plus
menues, nous compterions les grains de sable
et de poussière, a cause de la grandeur de
l'anglo sous lequel nous les verrions ; car la
distance ne fait rien directement par elle-
même, mais seulement par la grandeur de
l'angle. (De visione fracta majora sunt. Nam
de j'acili patet, per canones supradictos, quod
maxima possunt apparere minima et e contra ;
et longe distantia videbuntur propinquissime,
et e converso. Nam possumus sic figurare per-
spicua, et taliter ea ordinare respecta nostri vi-
sus et rerum, quod frangentur radii et flecten-
tur quorsumeumque voluerimus, et ut, sub
quoeumque angulo voluerimus, videbimus rem
prope, vel longe. Et sic ex incredibili distan-
tia legeremus Htteras minulissimas, et pulvere's
ac arenas numeraremus, etc.) »
Il résulte évidemment de ces passages que,
pour Roger Bacon, les deux sensations de la
grandeur et de la dUlsnce des objets fournies
BAC
par la vue n'ont rien d'absolu; que les rayons
de lumière, en changeant de direction, en se
brisant et en se fléchissant, peuvent les faire
varier, et qu'on peut à volouté,-au moven de
verres taillés et disposés de certaines façons,
obtenir ce changement de direction de la lu-
mière. Rien de plus net que cette phrase :
« Possumus sic figurare perspicua et taliter ea
ordinare respectu nostri visus et rerum, quod
frangentur radii et flectentur quorsumeumque
voluerimus. » On peut douter que le moine
d'Oxford ait jamais possédé et employé un
instrument semblable au télescope; mais ce
qui n'est pas douteux, c'est qu'il a vu claire-
ment les applications merveilleuses qu'on pou-
vait faire des propriétés de la lumière pour
l'accroissement de notre puissance visuelle.
En chimie, on a attribué à Roger Bacon
l'invention de la poudre à canon. La formule
chimique en est certainement dans ses écrits.
Mais on croit généralement qu'il l'avait em-
pruntée aux Arabes, ainsi que beaucoup d'au-
tres recettes et observations. Il décrit fort
exactement les effets et pressent la puissance
de cet agent remarquable. « On peut, dit-il,
produire à volonté des détonations semblables
a la foudre : il ne faut pour cela que les ma-
tières les plus communes ; quand on sait les
mêler dans une certaine proportion, on prend
de cette composition gros comme le pouce, et
on fait plus de bruit et d'éclat lumineux qu'un
coup de tonnerre... On ferait merveille si l'on
savait s'en servir convenablement. (Soni velut
tonitru et coruscationes possunt fieri in aère ;
imo majore horrore quam Ma quai fiunt per
naturam; nam modica materia adaptata, scili-
eet ad- quantitatem unius pollicis, sonum facit
liorribilem et coruscationein ostendit vehemen-
tem... Mira sunt hœc si quis sciret uti ad plé-
num in débita quantitate et materia.) »
Roger Bacon est alchimiste ; il croit, comme
son siècle, à l'unité de composition des mé-
taux, à leur différence de perfection, à leur
transmutation possible les uns dans les autres ;
mais c'est l'alchimiste le moins superstitieux
et le plus raisonnable de son temps; la re-
cherche de la pierre philosophale se borne,
pour lui, à une opération métallurgique ayant
pour but de perfectionner .un certain métal
par la chaleur, et en imitant ce que la nature
opère dans les mines. « Alchimiste, dit M. Pierre
Leroux, par la manière dont il conçoit le pro-
blème des métaux, il se montre uniquement
chimiste quant à la manière de le résoudre, o
« Il est remarquable, ajoute, le même auteur
(Encyclopédie nouvelle), que toute la théorie
chimique de Bacon est fondée sur un phéno-
mène que l'on a observé avec un grand inté-
rêt dans ces derniers temps, et dont on a
même essayé de tirer la principale loi de la
géologie, le phénomène de la chaleur inté-
rieure des mines. Bacon ne tient pas compte,
il est vrai, de l'accroissement graduel de cette
chaleur à mesure qu'on descend plus profon-
dément; mais il répète sans cesse qu'il fait
chaud dans les mines ; qu'il y règne une cha-
leur constante : In mineralium vero locis în-
venitur caliditas semper constans ; et c'est sur
cette chaleur intérieure de la terre, sur l'acti-
vité de ce feu sortant du noyau et retenu dans
l'écorce minérale du globe, qu'il fondé tous
ses raisonnements. »
SI1 nous reste à considérer, dans Roger Ba-
con, le philosophe, le père de la méthode ex-
périmentale, le précurseur de son célèbre
compatriote et homonyme François Bacon.
Esprit essentiellement novateur, Roger Ba-
con voit dans l'autorité la source de l'igno-
rance. Au lieu d'étudier la nature, dit-il, on
perd vingt ans à lire les raisonnements d'un
ancien. « Pour moi, ajoute-t-il résolument,
s'il m'était donné de disposer des livres d' Aris-
tote, je les ferais tous brûler; car cette étude
nu peut que faire perdre le temps, engendrer
l'erreur et propager l'ignorance au delà de
tout ce qu'on peut imaginer. » Ce n'est pas
qu'il méconnaisse le génie d' Aristote , mais il
ne veut pas qu'on l'érigé en maître souverain,
qu'on suppose la science achevée par lui ,
qu'on arrête tout effort et tout essor de la
pensée et de l'étude au nom du respect dû aux
anciens. • On ne doit pas oublier que les an-
ciens furent hommes ; ils ont même commis
d'autant plus d'erreurs qu'ils sont plus anciens,
car les plus jeunes sont en réalité les plus
vieux ; les générations modernes doivent sur-
passer en lumières celles d'autrefois, puis-
qu'elles héritent de tous les travaux du
Eassè. ï « En recueillant aujourd'hui, dit très-
ien Saisset, cette parole si neuve alors, si
hardie et si ingénieuse : Les plus jeunes sont
en réalité les plus vieux, ne croyez-vous pas
entendre l'auteur dû De dignitate et augmentas
scientiarum s'écrier : Antiquitas seculi juven-
tus mundi, ou l'auteur des Pensées comparer
le genre humain à un homme unique qui ne
meurt jamais et qui apprend et avance tou-
jours? »
Ennemi des abstractions, des subtilités et
des disputes de la philosophie seolastique,
Roger Bacon n'a que du mépris pour les Som-
mes pesantes et pédantesques du moyen âge.
Il n'est pas étranger aux problèmes métaphy-
siques de son temps, problème de la forme et
de la matière, de 1 individuation , etc., et
même , d'après des recherches récentes , la
manière dont il y touche n'est pas sans origi-
nalité ; mais il tend a les résoudre dans un
sens nominaliste et, pour ainsi dire, antiméta-
physique. Moine orthodoxe et savant affran-
chi du joug d' Aristote, toute sa philosophie
BAC
3*3
consiste à bien lire et à bien comprendre ces
deux livres divins : l'Ecriture, révélation du
Dieu, et la Nature, œuvre de Dieu. Entre la
théologie, seule appelée à nous révéler les
causes premières, et la science expérimen-
tale (scientia experimentalis), par laquelle seule
nous pouvons pénétrer les causes secondes, il •
ne voit pas de place pour le monde fantasti-
que des espèces intentionnelles, des hœccectés,
des entités. Voyez avec quel enthousiasme il
parle de cette scientia experimentalis : « La
science expérimentale ne reçoit pas la vérité
des mains de sciences supérieures ; c'est elle
qui est la maîtresse , et les autres sciences
sont ses servantes. Elle a le droit, en effet, de
commander h toutes les sciences, puisqu'elle
seule certifie et consacre leurs résultats. La
science expérimentale est donc la reine des
sciences et le terme de toute spéculation. »
De cette science expérimentale il comprend
parfaitement les conditions. Comme le fera
plus tard Bacon de Vérulam, il distingue deux
sortes d'observations , d'expériences , l'une
passive et vulgaire, l'autre active et savante :
« Il y a, dit-il, une expérience naturelle et
imparfaite, qui n'a pas conscience de sa puis-
sance, qui ne se rend pas compte de ses pro-
cédés, qui est à l'usage des artisans et non
des savants. Au-dessus d'elle, il y a l'art de
faire des expériences qui ne soient pas débiles
et incomplètes... Pour faire de telles expé-
riences, if faut appeler à son secours le pou-
voir des mathématiques, sans lesquelles 1 ob-
servation languit et n'est capable d'aucune
précision, d'aucune certitude, »
Tant de raison, tant de génie, ne pouvaient
trouver grâce devant les préjugés du xme siè-
cle. Roger Bacon n'échappa point à la persé-
cution. L'imprudence qu il eut de rendre pu-
bliques quelques expériences de chimie le fit
accuser du crime que le moyen âge voyait
partout, du crime de magie, de sorcellerie, de
relation avec le démon. Déjà., en 1260, les
moines de son ordre commençaient à le tenir
en suspicion. Ses supérieurs lui firent, comme
il le rapporte lui-même, défense de communi-
quer à personne aucun de ses écrits, sous peine
de confiscation de l'ouvrage communiqué, et
du jeûne au pain et à l'eau pour plusieurs
jours. Vers ce temps, Guy Foulques, légat du
pape en Angleterre, esprit libéra], ami des
lettres, entendant parler des travaux du frère
Roger, désira vivement les connaître. Ne
pouvant entrer directement en relation avec
le moine suspect, il se servit d'un ami com-
mun, Rémond de Laon, et sut par lui que
Roger préparait un grand ouvrage sur la ré-
forme de la philosophie ; mais il ne put en
obtenir communication, la défense des supé-
rieurs étant absolue. Devenu pape en 1270
sous le nom de Clément IV, le même prélat
écrivit à Roger Bacon une lettre qui nous a
été conservée et dans laquelle il lui enjoint,
au nom du saint-siége apostolique, et nonob-
stant toute défense contraire de ses supérieurs,
de lui faire passer l'écrit qu'il avait eu l'in-
tention de lui envoyer quelques années aupa-
ravant. C'est alors que fut rédigé YOpus ma-
jus, que Bacon fit porter au pape par un jeune
homme nommé Jean , son disciple favori.
Grâce à l'intervention de Clément IV, Roger
Bacon vit s'adoucir seà épreuves et put mo-
mentanément poursuivre en paix Ses travaux
scientifiques. Malheureusement, cette période
fut bien courte. Un an à peine s'était écoulé,
que la mort de Clément IV le laissait retomber
sous le poids des préventions, des jalousies et
des haines de son ordre. On ne se borna plus
à renouveler les anciennes défenses , on le fit
comparaître, alors âgé de soixante-six ans,
devant une assemblée qui se tint à Paris sous
la présidence du supérieur des franciscains ,
Jérôme d'Ascoli, et on le condamna à la pri-
son perpétuelle. Sept ans après cette condam-
nation, Jérôme d'Ascoli, son juge, devint pape
sous le nom de Nicolas IV. Ce fut seulement
après la mort de ce pape (1292), qu'il recou-
vra la liberté. L'infortuné n'était plus en état
d'en abuser : il mourut peu de temps après, à
Oxford, à l'âge de quatre-vingts ans. On dit
qu'en mourant, le souvenir des persécutions
qu'il avait endurées lui fit prononcer ces pa-
roles amères , qui rappellent l'exclamation
désespérée de Brutus : « Je me repens de
m'ètre donné tant de peine dans l'intérêt de la
science I » On raconte aussi que les moines de
son couvent, par suite du sentiment de ter-
reur qu'il leur inspirait, clouèrent après sa
mort tous ses ouvrages et tous ses manu-
scrits, avec de longs clous, dans la muraille,
comme des œuvres infâmes de sorcellerie.
Nous terminerons cette biographie de Roger
Bacon en mettant sous les yeux du lecteur
quelques jugements portés sur cet homme cé-
lèbre. On a vu plus haut celui d'Alexandre de
Humboldt. Voici ceux de Voltaire, de Pierre
Leroux, de Jourdain, de Saisset.
Voltairb (Dictionnaire philosophique) : Ro-
ger Bacon fut persécuté et condamné à la
prison par des ignorants. C'est un grand pré-
Jugé en sa faveur, je l'avoue ; il est vrai qu'on
voit tous les jours des charlatans condamner
gravement d'autres charlatans, et des fous
faire payer l'amende a d'autres fous... Parmi
les choses qui rendent ce Bacon recommanda-
ble, il faut premièrement compter sa prison,
ensuite la noble hardiesse avec laquelle il dit
que tous les livres d'Aristote n'étaient bons
qu'à brûler, et cela dans un temps où les sco-
lastiques respectaient Aristote beaucoup plus
que les bmsénistes ne respectent saint Augus-
34
BAC
tin... Il faut avouer que ce Bacon était un
homme admirable pour son siècle. Quel siècle ?
itio direz- vous; c'était celui du gouvernement
féodal et des scolastiques. Figurez-vous les
Samoièdes et les Ostiaques qui auraient lu
Aristote et Avicenne : voilà ce que nous
étions... Transportez ce Bacon au temps où
nous vivons, il serait sans doute un très-grand
homme... O'étaitde l'or encroûté de toutes les
ordures du moyen âge. -
Pierre Leroux (Encyclopédie nouvelle) :
On se représente ordinairement Roger Bacon
comme un moine qui, dans le loisir du cou-
vent, s'occupait de physique et de chimie, et
qui fit; par la seule lorce de son génie, de
merveilleuses découvertes, que ses contem-
porains n'étaient pas en état de comprendre.
Mais Roger Bacon ne fut pas seulement un
physicien, ce fut un philosophe qui appliqua
son esprit à toutes les parties du savoir hu-
main. Il fut, de son temps, le plus puissant
promoteur de cette renaissance générale des
sciences et des lettres qui commença vers le
milieu du xiie siècle et qui se prolongea pen-
dant le xiii"... Ne voir dans Bacon qu'un chi-
miste qui a parlé de la poudre à canon, et un
physicien qui a deviné le télescope, c'est n'a-
voir aucune idée de son génie, c'est ne rien
comprendre à son rôle dans le moyen âge.
Séparer complètement Bacon du mouvement
général de son temps, c'est faire de lui une
merveille inexplicable et un véritable miracle.
Dire, comme Voltaire, que c'était de l'or en-
croûté des ordures de son siècle, c'est traiter
lestement le moyen âge sans le connaître.
Jourdain (Dictionnaire des sciences philoso-
phiques) : Observateur habile de la nature,
mais peu versé, il est permis de le croire,
dans les matières théologiques, Roger Bacon
excellait dans les travaux qui étaient le plus
antipathiques à la piété méditative de ses
contemporains, tandis qu'il négligeait les étu-
des le mieux en harmonie avec leurs goûts,
leurs usages et leurs croyances. 11 faut dire
de plus qu'il s'est montré infiniment trop sé-
vère à leur égard en peignant sous de som-
bres couleurs, comme livrée à l'apathie de
l'ignorance, cette grande période du xin" siè-
clOj où l'Europe était couverte d'universités,
qu'illustrèrent un si grand nombre de labo-
rieux écrivains Au lieu de suivre le mou-
vement de son siècle, Roger Bacon, esprit
courageux et hardi, l'a contrarié plutôt en
cherchant à le devancer ; il devait vivre dans
la persécution, mourir sans gloire, et laisser
peu de vestiges de son influence, sauf un jour
à être placé parmi les meilleurs esprits du
moyen âgo, quand la postérité, dont 1 admira-
tion est acquise à tous les grands talents, au-
rait reconnu ce qu'il eut dans l'âme d'énergie
morale et de capacité intellectuelle.
Saisset (Précurseurs et disciples de Descar-
tes) : Je n'ose pas dire avec M. de Humboldt
que Roger Bacou soit la plus grande apparition
du moyen âge; mais, à coup sûr, il est digne
do prendre place, au siècle de saint Louis, à
côté de saint Thomas d'Aquin, de saint Bona-
venture et d'Albert le Grand... Ce qui est pro-
digieux, c'est que le franciscain du xmo siècle
préconise la même méthode et s'élève aux
mêmes vues que son homonyme François Ba-
con de Vérulam. Il y a pourtant une diffé-
rence notable entre les deux Bacou, et elle
est tout à l'avantage de Roger. Le chancelier
a été sans doute un grand esprit, un grand
promoteur ; mais on ne peut nier qu'il ne lut
ait manqué un don essentiel, celui qu'ont pos-
sédé au degré le plus élevé les Descartes et
les Pascal : il lui a manqué ce don d'invention
qui fait pénétrer le génie de l'homme dans les
mystères de la nature. Bacon de Vérulam n'a
rien découvert de vraiment capital... Roger
Bacon a plus de fécondité dans le génie. Ce
n'est pas seulement un promoteur, c'est un
inventeur... S'il était né au xvie siècle, il eût
été Kepler ou Galilée..... Roger Bacon est,
parmi les esprits éminents du moyen âge, le
plus extraordinaire Certes, il est beau
d'être un saint Thomas d'Aquin, je veux dire
d'exprimer un grand siècle, de lui donner une
voix majestueuse et longtemps écoutée: mais
il y a un privilège plus beau encore, et a coup
sûr plus périlleux, c'est de contredire les pré-
jugés de son temps au prix de sa liberté et de
son repos, et de se faire, par un miracle d'in-
telligence, le contemporain des hommes de gé-
nie a venir.
Les principaux ouvrages de Bacon sont :
Spéculum alchimiœ (le miroir de l'alchimie) ;
cest un opuscule d'une douzaine de pages,
imprimé d'abord a Nuremberg en 1581 ; — De
secreiis operibus artis et natures, et de nullitate
magiœ (des œuvres secrètes de la nature et
de l'art, et de la nullité de la magie); ce traité,
un peu plus étendu que le précédent, fut d'a-
bord imprimé a Paris en 1542; — Deretar-
dandis senectutis acàdentibus et sensibus confir-
mandis (des moyens de retarder les infirmités
de la vieillesse et de conserver nos sens) ; ce
traité fut imprimé à Oxford en 1590: Roger
Bacon l'avait envoyé, pendant sa captivité, au
pape Nicolas IV, pour essayer de le fléchir en
lui montrant l'innocence et l'utilité de ses
travaux ; — Spécula maihematica (miroir de
mathématiques), édité pour la première fois
par Jean Combachius à Francfort, en 1614 ; —
Perspectiva (traité de perspective ou d'opti-
que) publié, comme le précédent, en 1614 par
Combachius; — Opus majus ad Clementem
pontificem romanum (grand œuvre adressé au
juine Clément): c'est Te grand ouvrage de Rn-
BAC
ger liacon ; le miroir de mathématiques (Spé-
cula mathematica) et l'optique (Perspecliia)
s'y retrouvent en entier, mais ne sont plus ici
que des chapitres de l'ouvrage total; il fut
publié à Londres en 1733, par Samuel Jebb,
en l vol, in-folio, d'après un manuscrit trouvé
à Dublin ; — Opus minus (petit œuvre), abrégé
et complément .de l'Opus majus, resté inédit
jusqu'à nos jours; — Opus tertium, resté iné-
dit jusqu'à nos jours, comme le précédent ; le
manuscrit en a été trouvé par M. Cousin dans
la bibliothèque de Douai en 1848.
BACON (Nicolas), jurisconsulte anglais, père
du grand Bacon, né en 1516, mort en 1579. Il
eut beaucoup de part à l'établissement de
l'Eglise anglicane et reçut les sceaux sous
Elisabeth. Il avait des manières simples et
conformes à sa devise : Mediocria firma. La
reine, étant allée le visiter à Redgrave, lui dit
que sa maison était trop petite pour lui : « Non,
madame, répondit-il; mais Votre Majesté m'a
fait trop grand pour ma maison. » Il a laissé
en manuscrit des traités sur la politique et la
législation. Son épouse, Anne Bacon, fille
d'Antoine Cook, précepteur d'Edouard V, née
vers 1528, prit une grande part à l'éducation
de ses deux enfants et donna quelques écrits
et traductions.
L'auteur du Novum organum nous a donné
le portrait suivant de son père : « C'était un
homme tout simple, droit et constant, sans
aucune finesse ni duplicité; il pensait que,
dans les choses de la vie privée et dans les
affaires de l'Etat, il fallait prendre appui sur
une ferme et sage conduite, et non sur l'art
de circonvenir autrui... On ne pouvait le ga-
gner par des paroles, parce qu'il n'offrait pas
de prise; et la reine mère de France, prin-
cesse très-politique , remarquait qu'il aurait
dû siéger dans le conseil d'Espagne, parce
qu'i| dédaignait les incidents, et en restait
toujours au point de départ. » Ces qualités de
Nicolas Bacon ne devaient pas être hérédi-
taires.
■ BACON (François, de Vérulam), chancelier
d'Angleterre, célèbre philosophe, né à Lon-
dres, le 22 janvier 1561, mort le 9 avril 162G.
Délicat et maladif, il parut de bonne heure
intelligent et curieux. Les phénomènes de la
nature attiraient surtout son attention. Pré-
senté tout enfant à la reine Elisabeth, il lui
plut par la vivacité gracieuse de ses réponses.
Questionné par elle sur son âge : u J'ai, dit-il,
juste deux ans de plus que le règne heureux
de Votre Majcté. » A treize ans, il entra à
l'université de Cambridge, et il étudia au col-
lège de la Trinité. U quitta Cambridge à seize
ans sans y avoir pris ses degrés ; peu satisfait
du cours d'études qu'on y suivait, et n'ayant
puisé dans ce qu'on enseignait de la philoso-
phie d'Aristote qu'un dédain précoce pour les
leçons et pour le maître. Après un voyage en
France, il entra, en 1580, à l'établissement de
Gray's Inn pour y étudier le droit. Il apporta
dans cette étude un esprit élevé, préoccupé de
ce qu'il a nommé lui-même les lois des lois (leges
legum). Il ne tarda pas à débuter au barreau ;
mais ce barrister philosophe, qui méditait déjà
son plan de rénovation des sciences, était in-
capable de s'absorber dans sa profession, et
par là même d'y réussir sérieusement. Pauvre,
et aspirant aux loisirs que donne la fortune,
il avait les yeux sans cesse tournés vers la
cour. Malheureusement la cour le regardait
comme un spéculatif. < Il a beaucoup d'esprit
et d'instruction, disait Elisabeth, mais, dans
la loi, il montre bientôt le bout de son savoir,
il n'est pas profond, » Elle daigna cependant
le nommer conseil extraordinaire de la cou-
ronne } titre alors nouveau, mais purement
honorifique. L'ambitiou de Bacon poursuivait
un autre but. « Milord, écrivaiWl en 1591 au
grand trésorier Burleigh, son oncle, milord,
je commence à n'être plus jeune; à trente et
un ans, on a déjà vu tomber bien des grains
de sable dans son sablier!... Mon vœu a tou-
jours été d'obtenir de Sa Majesté une place
modeste ; non que j'aie la soif du pouvoir et
des honneurs, comme un homme né sous Ju-
piter ou sous le Soleil ;... je vis tout entier
"sous l'influence d'une planète contemplative ;...
mon ambition principale serait de purger les
sciences des brigands qui en infestent le do-
maine, savoir : les frivoles disputes, les argu-
ments lourds et ineptes, les expériences men-
songères, les préjugés populaires; et de rem-
placer ce triste bagage par des observations
exactes, des vérités solidement démontrées
et des inventions utiles... Je désire donc une.
place qui me laisse assez de loisir pour réa-
liser cette ambition... et qui- me permette
d'être au moins simple pionnier dans cette
mine de la vérité qui est, dit-on, si profonde
et si obscure. » Bacon ne parvint à obtenir
de lord Burleigji que la survivance du greil'e
de la Chambre étoilée, c'est-à-dire du Conseil
privé constitué en cour de justice. Cette
charge devait rapporter seize cents livres ster-
ling par an ; mais il lui fallut en attendre la
vacance vingt années encore.
En 1593, il voulut s'ouvrir une nouvelle car-
rière; et se présenta aux électeurs du comté
de Middlessex. Envoyé à la chambre des Com-
munes, il siégea avec l'opposition, qu'il aban-
donna bientôt. Il commença alors à s'attacher
à la fortune du comte d'Essex, favori de la
reine, qui devint son protecteur et son ami.
Essex usa de tout son crédit auprès d'Elisa-
beth pour faire nommer Bacon solliciteur gé-
néral. Les démarches durèrent plusieurs an-
nées; mais l'insistance du. favori ne put
BAC
triompher des préventions de la souveraine
et des influences qui nourrissaient ces pré-
ventions; Bacon, disait-elle, n'était pasasse?
bon jurisconsulte; il ne fut pas nommé. Ce
fut alors que le comte d'Essex fit présent au
philosophe d'une terre pour le dédommager
de cet insuccès. « Mal vous a pris, lui dit-il,
d'avoir mis en moi votre confiance. Mais vous
avez donné de votre temps et de vos pensées
à mes affaires ; que je meure si je ne fais quel-
que chose pour votre fortune ! Vous ne refuse-
rez pas de recevoir de moi un petit domaine que
jeveuxvous donner.» — «J'y souscris, répon-
dit Bacon ; je vous devrai foi et hommnge.
Soyez donc mon seigneur après le roi ; mais
je ne puis être plus à vous que je ne le suis.» A
partir "de cette époque, la vie de Bacon se
trouve mêlée à celle d'Essèx, et, par là même,
aux relations d'Essex avec la reine. Il s'ap-
plique à dissiper les orages qui viennent trou-
bler ces relations; il connaît le caractère im-
périeux et défiant d'Elisabeth, la fierté et
l'audace présomptueuse du favori; il voit ce
dernier marcher imprudemment à sa ruino ,
poussé par une aveugle ambition de réputation
militaire et de popularité ; il veut l'arrêter sur
cette pente, afin de sauver sa propre situation ;
il ne cesse de lui prêcher la modestie, l'art do
s'effacer à propos, la souplesse habile du cour-
tisan , mais c'est en vain ; Essex refuse do
suivre des conseils qui répugnent à sa nature;
il ne veut pas se plier, se contraindre; il est
disgracié. Disgracié, il n'écoute plus que son
ressentiment, trame la plus folle des conspi-
rations, est pris les armes à la main et traduit
pour haute trahison devant la chambre des
lords. On comprend que Bacon ait, malgré
l'amitié et la reconnaissance, décliné toute
solidarité dans un acte insensé et coupable à
ses yeux ; on l'excuse d'avoir songé à sauver
sa barque du naufrage qu'il s'était efforcé de
prévenir; mais ce que l'on ne saurait excuser,
ce qui sera la honte éternelle de Bacon, ce
qui prouve en lui une bassesse de caractère
égale à la puissance de son génie, c'est le rôle
qu'il consentit à jouer dans le procès de celui
qui avait été son bienfaiteur et son ami. « Le
jour où le comte d'Essex fut extrait do la
Tour de Londres pour comparaître dans
Westminster-Hall, dit M. Ch. de Rémusat, il
Sut voir auprès du sergent de la couronne,
u procureur et du solliciteur général, lo
conseil extraordinaire do la reine, François
Bacon, chargé de soutenir contre lui une ac-
cusation capitale. L'illustre avocat ne fit dé-
faut à aucune des règles de l'emploi; il no
refusa h la cause aucune des déclamations
nécessaires. L'accusé fut pathétiquement
comparé à Caïn, à Pisistrate.au duc deGuise,
et Ion dit que cette dernière comparaison
emporta la condamnation. »Ce n'était pas as-
sez : Essex étant mort populaire, il parut
nécessaire de justifier sa condamnation et de
publier une apologie du gouvernement: Bacon
fut choisi pour écrire cette apologie, et Bacon
l'écrivit. Dans une Déclaration des pratiques
et trahisons tentées et accomplies par Robert,
comte d'Essex, il flétrit sa mémoire , après
avoir demandé sa tête. « On a soutenu a sa
décharge, dit M, de Rémusat, qu'aucune
traîtreuse intention ne l'avait conduit; il n'eut
jamais de colère contre un infortuné ; seule-
ment, il désespéra à temps de le sauver, et, le
voyant perdu, il ne crut point ajouter à sa
perte en se chargeant de la demander. C'était
une tâche légale, un devoir de profession
qu'il remplissait et qui n'eût pas manqué d'être
rempli par un autre, s'il leût décliné... On
ferait mieux de dire tout simplement que si
Bacon eût agi d'une autre manière, il aurait
perdu l'espoir d'être solliciteur général. » Cet
espoir auquel il avait sacrifié l'amitié et l'hon-
neur? fut misérablement déçu : il n'obtint pas,
du vivant d'Elisabeth, le prix de sa lâche et
odieuse complaisance.
Plus heureux sous Jacques I«r, qui avait
succédé à Elisabeth en 1003, Bacon plut à ce
prince, qui avait de grandes prétentions à la"
science. Entré de nouveau à la chambre des
Communes, il obtint en 1604 le titre d'avocat
ordinaire de la couronne avec 40 livres ster-
ling d'appointements , plus une pension de
60 livres ; fut nommé, en 1607, solliciteur gé-
néral, et attorney général en 1613. Dans ce
poste, nous le voyons mettre son éloquence
et sa dextérité au service de tous les pré-
jugés et de toutes les prétentions du roi ;
épouser toutes ses mauvaises causes, et les
porter hardiment devant la justice, en un
mot se faire, en toute circonstance, le zélé et
obséquieux défenseur de l'arbitraire royal.
Toujours prêt à appuyer son crédit sur un
crédit plus puissant, il ne tarda pas à s'atta-
cher à sir Georges Villiers, comte de Bucking-
ham, favori de Jacques 1er, et, grâce à sa
protection, obtint les sceaux le 7 mars 1617
avec le titre de lord garde du grand sceau.
Une seule dignité lui manquait pour atteindre
le faîte des honneurs ; il avait les sceaux, mais
il aspirait au titre de lord grand chancelier.
Ce titre lui fut conféré le 4 janvier îsis. La
pairie se fit peu attendre, et le l"r septem-
bre suivant, sir François Bacon devint lord
Vérulam.
Ce fut le moment de la plus haute fortune
de Bacon. Malheureusement, la chute devait
suivre de près l'élévation. « A cette époque,
dit M. Riaux, traducteur de Bacon, la limite
qui sépare en Angleterre les prérogatives de
la couronne des droits du parlement, était
loin d'être nettement tracée. Elisabeth , en
mourant, avait emporté dans sa tombe lu
BAC
prestige de son règne; elle n'avait légué a
son successeur que les traditions d'un pouvoir
à peu près absolu, sans l'habileté et le succès
dont l'éclat avait couvert son despotisme aux
yeux des Anglais. La comparaison n'était pas
a l'avantage de Jacques, et pour les hommes
d'Etat attentifs, il était facile de pressentir le
futur avènement de la souveraineté parle-
mentaire. Déjà le contrôle de la chambre des
Communes sur les actes du gouvernement
devenait plus pressant et plus sévère. D'un
autre côté, à la cour, Buckingham dans la
toute-puissance de la faveur, arrachait à son
trop complaisant maître des ordres souvent
iniques et vexatoires ; ses exactions, au moyen
des licences et des monopoles do toute espèce
qu'il vendait publiquement, devenaient plus
nombreuses et plus criardes. Bacon gémissait
de voir le gouvernement suivre cette pente fa~
taie. Quelquefois il ofait faire des représen-
tations ; mais sa reconnaissance personnelle
envers le roi et Buckingham enchaînait ses
plaintes et les rendait timides ; quels que fus-
sent ses hésitations et ses scrupules, il finissait
toujours par sceller du grand sceau tous ces
crédits. Le jour vint donc où tant d'abus de
pouvoir soulevèrent de violentes clameurs
dans la chambre des Communes. Le .danger
était imminent,leroietson favori sacrifieront
Bacon. Les Communes, ne voulant pas désigner
d'une manière trop directe le premier ministre
dont la responsabilité transparente ne couvrait
guère la personne royalo , essayèrent leurs
forces en attaquant Bacon. Depuis longtemps,
les plaideurs étaient dans l'usage do faire des
cadeaux aux juges, et, malheureusement pour
Bacon, il avait, sous ce rapport, suivi les
errements de ses prédécesseurs. Trop confiant
dans la droiture et la probité de ses inten-
tions, il avait eu le tort de ne pas répudier
des traditions indignes de lui, et presque uni-
verselles à cette époque dans le sein de Ja
magistrature. » Comme on le voit, M. Riaux
croit devoir plaider les circonstances atté-
nuantes pour l'auteur qu'il a traduit. Bacon
gémissait de voir le gouvernement suivre cette
pente/ Il osait faire des représentations! Il
était enchaîné parla reconnaissance! Il suivait
les errements de ses prédécesseurs, confiant
dans la droiture et la probité de ses intentions!
Nous n'aimonsspas ce parti pris d'indulgenco
pour le génie; l'éclat de l'intelligence chez
ceux qui ont commis des actes honteux no
doit pas désarmer et corrompre la justice
de l'histoire. Bacon n'était pas enchaîné pur
la reconnaissance, sa conduite envers Essex
ne laisse pas de doute à cet égard; il était
enchaîné par l'intérêt, par l'ambition, par la
i complicité. Dans sa haute position il n'avait
I cherché et ne voyait que des avantages, dos
j jouissances de vanité et de luxe, non des rcs-
Ponsabilités et des devoirs ; il y avait porté
âme d'un courtisan, non d'un citoyen. Contio
le titre de chancelier, il avait échangé toute
indépendance ; il n'avait rien à refuser à Buc-
kingham ; entre ces mains serviles, la chan-
cellerie ne pouvait être qu'un instrument; Du
reste, pas la moindre prévoyance de l'avenir;
cet avènement de la souveraineté parlemen-
taire, qu'il était alors, suivant M. Riaux, fa-
cile de pressentir. Bacon était loin do l'aper-
cevoir; sa foi à la stabilité du pouvoir royal
était tranquille et profonde ; la cour étant tout
son horizon, il ignorait ce qui fermentait dans
le pays. » Ainsi, dit M, de Rémusat, l'œil
même d'un homme de génie peut être fermé
au« signes précurseurs des révolutions.» C'est
que la cécité morale est incompatible avec la
clairvoyance politique ; c'est que, pour pré-
voir le bruit et le mouvement do la justice,
il faut la sentir, et que, pour la sentir, il faut
avoir une conscience. Les courtisans sont
toujours surpris par les révolutions.
Dès ses premières séances, le parlement
de 1G21 avait proclamé les griefs publics.
Avant d'accorder aucun subside, on voulait
obtenir la réforme des abus, et particulière-
ment des. abus des cours de justice. Un comité
d'enquête fut institué pour recevoir les plain-
tes. Des témoins vinrent déclarer devant ce
comité qu'ils s'étaient laissé persuader par les
gens du chancelier que, pour un certain nom-
bre de livres sterling, ils obtiendraient promp-
tement un jugement favorable. La vénalité de
Bacon était ouvertement dénoncée. Il espéra
d'abord que la royauté ferait reculer lo
Parlement. « Votre Seigneurie parlait de pur-
gatoire, écrit-il à Buckingham ; j'y suis main-
tenant... Mais le roi et Votre Seigneurie,
j'espère , mettront un terme à mes peines , de
manière ou d'autre. '.ho roi et Buckingham
essayèrent d'abord de gagner du temps. Dans
un message adressé à Ta chambre des Lords ,
Sa Majesté exprimait la pensée qu'après une
session déjà longue, un ajournement viendrait
à propos. Elle avait appris avec chagrin les
plaintes élevées contre le chancelier, ayant
toujours pris soin de faire les meilleurs choix ;
mais nul ne pouvait prévoir de tels accidents.
Elle se rassurait en pensant que son honneur
était cher à la chambre. Cependant elle pro-
posait de renvoyer l'affaire a une commission
de six pairs et de douze membres des Com-
munes pour l'examiner sur dépositions attes-
tées par serment. Elle espérait , d'ailleurs ,
que le chancelier était exempt de toute faute ;
mais, s'il était coupable^ la chambre devait
faire justice. La proposition royale n'eut au-
cune suite, et, de séance en séance, les charges
s'accumulèrent à tel point qu'il fallut se dé-
cider à souffrir le procès ou à dissoudre lo
Parlement. Buckinghani aurait fort désiré
BAC
prendre ce dernier parti. Mais il ne tarda pas
à reconnaître qu'il s'exposerait lui-même, s'il
ne livrait Bacon, et que le roi pourrait les
trahir tous deux, s'il le voulait forcer à dé-
fendre son chancelier. Le roi comprit, de son
côté, que plus il s'obstinerait a défendre
Bacon, plus il exposerait son favori. On ré-
solut de laisser son cours a la justice des
chambres. Devant toute justice anglaise, la
loi ouvre deux rôles à l'accusé : plaider cou-
pable ou plaider non coupable, c'est-à-dire
avouer ou nier le délit. Le gouvernement fut
d'avis que Bacon fit un aveu qui pourrait dés-
armer ses juges et dont, a tout événement,
les conséquences seraient adoucies par la pro-
tection royale. On prétend que Bacon s'y ré-
signa par dévouement. La vérité est que ,
hors détat de détruire les faits articulés
contre lui, il vit, dans le système de la déné-
gation, le danger de déplaire au roi sans se
sauver. Dans une lettre habilement calculée
pour émouvoir ses juges, il confessa, pallia,
excusa ses torts. Cette lettre tendait à obtenir
que l'affaire fût réduite à la perte de l'office
de chancelier. Mais ce n'était pas assez pour
la chambre, régulièrement saisie d'une accu-
sation dont les vingt -huit articles devaient
être examinés judiciairement, ils furent com-
muniqués à l'accusé, qui répondit par écrit,
distinctement sur chacun et avoua tout. Pour
plus de sûreté, une commission de la chambre
des Lords se rendit chez lui, et, devant elle, il
renouvela cet aveu : « Milords , dit-il, cette
lettre où je m'accuse, elle est de moi ; c'est
mon acte, ma main, mon cœur. Je supplie Vos
Seigneuries d'être remplies de pitié pour un
pauvre roseau brisé. » il ne comparut pas de-
vant la cour. Le procès fut conduit, d'ailleurs,
avec régularité ; la justice de la cour fut in-
flexible, mais non passionnée. Les pairs d'An-
gleterre, à l'unanimité, déclarèrent le chan-
celier coupable de corruption. Il fut condamné
à payer 40,000 livres sterling d'amende, a de-
meurer prisonnier dans la Tour de Londres
tant que ce serait le bon plaisir du roi; dé-
claré incapable d'occuper aucun poste dans
l'Etat, aucun siège dans le Parlement ; il eut
défense, de Tésider où séjournerait la cour.
Cette terrible sentence est du 3 mai 1021.
Les malheurs de Bacon furent adoucis,
comme il l'avait espéré, par la bienveillance
royale. Conduit à la Tour par le shériff de
Middlesex, il n'y resta que deux jours. On lui
Ht remise de l'amende, qui fut, il est vrai, ab-
sorbée par ses dettes. Enfin, en 1624, le roi le
releva de toutes les incapacités qu'il avait en-
courues. Mais on ne le revit plus a la cham-
bre , sa vie publique était flnie; ses dernières
années furent exclusivement consacrées à la
science et à la philosophie. Au commence-
ment de 1626, il fut saisi d'un mal subit, pen-
dant qu'il faisait des expériences en plein uir.
Il expira le 9] avril 1620. Il avait été marié,
mais n'eut pas d'enfants. Dans son testament,
il lègue sa mémoire " aux discours des hom-
mes charitables, aux nations étrangères et
aux Ages futurs. » Il créait, par le même acte,
deux chaires de philosophie naturelle, a Oxford
et à Cambridge ; mais les fonds de lasuccesyion
ne purent suffire pour cette fondation.
On vient de lire l'histoire du chancelier .-
faisons connaître celle de l'écrivain et du phi-
losophe. La renommée littéraire de Bacon
commença avec la publication des Essais de
morale et de politique \i5sn). Dans une des
réimpressions , ils sont intitulés : Conseils de
morale et de politique, et, dans la version la-
tine faite sous les yeux de Bacon lui-même :
Sermones fidèles sioe interiora rerum.. On a
remarqué que ce dernier titre rappelle ces
mots célèbres, par lesquels s'ouvrent les Es-
sais de Montaigne publiés dix-sept ans au-
paravant et parfaitement connus de Bacon :
Cecy est un livre de bonne foy. Les Essais de
Bacon sont un des ouvrages qui ont formé la
langue anglaise.
En 1005, Bacon fit paraître, en anglais, sous
les auspices du roi Jacques Ier, son Traité de
la valeur et de l'avancement de la science di-
vine et humaine (Ofthe proficience and advan-
cement of learning divin and humait). C'est la
première forme de l'ouvrage célèbre : De di-
gnitale et augmentisscientiarum. Dans ce livre,
qui est le premier fondement de sa gloire
comme philosophe, il s'attachait à montrer le
prix de l'instruction en repoussant les accu-
sations des ennemis des lumières, et passait
en revue toutes les parties de la science , afin
de reconnaître les lacunes ou les vices qu'elle
pouvait offrir et d'indiquer les moyens de
perfectionner les connaissances humaines.
En 10Û7, il termina l'ouvrage intitulé : Co-
gitata et visa de interpretatione naturœ (Pen-
sées et mes sur l'interprétation de la nature).
C'est une ébauche du premier livre du Novum
organum. Il ne l'imprima pas, mais il l'envoya
à quelques amis dont il goûtait le savoir et les
conseils. On voit par leurs réponses que la
hardiesse de ses réformes intellectuelles in-
quiétait leur prudence et leur scolastique.
En 1609, il publia l'ingénieux opuscule De
sapienlia velerum ( De la sagesse des anciens),
interprétation philosophique de la mythologie,
qui a certainement inspiré Vico.
En 1620, Bacon, à l'époque de sa plus haute
fortune, donna au monde le livre qui, sans
cesse retouché, après avoir été recommencé
jusqu'à douze fois, peut être regardé comme
la pensée de sa vie. C'est le Novum organum ,
o celui de mes ouvrages, a-t-il écrit, auquel
j'attache le plus de prix. » Dans ce livre , Ba-
con se propose, comme l'indique le titre même,
BAC
de substituer à l'Organon d'ArLitote, à la logi-
que scolastique, à la logique du syllogisme et
des principes généraux arbitrairement posés
a priori, un Organon nouveau, une nouvelle
logique, la logique" féconde de l'expérience
et de l'induction. Cette nouvelle logique n'é-
tait présentée que comme l'instrument d'une
vaste réforme et la seconde partie d'un plus
grand ouvrage dont le prologue, la préface
et le plan général étaient compris dans le
même livre sous le titre d'Insiauratio magna.
Rentré dans la vie privée après sa condam-
nation, Bacon écrivit l'Histoire d'Henri VII,
puis une série d'opuscules qu'il rattachait, dans
sa pensée, à cette philosophie encyclopédique
qui n'a cessé d'être son rêve : Histoire des
Vents; Histoire de la vie et de la mort; His-
toire de la densité et de la rareté; Histoire de
la pesanteur et de la légèreté; Histoire du
son; Description du globe intellectuel ; Nou-
velle Atlantide ; Dialogue sur la guêtre sacrée ;
Delà justice universelle et des sources du droit ;
Forêt des forêts ou Histoire naturelle ( Sylva
sylvarum sive Historîa naturalis) , etc. En 1623,
il donna, avec de nouveaux développements,
une version latine de son livre sur l'avance-
ment des sciences, et le lia systématiquement
au Novum organum, sous le titre général
à'Instauratio magna.
Disons, en quelques mots, le plan de cette
Grande Restauration, qui devait comprendre
six parties, et dont une seule, la première,
constituée par le traité De dignitate et aug-
mentis scientiarum, peut être regardée comme
entièrement achevée. Cette première partie,
contenant un panégyrique des sciences et un
exposé de leur progrès possible, n'était, dans
la pensée de l'auteur, que l'introduction, le
vestibule de l'édifice. La seconde partie de
V Instauratio devait être la nouvelle logique,
ou plutôt un traité complet de l'art d'interpré-
ter la nature. Elle est représentée par le
Novum organum , que Bacon , ainsi que nous
l'avons dit, plaçait au-dessus de tous ses ou-
vrages. Le livre premier, où l'auteur a fondu
presque toute la substance des Cogitata et
Visa, se divise en deux sections : l'une sur les
sources et les formes de l'erreur dans les
sciences , l'autre qui contient le prolégomèno
de la méthode destinée à délivrer les sciences
des chaînes de l'erreur. Le second livre, qui
devait donner cette méthode, ou les règles
de l'art d'interpréter la nature, n'en offre que
l'exposition générale , une application à titre
d'exemple ; puis, des neuf parties dont cet art
devait se composer, la première seulement, ou
celle qui traite de l'autorité des faits; le reste
est, ou peu s'en faut, un simple programme. Il
en est de même à peu près des quatre dernières
parties de V Instauratio. Sous le titre de Phé-
nomènes de l'univers ou Histoire naturelle
expérimentale pour servir de fondement à la
philosophie, la troisième partie ne contient
qu'une préface et des tables d'histoire natu-
relle, tant générale que spéciale. La qua-
trième, sous le titre d'Echelle de l'entendement
(Scala inlelleclus), contient aussi une préface
sur le but et les procédés de la science. Deux
exemples, le Fil du labyrinthe, ou recherches
sur le mouvement, et la Topique, ou le modèle
de recherches sur la lumière, sont présentés
comme des échelons par lesquels l'entendement
monte à la science. La cinquième, Prodromes
ou Anticipations de la philosophie seconde
(Prodromi sive Anticipationes philosophiai
secundœ), ne renferme qu'une préface qui an-
nonçait le recueil de tout ce qu'on pouvait
emprunter aux anciennes méthodes à titre de
connaissances provisoires. La sixième partie
enfin, couronnement de tout l'ouvrage, devjj.it
offrir la philosophie seconde ou la science ac-
tive, c'est-à-dire la philosophie sous sa der-
nière forme , la science telle qu'elle doit
être pour agir sur les destinées de l'hu-
manité. C'était le résumé de toutes les recher-
ches, le fruit de tous les travaux, le produit
de toutes les méthodes, la philosophie défini-
tive en un mot. Mais Bacon s'est toujours
borné à la promettre.
Bacon peut être considéré comme le créa-
teur de cette partie de la logique qu'on pour-
rait appeler logique synthétique et qui a reçu
le nom de méthodologie, et de cette branche
des sciences philosophiques désignée quelque-
fois sous celui de mathésiologie (c'est Ja seulo
philosophie que le positivisme reconnaisse), et
dont l'oojet est de diviser l'ensemble des con-
naissances humaines en individualités dis-
tinctes, de classer ces individualités, de mar-
quer leurs limites, et, pour ainsi dire, leurs
fonctions respectives, de scruter leurs fonde-
ments, d'analyser leurs principes, de grouper
leurs résultats généraux, de mettre en lumière ,
leurs rapports et les secours qu'elles peuvent
se prêter les unes aux autres, de suivre leur
marche et de prévoir leurs futures conquêtes.
V. DWNITÉ ET ACCROISSEMENT DES SCIENCES
(de ta), Novum organum.
Bornons-nous à signaler ici, en quelques
mots, ce qu'il y a d'incomplet et d'erroné dans
l'enseignement méthodologique de Bacon.
D'abord l'ordre et la marche, pour ainsi dire^
mécaniques, qu'il impose à l'expérience et à
l'induction, encourent, dans une certaine me-
sure, le reproche fait par M. J. de Maistre à
toute méthode de paralyser la spontanéité in-
tellectuelle, source première de l'invention.
De plus, en insistant à peu près exclusivement
sur l'art de s'élever, par l'expérience, des phé^
nomènes aux axiomes moyens, et éventuelle-
ment aux plus généraux, Bacon paraît avoir
méconnu le rôle immense que jouent l'hypo-
BAC
thèse et la déduction dans les sciences, surtout
dans les sciences physico- mathématiques.
Enfin, nous avons aujourd'hui sur le but, la
portée et les limites normales des recherches
scientifiques et sur la ligne de démarcation
qui sépare ces recherches des spéculations
philosophiques, des idées assez éloignées de
celles de Bacon. Ainsi, la science moderne re-
nonce à l'ambitieuse recherche des essences
que Bacon lui assignait pour but, et se con-
tente modestement de saisir les rapports et
les lois des phénomènes.
Si nous considérons Bacon comme savant,
nous devons reconnaître que, par sa physique
générale, il appartient encore à la Renaissance
et reste à une très-grande distance des hommes
dont les travaux ouvrent véritablement l'ère
scientifique moderne, nous voulons parler des
Kepler, des Galilée, des Descartes. Son plus
grand admirateur, d'Alemhert, lui reproche
d'avoir fait « un emploi trop fréquent des
termes de l'école et même des principes sco-
lastiques » • il convient que Bacon » après
avoir brisé tant de fers, était encore retenu
par quelques chaînes. » Pourquoi Bacon ne
put-il sortir de la scolastique? Pourquoi lais-
sa-t-il à Descartes la gloire de faire une révo-
lution dans les sciences et d'y attacher son
nom? C'est que cette révolution impliquait
une conception nouvelle de la matière, du
mouvement, de l'esprit, et qu'une telle con-
ception ne pouvait naître que dans la tête
d'un mathématicien. Bacon est un physicien
naturaliste , c'est-à-dire descripteur, elassifi-
cateur; la culture des sciences morales a oc-
cupé sa jeunesse et la plus grande partie de
sa vie; il a le génie poétique, l'esprit fin; il
n'a pas le génie de l'abstraction, 1 esprit ma-
thématique; étranger aux mathématiques, il
ne peut que méconnaître la valeur et la portée
de cet instrument comme moyen de décou-
verte et comme moyen de vérification. La
physique moderne ne pouvait naître que dos
mathématiques et de leurs applications à l'as-
tronomie et à la mécanique. C'est l'ignorance
en mathématiques qui a fermé les yeux de
Bacon au système de Copernic et aux décou-
vertes de Galilée. Là est le secret de cette
impuissance scientifique que J. de Maistre lui
a si brutalement reprochée et qu'il s'est plu à
alléguer comme un argument décisif contre
sa méthode et contre toutes les méthodes.
» Les modernes, comme Telesio,Campanella,
Gilbert, dit très-bien Huyghens, retenaient, de
même que les aristotéliciens, plusieurs qua-
lités occultes, et n'avaient pas assez d'inven-
tion et de mathématiques pour faire un sys-
tème entier. Gassendi non plus, quoiqu'il ait
reconnu et découvert les inepties des aristo-
téliciens. Verulamius a vu de même l'insuffi-
sance de cette^philosophie péripatéticienne, et,
de plus, a enseigné de très-bonnes méthodes
pour en bâtir une meilleure, à faire des expé-
riences et a s'en bien servir. Mais il n'en-
tendait point.les mathématiques, et manquait
de pénétration pour les choses de physique,
n'ayant pas pu concevoir seulement la possi-
bilité du mouvement de la terre, dont- il se
moque comme d'une chose absurde.»
Voici les seules découvertes, ou plutôt les
seuls aperçus dont on puisse faire honneur à
Bacon : l° l'influence en raison de la distança
exercée par la terre sur les corps étrangers
à sa masse; 2° l'influence de la lune sur les
marées ; 3° la manière dont les corps réflé-
chissent la lumière donnée comme la cause
de leurs couleurs; 4° une expérience sur l'in-
compressibilité des liquides, qui paraît avoir
précédé celle de l'académie De Cimento,
Ajoutez quelques expériences thermométri-
ques, d'autres sur la densité des corps, sur la
pesanteur et l'élasticité de l'air. Ajoutez enfin
cette vue remarquable, signalée et louée sans
restriction par Huyghens, ridiculisée parJ.de
Maistre, confirmée d'une manière éclatante
par des travaux récents, que la chaleur dans
les corps n'est qu'un mode de mouvement des
particules qui les composent.
Terminons cette biographie en mettant sous
les yeux du lecteur un certain nombre de
jugements portés au xvue, au xvme et au
xixe siècle sur François Bacon.
Gassendi : Par une résolution vraiment hé-
roïque, Bacon a osé s'ouvrir une route incon-
nue ; on peut espérer, s'il persiste avec vail-
lance dans son entreprise, qu'il fondera et nous
donnera enfin une philosophie nouvelle et
parfaite (Ausu vere heroïco novam tentare
viam est ausus, etc.).
Descartes (Lettre au P. Mersenné) : Vous
désirez savoir un moyen de faire des expé-
riences utiles. Sur cela je n'ai rien à dire
après ce que Verulamius en a écrit.
Hoôke : Personne, excepté l'incomparable
Verulam, n'a eu quelque idée d'un art pour la
direction de l'esprit dans les recherches de
la science.
LeiBNITZ : C'est l'incomparable Verulamius
qui, des divagations aériennes et même de
1 espace imaginaire, rappela la philosophie
sur cette terre et à l'utilité de la vie.
Vico : On ne saurait assez louer le grand
philosophe Bacon de Verulam d'avoir enseigné
aux Anglais la méthode et l'usage de l'induc-
tion.
Hora.ce Walpole : Bacon a été le prophète
des choses que Newton est venu révéler aux
hommes.
Voltaire (Lettre sur les Anglais) : On sait
comment Bacon fut accusé d'un crime qui
BAC
35
n'est guère d'un philosophe, de s'être laissé
corrompre par argent... Aujourd'hui, les An-"
glais vénèrent sa mémoire au point qu'à peine
avouent-ils qu'il ait été coupable. Si on me
demande ce que j'en pense, je me servirai,
pour répondre, d'un mot que j'ai ouï dire à
lord Bolingbroke. On parlait en sa présence
de l'avarice dont le duc de Marlborough avait
été accusé , et on en citait des traits sur
lesquels on en appelait au témoignage de lord
Bolingbroke qui, ayant été d'un parti con-
traire, pouvait, peut-être , avec bienséance,
dire ce qui en était :« C'était un si grand homme,
répondit-il, que j'ai oublié ses vices. » Je me
bornerai donc à parler de ce qui a mérité au
chancelier Bacon l'estime de l'Europe. Le
plus singulier et le meilleur de ses ouvrages
est celui qui est aujourd'hui le moins lu, je
veux parler de son Novum organum. C'est
l'échafaud avec lequel on a bâti la nouvelle
philosophie ; et quand cet édifice a été élevé,
au moins en partie, l'échafaud n'a plus été
d'aucun usage. Le chancelier Bacon ne con-
naissait pas encore la nature, mais il savait
et indiquait tous les chemins qui mènent à
elle. Il avait méprisé de bonne heure ce que
des fous en bonnet carré enseignaient sous le
nom de philosophie dans les petites maisons
appelées collèges; et il faisait tout ce qui dé-
pendait de lui afin que ces compagnies, insti-
tuées pour la perfection de la raison, ne conti-
nuassent pas ae la gâter par leurs quiddités,
leurs horreurs du vide, leurs formes substan-
tielles, et tous ces mots que non-seulement
l'ignorance rendait respectables, mais qu'un
mélange ridicule avec la religion avait rendus
sacrés.... Personne, avant lui, n'avait connu
la philosophie expérimentale ; et de toutes les
expériences qu'on a faites depuis, il n'y en a
presque pas une qui ne soit indiquée dans son
livre. Peu de temps après, la physique expé-
rimentale commença tout d'un coup à ètra
cultivée à la fois dans presque toutes les
parties de l'Europe. C'était un trésor caché
dont Bacon s'était douté, et que tous les philo-
sophes, encouragés par sa promesse, s effor-
cèrent de déterrer,
D'Alembert (Discours préliminaire de l'En-
cyclopédie) : A considérer les vues saines et
étendues de Bacon, la multitude d'objets sur
lesquels son esprit s'est porté, la hardiesse
de son style, qui réunit partout les plus su-
blimes images avec la précision la plus rigou-
reuse, on serait tenté de le regarder comme
le plus grand, le plus universel et le plus élo-
quent des philosophes. Bacon, né dans le sein
de la nuit fa plus profonde, sentit que la philo-
sophie" n'était pas encore, quoique bien des
giîns sans doute se flattassent d'y exceller
Il commença donc par envisager d'une vue
générale les divers objets de toutes les scien-
ces naturelles; il partagea ces sciences en
différentes branches dont il fit l'énumération
i la plus exacte qui lui fut possible; il examina
| oe que l'on savait déjà sur chacun de ces objets
et ht le catalogue immense de ce qui restait à
découvrir. C'est le but de son admirable ou-
vrage De la dignité et de l'accroissement des
connaissances humaines. Dans son Novum or-
ganum, il perfectionne les vues qu'il avait
données dans le premier ouvrage ; il les porte
plus loin , et fait connaître la nécessité de la
physique expérimentale, à laquelle on ne pen-
sait point encore. Ennemi des systèmes, il
n'envisage la philosophie que comme cette
Eartie de nos connaissances qui doit contri-
uer à nous rendre meilleurs ou plus heureux :
il semble la borner à la science des choses
utiles, et recommande partout l'étude de la
nature. Ses autres écrits sont formés sur le
même plan. Tout, jusqu'à leurs titres, y an-
nonce l'homme de génie, l'esprit qui voit en
grand. Il y recueille des faits, il y compare
des expériences, il en indique un grand nom-
bre à faire; il invite les savants à étudier et à
perfectionner les arts qu'il regarde comme la
partie la plus relevée et la plus essentielle de
la science humaine ;' il expose avec une sim-
plicité noble ses conjectures et ses pensées sur
les différents objets dignes d'intéresser les
hommes, et il eût pu dire, comme ce vieillard
de Térence, que rien de ce qui touche à l'hu-
manité ne lui était étranger. Science de la
nature, morale, politique, économique, tout
semble avoir été du ressort de cet esprit lumi-
neux et profond, et on ne sait ce qu'on doit le
plus admirer ou des richesses qu'il répand
sur tous les sujets qu'il traite, ou de la dignité
avec laquelle il en parle.
Reid : Après que les hommes eurent tra-
vaillé à la recherche de la vérité pendant
deux mille ans avec l'aide du syllogisme, lord
Bacon proposa la méthode de l'induction
comme un instrument plus puissant. Son No-
vum organum peut être considéré comme une
seconde grande ère dans le progrès de la
raison humaine.
Laplaoe : Le chancelier Bacon a donné, pour
la recherche de la vérité, le précepte et non
l'exemple. Mais, en insistant avec toute la
force de la raison et de l'éloquence sur la né-
cessité d'abandonner les subtilités insignifian-
tes de l'école pour se livrer aux opérations et
aux expériences, et en indiquant la vraie mé-
thode de s'élever aux causes générales des
phénomènes, ce grand philosophe a contribué
aux progrès immenses que l'esprit humain
a réalisés dans le beau siècle où il a terminé
sa carrière.
J. de Maistre: V. Bacon (Examen de la
Philosophie de) .
36
BAC
PAC
BAC
BAC
Dugald Stewart : Avant l'ère de l'appari-
tion de Bacon, divers philosophes ont marché
dans_la droite voie, et l'on peut douter qu'au-
cune importante règle, pour la recherche de la
vérité, se rencontre dans ses ouvrages, dont
on ne pût indiquer une trace dans ceux de ses
prédécesseurs. Son grand mérite est d'avoir
concentré ces faibles et éparses lumières, et
fixé l'attention des philosophes sur les carac-
tères distinctifs de la vraie et de la fausse
science.
J.W. IIkrschell : On a essayé d'atténuer
les services que Bacon a rendus, en montrant
que sa méthode est une chose d'instinct ,
qu'elle a été employée en diverses occasions
par les anciens et les modernes. Mais ce n'est
pas d'avoir introduit le raisonnement d'induc-
tion comme procédé nouveau, comme procédé
inusité, qui fait le mérite de la philosophie de
Bacon ; ce qui la recommande, c'est sa perspi-
cacité, son enthousiasme, la confiance avec
laquelle elle s'annonce comme l'alpha et l'o-
méga de la science, comme la grande et unique
chaîne qui lie les vérités physiques, comme la
clef de toute découverte nouvelle.
Pierre Leroux (Encyclopédie nouvelle) :
Bacon est -il réellement le père de la phi-
losophie expérimentale? La philosophie ex-
périmentale n'existait- elle pas chez les an-
ciens, n'existait- elle pas au moyen âge?
Les alchimistes du moyen âge, qui ont produit
la chimie, n'étaient-ils pas des faiseurs d'ex-
périences?... Que faisait Galilée à la même
époque que Bacon , que faisait Kepler, que
faisaient tant d'autres? Attendaient -ils que
Bacon eût inventé l'expérimentation? Ne sa-
vaient-ils pas bien expérimenter sans lui?
Il est certain que les procédés de recherche
et de découverte de Bacon ont été fort inutiles
a la physique. Les grands inventeurs des der-
niers siècles n'ont pas pris ses méthodes ; ils
ont suivi comme lui l'induction, mais à leur
manière; ils n'ont pas pris ses catégories de
phénomènes, ses classifications; ils n'ont pas
couru sur les pistes qu'il avait indiquées.
Quant a la foule des expérimentateurs, il est
certain qu'elle n'a jamais lu ni compris ses
ouvrages. Où donc est cet art durable dont
Bacon est l'inventeur? Cet art se réduirait-il
Ïiar hasard à l'induction?... Bacon a ditd'excel-
entes choses sur l'induction et sur l'inconvé-
nient de ne pas en limiter la portée ; mais tout
cela se réduit à deux ou trois aphorismes
très-sages, et qui certes ne constituent pas
une méthode nouvelle donnée à l'esprit hu-
main... Il est vrai que Bacon lui-même s'était
flatté de créer un art tout nouveau de décou-
verte ; mais il n'est pas vrai qu'il soit parvenu
à l'exécuter... Ne dirait-on pas que, semblable
à ces alchimistes qui rencontrèrent beaucoup
de beaux secrets de la chimie en cherchant
la pierre philosophale,lui, en cherchant cette
méthode qui lui paraissait la découverte que
la providence lui avait réservée , il découvrit
tout autre chose, à savoir tous les beaux pré-
ceptes qu'il a répandus dans ses ouvrages , la
grande conception encyclopédique développée
dans le De dignitate et augmentis scientiarum,
et ce sentiment d'une immensité de décou-
vertes à faire qui ressemble chez lui à la ges-
tation d'un monde entier? C'est ainsi que Ba-
con a dû lui-même faire naître l'illusion qu'il
est le père de la physique expérimentale...
C'est à tort, suivant nous, que le matérialisme
à tous les degrés se place sous la protection
et sous l'autorité du nom de Bacon... La vé-
ritable gloire de Bacon est ailleurs que dans la
méthode baconienne : elle se lie d'une manière
directe à la doctrine de la perfectibilité de
l'espèce humaine. Elle repose sur ce que per-
sonne n'a conçu mieux que lui, avec plus d'ar-
deur et de constance, le projet « d'étendre
l'empire de l'homme sur l'univers et de le
délivrer de ses fers et de ses entraves. • A
mesure que la philosophie religieuse du pro-
grès continu de l'humanité se dévoilera dans
ses conséquences , la gloire de Bacon devien-
dra plus claire; elle ne sera pas moindre, mais
elle sera autre. On ne l'encensera pas comme
le père de la philosophie expérimentale, ce
qui, quand on examine un peu profondément
la chose, ne veut rien dire ou ne cache qu'une
erreur; mais on le vénérera comme un des
apôtres les plus ardents de la perfectibilité de
l'espèce humaine, perfectibilité en vue de la-
quelle et pour laquelle il s'est attaché avec
tant d'ardeur à la philosophie expérimentale...
Oui , François Bacon est le fécondateur de
l'esprit humain ■ mais c'est par le sentiment
qu'il l'a féconde, c'est en faisant passer dans
les autres l'ardeur de découvertes qu'il avait
lui-même : ce n'est pas en fournissant à l'es-
prit humain un instrument logique... Ainsi
restreinte, la gloire de Bacon est au moins
bien plus solide. Vienne maintenant de Maistre
avec son génie âpre et éversif pour tâcher de
ruiner cet homme , qui lui déplaît parce qu'on
en a fait a tort le père des théories anti-idéa-
listes, les attaques de de Maistre seront im-
puissantes.
BucHÊft (Introduction à la science de l'His-
toire) : La science de l'histoire est assise sur
deux idées : celle de progrès et celle de l'ana-
logie des facultés de l'humanité avec celles
de l'homme individuel. Nous devons la pre-
mière à Bacon et la seconde à Condorcet
Nous pourrions citer un grand nombre de pas-
sages où Bacon exprime cette pensée d'un
avancement fait comme par bonds successifs
dans le passé, et qu'il espère devoir, dans
l'avenir, prendre un pas régulier et soutenu.
Ch. Renouviuh (Manuel de philosophie mo-
derne) : La valeur et même la nature de la
réforme à laquelle Bacon a attaché son nom,
après avoir été diversement appréciées au
xviic et au xvmo siècles, en France, sont de-
meurées controversées jusqu'à nos jours , où,
dans une invective passioiyiée, un homme de
génie (J. de Maistre) a tenté de saisir Bacon
corps à corps et de le terrasser. Cependant il
faut reconnaître dans Bacon, non, certes, l'in-
venteur de la méthode analytique expérimen-
tale et inductive appliquée à l'étude de la
nature, puisque Galilée et Gilbert l'ont pré-
cédé , et que le premier, au moins, a sur lui,
comme savant positif, une incontestable su-
périorité; moins encore un philosophe qui
ait doté l'esprit humain d'une faculté nouvelle ;
car l'induction, et de Maistre n'a pas eu de
peine à le montrer, est aussi ancienne dans le
monde que la raison dont elle est une des for-
mes ; mais bien un écrivain plein d'ardeur et
d'éloquence, qui foudroie de vieilles idoles
déjà tombées en discrédit, mais seulement
dans les intelligences les plus fortes, place
solennellement sur l'autel un fragment de la
vérité qui commence à paraître et l'adore à
grand bruit.
Ch. de Rémusat. (V, Bacon, sa vie, son
temps, etc.)
Les œuvres de Bacon, dont une partie seu-
lement avaient été publiées de son vivant,
n'ont été réunies qu'un siècle après sa mort.
Les éditions les plus estimées qui en aient élé
faites sont : celle de 1730 (Londres, 4 vol. in-
fol.) ; celle de 1740 (Londres, 4 vol. in-fol.) ;
celle de 1765 (Londres, 5 vol. in-4°) ; enfin,
celle de 1825-36 (Londres, 12 vol. in-8°), la
plus complète de toutes, avec une traduction
anglaise des œuvres latines et avec des éclair-
cissements d_e tout genre. M. Bouillet adonné
une édition des Œuvres philosophiques de
Bacon (3 vol. in-8°, Paris, 1834-35). C'est la
première qui ait paru en France. Plusieurs des
ouvrages de Bacon avaient été traduits, de
son vivant même, en français ou en d'autres
langues. A la fin du dernier siècle, Lasalle,
aidé des secours du gouvernement, fit pa-
raître, de l'an VIII à Tan XI (1800-1803), en
15 vol. in-8°, les Œuvres de F. Bacon , chan-
celierà" Angleterre, traduites en français, avec
des notes critiques, historiques et littéraires.
On a reproduit, dans le Panthéon littéraire
(1 vol. grand in-8», 1840) et dans la collection
Charpentier (2 vol. in-12, 1842), la traduction
des Œuvres philosophiques de Bacon, avec de
légères variantes ; cette dernière publication
est due à M. F. Riaux, qui l'a. fait précéder
d'un travail sur la vie et la philosophie de
Bacon.
La philosophie de Bacon a été l'objet d'un
assez grand nombre de travaux, parmi les-
quels nous citerons l'Analyse de ta philoso-
phie de Bacon, par Deleyre (1755); le Précis
de la philosophie de Bacon, par Deluc (1801) ;
le Christianisme de Bacon, par l'abbé Eymery
(1799) ; l'Examen de la philosophie de Bacon,
ouvrage posthume de J. de Maistre (1836);
Bacon, sa vie, son temps, sa philosophie, par
Ch. de Rémusat (1857). On trouvera ci-après
l'analyse de ces deux derniers ouvrages.
Bacon, sa vie, ion temps, ma philosophie
et son tnfluouco jusqu'à nos jours, OUVrage
publié en 1857 par M. Charles de Rémusat.
L'auteur nous apprend, dans une préface, qu'il
avait d'abord eu Vidée de faire l'histoire géné-
rale des opinions philosophiques qui se sont
produites en Angleterre, et qu'il s'est ensuite
décidé à réduire ce plan aux proportions d'une
simple monographie de Bacon. L'ouvrage se
divise en quatre livres : le premier, consacré
à la vie de Bacon; le second, à l'analyse de
ses ouvrages; le troisième, à l'examen de ses
doctrines; le quatrième, a l'histoire de son
influence.
Le premier livre, tout biographique, nous
présente le tableau d'une vie publique qui ne
lait point honneur à la philosophie. « La na-
ture morale de Bacon, dit M. de Rémusat,
était de celles que l'expérience de la vie n'ap-
i prend que trop à connaître. Son intelligence
avait tout ce qui manquait à son caractère...
Dans la famille et le monde où il était né, il
avait sucé avec le lait ces opinions, en quelque
sorte officielles, que développe et consacre
trop souvent la recherche ou l'exercice des
fonctions publiques. . . On a pu remarquer qu'un
grand savoir, un mérite incontesté, mais spé-
cial, devenait quelquefois un motif de plus de
se rendre indifférent à certaines délicatesses
et supérieur à certains devoirs ; et des savants,
même illustres, nous ont fait penser à quel-
ques-unes des faiblesses de Bacon. »
Le second livre contient l'analyse des deux
principaux ouvrages de Bacon, du Traité de
l'accroissement et de la dignité des sciences, et
du Novum organum. Cette analyse, qui est une
traduction sommaire, nous donne les idées de
Bacon sans en altérer la forme, et nous fait
faire connaissance non - seulement avec le
penseur, mais avec le grand écrivain.
Le troisième livre traite successivement du
caractère de la philosophie de Bacon, de la
classification des sciences, de l'induction et de
la méthode inductive. Nous y voyons que
Bacon n'a point professé la philosophie de la
sensation, mais qu'il a contribué à l'accréditer,
sinon comme principe, du moins comme con-
séquence de son œuvre. Un chapitre intéres-
sant est consacré à l'examen des divers plans
d'encyclopédie proposés depuis Platon jusqu'à
nos iours. Vient enfin une remarquable^ étude
de l'induction, qui mérite de nous arrêter un
instant.
M. de Rémusat fait justice de l'opinion, gé-
néralement répandue, qui voit dans Bacon
l'inventeur d'une logique nouvelle fondée sur
l'induction. La vérité est qu'Aristote a parlé
de l'induction comme Bacon , et qu'il en a
très-bien déterminé le rôle. Si l'esprit humain
s'est égaré si longtemps hors de la voie des
découvertes, c'est à la métaphysique du phi-
losophe grec, non à sa logique, qu il faut s'en
prendre. Bacon n'a pas créé un nouvel orga-
non ; il n'a fait que donner de nouvelles règles
pour employer l'ancien. M. de Rémusat se
demande ensuite si Bacon a bien compris le
principe qui est le fondement de l'induction et
qui en fait la légitimité. Il est ainsi conduit à
rechercher ce principe. Il distingue d'abord
deux espèces d'inductions : l'induction parfaite
et l'induction imparfaite. Dans la première, la
conclusion ne fait que donner une forme som-
matoire à ce qui est exprimé diviséinent dans
les prémisses. Dans la seconde, la conclusion
dépasse les prémisses. Or, la science fait
constamment usage d'inductions imparfaites;
elle devance l'enquête complète qui assurerait
la parfaite rigueur des conclusions; elle fait
beaucoup de raisonnements qui reviennent à
celui-ci : A, B, C, etc., sont mortels; A, B,
C, etc., sont des hommes. Tout homme est
mortel. De quel droit la science admet-elle de
semblables raisonnements? Comment le géné-
ral peut-il sortir du particulier? Voilà une
question que Bacon ne s'est pas faite ; autant
il se montre attentif et habile en ce qui touche
les applications du procédé inductif, autant il
néglige la théorie même de l'induction ; en
un mot, il reste sur le terrain de la méthodo-
logie, mais ne met pas un instant le pied sur
celui de la logique pure. Cette lacune de la
philosophie de Bacon, M. de Rémusat s'efforce
de 4a combler. Il donne pour base à l'induction
la croyance à la stabilité des lois de la nature.
Il analyse cette croyance, qui est un besoin de
notre entendement, un instinct intellectuel; il
montre qu'elle est l'expression subjective d'un
Ïirincipe supérieur, d'un jugement a priori que
a raison applique aux perceptions de l'expé-
rience, savoir : la connexion nécessaire des
causes aux effets, la constance et l'universalité
des propriétés d'une nature donnée. En réalité,
toute induction n'est qu'un enthymème dont
ce principe est la prémisse sous-entendue, en
sorte que le général n'est jamais inféré induc-
tivement du particulier qu'en vertu d'un plus
général encore qui est supposé, s'il n'est
exprimé.
Le quatrième livre s'occupe des prédéces-
seurs et des contemporains de Bacon : Télesio,
Patrizzi, Bruno, Gilbert, Léonard de Vinci,
Galilée, Kepler ; il traite ensuite de l'influence
de Bacon en Angleterre et sur le continent
pendant le xviie et le xvme siècle, et enfin des
dernières transformations du baconisme. L'au-
teur y expose les divers jugements portés sur
la philosophie de Bacon par les philosophes et
les savants du xvnc , du x vin» et du xixe siècle,
par Descartes, Gassendi, Huyghens, Bayle,
Vico, Leibnitz, Voltaire, d'Aleinbert, Diderot,
Hume, Kant, Reid, Laplace, Royer-Collard,
Biot, Playfair, Coleridge, John Herschell,
Whewell, Brewster, Stuart Mill, Kuno Fischer,
Feuerbach, Auguste Comte. '
A la suite de tous ces jugements, M. de Ré-
musat nous donne le sien, qui est ainsi conçu :
« Bacon a été comme le héraut des sciences
d'expérience. C'est la perspective de leurs
progrès qui excite son enthousiasme. Il conçoit
une juste et grande idée de leur méthode, de
leur puissance, de leurs destinées futures.
C'est par là qu'il y a en lui du vates : il est un
prophète de la raison... Mais il n'a pas toujours
approfondi les vérités qu'il sait embellir ; plus
rarement encore il a agrandi les sciences qu'il
a célébrées. Il applique avec peu de bonheur
et de clarté les méthodes qu'il a prescrites, et
ne sait pas toujours pratiquer l'expérience
savante dont il a posé les règles. Supérieur
dans ses vues générales, il manque dans ses
vues spéciales de pénétration et d'exactitude.
Il indique le chemin, il ne donne pas le fil du
labyrinthe. Il a excité aux découvertes plutôt
qu'il n'y a conduit. Dans les sciences, il est un
promoteur, il n'est pas un inventeur. La mé-
taphysique ne lui doit guère plus qu'un en-
traînant et vague rappel à l'observation, et
par la il a laissé ses principes à la merci des
interprétations extrêmes et des exagérations
faciles. C'est un grand esprit; oserons-nous
dire que ce n'est pas tout à fait un grand
philosophe? »
Bacon (EXAMEN DE LA PHILOSOPHIE DE), OÙ
Von traite différentes questions de philosophie
rationnelle, ouvrage posthume de Joseph de
Maistre, publié en 1836. C'est une attaque
violente et passionnée contre l'auteur du
Novum organum et sa philosophie. Atteindre
les doctrines des encyclopédistes dans ce qu'il
croit leur source, poursuivre son œuvre de
réaction contre le xvme siècle en terrassant
une gloire que le xvmc siècle s'était appro-
priée, dont il s'était couvert comme d'un dra-
peau, dont il avait fait la complice de sa polé-
mique antichrétienne, tel est le but que s'est
proposé Joseph de Maistre en écrivant ce
livre.
UExamen de la philosophie de Bacon se
divise en deux parties ; la première Consacrée
à la logique et à la physique de Bacon, la se-
conde a sa métaphysique et à sa philosophie
religieuse. L'auteur débute en signalant une
erreur insigne dans le titre même du Novum
■organum ou Nouvel instrument. Il n'y a point,
dit-il , de nouvel instrument avec lequel on
puisse atteindre ce qui était inaccessible à nos
devanciers. Aristote est le véritable anato-
miste qui a, pour ainsi dire, démonté sous nos
yeux et démontré l'instrument humain. On ne
doit que des risées à celui qui vient nous pro-
mettre un nouvel homme.
Mais quel est cet instrument nouveau que
Bacon prétend apporter à l'humanité? C'est
l'induction, ne cesse-t-on de répéter partout.
Allons donc! Est-ce que l'induction n'est pas
aussi ancienne dans le monde que la pensée
dont elle est une des formes? Et, d'ailleurs,
cette forme de la pensée, est-ce qu'elle diffère
véritablement du syllogisme? Opposer l'in-
duction au syllogisme, la fécondité de la pre-
mière à la stérilité du second , est un lieu
commun dont il faut enfin faire justice. Comme
Aristote l'a fort bien vu, l'induction est un
syllogisme sans moyen terme, un syllogisme
contracté, et rien de plus. Lorsqu'on nous dit
que Bacon a substitué l'induction au syllo-
gisme, c'est tout comme si l'on disait qu'il a
substitué le syllogisme au syllogisme ou le
raisonnement au raisonnement. S'uyaquelque
chose d'évident en métaphysique, c'est que
nulle vérité ne peut être découverte par voie
de raisonnement qu'en la rattachant par un
lien qu'il s'agit de chercher aune vérité anté-
rieurement admise comme certaine. La règle
est la même pour l'induction et le syllogisme.
Il ne faut pas confondre le raisonnement avec
l'invention. L'induction est une manière de rai-
sonner et non une méthode d'inventer : il n'y
apas.il nepeuty avoir de méthode d'inventer.
Toutes les règles, tous les organes, toutes les
méthodes, toutes les poétiques ne sont que des
productions de l'esprit qui vient après le génie,
et s'amuse à nous dire ce qu'il faut faire, d'a-
près ce que ce dernier a fait. Invention et
méthode sont incompatibles. Le génie seul
invente, et il invente précisément parce qu'il
est spontané, c'est-à-dire sans méthode, parce
qu'il agit sans contempler son action , qu'il
meut sans analyser ses mouvements , qu'il
marche à la vérité sans compter et sans me-
surer ses pas.
De Maistre refuse aux préceptes et aux
ouvrages de Bacon toute action sur le progrès
des sciences. Non-seulement la physique étoit
née au temps de Bacon, mais elle florissait et
rien ne pouvait plus en arrêter les progrès.
Les sciences, d ailleurs, naissent l'une de
l'autre, par la seule force des choses. Il est
impossible, par exemple, de cultiver longtemps
l'arithmétique sans avoir une algèbre quel-
conque, et il est impossible d'avoir une algèbre
sans arriver à un calcul infinitésimal quelcon-
que. Sait-on quel est le véritable promoteur
du mouvement scientifique , à l'époque de
Bacon? C'est un tout autre instrument que son
Novum organum : c'est le verre, le verre qui
est la création de l'homme , l'œuvre de son
génie. Dès que le verre fut commun, il devint
impossible de n'en pas connaître les propriétés
les plus importantes. La plus petite boursou-
flure accidentelle manifestait une puissance
amplifiante. On essaya de donner à ces acci-
dents une forme régulière : la lentille naquit.
Avec elle , naquirent le microscope et le téles-
cope. Au moyen de ces deux instruments,
l'homme toucha, pour ainsi dire, aux deux
infinis. A l'aide du verre, il put contempler à
son gré l'œil du ciron et l'anneau de Saturne.
Possesseur d'une matière à la fois solide et
transparente, qui résistait au feu et aux plus
puissants corrosifs, il vit ce que jusqu'alors il
ne pouvait qu'imaginer : il vit la raréfaction,
la condensation, l'expansion ; il vit l'amour et
la haine des êtres ; il les vit s'attirer, se re-
pousser, s'embrasser, se pénétrer, s'épouser
et se séparer. Le cristal, rangé dans ses labo-
ratoires, tenait sans cesse sous ses yeux et
sous sa main tous les fluides de la nature. Les
agents les plus actifs, au lieu de ne lui mon-
trer, et même imparfaitement, que de simples
résultats, consentirent à lui laisser observer
leurs travaux. Comment sa curiosité innée
n'aurait-elle pas été excitée, animée, embrasée
par un tel secours? Maître du verre par le
feu, et maître de la lumière par le verre, il
eut des lentilles et des miroirs de toute espèce,
des prismes, des récipients, des matras, des
tubes, enfin des baromètres et des thermo-
mètres. C'est au verre et non à la méthode
baconienne qu'il faut faire honneur de la nais-
sance et du développement do la physique
expérimentale.
Pour comprendre la stérilité de la méthode
baconienne, il suffit -de voir les fruits que
Bacon lui a fait produire. Qu'a-t-il fait avec
ses expériences prérogatives, solitaires, émi-
grantes, oslensives, clandestines, parallèles,
monodiques, déviées, supplémentaires, tran-
chantes, propices, polychrestes, magiques, etc.,
avec sa recherche des essences ou des formes
par voie d'exclusion, avec son inventaire et sa
classification des mouvements? Où est sa part
de découvertes? Qu'y a-t-il de plus aristotéli-
que que son histoire des vertus cardinales, du
dense, du rare, du grave, du léger, du chaud,
du froid, du consistant, du fluide, etc. ? De plus
chimérique que son système du monde? De
plus insupportable que son mépris dos mathé-
matiques et de l'astronomie morte de Copernic?
De moins scientifique que sa foi à la puissance
illimitée, on peut dire alchimique, de l'homme
sur la nuture? Quelle différence sérieuse
peut-on voir entre la physique de Bacon et
celle de Thaïes î
BAC
C'est dans la seconde partie de l'ouvrage
qu'il faut chercher les véritables griefs de
De Maistre contre le philosophe anglais. Si la
physique de Bacon est ridicule, sa métaphysi-
que est pestilentielle ; chaque ligne de Bacon
conduit au matérialisme; c'est à lui que com-
mence cette philosophie antithéiste , cette
thêomisie, qui est le caractère distinctif du
xviiie siècle. Ne trouve-t-on pas dans les ré-
cits de Bacon ces propositions damnables :
— Qu'il n'y a à proprement parler qu'une seule
science, la physique, laquelle doit être regar-
dée comme la mère auguste de toutes les
sciences ; — que le grand malheur de l'homme,
celui qui a retardé inliniment les progrès de
la véritable science, c'est que l'homme a perdu
son temps dans les sciences morales, politiques
et civiles, quile détournaient de la physique,
et que ce mal, qui est fort ancien, ri augmenta
pas médiocrement par l'établissement du chris-
tianisme, qui tourna les grands esprits vers la
théologie ; — que la théologie est une science
abrupte, e'est-â-dire détachée de toutes les
autres, et qui ne tient point à la racine mère ;
une science par conséquent qui n'a rien do
commun avec la raison et qui repose tout en-
tière sur l'autorité, en sorte qu'on peut l' aban-
donner au syllogisme; — que la métaphysique
est le complément et le dernier résultat des
sciences physiques ; qu'elle est par conséquent
postérieure à la physique et n'existe pas sans
elle ; qu'elle ne s'occupe de rien hors de la
nature, mais cherche dans la nature ce qu'il
y a de plus profond et de plus général; — que
Dieu ne pouvant être comparé à rien, et rien
ne pouvant être connu que par comparaison,
Dieu est absolument inaccessible à la raison,
et ne peut être naturellement aperçu dans
l'univers, en sorte que tout se réduit à la ré-
vélation ; — que le consentement des hommes
ne prouve rien et serait plutôt une preuve d'er- ;
reur; — que toute science de l'âme intelligente j
est, comme celle 3e Dieu, une science abrupte \
et ne peut avoir d'autre source que la révéla- j
tion; — que l'homme ne peut connaître par sa I
raison que la matière seule et les matrices |
élémentaires ; — que l'àme sensible, la vie, !
n'est que da la matière malcriée ; — que le
principe du mouvement spontané est purement
matériel ; — que tous les corps sont capables
de perception, et qu'entre la perception et le
sentiment il n'y a qu'une différence de degré;
— que le vrai philosophe doit disséquer la
nature et non l abstraire , qu'il ne doit pas
abstraire la matière et le mouvement l'un de
l'autre, mais admettre tout àla fois une matière
première et un mouvement premier; — que la
philosophie de Démocrite et d'Epicure, qui ne
voulurent reconnaître dans l'univers ni Dieuni
intelligence, fut plus solide quant aux causes
physiques, et pénétra plus avant dans la na-
ture que celle de Platon et d'Aristote, par cette
seule raison que les premiers ne perdirent
jamais leur temps dans la recherche des causes
finales ; — que les Causes finales tiennent plus
à la nature de l'homme qu'à celle de l'univers.
Après avoir signalé le poison contenu dans
les propositions qu'on vient de lire, et pris en
main, dans un long chapitre, la défense des
causes tinales contre les reproches qu'on leur
fait de nuire à la recherche des causes physi-
ques , de tout rapporter à l'homme , d'être
inaccessibles dans l'état actuel des lumières :
après avoir montré que la théologie positive, si
on la sépare, comme le veut Bacon, de toute
théologie naturelle, de toute science ration-
nelle de l'esprit, n'est plus qu'un édifice sans
fondement, et dénoncé, comme une hypocrisie,
le respect qui chasse Dieu de la raison pour
l'enfermer strictement dans la Bible; J. de
Maistre nous donne, en un passage qui mérite
d'être cité , le résumé de son jugement ou
plutôt de son réquisitoire :
« Tout est dit sur Bacon, et désormais sa
réputation ne saurait plus en imposer qu'aux
aveugles volontaires. Sa philosophie entière
est une aberration continue. Il se trompe éga- ;
lement dans l'objet et dans les moyens; il n'a
rien vu de ce qu'il avait la prétention de dé-
couvrir, et il n'a rien vu, non parce qu'il n'a
pas regardé, non par suite de l'interposition .'
des corps opaques, mais parle vice intrinsèque [
de l'oeil qui est tout à la fois faible, faux et '
distrait. Bacon se trompe sur la logique, sur j
la métaphysique, sur la physique, sur l'histoire
naturelle, sur l'astronomie, sur les mathéma- J
tiques, sur la chimie, sur la médecine, sur \
toutes les choses enfin dont il a osé parler \
dans la vaste étendue de la philosophie natu- i
relie. Il se trompe, non point comme les autres j
hommes, mais d'une manière qui n'appartient |
qu'à lui et qui part d'une certaine impuissance
radicale telle, qu'il n'a pas indiqué une seule
route qui ne conduise à l'erreur, à commencer !
par l'expérience dont il a perverti le caractère :
et l'usage, de façon qu'il égare lors même qu'il
indique un but vrai ou un moyen légitime... I
Il se trompe lorsqu'il affirme; il se trompe 1
lorsqu'il nie; il se trompe lorsqu'il doute; il se |
trompe de toutes les manières dont il est pos- j
sible de se tromper. Sa philosophie est en-
tièrement négative et ne songe qu à contredire. I
En se livrant sans mesure à ce penchant ,i
naturel, il finit par se contredire lui-même '■
sans s'en apercevoir, et par insulter chez les
autres ses traits les plus caractéristiques ; ainsi
il blâme sans relâche les abstractions, et il ne i
fait que des abstractions; il ne cesse d'invecti- ,
ver contre la science des mots, et il ne fait que I
des mots ; il bouleverse toutes les nomencla-
tures reçues pour leur en substituer de nou-
velles ou baroques ou poétiques, ou l'un et
BAC
l'autre. Le néologisme est chez lui une véri-
table maladie, et toujours il croit avoir acquis
une idée lorsqu'il a inventé un mot... La nature
l'avait créé bel esprit, moraliste sensé et ingé-
nieux, écrivain élégant, avec je ne sais quelle
veine poétique qui lui fournit sans cesse une
foule d'images extrêmement heureuses, de
manière que ses écrits, comme fables, sont
encore très-amusants. Tel est son mérite réel
qu'il ne faut pas méconnaître; mais dès qu'on
le sort du cercle assez rétréci de ses véritables
talents, c'est l'esprit le plus faux, le plus dé-
testable raisonneur, le plus terrible ennemi de
la science qui ait jamais existé. Que si on veut
louer en lui un amant passionné des sciences,
j'y consens encore,' mais c'est l'eunuque amou-
reux. »
BACON (Nathaniel), peintre anglais, frère
consanguin du grand Bacon, vivait dans la
seconde moitié du xvte siècle. Il étudia en
Italie, mais n'en adopta pas moins la manière
des maîtres flamands. Il excellait surtout dans
le paysage. On conserve en Angleterre quel-
ques-uns de ses tableaux , où 1 on remarque
beaucoup d'élégance, de fraîcheur, de coloris
et de facilité.
BACON (John), célèbre sculpteur anglais,
né à Southwarck, près de Londres, en 1740,
mort en 1799. 11 fut d'abord peintre sur por-
celaine. La vue des modèles exposés dans la
manufacture où il travaillait ayant échauffé
son imagination, il apprit à modeler et à
sculpter, a l'âge de vingt-trois ans, et ses pro-
grès dans ce nouvel art furent si rapides qu'il
obtint, trois ans plus tard, le prix de la Société
d'encouragement. Plusieurs autres récom-
penses obtenues successivement lui ouvrirent,
en 1768, les portes de l'Académie royale, qui
venait d'être fondée. Une statue de Mars
armé (plâtre, appartenant aujourd'hui à la
Société des arts, qui l'a exposé h. Londres, en
1862) mit le sceau à sa réputation. « Ce beau
morceau, dit Rabbe, n'est pas déparé par les
défauts qui gâtent presque tous ses autres ou-
vrages : on n'y voit pas l'abus de l'allégorie,
l'incohérence des idées, l'emploi ridicule des
vêtements modernes, défauts que l'on reproche
à presque tous ses groupes; car il était homme
à représenter, comme on 1 a fait en France,
Louis XIV en perruque et en costume ro-
main. » Il manquait surtout de simplicité et
de naturel dans les compositions un peu com-
pliquées ; ses mausolées de lord Chatham, à
Westminster, de lord Halifax et de Pearson,
ont été justement critiqués pour leur em -
phase ; celui de miss Draper {YElisa de Sterne)
est, au contraire, une œuvre d'un goût délicat.
En général, ses figures isolées valent beau-
coup mieux que ses groupes; on cite, outre le
Mars armé, la Grande-Bretagne lançant la
foudre, un Orphelin cherchant un asile, la
Paix, Vénus, Narcisse, etc. Il a fait les bustes
et les statues-portraits de plusieurs illustra-
tions anglaises, entre autres : deux bustes de
George fil (l'un pour le Christ-Church Col-
lège, d'Oxford, l'autre pour la bibliothèque de
l'université de Gœttingue); !a statue de Black-
stone, à Oxford ; celle à. Howard et celle de
Johnson, dans l'église Saint-Paul, à Londres.
On lui attribue l'invention des statues de mar-
bre artificiel et celle de l'instrument destiné à
transporter sur le marbre ou la pierre les
formes du modèle, ou, suivant l'expression
technique, à mettre au point. Il a publié quel-
ques écrits : on a de lui des Fables et des Epi-
taphes qui ne sont pas sans mérite, et il a
donné au dictionnaire de Chamber un travail
intitulé : Becherche sur le caractère de la pein-
ture et de la sculpture.
BACON (Richard-Mackenzie), écrivain an-
glais, né à Norwich en 1776, mort en 1844. Il
fut élevé dans l'école de grammaire de cette
ville. Son père était propriétaire du Norwich-
Mercury, dont il hérita et dont il transmit la
propriété à son fils ; il avait à peine dix-sept
ans lorsqu'il commença à écrire pour cejournal ,
qui fut la principale occupation de sa vie. Mais
il est surtout connu comme créateur, éditeur
et rédacteur en chef du Quarterly musical
Magazine and Beview, qui fut le premier jour-
nal consacré à la musique en Angleterre, et
dont les savantes critiques s'élevèrent bien au-
dessus de ce qu'on était alors accoutumé de lire.
Le premier numéro de ce magazine parut en
janvier 1818, et il fut pendant quelque temps
publié trimestriellement, comme son nom l'in-
dique; mais il finit par paraître irrégulière-
ment, et le dernier numéro date de 1826. Bacon
médita longtemps la publication d'un grand
dictionnaire de musique, pour lequel il avait
amassé de nombreux matériaux, mais qui ne
fut jamais imprimé. II collabora au Colourn's
Magazine et à quelques autres écrits périodi-
ques ; ses Eléments de la science vocale sont
extraits d'articles publiés dans des revues.
C'est à Bacon que l'on doit l'organisation des
concerts triennaux de Norwich, concurrem-
ment avec M. E. Taylor et le professeur
Gresham. Il est l'auteur de quelques pamphlets
politiques, tels qu'une Vie de Pitt et une Vie
du comte de Suffolk.
BACON (Frédéric), graveur anglais contem-
porain. Il a exposé, à Paris, en 1855 -..Saint
Jean et l'Agneau, d'après Murillo; l'Evasion
de Carrare, d'après Ch. Eastlake ; le Jeune
Slender et Anne Page, d'après Calcott; Visite
inattendue du contrebandier, d'après \Vilkie;
Entrée du prince Charles Stuart à Edimbourg,
d'après T. Duncan. On lui doit encore, entre
autres ouvrages, les Portraits de Charles Ier
et de sa famille, d'après D. Mytens.
BAC
BACON-TACON (Pierre-Jean-Jacques), ar-
chéologue, né à Oyonnax (Bugey), en 1738,
mort en 1817. Il voyagea, eut une vie fort
agitée et pleine d'actes peu honorables, rem-
plit des fondions de police sous ie Direc-
toire et fut même condamné pour escroquerie.
Parmi ses ouvrages, on cite comme n'étant
pas sans mérite : Nouvelle histoire numisma-
tique (1792), et Recherches sur .les origines
celtiques (1798).
j BACONE. Syn. de Baconie. V. ce mot.
[ baconÉ, ée (ba-ko-né) part. pass. du v.
Baconer : Poisson baconé.
BACONER v. a. ou tr. (ba-ko-né — rad.
bacon). V. Baconner.
baconie s. f. (ba-ko-nî — de Bacon, phi-
losophe anglais). Bot. Genre de plantes de la
, famiile des rubiacées , voisin des caféiers
j renfermant un seul arbuste, qui croît à
j Sicrra-Leono. Il On dit aussi bacone.
I BACONIEN, enne adj. (ba-ko-ni-ain ,
I è-ne — rad. Bacon). Philos. Qui appartient,
i qui a rapport à Fr. Bacon, à son système
philosophique.
BACQNIQUE s. m. (ba-ko-ni-ke — du vieux
fr. bacon , pore). Repas de gala dans lequel
on ne mangeait que de la viande de porc, ac-
commodée de diverses façons : Les chanoines
de Noire-Dame célébraient des baconiques à
la Noël, à l'Epiphanie, etc., et c'est là, pense-
t-on, l'origine de la foire aux jambons.
BAGONISME s. m. (ba-ko-ni-sme — rad.
Bacon). Philos. Système du philosophe anglais
Fr. Bacon, qui a fondé ou-du moins mis en
honneur le procédé de l'observation et de
l'expérience dans les sciences naturelles.
BACONISTE adj. et s. (ba-ko-ni-ste — rad.
Bacon). Philos. Disciple de Fr. Bacon, parti-
san de son système.
BACONNÉ, ée (ba-ko-né) part. pass. du v.
Baconner. Mis dans de l'eau salée : Dupoisson
BACONNÉ.
BACONNER v. a. ou tr. (ba-ko-né — rad.
bacon, porc salé). Pêch. Saler, mettre dans
un baquet d'eau salée : Baconner dupoisson.
Il Vieux mot. n On écrit aussi baconer.
BACONTHORP (Jean), dit le Docteur résolu,
à cause de la hardiesse de ses décisions.
Moine et théologien anglais, né à Baconthorp,
mort vers 1346.11 a laissé des Commentaires,
sur le Maître des sentences (Milan, 1510 et
1611).
BACOPE s. f. (rja-ko-pe). Bot. Genre do
plantes de la famille des primulacées, dont une
espèce, la naeope aquatique, croît àla Guyane,
sur le bord des ruisseaux, et a reçu, à cause
de ses propriétés vulnéraires, le nom vul-
gaire d'herbe aux brûlures.
BACOT DE LA BKETONNIÈBE (François),
médecin, né à Verdun-sur-Saône vers 1670,
était docteur de la faculté de Louvain. On a
de lui, entre autres ouvrages : Analyse des
eaux chaudes minérales de Bourbonne (Dijon,
1712).
BACOT DE ROMAND (le baron Claude-
René), publiciste, né à Tours vers 1780, mort
en 1853. 11-fut auditeur au conseil d'Etat, puis
préfet de Loir-et-Cher et d'Indre-et-Loire.
Membre de la chambre introuvable, il obtint
par son zèle royaliste et sa docilité muette le
titre de baron. Il a donné un ouvrage qui con-
tient quelques idées justes : Observations ad-
ministratives (Tours, 1823).
BACOT (César-Joseph), officier français,
frère puîné du précédent, né à. Paris en 1787.
Major dans la garde impériale, il fut mis à la
retraite en 1815. Envoyé à la chambre des
députés en 1831, par le collège de Tours, il se
plaça dans les rangs de la gauche. Nommé
représentant du peuple en 1848, il vota le
bannissement de la famille d'Orléans, mais sur
toutes les autres questions il suivit la politique
réactionnaire. Il donna sa démission le 6 no-
vembre pour des raisons de santé, et n'a plus
rempli d'autres fonctions publiques, si ce.
■n'est celle de membre du conseil général
d'Indre-et-Loire.
BACOTER v. n. ou intr. (ba-ko-té). S'amu-
ser à des minuties, aller causer dans le voi-
sinage au lieu de s'occuper utilement : Né-
gligeant son travail, cet ouvrier est souvent à
bacoter. il Ce mot appartient au langage
populaire de certaines contrées du centre de
la France.
BAGOTI s. m. (ba-ko-ti). Sorcier du Tonkin,
dont la mission consiste à se mettre en com-
munication avec les morts, afin d'en donner
des nouvelles aux vivants, et dont le salairo
est basé sur l'excellence des nouvelles qu'il
transmet : Le bacoti a de grands points de
ressemblance avec le spirite.
BACOTIER, ÈRE S. OU BACOT pour les
2 g. (ba-ko-tie, ba-ko — rad. bacoter). Per-
sonne qui tiacoto , qui aime à bacoter : Cet
homme est un bacotier. Cette femme est un
grand bacot.
bacou s. m. (ba-kou). Nom que quelques
hordes tartares donnent à leurs princes.
BACOUE (Léon), théologien et poste latin,
né h Castelgeloux (Gascogne) en 1608, mort
en 1694. 11 abjurale protestantisme, fit profes-
sion chez les récollets et devint évêque de
Glandèves (1672), puis de Pamiers (1680). Il
est surtout connu par un poëme latin sur
l'éducation d'un prince : Delphinus, seu de
BAC
37
prima principis instiiutione, lib. VI (Toulouse.
1670).
BACOULE s. f. (ba-kon-le — rad. 63.5 et
cul, parce que l'animal est très-bas sur ses
jambes). Mamm. Ancien nom de la belette.
bacove s. f. (ba-ko-ve). Bot. Fruit du
bacovier.
BACOVIER s. m. (ba-ko-vié — rad. bacove).
Bot. Variété du bananier appelée aussi bana-
nier des sages.
BACQUET (Jean), jurisconsulte, né à Paris,
mort en 1597. Ses ouvrages ont été souvent
consultés, et peut-être pourrait-on puiser en-
core quelques renseignements dans ses traités
qui touchent à l'histoire ; Des droits du do-
-maine royal et De l'Etablissement et de la ju-
ridiction de la chambre du trésor. Jaloux,
dit-on, du succès qu'obtenait le premier, le
célèbre Chopin accusa Bacquet d'avoir pillé
un traité latin que lui-même avait écrit sur le
même sujet. « Il n'en est rien, répondit Bac-
quet; en vérité, j'ai voulu le lire, mais il faut
que je vous confesse que je n'entends pas
votre latin. » Les ouvrages de ce juriscon-
sulte ont été réimprimés huit ou dix fois dans
le xvhc siècle. Il mourut de chagrin d'avoir
vu rompre en place de Grève, pour crime de
trahison, son gendre Charpentier, fils de Jac-
ques Charpentier, l'adversaire de Ramus.
BACQUEVILLE, bourg de Franco (Seine-
Inférieure), ch.-l. de cant. de l'arrond. de
Dieppe; pop. aggl. 1,433 hab. — pop. tôt.
2,563 hab.
BACQUEVILLE DE LA POTHEB1E, histo-
rien, né à la Guadeloupe, fut nommé en 1007
commissaire roj'al , et remplit ensuite les
fonctions de sous-gouverneur de la Guade-
loupe. Il a écrit une Histoire de l'Amérique
septentrionale, qui a été- publiée a Paris en
1772.
BACQUIER (ba-kié). Econ. rur. Porc que
l'on engraisse.
BACS, ville des Etats autrichiens ( Hongrie),
â 4 5 kil. S. de Zombor; pop. 2,750 hab. Autre-
fois, ville libre royale, siège d'un archevêché
catholique qui a été réuni à celui de Colocza,
et d'un évêchè grec transféré à Neusatz. il"
Le Comitat de Bacs ou Bacs-Bodrogh, an-
cienne division du royaume de Hongrie, a été
supprimé en 1849 et forme aujourd'hui la plus
grande partie des deux cercles de Zombor et
Neusatz, dans la "Woîvodie serbe. Son terri-
toire, dont la population s'élève à 500,000 hab. ,
renferme de vastes plaines très-fertiles en cé-
réales, vins et pâturages. Beaucoup de bétail,
pêche considérable dans le Danube et dans la
Theiss.
BACSANYI (Janos), écrivain et poète hon-
grois, né à Tapolcza en 1763, mort à Lin2 en
1845. Il fut l'instituteur du fils du général
Orczy; plus tard, nommé à un emploi admi-
nistratif à Kaschau, il y fonda le Magyar
Muséum. En 1794, accusé de complicité dans
la conspiration de l'évêque Martinovich, il fut
conduit au Spitzberg. Rendu à la liberté, il
devint rédacteur de la Magyar Minerva. Ce
fut lui qui, en 1809, traduisit la proclamation
adressée par Napoléon aux Hongrois, ce qui
l'obligea quelque temps après à se réfugier à
Paris. Après la chute de Napoléon, le gouver-
nement autrichien obtint l'extradition de Bac-
sanyi et lui assigna Linz pour séjour obliga-
toire; c'est dans cette ville qu'il termina ses
jours, n'ayant pour vivre qu une petite pen-
sion que lui faisait le gouvernement français.
L'Académie hongroise l'avait placé au nombre
de ses membres correspondants.
BACTÉRIE s. f. (bak-té-rî — du gr. bak-
têria, bâton). Entom. Genre d'insectes or-
thoptères, de la famille des phasmiens, ren-
fermant un assez grand nombre d'espèces,
qui vivent dans les régions intertropicales.
— Infus. Genre d'infusoires; de la famille
des vibrioniens, formé aux dépens du genre
monade : Les bactéries sont en chaînes fili-
formes rectilignes et inflexibles. (P. Gervais.)
BACTRE s. f, (bak-tre — du gr. baktron,
bâton). Entom. Genred'insectes lépidoptères
nocturnes, établi aux dépens dos pyrales ou
tordeuses, et comprenant une seule espèce,
qui vit en Angleterre.
BACTRELLÉ, ÉE adj. (bak-trèl-lé — dugr.
baktron, bâton). Hist. nat. Qui ressemble à
un petit bâton.
— s. m. pi. Famille d'infusoires qui affec-
tent cette forme.
BACTRÉOLE s. f. (bak-trc-o-le). Techn.
Mot que les ouvriers batteurs d'or emploient
improprement pour bractéole, feuille d'or dé-
fectueuse. La plupart des dictionnaires enre-
gistrent sérieusement ce mot ;\e Dictionnaire
scientifique de Focillon at Deschanel, renché-
rissant sur le tout, met bactriole. Ce mot est
tout simplement un barbarisme. Quant au
mot bractéole, qui est le seul juste, c'est en
vain qu'on le cherche dans le même ouvrage.
BACTHBS, une des plus anciennes cités de
l'Asie, appelée d'abord Zariaspa, puis Bactra,
sur le Bactrus, affluent de l'Oxus ; cap. de lu
Bactriane ; fut dans les temps les plus reculés,
la résidence des rois de Perse et le plus grand
entrepôt du commerce entre l'Orient et l'Oc-
cident. C'est aujourd'hui la ville de Balkh
(Turkestan), située au pied de l'Hindou -K.0I1,
par 36<>45' de lat. N. et 64°42' de long. E.
BACTRIANE, ancienne contrée de l'Asie,
38
BAC
l
comprise aujourd'hui dans le Turkeston (Kha-
natue Baik), et dont Bactres était la capitale.
Bien qu'il soit presque impossible de détermi-
ner d une manière exacte les bornes de ce
pays , dont l'étendue a si souvent varié ,
nous savons par les géographes anciens que
la Bactriane était séparée au N. de la Sog-
diane par l'Oxus (Amou-Deriaou Djiboum des
modernes), qu'elle confinait à l'E. aux monts
Imaùs (Belourtagh), au S. au Paropamisus ou
Caucase indien (auj. Hindou-Koh), et qu'elle
touchait vers l'O. à la Margiane et au pays
des Massagètes. Cette vaste contrée était arro-
sée au N. par l'Oxus, qui, après y avoir reçu
divers affluents, l'Icarus, l'Artamis et le Bac-
trus, allait se jeter dans le lac Arien ou mer
d'Aral, servant de voie de transport aux pro-
ductions agricoles du pays et aux marchandi-
ses qui affluaient dans la Bactriane , des
divers points de la haute Asie, surtout des ré-
gions limitrophes du Thibet et de la Chine.
Les parties de la Bactriane traversées par des
cours d'eau étaient d'une grande fertilité, et
on y élevait des troupeaux considérables ;
mais, dans les endroits privés d'eau, on trou-
vait des plaines de sable inhabitables et quel-
quefois même dangereuses à traverser. Bac-
tres, la capitale, aujourd'hui Ballsh, portait
aussi le nom de Zariaspa. Parmi les autres
villes principales, Ptolémée ne mentionne que
Charispa, Cliovana, Surogana, près de l'Oxus ;
et près des autres fleuves, Cunandra, Aornos,
Bacra, Ostobara, Maracunda et Maracodia;
mais il est évident qu'il se contente de nommer
les cités les plus populeuses, car Justin dit
■u'à l'époque où Théodote s'y rendit indépen-
lant (255 av. J.-C), on n'y comptait pas moins
de mille villes ; il atteste la grande prospérité
que cette partie de l'Asie devait alors à son
commerce. Les principales tribus qui habi-
taient la Bactriane étaient, d'après Ptolémée,
les Salatares, les Zariaspes, les Tambyges,
les Marycéens et les Tochares, d'où est venu
le nom moderne de Tokharistan ; mais comme
Ptolémée place dans la Bactriane Maracanda
(Samarcande);- qui appartenait a la Sogdiane,
il est fort possible qu'il en ait fait de même
pour quelques-uns des peuples que nous ve-
nons d'énumérer. Quoi qu'il en soit, les
Bactriens formaient, avec les Mèdes et les
Perses, un rameau de la race indo-germani-
que, le rameau aryen ou perse, nommé encore
le peuple Zend, a cause de la langue zende,
commune à ce3 diverses populations. Si l'on
en croit les auteurs grecs et romains, les Bac-
triens étaient un peuple guerrier et féroce,
qui supportait sans difficulté les plus grandes
fatigues. Pline rapporto qu'ils élevaient des
chiens d'une espèce très-forte, pour dévorer
les personnes que leur âge ou leurs infirmités
mettaient dans l'impossibilité de suffire à leurs
propres besoins. Ce fait paraît plus que dou-
teux. On croira plus facilement à l'usage réi
pandu chez eux, comme chez plusieurs nations
asiatiques de 1 antiquité, de permettre aux
femmes de s'abandonner à qui bon leur sem-
blait; cet usage, malgré certaines restrictions
réglementaires qui l'accompagnaient, comparé
à la vie orientale des temps modernes, est une
véritable antithèse sociale.
La Bactriane fut, àunoépoque extrêmement
reculée, le centre principal d'un puissant em-
pire, sur l'histoire duquel nous ne possédons
guère aujourd'hui que la tradition légendaire
d'une expédition dont il fut l'objet de la part
de Ninus et de Sémiramis, sous le règne
d'Oxyartes. L'antique religion des Perses eut
pour berceau la Bactriane, qui fut de bonne
heure un foyer de civilisation, etdonna le jour
à Zoroastre, réformateur de la religion que
les mages avaient défigurée. Soumise par les
Mèdes, cette contrée devint, sous le règne de
Cyrus, une des provinces de l'empire- fondé
par ce conquérant.
Comme le reste de l'empire des Perses, la
satrapie de la Bactriane fut conquise par
Alexandre le Grand, qui y fonda douze villes
ety laissa quatorze mille Grecs, élément d'une
civilisation nouvelle dans ces contrées. Après
la mortd' Alexandre, la Bactriane, placée pen-
dant quelque temps sous le gouvernement de
Stasanor de Soli, fut réunie a l'empire de
Syrie (367 av. J.-C). Vers l'année 256, sous le
règne d'Antiochus IIThéos, Théodote, gouver-
neur de la Bactriane, profitant des revers
éprouvés par Antiochus dans la guerre contre
Ptolémée-Philadelphe, se déclara indépen-
dant. Le nouveau royaume de Bactriane ac-
quit bientôt une grande importance. Théodote,
du reste, l'agrandit par des conquêtes dans
l'Inde, pays avec lequel il établit des relations
commerciales très-actives. Eutydème, qui
succéda à Théodote vers l'année 220 av. J.-C,
fut vaincu par Antiochus lors de l'expédition
de ce prince dans l'Inde; toutefois, leeonqué-
rant no lui enleva pas son royaume, afin qu'il
servit de barrière aux invasions des nomades
du nord, qui s'étaient répandu^ dans la Sog-
diane. Son (ils Démétrius, qui régna de 195 à
181, et le successeur de celui-ci, Eucratidès,
mort en l'an U7, reculèrent au sud les fron-
tières du royaume grec-bactrien au delà du
Paropamisus. Après le règne d Eucratidès II
(147-141), la domination grecque, détruite en
Bactriane par les ï'arthes, se maintint encore
sous Ménonder et Hermseus, dans le pays
situé entre le Caboul et l'Indus, jusqu'en l'an
90. A cette époque, elle fut renversée par la
tribu scythique des Sakers, qui fondèrent un
empire indo-scythe le'long des rives de l'In-
dus jusqu'à son embouchure. Les écrivains de
l'antiquité ne nous ont transmis que des docu-
BAC
ments incomplets et insuffisants sur l'empire
de la Nouvelle Bactriane ; mais la découverte
récente, dans l'Afghanistan, des médailles de
rois gréco-bactriens, avec des inscriptions en
grec et en sanscrit, est venue combler heu-
, reusement la lacune que présentait l'histoire
de ce pays.
BACTRIASME, s. m. (bak-tri-a-smo — du
gr. Bactra, Baetres; asma, chant). Ant. gr.
Nom donné à une chanson et à une danse
voluptueuse venues de la Bactriane.
BACTRICO-INDIENj IENNE adj. (bak-tri-
ko-in-di-ain, i-è-ne). Geogr. Qui appartient à
la Bactriane et à l'Inde : Mythologie bac-
trico-indiénne. Le griffon appartient 'aux
montagnes bactrico-iîjdiennes et au désert,
si riche en or. Les figures mythologiques qui
décorent les ruines de Persépolis ont une ori-
gine BACTRtCO-INDIENNS. (EnCVCl.)
BACTRIDE s. m. (bak-tri-de — du gr. bac-
tridionj petit bâton). Bot. Genre do petits
champignons qui croissent sur le tronc des
arbres et ressemblent à des moisissures, u
Nom proposé par quelques botanistes comme
syn. de bruyère.
BACTRIDIÉ, ÉE adj. (bak-tri-di-é — rad.
baclridé). Bot. Qui ressemble à un bactride.
— s. f. pi. Tribu de champignons de la fa-
mille des urédinées.
BACTRIEN, IENNE adj. et s. (bak-tri-ain '
i-c-ne — rad. Bactres). Géogr. anc. Habitant
de Bactres; qui a rapport a Bactres ou à la
Bactriane : Les Bactriens passaient pour les
meilleurs soldats du monde.
— s. m, Idiome des Bactriens, dialecte du
zend.
BACTRis s. m. (bak-triss — du gr. baklron,
1 bâton). Bot. Genre de palmiers de l'Améri-
j que du Sud, à. tige très-grêle, affectant la
I lorme d'un roseau, et employée communé-
! ment pour fabriquer des cannes légères et
solides connues sous le nom de cannes de Ta- •
bago : La plupart des iîactris sont originaires
des grandes plaines du Brésil. (Ad. Brongn.)
BACTROCÈRE s. m. (bak-tro-sè-re — du
gr. baktron, bâton ; keras, corne, antenne).
Entom. Genre d'insectes diptères brachocè-
ros, voisin des mouches et des daques, fondé
sur une seule espèce, le bactrocère longi-
corne.
BACTROMANCIE s. f. (bak-tro-man-sî —
du gr. baktron } bâton; manteia, divination).
Science de la divination par les baguettes.
— Encycl. La bactromancie fut fort en vo-
; gue chez certains peuples de l'antiquité ; les
[ Perses, les Tartares, et principalement les
Romains, la pratiquèrent. Suivant Hérodote,
!es Scythes taisaient servir à cet usage des
baguettes de saule bien droites; les mages,
au dire de Strabon, employaient des branches
de laurier, de myrte et des brins de bruyère.
On dépouillait d'un coté, et dans toute sa lon-
gueur, la baguette choisie ; à deux reprises,
on lajetait en l'air ; lorsqu'en retombant elle
présentait d'abord la partie dépouillée, ensuite
le côté revêtu de l'écorce, on en tirait un
présage favorable; lorsqu'elle tombait deux
fois de suite du même côté, c'était, au con-
l traire, d'un fâcheux augure. La baguette di-
1 vinatoire, qui lit si grand bruit sur la tin du
j xvnc siècle, n'était qu'une réminiscence de la
i bactromancie. On peut rapporter également
à ce système divinatoire la fameuse flèche
d'Abacis, sur laquelle les anciens ont débité
tant de failles. Jean Bodin, publiciste du
xvie siècle, affirme dans ses écrits que, de son
temps, à Toulouse, une sorte de bactromancie
était en vigueur; elle consistait en évocations
faites au moyen de certaines baguettes aux-
quelles on attribuait le pouvoir de guérir les
maladies, principalement la fièvre quarte.
bactromancien s. m. (bak-tro-man-si-
ain — rad. bactromancie). Celui qui pratique
la bactromancie : Consulter un bactromancien.
bactro-Médique adj. (bak-tro-mé-di-
ke — rad. Bactres et Afédie). Géogr. anc. Qui
a rapport à la Bactriane et à la Médie.
bactropÉrite s. m. (bak-tro-pé-ri-te—
du gr. baktron, bâton; pêra, besace). Ant.
Nom donné, par dérision, à des philosophes
qui affectaient de mépriser les richesses, et
qui portaient le bâton et la besace des men-
qiants. il pu dit aussi bactrppérate et bac-
TROPÉRÈtÈ.
— Suivant Ducange, ce mot s'applique
simplement à dos voyageurs qui portaient
un bâton et une outre pleine de vin.
BACTYRILOBE s. m. (bak-ti-ri-lo-be — du
gr. baktêrion, bâton; lobion, casse). Bot. Syn.
proposé pour le genre cassie.
BACCET (Paul), professeur de philosophie
à Genève en 1632, devint pasteur de l'Eglise
réformée et fut envoyé en 1641 à Grenoble,
pour y exercer son ministère. Il s'occupa, en
outre, avec un dévouement infatigable des
misères de la classe pauvre et du soulagement
des malades. Il a publié le résultat de son
expérience dans un petit traité : Boséas ou
l'Apothicaire charitable. On a aussi de cet
homme de bien quelques dissertations philo-
sophiques.
BACUL s. m. (ba-cu — lat. baculus, bâton, ou
du fr. battre et cul). Bois du harnais do l'âne
et du mulet, fait en demi-cercle cl placô au-
dessus de la croupière : Le cheval dit à l'une :
BAD
■ Pauvre et chétif baudet, j'ai de toi pitié et
compassion ; tu travailles journellement beau-
coup , je l'aperçois à l'usure de ton iiacui,. »
(Rabelais.) (l Large croupière qui bat sur les
cuisses des bêtes attelées, il On écrit aussi
BACULE,
BACULAIRE s. m. (ba-cu-lè-re — lat. bacu-
lus,' bâton). Hist. relig. Nom donné à des
sectaires anabaptistes, qui n'admettaient
d'autres armes qu'un simple bâton.
BACULARD (Arnaud de), littérateur fran-
çais. V. Arnaud.
BACULE s. f. (ba-ku-le — du lat. baculus,
bâton, ou du fr. battre et eut). Croupière, il
On écrit aussi bacul. V. ce mot.
— Anc. art milit. Machine de guerre qui
consistait en une sorte de bascule, au moyen
de laquelle on lançait des pierres contenues
dans une auge ou dans un panier.
BACULE. ÉE (ba-ku-lé) part. pass. du v.
Baculer. Bâtonné, battu : Il fut moqué, saisi,
baculé. (Tabourot.)
— A qui l'on a mis le bacul : Cheval ba-
culé.
BACULER v. a. ou tr. (ba-ku-lé — du lat.
baculus, bâton). Frapper avec un bâton, u
V. mot.
— Par ext. Battre, maltraiter : En la par-
fin, le bon chevalier se print aux cornes de ce
diable et lui en arracha une, dont il le bacula
trop bien. (Cent New. nouv.) i
— Mettre un bacul : Baculer un âne. j
— Particulièrem. Faire battre à terre ou j
sur le pavé, à plusieurs reprises, le derrière i
de quelqu'un. L'étymologie ost alors bas et
cul.
BACULIFÈRE adj. ( ba-ku-li-fè-re — du
lat. baculus, bâton; fera, je porte). Bot. Se
dit d'une plante dont les tiges peuvent servir
de canne.
BACULITE OU BACULITHE S. f. (ba-ku-li-
te — du lat. baculus, bâton, et du gr. lithos,
pierre). Moll. Genre de coquilles fossiles, de
ta famille des ammonidecs, différant des am-
monites par sa forme droite, cylindro-coni-
que, toujours comprimée : Les baculithes
se trouvent dans les couches assez anciennes
des terrains intermédiaires situés au-dessus
de la craie. (Guérin.) Les baculites sont les
coquilles les plus simples de la famille des
ammonidées. (D'Orbigny.) On trouve des bacxj-
lites qui ont jusqu'à l m. et 1 m. 40. (Fo-
cillon.) Les baculites se rencontrent beaucoup
moins fréquemment que les ammonites. (Du- ;
vernoy.)
BACULOMètre s. m. (ba-ku-lo-mè-tre ■
— du lat, bacutus, bâton, et du gr. wtefron,
mesure). Long bâton avec lequel les arpen-
teurs mesuraient autrefois les lieux d'un
accès difficile.
baculométrie s. f. (ba-ku-lo-mé-trî —
rad. baculomètrp\. Géoiri. prat. Art de mesu-
rer avec le baculomètre les lieux tant acces-
sibles qu'inaccessibles.
BACULOMÉtrique adj. (ba-ku-lo-mé-tri-
ke — rad. baculométrie). Géom. prat. Qui a
rapport au baculomètre ou à la baculométrie.
BACURIUS ou BATUR1US, roi des peupla- '
des ibères qui habitaient le mont Caucase, du .
côté de la mer Caspienne, se convertit au ,
christianisme vers 325, et fut nommé gouver- j
neur de la Palestine par Constantin le Grand.
Suivant la légende, il se serait converti à la
suite d'un événement miraculeux. Assailli par ;
une tempête, il invoqua le Dieu des chrétiens, j
et l'orage s'arrêta sur-le-champ.
BAD s. m. (badd). Myth. pers. Chez les an- '
tiens persans, Génie des vents et des tem-
pêtes, qui présidait au vingt-deuxième jour ;
de la lune, u Un des mois de l'année chez les i
Orientaux. i
BADA ou BADAS s. m. (ba-da). Mamm.
Syn. de rhinocéros d'Afrique, *
BADACKAN, ville du Turkestan, ch.-l. du ;
khanat de même nom, sur le Djihoun, par j
370 20' de lat. N. et 6G° 30' long. E. Le pays i
de Badackan a des mines d'or, d'argent et de
rubis. C'est, dit-on, le séjour primitif de la
race persico-médique.
BADAGR1, ville de la Guinée supérieure,
sur les côtes de l'Afrique occidentale, cap. de
l'Etat de son nom, à 75 kil. S.-O. de Kosie,
avec un port sur le golfe de Guinée. Com-
merce de poudre d'or et d'ivoire. Le petit Etat
de Badagri, qui, dans sa plus grande longueur
de l'E. à l'O., n'a pas plus de 100 kil., fut
longtemps tributaire du roi de Dahomey et
l'est aujourd'hui de celui de Yarriba.
BADAIL s. m. fba-dal; l mll.).'Fflet en !
forme de chausse, que l'on traîne au fond de
l'eau, et qui diffère très-peu do la drague.
BADAJOZ, ville et place de guerre très-
forte d'Espagne, sur la Guadiana, près de la
frontière de Portugal, à 290 kil. S.-O. de Ma-
drid, ch.-l. de la province de même nom et
autrefois de l'Estramadure; 17,000 hab. Cette
ville, patrie du peintre Morolès, a soutenu
plusieurs sièges; elle fut prise en 1811 par les
Français commandés par le maréchal Soult, et
en 1812 par les Anglais. Elle renferme quel- j
ques monuments qui méritent d'être cités : la :
cathédrale, vaste édifice ressemblant plutôt à |
une forteresse qu'à une église, et renfermant i
des chapelles latérales assez remarquables, !
un maltre-autel surchargé d'ornements, quel-
BAD
ques statues dignes d'attention et un vabte
cloître d'une belle exécution ; une salle de
spectacle; un bel hôtel de ville, et, dans sa
partie supérieure, les ruines d'un vieux châ-
teau. On y remarque aussi un pont de 621 mè-
tres de longueur, construit par les Romains
sur la Guadiana. La province de Badnjnz, qui
forme une partie de l'ancienne Estrariiaclurc,
située dans la partie ouest de VEspagnc, i>st
divisée en quatorze partidos judiciales aï :i
-.27,932 hab. V. ESTRAMADURK.
BADAJOZ (Juan de), architecte espagnol,
né à Badajoz, florissait dans la première moi-
tié du xvi" siècle. Il travailla à la cathédrale
de Salamanque. On lui doit en outre : la belle
façade du couvent de Saint-Marc, à Léon ; la
principale chapelle de l'église Saint-Isidore,
dans la même ville; enfin, le cloître de Saint-
Zoïle , à Carrion , monastère de la Vicille-
Castille , qui passe pour un de ses chefs-
d'œuvre.
lUDÀKUSlM (Meulana) , poète persan, né
à Samarcande, florissait vers le X" sièclo de
notre ère. Il est auteur d'un recueil de poésies
qui sont, dit-on, pleines de grâce et de charme.
On a souvent cité de lui les vers suivants,
composés pour consoler quelques courtisans
de leur disgrâce :
« Il ne faut pas s'étonner de l'alternative
qui se rencontre dans les choses du monde,
puisque la vie des hommes se mesure par une
horloge de sable, où il y a toujours l'heure
d'en haut et l'heure d'en bas qui se suivent. »
BADALOCClttO (Sisto), surnommé Rosa,
ou, selon quelques auteurs, Sisto ItosA, sur-
nommé Badalocchio, peintre et graveur ita-
lien, né à Parme en 1581, mort à Bologne en
1647, eut pour maître Annibal Carrache, dont
il sut acquérir l'estime au point que ce peintre
célèbre le plaçait, pour lapureté du dessin, au-
dessus de tous ses autres élèves et déclarait
lui être lui-même inférieur sous ce rapport.
Badalocchio péchait malheureusement du côté
de l'invention : aussi, dut-il se résigner à tra-
vailler le plus souvent sur les cartons de son
maître et sur ceux de quelques-uns de ses
condisciples, le Dominiquin, le Guide, l'Al-
bane, Lanfranc. Il se lia étroitement avec ce
dernier, dont il égala presque la facilité et dont
il finit par adopter complètement le style. Son
meilleur tableau est un Saint François recevant
les stigmates, du musée de Parme. On cite en-
core, dans l'église de la Trinité des Pèlerins,
de la même ville, une Vierge entourée de saints,
et, à Bologne, ta coupole de l'église Saint-
Jean, copie réduite de la fameuse coupole de
Parme, du Corrêge. Badalocchio a gravé à
l'eau-forte : cette même coupole, en six plan-
ches, vingt-trois sujets tires des Loges de
Raphaël, en collaboration avec Lanfranc ; une
Sainte Famille, d'après B. Schidone; plu-
sieurs figures de Prophètes ; Amour et Pan,
d'après Annibal Carrache ; le Laocoon, d'après
l'antique, etc.
BADALWANASSA s. m. (ba-dal-oua-na-sa).
Bot. Lycopode de Ceylan.
BADAM1ER S. m. OU BADAMIE S. f. (ba-da-
mié, ba-da-mî — corrupt. do bois de damier).
Bot. Genre do la famille des coinbrôtacoes,
et de la tribu dos terminal iéos, qui renferme
des arbres plus ou moins élevés, do l'Indo et
de l'île Maurice, ci dont quelques-uns ont 616
introduits en Amérique : Le a\\>MniKR-vernis
donne le vernis si renommé de la Chine et du
Japon. Le BADAMiER-ôciy'oi/i fournit un suc
résineux, analogue au véritable benjoin. On
tire du badamikr des Afoluques une huile qui
ne rancit pas. (Dumôril.) Le noyau du fruit du
badamier, connu sous le nom de myrobolan,
contient une amande très-estimée des Indiens,
et avec laquelle ils font de très-bonne huile,
(Gouas.) Le bois du badamier à feuilles étroi-
tes est très-esttmé dons la menuiserie. (Gouas.)
BADARACCO (Joseph), peintre italien, né à
Gènes vers 1588, mort de la peste en 1657. 11
imita Andréa del Sarto avec tant do bonheur,
que plusieurs de ses peintures ont été attri-
buées au grand maître florentin. Ratti cite
comme un de ses meilleurs ouvrages un Saint
Philippe de Néri adorant le crucifix, dans la
sacristie de l'église des Saints-Nicolus-et-
Erasme, à Voltri.
BADAUACCO (Giovanni-Rasfaelle), peintre
italien, fils du précédent, né à Gênes en 1B48,
mort en 1726. Après avoir appris les éléments
de l'art sous la direction de son père , il se
rendit à Rome, entra à l'école de Carie Ma-
ratte, copia avec talentquelques-uns des chefs-
d'œuvre de Raphaël, entre autres YBéliodore
chassé du temple; se proposa ensuite pour mo-
dèles les ouvrages du Cortone, dont il adopta
définitivement la manière; visita Naplea, Ve-
nise, où il fit des copies des tableaux les plus
célèbres, et revint s'établir à Gênes, où il
exécuta quelques portraits et un grand nom-
bre de compositions religieuses, remarqua-
bles, dit Lanzi , par l'extrême suavité de la
touche et l'habile empâtement de3 couleurs.
Ses ouvrages les plus estimés sont : Roger
rencontrant saint Bruno, et V Apparition de la
Vierge aux Chartreux, vastes compositions,
appartenant à la Chartreuse de la Polcevera-
l'Apparition de la Vierge à quelques saints
carmélites, dans l'église Notre-Dame des Car-
mes, à Gênes, etc.
BADAHO (Jean), médecin et botaniste ita-
lien, né dans l'Etat de Gênes en 17D3, mort au
Brésil en 1831. Il a laissé divers travaux esti-
nmbles sur la Flore de la Ligurie et de ta
BAD
Sardaigne, ainsi que des Obsei~oations sur les
parties les plus remarquables des fleurs pour
leur classification botanique.
badaroa s. f. (ba-da-ro-a). Bot. Syn. de
bryone, famille de cucurbitacées. .
BADASE s. f. (ba-da-ze). Bot. Nom de l'as-
pic ou lavande spic, dans le midi de la Franco.
BADASSO s. m. (ha-da-so). Bot. Nom pro-
vençal d'un plantain.
BADAUD, AUDE s. (ba-dô , ô-do — rad.
bade, v. mot qui signifiait baliverno, sottise,
propos frivole et niais; badaud et badiner
sont de la même famille. Tous ces mots dé- .
rivent d'un radical celtique qu'on retrouve
dans le breton bada, agir, parler comme un
sot, un fou, un étourdi ; bader, badaouer,
niais, sot, blanc-bec; dans l'irlandais badh-
ghaire, et dans l'écossais baoth, baothair, qui
ont le mèmù sens). Celui, celle qui s'étonne
do tout, qui admire tout, passe son temps à
regarder niaisement tout ce qui se rencontre :
C'est un vrai badaud, une vraie radaude. A7i,
messieurs les badauds, faites vos affaires, et
laisses passer les personnes sans leur rire an
nez. (Mol.) H y a des badauds partout, mais ,
on a donné la préférence à ceux qui sont de \
Paris. (Volt.) J'aime les voyages de badauds,
c'est-à-dire voir pour voir. (St-Mare-Gir.) Ce
Coquenel est le type des badauds de province.
(Scribe.) C'est principalement le badaud qui
défraye chaque jour les nombreux filous qui
battent sans cesse le pavé de Paris. (Boitard.)
Le badaud n'est que la caricature du flâneur.
(Boitard.)
Le tout glacé, verni, blanchi, doré,
Et des badauds ft coup sûr admiré.
Pîron prend un vol trop haut
Pour les badauds du parterre ;
Ce n'est qu'un vol terre a terre
Qu'il leur faut.
Piron.
It Personne qui croit tout ce qu'on lui dit,
?ui ajoute foi à tout : Ce Parisien qu'on fit
aver de grand matin pour voir passer l'équi-
noxe sur un nuage était un badaud. (Aùdiffrot.)
Les chemins de fer sont la seule industrie qui, de
nos jours, présente ces chances fabuleuses de
succès immédiat , qu'autrefois Lato appliqua
pour les bons Parisiens, ces éternels badauds
de la spéculation, à un Mississipi fantastique.
(Alex. Dum.) Un badaud de Paris, qui se pro-
menait autrefois dans les jardins de Versailles,
concluait de tout ce qu'il voyait que les arbres
naissent taillés. (H. Boyle.)
L'espoir qui le domine.
C'est, chez son vieux portfer,
De parler de la Chine
Aux badauds du quartier. Bihï.\Ni!j:r..
Il Personne sotte, niaise et ignorante :
Un des derniers se vantait d'être
En éloquence si grand maître,
Qu'il rendrait disert un badaud.
La Fontaine.
, — Par anal. Buffon l'a dit du rossignol :
Les rossignols sont curieux et même badauds.
— Adjectiv. : Il est toujours aussi badaud. Le
Français est né bienfaisant et badaud. (H. Ri-
gault.) Le prototype de la populace parisienne,
qu'on dit, je ne sais pourquoi, si badaude et si
étonnée, ne s'étonna de rien. (E. Sue.)
Une vieille badaude, au fond de son quartier.
Dans ses voisins badauds voit l'univers entier.
Voltaire.
— Syn. Ttiiduuil, bnnât, niais, nigaud. Le
badaud est curieux; tout ce qu'il voit J'é-
tonne ; il croit tout ce qu'il entend dire, et il
montre son contentement ou sa surprise en
tenant sa bouche ouverte, en bayant. Le benêt
est bête par excès de bonté, de simplicité ; il
se laisse dominer et mener par le nez. L'homme
niais est novice comme un enfant, sans ma-
lice et sans défense contre des ruses qu'il ne
soupçonne point, incapable de se tirer d affaire
dans les cas difficiles. Le nigaud est comme
le niais, mais sa niaiserie est plus campa-
gnarde, plus vulgaire. On reconnaît le badaud
a la manière dont il regarde les objets ; le
benêt, à son extrême docilité: le niais, à son
air simple, h ses propos naïfs ; le nigaud, à son
manque d usage.
— Encycl. Le badaud est totalement inconnu
dans nos campagnes; c'est une plante indigène
des grandes villes, des grands centres de popu-
lation. On est constamment coudoyé par une
foule d'individus qui, le matin , ont quitté leur
maison pour s'en aller tuer le temps sur les pla-
ces, dans les carrefours et le long des boule-
vards ; ils ont dix heures à dépenser, et le soir,
quand ils rentrent au logis, ils veulent avoir
quelque chose à. raconter : un accident de voi-
ture, un pauvre diable tombé d'un cinquième ou
d'inanition dans la rue, un vieux barbet noyé
dans la Seine, etc., etc.; et quand un de cesTitus
du macadam n'a rien vu, rien observé, il s'é-
crie : J'ai perdu ma journée I Mais ce malheur
arrive rarement, car, lorsque la rue n'a pas
donné, le badaud a toujours la ressource de
la Morgue, du Jardin des Plantes, du Père La
Chaise, et, en dernier ressort, il a les saltim-
banques de la place de la Bastille, ou le Guignol
des Champs-Elysées. Mais on se tromperait
fort si, prenant l'êtymologie au pied de la
lettre, on faisait du mot badaud le synonyme
de niais, de sot, de béjaune. Ici, Ch. Nodier,
Lacépède, Parny, protesteraient de la manière
la plus éloquente ; car ces ilùneurs par excel-
lence étaient des badauds émérites, ce qui
n'empêchait pas le spirituel auteur de la Fée
aux miettes de tirer à boulets rouges sur les
badauds. « Un jour, dit-il, que j'arpentais les
BAD
quais, je fus amené sur le Pont-Neuf par une
afiluence de cinq ou six cents individus qui,
appuyés sur le parapet, poussaient des excla-
mations à fendre le cœur. Je m'attendais,
pour le moins, à voir un bataillon tout entier
se débattant au milieu des flots. Au lieu de
cela, qu'est-ce que je vois? Un pauvre petit
matou en bas âge qui terminait ses jours au
sein de la plaine liquide.»
Mais, comme nous l'avons dit, le badaud ne
pousse pas seulement sous la latitude de
Paris ; quelle grande cité n'a pas les siens 1
A Londres, qu'on dit.être le refuge du spleen
et de la philosophie, un charlatan ayant an-
noncé un jour qu'il entrerait dans une petite
bouteille, les lords accoururent en foule pour
contempler ce tour de force. L'aventurier se
tira de ce pas difficile par un tour d'escamo-
tage ; mais la recette avait atteint un chiffre
de plusieurs centaines de livres" sterling.
Toutefois, parmi les grandes villes, c'est
Paris qui paraît avoir accaparé le monopolo
de la badauderie. C'était, du moins, l'opinion
de Ménage et du grand Corneille. L'imprimeur
Journel, contemporain du premier, ne voulait
pas imprimer ses Origines de la langue fran-
çaise, parce que les Parisiens y étaient traités
de badauds. Cette pruderie d'un nouveau
genre inspira à Ménage l'épigramme sui-
vante :
De peur d'offenser sa patrie,
Journel, mon imprimeur, digne enfant de Paris,
Ne veut rien imprimer sur la badauderie...
Journel est bien de son pays.
De son côté, Corneille a dit, dans sa comé-
die du Menteur :
Paris'est un grand lieu plein de marchands mêlés ;
L'effet n'y répond pas toujours a. l'apparence;
On s'y laisse duper autant qu'en lieu de France,
•Et parmi tant d'esprits plus polis et meilleurs,
Il y croit des badauds autant et plus qu'ailleurs.
badaudage s. m. (ba-dô-da-je — rad. 4a-
daud). Action de badauder, de faire le ba-
daud. 11 Se dit particulièrement du caractère
do badaud attribué au Parisien :
11 était bourgeois de Paris,
Et, de fait, par un long usage,
11 retenait du badaudage. C. Durand.
badaudaille s. f. (ba-dô-dà-llo ; Il mil.
— rad. badaud). Collection, réunion, assem-
blée de badauds ; tas de badauds : Toute celle
badaudaille s'extasia.
badaddement adv. ( ba-dô-dc-man —
rad. badaud). A la manière des badauds :
Admirer badaudement.
BADAUDER v. n. ou intr. (ba-dô-dé — rad.
badaud). Faire le badaud, passer son temps
à considérer niaisement tout ce qui paraît
extraordinaire ou nouveau : Cet homme ne
fait que badauder. (Acad.) Votre vieux ma-
lade achèvera tout doucement sa petite carrière
à Ferney, quoiqu'on le presse de venir badau-
des à Paris. (Volt.) Le Parisien doit la répu-
tation de badaud aux nombreux étrangers qui
viennent badauder à Paris. (Boitard.)
BADAUDERIE s. f. (ba-dô-de-rî — rad. ba-
daud). Caractère du badaud, puérilité, niai-
serie : Nous allâmes au Palais-Royal, où la
badauderie des courtisans m'êtonna plus que
celle des bourgeois. (De Retz.) C'est fort injus-
tement que l'on accuse le Parisien de badau-
derie, car personne n'est moins badaud que lui.
(Boitard.) Qu'importe, cela donne à la phrase
une allure mystérieuse qui plaît d la Badaude-
rie contemporaine. (A. Legendre.) il Action,
propos de badaud : Ce que vous dites, ce que
vous faites , est une franche badauderie.
(Acad.)
BADAUDIQUE adj. (ba-dô-di-ke — rad. ba-
daud). Fam. Qui appartient aux badauds, qui
concerne les badauds : Le diable emporte la
race badaudique! Ils crient après moi comme
si j'étais un masque. (Ghérard.)
BADAUDJSE s. f. (ba-dô-di-ze). Syn. de ba-
dauderie. il V. mot.
BADAUDISME s. m. (ba-dô-di-sme — rad.
badaud). Néol. Manie du badaud : Les lieux
de plaisir ne se recommandent plus guère qu'au
badaudisme et à la curiosité des étrangers.
(Ph. Busoni.)
BADBV (Jean), ouvrier anglais, brûié- en
1409 comme hérétique, lors de la persécution
deslollards. Interrogé par l'archevêque Arun-
ctel sur la transsubstantiation, il avait ré-
pondu : «Je crois en la sainte Trinité une et
indivisible ; mais si l'hostie consacrée était le
corps de Dieu, alors il y aurait vingt mille
dieux en Angleterre. » Il périt dans les flam-
mes, sans avoir voulu se rétracter.
BADCOCK (Richard), botaniste anglais, vi-
vait dans le xvme siècle. L'un des premiers,
il a observé au microscope la structure des
anthères et l'émission du pollen. On connaît
de lui les deux opuscules suivants : Observa-
tions microscopiques sur les fleurs du houx et
de la grenadille ; Lettre sur la poussière fé-
condante de l'if.
BADCOCK (Samuel), critique et théologien
anglais, né à South-Molton en 1747, mort en
1788. Il fut tour à tour méthodiste, unitaire,
et même un peu socinien. Il a publié un Exa-
men de l'authenticité des poèmes de Rowlcy, et
différents morceaux où il a fait preuve de
beaucoup d'érudition et de sagacité.
BADE s. f. (ba-de — du bas lat. badare,
bâiller), l] V, mot qui signifiait niaiserie, sot-
tise.
BAD
' — Tcclin. Ouverture do compas avec la-
quelle on mesure les jours existant entre ccr-
I tainos parties de deux pièces de construction
qui devraient se toucher.
BADE (grand-duché de), en allemand Rad en
(Gross-Herzogthum), Etat de la Confédéra-
tion germanique, situé entre 47" 32' et 49° 45'
da lat. N., 5° il' et 70 32' de long. E. ; borné
1 au N. par la Bavière et la Hesse-Darmstadt;
à l'E. par la Bavière, le Wurtemberg et les
principautés prussiennes du Hohenzollern ; au
S., par la Suisse; à l'O. par- le Rhin, qui le
sépare de la France et de la province bava-
roise du Palatinat. Superficie , 15,284 ltil.
carrés; 1,350,943 hab. (905,000 catholiques);
capitale, Calsruhe.
Le grand-duché de Bade est divisé en qua-
tre cercles, qui sont, en allant du N. au S. :
le cercle du Bas-Rhin, ch.-l. Manheim ; Rhin-
Moyen, ch.-l. Rastadt; Haut-Rhin, ch.-l. Fri-
bourg; Lac ou See, ch.-l. Constance. Ce pays
est arrosé par îe Rhin, le Mein, le Necker et
le Danube, qui s'y forme, à Donaueschingen,
par le confluent de deux petites rivières, la
Brége et la Brigach. Les seuls lacs considé-
rables sont celui de Constance et celui de Ra-
; dofszell. Il est sillonné, dans presque toute
son étendue, par la chaîne peu élevée de la
forêt Noire (Schwartzwald) , dont le point
culminant, le Telberg, ne dépasse pas 1 ,550 m.
Le climat est très-doux en moyenne; mais,
dans les contrées élevées, la température de-
vient froide et ne permet que la culture de
l'avoine et des pommes de terre. Le sol, en
s'abaissant progressivement vers le Rhin et
dans les belles plaines arrosées par le Necker,
est très-fertile et favorable a toute espèce de
culture. On y récolte des céréales et des fruits
en abondance, et la vigne y donne des produits
do bonne qualité, surtout dans le voisinage du
lac de Constance. Ses montagnes, bien boi-
sées, fournissent une grande quantité de bois
de construction, pins, chênes et hêtres. Les
pâturages abondants dos plateaux nourrissent
un nombreux bétail, et les flancs des monta-
gnes recèlent de grandes richesses minéra-
les : la vallée de la Kintzig renferme du plomb
argentifère, du cobalt, du fer, de l'alun, du
vitriol et de la houille. Quant aux sources mi-
nérales et .thermales , elles sont très-nom-
I breuses; celles de Bade ont une renommée
i européenne et sont les plus fréquentées de
l'Allemagne. L'industrie agricole constitue la
f principale richesse de l'Etat; elle est beau-
1 coup plus avancée que l'industrie manufac-
, turière, qui n'embrasse guère que les tissus de
coton ou do laine, les toiles, la préparation du
tabac, la quincaillerie, l'horlogerie et la pa-
peterie; mais les habitants ont, pour ainsi
dire, le monopole de la vente et de la fabri-
cation des fameuses eaux-de-vie de cerises et
1 de prunes, connues sous le nom de kirschmas-
ser de la forêt Noire.
Le gouvernement du grand-duché de Bade
est une monarchie constitutionnelle, hérédi-
taire dans la ligne masculine. Les états se di-
visent en deux chambres. La population est en
majorité catholique; il y a un archevêché h Fri-
bourg. L'instruction publique, très-soignée, y
possède, indépendamment des deux fameuses
universités de Heidelberg et de Fribourg, des
écoles polytechniques, des lycées, des gym-
nases et d'autres établissements d'enseigne-
ment très-nombreux ; chaque village a au
moins une école primaire, dont la fréquenta-
tion est obligatoire pour tous les enfants. Les
revenus de l'Etat sont de 35 millions do
francs ; la dette publique s'élève à 204 mil-
lions. L'armée est de 1C,567 hommes ; le con-
tingent fédéral est de 10,000 hommes. Le
grand-duché de Bade occupe le septième rang
dans la Confédération germanique , et a une
voix dans les assemblées ordinaires de la Diète
et trois voix dans les assemblées plénières.
Le souverain, autrefois margrave, porte, de-
puis 1800, le titre de grand-duc, que lui donna
Napoléon en agrandissant ses possessions.
Le pays de Bade, d'abord habité par les
Alémans, ensuite subjugué parles Francs, eut
des ducs particuliers sous Charlemagne et ses
successeurs. Après la dissolution du duché
d'Alémanie, les fils du dernier duc Godefroy
ne furent plus que de simples comtes de la
Baar et du Brisgau. Au xe siècle, le comte
Bertold I" fit bâtir le château de Zœhringen,
dans le Brisgau, érigea son comté en margra-
viat, et fut la tige de la dynastie actuelle de
Bade. Ce margraviat, dont les limites étaient
fort différentes de celles du grand-duché ac-
tuel, eut longtemps pour chef-lieu la ville de
Bade. Les margraves prirent part aux nom-
breuses querelles de l'Empire germanique et
aux guerres continuelles des empereurs d'Al-
lemagne en Italie ; un d'entre eux, Frédéric,
fils de Herman IV, fut décapité à Naples en'
1268, avec Conradin de Souabe. Pendant trois
siècles , l'histoire de Bade n'offre que des
échanges et des partages entre des cohéri-
tiers. En 1527, à la mort de Murgrest-Chris-
tophe, qui avait réuni pendant quelque temps
toutes les possessions de sa famille, le mar-
graviat fut encore partagé ; ce fut là. l'origine
des lignes de Bade-Bade et Bade-Durlach. En
1771, la branche de Bade-Bade s'éteignit, et
se3 possessions furent réunies à celles de
Bade-Durlach. Le margrave Charles-Frédé-
ric, qui avait perdu, pendant la Révolution
I française, ses possessions sur la rive gauche
i du Rhin, prit le titre de prince-électeur en
1S03, et fut amplement dédommagé par Napo-
I léon Ier, qui lui conféra le titre de grand-duc
BAD
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souverain. Après le congrès de Vienne, le
grand-duc Charles-Louis -Frédéric, pressé par
les vœux de la population et les exigences
territoriales de la Bavière, se vit obligé de
j donner une constitution établissant le système
i représentatif et l'indivisibilité du pays (181S).
Mais, le gouvernement appliquant la consti-
tution avec peu de loyauté , l'histoire du
I grand-duché est signalée, à partir de 1S20,
j par des conflits continuels entre les chambres
i et le potivoiri Le ministère Blittersdorf, siir-
; tout, poussa si loin la corruption et la démora-
lisation politique du pays, qu'après la révolu-
tion de 1818, malgré toutes les concessions
faites par le gouvernement, le duché, vit écla-
ter deux insurrections (avril 1848 et mai 1849).
La première fut bientôt réprimée ; mais la se-
conde mit en fuite le grand-duc Léopold, in-
stitua un gouvernement provisoire, sous la
F résidence de Brentano, et rendit nécessaire
intervention armée de la Prusse, -qui ramena
le grand-duc et occupa le pays jusqu'en 1550.
Deux ans après, Léopold mourut, laissant la
couronne grand-ducale à son fils aîné Louis II;
mais celui-ci, atteintd'une maladie de la moelle
épinière , renonça au pouvoir peu de temps
après en faveur de son frère Frédéric, duc de
Zœhringen, actuellement régnant.
BADE (Baden-Baden en allemand), ville du
grand-duché de Bade, cercle du Rhin-Moyen,
à 30 ltil. S.-O. de Carlsruhe, à 4 kil. du Rhin
et a 32 kil. N.-E. de Strasbourg; 8,000 hab.
L'heureuse situation de cette ville à l'entrée
d'une des plus belles vallées de la foret
Noire, sur le ruisseau appelé Oosbach ; ses
eaux thermales, à la fois diurétiques, laxati-
ves et toniques, dont la température varie do
08° à 40° centigrades; ses promenades ravis-
santes ; les sites pittoresques de ses environs,
en font un séjour visité annuellement par
00,000 malades ou touristes. La Maison do
Conversation, la Trinkhalle, le Nouveau-Châ-
teau, dont "la terrasse est ornée de la vieille
tour de Dagobert; le Vieux-Château, dont les
ruines fameuses remontent au me siècle ; les
RocherSj'imposante masse de porphyre sillon-
née de crevasses profondes ; le Mercure, etc. ,
telles sont les principales curiosités que ren-
ferme cette petite ville, connue déjà, du temps
des Romains, sous le nom de CivitasAquensis,
etqui fut longtemps la résidence des margraves
de Bade. Il Bade, Aqum Pannonicœ, petite ville
de la basse Autriche; 2,800 hab.; à 27 ltil.
S.-S.-O. de Vienne, connue par ses eaux ther-
males sulfureuses et magnésiennes, qui émer-
gent par treize sources d'un terrain a. calcai-
res stratifiés, présentant des schistes, des
pyrites et de la houille. Il Bade, petite ville do
la Suisse, cant. d'Argovie, également renom-
mée par ses eaux thermales. De 1420 h 1711,
elle fut le siège de la Diète fédérale, et, en
1714, le prince Eugène de Savoie et le maré-
chal de Villars y signèrent la paix entre la
France et l'Empire,
BADE (maison de), famille princière d'Alle-
magne, qui se divisa en plusieurs branches et
dont les principaux membres furent : Heu-
mann If, premier margrave de Bade, mort en
1130; — Hermann VI, qui devint duc d'Au-
triche vers 124S; — .son fils, Frédéric 1er,
frustré de son héritage, accompagna Conra-
din dans son expédition de Naples , et fut
vaincu et décapité avec lui dans cette ville
en 1268; — Bernard I" (1372-1431) passa sa
vie entière en guerres contre le due d'Autri-
che et les villes libres de l'Allemagne ; —
Jacques 1er, fils du précédent, mérita, par sa
sagesse et sa justice, le surnom de Salamon;
il mourut en 1453; — Christophe 1er (1475-
1529) , capitaine habile , qui aida l'archiduc
Maximilien dans sa guerre contre Louis XI ;
— Charles II, qui introduisit la réforme dans
ses Etats (1553-1555) ; — Georges-Frédéric,
qui joua un rôle brillant dans les premières
années de la guerre de Trente-Ans, et qui fut
ensuite vaincu par Tilly à la bataille de "Wimp-
fen; il mourut à Strasbourg en 1627; — Louis-
Guillaume, né en 1655, filleul de Louis XIV,
servit dans les armées impériales, sous les
ordres de Montécuculli, et fut l'un des plus
grands capitaines de l'Allemagne ; il remporta
sur les Turcs les victoires de Nissa (1GS9) et
de Salankemen (1691), mais il fut battu par
Villars à Friedlingen en 1702, et mourut en
1707; — Charles-Guillaume, fondateur de la
ville de Carlsruhe (1715) ; — Charles-Fré-
déric, qui réunit les domaines de la branche
de Bade-Bade à ceux de la branche de Bade-
Durlach (1771), et qui fut plusieurs fois battu
par Moreau sur le Rhin. Il se rapprocha alors
de la France, et, loin de protester contre l'en-
lèvement du duc d'Enghien, arrêté sur son
territoire, il chassa tous les émigrés. Napo-
léon le récompensa en agrandissant ses Etats,
en le nommant grand-duc en 1806, et en accor-'
dant à son petit-fils, Charles-Louis-Frédéric,
la main de sa fille adoptive, Stéphanie Taschcr
de la Pagerie. Charles-Frédéric mourut en
1811, âgé de quatre-vingt-trois ans. Il régnait
depuis 173S. On l'avait surnommé le Nestor
des souverains; — Charles-Louis-Frédéric,
petit-fils du précédent, né en 17S6, mort en
1818. Il épousa Stéphanie Tascher de la Pa-
ierie, cousine de l'impératrice Joséphine et
tille adoptive de Napoléon, servit avec dis-
tinction dans les armées françaises, succéda
à son grand-père en 1811, et demeura fidèle à
la fortune de Napoléon jusqu'en novembro
1813, époque où il fut contraint, pour la sécu-
rité de ses Etats, de se réunir aux alliés, qui
lui confirmèrent d'ailleurs son titre de grand-
40
BAD
die et ses agrandissements de territoire. Il ne
laissa que trois filles, et eut pour successeur
son oncle , Louis-Auguste-Guillaume , dont
l'article suit; — Louis- Auguste-Guillaume,
grand-duc de Bade, flls de Charles-Frédéric et
oncle du précédent, né en 1763. Il servit dans
l'aimée prussienne jusqu'en 1795, fut ensuite
ministre de la guerre du grand-duché , et
succéda a. son neveu Chailes-Louis-Frédéric
en 1818. Il prorogea à plusieurs reprises ses
chambres représentatives, gouverna d'ailleurs
avec modération, et mourut en 1830. 11 n'avait
jamais été marié, et ses Etats passèrent à son
frère consanguin, Léopold-, — Léopold I",
grand-duc de Bade, était issu d'un mariage
morganatique de Charles-Frédéric, et était
par conséquent frère consanguin du précé-
dent, auquel il succéda en 1830. Il appliqua
d'abord avec sincérité le régime constitution-
nel, promis, mais éludé par ses prédécesseurs.
Des conflits de pouvoir amenèrent bientôt des
mesures rétrogrades , et le gouvernement ,
combattu par les libéraux, luttait contre l'im-
popularité, état de choses qui se prolongea
sans événement jusqu'en 1848. Le contre-coup
de la révolution française détermina de gra-
ves désordres dans le grand-duché de Bade,
où une insurrection éclata enfin, en mai 1840.
Léopold abandonna ses Etats, où il put ren-
trer le mois suivant, grâce à une intervention
armée des Prussiens, qui occupèrent le pays
jusqu'en 1850. Il y eut de sanglantes exécu-
tions ; mais le gouvernement badois entra
ensuite dans une politique plus conciliante et
plus modérée. Léopold mourut en 1852; —
son fils aîné, Louis, que son état physique et
intellectuel rendait inhabile à régner, ne garda
le pouvoir que quelques jours ; — son second
fils, Frédékic-Guillaume-Louis, fut chargé
du gouvernement avec le titre de régent. En
1853 , il faillit être victime d'une tentative
d'assassinat. Trois ans plus tard , il prit le
titre de grand-duc. De graves conflits avec le
pouvoir ecclésiastique amenèrent, en 1855,1e
bannissement des jésuites.
BADÉ s. m. (ba-dô — bas lat. badare, bâil-
ler). "Véncr. Instant où l'on attend, ou l'on
c^pie la bote, il V. mot.
BADÉ s. m. (ba-dé). Ichthyol. Nom indi-
gène d'un poisson plat, du genre pleuronecte,
qui vit dans l'océan Pacifique.
BADELAIRE s. m. (ba-de-lè-re). Art milit.
Nom donné autrefois à un sabre droit dont
la lame, courte et à deux tranchants, était
recourbée et élargie à la pointe : A ces mots,
le maire de Londres tira un grand badel-avre
qu'il portait, et frappa ledit Tillier, (Frois-
sart.) il On l'appelait aussi Baudelaire.
— Blas. Figure . représentant la même
arme. Famille Morel de Gourcy : d'or, au
chevron d'azur chargé de deux badelaires
affrontés d'argent, et accompagné en pointe
d'une fleur de lis de gueules.
BADEN, commune du dép. du Morbihan,
arrond. de Vannes ; pop. aggl. 255 hab. — pop.
tôt. 2,G75 hab.
BADEN (van), peintre hollandais, florissait
pendant la première moitié du xvite siècle. On
ne possède pas de renseignements sur la bio-
graphie de ce maître. Il a peint des vues archi-
tecturales. Sa manière, au dire de M. Bùrger,
a de l'analogie avec celle de van Delen et de
Palamedes. A la vente van Cleef (18G4) figu-
rait un Intérieur de palais signé H.-G-. van
Baden (1637).-
BADEN (Jacques), philologue danois, né
en 1735, mort en 1804. Il fut recteur et pro^
fesseur d'éloquence à Altona, et membre de
l'académie des belles-lettres de Copenhague.
Il a traduit en danois Xénophon, Tacite, Quin-
tilien , Horace, etc., et donné beaucoup de
travaux de philologie et d'érudition.
BADEN (Gustave-Louis), jurisconsulte et
historien danois, né à Altona en 1764. Il a
donné beaucoup d'écrits, dont les plus impor-
tants sont les suivants : Histoire au royaume
de Danemark (1797) ; Manuel d'histoire du
royaume de Norvège (1804) ; Essai sur la juri-
diction norvégienne et danoise (1814); Biblio-
thèque historique danoise (1815), etc.
BADEN-BADEN , nom allemand de la ville
de Bade.
BADENIER (Alexandre-Louis) , architecte,
aquarelliste et lithographe français contem-
porain, né à Paris en 1793; élève de MM. Vi-
gnon et Huvé. Il a exposé, au Salon de 1833 :
rue perspective de l'intérieur de l'église de la
Madeleine (aquarelle); en 1834, Vue perspec-
tive de la fontaine du marché des Innocents
(aquarelle); en 1835, Vue perspective du grand
escalier du Louvre (aquarelle); en 1838, Vue
perspective de l'intérieur de Saint- Eustache ;
en 1844, 1845, 1846 et 1847, des Etudes (des-
sins et lithographies) sur la réunion du Lou-
vre aux Tuileries. Sous le règne de Louis-
Philippe , M. Badenier était architecte du
domaine privé de la famille d'Orléans.
BADENOCII, district de l'Ecosse dans le
comté d'Inverness, très-montagneux, arrosé
fiar la Spey, couvert de vastes forêts et de
acs nombreux et poissonneux ; vestiges d'un
camp romain.
BADENS (François), peintre, né à Anvers
en 1571, mort en 1604. Il a cultivé tous les
genres, mais il a particulièrement réussi dans
le genre flamand par excellence , les fêtes
champêtres, les scènes familières. Il so dis-
BAD
tinguait surtout par la finesse de la touche et
la richesse tlu coloris.
Son frère, Jean Badens, mort en 1603, était
un bon peintre de portraits.
BADENWEILER, village du grand-duché de
Bade, cercle du Haut-Rhin, à 25 kil. S.-O. de
Fribourg; 2,000 hab. Sources .thermales et
bains fréquentés. Thermes romains dédiés à
Diane Abnoba; mines d'argent et de plomb,
forges.
bâder s. m. (bâ-dèr). Chez les Persans,
le vingt-neuvième jour de la lune, qui est ■
aussi le vingt-neuvième du mois.
bader v. n. ou intr. (ba-dé — rad. bade).
Ouvrir le bec. Se dit des petits oiseaux.
BADERNE s. f. (ba-dèr-ne — de l'angl.
bad, mauvais; yarn, fil). Mar. Grosso tresse
faite avec des torons et du fil de caret tiré
de vieux tronçons de câble, que l'on cloue
sur le pont pour empêcher les ballots et les
bestiaux de glisser dans les mouvements du
roulis, n Tresse plate en fil de caret, dont on
couvre les parties qu'on veut préserver de
reflet du frottement.
— Par ext. Toute chose vieille, hors do
service. Il Se dit même, par mépris, d'un in-
dividu que son âge ou sa santé met hors
d'état de rendre des services : Vieille ba-
derne, va!
— Adj. Qualification que donnent les ma-
rins aux personnes qu'ils regardent comme
inutiles : Ce n'est pas plus une raison que vous
soyez baderne comme un épicier , parce que
vous avez la main emportée d'un coup de feu
militaire, que ce n'est une raison pour l'épicier
de se croire canonnier parce qu'il a eu une patte
abîmée en faisant son chocolat. (E. Sue.)
BADESSA (Paul), poëte italien, né à Mes-
sine, florissait vers 1560. Il a publié une tra-
duction des cinq premiers livres de Y Iliade,
en vers libres, scû>W(Padoue, 1564). D'autres
traductions dont il est l'auteur sont restées
inédites. '
BADESTAMIEN s. m. (ba-dè-sta-mi-ain —
de bas d'estame). Comm. Fabricant ou mar-
chand de bas d'estame.
BADET, chaîne de montagnes de l'Afrique
occidentale , dans la Sénégambie , État de
Fouta-Dyalo ; la Gambie et le Rie-Grande y
prennent leurs sources.
BADGER s. m. (ba-djèr). Mamm. Nom vul-
gaire du blaireau.
BADHAMU s. m. (ba-da-mu). Bot. Espèce
de millet de Ceylan.
BADI s. m. (ba-di). Petit poignard des
Javanais.
,BADI EZZÉMAN, d'autres disent BADI EL-
ZÉIHAN ou BÉDI EZZÉMAN, nom propre arabe
qui signifie la merveille du. temps, et oui a été
porté par plusieurs personnages célèbres à
divers titres : Bédi ezzéman aboul fadhi,
AHMED BEN HOUSSEÏN EL-HAMADAN1, poëte
arabe, né a.Hamadan, et mort à Hérat l'an
398 de l'hégire et 1007 de notre ère. Il a com-
posé un recueil de mékamât (séances), mor-
ceaux assez courts, écrits avec une recherche
et une science lexicologique très-grandes. Ce
sont ces mékainât qui ont inspiré celles de
Hariri. Bédi ezzeman dit qu'il avait composé
quatre cents de ces mékamat, dont pas une ne
ressemblait à l'autre, soit pour la forme, soit
pour la pensée. Il les met dans la bouche d'un
conteur du nom de Isa ben Hescham, et elles
roulent généralement sur les aventures d'un
certain Aboul Fadj Eliskanderi. Il existe en
manuscrit, à la Bibliothèque impériale, un
choix des mékamat et autres œuvres de Bédi
ezzéman. Silvestre de Sacy en a donné plu-
sieurs fragments dans sa Chrestomathie arabe.
D'après Ibn Khallecan, Bédi ezzéman serait
mort empoisonné; selon d'autres, il aurait été
enterré, plongé dans un sommeil léthargique,
puis déterré, et n'aurait pas longtemps sur-
vécu à cet accident. — Bédi ezzéman ben
iiousseîn mirza, prince qui -régnait dans le
Khorassan au x» siècle de l'hégire et descen-
dait de Timour. Attaqué et battu par le sultan
des Usbecks, Schaibek ou Schah bakhtKhan,
il fut forcé d'abandonner ses Etats et de s'en-
fuir à Kandalaar, d'où il fit encore quelques
efforts inutiles pour reconquérir son trône.
Schaibek Khan s'empara du Khorassan et de
Kharism, et Bédi ezzéman dut aller chercher
un refuge auprès d'Ismael Sefi, prince de
l'Irak, qui lui assigna pour résidence la ville
de Tébriz et le traita généreusement. Ismatïl
battit à son tour Schaibek Khan, le tua et
s'empara des Etats qu'il avait conquis ; mais
il ne rendit pas à Bédi ezzéman son ancien
royaume. L'an 920 de l'hégire, le sultan turc
Sélim enleva d'assaut la ville de Tébriz , et
emmena avec lui à Constantinople Bédi ez-
zéman, qui y mourut l'an 923 de 1 hégire, 1517
de notre ère. Bédi ezzéman était poëte, comme
la plupart des princes musulmans, ses contem-
porains, Schaibek Khan, Ismaël Sefi, sultan
Babour dans les Indes, sultan Sélim 1er. Sam
Mirza le range parmi les poètes persans.
BADIA (Thomas), dominicain et cardinal, né
à Modène vers 1483, mort en 1547. Il fut dé-
puté par Paul III au colloque de Worms (15-10)
et y déploya le plus grand zèle pour l'ortho-
doxie. Il a eu part, dit-on, à la rédaction du
Consilium delectorum cardinalium et aliorum
prœlatorum de emendanda Ecclesia, S. D. N. D.
Paulo III ipso jubente conscriptum et exhibi-
tum (Rome, 153S). Sa lettre au cardinal Con-
BAD
tarini sur le. colloque de Worms a été insé-
rée dans les Epistolœ selectœ du cardinal
Polus.
BADIA (Charles-François), prédicateur ita-
lien, né à Ancône en 1675, mort en 1751. 11
! prêcha dans toute l'Italie avec le plus grand
; éclat, pendant trente-huit ans, et fut comblé
, de distinctions par les princes et par les cités.
Toujours souffrant et maladif, exténué do tra-
vaux, il vécut cependant jusqu'à un âge assez
! avancé. A ses derniers moments, comme on
.: lui faisait espérer que le printemps le rétabli-
rait, il répondit avec une gaieté douce et mé-
lancolique : « Je n'ai pas le tourment de l'es-
pérance. » Outre quelques traités ascétiques,
il a laissé un grand nombre de sermons, dont
une partie seulement a été imprimée (Tu-
rin, 1749).
BADIA (Charles-Augustin), compositeur ita-
lien, vivait à Vienne dans la première moitié
du xvme siècle, et était maître de chapelle do
l'empereur Léopold I". Il a composé un cer-
tain nombre d'opéras italiens, des cantates,
des oratorios et divers autres morceaux,
BADIA (Louis), compositeur italien, né dans
le royaume de Naples en 1822, fit représen-
ter à Bologne, Florence et Trieste, des opéras
qui n'eurent aucun succès.
BADIA Y I.EI1I.IC1I, aventurier espagnol,
né en Biscaye en 1766, mort à Damas en 1818.
Ayant résolu de visiter l'Asie et l'Afrique, il
apprit l'arabe, se fit circoncire et prit le nom
musulman d'Ali-Bey. Il fut secondé dans son
dessein par Godoï, prince de la Paix, et sé-
journa successivement à Fez, Maroc, Tripoli,
'dans- l'Ile de Chypre, en Egypte, à La Mecque,
principal but de son voyage, a. Jérusalem, à
Damas et à Constantinople. Rentré en Es-
pagne lors de l'abdication de Charles IV, il
se mit au service de Joseph Bonaparte. Lors
de l'expulsion des Français, il se réfugia en
France, puis entreprit un dernier voj'age en
Orient. Devenu suspect aux musulmans , il
mourut subitement à Alep ; d'autres disent à
Damas. On a supposé qu il avait été empoi-
sonné. Il a publié une relation de ses voyages
qui offre le plus vif intérêt.
BADIA (abbatia), ville des Etats autrichiens
(Vénétie); dans la délégation et a 25 kil. O.
de Rovigo, sur l'Adige ; 4,000 hab. Commerce
de grains, soies, cuirs, faïence.
BAD1A-CALAVENA, bourg des Etats autri-
chiens (Vénétie), dans la délégation et à 17 k.
N.-E. de Vérone; 2,000 hab. Exploitation de
marbres. Il Badia-San-Salv adore, gros bourg
du royaume d'Italie (Toscane); à 65 kil. S.-E.
de Sienne; 2,877 hab. Autrefois riche abbaye,
supprimée en 1782.
BAD1ALE (Alexandre), habile graveur ita-
lien, né à Bologne, mort vers 1628, ou, sui-
vant d'autres, vers 1643. On cite, parmi ses
plus belles pièces, une Descente de Croix et
une Sainte Famille, d'après son maître Fla-
minio Torre, et une Vierge à l'Enfant, d'après
Cignani.
BADIALI (Cesare), chanteur italien qui avait
une belle voix de basse. Il débuta à Trieste en
1827, brilla sur les principales scènes de l'Ita-
lie, puis sur les théâtres de Madrid, Lisbonne
et Vienne. Dans cette dernière ville, en 1842,
il reçut le titre de premier chanteur de la cham-
bre impériale. De retour en Italie, il se fit enten-
dre encore jusqu'en 1845 dans les plus importan-
tes localités ; puis se rendit en Angleterre et
en Russie. Nous manquons de renseignements
sur cette partie de sa carrière théâtrale. En
1862-1863, Badiali fut engagé au Théâtre-Ita-
lien de Paris, y débuta dans le rôle de Figaro
A' Il Barbiere, et étonna les dilettanti par
l'agilité et la parfaite conservation de sa voix.
Pendant cette saison, il remplit, à la satisfac-
tion générale, les rôles de son emploi, notam-
ment ceux de Figaro de Don Giovanni et
d'Henri VIII dans Anna Bolena. Au moment
où nous écrivons (août 1865), Badiali est en
Italie et a eu l'homieurde chanter, à Florence,
la cantate composée pour le jubilé en mémoire
de Dante.
BADIANE s. f. ou BADIAN s. m. (ba-di-a-
ne, ba-di-an — mot russe). Bot. Genre de
magnoliacées, dont une espèce de la Chine et
du Japon, connue sous lo nom à'anis étoile,
fournit les capsules avec lesquelles on par-
fume l'anisette de Bordeaux : Les Japonais
regardent la badiane comme une plante sa-
crée ; ils l'offrent à leurs idoles et en brûlent
l'écorce sur leurs autels. (Gouas.)
— Encycl. La badiane {illicium) est un
genre de la famille des magnoliacées, tribu
des illiciées, composé d'arbres toujours verts,
à écorce aromatique, à feuilles alternes par-
semées de points translucides, à fleurs pédon-
culées , solitaires et axillaires , exhalant en
général l'odeur de l'anis; calice à cinq ou six
sépales ; corolle composée d'un grand nombre
de pétales étroits disposés sur plusieurs rangs ;
étamines au nombre de vingt à trente, plus
courtes que la corolle, attachées sous l'ovaire
au torus;anthéres adnées à la face interne,
des filets ; ovaires, de six à dix-huit, disposés
en étoile, soudes par leur face interne et à
une Seule loge monosperme ; fruit composé
de six à douze carpelles, disposés circulaire-
ment et s'ouvrant a leur partie supérieure.
« La plupart des gourmets, dit M. Bory de
Saint-Vmcent, qui savourent, après le café,
l'excellente anisitte de Bordeaux, s'imaginent
1 que cette liqueur est composée avec cette se-
BAD
mence d'ombellifère vulgairement désignée
sous le nom (l'anis, et dont les bonbonniers do
Verdun ou de la rue des Lombards font un si
grand usage. Ce n'est point à cette graine que
ia bonne anisette doit le parfum qui la carac-
térise et une certaine saveur qui, bien loin
d'avoir le piquant propre à l'anis, ajoute quoi-
que chose do plus moelleux au sucre employé
par les distillateurs : ce parfum et cette su- '
veur sont dus à la badiane. •
Le bois et les fruits des badianes peuvent
avantageusement remplacer l'anis, car ils ont
un arôme plus- délicat et uno saveur moins
brûlante; mais, par contre, ils sont d'un prix
plus élevé. On les emploie en médecine, en
parfumerie et dans l'art du liquoriste. Le bois
sert pour l'ébénisterie , la tabletterie et lo
tour. On peut cultiver la plupart dos badianes
en pleine terre dans le midi de la France ;
mais, dans le nord, il faut les tenir, durant
l'hiver, en serre froide ou en orangerie. Elles
y fleurissent facilement, et leurs fruits y mû-
rissent même quelquefois. On les multiplie par
couchage ou par bouture. Les espèces, peu
nombreuses, sont toutes exotiques et habitent
la Chine, le Japon ou l'Amérique du Nord.
La badiane de Chine (ill. anisatum) est un
bel arbrisseau de 3 à 4 mètres, a feuilles obo-
vales, lancéolées; à fleurs jaunâtres, odo-
rantes, paraissant en avril ou en mai. Il ha-
bite l'Asie orientale et les Iles Philippines, où
il croît dans les lieux humides. Il est depuis
longtemps cultivé dans tous les jardins, en
Chine et au Japon. Ses graines, ainsi que leur
enveloppe, ont une saveur sucrée, très-aro-
matique, piquante, un peu acre et acidulé,
très-chaude, tenant lo milieu entre celles du
fenouil et de l'anis. On les connaît sous le
nom A'anis étoile. La médecine les emploie
comme toniques et stimulantes. Les Chinois
en mâchent après le repas, tant pour parfu-
mer l'haleine que pour rendre la digestion plus
facile. Ils les mêlent à l'infusion du ginseng
pour relever les forces épuisées. On les em-
ploie aux mêmes usages que l'anis. Plusieurs
médecins les ont préconisées contre les em-
barras gastriques, les flatulences, Içdcliriunt
tremens des buveurs, l'hypocondrie, etc. Lo
bois, appelé bois d'anis, ainsi que l'écorce,
possède des propriétés analogues. A ses
usages médicaux, la badiane joint des appli-
cations économiques. En Asie et en Hollande,
on mêle souvent ses graines au thé et au café
pour les parfumer. On s'en sert aussi pour
aromatiser les sorbets. On en retire une li-
queur spiritueuse appelée arack des Indes.
Chez nous, elles forment la base de Vanisetto
de Bordeaux et du ratafia de Bologne. Enfin,
elles entrent dans la composition d'un condi-
ment appelé soya.
La badiane sacrée (ill. religiosum) s'élèvo
à la hauteur de nos cerisiers; fleurs vert jau-
nâtre, inodores ; fruits très-odorants, disposés
en bouquets de trois ou quatre, aux aisselles
des feuilles. Cette espèce, que plusieurs au- ■
teurs considèrent comme une simple variété
de la précédente, croit dans les mêmes ré-
gions. Elle est plus délicate que ses congénè-
res. En France, on la cultive de préférenco
en serre tempérée" ou en orangerie bien éclai-
rée. La badiane sacrée est en grande vénéra-
tion chez les Chinois et les Japonais, qui la
plantent autour des pagodes et des tombeaux,
associée aux camellias et aux eleyères.
La badiane rouge est un arbrisseau do
1 m. 30 cent, à 1 m. 60 cent., à feuilles lan-
céolées, pointues ; à fleurs nombreuses d'un
rouge brun ; à fruits étoiles. Elle croit dans
les lieux marécageux et au bord des ruisseaux
de la Floride. En Europe, on la cultive en
terre de bruyère. Toutes ses parties sont très-
aromatiques ; son écorce a, en outre, une sa-
veur amère qui lui donne des propriétés
spéciales. On la regarde comme propre à
remplacer le sassafras et là cascarilfe.
La badiane à petites fleurs [ill. parviflorum
de Michaux) est également indigène de la
Floride. Elle est semblable à la badiane rouge ;
mais sa taille est moins élevée ; ses fleurs, d'un
jaune pâle, sont plus petites et encore plus
odorantes; elle est aussi plus facile à cultiver
et se conserve mieux dans nos jardins.
BAD1AT-AL-DJ1NN, contrée célèbre dans
la mythologie musulmane; c'est proprement
le désert des génies. S'il faut en croire les tra^
ditions dérivées probablement des légendes
rabbiniques, c'est là que Dieu relégua les gé-
nies après leur avoir ôté le gouvernement de
l'univers pour le donner à Adam et et à ses fils.
Ce pays doit être placé dans la zone fabuleuse
où toutes les superstitions anciennes ont créé
des contrées imaginaires. Plusieurs auteurs
arabes placent le Badiat-al-djinn à l'extrémité
occidentale de l'Afrique, là ou les anciens fai-
saient habiter leurs gorgones, leurs méduses,
leurs lamies, leurs empuses, etc. Les Persans
donnent à ce pays fantastique le nom de Djin-
nistan, c'estrà-dire (royaume des djinns ou gé-
nies), ou de Badiat-Goldar (le désert des mons-
tres). Suivantles auteurs musulmans, cette con-
trée renfermait un grand nombre de villes mys-
térieuses, parmi lesquelles on cite Gabkar et la
célèbre Anbarabad (ville de l'ambre gris), si-
tuée dans l'île des Serpents et capitale du
prince Zeyn-az-Zaman (l'ornement du siècle).
Cette contrée et toutes les prétendues mer-
veilles qu'elle renferme ont largement défrayé
l'imagination des auteurs anonymes des Mille
et une Nuits, et leur ont donné à exploiter un
vaste domaine de fantastique. Une particula-
rité plus curieuse encore, c'est que le moyen
BAD
âge chrétien a également puisé a ce fonds com-
mun du merveilleux, et que, comme le fait
fort judicieusement remarquer d'Herbelot, le
pays de Féerie, dont nos vieux romans de che-
valerie, qui ont copié les Orientaux, font men-
tion, n est autre chose que le Djinnistan ou
Badiat-a l-djinn .
Badière s. f. (ba-diè-re). Techn. Table
d'ardoise épaisse et irrégulière, il Nom donné
en Savoie a des laves dont on se sert pour
couvrir les maisons.
— Genre de plantes de la famille des poly-
galées, comprenant un petit nombro d'espè-
ces, qui croissent dans les régions équato-
riales de l'Amérique. Il On dit aussi badier.
BADIGEON s. m. (ba-di-jon). Techn. Cou-
leur en détrempe, jaunâtre ou grise, dont on
peint les murailles : Badigeon blanc, jaune,
gris. Passer le badigeon sur une façade. Les
pièces de bois de la façade étaient dessinées
dans le badigeon par de petites lézardes pa-
rallèles. (Balz.) Le badigeon, qui enlève la
trace du temps, le niveau, qui fait disparaître
les vieilles assises de la vie humaine, sont les
ennemis naturels de toute poésie. (Renan.) il
Peinture en détrempe à l'aide de laquelle les
sculpteurs et les architectes donnent au plâ-
tre la couleur de la pierre, il Pâte avec la-
quelle on réparo les défauts et on remplit les
trous d'une sculpture ou d'un ouvrage do
menuiserie.
— Par ext. et abusiv. pinceau avec lequel
on badigeonne : Aussitôt, prenant un badi-
geon, il fit disparaître l'inscription commémo-
rative. (E. Sue.)
— Par plaisant. Couche de teinture ou
d'autre matière dont on couvre un objet ou
même un visage, pour le faire paraître plus
neuf ou plus frais : Les marchands de meubles
excellent à passer le badigeon sur les boiseries
vermoulues. Le temps est heureusement passé
où les femmes rajeunissaient leurs visages d'une
couche de badigeon.
— Encycl. Le badigeon ordinaire se fait avec
de la chaux éteinte, de la sciure ou des recou-
pes de pierres, de 1 ocre jaune et de l'alun, le
tout délavé dans une assez grande quantité
d'eau. Mais si cette peinture est peu coûteuse,
elle ne résiste pas longtemps aux atteintes de
la pluie ou des variations atmosphériques. En
remplaçant la chaux ordinaire par de la chaux
hydraulique, on obtient un badigeon qui offre
plus de résistance et qui est excellent pour les
murs exposés à l'air extérieur ; quand il s'agit
de3 murs intérieurs, l'eau dans laquelle on
fait éteindre la chaux doit être saturée de
chlorure de soude. Le badigeon Bachelier est
plus solide encore : il se compose de chaux
éteinte, dont on a enlevé l'eau autant que pos-
sible par un tamisage et qu'on a malaxée avec
un fromage bien frais. A la pâte molle qui en
résulte on ajoute ensuite du plâtre cuit et de
la céruse ; on broie le tout à la molette et l'on
délaye dans l'eau au moment même où le ba-
digeon doit être appliqué sur les murs. Tous
ces badigeons ont pour but la propreté et la
conservation des murs ; mais il y en a d'autres
qu'on applique sur certaines constructions
neuves, uniquement pour les mettre en har-
monie de ton avec les constructions plus an-
ciennes : on y fait entrer le plus souvent une
dissolution de brou de noix dans l'ammoniaque,
ou du chlorure de manganèse.
Tout propriétaire a le, droit de faire badi-
geonner la façade extérieure de sa propriété
quand elle est dans l'alignement ; dans le cas
contraire, il doit, auparavant, demander et
obtenir l'autorisation des magistrats munici-
paux. A Paris, le badigeonnage des maisons
situées sur la voie publique est obligatoire tous
les dix ans.
BADIGEONNAGE s. m. (ba-di-jo-na-je —
rad, badigeon). Techn. Action de badigeon-
ner; ouvrage de celui qui badigeonne : Badi-
geonnage grossier. Le badigeonnage, lui, se
contente d'être stupide. Jl n'est pas dévasta-
teur : il salit, il englue, il souille, il enfariné,
il tatoue, il ridiculise, il enlaidit; il ne détruit
pas. (V. Hugo.)
— Par ext. Badigeon : Sa charmante tou-
relle, déjà ensevelie sous l'ignoble badigeon-
nage gui empâte les vives arêtes de ses sculptu-
res, aura bientôt disparu peut-être. (V. Hugo.)
— Par plaisant. Matière dont on couvre un
objet pour en déguiser les défauts ; action
d'employer cette matière : Le badigeonnage
des vieux tableaux est un art des plus lucra-
tifs, n Fard et poudre que quelques femmes
mettent sur leur visage : Je ne hais pas le
badigeonnage lorsqu'il s'applique sur une
figure jeune, et qu'il n'est pas là pour dissimu-
ler les rides. (Th. Gaut.)
— Fig. Fausses apparences qui déguisent
la réalité : Les choses extérieures ne sont que
le badigeonnage de l'homme. (Alex. Dum.)
— Comme on le voit, la plupart de ces
acceptions sont synonymes de celles de ba-
digeon.
badigeonné, ÉE (ba-di-jc-né) part. pass.
du v. Badigeonner. Couvert de badigeon :
Mur badigeonné. Façade badigeonnée. Toute
l'église est badigeonnée en jaune, avec nervu-
res et clefs de voûte de couleur variable.
(V. Hugo.) La cathédrale de Lausanne est ba-
digeonnée en gris de papier à sucre. (V. Hugo.)
Quant à l'église, elle est badigeonnée en jaune
serin et en ventre de biche. (Th. Gaut.) En
approchant de la Seyne, on rencontre un grand
nombre de bastides badigeonnées de gris, de
ËAD
jaune paille, ou d'une couleur lilas. (Ad.
Meyer.) Les maisons, bâties en briques, n'ont
en général qu'un étage, et sont, pour la plu-
part, badigeonnées de rouge et couvertes de
dessins de toute sorte. (A. de Beauplan.)
BADIGEONNER v. a. ou tr. (ba-di-jo-né —
rad. badigeon). Peindre avec du badigeon,
couvrir de badigeon : Badigeonner une mai-
son, les murailles d'une salle. On a badigeonné
ou gratté le mur, et l'inscription a disparu.
(V. Hugo.) Les mutilations leur viennent de
toutes parts, du dedans comme du dehors : le
peintre les badigeonne, l'architecte les gratte,
puis le peuple survient, gui les démolit. (V.
Hugo.) n Reparer, remplir avec du badigeon
les trous d une sculpture, d'un ouvrage de
menuiserie.
— Par plaisant. Couvrir d'une couche de
matière destinée à déguiser des défauts : Ba-
digeonner un vieux meuble, il Couvrir de fard
ou de quelque poudre qui en tient lieu : Les
femmes qui badigeonnent leur visage vou-
' draient être belles, mais ne croient pas l'être.
I Se badigeonner, v. pr. Etre badigeonné :
' Les vieux murs ne peuvent se badigeonner
qu'après le grattage.
| — Par plaisant. Se farder : Elle se badi-
geonne pour cacher ses rides. Il Farder à soi :
Se badigeonner les joues, le visage.
BADIGEONNEUR s. m. (ba-di-jo-neur —
rad. badigeon). Celui dont le métier est de
badigeonner : Le badigeonneur est ordinai-
rement italien ou piémontais, et conserve sa
taciturnité et ses habitudes au milieu de la ca-
pitale. (P. Vinçard.) Plusieurs échafaudages
ont été inventés pour préserver les badigeon-
neurs et les peintres en bâtiment des dangers
qu'ils courent. (P. "Vinçard.)
— Par dénigr. Mauvais peintre : A quoi bon
avoir été comte de Nassau, pour être, deux
cents ans après sa mort, verni par des badi-
geonneurs français 1 (V. Hugo.)
— Fig. Personne qui, par des moyens fac-
tices, cherche à mettre en vigueur des choses
arriérées ou tombées en désuétude : Un ba-
digeonneur de vieilles constitutions.
BADIGOINCES s. f. pi. fba-di-goin-se).
Autref. Lèvres : S'en lécher les badigoinces.
— Pop. Jouer des badigoinces, Manger vi-
vement, n Vieux et inusité.
BADIGOlNCIERadj. ni. (ba-di-goin-sié —
rad. badigoinces). Qui joue des badigoinces,
qui est gros mangeur. Mot de Rabelais.
BADILË (Jean-Antoine), peintre italien, né
à Vérone en 1480, mort en 1560. 11 fut un des
premiers à abandonner la sécheresse de l'an-
cien style pour se rapprocher de la nature. Son
coloris est riche et Brillant. Il fut l'oncle et le
premier maître de Paul Véronèse. On cite,
parmi ses meilleures productions : Résurrec-
tion de Lazare ; la Vierge, l'Enfant Jésus et
saint Jean-Baptiste.
BADILLON s. m. (ba-di-llon; Il mll.).Mar.
Nom donné à de petites brochettes clouées de
distance en distance sur le gabarit d'un vais-
seau en construction, pour régler la largeur
des pièces de bois.
badin, INE adj. (ba-dain, i-ne — même
étym. que badaud). Léger, folâtre, qui aime
à rire, à plaisanter : Enfant badin, femme
badine., Mies, Zélie, soyez folâtre et bamne à
votre ordinaire. (La Bruy.)
Ce petit dieu badin
N'est jamais si malin
Que quand il n'y voit goutte.
Sedaine.
— Qui appartient, qui convient, qui est
propre aux personnes badines : Esprit badin.
Air, ton badin. Manières badines. L'âme du
singe fit tant de tours plaisants et badins, que
l'inflexible roi des enfers ne put s'empêcher de
rire. (Fée) Le ton de la conversation y est sa-
vant sans pédanterie, gai sans tumulte, poli
sans affectation, galant sans fadeur, badin
«ans équivoques. (J.-J. Rouss.) Jamais ses
yeux badins ne mirent ses rivaux de mauvaise
humeur. (B. de St-P.)
— Littér. Qui roule sur des sujets légers
ou qui leur convient : Genre badin. Style ba-
din. Vers badins. Epitre badine. Poème ba-
din. Poésie badine.
Ah! que j'aime ces vers badins.
Ces riens naïfs et pleins de grâce !
Voltaire.
— Particulièrem. Sot, niais, fou, en parlant
des personnes :
Moi, jaloux ! Dieu m'en garde, et d'être assez badin
Pour m'aller amaigrir avec un tel chagrin!
Molière.
Il Ridicule, absurde, en parlant des choses :
11 nous vient ennuyer de ses contes badins.
Molière.
Il Ces deux sens ont vieilli.
— B.-arts. Chez les graveurs. Pointe ba-
dine, Main qui trace les traits légèrement,
adroitement et avec un caprice agréable : Cet
artiste a une pointe badine.
— Substantiv. Personne badine, qui aime
ou cherche à badiner .- Vous êtes un badin.
C'est chose ridicule qu'un vieux badin qui con-
fond tous les sujets dans un même badinage.
(J.-J. Rouss.) Je n'ai jamais vu de badin qui
ne fût un sot. (Swift.)
Sus, badin, levez-vous! Si vous tombiez dedans !
RÉONIER."
Fi donc, petit badin! Un peu de retenue.
EEGMAftD.
BAD
— Syn. Badin, folâtre. On est badin par le
discours quand on dit des choses légères, ma-
licieuses, pour s'amuser et amuser les autres.
On est folâtre par les actions, par les maniè-
res, quand on fait en jouant de petites folies,
des niches innocentes, toujours dans le seul
but de s'amuser.
— Antonymes. Grave, sérieux.
. BADIN ( Pierre- Adolphe ) , peintre français
contemporain, a débuté en exposant au Salon
de 1833 un Mendiant s'abritant contre l'orage.
Il a envoyé aux expositions des années sui-
vantes des portraits, des tableaux de genre et
des tableaux d'histoire, parmi lesquels nous
citerons : le Médecin de campagne, qui lui a
valu une médaille de 3° classe, en 1839; Saint
Germain, êvèque d'Auxerre, et Eoarix, roi des
Alains (Salon de 1844), commande du minis-
tère de l'intérieur; la Défense de Saint-Jean-
de Losne contre les Espagnols, en 1636 (Salon
de 1847), commande du ministère de l'intérieur ;
la Prédication de saint Dominique (Salon de
1848). M. Badin n'a rien exposé depuis ce
dernier ouvrage. Il a été décoré en 1849.
BADINAGE s. m. (ba-di-na-je — rad.
badin). Plaisanterie; action ou propos de
badin, toute chose faite, dite ou écrite d'une
manière badine, gaie, folâtre, enjouée : Char-
mant badinage. Toute sa conversation n'est
qu'un badinage. Elle a pris sérieusement et de
travers mon badinage. (Mme de Sév.) Bile ne
s'en fâcha pas, mais elle ne m' encouragea point
à passer du badinage au sérieux. (G. Sand.)
Quand l'abus de l'esprit est un badinage, ilplait;
quand il est sérieux, il déplaît. (Joubert.)
Ces gens de cabinet ont l'humeur si sauvage.
Qu'ils se choquent d'abord du moindre badinage.
Destouches.
Un peu moins de bon sens et plus de badinage!
Un nomme qui disserte est un homme à noyer.
La Chaussée.
. . Je ne me crois pas de charme imaginaire ,
Mais votre badinage, en son expression,
Avait vraiment un air de déclaration.
E. .Auoier.
Il Se dit, par euphémisme, d'actes ou de pa-
roles que l'on trouve désagréables et que l'on
veut faire cesser : Finissez; ce badinage me
déplaît. Voyons, point tant de badinage.
Cessons, s'il vous plaît; ce badinage n'est
point de mon goût. (Le Sage.)
Que de sottes façons et que de badinage !
' Molière.
Et que prétendez-vous avec ce badinage ?
Molière.
— Par anal. Ebats joyeux, folâtres : Les
nymphes, par d'innocents badinages, se jouaient
dans les forêts. (Pén.)
Célimene, prude et sage,
Haïssait tant les badins
Que te moindre badinage
Lui causait mille chagrins;
Moi, je badina avec elle,
Et loin de la chagriner. ,
J'ai si bien fait que la belle
Voudrait toujours badiner.
— Paroles d'amour, tendres agaceries des
amants : Se plaire aux badinages amoureux.
Une vieille viendra qui, faite au badinage...
La Fontaine.
Ils s'occupent tantôt d'un simple badinage
Qui des tendres amours est le charmant partage.
La Fontaine.
— Par ext. Style badin, léger, enjoué : Il
y a un badinage agréable dans les écrits de cet
auteur. (Acad.) jPous ces discours frivoles ne
sont qu'un badinage, un simple jeu d'esprit.
(Acad.) Plus je relis cette épître dédicatoire,
plus j'y trouve des vérités utiles, adoucies par
un badinage innocent. (Volt.)
Imitez de Marot l'élégant badinage.
Boileau.
Il En mauv. part. Ineptie, action ou parole
vaine et ridicule : Je laissai passer tout ce
badinage, oïl l'esprit de l'homme se joue de
l'esprit de Dieu. (Pasc.)
— Fam. Se dit d'un travail qu'on fait aisé-
ment et comme en se jouant : La solution de
ce problème ne sera pour lui qu'un badinage.
— Prendre , tourner une chose en badinage,
La prendre en plaisantant : La honte me fai-
sait tourner la chose en badinage. (G. Sand.)
— Chass. Manière toute particulière et
amusante de chasser le canard- sauvage : La
chasse au badinage est surtout usitée sur les
étangs de Bourgogne.
— Encycl. Chass. Les canards, comme beau-
coup d'autres oiseaux d'eau, éprouvent une
grande antipathie pour le renard, et quand un
de ces quadrupèdes se présente à leur vue, ils
ne manquent jamais de venir jusqu'au bord de
l'eau pour le braver. Cette habitude, bien con-
nue des chasseurs, leur a fait imaginer une
manière de chasser les canards sauvages, con-
nue sous le nom de badinage, et dont un re-
nard bien dressé ou un chien semblable au
renard par sa taille, par sa forme, par la cou-
leur de son poil, est le principal ingrédient ;
souvent même on se sert d'un chien dont le
poil a été teint a'/ec de l'ocre ou de la terre de
Sienne. Quand on voit les canards réunis en
grand nombre sur l'eau, on lâche l'animal à
une petite distance du bord, et ce3 oiseaux, dès
qu'ils l'aperçoivent, ne'manquent pas de se por-
ter en foule de son côté ; alors les chasseurs,
qui ont pris position derrière une haie ou un
buisson placé d'une manière convenable, atten-
dent, pour tirer, le moment où les canards se
retournent pour s'éloigner tous ensemble, et
ils en tuent ou blessent un grand nombre. Le
ÊAD
4i
Heu où se placent les chasseurs doit toujours
être au-dessous du vent, afin que les cadavres
des victimes soient portés de leur côté par le
courant. A défaut de buisson naturel, on en
dresse souvent avec des branches garnies de
leurs feuilles, et alors on a soin d'en élever
plusieurs dans des situations différentes, afin
d'avoir toujours la faculté de choisir l'empla-
cement le plus favorable.
BADINANT s. m . (ba-di-nan — rad. badiner).
Cheval que l'on ajoute quelquefois à un atte-
lage : Cinq chevaux de charrette et un badi-
nant, b Ce mot a vieilli. y
— Autrefois.au parlement de Paris, Le neu-
vième conseiller d'une chambre, qui avait
pour fonctions de remplacer celui des huit
conseillers ordinaires qui venait à s'absenter.
C'était une allusion assez malhonnête au sens
précédent.
- badinant (ba-di-nan) part. prés, du v.
Badiner : Reprendre quelquun en badinant.
Il n'est pas bon d'apprendre la morale aux
enfants en badinant. (J. Joubert.)
Un jeune enfant dans l'eau se laissa choir,
En badinant sur les bords de la Seine.
La Fontaine.
BADINE s. f. (ba-di-ne — rad. badin). Ba-
guette fort mince et très-flexible : Badine à
battre les meubles, les habits, il Canne flexible
et légère : Badine d pomme d'argent. Il fit
siffler dans sa main nerveuse une petite sadike
de bambou. (Alex. Dum.) Pendant ce temps-là,
Lucien faisait sauter, avec sa badine à pomme
d'or incrustée de turquoises, les journaux dé-
ployés. (Alex. Dum.) Franck froissé fit siffler
sa badine à diverses reprises, en l'agitant aux
oreilles de l'homme au manteau. (Ars. Houss.)
— PI. Sorte de petites pincettes pour le
feu : Le lendemain, mademoiselle m'a donné un
très-joli soufflet, et cette paire de badines avec
lesquelles vous me voyez tisonnant. (Balz.)
BADINÉ, ÉE (ba-di-né) part. pass. de
Badiner. Raillé : Il fut badiné de tout le
monde. Elle a été badinée à son tour. (Trév.)
Il Peu usité, le verbe badiner étant rarement
employé à l'actif et par conséquent au passif.
BADINEMENT s. m. (ba-di-nc-man). Syn.
inus. de badinage. Molière a mis ce mot dans
la bouche d'un baragouineur : « Vous n'avez que
faire de vouloir voir ce que je porte. — Et moi,
je le fouloir foir, moil — Votts ne le verrez
point. — Ahl que de badinement.e 1 »
BADinément adv. (ba-di-né-man — rad.
badin). D'une façon badine, folâtre; il Sotte-
ment , ridiculement, li Vieux dans les deux
sens.
BADINER v. n. ou intr. (ba-di-né — rad.
badin). Folâtrer, faire le badin, s'amusera
des badinages : Laissez badiner ces enfants,
c'est de leur âge. Çà, qu'on ne s'amuse pas à
badiner. (Mot.)
La jeunesse toujours eut des droits sur les belles;
L'amour est un enfant qui badine avec elles.
HEONARD.
Il Plaisanter : Ecrivons-nous souvent et badi-
nons toujours. (Bussy-Rab.) J'ai eu tort de
badiner sur M. d'Oldenbourg. (Mme de Sév.)
La véritable grandeur s'abandonne quelque-
fois, elle rit, joue et badine, mais avec dignité.
( La Bruy. ) La maladie de nos jours est de
badiner de tout. (Vauven.) Il faut que je
m' égayé et que je badine, pour me sauver du
sérieux qui me menace. (Duch. du Maino.) Ne
badinons pas sur la mort; nous ne la connais-
sons pas. (Mm« Necker.) Il ne faut pas badi-
ner avec la médiocrité. (E. About.)
Cesse de badiner, la chose est résolue.
DESTOUCIIES.
— Par ext. Parler ou écrire avec une sorte
de légèreté et d'enjouement : Il badine agréa-
blement dans ses lettres, dans sa conversation.
Pour badiner avec grâce, il faut trop de ma-
nières, trop depolitesse et même trop de fécon-
dité. (La Bruy.) Les gens qui n'ont étudié que
le monde savent ordinairement l'art de badiner
avec esprit, et de railler finement dans tes con-
versations enjouées. (Bouhours.)
Ce n'est pas quelquefois qu'une Muse un peu fine
Sur un mot en passant ne joue et ne badina...
Boileau.
Il Traiter en plaisantant , ne pas prendre au
sérieux : La verve de Montaigne est naïve,
familière, plaisante, enjouée, et pour ainsi dire
folâtre ; elle suit ce qui la charme , et badine
négligemment des accidents bons ou mauvais.
(Pasc.)
— Particulièrem.- Flotter, se mouvoir à la
manière de ceux qui folâtrent, en parlant d'un
ajustement : Cette dentelle ne doit pas être si
tendue.il faut qu'elle badine un peu. (Acad.)
Elles s enveloppent levisage de vieilles dentelles
qui ne veulent plus badiner le long des joues.
(Balz.)
— Poétiq. Se jouer, s'agiter vivement :
Mais du vent qui s'élève un souffle inaperçu
Badine avec ma voile et l'enfle a mon insu.
Lamartine.
— Badiner avec, Agiter, remuer en divers
sens et par passe-temps : Badiner avec son
mouchoir. Badiner avec sa moustache. Celui-ci
badinait avec unecanne délicieusement montée.
(Balz.) Il User légèrement ou sans précaution
de : Ne laissez pas les enfants badiner avec
le feu. Je rapporte ceci pour une leçon qui doit
apprendre à ne jamais badiner avec les armes.
(St-Sim.) J'ai toujours ouï dire qu'il ne fallait
pas badiner avec les remèdes. (Brill.-Sav.) il
Se livrer étourdiment, mettre peu de sérieux
6
BAD
BAD
BAt)
BAE
dans : C'est jouer avec le feu que de badiner
avec la galanterie. (Boiste.) A quarante ans,
un homme sensé ne doit plus badiner avec la
vie. (Cowley.) Le disciple de Zenon a sans
cesse la lance en arrêt contre la volupté; celui
d'Epicure vit sous le même toit et badine avec
elle. (Dider.)
— Fam. Vous badinez, Vous voulfiz plai-
santer, yous ne parlez pas sérieusement ; et
de même : Il badine , elle badine , etc. : « Il
lui est impossible de vous recevoir. — Tu ba-
dines, sans doute. » (Etienne.) il C'est un
homme gui ne badine pas. C'est un homme
très-sérieux, ou susceptible, ombrageux, il
On dit dans le même sens : Il n'y a pas à
badiner avec lui : L'abbé Raynal mourait d'en-
vie de rire, et moi aussi; mais nous nous retîn-
mes : car madame Ceoffrin était déjà assez
confuse, et lorsqu'elle avait tort, il n'y avait
pas à badiner. (Marmonte!.)
— Prov. Il ne faut pas badiner avec le feu,
littéralement, Il ne faut user du feu qu'avec
précaution, pour éviter les incendies. Signifie
aussi : Il ne faut pas s'abandonner inconsidéré-
ment à des actes ou à des tentations qui
peuvent avoir des suites funestes : Il y a des
choses qu'une femme ne doit entendre que de
son mari; il ne fadt pas badiner avec le
feu. (Th. Leclercq.) Il On dit de môme : Il ne
faut pas jouer avec le feu.
— Manég. Badiner avec son mors , en par-
lant d'un cheval, Jouer avec son frein , le
secouer, le mordiller.
— v. a. ou tr. Railler, plaisanter : On Va
bien badiné. (Trév.) C'est à nous à vous ba-
diner pour ne l'avoir pas fait. (Fourier.) Leur
science n'avait pas été si rampante au dernier
siècle devant les hommes à portefeuille ; elle
badinait les financiers, qui avaient le bon
esprit de ne pas s'en fâcher. (Fourier.) il Peu
usité.
BADINERIE s. f. (ba-di-no«-rî — rad. badi-
ner). Action de badiner : La badinerie a des
agréments qui l'emportent sur le sérieux, dans
la société civile. (St-Evrem.) h Action ou pa-
role badine : S'occuper de badineries. Dire des
badineries. Les pensées de l'enfance sont
d'elles-mêmes assez enfantines, sans y joindre
encore de nouvelles badineries. (La Font.)
Cette badinerie n'est ni fade ni usée. (M"10 de
Sév.) Mon esprit s'occupe à des badineries,
pendant que j'ai tant d'affaires. (J.-J. Rouss.)
Il lui tournait le dos en se cachant d'elle et en
lui répondant bien à propos mille badineries,
sans montrer aucun esprit. (G. Sand.)
— Par ext. Chose légèro et sans portée ;
enfantillage : Les génies les plus élevés tom-
bent quelquefois dans la badinerie, (Boil.) Si
le lecteur est scandalisé de toutes les badine-
ries qu'il a vues dans ce livre, il fera fort bien
de n'en lire pas davantage. (Scarron.) Les
grands parleurs disent souvent de grandes
badineries. (Louis XIV.)
BADINETTE s. f. (ba-di-nè-te — dimin. de
badine). Petite badine. Il Peu usité.
— Pop. Chose ou personne dont on se sert
pour badiner : Je ne veux pas vous servir de
QADiNETTE. Le radical est ici badiner.
BADIOD DE LÀ TRONCHERE (Jacques-
Joseph-Emile), sculpteur français contempo-
rain, né au Monastier (Haute-Loire) en 1826,
Elève de M. Jouffroy, il a débuté en exposant
au Salon de 1852 un groupe en plâtre de gran-
deur naturelle, représentant deux sœurs cap-
tives, qui expirent de douleur au moment d'être
séparées pour jamais. Le même groupe, exé-
cuté en marbre, a figuré à l'Exposition uni-
verselle de 1855, en même temps que le mo-
dèle en plâtre d'un autre groupe, représentant
Valentin Haùy debout, l'index droit posé sur
sa joue, et la main gauche paternellement ap-
puyée sur la tête d'un jeune aveugle assis à
ses pieds. Ce groupe, d'un aspect vraiment
monumental, d'un style k la fois robuste et dé-
licat, a reparu avec honneur, exécuté en mar-
bre, au Salon de 1859, et a été inauguré, le
10 août 1861 , à l'Institution impériale des
Jeunes Aveugles. M. Badiou de la Tronchère,
qui avait été nommé directeur adjoint de cet
établissement en 1854, n'a voulu retirer aucun
profit de son œuvre. Il a exposé en outre, au
balonde 1850, une statue en marbre, de gran-
deur naturelle, représentant la Prodigalité
ou la Jeunesse, et deux médaillons en marbre
(portraits), dune facture gracieuse et distin-
guée. En 1860, il a fait, pour le ministère
d'Etat, le modèle en plâtre d'une statue de
Praxitèle, qui a été exposé dans la cour du
Louvre. Au Salon de 1864, il a envoyé une
statue en bronze du baron Larrey, exécutée
gratuitement, et qui a été inaugurée à Tarbes,
Je 15 août de la même année. Il a été chargé
dernièrement de faire, pour la ville d'Orléans,
une statue en marbre de Marguerite de Va-
lois. Depuis 1860, M. Badiou de la Tronchère
occupe tes fonctions d'inspecteur général des
prisons et des établissements pénitentiaires de
l'empire. Il a été nommé chevalier de la
Légion d'honneur en 1861, le jour de l'inau-
guration du Valentin Haûy.
BADIRÉ s. m. (ba-di-ré). Bot. Espèce
d'arone que l'on trouve dans les fourrés les
plus épais des forêts d'Amboine.
badIste s. m. (ba-di-ste— dugr. badistés,
coureur). Entom. Genre d'insectes coléoptères
pentameres do la îamille des carabiques, voi-
sin des lieines, dont uno espèce, le badiste
bipustulé, se trouve aux environs de Paris
et vit sous les mousses, près dos endroits
humides, u On dit aussi ba"istèhe.
DAD1US (Josse), imprimeur célèbre, sur-
nommé Ascensius, parce qu'il était né à Assche,
près de Bruxelles, en 1462. Il professa d'abord
le grecàLyon, vint ensuite aParis, et y fonda,
vers l'an 1512, une imprimerie d'où sortirent
des éditions des classiques latins très-estimées.
C'est à tort qu'on a répété qu'il avait, le pre-
mier en France, substitué les caractères rond3
aux gothiques. Ces caractères avaient déjà été
employés a Paris dès 1470. Badius a comDosé
quelques ouvrages satiriques en vers latins
(v. Nef des folles). Il mourut en 1535. Comme
il avait eu beaucoup d'enfants, on fit allusion,
dans une de ses épitaphes, à cette fécondité,
en jouant sur les mots 'fort et Hberi, et l'on
dit qu'il aurait fait autant d'enfants que de
livres, s'il s'y était pris plus tôt. Mais on com-
prend que ce n'est pas cette épkaphe qui fut
mise sur son tombeau. Robert Estienne avait
épousé une de ses filles.
_Son fils, Conrad Badius (1510-1560), s'asso-
cia à Genève avec son beau-frère Robert
i Estienne, et donna une traduction française
de YAlcoran des Cordeliers.
BADJ s. m. (badj). Hist. or. Droit de transit
prélevé par le Grand Seigneur sur les effets
que les particuliers transportent d'un lieu à
un autre.
BADJA, ville d'Afrique, régence de Tunis,
au milieu des montagnes et entourée de tri-
bus qui ne reconnaissent que difficilement
l'autorité du bey, à I kil. de l'Oued-Badja ;
6,000 hab., 2 mosquées. Le territoire produit
du blé, de l'orge et du tabac.
BADJER (Louis), ouvrier lyonnais dont le
nom se recommande par un beau trait de dé-
vouement fraternel. En 1793, après la sou-
mission de la ville par les républicains, son
frère, blessé pendant le siège, ayant été cité
devant la commission temporaire, il s'y pré-
senta à sa place, se laissa condamner comme
rebelle et conspirateur royaliste, et marcha
courageusement au supplice.
BADKIS, ville du Koraçan, dans l'Afgha-
nistanj'province et à. 70 kil. de Hérat, Ancien-
nement Bitaxa, dont les pistaches étaient si
renommées à Rome ; l'étymologie de pistache
paraît dériver de Bitaxa.
BADLOUANG s. (bad-lou-angh). Relig.
siam. Talapoin du deuxième ordre.
BAD-NAFA, nom d'une remarquable fon-
taine intermittente, située en Irlande près de
Skalholt, dans la plaine de ce nom; ses eaux,
dont la température est !de 82» centigrades,
jaillissent à une hauteur de 15 mètres pendant
dix minutes, cessent de monter pendant le
même espace de temps et recommencent
ainsi périodiquement, en laissant sur le sol
une croûte de tuf siliceux.
BADOARO (Frédéric), diplomate et littéra-
teur vénitien, né en 1518, mort en 1593. Il fut
deux fois ambassadeur de la république au-
près de Charles-Quint et de Philippe II, et
fonda l'académie vénitienne délia Fama (do
la Renommée), supprimée dix ans plus tard,
par décret du sénat. On attribuait k Badoaro
plusieurs ouvrages historiques ou relatifs à
ses ambassades, mais qui sont restés inédits.
BADOAHO (Lauro), poste vénitien, né vers
1546, mort en 1593. Il était de la congrégation
des frères de la Croix (Cruciferi). On a de lui
des Poésies spirituelles; les sept Psaumes de
la pénitence traduits en vers italiens ; des
odes, des canzoni, etc.
BADOARO (Jacques), poète dramatique ita-
lien, né à Venise, florissait vers le milieu du
xvne siècle. Il est auteur de trois pièces qui
eurent du succès : Les Noces d'Enée et de La-
vinia ; Ulysse errant ; Hélène enlevée par
Thésée. Toutes trois ont été imprimées à Ve-
nise (1640, 1644, 1655).
BADOC, ville de l'archipel des Philippines
(Océanie), dans l'île de Luçon; 8,777 hab.
BADOCHE s. f. (ba-do-cho). ComiB. Moruo
salée.
BADOERO (Pierre), doge de Venise de 939
& 942, année de sa mort. Il obtint de Béran-
ger II, roi d'Italie, une charte qui confirmait
les libertés de la république de Venise et lui
reconnaissait le droit régalien de battre des
monnaies d'or et d'argent.
badois, OISE s. etadj.(ba-doi,oi-zc).Géogr.
Qui appartient à Bade, au grand-duché de
Bade ou à leurs habitants : Un jeune Badois.
Une jolie Badoise. La population badoise. Les
mœurs badoises. J'avais roulé toute la nuit
dans le coupé d'une malle -poste badoise.
(V. Hugo.) Le postillon badois portait en ban-
doulière un petit cor de chasse. (V. Hugo.)
BADOK-BANKON s. m. (ba-dok-ban-kon).
Bot. Plante de Ceylan, la ballotte distique des
naturalistes.
BADOLATO, ville du royaume d'Italie, dans
l'ancienne province de Calabre Ultérieure Ile,
a 35 kil. S. de Catanzaro; 4,000 hab.
BADON (Edmond), auteur dramatique et
romancier, né en 1808 en Piémont, de parents
grenoblois, mort en 1849. 11 n'a fait repré-
senter que deux pièces, qui eurent le succès
le plus brillant : Un Duel sous Richelieu (1832),
drame, et Une Aventure sous Charles IX
(1834), comédie (en collaboration avec Frédé-
ric Soulié). On cite aussi ses romans histori-
ques : Montbrun ou les Huguenots en Dauphiné
(1838); Gingènes ou Lyon en 93, publié dans le
Journal des Débats (du 12 novembre 1846 au
19 mars 1847).
BADONVIller, comm. du dép. de la Meur-
the, arrond. de Lunéville; pop. oggl. 1,966 h.
— pop. tôt. 2,204 hab. Fabrique d alênes, de
Eoinçons, de clous très-estimés, tanneries,
rosseries et faïenceries.
BADOU (Jean-Baptiste), écrivain ascétique,
prêtre de la congrégation de la Doctrine chré-
tienne, né à Toulouse vers la fin du xvnc siè-
cle, fut un des plus dévoués missionnaires de
son temps et édifia pendant près de trente ans
les diocèses du Languedoc. Il périt dans
l'exercice de son ministère, lors d'une inonda-
tion de la Garonne, en 1727. Il a laissé :
Exercices spirituels, avec un catéchisme et des
cantiques, pour aider les peuples à profiter des
missions (Toulouse, 1716).
BadouBs. m. (ba-doû).Ichthyol.Nom vul-
gaire d'une espèce de blennio, sur les côtes
de Nice.
badouillard s. m. (ba-dou-llar; llmll.).
Nom donné aux membres d'uno association
d'étudiants parisiens, qui florissait au quar-
tier latin dans les premières années du gou-
vernement de Juillet.
— Encyol. Le badouillard était un être collec-
tif qui se composait d'une vingtaine d'étudiants
chez qui l'esprit d'association existait au même
degré que chez les saint-simoniens : peines et
plaisirs, argent et maîtresses, études, bottes et
opinions, tout était commun entre les badouil-
lards. Au mois de janvier 1833, le badouillard
eut envie d'aller au bal masqué du théâtre du
Panthéon. Il se déguisa en paillasse et dépensa
en toile à matelas tout 1 argent qu'il avait
en caisse pour ses vingt parures. Il entra
dans la salle en faisant de l'effet comme qua-
rante et du bruit comme cent; mais il ne tarda
pas a s'échauffer et passa par degrés de la
licence du cancan' aux excentricités d'une
danse innommée. C'est alors que le garde
municipal chargé de maintenir 1 ordre appela
trois confrères, et vint saisir à la collerette un
des vingt badouillards. Les dix-neuf autres se
ruèrent aussitôt sur les gardes municipaux,
qui battirent en retraite, mais pour revenir
plus forts et plus nombreux. D'où il s'ensuivit
qu'une douzaine de badouillards comparurent
devant la sixième chambre, sous la double
accusation d'outrages à la pudeur et de résis-
tance à la garde. Quatre des prévenus furent
acquittés, et les plus coupables condamnés à
la prison. Aujourd'hui, il paraît que
Des badouillards la race est épuisée...
mais le souvenir en est resté fameux parmi
les étudiants quelque peu versés dans l'histoire
intime de leurs devanciers. A la société des
badouillards succéda celle des rocca, en is43
et 1844. Comme on le voit, Pipe-en-Bois ne
fait pas souche; il n'est que le modeste reje-
ton d'une noble race.
BADODREAU (J.-F.), dessinateur et graveur
au burin et au pointillé, né à Paris en 17S8 , a
exposé au salon de 1819 : les deux Enfants
Jésus, gravés d'après Raphaël; au salon de
1822, les académies des Sabines, de David, et
le Christ et la Vierge, d'après le Titien. On lui
doit en outre plusieurs portraits de généraux
du premier Empire et quatre grandes estam-
pes, gravées à la manière du crayon, et pou-
vant servir d'études de dessin : la Vierge à la
chaise et la Vierge au poisson, d'après Raphaël ;
le Christ, d'après le Titien ; saint Jean, d'après
le Dominiquin.
BADOUBS s. va. pi. (ba-dour). Techn. Te-
nailles moyennes pour la forge.
BADOUVILLE (Pierre), aide de camp de
Pichegru, né à Pressy-le-Sec (Bourgogne)
vers 1760. Il seconda son général dans ses
trahisons et ses complots, fut chargé par lui
de missions secrètes auprès du prince de
Condé, et montra constamment un dévoue-
ment et une discrétion dignes d'une cause plus
honorable. Soupçonné très-justement d'être
le personnage désigné sous le nom de Coco
dans les papiers du général, il fut emprisonné
pendant plusieurs années, mais acquitté faute
de preuves. Il mourut oublié avant le retour
des Bourbons.
BÂDRAN s. m. (bà-dran). Myth.parse. Nom
du génie de l'air.
BADRÈS, personnage persan cité par Héro-
dote dans son Histoire. On a donné diverses
explications de ce nom propre. Les uns le com-
parent au sanscrit bhadra (heureux, joyeux,
fortuné) ; les autres veulent y voir une con-
traction du mot zend-hu-fedris ; d'autres enfin
le rapprochent du persan moderne behadour,
qui a le sens de brave, courageux et, par ex-
tension, de héros, de guerrier;
BADROUILLE s. f. (ba-drou-lle, Il mil.).
Mar. Vieux cordages goudronnés et mis en
Felote, pour chauffer un vieux bâtiment que
on veut caréner, n On dit aussi vadrouille.
BADUGGA s. m. (ba-duk-ka). Bot. Nom
d'un câprier de Malabar, le capparis baducca.
baducKE s. f. (ba-du-ke). Plante magique
dont le fruit infusé dans du lait a la propriété
de glacer les sueurs : C'est à l'aide de la
baducke que les prétendus sorciers opéraient
pour nouer l'aiguillette chez les jeunes époux.
BADUEL (Claude), littérateur, né à Nîmes
à la fin du xv° siècle, mort à Genève en 1561.
Il s'éleva de bonne heure à un rang distingué
parmi les professeurs.de l'Université de Paris,
embrassa le calvinisme et se réfugia JiGenève,
| où il devint ministre et professeur de philoso-
! phie et de mathématiques. Il a laissé, entre
i autres ouvrages, un éloge du mariage sous le
! titre suivant : De ratione vitee sludiosce ac lit-
! teratœ in matrimonio collocandœ ac degendœ
(Lyon, 1544). Ce traité a. été médiocrement
traduit en français par Guy de la Garde
(Paris, 1548).
BADUGEON s. m. (ba-du-jon; corruption
de badigeon). Arg. Fard.
BADUHENNE(#atfuAenfMS lucus), vaste fo-
rêt de la Germanie mentionnée par Tacite,
et qui s'étendait sur la presque totalité dn
pays des Frisons ; 900 Roimiins y furent
massacrés à la lin du règne do Tibère.
BADULE s. f. (ba-du-le). Bot. Syn. do
myrsine, nom que l'on donne particulière-
ment à un arbrisseau de l'île do la Réunion,
appelé dans le pays bois de pintade, il On dit
aussi BADULAM.
BADUMNA. Chez les Frises et lès Goths,
déesse de la chasse et des forêts. Elle était
représentée portant sur le dos un carquois
rempli de flèches.
BADDZ (le), montagne de Suisse, canton
des Grisons, à 30 kil. O.-S.-O. de Coire, bai-
gnée à sa base à l'O. par la Reuss, et a l'E.
par le Rhin, supérieur; 3,050 m. d'élévation;
des neiges éternelles couvrent son sommet.
BADZENGEs. f. (ba-dzain-je). Syn. de bai-
songe.
baé, ée adj. (ba-ê). Autrof. Ouvert, li On
a dit aussi bée, qui est resté dans gueule bée.
BJEA s. f. (bé) — dugr. baia, petite). Bot.
Genre do la famillo des yrtandracces, com-
prenant deux espèces, qui croissent en Chine
et à la Nouvelle-Irlande.
BAECK (Elias), peintre etgraveur allemand,
né k Laubuch en 1679, travailla à Rome et à
Augsbourg, où il mourut. Il a gravé quelques
sujets de sainteté, une suite de paysages avec
animaux, plusieurs portraits de personnages
allemands et des fêtes données à Augsbourg.
BAECK (Abraham), naturaliste et médecin
suédois, né en 1713, mort en 1795. Il était
premier médecin du roi et membre de l'acadé-
mie des sciences de Stockholm.il apublié,dans
les grands recueils scientifiques du Nord, di-
vers mémoires sur la couleur des nègres ; sur
un poisson (le narval), dont la corne s'était im-
plantée dans la carène d'un vaisseau et l'avait
percée; sur le pichurim, plante du Brésil, etc.
Linné lui a dédié un genre de plantes de la
famille des salicaires.
BAECK (Jean-Georges), graveur allemand,
florissait a Augsbourg vers le commencement
du xviiiû siècle. 11 a gravé des portraits de
personnages contemporains, entre autres ce-
lui de Louis XIV et celui de Georges 1er, roi
d'Angleterre. Son fils, Baeck (Antoine-Au-
guste), né à Brunswick en 1713, fut élève de
Jean-Georges Schmidt et grava quelques su-
jets pour des livres.
S.XCKÉE s. f. ( bèk-ké ). Genre d'arbustes
de la famille des myrtacces, qui comprend
une vingtaine d'espèces, dont la plupart
habitent l'Australie.
BAECKER (Casimir), harpiste, né à Berlin
vers 1790, fut amené fort jeune en France
par Mme de Genlis, dont il devint l'élevé fa-
vori pour la harpe. Vers 1808, il débuta dans
les concerts, et fit applaudir la netteté, le
brillant de son exécution et la sonorité qu'il
savait tirer de l'instrument. Après d'incontes-
tables succès, il disparut du monde artistique,
Suis, dix-huit ans plus tard, ouvrit un cours
e harpe d'après la méthode de Mme de
Genlis. M. Baecker, qui, en 1835, s'est fait en-
tendre dans un concert sans y exciter d'inté-
rêt, se livre encore aujourd'hui à l'enseigne-
ment de la harpe.
BAECKER (Louis de), archéologue et philo-
logue contemporain,* né à Saint-Omeren 1814.
Il est issu d'une ancienne famille patricienne
do Belgique, famille dont est sorti, au xvio siè-
cle, le célèbre jurisconsulte connu dans les
lettres sous le nom de Backerius, disciple et
ensuite collègue de Cujas, comme professeur
de droit à l'université de Bourges.
D'abord avocat a la cour royale de Douai,
puis magistrat au tribunal civil "de Dunkerquc,
membre pendant vingt ans et enfin président
du conseil municipal de la ville de Bergues, il
a été nommé inspecteur des monuments histo-
riques dans le département du Nord, corres-
pondant des ministères de l'intérieur, d'Etat et
de l'instruction publique pour les travaux
historiques, puis chargé par le gouvernement
français de missions scientifiques et littéraires
en Allemagne et dans les Pays-Bas.
L'Académie des inscriptions et belles-lettres
a décerné, à trois reprises différentes, aux ou-
vrages de M. de Baecker, deux mentions ho-
norables et deux mentions très-honorables.
Voici la liste de ses nombreux travaux :
Château de la Motte-aux-Bois (Douai, 1843,
in-4<>) ; Recherches historiques sur la ville de
Bergues en Flandre; Des Nibelungen, saga
mérovingienne de la Néerlande ; Rapport sur
l'église de Saint-Eloi , à Dunkerque (1850,
in-8°) ; les Flamands de France, études sur
leur langue, leur littérature et leurs monu-
ments; De la Religion du nord de la France
avant le christianisme (Lille, 1854, in-8<>); Lé-
gende de Sainte-Godelive (1854); Histoire de
l'Agriculture flamande en France; Chants his-
BAE
BAE
BAE
BAF
43
toriques de la Flandre (Lille, 1855, in-8°) ; la
Noblesse flamande de France, en présence de
l'article 259 du Code pénal; Analogie de la
langue des Goths et des Franks avec le san-
scrit ; Origine et orthographe des noms de fa-
mille; Lettre sur l'auteur de l'Imitation de
Jésus-Christ; Notice sur Gérard van Mecke-
ren, vice-amiral de Flandre ; Voyage de Jean
Sarrazin en Espagne au xvie siècle; la Flan-
dre maritime avant et pendant la domination
romaine; les Dunes du nord de la France, leur
passé et leur avenir; Eglises du moyen âge
dans les villages flamands de la France; le
Calendrier des Flamands et des peuples du
Nord; le Tombeau de Robert le Frison, comte
de Flandre, Xie siècle; le Tombeau de la pre-
mière reine chrétienne de Danemark, Xe siècle ;
l'Art dramatique chrétien dans le nord de la
France ; Nordpeene, sa seigneurie, son église
et son monastère ; Grammaire comparée des
langues de la France ; Chronique de Bailleul
de 1647 à 1673 ; les Tables eugubines, études sur
l'origine du latin.
Ces études, dont on remarquera l'intérêt, à
l'heureux choix du sujet, ont valu de précieu-
ses distinctions à M. de Baecker.
Il est membre de l'Académie royale de Sa-
voie et d'un grand nombre de sociétés savan-
tes de France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espa-
gne, des Pays-Bas et de Belgique ; chevalier
de 1 ordre royal et grand-ducal de la Couronne
de chêne et de celui de Henri le Lion ; enfin,
officier d'Académie.
Passionné pour la science à laquelle il a con-
sacré toute sa vie, M. de Baecker vient de re-
lever de ses ruines le château historique de
Nordpeene , où il est aujourd'hui retiré , ac-
cueillant avec une gracieuse hospitalité les
amis des sciences et des lettres : c'est vouloir
mourir comme on a vécu.
BjECULA ou BiETCLA, ville de l'ancienne
Espagne. Scipion y battit Magôn et Massinissa
(208 av. J.-C.J
BAÉE s. f. (ba-é). Autref. Ouverture, il Fe-
nêtre. On en a fait le mot baie. On a écrit aussi
IJÉE.
BAEHR (Jean) ou Béer ou Baer, composi-
teur et musicographe allemand, né en 1652,
mort en noo. Il étudia les lettres, les sciences
et la musique au couvent des Bénédictins de
Lambachj puis, son éducation achevée à Ra-
tisbonne, il se rendit à Leipzig pour suivre les
cours de théologie. Il resta fort peu de temps
dans cette dernière ville. Sa voix de ténor, son
talent sur le clavecin et le violon, le firent
appeler à la chapelle du duc Auguste de Saxe.
A la mort de ce prince, il fut nommé maître
de chapelle des concerts du duc de Weissen-
fels. Baehr est plus connu par la polémique
violente qu'il soutint contre Godefroy Vocke-
rodt que par ses succès comme compositeur.
Il Un autre musicien du même nom, Baehr
(Joseph), né en Bohème en 1746, fut le pre-
mier virtuose sur la clarinette qui se soit fait
connaître en Europe dans le siècle dernier.
BAEHR (Jean-Christian-Félix), érudit alle-
mand, né à Darmstadt en 1798. Depuis 1826,
il enseigne avec éclat la littérature ancienne
à Heidelberg. 11 est, en outre, conservateur en
chef de la bibliothèque de cette ville, direc-
teur du lycée et du séminaire philologique, etc.
Parmi les travaux du savant professeur, on
cite surtout : Histoire de la littérature ro-
maine, le meilleur ouvrage qui ait été publié
jusqu'ici sur cette matière; il en a lui-même
donné un abrégé qui a été traduit en français
par Koulez (Louvain, 1838). On lui doit en-
core : les Poètes et Historiens chrétiens de
Dôme (1836); la Théologie romaine chrétienne
(1837) ; l'Histoire de la littérature romaine
durant la période carlovingienne (1840); une
belle et savante édition à! Hérodote, plusieurs
fois réimprimée (Leipzig, 1832-33, 4 vol., et
1856); desdissertations, descommentaires, etc.
Depuis 1847, M. Baehr est l'unique rédacteur
des Annales de Heidelberg.
BAEHRENS (J.-E.-F.), agronome allemand,
né en 1760, mort en 1830. Il s'est beaucoup
occupé de la question des engrais et fut un
des premiers à signaler l'importance des en-
grais artificiels. Il a publié, entre autres ou-
vrages estimés : Système des engrais naturels
et artificiels pour les cultivateurs praticiens,
qui a eu plusieurs éditions.
BAKL, premier roi de l'enfer, l'une des puis-
sances infernales du grand grimoire; on le
représente ayant trois têtes : celle d'un cra-
paud, celle d un homme et celle d'un chat. A
ceux qui l'évoquaient il donnait la ruse et lé
moyen de se rendre invisibles. Quelques écri-
vains l'ont considéré à tort comme une variété
de Baal.
BAELEGEM, village important et comm. de
Belgique (Flandre Orientale) , arrond. et à
17 kil. S. de Gand; 2,882 hab. Nombreuses
fabriques de toiles de coton et lin.
BAELEN, ville de Belgique (province d'An-
versl, arrond. et à 28 kil. S.-E. deTurnhout,
sur la Grande -Nèthe; 3,469 hab. Fabrica-
tion de draps. Il Baelen , comm. de Belgique
(prov. de Liège), arrond. et à 9 kil. N. de
Verviers; 2,335 hab. Exploitation de grès,
forges, moulins à foulon.
BAEL1 (François), littérateur et antiquaire
italien, né à Milazzo (Sicile) en 1639, mort vers
1710. Il étudia les mathématiques à Paris et
voyagea ensuite dans toutes les contrées de
l'Europe. Outre plusieurs ouvrages inédits, il
a laissé : la Polissena, comédie en vers ; Lo
Statistarislreito ; la Corona, ovvero il Giuoco
degli Asili, nuova inventione ; Il Siciliano've-
ridico, ovvero Disposta e vera dimostrazione del
présente e susseguente stato délia ciltà di
Atessina; des sonnets, des dissertations, etc.
BAENA, ville d'Espagne, prov. et à 48 kil.
S.-E. de Cordoue, ch.-l. de partido judiciale;
12,944 hab. Salines dans les environs.
BAENA (Antonio-Ladislau-Monteiro), histo-
rien et géographe portugais, né vers la fin du
siècle dernier, mort en 1851, servit dans l'ar-
tillerie et parvint au grade de colonel. Fixé au
Brésil, il étudia la topographie du Para, et fit
paraître deux ouvrages trop peu connus en
France : le Compendio das eras do Para (1838,
in-8°), résumé historique qui s'arrête à l'année
1823; l'Ensayo corografico sobre a provincia
do Para (1839, in-80), travail de géographie
et de statistique qui donne les détails d'explo-
rations personnelles. Ce dernier livre souleva,
dans une revue publiée par l'Institut historique
du Brésil, des critiques fort vives auxquels
Baena répondit victorieusement. Il a laissé en
manuscrit le second volume du Compendio das
eras.
EjENAK s. m. (bé-nak). Ichthyol. Poisson
du Japon, du genre bodian.
B.enodactyi.E adj. (bé-no-dak-ti-le —
du gr. bainâ, je marche; daklulos, doigt).
Erpet. Se dit des reptiles sauriens qui font
usage de leurs pattes pour marcher.
— s. m. pi. Famille de reptiles sauriens qui
font usagé de leurs pattes pour marcher.
BAINOSAURIENS s. m. pi. (bé-no-sô-ri-ain
— du gr. bainâ, je marche; sauros, lézard).
Erpét. Syn. de bœnodactyles.
BiEOBOTRYS s. f. (bé-o-bo-triss — du gr,
baios, petit; botrus, grappe). Bot. Genre de
plante de la famille des bruyères, syn. de
mœsa,
. b;eomÈtre s. m. (bé-o-mè-tre — du gr.
baios, petit; metron, mesure). Bot. Genre de
plantes monoeotylédones; famille des mélan-
thacées, tribu des vératrees, comprenant une
seule espèce, qui croît au cap [de Bonne-
Espérance.
BffiOMYCE ou BÉOMYCE s. m.'(bé-o-mi-se
— du gr. baios, petit; mukés, champignon).
Bot. Genre de lichens, qui comprenait autre-
fois plusieurs espèces, mais qui, mieux étu-
dié, a été réduit a^une seule, ïe bœomyce rosé,
qu'on trouve dans toute l'Europe, croissant
sur lo sol, dans les bruyères et les endroits
humides.
BffiOMYCÉ, ÉE adj. (bé-o-mi-sé — rad.
bœomice). Bot. Qui ressemble à un bœomyce.
B5Î0S, pilote d'Ulysse, mort dans le golfe
de Baies, en Campanie, a donné son nom au
mont Bsea, dans l'île de Céphalonie , à la ville
de Baias et à divers autres lieux.
B.ŒOTHRYON s. m. (bé-o-tri-ion — du gr.
baios, petit; thruon, jonc). Bot. Division du
genre scirpe.
BjŒOTIS, surnom de Vénus à Syracuse.
UAEIt (Frédéric-Charles), théologien protes-
tant, né à Strasbourg en 1719, mort en 1797.
Il fut professeur de théologie à. l'université de
Strasbourg et reçut le titre d'aumônier hono-
raire du roi de Suède. Ses ouvrages sont très-
nombreux. Nous citerons seulement les sui-
vants : Oraison funèbre du maréchal de Saxe,
qui eut un grand succès ; Lettre sur l'origine
de l'imprimerie ; Dissertation philologique et
critique sur le vœu de Jephté; Sermon sur les
devoirs des sujets envers leur souverain ; Essai
historique et critique sur les Atlantides, etc.
BAEB (Charles-Ernest de), naturalisteTusse,
né en 1791 dans l'Esthonie. Il étudia la méde-
cine à l'université de Dorpat, compléta son
éducation scientifique en Allemagne, vint à
Kcenigsberg, où Burdach le fit nommer prosec-
teur de la faculté de médecine de cette ville,
rentra en Russie en 1834, et devint un des
membres les plus illustres de l'académie de
Saint-Pétersbourg. M. de Baer est auteur d'un
très-grand nombre de travaux de zoologie et
de physiologie. On lui doit une des plus cu-
rieuses découvertes de ce siècle ; il a le pre-
mier vu et étudié l'œuf des mammifères en 1827.
Suivant M. de Baer, l'unité de composition
existe dans tout le règne animal, mais seule-
ment au début des formations ; les analogies
sont primitives aussi bien qu'essentielles, et
les différences secondaires aussi bien dans
l'ordre d'apparition que dans l'ordre d'impor-
tance; tous les êtres partent d'un même état,
de l'état de germe , mais ils suivent pour at-
teindre l'âge adulte des routes qui, un moment
parallèles , deviennent d'autant plus diver-
gentes qu'elles sont plus longues. Parmi ses
ouvrages, nous citerons : Lettre sur l'œuf des
mammifères (Leipzig, 1827) ; Histoire du dé-
veloppement des animaux (1828-1837); Recher-
ches sur le développement des poissons (1835);
Observations sur les monstres à double corps
(Pétersbourg, 1845), etc. En 1835, il explora,
par ordre du czar, le gouvernement d'Arkhan-
gel, la Laponie méridionale et la Nouvelle-
Zemble , voyage dont la relation se trouve
dans les Mémoires de l'académie de Saint-
Pétersbourg. En 1855, il a publié ses Récents
Voyages destinés à faire connaître l'empire de
Russie, et en 1856, avec M, Helmersen, des
Etudes sur l'empire russe et les pays adjacents de
l'Asie. Les voyages scientifiques de M. de Baer
et ses travaux physiologiques lui ont acquis
une autorité qui a été consacrée en 185S par
le titre de membre correspondant de l'Acadé-
mie des sciences de Paris.
BAEREB1STE, roi des Daces au temps de
César et d'Auguste. Il écrasa les Sarmates sur
les rives du Dnieper (Borysthène), les Boïens
gaulois établis en Pannonie ; étendit sa domi-
nation sur la Macédoine, la Thraee; soumit
au tribut les Scordisces et les Bastarnes, et
avait presque achevé la conquête de l'Illyrie,
lorsqu il fut assassiné, peut-être b. l'instigation
des Romains, Ce héros barbare était un des
grands capitaines de son siècle.
BAERENSPRUNG (Sigismond), théologien
allemand, mort en 1738. Il était protestant et
s'occupa- surtout de controverses religieuses
contre diiFérenies sectes. Ses ouvrages les
plus connus sont les suivants : De la différence
qu'il y a entre le socinianisme et la doctrine
évangélique (Francfort, 1717); Ce qu'il faut
penser des danses et des banquets mondains
(Leipzig, 1700).
BAÉRIE s. f. (ba-é-rî).Bot. Genre de plantes
do la famille des synanthérées, tribu des sc-
nécionidées, renfermant une seule espèce qui
croît en Californie, et que Ton cultive dans
les jardins d'agrément.
BAERLE (Gaspard van) , poète latin mo-
derne et professeur, né à Anvers en 1584,
mort h Amsterdam en 1648. Il fut d'abord mi-
nistre de l'Eglise réformée, puis professeur de
logique à l'université de Leyde, et enfin il oc-
cupa la chaire de philosophie et d'éloquence
à 1 université d'Amsterdam. Il a publié en la-
tin 3es discours, des poëmes, des épîtres, des
notices historiques ; il a même laissé quelques
écrits en français.
Son oncle, Melchior van Baerle, a aussi
laissé plusieurs écrits assez remarquables en
latin.
BAERMANN (Georges-Frédéric), grammai-
rien et mathématicien allemand, professeur a
Wittemberg, né à Leipzig, mort en 1769. Il a
donné une édition latine d'Euclide, traduit en
allemand le Maitre d'éloquence, de Lucien, et
publié plusieurs dissertations sur la longueur
d donner aux canons; sur les leviers curvilignes,
et sur diverses autres questions; une Intro-
duction à la grammaire allemande, etc.
BAERMANN (Henri-Joseph), célèbre clari-
nettiste allemand, né à Potsdam en 1783, mort
en 1847. Il reçut dans sa jeunesse des leçons
du clarinettiste Béer; malheureusement, les
devoirs et les exigences de la carrière mi-
litaire , qu'il fut contraint d'embrasser , ne
lui permirent pas d'étudier assidûment son
instrument. Libéré du service après la bataille
d'Iéna, il fit un assez long séjour en Bavière,
et accomplit, en 1808, son premier voyage en
Suisse et dans le midi de la France. En 1811,
de retour à Munich, il y rencontra Weber,
avec lequel il se lia d'une étroite amitié, et qni
écrivit expressément pour lui trois concertos
de clarinette. Ils firent même ensemble, dans
l'automne de cette même année, des excur-
sions musicales à Weimar, Gotha, Dresde,
Prague et Berlin. En 1813, Baermann fit sa
première apparition à Vienne, où il reçut des
ovations extraordinaires. Acclamé même en
Italie, et notamment à Venise, le célèbre vir-
tuose vint à Paris en 1817, y donna des con-
certs avec Mma Catalani, et fit admirer son
exquise sonorité, sa surprenante exécution et
la distinction de son style. Depuis cette époque,
Baermann fit de nombreux voyages, recevant
partout l'accueil enthousiaste que méritait son
merveilleux talent. Il a laissé environ trente-
cinq oeuvres.
Son fils, Baermann (Charles), né à Munich
en 1820, reçut de lui une brillante éducation
musicale. En 1833 et 1838, il suivit son père
dans ses excursions, notamment à Paris, où
ils obtinrent, dans un concert au Conserva-
toire, un véritable triomphe, par l'exécution
d'une symphonie concertante. Depuis ce mo-
ment, Charles Baermann, rentré a Munich, a
perfectionné son talent au. point d'égaler
presque son père. Il a publié jusqu'à ce jour
environ vingt-cinq œuvres pour clarinette.
Un oncle de ce dernier, frère de Henri-
Joseph, né à Potsdam, mort à Berlin en 1842
fut premier bassoniste de la chapelle du roi
de Prusse.
BAERT ou BAERTIUS (François), jésuite
éruditf né à Ypres en 1651, mort en 1719. Il
fut adjoint à Papebroch dans la rédaction des
Acta sanctorum (mois de mai et de juin), et
montra une profonde érudition, surtout dans
l'histoire des saints de l'Irlande et de l'Ecosse.
BAERT ( Alexandre-Balthazar-François de
Paule, baron de), né à Dunkerque vers 1750,
mort en 1825. Dès sa jeunesse il entreprit de
longs voyages, revint dans sa patrie à l'époque
de la Révolution, et fut nommé en 1791 député
à l'Assemblée législative, où il se prononça
avec modération dans le sens des réformes.
Ce fut lui qui demanda que les actes de nais-
sance et de décès cessassent d'être confiés
aux prêtres des paroisses et entrassent dans
les attributions municipales.
Comme beaucoup de royalistes constitution-
nels, il réagit ensuite contre un mouvement
qui dépassait la portée de ses opinions, partit
pour les Etats-Unis, et ne revint en France
qu'après le 18 brumaire. En 1815, il fut nommé
député, et s'opposa autant qu'il le put aux
excès de la chambre introuvable. Pendant ses
voyages, il avait recueilli de nombreuses ob-
servations et des documents importants qu'il
consigna dans les ouvrages suivants: Mémoi-
res historiques et géographiques sur les pays
situés entre la mer Noire et la mer Caspienne
(Paris, 1799); Tableau de la Grande-Breta-
gne, de l'Irlande et des possessions anglaises
dans" les quatre parties du monde (Paris, 1800).
C'est un des meilleurs ouvrages publiés sur
l'empire britannique. Napoléon le consultait
souvent.
BAERT (Philippe), généalogiste belge, vi-
vait dans la seconde moitié du xvme siècle. Il
était bibliothécaire du marquis de Chastellar,
et il consacra tous ses loisirs à l'étude de l'art
héraldique, qui était alors un objet d'études
très-généralement cultivé par les écrivains
belges. Il a publié : Supplément au nobiliaire
des Pays-Bas et de Bourgogne (se édition,
Louvain, 1772), ouvrage corrigé et augmenté
par Cuypers et par un autre généalogiste, le
major de I-IoUeber.
B.3ÎRUM, village de Norvège, prov. et à
10 kil. O. de Christiania, sur la rivière qui
porte le même nom. Forges à fer les plus an-
ciennes de la Norvège ; nombreuses scieries de
planches.
BAESRODE, village et comm. de Belgique
(prov. de la Flandre Orientale), sur l'Escaut,
arrond. et a 7 kil. E. de Termonde,' 37 kil. do
Gand; 2,910 hab. Fabrication de toiles à voiles,
pêche et navigation très-active.
BjSÎTICA, BjETIQDE et BjETIS, noms géo-
graphiques. V. Bétique, Bétis.
BAITIS s. m. (bé-tiss). Entom. Genre d'in-
sectes névroptères , formé aux dépens des
éphémères, et renfermant un petit nombre
d'espèces disséminées dans les diverses ré-
gions du globe.
HMTOti, géomètre grec attaché à l'expédi-
tion d'Alexandre pour mesurer les distances
des marches de 1 armée. Il avait réuni ses
études dans un ouvrage intitulé : Stations de
la marche d'Alexandre. Il ne reste que quel-
ques fragments de cet intéressant travail.
BjETYLE, pierre sacrée. V. Bétyle,
bjeuMerte s. f. (bé-u-mèr-te). Bot. Syn.
du genre cresson.
b&vila s. f. (bé-vi-la). Bot. Espèce de
guimauve de Ceylan.
B.XZA (Beatia), ville d'Espagne (Andalou-
sie), prov. de Jaen, ch.-l. de juridiction civile;
10,800 hab.; avait été au vme siècle la capi-
tale d'un petit royaume arabe. Il Nom d'une
ville de l'Amérique du Sud dans la république
de l'Equateur, à 100 kil. S.-E. de Quito. Ma-
nufactures de toiles de coton,
BAEZA (Diego de), jésuite espagnol, théo-
logien et prédicateur, né en Galice en 1582,
mort en 1647. Il eut de son vivant une grande
réputation que ne justifient point ses sermons,
qui ne sont que des recueils de lieux communs.
11 a en outre écrit des paraphrases de l'Ancien
et du Nouveau Testament.
BAF s. m. (baff — de l'angl. beef, bœuf).
Mamm. Métis ou jumart qu'on suppose pro-
venir du taureau et de la jument. Le produit
également supposé du cheval et de la vache
s'appelle bif. Ce sont des monstruosités im-
possibles.
BAFCOP (Alexis), peintre allemand con-
temporain, né à Cassel, est venu se fixer a
Pans vers 1830, et a exposé des tableaux de
genre et des portraits aux Salons de 1831,
1833, 1836, 1839, 1840, 1842, 1844, 1847 et 1S48.
Il a obtenu une médaille de 3° classe en 1847.
BAFFA ou BAFFO, ville de la Turquie d'Asie,
sur la côte S.-O. de l'île de Chypre; 1,000 hab.
Cette ville, qui eut quelque importance sous la
domination des Vénitiens, aujourd'hui presque
déserte, est construite sur l'emplacement de
l'ancienne Paphos, sanctuaire célèbre du culte
de Vénus. — Cristal de roche, dit diamant de
Baffa.
BAFFA ou BAFFI (Françoise), femme poète
italienne, née à Venise , florissait dans cette
ville vers 1545. Elle eut une brillante renom-
mée de son vivant. Ses poésies, qui contien-
nent beaucoup de sonnets, ont paru dans les
recueils littéraires du temps, mais n'ont jamais
été réunies.
BAFFA (Nicolas), savant helléniste napoli-
tain, vivait a la fin du xvme siècle. Lors de
l'occupation de Naples par les Français et de
l'établissement de la république parthéno-
péenne, il accepta des fonctions publiques.
Au retour du roi, il fut une des victimes de la
réaction sanglante qui marqua eette restau-
ration, et fut condamné à mort par une com-
mission royale, avec tout ce que Naples ren-
fermait d'hommes éminents.
BAFFE s. f. (ba-fe — rad. paff). Soufflet,
dans le patois picard.
BAFFET (Prosper), nom d'un paysan bas
breton qui, en 1854, a été, avec un de ses
voisins appelé Yves Louarn, victime d'une
déplorable erreur judiciaire. Les époux Gui-
gourés, tous deux d'un âge fort avancé, vi-
vaient dans une maison isolée, près du village
de Bannalec (Finistère). Dans la nuit du 17 au
18 janvier 1854, trois individus armés de fu-
sils enfoncèrent la porte de cette maison , et,
par des coups et des menaces de mort, forcè-
rent Guigourés et sa femme a leur indiquer
l'endroit où se trouvaient déposées les écono-
mies du ménage. Ces malfaiteurs avaient le
visage- barbouillé de noir et enveloppé d'un
mouchoir blanc. De plus, ils portaient de Ion-
44
BAF
gués chemises blanches par-dessus leurs vê-
tements. Ces précautions leur avaient paru
suffisantes pour ne pas être reconnus. Toute-
fois, ils avaient parlé. En outre, les victimes
avaient cru remarquer que l'un d'eux pouvait
avoir cinquante ans, tandis qu'un autre était
plus jeune. Les premières recherches de la
justice ayant fait retrouver les traces de leurs
pas, on constata qu'après avoir accompli leur
crime, les bandits avaient pris le chemin de
Bannalec. Les soupçon3 se portèrent aussitôt
sur deux journaliers de ce village, Prosper
Baffet et Yves Louarn, le premier âgé de cin-
quante et un ans et le second de trente-six
ans. Ces deux hommes étaient très-pauvres
et assez mal famés. Une perquisition faite chez
Baffet amena la découverte d'une chemise,
d'un mouchoir et d'un linge humides, sembla-
bles à ceux qu'on avait vus aux agresseurs.
Confrontées avec eux, les victimes déclarè-
rent qu'ils ressemblaient entièrement à ceux
qui les avaient dépouillées. La servante des
époux Guigourés alla même jusqu'à affirmer
qu'elle les reconnaissait à la voix. Enfin, un
médecin, ayant été chargé d'examiner les ac-
cusés, trouva, derrière les oreilles de Baffet,
ainsi que dans la barbe et sur le front de
Louarn, malgré le soin avec lequel ils s'é-
taient lavés, des traces d'une matière noire,
suie ou charbon en poudre, qui avait dû être
appliquée a l'aide dun corps gras. On apprit
encore qu'au moment du crime Baffet était
menacé d'une saisie, et que, le jour même,
Louarn avait proposé un vol de blé à un de
ses camarades. Le l" avril 1854, Baffet et
Louarn comparurent devant la cour d'assises
du Finistère. Interrogés sur les diverses cir-
constances qui les accusaient, ils ne purent
fournir que des explications insuffisantes. En
conséquence, ils furent déclarés coupables,
mais le jury crut devoir reconnaître des cir-
constances atténuantes en faveur du premier.
Louarn fut condamné aux travaux forcés à
perpétuité, et Baffet à vingt ans de la même
Peine. Celui-ci mourut au bagne de Brest
année suivante, et son camarade à Cayenne
un an plus tard. Ils étaient cependant tout à
fait innocents. En effet, à la suite de nouveaux
renseignements parvenus à l'autorité judi-
ciaire dans le courant de 1859, quatre habi-
tants de Bannalec, les nommés Millour, Oli-
vier , Jambon et la veuve Sinquin , furent
arrêtés, et, au mois de janvier 1860, la cour
d'assises reconnut qu'ils étaient les seuls et
véritables auteurs du crime de 1854. La veuve
Sinquin et Millour furent condamnés aux tra-
vaux forcés à perpétuité, Jambon à vingt ans
et Olivier & quinze ans de la même pejne.
« La mort de Louarn et de Baffet, dit a ce
sujet l'organe du ministère public, ne rend i
plus possible la réparation de l'erreur judi- j
ciaire dont ils ont été les victimes ; mais les
débats de cette affaire et le nouveau verdict
du jury seront pour leur mémoire une écla-
tante et solennelle réhabilitation. » C'était, eu
effet, la seule réparation que la justice hu-
maine pouvait accorder à ces deux mal-
heureux.
BAFFETAS s. m. (ba-fe-tâ). Comm.
Grosse toile blanche de coton, qui vient des
Indes : Baffetas de Bénarès, de Surate. On
assure qu'il sort tous les ans des fabriques de
l'Inde de dix à dix-huit mille balles de baf-
fetas, de deux cents pièces chacune, (Encycl.)
Il On écrit aussi bafetas et baftas.
DAFF1N (baie ou mer de), grand golfe dans
l'océan Atlantique, sur la côte N.-E. de l'Amé-
rique du Nord, entre 67°- 78» lat. N. et 55°-82<>
long. O. Ce golfe, presque toujours couvert [
de glaces, doit son nom au navigateur anglais
qui, le premier, le visita en 1616. Pêche de
baleines et de phoques, n Baffin-Parry, ar-
chipel composé des lies comprises entre la
mer de Baffin et celle d'Hudson, au S. du dé-
troit de Lancastre-et-Barrow. Les principales
sont : Cockburn, Southampton, Mansfielâ, Ja-
mes, etc.
BAFFIN (William), célèbre navigateur an-
glais, né en 1584, mort en 1622. Il prit part,
en qualité de pilote, à diverses expéditions
maritimes commandées par les capitaines
James Hall, Hudson, Thomas Button, Gibbins
et Bylot. En 1612, il fit partie de l'expédition
arctique dans laquelle James Hall fut tué par
des sauvages,, et, à son retour, il écrivit la
relation de ce voyage. C'est dans cet histori-
que que se trouve décrite, pour la première
fois, une méthode pour déterminer la longi-
tude en mer au moyen des corps célestes. En
1615, il fut adjoint à Robert Bylot, alors sur
le point d'entreprendre son quatrième voyage
au nord-ouest, pour rechercher un passage
par le détroit de Davis. L'année suivante, les
deux navigateurs partirent de nouveau sur le
même navire, la Découverte. Ils parvinrent
jusqu'au soixante-dix-huitième degré de lati-
tude nord, et Baffin observa alors la plus
grande déclinaison de l'aiguille aimantée (56»
du nord au sud). Cependant, comme on ne
trouvait point le passage cherché, le navire
changea de route, d'après les conseils de Baf-
fin, et se dirigea vers le nord du détroit de
Davis. On entra alors dans une vaste baie, à
laquelle fut donné plus tard le nom du hardi
pilote. Baffin a également publié une relation
de ce voyage ; mais le grand nombre de ses
cartes et de ses plans, perdus, d'ailleurs, au-
jourd'hui, et le prix élevé qu'en aurait atteint
la gravure, ne lui permirent pas de les joindre
& sa narration, ce qui rend sa description de
la baie moins correcte et moins intelligible
BAG
qu'elle ne l'eût été autrement. Quelques frag-
ments d'un journal qu'il avait aussi rédigé se
trouvent dans le recueil de voyages de Pur-
chas. Il nous reste encore de Baffin une lettre
à John Vostenholme, dans laquelle il assure
qu'il existe un passage au nord du détroit de
Davis.
Baffin fut tué au siège d'Ormus, en Perse,
tandis que, avec des troupes persanes, il
essayait de chasser de l'Ile les Portugais.
BAFFO, fille d'un gouverneur vénitien de
Corfou, fut capturée en mer par les Turcs,
devint favorite d'Amurat 111, qui en eut Ma-
homet III. Après avoir joui d'une longue in-
fluence sous deux règnes, elle fut écartée des
affaires par son petit- fils, Achmet III, vers
1603.
BAFFO (Georges), poêle vénitien, mort vers
1768, auteur de quatre volumes de poésies fa-
ciles, mais licencieuses, qui ont été publiées à
Venise en 1789, sous le titre de Cosmopofi.
Elles sont en dialecte vénitien. Par une sin-
fularité remarquable , cet homme , qui était
'une obscénité révoltante dans ses vers, était
d'une extrême réserve dans sa conduite et
dans ses discours, en sorte qu'on a pu dire de
lui qu't'i parlait comme une vierge et écrivait
comme un satyre.
BAFFO, BAFFUS OU BAFFI (Lucullus), mé-
decin, philosophe et poëte italien, né à Pé-
rouse, mort en 1634. On connaît surtout de
lui un poëme sur sa ville natale, De Antiqui-
tate Perugim. Son fils, mort en 1644, s'est
occupé avec succès de l'histoire de Pérouse.
BA-FING, nom que les Mandingues donnent
au Sénégal dans la partie supérieure de son
cours. Ce mot signifie fleuve noir.
BAFOUÉ, ÉE (ba-fou-é) part. pass. du v.
Bafouer. Honni , traité avecMédain , risée,
raillerie : Un homme bafoué, bafoué de tout
le monde. Presque tous les grands inventeurs
ont commencé par être bafoués. Ne cherchez
jamais à employer l'autorité là où il ne s'agit
que de raison, ou consentez à être bafoué dans
tous les siècles. (Volt.) Ma destinée est d'être
écrasé, persécuté, vilipendé, bafoué, et d'en
rire. (Volt.) Une assemblée qui, de souveraine,
se fait législative, ressemble au critique re-
douté qui se fait artiste bafoué. (E. de Gir.)
Quelqu'un le reconnut (le geai) : il se vit bafoué.
Berné, sifflé, moqué, joué. La Fontaine.
BAFOUER v. a. ou tr. ( ba-fou-é — ce mot
est une sorte de mimologisme, peignant la
moue et les contorsions des lèvres qu'on fait
pour se moquer, et la racine parait en être
la même que celle de babines, babouines, où
l'on retrouve bap, baf, signifiant lèvres. Aussi
la forme du substantif et du verbe est-elle
analogue dans la plupart des langues germa-
niques et néo-latines : ital., beffa; esp., befa;
prov., bafa ; acgl.. tu baffle; bavar., beffen,
aboyer ; notre vieille langue donne la forme
beffé). Railler sans pitié , traiter avec une
moquerie outrageante, couvrir de honte : On
le bafoua en pleine assemblée. Les Pradons
que nous avons bafoués dans notre jeunesse
étaient des prodiges auprès de ceux-ci. (Boil.)
Nous 7i'aurons jamais assez bafoué l'impu-
dence de cet accouplage de l'homme avec les
dieux du paganisme. (Montaigne.)
Morbleu ! madame, suis-je un homme qu'on bafoue?
E. Augier.
Se bafouer, v. pr. Se railler mutuellement,
se moquer l'un de l'autre.
— Syn. Bafouer, conspuer, honnir, villi-
pender. Bafouer renferme une idée de mo-
querie outrageante, répétée, qui ne laisse
pas de relâche. Conspuer, marque un mépris
profond j par son étymologie même on voit
que l'objet conspué ne paraît plus digne des
égards qu'on aurait même pour le dernier des
hommes. Honnir est le cri du soulèvement et
de l'indignation ; on honnit pour faire honte,
pour faire rougir d'une action mauvaise. Vi-
lipender, c'est ravaler, détruire la réputation,
mettre sous les pieds comme quelque chose
de vil, et tout cela souvent par un sentiment
de jalousie ou par un manque de générosité.
BAFRA, ville de la Turquie d'Asie, Anatolie,
pachalik et au N.-O. de Sivas, sur le Kizil-
Ermak, qui se jette dans la mer Noire, non
loin de cette ville; 2,000 hab.
BÂFRE s. f. (bâ-fro — pour l'ôtym., v. Bâ-
frer). Pop. Grand repas, repas où l'on mange
beaucoup, ripaille : Aimer la bâfre, ne son-
ger qu'à la bâfre. Il y a bâfre chez le préfet.
BÂFRÉ, ÉE (bâ-fré) part. pass. du v. Bâ-
frer. Dévoré, englouti : Le dinerfut bâfré en
moins de Tien.
BÂFRÉE s. f. (bâ-fré — rad. bâfre). Pop.
Repas de glouton : 5e donner une bâfrée.
BÂFRER v. n.ou intr. (bâ-fré — du préfixe
germanique be, bi, 6a, et d'un verbe indéter-
miné signifiant dévorer : en tud., frezan, frez-
zen; en goth., fretan ; en angl.-sax., frœtan;
en ail., fressen; en dan., fraadse ; en suéd.,
frœta; en holl., vreeten, signifient manger
avidement, dévorer. La syllabe fre de goinfre
montre que ce mot a les mêmes racines).
Manger goulûment, avec excès : C'est un
homme qui ne fait que bâfrer. Peut-on bâ-
frer ainsi?
— Activ. Cet enfant bâfre tout ce qu'il peut
attraper.
Se bâfrer, v. pr. Se gûrgcr : Il se bâfre
de pâtisserie.
BAG
BÂFRERIE s. f. (bà-fre-rî — rad. bâfrer). I
Gloutonnerie, il Ce mot trivial, mais si éner-
gique et si populaire, est omis par tous les
dictionnaires. ,
BÂFREUR, EUSE s. (bâ-freur, eu-ze — rad.
bâfrer). Pop. Grand mangeur, glouton : C'est
un grand bâfreur.
BAG, idole persane qui a donné son nom à
la ville de Bagdad.
BAGABEN , province centrale de l'Ile de
Java, à 260 kil. do Batavia ; elle fait partie du
territoire qui n'a pas encore reconnu la suze-
raineté des Hollandais. Récolte considérable
de nids d'hirondelle, achetés par les Chinois.
BAGAGE s. f. V. BAGASSE.
BAGACCM, ville de la Gaule, dans la Belgi-
que Ile, cap. des Nerviens; aujourd'hui Bavay.
BAGADAIS s. m. (ba-ga-dè). — Ornith.
Genre de passereaux établi aux dépens des
pies-griècbes, et qui paraît former lb pas-
sage de co dernier genre à celui des fourmi-
liers. Il renferme trois espèces, qui habitent
l'Afrique centrale, toutes trois remarquables
par les plumes hérissées qui leur couvrent la
tête en avant et l'espèce de plumet dont elle
est surmontée.
— Désigne aussi une espèce de pigeons.
— Encycl. Vieillot forma le genre bagadais
sur une espèce de pie-grièche décrite par Le-
vaillant et nommée par lui Le Geoffroy, parce
qu'elle avait été rapportée du Sénégal par
M. Geoffroy de Villeneuve. Il appartient à
l'ordre des passereaux, famille des lanidées,
sous-famille des laniarinées. Bec droit, mais
très-crochu à l'extrémité ; plumes à la base du
bec recouvrant les narines et assez rigides;
un cercle de peau souvent festonnée entoure
les yeux ; ailes assez longues ; tarses et doigts
de longueur médiocre ; le dos, les ailes et la
queue sont noirs, avec bandes ou bordures
blanches ; la tète, le cou et le dessus du corps
sont blancs ; une huppe en forme de plumet
garnit la tête. Cet oiseau se nourrit probable-
ment d'insectes, et surtout de l'espèce de four-
mis appelées termites. Il est sauvage et criard ;
les bagadais volent par bandes et s'abattent
tous ensemble pour chercher des insectes sur
le sol et dans les buissons. Swains l'a désigné
sous le nom de prionops plumatus, et c'est là
l'espèce type ; mais on en a trouvé depuis
deux autres espèces : le prionops cristatus de
Rupp. et le prionops falacoma de Smith.
BAGXUS. Myth. gr. Surnom que les Phry-
fiens donnaient à Jupiter, honoré chez eux
'un culte spécial.
BAGAFFE s. m. (ba-ga-fe). Pistolet, en
argot.
bagage s. m. (ba-ga-jc — du v. fr. bagues,
paquets. V. Bagues). Effets, objets empa-
quetés que l'on emporte avec soi en voyage :
Charger , décharger les bagages. Le jeune
homme est venu à pied, et son petit bagage
sur le dos. ( Picard. ) Il avoua franchement
qu'on l'avait chargé de mettre la coupe d'or
dans le bagage de son maître. (G. Sand.)
Deux jours après, les d'eux frères arrivèrent à
Brest ; je vis leur mince bagage. (E. Sue.)
Ne faut-il pas quelqu'un pour garder le bagage?
La Fontaine.
— Par ext. Mobilier de peu de valeur .- Ils
emportèrent tout leur bagage sur une petite
voiture. (Acad.)
— Par anal. Ensemble des ouvrages, des
productions d'un autour : Bagage littéraire.
Bagage académique. N'avoir qu'un mince ba-
gage. N'imprimez pas tant de mes ouvrages,
car plus le bagage sera gros, plus j'aurai de
mal à aller à la postérité. (Volt.) Deux poè-
mes, une nouvelle, une description, etc., for-
maient tout le bagage littéraire du défunt.
(Balz.) n Ensemble des connaissances que l'on
a acquises : Ce que les jeunes filles peuvent
■ apprendre dans un pensionnat forme toujours
un bagage d'instruction fort léger. (Math, de
Dombasle.)
— Loc. fam. Plier, trousser bagage, Délo-
ger furtivement, s'enruir : Quoi.' après la
figure que nous avons faite, quitter la partie
comme des sots, plier bagage comme des cro-
quants, au premier épuisement des finances.'
(Hamilt.) Au premier son de trompette, tu
trousses bagage et te sauves où il te plait.
(D'Ablanc.) Deux jours après, il pliait ba-
gage et partait pour Catane avec sa fille. (G.
Sand.)
A la cour, à la ville, on l'a tant blasonné.
Hué, sifflé, berné, brocardé, chansonné,
Qu'enfin ne pouvant plus tenir tête a l'orage,
Avec fia Pénélope il a plié bagage.
La Chaussée.
Il Signifie aussi Mourir : Il y aura bientôt
deux ans que le pauvre homme a plié bagage.
(Acad.) On ne parle plus que de la mort du
M azarin ; il est passé, il k plié bagage, (Gui-
Patin.)
— A trousse-bagage, En toute hâte, il Cette
locution a vieilli.
— Art milit, Ensemble des effets et du
matériel d'équipement : Sortir de la ville
avec armes et bagages. Partir avec armes et
bagages. Les Romains donnaient aux bagages
un nom expressif: impedimenta, embarras.
Les Suédois furent rompus, enfoncés et poussés
jusqu'à leurs bagages. (Volt.) L'Olympe grec
fut apporté à Borne dans les bagages des
vainqueurs. (Nisard.) Le poids du bagage que
le soldat d'infanterie porte aujourd'hui en
BAG
campagne s'élève à près de 30 kilog. ( De
Chusnol.)
Le soldat en désordre imprudemment s'engage
Tant a brûler le camp qu'à piller le bai/a/je.
MâiUET.
— Menu bagage, Celui qui peut être porté
par des bêtes de somme et par les soldats, n
Gros_ bagage, Celui qui ne peut être trans-
porté que par voitures.
— Chem. de fer. WagOn à bagages. Voiture
d'un train de voyageurs spécialement affectée
au transport des bagages.
— Encycl. Bagages militaires. Si une armée
f)ouvait se passer de bagages, elle serait plus
ibre dans ses mouvements; elle pourrait se
transporter plus rapidement d'un point à un
autre, et se prêterait beaucoup mieux aux
combinaisons stratégiques qui sont souvent le
moyen le plus assuré de vaincre. L'histoire
prouve que les armées les plus nombreuses,
embarrassées par de lourds bagages, ont sou-
vent été taillées en pièces par des troupes
beaucoup plus faibles et dont les soldats étaient
a peine vêtus. Les Romains étaient trop habi-
les dans l'art de la guerre pour n'avoir pas
compris combien il importait d'accoutumer le
soldat à se contenter des bagages réduits au
strict nécessaire ; ils en avaient pourtant, mais
ils les désignaient sous le nom très-significa-
tif à' impedimenta, c'est-a-dire embarras , en-
traves. Les Grecs aussi, dans le temps de leur
gloire militaire, avaient très-peu de bagages,
et c'est peut-être pour cela qu'ils purent vain-
cre les innombrables armées de Xerxès et de
Darius, qui traînaient à leur suite tous les ob-
jets nécessaires pour que leurs chefs pussent
mener en campagne une vie presque aussi
luxueuse que dans leurs palais.
Mais, puisqu'il faut des bagages, nous allons
dire brièvement quels sont les règlements
militaires en vigueur aujourd'hui, sur cette
matière, dans nos armées. On donne le nom
de bagage h. l'ensemble des objets que chaque
soldat d'infnnterie doit porter en campagne.
Ce bagage pèse environ 30 kilo.
Mais les bagages proprement dits sont tous
les effets qu'on transporte a la suite des trou-
pes-, ceux qu'on met dans des voitures consti-
tuent le gros bagage, et le petit bagage est
celui qu'-on charge sur des bêtes de somme,
chevaux ou mulets, selon la nature du terrain.
Nous empruntons au Dictionnaire de M. F.
Louis, chef do bataillon d'infanterie, les ren-
seignements suivants :
Les voitures à un collier, c'est-à-dire à une
seule bête de trait, doivent porter un poids de
500 kil. ; ce poids s'élève a 800 kil. pour les
voitures à deux colliers.
Dans les marches, une troupe de 25 à 160
hommes a droit à une voiture a un collier ;
deux colliers sont alloués de 161 à 320 hommes ;
trois colliers de 321 à 480 hommes; quatre
colliers de 481 à 640 hommes; cinq colliers de
641 k 800 hommes, etc. Un détachement infé-
rieur à 25 hommes, y compris l'officier, n'a
droit à aucune voiture. Outre cela, il est ac-
cordé une voiture u, un collier pour le trans-
port de la caisse et des archives, quand la
troupe en marche a une administration dis-
tincte régulièrement organisée. Chaque offi-
cier peut faire charger 30 kilo, do bagages
pour son usage journalier sur les voitures
allouées au détachement, sans toutefois que le
chargement des voitures puisse dépasser le
maximum fixé comme nous l'avons dit. Lors-
que les troupes voyagent par voies ferrées, les
bagages sont mis dans un ou deux wagons,
ainsi que les tambours et les gros instruments
de musique ; le poids en est proportionné à
l'effectif, d'après les mêmes données que pour
le service des convois. S'il y a des cantinières,
il faut ajouter un cheval ou mulet et une voi-
ture pour chacune d'elles.
Les officiers ont droit aussi à des bagages
qu'on pourrait appeler bagages de luxe , et
pour cet objet chaque bataillon est suivi de
deux voitures, une par escadron. La première
de ces voitures porte : 9 cantines d'effets pour
9 officiers ; une cantine pour le chef de batail-
lon ; 4 pour le chef de cuisine ; 7 tentes avec
10 couvertures; 10 pliants. La deuxième con-
tient : 9 cantines pour 9 officiers ; une pour
l'adjudant-major ; une pour le médecin ; 4 can-
tines de cuisine; 8 tentes, avec il couvertu-
res; il pliants ; et, de plus, l'avoine et le pain.
Pour chaque régiment, il est alloué une voi-
ture de supplément destinée au service des
officiers de 1 état-major.
En Afrique et dans toutes les contrées où i
n'y a pas de routes commodes pour la circu-
lation des voitures, celles-ci sont remplacées
par des mulets, et le nombre des mulets est
également fixé par des règlements spéciaux.
Les équipages des corps, soit dans l'inté-
rieur, soit en campagne, sont placés sous les
ordres d'un vaguemestre choisi parmi les ca-
pitaines ou les lieutenants ; le vaguemestre du
grand quartier général est pris parmi les offi-
ciers supérieurs. Ces mêmes équipages ont
une garde fournie par la compagnie hors
rang quand le régiment tout entier est en
marche, et par la moitié de la garde descen-
dante lorsqu'il s'agit d'un bataillon seulement.
Cette garde charge et décharge les voitures.
En campagne , la garde des équipages est
confiée aux convalescents, aux cavaliers dé-
montés, à, tous les hommes en général qui
n'entrent pas dans les rangs.
Nous venons de nous servir du mot équi-
pages en lui donnant le sens de bagages, mais
il faut remarquer que nous avons dit équipa-
ges des corps, ce qui en restreint considéra-
BAG
BAG
BAG
BAG
45
blemcnt la signification. L'administration de
nos armées entend quelque chose de beaucoup
plus général quand elle parle des équipages
militaires proprement dits; elle a créé un
corps de troupes tout spécial, auquel elle a
donné le nom de train des équipages, et qui
est chargé de tous les détails relatifs à ce ser-
vice important. Nous en parlerons au mot
Equipages.
— Bagages des voyageurs. On ne comprend
pas ordinairement sous cette dénomination les
objets qu'une personne en voyage porte à la
main, afin de pouvoir s'en servir pendant le
voyage même, à moins qu'ils ne soient trop
apparents: on entend spécialement par baga-
ges les colis que le voyageur emporte avec
lui, mais qui doivent être chargés dans une
autre voiture ou dans un autre compartiment
que celui qu'il occupera lui-même. Chaque
voyageur doit avoir soin de faire enregistrer
son bagage et doit se faire remettre un bulle-
tin constatant le nombre et le poids des colis.
Toutes les administrations de chemins de fer
admettent, en franchise de port, 30 kilo, de
bagages par personne ; elles font payer pour
le surplus une somme calculée selon des tarifs
qui sont affichés dans toutes les gares. Les
enfants n'ont droit qu'à 20 kilo, lorsqu'ils ne
Îiayent que demi-place. Il arrive souvent que
es bulletins de bagages portent une clause in-"
diquant qu'en cas de perte l'administration ne
s'oblige a payer que 150 fr. pour une malle,
et 50 fr. pour un sac de nuit; mais plusieurs
arrêts de cours impériales ont déclaré nulle
cette clause, et ont obligé les compagnies à
payer une indemnité égale à la valeur des
objets perdus, lorsque cette valeur a pu être
prouvée d'une manière satisfaisante, et ces
arrêts nous paraissent de la plus stricte équité.
Les sacs d'espèces qu'un voyageur porte sur
lui ne sont point soumis à la taxe imposée par
le tarif sur les transports d'espèces; mais les
compagnies sont alors dégagées de toute res-
ponsabilité. Cependant nul n'a le droit de
porter ainsi plus de 25 kilo, d'or, d'argent ou
de billon.
Quand le voyage est terminé, le voyageur
Ïtasse dans la salle des colis, où ses bagages
ui sont remis sur la représentation de son
bulletin. Les facteurs et les sous-facteurs
chargés de cette remise ne doivent ni réclamer
ni recevoir aucun pourboire, même pour por-
ter les paquets et les malles dans la voiture
où doit monter le voyageur, à moins que ce-
lui-ci ne les ait chargés d'aller chercher cette
voiture en dehors de la grille qui ferme la
cour d'arrivée. Mais avant de pouvoir ainsi
disposer de ses bagages, le voyageur est tenu
de les soumettre à la visite des employés d'oc-
troi ou de douane et de payer les droits, s'il y
a lieu.
Les bagages sont, pour une personne en
voyage, ce qu'il y a de plus assujettissant ;
Îiour peu que le poids de 30 kilo, soit dépassé,
es frais sont notablement augmentés ; mais il
n'y a pas que cet inconvénient : presque tou-
jours les gares sont à quelque distance des
villes, très-rarement dans la ville même ; de
là, nécessité de monter en omnibus, avec ar-
mes et bagages. Nos voisins, les Anglais, qui
passent les trois quarts de leur vie à voyager,
ont su, avec leur esprit calculateur et positif,
s'affranchir de toutes ces incommodités; ils
voyagent presque sans bagages, ce qui les dis-
Fense d'une surtaxe et leur permet de gagner
hôtel pédestrement. Voyez une riche An-
glaise se promener sur le boulevard des Ita-
liens; elle est mise avec plus de simplicité que
quand elle se promène le matin, seule, dans
son parc. « C'est beaucoup par affectation et
un peu par mépris, » diront nos Parisiennes,
. qui ont l'habitude de se faire accompagner
d'un wagon de crinolines, de robes et de cha-
peaux, pour peu qu'elles aillent a Dieppe ou
seulement à Fontainebleau. Ici, nous répon-
drons : Non , mesdames. Les Anglais , en
voyage, veulent leur commodité. L'Anglaise a
le mauvais goût de ne voyager que pour voir, et
nous, mesdames, nous avons l'esprit de voya-
ger pour être vues ; l'Anglaise a un carnet sur
lequel elle prend des notes et un album où elle
dessine des points de vue, des paysages ; la
Française voyageuse se soucie peu de tout
cela et s'amuse a bien autre chose. Aussi, les
Anglaises ont acquis une force étonnante sur la
géographie. Quant à nous, après dix années
d'études, même passées au Sacré-Cœur, nous
connaissons à peine de nom nos sous-préfec-
tures de France. « Savez-vous ce qui distin-
gue le Français? demandait Gœthe à un de nos
jeunes bacheliers en voyage. — Leur esprit.
— Non. — Leur amabilité. — Non. — Leur...
légèreté. — Non : leur ignorance en géogra-
phie. » Mais revenons à nos bagages. Je ren-
contrai un jour un touriste anglais sur un des
vapeurs du lac de Genève; sa mise était sim-
ple et propre. • Je vais passer l'automne à
Nice, me dit-il; l'hiver en Palestine et en
Egypte, et je serai au mois de mai à Saint-
Pétersbourg.-^ Et vos bagages?— Les voici. »
Et il tira de sa poche une très-élégante boîte
en maroquin qui me parut renfermer quelques
objets de toilette. « J ai pris exemple, ajouta-
t-il, sur l'escargot, qui est l'être le plus voya-
, geur de la nature animale; je porte tout sur
moi ; quand mes bottes et mon habit sont usés,
je les remplace par des neufs dans la ville où
je passe ; de cette manière mes bagages ne
m'ont jamais donné un quart d'heure de
souci. • Je lançai un regard mélancolique sur
mes bagages, qui atteignaient la hauteur de la
cheminée de notre vapeur — car j'étais en fa-
mille — et je saluai l'Anglais avec admiration.
Plus heureux que Diogène, j'avais trouvé un
homme.
BAGAIA ou BAGAIS , aujourd'hui Baghaï,
ville d'Afrique, dans l'ancienne Numidie, sur
le fleuve Abigas (en arabe Ouad-el-Baghaï),
qui descend du mont Aurèse. Célèbre au com-
mencement du v« siècle par les troubles reli-
gieux des donatistes.
BAGAN s. m. (ba-gan). Nom vulgaire des
pâtres nomades qui gardent les troupeaux
dans les 'landes de Bordeaux : Les Bagans
passent presque toute l'année en plein air ; ils
ne se rendent dans le village que pour renou-
veler leurs provisions, qu'ils placent dans une
espèce de petite cabane montée sur un essieu à
roues.
BAGAItD (César), sculpteur connu sous le
nom de grand César, né à Nancy en 1639,
mort en 1709. La plupart de ses productions
ornaient les édifices de sa ville natale, et fu-
rent en partie détruites à l'époque de la Révolu-
tion. On citait surtout un Christ que possédait
l'église Saint-Sébastien, un Buste de Louis XIV
qui ornait l'ancienne porte royale de Nancy ;
deux statues colossales, l'une de Sainte Thé-
rèse, l'autre de Saint Jean de La Croix, ainsi
qu'une Vierge soutenue par des anges , dans
1 église des Carmes. Son lils Toussaint fut
également un statuaire de mérite.
BAGAB.E s. f. (ba-ga-re — corrupt. de ga-
baré). Mar. et navig. Sorte de bateau plat
dont on se servait autrefois sur la Seine, h
Gros navire de transport.
BAGARE s. f. (ba-ga-re). Vanterie, fanfa-
ronnade, il V. mot.
BAGARRE s. f. (ba-ga-re — étym. dout. :
dans le sens de encombrement, ce mot semble
se rattacher à bagues, signifiant hardes, ba-
gages; dans le secs de tumulte, querelle, com-
bat, il paraît venir de l'allem. balgen, ou de
l'esp. baraja, qui ont le même sens). Grand
bruit, désordre, tumulte : Quelle bagarre 1
5e mêler, se tirer de la bagarre, d'une ba-
garre. Dans ce confessionnal est un chanoine
de mes amis qui sera censé vous avoir retirée
de la bagarre et mise sous sa protection dans
cette chapelle. (Balz.)
J'ai voyagé, j'ai vu du tintamarre,
Je n'ai jamais vu semblable bagarre;
Tout le logis est sens dessus dessous.
Voltaire.
Dans la bagarre.
S'il tombe sous ma main, je ne crierai pas : gare !
C. Delavione.
Il Encombrement tumultueux : Dans la ba-
garre, son carrosse fut brisé. Grâce à lapolice,
les bagarres deviennent moins fréquentes à
Paris.
. — Par ext. Réunion confuse et tumul-
tueuse d'objets ou de personnes : Quelle que
soit la place qu'on occupe soi-même dans la
grande bagarre humaine, dont nous faisons
tous partie, on ne peut plus méconnaître en lui
un philosophe politique du premier ordre.
(Ste-Beuve.)
— Loc. fam. Se sauver, se tirer de la ba-
garre ; s'échapper de la bagarre, Se tirer d'une
situation difficile, embarrassante ; s'esquiver
au milieu d'une discussion animée, d'une
dispute.
BAGARRIS (Pierre-Antoine Rascas de),
gentilhomme provençal qui s'occupait d'ar-
chéologie et de numismatique. Il vint en 1G08
à la cour de Henri IV, à qui il montra des mé-
dailles romaines et des pierres gravées et qui
lui donna la charge de maître des cabinets,
médailles et antiquités ; mais Bagarris prit le
titre de ciméliarque ou ctméliarche, c'est-a-dire
gardien d'objets précieux. On a de lui un petit
traité de numismatique très-Curieux, qui a
pour titre : Nécessité de l'usage des médailles
dans les monnaies. Après la mort de Henri IV,
Bagarris repartit pour la Provence, emportant
•ses médailles et ses pierres gravées, pour les-
quelles Louis XIII ne témoignait que de l'in-
différence. Plus tard, la veuve de Bagarris les
vendit à Lauthler (d Aix), et le fils de celui-ci
les céda au roi. Elles sont maintenant au ca-
binet des médailles de la Bibliothèque impé-
riale ; on y remarque, entre autres pièces cu-
rieuses, le Cachet de Michel-Ange, le Mécène
de Dioscoride, et un Sacrifice sur jaspe san-
guin.
BAGASSE OU BAGACE S. f. (ba-ga-se —
esp. bagasa, marc). Techn. Nom donné aux
cannes qui ont passé au moulin et dont on a
extrait le sucre : Les bagasses servent à la
nourriture des bestiaux quand elles sont fraî-
ches; lorsqu'on les a séchées au soleil, on les
emploie pour alimenter le feu sous les chau-
dières, et on en fait des flambeaux pour s'é-
clairer la nuit, il Tiges d'indigotier que l'on
a retirées de la cuve après la fermentation :
La bagasse d'indigo fait un bon engrais lors-
qu'on lui a donné le temps de vieillir. (A. Du-
petit-Thouars.) n Marc de raisin ou d olives,
a la sortie du pressoir.
— Bot. Fruit du bagassier, qui est à peu
près du volume d'une orange, et bon à man-
ger; et, par ext., Nom du bagassier lui-
même.
— Encycl. La bagasse est le seul combusti-
ble employé dans le plus grand nombre des
sucreries coloniales, bien que sa puissance
calorifique ne soit pas très-élevée; d'après
M. Payen, elle serait équivalente a celle du
bois. L'extraction du vesou se fait générale-
ment en comprimant la canne entre des cylin-
dres cannelés, dont les axes sont horizontaux
ou verticaux. On préfère actuellement les cy-
lindres horizontaux, qui permettent une pres-
sion plus considérable sans briser autant la
bagasse qu'avec les cylindres verticaux.
La bagasse, au sortir du moulin, est liée en
bottes, puis séchée au soleil avant l'emmaga-
sinage.
BAGASSE S. f. (ba-ga-se — étymï dout. :
du v. mot lat. baga, paquet, avec la termi-
naison acea, en fr. asse, d'où le mot tire une
signification défavorable ; de l'ar. bâger, hon-
teux, ou bâgi, femme de mauvaise vie, d'où
notre v. mot fr. bâtasse, bajasse, qui a signi-
fié d'abord servante, puis mauvaise femme).
Pop. et triv. Femme de mauvaise vie, pro-
stituée : ... Tant qu'elle estimerait que l'on
voulût donner l'honneur dont elle se verrait
privée à cette bagasse de Gabrielle, (Sully.)
Je me défiais lien de cette grande bagasse de
fille, mais, depuis ce matin, je la méprise-,
(Balz.)
' . . . Bagasse, ouvriras-tu?
RÉGNIER.
On n'entend que ces mots : chienne, louve, bagasse.
MOLIÊÏtE.
— Interjectiv. Sorte de juron provençal
emprunté aux Italiens : Bagasse! je té ferai
repentir dé ta témérité. (L.-J-. Larcher.)
BAGASSIER s. m.(ba-ga-sié).Bot.Genre peu
connu, qui parait appartenir à la famille des
artocarpées, et comprenant une seule espèce,
qui est un arbre lactescent de la Guyane :
On prétend que le bois du bagassier des mor-
nes est plus léger. (Valmont de Bomare.) il On
dit aussi bagace et bagasse.
BAGATBAT s. m. (ba-ga-tba). Bot Sorte
d'arbre ou arbrisseau : syn. de sonnératie. il
On écrit aussi bagatpat.
BAGATELLA (Antoine), musicographe ita-
lien, né à Padoue vers la deuxième moitié du
xvme siècle. Il a écrit un opuscule ayant pour
titre : Règles pour la construction des violes,
violoncelles et violons , mémoire présenté à
l'Académie des sciences, lettres et arts de
Padoue, au concours du prix des arts, en l'an-
née 1782, et couronné par cette académie. Ce
mémoire contient des préceptes utiles pour la
construction des instruments à archet. Mais
on regrette que l'auteur ne lui ait pas donné
plus de développements.
bagatelle s. f. (ba-ga-tè-le — de l'ital.
bagatella, tour de bateleur). Objet futile,
sans utilité réelle : Il dépense tout son argent
en bagatelles. (Aead.) Il ne lui manque au-
cune.de ces curieuses bagatelles que l'on porte
sur soi autant par vanité que pour l'usage.
(La Bruy.) La première chose que la reine a
faite a été de distribuer aux princesses et aux
dames du palais toutes les bagatelles magni-
fiques qtfon appelle sa corbeille. (Volt.) La
cheminée en marbre blanc resplendissait des
plus coûteuses bagatelles. (Balz.)
Quoi! vous savei parler d'étoffes, de dentelles,
Et vous vous abaissez jusqu'à ces bagatelles?
Destouches.
Il Somme d'argent insignifiante; objet qui
n'est pas d'un grand prix : J'ai eu ce cheval
pour une bagatelle. Mille francs, c'est pour
vous une bagatelle. Tu n'as pas eu le cou-
rage de donner la moindre bagatelle à ta
maîtresse. (Hamilt.) Volcan, hydre, factions,
le ministère vous débarrassera de tout cela pour
un million, pour la bagatelle d'un million
voté sur le chapitre des fonds secrets. (A. Karr.)
— Par ext. Acte, parole, objet frivole et de
peu d'importance: Dire, conter des 'baga-
telles. L'homme est si vain et si léger que la
moindre bagatelle suffit pour l'amuser.
(Pasc.) Les plus grandes bagatelles sont des
affaires, et les plus grandes affaires sont des
bagatelles. (Christine de Suède.) Je suis bien
fâchée de vous écrire de telles bagatelles.
(M^e de Sév.) Les journaux sont les archives
des bagatelles, (Volt.) C'est l'attention qu'on
donne aux bagatelles qui seule en fait des
objets importants. (J.-J. Rouss.) C'est dans
les bagatelles que le naturel se découvre.
(J.-J. Rouss.)
Ce qu'elle nous veut dire est une bagatelle.
Corneille.
Madame Alix au fait a consenti;
Gela suffit, le reste est bagatelle. ■
LA FONTAtNE.
La bagatelle, en France,
Naquit dans un boudoir;
Et depuis on l'encense
Partout, sans le savoir ;
Auprès d'un parvenu, comme auprès d'une belle,
La bonne foi, la probité.
Les vertus, la fidélité
Sont une bagatelle.
C'est une bagatelle
Qui fait l'opinion;
On agit d'après elle
En mainte occasion :
On se fait dans le monde une guerre cruelle ;
On dispute, on ne s'entend pas,
Et l'on culbute des Etats
Pour une bagatelle.
Il Composition légère, écrits faciles et agréa-
bles : Il dit, il écrit des bagatelles fort amu-
santes. A ces jolies bagatelles, travaillées
comme une ode d'Horace, Courier donne un
poli de style qui rappelle l'éclat du marbre de
Paros. (Ste-Beuve.) Il S'emploie absolument
dans le même sens : On abandonne aux fem-
mes, tant qu'il leur plaît, l'empire de la baga-
telle, mais à condition qu'elles ne louchent
pas au sérieux. (Lamotte-Houdard.) L'enchan-
tement de la bagatelle dissipe tellement nos
pensées, que nous oublions sans cesse le seul
bien digne de notre souvenir, (Bourdal.) C'est
une politique sûre, de laisser le peuple savou-
rer la bagatelle. (La Bruy.) Un homme qui
n'a de l'esprit que dans une certaine médiocrité
est sérieux et tout d'une pièce; il ne vit point,
il ne badine jamais, il ne tire aucun fruit de
la bagatelle, (La Bruy.) nCe sens a vieilli.
— Chose facile à faire, qui ne donne pas
grande peine : Vous voilà bien embarrassé
pour une bagatelle. (Mol.) C'est une baga-
telle pour vous que d'obtenir ma nomination.
(Balz.)
— Dans un sens tout particulier, Galante-
rie, amourette : Aimer la bagatelle. Ne son-
ger qu'à la BAGATELLE.
Maman dirait : Craignez les bagatelles;
Le diable est fin, tremblez, Suzon.
Beranger.
Il S'emploie aussi dans un sens dérivé du
précédent , mais qui est beaucoup plus libre.
L'introduction de cette nouvelle acception
doit faire éviter .d'employer le mot dans le
sens ci-dessus, qui est devenu fort équi-
voque : J'ai obligé M. le comte à faire lit à
part, car je suis présentement bien revenue de
la bagatelle. (Gnérard.)
— Interjectiv. Bagatelle! Manière d'expri-
mer le doute, la négation, le refus, la désap-
probation, le dédain : Il prétend qu'il me fera
un procès; bagatelle I (Acad.) Bagatelles I
bagatelles! c'est pour me faire peur. (Mol.)
Vingt mille écus de plus ou de moins, bagatelle!
Autant mourir de faim que de vivre sans elle!
Ponsakd.
Il Ironiq. : La liberté de la presse est une vraie
peste :■ vite des censeurs! Sauvons... Qui? le
roi? Bagatelle! Le ministère. (Chateaub.)
— Loc. fam. S'amuser à là bagatelle, Passer
son temps à des frivolités, à des choses inu-
tiles : Il n'est pas à propos de s'amuser à la
bagatelle, et nous n'avons pas de temps à
perdre. (Campistr.) il On dit dans le même
sens : S'amuser aux bagatelles de la porte,
Allusion aux balivernes que débitent les ba-
teleurs à la porte des théâtres forains pour
assembler le public : Ce jeune artiste a com-
mencé par s'amuser innocemment aux baga-
telles de la porte. (Ch. Nod.)
— Syn. Bagatelle, minutie, misère, niaise-
rie, rien, vétille. Une bagatelle a. peu d'im-
portance, peu de prise; on ne s'en occupe
qu'un instant. Une minutie est une petite
chose, un petit détail dont il vaudrait mieux
ne pas s'occuper. Une misère est un petit mal
trop léger pour qu'on se plaigne ou une chose
dont on ose à peine parler. Il n'y a qu'un
niais, un homme de peu d'esprit qui puisse
s'occuper d'une niaiserie. Les riens sont des
bagatelles dont l'importance est tout à fait
nulle, qui sont entièrement dénuées de va-
leur. Les vétilles sont de petites choses qui
se présentent comme des obstacles, mais qui
ne méritent réellement pas d'arrêter.
BAGATELLE, petit château, construit en
1779, par le comte d'Artois, sur la limite du
bois de Boulogne, non loin de la Seine; loué
pendant la Révolution à des entrepreneurs de
fêtes champêtres, il fut rendu au comte d'Ar-
tois sous la restauration , et prit le nom de
Babiole.
bagatin s. m. (ba-ga-tain). Ancienne pe-
tite monnaie; mot qui est sans doute la tra-
duction française du suivant.
BAGATTINO s. m. ( ba-gatt-ti-no — mot
ital.). Métrol. Monnaie de cuivre de Venise,
qui vaut de deux à trois de nos centimes.
BAGATTl-VALSECCHI (Pietro), peintre ita-
lien contemporain, né à Milan, mort dans
cette viile en 1864. Il peignait avec talent en
miniature, sur émail, sur verre et sur porce-
laine, des sujets de genre et des sujets histo-
riques. Il a travaillé pendant quelques années
à Paris et a exposé, en 1837 : Marie Stuart
montant à Véckafaud (miniature), Départ de
Christophe Colomb pour l'Amérique (minia-
ture), Pierre de Bossi retenu par sa famille
qui Suppose à son départ pour Venise (émail),
Bornéo et Juliette (émail) ; en 1840, l'Atelier
de Baphael (porcelaine), d'après Fr. da Po-
desti.
bagauderie s. f. (ba-gô-de-rî — rad.
bagaudes). Hist. Insurrection des paysans de
la Gaule, qui s'appelaient eux-mêmes bagau-
des, au moment où Dioclétien monta sur le
trône : La bagauderie menaçait de gagner les
autres grandes régions de l'empire, où exis-
taient les mêmes souffrances et les mêmes res-
sentiments, et le danger parut très-grave à
Dioclétien. (H. Martin.) La bagauderie dégé-
néra en brigandages, et, jusqu'à la chute de
l'Empire, il y eut toujours, dans les forêts et
les montagnes de la Gaule, une population
errante, poursuivie, vivant en état de guerre
contre toutes les lois et tous les pouvoirs so-
ciaux. (H. Martin.)
BAGAUDES (du celtique bagad , insurgés,
attroupés), paysans et serfs gaulois révoltés
contre les Romains. Us parurent pour la pre-
mière fois vers 270 de l'ère chrétienne. Ecra-
sés de travail, abreuvés d'humiliations, traités
en esclaves, ils se soulevèrent de toutes parts,
dévastèrent les châteaux et les villas de leurs
maîtres, emportèrent Autun après un siège de
sept mois, et ruinèrent complètement cette
brillante métropole des Gaules, qui ne' s'est
jamais relevée depuis. Us s'appelaient eux-
mêmes, dans la vieille langue nationale, la
bande, l'attroupement, l'insurrection, la ba-
Îiaudie. Dans beaucoup de villes, le. peuple
eur ouvrit les portes. Vaincus par Claude et-
46
BAG
1'
Aurélien, contenus par Probus, écrasés de
nouveau par Carin,ils se relevèrent plus ter-
ribles à l'avènement de Dioclétien (284), et
grossirent leurs rangs d'une foule d'esclaves
fugitifs, de colons, de propriétaires ruinés, de
chrétiens proscrits, etc. Imitant, par une con-
tradiction assez commune dans l'histoire des
soulèvements populaires, les formes de la so-
ciété qu'ils combattaient, ils s'étaient donné
un Auguste et un César, Amandus et -<Elia-
nus, qui firent frapper des médailles en leur
nom dans quelques cités conquises. Ils étaient,
ditron, chrétiens; cependant, les médailles
d'Amandus portent des emblèmes païens.
Quoi qu'il en soit, ces chefs luttèrent avec un
courage héroïque et furent enfin écrasés par
Maximien, près du confluent de la Marne et
de la Seine, dans une sorte de presqu'île qui
garda longtemps le nom de Fosse des bagaw
des (aujourd'hui Saint-Maur-les-Fossés). La
bagaud'ie ne fut point cependant anéantie
complètement ; mais elle ne fut plus de long-
temps en état de tenter une insurrection gé-
nérale et ne se manifesta plus que par les dé-
vastations de bandes errant dans les forêts et
les montagnes, et recrutées incessamment
parmi les victimes de la rapacité et du despo-
tisme des magistrats romains et des grands
propriétaires. Cet état de choses durait encore
au v« siècle, comme le prouvent certains pas-
sages de Salvien, prêtre de Marseille, qui jus-
tifie les excès de ces malheureux par l'excès
du désespoir où les avaient plongés leurs op-
presseurs. « Je parle maintenant des bagau-
des, dit-il dans son Traité du gouvernement de
Dieu, je parle des bagaudes, qui, dépouillés
par des juges iniques et sanguinaires, écrasés,
égorgés, privés du droit de la liberté romaine,
ont fini par perdre jusqu'au nom de Romains.
Nous leur faisons un crime de leur malheur,
nous leur faisons un crime du nom qui atteste
ce malheur, npus leur faisons un crime du
nom que nous leur avons imposé, n Et plus
loin, en parlant des opprimés de tous les Etats,
ui se réfugient au milieu des bandes errantes
es bagaudes : « Les malheureux s'enfuient
tantôt chez les barbares, tantôt au milieu des
bagaudes, et ils ne s'en repentent pas. Ils
préfèrent la liberté sous l'apparence de l'es-
clavage à l'esclavage sous l'apparence de la
liberté. »
Les bagaudes étaient donc le vieux fond
gaulois résistant aux Romains et aux barba-
res, et recrutés de tous les hommes énergiques
qui ne voulaient point subir la servitude.
Vers 407, la bagaudie reprit une extension
nouvelle et se lia a un réveil de la nationalité.
De toutes parts, des cités, des provinces, se
détachant d'un empire croulant, chassaient
les gouverneurs romains, qui ne savaient que
les piller et non les défendre contre -les bar-
bares. L'Armorique recouvra son indépen-
dance, et d'autres provinces gauloises 1 imi-
tèrent. Ces événements sont d'ailleurs peu
connus, et l'on ignore jusqu'où s'étendit 1 es-
pèce de fédération qui essaya de briser le
oug romain, et qui, du reste, ne parvint pas
i s^rganiser. Toutefois , les bagaudes luttè-
rent encore jusque vers -440, et furent défini-
tivement écrasés par Aètius.
BAGAUDES (camp des), en latin Bagauda-
rum Castrum, nom ancien donné à une pres-
qu'île que forme la Marne, par ses circuits, a
4 k. au-dessus de son confluent avec la Seine,
et à il k. S.-E. de Paris. Jules César isola
complètement cette presqu'île de ia terre
ferme par un mur et un fossé, et y laissa une
colonie de vétérans. Plus tard, sous Dioclé-
tien, ce lieu servit de camp retranché aux ba-
gaudes, qui lui donnèrent leur nom, et y furent
écrasés par Maximien. Aujourd'hui, Saint-
Maur-les-Fossés s'élève sur une partie de
l'emplacement du camp des bagaudes.
BAGAUDIE s. f. (ba-gô-dî — rad. bagaudes).
Hist. Syn. de Bagauderie.
BAGAUDINE s. f. (ba-gô-di-ne — rad. ba-
gaudes). Hist. Femme qui marchait avec les
bagaudes, qui partageait leurs périls.
BAGDAD, ville de la Turquie d'Asie, dans
l'Irak-Arabi, ch.-l. du pachalik de son nom,
sur les deux rives du Tigre, à 1,650 kil. S.-E.
de Constantinople, à 4,290 kil. S.-E. de Paris,
a 050 kil. S.-O. de Téhéran, à 300 kil. N.-O.
du confluent du Tigre et de l'Euphrate et à
90 kilom. N. des ruines de Babylone , par
33» 19' de lat. N. et 42<> 2' de long. E. La po-
pulation, avant la peste de 183 1, dépassait
100,000 hab. ; elle n est plus aujourd'hui que
de 80,000 hab., en y comprenant 20,000 Ara-
bes, Indous, Afghans et Egyptiens, qui y ré-
sident pour leur commerce, et une garnison
de 5,000 hommes, entretenue par le gouver-
nement turc. On y trouve aussi des Persans,
quelques chrétiens arméniens et un assez
grand nombre de juifs, qui sont tenus d'habi-
ter un quartier séparé et soumis en général à
la plus dure oppression. Siège d'un évêché
catholique ; fabrication renommée de maro-
quin et de coutellerie supérieure à celle de
Damas ; quelques fabriques de soieries, ve-
lours, cotons, tapis, articles de cuivre; fon-
derie de canons ; savonneries et ateliers d'or-
fèvrerie et de bijouterie. Malgré sa décadence,
cette ville, grâce aux avantages naturels de
sa situation intermédiaire, est restée l'entre-
pôt principal des marchandises qui s'échan-
gent entre les provinces méridionales de la
Perse, l'Inde et l'Arabie d'une part, l'Europe
et la Syrie de l'autre. Les envois de l'Inde
s'effectuent par la voie de Bassora, d'où ils
remontent lEuphrate et le Tigre dans de
1C
BAG
grandes barques, tandis que le trafic avec la
Perse méridionale et avec la Syrie s'opère au
moyen des caravanes, dont les plus impor-
tantes, celles d'Alep et de Damas, comptant
souvent plus de 2,000 chameaux. C'est des dé
pots établis dans ces deux villes que Bagdad
tire la plupart des articles manufacturés d'Eu-
rope, destinés à la consommation de la région
intérieure qui forme son domaine commercial.
Aux produits étrangers qu'elle réexporte, elle
joint des dattes, de la laine et des chevaux de
son territoire ; des lainages, du maroquin, de
l'orfèvrerie et du savon de sa fabrication.
Cette ville, vue de loin avec ses nombreu-
ses mosquées, offre un aspect vraiment en-
chanteur ; elle est entourée d'une enceinte de
hautes murailles en briques, flanquées de cent
soixante tours et protégées par des fossés
larges et profonds. Une citadelle, autrefois
très-forte, aujourd'hui en mauvais état, dé-
fend l'entrée du fleuve, sur les deux rives du-
quel se déroulent des rues étroites, sinueuses,
non pavées, remplies de poussière en été et
de boue en hiver. Les bazars, qui forment,
pour ainsi dire, une ville à part, sont nom-
breux , vastes et bien approvisionnés. Les
bains publics et les cafés, deux sortes d'éta-
blissements également fréquentés, sont dans
un état misérable ; ils paraissent tels surtout
aux yeux des Européens, habitués au confort
de la civilisation moderne. En été, la chaleur
y est si accablante, que les habitants sont ré-
duits à chercher un peu de fraîcheur dans les
appartements souterrains ; en revanche, l'hiver
est assez froid pour rendre le feu nécessaire.
Parmi les monuments de cette \'\\\<f, le palais
du pacha, le tombeau de la sultane Zobéida,
femme d'Haroun-al-Raschid, la Médressô ou
collège que fonda Mostansir en. 1423, et qui
sert aujourd'hui de caravansérail, le tombeau
du cheik Marouf-Karkhi, méritent seuls d'être
mentionnés. Cette ancienne cité des califes,
fondée en 7G2 sur l'emplacement de la Ûtési-
phon des Grecs, à 80 kil. N. des ruines de Ba-
bylone, par le calife Abou-Giafar-Alraansour,
embellie par Haroun-al-Raschid, fut pendant
einq siècles la capitale florissante du puissant
califat d'Orient. En 1253, elle fut presque en-
tièrement détruite par les Mongols, et sou-
vent disputée ensuite par les Perses et les
Ottomans.
BAGDAD (pachalik de), province de l'em-
pire ottoman, comprenant l'ancienne Baby-
lone, une partie de l'Assyrie et de la Mésopo-
tamie, bornée au N. par le Kourdistan ottoman
et l'Aldgérisch, à l'E. par la Perse, au S. par
le golfe Persique et à l'O. par l'Arabie. Cet
eyalet a 890 kil. de long sur 550 de large, et
une population de 1,000,000 d'hab. ; son terri-
toire, divisé en quatre sandjaks (Bagdad,
Bassora, Kerkouk et Saleimanieh) , est arrosé
par le Tigre et l'Euphrate, qui le fertilisent
dans tout leur parcours ; mais de vastes
plaines sablonneuses et arides en occupent la
plus grande partie, surtout à l'ouest. Il pro-
duit en quantité le riz, le maïs, le sésame, le
tabac, l'orge, le chanvre, le coton, les dat-
tes, etc. ; ses montagnes sont couvertes de
vastes forêts de chênes , et son désert de
l'ouest abonde en absinthe et en plantes sali-
nes; belle race de chevaux et de chameaux;
on y rencontre des sangliers, des gazelles, des
panthères, des lions, des ours, mais surtout
des nuées de Bédouins pillards.
BAGE s. m. (ba-je). Hist. rel. Silence
qu'observaient les mages en certaines cir-
constances.
BAGELAAR (Ernest-Guillaume-Jean), pein-
tre, dessinateur [et graveur hollandais, né à
Endhoven, en 1775, a gravé à l'aqua-tinta et
à l'eau-forte des paysages d'après nature et
quelques portraits, entre autres le sien, celui
du poète Jean Second, celui du peintre H. von
Brussel, etc. Il était plutôt amateur qu'artiste
de profession. Ses estampes, tirées à un petit
nombre d'exemplaires, sont très-rares.
BAGÉ-LA-VILLE, comm. du dép. de l'Ain,
arrond. de Bourg; 2,095 hab. Patrie de Duret,
médecin de Charles IX et de Henri III.
BAGÉ-LE-CUATEL, ch.-l. de cant. (Ain),
arrond. et à 30 kil. de Bourg; pop. aggl.
094 hab. — pop. tôt. 727 hab. Commerce im-
portant de bestiaux et de volailles,
BAGET (Jean, chevalier de), général, né à
Lavit-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne) en 1743,
mort en 1821. Entré de bonne heure au ser-
vice, il était parvenu au grade de capitaine
lorsque la Révolution éclata. Il accueillit le
nouvel ordre de choses avec enthousiasme,
se distingua dans les premières guerres, com-
manda en 1793 la cavalerie d'avant-garde de
la Moselle et eut part à la victoire de Weis-
sembourg. Admis a la réforme, il fut nommé
inspecteur général des remontes, puis, en
1802, commandant de la 10» division militaire,
BAGETTI (le chevalier Joseph -Pierre),
aquarelliste, né à Turin en 17G4, mort en 1831.
Depuis 1800 jusqu'à la restauration , il a été
attaché à l'armée française comme capitaine
ingénieur géographe , et il a exécuté sur les
campagnes des Français en Italie une cen-
taine (f aquarelles qui sont conservées à Fon-
tainebleau et au Dépôt de la guerre. Il existe
de lui, au Musée, une aquarelle immense
représentant une vue générale de l'Italie,
depuis les Alpes jusqu'à Naples.
BAGFOBD (Jean), antiquaire et bibliophile
anglais, né à Londres en 1657, mort en 1716.
Il a été chargé de former plusieurs belles col-
lections de livres rares et de manuscrits pré-
BAG
cieux. On a de lui diverses lettres , et le
prospectus d'une Histoire générulc de l'impri-
merie, inséré dans les Transactions philoso-
phiques de 1707.
TSAGGAERT (Jean), médecin hollandais, né
à Flessingue vers 1657, mort en 1710. 11 rejeta
absolument l'autorité des anciens, et ne voulut
admettre que l'expérience des faits. On con-
naît de lui deux ouvrages écrits en langue
flamande : la. Vérité dégagée des préjugés, et
Traité de la petite vérole et de la rougeole, où
il combat la méthode de tenir les malades
chaudement.
BAGGE (Jacques), amiral suédois, né en
1499, mort en 15G5 ou 1570. Il servit quarante
ans dans toutes les guerres que soutint la
Suède, contre Lubeck, les Russes, etc., et
mourut prisonnier de guerre des Danois.
BAGGE (Charles-Ernest, baron de), cham-
bellan du roi de Prusse , mélomane , mort en
1791. Il était passionné pour la musique, et
quoiqu'il jouât assez mal du violon, il avait la
manie d'en vouloir donner des leçons, et payait
des artistes pour qu'ils devinssent ses élèves.
L'empereur Joseph II le combla un jour de
joie par cette phrase, cependant assez équi-
voque : « Baron , je n'ai jamais entendu per-
sonne jouer du violon comme vous. » Bagge
a fait graver quelques compositions. On dit
qu'il mourut empoisonné par sa maîtresse.
Hoffmann a pris ce personnage pour sujet de
l'un de ses contes : le Violon de Crémone.
BAGGER (Jean), théologien danois, évéque
luthérien de Copenhague, néàLûnden enioifl,
mort en 1693. Il n'est connu que par un acte
d'intolérance souvent cité et dont le souvenir
mérite en effet d'être conservé. Consulté par
le gouvernement danois, en 1684, sur la ques-
tion de savoir si l'intérêt de la communion
luthérienne permettait de recevoir en Dane-
mark les calvinistes expulsés de France par
Louis XIV, il répondit par la négative, en
affirmant que l'admission des calvinistes expo-
serait les hdèles luthériens aux dangers de la
damnation éternelle, que les calvinistes étaient
fileins de principes de rébellion, qu'ils étaient
es auteurs de la mort de Charles l", que leur
fausse religion était abominable aux yeux de
Dieu , etc. Les conclusions du mémoire de
Bagger furent adoptées, et les proscrits re-
poussés du Danemark. Or, il s'agissait de
trente à quarante mille manufacturiers, sa-
vants, etc., qui eussent apporté dans le pays
leur industrie, leurs lumières et leurs richesses.
BAGGESEN (Emmanuel), l'un des poètes
les plus célèbres et les plus spirituels du Dane-
mark, né en 1764, mort en 1826. Il eut une vie
fort agitée , et séjourna successivement en
France , en Allemagne et en Danemark ; ses
œuvres offrent un singulier mélange d'élé-
ments contraires : de l'athéisme et de la foi,
de la haine et de l'amour, de l'orgueil et de
l'humilité ; mais il avait une imagination im-
mense et une sensibilité profonde. Son esprit
reflétait quelque chose de Voltaire, de Wieland
et de Sterne. Ses ouvrages les plus remar-
quables .sont l'opéra i'Ogier le Danois, l'idylle
de Parthenaîs, des poèmes, des odes et des
chansons devenues populaires en Danemark.
BAGGOWOTIT , général russe, se distingua
dans la guerre contre les Français, notam-
ment dans ia mémorable campagne de 1812.
A Borodino, ce fut lui qui commanda l'arrière-
farde et qui soutint la retraite. Il fut tué d'un
oulet de canon à la bataille de Tarontino
(7 octobre 1812).
BAGH s. m. Hist. ott. Nœud magique qui
empêche les nouveaux époux de consommer
le mariage. On croit que les chefs des dervi-
ches peuvent seuls rompre ce charme.
BAGHARMIE, ou BAGIIERMÉ, ou BÉ-
GHARMI , royaume de l'Afrique, dans la Ni-
gritie centrale, au S.-E. du lac Tschad. Cap.
Baghermé ou Mesna ; ses habitants, braves et
industrieux, sont beaucoup plus civilisés que
les autres Africains.
bagke s. m. Ane. coût. Bagage d'un ladre
ou lépreux, consistant en un manteau, un.
chapeau, une besace et une cliquette, qu'on
lui donnait avant de l'expulser d'une ville.
BAGHERIA, ville du roy. d'Italie (Sicile),
province et à 9 kil. E. de Palerme; 5,000 hab.
Lieu de villégiature pour les riches Palermi-
tains. Belles ruines de l'antique Solunta.
BAGHERONE s. m. (ba-ghe-ro-ne). Métr.
Monnaie bolonaise valant un demi-sou du pays.
BAGHIRATI, rivière de l'Indoustan; elle
sort des monts Himalaya, à 4,000 mètres d'al-
titude, et forme le Gange par sa réunion avec
l'Alakananda.
baghis s. m. (ba-ghiss). Myth. ind. Sur-
nom de Siva.
BAGHTCHÉ-SÉRAÏ (palais des jardins),
ville de la Russie d'Europe en Tauride, à 30 kil.
S.-O. de Simphéropol ; 12,400 hab. Sous les
khans tartares elle fut la capitale de la Crimée.
BAG1KC (Jacques), chirurgien distingué,
vivait dans la seconde moitié du xvme siècle.
Il a laissé de nombreux écrits sur la gangrène,
les amputations, les plaies, etc.
BAGILINDEN. Myth. ind. Fils de Pration,
aïeul de Kourou et de Pandou.
BAGIRADEN. Myth. ind. Radjah, fils de
Télibien et père de Viçouraden, qui, par ses
prières et ses pénitences, décida la belle Ganga
a descendre sur la terre.
BAG
BAGISTANUS MONS, montagne de l'anc.
Médie , sur la Toute d'Écbatane a Babylone ,
connue aujourd'hui sous le nom de Bisoutmtn,
entre les villes modernes de Hamadan etKer-
manschah. Sémiramis, dit la tradition, fit couper
cette montagneet sculpter sur le roc des monu-
ments et des bas-reliefs qui existent encore.
BAGLAFECHT s. m. fba-gla-fckt). Orniili.
Oiseau du genre tisserin, qui vit aux îles
Philippines, ot aussi, dit-on, en Abyssinie.
BAGLATTEA s. m. (ba-glatt-té-a). Sorte
de guitare des Arabes, consistant on trois
cordes de laiton tendues sur une planche. On
en joue avec une plume.
BAGLIONE ou BAGLIONI (Cesare), peintre
italien, né à Bologne vers 1525, mort à Parme
en 1590. Il se forma sous la direction de son
Eère, artiste médiocre, et devint l'un des plus
obiles paysagistes de son époque. « Il sur-
passa tous ses devanciers, dit Lanzi, dans la
j manière de toucher la feuillée des arbres. » Il
peignit aussi avec beaucoup d'habileté les
j fleurs, les fruits, et traita avec originalité des
! sujets de genre, en manière de décorations,
notamment dans le palais ducal, a Parme, où
j il représenta des Cuisiniers, des Boulangers,
j des Laveuses, etc. Il est a regretter qu il se
soit médiocrement soucié de la correction et
qu'il ait peint le plus Souvent de pratique. Il
avait aussi la fâcheuse manie de surcharger
! ses compositions d'ornements inutiles et sans
goût. C'était, d'ailleurs, si l'on en croit les
biographies, un artiste spirituel, enjoué, im-
provisant de fort jolis vers, faisant de la mu-
sique agréable, et, au demeurant, le plus ex-
centrique des hommes. On assure que s'étant
pris tout à coup de la fantaisie de peindre des
ruines, il partit un beau matin de Parme, en
bonnet de nuit et en pantoufles , pour aller
les peindre d'après nature à Rome.
BAGLIONE (Giovanni), peintre et littéra-
teur italien, né a Rome vers 1573, mort vers
1650. Il apprit les éléments de l'art sous la di-
rection de Francesco Morelli, peintre d'un
talent très-secondaire, et acheva de se former
par l'étude des grands maîtres. Dès l'âge de
quinze ans, il concourut à la décoration de la
bibliothèque du Vatican, et fut dans la suite
employé par Paul V, qui le nomma chevalier
de l'ordre du Christ, par le duc de Mantoue
et par d'autres personnages éminents. U a
exécuté un grand nombre de peintures déco-
ratives dans les églises et les palais de Rome,
notamment à Sainte-Marie-Majeure, àSainte-
Pudentienne, a Sainte-Onuphre (deux Sibyl-
les), à Saint-Jean-de-Latran, à Saint-Louis-
des-Français (Adoration des Mages et Pré-
sentation au temple) , au palais Rospigliosi
(Titus devant Jérusalem, plafond). On cite en-
core un Saint Etienne, qu'il peignit dans la
cathédrale de Pérouse, et une Sainte Cathe-
rine, dans la basilique de Lorelte. Un de ses
meilleurs tableaux se voit au musée Chigi, à.
Rome : il représente un Combat de deux chiens
tenus en laisse par deux nègres, et a été attri-
bué par erreur au Caravage. Baglione parvint
à un âge très-avancé. Il vit paraître en 1642
un livre intitulé : Vite dé pittori, scultori, ar-
chitetti, dal pontificato di Gregorio XIII, del
1573, infino a tempi di papa Urbano VIII, del
1642. C'est une suite de cinq dialogues sur les
artistes de son temps, entre un étranger et un
gentilhomme romain; ouvrage dépourvu do
mérite littéraire, mais écrit avec impartialité
et très-précieux pour l'histoire de l'art en
Italie. Baglione fut reçu de l'Académie de
Saint-Luc, qui le choisit pour président.
BAGLIONI (Jean-Paul), Italien d'une fa-
mille noble de Pérouse, vivait au commence-
ment du xvie siècle. Il faisait le métier de
condottiere, et parvint trois fois à exercer une
autorité absolue sur la ville de Pérouse. Mais
en 1520 , le pape Léon X l'ayant appelé à
Rome sous prétexte de le consulter sur les
affaires politiques, le fit arrêter et mettre à
mort. — Son iils, Baglïoni Astobhe, réfugié
a Venise, consacra ses services à cette répu-
blique. Il défendit contre les Turcs Fama-
gouste, dans l'île de Chypre, et ne se rendit
qu'après la plus vigoureuse résistance. Mus-
tapha lui fit trancher la tête, en violation de
La capitulation qu'il lui avait accordée. On le
comptait au nombre des poètes les plus élé-
gants de son temps.
BAGLIONI (Thomas), typographe vénitien,
du commencement du xvno siècle. Parmi les
ouvrages sortis de ses presses, on cite sur-
tout une Histoire des guerres de Flandre (1559-
1G09), par Lanario d'Aragon (Venise, 1616).
BAGLIVI (Georges), célèbre médecin italien,
né à Raguse en 1669, mort à Rome en 1706.
Issu d'une famille arménienne très-pauvre et
adopté par un médecin riche et considéré,
nommé Pier-Angelo Baglivi, qui lui laissa sa
fortune et son nom, il vint étudier la médecine ■
à Padoue et à Bologne.. Disciple et ami du
grand anatomiste Malpighi, il fut nommé par
le pape Clément XI professeur de médecine
théorique au collège de Sapience, et peu de
temps après (1695) professeur d'anatomie et
de chirurgie. Baglivi contribua à ébranler les
théories humorales des galénistes en ramenant
l'attention sur les solides de l'économie ani-
male, et en faisant revivre les principes de l'an-
cienne école méthodique; il fut sous cerupport
le précurseur d'Hoffmann. Il rapportait les
causes de presque toutes les maladies à deux
sortes de lésions : l'une affectant le ton, le
ressort et la structure des libres; la seconde
BAG
affectant l'équilibre mutuel des solides et des
liquides. • Galien, dit-il, plongea dans un
silence de plusieurs siècles la secte des mé-
thodiques ; mais ce silence a cessé de nos
jours, et cette école médicale semble renaître.
On attribue aujourd'hui l'origine de toutes les
maladies à la coagulation des fluides où à leur
dissolution, à la tension des solides ou à leur
flaccidité : or, qu'est-ce que tout cela, si ce
n'est le strictum et le laxumdes méthodiques?
Sur quoi repose aujourd'hui la pratique dés
plus habiles médecins d'Italie, si ce n est sur
cette hypothèse du strictum et du laxvm expli-
quée par les lois de la mécanique? » On voit,
par plus d'un passage, qu'il tenait en haute
estime les explications tentées par les intro-
mécaniciens et les intro-mathématiciens des
phénomènes physiologiques et pathologiques,
et qu'à cet égard il avait subi l'influence du
cartésianisme. « Le but principal des théories,
dit -il, étant de rendre raison des phénomènes
morbides afin de permettre ensuite à l'intelli-
gence de marcher plus librement à la recher-
che des indications curatives, il devient né-
cessaire de donner à ces théories l'appui et
l'autorité de quelque principe très-général et
très-évident ; or, pour trouver des principes de
cette nature, on ne peut guère s'adresser qu'à
deux choses, la forme et Te mouvement... Il est
à peu près impossible que des raisonnements,
basés sur deux propriétés des corps aussi es-
sentielles, n'offrent pas enfin plus de certitude
que les raisonnements appuyés sur des bases
toutes différentes. C'est là une conclusion qui
devient d'une évidence palpable en ce qui re-
garde les théories modernes : celles-ci, en
effet, uniquement fondées sur les lois mécani-
ques de la forme et du mouvement, rendent
compte des phénomènes morbides d'une ma-
nière bien plus naturelle et bien plus sûre que
les théories galéniques avec leurs creuses
fictions de propriétés primitives et occultes. »
Mais ce qui caractérise surtout Baglivi, c'est
l'emploi de la méthode baconienne en méde-
cine, c'est la confiance avec laquelle il préco-
nise cette méthode. Il n'admet pas que l'ob-
servation pathologique et la pratique médicale
se subordonnent aux théories. Les théories, à
ses yeux, n'ont qu'une valeur provisoire ; on
peut y tenir tant qu'elles apparaissent comme
une représentation parfaitement exacte de la
nature ; mais pour peu qu'on les voie un instant
s'écarter de ce modèle, il faut les quitter bien
vite et se remettre fidèlement à la suite de
cette nature que l'on ne fuit jamais en vain.
Baglivi va jusqu'à déclarer qu'il ne considère
les théories que comme des combinaisons ar-
bitraires de l'esprit. « On peut, dit-il, à la
rigueur, combiner sur la production des ma-
ladies et leur thérapeutique une foule de
théories différentes, même parfaitement op-
poséeset faites, pour ainsi dire, à plaisir ; mais
si chacune de ces théories, prise à part, re-
F résente, d'une façon convenable et sérieuse,
ensemble des observations connues, elles
pourront toutes, l'une aussi bien que l'autre,
amener la guérison des maladies, comme on
voit les astronomes, les uns par le système de
Ptolémée, les autres par celui de Copernic,
d'autres par celui de Tycho-Brahé, arriver
également bien à prédire les phénomènes
célestes. »
Les œuvres complètes de Baglivi ont été
publiées plusieurs fois sous le titre de : Opéra
omnia medico-practica et anatomica (Lyon,
1704; Paris, 1788). Le plus important de ses
ouvrages : De pracoi tnedica ad priscam obser-
vandi rationem revocanda, fut imprimé à Rome
en 1696 ; il a été traduit par le docteur Boucher
en 1851 sous ce titre, qui rappelle un des ou-
vrages de Bacon : De l'accroissement de la
médecine pratique.
BAGNACAVALLO, ville du roy. d'Italie, dans
l'anc. délégation de Ferrare, a 18 kil. O. de
Ravenne, dans une situation très-agréable
sur le Seno; 11,000 hab. Grand commerce de
soie et de chanvre. Patrie du peintre de la
Renaissance, Bartolomeo Ramenghi.
BAGNACAVALLO (Bartholomeo Ramenghi,
surnommé le), célèbre peintre italien, né à
Bagnacavallo (bourg de la Romagne) en 1484,
mort à Bologne en 1542. En 1503, il quitta sa
ville natale, vint à Bologne se mettre sous la
direction de Francia, et passa ensuite à Rome,
où il entra à l'école de Raphaël. Vasari, qui
le nomme le Bologna et qui se montrej du
reste, peu louangeur à son égard, le désigne
parmi les artistes qui travaillèrent aux loges
du Vatican, n Le Bagnacavallo , dit Lanzi ,
suivit assez exactement les traces de Raphaël
dans sa composition; on peut même remari
quer que, dans les sujets déjà traités par ce
grand homme, il se contenta souvent d'être
son copiste, disant que c'était une folie que
d'espérer mieux faire; méthode qui, malgré
ce qu'elle pouvait avoir de bon, ouvrait un
champ trop vaste au plagiat et a la paresse,
et nuisit probablement au Bagnacavallo dans
l'esprit de Vasari, qui l'applaudit comme un
bon praticien plutôt que comme un maître
profond dans les théories de son art. » De
Rome, le Bagnacavallo retourna à Bologne,
où il fut le premier à introduire le nouveau
style et où il exécuta à l'huile et à la fresque
un grand nombre de peintures estimées, en-
tre autres : la Dispute de saint Augustin, son
chef-d'œuvre, et la Multiplication des pains,
dans le couvent de Saint-Sauveur; une Vierge
entre saint Sébastien et saint lioch, dans l'é-
glise de Sainte-Marie-Madeleine; une M adone
avec saint Jean, sous un portique voisin du
BAG
couvent de Saint-Dominique; plusieurs fres-
ques, aujourd'hui en partie détruites, au Col-
lège d'Espagne, parmi lesquelles un Couron-
nement de Charles-Quint, composition pleine
de vérité et d'expression. Quoi qu'en aient pu
dire Vasari et Lanzi, le Bagnacavallo nous
apparaît comme un maître profond et original
dans la plupart de ces peintures que les plus
grands artistes de l'école bolonaise, les Car-
raches, l'Albane et le Guide, n'ont pas dédai-
gné d'étudier et même de copier. Le Louvre
possède une belle Circoncision du Bagnaca-
vallo ; le musée de Naples, une Sainte Fa-
mille; la galerie de Dresde, une Vierge glo-
rieuse avec plusieurs saints, provenant du cou-
vent de Pellegrini, de Bologne.
BAGNACAVALLO (Giovanni-Battista Ramen-
ghi, dit le), peintre italien, fils du précédent,
mort en 1601, aida Vasari dans la décoration
du palais de la Chancellerie à Rome, et suivit
en France le Primatice, qu'il aida aussi dans
ses travaux. Les ouvrages de son invention
qu'il a laissés à Bologne se ressentent plus,
dit Lanzi, de la décadence de son temps que
des exemples de son père. Scipione Bagnaca-
vallo, autre fils du précédent, peignit avec
habileté l'architecture et les ornements ; il fut
associé aux travaux, de son cousin Bartolo-
meo Bagnacavallo le jeune, qui traita le
même genre avec beaucoup de succès, et dont
le fils, Giovanni-Battista Bagnacavallo le
jeune suivit la même carrière.
BAGNADORE ou BAGNATORË (Pierre-
Marie ) , peintre italien, né à Brescia, floris-
sait entre 1590 et 1611. Imitateur du Moretto,
il orna sa ville natale d'un grand nombre de
fresques et de tableaux, parmi lesquels on
remarque un Massacre des Innocents. Son co-
loris n a point l'éclat de l'école vénitienne.
BAGNAIA, village italien, près de Viterbe.
On y admire la villa que les évêques de cette
dernière ville y avaient fait bâtir; cette belle
construction , dont on attribue 1 architecture
à Vignole , fut commencée par le cardinal
Riario, et terminée par le cardinal Francesco
Gambera. Les jardins , disposés en terrasses,
sont véritablement enchanteurs. » On y voit,
dit M. Valéry, des effets d'eau imprévus,
extraordinaires ; l'eauyjaillit jusqu'au sommet
des arbres d'où elle retombe en pluie ; la cas-
cade figure, dans sa chute de la montagne,
une énorme écrevisse (en italien, gambero),
bizarre allusion au nom du cardinal, qui con-
sacra des sommes considérables à l'embellis-
sement de cette délicieuse résidence. »
BAGNA-LOVKA, ville forte de la Turquie
d'Europe, Bosnie, pachalik et au N.-O. de
Travnik, sur la rive droite de la Verbitza;
8,000 hab. Sources thermales aux environs.
BAGNABA, ville maritime du roy. d'Italie,
dans la Calabre Ultérieure Ire, à 25 kil. N.-E.
de Reggio , petit port à l'entrée du phare de
Messine ; 8,500 hab. Célèbre par la beauté
extraordinaire des femmes.
BAGNAB.A (don Pietro da), peintre romain,
florissait. vers le milieu du .xvie siècle. Il
était chanoine de Saint-Jean de Latran. Elève
de Raphaël, il l'imita avec une perfection
extraordinaire dans les peintures dont il orna
le monastère de Santa-Maria di Porto, à Ra-
venne.
BAGNAKEA," ville des Etats de l'Eglise,
délégation et a 25 kil. de Viterbe; 3,120 hab.
Evêché; patrie de saint Bonaventure.
BAGNASCO-DI-MONDOV1, ville du roy.
d'Italie, ch.-l. de Mandamente, prov. et à
20 kil. S.-E. de Mondovi; 2,50©- hab.
BAGSVATI (Simon), jésuite, né à Naples en
1651, mort en 1727. Il eut de son vivant une
grande renommée comme prédicateur, et il
était regardé comme le premier des orateurs
sacrés de l'Italie. Outre plusieurs ouvrages de
piété, on a. de lui des Panégyriques sacrés et
des Sermons.
BAGNE s. m. (ba-gne; gnmH. — ital. bagno,
bain, parce qu'à Constantinople, le local ser-
vant de bagne avait été primitivement un*
établissement de bains). Etablissement où
l'on enferme les forçats, et qui a remplacé
les galères : La prison et le bagne sont l école
et le collège du crime. (E. de Gir.) Le gouver-
nement a beaucoup à faire encore pour amé-
liorer le régime des bagnes. (Hip. Lucas.) Il
regrettait le bagne avec son costume infamant
et sa chaine au pied. (Alex. Dum.) Le bagne
est un vésicatoire absurde, gui laisse résorber,
non sans l'avoir rendupire encore, presque tout
le mauvais sang qu'il extrait. (V. Hugo.)
— Par anal. Servitude inhérente à certaines
conditions; perte ou gêne de la liberté :
L'homme dont vous avez daigné écouter les
préceptes est encore à cette heure condamné au
cloître du bureau, au bagne de l'addition.
(A. d'Houdetot.)
— Hortic. Tonneau contenant de la terre à
pots tamisée.
— Encycl. Histoire et législation. — Avant
1748, les condamnés aux travaux forcés n'é-
taient pas renfermés dans des bagnes : ils
servaient comme rameurs sur des bâtiments
appelés galères , d'où ce nom fut donné à la
peine prononcée contre eux. L'ordonnance
du 27 septembre 1748 réunit les galères à la
marine royale; les bateaux à rames furent
abandonnés, et les galériens furent répartis,
les uns dans des établissements spéciaux a
terre , les autres sur de vieux pontons désem-
parés. Le premier bagne fut construit à Toulon
BAG
en 1748, par les condamnés eux-mêmes; l'an-
née suivante, des forçats furent expédiés de
Toulon à Brest pour y bâtir un établissement
de même nature , qui fut terminé en 1750.
Seize ans après, le bagne de Rochefort fut
construit dans des conditions identiques, et une
ordonnance du 5 janvier 1767 l'établit défini-
tivement. A cette époque, les idées d'huma-
nité qui ont triomphé depuis dans notre légis-
lation et dans nos mœurs, n'existaient encore
ni dans les lois ni dans leur application ; le
régime des bagnes, établi sans souci de l'hy-
giène la plus élémentaire, était désastreux ;
la plus grande partie des condamnés, livrés à
l'inaction et enchaînés, devenaient rapidement
la proie de maladies chroniques, qui altéraient
pour toujours leur santé et étaient presque
fatalement mortelles. Quelque rigoureuse que
fût cette peine, elle n'était pas uniquement
réservée pour des faits très-graves : le faux
en écriture privée, le vol dans les champs et
les églises , le vol avec récidive, le vagabon-
dage, l'enlèvement de bornes, etc., condui-
saient au bagne, aussi bien que les forfaits les
plus horribles et les actions les plus infâmes.
La Révolution de 1789, en modifiant profon-
dément le droit criminel de la France, réor-
ganisa complètement le système pénitentiaire.
Le Code pénal de 1791 édicta la peine des fers,
et le décret du 5 octobre 1792 ordonna qu'elle
serait subie dans les ports. En l'an IV, la po-
lice et la direction des bagnes fut attribuée h
l'administration de la marine. On en établit
d'abord dans les ports de Brest, Rochefort,
Toulon etLorierit; d'autresfurentcréésàNice,
au Havre et à Cherbourg, pour les déserteurs
militaires et les marins insubordonnés; mais
ces derniers disparurent bientôt, et les con-
damnés militaires et marins furent dirigés sur
Lorient, qu'on affecta spécialement S cette
classe de forçats. Le 13 septembre 1830, Louis-
Philippe ferma le bagne de Lorient; les con-
damnés de cette catégorie furent dirigés
pendant quelques années sur les autres éta-
blissements; plus tard, une section du Mont-
Saint-Michel leur fut affectée (1844 et 1845).
Avant le décret de 1852 et la loi de 1854,
qui substituèrent la transportation à la déten-
tion dans les bagnes, le régime de ceux-ci
avait été amélioré, et la condition des con-
damnés rendue plus supportable. D'abord, en
1S2S (ordonn. du 28 août), on jugea à propos
de séparer les forçats condamnés à vie ou à
plus de vingt ans de ceux qui n'avaient à
subir que des peines d'une moindre durée. On
espérait ainsi arrêter la démoralisation de ces
derniers; mais on reconnut que l'immoralité
des condamnés était loin d'être en proportion
avec la gravité du fait qui avait amené leur
condamnation, et cette mesure fut rappor-
tée en 1836. On adopta à cette époque une
modification plus heureuse : .on supprima le
transport des forçats par chaînes, à partir du
1er juin , 1837. Nul n'a peint avec plus de
vigueur que V. Hugo ce qu'avait d'odieux, de
dégradant et de scandaleux ce mode de trans-
port, qui exigeait, avant le départ, d'atroces
préparatifs pour éviter toute chance de ré-
volte ou d'évasion. A la chaîne on substitua
les voitures cellulaires, qui eurent au moins
pour effet de conduire rapidement et sans
scandale les condamnés à leur triste destina-
tion. Ce fut un progrès réel; mais le décret
de 1852 et la loi de 1854, en supprimant les
bagnes, en ont accompli un plus radical encore.
L'art. 15 du Code pénal détermine ainsi le
mode d'exécution de la peine des travaux
forcés : « Les hommes seront employés aux
travaux les plus pénibles; ils traîneront à
leurs pieds un boulet, et ils seront attachés
deux a deux' avec une chaîne, lorsque la na-
ture du travail auquel ils seront employés le
permettra. » Pour assurer l'exécution de la
loi , on confia la direction des bagnes à un
commissaire de la marine, chef de service,
ayant sous ses ordres des fonctionnaires infé-
rieurs du commissariat et une compagnie de
gardes-chiourmes ; ces derniers, chargés de la
surveillance directe des forçats, soit sur les
travaux, soit au bagne. Le commissaire du
bagne fut investi du droit d'appliquer aux con-
damnés toutes les peines disciplinaires auto-
risées par les règlements ; mais pour les faits
plus graves, on institua un tribunal maritime
spécial, composé d'officiers de marine, pro-
nonçant sans recours ni révision. Les infrac-
tions dont connaissait cette juridiction étaient
ou l'évasion, punie d'un accroissement de la
peine , ou la révolte, punie de mort. Il est
inutile d'ajouter que les circonstances atté-
nuantes ne pouvaient être invoquées. Les em-
ployés au service des bagnes ressortirent quel-
que temps à ce tribunal; mais, en 1817, le juge-
ment des faits qui leur étaient imputés futattri-
bué aux tribunaux maritimes ordinaires. Pour
prévenir l'évasion des forçats, on édicta contre
ceux qui seraient saisis hors du bagne la peine
de trois ans de travaux forcés, en sus de celle
qu'ils subissent s'ils sont condamnés à temps,
ou l'application à la double chaîne, pour trois
ans aussi, s'ils sont condamnés à vie (loi du
12 octobre 1791 et ordonn. du 2 janvier 1817) ;
en outre, on offrit à ceux qui les arrêteraient
l'appât d'une récompense (100 fr. si le forçat
est saisi hors des murs , 50 fr. s'il l'a été dans
la ville , 25 fr. s'il l'a été dans le port).
— Régime physique et moral des bagneè. La
génération née depuis quinze ans entendra
parler des bagnes comme on parle aujourd'hui
de tant de choses disparues auxquelles on n'ose
croire, parce qu'elles étaient une violation des
lois les plu3 vulgaires de l'humanité, et sur-
BAG
47
tout parce qu'elles paraissent monstrueuses
dans l'état actuel de nos mœurs. Pour faire
mieux comprendre à ceux qui ne les ont pas
vus, et qui, certes, ne les verront plus, ce que
furent ces terribles établissements péniten-
tiaires, et pour en donner une idée plus exacte,
nous remonterons à trente années, et nous
dépeindrons les bagnes comme ils étaient à
cette époque ; nous suivrons ensuite les amé-
liorations qui y ont été introduites, et dont
chacun pourra apprécier le caractère en
connaissance de cause. Ainsi tout ce que nous
allons dire est purement rétrospectif et his-
torique, et prouvera que nos lois répressives
valent mieux aujourd'hui qu'hier.
Pour le condamné aux travaux forcés , le
bagne , à vrai dire , commence au moment
où il part pour s'y rendre. Vidocq, ce scélérat
qui, un beau matin, s'est réveillé chef du ser-
| vice de sûreté, a donné dans ses Mémoires
une description très-longue et très-minutieuse
; du chemin que le forçat parcourt de sa prison
i au bagne. Mais V. Hugo, dans le plus éloquent
peut-être de ses nombreux écrits, a su ra-
conter la première scène de ce grand drame,
avec autant de vérité saisissante et plus d'élo-
quence que n'en avait mis dans son récit celui
qui avait été lui-même acteur dans cette scène.
Empruntons au grand poSte quelques lignes
du plaidoyer, du cri de révolte qu'il a intitulé :
le Dernier jour d'un condamné;
• J'ai vu, ces jours passés, une chose hi-
deuse. Il était à peine jour, et la prison était
pleine de bruit. On entendait ouvrir et fermer
les lourdes portes, grincer les verrous et les
cadenas de ter, carillonner les trousseaux de
clefs entrechoqués à la ceinture des geôliers,
trembler les escaliers du haut en bas sous des
pas précipités, et des voix s'appeler et se ré-
pondre des deux bouts des longs corridors.
Mes voisins de cachot, les forçats en punition,
étaient plus gais qu'à l'ordinaire. ToutBicêtrc
semblait rire, chanter, courir, danser...
» Un geôlier passa. Je me hasardai à l'ap-
peler et à lui demander si c'était fête dans ta
prison.— Fête si l'on veut 1 me répondit-il. C'est
aujourd'hui qu'on ferre les forçats qui doivent
partir demain pour Toulon... Quand les apprêts
furent terminés, un monsieur brodé en argent,
qu'on appelait monsieur l'inspecteur, donna un
ordre au directeur de la prison ; et un moment
, après, voilà que deux ou trois portes basses
vomissent en même temps et comme par bouf-
fées, dans la cour, des nuées d'hommes hideux ,
hurlants et déguenillés. C'étaient les forçats.
» A leur entrée dans le préau , redouble-
ment de joie aux fenêtres des habitants de la
prison; quelques-uns d'entre eux, les grands
noms du bagne, furent salués d'acclamations
et d'applaudissements... C'était une chose
effrayante que cet échange de gaieté entre
les forçats en titre et les forçats aspirants.
A' mesure qu'ils arrivaient, on les poussait
entre deux haies de gardes-chiourmes, dans
la petite cour grillée, où la visite des méde-
cins les attendait.
» La grille de la petite cour se rouvrit. Un
gardien fit l'appel par ordre alphabétique ; et
alors ils sortirent un à un, et chaque forçat
s'alla ranger debout dans un coin de la grande
cour, près d'un compagnon donné par le hasard
de sa lettre initiale. Ainsi , chacun se voit
réduit à lui-même; chacun porte sa chaîne
pour soi, côte à côte avec un inconnu; et si,
par hasard, un forçat a un ami, la chaîne l'en
sépare. Dernière des misères...
» Quand il y en eut à peu près une trentaine
de sortis, on referma la grille. Un argousin
les aligna avec son bâton, jeta devant chacun
d'eux une chemise, une veste et un pantalon
de grosse toile, puis fit un signe, et tous com-
mencèrent à se déshabiller... Quand ils eurent
revêtu les habits de route , on les mena par
bandes de vingt ou trente à l'autre coin du
préau , où les cordons allongés par terre les
attendaient. Ces cordons sont de longues et
fortes chaînes coupées transversalement do
deux en deux pieds par d'autres chaînes plus
courtes, à l'extrémité desquelles se rattache
un carcan carré, qui s'ouvre au moyen d'une
charnière pratiquée à l'un des angles et se
ferme à l'angle opposé par un boulon de fer,
rivé pour tout le voyage sur le cou du ga-
lérien...
» On les fit asseoir ; on leur essaya les col-
liers; puis deux forgerons de la chiourme,
armés d'enclumes portatives, les leur rivèrent
à froid à" grands coups de masse de fer. C'est
un moment affreux, où les plus hardis pâlis-
îent. Chaque coup de marteau, asséné sur l'en-
clume appuyée à leur dos, fait rebondir lo
menton du patient; le moindre mouvement
d'avant en arrière lui ferait sauter le crâne
comme une coquille de noix...
» Deux haies de vétérans avaient peine à
maintenir libre, au milieu de cette foule, un
étroit chemin qui traversait la cour. Entre ce
double rang de soldats cheminaient lente-
ment, cahotées à chaque pavé, cinq longues
charrettes chargées d hommes : c'étaient les
forçats qui partaient. Ces charrettes étaient
découvertes. Chaque cordon en occupait une.
Les forçats étaient assis de côté sur chacun
des bords, adossés les uns aux autres, séparés
par la chaîne commune, qui se développait
dans la longueur du chariot, et sur l'extrémité
de laquelle un argousin debout, fusil chargé,
tenait le pied. »
Aujourd'hui n'a plus lieu le spectacle na-
vrant et hideux du départ de la chaîne, de son
voyage par étapes, en plein air, enfin de son
arrivée a Toulon, à Rochefort, à Brest. Les
48
BAG
condamnés sont transportés dans des voi-
tures, lesquelles sont divisées en douze com-
partiments. Onze de ces compartiments, isolés
les uns des autres, contiennent autant de for-
çats , le douzième est réservé à un officier de
gendarmerie. Certes, ce fut un heureux chan-
gement, une amélioration dans le régime des
bagnes, que ce nouveau mode de transport
pour les forçats. Mais quand on songe qu'un
galérien (infelix Theseus!) restait pendant de
longues heures, de longs jours, assis sur une
chaise percée, dans une niche où il pouvait
à peine se mouvoir, où l'air ne lui arrivait
que par un soupirail d'une grandeur insuffi-
sante; quand on songe qu'il n'avait pour dis-
traction, s'il savait lire, que l'article du Code
relatif aux condamnés et qui se trouvait affi-
ché devant lui; enfin, quand on se représente
ce réprouvé , sortant de sa geôle roulante,
brisé, abîmé, les pieds enflés, les yeux égarés,
on se demande si l'on n'aurait^pas pu, tout
en s'entourant de précautions sûres , user de
moins de rigueur, de moins de sévérité, de
plus de pitié, si l'on aime mieux. I
A son arrivée au bagne, le condamné était
passé en revue par une commission supérieure,
composée du commissaire chargé du contrôle
des chiourmes, du sous-préfet, du chirurgien-
major du bagne et du brigadier de gendar-
merie, qui constataient son identité, et s'assu-
raient de la régularité des extraits des arrêts
ou jugements prononçant sa condamnation.
Ensuite il était dépouillé de ses vêtements,
et lavé à l'eau tiède et au savon. Ses cheveux
étaient coupés ras et on lui donnait les vête-
ments de la chiourme. Voici ce qui était fourni
à chacun :
Une casaque en moui rouge dont la
durée était fixée à 20_mois.
Un gilet de moui rouge , sans
manche 1S —
Trois chemises de grosse toile,
chacune 9 —
Un bonnet de laine de couleur
variable 14 —
Un pantalon de moui jaune foncé. . 12 —
Trois pantalons de grosse toile,
chacun 7 —
Une vareuse de grosse toile, pour
les travailleurs en plein air. ... 2 ans.
Une paire de souliers 9 mois.
La tenue ne différait, suivant le(s saisons, que
Sar le pantalon, lequel était de toile en été et
e moui en hiver.
Ajoutons encore quelques renseignements :
la coiffure du condamné se borne, venons-
nous de dire, à un bonnet de laine. A ce bonnet
est attaché une plaque de fer-blanc, sur la-
3uelle est frappé le numéro du forçat; il est
e couleur rouge ou verte, suivant que celui
qui le porte est condamné aux travaux forcés
S temps ou aux travaux forcés à perpétuité.
La casaque elle-même subit des modifica-
tions, suivant la division (il y en a trois) à la-
quelle appartient le galérien. Le forçat qui
exige une surveillance active la porte jaune
et rouge, le forçat à. terme court la porte
entièrement rouge.
Une parenthèse à propos de l'habillement
du forçat : au temps où l'administration des
bagnes était livrée à l'omnipotence de quelques
chefs barbares à, plaisir, jusqu'à l'imbécillité ;
au temps où il fallait une ordonnance pour
interdire à ces chefs de retenir dans les fers
un condamné après l'expiration de sa peine; au
temps où, par spéculation, par avarice, les 6a-
Îmes n'étaient pas seulement un lieu de déso-
ation, mais un théâtre d'horreurs, d'iniquités
qui soulevaient le cœur, qui révoltaient l'hu-
manité, savez-vous de quelle façon on faisait
la lessive dans les chiourmes î Ecoutez : « Le
linge des forçats était lavé avec de l'urine
que l'on conservait toute la nuit dans des
seaux, et qui, le matin, était remise aux blan-
chisseuses pour en faire usage. »
Le galérien a donc revêtu sa livrée. Non,
elle n'est pas complète encore , car il n'a
pas les fers. « Chaque condamné porte à la
jambe un anneau de fer, appelé manille; cet
anneau est fermé par un boulon, à l'extrémité
duquel se trouve une clavette que l'on rive
sur une enclume ; à cette manille est attachée
une chaîne de neuf maillons , servant à l'ac-
couplement des forçats. » Les condamnés à
vie, ceux à long terme et les suspects, portent
en outre trois organeaux au milieu de leur
chaîne, pour y passer le cordon qui sert à les
conduire avec plus de sûreté sur les travaux ;
ce cordon est surtout indispensable pour le
service de nuit.
Pour tous les condamnés employés en cou-
ple à la fatigue, la manille est du poids de
1,000 à 1,100 grammes; la chaîne d'accouple-
ment est de 1,350 grammes; les organeaux
ajoutés à la chaîne des condamnés à vie et
des suspects pèsent 245 grammes. Il en résulte
que chaque condamné de cette dernière caté-
gorie traîne après lui un poids moyen de
2,600 grammes.
Les forçats condamnés au minimum de la
peine des travaux forcés et ceux d'une con-
duite éprouvée, employés à des travaux par-
ticuliers dans les divers ateliers, peuvent être
mis en chaîne brisée, c'est-à-dire qu'ils ne
sont pas accouplés ; alors ils portent seule-
ment la manille et trois maillons de chaîne,
qui servent à les attacher à leur banc pendant
la nuit. Les forçats à la double chaîne ont au
pied la manille ordinaire avec une double
chaîne de neuf maillons.
Toutes ces formalités accomplies, les con-
BAG
damnés sont, sur l'ordre du chef d'administra-
tion, répartis dans les salles et soumis à des
travaux de nature diverse, réglés suivant leur
âge, leur force, surtout la division à laquelle
ils appartiennent, c'est-à-dire suivant leur con-
duite. Les uns, les indociles, les récidivistes,
sont employés aux travaux dits de grande
fatigue : au sciage du bois , au curage des
ports , aux épuisements de3 bassins , aux
corvées sur les chantiers, aux mines , au dé-
blayage, aux excavations, etc. Les forçats de
la première division, c'est-à-dire ceux d'une
conduite éprouvée, les infirmes, les vieillards,
sont employés comme servants dans les hô-
pitaux, au service intérieur du bagne, ou
bien encore dans les bureaux. Quelques-uns
se livrent à des industries particulières; ils
tressent des chapeaux et des sandales, sculp-
tent en étuis, en croix, en porte-cigares des
morceaux de buis ; font, en un mot, presque
sans outils , de petits travaux ingénieux et
charmants, qu'ils vendent ensuito pour pres-
que rien au bazar du bagne, ou aux visiteurs.
« M. de la Reinty, dit M. Lauvergne dans
son Elude sur les forçats, fut un moment le
restaurateur de la dignité de l'homme aux
galères; il improvisa, parmi les forçat3 de
tout âge et de tout caractère, des maçons; des
tailleurs de pierre, des serruriers, des carriers,
des charpentiers, etc., et c'est par eux et par
leurs veuves que, sous la direction de maîtres
habiles, l'arsenal de la marine a été doté du
nouveau magasin général, bâti sur les fonde-
ments de celui que les Anglais, entrés comme
amis dans Toulon en 1793, incendièrent à leur
départ avec plusieurs autres édifices. On doit
encore aux forçats les cales couvertes, l'hô-
pital Saint-Mandrier, etc. » C'est là un exem-
ple à suivre; car c'est surtout dans le travail
que les condamnés doivent chercher leur pre-
mière réhabilitation.
Certains philanthropes ont voulu voir une
injuste aggravation de peine dans la nourriture
fournie par le bagne; nous ne partageons pas
complètement cette opinion : il suffit de com-
parer cette pitance à celle que les salaires per-
mettent aujourd'hui à l'ouvrier des villes, au
paysan, à celle du soldat enfin , pour sentir
combien il y a d'exagération, généreuse exa-
gération si l'on veut, dans cette manière de
juger les choses. Voici, d'après un document
officiel, la nourriture des condamnés :
Us reçoivent, suivant leurs emplois ou leurs
infirmités, des rations différentes, dites :
1° Ration de forçat à la fatigue;
20 Ration de forçat sans travail ;
3° Ration de forçat invalide.
La ration de forçat à la fatigue se compose,
par jour et par homme, de :
Pain frais 917 gr.
Vin. 48 ccntil.
Légumes secs ( presque
toujours des fèves) . . . 120 gr.,
Huile d'olive i — 90
Ou beurre 8 — 82
Sel 10 —
Lorsque les bâtiments, au retour d'une cam-
pagne, déposent dans les magasins des biscuits,
des haricots, du lard, du fromage, qui ne sont
pas assez altérés pour qu'on ne puisse les con-
sommer, mais qui cependant sont incapables
de faire une autre campagne, ces denrées
sont destinées au bagne. La ration ordinaire
est alors modifiée; le pain est remplacé par
700 grammes de biscuit, et les légumes secs
par 90 grammes de fromage.
La ration du forçat sans travail est la même,
à l'exception du vin, qui est supprimé.
La ration du forçat invalide se compose,
par jour et par homme, de :
Pain frais 750 gr.
Vin .' . 24 centil.
Les dimanche, jeudi, mardi, samedi :
Viande fraîche 250 gr. "
Avec légumes verts. ... 25 —
Les lundi, mercredi, vendredi :
Légumes secs 120 gr.
Huile d'olive. . ■ 4 — 90
Ou beurre 8 — 82
La soupe se distribue une fois par jour, le
soir à la rentrée de la chiourme; le matin, on
délivre une ration de pain et de vin.
L'administration du bagne tolère la vente
des vivres supplémentaires : l'entrepreneur ne
peut vendre que les objets désignés dans les
conditions de son marché. Les succursales de
la cantine, établies à l'extrémité de chaque
salle, fournissent tous les jours du lait chaud
ou froid, des soupes faites avec de basses
viandes , comme têtes; foies, poumons, etc. ;
des fricassées de ces viandes, du beurre et du
lard. Elles fournissent deux fois par semaine,
le jeudi et le dimanche, une soupe de viande
fraîche , et , de temps en temps , quelques
autres comestibles tarifés, comme pommes de
terre, fromages, poissons communs , salade,
fruits verts, etc.
Cette nourriture est-elle suffisante ? Non,
a-t-on dit, surtout pour les forçats employés
aux travaux de grande fatigue. Nous verrons
tout à l'heure, d'après les rapports officiels, ce
que l'on appelle les travaux de grande fatigue.
Maintenant, que l'on compare l'a nourriture
que l'ouvrier gagnant en moyenne 5 fr. par
jour, mais ayant femme et enfants, peut donner
à sa famille et à lui-même. Il faut se rappeler
que dans beaucoup de nos campagnes, la
viande est encore un objet de luxe; que les
pommes de terre et les châtaignes forment le
fond de bien des repas, et que les hommes
qui se refusent la viande et le vin à leur ordi-
fiAâ
naire sont d'honnêtes gens, apportant le tribut
de leurs forces et de leur intelligence à la
masse commune, payant des impôts, et ne
venant pas grever le budget de l'Etat pour
avoir enfreint le pacte social.
Le coucher des forçats se i.ompose d'un lit
de camp , un banc de bois sans matelas, sans
traversin, et d'une couverture de laine. Ils
sont attachés à leur banc au moyen d'une
longue chaîne appelée ramas, qui les tient
captifs et prévient les évasions ou la révolte,
mais qui fatigue leur jambe , constamment
obligée de supporter son poids. C'est ainsi
qu'ils doivent dormir, se reposer des lourdes
fatigues de la journée, oublier un instant, s'ils
le peuvent, leur misérable condition.
Nous avons à parler maintenant du, per-
sonnel du bagne, de la surveillance de la
chiourme, des punitions infligées aux forçats
et des encouragements qui leur sont donnés;
après avoir dit quelle était leur condition phy-
sique, disons aussi quelle est leur condition
morale, et arrivons enfin au jour où la liberté
leur sera rendue.
Le personnel du bagne varie peu. Prenons
la statistique suivante, celle qu'a choisie
M. Mongrand, et qu'on peut accepter comme
officielle.
La population de tous les bagnes de France
était de 7,759 en 1845, de 7,953 en 1847; et
ce nombre, malheureusement, s'augmentait
d'année en année. Nous allons donner une
moyenne de ces différentes années, en envi-
sageant la population des bagnes sous diffé-
rents aspects : 33 pour 100 des condamnés
provenaient des villes, 59 pour 100 apparte-
naient à la campagne, et 8 pour 100 étaient
d'origine étrangère.
Par rapport aux âges, cette population se
répartit, pour 100, de la manière suivante :
De 16 à 20 2
De 21 à 30 28
De 31 à 40 32
De 41 à 50 24
De 51 à co 10
De 61 à 69 4
Relativement à l'instruction, les condamnés
se trouvent dans la proportion suivante ;
Ne sachant ni lire ni écrire. ... 55
Sachant lire ou écrire imparfai-
tement 36
Sachant bien lire et bien écrire. 8
Ayant reçu une instruction supé-
rieure a, l'instruction primaire. 1
Enfin voici, selon leur ordre de fréquence,
les crimes qui ont conduit les condamnés au
bagne :
Vols 4,928
Meurtres 982
Viols 420
Incendies 213
Faux 194
Assassinats 180
Coups et blessures. 108
Fausse monnaie 127
Empoisonnements ' 68
Associations de malfaiteurs. . . 38
Parricides 26
Crimes commis par des fonc-
tionnaires publics 23
Vente d'effets militaires 10
Banqueroutes 17
Bigamie 2
Crimes politiques 14
Désertion après grâce 16
Extorsion de titres 15
Faux témoignages 12
Menaces sous conditions. ... 4
Pillage en bande 1 12
Rébellion 8
Ayant commis plusieurs des
crimes susmentionnés 379
Total. . . 7,856
Après avoir parcouru les statistiques que
nous venons de transcrire, les réflexions abon-
dent dans l'esprit du moraliste. Une chose
surtout le frappe, et c'est celle-ci : plus de la
moitié des forçats ne savent ni lire ni écrire ;
l'ignorance peuple le bagne; et pourquoi
l'ignorance peuple- t-elle le bagne ?. parce qu'elle
est l'ignorance. Multipliez les écoles, rendez
l'instruction populaire en la donnant gra-
tuitement. Tel que vous voyez là, courbé sous
le bâton de l'argousin, eût été, si vous l'aviez
dirigé , un honnête citoyen ; tel autre, dans
lequel vous remarquez le type bestial, eût été,
si vous aviez ouvert son intelligence, un père
de famille vertueux. Défrichez , cultivez ,
éclairez tous ces déshérités, tous ces maudits
de par les lois sociales, tous ces damnés que
vous apercevez grouillant dans les bas-fonds de
la société, et peu à peu décroîtra la population
du bagne, et bientôt peut-être vous pourrez
fermer les portes de ce lieu de désolation,
comme autrefois à Rome on fermait, pendant
la paix, les portes du temple de Janus.
Pour surveiller et contenir une population
pareille à celle que nous venons de passer en
revue, il faut de nombreux agents. A l'ori-
gine des bagnes, cette garde fut confiée à des
pertuisaniers. En 1794, époque à laquelle cette
compagnie fut supprimée, les condamnés pas-
sèrent sous la surveillance de détachements
de troupes de la garnison. Vers 1803, la com-
pagnie des gardes-chiourmes fut créée, et fit
d'abord le service en commun avec les sol-
dats du dépôt des colonies. Au licenciement
de ceux-ci, en 1812, la compagnie des gardes-
chiourmes resta seule affectée à cet emploi.
ÊAG
Ces agents sont divisés en agents do sur-
veillance intérieure et de police, parmi les-
quels on distingue les cornes ou comités, les
argousins, les sous-comes , les sous-aryousius,
et enfin les caps, espèces de piqueurs pour
diriger les travaux.
La garde militaire se recrute parmi les mili-
taires sortis du service, classés par escouades
et armés comme les soldats de ligne. L'uni-
forme de ces gardes est l'habit Lieu , passe-
poil d'azur, Shako à plaque en losange de fer-
blanc, timbré d'une ancre.
La discipline des salles est confiée à des
adjudants et sous-adjudants des chiourmes.
Enfin, en remontant suivant l'ordre hiérar-
chique, on trouve encore un sous-commis-
saire, un commis principal, enfin un commis-
saire, qui porte le nom de chef du service des
chiourmes. Nous ne parlons ici que des gens
affectés directement à la garde des condamnés.
Et maintenant , voici la consigne inté-
rieure. Deux rondiers de garde sont, nuit
et jour, de planton aux grilles des salles ; l'un
est chargé des clefs, l'autre fouille et compte
les condamnés chaque fois qu'ils se rendent à
leurs travaux ; chaque fois qu'ils en revien-
nent, d'autres rondiers sont chargés de faire
sonner les fers, afin de s'assurer qu'ils ne sont
point cassés.
Les gardes sont armés d'un sabre quand ils
accompagnent les forçats dans l'arsenal, et
d'une carabine chargée à balle, à l'extérieur.
Chacun d'eux a sous sa surveillance cinq cou-
ples de forçats. A chacune de leurs sorties, et
quand ils rentrent, à midi et à la nuit, les
condamnés sont comptés. La nuit, les adju-
dants font des rondes, les gardes-chiourmes
veillent dans les salles, un piquet est sous les
armes. En outre, à la porte de l'arsenal se
trouve une garde militaire et des canons
chargés à mitraille.
En dehors des moyens de prévention et
d'intimidation que nous venons d'énumérer,
on a voulu effrayer le forçat par des peines
sévères. Ces punitions sont graduées ainsi :
renvoi de la salle d'épreuve, renvoi d'un posto
de faveur, retranchement temporaire du vin ,
perte de la chaîne brisée et mise en couple ,
chaîne double, cachot, et enfin bastonnade.
La bastonnade s'administre à l'aide d'un cor-
dage ayant 15 millimètres de diamètre, 65 cen-
timètres de longeur, et terminé par une simple
Hure, les coups se frappant de gauche adroite.
< est au chef du service des chiourmes d'ap-
pli iuer, selon la gravité de la faute, les peines
ci dessus énoncées. Lorsque la faute devient
d( (it ou crime , les condamnés sont traduits
dtvant un conseil maritime spécial qui juge
sans appel, excepté l'arrêt de mort, soumis
dans les derniers temps à la sanction du sou-
verain. Les arrêts sont exécutés dans les
vingt-quatre heures. Quelquefois, on est plus
expéditif encore. En 1824, les forçats du Mou-
rillon se révoltèrent et se livrèrent à des actes
de fureur. Sans vouloir descendre à l'examen
de la cause qui avait donné naissance à cette
insurrection, le commissaire employa le moyen
le plus expéditif pour réduire les révoltés : il
ordonna la fusillade. 1
Mais si les moyens de répression sont sé-
vères, il est aussi pour les condamnés des
récompenses, des allégements à leur peine.
Ces récompenses consistent : 1° dans le pas-
sage de la troisième à la deuxième division,
où les forçats ne sont point accouplés, et où
le nombre des maillons de la chaîne est ré-
duit à trois ; 5° dans le privilège très-recher-
ché des places de servants et d infirmiers dans
les hôpitaux. Ils ont alors un salaire de 10 cen-
times par jour, une nourriture abondante et
saine, et le même couchage que les malades;
30 dans l'admission à la salle d'épreuve, où
l'on n'entre que sur la proposition d'une com-
mission réunie par le préfet maritime. Les
travaux les moins fatigants sont réservés aux
forçats de cette catégorie. Leur nourriture
est améliorée par un repas de viande les
dimanches et jours de fête. Enfin, il leur est
accordé un matelas d'étoupe blanche et un
petit traversin. C'est parmi cette dernière caté-
gorie que sont choisis les condamnés pour les-
quels le garde des sceaux demande uno
commutation de peine , quelquefois la grâce
entière, au souverain, le jour de sa fête. Toute-
fois, cette grâce n'est demandée pour les con-
damnés à temps que lorsqu'ils ont subi la
moitié de leur peine; pour les condamnés à
vie, que quand ils ont subi au moins dix années
de fers.
Nous avons dit quelle était la condition ma.
térielle du forçat, à peine avons-nous laissé
deviner quelle devait être sa condition morale.
Si nous voulions, si nous osions descendre,
voir clair dans l'âme de ce maudit, de co
damné de par la loi, nous serions effrayés.
Peut-être, en entrant dans ce lieu horrible,
n'était-il pas encore tout à fait méchant, per-
verti sans retour, perdu à jamais. Voyez-le:
il est craintif, il est soumis, il est honteux.
Mais c'est une dangereuse école que le bagne,
où les maîtres au bonnet vert sont habiles à
vaincre cette timidité, à pervertir sa nature,
à éveiller son audace. Disons-le en passant,
pourquoi confondre des hommes qui ne sont
ni coupables ni pervers au même degré?
Pourquoi ne pas taire des catégories de cri-
minels? assigrier à chacune de ces catégories
des lieux d'habitation? des ateliers de travail,
des temps de récréation séparés? En procé-
dant ainsi, et c'est le seul moyen, vous évi*
BAG
BAG
BAG
BAG
49
terez la contagion du crime , vous détruirez
nette sorte de fascination qu'exercent sur les
jeunes condamnés, que vous savez déjà enclins
aux passions mauvaises, l'audace, l'insolence,
la perversité des héros du bagne. Il y a certes
là une réforme à opérer, qui, tout en conser-
vant l'institution, en ferait disparaître un des
plus sérieux défauts.
Encore une fois, en entrant aux galères, le
condamné n'est point tout à fait perdu , mais
il est difficile qu il ne se perde pas ; il n'était
encore peut-être que coupable par entraîne-
ment , d une façon inconsciente , mais il n'est
guère possible qu'il ne le devienne pas avec
intention , avec préméditation ; il baissait la
tête quand il est arrivé , il la relève mainte-
nant avec insolence ; il était honteux du crime
qui l'avait conduit là, il est fier maintenant de
ses forfaits, il étale ses vices avec orgueil. Le
bagne est une pépinière de monstres, associés
par des liens indissolubles pour exploiter la
société. Cette association a son langage à
elle, ses signes de reconnaissance, ses chefs.
On trouve parmi eux des voleurs, des ban-
queroutiers , des faussaires , des assassins ,
exploitant encore leur industrie dans l'inté-
rieur même de leur prison , puis , une fois
évadés ou libérés, la continuant sur une plus
grande échelle, sans être arrêtés parla crainte
de revenir, cheval de retour, au lieu de déso-
lation et de misère qu'ils viennent de quitter.
On remplirait des volumes avec le récit des
actes criminels commis par les forçats, malgré
la vigilance de la police. « Un jour, M"e Geor-
ges, en visitant le bagne de Toulon, prend
imprudemment plaisir dans l'entretien d'un
forçat, homme aux belles manières, à la parole
facile ; pendant l'entretien, au signald'un chef,
enchanté sans doute de pouvoir montrer le
savoir-faire de l'un de ses administrés , le
forçat dérobe à la célèbre actrice le cache-
mire qui couvrait ses épaules. — Un vénérable
évêque , touché du repentir apparent d'un
galérien, lui donne sa bénédiction, et lui pré-
sente son anneau épiscopal à baiser. L'anneau
disparaît, sans que le prélat se soit aperçu du
larcin. »
Le vol est la préoccupation constante du
galérien. De plus, il est usurier, faux-mon-
nayeur, faussaire, banqueroutier. C'est qu'il •
faut de l'or à ce malheureux pour mener à
bonne fin le projet qu'il forme depuis son
entrée au bagne , le rêve qu'il caresse nuit et
jour, son évasion. Ce serait un chapitre par-
ticulier qu'il faudrait écrire à propos de l'éva-
sion des forçats; il faudrait de longs dévelop-
pements pour montrer le malheureux toujours
en proie au désir de recouvrer la liberté, désir
insatiable, qui passe bientôt à l'état de mono-
manie. Nuit et jour, au travail, au dortoir,
sans trêve, sans cesse, pendant de longs mois,
de longues années , il médite sur les moyens
de tromper la surveillance des gardiens, fait et
refait son plan, et, quand tout est arrêté, com-
biné, il commence ses travaux, quelquefois
immenses, incroyables, fabuleux; il les pour-
suit avec patience, sans se décourager jamais,
soutenu toujours par ce mot magique pour
tous : liberté 1 Enfin le jour est venu, ses com-
pagnons l'aident, car son tour est venu d'être
aidé; déjà il a franchi la grille des salles, la
porte de l'arsenal, il a aspiré la première
bouffée d'air libre, il est sauvé... Non, il est
repris -et condamné à trois ans de double
chaîne, quelquefois à trois ans de plus de
travaux forcés. Il n'est pas rare de rencon-
trer au bagne des forçats condamnés, par suite
de tentatives d'évasion , à plus d'années de
galères qu'ils n'eu ont à vivre. Mais le cheval
de retour ne se décourage pas, il ourdit de
nouvelles ruses, combine de nouveaux plans,
et, après des prodiges d'adresse et d'audace,
il parvient une seconde fois à franchir le
cercle fatal; mais cette fois encore il est
repris ; et, grâce au zèle des gardiens, il le
sera s'il tente une troisième évasion, une qua-
trième. Il l'est presque toujours. Et comment
en serait-il autrement? A peine apprend-on sa
disparition , que l'autorité fait hisser des pa-
villons d'alarme, et que trois coups de canon
sont tirés du poste le plus voisin pour don-
ner l'éveil aux chefs du bagne, aux gardes-
chiourme, à toutes les autorités locales, à tous
les habitants du pays. Le signalement du fugi-
tif est envoyé au préfet maritime, au major gé-
néral, à la gendarmerie maritime, à toutes les
brigades de gendarmerie de dixdes chefs-lieux
les plus voisins, aux commissaires de police,
à l'inspecteur des douanes. En outre, une affi-
che, placardée aux portes de la ville et dans
les campagnes, met les paysans en garde
contre les vagabonds et les rôdeurs de nuit.
Aussi est-il bien rare que le fugitif puisse
échapper au réseau invisible que forme autour
de lui cette active surveillance. Quelques-uns
cependant parviennent à s'échapper, et, parmi
les évasions, il en est qui semblent plutôt ap-
partenir à la légende qu'à l'histoire. En voici
deux que nous empruntons au livre très-beau
et surtout très-humain qu'a publié M. Sers sur
les Bagnes, et auquel nous avons fait plus
d'un emprunt : « Le condamné Sichon se dé-
livre de ses chaînes et trompe la surveillance
des gardes; on ne le retrouve plus. Cepen-
dant les recherches les plus minutieuses se
dirigent contre lui ; gardes-chiourme et adju-
dants sont sur pied ; on prend des informations
partout ; l'intérieur de l'arsenal est visité en
tous sens ; rien ne conduit sur les traces du
forçat. Qu est-il devenu? il se cache sous l'eau,
au fond d'un bassin ; au moyen d'une manche
en cuir, dont l'extrémité supérieure se trouve
attachée à la surface de l'eau, il reçoit l'air
nécessaire à la respiration ; la nuit, il sort de
sa retraite et prend des aliments que ses
camarades déposent dans un endroit convenu.
» Le fameux Maurice, une des célébrités des
galères , exécute une évasion encore plus
extraordinaire : retenu aux doubles chaînes,
il parvient à se procurer une fausse clef qui
ouvre la porte de la salle; il a scié ses fers et
se dirige vers la grille , non loin de la senti-
nelle qui veille; sans faire sonner la cloche du
bagne, il monte par la corde, enveloppe le
battant d'un linge, puis il revient trouver huit
de ses camarades, libres de leurs fers; l'au-
dacieux forçat les conduit sous la cloche, leur
montre le passage ouvert, et, le neuvième,
il s'élance sur la toiture. Cependant la senti-
nelle a crié aux armes ! l'évasion se découvre ;
aussitôt- des patrouilles envahissent l'arsenal,
dont les points principaux sont occupés sur-
le-champ; huit galériens sont repris; Mau-
rice seul échappe aux recherches. »
Mais nous avons hâte d'arriver au moment
où le condamné entend à ses oreilles ces mots
si longtemps attendus, tant désirés, tant rêvés:
« Tu es libre ! » Nous ne décrirons pas la situa-
tion d'esprit du forçat dans les derniers mois,
les dernières semaines, les dernières heures
de son séjour; disons seulement — et ces faits
ont par eux-mêmes leur .éloquence — que
beaucoup, dès le moment où on leur a annoncé
leur liberté prochaine , tombent subitement
malades; d'autres meurent d'une attaque d'apo-
plexie; d'autres, enfin, perdent la raison. Mais,
l'heure a sonné ! Le forçat va être libre !
On l'amène au bureau des chiourmes, où, en
présence' du chef du service et du commis-
saire chargé du contrôle, on procède à la vé-
rification de son signalement ; l'agent comp-
table lui notifie la décision du ministre de
l'intérieur sur la résidence définitive qui lui a
été. assignée; puis a lieu l'opération du dé-
chaînement. Le chef du service des chiourmes
fait remettre immédiatement au maire de la
ville du bagne, pour chaque libéré, un congé
portant le signalement de l'individu, l'ordre en
vertu duquel il est libéré, et le numéro sous
lequel il était détenu au bagne. . Le forçat est
donc libre, et, son bâton à la main, sur le dos
son sac de soldat contenant quelques effets ,
dans le gousset de son pantalon quelques
pièces d'argent, pécule amassé à grand'peine,
retenue de son salaire pendant dix, quinze,
vingt ans , il part, aspirant à pleins poumons
l'air de la liberté. Il faut lire , dans l'œuvre
magnifique de V. Hugo, il faut lire ce voyage
du forçat tracé avec une poétique exagéra-
tion. Voyez-le, voilà deux jours qu'il mar-
che, et il n'a pas encore mangé; il est las,
exténué, il n'en peut plus et ne trouve pas
un lieu pour reposer sa tête , un morceau
de pain pour satisfaire sa faim ; on chu-
chote sur son passage , on le fuit. Il croyait
être libre, le malheureux! et tout à coup la
nuit, l'isolement, les ténèbres se font autour
de lui, en lui. Il croyait avoir expié son crime,
il croyait avoir le droit de reprendre sa place
au so\eil ; mais il s'aperçoit que la marque que
les fers de la geôle ont imprimée à sa che-
ville est indélébile, et qu'il doit, comme le
maudit dont parle l'Evangile', ne plus ren-
contrer sur son chemin qu'humiliation, amer-
tume et misère.
Voilà ce qu'étaient les bagnes et les forçats,
il y a encore trop peu d'années; voilà les
impressions que tout nomme sérieux eût éprou-
vées à l'aspect de ces tristes lieux et de leurs
habitants; un tel état de choses, que nous
avons consciencieusement décrit, ne pouvait
durer : après quelques observations sur les
bagnes à l'étranger, nous dirons dans quelle
voie de progrès sont entrés les pouvoirs pu-
blics de notre pays.
Dans ses Notes de voyage , Tournefort ra-
conte les impressions qu'il ressentit au bagne
de Constantinople ; impressions bien tristes,
bien douloureuses; bagne d'autant plus désolé,
plus affreux, qu'il est le plus considérable, le
plus peuplé de ces lugubres monuments.
Mais, entre tous, le bagne d'Alger était, en
1815, le plus navrant à voir, le plus barbare :
« Sur seize cents esclaves que contient le
bagne d'Alger, raconte un témoin, plus de cent
succombent chaque année au désespoir ou à
l'excès des fatigues... J'ai vu plusieurs de ces
condamnés écrasés sous le poids des rochers
qu'ils étaient obligés de transporter... J'en ai
vu retourner à la ville sanglants et mutilés ;
j'en ai vu tomber sur les chemins, refuser, par
faiblesse ou par désespoir, de se relever sous
le fouet de leurs bourreaux, et attendre, dans
l'immobilité , la mort qu'ils imploraient, i
Grâce à ces propagateurs de la lumière, à ces
apôtres de la charité, qu'on nomme saint Vin-
cent de Paul, Beccaria, Filangieri, Montes-
quieu, Malesherbes, Turgot; grâce surtout à
l'immortelle Révolution de 1789, qui essaya
d'établir le règne de la concorde , de l'indul-
gence, de la fraternité, qui obligea le regard
des puissants et des heureux à s'abaisser sur
les faibles et les malheureux ; grâce enfin à
Dieu qui, tous les jours, et souvent malgré
nous , nous fait avancer d'un pas vers la per-
fection, vers la lumière , vers le progrès , le
régime des bagnes a reçu bien des modifica-
tions , bien des améliorations ; tout en étant
resté sévère, il est devenu plus humain.
Aujourd'hui, îa garde des forçats est confiée
à des hommes dont le premier devoir est d'être
humains autant que sévères, et dont la con-
duite, du reste, est soumise à des lois, à des
règles fixes. Le spectacle hideux et navrant
de la chaîne n'est plus donné aux curieux in-
sensibles, et le transport des forçats se fait par
des voitures cellulaires. Certes, et nous l'avons
dit en commençant, c'est une dure et cruelle
épreuve pour le condamné, que ce longtemps
passé dans cette niche étroite, sans air. Mais,
n'est-ce pas encore préférable à ces ignobles
charrettes où il était assis sur la paille , les
fers aux mains et aux pieds, les jambes pen-
dantes, exposé au froid, à la chaleur, au vent,
à la pluie, et durant douze à vingt jours en
butte aux regards et aux injures du public?
Enfin, et pour ne mentionner que les plus
sérieuses améliorations , disons qu'en 1853 ,
M. Mongrand, attaché comme médecin au
bagne de Brest, ayant adressé à l'inspecteur
général du service de santé un mémoire sur
l'insuffisance de l'alimentation des forçats, in-
suffisance que l'auteur regardait comme la
cause évidente de la plupart des maladies qui
régnaient au bagne, une dépêche ministérielle
du 13 octobre de la même année prescrivait
pour chaque homme de la chiourme 250 gram-
mes de viande le dimanche. Dès lors, le scor-
but cessa subitement de se montrer.
— Suppression des bagnes. Le 27 mars 1852,
le Moniteur universel renfermait un «décret sur
la transportation à la Guyane française des con-
damnés aux travaux forcés, détenus dans les
bagnes. > Et le 2 avril 1853, il contenait une « in-
struction du ministre de l'intérieur, M. de Per-
signy, aux préfets, pour la direction adonner
aux condamnés aux travaux forcés et aux
individus désignés pour la transportation. » Il
existait, en 1852, trois bagnes eu France : celui
de Rochefort, qui a été fermé le premier (1852) ;
celui de Brest, aujourd'hui évacué, en exécu-
tion de la loi du 30 mai 1854, qui a déterminé
qu'à l'avenir, à moins d'empêchement, la peine
des travaux forcés serait subie dans des éta-
blissements créés sur le territoire des posses-
sions coloniales autres que l'Algérie, et fixé le
régime auquel seraient soumis les condamnés
dans ces établissements ; enfin le bagne de
Toulon, qui a été maintenu, et qui subsistera
tant qu'il ne sera pas possible de diriger tous
les forçats sur les colonies.
La question si grave des bagnes avait ému
depuis longtemps les administrateurs chargés
de leur direction. En 1820, M. Portai, ministre
de la marine, lés appréciait ainsi dans un rap-
port au roi : t Si l'on considère ces établisse-
ments sous le point de vue philanthropique,
on voit que la nature des travaux, jointe aux
embarras que présentent les localités, s'oppose
souvent aux classifications qui seraient indi-
quées par la durée des peines, autant que par
Fàge et le caractère des individus, et contrarie
ainsi, malgré les efforts des administrateurs,
l'amendement dont les condamnés seraient
susceptibles dans un état de choses obligeant
moins au mélange et à la confusion. Envi-
sagée dans ses rapports avec la sûreté géné-
rale, l'agglomération des forçats est aussi con-
traire à la prévoyance et à la raison. Il y a
évidemment un danger toujours imminent à
concentrer sur le même point une masse
de criminels , qui , accoutumés à combiner
des résolutions hardies , maîtres de les con-
certer avec des complices de leur choix,
trouvent chaque jour dans le mouvement des
travaux de nouvelles facilités pour les exé-
cuter. Aussi, quoique soumis au régime le plus
sévère, ces hommes fatiguent-ils également,
et ceux qui les surveillent et la population
locale qui les compte avec effroi. La présence
des forçats dans les ports tend sans cesse à
dégrader et à corrompre les marins et les
ouvriers qui se trouvent chaque jour forcé-
ment rapprochés d'eux, sur les chantiers et
dans les ateliers. Elle expose la sûreté du
mobilier naval qu'ils ont sous la main, du
moins pendant la durée des travaux. « En 182 1 ,
le gouvernement, jugeant sans doute la ques-
tion au même point de vue, projeta de substi-
tuer à la peine des travaux forcés celle de la
transportation ; en 1827, ce projet obtint l'as-
sentimentde quarante-deux conseils généraux.
En 1846 et en 1847, la question fut reprise
devant les chambres ; mais le gouvernement
ne fit pas un accueil favorable a l'idée de la
transportation. Plus tard, sous la république,
le président Louis-Napoléon la souleva de
nouveau, dans un message du 12 novembre
1850. « Six mille condamnés renfermés dans
nos bagnes grèvent le budget d'une charge
énorme, se dépravent de plus en plus et me-
nacent incessamment la société. Il me semble
possible de rendre la peine des travaux forcés
plus efficace, plus moralisatrice, moins dispen-
dieuse et plus humaine, en l'utilisant au pro-
grès de la colonisation française. » Cette
pensée devait être réalisée ; aussitôt après le
coup d'Etat du 2 décembre 1851, un rapport,
inséré au Moniteur le 21 février 1852, annonça
la prochaine évacuation des bagnes; le 27 mars
suivant, parut le décret qui fit faire un pas
décisif a cette question capitale, en décidant
que les condamnés aux travaux forcés pour-
raient être envoyés à la Guyane française.
Enfin, en 1854, la réalisation de la pensée
firésidentielle fut complètement assurée par
a loi dont nous avons parlé plus haut. En
nous occupant de la question de la transpor-
tation, nous examinerons le régime nouveau
créé par cette loi.
Les publicistes ne se Sont pas moins préoc-
cupés que les gouvernements de la réforme
des bagnes. M. le président Bérenger, dans
son beau livre de la Répression pénale ( 1855,
2 vol. in-S°), consacre un long chapitre à cette
question ; après avoir fait l'historique de ces
établissements , il essaye de démontrer qu'ils
sont dangereux pour la société ; s' appuyant
sur les conclusions d'un rapport célèbre de
M. le baron Tupinier (1838) , il affirme qu'à
tous les points de vue : moralité , répression,
économie, les bagnes sont une mauvaise insti-
tution. Mais le savant criminaliste s'écarte des
conclusions de ce rapport, qui, tout en indi-
quant de sérieuses réformes a opérer, tendent
au maintien des bagnes. Chargé par l'Académie
des sciences morales et politiques de comparer
les établissements pénitentiaires français et an-
anglais, l'honorable' magistrat, après de con-
sciencieux voyages dans les deux pays, revint
convaincu de la supériorité du système de la
déportation, et fut un des promoteurs des actes
gouvernementaux qui ont consacré les conclu-
sions de son rapport. M. Isidore Alauzet était
arrivé, en 1842, aux mêmes conclusions, dans
un excellent Essai sur les peines et le système
pénitentiaire (1863, in-8°, 2« édit.), qu'il avait
i soumis à l'Académie des sciences morales et
politiques. Peut-être, cependant, assurent
quelques bons esprits, y avait-il autre chose à
faire que ce qu'on a fait. La colonisation péni-
tentiaire, à coté d'avantages sérieux, offre de
graves inconvénients pour l'avenir des pos-
sessions où on l'établit : ne pouvait-on pas ré-
former les bagnes au lieu de les supprimer?
M. Gleizes , ancien .commissaire du bagne de
Brest, en examinant la question en 1841, ne
se dissimula pas tout ce qu'il y avait d'imparfait,
d'insuffisant et d'inefficace dans le régime de
ces établissements, qu'il connaissait mieux
que personne ; néanmoins, il soutint qu'il était
facile de les maintenir et d'en obtenir de bons
effets, au moyen de réformes intelligentes. La
question n'est plus entière aujourd'hui , mais
elle peut se représenter encore; ce sera alors
le moment d'examiner de nouveau comment
il serait possible , tout en rejetant un passé
que tout condamne, de rétablir des bagnes qui
réaliseront l'idéal de M. le président Bérenger :
moralité, répression, économie; il faudra ré-
primer, sans doute , mais on pourra moraliser.
Les forçats ne sont pas tous inaccessibles aux
bons sentiments : beaucoup d'entre eux sont
capables de dévouement. Le Moniteur du
12 novembre 1865 anûonce que l'empereur à
accordé des remises ou réductions de peine à
91 forçats du bagne de Toulon, qui se sont
signalés par leur belle conduite pendant l'épi-
démie cholérique dont le raidi de la France a
été récemment victime. Quoi qu'il en soit, nous
nous réjouissons d'avoir vu disparaître un
état de choses devenu incompatible avec nos
mœurs, et nous ne craignons pas d'affirmer
qu'il a disparu pour toujours.
Cet article, quoique nous en ayons arrondi
singulièrement les angles, est encore de na-
ture à blesser certaines convictions respec-
tables. La question, de la pénalité et des
bagnes est une de celles sur lesquelles les
hommes les mieux intentionnés se divisent.
Cela dépend de l'éducation , de la position
sociale, du milieu où l'on vit, et, pour tout
dire, du tempérament. Il en est ainsi de la sup-
pression ou du maintien de la peine de mort,
de la détention préventive, de la prison pour
dettes, etc., etc. Ajoutons, comme l'a dit Ber-
nardin de Saint - Pierre , que l'opinion des
hommes n'est le plus souvent que l'expression
de l'intérêt particulier de chacun d'eux. Nous
allons donc, fidèle au plan suivi jusqu'ici dans
le Grand Dictionnaire, donner, sur la question
controversée des bagnes, l'opinion d'un auto-
ritaire. Tel va être 1 objet du résumé suivant :
Deux questions dominent l'institution des
bagnes, comme tout notre régime péniten-
tiaire. D'une part, le droit primordial qu'a la
société de se défendre contre toute atta-
que; de l'autre, l'humanité qui conseille de
modérer le châtiment, de le proportionner aux
forces, à l'âge, à la moralité du coupable. Le
législateur doit donc chercher à concilier ces
deux intérêts puissants. On a cru, en suppri-
mant les bagnes et en les remplaçant par la
déportation , avoir résolu la question. Pour
nous, elle est encore pendante. On a mis en
avant plusieurs motifs graves : répression plus
énergique; moralisation par le travail et une
demi-liberté ; économie; enfin, sécurité pour la
société, qui se voit débarrassée d'un certain
nombre d'ennemis. Ces résultats ont-ils été at-
teints ? Comment peuvent-ils l'être ? Disons
seulement ici qu'avant de prendre une mesure
aussi grave qui, tout en compromettant l'avenir
de nos colonies, nous prépare de sérieux em-
barras pour l'avenir, il aurait peut-être été plus
simple de chercher à améliorer le régime de
nos bagnes. D'importantes réformes étaient à
opérer, il faut l'avouer ; mais elles n'étaient pas
au-dessus du zèle et de l'initiative de l'admi-
nistration. On s'est beaucoup apitoyé depuis
?uelques années sur le sort des malheureux
orçats. Il faut comprendre, cependant, que
des hommes que la justice a trouvés assez
coupables envers la société pour leur infliger
la peine la plus sévère après la peine capitale,
ne doivent pas avoir toutes nos sympathies.
Conservons-les pour ces rudes travailleurs de
nos villes et de nos campagnes qui, donnant
toute leur vie au travail, à l'éducation de
leurs enfants, à l'accomplissement de tous les
devoirs qu'impose la vie sociale, seraient heu-
reux, parfois, quand l'âge vient faire tomber
l'outil de leurs mains, d'avoir pour retraite le
régime que l'on trouve trop dur pour des cri-
50
BAG
l
minels. Conservons-les pour le soldat que la
loi enlève â son champ, à son atelier, à sa
Camille, pour le jeter au Mexique ou en Chine,
sur les rives du Mincio, ou dans les montagnes
de l'Atlas, sans raison pour lui, sans motif
Personnel, exposé à tous les dangers, à toutes
es fatigues, a toutes les privations; qui donc
réclame pour lui? Les griefs principaux contre
le bagne sont la nourriture insuffisante , le
mauvais coucher, enfin le travail excessif. Or,
voici ce que M. le baron Tupinier, directeur
des ports au ministère de la marine, et chargé
officiellement en 1S38 d'inspecter les bagnes)
écrivait officiellement au ministre de la ma-
rine : i A la manière dont les forçats sont
traités, la loi pénale que les tribunaux, ont
voulu leur appliquer n'est point exécutée;
au lieu des travaux de force auxquels ils
sont condamnés, on les voit se livrer dans
toits les recoins des arsenaux aux occupations
les plus faciles; la plupart du temps, ils ne font
que dormir ou causer; on en voit dix à douze
suivre nonchalamment à pas comptés une pe-
tite charrette à peine chargée, que deux,autres
traînent sans la moindre fatigue, et que chaque
couple à son tour traînera de la même manière ;
les hôpitaux maritimes en sont pleins ; ils y sé-
journent à titre de servants, d'infirmiers; on
les trouve dans les hôtels, dans les jardins, où
ils remplissent des fonctions de domesticité ; à
Toulon, on les voit circuler dans lus rues de
la ville à toutes les heures du jour, au grand
scandale de la morale publique ; indépen-
damment de ce scandale et des dangers qui
résultent de l'emploi des forçats dans nos
ports, ils sont pour la marine une charge fort
lourde. »
Certes, voila un tableau qui, s'il est vrai, et
nous n'avons aucune raison d'en suspecter
l'exactitude , ne justifie guère les plaintes
des philanthropes. Au reste, l'honorable in-
specteur ne se contente pas do signaler le
mal ; esprit essentiellement pratique , il in-
dique le remède. Il demande qu'on prenne
la résolution : « De faire défense absolue
de laisser sortir les forçats de l'enceinte des
arsenaux maritimes , si ce n'est pour le
service des embarcations ; d'en prohiber ,
sans aucune exception possible, l'emploi dans
les jardins dépendant de la marine, dans les
bureaux, dans les hôpitaux maritimes, et, à
plus forte raison, dans tout endroit quelcon-
que qui ne serait pas sous la garde immédiate
et la police de l'autorité maritime ; de ne les
tolérer" comme écrivains ou comme infirmiers
que dans les bureaux ou les hôpitaux spécia-
lement affectés au service des chiourmes ; de
ne plus permettre qu'un seul forçat soit em-
ployé comme ouvrier dans un atelier où il
y a de3 ouvriers libres ; de les appliquer de
préférence aux travaux de force, ainsi que
l'indique la loi qui les a frappés ; enfin, de
former, dans l'intérieur même des bagnes, des
ateliers où seraient employés à des ouvrages
plus faciles ceux que leur âge ou des infirmi-
tés empêcheraient d'appliquer à des travaux
de force dans les arsenaux; dispositions qui
seraient le complément de celle qui avait été
prise pour l'établissement des salles d'é-
preuve, le seul de tous les essais de classifi-
cation faits alors pour améliorer le régime des
bagnes qui ait donné de bons résultats. » Tel
est le jugement que portait de ces lieux de
répression l'un des hommes les plus distingués
dont se soit honorée la marine française. Il
faut en conclure que, tout en exigeant de pro-
fondes modifications dans la discipline inté-
rieure, l'organisation du travail et la direction
des condamnés, l'institution des bannes pou-
vait être conservée. Sans présenter de dangers
pour l'avenir, elle assurait la répression et le
châtiment. Dieu veuille que la déportation, si
rapidement substituée à nos anciens bagnes,
ne les fasse pas regretter un jourl
— Bibliographie. On consultera avec fruit,
sur la grande question des bagnes, sur l'his-
toire et le régime de ces établissements, les
ouvrages dont voici la liste : Considérations
sur les bagnes (1823, in-8°); Essai sur la sta-
tistique morale de la France, par Guerry (Pa-
ris, 1833, in-4°); Bagnes, Prisons et Criminels,
par Appert (1836, 4 vol. in-8<>); De l'Etat ac-
tuel des prisons en France, par Moreau-
Christophe (Paris, 1837,in-8°); Mémoires sur la
déportation des forçats, présentés en 1828 au
ministre de la marine (1840, in-S°); Mémoires
sur l'état actuel des bagnes en France, par
Gleizes (1840, in-8<>); Les Forçats considérés
sous le rapport physiologique, moral et intel-
lectuel , observés au bagne de Toulon , par
H. Lauvergne (1841, in-8°); Intérieur des
bagnes, suivi de la Physiologie du galérien et
des Fiançailles au bagne, par Sers (chez Le-
franc, 1842, in-12); Etude sur la mortalité
dans les bagnes et dans les prisons centrales,
de force ou de correction, depuis 1822 jusqu'à
1837 inclusiuement, par Raoul Chaninat, par
ordre de M. le comte Duchâtel (Paris, 1844,
in-4«); les Bagnes : histoire , types, mœurs,
mystères, par Maurice Alhoy (Paris, 1844-1845,
in-8<J avec planches) ; Code des prisons ou Re-
cueil complet (de 1670 à 1845) des lois, ordon-
nances, arrêtés , règlements , circulaires , in-
structions ministérielles, concernant le régime
intérieur, économique et disciplinaire des mai- !
sons d'arrêt, de justice, de force, etc., par
Moreau-Christophe (Paul Dupont, in-8°, 1845).
Il y a deux suppléments à ce recueil, l'un va
de 1845 à 1855, l'autre de 1855 à 18C2. Sur les
bagnes de la marine, par A. Lacoudrais (1850,
in-s») ; Système pénitentiaire; le Bagne, la
BAG
Prison cellulaire; la Déportation; par le doc-
teur Lepelletier, de la Sarthe (Paris , 1853,
in-S0) ; De la. Répression pénale, de ses formes
et de ses effets, par Bérenger, membre de l'In-
stitut, président à la cour de cassation (Paris,
1855, 2 vol. in-S°); le Bagne de Brest, consi-
déré au point de vue hygiénique et médical,
par le docteur Mongrand (Paris, 1856, in-8°) ;
Essai sur les peines et le système pénitentiaire,
par Isidore Alauzet, chef de division au mi-
nistère de la justice (Paris, 1863, 2e édition,
1 vol. in-8°) ; De l'amélioration de la loi cri-
minelle, par Bonneville de Marsangy, con-
seiller à la cour impériale de Paris (Pans, 1864,
2 vol. in-8°).
BAGNE s. m. (ba-gné; gn mil.). Messier,
celui qui gardait les champs, les vignes, etc.
Il V. mot.
BAGNÉRAIS, AISE s. et adj. (ba-gnô-rè ,
è-zel. Géogr. Qui est deBagnèrcs; qui appar-
tient à Bagnères ou à ses habitants : Un Ba-
gnérais. Mœurs bagnéraises.
BAGNEBES-DE-BIGORHE, ch.-l. d'arrond.
(Hautes- Pyrénées), à 20 kil. de Tarbes et à
774 kil. de Paris; pop. aggl. 6,848 hab. — pop.
tôt. 9,169 hab. L'arrond. a 10 carit., 194 conim.
et 90,014 hab. Cette ville, située sur les bords
de l'Adour, a l'entrée de la délicieuse vallée de
Campan, entourée de sites pittoresques et de
bosquets agréables, est renommée par ses
sources thermales, dontle grand établissement
surtout est remarquable par l'abondance des
eaux et le luxe des marbres. Ces eaux sulfa-
tées, calcaires et magnésiennes, ou chlorurées
sodiques et ferrugineuses, ou sulfurées sodi-
ques , émergent de la tourbe par environ
cinquante sources ; leur densité varie de
1,00131 à 1,00311, et leur température de 18<>7
à 51° 2 centigrades. La découverte des sour-
ces thermales de Bagnères remonte à la plus
haute antiquité ; les Romains fréquentaient ce
lieu, qu'ils appelaient : Vieus aquensis, Aquœ
convenarum ; des débris, des inscriptions attes-
tent qu'ils y avaient élevé des autels en l'hon-
neur des nymphes des eaux. Depuis eux,
Bagnères n'a pas cessé d'attirer la foule à ses
bains. Peu de commerce, quelques fabriques
d'étoffes de laine, de tricots, de crêpes et de
papier à sucre. Promenades : l'Elysée Cottin,
l'Elysée Azaïs, la vallée de Campan, les allées
de Maintenon, les Bains du salut, Coustous,
le Jardin de Théas, etc.
BAGNÈBES-DE-LUCHON, éh.-l. de canton
(Haute-Garonne], arrond. et à 48 kil. S.-O. de
Saint-Gaudens, a 818 kil. dé Paris ; pop. aggl.
3,281 hab. — pop. tôt. 3,376 hab. Bâtie à iex-
trémité de la vallée de Luchon, entre les ri-
vières de l'One et de la Pique, entourée d'im-
menses prairies que dominent des ramifications
des Pyrénées, cette ville est célèbre par ses
bains très-fréquentés. Les eaux thermales de
Bagnères-de-Luchon, diurétiques, un peu pur-
gatives et toniques, sont, au point de vue chi-
mique, sulfurées ou sulfatées sodiques ou fer-
rugineuses, et émergent par quarante et une
sources du terrain primitif, granit, schistes si-
liceux, ou d'atterrissements modifiés. Leur
densité est un peu supérieure à celle de l'eau
distillée, et leur température varie de 170 1
à 58° 44 centigrades. Elles étaient connues
des Romains, qui les nommaient : Aquœ Bal-
neariœ Lixonienses, d'où est venu le nom de
la ville ; de nombreuses inscriptions latines,
une vaste piscine, plusieurs sarcophages, des
autels votifs découverts dans les fouilles faites
au siècle dernier, disent assez de quelle répu-
tation méritée jouissaient les eaux de Bagnè-
res chez les anciens maîtres du monde. Cepen-
dant elles furent délaissées pendant plusieurs
siècles ; mais, grâce au maréchal duc de Ri-
chelieu, qui, en 1762, favorisa puissamment le
rétablissement des bains, elles ont reconquis
leur première célébrité et sont fréquentées
annuellement par trois à quatre cents per-
sonnes- Promenades : le Cours, l'allée de la
Pique, les cascades de Montauban etde Juzet,
l'allée des Soupirs, le trou du Taureau, la
vallée du Lis, etc.
BAGNES, village de Suisse (Valais), à 9 kil.
S.-E. de Martigny, sur la rive gauche de la
Dranse, dans la vallée qui porte le même
nom; 4,000 hab. Sources minérales et bains.
Désastreuse inondation, le 16 juin 1818, cau-
sée par la chute d'un glacier, qui arrêta le
cours de la Dranse.
BAGNEUX, village de l'arrond. de Sceaux
(Seine); 1,100 hab. Fabriques do colle-forte.
Cette localité, bâtie sur une éminence d'où
l'on jouit d'un point de vue charmant, est un
des endroits que préfèrent les Parisiens pour
la villégiature de l'été. Bénicourt, favori du
cardinal de Richelieu et l'exécuteur secret de
ses volontés, y possédait une habitation, dans
le pavillon de laquelle on a découvert, en
1793, un puits reniermant de nombreux osse-
ments humains. On en conclut naturellement
que ce lieu servait d'oubliettes au terrible
cardinal. Bagneux possède une église qui date
du xiue siècle, et que l'on considère comme
un des monuments religieux les plus remar-
quables des environs de Paris.
BAGNl,BAGNO, mots italiens qui signifient:
bains, bain, et qui , dérivés du latin balneœ,
entrent dans la composition du nom de plu-
sieurs localités d'Italie connues par leurs
sources minérales. Les noms français Bagnes,
Bagnères, Bagnols, etc., sont formés de ces
mêmes mots.
BAGNI-DELLA-PORETTA, village du roy.
BAG
d'Italie, dans l'ancienne Légation, et à 32 kil.
1 S.-O. de Bologne ; 2,650 hab. Bains d'eaux
1 thermales.
BAGNI-DI-SAN-GIULIANO, autref. Aquœ
Pisanœ, village du royaume d'Italie, à C Kil,
N.-E. de Pise. Eaux gazeuses thermales dont
la température varie de 30° à 41» centigrades.
BAGN1NI (Carlo) , graveur à l'eau-forte,
travaillait à Sienne vers le milieu duxvnc siè-
cle. Ses principales estampes sont: Moïse sur
le mont Sinaï, d'après Antonio-Maria Rug-
gieri, et une Allégorie en l'honneur de la fa-
mille de Médicis, d'après Burbarini.
BAGNO-A-COBSENA où simplement BAGNO,
village d'Italie, à 25 kil. N. de Lucques, sur
ta Lima; 800 hab. Théâtre, ancien palais
ducal , bains d'qaux thermales très-fréquentés.
Il Baono-in-Romagno , bourg d'Italie , dans
l'ancien duché de Toscane, à 25 kil. S.-O. de
Sarsina; 1,050 hab. Les sources alcalines
thermales de cette petite localité étaient con-
nues des Romains et sont encore assez fré-
quentées.
BAGNOIRE s. f. (ba-gnoi-re; gn mil.).
Baignoire. V. mot. 11 Chaudière employée à
faire le sel.
BAGNOLAIS, AISE s. et adj. (ba-gno-lè.
c-za;gn mil.). Géogr. Qui est de Bagnols ; qui
appartient à Bagnols ou à ses habitants ; une
jeune Bagnolaise. Rivarol était Bagnolais.
— s. m. Hist. relig. Nom donné aux mem-
bres d'une secte manichéenne qui prit nais-
sance, au vine siècle, dans la ville de Bagnols.
On dit aussi Bagnolien.
bagnole s. f. (ba-gno-le : gn mil. — du
lat. balnewn, cabinet de bains). Cabane, mai-
sonnette, il V. mot.
BAGNOLES, village du dép. de l'Orne, arrond .
et à 18 kil. S.-E. de Domfront. Eaux thermales
ou froides, sulfureuses ou ferrugineuses, con-
nues surtout depuis la fin du xvuo siècle et
très-fréquentées de nos jours pour les mala-
dies cutanées. Elles émergent par trois sour-
ces du terrain primitif, granit, quartz; leur
température varie de 12» 3 à 27» 5 cen-
tigrades.
BAGNOLET s. m. (ba-gno-lè ; gin mil.). Mar.
Prélart goudronné qui sert, dans le Levant, à
couvrir les câbles autour des bittes, dans les
navires pontés.
BAGNOLET S. m. OU BAGNOLETTE S. f.
(ba-gno-lè, ba-gno-lè-to ; gn mil.). Cost.
Sorte d'ancienne coiffe de femme : Bagno-
let de dentelle. Bagnolette d'été. Bagno-
lette d'hiver. Les bagnoluttes d'été sont
ordinairement de gaze blanche mouchetée, avec
une dentelle de filou blondede soie. (Mercure.)
Mettez, belles, vos bagnolets;
Voici le temps qu'on court aux fraises.
Couvrez vos gorges de collets;
Mettez, belles, vos bagnolels.
Vieille chanson.
BAGNOLET, comm. du dép. de la Seine,
arrond.de Saint-Denis ; pop, aggl. 1, 835 hab.
— pop. tôt. 2,553 hab., àc kil. N.-E. de Paris.
Culture du pêcher, carrières de plâtre.
BAGNOLI, petite ville du royaume d'Italie,
dans l'ancien royaume de Naples, principauté
Ultérieure, à 25 kil. S.-O. de San-Angelo-di-
Lombardi; 5,000 hab. Il Bagnoli, village de
l'ancien royaume de Naples, province de Mo-
lisse, non loin de Campobasso ; 4,400 hab.
BAGNOLI (Jules-César), poète italien, né à
Bagnacavallo, dans le Ferrarais , florissait
à Rome et mourut après 1621. Il était secré-
taire de Michel Peretti, prince de Venafre et
neveu de Sixte-Quint. On le comptait parmi
les postes les plus distingués de son temps.
On cite surtout ses tragédies des Aragonais
et du Jugement de Paris.
BAGNOLI (l'abbé Pierre), poète italien, né
a San-Miniato (Toscane) en 1767, est un des
bons versificateurs modernes de l'Italie. Il a'
réussi surtout dans le genre épique et le genre
lyrique. Ses poèmes épiques sont : Cadmus
(Cadmo), dans lequel on trouve de vraies
beautés poétiques, et le Roland sage (l'Or-
lando savio), poème de chevalerie. Son
petit poËme Au soleil et plusieurs autres
poésies lyriques sont inspirés par un esprit
plus moderne. Les trois canzoni sur les vertus
théologales : Foi, Espérance et Charité, sont
l'œuvre de ses dernières années. Bagnoli est
mort vicaire général du diocèse de San-Miniato,
en octobre 1847. Ses Poésies clioisies ont été
publiées en un volume par Le Monnier, à
Florence, avec une introduction et des notes
d'Auguste Conti.
BAGNOLO, ville du royaume d'Italie, dans
la Lombardie, a 14 kil. S. de Brescia; 3,000h.
Il Bagnolo , autre petite ville du royaume
d'Italie, province et 0 15 kil. N.-E. de Salu-
ées, sur la rive gauche de la Grana; 2,625 h.
BAGNOLO (Jean-François-Joseph, comte),
mathématicien et jurisconsulte italien, né à
Turin en 1709, mort en 1760. Outre des dis-
sertations sur l'aurore boréale, sur Quinte-
Curce, etc., il a laissé un commentaire sur les
Tables de Ûubbio (1748), très-savant et très-
estimé, et un traite sur le carré des nombres,
BAGNOLS, ville de France (Gard), ch.-l. de
cant., arrond. et à 23 kil. N.-E. d'Uzès; pop.
aggl. 3,939 hab. —pop. tôt. 5,050 hab. Vins
estimés , distilleries d'eaux-de-vie , grosses
draperies, serges, organsins. Patrie de Riva-
rol. Il Bagnols-les-Bains, village de France,
dép. de la Lozère, arrond, et à 17 kil. E. de
BAG
Mende ; 400 hab. Etablissement d'eaux ther-
males fréquenté annuellement par 2,000 per-
sonnes ; ces eaux thermales, sulfurées sodi-
ques, bicarbonatées sodiques émergent par
six sources du schiste primitif, et • ont une
densité'de 1,0095 et une température de 42"
centigrades.
BAGNUOLO (le comte), que les écrivains
portugais appellent à tort Banhuolo, général,
né dans le royaume de Naples à la fin du
xvio siècle. Il commanda, au Brésil, l'année
espagnole contre Maurice de Nassau et les
Hollandais, qu'il força a se replier sur Per-
nambuco après les avoir repoussés de Bahia
et leur «voir fait subir des pertes considéra-
bles. Le roi d'Espagne Philippe IV le récom-
pensa par le titre de prince et un majorât.
BAGOAS s. m. (ba-go-ass). Hist. Nom que
les anciens Perses donnaient aux eunuques,
et dont quelques écrivains ont fait le nom
propre d'un'ounuquod'Artaxerxès. (V.l'article
suivant.) 11 On dit aussi bagous.
BAGOAS, eunuque égyptien, officier d'Ar-
taxerxès Ochus, l'aida à soumettre l'Egypte
(354 av. J.-C), puis l'empoisonna pour punir
ses persécutions contre la religion nationale ;
mit sur le trône Arsès, fils de ce prince, et le
fit bientôt périr pour donner la couronne a
Darius Codoman, qui le condamna lui-même a
mourir par le poison (336).
Bag-o-Babnr, roman indoustani, qui est un
des plus curieux et un des plus charmants
spécimens de cette littérature née de la fusion
de l'élément indien avec l'élément musulman
représenté par la Perse. C'est à M. Garcin de
Tassy, le savant professeur de la Bibliothè-
que, que l'on doit la connaissance de ce ro-
man. Le titre Bag-o-Bahar est persan et si-
gnifie le jardin et le printemps. Ce roman ou
plutôt ce conte, dit M. Garcin de Tassy, enca-
dre d'autres contes, d'après l'usage oriental.
Quant à l'ensemble de l'ouvrage, il offre un
tissu d'aventures compliquées, où est mis en
jeu le merveilleux féerique si aimé des Orien-
taux, malgré sa monotonie. Il s'agit d'un em-
pereur de Constantinople, nommé Azad-Bakht,
qui n'avait pas d'enfant. Arrivé à l'âge do
quarante ans , il obtint enfin , grâce a ses
prières et à ses nombreuses aumônes, un
héritier dans les circonstances suivantes :
étant sorti une nuit pour aller dans un cime-
tière se livrer à ses ferventes méditations, il
aperçoit quatre derviches réunis à la lueur
d'une lampe et se racontant mutuellement
leurs aventures. Azad-Bakht se cache pour
les écouter. Ces aventures, que nous nous
abstiendrons d'analyser ici, rappellent singu-
lièrement certaines histoires bien connues des
Mille et une nuits, et portent ainsi un cachet
musulman bien accentué. Les quatre récits
durent quatre nuits, pendant lesquelles Azad-
Bakht revient régulièrement au cimetière. La
Quatrième nuit, au moment où le quatrième
derviche achève la narration de sa vie, un
eunuque vient annoncer au roi Azad-Bakht la
naissance d'un fils, et bientôt après on lui ap-
prend que le prince nouveau-né a disparu,
emporté dans un nuage. C'était le roi des gé-
nies qui avait ordonné cet enlèvement, parce
qu'il destinait le jeune prince a être l'époux
de sa propre fille, née le même jour. Après
diverses péripéties, Azad-Bakht, accompagné
des quatre derviches, devenus ses amis, est
transporté auprès du roi des génies, et là sur-
vient le dénoument de tous les épisodes con-
tenus dans le conte principal. Le tout se ter-
mine par des réjouissances et des mariages.
Voilà en peu de mots, ajoute M. Garcin de
Tassy, le canevas du Bag-o-Dahar.
BAGOÉ, nymphe et crophêtesse qui ensei-
gna aux Toscans l'art de prédire l'avenir par
l'observation do la foudre et des éclairs. On
l'appelle aussi Bégoé et Bygoïs.
bagola s. f. ( ba-go-la ). Bot. Syn. à'ai -
relie ou myrtille.
BAGOLINO , bourg du royaume d'Italie,
dans la Lombardie, à 35 kil. N.-E. de Brescia,
sur le Caffaro , à l'entrée du Val Sabia ;
3,050 hab. Plusieurs forges et fabriques do
quincaillerie ; aux environs, sources sulfureu-
ses de San-Giacomo,
BAGOLINO (Jérôme), médecin italien, né h
Vérone au commencement du xvi<s siècle. Il
enseigna la philosophie et la médecine !i
l'université de Padoue. Il a composé plusieurs
ouvrages en collaboration avec son fils, entro
autres : De fato, deque eo quod in nostrapo-
testate est, ex mente Aristotelis, liber eximius
Alexandri Aphrodisiensù, latine vertit Iliero-
nymus Bagolinus (Vérone, 1510).
BAGOLINO (Sébastien), peintre, musicien
et poëte sicilien, né à Alcamo on 1500, mort
en 1604. Il traduisit de l'espagnol en latin la
Emblèmes moraux d'Orosco, enseigna la poé-
sie et la peinture et composa un grand nombre
d'épigrammes et d'élégies dont une partie
seulement a été imprimée sous le titre de
Carmina (Païenne, in-8», sans date).
Bagonisier s. m. (ba-go-ni-zié). Gosier.
Il V. mot. 11 Syn. de bagoulier,
BAGOT (Jean), jésuite, théologien, né à
Rennes en 1580, mort en 1C64. Parmi ses
ouvrages, il faut rappeler seulement Defensio
juris episcopalis, traduit en français (Paris,
1655), qui souleva de vives discussions et fut
censure par l'assemblée du clergé, commo
contenant des propositions ultramontaines. Le
père Bagot avait formé une association do
BAG
BAG
BAG
BAG
51
jeunes prêtres qui fut, dit-on, le germe du
séminaire des missions étrangères.
BAGOT (Jean-Louis) , médecin et homme
politique, né à Rennes en 1728, mort en 1794,
Il fut longtemps chirurgien de marine et
maire de Saint-Brieuc, représenta son dépar-
tement à l'Assemblée législative de 91, siégea,
à la droite et combattit inutilement les mesu-
res révolutionnaires, et notamment les lois
répressives contre les prêtres rebelles.
BAGOT (Louis), théologien et prélat anglais,
mort en 1802. Il était fils de lord Bagot et
devint évêque de Bristol, puis de Norwich,
enfin de Saint-Asaph. On a de lui des Sermons
sur les Prophéties ; une Lettre au docteur
Belt sur le sacrement de l'Eucharistie et quel-
ques autres écrits.
BAGOTTIER s. m. (ba-go-ti-é). Nigaud,
niais, sot, imbécile. V. mot.
BAGOUDEN. Mvth. ind. Rajah qui était fils
de Baraden et de la race des enfants du
Soleil.
BAGOULAGE s. m. (ba-gou-la-je). Bavar-
dage. V. mot.
bagouler v. n. ou intr. (ba-gon-lé —
rad. bagoul). Pop. Bavarder avec volubilité
et assurance.
BAGOULIER s. m. (ba-gou-lié). Gosier. V.
mot, syn. do bagonisier.
BAGOUS s. m. (ba-gouss). Hist. V.Bagoas.
BAGOUT s. m. (ba-gou — rad. bas et
gueule). Pop. Bavardage abondant, où il en-
tre de la hardiesse et de l'effronterie : Quel
bagout a ce commis voyageur! Il admirait le,
beau bagout du grand farinier. (G. Sand.) Le
mercier ornait ses explications des plates plai-
santeries qui constituent le bagout des bouti-
ques. (Balz.) Elle avait plus de bagout que
d'esprit et était d'une ignorance désolante.
(H. Castille.) Malvina a'ce que l'on nomme
vulgairement du bagout. (L. Keybaud.) Elle
ne le cédait à aucune marchande du carreau
pour le bagout et la platine. (Gér. do Nerv.)
Que de gens passent pour avoir de l'esprit et
qui n'ont simplement que du bagout I (L.-J.
Larcher.)
Mais j'ai perdu ma peine J
En voulant résister;
Son bagout qui m'entraîne
Me force d'acheter. Dulit.
Il On écrit aussi bagou et bagoul.
BAGRADAS, petit fleuve de l'Afrique septen-
trionale; il prenait sa source au mont ftlnmp-
sarus et se jetait dans la Méditerranée, entre
Utique et Carthage. L'armée de Regulus (255
av. J-C.) tua, sur les bords do cette rivière,
appelée aujourd'hui Medjerdah, un énorme
serpent dont la peau fut envoyée à Rome.
BAGRAT1DES. V. Pagratides.
BAGRATION (le prince Pierre), général
russe, né en 17S5 dans la Géorgie, descendait
de l'illustre famille des Pagratides.. Il entra
comme sergent dans les armées de Catherine II,
fut nommé colonel en 1788 et général en 1794,
lit la guerre sous les ordres de Souvarow .on
Pologne et en Italie, et partagea, sous Paul 1er,,
la disgrâce de ce général. Rappelé en 1805
par l'empereur Alexandre, il commanda l'a-
vant-garde d'une armée qui allait porter se-
cours aux Autrichiens, et éprouva en Souabe
des revers qu'il effaça par une hardie et bril-
lante retraite. Il prit encore une part glorieuse,
malgré la défaite, aux batailles d'Austerlitz,
d'Eylau et de Friedland, de Smolensk et de la
Moskowa (1812). Blessé mortellement à cette
dernière, il mourut quelques mois après.
BAGRATIONITE s. f. (ba-gra-si-o-ni-te —
de Bagration, nom d'homme). Miner. Variété
d'épidote renfermant du cérium,
— Encycl. La bagraiionite a été étudiée par
Kokschasow ; on ne l'a encore rencontrée qu'à
Aschmatowsk, en petits cristaux noirs dissé-
minés dans un banc grisâtre de pyroxène
diopside. Ce minéral contient, outre une assez
forte proportion d'oxvde de cérium, une cer-
taine quantité d'yttrium, de lanthane et de
didyme.
BAGRE s. m. (ba-gre), Ichthyol. Gcnro do
poissons, formé aux dépens des silures, et
renfermant un grand nombre d'espèces : La
baghe a la tête courte. (V. de Bomare.)
BAGSUAW (Christophe), théologien anglais,
né dans le comté de Derby, mort a Paris
vers 1625. Il abjura le protestantisme à Rome,
revint en Angleterre comme missionnaire ca-
tholique et fut quelque temps enfermé à cause
de sa propagande. 11 a publié divers écrits de
controverse , qui ne sont pas inutiles pour
l'histoire de l'Eglise catholique en Angleterre
sous Elisabeth, et Jacques I«.
BAGSHAW (Edouard), publieiste anglais,
mort en 1662: Membre du Long parlement, il
embrassa le parti du roi, fut quelque temps
emprisonné et devint, à la restauration , tré-
sorier de Middle-Temple. Le plus important
de ses écrits avait pour titre : Le droit de la
couronne d'Angleterre, suivant qu'il est établi
par la loi. Son fils, qui se nommait également
Edouard, s'engagea dans des polémiques re-
ligieuses très-violentes, et mourut, dit-on, en
prison, vers 1671.
BAGSRÀW (John), financier anglais, né en
1784, dirigea, de 1814 à. 1830, une grande mai-
son de banque et de commission à Calcutta,
et devint, à son retour dans la métropole, di-
recteur de plusieurs chemins de fer; entre-
prises dans l'exécution desquelles il engagea
ses capitaux. De 1835 à 1837 et de 1847 à ce
jour, il a siégé au parlement dans les rangs
du parti libéral.
BAGUAGE s. m. (ba-ga-ge — rad. baguer.)
Hortic. Action d'enlever un cercle, une bague
d'écorce à une branche fleurie, pour hâter la
fructification ou empêcher de coulage, en ar-
rêtant la sève descendante.
— Comm. Art d'emballer des fruits tendres
et qui craignent le transport, comme, les ce-
rises, le raisin, etc.
BAGUARi s. m.(ba-gou-a-ri). Ornith. Espèce
de cigogne. •
BAGUE s. f. (ba-ghe — étym. douteuse :
du bas latin baga, bauga, anneau que l'on
portait au doigt, bracelet; du lat. bacca,
perle, anneau de chaîne ; du tud. bog, du goth.
oaug, de l'island. baugr, de l'anglo-sax. beag,
du holland. beuget, tous mots qui dérivent
d'une racine germanique signifiant courber,
fléchir7 ployer en rond. Mais toutes ces éty-
mologies , que nous rapportons ici parce
qu'elles ont de nombreux partisans1, nous
semblent moins probables que celle que nous
allons donner. Anciennement, le mot bague,
qu'on écrivait aussi baghe, servait à désigner
tout ce qui composait l'avoir meuble, c'est-à- !
dire les objets de toute nature, vêtements, I
joyaux, meubles do prix, armes et armures, i
vases et ustensiles, que, en cas de guerre,
on avait toujours intérêt à tenir prêts à être
rapidement enlevés et transportes. Ces objets
étaient plaeés sur des bêtes de somme, dans
des coffres recouverts d'un cuir de vache, et
c'est à cette dernière circonstance qu'ils de-
vaient leur nom générique, bague n'étant
autre chose que le bas latin baga, francisé,
lequel était lui-même une altération du latin
vacea. A cette époque,-on disait d'une per-
sonne riche qu'elle était bien baguée. o Et
Dieu sait, lit-on dans les Cent' Nouvelles nou-
velles, si elle partit bien baguée. » Quand on
chargeait sa fortune sur une ou plusieurs bêtes
de somme,' on la baguait. "Vous l'enlevait-on
sur la grande route, on vous débaguait, n La
reyne d'Angleterre, dit un historien qui écri-
vait en 1463, fut en adventure de perdre sa
vie et son fils en une forêt du pays, où ils
furent prins et débaguez de brigands, i Les
objets d'orfévrerio et de bijouterie étant
compris dans les bagues ou baghes, l'usage
s'introduisit peu à peu d'employer aussi ce
mot pour signifier les menus joyaux des
femmes, les petites bagues. Enfin, vers le
xve siècle, on restreignit encore davantage
le sens de ce mot : on commença à ne l'em-
ployer qu'en parlant des joyaux ou bagues à
mettre au doigt, c'est-à-dire des anneaux.)
Anneau que l'on porto au doigt, et qui est
souvent orné de pierres précieuses : Bague
d'or. Bague d'argent. Bague garnie de dia-
mants. Bague de cheveux. Le prince électoral
avait envoyé une bague montée d'un beau dia-
mant à madame Renée de France. (Mignet.)
Elle avait au doigt une bague fort simple et
fort jolie. (Scribe.) Les femmes qui sont tout à
fait contentes de leurs mains ne portent point
de bagues. (A. Karr.)
Je n'ai que cette bague-, eh bien, je vous la donne.
C. Delavigne.
En cette bague, au moins, reçois de mon honneur
Et de ma passion un véritable gage.
Roïeou.
. . . * . Elle sait sans doute ce qu'on doit
Attendre des amours qui vont sans bague au doigt.
E. Acoier.
— Loc. prov. C'est une bague au doigt, Se
dit d'une chose dont on tire facilement avan-
tage, et surtout d'un emploi lucratif et peu '
assujettissant, par allusion sans doute à ces
anneaux mystérieux des légendes, qui ren-
daient invisibles ceux qui les portaient au
doigt. D'après M. Quitard, cette expression
serait un reste de l'usage observé autrefois
en France, de remettre à l'acquéreur comme
titre de propriété un anneau sur lequel les
parties contractantes avaient juré. Il Cela lui
va comme une bague à un chat, Locution fami-
lière qui signifie Cela ne lui va pas, cela ne
lui convient pas du tout, et qui répond à
cette autre beaucoup plus triviale : Cela lui
va comme un tablier à une vache. Ils veulent
me mettre de l'Académie : cela me va comme
une bague a un chat. (Le maréchal de Saxe.)
— Ane. iurispr. Bagues et joyaux^ Pierre-
ries, bijoux, objets de prix apportes par la
femme, et que son contrat de mariage l'auto-
rise à reprendre.
On stipule fréquemment dans les contrats
de mariage, qu'advenant la dissolution de la
communauté, la femme reprendra ses bagues
et joyaux, ou, à son choix, une somme déter-
minée. Cette clause constitue au profit de la
future un véritable avantage matrimonial, une
convention de préciput; car peu importe
qu'elle ait ou non apporté des bagues et joyaux
et qu'elle n'en ait même jamais possédé pen-
dant le mariage, elle n'en a pas moins le droit
de se faire attribuer en argent, avant tout
partage, la valeur fixée comme équivalent par
le contrat. Les bagues et joyaux comprennent
tout ce qui sert à l'ornement et à la parure,
tout ce que les Romains entendaient par orna-
menta muliebria, mais non la toilette et ce qui
en dépend, ce qu'on appelait à Rome mundus
muliebris (Digeste, lib. XXXIV, tit. n). Cette
distinction, que Justinien avait empruntée à
Ulpien, a été maintenue dans l'ancien droit
français, et est encore admise aujourd'hui. La
femme peut reprendre ses bagues cl joyeux
(lorsque la faculté lui en a été accordée),
quand même leur valeur excéderait la somme
qu'elle aurait le droit de se, faire remettre en
échange.
— Techn. Anneau soudé sur le corps d'un
tuyau d'orgue, il Anneau métallique entou-
rant une tige, garnissant le bord d'un orifice,
ou recouvrant l'intérieur d'un conduit.
— Art milit. Bague de baïonnette, Sorte
d'anneau qui sert à fixer la douille de la
baïonnette au canon du fusil. [| On l'appelle
aussi virole.
— Arqueb. Boursouflure annulaire qui se
trouve quelquefois dans l'intérieur d'un ca-
non de fusil, et qui résulte d'un vice de fa-
brication.
— Mar. Œillet qui termine certains corda-
ges, il Petit cercle de for ou en cordage ser-
vant à fixer les focs et voiles d'étai le long de
leur draille respective,
— Archit. Membre plat de moulure, qui
divise horizontalement les colonnes dans leur
hauteur : Au xne siècle, les bagues étaient
souvent décorées par des feuilles, (Viollct-
Lcduc.)
— Méd. Bagues en fer, bagues électriques,
Bagues aimantées auxquelles on attribue la
vertu de préserver de la paralysie et de l'apo-
plexie, de guérir les maux de nerfs, les étour-
dissements, les palpitations, etc.
— Hortic. Nom donné aux œufs de certains
papillons disposés par rang tout autour d'une
branche ou pousse de l'année.
— Jeux. Jeu de bagues, Jeu d'adresse qui
consiste à enfiler et à, enlever, au galop d'un
cheval, avec une lance, une épée, un stylet
ou un bâton, un ou plusieurs anneaux sus-
pendus à un poteau : Le jour de la mi-carême,
26 mars 1656, Louis XIV voulut courre la ba-
gue dans le palais Cardinal. (Journ. inéd.) u
Ôn-donne aujourd'hui le môme nom à un jeu
dans lequel, montés sur des chevaux de bois
ou places sur des sièges qui se meuvent cir-
culairement, les joueurs tâchent d'enlever
avec une baguette de fer des anneaux sus-
pendus à leur portée, li Courre ou courir la
bague, Chercher à enfiler des bagues, s'exer-
cer au jeu de bagues, n Signifie aussi , par
analogie, faire très-rapidement une course :
Nous sommes venus courant la bague depuis
le diner. (M100 de Sév.) Il Bague à marquer,
Anneau dont se servent les tricheurs pour
marquer les cartes principales. Cette bague,
appelée aussi trépas, est creuse et munie
dune pointe "terminée par une ouverture ca-
pillaire. L'escroc la remplit d'une encre très-
limpide, puis, la passant au doigt, la pointe
tournée vers ^intérieur de la main, il l'em-
ploie pour imprimer un ou plusieurs points
imperceptibles, sous les yeux mêmes de son
adversaire, sur les cartes qu'il prévoit lui
être plus tard nécessaires. Les tricheurs ont
une autre bague du même genre, mais pleine
et à pointe d'acier émoussee, pour friponner
au jeu de dominos.
— Ichthyol. Syn. de bogue.
— Encycl. Le jeu de bague est immémorial
en Orient. Chez les Grecs et les Romains,
c'était un dos amusements favoris des soldats,
dans les camps. Pendant le moyen âge, il con-
stituait un des divertissements ordinaires des
tournois. Enfin, au^xviic siècle, il faisait sou-
vent 'partie du programme des carrousels.
Aujourd'hui, on ne court guère la bague, du
moins en Europe, que dans les foires ou dans
les lieux]de promenade publique. Encore même
cet exercice est-il réservé aux jeunes enfants,
circonstance qui l'a fait profondément modi-
fier. D'un côté, une sorte de petite broche de
fer tient lieu deg lances et des épées «fautre-
fois'; d'un autre côté, les joueurs sont montés
sur des chevaux de bois ou assis dans des fau-
teuils ou des chars, suspendus à une charpente
légère, et que l'on fait tourner circulairement,
avec accompagnement d'orgues de Barbarie,
au moyen d'un mécanisme mû à bras d'homme
ou par un cheval.
Bague de l'oubli (la), comédie en cinq actes
et en vers de Rotrou, représentée en 1628.
Alphonse, roi de Sicile, désire unir sa sœur
Léonore avec le fils du roi de Naples ; mais
cette princesse est éprise de Léandre, officier
de fortune, à qui elle fait part des projets du
roi son frère. Léandre, que l'ambition tour-
mente autant que l'amour, propose a sa maî-
tresse de s'emparer du trône de Sicile ; et
Léonore y consent, à condition que l'on res-
pectera la vie de son frère. Léandre obtient
alors d'un magicien- un anneau qui a la pro-
priété de faire perdre la mémoire à celui qui
le porte, et il échange adroitement cet anneau
contre celui du roi. Alphonse commence aus-
sitôt à extravaguer : il méconnaît ses officiers,
donne des ordres contraires a tout ce qu'il
venait de prescrire, met le désordre dans ses
affaires et même dans ses amours ; mais il re-
couvre toute sa raison dès que la bague n'est
plus à son doigt; alors la mémoire lui est ren-
due, et il rétablit toutes choses dans le premier
ordre. Il parait qne ce bijou a de plus le don
d'inspirer la crédulité à son possesseur; car
Léandre abuse grandement de celle du roi.
La pièce ne roule plus que sur les contradic-
tions parfois plaisantes, dans lesquelles tombe
ce priuce, soit qu'il porte ou non son anneau.
Enfin la fourberie se découvre par l'adresse
d'un bouffon; et le roi, avec une clémence
fort inattendue, pardonne à Léandre et lui
accorde Léonore.
Cette pièce, remplie d'une foule d'incidents,
obtint un succès non contesté. C'était le
deuxième ouvrage de l'auteur. On y retrouve
les défauts de la pièce de Lope de Véga, qui
lui a fourni son sujet. Rotrou ne fit imprimer
sa comédie que plusieurs années après la re-
présentation ; il ne l'aurait même pas exposée
a la censure du public, si les comédiens ne
l'eussent menacé de la communiquer à un
imprimeur. Il s'excuse sur son inexpérience
(il avait à peine vingt ans), de ce que les vers
n'ont pas la pureté que la lecture etl'exercice
lui ont acquise depuis. Legrand , chargé en
1718 de composer un divertissement à Chan-
tilly, rajeunit ce sujet et l'égaya dans la co-
médie intitulée : le Roi de Cocagne.
Bague niu£iq«o (la), comédie en un acte
et en prose, avec divertissement, par Fuze-
lier, jouée aux Italiens en 1728. L'héroïne do
la pièce est une jolie meunière, Mme Fari-
nettej jeune veuve très-piquante et très-co-
quette, qui entend battre au fond de son cœur
autant de tic- tac qUe dans son moulin. Le
boulanger Croûton, à force d'engrener chez
la meunière, se prend d'amour pour elle et ne
tarde pas à brûler d'une flamme qui atteint le
rouge blanc. Enfin, dans quelques jours, il
doit apprendre chez le notaire du lieu si la
meunière a des écus. Sur ces entrefaites,
Arlequin, qui a été Battu, volé et dépouillé, à
l'exception d'une bague faite de crins de li-
corne et qu'il regarde comme magique, se ré-
fugie par hasard chez dame Farinette, qui
prend pitié de son sort et passe subitement de
la compassion à l'amour. Le boulanger CeBû-
ton, qui voit que le four ne chauffe plus pour
lui, désespère d'enfourner et se retire. Mme Fa-
rinette épouse Arlequin, et maître Trivelin,
compagnon de ce dernier, épouse de son côté
la servante de la meunière. Croûton
N'était pas content, ce dit-on.
BAGUÉ, ÉE (ba-ghé), part. pass. de ba-
guer). Hort. Dont on a enlevé un anneau
d'écorce : Branche baguée. .
! — Techn. Faufile : Robe baguée. Plis ba-
,' gués. I! Canon bagué, Canon de fusil dôfec-
| tueux, dont la surface intérieure offre une
espèce de bourrelet.
— Particulièrem. Nippé, muni de bagages
ou baguas, n Emballé, u "Vieux dans ces deux
sens.
BAGUENAUDAGE s. m.- (ba-ghe-nô-da-jc
— rad. baguenaudé). Action de baguenauder,
baguenauderies : Il ne reste que les maussa-
deries, les tristes nécessités, le baGuenaudaGe :
voilà à quoi se passe la vie. ( Mme d'Epinay.)
BAGUENAUDANT ( ba-ghe-nô-.dan ) part,
prés, du v. Baguenauder : Jem'envais musant
et BAGUENAUDANTyiwçu'd Naples. (P.-L. Cour.)
François pensait au temps où il était tout petit
enfant, et où il s'en allait rêvant et baguenau-
dant par les prés et sifflant pour attirer les
oiseaux. (G. Sand.) ,
BAGUENAUDE s. f. (ba-ghe-nô-de). Fruit
du baguenaudier , espèce de gousse plcino
d'air , qui éclate avec bruit quand on la
presse entre les doigts : Les enfants aiment
à faire claquer les baguenaudes.
— Fig. Ineptie, baguenauderie : Comme
peut estre créance d'homme si légère, que telles
baguenaudes soient prinses pour doctrines
(Rabel.) Ce sont toutes baguenaudes quetuma
bailles. (Ducangc.) Il V. mot regrettable.
— Littér. Ancienne pièce de poésie fran-
çaise en vers blancs, faite en dépit des règles,
et qui était une espèce d'amphigouri : Entre
les -espèces de nostre poésie, il y en eust une que
l'on appelait baguenaude. (Et. Pasq.) Les
baguenaudes étaient fort en honneur du temps
de Jehan de Virtoc, maître inconnu, qiii plus
d'une fois inspira Rabelais. (Fr. Wey.)
baguenauder y. n. ou intr. (ba-gho-nô-
dé — rad. baguenaude). S'amuser a des riens,
à des choses frivoles, à des choses vides
comme les baguenaudes : Diogène baguenau-
dait à part soi, roulant son tonneau. (Mon-
taigne.) l'on goût est de baguenauder en
amour. (Hamilt.) Je n'ai pas la conscience
d'avoir encore employé la moitié de mes forces;
jusqu'à présent, je n'ai que baguenaudé,
(Dider.) Les temporiseurs s'amusent à bague-
nauder ; il faut agir. (Danton.) Ils baguenau-
dent si le maître s'éloigne; l'ouvrage est dou-
blé si le maître surveille sans relâche: (Fou-
rier.) Pendant l'été, il baguenaude sur les
boulevards. (H. Monnier.) Il ne faut pas tou-
jours parler modes et bals, et baguenauder
comme vous faites. (Balz.)
— Transitiv. Jouer, railler, moquer : Bio-
gène baguenaudait à part soi le grand Alexan-
dre. (Montaigne.) Il Inus. aujourd'hui.
baguenauderie s. f. (ba-ghe-nô-de-ri
— rad. baguenaude). Action de baguenauder.
Il Niaiseries, paroles sottes et ridicuies: Je me
suis trouvé avec des demoiselles qui se lavaient
la gorge des baguenauderies que leur avaient
ramage leurs aimés courtisans. ( Cholières.) il
Peu usité.
BAGUENAUDIER s. m. (ba-ghe-nô-dié —
rad. baguenaude). Celui qui baguenaude, qui
s'amuse à des choses frivoles : C'est un vrai
baguenaudier. (Acad.) il Adjectiv. Qui aime à
baguenauder, qui baguenaude : Ces écrioains-
là sont pour la plupart des versificateurs fleu-
ris, des littérateurs baguenaudiers. (Journ.).
— Jeu. Sorte de jeu d'enfants qui consiste
à enfiler et a désenfiler des anneaux disposes
52
BAG
BAG
BAG
BAG
do manière à ne pouvoir être placés et dépla-
ces que dans un certain ordre.
— Bot, Genre de plantes de la famille dos
légumineuses, caractérisé surtout par son
fruit vésiculeux, qui claque quand on le presse
entre les doigts. On le connaît aussi sous le
nom de faux séné, parce que ses feuilles et
ses fruits sont purgatifs, administrés à haute
dose ; Le baguenaudier ordinaire est très-
commun dans nos bosquets. {Lemaire.) Le ba-
guenaudier prospère dans les sols les plus
ingrats. (Spach.)
— Encycl. Les baguenaudiers sont des ar-
brisseaux à feuilles paripennées, à stipules
petites, caulinaires, à fleurs disposées en cour-
tes grappes axillaires; le calice est cupuli-
forme ; l'étendard ample, déployé, suborbicu-
laire, calleux à la base-, les étamines sont
diadelphes; le style est barbu à la surface
postérieure; le légume est stipité, vésiculeux,
cymbiforme ; il claque quand on le presse vi-
vement.
On connaît une douzaine d'espèces de 6a-
guenaudiers, parmi lesquelles nous signalerons
les suivantes :
Le baguenaudier commun, que l'on désigne
aussi sous le nom de faux séné, parce que ses
feuilles sont purgatives et peuvent au besoin
être substituées au séné. C'est un arbrisseau
de 3 à 4 mètres de haut, qui croît spontané-
ment dans toutes les contrées méridionales de
l'Europe, à feuilles composées de folioles
ovales, rétuses, glauques en dessous; h fleurs
d'un jaune foncé. Ce baguenaudier végète
dans les sols les plus ingrats et même dans la
craie pure. 11 se multiplie de graines et de
drageons.
Le baguenaudier à fleurs rouges ou du Le-
vant, arbrisseau de l m. 60 à 2 m. de hauteur ;
.folioles obovales, arrondies, nrucronées, glau-
ques sur les deux faces ; fleurs d'un rouge
pourpré, veinées ; les semis de cette espèce,
originaire du Levant, doivent être faits sur
couche.
Le baguenaudier d'Alep, encore plus petit
que le précédent; folioles ovales, pubescentes
en dessous ; fleurs jaunes ; fruits rougeâtres;
ouverts au sommet.
BAGUER v. a. ou tr. (ba-ghé — rad. bague),
Prat. anc. Donner des bagues et joyaux à :
Baguer sa fiancée. Si le fiancé, après avoir
bagué sa fiancée, vient à mourir avant les
épousailles, elle est tenue de rendre les bagues
et joyaux aux héritiers du défunt. (Trôv.)
— Techn. Faufiler, faire tenir au moyen
d'une couture provisoire : Baguer un habit,
une robe, il Peu usité, il Absol. Il faut baguer
avant que de coudre. (Acad.)
— Hortic. Inciser circulairement, enlever
un anneau d'écorce à : Baguer une branche
pour qu'elle retienne son fruit, il Greffer.
— Comm. Emballer avec certaines précau-
tions, en parlant des fruits qui craignent le
transport : Baguer des cerises, du raisin, il
Empaqueter, lier, emballer d'une façon quel-
conque.' Il Vieux en ce sens général.
— Mar. Faire passer l'une dans l'autre, en
parlant des cosses : Baguer des cosses,
BAGOER-MORVAN, comm. de France, dép.
d'Ille-et-Vilaine, arrond. de Saint-Malo ; pop.
aggl. 300 hab. — pop. tôt. 2,131 hab.
BAGUES s. f. pi. (ba-ghe — du bas lat.
baga, même sens). Bagage, nippes, couver-
tures de bêtes de somme : Aucuns entrèrent
dans la rivière, et , s'e/forçant de la passer
chargés de leurs harnois et bagues, se voyaient
emportés par l'impétuosité de l'eau. ("**) Il
courut tant qu'il put y donner secours, et pour
emporter les bagues. (Rabelais.) il V. mot.
— Sortir, vie et bagues sauves, Se disait des
soldats à qui, par la capitulation, on permet-
tait de sortir la vie sauvo et en emportant
tout ce qu'ils pouvaient : Ils s'en allèrent
bagues sauves , avec leurs gens de guerre.
(Amyot.) il On dit aujourd'hui avec armes et
bagages. Il Fig. Sortir heureusement d'un
danger, d'une difficulté, se tirer d'un mauvais
pas. it Cette locution est hors d'usage.
baguette s. f. (ba-ghè-te — de l'ital.
bacchetta, dimin. tire du lat. baculus, bâton).
Verge, petit bâton fort menu, le plus souvent
flexible, et plus ou moins long : Baguette de
houx, de baleine. Baguette de fer, d'acier, de
verre. Baguette d'or. Avoir une baguette à
la main. Frapper avec une baguette. Elle
tenait à la main une petite baguette avec la-
quelle elle traçait des caractères sur un sable
fin, (Volt.)
— Par anal. Verge que portent certains
officiers civils dans l'exercice de leurs fonc-
tions : La baguette d'un huissier, d'un bedeau.
Il Verge que portaient les maîtres des céré-
monies à la cour des rois de Perse : Cyrus
avait trois cents porte-BAGUETTES. Il Baguette
noire, Celle du premier huissier de la chambro
du roi ou de la reine, en Angleterre, il Ba-
guette blanche, Sorte de bâton de justice en
ivoire, que les juges d'un tournoi portaient
à la main tant que durait le tournoi, et qu'ils
levaient lorsquil leur plaisait d'arrêter le
combat, h Baguette sacrée, Baguette" blanche
qui était portée par un ambassadeur en temps
de guerre; tout homme envoyé dans le camp
ennemi avec cette baguette était inviolable
et sacré, d'après le droit des gens.
— Baguettes de tambour, Petits bâtons
courts et terminés en forme d'olive, avec les-
quels on bat le tambour : S'armer au premier
coup de baguettes. Les baguettes ce tam-
bour sa composent du corps de baguette, de
la virole et du bouton. (Gén. Bardin.) n On dit
de même Baguettes de timbale ; baguettes de
tambourin, de psaltérion : Les baguettes de
timbale diffèrent des baguettes de tambour en
ce qu'elles se terminent par une rosette, et les
autres par un bouton, (Gén, Bardin.) Il Ses
cheveux frisent comme des baguettes de tam-
bour, Comparaison ironique pour faire en-
tendre que quelqu'un a les cheveux plats,
roi des, droits.
— Baguette de fusil; de pistolet, Vorge de
baleine, de bois ou d'acter, qui sert à enfoncer
la charge.
— Loc. fam. Tenir la baguette, Gouverner,
diriger : Comme c'est moi qui commanderai et
tiendrai la baguettb, je ferai ce qu'il me
plaira. (Damas-Hinard.) 11 Commander à la
baguette, mener quelqu'un à la baguette, faire
marcher quelqu'un à la baguettej Commander,
conduire avec hauteur et dureté : Le ministre,
qui n'osait souffler devant elle, en était gou-
verné et mené k la baguette. (St-Sim.) Harlay,
le premier président, menait te parlement À la
baguette, (St-Sim.)
Soyeï comme un enfant qu'on mène d la baguette.
La Chaussée.
Il Se laisser mener à la baguette, obéir à la
baguette, Obéir, se plier servilement aux vo-
lontés d'autrui.
— Baguette magique, baguette de fée, ou
simplement baguette , Verge avec laquelle les
magiciens, les fées, les sorciers étaient censés
opérer leurs enchantements, leurs sortilèges :
La baguette magique de Circé. La baguette
de Médée. Sa femme était une grande créature
à laquelle il ne manquait que la baguette pour
être une parfaite sorcière. (St-Sim.) Les ou-
vriers écarquillaient leurs yeux en admirant
cette femme, qui ressemblait à une fée dont la
baguette aurait touché les filets. (Balz.) En
ce moment, elle aurait donné le quart de ses
économies pour pouvoir retourner sa maison en
un instant par un coup de baguette de fée.
(Balz.) Il Se dit figurément dans le sens de
moyens cachés et qu'on dirait surnaturels.
On dit aussi coup de baguette : Il possède une
baguette de fée, de magicien. Le coup de
baguette fait sortir de terre tout ce qu'il veut.
(Mme de Sév.) // n'y avait plus rien à craindre
de cette fée presque octogénaire (M™« de Main-
tenoD) ; sa puissante et pernicieuse baguette
était brisée; elle était redevenue la vieille
Scarron. (St-Sim.) Je vais, d'un seul coup de
baguette, endormir la vigilance, éveiller l'a-
mour, etc. (Beaumarch.)
Là j'ai la baguette des fées ;
A faire le bien je me plais. Béranger.
Il Baguette divinatoire, Baguette de coudrier,
Branche de «coudrier à laquelle on attribue
la vertu d'indiquer par ses mouvements la
présence, au sein de la terre, de métaux,
de trésors enfouis ou d'une source d'eau :
L'homme armé de la baguette de coudrier
obéissait, en trouvant les eaux vives, à quelque
sympathie à lui-même inconnue. (Balz.)
— Théâtr. Rôles à baguette, Rôles de ma-
gicien ou de magicienne.
— Magnét. Baguette magnétique, Instru-
ment d'abord de fer ou d'acier, puis en verre,
dont on se servait pour provoquer le sommeil
magnétique, et qui a été remplacé par l'action
des mains.
— Archit. Petite moulure ronde, unie ou
ornée : Baguette unie. Baguette à roses.
Baguette à ruban. La baguette est une petite
moulure ronde sur laquelle on taille quelquefois
des ornements. (Milhn.)
— Chim. Dans les laboratoires, tube ou
verge do verre, servant à agiter les sub-
stances qui attaqueraient le bois ou le métal.
— Peint, Nom que les peintres donnent
quelquefois à leur appui-main.
— Chass. Bâton que l'on introduit dans les
buissons, pour faire partir les perdrix et autre
gibier, et avec lequel on tient les chiens en
crainte : Les baguettes ou bâtons des autour-
siers se nomment chassoires.
— Mar. Tige mince de fer, avec laquelle on
retiro les étoupes des vieilles garnitures. 11
On dit aussi tire-étoupes. 11 Mâtereau placé à
l'arrière d'un bâtiment en course, pour rece-
voir les cornes.
— Techn, Moulure de menuiserie qu'on
applique sur les tentures d'appartement pour
les maintenir et les rehausser : Un suave par-
fum remplissait ce salon, tendu en damas vert
rehaussé de baguettes dorées. (E, Sue.) il
Moulure destinée à être découpée dans sa
longueur, pour fournir des cadres de tableaux,
de glaces, etc. : Baguette guillochée. Ba-
guette dorée. 11 Lingot d'or ou d'argent réduit
à la filière, il Perche sur laquelle on étend les
cuirs quand ils ont été foulés. 11 Morceau de
bois long, arrondi et renflé au milieu, dont
les hongroyeurs se servent pour aplanir les
peaux. 11 Rebord pratiqué sur les feuilles de
plomb que l'on emploie à couvrir des bâti-
ments, il Baguette à mèches, Baguette à bou-
gies. Baguette sur laquelle on enfile les
mèches quand elles sont coupées de longueur,
les bougies quand elles sont finies.
— Pyrotechn. Petit instrument de bois: de.
forme cylindrique, que l'artificier emploie
pour la confection de certaines pièces d'arti-
fice. 11 Baguette à rouler, Qui sert à rouler les
cartouches ou cartons d'artifice. 11 Baguette à
rendoubler, Qu'on emploie pour rendoubler
les cartons sur le massif dont le diamètre est
plus grand que celui des autres, il Baguette à
charger, Qui doit être percée plus ou moins
pour recevoir la broche et laisser un vide
dans la cartouche. vBaguette de fusée volante,
Celle qui est attachée à une fusée volante
pour en diriger l'ascension.
— Hortic. Nom donné à plusieurs espèces
de tulipes de Flandre dont la tige est très-
élevée , et en général à celles qu'on laisse
monter en graines ou dont le pédoncule est
trop élevé.
— Bot. Baguette d'or, Variété de giroflée
jaune.
— PI. Sorte de châtiment infligé à des
soldats ou à d'autres personnes soumises à
un régime disciplinaire. Le patient, nu de ia
ceinture en haut, passe entre deux rangs do
soldats qui le frappent chacun d'un coup do
baguette, et cola autant do fois que le porte
la condamnation. Cette peine, abolie chez
nous en 1788, existe encore en Allemagne, en
Angleterre, en Prusse et en Russie, où elle
n'est pas flétrissante. Il n'en était pas do
même en France; celui qui l'avait subie était
déclaré indigne de servir : L'usage des baguet-
tes était particulier à l'infanterie de l'armée
française et aux filles de mauvaise vie. (Gén.
Bardin.) tl Passer par les baguettes, Subir le
châtiment dès baguettes. 11 Signif., dans un
sens figuré, Etre en butte aux coups de lan -
gue, aux plaisanteries, aux injures : Elle a
passé par toutes les baguettes du quartier.
- — Allus. hist. Baguette do Moïse. V. Verge.
— Encycl. La baguette va iixer notre atten-
tion comme symbole de la puissance et comme
instrument supposé propre à faire découvrir
les sources. Nous allons ainsi nous occuper
de la baguette sacrée et de la baguette divi-
natoire.
Chez les Francs et même sous les premiers
Capétiens, les hérauts d'armes portaient une
baguette sacrée; elle était la marque de leur
dignité, comme le rameau d'olivier ou le ca-
ducée chez les anciens. On employait aussi la
baguette comme symbole dans les contrats. La
baguette, le bâton, la verge, la branche d'arbre
indiquaient la transmission de la propriété.
On remettait une branche d'arbre enfoncée
dans une motte de terre pour investir le nou-
veau propriétaire. La destruction de cet em-
blème indiquait la dépossession ou la sépara-
tion de la famille. « Si quelqu'un, dit la loi
salique , veut se séparer de sa parenté et
renoncer à sa famille, qu'il aille à rassemblée
devant le dizainier ou le centenier ; que là il
brise sur sa tête quatre bâtons de bois d'aune
en quatre morceaux, et les jette dans l'assem-
blée en disant : • Je me dégage de tout ee qui
» touche ces gens, de serment, d'héritage et
» du reste. • Le bâton était souvent le signe
du commandement. De là le sceptre du roi, la
crosse de l'évêqne, le bâton du maréchal, la
verge du sergent ou huissier.
Passons maintenant à la baguette divina-
toire. On a appelé de ce nom un rameau
d'aune, de hêtre, de pommier, mais, surtout de
coudrier, ayant la propriété de faire découvrir
les sources, les mines, les trésors cachés, les
voleurs et les meurtriers fugitifs. Les préten-
dus devins qui se servent de la baguette divi-
natoire ont été nommés rabdomanaens, et leur
art rabdomancie. Magiciens, astrologues, fées,
sorciers, et jusqu'à nos prestidigitateurs mo-
dernes, qui escamotent la muscade armés d'un
court bâton, ont fait usage de la baguette pour
opérer leurs charmes. L'art de la rabdomancie
est très-ancien en Orient. Les mages de Pha-
raon se servaient, pouropérer leurs prodiges,
de verges qui furent changées en serpents par
celle de Moïse. Ce chef des Hébreux faisait
avec sa verge jaillir l'eau des rochers. Aaron
avait aussi une verge, emblème de sa dignité
sacerdotale. Dans la mythologie, Mercure est
inséparable de son caducée; Bacchus est tou-
jours accompagné de sonthyrse, et il est très-
probable que Circé était armée d'une verge
merveilleuse quand elle changea les compa-
gnons d'Ulysse en pourceaux. Rien d'étonnant
alors à ce qu'à la faveur.;de cette idée de
puissance attachée à la baguette, les charla-
tans et les faiseurs de tours aient cherché
dans cet objet un auxiliaire propre à en impo-
ser aux masses.
Toutefois, ce n'est qu'au xvic et au xviie siècle
que parut la baguette divinatoire, et l'on sait
que le plus célèbre rabdomancien fut Jacques
Aymar, paysan du Dauphiné, dont on peut lire
la grotesque histoire à l'article Aymar.
En quoi consiste donc cette merveilleuse
baguette? Ce n'est autre chose qu'un bâton de
coudrier d'environ deux pieds de longueur et
légèrement courbé en cercle. Si l'on en pose
les deux bouts sur l'index de chaque main, le
centre se trouvera abaissé par rapport aux
deux extrémités ; si l'on rapproche lentement
les doigts l'un vers l'autre , le centre de la
baguette s'élèvera, et il arrivera un moment
où les deux bouts feront la culbute; si, enfin,
on éloigne de nouveau les doigts, la baguette
reprendra sa première position. On voit donc
que, par ce rapprochement et cet écartement
successifs des mains, il est possible d'imprimer
à la baguette un mouvement de rotation aussi
rapide que l'on veut, et qu'avec une certaine
habitude un léger va-et-vient des doigts suffit,
pour cela. Du reste, on peut augmenter le
poids de la baguette, et la rendre par consé-
quent plus propre à tourner sur elle-même, en
y adaptant trois viroles de métal, une au milieu,
les deux autres à chaque extrémité. On peut
aussi rendre le mouvement des mains presque
insensible, en se servant pour point d'appui
de doux fils de laiton bien polis, destinés à
prévenir le frottement et le bruit. De cette
manière, la baguette semble réellement tour-
ner dans les mains comme si elle y était sol-
licitée par une force magique. Là est tout le
secret de la puissance de cet incomparable
instrument, dont le prestige a trouvé tant
d'admirateurs, et qui a fait un si grand nombre
de dupes depuis le xne siècle jusqu'à nos jours.
La baguette divinatoire était consultée, avons-
nous dit, en beaucoup de circonstances, mais
c'était surtout dans la recherche des sources
qu'elle jouait son principal rôle, et le rusé
personnage qui prétendait s'en inspirer se
trompait rarement, par suite du soin qu'il pre-
nait de ne faire tourner sa baguette que dans
les bas-fonds ou dans les endroits recouverts
d'une herbe plus verdoyante. Disons , pour
compléter la description Se la baguette, qu'elle
devait être de la pousse de l'année, et qu'on
était tenu de la couper le premier mercredi do
la lune, entre onze heures et minuit, en pro-
' nonçant certaines paroles. Il restait ensuite à
la bénir selon le formulaire magique.
Malgré le discrédit que nous avons jeté sur
la baguette divinatoire, nous croyons devoir
cependant rapporter l'opinion d'une grave au-
torité, prévenue moins défavorablement que
nous. C'est ainsi que le savant auteur du
Dictionnaire des merveilles de la nature ne
craint point d'attester qu'une baguette de cette
espèce tourne, et même très-fortement, entre
les mains de celui qui la tient, lorsqu'il s'ap-
proche de différents métaux. Voici le fait dont
il assure avoir été témoin à Bourges, en pré-
sence de plusieurs personnes, parmi lesquelles
se trouvaient des gens peu crédules et deux
médecins fort instruits. Une dame, étrangère
à cette localité, et qui y était venue visiter
quelques parents, possédait la vertu de faire
mouvoir la baguette divinatoire en suivant le
procédé dont nous avons parlé. Elle avait
laissé à son bâton de coudrier une petito
branche latérale qui rendait le mouvement de
cette baguette beaucoup plus sensible. Or,
cette baguette, serrée avec force, se mit à
tourner manifestement sur de l'argent ren-
fermé dans un buffet. Notre auteur constate
des résultats plus étonnants encore. La rab-
domancienne ayant fait usage d'une baguette
beaucoup plus longue, assez longue pour que
deux spectateurs pussent la saisir aux deux
extrémités, au delà des deux points par les-
quels elle la tenait, ces deux spectateurs firent
d'inutiles efforts pour arrêter le mouvement
do rotation. Ce n est pas tout, la baguette se
mit à tourner au-dessus de deux pièces, l'une
d'or et l'autre d'argent, quels que fussent les
corps dont ces pièces se trouvaient recou-
vertes. Mais venait-on à placer au-dessus
d'elles un plat d'étain, le mouvement de la
baguette cessait incontinent.
Le mouvement de la baguette divinatoire,
conclut l'ouvrago cité, est donc un mouvement
naturel, que l'on ne saurait révoquer en doute.
Il est vrai que l'auteur ajoute prudemment :
« Ce sont des faits que je n'atteste point, quoi-
que je ne puisse raisonnablement les nier. »
Et en cela, nous trouvons qu'il a grand tort :
quand on prend du galon, on n'en saurait trop
prendre. Après tout, ne peut-il pas y avoir
une cause naturelle aux sympathies de la
baguette? C'est une question d autant moins
facile à résoudre, qu'il nous manque une mul-
titude de données propres à expliquer à nos
esprits sceptiques le mécanisme de ces singu-
lières attractions. Toutefois , comme il est
toujours permis de hasarder des conjectures,
on ne peut savoir trop de gré au savant Formey
d'avoir essayé de ramener ces phénomènes
aux principes de la physique.
Ce savant est bien loin néanmoins de croire
à .tout ce qu'on a publié de merveilleux sur
cette fameuse baguette. La foi lui manque,
car, lorsqu'il parle de ce don merveilleux que
Ïiossède la baguette d'aller à la quête des vo-
ours et de les faire découvrir, il s'écrie :
Credat judœus Apella ! Il ne croit même
qu'au seul pouvoir qu'on lui prête de découvrir
les sources, et voici l'explication qu'il en
donne ; n Considérons une aiguille d'acier
librement suspendue ; la matière magnétique,
sortie du sein de la terre, s'élève, se réunit
dans une des extrémités de cette aiguille, où,
trouvant un accès facile, elle chasse l'air ou
la matière' du milieu; celle-ci, revenant sur
l'extrémité de l'aiguille, la fait pencher en lui
j donnant la direction de la matière magnétique.
Il n'en est pas autrement de la baguette. Les
' particules aqueuses, les vapeurs qui s'exhalent
: de la terre et qui s'élèvent, trouvant un libre
accès dans la tige de la branche fourchue, s'y
réunissent, l'appesantissent, repoussent l'air
ou la matière du ^milieu (apparemment la
moelle du bois). La matière chassée revient
sur la tige appesantie, lui donne la direction
des vapeurs et la fait pencher vers la terre
pour nous avertir qu'il y a sous nos pieds une
source d'eau vive. Cet effet vient peut-être de
la même cause qui fait incliner les branches
des arbres plantés le long des eaux. L'eau
leur envoie des parties aqueuses qui chassent
l'air, pénètrent les branches, les chargent, les
affaissent, joignent leur propre pesanteur au
poids de l'air supérieur, et les rendent enfin,
autant qu'il se peut, parallèles aux petites
colonnes de vapeurs qui s'élèvent, » N'est-ce
pas ici le cas de s'écrier avec chaleur : « Que
BAG
BAH
BAH
BAH
53
!a science est une belle chose ! » Aussi laisse-
rons-nous au lecteur la plus complète latitude
à ce sujet. Des théologiens, parmi lesquels il
* faut citer Malebranche et le père Lebrun, ont
fait honneur au démon des prouesses de la
baguette divinatoire. Ajoutons, au risque de
scandaliser les bons pères, que les faits dont
il s'agit n'ont jamais été l'objet d'expériences
suivies, indiscutables et sérieuses, et qu'il ne
reste à choisir qu'entre la négation absolue et
une- extrême réserve. Il n'en est pas des mi-
racles comme des sources du Nil, que per-
sonne n'a jamais vues et à l'existence des-
quelles tout le monde est raisonnablement
obligé de croire.
Aujourd'hui, la baguette divinatoire a cessé
d'être une imposture, car elle fait des mer-
veilles sur nos places publiques. Le rabdo-
mancien pose une douzaine de boîtes sur une
table, se fait bander les yeux et invite une
personne de la société à glisser dans l'une
d'elles une pièce de 5 francs ; cela fait, il porte
la baguette sur chacune de ces bottes, et lors-
qu'il arrive à celle qui contient la pièce , la
baguette se livre à des évolutions qui prouvent
à l'auditeur que des émanations métalliques
sont la cause de cette rotation. Or, chaque
boîte est munie d'un double fond où se trouve
un petit ressort que soulève la pièce des francs
et dont la pression fait saillir un petit clou
aperçu de l'opérateur seul. Voilà pour les
émanations du métal; voici maintenant pour
celles de l'eau. Plusieurs vases sont placés sur
une table, et l'un des spectateurs introduit de
l'eau dans l'un d'eux. La baguette, présentée
successivement sur chaque vase, se met en
mouvement quand elle arrive à rencontrer
celui .qui contient le liquide. Chaque vase ou
chaque gobelet est percé au fond d'un trou
fort petit exactement rempli d'une mèche en
fil, qui dépasse un peu la surface inférieure et
qui ne peut être aperçue que de l'opérateur.
L'eau s infiltre à travers cette mèche et laisse
une trace toujours facile à reconnaître par
celui qui s'est familiarisé avec l'appareil.
De tout ce qui précède, nous ne prétendons
pas conclure que l'art de découvrir les sources
et les mines soit dénué de fondement. Telle
n'est point notre pensée, Quel que soit le ro-
cher que la science frappe de sa baguette en-
chanteresse , nous sommes toujours prêts à
boire aux sources qu'elle en fait jaillir. Oui,
nous reconnaissons a la science une puissance
sans bornes ; mais que peut avoir à faire la
science, la science vraie, la science sérieuse,
avec les jongleries des rabdom ancien s? Est-ce
que les ingénieurs qui s'occupent de la re-
cherche des couches d'eau et du forage des
puits artésiens se sont jamais servis de la
baguette divinatoire? C'est la géologie seule
qui les guide, et soyons bien persuadés que,
lorsque cette belle science aura atteint sa
dernière limite, on lira dans les entrailles de
la terre comme dans un livre ouvert. Nous ob-
jectera-t-on l'abbé Paramelle ?Mais qui ignore
que le savant abbé était un des favoris de
cette science? S'il se servait, dans ses opéra-
tions et ses recherches, d'une baguette de cou-
drier, il ne faut voir dans ce fait qu'une fai- "
-blesse et peut-être un acte de prudence. Les
peuples serontéternelleinent crédules, le mys-
térieux aura éternellement sur eux un attrait
de séduction irrésistible. Alors qu'y a-t-il d'é-
tonnant à ce que Parainelle ait capitulé avec
la croyance populaire qui attribue des pro-
priétés mystérieuses à une baguette ? Peut-être
aussi sa conduite était-elle un acte de pru-
dence, comme nous venons de le dire. Per-
sonne n'ignore l'état de l'instrnction dans nos
campagnes. Il est certaines de nos commu-
nes rurales, et le nombre en est grand, qui
manquent d'une des choses aussi nécessaires
à la vie que l'air et le pain ; l'eau. L'abbé
Paramelle se présentait dans ces communes
pour leur procurer le bienfait d'une eau pure,
salutaire et vivifiante. Or, pour triompher de
l'esprit d'inertie des administrateurs peu éclai-
rés comme des administrés ignorants, il s'est
dit en possession d'un pouvoir merveilleux; il
s'est présenté armé de la baguette divinatoire. '
La connaissance des terrains révélait au sa-
vant abbé la présence d'une source cachée, et
les mouvements de sa baguette confondaient
les plus incrédules. La science n'y perdait
aucun de ses droits, et le bien-être des popu-
lations était réalisé. Numa, un homme supé-
rieur, veut donner de sages lois a des hordes
à demi sauvages, et ces lois lui sont dictées
par la nymphe Egérie. Le deuxième roi de
Rome est-il pour cela un imposteur? Nous ne
le croyons pas : tant pis pour les hommes, s'il
faut les tromper pour les rendre heureux.
Ceci, bien entendu, se rapporte à l'histoire
profane et ancienne; car nous espérons bien
qu'un jour viendra, et ce jour n'est peut-être
pas très-êloigné , où il ne sera plus néces-
saire de suivre la voie de l'erreur pour con-
duire l'humanité au bonheur. Que l'instruction
soit proclamée obligatoire , que les méthodes
d'enseignement soient perfectionnées, que la
science se vulgarise de plus en plus, et bientôt
tous les hommes seront mûrs pour la vérité ;
on pourra la leur montrer sans voile.
Pour que notre article soit complet, il nous
reste à dire un mot de la baguette magnétique.
Ici , la science est moins muette , et l'expé-
rience, qui est son vrai langage, la seule affir-
mation vraiment digne d'elle, contient dans de
certaines limites lesnypothèses et les systèmes.
On appelle baguette magnétique un instru-
ment long de 25 à 30 centimètres sur 6 do
diamètre et de forme arrondie ; elle est de fer,
d'acier ou de verre , avec un bout plus gros
que l'autre. La baguette est un corps conduc-
teur et excitateur; comme telle, elle a ses
avantages et ses inconvénients. L'expérience
en a démontré les fâcheux effets, quand on s'en
sert sans précaution dans certaines maladies,
notamment dans celles des yeux. D'autre part,
les baguettes ont été un sujet de plaisanteries
et de comparaisons humiliantes. On en a donc
complètement abandonné l'usage. D'ailleurs
la magnétisation digitale ou palmaire l'a rem-
placée avec avantage et sécurité.
Lorsque Mesmer proposa l'examen de sa
découverte, il indiqua comme auxiliaires in-
dispensables le baquet et la baguette. Sans
ôter systématiquement à ces moyens leur
mérite réel, on est obligé de reconnaître qu'ils
prêtaient trop au ridicule et à la fantasma-
gorie. Il était impossible de se présenter d'une
manière plus défavorable. La plupart des per-
. sonnes q.ui voulaient magnétiser se croyaient
obligées d'avoir une baguette en main et un
baquet chez elles. Une boîte enchanteresse et
une baguette magique ! c'en était assez pour
faire croire au charlatanisme. Mesmer le vit
bien; aussi s'empressa-t-il de modifier ses
procédés. Pour plus de détails, v. Baquet.
BAGUetter v. a. ou tr. (ba-guè-té — rad.
Baguette). Frapper avec une baguette : Ba-
guetter un enfant. Il V. mot.
bagueur s. m. (ba-gheur — rad. baguer).
Hortic. Instrument à l'aide duquel on fait des
incisions circulaires sur l'écorco de certaines
branches.
BAGCIER s. m. (ba-ghié — rad. bague).
Petit coffret, écrin spécial pour les bagues :
Un élégant baguier. h Sorte de coupe évasée
sur laquelle on dépose des bagues et autres
bijoux.
— Fig. :
Gens tout nourris de flatteries
Sont un bijou qui n'entre pas
Dans son baguter de pierreries.
Voltaire.
BAGWELL (Guillaume), mathématicien et
astronome anglais, vivait au xvnf siècle. Il
est auteur- d'un ouvrage* qui fit en son temps
une certaine sensation : The mystery of astro-
nomy made plain (Londres, 1651 et 1673.)
BAH interj. (bà). Sert à marquer un éton-
nement mêlé d'incrédulité : Bah ! cela n'est
pas possible. (Acad.) Il Marque aussi l'igno-
rance ou l'indifférence : Bah! ce n'est pas la
peine. Bah! de quoi cela guérit-il?
Les bras m'en tombent. — Bah ! vous les ramasserez.
E. Auoier.
Malgré vous et les vôtres,
On vous fera bien voir
— Bah! j'en ai bien vu d'autres.
Fabre d'Eulantine.
Il II se répète fréquemment, comme la plu-
part des interjections :
Et c'est ma place aussi que vous prenez.
— Bah! bah! C. d'Harleville.
— Ah bah! Double interjection dont le sens
est à peu près le même que celui de l'inter-
jection simple : C'est la vérité que je vous dis
là. — Ah bah I ah bah 1 il ne fera pas tout ce
qu'il dit.
— Substantiv. : Faire entendre un bah ! des
plus dédaigneux. Il avait vieilli et murmurait
ce bah ! philosophique gui sert de bride à toutes
les passions. (Alex. Dum.)
— Homonymes. Bas, bât, bat et bats (du
verbe battre).
BAHALUL ou BAHALOUL ou BAIIABUL,
bouffon d'Haroun-al-Raschid ; on lui attribue
quelques saillies assez piquantes. Ainsi, le ca-
life 1 ayant chargé de dresser la liste des fous
de la ville de Bagdad, il refusa, prétendant
qu'une pareille tâche était impossible à cause
du grand nombre. On lui annonçait, pour le
railler, qu'il venait d'être nommé intendant des
loups , renards et singes de 'l'empire : « Le
calife m'a donc fait, dit-il, souverain des cour-
tisans? »
Un autre jour, il s'était assis sur le trône du
calife et en avait été chassé à coups de bâton,
o Prends garde, dit-il à Haroun; pour m'être
assis là j'ai été frappé : que ne te fera-t-on
pas, toi qui viens t'y asseoir chaque jour?»
BAHAMA s. m. (ba-â-ma). Linguist. Idiome
parlé jadis dans l'archipel de Bahama, et qui
a entièrement disparu depuis longtemps.
C'est le premier idiome américain qui fut
entendu par les Espagnols.
BAHAMA (archipel de) ou ÎLES LUCAYES,
appelé los Cayos (écueils, récifs) par les Es-
pagnols et Keys par les Anglais; archipel de
l'océan Atlantique, dans les Indes occidentales
anglaises, au N.-E. de Cuba, au S.-E. de la
Floride, entre 21" 23' et 25° 50' lat. N., et 73»
25' et 83° long. 0. ; il occupe une longueur
d'environ 1,000 kil. du N.-O. au S.-O et se
compose d'immenses bancs de sable, de rocs
de corail, qui forment des bas-fonds, d'où s'é-
lèvent près de six cent cinquante îles ou îlots
séparés par des canaux d'une navigation dan-
gereuse. Le plus considérable de ces bancs
est le grand banc de Bahama, entre le vieux
canal de Bahama qui le sépare de Cuba au
S.-O. et le nouveau canal de Bahama qui le
sépare de la Floride au N.-O. ; il supporte les
îles Saint-André, Isaac, Berry, Nouvelle-
Providence (cap. Nassau, siège du gouverne-
ment), Exuma, l'île de Sel, etc. Le petit banc
de Bahama, séparé du grand banc par le ca-
nal de la Providence, supporte les lies Grande-
Bahama, une des plus considérables de l'ar-
chipel; Guana, Galapagos, etc. Parmi les autres
îles, nous citerons encore : Acklin et Inagua,
San-Salvador, la première terre du Nouveau
Monde que découvrit Christophe Colomb (12 oc-
tobre 1492). Toutes ces îles jouissent d'un
climat délicieux, sont très-fertiles et produi-
sent en même temps les fruits de l'Europe et
ceux des tropiques. En 1629, les Anglais éta-
blirent leur première colonie dans ces Iles,
qui, après leur avoir été enlevées plusieurs
fois par les Français et les Espagnols, leur
ont été définitivement cédées en 1783. Gou-
vernement représentatif : un gouverneur et
deux chambres.
BAHAMAN ou BAHMAN, mot persan qui a
deux significations bien distinctes, que d'Her-
belot détermine clairement. C'est d'abord le
nom d'un ange ou d'un génie qui, selon la doc-
trine des mages persans , apaise la colère et
a le gouvernement des bœufs, des moutons et
des autres animaux paisibles. Ce même génie
donne son nom au second mois de l'hiver et
au second jour de tous les mois de l'année.
Cette déité nous semble appartenir à l'an-
cienne théogonie aryenne et nous reporte,
par la nature des fonctions qu'on lui attribue
et le rôle qu'elle joue dans le calendrier, à
l'époque antéhistonque où la grande famille
indo-européenne , essentiellement agricole ,
n'avait pas encore effectué sa séparation. La
seconde chose que les Persans désignent sous
le nom de bahaman est une plante assez diffi-
cile à spécifier. Aviûenne , qui la décrit , la
représente comme ayant des racines tantôt
blanches et tantôt rouges, ce qui la rappro-
cherait de la carotte. 11 ajoute que ces racines
engraissent beaucoup et disposent à l'acte con-
jugal. Le bahaman jouait un grand rôle sym-
bolique dans l'ancienne religion persane ; les
Persans en mangaient principalement dans les
fêtes destinées à honorer la déité Bahaman
dont nous avons parlé plus haut. Peut-être
est-ce à cette circonstance que la plante doit
son nom.
BAHAR s. m. V. Baar. •
BAHAR ou BÉHAR, anc. prov. de l'Indous-
tan, faisant actuellement partie de la prési-
dence de Calcutta dans l'empire anglo-indien,
située entre 22<> 49'-27° 20' lat. N. et 80° 41'-
84* 54' long. E. Ce pays, généralement plat
au N. du Gange, montagneux au S., arrosé
par le Gange et ses nombreux affluents, la
Sone, le Gunduch, le Gograh, forme une
des provinces de l'Inde anglaise; superficie,
140,000 kil. carrés; 8,117,000 hab.; cap. Patna.
Sol très-riche, industrie florissante, récolte
abondante d'opium estimé, grande quantité de
nitre que l'on obtient partout du lavage des
terres; riz, maïs, tabac, sucre, coton, etc. Los
Anglais, qui sont les maîtres du Babar depuis
1765, l'ont divisé en huit zillah ou districts,
parmi lesquels le district de Bahar. n Bahab,
ville de 1 Indoustan anglais , dans la prov.
de Bahar, ch.-l. du district du même nom,
présidence de Calcutta, à, 56 kil. S.-E. de
Patna; 30,000 hab. ; ville déchue, jadis capitale
de la province.
bahAra s. f. (ba-a-ra). Bot. Syn. de bada-
mier.
BAHARAM-CliRI, sultan de Perse au ve siè-
cle. Pendant qu'il voyageait en Chaldée, un
usurpateur s'empara de ses Etats. Il revint
alors à la tête d une nombreuse armée. Mais
au lieu de combattre, on tomba d'accord que
la couronne appartiendrait à celui qui irait la
prendre au milieu de deux lions affamés. Au
jour fixé, l'usurpateur, nommé Kesra, prétendit
qu'aj'ant en main le pouvoir, il ne devait pas
commencer l'épreuve. Aussitôt Baharam-Curi
se précipita sur les lions, les tua et mit la
couronne sur sa tête. Les historiens rappor-
tent que Kesra, témoin de cet acte de courage,
résigna le pouvoir au sultan légitime, qui
régna ensuite dix-huit ans.
BAHAR1TES, première dynastie des mame-
loucks d'Egypte (1254-1382), qui primitivement
commandaient les places maritimes (bâhr, mer,
d'où le nom de cette dynastie.) V. Mameloucks.
BAHAVOLPOUR ou BAIIAOULPOCR, prin-
cipauté comprise dans les possessions médiates
de l'empire anglo-indien, au S. du Pendjab,
arrosée par la Setledje et l'Indus, entre 280-300
lat. N. et 680-720 long. E. Cap. Bahavolpour;
400,000 hab. Jadis tributaire du Kaboul, ce
pays était gouverné par un prince qui portait
le titre de nabab; il est aujourd'hui dépendant
de l'Angleterre, et son gouverneur prend le
nom de khan. Il Bahavolpoor, ville de l' In-
doustan, capitale de la principauté de ce nom,
à 510 kil. O. de Delhi, à la jonction des routes
de Calcutta et de Bombay pour le Kaboul;
20,000 hab. Commerce et manufactures de
soieries.
bah EL s. m. (ba-èl). Bot. Arbrisseau du
genre barlérie ou barrelière, qui croît dans
l'Inde et au Malabar, et qu'on appelle ordi-
nairement bahel sculli : Les feuilles du bahel,
sculli résolvent les tumeurs. (Encycl.)
BAHIA s. (ba-i-a). Bot. Genre de plantes
de la famille des composées, tribu des séné-
cionidées.
BAHIA (province de), division administra-
tive du vaste empire du Brésil, baignée à l'O.
par l'océan Atlantique qui y forme la baie de
Tous-les-Saints (bahia de todos os Santos), d'où
la province tire son nom ; elle est limitée au
N. par les provinces de Sergipe et de Pernam-
buco,à l'O. et au S. par celle de Minos-Geraes ;
cfomprise entre 9° 50'- 16° lat. S. et 40°-47o
long. O. Superficie, 230,000 kil. carrés, divisés
en trois districts, renfermant 800,000 hab.;
ch.-l. Bahia. Elle est sillonnée au centre par
la sierra Chapada et la sierra do Orobo, arro-
sée au N. et à l'O. par le San- Francisco, qui
forme sa limite occidentale, et par le Rio da
Contas, le Rio Itapicuru et d'autres rivières
moins considérables, affluant dans l'Atlan-
tique. Le climat de cette province, générale-
ment très-chaud, est rafraîchi par les brises
de mer ; les principaux produits du sol sont :
le sucre, le coton, le café, le tabac, le cacao,'
les bois de construction et les diamants, ob-
jets d'un grand commerce d'exportation, dont
la valeur s'est élevée, en 1850, a 92,793,582 fr. .
Ce commerce est facilité par quelques voies
de communication bien établies, un chemin de
fer de Bahia à Joazeiro, une succursale de la
banque du Brésil et quelques autres établis-
sements -de crédit, dont le plus important
est la banque de la ville de Bahia. Le capital
de cette banque est de 24,000,000 fr. ; le mon-
tant des billets émis au 31 mars 1860 était de
17,621,640 fr.
BAHIA ou SAN-SALVADOR, ville forte du
Brésil, ch.-l. de la prov. de même nom, dans
une situation magnifique, sur le cap Saint-An-
toine, qui forme l'extrémité orientale de la
baie de Tous-les-Saints, à 1,350 kil. N.-E. de
Rio-Janeiro, par 120 56' lat. S. et 40o 50' long.
O.; 180,000 hab., parmi lesquels les noirs do-
minent, comme dans tout le Brésil. Seconde
ville de l'empire, dont elle fut la capitale jus-
qu'en 1763, Bahia, première place forte et
premier port militaire du Brésil, au milieu de
ses rues étroites et irrégulières, offre quelques
beaux monuments : le palais de l'archevêque,
le palais du gouverneur, l'hôtel de ville , la
bourse, le collège des jésuites, la cathédrale
et l'église de la Conception ; on y remarque
aussi un hôpital militaire, l'école de chirurgie,
une bibliothèque de soixante-dix mille volumes,
des chantiers de constructions navales, et sur-
tout sa vaste rade, qui pourrait contenir toutes
les flottes du monde entier. A l'exception de
la fabrication du sucre brut, du tafia et des
cigares, le reste de l'industrie de Bahia est
peu important et se trouve entre les mains
des étrangers ; on y compte cependant trois
fonderies de fer et quelques fabriques de tissus
de coton. Le commerce de cette place a prin-
cipalement pour objet l'exportation du tabac,
café, tafia, cuirs, diamants; il s'est élevé, en
1859, à 71,951,000 fr. Le mouvement général
de la navigation du port a été, la même année,
en y comprenant le cabotage, de 844 navires,
jaugeant 258,938 tonneaux.
Bahianais, aise s. et adj. (ba-ia-nè,
è-zo). Géogr. Habitant de Bahia; qui appar-
tient à Bahia ou à ses habitants.
- bahir s. m. (ba-ir). Philol. Le plus ancien
dos livres rabbiniques, qui traite des mys-
tères de la haute cabale des Juifs.
BAHLINGEN, ville du Wurtemberg, cercle
de la ForêtNoire, à 40 kil. S.-O. de Stuttgard ;
3,200 hab. Draperies, lainages, tanneries.
BAHMAN. V. Bahaman. Chez les Hébreux,
c'était le génie des bestiaux.
BAHMOURIQUE adj. (bâ-mou-ri-ke). Ling.
Syn. de bachmourique.
BAHNSEN (Benoît), théologien, né dans le
Holstein vers le milieu du xvue siècle. Pas-
sionné pour la théologie mystique, il publia
sous son nom des ouvrages oubliés de diffé-
rents auteurs et qu'il puisa dans un fatras de
vieux livres ascétiques qu'il avait collection-
nés : L' Antichrislianisme ; le Traité mystique
des trois siècles et de leur grand mystère; les
Révélations divines, etc.
BAHO s. m. (ba-o). Bot. Variété du man-
guier des Philippines.
BAIIR (Joseph-Frédéric), théologien pro-
testant allemand, né en 1713, mort en 1775. Il
remplit d'importantes fonctions ecclésiastiques
à Wittemberg et dans d'autres villes. Ses prin-
cipaux ouvrages sont les suivants : Traité de
la pure doctrine de notre Eglise évangélique
au sujet de la destructibilité et de la mort cor-
porelle de l'espèce humaine, ouvrage contre les
sociniens; la Vie de Jésus-Christ (1772); Prœ-
cepla oratoriœ sacrœ, etc.
BAHR ou BAE1IR (Cari-Johann), peintre
allemand contemporain, né à Liefland, en 1801.
Il a exposé à Berlin,en 1839, une composition
qui a été remarquée : Dante et Virgile devant
le f portes de l'enfer. On voit de lui, au musée
de Dresde, un autre bon tableau, payé soo écus -4
à la vente de Lind, en 1852 : Ivan le Terrible,
auquel des magiciens finnois prédisent sa mort
prochaine.
BAHRDT (Charles-Frédéric), théologien pro-
testant, né en 1741, dans la haute Saxe, mort
en 1792. Nommé professeur de théologie à
l'université de Leipzig, et ensuite d'antiquités
bibliques à Erfurth, il vit ses ouvrages con-
damnés comme entachés d'hérésie par l'uni-
versité de .Wurtemberg, Il parcourut alors la
Suisse et l'Allemagne, se créant partout des
ennemis par la singularité et la hardiesse de
ses doctrines. Il alla enfin se fixer près de
Halle, en Prusse, et y termina ses jours. Ses
principaux ouvrages sont : Essai d'un système
de dogmatique biblique; Vœux d'un patriote
muet; Almanach des hérétiques; Nouvelles
révélations de Dieu,; Histoire de ma vie, etc. Il
niait le surnaturel et professait le déisme pur.
54
BAH
BAHMLIN, AOBAL ou RADJAH, groupe
d'îles situé dans le golfe Persique, sur la côte i
E. de l'Arabie, par 26» ÏO' lat. N. et 4$° 20'
ïong. E, Les lies principales sont : Bahrein, i
qui a donné son nom au groupe tout entier; :
Maharag, Arag et Tamahoy, bordées de bri- i
santsoù se trouventles fameux bancs d'hultros
qui fournissent les plus belles perles d'Orient. I
Ces lies sont gouvernées par un cheik arabe,
tributaire de Piman de Mascate, et résidant à
M ah arag. I
BAIIR-EL-ABIAD (fleuve blanc), nom que ]
porte le Nil dans la partie supérieure de son i
'cours jusqu'à sa jonction avec le Bahr-el- |
Azreck. Il Bahr-el-Abiad, nom proposé par (
M. Balbi pour là contrée arrosée par le Nil ,
supérieur et comprenant le royaume desBehrs, '
les territoires des Dinkas, des Barrys et des .
Schelouks. Il Bahr-el- Azrkck (fleuve bleu),
rivière de l'Afrique orientale, prend sa source |
en Abyssinie, dan3 le pays des Agaous, tra-
verse le lacDembéa, arrose les pays de Goyam, '
de Damot, de Sennaar, forme plusieurs cas-
cades dont la plus élevée a 03 m. de hauteur,
et se joint au Bahr-el-Abiad après un cours !
de 1,000. kil. Il Bahr-el-Giiazal, vallée de i
l'Afrique orientale, entre 9<> et 10° de lat. N.,
et 26°-27° long. E. ; elle doit son nom aux phé-
nomènes de mirage que les Arabes appellent
de ce nom, ou mer de la Gazelle. Il Bahr-el-
Suez, bras occidental du golfe Arabique.
BARR-YOUCEF (fleuve de Joseph), branche
occidentale du Nil, formant un canal qui longe
le pied de la chaîne libyque et que la tradition
copte attribue h. Joseph. Cette branche se pro-
longe sous différents noms dans toute l'Egypte
moyenne depuis Farchout jusqu'au-dessous do
Gizeh.
bahudÂ, nom que l'on donne, dans la my-
thologie indienne, à une rivière qui paraît
être la mémo que l'Hydaspe des Grecs, lo
Béhut des Indiens.
BAHUT s. m. (ba-hu — du bas lat. bahu-
dum, qui se retrouve lui-môme dans le tud.
behuotan, behoodan, garder, conserver, mettre
en réserve, qui est lui-môme composé de la
prép. be, bei, et de huotan, hoodan, garder,
conserver, d'où notre mot hutte, endroit do
réserve, endroit où l'on garde des provisions.
Garder, conserver, se dit en ail. beliûtten, en
dan. hytien, en holl. behouden, etc. Mais il
nous semble que c'est aller chercher bien loin
ce que nous avons ici sous la main : dans lo
celtique, nous trouvons le mot bahu, qui si-
gnifie coffre dont le dessus est fait en rond.
Comme nous venons do le voir, ce mot revôt
une forme similaire dans presque toutes les
langues). Coffre dont le couvercle est ordinai-
rement bombé : Il avait un pauvre mobilier,
un vieux bahut pour buffet. (Balz.} Un grabat,
une escabellc,une cruche et un bahut disjoint,
composaient l'ameublement de cette espèce de
loge. (Balz.)
Ici deux grands bahuts, deux tabourets boiteux.
A. i>e Musset.
Il S'est dit d'abord pour le cuir dont un coffro
était recouvert.
— Par ext. Huche à serrer le pain : Le pain
manQuait dans le bahut. (G. Sand.) Elle se
nourrit de vieux restes qu'elle va ramasser
dans le fond des bahuts, quand il n'y a per-
sonne à la cuisine. (G. Sand.)
— Sorte do meuble ancien en forme d'ar-
moiro : Un bahut sculpté. Ces vieux bahuts,
aujourd'hui si recherchés par nos antiquaires,
étaient l'arsenal ou les femmes puisaient les
trésors de leur toilette. (Balz.) Dans ses des-
criptions d'intérieur, Balzac ne nous fait pas
grâce du moindre clou d'un bahut. (J.-L.
Larcher.) On voit au musée d'Orléans un très-
beau bahut du xiv« siècle, provenant de
l'église de Saint- Aignan, et dont la face repré-
sente le sacre d'un roi. (Lévy.)
— Rem. Le mot bahut servant lo plus
souvent à désigner un meuble de rebut, ûno
antiquaille sans valeur, les collégiens s'en
sont emparés pour désigner l'établissement
où l'on initie leur esprit aux beautés d'Ho-
mère et de Virgile, mais aussi où l'estomac
digère plus de haricots que de faisans, et c'est
sous cette dernière impression qu'ils ont
baptisé de ce nom énergique le collège et la
pension : C'est lundi prochain que je rentre au
bahut. Lorsque j'eus été mis à la porte de mon
dernier bahut. (Chenu.) il Ces chers* enfants,
qui apprennent au collège autre chose que la
langue harmonieuse de Racine^ ont mémo
étendu cette expression au domicile do leurs
auteurs, et ils disent le bahut paternel.
— Art milit. anc. Sorte de coffre pour les
munitions et les bagages, qui a été remplacé
par le fourgon.
— Arcbit. Mur bas destiné à porter un
comble au-dessus d'un chéneau, l'arcature à
jour d'un cloître, une grille, etc. : On trouve,
à la Sainte-Chapelle de Paris, des bahut3
ainsi couronnés. (Viollet-lc-Duc.) Quelquefois
même les bahuts des combles sont établis sur
des arcs de décharge. (Viollet-le-Duc.) Il Appui
en bahut, appui taillé en bahut, Appui dont le
haut est bombé comme le couvercle d'un ba-
hut ; L' appui de ce quai est taillé en bahut.
(Acad.)
— Hortic. En dos de bahut, En bahut ; Se
dit d'une planche ou d'une couche, lorsqu ello
est bombée sur sa largeur pour favoriser
l'écoulement des eaux.
bMïuter v. n. ou intr. (ba-u-té). Faire
tapage, dans le langage des écoliers : Ce soir,
BAI
nous caboterons à l'étude, it C'est une allu-
sion au bahutier, qui fait beaucoup de bruit
pour enfoncer ses clous.
BAHUTEUR s. m. (ba-u-teur — rad. bahu-
tcr). Tapageur, dans le langage des écoliers,
et aussi des étudiants.
BAHUTIER adj. m. (ba-u-ti-é— rad. bahut).
Qui est propre à porter le bagage, lo bahut,
en parlant d'un cheval : Cheval bahutier. Il
V. mot.
BAHUTIER s. m. fba-u-ti-é — rad. bahut).
Tcchn. Artisan qui fait des bahuts, des
coffres, des malles, etc. : Quand l'expression de
bahut fut appliquée à un véritable meuble, le
mot de bahutier n'était plus en usage, et c'é-
taient les huchiers qui le menuisaient. (L. de
Laborde.)
— Prov. Il ressemble aux bahutiers, il fait
plus de bruit que de besogne, Il fait plus do
bruit, plus d'embarras que de travail. Ex-
pression qui vient du grand bruit que font
les bahutiers, lorsqu'ils enfoncent des clous
dans les planches de leurs coffres.
— Art milit. anc. Nom que Von donnait
aux soldats chargés de la garde des bahuts ou
fourgons de bagages et de munitions.
BAI, BAIE adj. (be — du lat. badins, brun),
Manég. Qui est d'un rouge brun, en parlant
des chevaux : Un chevaine. Une jument baie.
Des chevaux bais. // faisoit à son cheval chan-
ger de poil selon les festes, de bai brun, d'ale-
san, de gris pommelé, de rouan. (Rabel.)
— Quand on désigne la nuance, on dit
elliptiquement et invariablement : Des che-
vaux bai foncé, bai clair, bai fauve, bai cerise,
bai châtain, bai marron, bai brun. Jument bai
foncé, bai clair, etc. Six carrosses avec des
chevaux bai brun. (Rog. de Beauv.) Peut-être
faudrait-il compter pour beaucoup sa grosse
vieille jument bai brun qui traînait la carriole.
(Balz.)
— Bai miroité on d miroir, Dont le corps
est parsemé de taches rondes d'une teinto
plus claire que la teinte générale : Cheval bai
À miroir. Cavale bai miroité.
— Substantiv. Cheval bai, cavale baie : Un
beau bai. Une calèche attelée de deux bais. Il
descendit dans l'écurie, non sans un dépit secret
de ce que le comte avait mis la main sur un
attelage qui renvoyait ses bais au numéro deux
dans l'esprit des connaisseurs. (Alex. Dum.)
— s. m. Couleur baie : Un bai clair. Un bai
brun. Un bai fauve. Un bai cerise. Un bai c/i<3-
tain. Un bai doré.
— Le mot bai s'est appliqué autrefois aux
personnes, avec le sens de blond.
— Homonymes. Baie, bée, bey,
BAI ou BAIS, en ital. BAJ (Thomas), chanr
teur et compositeur italien, né dans la seconde
moitié duxvii" siècle. Après avoir été pendant
plusieurs années ténor a la chapelle du Vati-
can, il fut nommé maître de cette chapelle en
1713, honneur dont il ne jouit pas longtemps,
car il mourut l'année suivante. Un seul ou-
vrage, mais un chef-d'œuvre complet, a im-
mortalisé son nom, le Miserere. Depuis plus
d'un siècle, le Miserere d'Allegri était seul
exécuté pendant la semaine sainte à la cha-
pelle pontificale. Sur la prière des chantres,
Bai écrivit un nouveau Miserere qu'on trouva
si beau, qu'il fut chanté chaque année pendant
l'époque consacrée, concurremment avec celui
d'Allegri jusqu'en 1761. Plusieurs grands maî-
tres se sont essayés dons le Miserere, entre
autres Vartini en 1768, et plus tard Pasquale
Pisari; mais aucune de ces tentatives ne fut
couronnée de succès, et depuis ces essais in-
fructueux, on n'a cessé de chanter chaque
année le Miserere de Bai. 11 existe encore de
cet auteur diverses œuvres religieuses manus-
crites.
BAIAN, célèbre magicien, fils de Siméon,
roi des Bulgares, qui passait pour se transfor-
mer en bête féroce, quand il voulait effrayer
son peuple,
BAÏANISME -s. m. fba-ia-ni-sme — rad.
Baïus). Théol. Ensemble des doctrines théo-
logiques de Baïus. il On dit aussi bayawsme
et baïisme.
— Encycl. ■ Le fond du baïanisme, dit l'abbé
Rohrbacher (Histoire universelle de l'Eglise
catholique), c'est la confusion de la grâce et
de la nature. Suivant Baïus_, comme suivant
Luther, la gloire ou la vision intuitive de
Dieu en lui-même n'est pas une fin surnatu-
relle à l'homme, ni la grâce un don surnaturel,
un moyen surnaturel pour y parvenir. L'une
et l'autro sont une partie intégrante de la
nature humaine, comme d'être composée d'un
corps et d'une âme, d'avoir des yeux et des
oreilles. Suivant Baïus, comme suivant Lu-
ther, l'homme déchu ne peut plus faire que le
mal, toutes les couvres des infidèles sont des
péchés, etc. »
On peut rapporter les diverses propositions
qui constituent le baïanisme à trois chefs
principaux : 1° l'innocence primitive ou édé-
nique ; 2° la déchéance originelle ; 3» la ré-
paration ou la rédemption par la croix.
1« Suivant Baïus, on ne saurait distinguer
dans l'homme, tel qu'il est sorti des mains du
Créateur, c'est-à-dire intègre , la nature et la
grâce, 1 innocence et la justice; pour une
créature raisonnable et sans tache, il n'y a
pas deux fins, une fin naturelle et une fin sur-
naturelle gratuitement ajoutée à lo première ;
il n'y a qu'une fin. qui est la béatitude céleste.
-BAI
Dieu ne pouvait créer l'homme en dehors de
cette fin ; il ne pouvait lui assigner une autre
destination. « L élévation et l'exaltation à la
participation de la divine nature, dit Baïus,
fut chose due k l'intégrité de la première
création, et, par suite, elle doit être dite natu-
relle et non surnaturelle. Absurde est le sen-
timent de ceux qui disent que l'homme, dès le
commencement , fut élevé au-dessus de la
condition de sa nature, afin qu'il honorât Dieu
surnaturellement par la foi, l'espérance et la
charité. » Ainsi, pour Baïus, cette fin de
l'homme, qui est la gloire ou la vision béati-
fique de Dieu, est enfermée dans le fait même
de la création, c'est-à-dire essentielle à la
nature de l'homme innocent, et ne peut être
rapportée à une prétendue adoption divine
qui aurait suivi la création et élevé l'homme
au-dessus de sa condition naturelle. 11 en ré-
sulte que l'homme innocent avait droit aux
moyens d'atteindre cette tin; que Dieu ne
pouvait les lui refusersans déroger à sa bonté,
a sa sainteté, à sa justice; que ces moyens ne
méritent le nom de grâce qu'autant qu'on se
sert de ce mot pour désigner les dons, les bien-
faits de la création elle-même ; que, dans l'état
d'innocence, le mérite des vertus et des bonnes
actions était purement naturel ; que 1». félicité
éternelle attachée à ces mérites était une
pure rétribution où la libéralité gratuite de
Dieu n'entrait pour rien; que l'homme innocent
était a l'abri de l'ignorance, de la souffrance
et de la mort en vertu de sa création ; que
l'exemption de tous ces maux était une dette
que Dieu payait à l'état d'innocence, un
ordre ét&blv par la loi naturelle toujours inva-
riable parce qu'elle a pour objet ce qui est
essentiellement bon et juste; que Dieu n'au-
rait pu créer, dès le principe, l'homme tel
qu'il naît maintenant, c'est-à-dire exposé à la
souffrance et sujet a la mort; que la souf-
france et la mort ont nécessairement pour
origine le péché, soit actuel, soit originel.
2° Passons à. la théorie baïaniste du poché
originel. Pour Baïus le péché originel n'est
pas simplement négatif; il ne consiste pas
dans la privation de l'état surnaturel, do la
grâce, dans la réduction de l'homme a la
pure nature et à la nature amoindrie ; il mé-
rite proprement et dans un sens positif lo
nom de péché; il est constitué par la vo-
lonté même de l'enfant, volonté in habitu,'
qui n'attend pour se manifester in actu que
1 âge de raison. Lo transmission de cet état
virtuellement mauvais de la volonté ne pré-
sente pas d'autre mystère que celle des ma-
ladies dont nous recevons le germe en nais-
sant; elle.se ramène ainsi à une grande loi
parfaitement démontrée par l'expérience.
Cette théorie du péché originel renferme deux
conséquences : la première, qu'en vertu de la
loi générale de transmission par l'hérédité,
tout péché actuel se transmet naturellement
à la postérité du pécheur et peut devenir ori-
ginel ; la seconde, que l'état de déchéance dans
lequel nous naissons exclut toute efficacité du
libre arbitre pour le bien, Baïus n'hésite pas
à accepter ces conséquences. — «Tout péché,
dit-il, a, par sa nature, la force d'infecter lo
transgresseur et toute sa postérité en la même
manière que nous a infectés lo première trans-
gression. — Dans l'état de déchéance, le libre
arbitre sans le secours de Dieu ne vaut que
pour le péché. — C'est une erreur pélagienne
de dire qu'il peut y avoir dans l'homme déchu
quelque chose de bon naturellement, c'est-à-
dire tirant son origine des seules forces de la
nature. — Tout ce que fait le pécheur ou l'es-
clave du péché est péché.— Toutes les œuvres
des infidèles sont des péchés, et les vertus des
philosophes sont des vices.— L'homme déchu
ne peut résister, sans le secours de la grâce,
h aucune tentation. — Il ne peut y avoir
d'honnêteté naturelle, de justice naturelle,
d'amour naturel de Dieu, chez l'homme déchu.
— Entre la cupidité dominante et la charité
dominante, entre l'amour divin et l'amour hu-
main illicite et damnable, il n'y a pas de mi-
lieu, c'est-à-dire pas d'amour humain licite,
pas d'affections naturelles innocentes, loua-
bles. — Dans tous ses actes, le pécheur obéit
à la cupidité dominante. » Baïus cependant
n'entend pas, comme Luther, nier le libre ar-
bitre ; mais son libre arbitre s'accommode de
la. nécessité interne de faire le mal et ne re-
pousse que la violence externe ou lacoaction.
« Ce qui est fait volontairement, dit-il, bien
qu'il soit fait nécessairement, est cependant
fait librement. » Il ajoute que bien que néces-
sité au mal et impuissant au bien, l'homme
déchu n'en est|pas moins criminel, ni moins
punissable devant Dieu.
3« Comment Baïus et ses partisans conçoi-
vent-ils la réparation de la nature humaine
déchue? ils disent formellement que le sacri-
fice de la messe ne mérite pas plus le nom de
sacrifice que toute œuvre faite en vue de
s'unira Dieu; que la rétribution de la vie
éternelle s'accorde aux bonnes actions sans
avoir égard aux mérites de J.-C; qu'elle n'est
pas même, à proprement parler, une grâce de
Dieu, mais l'effet et la suite de la loi natu-
relle, en vertu de laquelle le royaume céleste
est le salaire de l'obéissance à la loi; que
toute bonne œuvre est de sa nature méri-
toire du ciel, comme toute mauvaise est de
sa nature méritoire delà damnation; que le
mérite des œuvres vient uniquement de
l'obéissance à la loi ; qu'il ne saurait y avoir
d'autre obéissance à la loi que celle qui Daît
de la charité et qui est inspirée par le Saint-
Esprit. La justification des adultes, selon
BAI
Baïus, consiste dans la pratique des bonnes
œuvres et la rémission des péchés. Lo charité,
principe des bonnes œuvres, et la rémission
des péchés, sont deux faits indépendants et
qui ne sont pas nécessairement liés l'un a
Fautre. La charité justifie actuellement, mais
n'efface pas le passé ; les sacrements de bap-
tême et de pénitence ne confèrent pas la grâce
sanctifiante, ne remettent pas la coulpo du
péché, mais la peine seulement. Il en résulte
qu'il peut y avoir dans les pénitents et les
catéchumènes une charité parfaite sans que
les péchés leur soient remis ; qu'un homme,
en péché mortel, peut avoir une charité par-
faite sans cesser d'être sujet à la damnation
éternelle, parce que la contrition, même par-
faite, jointe à la charité et au désir du sacre-
ment, ne remet point la dette de la peine éter-
nelle, hors le cas de nécessité ou de martyre,
sans la réception actuelle du sacrement. La
théorie baïaniste du mérite est très-simple et
découle de celle du péché originel. « Il n'y a
point de vrais mérites, dit Baïus, qui ne soient
conférés gratuitement à des indignes; par
conséquent, le fidèle n'est pour rien dans ses
mérites ; les bonnes œuvres qui lo justifient
lui sont, en réalité, étrangères ; elles ne peu-
vent satisfaire à la justice de Dieu pour les
peines temporelles qui restent à expier après
la rémission des péchés ; ces peines no peu-
vent être rachetées même par les souffrances
des saints : c'est la négation des œuvres su-
rérogatoires et de la réversibilité des satis-
factions.»
a Le baïanisme, dit l'abbé Borgicr (Dic-
tionnaire de théologie), est, comme le re-
marque solidement le théologien Montagne,
un composé bizarre de pélagianisine, quant à
ce qui regarde l'état de nature innocente, de
luthéranisme et de calvinisme pour ce qui
concerne l'état de nature tombée. Quant à
l'état de nature réparéo, les sentiments do
Baïus sur la justification,, l'efficacité des sa-
crements et le mérite des bonnes œuvres sont
directement opposés à la doctrine du concile
de Trente Il n'est pas nécessaire d'être
profond théologien pour démontrer que ce
système est absurde en lui-même. Sur quoi
se fonde Baïus pour soutenir que Dieu devait
à la nature innocente tous les privilèges et
les avantages accordés à Adam : Dieu sans
doute ne peut pas créer l'homme en état de
péché, cela serait contraire à sa sainteté et à
sa justice ■ mais comment prouvera-t-on que
Dieu devait à l'homme exempt de péché toile
mesure des dons spirituels et corporels, tel
degré de bonheur et de bien-être pour le pré-
sent et pour l'avenir. On ne peut fonder cette
prétention que sur les sophismes des anciens
philosophes et des manichéens touchant l'ori-
gine du mal. Dieu, essentiellement maître de
ses dons et tout-puissant, peut en accorder
plus ou moins à l'infini et en telle mesure
qu'il lui plaît. C'est le principe qu'a posé saint
Augustin avec raison pour réfuter les mani-
chéens. Il y a de l'absurdité à supposer quo
Dieu doit quelque chose à une créature à la-
quelle il ne doit pas même l'existence. Dnns
cette hypothèse ridicule, il serait impossiblo
de concilier la permission du péché avec la
justice, la sagesse, la sainteté et la bonté de
Dieu. S'il devait tant de faveurs à l'homme
innocent, pourquoi ne lui devaital pas aussi
la grâce efficace pour persévérer dans l'inno-
cence î Dans ce môme système, la rédemption
du monde par J.-C. est absolument nulle. Le
genre humain avait tout perdu par lo péché
d'Adam; que lui a rendu J.-C? de quoi l'a-t-il
racheté ou délivré? Nous n'en savons rien...
Si au moins ce système était consolant, ca-
pable de nous inspirer l'amour do Dieu et le
goût des bonnes œuvres, on no serait plus
surpris de l'opiniâtreté avec laquelle il a été
soutenu ; mais il n'en est aucun qui soit plus
propre à désoler et à décourager les âmes
vertueuses, à faire envisager Dieu comme un
tyran et notre existence comme un mal-
heur. »
Quelle place le baïanisme occupe-t-il dans
l'histoire des systèmes théologiquus ortho-
thodoxes ou hétérodoxes qu'a suscités la ques-
tion des rapports de la nature et de la grâce,
du libre arbitre et de la toute-puissante action
divine ? Ecoutez M. l'abbé Le Noir : * Au delà
du cercle orthodoxe se trouvent, aux deux
extrémités opposées, le naturalisme excessif
et le surnaturalisme excessif. Le naturalisme
excessif se manifeste principalement dans lo
pélagianisme et le semi-pélagianisme. Pelage
soutient que l'activité humaine se suffit à
elle-même pour élever l'homme au plus haut
de la sainteté et de la gloire, et les semi-pé-
lagiens croient modifier suffisamment l'exa-
gération de leur maître en disant qu'il faut la -
grâce, la motion divine, mais que cette grâce
est accordée à un premier mouvement de vo-
lonté purement humain dans le sens de la
vertu, en sorte que c'est l'homme qui a la
priorité dans l'œuvre de sa sanctification
Le surnaturalisme excessif se développe sur
une plus grande échelle ; il prend toutes les
formes, il emploie toutes les ruses- C'est le
prédestinatianisme, le wicléfisme, le luthé-
ranisme, le calvinisme, le baïanisme, le
jansénisme. L'homme perd son autonomio
et sa liberté -, il devient un instrument pu-
rement passif dans la toute - science et la
toute-puissance ; il n'est plus rien ; Dieu est
tout en lui ; il est absorbé et son activité est
neutralisée. Ballotté entre les mauvais pen-
chants et les attraits de la grâce, il ira où
BAI
BAI
BAI
BAI
Dieu, de toute éternité, a voulu qu'il aille, et
ses propres efforts, en coopération ou en ré-
sistance aux appels de la vertu, ne sont rien
dans ia balance de la suprême justice Au
dedans du cercle orthodoxe se placent l'au-
jvustinianisme et le molinisme, le premier du
côté du pôle dii surnaturalisme excessif, le
second du côté du pôle du pélagianisme. L'au-
giistinianisme, donnant moins à l'homme, veut
que la prédestination n'ait pas seulement lieu
par prescience, mais plutôt quêta prescience
soit une suite de la prédestination; que la
grâce qui sauve soit différente par sa nature
de celle qui suffirait si l'homme le voulait,
mais qui ne suftit jamais; que le décret tou-
chant le salut soit antécédent chez Dieu à la
connaissance du mérite de la créature. Le
molinisme, donnant plus à l'homme, veut que
la prédestination soit complètement subor-
donnée a la prescience, que la grâce efficace
ne diffère de celle qui n'est que suffisante
que par le fait même de la coopération ou de
ia résistance libre, que le décret du salut soit
subordonné a la connaissance des mérites. »
La critique rationaliste, sans s'occuper des
limites arbitraires, et variables suivant les
époques, qui séparent l'orthodoxie des sys-
tèmes hétérodoxes, voit dans le moliniime
une véritable renaissance du semi-pélagia-
nisme, et dans l'augustinianisme la tige qui a
produit très-naturellement le baîanisme et le
jansénisme. Il est certain que Baïus, et après
lui Jansénius et Quesnel, ne firent* guère que
reproduire, en les développant, les doctrines
augustiniennes. Saint Augustin n'avatt-il pas
posé en principe la corruption totale de la
nature humaine par le péché d'Adam? N'en
avait-il pas tiré la'conséquence que l'homme
déchu n'a ni la volonté, ni le pouvoir de faire
le bien ; que c'est le Saint-Esprit qui allume
dans les saints la volonté, si bien qu'ils' peu-,
vent parce qu'ils veulent, et qu'ils veulent
parce que Dieu les détermine à vouloir : [Spi-
ritu sancto accenditw voluntas earum ut ideo
possint quia sic velint; ideo sic velint, quia
Deus operatur ut velint) ; que Dieu agit sur
les cceurs non-seulement par les moyens ex-
térieurs de la loi et de l'enseignement, mais
par une opération intérieure et cachée (No?i
lege et doctrina forinsecus, sed interna atque
occulta, mirabili ac ineffabili potestate, ope-
rari Deimi in eordibus hominum non solum
veras reoelaliones, sed etiam bonus voluntates) ;
que c'est la grâce seule qui produit les bonnes
oeuvres par lesquelles se manifeste la charité,
qu'elle est irrésistible et agit -même contre la
volonté de l'homme (Non est dubitandum vo-
luntati Dei humanas voluntates non posse re-
sistere) 1 N'avait-il pas établi la prédestination
absolue basée, non sur les mérites des élus,
ni sur la prescience de Dieu, mais unique-
ment sur son bon plaisir (elegit nos Deus in
Christo ante mundi constitutionem , prœdesti-
nans nos in adoptionem fdiorum : non quia per
nos sancti et immaculati futuri eramus, sed '
elegit prœdestinavitque ut essemus; fecit au-
tem hoc secundum placitum voluntatis suœ)t
N'avait-il pas enseigné que nul n'a le droit de
se plaindre de ce décret absolu de prédesti-
nation, parce que tout le genre humain ap-
partient à la masse de corruption, et, par suite
du péché d'Adam, mérite la damnation éter-
nelle; que dans cette masse de perdition,
Dieu a résolu de sauver quelques hommes
dont le nombre est invariablement lixé (certus
numerus ellKtorum , neque augendus, neque
minuendus) ; que les élus ne doivent leur élec-
tion, ni a leurs mérites ni à leur foi, mais à
la seule miséricorde de Dieu; qu'ils seront, il
est vrai, jugés selon leurs œuvres, mais que
le don de la grâce étant inamissible et Dieu
faisant tourner leurs péchés mêmes à leur
plus grand bien, ils peuvent, en définitive,
avoir la certitude d'être sauvés?
Les doctrines de Baïus ont été condamnées
par le pape Pie V en 1567 (bulle Ex omnibus
afflictionibus) , parle pape Grégoire XIII en
1579 ([bulle Provisionis nostrœ),et par le pape
Urbain VIII en 1041 (bulle In eminenti).
Baïapua s. m. (ba-ia-pou-a). Erpét. Cou-
leuvre d'Afrique, appelée aussi boIga.
BAIABDI ou BAIARDO (André), poète ita-
lien qui, à la fin du xve siècle et au commen-
cement du xvie, fut en faveur auprès de Louis
Sforza, duc de Milan. Son principal ouvrage
est un poëme intitulé : Libro d'arme e d'amore
nomaio Philogine.
BAIARDI ou BAIAKDO (Octave-Antoine),
antiquaire italien, né à Parme vers 1690, d'une
famille noble qui prétendait descendre de notre
Bayard, mort vers 1765. Il embrassa l'état
ecclésiastique et vint à Rome, où il parvint
aux dignités de référendaire et de notaire du
saint-siége. Sa réputation d'archéologue le fit
appeler a Naples par Charles III, lors de la
découverte d'Herculanum, pour travailler à
la description des monuments. Il rédigea d'a-
bord, en un volume in-folio, le catalogue des
monuments rassemblés à Portici. Ce volume
devait être suivi d'un autre qui comprendrait
les figures et les descriptions. En attendant
que les gravures fussent terminées, Baiardi
obtint du roi la permission de composer un Pro-
drome, ou prérace, destiné à faire connaître
L'époque et l'utilité des fouilles. Mais le désir de
faire briller son érudition, très-réelle d'ailleurs,
l'entraîna si loin qu'il publia cinq volumes
énormes in— i°, sans avoir abordé son sujet.
Le roi, impatienté de tant de lenteur et d'abon-
dance, distribua lu travail à plusieurs savants
qui formèrent l'académie Ercolanèse , dont
Baiardi reçut d'ailleurs la présidence, avec un
traitementde 6,000 écus ; mais l'irascible érudit
ne tarda pas à quitter Naples, se .considérant
comme frustré de la gloire qu'il attendait s'il
fût resté seul chargé de ce vaste travail. Il
parait qu'il avaiE encore en portefeuille les
matériaux de deux nouveaux volumes de son
terrible Prodrome. Heureusement ils y sont
restés. L'abbé Barthélémy, dans son Voyage
en Italie, donne des détails piquants sur ce
personnage, qui composait des poésies latines
sur des sujets tels que celui-ci : Description
anatomique du cerveau. Il s'occupait d'un
Abrégé de l'histoire universelle, qu'il voulait
bien réduire à douze volumes, ce qui était
assurément une grande concession de sa part,
et dans lequel il préludait par fixer le point du
ciel où Dieu plaça le soleil en' formant le
monde. Il venait, ajoute Barthélémy, de dé-
couvrir ce point, et il me le montra sur un
giobe céleste. Malgré ces petits ridicules ,
Baiardi avait un vaste savoir; mais son esprit
mal réglé ne lui permit pas d'en tirer un grand
parti. Le seul ouvrage imprimé que l'on con-
naisse de lui est le Prodromo dell' antichita
d'Ercolano (Naples, 1742-1756). Il a eu quel-
que, part aux premiers volumes du magnifique
ouvrage intitulé : Les Antiquités d'Hercula-
num (1757-1792).
BAIART s. m. (ba-iar). Techn. Auge do
maçon pour porter le ciment.
BAÏBOUT ou BAÏBOUnOI, ville de la Tur-
quie d'Asie, dans l'Arménie, pachalik et à
90 Ml. N.-O. d'Erzeroum, sur le Tschorokhi ;
château fort; 6,000 hab.
BAICLAKLAR s. m. (bè-kla-klar). Relat.
Porte-enseigne dans les armées turques.
BAÏDAR, nom d'un petit village et d'une
vallée très-fertile de la Russie d'Europe, en
Crimée. Le village est sans importance; mais
la vallée, qui n'a que 15 kil. de long sur 8 de
large, mérite d'être mentionnée pour la beauté
exceptionnelle de ses sites et sa fertilité fabu-
leuse ; c'est dans cette vallée que prend sa
source la petite rivière de Tchernaia, rendue
célèbre par le3 événements de la guerre de
Crimée.
BAIDAR s. m. (bè-dar). Mar. Sorte de ba-
teau du Kamtschatka, portant une voile et
allant à l'aviron, il On dit aussi baydar et
BAYDARGDE.
BAÏDOU-KAN ou BAÏDU-KHAN, roi tartare
ou mongol, succéda en 1290 à Kandjiatou-Kan,
que la corruption de ses meeurs avait fait dé-
poser. Mais Kazan ou Gazan, gouverneur du
Khorazan, vint bientôt lui disputer le pouvoir,
et, étant parvenu à corrompre un de ses meil-
leurs généraux, il n'eut pas de peine à le vain-
cre. Baïdou prit la fuite, mais ses ennemis s'em-
parèrent de sa personne et le tuèrent après
un règne de huit mois seulement. •
BAIE s. f. (bè — du v. fr. bayer ou béer,
être ouvert). Constr. Ouverture pratiquée
dans un mur, dans un pan de bois, une cloi-
son, pour servir de porte ou de fenêtre. Onze
sujets tirés de la vie d'Hercule forment autour
de la salle comme une sorte de frise, interrom-
pue par les baies des fenêtres. (Th. Gauth.)
L'ouverture par laquelle le jour entrait dans
le cachot était une espèce de baie pratiquée
au-dessus du cordon qui couronnait extérieu-
rement le donjon. (Balz.)
— Encycl. Les baies des portes et des croi-
sées sont presque toujours rectangulaires ,
quelquefois carrées ou presque carrées, géné-
ralement plus hautes que larges. Une baie-en
maçonnerie se compose de trois parties prin-
cipales : îo la partie inférieure, qui est hori-
zontale et se nomme seuil pour les portes, et
appui pour les croisées ; 2<i les doux parties
latérales, qui sont verticales et s' appellent mon-
tants, dosserets, etc. ; 3° la partie supérieure,
qui prend les noms de linteau, traverse, poi-
trail, plate- forme, etc., quand elle est droite et
horizontale, et celui d'arc, quand elle est cin-
trée. Dans les constructions en bois, les baies
sont formées par des huisseries, c'est-à-dire par
une charpente composée de deux montants ou
poteaux réunis supérieurement par un linteau:
il y a, de plus, un appui, s'il s'agit d'une croisée.
BAIE s. f. (bê — du v. fr. bayer ou béer, être
ouvert). Géogr. et mar. Petit enfoncement
de la mer dans l'intérieur des terres, qui,
comme un port, peut servir d'abri aux vais-
seaux : La baie de cette cote est sûre. (Acad.)
On ne peut pas dire qu'une baie soit un petit
golfe, car celles d'iludson et de Baffin, au nord
de l'Amérique, sont plus 'étendues qu'aucun
golfe, excepté celui du Mexique. (Ferry.) Les
matelots, retenus dans une baie par un grand
calme, y péchèrent des morues. (Mignet.)
— Rem. Nous avons attribué au mot baie
un sens conforme à celui que lui donnent les
ouvrages spéciaux, et c'est celui qu'on devra
lui assigner lorsque le mot sera pris comme
appellation générale; mais nous devons ajou-
ter que lorsqu'il sert à désigner un enfonce-
ment dans les terres déterminé, l'usage a le
plus souvent consacré des dénominations qui
s'écartent du sens propre du mot. Ainsi la baie
d'Budson est loin d'être un petit golfe; beau-
coup d'anses, de rades et surtout de golfes sont
dénommés baies; en revanche, beaucoup de
baies portent le nom d'anses, de rades et sur-
tout de golfes. La confusion pratique entro
ces divers mots est à peu près complète.
— Homonymes. Bai, bée, bey.
— Antonymes. Bec, cap, pointe, promon-
toire.
BAIE s. f. (bê — lat. bacca, même sens).
Bot. Fruit charnu, indéhiscent, qui ne ren-
ferme pas de noyau, mais une ou plusieurs
graines : Baie de rosier, d'églantier, de gené-
vrier, d'asperge, de laurier. La dénomination
de baie est encore peu précise et s'applique à
des structures fort différentes. (A. Richard.)
— Baies monospermes, Celles qui n'ont
qu'unesemence. Il Baies dispermes, trispérmes,
polyspermes, Celles qui ont deux, trois, plu-
sieurs semences, il Baie umioculairej bilocu-
laire, triloculaire, multiloculaire, Baie à une,
deux, trois, plusieurs loges,
— Parext, On donne encore le nom de baies
à des fruits dont les semences sont contenues
dans des logos, telles que ceux de la morelle,
do la belladone, etc. [| Dans ce cas, on dit aussi
FAUSSES BAIES.
— Baie à ondes, Arbro de moyenne gran-
deur, qui croît à Saint-Domingue, dans les
lieux sablonneux, et qui appartient à la
famille des légumineuses.
— Liturg. Dimanche des Baies, Un des noms
que l'on donnait au dimanche des Rameaux,
parce qu'on y portait souvent des branches
do laurier garnies de leurs baies.
— Encycl. Les baies appartiennent à la
classe des fruits charnus, et elles reçoivent des
dénominations spéciales, d'après le nombre de
semences qu'elles contiennent. Elles consti-
tuent un aliment recherché par de nombreuses
tribus d'animaux , parmi lesquels on peut
ranger les carnassiers de la plus grande taille.
L'ours ne les dédaigne pas, et lorsque La Fon-
taine nous montre le renard convoitant
Des raisins mûrs apparemment,
Et couverts d'une peau vermeille,
le fabuliste est dans le vrai. Mais c'est surtout
à la nombreuse famille des oiseaux que les
baies servent de nourriture, et c'est peut-être
à cette circonstance que certaines plantes,
telles que le groseillier et la vigne elle-même,
doivent leur propagation. « La pèche et l'abri-
cot, dit M. Ferry, seraient encore en Asie si
des voyageurs n'avaient pas pris soin de les
apporter en Europe ; si ces fruits avaient été
réduits à la grosseur d'une baie, ils auraient
depuis longtemps envahi tout l'ancien conti-
nent , et peut-être le nouveau monde. » —
« Quand on examine attentivement les diverses
espèces de fruits qui ont reçu le nom de baie,
dit M. Richard, on reconnaît entre elles des
différences extrêmement tranchées. Ainsi, il
y a des baies uniloculaires et monospermes,
soit primitivement , soit par suite d avorte-
ment ; d'autres qui proviennent d'un ovaire à
deux, trois, ou a un plus grand nombre de
loges polyspermes, dont les graines sont atta-
chées a. l'angle interne de chaque loge, comme
dans les genres de la famille des solanées a
fruits charnus; d'autres, au contraire, pro-
viennent d'ovaires à graines pariétales, comme
les groseilliers. Tantôt la baie résulte d'un
ovaire libre; tantôt, au contraire, l'épicarpe
est formé par le calice adhérent avec l'ovaire
infère. Ces observations suffisent pour prouver
que la dénomination de baie est encore peu
précise, puisqu'elle s'applique a des structures
fort différentes. »
BAIE s. f. (bê — rad. bayer, parce qu'on
fait bayer ceux à qui on donne une baie).
Bourde, tromperie qu'on fait à quelqu'un
pour se divertir, pour plaisanter : Il tint ce
dernier avis encore pour une baie. (D'Aùbigné.)
Mais c'est peut-être encore une de ces baies
bonnes pour amuser les enfants autour du feu.
(Gér. de Nerv.)
— Donner la baie, une baie à, Tromper;
décevoir :
J'ai donné cette baie à bien d'autres qu'a vous.
Corneille.
Le sort a bien donné la baie a mon espoir,
MOI.IÈKE.
— Rem. Ce mot se prononçait autrefois
ba-ie, comme on le voit par ce vers de Cor-
neille, où il est de deux syllabes :
On leur fait admirer les baies qu'on leur donne.
Du reste, l'orthographe de ce mot a beau-
coup varié ; car il s'est écrit bée, puis baie,
puis baye, et enfin baie a été définitivement
préféré.
BA1ER (Jean-Guillaume), théologien alle-
mand, né en 1647, mort en 1095. Il professa la
théologie à Halle, fit partie du consistoire do
Weimar et devint chapelain du duc. Il a donné
des ouvrages de théologie. — Un de ses fils,
JeanrGuillaume (1675-1729}, théologien et na-
turaliste, a publié des écrits pour démontrer
que le Béhémoth et le Léviathan de la Bible
sont l'éléphant et la baleine, et pour prouver
la réalité du déluge par le témoignage des
fossiles. — Un deuxième fils, Jean-David
(1681-1752), a publié de nombreux écrits de
théologie. — Enfin, un troisième des fils de Jean-
Guillaume l'ancien est celui dont l'article suit.
BAIER (Jean-Jacques), célèbre médecin et
naturaliste allemand, né à. Iéna en 1677, fils
du théologien Jean-Guillaunie, mort en 1735.
Il exerça la médecine à Nuremberg, à Halle,
à Ratisbonne et fut professeur à la faculté
d'Altorf. Elu membre de l'académie des Cu-
rieux de la nature en 1720, il en devint prési-
dent en 1730. Il a laissé de nombreux ouvrages,
entre autres Oryctographia noriea, où il décrit
avec fidélité les minéraux et les fossiles ob-
serves aux environs de Nuremberg. Son fils a
publié des suppléments à ce travail.
baiérIne s. f. (ba-ié-ri-no — de Baiern,
nom allem. do la Bavière). Miner. Niobate ou
hyponiobate de fer et de manganèse.
| — Encycl. La baiérine est un corps à l'égard
duquel il existe encore beaucoup d'incertitude.
Ainsi, sa formule chimique n'est pas fixée, et
il en est de même de sa forme cristalline. L:i
baiérine a été longtemps confondue avec lu
tantalite, dont elle diffère cependant sous tous
les rapports. Elle est d'un noir de fer, et sa
poussière est d'un brun rougeàtre. Sa densité
n'est pas constante; elle est comprise entre
5 et 0. On la rencontre parfois en très-gros
cristaux présentant de belles irisations. Plu-
sieurs localités du Connecticut en fournissent
de beaux échantillons ; mais on la trouve sur-
tout en Bavière, au Groenland, dans l'Oural,
en Espagne et même en France aux environs
de Limoges. On l'a désignée successivement
sous les noms de tantalite de Bavière, tantalite
d'Amérique, columbite et niobile.
BAIERN, B.4YERN, nom allemand de la
Bavière.
BAÏES, BAIjE, en italien BAJA, ville du
roy. d'Italie, prov. et à 17 kil. S.-O. de Naples,
près du cap Misène, sur le golfe du même
nom. Port assez sur défendu par un fort;
4,500 hab. Baies était autrefois, à cause de son
site ravissant, qui faisait dire à Horace :
Nullus in orbe sinus Bajis ]ira'lucct amœnis,
a cause de la fertilité de son terroir et des
abondantes sources d'eaux minérales qu'il ren-
ferme, le séjour de prédilection des grands
seigneurs romains qui se croyaient en droit de
déposer là le masque de leur rigide républica-
nisme pour se livrer sans crainte aux délices
d'une vie toute de plaisirs et de volupté. Les
ruines nombreuses qui entourent la petite ville
moderne attestent son ancienne splendeur. Les
débris des trois temples de Venus-Genitrix, de
Mercure et de Diane-Lucifera, ainsi que les
restes de quelques- anciens thermes, attirent
surtout l'attention des archéologues.
BAIETTE s. f. (ba-iè-te). Comra. Sorte
d'étoffe de laine non croisée ou de flanelle
très-lâche et tirée à poil a 'un côté. Il On écrit
aUSSi BAYETTE."
BAÏF (Lazare de), diplomate et littérateur,
né près de La Flèche vers la fin dn _xv« siècle,
mort en 154". Il fut conseiller de François 1er
et ambassadeur à Venise et en Allemagne. Il
a traduit en vers français V 'Electre de Sopbo-
• cle et \' Hercule d'Euripide, et composé les
traités suivants, qui ont joui longtemps de
l'estime des érudits : De ne vestiaria, ])c Ile
navali, et De Ile vascularia. Le poste Baîf
était son fils.
BAÏF (Jean-Antoine), poète français, fils
naturel du précédent, né à Venise en 153?,
mort en 1589. Il fit partie de la pléiade Ron-
sard et écrivit dans le goût de ce poète, défi-
gurant la langue par un mélange bizarre de
mots grecs et latins, de comparatifs et de su-
perlatifs des langues mortes. 11 essaya même
d'inventer un alphabet, qui était composé de
dix voyelles, dix-neuf consonnes, onze diph-
thongues et trois triphthongues, et il voulut
introduire dans les vers français la cadence
et la mesure de la poésie ancienne ; mais ces
essais ne lui réussirent point. Au reste, d'au-
tres avaient rimé avant lui des vers mesurés
à la manière des Grecs et des Latins, mais
sans plus de succès. Il ne s'en fit pas moins
honneur de cette frivole invention en donnant
aux vers de ce genre le nom de baïfins. Il
faut cependant reconnaître que sa fièvre d'in-
novation ne fut pas inutile aux progrès litté-
raires de notre langue. En 1570, il avait ob-
tenu l'autorisation de fonder chez lui une
académie de poésie et de musique, qui fut la
première société littéraire établie en France,
mais qui ne lui survécut point.
Les tentatives d'innovation de Baïf ne sont
pas toutes aussi folles que certains critiques
se le sont imaginé. Ce que l'on a appelé la bi-
zarrerie de son orthographe, qui consistait à
écrire chaque syllabe conformément au son,
sans aucun égard pour l'étymologie, est un
système que Ramus avait déjà voulu mettre
en pratique, et qui compte de nos jours les
partisans les plus éclairés. Le chancelier Ba-
con , dans son livre de l'Accroissement des
sciences, avait certainement pris Connaissance
des tentatives de Baïf, lorsqu'il s'exprime
ainsi ; « L'orthographe vulgaire a donné lieu
à des disputes. Doit-on écrire les mots comme
on les prononce, ou ne vaut-il pas mieux se
conformer entièrement à l'usage? L'écriture
qui se donne pour réformée, c' est-a-dire con-
forme à la prononciation, est une de ces sub-
tilités qu'on peut regarder comme inutiles ;
car la prononciation varie à chaque instant et
n'a rien de fixe ; ce qui fait disparaître entiè-
rement les dérivations de mots, surtout de
ceux qui sont tirés des langues étrangères...
A quoi bon cette innovation ? »
Baïf a laissé neuf livres de poëmes, sept
d'amour, cinq de jeux, cinq de passe-temps,
une tragédie d'Antrgone en vers de cinq pieds ;
une comédie en cinq actes, imitée de Plaute,
en vers de quatre pieds et intitulée le Brave
ou le Taille-Bras; enfin, des mimes, ensei-
gnements et proverbes. Mais aujourd'hui per-
sonne ne lit plus ces ouvrages.
BAÏFIN s. m. (ba-i-fain — du nom do Baïf).
Littér, Espèco do vers dont le poète Baïf
55
BAI
BAI
BAI
BAI
avait eu l'idée, et riui auraient été cadencés
et mesurés à la manière dus vers grecs et la-
tins. Pasquier attribue cotte invention à Jo-
dello, et des critiques plus modernes en font
donneur à Jean Mousset.
BAIGNADE s. f. (bè-gna-dc; gn mil. — rad.
baigner). Action de se baigner. Syn. de bain :
Voici le mois d'août: en course, camarades;
La chasse le matin, et le soir les baignades.
Erizeux.
BAIGNANT (bè-gnan; gn mil.) part. prés.
du v. Baigner :
..,...,.. En ioif/nniiCson visage,
Mes pleurs du sentiment lui rendirent l'usage.
Racine.
BAIGNÉ, ÉE (bè-gné ; gn mil.) part. pass.
du v. Baigner. Plongé dans un bain : Enfant
lavé et baigné tous les jours.
— Par exagér. Mouillé, trempé : Baigné
de sang. Baigné de larmes. Baigné de sueur.
Baigne de rosée. Le roi Charles IX se voyait
tout baigné de son sang dans son lit. (Sully.)
Tous les yeux étaient baignés de larmes.
(Mme de Sév.)
Chimftne est au palais, de pleurs toute baignée.
Corneille.
Ces bras que dans le sang vous avez vus baignés
Racine.
— CoDtigu à une pièce d'eau ; arrosé, tra-
versé par un cours d'eau : Les cotes baignées
par l'Atlantique. Ce pays est baigné par la
Loire. L'Egypte est baignée par les eaux du
Nil. (Trév.)
— Poétiq. Baigné de lumière , Inondé de
lumière, vivement éclairé : Un ciel, un ta-
bleau baigne de lumièke. A peine, de temps
en temps, quelques peseurs de sucre ou quel-
ques charrettes attardées traversent-ils lente-
ment la rue baignée de soleil. (Ose Merlin.)
— Fig. Comblé, rempli : Il parait baignij
dans l'excès de la joie à tous ceux qui ne le
connaissent pas. (Mme de Sév.) Milady sentit
son âme baignée d'une joie infernale. (Alex.
Dirai.)
— Comm. Turquoise baignée, Turquoise
osseuse, décolorée par le temps, <jui a été ou
que l'on suppose avoir été trempée dans une
préparation contenant de l'oxyde do cuivre,
afin de lui restituer sa couleur primitive :
Les turquoises baignées sont peu estimées,
parce qu'elles n'offrent aucune garantie à l'a-
cheteur. (Edm. Halphen.)
BAIGNEAU s. m. (bè-gno; gn mil.). Tom-
bereau, u Par plaisant. Estomac : Mets core
ça din tin baigneau. (Mets encore cela dans
ton estomac.) u Ce mot appartient au patois
du centr.o de la France.
BAIGNER v. a. ou tr. (bè-gné ; gn mil. —
rad. bain, qu'on a écrit autref. baing, d'où
baingner, puis baigner). Plonger et tenir dans
un liquide : Baigner ses pieds dans l'eau. Bai-
gner des étoffes dans une cuve de teinturier. Il
Faire prendre un bain ou des bains à : Bai-
gner un enfant, un malade. Baigner un chien,
un cheval. Plusieurs peuples de l'antiquité
baignaient dans l'eau froide les enfants nou-
veau-nés. (Encycl.)
Tressez les chevelures blondes
Des femmes aux regards tremblants,
Baigna dans le cristal des ondes
Le marbre arrondi de leurs flancs.
Latour-Saint-Ybars.
— Par exagér. Mouiller, tremper : Baigner
son visage de ses larmes. Baigner la terre de
ses sueurs. Je t'écris à genoux; je baigne mon
papier de mes larmes. (J.-J. Rouss.)
Elle prend ses enfants, et les baigne de pleurs.
Racine.
Quand pourra mon amour baigner avec tendresse
Ton front victorieux de larmes d'allégresse.
Corneille.
— Par anal. Plonger à plusieurs reprises :
Il baignait avec délices ses mains rouges et
sèches dans l'or. (H. Castille.)
— Particulièrem. Etro contigu ; arroser,
couler sur ou auprès de, en parlant d'une
masse ou d'un cours d'eau : L'Océan et la Médi-
terranée baignent les côtes de la France. Le Nil
daigne l'Ethiopie. L'onde molle et silencieuse
daignait les pieds du temple. (Chateaub.) Le
llhin ne baigne pas les murs de Strasbourg.
(Gêr. de Nerv.) De toutes les villes que baigne
la mer italienne, Gènes est la plus belle. (J.
Janin.)
J'ai, malgré leurs efforts, soumis a votre règne
Ce que le Tibre lave et que le Gange baigne.
Roi-Rot;.
Dans la riche Hesperie, où, de ses belles o.ndes,
Le Tibre baigne en paix les campagnes fécondes.
Delille.
J'atteignis le sommet d'une rude colline
Qu'un lac baigne à sa base et qu'un glacier domine.
Lamartine.
— Poétiq. Imprégner :
De parfums enivrants baignez ces chastes voiles.
M"* DE GlRARDIN.
Il Remplir, inonder do lumière ou d'un cer-
tain éclat particulier : Un soleil ardent baigne
la rue et les maisons.
Un Bi touchant regard baigne votre prunelle !
V. Hugo.
Il Entourer de toutes parts : Les nuages bai-
gnent les créneaux, et l'épervier, en passant,
se déchire la plume au fer de la lance des sen-
tinelles. (Th. Gaut.)
— v. n, ou intr. Rester plongé dans : Un
regoAt qui baigne dans sa sauce. Il faut que
ces herbes baignent dans l'esprit -de -vin.
(Acad.) L'algue marine baigne dans l'eau.
(Boiste.)
— Par exagér. Etre mouillé : Baigner
dans le sang ou dans son sang.
— Poétiq. Etre entouré, enveloppé; Les
figures baignent comme dans une atmosphère
de clair de lune. (Th. Gaut.)
Se baigner, v. pr. Prendre un bain ," se
mettre et rester dans l'eau': Se baigner dans
la rivière, dans un étang. Il lui prit envie de
se baigner, tout échauffé qu' il était. (Vaugel.)
Les Lapons se baignent tous ensemble, filles
et garçons, mères et fils. (Volt.) Les oiseaux
vont souvent aux abreuvoirs, autant pour se
baigner que pour se désaltérer. (Baudrillart.)
I! Se mouiller, se plonger dans un liquide :
Je me fais du bonheur avec la moindre chose :
D'une goutte d'eau claire où, sous un rayon pur,
Se baigne un scarabée au corselet d'azur.
Théophile Gautier.
— Poétiq. Se plonger dans : Comme les es-
prits de l'air doivent se réjouir à poursuivre
ces parfums subtils et à s'y baigner ! (G. Sand.)
Je me glissais dehors, afin de me baigner un
peu dans l'air libre. (P. Fôval.)
— Fig. Savourer, se plonger à plaisir, se
complaire dans : Les autres sont au moins per-
suadés de leurs égarements ; pour lui, il se
nAiGNE dans la confiance. (Mmc de Sév.) Je
me baignais dans sa rage, et je me délectais à
le lui faire sentir. (St-Sim.)
— Se baigner dans le sang, Le verser, le
répandre en abondance ou avec plaisir :
Songe au fleuve de sang où mon bras s'est baigné.
Corneille,
Songez-vous dans quel sang vous aller vous baigner?
Racine.
Dans l'infidèle sang baignez-vous sans horreur.
Racine.
Dans le sang innocent ta main va se baigner.
Voltaire.
. , Une impie étrangère
Se baigne impunément dans le sang de nos rois.
Racine.
— Fauconn. So dit do l'action de l'oiseau
do proie qui se plonge dans l'eau, ou qui se
mouille à la pluie.
— Avec suppression du pronom personnel :
Mener baigner un cheval. Il faut mener l'élé-
phant à l'eau, et le laisser baigner deux ou
trois fois par jour. (Bufl'.)
BAIGNES-S.UNTE-BADEGONDE, village et
comm. de France, ch.-l. de cant., arrond. et
U 13 kil. S.-O. de Barbezieux (Charente) ; pop.
aggl. 737 hab. — pop. tôt. 2,631 hab. Com-
merce considérable de bœufs et de porcs gras
destinés à l'approvisionnement de Bordeaux.
BAIGNEUR, EU SE s. (bè-gn'eur, eu-ze ;
gn mil. — rad. baigner). Personne qui se
baigne : Dieppe a été fréquenté cette année
par une foule de baigneurs et de baigneuses.
On voit dans le Gange vingt ou trente mille
baigneurs en même temps, par un principe su-
perstitieux de dévotion. (Trév.) Ce tableau re-
présente une baigneuse. (Acad.) Il Dans un
établissement de bain, Garçon ou fille de
service, il Aux bains de mer. Homme quiac-
compagne, pour les aider, les soutenir, les
secourir au Desoin, les personnes qui se bai-
gnent.
baigneuse s. f. (bè-gneu-ze; gn mil. —
rad. baigner). Cost. Sorte de vêtement, de
peignoir pour le bain, il Sorte d'ancien bonnet
cle femme à petits plis.
— Plis en baigneuse, Plis façonnés comme
ceux des bonnets appelés baigneuses.
Ru:giicii«cn (les), tableau du Bolognèse ;
musée du Louvre (n° 215). Trois femmes qui
viennent de sortir du bain sont groupées au
bord d'une rivière, qu'ombragent de beaux
arbres j l'une d'elles est assise sur une espèce
de coussin ; les deux autres, debout à ses cô-
tés, semblent être ses suivantes. A l'empres-
sement que ces femmes mettent à reprendre
leurs vêtements, on peut présumer qu'elles crai-
gnent d'être surprises par quelque indiscret.
Ces figures sont médiocrement peintes, mais
le paysage est traité d'une façon remarqua-
ble : les eaux sont limpides, transparentes ;
les arbres sont bien choisis ; le feuille est tou-
ché avec esprit et fermeté. On pense que ce
tableau a été peint par le Bolognèse, à Paris,
vers 1653. Il a été gravé par Haldenwang,
dans le Musée français.
Baigneuses (les), tableau de C. Poelen-
burg, au Louvre (no 386). Cette charmante
composition, que l'on intitule encore Femmes
sortant du bain, ou la Sortie du bain, est l'un
des meilleurs ouvrages de l'-auteur. Au pre-
mier plan d'un riant et frais paysage, qu une
rivière traverse, cinq baigneuses sont occu-
pées & reprendre leurs vêtements : l'une
d'elles, debout et de face, a une attitude fort
fracieuse ; trois de ses compagnes sont assises
ses côtés, près d'un bouquet de grands ar-
bres ; une cinquième, qui est sans doute restée
plus longtemps au bain que les autres, accourt
effrayée et tient devant elle sa tunique comme
pour se couvrir. On aperçoit, sur la rive op-
posée, des pâtres conduisant leurs troupeaux.
Ce tableau, qui n'a pas plus de 0 m. 15 de
haut sur o m. 25 de large, est peint avec une
grande légèreté de touche, dans des tons tins
et séduisants. Il a été gravé dans le Musée
Filhol, Poelenburg a représenté souvent le
même sujet, notamment dans un autre tableau
du Louvre (no 385), où l'on voit trois baigneu-
ses sur les bords élevés d'une rivière, que
traverse un pont de bois jeté sur des restes
de constructions antiques; cette eeniposilion,
inférieure à la précédente sous le rapport de
l'exécution, a été aussi gravée dans te Musée
Filhol.
Baigneuses (les), tableau de L. de la Hire;
musée du Louvre (n» 292). Une rivière paisi-
ble serpente entre des collines ombragées par
de grands arbres. De nombreux groupes de
femmes , nues pour la plupart , animent et
égayent ce paysage. Les unes s'apprêtent à
so baigner, tandis que les autres se jouent
dans les eaux ou forment des danses sur la
rive. « Ce tableau, dit Emeric David, suffirait
pour assurer à La Hire un rang distingué dans
l'école française. La composition est riche et
agréable; le site riant et mystérieux; la ver-
dure a de la vérité ; le coloris est frais et
suave; les lumières sont bien ménagées; les
devants sont clairs; les grands arbres qui
remplissent la gauche n'offrent pas de très-
belles formes, mais la masse en est ferme et
savamment opposée aux inflexions élégantes,
aux tons légers et tins du bouquet de bois qui
orne la droite sur un plan plus éloigné; les
montagnes, le ciel qu'on aperçoit dans le fond,
sont riches de coloris ; les teintes en sont
brillantes et se lient parfaitement à l'harmonie
générale. Quant aux figures, elles sont posées
avec esprit, et les groupes fort habilement
variés. » Les Baigneuses se voyaient autre-
fois dans le cabinet du prince de Conti; ache-
tées 3,400 fr. par M. Tolozan en 1777, elles
ont été acquises par l'Etat à la vente de ce
dernier, en 1801, et payées 3,103 fr. Elles ont
été gravées par Suhroeder dans le Musée fran-
çais.
Baigneuses (les), par Van "Van Huysum ;
musée du Louvre (n° 233). Il serait plus juste
d'intituler ce tableau : Baigneurs et baigneu-
ses ; ici, en effet, les loups sont mêlés aux
brebis; les satyres se baignent avec les nym-
phes. Quatre femmes demi-nues sont grou-
pées sur la rive au premier plan ; d'autres
prennent leurs ébats dans la rivière ; des na-
geurs entourent une barque pleine de bai-
gneuses. De grands arbres couvrent cette
scène de leur ombre discrète; dans le loin-
tain, des fabriques pittoresques s'élèvent au
pied des montagnes ; à droite, un pont con-
duit h un château. Emeric David blâme vive-
ment Van Huysum de n'avoir pas assez scru-
puleusement observé dans cette composition
toutes les convenances morales. «Un est pas
vraisemblable, dit-il, que des femmes et des
hommes se rassemblent , pour se baigner,
dans un lieu vaste et entièrement découvert,
où se rencontrent en même temps des pé-
cheurs et des bergers. L'art doit s'interdire,
sinon tout ce que réprouvent des mœurs très-
sévères, du moins tout ce qui est contraire à
la vraisemblance. » Cette réserve faite, le sa-
vant critique déclare que ce tableau présente
le charme le plus séduisant : « Le site est
riant et varié ; le fond est gai, riche et bril-
lant ; les eaux sont limpides. Dans toutes les
parties de cet ouvrage précieux,vVan Huy-
sum a déployé le talent vraiment magique
dont la nature l'avait doué : le pinceau de cet
aimable artiste y est aussi frais et aussi suave
que dans ses plus beaux tableaux de fleurs. »
Les Baigneuses ont été gravées par Godefroy
dans le Musée français, par Desault et Lenard
dans le Musée Filhol.
Baigneuses (les) , tableau de Nicolas Pous-
sin, gravé parEdme Jeaurat (1708). Deux nym-
phes sont assises au bord d'une eau limpide
qui couvre le premier plan : l'une essuie ses
membres délicats ; la seconde, par un mouve-
ment des plus gracieux, ramène sur sa jolie
tête, vue de face, une draperie blanche qui
descend sur ses épaules. Plus loin, trois autres
baigneuses, entièrement nues, saisissent à la
hâte leurs vêtements : l'une d'elles semble
vouloir se cacher derrière l'un des grands ar-
bres du fond; mais, comme la Galatéo de
Virgile, elle veut être vue auparavant :
Et se cupit ante videri.
Baigneuses (les), tableau de M. Diaz, gravé
dans Y Artiste par M. Esbens. Cinq femmes, à
demi couvertes de draperies aux vives cou-
leurs, sont groupées au bord d'une pièce
d'eau : deux d'entre elles ont les pieds dans
l'onde limpide. Un petit chien jappe sur la
rive. De grands arbres garnissent le fond du
tableau; mais, par une éclaircie du feuillage,
glissent de vifs rayons de soleil, qui font cha-
toyer les étoffes , resplendir les carnations,
miroiter la surface du bassin. Ce tableau est
une des oauvre3 les plus fines, les plus lumiT
neuses de M. Diaz.
Baigneuses (les), tableau de M. Courbet,
Salon de 1853. Dans un vallon solitaire, où la
lumière se glisse discrètement à travers le
feuillage de quelques gros arbres et fait mi-
roiter une flaque d'eau, au premier plan, deux
femmes viennent de sortir du bain, ou plutôt
s'apprêtent à y entrer. L'une d'elles est as-
sise à terre ; elle a pour tous vêtements une
jupe de couleur, une chemise de toile, une
coiffe blanche, un bas à demi ôté; elle se
penche en riant pour regarder sa compagne.
Celle-ci est debout, a peu près entièrement
nue, car un linge, qu'elle retient avec la main,
dissimule a peine une partie de ses cuisses ;
elle tourne le dos au spectateur et lève son
autre main par un mouvement qui semble ex-
primer la surprise. Quel est le motif de cette
surprise ? On ne le devine guère, mais il ne
doit pas échapper à la baigneuse assise, dont
U provoque sans doute l'hilarité. Le specta-
teur est bien obligé de se contenter cle ce qu'il
voit. Cette femme debout étale des formes
plantureuses, une nuque large et épaisse, des
épaules arrondies, un dos que sillonne pro-
fondément une raie serpentine , indice de
santé et de force ; une taille souple et ferme
à la fois, que n'a jamais maté un corset, des
hanches puissantes, des mollets que pourrait
envier le vieux diplomate attendu à une soi-
rée officielle. Nous voilà, fort loin de la beauté
idéale des nymphes du peintre normand, de la
grâce voluptueuse des Bacchantes du Titien ;
mais il s'agit bien d'idéal avec M. Courbet :
c'est la nature même que cet inflexible réaliste
a voulu reproduire, non pas, bien entendu,
une nature maladive, amincie par les raffine-,
ments de la coquetterie, étiolée par les pro-
grès de la civilisation... féminine, mais la ro-
buste et saine nature que l'on rencontre
encore au village. Ce tableau, comme presque
tous ceux de M. Courbet, a soulevé beaucoup
de tempêtes : on a reproché très-vivement a
l'artiste d'avoir choisi des modèles peu faits
pour charmer les yeux ; mais les critiques les
plus hostiles ont été forcés de reconnaître les
qualités vraiment extraordinaires de l'exécu-
tion. M. Paul RIantz à écrit à ce propos les
lignes suivantes dans la Ileoue de Paris, en
1853 : ■> M. Courbet a cherché la laideur, et
tout le monde s'accorde à dire qu'il l'a trouvée,
bien qu'en se plaçant à son point de vue, le
mouvement du bras élevé puisse paraître en-
taché de noblesse. Cette concession, si c'en
est une, est la seule que M. Courbet ait faite
au bon style. Le dos de femme qu'il a peint
appartient à une réalité des plus grossières ;
mais dans ces chairs pesantes et grasses, on
sent le tressaillement de la vie. lïy a là des
détails de modèle qui dépassent en science
tout ce que font les plus habiles. Il est seu-
lement fâcheux , que le type étant admis,
M. Courbet ait coloré sa baigneuse de ce ton
boueux qui — perplexité douloureuse — laisse
obscure la question de savoir si elle entre
dans l'eau ou si elle en sort. » Edmond About
a dit de son côté : " Cette Baigneuse est moins
• un corps de femme qu'un tronc de chair, un
corps en grume, un solide. L'artiste- a traité
la nature numaine en nature morte. Il a bîtti
1 cette masse charnue avec une puissance digne
; de Giorgion ou du Tintoret. Le plus surpre-
i nant, c'est que cette grosse femme de bronze,
l articulée par plaques comme un rhinocéros, a
le jarret, les malléoles, et généralement toutes
, les attaches d'une finesse irréprochables. Elle
1 n'est pas dessinée comme un Holbein , car
, M. Courbet garde un reste de brutalité jusque
: dans ses délicatesses; mais on sent qu'il est
; entré avec rage dans la vérité des articula-
tions. Cette étude de dos est le morceau le
plus résistant et le plus complet que M. Cour-
bet ait jamais exposé. Tous les hommes de
goût ont cru devoir s'inscrire à la file contre
un tel scandale de nudité ; mais les hommes
de goût viendront au Louvre dans cent ans
rendre justice à la Baigneuse de M. Courbet. »
Baigneuse (la), tableau de M. Ingres, Salon
de 1855. C'est une femme de l'Orient, assise sur
un lit de repos blanc, dans une salle aux mu-
railles blanches, qu'éclaire une douce lumière
tombant de haut. Elle tourne le dos au spec-
tateur et jette de côté, par-dessus son épaule,
un regard furtif et inquiet. Elle est complète-
ment nue ; une gaze blanche et rouge se tor-
tille fort spirituellement autour de sa tête.
Cette figure est modelée avec uno fermeté et
une science peu communes, dans une gamme
claire, puissante et tranquille, sans autre re-
poussoir qu'un rideau de couleur sombre tendu
a gauche de la toile. « Ceci est de l'art tout à
fait élevé, a dit M. Max. Ducamp, et nous ne
croyons pas nous tromper en supposant que
M. Ingres a exécuté cette baigneuse après
avoir été à, Florence et après s'être comme
.imprégné des magnificences des Vénus cou-
chées du Titien, qui sont au palais des Offices. »
Baigncnses (les), tableau de M. Mulready,
salon de 1855. Une jeune femme est assise, un
pied replié sur l'autre, au bord d'un ruisseau
dont l'eau caresse une rive de sable fin semée
de jolis cailloux et bordée de rochers tapissés
de mousse. Elle est entièrement nue. Sa che-
velure blonde est dénouée et couvre en partie
la poitrine de ses flots d'or : son beau corps,
encore humide, joint à la blancheur du satin
des nuances fraîches et nacrées, des teintes
roses d'une délicatesse exquise. Au second
plan, une jeune fille sort de l'eau et remonte
sur la berge avec un mouvement de frayeur
spirituellement rendu : on devine que la char-
mante enfant craint d'être surprise dans sa
nudité par des regards profanes. Une troi-
sième baigneuse reprend ses habits, gardés
par une femme qui tient un enfant dans ses
bras. Au fond, des ânes broutent paisiblement
sur le penchant de la colline. « Chaque détail,
dans ce charmant tableau , dit M. Th. Gau-
tier, a été l'objet du 'soin le plus patient et
caressé avec un fini moelleux. La mousse se
couche et miroite a l'œil comme un velours
de soie ; les linges font voir leurs fils, les jupes
sont à prendre avec la main ; l'eau mouille les
bords du cadre : on y boirait. • A la vérité,
cette exécution précieuse conviendrait mieux
à une miniature qu'à un tableau peint à. l'huile :
le paysage est sec et froid, et il n'y a pas de
vie sous ces carnations si minutieusement
modelées. Ajoutons que le coloris de ce ta-
bleau manque de vént,é et même d'harmonie :
les tons bleus, roses, lilas, verts et blancs s y
heurtent d'une façon très-désagréable. Les
BAI
ÈAI
BAI
BAI
57
Baigneuses de M. Mulready n'en ont pas
moins été l'une des toiles capitales de l'école
anglaise à l'Exposition universelle de 1855,
Bnlgneune (la) , tableau de François Le-
moyne ; collection de M. le baron de Samatan.
à Marseille. Dans la notice qu'il a consacrée
à Lemoyne, M. Villot dit-que , pendant un
voyage fait en Italie, cet artiste peignit un
Hercule aux pieds d'Omphale et une Femme
entrant au. bain, dont Laurent Cars a donné
d'excellentes gravures. Le premier de ces ta-
bleaux, fait actuellement partie de la col-
lection de M. Louis Lacaze; le second, qui
appartient à M. de Samatan, a figuré à
l'Exposition de Marseille, en 1861. Voici la
description qu'en a donnée M. Marins Chau-
melin dans ses Trésors d'art de la Provence ;
' Une jeune et jolie femme, appuyée d'une
main sur un tronc d'arbre, et de 1 autre se dé-
Fouillant de son dernier voile, trempe dans
eau le bout de son pied mignon. Une sui-
vante à la mine espiègle la soutient. Ce groupe
est charmant. L'attitude de la baigneuse a
une grâce, une coquetterie, une souplesse qui
font oublier les imperfectious du modèle ! Les
chairs sont d'une couleur blonde plus agréable
que vraie. Les accessoires ne sont qu'in-
diqués. »
Dnigncusci, tableau de M. Bouguereau, Sa-
on de 1864. Une jeune femme, vue de dos, le
genou droit posé sur la rive, sort de l'eau et
se penche en avant pour reprendre ses habits.
Par-dessus son épaule, sa tête se retourne à
demi. Cette figure de femme, de grandeur na-
turelle, est modelée dans des tons très-lins.
« La demi-teinte qui baigne la jambe gauche,
dont le courant du ruisseau cercle la cheville
d'un bracelet d'argent, a les transparences
d'un clair-obscur corrégien,» a dit M. Th. Gau-
tier. Ajoutons que le dessin est savant, mais
que les contours manquent de distinction et
que le fond du paysage n'est pas indiqué avec
assez de fermeté.
Borgucuge (la), statue en marbre de Car-
rarre (hauteur 1 m. 710), par Julien, musée du
Louvre. Cette jolie nymphe, retenant de la
main droite sa chèvre favorite, a quitté ses
vêtements, et, assise sur un rocher que re-
couvre en partie son manteau, elle est sur le
point de se baigner. « Son air timide et incer-
tain, dit M. de Clarac, le mouvement de la
main gauche qui rapproche de son sein une
draperie, comme pour le dérober aux regards,
celui de la jambe gauche où il semble y avoir
de l'hésitation à entrer dans l'eau, indique-
raient que cette nymphe entend du bruit et
qu'elle craint d'être surprise par quelque in-
discret dans un lieu solitaire et écarté. Cette
charmante statue, l'une des plus gracieuses
figures de femme de la statuaire moderne, est
peut-être le meilleur ouvrage de Julien, l'un
des sculpteurs qui ont fait le plus d'honneur à
la sculpture française. » Elle était , il y a
quelques années, au Luxembourg; mais elle
avait été faite pour la laiterie de Rambouillet.
Une eau vive coulait à ses pieds, et le gauche
y touchait (ce qui en motivait le mouvement)
de même que celui de la chèvre, qui semblait
vouloir se désaltérer.
Comme on le voit par les descriptions qui
précèdent, de tout temps, les peintres et les
sculpteurs ont eu le privilège de nous mon-
trer sans voiles les charmes de la femme. Les
artistes de l'antiquité n'ont pas manqué de
prétextes pour user de ce privilège ; lorsqu'ils
voulaient représenter une femme vêtue de sa
seule beauté, ils n'avaient que l'embarras de
choisir parmi les gracieuses divinités propo-
sées au culte de tous. C'est aussi dans la my-
thologie que les artistes modernes ont puisé
le plus souvent leurs inspirations, lorsqu'ils
ont voulu peindre le nu. Qui pourrait dire
combien de Vénus, de Dianes, à'Arianes, de
Nymphes, de Naïades, sont écloses sous le
pinceau ou le ciseau des maîtres de toutes les
écoles ! Les occasions de représenter la femme
dans toute sa séduisante nudité ne se rencon-
trent guère dans l'épopée chrétienne; elles
sont moins rares dans la Bible. Il nous sufiira
de citer Suzanne et Bethsabée, surprises au
bain, la première par les vieillards, la seconde
par le roi David, deux sujets bibliques qui,
depuis la Renaissance jusqu'à nos jours, ont
été traités presque aussi souvent que celui de
Diane au bain. Quel tableau plus gracieux
que celui d'une baigneuse, tremblant d'être
surprise par quelque indiscret et cherchant,
par son attitude, à dérober des charmes qu'elle
découvre dans sa précipitation ! Une foule
d'artistes, peintres et sculpteurs, se sont em-
parés de ce thème et l'ont traité en dehors de
toute préoccupation historique.
BMGNKCX LES-JUIFS, bourg et comm.de
Fiance, eh.-l. de cant., arrond. et à 34 kilom.
S.-E. deChâtillon-sur-Seine; pop.;iggl.,426 h.
— pop. tôt., 452 hab. Education d'abeilles.
BAIGNOIR s. m. (be-gnoir; gn mil. — rad.
baigner). Endroit d'une rivière commode
pour se baigner, il Peu usité.
BAIGNOIRE s. f. (bo-gnoi-re; gn mil. —
rad. baigner). Vaisseau dans lequel on prend
an bain : Baignoire de zinc.
— Méd. Baignoire oculaire. Syn, û'œillcre.
— Théâtr. Petite loge du rez-de-chaussco,
au niveau du parterre.
— Techn. Poêle dans laquelle les hon-
groycurs font chauffer l'eau et le suif pour
apprêter les cuirs.
ii.
— Moll. Nom vulgaire de deux, coquilles,
l'une dugenre triton, l'autre du genreavicule.
— Bot. Baignoire de Vénus, Nom vulgaire
de la cardère ou chardon à foulon, dont les
feuilles opposées et soudées par la base for-
ment une cavité remplie d'eau après les
pluies, il On dit aussi bain de Vénus.
BAIGNOUX (Pierre-Philippe), homme poli-
tique et économiste. Nommé en 1791 député à '
l'Assemblée législative, il y devint membre du
comité des contributions et y rendit obscuré-
ment de grands services. Ce député modeste
et laborieux remplit ensuite les fonctions de
juge à Tours. Il a publié des écrits d'économie
politique, de géométrie et de géographie.
BAIGORRY, vallée de la France, dans l'an-
cienne Navarre ; 20 kil. de long sur 16 kil. de
large. Riches mines de cuivre. Victoire rem-
portée sur les Espagnols, le 24 septembre 1794,
par le général Dubouquet, commandant l'ar-
mée des Pyrénées-Orientales.
BAÏKAL s. m. (ba-i-kal). Ichthyol. Poisson
du genre callyonyme, qui habite le lac Baïkal.
BAÏKAL, grand lac de la Russie d'Asie,
dans la Sibérie méridionale, gouvernement
d'Irkoutsk, près des frontières septentrionales
de la Chine, entre 51" Zlf et 55° 40' de lati-
tude N., et par 101° 18' et 107» de longitude
E. Il s'étena du N.-E. au S.-E., en décrivant
un grand arc da cercle, dont la convexité est
tournée vers l'orient; sa longueur est de
CG0 kil. sur 35 à 85 kil. de largeur; d'après
MM. Mnglitzki et Raddé, sa superficie mesure
l,8l l kil. carrés, et son périmètre présente un
développement de 1,872 kil. En quelques en-
droits, la profondeur du Baïkal atteint 1,000 m.;
mais des sondages récents n'ont donné qu'une
profondeur moyenne de 150 m.
Ce lac forme plusieurs îles, dont la plus
importante est Olkhon, qui mesure 80 kil. de
longueur sur 30 de largeur ; ses côtes, très-
découpées , présentent de nombreux caps ,
dont le principal est le Sviatoï-Mys (cap saint),
qui forme, au nord de l'embouchure de la
Bargousine, une grande presqu'île, longue de
48 kil. Presque partout, les bords du Baïkal
sont très-hauts, escarpés et rocailleux ; les
roches qui forment ces escarpements sont le
schiste argileux, la serpentine sablonneuse et
le calcaire. Une infinité de petites rivières
coulent de ces hauteurs dans le lacj les af-
fluents les plus considérables sont : 1 Angara
supérieur, qui vient du N.-E.: la Bargousine,
dont l'embouchure est sur la cote E., et la Sa-
lenga qui vient du S. Il déverse ses eaux dans
ï'Ieniséi , par l'Angara inférieur. L'eau du
Baïkal est extrêmement légère, douce et si
limpide qu'on peut distinguer les plus petits
objets à une profondeur de 5 à 6 m. Malgré
ces qualités, les eaux de ce lac nourrissent
plusieurs poissons de mer, des esturgeons, des
sterlets, des saumons et des phoques. Les
phoques du Baïkal se distinguent des autres
par leur couleur argentée ; leurs peaux for-
ment un objet de commerce très-lucratif.
La navigation du Baïkal, quoique dange-
reuse, est néanmoins très-active pour le com-
merce avec la Chine, et un essai de bateaux à
vapeur y a très-bien réussi en 1845. Mais cette
navigation est impossible pendant la moitié de
l'année, à cause des glaces qui couvrent le lae
depuis le mois de novembre jusqu'au mois de
mai. M. Russel-Killough , qui a exploré le
Baïkal en 1803, exalte l'effet grandiose qu'offre
l'immense nappe de ce lac, entièrement saisie
fiar la glace ; cet intrépide voyageur traversa
e Baïkal en traîneau, et, a cette occasion, il
signale un fait assez étrange. « Pendant toute
la traversée, dit-il, nous ne cessâmes d'enten-
dre sous nos pieds des bruits tantôt sourds,
tantôt métalliques, comme les vibrations d'un
bourdon, et quelquefois on sentait une se-
cousse et la glace trembler, comme si les eaux
captives se soulevaient du fond de leurs abî-
mes pour briser avec fureur les voûtes qui
pesaient sur elles. Evidemment , il y avait,
dans le monde liquide enfermé la-dessous,
guerre civile, rage des éléments et véritable
tempête : nous sentions aussi distinctement
que possible le choc de chaque lame à mesure
qu'elle venait frapper sous nos pieds. Com-
ment expliquer , supposer même un pareil
phénomène, à moins, chose impossible, que
la glace et l'eau ne soient point en contact.
Ces bruits caverneux ne sauraient s'oublier :
on eût dit les plaintes des damnés sous les
portes de l'enfer de Dante, ■>
Le nom du fleuve Baïkal a été diversement
expliqué : les uns ont voulu le retrouver dans la
langue des Iakoutes, dans laquelle bai signifie
riche, et kel, lac: les autres n'ont pas craint
d'en rechercher 1 origine dans le chinois , et
ont rapproché Baïkal de Pe-kai, prononcia-
tion de Péking, Beï-khai, c'est-à-dire mer du
Nord. Mais, dit Klaproth, comme il n'est pas
probable que les peuples qui habitent les en-
virons de ce lac lui aient donné un nom
tiré du chinois, langue qu'ils ignoraient, la
dérivation de la langue des Iakoutes paraît
plus naturelle, surtout quand on sait que
cette nation vivait autrefois sur les bords du
Baïkal. Autrefois , les Russes appelaient le
Baïkal Velikoe-Ozeio, grand lac. Mais plus
tard ils changèrent ce nom en celui de Svia-
toï-More (mer sainte), terme impropre, comme
le fait très-justement remarquer Klaproth,
puisque le Baïkal ne renferme que de l'eau
douce, et n'est point une véritable mer.
- BAÏKALITE s. f. (ba-i-ka-li-te — rad. Baï-
kal). Minôr. Espèce appartenant au groupe
des pyroxènes, caractériséo par la présence
d'une certaine quantité de protoxyde de fer.
BAIL (Louis), théologien, né à Abbeville,
mort à Paris en 1669. 11 était docteur en Sor-
bonne et curé de Montmartre. Il a publié quel-
ques ouvrages aujourd'hui oubliés.
BAIL (Charles-Joseph), publiciste et admi-
nistrateur, né à Béthune en 1777, mort en
1827. Il s'enrôla comme volontaire en 1792, fit
la campagne de Belgique, entra dans l'admi-
nistration militaire, concourut avec le comte
Beugnot à l'organisation administrative du
nouveau royaume de Westphalie, et remplit
ensuite diverses fonctions élevées jusquen
1815. Il adonné beaucoup d'écrits un peu su-
fierficiels, mais qui contiennent des vues uti-
es : Des Juifs au xixe siècle ou Considérations
sur leur état civil et politique en Europe
(Paris, 1816); Essais historiques et critiques
sur l'organisation des armées et sur l'admini-
stration militaire en France (1817) ;Du cadas-
tre considéré dans ses rapports avec l'économie
politique et la répartition des impôts (1818);
De l'arbitraire dans ses rapports avec nos in-
stitutions, ou la Police, les prisons, le jury, les
lois pénales et la peine de mort en France
(1819). Il a en outre édité la Correspondance
de Bernadotte avec Napoléon de 1810 à 1814.
BAIL s. m. (bail; Il mil. — bas lat. balium,
même sens). Convention par 'laquelle le pos-
sesseur ou le détenteur légal d'un bien meu-
ble ou immeuble en cède la jouissance à
certaines conditions et pour un temps déter-
miné : Bail notarié. Bail sous seing privé.
Faire passer, signer un bail. Rompre, résilier
un bail. Etre à fin de bail. Renouveler un
bail, des baux. Il vint lui signifier de rompre
le bail. (Mme de Sév;) Ce n'était pourtant pas
une chose si difficile que de compter avec des
fermiers et de renouveler des baux. (G. Sand.)
De très-longs baux sont une garantie pour le
fermier en prospérité. (M. de Dombasle.) il Se
dit aussi du contrat, de l'acte authentique
ou sous seing privé qui constate le bail : J'a-
vais perdu mon bail, et j'ai été bien heureux
de retrouver cette pièce importante. Regar-
dez ; c'est écrit sur le bail. Je ne dois pas les
contributions : mon bail n'en dit rien.
Les espèces de baux sont nombreuses et
diversement modifiées par la nature des con-
ventions qui en font la base :
— Bail emphytéotique, Acto par lequel un
propriétaire donno à bail, pour un grand
nombre d'années, pour quatre-vingt-dix-
neuf ans par exemple, une quantité de ter-
rain, à la charge, pour le preneur, de culti-
ver, d'améliorer, de construire, etc., et de
payer une redevance annuelle.
— Fig. : Il est réservé à peu de gens de faire
vu bail emphytéotique avec la vie.
— Bail judiciaire, Bail d'un héritage saisi
réellement, qui se faisait à la poursuite du
commissaire aux saisies réelles. Il Bail à chep-
tel. Contrat par lequel l'une des parties donne
à 1 autre un fonds de bétail, pour le garder, le
nourrir et le soigner à des conditions conve-
nues, n Bail à comptant, Concession de la
jouissance d'un terrain planté d'arbres et
surtout de vignes, à la charge de remettre
ou propriétaire une partie de la récolte, ordi-
nairement la moitié ; n'est guère en usage
que dans quelques départements, il Bail à
convenant ou à domaine congéable, Bail par
lequel le preneur se chargeait de payer une
rente et de faire les corvées ordinaires, en
laissant au bailleur la faculté de lui donner
congé en le remboursant de la valeur des
constructions établies sur le fonds, il Bail à
culture perpétuelle ou à locatairie, Celui par
lequel le preneur était tenu d'entretenir le
fonds en bon état de culture, et de payer an-
nuellement une redevance, moyennant quoi
on lui cédait la jouissance perpétuelle de la
propriété. Il Bail à ferme, Celui qui a pour
objet une exploitation rurale. I! Bail à longues
années, Bail dont la durée excède neuf ans. Il
Bail à loyer, Celui qui a pour objet la loca-
tion d'une maison ou d'un appartement, n
Bail à moisson, Celui qui stipulait le partage
dos fruits. Il Bail à nourriture de mineurs^ Ce-
lui par lequel on se chargeait d'entretenir un
mineur, moyennant une certaine somme. [|
Bail à vie, Bail dont la durée est égale
à celle de la vie du preneur ou du bail-
leur, moyennant une redevance stipulée dans
le contrat, il Bail de mariage, Autrefois, puis-
sance d'un mari sur les biens et la personne
de sa femme. Il Bail d'entretien, Adjudication
au rabais, pour un temps déterminé, de la
fourniture des matériaux nécessaires à, l'en-
tretien d'une route ou d'un ouvrage quelcon-
que, n Bail de tacite reconduction, Bail dont
la prolongation au delà du terme est de droit,
par le fait seul du maintien du preneur en
paisible possession, il Bail de trois, six, neuf,
Bail qui peut être résilié à l'expiration de la
troisième, de la sixième ou de la neuvième
année, par la volonté soit du preneur, soit
du bailleur. Il Bail par anticipation, Bail fait
pour le compte d'un mineur ou d'un incapa-
ble, plus de six mois avant l'expiration du
bail précédent.
— Tenir à bail, Occuper par bail, par suite
de bail : Maître Rami tenait à bail la prin-
cipale ferme. (L. Roybaud.)
— Ane. dr. Tuteur, administrateur des
biens d'un mineur ou d'un incapable. Le bail
diffère du garde en co que ce dernier mot
s'appliquait plus habituellement aux pères et
mères, et le premier aux collatéraux j en la-,
tin, bajulus, et en grec, baioulos; dans cette
dernière langue, il est syn. de pédagogue,
instituteur : Bail, garde, mainbour, gouver-
neur,... sont quasi tout un. (A. Loysel.) Le
mari est bail de sa femme. (A. Loysel.) Il Tu-
telle d'un mineur ou d'un incapable : Accep-
ter le bail d'un pupille. Il Vider hors le bail,
Sortir de garde et de tutelle. Il Dans ces
divers sens, on écrit aussi baile. V. ce mot.
— Féod. Droit de bail, Celui qui était dû
au seigneur pour tout bail déplus de dix ans.
— Par ext. Promesse de rester quelque
part ou de faire quelque chose : A u moindre
mécontentement, je le quitterai; je n'ai pas
fait de bail avec lui.
Je vous passerai, dès demain,
Un bail d'amour devant notaire.
Sarrazin.
Ii Engagement , convention tacite ou ex-
presse : La chance est une dame qui ne fait de
bail qu'avec les sots. Il n'est pas de bail pos-
sible avec le bonheur. Le voilà installé ici;
vous verrez qu'il a fait un bail. Voilà donc ma
pauvre amie partie pour l'autre mo-ide; on peut
dire qu'à son Ûge elle avait fini son bail avec la
nature. (J. de Maistre.)
Pour une femme aimable, au printemps de son âge.
C'est un bail assez long que deux ans de veuvage.
Andrieux.
Sans place, dites-moi, vous ne pourrie: donc vivre?
Mais, pour vouloir ainsi rester au gouvernail,
Avec l'Etat, messieurs, avez-vous passa bail?
C. Bonjour.
— Encycl. Législ. et écon. rur. Le bail est
une des variétés du louage; c'est une des con-
ventions les plus usuelles dans la société, où la
solidarité humaine ne se maintient que par
l'échange continuel des services; le proprié-
taire prête sa chose, le locataire paj'e ce prêt,
et tous deux obtiennent ainsi la satisfaction
de leurs besoins. Cette double satisfaction
d'intérêts conserve un juste équilibre lorsque
la concurrence et l'abondance des choses don-
nées en louage permettent une discussion sé-
rieuse des prix et des conditions ; mais vienne
une crise, un état anormal , l'équilibre est
rompu ; le propriétaire met sa chose à. trop haut
prix ou, au contraire, il subit la loi du loca-
taire. Trop heureux encore dans les deux cas,
l'un de trouver la chose dont il ne peut se
passer, l'autre de recevoir de sa chose un
prige quelconque. C'est surtout pour les loyers
de maisons que ces alternatives se présentent.
Les éléments principaux de la convention
appelée bail sont la détermination de la chose
louée et la fixation du prix de location : les
éléments accessoires sont les conditions par-
ticulières que les parties sont libres de con-
sentir pour satisfaire leurs convenances pro-
pres. On appelle, dans le langage du droit et
de la pratique, locateur ou bailleur, celui qui
loue sa chose ^-locataire, fermier ou preneur,
celui qui la prend à bail. La dénomination de
fennier s'applique plus spécialement au loca-
taire d'un bien rural. Le prix de location se
nomme loyer, et fermage lorsqu'il est dû par
un fermier.
— Législation des baux. La législation des
baux est contenue tout entière dans le Code
civil, où ont été réunies les dispositions épar-
ses dans les anciennes lois. Les baux sont
soumis aux règles générales des obligations,
renfermées dans l'article 1 108 et suivants de
ce Code. Toutes sortes de biens, meubles et
immeubles, peuvent être loués par ceux qui
les possèdent ou qui en ont la jouissance, avec
des restrictions pour ces derniers, quant à la
durée du bail (art. 595, 1718, 1459, 1430). S'ils
sont usufruitiers, tuteurs ou mariés en commu-
nauté de biens, les baux faits pour plus de
neuf ans s'arrêtent à cet espace de temps, et
les baux conclus plus de trois ans après l'ex-
piration du bail courant pour les biens ruraux,
et plus de deux ans pour les maisons, sont
sans effet, a moins que leur exécution n'ait
commencé avant la lin de la communauté ou
de l'usufruit. La nullité des baux faits contrai-
rement à la loi ne peut être invoquée que par
l'incapable devenu capable, ou par ses héri-
tiers. Toutes personne peuvent louer toute
chose à elles appartenant, excepté les mineurs,
les interdits et la femme mariée, qui ne peut
louer qu'avec l'autorisation de son mari; h
moins qu'elle ne soit séparée de biens. Le bail
peut être fait par écrit ou verbalement (arti-
cles 1714-1715); mais dans ce dernier cas, quand
le bail n'a pas reçu un commencement d'exécu-
tion, il ne peut être prouvé par témoins : le ser-
ment peut seulement être déféré à celui qui nie
le 6ai7. Quand l'exécution a commencé, à défaut
de quittance, le serment du propriétaire suffifc
pour établir le prix du hait verbal, si mieux
n'aime le locataire demander l'estimation par
experts (I71C). Les baux excédant la durée de
dix-huit ans doivent être écrits, car la loi du
23 mars 1855 les soumet a la formalité de la
transcription, sous peine de ne pas faire foi
contre les tiers. Le bail écrit peut être public,
c'est-à-dire rédigé par un notaire assisté de
témoins ou d'un de ses confrères, ou bien sous
seing privé. Ce dernier est soumis à des règles
contenues dans les articles 1322 et suivants.
Il a la même autorité qu'un acte authentique,
à moins de désaveu de l'écriture, auquel cas
la vérification en est ordonnée en justice. 11
doit être rédigé autant d'originaux qu'il y a de
parties ayant des intérêts distincts ; on en fait
même un pour la caution, s'il y en a, quoique
ses intérêts ne soient pas distincts de ceux de
la partie qu'elle cautionne. L'acte doit faire
mention du nombre des originaux ; toutefois,
un acte sous seing privé serait valable quow
8
?.p-
BAI
qu'il ne fit pas mention du nombre des origi-
naux, si celui qui le contesterait avait exécuté
de sa part les conventions portées dans l'acte.
Enfin, tout acte sous seing privé qui n'est pas
enregistré dans les 3 mois donne ouverture au
payement d'un double droit d'enregistrement.
Les principales obligations du bailleur consis-
tent : à délivrer en bon état la chose Ipuée; à
l'entretenir en état de servir à l'usage pour
lequel elle a été louée ; à en laisser au preneur
la paisible jouissance pendant toute la durée
du bail. Le preneur doit user de la chose louée
en bon père de famille et suivant la destina-
tion convenue ou présumée convenue; en
outre, il doit payer le prix du bail tel qu'il a
été stipulé. Ces obligations réciproques exis-
tent sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation
à cet égard, et l'infraction de l'une d'elles
par l'une des parties contractantes peut au-
toriser l'autre à demander la résiliation du
bail. Le preneur doit en outre rendre les lieux
en bon état, ou du moins tels qu'il les a reçus
s'il a été fait un état des lieux. Il répond de
l'incendie, solidairement même avec les an-
tres locataires, à moins qu'il ne prouve que le
sinistre provient de cas fortuit, de force ma-
jeure, de vice de construction, ou qu'il a été
communiqué par la maison voisine, ou qu'il est
le fait d'une personne déterminée dont il n'est
civilement responsable a aucun titre. D'un
autre côté, le preneur a toujours le droit de
sous-louer, s'il n'y a convention contraire.
Le bail se résout par l'expiration du terme
fixé ou par un congé signifié de part et d'au-
tre, suivant l'usage des lieux ; il se résout en-
core par la perte de la chose louée. La mort dû
preneur ou du bailleur n'entraîne pas la rési-
liation du bail : les obligations et les droits de
chacun d'eux passent a leurs héritiers. La
vente de la chose louée ne porte aucune at-
teinte aux droits du preneur.
— Diverses espèces de baux. On distingue
Ïilusieurs sortes de baux; les principaux et
es plus utiles sont : le bail à loyer, pour les
maisons et les meubles ; le bail à ferme et le
bail à cheptel, pour les biens ruraux; il y a
encore le bail emphytéotique, le bail à vie, le
bail à convenant ou à domaine congéable, en-
core usité en Bretagne ; le bail à locatairie,
locatairerie ou culture perpétuelle ; le bail à
colonage paritaire, le bail à comptant ou à
partage des fruits, usité dans les pays vigno-
bles ; et enfin le bail de tacite reconduction.
— Bail à loyer. On appelle bail a loyer le
louage des maisons et celui des meubles. Ce
contrat est soumis aux règles suivantes : le
locataire d'une maison est tenu de la garnir
de meubles suffisants ou de donner des garan-
ties pour le payement du loyer. Il est tenu
des réparations locatives, à moins qu'elles ne
soient occasionnées par vétusté ou force ma-
jeure; le curement des puits et des fosses
d'aisances reste à la charge du bailleur. Si, à
l'expiration du bail écrit, le locataire-d'une
maison ou d'un appartement continue sa
jouissance, il est censé les occuper aux mê-
mes conditions, pour le terme fixé par l'usage
des lieux, et ne pourra être expulsé qu'après
un congé signifié en délai utile. A Paris, ce
délai est de six mois, trois mois ou six semai-
nes avant l'époque ou l'on veut faire cesser le
bail, suivant l'importance et la nature de la
location. En cas de résiliation par la faute du
locataire, celui-ci est tenu de payer le prix du
bail pendant le temps nécessaire a la reloca-
tion, sans préjudice des dommages et intérêts
qui ont pu résulter de l'abus. Le bailleur ne
peut résoudre le bail en déclarant son inten-
tion d'occuper par lui-même la maison ou
l'appartement loué, à moins qu'il ne s'en soit
expressément conservé le droit, et, dans ce
cas même, il est tenu de signifier d'avance un
congé aux époques déterminées par l'usage
des lieux. La location d'un appartement meu-
blé faite à tant par an, est censée faite pour
un an, pour un mois quand elle est faite a
tant par mois, et ainsi de suite. Si rien n'indi-
?ue la durée de la location, celle-ci est censée
aite suivant l'usage des localités. Le bail des
meubles fournis pour garnir une maison, une
Boutique ou un appartement, est censé fait
pour la durée ordinaire des baux de maisons,
de boutiques et d'appartements, selon les usa-
ges reçus.
— Bail à ferme. Le bail h ferme est un
contrat agricole par lequel l'une des parties
livre à l'autre la jouissance paisible d'un fonds
de terre, sous la condition que celle-ci le culti-
vera en bon père de famille et qu'elle en payera
une rente annuelle. Faire connaître la nature
et les conditions de ce contrat, définir les
droits et les devoirs réciproques du preneur
et du bailleur, rechercher les moyens d'éta-
blir entre eux cette confiance et cette sécu-
rité sans lesquelles il n'y a pas de progrès
possible pour l'agriculture, tel est le but de
cet article. Nous nous proposons, en consé-
quence, d'examiner successivement : la légis-
lation du bail à ferme, sa formation, sa durée,
sa fin.
Législation du bail à ferme (C. civ., art. 1763
et suiv.J. Si le preneur d'un héritage rural ne
le garnit pas des bestiaux et des ustensiles
nécessaires à son exploitation ; s'il abuse de
la chose louée et l'emploie à un autre usage
que celui auquel elle a été destinée, ou en gé-
néral s'il n'exécute pas les clauses du bail et
qu'il en résulte un dommage pour le bailleur,
celui-ci peut, suivant les circonstances, faire
résilier le bail. Le preneur est tenu d'avertir
le propriétaire des usurpations qui peuvent
BAI ■
être commises sur son fonds? sous peine de
tous dépens, dommages et intérêts; U ne lui
est pas permis d'engranger ailleurs que dans
les lieux désignés par le contrat. Si le bail est
fait pour plusieurs années et que, pendant sa
durée, la moitié au moins des récoltes ait été
enlevée par des cas fortuits, le fermier peut
demander une réduction du prix de sa location,
h moins qu'il n'ait été indemnisé par les ré-
coltes précédentes. Si le bail n'est que d'une
année, le preneur qui aura perdu par cas for-
tuit la moitié de ses récoltes sera déchargé
d'une part proportionnelle du prix de sa loca-
tion. Lorsque la perte se produit après que les
fruits ont été séparés de la terre, le fermier
n'a droit à aucune indemnité, à moins que le
bail ne donne au propriétaire une quotité de
la récolte en nature ; dans ce cas, le proprié-
taire devrait supporter une part proportion-
nelle de la perte, pourvu que le preneur no
fût pas en demeure de lui délivrer sa part de
récolte. Si le dommage, au Heu d'avoir été
causé par des cas fortuits, était l'effet d'une
cause existante et connue à l'époque où le
bail a été passé, le fermier ne pourrait pas
réclamer la remise d'une partie proportion-
nelle du prix du fermage. Du reste, le pre-
neur peut être chargé des cas fortuits par une
stipulation expresse. Le bail à ferme non
écrit est censé fait pour le temps nécessaire
a l'utilisation des fruits, pour un an si tous les1
fruits se recueillent dans la même année, pour
plusieurs années s'il s'agit de terres laboura-
bles qui s'exploitent en plusieurs soles. Le fer-
mier sortant doit laisser les pailles et les en-
grais de l'année, sauf à en être payé s'il ne
les a pas reçus en nature ou équivalent, à son
entrée dans la ferme. Il n'est pas rare, dans
certains pays où les exploitations rurales ont
quelque importance, que la sortie du fermier
amène un procès suscité soit par le fermier
entrant, soit par le propriétaire, et ayant pour
cause des détournements de paille ou de fu-
mier, des dégradations ou des abus de jouis-
sance. Le droit de sous-louer est toujours
sous-entendu dans un fermage, à moins de
stipulation contraire ; cependant, il n'en est
pas de même si le bail a été consenti moyen-
nant un partage de fruits avec le propriétaire ;
dans ce cas, le preneur ne peut ni sous-louer
ni céder son bail, à moins qu'il ne s'en soit
expressément réservé le droit.
Nature et clauses du bail à ferme. Le pro-
priétaire qui a l'intention de passer un bail, s'il
entend bien ses intérêts, doit faire en sorte que
les conditions en soient réglées un an et demi
ou deux ans avant l'expiration du bail actuel.
A conditions égales, l'ancien fermier doit être
maintenu dans son exploitation ; si, pour une
raison grave, on est forcé d'en prendre un
autre, on commence par rédiger un cahier des
charges ou projet de bail, qui peut être sou-
mis à l'examen des hommes compétents. Ce
projet de bail sera ensuite discuté entre le
bailleur et les divers amateurs qui se présen-
teront. Le propriétaire pourra céder sur les
circonstances accessoires, mais il maintiendra
soigneusement toutes celles qui sont la base
du système qu'il a adopté, à moins que les ob-
servations qu'on lui fera ne soient assez impor-
tantes pour le conduire à modifier le système
lui-même. Après avoir choisi le fermier, il
faudra s'occuper de la passation du bail. La
forme du bail, les clauses et les conditions
?[u'il est nécessaire d'y introduire, celles qu'il
aut écarter, méritent l'attention de tout pro-
priétaire soigneux. Aussi ne sera-t-il pas
inutile de rappeler ici quelques principes trop
fréquemment mis en oubli.
Les clauses renfermées dans un bail a ferme
ne doivent être ni trop nombreuses, ni trop
compliquées. Les restrictions imposées au
fermier n'auront rapport qu'au mode d'assole-
ment, à la quantité des terres à laisser en
prairies, au fumier de la ferme et à l'étendue
des terrains qui doivent rester en jachères
{tendant la dernière année du bail. Aller plus
oin, ce serait vouloir paralyser toutes les ten-
tatives d'amélioration et enchaîner le génie
des expériences, qui est la source principale
des progrès de l'agriculture. Cependant, tout
en laissant au fermier une grande liberté, le
propriétaire ne doit pas négliger les mesures
de prévoyance, surtout pour ce qui regarde
les dernières années du bail. Ainsi, il préci-
sera les règles générales de culture à suivre,
telles que celles qui consistent a mettre le sol
en bon état, à consommer toutes les pailles, à
ne pas vendre le fumier, etc. Mais on laissera
de côté toutes ces clauses surannées, toujours
inutiles et souvent funestes, qui enchaînent
sans nécessité le fermier, portent préjudice au
propriétaire et occasionnent ainsi des perte*
aux deux parties. Telle est, par exemple, la
clause qui permet d'expulser le fermier en cas
de vente, ou celle par laquelle le propriétaire
se réserve le droit d'exiger le prix du fermage
soit en argent, soit en produits du sol.
Après avoir dit un. mot des principes qui
doivent présider à la confection des baux à
ferme, il nous reste à examiner dans quel or-
dre les matières doivent être disposées. Au-
jourd'hui encore, la clarté, l'ordre, la mé-
thode, font généralement défaut à la plupart
des baux, parce que, le plus souvent, la ré-
daction en est confiée à des hommes étrangers
à la pratique du droit ou à la science agricole,
et quelquefois à l'une et à l'autre. D'après
M. de Gasparin, les stipulations que doit con-
tenir un bail sont de deux sortes : les unes
sont particulières au cas dans lequel on se
BAI
trouve, les autres sont soumises aux règles
générales que le législateur a imposées. Ces
dernières tombent donc sous l'empire du Code,
dont on peut cependant, à volonté, modi-
fier certaines dispositions. De là, naturelle-
ment, deux parties dans un bail : dans la pre-
mière, on établit les règles particulières dont
l'ensemble comprend les obligations du bail-
leur et du preneur; dans la seconde, on énonce
les modifications que l'on entend appliquer à
la loi commune. On ne peut mieux faire dans
cette seconde partie que de suivre pas à pas
les décisions du Code, en s'attachant à préci-
ser les modifications que l'on veut introduire
dans le texte même de la loi. L'acte se termi-
nera par le détail des sûretés que chaque par-
tie doit fournir pour son exécution, hypothè-
ques, cautions, etc. ; par le nom des témoins,
si l'acte est public; la désignation du nombre
des copies, s'il est privé; enfin, la date et la
signature. On peut citer comme modèle de
bail à ferme celui de la terre de Roville, ré-
digé sous la direction de M. Mathieu de Dom-
basle.
Durée des baux à ferme. On divise ordinai-
rement les baux à ferme en trois classes : les
baux à courte durée, trois, six ou neuf ans ;
les baux à durée moyenne, jusqu'à trente ans,
et les baux à long terme, depuis trente jusqu'à
quatre-vingt-dix.-neuf ans. Les baux an-dessus
de trente ans sont assez rares ; ort ne les ac-
corde guère que pour des terres incultes qui
doivent être défrichées. Les baux à courte
durée valent mieux que le louage soumis au
seul caprice du propriétaire ; mais ils ne sont
pas suffisants lorsqu'on veut introduire dans
l'exploitation d'un domaine des modifications
importantes. En effet, les modifications les
plus utiles sont aussi celles qui exigent le plus
de capitaux, et la rentrée de ces capitaux est
presque toujours assez lente. Ainsi, un mar-
nage dont les résultats se prolongent une
quinzaine d'années ne produit souvent aucun
effet sur les deux ou trois premières récoltes.
La première rotation d'un nouvel assolement
met ordinairement le fermier en perte ; à
peine, dans la seconde, peut-il subvenir à ses
frais et au payement du fermage; ce n'est
guère que dans la troisième qu'il peut rentrer
dans toutes ses avances. Ce n'est donc qu'au
moyen d'un long bail qu'un fermier peut en-
treprendre de semblables améliorations. Les
baux de quinze à trente ans sont en général
les mieux appropriés aux besoins de l'agri-
culture. Ils sont usités dans les pays les mieux
cultivés, et ce sont les seuls qu on doive em-
ployer partout où l'on veut introduire de nou-
vaux procédés agricoles. En France, cepen-
dant, on trouve rarement des baux à long
terme. La plupart des propriétaires éprouvent
à ce sujet une telle antipathie qu'aujourd'hui
même, malgré les progrès des sciences, il se-
rait impossible de leur persuader qu'il est de
Jeur intérêt de passer de longs baux. Cette
antipathie a sa source dans l'ignorance , et
elle ne disparaîtra que le jour où l'instruction
agricole aura pénétré dans la masse des cul-
tivateurs. Voulant en atténuer les effets dé-
sastreux, quelques agronomes ont proposé de
joindre aux baux de six et neuf ans la clause
dite de lord Kames, du nom du propriétaire
anglais qui le premier l'a mise en usage. Cette
clause consiste dans l'engagement que prend
le propriétaire de payer au fermier, à la fin
de sa jouissance, dix fois l'augmentation de
fermage que celui-ci propose, dans le cas où
le batî ne serait pas renouvelé. Ainsi, sup-
posons qu'à la tin de son bail le preneur noti-
fie au bailleur qu'il entend lui payer une aug-
mentation de 1,000 fr. de fermage; si le
propriétaire accepte, le bail est renouvelé a
ces conditions ; mais s'il n'accepte pas, il sera
tenu de payer au fermier dix fois 1 augmenta-
tion proposée, c'est-à-dire 10,000 fr. Après ce
premier refus du bailleur, le preneur pourra
proposer une nouvelle augmentation, qui, si
elle est rejetée, donnera lieu à une nouvelle
indemnité, et ainsi de suite. Cette sorte d'en-
chère reste ouverte entre les deux parties, et
n'est définitivement terminée qu'après qu'une
notification est restée un mois sans réplique.
Au moyen de cette convention, un fermier,
même avec un bail de courte durée, ne peut
craindre d'entreprendre des opérations coû-
teuses ni d'effectuer des améliorations impor-
tantes, car il sait qu'à la fin de son bail le
propriétaire sera obligé de le laisser jouir du
fruit de son travail et de ses dépenses, ou de
lui donner une compensation. Néanmoins,
cette méthode n'est pas sans inconvénients :
elle prête à la fraude ; c'est ainsi que la crainte
d'avoir à payer une forte indemnité pourrait
forcer un propriétaire à laisser à son fermier
une jouissance dont celui-ci abuserait; d'autre
part, un fermier qui aurait eu envers son pro-
priétaire des torts assez graves pour être cer-
tain que celui-ci ne voudra à aucun prix re-
nouveler le bail pourrait en profiter pour
exiger une indemnité qui surpasserait la
plus-value du domaine. Mieux vaudrait, ce
nous semble, adopter la combinaison suivante :
en premier lieu, l'indemnité due au fermier ne
serait plus une somme fixe de dix fois la va-
leur de l'augmentation proposée, mais une
somme variable de cinq à, dix fois la valeur de
l'augmentation du fermage, établie de gré à
gré lors de la formation du bail ; ensuite, cette
indemnité ne serait pas due indéfiniment, mais
seulement jusqu'à une époque déterminée,
vingt, vingt-cinq ou trente ans, par exemple.
Le bail serait renouvelable tous les cinq ou
six aus, et chaque renouvellement donnerait
BAI
lieu à l'application de la clause de lord Kames.
Par là se trouveraient résolues les deux
grandes difficultés que présentent les baux à
terme : sauvegarder les intérêts des contrac-
tants, favoriser les progrès de l'agriculture.
D'un côté, les fermiers jouiraient de toute la
sécurité désirable; de l'autre, l'indemnité qui
leur serait due, renfermée dans de justes li-
mites, ne porterait aucune atteinte grave aux
prérogatives des propriétaires.
Fin du bail à ferme. L'époque naturelle où
doit finir un bail à ferme est celle où toutes
les semailles, dont le fermier doit percevoir
les fruits après sa sortie, étant terminées, les
travaux du nouveau fermier ne sont pas en-
core commencés; mais, en définitive, l'usage
est ici le seul maître, car le fermier sortant
ne peut quitter sa ferme qu'autant que celui
qu'il remplace lui cède la sienne. Il n est donc
pas au pouvoir d'un seul propriétaire de chan-
ger la coutume usitée dans le pays; il faudrait
pour cela, ce qui sera toujours difficilement
réalisable, une entente générale do tous les
fermiers et de tous les propriétaires. Dans les
pays où l'on suit l'assolement triennal, l'an-
cien fermier cède la place au nouveau vers la
fin de mars, aussitôt après les semailles des
blés de printemps ; dans les localités où l'as-
solement biennal est encore en usage , les
changements de fermier se font du j.er au
30 novembre. En Ecosse et dans le nord de
l'Angleterre, le bail des terres en jachères et
des pâturages permanents finit vers la Pente-
côte; ailleurs, l'époque choisie est la Saint-
Michel (29 septembre), ou la Chandeleur
(1« février). En somme, l'époque de la fin
des baux est soumise à une multitude d'usages
locaux que les agronomes ne pourront jamais
remplacer avantageusement par une règle
générale. Cette situation , qui peut paraître
irrégulière aux partisans de l'unité , n'est
pourtant que la conséquence naturelle d'un
principe qui domine toute la science agricole,
et qui consiste à appliquer à chaque climat et
à chaquo .localité le genre de culture qui lui
convient. C'est précisément ce qu'ont fait les
usages locaux. En les examinant de près, on
voit que, au moins dans les circonstances or-
dinaires, ils répondent aux besoins réels du
pays. Il n'en serait pas de même, il est vrai,
si, depuis leur introduction, des cultures nou-
velles avaient rompu l'équilibre primitif; mais
dans ce cas on peut être sûr que le change-
ment demandé se fera de lui-même, un peu à
la longue sans doute, mais dans de meilleures
conditions que si la science était intervenue.
Quoique la science soit généralement indis-
fiensable à l'agriculture, il est des cas, et ce-
ui-ci est du nombre, où il vaut mieux s'en
rapporter à l'expérience et au sens éminem-
ment pratique du paysan.
Lorsque l'époque fixée pour la fin du bail
est arrivée, l'inventaire et l'état des lieux, qui
ont dû être dressés au moment de l'entrée en
jouissance du preneur, doivent être vérifiés
avec soin. Le preneur doit justifier qu'il a fait
toutes les réparations et améliorations pres-
crites. S'il n a pas été fait de stipulations à
cet égard, il rendra les lieux dans l'état où il
les a reçus. Le propriétaire ne doit pas laisser
dégarnir la ferme des instruments d'exploita-
tion et des bestiaux appartenant au preneur,
jusqu'à ce qu'il ait obtenu pleine satisfaction ;
autrement, il perdrait le droitde les faire saisir,
comme la loi le lui accorde. Néanmoins, si les
objets mobiliers appartenant au fermier, tels
que bestiaux, ustensiles d'exploitation, etc.,
avaient été déplacés sans le consentement du
propriétaire, celui-ci conserverait son droit
de saisie, pourvu qu'il en ait fait la revendi-,
cation dan3 le délai de quarante jours; s'il
avait obtenu une caution ou une garantie
hypothécaire, il ne devrait accorder décharge
ou mainlevée que lorsque tout aurait été ré-
glé à sa satisfaction,
— Bail à cheptel. L'acte qui règle les con-
ditions du bail à cheptel n'est assujetti à au-
cune forme spéciale. La loi reconnaît quatre
espèces de cheptel : le cheptel simple, le
cheptel à moitié, le cheptel de fer, le cheptel
improprement dit. Tous les animaux suscepti-
bles de croit ou de profit pour l'agriculture ou
le commerce peuvent être donnés à cheptel.
Ces contrats se règlent d'ordinaire par les
conventions écrites des parties ; mais, à dé-
faut de ces conventions, on se guide par les
principes suivants :
Bail à cheptel simple. Le bail à cheptel
simple est un contrat par lequel on donne à
un autre des bestiaux à garder, nourrir et
soigner, à condition que le preneur profitera
de la moitié du croit et qu'il supportera aussi
la moitié de la-perte (art. 1804 et suiv.). On
fait ordinairement, au commencement du bail,
une estimation de la qualité , nature et va-
leur des bêtes, pour que cette constatation
serve de règle dans le cas où il y aurait lieu
à remplacement, et p^ur fixer la perte ou le
profit qui pourra se trouver à l'expiration du
bail. Le preneur profite du laitage, du fumier
et du travail des animaux; mais il doit à leur
conservation les soins d'un bon père de fa-
mille. Si le cheptel périt en entier sans la faute
du preneur, la perte en est pour le bailleur ;
s'il n'en périt qu'une partie, la perte est sup-
portée en commun d'après le prix de l'estima-
tion originaire et celui de l'estimation à l'ex-
piration du cheptel. On ne peut stipuler que
le preneur supportera la perte totale du chep-
tel, quoique arrivée par cas fortuit et sans sa
faute, ou qu'il supportera dans la perte une
BAI
BAI
BAI
BAI
59
part plus grande que dans le profit, ou que le
bailleur prélèvera à la fin du bail quelque
chose de plus que le cheptel qu'il a fourni.
Toutes les conventions semblables sont nulles
de plein droit, comme contraires à l'équité.
L'une des deux parties ne peut disposer d'au-
cune bête du troupeau sans le consentement
de l'autre. La tonte se partage entre le bail-
leur et le preneur. Celui-ci ne doit la faire
qu^après avoir prévenu le bailleur assez a
temps pour qu'il y puisse assister par lui-même
ou par ses préposés. Lorsque la durée du bail
n'a pas été fixée par les parties, ce bail est
censé fait pour trois ans. A la fin du bail, il se
fait une nouvelle estimation du cheptel, à la
suite de laquelle on partage le profit ou la
perte. Si cette estimation n'a pas lieu, il s'o-
père, comme dans les baux à ferme, une tacite
réconduction qui, d'après l'usage, ne s'étend
pas au delà de la Saint-Jean suivante.
Cheptel à moitié. Le cheptel à moitié est
une société où chacun des contractants four-
nit la moitié des bestiaux, qui demeurent com-
muns pour le profit ou pour la perte. Le bail-
leur n'a droit qu'à la moitié des laines et du
croît. Toute convention contraire est nulle, à
moins que le bailleur ne soit propriétaire de
la métairie dont le preneur est fermier ou
colon partiaire. Toutes les autres règles du
cheptel simple s'appliquent au cheptel à moi-
tié (art. 1818-1820).
Cheptel Se fer. Ce cheptel peut être donné
par le propriétaire à son fermier ou à un colon
partiaire. Dans le premier cas, tous les risques
sont à la charge du fermier ; mais aussi tous
les profits lui appartiennent, à moins de con-
ventions contraires. Les fumiers doivent être
exclusivement employés à l'amélioration de
la métairie. A la fin du bail, le fermier ne peut
retenir le cheptel qu'en en payant l'estimation
originaire ; il doit en laisser un de valeur pa-
reille à celui qu'il a reçu. S'il y a du déficit, il
doit le payer ; et c'est seulement l'excédant
qui lui appartient. Dans le second cas, c'est-
à-dire lorsque le cheptel est donné au co-
lon partiaire, les règles sont les mêmes que
pour le cheptel simple; seulement, on peut
stipuler que le colon délaissera au bailleur sa
part de la toison à un prix inférieur à la va-
leur ordinaire ; que le bailleur aura une plus
grande part du profit; enfin, qu'il aura la
moitié des laitages ; mais on ne peut stipuler
que le colon sera tenu de toute la perte. Le
cheptel de fer, qui n'est qu'une des conditions
du bail, ne finit d'ordinaire qu'avec le bail de
la métairie. Cette espèce de cheptel est la plus
usitée parmi ceux qui afferment leurs domai-
nes (art. 1821-1830).
Le contrat improprement appelé cheptel est
celui qui a lieu lorsqu'une ou plusieurs vaches
sont données à quelqu'un qui se charge de les
loger et de les nourrir sous la condition d'en
avoir tous les profits, excepté les veaux, que
le bailleur doit retirer aussitôt qu'ils sont en
état d'être sevrés, c'est-à-dire après six se-
maines au plus tard. Le bailleur, conservant
la propriété des vaches, en supporterait la
perte si elles venaient à périr sans la faute du
preneur. A défaut de conventions écrites, les
conditions de ce contrat sont réglées par les
tribunaux d'après les principes de 1 équité
(art. 1831).
Quelques agronomes, considérant le bail à
cheptel comme essentiellement nuisible aux
progrès de l'agriculture, ont voulu le bannir
de toute exploitation rationnelle. Nous n'hési-
tons pas, quant à nous, à protester contre
cette exclusion. Non-seulement le bail à chep-
tel peut rendre d'incontestables services,
comme il serait facile de le démontrer ,
mais encore il y a des cas où il est seul prati-
cable. Sans doute, dans les pays où la culture
est très-avancée et où les fermiers sont ri-
ches, le bail à ferme est préférable; mais en
est-il de même partout? Non, assurément,
et quand on veut améliorer ou changer un
assolement défectueux; quand on habite un
lieu où les cultivateurs sont peu aisés, l'u-
sage du bail à cheptel est indispensable. Que
deviendraient, dans la plus grande partie de
la France, la plupart des fermiers, si les pro-
Eriétaires iie Consentaient pas à leur fournir là
étail nécessaire à l'exploitation de leurs mé-
tairies? Que deviendrait la culture elle-même ?
Bien plus, même dans les pays où l'agriculture
est florissante, le cheptel de. fer est souvent
nécessaire au fermier, parce que celui-ci n'a
pas les capitaux suffisants ou qu'il ne veut
cas les risquer dans une opération qui peut si
facilement devenir désastreuse. Comme on le
voit, le bail k cheptel favorise presque tou-
jours les progrès de l'agriculture, et, s'il est
inférieur au bail à ferme, au moins dans cer-
tains cas, il n'en est pas moins, de l'avis même
des praticiens les plus distingués; l'intermé-
diaire naturel entre ce dernier et le métayage.
— Bail emphytéotique ou emphytéose. Ce
bail, dont la duréo est ordinairement de qua-
tre-vingt-dix-neuf ans, n'est plus en usage
aujourd'hui pour les propriétés privées ; niais
on l'emploie encore quelquefois pour les biehâ
qui font partie du domaine dé l'Etat, des com-
munes et des établissements publics. L'ém-
phytéotè ne peut sousi-louer pour un temps
plus long que celui qui doit s'écouler jusqu'à
l'expiration de son bail, en vertu de ce prin-
cipe : Nul ne porte à autrui plus de droits
qu'il n'en a lui-même. Il peut être dépossédé,
s'il ne remplit pas les conditions qui lui sont
imposées ; mais, dam ce cas* le second bail^
«'il a été fait avec bonne foi, subsiste même
après que le premier a été résilié. Les droits
de l'emphytéote sont aussi étendus que ceux
du propriétaire, sauf qu'il ne lui est permis ni
de détruire ni d'aliéner. S'il a fait sur le fonds
des constructions que son bail ne l'obligeait
pas à faire, le propriétaire peut retenir ces
constructions, mais en en payant la valeur,
ou bien il peut contraindre l'emphytéote à les
détruire et à en enlever les matériaux (C. Nap. ,
art. 555).
— Bail à vie. Les conventions de cette nature
sont toujours nuisibles aux progrès de l'agri-
culture, parce que l'incertitude où se trouve
le fermier relativement à la durée du bail lui
interdit toute espèce d'amélioration qui ne
rapporterait pas un profit immédiat.
— Bail à convenant ou domaine congéable.
C'est une convention tenant tout à la fois du
bail k ferme et de la vente. Le propriétaire
donne à ferme son fonds moyennant un prix
de fermage annuel, et il vend en même temps
les édifices qui existent sur ce fonds, sous
la condition que le fermier ne pourra être
congédié sans qu'on lui ait remboursé, à
dire d'expert, la valeur des édifices et su-
perfices existant à l'époque du congé. 11 faut
entendre par le mot superfices les clôtures
ainsi que les bâtiments élevés sur le fonds par
le travail de l'homme. Cette transaction était
commune dans la Bretagne avant la Révolu-
tion, et elle n'en est pas absolument bannie
aujourd'hui. On ne peut nier même qu'elle n'ait
eu autrefois d'excellents résultats, en res-
serrant les liens de sympathie mutuelle qui
unissaient le paysan et le propriétaire féodal ;
mais aujourd'hui il n'en est plus de même, et -
il suffit de voir combien cette espèce de pro-
priété est précaire pour comprendre jusqu'à
quel point elle est funeste à 1 amélioration du
sol.
— Bail à locatairie , locàtairerie ou culture
perpétuelle. Le preneur, dans ce contrat, s'en-
gageait à tenir constamment la terre en état
de culture et à payer annuellement une rede-
vance au bailleur ou à ses héritiers. La loi du
18 décembre 1790 ayant déclaré cette rede-
vance essentiellement rachetable, cette espèce
de bail, qui n'était autre chose qu'une aliéna-
tion déguisée, est complètement tombée en
désuétude.
— Bail à colonage partiaire. Ce bail ne dif-
fère du bail à ferme ordinaire qu'en ce que
le prix annuel est payé au propriétaire en na-
ture au lieu de l'être en argent : il consiste
en une part déterminée des fruits que le colon
s'oblige à remettre au propriétaire. Quand il
y a perte de fruits et que cette perte ne pro-
vient pas de la faute du colon, le propriétaire
en supporte sa part, à moins que le colon n'ait
été mis en demeure de livrer les fruits avant
le dommage survenu. Sans une stipulation
expresse, le fermier partiaire ne peut ni cé-
der son bail, ni sous-louer une partie du fonds
qu'il a reçu du propriétaire.
— Bail à comptant. C'est aussi un bail dans
lequel le propriétaire partage les fruits avec
le fermier, et il ne diffère du précédent qu'en
ce qu'il s'applique uniquement aux vignobles,
le mot comptant signifiant plant de vignes com-
posé de plusieurs pièces de terre.
— Bail de tacite réconduction. On donne ce
nom à l'espèce d'obligation mutuelle qui se
forme entre le bailleur et le preneur, par le
seul fait du maintien de celui-ci dans lajouis-
sance de l'objet loué, après l'expiration d'un
bail antérieur. Les conditions du nouveau
bail ne sont pas différentes de celles du pre-
mier, sauf toutefois qu'il est soumis seulement
aux règles des baux non écrits. La tacite ré-
conduction, autrefois commune pour les biens
ruraux, est encore en usage dans plusieurs
f>arties de la France. Toute sa force est dans
a valeur morale des deux contractants. Il y
à quelques années, il n'était pas rare de trou-
Ver encore des familles qui, de père en fils,
occupaient le même. domaine depuis longues
années, sans avoir d'autres garanties que la
parole du propriétaire ; cette parole suffisait
et elle donnait autant de sécurité qu'un bail
authentique. Souvent même , on .voyait les
fermiers recevoir avec déplaisir l'offre d'un
acte de cette nature; c'était pour eux iimiter
une possession qu'ils s'étaient accoutumés à
regarder comme indéfinie. Aujourd'hui, il
faut bien le dire; à de rares exceptions près,
Un pareil état de choses ne saurait être poss^
b!e. Au lieu d'être un stimulant pour engager
le fermier à l'activité et à Une bonne con-
duite; là tacite reconduction né servirait qu'à
paralyser ses efforts. Ajoutons qu'un tel con-
trat n'est plus en rapport avec nos mœurs dé-
mocratiques. Par, un juste sentiment de la di-
gnité de sa ; condition, tout agriculteur veut
maintenant traiter d'égal à égal avec le pro-
priétaire, et ne soutire pas qu'on puisse le
chasser comme un simple serviteur. Ajoutons
aussi, dût la démocratie s'en fâcher, que ces
conventions tacites étaient possibles au temps
de Saturne, et de Rhée, alors que notre appel-
lation de domestique avait véritablement pour
radical le mot domus (maison) ; alors que le
serviteur naissait; vivait et mourait dans le
domaine ; mais aujourd'hui, ces miracles sont
allés rejoindre. les neiges d'antan; la graine
des Caleb est définitivement perdue, et notre
ennemi, ce n'est plus seulement notre maître;
c'est aussi notre domestique.
• baile s. m. (bê-le — du baslat. tailus,âû
lati bujulus, porteur); Vieux lahgage, Minis-
tre d'État j régent, tuteur : Baile du royaume.
U Syndic. : Le baile d'une confrérie, u On
nomme encore ainsi, en Provence, le chef des
bergers employés à la garde d'un même
troupeau, et même un chef, un supérieur en
général, il Dans certaines provinces, on donne
le même nom à une nourrice à gages ; alors
ce mot est féminin.
— Hist, Précepteur des enfants du roi sous
les deux premières races, et des princes du
sang dans le Bas-Empire, il Titre qu'on don-
nait à l'ambassadeur de Venise auprès de la
Porte ottomane : Le baile de Venise s'est
longtemps défendu dans sa maison. (Volt.)
. — Féod. Sergent établi par lettres de
baillies et qui, pour le compte du seigneur,
était charge d'opérer les prises de corps, et
d'emprisonner les gens frappés par la loi
comme débiteurs insolvables : Le baile était
chêuelain , quand il était commis par lettres
émanant d'un duc ou d'un prince.
— Ane. prat. Nom donné aux huissiers qui
ne pouvaient faire d'exploits que contre les
roturiers,
— Ane. administr. Chef des consuls et dos
officiers municipaux des villes et des bourgs
du Dauphiné, du Languedoc, du Roussillon,
etc. il Agent chargé de faire la recette des
droits seigneuriaux : Le baile des biens de la
seigneurie. Il A Naples, Baile des gabelles,
Officier public chargé de la perception de
l'impôt.
— Hist. ecclés. Syn. de Bajule II Titre, di-
gnité dans l'ordre de Malte. V. bailli.
— Homonymes. Bel et belle; bêle, bêles,
bêlent (du verbe bêler).
BAILEY (Pierre), poëte et publiciste anglais,
mort en 1823. il fonda le recueil appelé
Musœum et composa divers poëmes, parmi
lesquels Idwal, dont le sujet est tiré de l'his-
toire de la conquête du pays de Galles.
BAILEY (Philippe-James), poëte anglais, né
à Basford, près de Nottingham, le 22 avril
1816. Après deux années passées à l'univer-
sité de Glascow , où il semble avoir négligé
l'enseignement universitaire pour dés études
plus conformes à ses goûts , il entra chez un
attorney pour se livrer à la jurisprudence, et
fut inscrit en 18(0 sur le tableau des avocats.
Mais, entraîné par une force irrésistible vers
la poésie, pour laquelle il avait montré dès
l'enfance les plus heureuses dispositions, il re-
nonça au barreau, et publia son poème de
Festus, qui excita, dès son apparition, surtout
en Amérique, un enthousiasme indescriptible.
C'était une sorte de poétique autobiographie,
l'histoire d'une âme triste et blessée qui cher-
che le calme dans les régions les plus élevées
de la pensée humaine. Tous les critiques sa-
luèrent dans le jeune poète un émule de
Milton et de Gœthe. De retour dans son pays
natal, il publia le Monde des anges (1850) et
le Mystique, poème nébuleux dont le titre in-
dique assez le sujet. Mais, jusqu'à ce jour, le
poème de Festus reste l'œuvre la plus remar-
quable de l'auteur; ce poëme ne cessera ja-
mais de frapper d'étonnement et de mériter la
Ïilus vive admiration : la nouveauté du style,
a vérité des sentiments exprimés, enfin la réa-
lité des peintures rangent cet ouvrage parmi
les poëmes qui appartiennent à la postérité.
BAILEY (Samuel), économiste anglais, né à
Sheffield. Un petit traité intitulé : Dissertation
Critique sur la nature, les mesures et les causes
de la valeur, publié à Londres en 1825, a suffi
pour assurer à M. Bailey une place honorable
parmi les autorités de la science économique.
Ce travail est exclusivement consacré à faire
ressortir les erreurs nombreuses etles contra-
dictions extraordinaires commises au sujet de
la valeur par Ricardo, Màithus et leur école.
« Bailéy, dit M. Mac Leod dans son Diction-
naire d économie politique, a, le premier parmi
les modernes, ressuscité laadctrine d'Aristote
sur la valeur; et aucun autre économiste con-
temporain n'a démontré avec autant de forcé
et de clarté que la valeur est une relation
externe, et iion pas une qualité inférieure, i
Ecrivain plus pratique que théorique, M. Bai-
ley prit une part considérable aux discussions
commerciales et financières de ^on temps.
Deux autres de' ses Ouvragés : i° L'argent,
effets des vicissitudes de sa valeur sur l'indus-
trie ê't lès transactions monétaires; 2" Ééfënsè
des banques par actions et dés banques provin-
ciales d'émission, publiés en 1837 et 1840, à
l'occasion des crises de 1836 et 1839, sont en-
core cités comme des autorités en matière
d'économie politique et de banque. Le second
se recomiriaride; en outre; par un mérite parti-
culier. AU spectacle du succès que présentent
actuellement les banques par actions, joint
stock banks, en Angleterre; on ne se douterait
guère que, de 1836 à 1840, la question de la
suppression de ces établissements par acte du
Farlement fut vivement agitée. Une partie de
opinion publique égarée leur attribuait la
cause des crises commerciales. M. Bailey fut
au nombre des publicistes qui empêchèrent
leur pays de prendre une aussi funeste ré-
solution.
Les autres ouvragés dus à la plume de cet
écrivain, sont; Essai sur l'origine et la publi-
cation des opinions, qui eut, dès son appari-
tion, la bonne fortune d'être l'objet de notices
importantes de la part de lord Brougham, de
Mackintosh et des principaux critiques do
l'époque ; Essais sur la poursuite de la vérité
et sur les progrès de l'esprit humain, ouvrage
qui ajouta encore à la renommée de l'auteur ;
Examen de la théorie de la vision de Berkeley ;
Théorie du raisonnement, et des Discours sur
divers sujets, ouvrage de philosophie spécula-
tive d'une lecture fort abstraite. M. Bailey a
publié dans ces dernières années un ouvrage
qui se rapproche davantage de ses premiers
travaux : Lettres sur la philosophie de l'esprit
humain. M. Bailey fait partie de l'école écos-
saise, dont Reid et Dugald Stewart sont les
chefs ; cependant il a des opinions indépen-
dantes de celles de ces philosophes illustres.
Ses ouvrages sur l'économie politique sont ca-
ractérisés par une grande pénétration et un
talent particulier de vulgarisation. En politi-
que, son livre intitulé Bepréseniation politique
rationnelle, où il passe en revue la constitution
anglaise, est son œuvre capitale. M. Bailey ne
sera probablement jamais un écrivain popu-
laire; mais il sera toujours estimé et consulté
avec fruit pour la rectitude de ses opinions et
le bon sens pratique qui distingue toutes ses
productions.
| BAILEY (Théodore), commodore dans la
marine fédérale des Etats-Unis, né à New-
York en 1803, fut promu au grade de lieute-
nant en 1827. De 1838 à 1841, il resta en sta-
tion à l'arsenal de Brookline (Etat de New-
York), fut ensuite envoyé en croisière dans
les Indes occidentales et nommé capitaine
en 1855. A la fin de 1861, il reçut le comman-
dement de la frégate Colorado, faisant partie
de l'escadre de blocus de Pensacola (Floride),
et prit part au bombardement des ouvrages
confédérés établis près de cette ville. 11 fut
ensuite attaché à la flotte du golfe du Mexi-
que, et, lors de l'attaque des forts confédérés
qui défendaient les bouches du Mississipi
(avril 1862), il commandait la se division des
forces assaillantes du commodore Ferragut.
Un peu plus tard, il fut chargé de la direction
de l'arsenal du havre de Sackett. A l'époque
de la réorganisation de la marine fédérale, il
fut élevé au grade de commodore, et, le 4 no-
vembre 1862, il succéda au vice-amiral Lardner
dans le commandement de l'escadre bloquant
les côtes orientales du Mexique.
bailie s. t. (bê-lî). Autref. Tutelle, garde,
administration, il On dit aussi bail.
BA1L1ES (Guillaume), l'un des médecins du
grand Frédéric ; il était d'origine anglaise, et
mourut k Berlin en 1787. On a de lui, entre au-
tres écrits : Essai sur les eaux de Bath (1757).
On rapporte que, le roi de Prusse lui ayant dit
que pour avoir acquis tant d'expérience, il de-
vait avoir tué bien du inonde, il répondit :
i Pas autant que Votre Majesté. »
On sait que Corvisart passe pour avoir fait
une réponse analogue à l'empere'ur Napoléon.
BAILLAF s. m. (ba-llaf; Il mil.). Pistolet,
en argot. On le nomme aussi bagaffe, bu-
rette, CRUCIFIX À RESSORT, PIED DE COCHON,
REPOUSSANT, SOUFFLANT, MOUCHOIR, etc.
BÂILLANT (bà-llan; Il mil.), part. prés,
du v. Bâiller : En bâillant comme une carpe,
il déclara qu'il fallait voir comment tout cela
serait pris. (Marmontel.)
Six douves de poinçon servaient d'ais et de barre
Qui, bâillant, grimaçaient d'une façon bizarre.
RÉGNIER.
Parmi tant d'huîtres toutes closes
Une s'était ouverte, et, bâillant au soleil,
Par un doux zéphyr réjouie,
Humait l'air, respirait, Était épanouie.
La Fontaine.
BÂILLANT, ANTE adj. (bà-llan, an- te;
II mil. — rad. bâiller). Qui bâille, qui ouvre
la bouche, u Qui s'entr'ouvre, qui est en-
tr'ouvert.
— Fam. Qu'on ne prononce qu'en bâillant,
I qui force à faire un bâillement : Il a eu soin
, de rassembler en une seule phrase toutes les
i syllabes baillantes du français : Rien qu'en
j l'entendant parler. (Beaumarch.) u Inus.
I — Conchyl. Se dit des coquilles bivalves
qui ne sont pas exactement closes : Coquilles
BAILLANTES. .
— Bot. Péricarpe bâillant, Celui qui. au
moment^ dé la maturité, se rompt 'et sen-
tr'ouvré.
BÂILLANTS s. m. pi. (bâ-llan ; Il mil. —
rad. bâiller). Ornith. Famille ou tribu de
passereaux; comprenant les genres qui ont le
bec largement fendu.
BÂILLARD s; m. (bâ-llar; Il mil;). Techn.
Chevalet sur lequel on fait egoutter les soies
et les laines sortant de là chaudière.
BAILLARD s. m. (ba-llaF; Il mil. — rad:
bâiller). Bot. etagric. Nom donné à plusieurs
variétés d'orge, et qui vient, suivant les uns,
de ce que ces variétés sont très-productives
et baillent (donnent) beaucoup; suivant d'au-
tres, de ce qu'à l'époque de la féodalité, le
froment étant de droit réservé au maître, il
ne restait au teneur de bail que l'orge pour
■fabriquer son pain, u On dit aussi; mais au
féminin, baillarge; baillorge, baillage.
BA1LLARGEK (Jules-Gabriel-François, mé-
decin, né à Montbazdh (Indre- ét-Loire) en
1806. C'test Un de nos médecins aliénistes les
plus distingués, et ses cours sur les maladies
mentales attirent urie àffluehce considérable.
Ses travaux, les plus remarquables sont : un
Traité des hallucinations, qui obtint le prix
décerné par l'Académie de médecine en 1842;
Stupidité dés aliénés ; Statistique de ta folié
héréditaire; le Crétinisme ; Fréquence de la
folie chez les prisonniers; Recherches sur la
structure de là couche corticale des circonvolu-
tions du cerveau, eic. li est, depuis isii, mem-
bre de l'Académie de médecine..
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BAI
BAI
BAI
baillatairE s. (ba-lla-tè-re ; II mil.—
rad. bail). Celui, celle qui prend à bail, il Peu
usité; on. dit le plus souvent preneur.
BAILLES, f. (ba-lle; II mil. — do l'Haï. ba-
nlia, baquet). Mar. Demi-futaille ou grand
Daquet ayant la forme d'un cône tronqué, qui
est employé à divers usages sur les vais-
seaux. : Baille à drisses. Baille à sonde.
— Baille de combat, Celle qui contient l'eau
nécessaire pour rafraîchir les pièces ou pour
mouiller la poudre qui s'échappe des gar-
gousses et qui pourrait s'allumer : Les mèches
fumaient dans les bailles de combat, les filets
et grappins d'abordaqe étaient hauts. (E. Suc.)
Il Baille à brai, Baille dans laquelle on tient
le brai dont on se sert pour enduire les vais-
seaux, et qu'on jette le plus souvent à la mer,
quand elle est vide, à cause de son état de
saleté. On dit de même, par dénigrement, pour
désigner un navire mal tenu, mal équipé ou
mal conduit : C'est une baille à brai.
— Par anal. Baquet de blanchisseuse, n
Cuve flans laquelle on fait fermenter le
raisin.
— Art milit. Ouvrage qui, dans les ancien-
nes fortifications, servait d'avant-poste, de
défense extérieure.
— Homonymes. Bail, baille, bailles, baillent
(du verbe bailler); bâille, bâilles, bâillent (du
verbe bâiller).
baillé, ÉE (ba-llé, Il mil.) part. pass. du
v. Bailler : Un soufflet baillé à propos.
On parle de l'enfer et des maux Éternels
Saillis pour châtiment a ces grands criminels.
Malherbe.
BAILLE-BLÉ s. m. (ba-lle-blé; Il mil. —
rad. bailler et blé). Techn. Axe central qui
fait descendre le blé de la trémio sur les meu-
les d'un moulin. On dit aussi babillard, u
On donne le même nom aune corde employée
au même usage, et qui écarte ou rapproche
J'auget du frayon, et, par suite, règle la
chute du grain entre les meules.
BAILLE-COLAS s. m. (bâ-Uc-ko- là; «mil.
— rad. bâiller et Colas, n. pr.). Mot familier
par lequel on désigne quelquefois un niais,
un hébété qui reste bouche béante.
BAILLÉE s. f. (ba-llé: Il mil. — rad. bail).
Ane. jurispr. Acte par lequel le propriétaire
d'un fonds donné à convenant abandonnait les
droits qu'il s'était d'abord réservés.
■ — Ane. cout. Baillée des roses, Redevance
dont s'acquittaient les pairs de France lors-
que, en avril, mai ou juin, on appelait leur
rôle au parlement de Paris.
— Encycl. La baillée des rases était un
hommage que les pairs de France ont dû
jusque vers la fin du xvie siècle au parlement,
et qui consistait à présenter eux-mêmes des
roses en avril, mai et juin, lorsqu'on appelait
leur rôle ; les princes étrangers, les cardinaux,
les princes du sang, les enfants de France
dont les pairies se trouvaient dans le ressort
du parlement, devaient cet hommage. Voici
comment il se rendait : on choisissait un jour
qu'il y avait audience en la grand' chambre, et
le pair qui présentait \& baillée faisait joncher
de roses , de fleurs et d'herbes odoriférantes
toutes les chambres du parlement avant l'au-
dience. Il donnait un déjeuner splendide aux
présidents, conseillers, greffiers et huissiers
de la cour; ensuite, U venait dans chaque
chambre, faisant porter devant lui un grand
bassin d argent rempli non- seulement d'au-
tant de bouquets d'œillets, roses et autres
fleurs de soie ou naturelles qu'il y avait d'of-
ficiers, mais encore d'autant de couronnes,
rehaussées de ses armes; après cethommage,
il recevait audience à la grand'chambre ;
ensuite, on disait la messe, les hautbois
jouaient et allaient jouer chez les présidents
pendant le dîner. Il n'y avait pas d'officier
subalterne , jusqu'à celui qui écrivait sous le
greffier, qui n'eut son droit de roses. Le par-
lement avait un faiseur de roses appela le
rosier de la cour, et les pairs achetaient de
lui celles dont ils faisaient leurs présents. On
ignore la cause de cette coutume, qui existait
non-seulement au parlement de Paris, mais en-
core a tous les autres parlements du royaume,
et surtout à celui de Toulouse. Les archevêques
d'Auch, de Narbonne , de Toulouse n'étaient
pas exempts de cette redevance, avec cette
seule différence qu'au parlement de Paris on
présentait des roses et des couronnes de roses,
et qu'à Toulouse on donnait des boutons de
roses et des chapeaux.
bâillement s. m. (ba-lle-man ; il mil.—
rad. bâiller). Action de bâiller ; Long bâille-
ment. Avoir des bâillements continuels. Le
bâillement est sympathique et provoque te
même mouvement nerveux chez les autres.
(Mme Monmarson.) j'étais conduit, de bâille-
ment en bâillement, dans un sommeil léthar-
gique qui finit tous mes plaisirs. (Montesq.)
Pour rompre la continuité ridicule de vies
bâillements, je m'amusai à disputer contre
cette fille, et cela me réveilla. (Mme de Sév.)
Le bâillement de l'ennui en porte le caractère,
par la lenteur avec laquelle il se fait. (Buff.)
Un homme d'Etat tient un bâillement tout
prêt au service de la première phrase où il
s'agit de mieux ordonner la chose publique.
(Bal z.) Le bâillement a «our but de porter
dans lespoumons une quantité d'air plus grande
que dans les aspirations ordinaires, afin de
remédier à une altération plus ou moins pro-
fonde dans les conditions chimiques et physio-
logiques du sang. (Focillon.)
C'est très-conlagicun, le biilUment. marquise.
E. AuOlER.
— Par ext. Ouverture accidentelle dans
quelque objet : C'était un gros homme fondant
et débordant par tous les bâillements de son
habit. (L. Ulhach.) Puis, dans l'autre volume,
il reconnut l'espèce de bâillement produit par
le long séjour d'un paquet, et sa trace au milieu
de deux pages in-folio. (Balz.)
— Gramm. Effet de la rencontre de deux
ou plusieurs voyelles, qui oblige à s'exprimer
on tenant la bouche ouverte: llallKk Amiens.
Il y a à sryos de telles ruines, il Le bâillement
est un cas particulier de l'hiatus, mot latin qui
a le même sens que le français bâillement.
. — Fauconn. Maladie particulière aux fau-
cons.
BÂILLER v. n, ou intr. (bâ-llé; Il mil. —
du bas lat. badare, ouvrir la bouche, d'où le
v. fr. baailler, et par contract. bâiller). Ou-
vrir la bouche et aspirer, puis expirer l'air,
avec une contraction particulière des muscles
de la face, et un bruit caractéristique que
l'on peut cependant supprimer à volonté,
sans étouffer tout à fait le bâillement :
Bâiller de sommeil. Bâiller de faim, de fa-
tigua. La douleur, le plaisir , l'ennui font
également bâiller. (Buff.) Quand il ouvre la
bouché, on croit qu'il bâille ou bien qu'il va
bâiller. (Mme du Deff.) Soyez assidu flatteur
et ne bâillez pas, voilà tout le secret des
cours. (Lévis.)
— Par ext. S'ennuyer et donner des mar-
ques de son ennui : Bâiller à l'audience, au
sermon. Elles chantaient un air à faire bâiller
toute une province. (Volt.) J'ai quelquefois
bâillé sur les ouvrages d'autrui. (Brill.-Sav.)
Il faut bien qu'il y ait plusieurs raisons d'en-
nui, quand tout le monde est d'accord pour
bâiller. (Florian.) Si la pauvreté fait gémir
l'homme, il bâille dans l'opulence. (Rivar.)
En attendant, la fille ne se mariait pas, lepère
bâillait et la mère dansait. (G. Sand.) Vous
bâillez, disait une femme à son mari, — A/a
chère amie, répondit celui-ci, le mari et la
femme ne sont qu'un, et quand je suis seul, je
m'ennuie. ("') Piron avait prédit la chute d'une
pièce à celui qui l' avait donnée, o Elle n'a point
été si f fiée, lui vint dire ce dernier. — Je le
crois, répondit le critique; on ne peut pas sif-
fler quand on bâille. » .
La Pucelle est encore une ceuvre bien galante,
Et je ne sais pourquoi je battit en la lisant.
Boileau.
Fi des salons où l'ennui, qui se berce,
Bâille, entouré d'un luxe éblouissant.
BÉRANOER.
Quand vous bâillez a quelque trait
D'un certain livre fort abstrait,
Votre mie aussitôt vous gronde.
Saint-Lambert.
Je t'ai vue, à ces détails vulgaires.
Bâiller de si bon cœur, que j'ai fait Je serment
De ne t'induire plus en pareil bâillement.
E. Auoier.
Comment faire, hélas !
Four s'amuser sur cette terre,
Comment faire, hélas!
Pour ne pas bâiller ici-bas?
Chanson populaire.
Une Dégueule, ennuyeuse et méchante,
Disait un jour a certain cavalier :
Rien ne me plait comme de voir bâiller;
Mais bâillez donc, le WUUeineut, m'enchante.
— Que je bâille, moi? — Oui. — Vous n'aves qu'a
[parler.
— Par anal. S'entr'ouvrir, être mal joint :
Cette fenêtre, cette porte bâille. Le mur
bâillait en plusieurs endroits. Des huîtres qui
bâillent au soleil. Sa redingote avait la mé-
chanceté de bâiller un peu trop. (Balz.) n
N'être pas assez tendu : Cette étoffe, cette
garniture; cette dentelle bâille.
~- Arg. de coulisses. Bâiller au tableau, Se
dit de l'acteur qui dissimule son désappoin-
tement ou sa mauvaise humeur en lisant le
titre d'une pièce mise en répétition, et dans
laquelle on lui confie un rôle qui n'est pas à sa
convenance.
— Activ. Traîner dans l'ennui : Tout me
lasse ; je remorque avec peine mon ennui avec
mes jours et je vais partout, bâillant ma vie.
(Chateaub.) n Inus., mais très-énergique, u
Laisser échapper en bâillant : Ces roches res-
semblaient à des ossements de mort calcinés au
bûcher, bâillaient l'ennui de l'éternité par
leurs lézardes profondes. (Th. Gaut.) Il Inus.
— Rem. Quelques auteurs se sont servis de
ce verbe, au lieu de bayer. L'analogie des
sons et du sens est une cause fort naturelle
de cette confusion, qu'il faut reprocher à la
langue plutôt qu'aux écrivains.
Le nouveau roi bâille après la finance.
La Fohtaiîje.
Allons, vous ! vous rêvez et bâillez aux corneilles.
Molière.
C'est baye, bayez qu'il faudrait, et Molière
s'était corrigé lui-même en mettant plus tard
bayez.
bailler v. a. ou tr. (ba-llé; U mil. — du
gr. ballein, envoyer, ou du lat, bajulare, por-
ter). Donner, livrer : Voyons, un autre paye-
rait ce drap, ma foil six écus;mais, allons, je
vous le baillerai à cinq écus, (Brueys.) Pour-
quoi donc M. Argante ne veut-il pas vous
bailler sa fille? (Mariv.)
Ecoute, toi, je te baille un mari
Tant soit peu fat et par trop renchéri ,
Mais c'est » moi de corriger mon gendre.
Voltaire.
Il Fournir, avancer comme gage ou comme
preuve : Bailler sa parole. Bailler sa foi.
B ailler de bonnes raisons. Le roi baillait pa-
role de -ne plus convoquer l'arrière-ban sans
une nécessité absolue. (Chateaub.) Dans le lan-
gage de l'ancienne chevalerie, bailler sa foi
était synonyme de lous les prodiges de l'hon-
neur. (Chateaub.)
Ils baillent pour raisons des chansons et des bourdes.
RÉGNIER.
Je m'en vais te bailler une comparaison
Molière.
— Par ext. Donner, appliquer: Si j'étais
moins affairé, je J'aurais déjà baillé vingt
baisers sur tes joues roses. (P. de Musset.)
Tudieu ! l'ami, sans vous rien dire,
Comme vous baille» des eoufllets !
Molière.
— Loc. fam. En bailler d'une belle, La bail-
ler bonne, Dire une chose extraordinaire et
incroyable, chercher à en faire accroire : Ma
foi, tu nous la bailles bonne. (Scarron.)
Votre perc sans vous nous l'aurait baillé bonne.
Piron.
Il En bailler à garder, Duper, tromper adroi-
tement : Je ne dis pas que monsieur soit capa-
ble de mentir; mais c'est que Jeannette est une
bonne pièce, qui en baillerait a garder à de
plus affinés qu'il ne parait être. (Ch. Nod.)
— Loc. prov. Bailler le lièvre par l'oreille,
Faire de belles et vaines promesses : Napo-
léon ne nous baillait pas le lièvre par les
oreilles ; jamais il ne nous leurra de la liberté
de la presse. (P.-L. Cour.)
— Prat. Donner, mettre en main : Bailler
par contrat. Bailler par testament. Bailler
d ferme. Il Produire, exhiber en justice : Un
sergent baillera de faux exploits, sur quoi
vous serez condamné sans que vous le sachiez.
(Mol.)
— Ce mot a vieilli. Dans toutes les accep-
tions précédentes, on lui a substitué donner.
A ce propos, on lit dans les Mémoires-anec-
dotes de Scgrais : « Un Gascon demanda un
jour dans une compagnie : Qui est-ce qui
baille le bal? au lieu de dire : Qui est-ce qui
donne le bal? Depuis ce temps-là, on a banni
le mot de bailler x qui avait plus de cinq cents
ans de. bourgeotsic. » Scgrais écrivait ses
Mémoires-anecdotes dans les dernières années
du xvne siècle, et il nous semble exagérer un
peu l'âge du mot bailler.
— Pôch. Jeter avec une petite sébile de la
rogue de maquereau détrempée dans do l'eau
de mor,,sur des filets traînés par des bateaux,
et qui servent à prendre lés sardines.
Se bailler v. pr. Donner l'un à l'autre : Se
bailler des marques d'amitié.
BAILLÈRE s. f. (ba-llè-ro; Il mil.). Bot.
Plante de la famillo des composées, tribu des
sénécionidées, qui croît dans la Guyane : La
baillère franche est une espèce vivace, qui
passe pour enivrer le poisson par sa saveur
amère et son odeur aromatique. (Focillon.) u
On écrit aussi baillière et ballbrie.
BAILLERESSE s. f. Féminin ue bailleur.
BÂillerie s. f. (bâ-lle-rî; Il mil. — rad.
bâiller). Action de bâiller, do faire des bâil-
lements :
Non moindre fut la bdilleria
Qu'avait été l'ivrognerie. Scarron.
Il V. mot.
BAILLÉS (Jacques-Marie-Joseph), évéqua
de Luçon, né à Toulouse en 1798. Il remplit
successivement diverses fonctions ecclésiasti-
ques et fut appelé au siège de Luçon en 1845.
En 1849, M. Lanjuinais, ministre de l'instruc-
tion publique et des cultes, ayant nommé un
Israélite, M. Cahen, comme professeur de
philosophie au collège de Luçon, le prélat mit
la chapelle de cet établissement en interdit.
Le ministre eut la faiblesse de céder et de
rappeler l'éminent professeur. Deux ans plus
tard, un conflit de juridiction ecclésiastique
s'éleva entre M. Baillés et son métropolitain,
l'archevêque de Bordeaux, au sujet d_'un curé
suspendu. De nouveaux, froissements avec le
gouvernement obligèrent l'évéque de Luçon
à donner sa démission (1856). Il n'est plus que
chanoine honoraire de son ancien diocèse.
BAILLET adj.m.(ba-llè; iimll.— diminut.
de bai). Qui est d'un roux tirant sur le
blanc, en parlant du poil d'un cheval : Cheval
baillet. 11 s. m. Cheval baillet : Un baillët.
Cette expression a vieilli, u On le disait aussi
des chevaux et de quelques autres animaux
qui avaient une marque planche au front.
BAILLET (Adrien), érudit et littérateur, né
k La Neuville près de Beauvais en 1649, mort
en 1706. Il fut successivement régent de col-
lège, vicaire de campagne, enfin bibliothécaire
de 1 avocat général Lamoignon. U offre un
des types les plus curieux de l'homme de
lettres, de l'érudit, dont la vie tout entière est
concentrée dans ses livres et ses compositions
littéraires. Dormant à peine quelques heures
et souvent tout habillé, ne sortant jamais, ne
faisant qu'un seul repas, il abrégea ses jours
par l'excès du travail et l'austérité de son ré-
gime. Ses ouvrages brillent plus par l'érudi-
tion que par le style, qui est fort négligé. Les
principaux sont : Jugements des savants sur les
principaux ouvrages des auteurs (1685-1686),
vaste travail dont il ne put faire qu'une par-
tie ; Des enfants devenus célèbres par leurs étu-
des et par leurs écrits (1688); Des satires
personnelles, traité historique et critique de
celles qui portent le titre d'anti (1G89) ; Vie de
Descartes (1691) ; les Vies des saints (1701), un
de ses meilleurs écrits; Histoire des démêlés
de Boniface VIII et de Philippe le Bel
(1717), etc.
baillette s. f. (ba-llè-le ; Il mil. — rad.
bail). Féod. Acto par lequel un seigneur don-
nait à un serf ou à un vilain son héritage à cens,
terrage, rente ou autre semblable redevance
annuelle : Ces baillicttes, qui furent d'abord
données aux meilleurs habitants des villes,
s'étendirent aux meilleurs de la campagne.
(St-Sim.)
BAILLEUL, ville de France, ch.-l. de cant.,
airond. et à 14 kil. E. d'Huzebrouck (Nord),
sur le chemin de fer de Lille h Dunkerque;
pop. aggl. 5,970 hab. — pop. tôt. 10, 102. b. Fa-
briques de dentelles, toiles, linge de table,
sucre de betterave. Ville très-ancienne( au-
trefois fortifiée; pillée et brûlée plusieurs
fois.
BAILLEUL, roi d'Ecosse. V. Baliol.
BAILLEUL (Jacques-Charles), convention-
nel, né à Brette ville (Seine-Inférieure), en 1702,
mort en 1843. Comme girondin, il partagea lu
chute de son parti, fut emprisonné avec les
soixante-treize comme signataire des protes-
tations contre le 31 mai ; rappelé à la Conven-
tion en décembre 1794, il participa à toutes
tes mesures de la réaction thermidorienne,
siégea aux Cinq-Cents, puis au Tribunat, fut
nommé en 1804 directeur général des droits
réunis dans la Somme, et lit du journalisme
libéral sous la Restauration. On a de lui di-
vers écrits, notamment une réfutation solide
et forte de l'ouvrage de Mme de Staël sur la
Révolution, des Etudes sur l'histoire de Na-
poléon, etc. Bailleul fut l'un des fondateurs du
Journal du commerce, créé par son frère An-
toine vers 1794, et définitivement fondu vers
1819 avec le Constitutionnel. Bailleul a écrit
un grand nombre d'ouvrages sur les questions
de finances, d'impôt, sur la politique et la géo-
graphie. La France littéraire de M. Quérard
ne cite pas moins de cinquante-quatre publi-
cations plus ou moins importantes, dues k la
plume de cet infatigable écrivain ; jusqu'au
dernier moment, et il est mort octogénaire,
Bailleul a conservé une activité d'esprit qui,
Elus sagement dirigée, eût fait de lui un
omme véritablement remarquable.
bailleul s. m. (ba-lleul; M mil. — du
nom de Nie. Baillent, le premier qui s'illus-
tra dans cet art). Celui qui fait profession do
remettre les os luxés ou fractures. 11 Vieux et
inus. On dit redouteur dans le mémo sons.
— Féod. Agent chargé do la perception
des droits et de l'administration d'une sei-
gneurie.
BÂILLEUR, EUSE s. (bâ-llour, Ctl-ZO; Il
mil. — rad. bâiller). Personne qui bâille ou
qui est sujette à bâiller : C'est un grand
bâilleur. (Acad.)
C'est três-conta"icux le bâillement, marquise,
Lorsque le bâilleur peut bailler avec franchise.
E. Auqier.
— Fig. Personne ennuyée ou oui donne
des marques d'ennui : Oh! mon cher, faites
paraître le premier numéro, et les bâilleurs
ne vous manqueront pas. (A. Lcgendre.) il On
comprend qu'il y a dans cette phrase un jeu
de mots, répondu sans doute à quelqu'un qui
n'avait pas de fonds pour créer un journal.
— Prov. Un bon bâilleur en fait bâiller
deux, L'ennui est contagieux.
bailleur, ERESSE s. (ba-llour, e-rô-sc —
rad. bailler). Celui qui donne, qui baille :
Un bailleur de coups. Un bailleur de con-
seils, ii "Vieux en ce sons.
— Fam. Bailleur de bourdes, de batiuernes,
Celui qui débite des bourdes, des balivernes,
des choses fausses et inventées, n Locution
vieillie,
— Jurispr. Celui qui consent à un autre la
loèation d'un meuble ou d'un immeuble :
L'obligation principale du bailleur est de
faire jouir paisiblement le locataire de l'objet
loué. Le bailleur est obligé de faire entendre
au preneur en quoi consiste la chose louée.
(Merlin.) En ce sons seulement, le féminin
est usité.
— Ane. cout. Bailleur de tables , Officier
qui, dans la généralité d'Amiens, avait la po-
lice des halles, et louait aux marchands
les tables sur lesquelles ils étalaient leurs
denrées.
— Comm. BatHeur de fonds, Celui qui four-
nit de l'argent pour une entreprise, une so-
ciété en commandite.
— Jeux. Celui qui sert la balle, par oppo-
sition à naquet, qui est le nom du marqueur.
— Antonymes. Cessionnaire, preneur.
BAILLI, IVE s. (ba-lli,ive; «mil. — du v. fr.
baillir, gouverner, diriger; on écrivait autref.
baillif). Jurispr. Ancien officier royal d'é-
pée, au nom duquel la justice était rendue
dans l'étendue d'un certain ressort, et qui
pouvait commander la noblesse do son dis-
trict, quand elle était convoquée pour l'ar-
rière-ban : Le bailli de Touraine. Le bailli
d'Amiens. Madame la baillive. Dans le
principe , les baillis menaient leurs com-
munes à la guerre. (Fauchet. ) 11 Officier
royal do robe longue, qui rendait la justice
dans un certain ressort, et qui dépendait
du parlement : Le bailli de Melun, d'Am-
boise. Je vais prier mon cousin le bailli de
BAI
BAI
BAI
BAI
61
dresser les articles, it de donner un bon tour
à l'affaire. (Darc.) Il Officier civil qui rendait
la justice au nom d'un seigneur, et que l'on
nommait aussi bailli seigneurial, bailli châ-
telain et petit bailli : Le bailli du village.
M. de Rohan fut prié d'ordonner à ses baillis
de former un procès bon ou mauvais à l'avocat
général. (St-Sim.) il Juge royal qui connais-
sait par appel des causes jugées par les pré-
vôts royaux et par les hauts justiciers.
— Bailli du palais,- Juge qui prononçait
sur toutes les causes, tant civiles que crimi-
nelles, qui so présentaient dans l'enceinte du
palais, n Bailli de l'arsenal, Juge qui statuait
sur tous les différends entre officiers et em-
ployés aux ateliers d'artillerie. Il Bailli por-
tatif. Sorte d'huissier qui accompagnait celui
qui faisait offre de payement, et qui conser-
vait et portait les fonds. II Bailli chèvetain,
Officier de justice dont il est fait mention
dans la coutume de Normandie. Ces baillis
étaient spécialement établis dans cette pro-
vince; ils furent originairement nommés par
les ducs, puis par les grands vassaux nor-
mands, pour rendre la justice a tous les su-
jets de la province, quelle que fût leur condi-
tion, h Bailli de département. Officier chargé,
dans la province d'Alsace, de surveiller les
communautés d'habitants et de veiller au
recouvrement des impôts. Il En Suisse et dans
quelques parties de l'Allemague, on appelle
encore baillis certains magistrats civils :
A Lausanne, le vieux château des baillis, avec
quatre tourelles aux quatre angles, est d'une
fort belle masse. (V. Hugo.)
— Admin. relig. Grand bailli, Titre que
portait un fonctionnaire de l'ordre de Malte,
chef de la langue d'Allemagne, et charge
d'inspecter les forteresses de Tripoli et du
Goze. Sa charge était une des premières de
l'ordre, n Baillis conventuels, -Chefs des huit
langues de l'ordre de Malte, ainsi appelés
parce qu'ils résidaient dans le couvent de
la religion à Malte. Ils étaient les chefs.
des auberges , et étaient considérés comme
les premiers dignitaires de l'ordre , après
le grand maître. Ils faisaient partie du
conseil complet et des chapitres généraux.
Pour que le conseil souverain pût s'assem-
bler valablement, il fallait que les huit
baillis conventuels s'y trouvassent. Ils por-
taient la grande croix de toile blanche sur le
côté gauche de la robe : Malte était gouvernée
par un grand maître assisté de huit baillis
conventuels, qui avaient la grande croix et
soixante écus de gages. (V. Hugo.) On les ap-
pelait aussi piliers, il Baillis eapitulaires,
Dignitaires de l'ordre de Malte, qui n'étaient
pas astreints à une résidence habituelle dans
le couvent, et se nommaient eapitulaires,
parce qu'ils siégeaient aux chapitres après
les grands prieurs. On ne pouvait tenir de
chapitre général sans qu'ils fussent présents.
Ils étaient nommés par les chapitres géné-
raux de l'ordre. Ceux de Sainte-Euphemie,
ds Saint-Etienne, de la Sainte-Trinité de
Venise et de Saint-Jean ad mare Neapolis
étaient qualifiés prieurs de leur bailliage. Ils
portaient la croix de toile blanche sur le côté
gauche : Les baillis capitulaires étaient .• le
grand commandeur , de la langue de Provence;
le maréchal, de la langue d'Auvergne; legrand
hospitalier, de la langue de France; l'amiral,
de la langue d'Italie; le grand conservateur,
de la langue d'Aragon; le turcopolier, de la
langue anglo-bavaroise; le grand bailli, de la
langue d'Allemagne, et le grand chancelier, de
la langue de Castille. (Complém. de l'Acad.)
Il Bailli de grâce ou ad honores, Bailli de
l'ordre de Malte qui, à défaut de son élection
par un chapitre général, recevait son insti-
tution du pape ou du grand maître, ou du
conseil complet. 11 assistait aux conseils;
mais quand il s'agissait de commanderies ou
de dignités vacantes, son titre ne lui donnait
plus, dans les promotions, le droit de préfé-
rence sur les chevaliers. II portait la grande
croix de toile blanche sur le côté gauche, a
Bailli drapier, Officier qui réglait les dépen-
ses relatives à l'habillement des religieux de
l'ordre de Malte : Le plus qualifié d'entre les
chevaliers de l'ordre ne pouvait se faire faire
un habit neuf sans la permission du bailh
drapier. (V. Hugo.)
— Hist. Bailli de l'Empire, Titre du prince
qui remplissait les fonctions de régent pen-
dant les vacances du trône impérial d'Alle-
magne.
— Encycl. Les baillis furent d'abord des
hommes que le roi envoyait dans les provinces
pour examiner de quelle manière les grands
vassaux de la couronne rendaient la justice
dans leurs fiefs, pour réprimer leurs abus
d'autorité, juger, au nom du roi,Ies causes des
bourgeois qui s'étaient affranchis du joug sei-
gneurial, et au besoin convoquer le ban et
1 arrière-ban de la noblesse , à la tête de
laquelle ils se plaçaient alors. Il y eut d'abord
quatre grands bailliages : ceux de Vermandois,,
de' Sens, de Mâeon et de Saint-Pierre-le-
Moustier; plus tard, les rois en créèrent dans
toutes les villes un peu importantes, et comme
la plupart des seigneurs n'entendaient rien
aux lois, les bailli» royaux n'eurent pas de
peine à. attirer h. eux, presque partout, le droit
déjuger toutes les affaires litigieuses. Cepen-
dant quelques seigneurs, dans certaines par-
ties de la France, nommèrent eux-mêmes des
baillis qui rendirent la justice en leur nom, et
on les appela baillis à robe longue, pour les
distinguer des baillis royaux, qui portaient
l'épée et qui étaient toujours nobles. TJn édit
de Henri II (janvier 1551) créa des juges prési-
diaux, et, dès lors, les baillis perdirent une
grande partie de leurs attributions. Dans les
derniers temps de la monarchie absolue, les
bailliages, ainsi que les sénéchaussées, qui
n'en différaient que par le nom, ne marquaient
plus guère que les divisions administratives
du royaume, et l'on distinguait des bailliages
de première et de seconde classe, ceux-ci
n'étant que des subdivisions des bailliages ou
sénéchaussées principales.
Il y a encore"des ftaihis dans certaines parties
de 1 Allemagne et de la Suisse : ce sont des
magistrats civils, chargés de, faire exécuter
les lois ou les règlements, et quelquefois de
prononcer des jugements dans certaines ma-
tières déterminées.
Dans l'ordre de Malte, on donnait le titre
de bailli à des chevaliers d'un grade supé-
rieur à celui de commandeur, et ce titre leur
conféraiile privilège de porter la grande croix.
BAILLIAGE s. m. (ba-lla-je; Il mil. — rad.
bailli). Jurispr. Tribunal qui jugeait au nom
et sous la présidence du bailli : Procureur du
roi au bailliage. Plaider au bailliage. Les
bailliages ont été supprimés lors de la Révolu-
tion. Le bailliage royal fut érigé par édit du
mois de décembre 1693. Ses appels se portèrent
au Chdtelet de Paris jusquen 1751, époque à
laquelle un édit royal les renvoya au parlement.
Il connaissait des appels des prévôts' et sa ju-
ridiction s'étendait sur toutes les paroisses en-
vironnant Versailles, où se trouvait son siège.
La cause est au bailliage ainsi revendiquée.
Keonard.
Il Juridiction d'un bailli : Les privilèges d'un
bailliage. Exercer consciencieusement son
bailliage, n Etendue de pays qui se trouvait
sous la juridiction d'un bailli : Bailliage
royal. Bailliage seigneurial. Le bailliage
aura vingt fois le temps d'être saccagé, la sei-
gneurie violée, le bailli pendu. (V. Hugo.)
— Par ext. Lieu où le bailli rendait la jus-
tice, maison, demeure du bailli : Aller au
bailliage. Mander quelqu'un au bailliage.
— Bailliage de l'artillerie, Juridiction du
bailli de l'arsenal, n Bailliage des chasses, Tri-
bunal composé d'un lieutenant général, d'un
procureur du roi et d'un greffier.
— Admin. En Suisse et en Allemagne,
Territoire administré par un bailli.
— Admin. relig. Dignité et juridiction d'un
bailli dans l'ordre de Malte : L'ordre de Malte
avait deux grands bailliages en France : celui
de Saint-Jean-de-Latran, dit aussi de Moréo,
fondé en 1 17 1 , ef qui dépendait du grand prieuré
de la langue de France, et celui de Corbeil,
dit aussi de Saint-Jean-on-1'Ile, et dont le bailli
était grand trésorier de la langue de France.
— Fin. Droit que payent à Londres toutes
les denrées et les marchandises étrangères.
BAILLIAGER, ÈRE adj. (ba-Ua-jé, è-re;
Il mil. — rad. bailliage). Qui appartient, qui
est propre à un bailliage : On convoqua les
assemblées bailliagéres pour l'élection des
états généraux. (Acad.)
— Fam. Qui s'étend à tout un bailliage :
J'allai, il y a quarante ans, faire une visite
volante au curé de Brégnier, homme de grande
taillcet dont l'appétit avait une réputation
bailuagére. (Brill.-Sav.) il Inusité.
BAILLIAL adj, m, (ba-llal: Il mil. — rad.
bailli). Qui appartient au bailli, qui concerne
le bailli : Sergent baillial. il V. mot.
— Substantiv. Sergent baillial : Le baillial.
BAILLIE s. f. (ba-llî ; Il mil. — rad. baillir,
gouverner, diriger). Jurispr. anc. Fonctions
d'un baile^ garde, tutelle, particulièrement
en ligne collatérale, la tutelle en ligne directe
prenant le nom de garde noble ou de garde
bourgeoise : Lorsque le tuteur ou celui qui
avait la baillie voulait courir les risques de
cette procédure. (Montesq.)
baillie s. f, (ba-llî). Féminin inus. de
bailli :
Votre sœur paye à frère Aubry,
La baillie, au père Fabry.
La Fontaine.
Il V. Baillivb.
BAILLIE, en latin BAYLIUS (Robert), histo-
rien et théologien écossais, né en 1599, mort
en 1662. Zélé presbytérien, il fit en 1638 partie
de l'assemblée de Glascow, d'où sortit le co-
venant, protesta contre les changements que
Charles Ier voulait introduire dans l'Eglise
d'Ecosse, mais d'ailleurs se montra toujours
attaché à la cause royale. Il remplit diverses
fonctions ecclésiastiques, professa la théologie
à Glaseow, mais refusa un évêché que Char-
les II lui offrit. Il était très-savant. Parmi ses
nombreux écrits on estime surtout : Opus his-
toricum et chronologicum (Amsterdam 1668).
BAILLIE (William), dit le capitaine Baillie,
graveur, né en Irlande vers 1736, mort après
1779. Il suivit d'abord la carrière militaire et
fut capitaine dans un régiment de cavalerie,
puis il quitta le service et s'adonna à. l'art de
la gravure. Mariette nous apprend qu'il était
fixé à Rome en 1763, et qu'il avait déjàexécuté
à cette époque un grand nombre de planches
d'après des tableaux et des dessins. Le capi-
taine Baillie nous fait savoir lui-même, par
une de ses estampes, qu'il s'était formé d'après
les conseils de son compatriote Nathanael
Hone. Il a gravé à l'eau-forte, à la manière du
crayon, à l'aqua-tinta et à la manière noire.
M. Ch. Blanc a catalogué sous son nom cent
treize pièces, parmi lesquelles nous cite-
rons : Jésus guérissant les malades (retouche
de la fameuse pièce des cent florins) ; le Christ
au tombeau, les disciples d'EmmaHs, le Peseur
d'or,d'après Rembrandt; Suzanne justifiée par
Daniel, d'après G. Eeckhout ; l'Aurore, d'après
le Guide; Amour et Psyché, d'après Poussin;
la Vanité, d'après Rubens; l'Alchimiste, d'a-
près Teniers; la Dentellière, le Tailleur de
plume, d'après G. Dow ; Psyché et les Amours,
d'après le Corrége ; diverses Madones, d'après
B. Luti, Mazzuola, Sabattini, Rottenhamer et
Breughel; le portrait de Buckingham, d'après
Van Dyck; divers portraits d'après G. Dow,
Fr. Mieris, Hais, Netscher, Terburg, Sopho-
nisbe Anguisciola, etc.; des intérieurs et des
scènes rustiques , d'après Teniers , Dusart,
Molenaer, Zuccaro, Le Nain et surtout d'après
Andr. Van Ostade ; des figures de vieillards,
d'après Rembrandt, Salv. Rosa; des vues de
villes et des paysages, d'après Rembrandt,
P. Molyn, Bergnem, Cl. Lorrain ; des marines,
d'après Van de Velde, J. Storck, etc.
BAILLIE (Joanna), femme de lettres anglaise,
néeàShotts,enEcosse,enl762,morteàHamp-
stead, près de Londres, en février 1851. Elle
était fille d'un^ecclésiastique campagnard, le
docteur Baillie, qui devint plus tard professeur
de théologie à Glaseow. Elle reçut de son père
une solide instruction. Quand son frère, Mathieu
Baillie , le célèbre médecin , commença à
exercer, elle se rendit à Londres avec sa sœur.
En 1798, à l'âge de 36 ans, elle publia un pre-
mier volume de pièces sur les passions, qui fut
suivi d'autres volumes, en 1802, 1811 et 1836.
En 1804, parut un volume de pièces diverses,
qui contenait une tragédie highlandaise, inti-
tulée la Légende de famille, que Walter Scott
fit représenter avec une splendeur inouïe,
comme décors et comme costumes , sur le
théâtre d'Edimbourg, en 1810 ; il y avait ajouté
un prologue composé par Henry Mackenzie,
et un épilogue' écrit par lui-même. Plusieurs
de ses pièces furent représentées avec succès
à Londres et eurent pour interprètes Kemble,
Kean et Mme Siddons. Toutes ses oeuvres
dramatiques, pleines de vigueur et d'origina-
lité, sont d'ailleurs peu faites pour les exi-
gences de la scène. Mil8 Baillie, qui avait
quatre-vingt-neuf -ans à l'époque de sa mort,
a connu littéralement deux générations d'au-
teurs à Londres. Elle jouissait de l'estime gé-
nérale et conserva, jusqu'à son dernier soupir,
la plénitude de ses facultés intellectuelles. Ses
œuvres poétiques, réunies en un volume grand
in-8°, ont été publiées en 1850.
BAILLIE (Mathieu), frère de la précédente,
médecin anglais, né en 1761, à Shotts,. en
Ecosse, mort à Londres en 1823. Envoyé h
Londres en 1779, auprès de son oncle le doc-
teur William Hunter,il s'instruisit rapidement,
grâce aux leçons de ce célèbre anatomiste, et
devint une des gloires du corps médical de la
Grande-Bretagne. Il fut médecin de Georges III
et mourut d'épuisement, suite de ses inces-
sants travaux, dans sa magnifique résidence
de Duntisbourne, comté de Glocester, à l'âge
de cinquante-quatre ans. Son habileté comme
anatomiste, sa sûreté de diagnostic et sa
connaissance profonde des qualités et de l'ac-
tion des remèdes, ont porté au plus haut point
sa réputation. Il a publié, sur 1 anatomie mor-
bide du corps humain, des ouvrages qui ont
eu les honneurs de la traduction en France, en
Allemagne et en Italie. Son caractère, comme
médecin, se résume tout entier dans l'apo-
phthegme suivant, qu'il avait l'habitude de
prononcer devant ses intimes : « Grâce à mes
connaissances en anatomie je sais, peut-être
mieux que mes confrères, découvrir une ma-
ladie; mais, ensuite, je ne sais pas mieux
qu'eux comment la guérir. »
BAILLIE (John), orientaliste anglais, né à
Inverness en 1766, mort en 1823. Il resta
longtemps au service de la compagnie des
Indes, soit comme militaire, soit comme pro-
fesseur des langues orientales , soit comme
résident. Il a traduit le recueil des lois musul-
manes intitulé Imamea, et donné des éditions
du texte original des travaux les plus estimés
sur la grammaire arabe.
BAILLIF s. m. (ba-lliff; Il mil.). Ancienne
forme du mot Bailli.
— En Angleterre, Officier de justice que le
shérif envoie dans tous les lieux de sa juri-
diction pour signifier ses ordres.
BAILLISTRE s. m. (ba-lli-stre ; II mil. —
rad. baillie). Anc. jurispr. Celui qui avait la
garde et tutelle de mineurs nobles : Eudon
fit frapper monnaie, soit comme baillistre de
son neveu, soit, comme tous les comtes bretons,
par usurpation. (A. Barthél.) li On disait aussi
baillisetjh.
BAILLISTRERIE s. f. (ba-lli-stre-rî ; Il mil,
— rad. baillistre). Anc. jurispr. Tutelle, garde,
administration des biens d'un mineur, il Ce
mot n'était guère usité que dans la Bourgogne.
BAILLIVB s. f. (ba-lli-ve; Il mil. — fém. de
baillif, qui s'est dit pour bailli). Femme d'un
bailli : Madame d'Orbe et madame la baillive
marchaient devant Monsieur. (J.-J, Rouss.)
Voua irez visiter, pour votre bienvenue,
Madame la baillive et madame l'élue.
Molière.
Il La Fontaine a écrit Baillie. V. ce mot.
BÂILLON s. m. (bâ-llon; Il mil, — rad.
bâiller). Morceau de bois ou objet quelconque
qne l'on met dans la bouche d'une personne
pour l'empêcher de parler, d'appeler, de
crier : Dans certains couvents, on met le bâillon
à ceux qui ont rompu le silence. (Trév.) Lorsque
l'on conduisit à la Grève l'infortuné Lally, on
lui mit à la bouche un bâillon qui débordait
ses lèvres. (Encycl.)
— Par anal. Lien au moyen duquel on
tenait les mâchoires d'un animal, pour l'em-
pêcher do mordre, il Sorte de petit panier
qu'on adapte au museau d'un animal, dans
le mémo but. n On dit plutôt muselière dans
les deux cas.
— Fig. Ce qui empêche d'exprimer sa pen-
sée ou de se plaindre : Qu'en dirent les offi-
ciers principaux quand, par son retour, leur
bâillon leur tomba de la bouche? (St-Sim.)
Elle avait été déjà bien contente d'une lance
que vous avez rompue sur le nez de Ci ouzaz
en faveur de Bayle; elle voudrait viir un
bâillon de votre façon dans la bouche bavarde
de ce professeur dogmatique. (Volt.)
— Loc. fam. Mettre un bâillon à quelqu'un,
Le condamner à se taire, ou l'y décider en le
gagnant, n Mettre un bâillon à la presse, L'o-
bliger à se taire par des mesures coercitives.
— Chir. Morceau de liège, tampon de linge
ou de charpie que l'on met entre l*s dents
molaires d un malade, pour que sa bouche
demeure ouverte pendant qu'on y pratique
une opération. Il Bâillon dentaire, Plaque d'or
ou de platine que l'on fixe avec des fils sur
une molaire, lorsquo l'on veut ramener en
avant plusieurs dents incisives ou canines, et
empêcher le contact des dents déviées avec
celles qui leur correspondent dans l'autre
mâchoire.
— Ichthyol. Poisson auquel on a donné le
nom du naturaliste Bâillon.
— Homonymes. Baillons et baillions (du
verbe bailler) ; bâillons et bâillions (du verbe
bâiller).
BAILLON (Pierre-Joseph), instrumentiste et
écrivain musical, vivait vers latin du xv siècle
a Paris, où il dirigeait la musique du duc
d'Aiguillon. Outre un journal de violon et un
recueil d'ariettes, la Muse lyrique (1772-84) ;
Bâillon a publié une Nouvelle méthode de gui-
tare (Paris, 1781).
BAILLON (Emmanuel), naturaliste français,
mort à Abbeville en 1802, cultiva avec succès
l'ornithologie et la physiologie végétale, et lit
une étude particulière des oiseaux de mer qui
habitent les côtes de la Picardie. La plupart
des oiseaux de mer et de rivage que l'on voit
au Muséum ont été préparés par ses soins. Il
entretint une correspondance active avec
Buffon, qui aimait à le consulter. Bâillon a
laissé divers ouvrages, entre autres un Mé-
moire sur les causes du dépérissement du bois
et les moyens d'y remédier (1791), mémoire qui
lui valut le prix proposé sur cette question par
l'Assemblée constituante ; un autre Sur les
sables mouvants qui couvrent les côtes du dé-
partement du Pas-de-Calais et les moyens de
s'opposer à leur invasion. Il proposait de les
fixer en y plantant le roseau des sables (arundo
arenaria).
BÂILLONNANT (ba-llo-nan; Il mil.) part,
prés, du v. Bâillonner : On terminerait une
foule de disputes interminables en bâillonnant
les orateurs de deux partis, en les obligeant
au silence. (Mercier.)
BÂILLONNÉ, ÉE (bâ-llo-néj II mil.] part,
, pass. du v. Bâillonner. Entrave d'un bâillon :
Un homme bâillonné. Un chien bâillonné. Le
patient fut bâillonné par le bourreau.
— Fig. Qui a été intimidé , contraint par
tyrannie ou amené autrement à ne pas expri-
mer sa pensée : Une nation bâillonnée. La
presse a.toujours été bâillonnée. Déjà ces deux
journaux avaient été bâillonnés par le même
procédé. (Journ.)
— Blas. Se dit des animaux que l'on peint
ayant entre les dents un bâton d'un autre
émail que le corps : Famille de Bournan :
d'argent, au liori de sable bâillonné de gueules,
à la bordure componée d'argent et de sable.
— Substantiv. Personne bâillonnée : Les
décollés, les bâillonnés, les brûlés, les incar-
cérés... (Volt.)
BÂILLONNEMENT s. m. (bâ-llo-ne-man ;
Il mil. — rad. bâillonner). Néol. Action de
bâillonner; état de la personne bâillonnée,
de l'animal bâillonné : Le bâillonnement des
chiens est une mesure de sûreté publique.
— Fig. Action d'empêcher la manifestation
de la pensée : Le bâillonnement des journa-
listes. Le bâillonnement de la presse.
BÂILLONNER v. a. outr. (bâ-llo-né ; Il mil.
— rad. bâillon). Mettre un bâillon : Bâillon-
ner une personne pour V empêcher de crier.
Bâillonner un chien pour l'empêcher de mor-
dre. On saisit l'homme, on le bâillonne, oh
l'amène à Paris, on l'amène à la Bastille.
(Chamfort.) Nous deux, nous viendrons bien à
bout de la bâillonner. (E. Sue.)
— Fig. Réduire au silence, Empêcher de
parler, d'écrire, par des menaces ou par tout
autre moyen : Bâillonner les orateurs, les
journalistes. Bâillonner la presse. Un jour,
tous les citoyens connaîtront tes odieuses ma-
nœuvres qui ont intercepté la légitime défense
et bâillonné la victime. (Bavière.) Il aurait
fait bâillonner par sa police toute voix dont
l'accent mâle aurait ébranlé une des cordes
graves du cœur humain. (Lamart.)
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BAI
BAI
BAI
BAI
— Tcchn. Bâillonner une porte, La fermer
en dchoçs avec une pièce de bois.
bailloque s. f. (ba-llo-ke; II mil.). Comm.
Plumo d'autruche peu estimée, dont la teinte
est mêlée de blanc et de brun, et que l'on
n'emploie que dans les ouvrages do matelas-
siers. Il Plume de couleur mêlée, eu général.
BAILLORGE s. f. (ba-llor-je; Il mil. — rad.
bail, ou bailler). Bot. et agric. Syn. de bail-
'ard.
BAILLOT (Pierre), littérateur, professeur
ou lycée de Dijon, né dans cette ville en 1752,
mort en 1815. Il se fit connaître par des poésies
insérées dans divers recueils et par plusieurs
écrits, dont les trois suivants seuls ont été im-
primés : Récit de la bataille de Marathon lu
le 3 septembre 1791 dans la société patriotique
de Dijon aux gardes nationaux volontaires de
la Côte-d'Or, lors de leur départ pour l'armée
(in-8°, 1792) ; Pkœdri fabulœ selectœ, avec des
notes (30 édition, Dijon, 1806); Ovidii Méta-
morphoses selectœ adusum tycœorum, avec des
notes (Dijon, 1808).
BAILLOT (Etienne-Catherine), député aux
états généraux de 1789, né à Evry-sur-Aube
en 1758. li fut d'abord avocat au bailliage de
Troyes. A l'Assemblée nationale, il siégea au
coté gauche et vota pour toutes les réformes.
Il fut ensuite nommé membre du tribunal de
cassation et se retira, en 1796, dans sa ville
natale, où il ne s'occupa plus que de littérature
et de travaux agricoles. On a de lui une tra-
duction en prose des satires de Juvénal , et il
a laissé en manuscrit des Recherches sur l'his-
toire de Champagne. Il mourut en 1825.
BAILLOT (Pierre-Marie-François de Sales),
célèbre violoniste français , né h Passy le
1" octobre 1771, mort à Paris le 15 septembre
1812, était fils d'un avocat au parlement de
cette ville, que des revers de fortune avaient
obligé à ouvrir un pensionnat. Dès l'âge de
sept ans, il montra une aptitude toute parti-
culière pour l'instrument auquel il allait devoir
bientôt l'illustration. Son père facilita ses pre-
miers essais et lui donna pour maître Polidori,
puis Sainte-Marie, qui le conduisit un jour au
concert spirituel des Tuileries. Là, il entendit
Viotti et ce fut pour lui une révélation. Quoi-
qu'il ne fût encore qu'un enfant, il travailla à
égaler le modèle qui excitait son enthousiasme.
En 1783, son père fut envoyé en Corse comme
substitut du procureur du roi près le conseil
supérieur ; il dut suivre sa famille à Bastia, où
sa mère, dînant chez le gouverneur, vit plus
d'une fois, ainsi qu'elle l'a raconté depuis,
M'ne Bonaparte la inère venir solliciter des
secours que son état voisin de la misère lui
rendait indispensables. Cependant M. Baillot
père étant mort, sa veuve, chargée de deux
enfants et restée sans fortune, dut chercher
un protecteur pour sa famille ; elle le trouva
dans la personne de l'intendantde Corse, qui fit
élever le jeune Baillot avec ses propres en-
fants et l'envoya avec eux à Rome. A Rome,
Baillot prit des leçons d'un habile violoniste,
Pollani, dont les conseils eurent une influence
décisive sur son talent précoce. Ses études
classiques terminées, il vint rejoindre à Pau
son protecteur, dont il resta pendant cinq ans
le secrétaire , et qu'il suivit a Bayonne et a
Auch. Ses loisirs étaient alors occupés par le
maniement de son archet. Forcément séparé
en 1791 de celui qui l'avait jusqu'alors puis-
samment aidé, il revint à Paris avec sa mère.
Présenté à Viotti par cette dernière, il fut
admis dans l'orchestre des Bouffes et y fit
connaissance avec Rode, l'élève de prédilection
de Viotti. Une amitié très-vive unit les deux
jeunes gens, et cette amitié ne se démentit
jamais. Toutefois, Baillot quitta bientôt l'or-
chestre des Bouffes, la journée du io août
ayant dispersé les chanteurs italiens. Resté
sans place, sans ressources, ayant à sa charge
une mère, une sœur, une tante, une cousine
et un oncle, ancien prieur des Grands-Augus-
tins de Paris, il fui en outre atteint bientôt
par la première réquisition. Incorporé à l'ar-
mée des côtes, il vit sa santé s'altérer et il
obtint aisément un congé. Fixé de nouveau à
Paris, un emploi lui fut donné dans une fabri-
que de cuirs, emploi modeste qui ne suffisait
point à faire vivre la nombreuse famille dont
il était le soutien. Les bureaux du minis-
tère des finances s'ouvrirent ensuite pour
lui, et il put en même temps donner des
leçons. Enfin, pressé par quelques amis, il
se décida a se faire entendte en public. Son
succès fut complet. Le Conservatoire l'ap-
pela dans son sein, et, le 22 septembre 1795, il
remplaçait, comme professeur de violon dans
cet établissement, son ami Rode, qui allait en
Russie tenter la fortune. Nommé en 1802 chef
des seconds violons de la musique particulière
de Napoléon, il fut, en 1805, appelé en Russie
par Alexandre. A Moscou, il donna des con-
certs fort applaudis ; à Saint-Pétersbourg, il
excita le plus v.if enthousiasme. Mais toutes
les offres qu'on lui fit alors pour le retenir ne
purent le décider à rester loin de la France,
où il revint en 18081 En 1815, on le vit par-
courir la Belgique, la Hollande et l'Angleterre
et recueillir partout gloire et profit. Nommé
en 1820, à la fois premier violon d'orchestre
et premier violon solo à l'Opéra, il résigna au
liout de quelques années cette première place
til conserva m seconde jusqu'en 1831. Après
avoir été, depuis 1827, premier violon à là cha-
pelle de Charles X, il fut nommé chef des
Seconda violons dans la musique particulière
de Louis-Philippe, place qu'il occupait encore
à sa mort et dans laquelle son fils lui succéda.
« Aucun violoniste, a dit M. Escudier dans sa
Notice sur Baillot (Gazette musicale, 1841),
n'avait sondé avec plus de logique, d'esprit et
d'imagination à la fois les secrets de son in-
strument. Son goût naturel et ses études con-
stantes lui ont démontré que le caractère du
violon consiste avant tout dans ta grâce, la
douceur, l'élégance, la passion, mais la passion
sans efforts et sans cris... Tout en cherchant a
simplifier le mécanisme du violon, Baillot est
arrivé à un résultat au moins éçal, sinon su-
périeur à celui des violonistes qui lui ont servi
de modèles... Baillot a toujours suivi le doigter
le plus naturel, celui qui offrait le plus de sûreté
pour l'intonation. ■ On a dit encore de cet
artiste qu'il avait un bras droit comme jamais
violoniste n'en avait eu. Ses principales qua-
lités étaient la légèreté, la grâce, l'ampleur,
l'énergie, la passion et une aptitude particu-
lière à saisir le style de tous les maîtres et de
toutes les époques. Aussi les plus habiles
chanteurs, entre autres Adolphe Nourrit, l'é-
tndiaient comme un maître dans l'expression
musicale. Mais ce qui assure à Baillot une cé-
lébrité durable, c'est le livre qu'il a écrit pour
les élèves du Conservatoire, sous ce titre :
Méthode de viotonpar Baillot ,Jtode et Kreutzer
(Paris, 1803, in-4o), et qui parut entièrement
refondu en 1833, sous cet autre titre : l'Art du
violon. L'Art du violon est en même temps une
méthode et une histoire de cet instrument. Bail-
Iota, en outre, composé : l° douze Etudes carac-
téristiques pour le violon, avec accompagne-
ment de basse chiffrée; 2° six autres Etudes;
3° cinquante autres pour la gamme ; 4° vingt-
quatre nouvelles Etudes destinées à faire suite
à l'Art du violon; 5° des duos, des trios, des
quatuors, des concertos, une symphonie con-
certante pour deux violons. On lui doit encore :
Recueil de pièces à opposer à divers libelles
dirigés contre le Conservatoire de musique, suivi
A' Observations sur l'état de la musique en
France (in-8° de 40 pages, 1803). Notice sur
les travaux du Conservatoire impérial et sur
les objets soumis à son examen pendant l'année
1812 (in-4° de io p. 1812); Notice sur J.-B.
Viotti (Paris, 1825, in-8°). Comme professeur,
il compte de nombreux élèves, parmi lesquels
nous citerons Mazas, Habeneck aîné, Gras,
Philippe, Charles et Léopold Dancla. Il avait
épousé en 1809, à son retour de Russie, sa
cousine ; de cette union sont nés trois enfants,
dont deux, Mmc Sauzet et M. René Baillot,
ont continué les traditions paternelles. Ce cé-
lèbre virtuose, qu'on a été jusqu'à mettre
au-dessus de Paganini comme exécutant, avait
coutume de dire : t Un artiste est toujours à
son début, » belles paroles qui expliquent
l'étude constante qu'il faisait de son art, qui
expliquent aussi ses efforts pour se tenir tou-
jours à la hauteur de sa réputation et que les
artistes devraient avoir sans cesse présentes a
la mémoire lorsqu'ils songent à produire des
œuvres durables.
DAILLOT (René-Paul), pianiste français, né
à Paris le 23 octobre 1813, et fils du fameux
violoniste de ce nom, reçut d'abord les leçons
de son père, dont il suivit au Conservatoire
les cours si distingués. En même temps, il avait
pour professeurs de piano MM. Desormery et
Pleyel. On lui doit de nombreuses Etudes,
Variations, etc. Mais c'est surtout dans la
carrière de l'enseignement qu'il s'est fait re-
marquer. Nommé professeur au Conservatoire
le 18 mai 1848, il a fondé dans cet établisse-
ment la classe d'ensemble instrumental.
BAiLEOTTE s. f. (ba-llo-te). Econ. dom.
Vaisseau do bois plus souvent appelé baquet.
BAILLOD (Guillaume de), célèbre médecin
français du xvi» siècle, né a Paris en 1538,
mort en 161G, reçut de Henri IV le titre de
premier médecin du dauphin (Louis XIII). Il
était doyen de la faculté de Paris, et son ar-
gumentation était si pressante, qu'on l'avait
surnommé le fléau des bacheliers. Ce fut lui
qui le premier fit revivre, après un long inter-
valle, la médecine d'observation, si féconde en
résultats. Il avait pris Hippocrate* pour mo-
dèle. Le premier, il fit bien connaître ià nature
du croup. Ses ouvrages; qui témoignent d'une
grande érudition scientifique et littéraire, ont
été souvent réimprimés. Théild. Tronchin en
a donné une édition à Genève en 1762.
BAILLOD (Louis de), compositeur français,
vivait dans la seconde moitié du xvme siècle
et au commencement du xixe . Elève de Capron
pour le violon, il se rendit en Italie pour per-
fectionner son talent et devint chef d'orchestre
du théâtre de la Scâla* a Milan. Il a composé
pour ce théâtre la musique de plusieurs ballets.
BAIIAOtlVlENNE S. f. (ba-)lou-vi-è-ne;
Il mil.). Bot. Genre d'algues, qui croit dans
la mer Adriatique, mais qui n'a pas été
adopté.
BA1LLU (Pierre de), BAILLIEU ou BALL1U,
habile graveur flamand, florissàit a Ahvers
vers 1640. Il acheva ses études artistiques a
Rome et revint ensuite dans sa patrie, où il
se fit une brillante réputation. U a gravé, d'a-
près les maîtres hollandais et italiens, beau-
coup de morceaux qui sont estimés et dont le
plus remarquable est Saint Athanase, d'après
Rembrandt.
BAILLY (David), peintre et graveur hol-
landais, né à Leyde en 1584 ou 1588, mort en
1638. Elève de Jacob de Gheyn, d'Adriaan
Verbught et de Cornelis van der Voort. Il
Ûébùtà tivèe aSsea de sucées dans la gravure,
qu'il abandonna ensuite pour la peinture, alla
étudier à Rome, refusa une pension que lui
offrit le duc de Brunswick, et revint se fixer
dans sa ville natale, où il acquit de la réputa-
tion comme portraitiste. Le musée d'Amster-
dam possède le portrait qu'il fit, en 1624, de
la femme de Grotius, Marie van Reigersber-
gen. Ses portraits, dessinés à la plume, étaient
Fort estimés. On a de lui une suite de pièces
gravées sous ce titre : Bambocci diversi.
BAILLY (George), général français, né en
1085, mort en 1759. Il fit la campagne de 1706
en Allemagne, assista ensuite aux sièges de
Douai, du Quesnoy, de Bouchain, de Landau,
de Fribourg, enfin de Fontarabie en 1719,
commanda l'école de Grenoble jusqu'en 1733,
et combattit dans la suite en Italie, en Bohème,
à l'armée du Rhin, et fut nommé lieutenant
général en 1748.
BAILLY (Jacques), miniaturiste et graveur
français, né à Graçav, près de Bourges, en
1629, reçu a l'Académie en 1C64, mort en 1679,
empoisonné, dit-on, par les ingrédients qu'il
employait à composer ses couleurs. Il avait
obtenu un logement au Louvre, et il fut enterré
dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois. Il pei-
gnit avec assez de succès les fleurs, les fruits
et les ornements. Il a gravé a l'eau-forte douze
planches représentant des fleurs.
BAILLY (Nicolas), peintre et graveur fran-
çais, fils du précédent, vivait à Paris dans les
dernières années du xvue siècle et au commen -
cernent du xvmc. Il a peint des paysages et a
gravé à l'eau-forte dix planches représentant
des vues prises aux environs de Pans. Il avait
obtenu l'emploi de garde des tableaux du roi.
BAILLY (Jacques), deuxième du nom, pein-
tre et littérateur français, fils du précédent,
né à Versailles en 1701 , mort en 1768, remplaça
son père comme garde des tableaux du roi. Il
peignit peu et fit pour le théâtre quelques pa-
rodies qui eurent un succès éphémère. Son
Théâtre parut en 1768, en 2 vol. in-8». On lui
doit encore le Catalogue des tableaux du ca-
binet du roi au Luxembourg (in-12, 1777). Il eut
pour fils Jean-Sylvain Bailly, l'intrépide et in-
fortuné maire de Paris.
BAILLY (Jean-Sylvain), illustre savant et
homme politique, fils du précédent, né à Paris
en 1736. Destiné à la peinture par son père, il
suivit sa vocation qui l'entraînait vers la litté-
rature et les sciences. Ses travaux en astro-
nomie le firent recevoir à l'Académie des
sciences en 1763. En même temps, il composait
des Eloges, parmi lesquels il faut citer ceux
de Lacaille et de Leibnitz ; mais il dut surtout
sa réputation à son Histoire de l'astronomie,
divisée en trois parties distinctes : Asfronomic
ancienne; Astronomie moderne, et Astronomie
indienne et orientale. C'est dans cet ouvrage
qu'il émit la fameuse hypothèse de l'invention
des sciences par un peuple du Nord qui aurait
disparu de la terre. (V. Astronomie [Histoire
de l']). L'Académie française l'admit dans son
sein en 17S4, et l'Académie des inscriptions
en 1785. La Révolution vint l'arracher à ses
travaux, a la paisible carrière où il s'était
illustré, et le jeter au milieu des orages poli-
tiques pour lesquels il était si peu fait. Elu
secrétaire de 1 assemblée des électeurs de
Paris, porté ensuite comme député du tiers
aux états généraux, il eut l'honneur de prési-
der cette assemblée dans la mémorable séance
du Jeu de paume, qui décida de la Révolution.
Après la prise de la Bastille, il fut nommé par
acclamation maire de Paris, et ce fut en
cette qualité qu'il reçut, quelques jours après,
Louis XVI à l'Hôtel de ville, et qu'il lui adressa
ces paroles devenues célèbres : « Henri IV
avait conquis son peuple, aujourd'hui c'est le
peuple qui a reconquis son roi. » Sa popularité
était alors immense, mais il en vit bientôt le
terme. Après la fuite de Varennes, il fit exé-
cuter la loi martiale contre les pétitionnaires
assemblés au Champ-de-Mars pour demander
la déchéance du roi. Dès lors, il fut en butte à
la haine publique et quitta son poste de maire
en novembre 1791. Arrêté à Melun en 1793, il
fut traduit devant le tribunal révolutionnaire
et condamné à mort pour sa participation aux
massacres du Champ-de-Mars. Il mourut avec
un admirable courage : les apprêts de son
supplice furent d'une longueur excessive; ses
membres, glacés par le froid et la pluie, s'a-
gitaient d'un mouvement involontaire : « Tu
trembles, Bâffiy? lui dit un des assistants.
— Oui, mon ami, mais c'est de froid, » répon-
dit-il. Suivant une autre version adoptée par
Arago, il aurait simplement répondu : Mon
ami, j'ai froid. Ait reste, on a beaucoup exa-
géré les outragés dont il aurait été l'objet, et
l'on ne trouve dans lés pièces authentiques
aucune trace d'une foule d incidents rapportés
par des historiens qui se sont inspirés plus
souvent dé la haine de parti que de la vérité.
On peut consulter à ce sujet la remarquable
Biographie de Bailly, par Arago. Outre les
ouvragés déjà cités, on a encore de Bailly un
grand nombre de mémoires scientifiques, un
Essai sur les fables et sur leur histoire, enfin
des Mémoires d'un témoin oculaire de la Révo-
lution, esquisse des premiers mois de la Révo-
lution, où se rencontrent beaucoup de petits
détails intéressants.
BAILLY (Antoine-Denis), typographe et lit-
térateur, né à Besançon en 1749, mort entre
1815 et 1820. IL avait fait d'assez bonnes études
au collège de sa ville natale. Devenu prote dé
l'imprimerie de Didot jeune, U dirigea depuis
1780 l'impression de la plupart des beaux ou-
vrages sortis des presses de cet imprimeur.
C'est à lui qu'on est en partie redevable de
la publication des Etudes de la nature, de
Bernardin de Saint -Pierre, ouvrage dont
aucun libraire n'avait voulu entreprendre l'é-
dition. Aimé Martin nous apprend que 1 seul
de tous ceux qui avaient eu l'ouvrage entre
leurs mains, il sut en apprécier le mérite. Il
osa même en prédire le succès, et son juge-
ment eut l'heureux effet de décider M. Didot
à faire une partie des frais de l'impression. »
(Mémoires sur la vie de Bernardin de Sainte
Pierre). Cet homme intelligent et modeste,
estimé de tous les littérateurs, avait formé
une belle collection de livres qu'un revers de
fortune l'obligea dans la suite de mettre en
vente. On lui attribue les ouvrages suivants :
Dictionnaire poétique d'éducation, 1775 (sous
le nom de Delacroix), Choix d'anecdotes an-
ciennes et modernes (4« édition, 1824).
BAILLY (Antoine), inspecteur des finances,
fils du précédent, mort en 1851, a laissé des
ouvrages spéciaux très -estimés : Histoire
financière de la France; Finances de la Grande-
Bretagne, etc. (1837, 2 vol. in-8°). Ces travaux
sont riches en documents originaux et en
renseignements sur l'ancienne organisation
financière de la France et sur la dette, les
banques, la navigation, les contributions, etc.,
de 1 Angleterre.
BAILLY (Joseph), médecin et littérateur,
né à Besançon en 1779, mort en 1832. Il fit,
en qualité d'officier de santé, puis de pharma-
cien militaire, une partie des campagnes du
Consulat et de l'Empire, On lui doit de bonnes
notices sur la culture du lin, sur diverses par-
ties de l'agriculture, sur les arts industriels ;
un Essai sur les puits artésiens; des relations
de voyage, etc..
BAILLY (Jean-Baptiste), naturaliste, né à
Chambéry (Savoie), en 1822. Membre fonda-
teur de la société d'histoire naturelle de Savoie,
M. Bailly est le vice-président de cette société
et son conservateur d ornithologie depuis 1844.
Il a formé de belles collections d'oiseaux,
d'oeufs et de petits mammifères : tous les sujets
ont été préparés et montés par lui-même. Ses
travaux ornithologiques lui firent obtenir, en
1848, du roi Charles-Albert la permission do
chasser dans ses Etats pendant toutes les sai-
sons. En 1841, il fit paraître un recueil d'ob-
servations sur les mœurs et les habitudes des
oiseaux de la Savoie, travail inséré en 1851
dans les Mémoires de l'Académie royale de
Savoie (2" série). De 1849 à 1853, il publia
sur l'ornithologie, divers mémoires dans les
bulletins de la Société d'histoire naturelle de
Savoie. En 1853, il entreprit la publication da
l'ouvrage qui est jusqu'à ce jour son plus beau
titre scientifique : l'Ornithologie de la Savoie
(Paris, 1853-1854, 4 vol. in-8<>j, complétée par
un atlas de 110 pi. lithographiées (Chambéry,
1855-1856, in-s°). L'auteur a suivi la méthode
du naturaliste hollandais Temminck, et ne
rejette pas les désignations en langue vulgaire.
BAILLY DBJUILLY (Edme-Louis-Bartlié-
lemy), conventionnel né à Troyes en 17G0, mort
en 1819. Il était, avant la Révolution, oratorien
et professeur au collège de Juilly. Dans le pro-
cès du roi, il vota pour le bannissement, et fut
un des muets qui, perdus dans la plaine,
Imitaient de Sieycs le silence profond.
Il s'en dédommagea après le 9 thermidor,
fut un des plus violents réacteurs, tonna con-
tre les terroristes abattus, et entra par la voio
du sort dans le conseil des Cinq-Cents, où il
continua de, travailler activement à la des-
truction de la république, de concert avec les
clichiens. Echappé à la proscription du 18 fruc-
tidor, il appuya le coup d'Etat du 18 brumaire,
et devint préfet du Lot, puis baron de l'em-
pire. De graves abus dans son administration
le firent révoquer en 1813. Il périt par suite
de la chiite d'une diligence.
BAILLY DE M Eli LIEUX (Ch. -François), sa-
vant français, né à Merlieux (Aisne) en 1800.
Il a publié des résumés d'astronomie, de bota-
nique, de physique, etc., en collaboration avec
M. Babinet, et divers petits ouvrages sur les
sciences et l'agriculture, qui ont eu plusieurs
éditions ; enfin il a fondé l'Encyclopédie por-
tative, le Mémorial encyclopédique, et collaboré
pour une part considérable à la Maison rus-
tique du xixe siècle.
BAILLY DE MONTHION (Françbis-Gêdéon,
comte), général français, né à l'île Bourbon
en 1776, mort en 1846, fit les premières cam-
pagnes de la Révolution dans les armées de la
Moselle et du Nord. Il assista à la plupart des
grandes batailles du Consulat et de l'Empire,
et remplit pendant quelque temps, en 1813, les
fonctions de major général de la grande armée
en l'absence de Berthier. La seconde Restau-
ration le mit en non-activité. En 1835, il fut
nommé inspecteur général de l'infanterie, élevé
à la pairie en 1837 et à la dignité de grand-croix
en 1843.
BAILY (Edward-Hodges), sculpteur anglais
contemporain, né à Bristol en 1788, commença
par être commis chez un négociant, apprit en
secret le dessin et le modelage, et se mit en
1804 à travailler comme portraitiste et mode-
leur à la cire. Il devint ensuite élève de Flax-
mann, obtint en 1810 une récompense de l'Aca-
démie royale pour un groUpe d Hercule rame-
nant Alceste des enfers, et exposa; trois and
plus tard, une statue couchée a' Eté à la /on-
BAI
taine, qui est restée son meilleur ouvrage.
« Cette figure, a dit M. Théophile Gautier, se
recommande par l'aisance de la pose, la flexi-
bilité serpentine de la ligne, la rondeur élé-
gamment féminine des formes et le charme
de la tête, qu'anime une virginale coquette-
rie. » L'harmonie, la grâce, telles sont les qua-
lités ordinaires des productions de M. Baily,
parmi lesquelles nous citerons encore : Her-
cule jetant Hylas à la mer, Apollon vidant
son carquois, l'Amour maternel, X Etoile du
matin, Adam, consolant Eve après la chute, le
Chasseur fatigué, les Trois Grâces, une Nym-
phe se préparant pour le bain, Bacchus enfant
(statuette) , une Nymphe endormie, etc. Ces
quatre derniers ouvrages ont figuré à l'expo-
sition de Londres de 1SG2. M. Baily a fait en
outre une foule de statues et de bustes de
personnages anglais, notamment la statue co-
lossale de Nelson, placée sur la colonne de
Trafalgar-square, et il a exécuté plusieurs
grands morceaux de sculpture monumentale,
entre autres, le Triomphe de la Grande-Bre-
tagne, pour la façade de Buckingham-palace.
M. Baily a été reçu en 1822 membre de l'Aca-
démie royale.
BAILY (Francis), astronome et mathémati-
cien anglais, fondateur et président de la so-
ciété astronomique de Londres, membre cor-
respondant de l'Institut de France, né à
Newburg en 1774, mort en 1844, se voua
d'abord au commerce et a la finance et réalisa
une fortune considérable. En 1823, il quitta les
affaires, s'adonna tout entier à la science et
' s'illustra par de grands travaux. Les princi-
paux sont la réorganisation du Nauticat alma-
nachj qui lui fut confiée par l'amirauté; la
fixation du yard, unité de longueur ; une dé-
termination de la densité de la terre plus ri-
goureuse que celle de Cavendish ; la révision
au catalogue des étoiles, etc. On lui doit aussi
des mémoires importants, et un grand nombre
de comptes rendus lus à la Société astrono-
mique.
BAIN s. m. (bain — lat. balneUm, même
sens , mot tiré lui-même directement du
grec balaneion.^ Balaneion ressemble beau-
coup à balanos, gland, proprement ce qui est
lancé. On ne voit guère le rapport qui peut
exister entre ces deux sens ; cependant l'a-
nalogie matérielle est patente. M. Delâtre
rattache ces deux mots a ballô, jeter, lancer ;
balaneion signifierait proprement un lieu ou
un réceptacle où l'on met un objet. Nous
croyons que c'est plutôt l'endroit ou on lance
dans un liquide, ou l'on immerge. En tout
cas, cette étymologie n'est rien moins que
certaine. Les langues germaniques se ser-
vent, pour désigner le bain, d un mot que
l'allemand moderne nous présente sous la
forme de bad, et l'anglais sous celle de bath.
La racine de ce mot est beaucoup plus appa-
rente que celle de balneum et de balaneion;
on ne peut y méconnaître le sanscrit gatha
et ava-gatha, qui a le même sens et dérive
de l'idée primitive de plonger. La gutturale
g a été remplacée, comme toujours, par la
•labiale b. Le grec a conservé cette racine
sous la forme bath et byth, dans bathus, pro-
fond, et autres mots de la même famille.
Comparez encore le gaélique bath-aid, plon-
ger. Bonfey veut encore rattacher à la même
racine le latin balneum et le grec balaneion.
Pour cela, au lieu de regarder, comme M. Dc-
làtro, balaneion comme formé de bal et de
aneïon, il le divise en ba-laneion. Il évite ainsi
la difficulté consistant à admettre le change-
ment de ( ou d en l, et considère ba comme
ayant perdu sa consonne finaleens'adjoignant
le suffixe laneion). Immersion ou séjour plus
ou moins prolongé du corps ou de quelque
partie du corps dans l'eau ou dans tout autre
liquide, et même dans un gaz. Bain de santé.
Bain de propreté. Prendre un bain, des bains.
On lui a prescrit les bains. Les peuples du Nord
sont persuadés que les bains froids rendent les
hommes plus forts et plus robustes. (Buff.) Les
bains de mer ont des propriétés plus toniques
oue les bains de rivière. (A. Rion.) L'usage et
le besoin des bains deviennent de plus en plus
généraux et nécessaires à la santé publique.
(Champoll.-Figeac.) On sait que le bain pris
pendant le travail de la digestion a pour effet
de troubler cette fonction. (A. Le Pileur.) Les
sains n'agissent pas d'une manière rémittente
comme les infusions. (Récamier.)
Le bain est votre charme, adorables mortelles.
Delille.
— Fond de bain, Linge dont on garnit le
fond de la baignoire.
_ — ÏjO mot bain prend diverses qualifica-
tions, selon la nature ou l'état du fluide em-
ployé, la partie du corps que l'on soumet à
son action, la manière dont il est mis en
usage : Bain simple, Bain d'eau ordinaire, il
Bain composé ou médicamenteux:, Celui qui se
prend avec une dissolution de certaines sub-
stances médicamenteuses, tels sont les bains
aromatiques, mucilagineux ; les bains iodurés,
alcalins, sulfureux ; les bains de sang de veau
ou de mouton, d'eau de vaisselle, de tripes, etc.
La matière des bains médicamenteux peut
aussi être du marc, du limon d'eaux miné-
rales et même du sable chaud, etc. On dit de
même : Bain de marc de raisin, de marc d'o-
lives; bain de boue, de fumier, de sable, etc. [|
Bain sulfureux, Bain dans lequel on a dissous
une certaine quantité de sulfure de potasse,
de chaux ou de soude. On l'emploie contre
les maladies de la peau, u Bain alcalin. Bain
BAI
qui contient en dissolationMu sons-carbonate
de soude ou de potasse. Il est usité comme
tonique, ti Bain salin, Bain qui contient du
sel gris en dissolution. Il Bain chloruré, Bain
dans lequel on a fait dissoudre du chlorure
d'oxyde de sodium. I! Bain mercuriel, Bain
qui tient en dissolution du deutochlorure de
mercure. Il Bain électrique, Médication qui
consiste à placer le malade sur un isoloir
communiquant avec le conducteur principal
de la machine électrique, pendant que celle-
ci est en action. Le bain électrique a été em-
ployé comme excitant général de toutes les
fonctions. (Nysten.) II Bain très-froid, Se dit
en médecine d'un bain dont la température
est au-dessous de 12 degrés centigrades, n
Bain froid, Celui dont la température est
de 12 a 18 degrés. Il Bain frais, Celui dont la
température est de 18 à 25 degrés. Il Bain
tempéré, Celui dont la température est de 25
à 30 degrés. Il Bain chaud, Celui qui a de 30 à
38 degrés, il Bain russe, Bain que l'on prend
dans une étuve sèche, où la température est
élevée communément à 50 degrés centigrades,
au moyen de cailloux rougis au feu d'un four-
neau. En versant de l'eau sur ces cailloux, de
sèche l'étuve devient humide. On se fait en-
suite fouetter de verges , et l'on se plonge
dans l'eau froide ou l'on se roule dans la
neige. Les bains russes ont été introduits
chez nous avec les modifications exigées par
le climat et par les mœurs. Il Bain de vapeur,
Bain que l'on prend dans des étuves où l'on
se trouve exposé à l'action de la vapeur
d'eau, et ordinairement à une température
très-élevée. On les fait suivre souvent d'affu-
sions froides, de frictions, de massages, etc. :
Les bains de vapeur ont l'inconvénient d'affai-
blir et de rendre extrêmement impressionnable
à l'air extérieur. (A. Le Pileur.) il Bain turc,
Bain que l'on prend dans une étuve sèche,
chauffée à une haute température, après avoir
sué, s'être lavé, frictionné, oint de parfums, u
Bain indien, Station dans une étuve sèche,
suivie de l'opération du massage, il Bain en-
tier, Bain que l'on prend en plongeant tout
le corps jusqu'au cou. Se dit aussi d'une bai-
gnoire propre à des bains de cette nature :
Acheter un bain entier. Les bains entiers
sont incommodes pour les petits logements, il
Bain topique ou local, Celui dans lequel on
baigne seulement une partie malade : l'œil,
le doigt, les pieds, les jambes, etc. il Bain de
siège, Celui dans lequel on ne plonge que le
milieu du corps. On le prend généralement
en s'asseyant dans l'eau. La baignoire spé-
cialement affectée à cet usage porte le même
nom. n Bain de pieds, Celui où Ton ne baigne
que les pieds : Le bain de pieds est une de
ces petites scènes enfantines qui égayent la
maison. L'enfant, soutenu sous les bras par sa
mère, retire avec vivacité du baquet son petit
pied, que l'eau un peu trop chaude a botté de
rose, et fait une grimace mutine, la plus agréa-
ble du monde. (Th. Gaut.). On donne aussi eo
nom à une baignoire spéciale. On nomme de
même, par plaisanterie, l'excédant de café ou
d'eau-de-vie qui déborde dans la soucoupe
quand la demi-tasse ou le petit verre sont
pleins : Garçon, un bain de pied jusqu'à la
cheville. II Bain d'air, Immersion du corps nu
dans l'air atmosphérique : Le bain d'air est
le plus simple et n'est pas le moins salutaire
de tous. Se dit aussi quelquefois pour une
promenade ou une station à l'air libre, pour
l'action de prendre l'air : Je suis surpris que
les bains d'air salutaires des montagnes ne
soient pas un des grands remèdes de la méde-
cine et de la morale. (J.-J. Rousseau.) S'il
n'avait rien à faire, il allait se promener sur
le mail, et prenait un bain d'air pendant que
sa femme exécutait une sonate de paroles et
des duos de dialectique. (Balz.) Il Bain à domi-
cile, Bain que l'on transporte avec la bai-
gnoire chez ceux qui en ont fait la demande.
— Par ext. Liquide dans lequel on se
plonge pour prendre un bain : Bain chaud.
Bain froid. Préparer un bain^ Réchauffer, ra-
fraîchir le bain. Entrer au bain. Sortir du
bain. Faites vite un bain de pieds à la mou-
tarde. (Balz.)
— Poét. Bassin d'eau formé par quelque
source, quelque ruisseau, où l'on peut se bai-
gner : Des fontaines coulant avec un doux
murmure formaient en divers lieux des bains
aussi purs et aussi clairs que le cristal. (Fén.)
Il Action de se baigner dans ces bassins :
A ces rustiques bains se plaisaient autrefois
Et la chaste Diane et les nymphes des bois.
Delille.
— Milieu dans lequel on est plongé, atmo-
sphère que l'on respire ; Prendre un bain de
soleil. Enfin les jardins étaient plantés d'ar-
bres si odoriférants et de fleurs si suaves que
le jeune homme se trouvait comme plongé dans
un bain de parfums. (Balz.)
— Fig. Contact moral, impression géné-
rale dans laquelle l'àme se trouve comme
plongée : J'ai pris un bain de délices en appre-
nant l'heureuse délivrance de notre cher collè-
gue. (Mercier.) Chaque jour je prends un bain
de misère au contact des infortunés qui traî-
nent leur misère dans les rues de Paris. (La
Châtre.) Les vérités ne sortent de leur puits
que pour prendre des bains de sang où elles se
rafraîchissent, (Balz.)
— Loc. fam. Chaud comme un bain, Se dit
d'une boisson qui n'est guère fraîche : Cette
bière ne vaut rien, elle est chaude comme un
bain, il Bain de grenouilles, Bain de crapauds,
Eau sale, bourbeuse, Eau croupie.
BAI
— Loe. prov. C'est un bain qui chauffe, Se
dit d'un nuage épais qui menace do la pluie.
Il Bain de Valentin, Soin que se donne pour
sa femme, loin de la maison, un mari que sa
moitié trahit pendant son absence. C'est une
allusion à l'histoire d'un Valentin qui pre-
nait un bain pour plaire à sa femme, tandis
que celle-ci mettait, auprès d'un galant, cette
absence à profit.
— Chim. Liquide, gaz ou solide pulvéru
lent dans lequel on plongo un vase pour en
faire chauffer le contenu, sans l'exposer di-
rectement à l'action du feu : Bain d'eau, de
mercure, de vapeur, d'air, de cendre, de sable :
On nomme en général bain, en chimie, un li-
quide ou un milieu quelconque dans lequel on
chauffe un vase. ( Fourcroy. ) [1 Bain-marie,
V. ce mot à sa place alphabétique.
— Môtall. Etat de fusion parfaite d'un mé-
tal, n Métal au bain, Métal qui est en fusion.
— Techn. Nom générique des dissolutions
de matières colorantes dans lesquelles on
plonge les objets à teindre. Il Pallier un bain,
Le remuer avec un râble pour le rendre ho-
mogène ou pour mettre en suspension les
parties solides qu'il renferme, il Donner un
brevet ou une regreffe à un bain, Y ajouter de
nouveaux ingrédients pour remplacer ceux
qui ont été enlevés par les objets qu'on y a
passés, afin de le maintenir au même degré
de composition.
— Const. Bain de mortier, Lit de mortier
sur lequel on pose une pierre de taille, des
moellons ou des pavés, il Maçonner en bain,
Poser les pierres en plein mortier ou bien
employer une grande quantité de plâtre pour
lier les parties d'une maçonnerie.
— Relig. Le baptême et la pénitence sont
quelquefois considérés comme des bains mys-
tiques, à cause de la propriété qu'on leur at-
tribue de purifier l'àme du péché originel et
des péchés actuels et volontaires : Le baptême
est un bain qui rend à l'âme sa première vi-
gueur. (Chateaub.)
— Antiq. rom. Voleurs de bains, Ceux qui
dérobaient les hardes ou autres objets dépo-
sés par les baigneurs. La loi romaine les pu-
nissait de mort, comme sacrilèges.
— Bot. Bain de Vénus. V, Baignoire de
Vénus.
— PI. chez les anciens, Suite de pièces
dans lesquelles on prenait le bain à différents
degrés progressifs de température : Outre les
bains publics où le peuple abonde en foule, les
particuliers en ont aussi dans leurs maisons.
(Barthél.) Il reste encore sur le mont Palatin
quelques chambres des bains de Livie. (Mme
de Staël.) Les édifices consacrés aux bains pu-
blics, et dans lesquels les Romains déployèrent
la plus grande magnificence, étaient désignes
plus particulièrement sous le nom de Thermes.
(Debret.) Au temps de Valens et de Valenti-
nien, Borne avait huit cent cinquante-six bains
proprement dits. (Bachelet.) n Aujourd'hui en-
core, Endroit d'un palais, d'un appartement,
destiné à l'usage du bain : Les bains de l'em-
pereur, de l'impératrice. Les bains sont dans
celte partie de l'édifice. (Acad.) De nos jours,
les Turcs seuls ont conservé et perpétué le luxe
des Romains dans leurs bains, qui occupent
souvent la plus grande partie de leurs maisons.
( Champoll.-Figeac. ) n Etablissement public
où l'on peut aller prendre des bains : Ouvrir,
tenir des bains, Aller aux bains. Les premiers
bains établis à Paris datent du xvme siècle.
(Encycl.) Il n'y a pas à Borne un établissement
de bains un peu confortable. (E. About.) il
Etablissement public dans lequel on vient
prendre les eaux et des bains d'eaux thermales
ou minérales : Les bains de Bourbonne, de
Vichy, de Baréges, de Spa, de Plombières,
d'Aix en Savoie. Se dit aussi de l'action de se
baigner dans ces établissements :
Ils regardaient alors toutes ces étrangères,
Tout ce monde enchanté de la saison des bains.
A. de Musset.
Il Endroit d'une rivière provisoirement dis-
posé pour s'y baigner pendant l'été : Bains
des hommes, Bains des dames.
— Epitbètes. Pur, salubre, hygiénique, sa-
lutaire, [odorant, embaumé, parfumé, frais,
rafraîchissant, froid, glacé, tiède, chaud, brû-
lant.
— Encycl. — I. Hist. Bains chez les an-
ciens. On ne peut douter que l'usage de se
baigner ne soit très-ancien, car cet usage est
fondé sur des besoins qui ont commencé avec
la vie même de l'humanité : entretenir la pro-
preté du corps, le défendre des chaleurs ex-
cessives et le délasser de ses fatigues. Aussi
les annales historiques qui remontent à la plus
haute antiquité nous ont-elles transmis d'in-
téressants détails sur cette coutume. Les filles
de Pharaon se baignaient dans le Nil ; la prin-
cesse Nausica, fille du roi des Phéaciens, se
plongeait tous les jours dans l'eau claire d'une
fontaine, et Hélène se livrait fréquemment,
dans l'Eurotas, au milieu de ses compagnes,
au plaisir de la natation. Les Perses et les
Egyptiens paraissent avoir été les premiers à
élever des établissements publics et parti-
culiers pour le bain, et rhistoire rapporte
3u'Alexandre, entrant dans la salle de Bains
e Darius, s'écria, en voyant le luxe qui y ré-
gnait : « Est-ce au sein d'une telle mollesse
que l'on peut commander à des hommes 1 »
Bains chez les Grecs. De l'Asie, l'usage des
bains passa en Grèce; mais tandis que, dans
les premiers siècles, les hommes n'avaient
obéi qu'à la nécessité et n'avaient recherché
BAI
63
qu'une t onde fraîche et pure, » les Hellènes
considérèrent les bains comme un agréable
délassement et un moyen thérapeutique très-
puissant. Hippocrate, dans plusieurs de ses
aphorismes, préconise les vertus des bains
froids et parle des avantages que peut en re-
tirer l'art médical. Si l'on en croit Savonarole,
le mot balaneion vient de ballô et à'ana, c'est-
à-dire remède contre les douleurs; mais nous
préférons nous en tenir à l 'étymologie men-
tionnée plus haut. Les sources d'eau chaude
étaient dédiées à Hercule, dieu de la force.
Dès la plus haute antiquité, l'usage des bains
était tellement passé dans les mœurs du peu-
Ple grec que le bain était une des obligations de
hospitalité. Ils étaient toujours pris avant le
repas et souvent après les exercices du gym-
nase; quand le baigneur sortait de l'eau, un
serviteur était chargé d'oindre son corps
d'huiles odoriférantes. D'après Thucydide, les
habitants de l'Attique avaient emprunté cette
coutume aux Lacédémoniens, qui la tenaient
des Asiatiques.
Homère, qui parle très-souvent des bains,
fait raconter ainsi à Ulysse la réception que
lui fit la magicienne Circé dans son palais en-
chanté : « Une nymphe nous apporta de l'eau,
alluma un grand feu et prépara le bain. Aus-
sitôt que j'y fus entré, on versa de l'eau chaude
sur ma tête et sur mes épaules, on me parfuma
d'essences précieuses, et je n'en sortis que
lorsque je ne me ressentis plus de toutes les
fatigues et de tous les maux que j'avais souf-
ferts. »
Les prêtresses d'Athènes, qui se piquaient
d'austérité, n'allaient jamais au bain, on du
moins ne se montraient jamais dans les éta-
blissements destinés à cet usage.
Ce fut après l'époque des grandes guerres
héroïques que s'introduisit en Grèce l'usage
des bains d étuve. Les Lacédémoniens, moins
efféminés que les autres Hellènes, n'admet-
taient que l'étuve sèche. Dans le reste de la
Grèce, au contraire, on accompagnait le bain
d'un certain nombre de pratiques luxueuses,
qui lui donnèrent ce caractère de voluptueuse
recherche qu'il conserve encore en Orient.
L'établissement public des bains était annexé
à un gymnase, dont il occupait la partie cen-
trale, à côté des écoles et des salles de con-
versation. Il était spécialement approprié à
l'usage des athlètes et des jeunes gens qui
s'exerçaient dans la palestre. Près du Jeu de
paume s'ouvrait la salle, konistêrion, où les
lutteurs se frottaient de sable fin. A l'extré-
mité opposée était l'onctuaire, elaiothesion, où
l'athlète était frotté d'huile, puis l'étuve tiède,
chliaron, et l'étude sèche, appelée lakonikon,
parce qu'elle était empruntée aux Laconiens ;
enfin, dans cette même salle, se trouvait le
bain chaud. La description de ces établisse-
ments balnéaires suffit pour nous donner une
idée des pratiques qui accompagnaient le bain
chez les Grecs, car, quant au reste, nous
sommes réduits à des conjectures.
Dans quelques villes, les bains étaient sépa-
rés du gymnase, ou de la palestre, comme on
le voit à Elis. Lucien nous a laissé la descrip-
tion des bains isolés d'Hippias; mais à Iasus,
Hiérapolis, Alexandrie en Troade, Ephèse, et
d'autres colonies grecques, les bains se trou-
vaient réunis à la palestre.
Bains chez les Romains. Les Romains des
premiers temps de la République s'exerçaient
a traverser le Tibre à la nage, et ce fut le
seul bain qu'ils connurent. Scipion, dans sa
villa de Liternes, fit, le premier, usage des
bains d'eau chaude. Les bains particuliers fu-
rent donc connus à une époque déjà reculée.
Vers le temps de Pompée s'introduisit l'usage
des bains publics, balineœ ou balneœ. Ce fut
plus tard, sous les empereurs, que l'on con-
struisit les thermes, édifices immenses bâtis
sur le plan des gymnases grecs, et dans les-
quels les Romains déployèrent une magnifi-
cence digne des maîtres du monde. Il n'y avait
pas, au point de vue qui nous occupe, de dif-
férences essentielles entre les trois sortes
d'établissements dont nous venons de parler.
Le bain privé était construit dans des propor-
tions plus restreintes que les bains publics, un
seul corps de. bâtiment suffisait; mais on y
trouvait tout ce qui était nécessaire à un bain
romain. On en voit encore un remarquable
spécimen dans le suburbanum d|Arrius Dio-
mède, à Pompéi. Les bains publics de Rome
étaient des constructions plus importantes,
mais qui ne purent égaler en richesse les
luxueux établissements impériaux. Ils étaient
aussi moins complets, et les exercices des
baigneurs, moins nombreux.
Les thermes, somptueux édifices de l'époque
impériale, renfermaient un bâtiment destiné
aux bains, à l'instar des gymnases grecs. On
retrouve encore aujourd'hui les débris de ces
magnifiques constructions non-seulement en
Italie, mais dans tout l'Orient, en Gaule et
jusqu'en Angleterre. Suétone, Martial, Eu-
trope, Capitoïinus, Varron, et d'autres auteurs
latins, ont parlé de ces établissements en
termes qui donnent une haute idée de leur
splendeur, et Vitruve les décrit avec un soin
qui en permettrait aujourd'hui la complète
restauration. Les thermes d'Agrippa sont les
premiers qui furent concédés au peuple. L'édi-
fice connu sous le nom de Panthéon d'Agrippa
n'est qu'une salle de ces anciens thermes.
Rome seule possédait quinze de ces vastes
établissements; les principaux sont ceux de
Héron, de Vespasien, d'Antonin, de Caracalla,
sur l'Aventin, qui forment aujourd'hui le plus
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grand amas de ruines qui soit connu; ceux
de Titus sur l'Esquilin, de Dioclétien sur le
Vincinal et le Quirmal, et dont une seule salle
forme l'église de Sainte-Marie-aux-Anges, la ■
plus grande église de Rome après Saint-
Pierre. Ammien Marcelin les comparait à
une province. L'Italie possède encore de nom-
breuses ruines de thermes romains, et les
Milles étrangères où l'on put découvrir des
sources minérales jouirent d'établissements de
moindre importance. Vichy, Bourbon, Mont-
Dore, Aix en Provence, Balaruc, Saintes,
Liliebonne et Fréjus, dans les Gaules; Wor-
cester et Hope , dans la Grande-Bretagne,
nous en offrent des exemples. Les ruines
romaines de la rue des Mathurins , à Paris,
proviennent des thermes de Julien, qui étaient
annexés au palais impérial de la rive gau-
che. L'aqueduc d'Arcueil alimentait cet éta-
blissement, et l'on distingue encore l'orifice
de quatre conduits d'eau. On retrouve aussi
dans cette ruino les restes do l'étuve tiède,
chauffée par un fourneau souterrain . et la
grande salle qui contenait le bain froid, avec
sa voûte de quinze mètres de haut. .
Les empereurs romains, dans le but de
capter la faveur populaire, ou pour répondre
aux besoins réels d un peuple désœuvré pen-
dant la paix et qui passait la moitié de sa vie
sur la place publique, firent bâtir un grand
nombre de thermes. Ces constructions devaient
absorber des sommes considérables, à en ju-
ger par la splendeur de leurs ruines et par les
relations des auteurs latins. Aux bains de Ca-
racalla, trois mille personnes pouvaient se
baigner à la fois; il y avait seize cents sièges
de marbre ou de porphyre ; des baignoires de
granit reposaient sur le sol ou étaient suspen-
dues en ! air, de sorte qu'on pouvait prendre
son bain en se balançant; d'immenses porti-
ques, dés exèdes ou salles de conversation et
des bibliothèques étaient annexés à l'établis-
sement; c'est ainsi que la bibliothèque ulys-
sienne fut transportée aux thermes de Dioclé-
tien. Des promenades plantées de platanes et
de sycomores, des espaces découverts et sa-
blés, les xystes, entouraient les bâtiments et
regorgeaient d'une quantité d'objets d'art,
bustes, statues, bas-reliefs, mosaïques, etc.
C'est dans les thermes de Titus que fut trouvé
le Laocoon ; Y Hercule Farnèse, le Torse anti-
que , le Taureau .Farnèse , la Flore et les
deux Gladiateurs proviennent des thermes de
Caracalla.
D'après cette description, on peut se faire
une idée du luxe relatif qui accompagnait le
bain des simples citoyens. Nous allons donner
une idée des pratiques dont il se composait.
Le baigneur pénétrait d'abord dans un atrium
entouré de colonnades et de portiques cou-
verts offrant des sièges aux esclaves qui at-
tendaient leurs maîtres. De là, il passait dans
les exèdres ou dans les promenades décou-
vertes qui entouraient les bâtiments. Le son
de la cloche annonçait que le bain était pré-
paré. Le baigneur pénétrait alors dans l'apo-
dyterium, salle où il se déshabillait; des es-
claves attachés à l'apodyterium pliaient et
gardaient les vêtements. Il se rendait alors à
1 elceothesium ou onctuaire, où il était parfumé
d'essence et d'huile odoriférante. Le sphatriste-
rium venait après ; le baigneur s'y livrait à
quelque exercice, puis pénétrait dans le cal-
âarium. Cette pièce était chauffée directement
par le fourneau des bains. Au centre de la
salle voûtée se trouvait un réservoir d'eau
chaude qui répandait une vapeur épaisse. Le
trop-plein de cette vapeur s'échappait au som-
met de la voûte par une ouverture circulaire
garnie d'une sorte de bouclier qu'on manœu-
vrait à l'aide d'une chaîne. Cette disposition,
constante dans les baius romains, se retrouve
chez les Orientaux. A une extrémité du calda-
rium existait une alcôve en forme de niche,
garnie de bancs demi-circulaires, sur lesquels
on s'asseyait en attendant la transpiration. A
l'autre extrémité était le bain d'eau chaude dans
lequel les baigneurs venaient se plonger suc-
cessivement. Dans les riches établissements
balnéaires, les trois parties dont nous parlons
demandaient trois salles différentes, tandis que
dans les bains publics des petites villes l'onc-
tuaire, la salle d'exercice et l'étuve chaude
n'occupaient souvent qu'une seule pièce. Il y
avait aussi des haignoires particulières en
fort grand nombre dans les riches thermes
impériaux.
Du caldarium, le baigneur se rendait au
tepidarium ou étuve tiède. On traversait cette
salle à pas lents, pour éviter la brusque tran-
sition du chaud au froid. Là, des esclaves
munis du strigyle frottaient et massaient for-
tement la peau, pour en détacher toutes les
impuretés ; les èpileurs remplissaient leur fonc-
tion et parfumaient. Le baigneur pouvait alors
se rendre au bain froid placé dans une salle
fraîche, le frigidarium. Cette salle spacieuse
renfermait à son centre la piscine froide ou
baptisterium, garnie de bancs circulaires où
l'on pouvait s asseoir pour se laver. Après
s'être fait frotter d'huile une dernière fois, on
centrait à l'apodytère, où l'on reprenait ses
vêtements.
Les bains étaient alimentés pai- un réser-
voir qui recevait ses eaux d'un des nombreux
aqueducs de Rome. Ces eaux étaient recueillies
dans un certain nombre de vaisseaux placés
sur des gradins et recevant ainsi des quantités
de chaleur différentes, suivant leur hauteur
au-dessus du foyer. Il y avait de cette manière,
pour le service des bains, des vases d'eau
froide, des vases d'eau tiède et des vases d'eau
chaude. Un vaste fourneau souterrain, Vhypa-
causte, distribuait la chaleur aux différentes
parties de l'établissement, à l'aide de tuyaux
de terre cuite, et chauffait, d'une manière
aussi économique que possible, les récipients
du vasarium. Des esclaves étaient spécialement
attachés à l'entretien du feu, et faisaient rou-
ler dans les fourneaux de gros globes de mé-
tal enduits de térébenthine pour y entretenir
une chaleur uniforme.
Tant que les' mœurs romaines se conser-
vèrent pures, le mélange des sexes dans les
bains fut rigoureusement défendu; mais sous
le règne de ces hommes dissolus qui se succé-
dèrent sur le trône apparut cette promiscuité
honteuse qui transforma bientôt les établisse-
ments publics en lieux de débauche et d'orgie.
Aux jours de fête, les bains étaient donnés
gratuitement; et, pour se rendre populaires,
les grands personnages et même les empe-
reurs se mêlaient au peuple, et alors il se pas-
sait des scènes d'une révoltante immoralité.
L'ouverture de ces véritables lupanars avait
lieu au lever du soleil, et l'on voyait accourir
une foule avide de ce plaisir peu coûteux.
Pour toute rétribution, on avait à payer la
?uatrième partie d'un as appelée quadrans
environ 2 centimes). Les bains furent même
entièrement gratuits à partir du règne des
Antonins. Le bain se prenait ordinairement
après la huitième heure, c'est-à-dire avant le
repas du soir. Limité d'abord à un seul par
jour, le nombre en fut bientôt porté jusqu'à
cinq et six, surtout pour les riches; Commode
y prenait ses repas. On alla, sur les conseils
d'un certain Posidonius, jusqu'à se mettre dans
un bain chaud en sortant d un festin, croyant
qu'on opérerait ainsi plus promptement la
coction des aliments dont on s'était gorgé.
C'est à l'un de ces imprudents que Juvénal
adressait cette menace :
Pcma tamm prœsens, mm lu dejionis amictum
TitrgiduS, et crudum pavanent- in balnea portas.
Malgré les protestations de Pline et de Plu-
tarque, cette pratique subsista jusqu'au jour
où Auguste fut guéri par Musa d'une grave
affection au moyen des bains froids. Lorsqu'à
la chute de l'empire romain le christianisme fit
cesser les orgies dont ces établissements
étaient le théâtre, l'usage des bains était telle-
ment enraciné dans le peuple que la nouvelle
religion fut obligée de le maintenir non-seule-
ment à Rome, mais partout où l'avaient porté
les conquérants du monde.
Bains chez les Orientaux. Les mahométans,
en envahissant les provinces romaines , se
trouvèrent d'autant plus propres à continuer
les traditions licencieuses de la Rome impé-
riale, que l'islamisme leur fait un devoir dus
ablutions fréquentes en même temps qu'il les
pousse à un matérialisme grossier qui s'ac-
commode assez des mœurs grecques et ro-
maines. C'est dans l'Orient, en effet, que se
sont conservées les pratiques usitées dans les
thermes impériaux, et que nous les y retrou-
vons, à quelques modifications près. Les bains
du Caire sont montés avec un luxe qui ne
laisse rien à désirer. Le baigneur arrive d'a-
bord dans un vestibule à coupole ornée d'une
fontaine en marbre à eau jaillissante dont la
température est assez fraîche; c'est l'apodytère
des Romains, où se déposent les vêtements.
Enveloppé dans une serviette, le baigneur
traverse un long couloir chauffé graduelle-
ment, à moins que ce couloir ne soit remplacé
par trois petites pièces contiguës, le beit-aouêl,
le beit-tani, le beit-talet. Il arrive alors k une
étuve humide, chaude et parfumée, fas-kich,
où, couché sur un divan, il attend la transpi-
ration. Au moment où s'annonce la sueur, il se
rend dans une chambre plus chaude, maktas-
hami, salle circulaire éclairée de verres ronds
encadrés dans le dôme. En face, est le bain
d'eau tiède avec le bain froid, maktas-bard, où
le baigneur, arrosé d'une pluie de mousse de
savon, est épilé, frictionné avec des gants de
crin, et véritablement pétri par les mains
. des valets de bains. Après un dernier lavage,
il retourne, par les mêmes corridors, au point
de départ. Dans le vestibule, l'attendent un
lit de repos et divers rafraîchissements qui
complètent le bain.
Les bains persans ne diffèrent des bains
égyptiens que par la présence du kasenèk,
bain d'eau chaude où l'on descend après le
massage.
Les bains turcs sont identiques à ceux du
Caire, dont ils ne se distinguent que par le
luxe de leur installation. Les bains àe Soliman,
à Constantinople,et ceux de Saint-Jean-d'Aero
sont cités comme modèles.
Les bains orientaux sont très-recherchés, et
la rétribution est tellement minime, que per-
sonne n'est privé de ce luxe hygiénique. Les
deux sexes y sont toujours séparés; les fem-
mes, malgré la réclusion dont elles sont l'objet
en Orient, passent au bain une grande partie
de la journée; le mari le plus jaloux ne peut
s'opposer à cet usage.
Dans toutes les contrées de la Perse, de
l'Inde, de l'Asie Mineure, on rencontre des
établissements publics du même genre que
ceux de Constantinople, mais édifiés dans des
proportions beaucoup plus modestes. Chez ces
divers peuples, ces établissements se compo-
sent de plusieurs pièces dans lesquelles on
produit successivement de la.vapeur sèche, de
la vapeur humide, et où se trouve enfin le bain
proprement dit. C'est dans la seconde salle
que se pratique le massage. Les vapeurs sont
chargées des parfums les plus variés, des aro-
mates les plus suaves ; les sorbets, le tabac,
le café y sont considérés comme un complé-
ment indispensable de ce passe-temps qui,
dans ces conditions, convient bien au caractère
insouciant et rêveur des peuples orientaux.
Bains russes. En Russie, les bains, surtout
les bains de vapeur, ont été de tout temps en
usage, mais on en use plus simplement qu'en
Orient. Dans ce pays; comme en Finlande, on
se borne, pour vaporiser l'eau, à la verser sur
des cailloux incandescents. Cette pratique est
très-ancienne ; car l'historien Nestor, qui, le
premier, a écrit les annales de cette nation,
rapporte que saint André, après avoir prêché
l'Evangile aux Slaves, en parla aux Romains
à son retour : «J'ai vu, leur disait-il, des
bains que les Slaves font chauffer beaucoup;
ils s'y mettent nus, ensuite ils se lavent dans
l'eau fro.de et semblent tout régénérés. •
Les sauvages du nord de l'Amérique con-
naissent, eux aussi, l'usage des bains, et ils
les prennent en pratiquant sous terre des trous
assez profonds qu'ils chauffent au moyen de
pierres rougies au feu. Une fois qu'ils s'y sont
glissés, ils jettent de Veau froide sur ces pierres
et s'exposent, pendant un temps plus ou moins
long, à la vapeur qui se produit.
Bains chinois. Il existe en Chine des éta-
blissements de Èûiiis publics. Ces bains sont,
comme dans tout l'Orient, exclusivement des
bains chauds. La fondation et l'entretien de
ces établissements sont dus à l'initiative de
particuliers qui en font un objet de spéculation
fort lucrative, quoique cependant le prix du
bain soit très-minime {6 sapèques valent en-
viron cinq de nos centimes, et pour 0 sapèques,
on a un bain, une tasse de thé et une pipe de
tabac). Comme dans les bains turcs, il va à l'en-
trée de la maison une espèce de vestibule dans
lequel les baigneurs déposent leurs effets, qui
demeurent placés sous la surveillance et la
responsabilité d'un gardien. De là, on passe dans
un couloir et l'on arrive à la salle de bains pro-
prement dite. Un grand bassin profond d'envi-
ron un pied et rempli d'eau y est creusé : au fond
de ce bassin, qui occupe la plus grande partie
de la chambre, sont pratiquées deux ou trois
ouvertures circulaires qui reçoivent des chau-
dières en fer, aux bords soigneusement scellés.
Sous ces chaudières on allume le feu, qui a
bientôt échauffé l'eau. Los baigneurs se tien-
nent sur des planches posées en travers du
bassin, à une certaine distance de la surface
de l'eau, et s'exposent à la vapeur. Cette dis-
position donne souvent lieu à des accidents.
Le chirurgien Lockhart, dans son livre intitulé
The médical missionary in China , rapporto
qu'un de ses professeurs chinois qui était allô
aux bains, ayant glissé de la planche sur la-
quelle il se tenait, tomba dans Veau bouillante
et fut cruellement échaudé. Ces bains ne sont
fréquentés que par les hommes. Une chose
assez extraordinaire, c'est que, et cela proba-
blement par économie, l'eau n'est renouvelée
qu'une fois ou deux par jour tout au plus. Les
Européens ont peine a se faire à cette coutume ,
mais les Chinois ne s'en formalisent nullement.
Toutes les villes importantes de la Chine pos-
sèdent plusieurs établissements semblables,
qui sont toujours très-fréquentés, à cause des
exigences du climat et de la modicité des
prix. Dans une grande ville, la moyenne des
baigneurs s'élève à environ mille personnes
par jour et par établissement.
Bains chez les Occidentaux. En Occident,
l'usage des bains n'est pas aussi général qu'en
Orient. Cependant, en Gaule, on construisit
dans beaucoup de cloîtres et de couvents des
salles de bains destinés aux pauvres. Grégoire
de Tours raconte à ce sujet que des religieuses
voulurent quitter leur monastère, parce que
l'abbesse avait permis à des étrangers de se
baigner incongrûment dans les bains de la
maison. Dans une bulle publiée uu vmc siècle,
le pape Adrien 1er recommande au clergé des
paroisses d'aller, processionnellement et aux
chants des psaumes, se baigner le jeudi de
chaque semaine. Au retour des croisades, où
l'Occident s'était mêlé à l'Orient, le bain fut
en grand honneur, et il faisait partie des cé-
rémonies préparatoires auxquelles étaient sou-
mis les seigneurs avant d'être armés chevaliers.
Telle fut sans doute l'origine de l'ordre mili-
taire du Bain institué par Richard II, relevé
plus tard avec éclat par Georges I", et qui
subsiste encore aujourd'hui en Angleterre.
Après le xi<s siècle, de nombreux établisse-
ments de bains furent construits à Paris; le
plus important était situé rue Saint-Michel, en
face du Palais-de-Justice. En 1248, les juifs
avaient, dans la rue de La Pelleterie, une
maison d'étuves où ils étaient seuls admis.
« Domus guœ fuit stuffœ judœorum, » dit Jalliot
dans ses Recherches sur Paris. A l'emplace-
ment actuel de la Conciergerie, les rois de la
deuxième race firent construire un hôtel de
bains, qui existait encore sous le règne do
Henri II. Quelques années plus tard, il y avait
dans tous les quartiers de Paris des rues ap-
pelées des Etuves, des Nouvelles-Etuves, des
Vieillcs-Ètuves, etc. Cette dernière n'a pas
encore été démolie, et l'établissement qui lui
valut sa dénomination a été exploité jusqu'en
1570. Saint Louis réunit en un corps de métier
les estuviers ou estuveurs. Dans un curieux
manuscrit conservé à la Bibliothèque impé-
riale, Etienne Boileau, prévôt des marchands,
donne l'indication des principales mesures de
police auxquelles les estuviers étaient as-
treints :
« 1° De ne tenir aucune réunion de mes-
sieurs et de demoiselles ;
. « 2° De fermer leur établissement les di-
manches et fêtes ;
» 3° De ne faire annoncer que les bains
étaient prêts que lorsque le soleil serait levé,
afin de ne pas troubler le repos des habitants. »
A cet effet, des crieurs publics parcouraient
les rues de Paris : «Seignor, disaient- ils, vous
alez baigner et estuver sans délaies ; li baing
sont chaut, c'est sans mentir. »
Les estuviers étaient, en outre, obligés par
serment de prévenir l'autorité de toutes les
mesprentures dont ils pourraient avoir connais-
sance. Toute infraction à ce règlement était
punie d'une amende de 10 sous parisis. Fidèle-
ment exécutées jusqu'à Louis XI, ces mesures
ne tardèrent pas à tomber en désuétude, et les
établissements de bains devinrent des maisons
de rendez-vous clandestins. Au commence-
ment du xvic siècle, le prédicateur Maillard
disait en chaire : « Mesdames, n'allez pas aux
étuves et n'y faites pas ce que vous savez. ■
C'était singulièrement abusâr do la confession.
Les estuviers, quoique formant avec les
perruquiers un corps de métier distinct, fai-
saient le poil et coupaient les cheveux ; ces
deux corporations furent réunies par Charles V,
qui nomma son valet do chambre chef suprême
des barbiers-étuvistes de Paris. Les préroga-
tives attachées à cette place furent encore
augmentées par l'efféminé Henri lit et par
Henri IV. Sous Louis XIV, cette charge don-
nait encore d'assez beaux bénéfices pour ne
point avoir été dédaignée par le premier chi-
rurgien du roi; elle devint même héréditaire.
Les bains pris chez les étuvistes étaient, il
y a un siècle, considérés comme un complé-
ment indispensable aux jouissances du luxe.
Voltaire, dans le Mondain, dit :
Mais du logis j'entends sortir le maître...
Un char commode, avec grâces orné.
Par deux chevaux rapidement traîné,
Parait aux yeux une maison roulante,
Moitié dorée et moitié transparente j
Nonchalamment je l'y vois promené.
De deux ressorts la liante souplesse
Sur le pavé le porte avec mollesse ;
Il court aux bains : les parfums les plus doux
Rendent sa peau plus fraîche et plus polie, etc.
Le prix des bains qui, sous les rojs de la
deuxième race, n'était que de 19 centimes, fut
plus tard beaucoup plus élevé, et, quand les
désastres qui signalèrent la fin du règne de
Louis XIV eurent porté la misère du peuple à
son comble, les pauvres en furent réduits à
prendre des bains froids dans !a Seine. A cet
effet, on recouvrait d'une toile à voile de grands
bateaux appelés loues. C'est alorsqu'un nommé
Poithevin obtint, par lettres patentes du
13 mars 1761 , l'autorisation d'élever sur la
Seine, prés du pont Royal, un établissement
dans le genre de ceux que l'on voit encore
aujourd'hui. Quelques années plus tard , un
industriel, Barthélémy Turquin, inventa les
bains chinois, à baignoires plongeant dans l'eau
courante ; mais la concurrence qu'il fit à Poi-
thevin occasionna un procès qui fut perdu par
Turquin. En compensation, il lui fut permis de
fonder plusieurs écoles de natation.
La Révolution française supprima les corps
de métiers, et ainsi cessèrent les privilèges
depuis si longtemps accordés à la communauté
des barbiers-perruquiers-baigneurs-ëtuvistes.
L'établissement des machines de Chaillot,
par les frères Périer, en portant l'eau dans
tous les quartiers de Paris, fit naître la con-
currence , encouragea les spéculateurs et
amena l'édification de nouveaux établisse-
ments . le nombre des baignoires publiques,
qui s'élevait à 500 en 1816, avait plus que dou-
blé en 1830 ; en 1840, il y en avait 2,500. Au-
jourd'hui, dans tous les quartiers de la capitale,
même les plus éloignés-du centre, il existe des
bains publics.
L'idée des butins portés à domicile, en usage
en Allemagne depuis de longues années, n'a
été réalisée à Paris, par un nommé Vilette,
que le 23 mai 1819.
En France, grâce aux notions d'hygiène
populaire qui se répandent tous les jours do
plus en plus, grâce aux progrès de notre civi-
lisation et à l'aisance qui tend à pénétrer dans
toutes les classes de la société, l'usage des
bains est devenu général, et aujourd'hui non-
seulement les grandes cités, mais même les
plus petites villes possèdent des bains publics.
Un décret rendu en 1851 par l'Assemblée lé-
gislative ordonna la création d'établissements
destinés aux classes pauvres et où les bains
doivent, à certains jours, être délivrés gra-
tuitement. L'un d'eux, dû à la munificence de
l'empereur et construit à Paris, derrière le
square du Temple, a déjà donné les meilleurs
résultats. Dans un rapport présenté au protêt
de la Seine, le 18 janvier 1SG5, M. de Covme-
nin, conseiller d'Etat, étudie les progrès de
cette œuvre populaire, et constate que, dans
l'année qui vient de s'écouler, il y a eu une
augmentation sur 1863 de 1,125 bains. En 1SGI,
ce nombre s'est élevé jusqu'à 38,893.
Il serait à désirer que ce décret si se.gc et
si important au point de vue de l'hygiène ne
fût point lettre-morte pour les populations ru-
rales. Ce sont précisément les habitants des
campagnes, ceux auxquels les bains seraient
le plus utiles, qui sont privés d'établissements
de ce genre.
Bains chez les modernes. Quand on se re-
porte par la pensée aux luxueux établisse-
ments des bains romains et orientaux, on est
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frappé du contraste que présentent avec eux
nos bains modernes. Sans doute, nos mœurs
plus sévères s'accommoderaient mal des pra-
tiques efféminées de l'antiquité, mais combien
nous sommes loin d'approcher de cette exces-
sive recherche que l'on remarquait dans les
bains des plus pauvres citoyens de Rome!
Nous prenons nos bains dans un étroit cabinet
sans luxe, sans décors, à l'un des coins duquel
est placée une étroite baignoire, où l'eau n ex-
hale d'autre odeur que celle des tuyaux. A la
sortie du bain, point de Ht de repos, point de
massage, point de frictions, point d'essences,
une brusque transition du froid au chaud, tel
est le bain moderne. Si quelque infirmité vous
oblige à recourir au pédicure, arrive un gar-
çon grossier, maladroit, ancien valet d'écurie,
avec lequel vous êtes obligé de discuter le
prix de Popération. A plusieurs reprises, on a
tenté de faire renaître le luxe des thermes
romains; mais ces tentatives ont- toujours
échoué. A qui la faute? Assurément, les direc-
teurs de ces établissements ne demanderaient
pas mieux que de satisfaire ces tendances à
un luxe plus raffiné, mais leurs projets d'amé-
lioration ne seraient couronnés d'aucun succès.
Nous vivons à une époque de luxe extérieur,
où la bourse no s'ouvre que pour les dépenses
de pur apparat. Tel de nos Lucullus qui laisse
chaque soir une pièce de 20 francs au bureau
de 1 Opéra, au comptoir de la Maison Dorée,
ne se trouve nullement humilié de descendre
aux bains à 60 centimes. Ajoutons, toutefois,
que nous vivons dans un temps où l'on a autre
chose à faire qu'à passer la moitié de sa vie
dans un établissement de massage et d'épilage.
Les anciens avaient énormément de temps à
dépenser, et ce n'est certes pas eux qui au-
raient inventé le limes is money de nos voisins
toujours affairés.
— II. Physiol. et hyg. Les bains peuvent
être liquid'H, solides ou gazeux. L'eau est
l'élément le plus ordinaire du bain liquide;
quelquefois il se. compose de petit-lait, d'alcool
étendu, de vin, d'huile, etc. Poppée, qui fut
assassinée par Néron, prenait tous les jours
un bain de lait d'ànesse. Au moyen âge et
dans les maisons seigneuriales, ces sortes de
bains furent longtemps de mode. La célèbre
Mme Tallien remplaçait, en été, le lait .par le
suc de fraises et de framboises- Le rhum- et le
tafia sont employés dans les colonies où la
canne à sucre est cultivée.
Le bain liquide se prend soit dans une grande
étendue d'eau courante ou stagnante, comme
une rivière, la mer, un étang ; soit dans une
piscine, soit enfin dans, une baignoire. L'eau
est souvent, dans un but thérapeutique, char-
gée de principes qui lui communiquent des
propriétés variées.
Les bains solides sont en petit nombre ; nous
nous bornerons à signaler les boues minérales,
le marc de raisin et le marc d'olives, enfla
' les bains d'arénation ou bains de sable.
Les bains gazeux ne sont ordinairement que
les bains de vapeur proprement dits; ils ne
s'emploient, comme les bains solides, que dans
un but thérapeutique.
Certaines opérations accompagnent souvent
le bain et sont regardées parfois comme des
accessoires indispensables. On les pratique
soit dans un but de propreté et hygiénique,
soit dans un but tout à fait médical. Nous ci-
terons les principales : 1° Les onctions faites
avec des onguents et des huiles parfumées;
très-longtemps de mode chez les Grecs et les
Romains, elles ne sont plus aujourd'hui en
usage qu'en Orient; 2° le massage importé de
l'Inde en Europe. Voici en quoi il consiste :
Le baigneur s'étend sur une table de pierre
ou de bois, légèrement arrosée d'eau chaude;
le masseur lui comprime le corps dans tous les
sens, étire les membres, fait craquer les arti-
culations, frappe fortement sur les épaules et
sur les parties charnues ; puis, de sa main ar-
mée d'un gant de crin, il opère sur toute la
surface cutanée une friction vigoureuse. En
Russie, on fouette le corps avec des verges
ramollies dans Veau; 3" les frictions faites
avec des étoffes de laine, avec des éponges ou
bien enfin avec la sirigille, grattoir de corne
ou d'ivoire avec lequel on racle la peau;
4» enfin, le séchage du corps à la sortie du
bain; c'est le plus important de tous ces acces-
soires. Cette opération doit être faite prompte-
ment, surtout en hiver. Rien de plus dange-
reux que le refroidissement du corps alors
qu'il est encore tout humide.
Les bains, considérés sous le rapport de leur
température, as distinguent en bains froids,
bains frais, bains tièdes et bains chauds. L'ac-
tion qu'ils exercent sûr l'organisme présente
des différences notables, selon le degré au-
quel ils sont pris. Généralement, ils agissent
ainsi que va nous l'indiquer le professeur Ros-
tan : « l« Par la pression de l'eau, milieu plus
dense que celui auquel la peau est ordinaire-
ment soumise ; effet auquel on peut attribuer
en partie la constriction de la poitrine, la gêne
de la respiration dans les premiers moments
de l'immersion ; 2» par le contact d'un plus
grand nombre de molécules qui rend plus
prompt et plus intense l'addition ou la déper-
dition du calorique ; 3° par la sensation de
température qui est éprouvée; 4° par l'ab-
sorption de l'eau qui varie suivant la tempé-
rature du bain et qui est la plus considérable
dans le bain tiède ; 5<> par l'action de l'eau sur
■la peau, comme le ramollissement, l'imbibition ;
.60 quelquefois par le choc du liquide, t
. Ces effets varient, du reste, selon la tempé-
le
rature de l'eau et selon le temps pendant le-
quel on y reste plongé; c'est ce côté de la
question que nous avons à étudier.
Le bain froid (de 0 à 15° centigrades) déter-
mine aussitôt une sensation pénible, avec
frisson intense suivi d'une contraction spas-
modique de la peau : les membres se roidis-
sent et deviennent le siège de crampes dou-
loureuses; la respiration est gênée, la parole
pour ainsi dire suspendue, le pouls faible,
fréquent; le cœur bat avec violence. Une cé-
phalalgie intense se manifeste et quelquefois
même la peau se couvre de taches violacées;
le sang abandonne alors la périphérie du corps
pour se porter entièrement vers les organes
internes. Si ce bain se prolonge quelques mi-
nutes -seulement, l'horripilation devient plus
intense, les lèvres prennent une teinte vio-
lette, les yeux s'enfoncent dans leur orbite,
les organes génito-urinaires s'amincissent, et
il se produit dans l'économie une perturbation
telle que la stupéfaction en est bientôt le der-
nier terme.
■ Au sortir du bain, la réaction s'opère lente-
ment, et, pendant ce laps de temps, quelques-
uns des phénomènes que nous venons de
décrire persistent encore. La réaction une
fois établie, on éprouve une sensation de bien-
être et de chaleur agréable. De 15 à 18° cen-
tigrades, le bain produit des effets identiques
aux précédents, mais avec une intensité moin-
dre ; la réaction s'opère plus promptement,
s'accompagne d'une vive sensation de fraî-
cheur et d agilité, et, pendant la nuit, se ma-
nifestent tous les symptômes d'une grande
excitation.
Le bain frais (de 19 à 25° centigrades) re-
présente celui que l'on prend à la mer et dans
es rivières pendant la belle saison ; la tem-
Ëérature varie alors de 18 à 24° centigrades.
es les premiers instants de l'immersion, on
éprouve, tout d'abord, une impression de froid
bientôt remplacée par un sentiment agréable
de chaleur qui persiste, surtout si l'on ne reste
pas en repos. Dans le cas contraire, et le sé-
jour dans l'eau se prolongeant, le pouls se
ralentit, la respiration devient pénible, et un
nouveau frisson se produit.
Le bain tempéré (de 24 à 30o centigrades)
agit principalement sur la surface cutanée.
Sous son influence, la peau se ramollit et de-
vient plus souple. Il ne fait éprouver ni froid
ni chaleur; mais si on le prolonge pendant
plus d'une heure, il peut déterminer une ten-
dance irrésistible au sommeil.
Le bain tiède (de 31 à 37° centigrades) rougit
la peau, la gonfle et, après un certain laps de
temps, la ride et la ramollit. Le pouls et la
respiration se ralentissent; la face est vul-
tueuse et souvent violacée, surtout chez les
individus à constitution sanguine. On éprouve
de fréquentes envies d'uriner, et les parties
génitales deviennent rouges. La soif est vive-
ment excitée, et le malade n'a quelquefois pas
la force de résister au sommeil qui s'empare
de lui; enfin le volume du corps augmente. Si
l'on en croit Falconner, un adulte plongé pen-
dant une heure -dans un bain élevé à cette
température absorberait plus de quinze cents
grammes de liquide. Lorsque le bain tiède est
prolongé, il produit de la faiblesse, les mem-
bres s'appesantissent, la digestion est difficile ;
les facultés intellectuelles elles-mêmes parais-
sent obscurcies. Si, au contraire, on y séjourne
peu de temps, ce bain devient tonique et forti-
fiant par la réaction qu'il provoque.
Le bain chaud (au-dessus de 32° centigrades)
détermine des phénomènes ayant une grande
analogie avec ceux qui sont produits par des
bains très-froids : horripilation de la peau,
respiration pénible, pouls fréquent, anxiété,
céphalalgie, vertiges, quelquefois même syn-
cope. La durée de ce bain ne doit pas excéder
dix minutes. Quand on en sort, même après
ce court laps de temns, on éprouve une grande
lassitude, une extrême faiblesse, dues à la
perte considérable causée par la perspiration
cutanée.
Les dénominations de bains froids, tièdes,
tempérés, dont nous nous sommes servi, n'ont
qu'une valeur relative. L'impression produite
Far chacun de ces bains peut varier selon
idiosyncrasie, la constitution et surtout l'ha-
bitude des individus. Ainsi, le docteur Marcard
éprouvait des spasmes et une vive anxiété
dans un bain chauffé à £7"; le professeur
Rostan a signalé l'observation faite sur une
jeune dame qui ressentait une chaleur suffo-
cante dans de l'eau à 20°. Le même docteur
parle d'une vieille femme qui n'avait jamais
pu prendre de bains de sa vie ; sa répugnance
était telle, qu'elle étouffait, suffoquait, perdait
connaissance aussitôt qu'elle se plongeait dans
l'eau. Au contraire, il est certains individus
qui se plongent sans inconvénient dans l'eau
d'une rivière ou dans la mer à l'époque la plus
rigoureuse de la saison, et nous avons connu
un beau vieillard de soixante et dix ans qui
avait, dès sa plus tendre enfance, contracté
l'habitude d'aller se baigner dans l'Hérault,
tous les matins, avant le lever du soleil. Et, à
ce propos, nous allons raconter une charmante
anecdote. Un indigène des bords de la Tamise,
visitant un jour les curiosités du sommet du
Saint-Bernard, en compagnie de plusieurs re-
ligieux, arriva près d'un lac aux eaux presque
toujours glacées, et qui ne nourrissait aucun
poisson. L'Anglais en manifeste sa surprise
aux bons Pères, qui lui répondent qu'aucun
poisson ne pourrait vivre dans une eau si
froide. Notre, insulaire se dépouille aussitôt de
ses vêtements, plonge dans le lac à plusieurs
reprises, s'y livre à tous les ébats qui distin-
guent les nageurs consommés, puis sort de
cette baignoire improvisée, et dit froidement
aux religieux stupéfaits : « Mes bons Pères,
vos poissons sont des imbéciles. »
En général, les hommes doués d'une consti-
tution nerveuse sont plus sensibles au bain
froid que ceux d'une constitution où domine
l'appareil musculaire, et réciproquement pour
le bain chaud. La durée du bain doit être réglée
d'après la température de l'eau et de l'air am-
biant. Quand on le prescrit dans un but médi-
cal, on doit aussi tenir compte de l'effet qu'on
veut produire. Le médecin n'oubliera pas les
diverses circonstances que nous venons de
relater, et il devra régler prudemment l'emploi
d'un moyen si souvent utile, mais qui n est
pas toujours sans danger. Le bain de mer et
celui de rivière ne doivent pas se prolonger
au delà du deuxième frisson; aussitôt qu'on
l'a éprouvé, il faut sortir de l'eau, s'essuyer
promptement et ne point rester en repos. Le
matin, avant le premier repas, et le soir, de
quatre à six heures, et quand la digestion est
complètement terminée, Sont les moments les
plus favorables pour se mettre au bain. C'est
une erreur de croire qu'il est dangereux de pren-
dre, pendant la canicule, des bains en plein air et
au milieu de la journée. Le seul inconvénient
est d'être exposé à un soleil ardent- et aux
conséquences de l'insolation, qui peut déter-
miner des méningites et des érésipèles vul-,
gairement appelés coups de soleil. On doit
éviter d'entrer dans l'eau froide ou fraîche en
état de transpiration, à cause de la répercus-
sion qui pourrait se produire sur les organes
internes. Alexandre le Grand faillit perdre la
vie pour s'être baigné, étant en sueur, dans la
rivière du Cydnus. Cependant, il est bon que
le. corps soit, après un exercice modéré, cou--
vert d'une légère moiteur. Enfin, on conseille
avec raison, dans le but d'éviter une conges-
tion du cerveau, de se mouiller la tête au mo-
ment d'entrer dans le bain froid.
— III. Méd. thérap. Les bains liquides, dans
leurs diverses variétés, sont d'un puissant se-
cours pour le médecin, et très-souvent em-
ployés en thérapeutique. Le bain d'eau pure,
a différents degrés de température, suffit dans
un grand nombre de cas ; mais, souvent auGsi,
on ajoute au bain diverses substances solubles,
qui donnent probablement à l'eau des vertus
curatives nouvelles. Cette dernière proposi-
tion a été l'objet de vives controverses. Le
tissu cutané s'emçare-t-il d'une partie du
liquide ou des principes que ce liquide contient
en solution? Quelques auteurs, après expé-
rience, répondent négativement. Nous les
croyons dans l'erreur ; car, pour nous, il est
certain que le corps plongé dans l'eau en ab-
sorbe une certaine quantité, nous pourrions
dire même une quantité notable. Le fait de
Falconner, cité plus haut, le démontre péremp-
toirement. Quant aux sels qui peuvent être
dissous dans l'eau, ils ne sont pas tous égale-
ment absorbables; le sublimé corrosif, par
exemple, peut être administré ainsi à des
doses vraiment effrayantes. N'a-t-on pas quel-
quefois provoqué des purgations a l'aide de
pédiluves chargés d'ellébore noir ou blanc? Ne
retrouve-t-on pas souvent dans les urines les
principes dont le bain était chargé ? Les alcalis
non-seulement sont de ce nombre, mais encore
ils paraissent jouir de la propriété de rendre
absorbables certains médicaments qui ne le
seraient pas sans cette association. Dans les
essais tentés pour élucider la question qui
nous occupe, on nous paraît avoir expérimenté
avec des solutions chargées de quantités trop
fortes de substances actives, et, dès lors, il
est arrivé que l'économie animale a éprouvé
une sorte d'intolérance organique qui a opposé
à l'absorption un obstacle invincible. Telle
nous paraît être la cause probable des résul-
tats contradictoires obtenus par les expéri-
mentateurs.
Les bains aqueux, a dit le professeur Ros-
tan, sont un des plus puissants moyens de
l'art de guérir. Pendant plus de six cents ans,
les anciens n'ont pas connu d'autre remède.
Les propriétés puissantes dont les bains sont
doués les font employer aujourd'hui contre un
grand nombre de maladies. Cependant, il faut
bien le dire, la science n'a pas encore posé des
règles précises sur l'emploi de' cette médica-
tion, et le praticien doit tous les jours s'en
rapporter à sa propre expérience pour juger
des cas morbides où il peut être utile den
faire usage. Aussi nous contenterons - nous
d'indiquer les affections principales contre les-
quelles leur efficacité est maintenant admise
sans conteste.
Le bain très-froid au-dessous de 10° est
dangereux. On ne doit y avoir recours que
lorsqu'il est urgent de produire une vive réac-
tion. Comme moyen hygiénique , peut-être
pourrait-on le conseiller, mais ce ne serait que
dans des cas très-rares, qu'il n'est pas possi-
ble de prévoir. Le bain froid est employé avec
succès contre les scrofules, le rachitisme, sur-
tout si les malades peuvent s'y livrer à l'exer-
cice de la natation. 11 convient aussi dans le
traitement de la chorée, de l'hystérie, de l'in-
continence d'urine, de l'aménorrhée et des
brûlures, afin de modérer le travail de la ci-
catrisation. On devra s'abstenir de donner dea
bains froids dans toutes les maladies ayant un
caractère inflammatoire, aux enfants doués
d'une grande sensibilité nerveuse et prédis-
posés aux convulsions, et aux vieillards, chez
lesquels ils pourraient déterminer des apo-
plexies cérébrales. Nous ferons la même re-
commandation aux femmes pendant l'époque
menstruelle, et aux personnes atteintes de ma-
ladies du cœur ou d'éruptions cutanées avec
exsudation abondante.
Le bain frais produit un effet tonique très-
prononcé; il augmente l'appétit et facilite la
digestion ; il est employé dans les mêmes cas
que le précédent, et il n'offre pas les mêmes
dangers. C'est dans cette classe qu'on doit
ranger les bains de mer, d'une efficacité si
grande dans toutes les maladies où l'atonie est
le symptôme prédominant, et dans celles qui
dépendent d'un défaut d équilibre entre le
système nerveux et le système sanguin. Quel-
ques médecins anglais ont préconisé le bain
frais dans des cas de rougeole grave. Le doc-
teur Aran prétend avoir obtenu de bons résul-
tats de cette médication , qui produirait un
effet calmant par la diminution de la chaleur
de la peau.
Le bain tiède ou tempéré convient dans les
affections papuleuses, vésiculeuses, squam-
meuses et pustuleuses de la peau, à l'état
aigu et subaigu ; il agit en favorisant la des-
quammation de la surface cutanée et en réta-
blissant ainsi la régularité de ses fonctions.
Dans la période de suppuration de la variole,
le bain tiède répété trois ou. quatre fois fait
cesser le délire. Cette médication est déjà
très-ancienne, et, dans son ouvrage, qui date
de 1720, Fischer raconte qu'en Hongrie on ne
traite pas autrement les enfants atteints de
cette maladie. Dans les accouchements , il
calme l'irritabilité de l'utérus et prévient les
divers accidents qui pourraient en dériver.
Quand il est prolongé, et en raison de l'action
relâchante qu'il exerce sur les tissus, il favo-
rise le taxis des hernies difficiles à réduire.
Très-utile pour combattre les accidents ner-
veux qui accompagnent fréquemmentle travail
de la dentition chez les enfants, le bain tiède
ou tempéré est, en outre, avantageusement
employé contre le lumbago, le rhumatisme
musculaire, certaines constipations rebelles.
Très-efficace dans le traitement de la métrite,
ce bain convient parfaitement pendant la gros-
sesse ; c'est souvent un des moyens les plus
sûrs pour empêcher un avortement ou un ac-
couchement prématuré. Alors cependant il
ne faut pas en abuser, dans la arainte de trop
affaiblir la malade. L'utilité du bain tiède a
été encore constatée contre les névroses, quel
que soit, du reste, leur siège. Rien n'est meil-
leur pour calmer cet état d'irritabilité, d'agi-
tation, d'insomnie, qui se montre chez les
femmes nerveuses. 11 est contraire dans les
maladies asthéniques, dans les affections scro-
fuleuses, scorbutiques ; chez les personnes
atteintes de maladies organiques ou épuisées
Ear d'abondantes évacuations, enfin dans les
ydropisies et les hémorragies de toute na-
ture. En un mot, on doit suivre le précepte
d'Hippocrate, quand il dit : < Il ne faut pas
baigner les faibles. » Le docteur Turck a em-
ployé avec succès le bain tiède dans les cas
de folie ; ce bain doit être alors très-prolongé.
Le bain prolongé a réussi encore dans le
tétanos, certains cas de brûlure, etc.
Le bain chaud, par son action excitante sur
l'organe cutané et les tissus sous-jacents, est
avantageusement conseillé dans les douleurs
rhumatismales chroniques. Il ramène le cours
des hémorroïdes, et fait ainsi cesser les acci-
dents causés par leur suppression. De même,
dans le cas d'aménorrhée, il rétablit le flux
menstruel. Il a été également employé avec
succès pour rappeler certaines éruptions exan-
thématiques qui avaient cessé brusquement
par suite d'un abaissement de température.
Mais on ne doit user de ce moyen qu'avec une
grande prudence, surtout dans la rougeole et
la scarlatine, qui sont fréquemment accompa-
gnées d'accidents du côté des voies respira-
toires ; l'action d'un moyen aussi excitant que
le bain chaud pourrait augmenter la fièvre et
l'agitation, déjà si intenses; On doit défendre
ce bain à tous les individus prédisposés aux
congestions cérébrales et à constitution plé-
thorique, à ceux qui sont atteints d'inflamma-
tions internes et d'affection cancéreuse et
squirrheuse de l'utérus et du tube digestif.
Le bain très-ebaud n'est plus aujourd'hui
d'aucun usage en thérapeutique. S'il est re-
connu doué quelquefois d'une certaine effica-
cité dans quelques cas, il est tellement dan-
gereux par son action sur l'encéphale qu'on a
dû renoncer complètement à son emploi.
Bains médicamentaux ou médicinaux, pro-
prement dits. Nous n'avons à parler ici que
des bains d'eau, auxquels, dans un but théra-
peutique, on a ajouté diverses substances mé-
dicinales ordinairement solubles. Nous n'avons
pas à nous occuper des eaux minérales natu-
relles, non plus que des pratiques de l'hydro-
thérapie, qui feront le sujet d'articles spéciaux.
. îo Bains liquides. Ils sont aussi nombreux
que les substances médicinales dont les prin-
cipes actifs sont regardés comme, solubles.
Nous citerons les principaux : Bains alcalins.
C'est une imitation des eaux minérales al-
calines de Vichy; ils se .présentent aussi très-
chargés de sel alcalin , et sont employés dans
les éruptions sèches, les démangeaisons, le
prurigo, les anciennes maladies dé peau impar-
faitement guéries. Les engorgements indolents
du ventre, le rhumatisme, la chlorose sont
quelquefois traités par les mêmes bains alca-
lins, à dose moins forte. Le sous-carbonate
de soude et le sel de Vichy sont ordinairement
9
66
BAI
BAI
BAI
les plus employés à faire les bains alcalins.
La dose varie de 80 à 250 grammes pour un
bain entier. Bain de Barètes ou sulfureux. Le
sulfure de potassium à la dose de 60 à 150
grammes en forme la base. On y ajoute quel-
quefois soit le carbonate de soude et le chlo-
rure de sodium, soit la colle de Flandre. On
administre les bains sulfureux dans diverses
maladies de la peau, les dartres, la gale,
l'eczéma, l'impétigo, le pitiriasis versicolor, le
prurigo, ainsi que dans les rhumatismes, les
scrofules, la cnorée, divers engorgements et
les suppurations de longue durée. On voit que
ce moyen thérapeutique convient dans un
grand nombre d'affections différentes, et qu'il
est d'une grande ressource en médecine. Les
bains de sel contiennent de 250 à. 1,000 gram-
mes de sel, et s'emploient contre les scrofules,
la débilité générale, etc. Les bains de mer sont
des bains froids, de 15" à 17», dont l'eau con-
tient jusqu'à 4 pour cent de substance miné-
rale ; ils réunissent les qualités toniques des
bains froids et des bains salins. Ce sont de
véritables eaux minérales dont la description
appartient à un autre article {v. Eaux). Les
bains iodés et iodurés, aujourd'hui rejetés,
contenaient l'iodure de potassium et l'iode a
des doses variables. On les employait contre
les scrofules, les scrofulides, les ulcérations, les
suppurations; comme moyens externes, ils
mériteraient d'être moins abandonnés. Quand
on a usé de ces sortes de bains, un procédé
chimique économique permet de régénérer
l'iode pour le faire servir de nouveau. Les
bains chlorurés à l'hypochlorite de chaux s'em-
ployaient contre les ulcères et les scrofules,
mais ils se montraient inefficaces. Les bains
mercuriels contiennent de 5 à 12 grammes de
sublimé corrosif, et trouvent leur emploi dans
la syphilis et les affections do peau qui en
dérivent. On s'est aussi servi de bains arsé-
nieux contre diverses maladies. Les bains
émollients sont faits avec le son, la guimauve,
la graine de lin ou le lait, qui était employé
si fréquemment dans l'antiquité. Ces derniers
sont aujourd'hui remplacés plus avantageuse-
ment par les bains de petit-lait, dont 1 usage
constitue un procédé thérapeutique particu-
lier, connu depuis une soixantaine d'années
sous le nom de cure de petit-lait. C'est à
Gais, canton d'Appenzell, à Interlaken,à Righi
et dans quelques autres localités de la Suisse,
que ce mode de traitement est plus particu-
lièrement employé. On fait les bains émol-
lients adoucissants avec de l'amidon, la colle
de Flandre, la gélatine et la pâte d'amandes.
Les substances aromatiques, le thym, la la-
vande, la sauge, le serpolet, la menthe, etc.,
donnent les Sains aromatiques; le vin, le
vinaigre, l'alcool, s'ajoutent a ceux qu'on veut
rendre excitants. Le bain de Pennés est to-
nique, excitant et aromatique; il contient une
assez forte proportion de carbonate de soude.
Le bain de Jlaspail contient de l'ammoniaque
saturée de camphre et du sel ordinaire; c'est
une reproduction de l'eau sédative. Il est em-
ployé dans les rhumatismes. M. Raspail indique
encore un bain alcalino- ferrugineux, dont la
composition est très-compliquée, et dans lequel
une certaine quantité d'électricité se déve-
loppe.
Les bains de tripes sont des bains gélati-
neux faits avec les issues des bêtes à cornes.
Ils étaient employés en chirurgie pour hâter
la guérison des fractures, des ankyloses, etc.
Les bains de sang d'animal, comme toniques
et excitants, ne sont plus employés; M. Ras-
pail en conseille encore l'usage, soUs la déno-
mination impropre de bains vivants.
Parmi les autres bains liquides, nous devons
encore citer les bains électriques. Le malade
est placé dans une baignoire de bois dont
l'eau est acidulée ; les deux électrodes d'une
pile volta-faradique , ou de la machine de
Rumkorf, plongent dans le liquide, les chaînes
électriques de Pulvesmacher, et d'autres ap-
pareils immergés, peuvent aussi rendre le
oain électrique. Ce ba.in est employé dans les
Î paralysies partielles ou générales, l'ataxie
ocomotrice et la saturation mercurielle, à la
suite d'un traitement syphilitique trop pro-
longé. Le bain à l'kydrofère est la plus remar-
quable invention du vénérable Mathieu de la
Drôme. L'hydrofère est un instrument imité
du pulvérisateur des liquides de M. Sales-
Girons. L'eau, mise en mouvement par le jeu
de l'air comprimé, est poussée violemment
contre une plaque de métal sur laquelle elle
se brise, et se répand en une sorte de pous-
sière. Le malade reçoit ainsi le liquide en
fines gouttelettes, et se trouve enveloppé com-
plètement d'une petite nappe liquide. Ce pro-
cédé présente de notables avantages. En pre-
mier lieu , il y a économie évidente : trois
bouteilles de liquide suffisent pour un bain
complet, ce qui permet de faire usage, avec
une faible dépense, des eaux minérales tirées
des lieux les plus éloignés. En second lieu,
l'eau ainsi employée offre une partie des qua-
lités de la douche, préserve le malade de la
pression du liquide sur la périphérie du corps
et parait, en réalité, jouir de propriétés cura-
tives plus efficaces , qui dérivent du mode
même d'emploi. Ce qui paraît prouver en fa-
veur de cette efficacité, c'est que les animaux,
qui éprouvent en générât une grande répu-
gnance pour l'eau, se soumettent volontiers
a ce moyen particulier de balnéation, ce qui
conduirait à croire qu'il est plus naturel.
Les expériences, récentes de M. Hardy et
. lo rapport favorable de M. Gavarrct ne per-
mettent plus do doute sur les propriétés cura-
tives des bains à l'hydrofère. Ils furent in-
stallés dès l'année 1860 à l'établissement de la
rue Taranne, et sont actuellement très-em-
ployés aux bain» médicinaux de la Ville de
Paris, ancienne frégate-école du quai d'Orsay.
On distingue encore en médecine, parmi les
bains liquides, les bains locaux oupartiels,\t&r
opposition aux bains généraux ou entiers. Le
bain de mains ou manuluve s'emploie chaud
comme dérivatif dans les hémorragies, et
comme émollient dans les inflammations lo-
cales. Le bain de pieds, ou pédiluve, s'emploie
le plus souvent aussi pour amener le sang
vers la partie inférieure du corps, c'est-à-dire
comme dérivatif. Dans ce cas, if est pris chaud
et composé d'eau pure, à laquelle on peut
ajouter des cendres, des sels, de l'acide chlor-
hydrique , de la farine de moutarde , etc.
Dans les phlegmasies locales, et notamment
dans l'ongle incarné, surtout aux pieds, ces
substances sont remplacées par d'autres, émol-
lientes, telles que le son, la graine de lin, etc.
On les emploie froids et additionnés d'alun,
pour supprimer la transpiration trop consi-
dérable des pieds.
Le bain de siège ou demi-bain se prend à
l'aide d'une baignoire spéciale, dans laquelle
on plonge le bassin jusqu'à la ceinture, les
jambes restant dehors. Ce bain s'emploie
chaud, comme dérivatif, contre les conges-
tions des organes supérieurs, l'oppression, la
goutte dite remontée, les hémorragies nasales
et les congestions à la tête ; enfin, pour rap-
peler les flux hémorroïdaux et le flux mens-
truel. Tiède, on emploiera le bain de siège,
dans les cas de phlegmasie de l'abdomen et
d'inflammation locale ; froid, contre les hémor-
ragies utérines, l'incontinence d'urine des en-
fants faibles et délicats, les pollutions noc-
turnes et diurnes, etc.
2° Bain de vapeur. Le bain liquide très-
chaud est avantageusement remplacé, pour
l'homme, par la température élevée d'une
étuve humide. Aussi a-t-on depuis longtemps
substitué le bain de vapeur au bain chaud,
chaque fois qu'il est nécessaire d'arriver à une
grande chaleur. Cet usage, encore pratiqué
en Russie et en Egypte, où l'on prend des
bains d'étuve à 50, 60 et 75<>, n'est plus guère
suivi en Occident que dans un but thérapeu-
tique. On a même substitué à l'étuve ordi-
daire, dans laquelle le malade était plongé
tout entier, des boites closes qui permettent
de recevoir la vapeur sur toutes les parties du
corps, la tête demeurant dehors. Ces appareils
sont même transportables à domicile ; ils peu-
vent s'installer sur le lit où le malade est
couché. La vapeur arrive par un tuyau,
chauffé au moyen d'une simple lampe à esprit-
de-vin, et l'on peut facilement diriger cette
vapeur vers la partie la plus spécialement
affectée. Beaucoup de malades se dispensent
même de tout appareil : assis sur un tabouret,
ils reçoivent la vapeur de la lampe, entourés
d'une couverture de laine.
Le bain de vapeur excite la peau, qui de-
vient le siège d'un afflux énergique des liquides
et» d'une transpiration abondante. On traite
par les bains de vapeur les rhumatismes et
les douleurs arthritiques, les dermatoses, la
sciatique, etc. Le bain de vapeur aromatique
s'obtient, en ajoutant à l'eau qui fournit la
vapeur certaines substances aromatiques dont
les principes se volatilisent avec elle. On peut
aussi projeter des baies de genévrier sur un
fourneau ; il s'en élève une vapeur aromatique,
qu'on emploie dans les mêmes cas. Le bain de
vapeur des pauvres se prépare assez facile-
ment. Le malade est couché et tient au pied
du lit, sous ses couvertures, un vase dans
lequel on a déposé un morceau de chaux vive
arrosée d'un verre d'eau. La chaux, en s'hy-
dratant, produit une abondante vapeur, qui
remplace parfaitement celle des appareils. Le
bain de vapeur minéral était dû aux vapeurs
des eaux minérales ; mais, comme il a été dé-
montré que ces vapeurs ne contenaient qu'ex-
ceptionnellement des principes solides , on
y a substitué partout Veau pulvérisée, qui
n'est, du reste, employée que dans la méthode
d'inhalation. Le bain de vapeur sèche rem-
place quelquefois le bain de vapeur humide.
Le corps du malade, ou la partie affectée, sont
exposés à la vapeur de différentes substances
résineuses en combustion sur un fourneau.
A cette catégorie doivent se rapporter les
bains, anciennement employés, de vapeur de
soufre, d'iode ou d'arsenic. Le bain de vapeurs
sulfureuses a joui longtemps, à l'hôpital Saint-
Louis, d'un légitime succès, dû aux appareils
de Darcet; toutefois, on les remplace avanta-
geusement aujourd'hui par des moyens théra-
peutiques d'une plus grande simplicité. Les
vapeurs sèches sont plus souvent employées
en inhalations. Ces divers bains de vapeurs
peuvent être locaux ou généraux, comme les
ùains liquides.
3« Bains gazeux. Plusieurs substances
gazeuses sont employées aujourd'hui, soit
localement, soit généralement, en applica-
tions externes ; ce procédé a pris, par exten-
sion, le nom de bain d'air. C'est une pratique
de l'hydrothérapie qui ne mérite guère cette
application. M. Raspail en préconise l'usage.
Nous allons passer ces différents bains eu
revue. Bains d'air comprimé. Ils ont été recom-
mandés contre l'asthme et l'emphysème, mais
c'est plutôt une inhalation quun bain véri-
table. Bain de vide. Cette expression impro-
pre désignerait une application du vide sur la
surface du corps. La ventouse Junod sert à
produire le vide atmosphérique autour d'un
membre sur une assez largo surface ; mais les
bains plus complets de vide n'ont pas encore
été employés. Ils sont seulement proposés
pour certaines affections. Bains d'oxygène.
M. Laugier parait en avoir fait les premières
applications à la cure de la gangrène sénile.
C'est un bain toujours local. Plusieurs chefs
de service des hôpitaux, M. Demarquet entre
autres, ont répété les expériences de M. Lau-
gier avec succès, chaque fois seulement que
les conditions n'ont pas été trop défavora-
bles. Bain d'acide carboniquo. Dans plu-
sieurs localités d'Allemagne, à Nauheim, Kis-
singen, Mariendal, etc., on expose pendant
quelques instants les malades dans un, milieu
saturé d'acide carbonique; mais l'effet phy-
siologique de ces bains dépend en grande
partie de l'inhalation. Dans les hôpitaux, on
applique les bains locaux d'acide carbonique
à la guérison des plaies anciennes, des ulcè-
res, etc. La fameuse Grotte du Chien, près do
Pouzzoles, pourrait servir à ces bains locaux.
Bains de gaz ammoniaque. Le gaz ammonia-
que se dégage spontanément du sol d'uno
grotte située près de celle du Chien, à Pouzzo-
les. On y traite un certain nombre de maladies
locales en exposant la partie malade aux
émanations gazeuses, sans que celles-ci puis-
sent être respirées par le malade. Les ophthal-
mies, les paralysies des membres, les engour-
dissements, douleurs, demi-ankyloses rhuma-
tismales et goutteuses, la sciatique, demandent
un moyen de guérison ou de soulagement à
ces bains locaux de vapeurs d'ammoniaque.
Il est évident que la plaie absorbe très-bien
ce gaz à travers l'épidémie, car la surface
exposée aux émanations gazeuses ne tarde
fias à devenir chaude et même brûlante. La
angue est sèche, les tempes battent, des
lueurs phosphorescentes passent devant les
yeux. Enfin, on sort de la grotte, après un bai7i
plus ou moins prolongé, et l'on cherche a
exciter la transpiration,
40 Bains solides. A cette classe appartien-
nent les bains de marc de raisin , si employés
autrefois contre les paralysies, les engourdis-
sements et les douleurs anciennes. Bonnet
disait d'eux qu'il n'y avait « rien de meilleur
sous la chape du ciel, » ce qui ne les a pas
empêchés de tomber en désuétude. lies bains
de marc d'olives , de fumier , de couvain
d'abeilles, sont encore plus oubliés. Les bains
de sable chaud, contre les engourdissements
et après les ligatures d'artères, sont également
abandonnés ; les bains de boues minérales, plus
employés, n'ont que les propriétés des eaux
minérales correspondantes.
— IV. Admin. Bains et lavoirs publics. Ces
établissements, dont l'idée a été empruntée
aux Anglais, ont pour but de propager les
habitudes de propreté parmi les classes ou-
vrières, en leur fournissant au plus bas prix
possible, et même gratuitement, la facilité de
firendre des bains, de laver et de sécher leur
inge. En Angleterre, le moyen employé pour
atteindre ce but consiste h annexer à chaque
lavoir un établissement de bains, et à com-
penser les pertes qu'occasionnerait le lavoir,
exploité isolément, par l'excédant de recettes
que produisent les ùains, même donnés à très-
bas prix. En Angleterre , la fondation de ces
établissements et leur direction a d'abord été
affaire d'associations particulières. L'Etat est
ensuite intervenu , en faisant des avances
aux paroisses pour .la construction des bâti-
ments. En organisant ces sortes d'établisse-
ments, on avait tout autant en vue l'améliora-
tion morale que l'amélioration physique des
classes pauvres. En favorisant parmi les
masses les habitudes de propreté, considérées
jusqu'alors comme, le privilège exclusif des
classes aisées, on a voulu inspirer aux ou-
vriers ce respect d'eux-mêmes qui, sans
impliquer la vertu, exclut du moins du vice
ce qu il a de plus grossier et de plus repous-
sant. En Angleterre, où l'on connaît le prix
du temps, surtout les personnes qui vivent de
leur travail, les sociétés et les administrations
municipales anglaises se sont appliquées à
abréger le plus possible la durée des opéra-
tions que nécessite le blanchissage du linge.
Ces diverses opérations ont été soumises a
une étude méthodique, on a fait appel aux
lumières de la science et de l'industrie ; des
appareils, des procédés nouveaux ont été
.imaginés. De nombreuses heures, que la mère
de famille peut consacrer à un travail pro-
ductif ou à la surveillance de ses enfants et
de sa maison, ont été ainsi gagnées. En An-
gleterre, en dehors des tains et des lavoirs
gratuits, fondés par les corporations munici-
pales , les paroisses ou les sociétés particu-
lières, il y a encore d'autres lavoirs publics
qui tiennent à la fois de l'institution chari-
table et de l'entreprise industrielle ; car, si le
profit n'est pas l'objet principal de leur créa-
tion, les tarifs sont calculés de manière à ce
que non-seulement les recettes couvrent les
dépenses, mais encore donnent un bénéfice
modéré ; on a cherché, en un mot, à associer
l'esprit d'entreprise et l'esprit de charité. Tout
le monde est d'accord pour reconnaître que
ces établissements ont tout autant contribué
au maintien de la santé publique qu'à la mora-
lisation des masses.
En France, le gouvernement de la seconde
république imita l'Angleterre sur ce point.
.C'est dans ce but que fut présentée la loi du
3 février 1851, qui ouvrait au ministre de
l'agriculture et du commerce un crédit de
600,000 fr.,pour encourager la création d'éta-
blissements modèles de bains et lavoirs gra-
tuits ou à prix réduits, dans les communes qui
en feraient ta demande. On espérait qu'avec
un peu de bon vouloir do la part des munici-
palités pour les concessions d'eau, il serait
taoile de constituer des bains et lavoirs qui,
férés par des commissions municipales ou par
industrie privée, sous leur surveillance, pro-
duiraient de grands bienfaits sans entraîner
aucune dépense annuelle, et réaliseraient
même des bénéfices. La subvention de l'Etat
fut soumise aux conditions suivantes : les com-
munes qui sollicitent cette subvention doivent
prendre l'engagement de pourvoir, jusqu'à
concurrence des deux tiers au moins, au mon-
tant de la dépense totale; soumettre préala-
blement à l'administration supérieure les pians
et devis des établissements qu'elles se pro-
posent de créer. Elles doivent, en outre, justi-
fier, par la production de leur budget, qu'elles
sont dans une situation financière qui ne leur
permet pas de se charger de la totalité de la
dépense. Jusqu'à présent le nombre des éta-
blissements de ce genre créés en vertu do
cette loi, dans les communes rurales et les
petites villes, est excessivement restreint. La
subvention n'a pas paru un encouragement
suffisant. Les communes, voyant qu'en fin de
compte elles seraient obligées de supporter les
deux tiers de la dépense, n'ont mis aucun
empressement à solliciter cette subvention.
Dans les localités qui ont réclamé le concours
de l'Etat, l'administration a exigé que les au-
torités municipales prissent l'engagement do
faire profiter des prix réduits tous les ouvriers
dont la position'justifierait cet allégement, et
de délivrer chaque mois un nombre déterminé
de cartes gratuites aux indigents. Des bai-
gnoires distinctes sont établies pour ces der-
niers, et, s'il le faut, l'administration leur fuit
assigner des heures et des jours réservés,
Les bains et lavoirs publics ont, depuis 1851,
passé des attributions du ministre de l'agri-
culture et du commerce dans celles du ministre
de l'intérieur.
— V. Mêd. vét. L'usage de faire baigner
les chevaux après le travail a lieu depuis un
temps immémorial dans tous les pays où il
existe un fleuve ou une rivière. En faisant
baigner ces animaux dans ces contrées, on a
plus en vue d'enlever la boue ou le fumier
qui souille la peau que de répondre à des
vues raisonnées d'une saine hygiène. Dans
l'armée, les bains d'eau courante ont été mis
en pratique pendant l'été et les jours de ma-
nœuvre, sur l'avis des vétérinaires, qui ne
croient pas que les bains froids déterminont
la morve ou le farcin. L'utilité de ces bains
est démontrée par la sensation do bien-être
que nos animaux domestiques éprouvent quand
ils les prennent d'eux-mêmes. Ainsi, l'été sur-
tout, les chevaux conduits à l'abreuvoir se
couchent et se roulent souvent dans l'eau,
malgré leurs conducteurs. Les chiens s'y
plongent avec le plus grand plaisir, et c'est
Eour les épagneuls et les terre - neuve un
esoin naturel, qui, s'il n'était point satisfait,
pourrait donner naissance, chez eux, à des
maladies très-graves. Tout le monde sait que
l'eau est l'élément de prédilection des palmi-
pèdes, et que le porc la recherche particu-r
fièrement dans certaines conditions. Les rumi-
nants , au contraire , ont une répugnance
manifeste pour les bains naturels. Mais les
bains sont surtout nécessaires aux chevaux,
dont la peau doit remplir intégralement ses
fonctions respiratoires, en raison de la desti-
nation du cheval comme agent locomoteur.
C'est un préjugé de croire , ainsi que cela est
f trouvé par les travaux de M. l'ieury, que
es bains froids déterminent des répercussions
dangereuses. En effet, des faits nombreux
démontrent que les bains froids ou les dou-
ches, même avec des individus en sueur, sont
de la plus grande innocuité, à la condition
qu'ils soient généraux et instantanés. Ces
bains, s'ils étaient rationnellement mis en
pratique, auraient, pendant la saison chaude,
une heureuse influence sur la santé du cheval.
En agissant ainsi; on serait en opposition com-
plète avec ce qui se fait partout, notamment
chez les gens riches et dans l'armée, où, en
enveloppant les chevaux de couvertures de
laine, pour lesquelles assurément ils n'ont
point été faits, on les rend de plus en plus
impressionnables à la cause de la plus grande
partie de leurs affections. Mais quelques règles
doivent être suivies dans l'administration de
ces bains pour qu'ils soient véritablement
hygiéniques. Ainsi, on doit faire passer le
cheval dans l'eau à plusieurs reprises, et
éviter de le laisser immobile dans l'eau froide.
Si c'est pendant les chaleurs de l'été, le cheval
peut être laissé en repos au soleil en sortant
du bain; pendant la saison froide, il faut, au
contraire, provoquer les réactions par Vexor-
cico ou par de vigoureuses frictions. Ces
bains stimulent l'appétit, donnent de la toni-
cité aux muscles, facilitent les digestions et
l'absorption des matières nutritives. Quant
aux porcs, auxquels les bains sont également
indispensables, on disposera, dans la cour de
ta porcherie, un réservoir d'eau de manière que
ces animaux puissent s'y baigner facilement.
Bains & domicile (LES), Vaudeville do
M. Paul de Kock , représenté pour la pre-
mière fois, à Paris, sur le théâtre du Palais-
Royal, en octobre 1845. M. Lacaille est vieux,
laid, ridicule et célibataire ; mats il se peut
BAÎ
que ce soit à. lui que Gavarnl ait entendu dire
ce mot sublima : « Mon mur h Un homme qui
a le droit d'inscrire au-dessous de son nom,
sur ses cartes de visite , la qualité de pro-
priétaire, un homme qui a pignon sur rue
doit professer envers lui-même la meilleure
opinion. Ledit sieur Lacaille est, en effet, d'une
fatuité donjuanesque. Afin de rehausser ses
charmes, il a, conformément à la loi des con-
trastes, pris pour le servir un Calino d'une
laideur idéale qui répond au nom de Bourri-
quet, L'immeuble de notre propriétaire est
occupé notamment par une jeune dame de
Sainte-Sophie, qui néglige de payer son terme,
et par une grisette, MIL* Niniche, qui paye
régulièrement le sien. Celle-là habite le pre-
mier étage ; elle s'annonce comme la veuve
d'un général « mort au champ d'honneur. » La
seconde, dont l'état consista à colorier des
perles, perche hVentre-sol des pierrots, ou, si
vous l'aimez mieux, sous les combles; il est
vrai que , de sa mansarde, elle jouit de la
perspective d'une multitude de tuyaux de che-
minées; mais, par contre, de la vue plus ré-
créative d'un jeune peintre, son cousin, qui
travaille en face. On ne peut plus indulgent
pour M«ne la générale, M. Lacaille se montre
impitoyable pour la grisette et lui donne
congé , sous prétexte de quelques gouttes
d'eau répandues dans l'escalier. Il estbon de
dire que M"e Niniche prend des bains a domi-
cile. Elle aime la propreté, c'est la tout son
luxe. Comment la guerre s est-elle déclarée
entre le propriétaire et sa locataire? On le
devine. Maître Lacaille a rencontré dans Ni-
niche une vertu à toute épreuve qui a refusé
de capituler ; oui , Niniche a repoussé sa
flamme, et n'a pas craint d'appeler vieux sa-
pajou un patenté, électeur, éligible, etc. : elle
a même poussé l'insolence jusqu'à lui déco-
cher en plein visage un magnifique éclat de
rire qui vibre encore, à l'heure qu il est, dans
le cœur rancunier du bonhomme. M,le Nini-
che tient beaucoup aune mansarde qui donne
sur les combles de son cousin ; elle va donc
trouver bravement son ennemi, et déploie tout
l'arsenal de ses chatteries, de ses gentillesses
et de ses clins d'yeux pour l'amener à apposer
son parafe au bas d un bail de trois , six ,
neuf; mais un vieux garçon, blessé dans son
amour-propre d'homme à succès, est plus vin-
dicatif qu'on ne le suppose. Notre gaillard
tient bon et ne veut pas déchirer le congé.
La grisette sort furieuse, en couvant des pro-
jets de vengeance. Après elle, se présente
Mmo de Sainte-Sophie. Cette dernière parle
de loyer, de quittances ; mais le galant pro-
priétaire se hâte de l'interrompre par des ma-
drigaux et des traits d'esprit qui datent de sa
première barbe. La générale, pour parler la
langue de M. Paul de Kock , fait d abord la
chipie ; en fin de compte, elle se laisse offrir
un dîner au Cadran bleu et une loge aux
Funambules. En attendant l'heure du rendez-
vous, M. Lacaille se rend à ses affaires;
Mmo de Sainte-Sophie va faire, de son côté, un
tour de promenade. Bourriquet reste donc seul
à la maison. Il s'y livre, par l'organe d'Alcide
Tousez, à des monologues rehaussés de calem-
bours, de jeannoteries, de coq-à-1'âne et d'in-
congruités. Un coup de sonnette retentit : c'est
un Tbain qu'on apporte pour son maître; la
baignoire est installée derrière une tapis-
serie; une minute après, nouvelle sonnerie,
deuxième bain; le valet, étonné, pense, après
mûres réflexions, que l'une des deux bai-
gnoires est destinée à le recevoir, lui, Bour-
riquet. Il est bon d'ajouter que Bourriquet n'a
jamais pris de bain de sa vie ; toujours il a
rêvé cette jouissance délicieuse sans jamais
l'atteindre. Un bain chaud, c'est pour lui le
dernier mot des voluptés humaines, le necplus
ultra des bonheurs d'ici-bas; il se plonge dans
le liquide bouillant, car il n'a pas voulu y
laisser mettre d'eau froide, prétendant que
l'eau froide est bonne pour les canards et les
petites gens. Un homard prendrait les teintes
du vermillon de Chine, un œuf deviendrait
dur... Bourriquet brave cinquante degrés de
chaleur et trouve le liquide à peine tiède.
Cependant, M. Lacaille reparaît; voyant un
bain tout prêt, il le prend, car il a besoin d'être
frais et dispos. A peine s'est-il glissé dans
l'eau chaude qu'on apporte un troisième bain.
Quel est ce mystère? Niniche va nous l'ap-
prendre. Niniche, à qui un homme au bain ne
lait pas peur, entre , un papier à la main :
« Signez mon bail, dit-elle au bon Lacaille, ou
vous allez subir un déluge à domicile. L'esca-
lier ressemble déjà à la cascade de Saint-
Cloud ies jours de grandes eaux. » Après une
résistance obstinée, le propriétaire se rend.
Mme de Sainte-Sophie (dans le monde de Paul
de Kock, les femmes ne sont pas bégueules),
Mmo de Sainte-Sophie survient pendant le dé-
bat; Niniche reconnaît en elle une ancienne
camarade, très-peu veuve d'un général, et tout
s'arrange ; car que voulez-vous que fasse entre
deux femmes un homme vêtu comme au jour
de sa naissance? Tout s'arrange, mais sans
mariage , et voilà une hardiesse que pouvait
seul se permettre M. Paul de Kock. Un vau-
deville sans mariage) c'est le renversement
des dogmes de la scène. L'auteur, méprisant
les rites sacrés du Palais-Royal, a vu son hé-
résie impunie. Bien mieux, son audace a été
saluée par des bravos, et les Bains à domicile,
Ïiièce qui n'a ni queue ni tète, a beaucoup et
ongtemps fait rire. Sainville-Lacaille et Al-
cide Tousez-Bourriquet , étaient prodigieux,
ruisselants d'inouïsme, comme on dit a pré-
sent, dans cette bouffonnerie pleine de laisser-
BAI
aller et d'insouciance, où l'on vous jette, avec
une confiance dont rien n'approche, en pleine
figure, des poignées de sel gris en guise de
sel attique. Mais c'est égal, monsieur Paul de
Kock, faites des romans, faites des vaude-
villes; nous les aimons, votre rire est gau-
lois, votre verve est française ; votre plume
est la plus charmante causeuse du xixe siècle ;
on se sent la rate tout épanouie quand on
l'entend babiller. Ce jugement n'aura sans
doute pas l'heur de plaire à tout le monde ; il
faut du sel blanc aux raffinés; quant à nous,
nous ne dédaignons pas votre sel gris ; on en
fait usage pour les conserves , et, quand les
primeurs littéraires^ de 1866 seront allées où
va toute chose, nos arrière-neveux se réga-
leront encore de vos œuvres , monsieur X^aul
de Kock ;
Cet oracle est plus sûr que celui de Calchas.
Bain (le), tableau de M. Picou; Salon de
1857. Une Orientale, entièrement nue, est
debout sur le bord d'un bassin de marbre.
Doux suivantes accroupies essuient son beau
corps , aux formes opulentes , aux contours
voluptueux. Sa tête se détache sur un écran
de plumes que tient une négresse debout der-
rière elle. Une fumée bleuâtre s'échappe d'un
brûle-parfums. Ce tableau a été gravé a l'eau-
forte par M. Metzmacher.
BAIN (ordre du) , ordre anglais de cheva-
lerie. Il 'est, pour la première lois, question de
cet ordre à 1 occasion du couronnement du roi
Henri IV, en 1399, et l'on admet, en général,
qu'il fut institué en mémoire de cet événe-
ment. Quant à son nom, les écrivains les plus
compétents en attribuent l'origine à l'usage
où 1 on était au moyen âge de faire prendre
un bain aux nouveaux chevaliers, comme sym-
bole de purification. D'autres prétendent que
Henri IV l'institua en faveur des chevaliers
qui s'étaient baignés avec lui, après avoir
veillé toute la nuit qui précéda son couronne-
ment. Par la suite, les rois d'Angleterre pri-
rent l'habitude de créer des chevaliers du Bain
dans toutes les circonstances importantes,
principalement le jour de leur couronnement
et de leur mariage. Cependant, l'ordre finit
par tomber en désuétude, et il était entière-
ment oublié, lorsque George 1er ie réorganisa
en 1725. Enfin, il a reçu une nouvelle consé-
cration, le 24 mai 1847, par la reine Victoria.
L'ordre du Bain sert aujourd'hui à récom-
Eenser tous les genres de services. Ses mem-
res forment trois classes et portent le titre
de grands -croix, commandeurs et compa-
gnons. Les étrangers y sont admis, mais seu-
lement comme membres honoraires. Les insi-
gnes des chevaliers de la première classe sont
un ruban rouge et une médaille d'or émaillée,
portant un sceptre, une rose , un chardon au
milieu de trois couronnes impériales, avec la
devise : Tria juncta in uno.
BAIN, bourg de France, ch.-l. de cant.
(Ille-et-Vilaine), arrond. et à 41 kil. N.-E. de
Redon;- pop. aggl. 1,510 hab. — pop. tôt.
4,175 hab. Tanneries, mégisseries, tissus de
crin.
baïna s. m. (ba-i-na). Sorto de tambour
des Indiens.
BAINBRIDGE (Jean), savant astronome
anglais, né en 1582, mort en 1643. Il se fit con-
naître par une Description de la fameuse co-
mète de 161 S, et fut aussitôt appelé à la chaire
d'astronomie d'Oxford. Il a donné des éditions
grecques et latines de Proclus et de Ptolômée.
Outre les divers ouvrages qu'il a publiés , on
conserve de lui, à Dublin, deux volumes
d'observations astronomiques, ainsi que d'au-
tres manuscrits.
BAlïSBHlDGE (William], Commodore dans
la marine des Etats-Unis d Amérique, né dans
l'Etat de New-Jersey, le 7 mai 1774, mort à
Philadelphie, le 28 juillet 1833. Entré de bonne
heure dans la marine marchande, il s'éleva
rapidement au poste de capitaine ; et, lorsque
les difficultés des Etats-Unis avec la France
(1798) rendirent nécessaire l'organisation d'une
force navale, il reçut une commission de lieu-
tenant. Capturé par les Français avec le
schooner lietaliation qu'il commandait, Bain-
bridge resta prisonnier quelques mois à la Gua-
deloupe. A la fin des hostilités, il fut nommé,
capitaine (1800) et envo3'é dans la Méditerranée
avec l'escadre chargée d'opérer contre les
Etats barbaresques. Le 3 octobre 1803, sur la
côte de Tripoli, la frégate qu'il commandait,
la Philadelphia , ayant touché la côte , fut
enveloppée par des canonnières tripolitaines;
Bainbridge se* vit obligé, après une vive ré-
sistance, d'amener son pavillon, et il fut con-
duit à Tripoli avec ses 315 hommes d'équi-
page. Il y resta jusqu'à la conclusion de la
paix (3 juin, 1805). A son retour aux Etats-
Unis, il fut cité devant une cour d'enquête
chargée d'instruire sur la perte de la Phila-
delphia et honorablement acquitté. La guerre
avec l'Angleterre ayant éclaté en 1812, Bain-
bridge, alors commodore, reçut le comman-
dement d'une escadre et mit à la voile à
Boston, le 25 octobre de la même année. Il
avait arboré son guidon de commandement
sur la frégate Constitution, de 44 canons. Le
26 décembre, alors qu'il se trouvait isolé du
reste de son escadre, il rencontra, à la hauteur
de San-Salvador, la frégate anglaise Java,
de 49 canons, capitaine Lambert, qui portait
à Bombay le lieutenant général Hislop. Après
un combat de deux heures, la Java, complè-
tement désemparée, se rendait à Bainbridge,
qui n'avait éprouvé que des avaries sans
BAI
gravité. Le capitaine anglais était blessé mor-
tellement, et 174 marins, tués ou blessés,
gisaient sur le pont de la frégate mutilée.
Cette action d'éclat valut à Bainbridge une
médaille d'or ; c'est la seule récompense ho-
norifique qui soit accordée aux citoyens par
le gouvernement des Etats-Unis. Le commo-
dore Bainbridge fut employé activement jus-
qu'en 1821, époque à laquelle il quitta défini- !
tivementla mer. Il commanda successivement [
les arsenaux maritimes de Boston et de Phî- j
ladelphie, et remplit, en même temps, les fonc- •
tions de président du bureau des commissaires I
de la marine.
BAINCHÈRE s. f. (bain-chè-re). Pêch.
Ancien instrument de pêche.
BAÏNE s. {. (bè-iie). Agric. Cuvette ovale,
dont on se sert dans les pays de vignobles
pour recevoir le raisin et le porter au pres-
soir, il Chacun des larges paniers que l'on
suspend, en Auvergne, aux flancs des chevaux.
— ; Ane. cout. Droit qu'on payait sur le
poisson.
BAINES (Edward), historien anglais, pro-
priétaire et éditeur du Leeds Mercury, repré-
sentant du bourg de Leeds, naquit à Walton-
le-Dale, près de Preston, dans te Lancashire,
le 5 février 1774. Son père descendait d'une
famille de métayers anglais. Edward Baines,
après avoir reçu une Donne éducation , fut
envoyé comme apprenti chez un imprimeur,
qui, a l'époque de la Révolution française,
publiait un journal libéral. Bientôt il revint à
Leeds, avant même d'avoir terminé son ap-
prentissage, dans l'intention de se livrer aux
affaires pour son propre compte. Ayant établi
d'abord une petite imprimerie, il fut bientôt
connu du parti libéral comme un homme pru-
dent, intègre, énergique, et comme un ami
fervent de la liberté et des réformes politi-
ques ; alors on l'aida de toutes parts dans sa
publication du Leeds Mercury. Ceci se passait
en 1801, époque à laquelle la circulation des
journaux était encore restreinte, et où les
opinions émises par les feuilles publiques en
avaient d'autant plus de pouvoir sur l'esprit
des habitants des provinces. M. Baines était
l'un des écrivains qui, par leur caractère et
leur habileté, allaient élever la presse pro-
vinciale au niveau de la presse métropoli-
taine, et, durant la moitié d'un siècle, il exerça,
par la seule puissance de sa plume, une grande
influence dans le comté d'York et parmi les
membres du parti libéral. Pour donner une
idée de l'accroissement de la presse en An-
gleterre , nous remarquerons seulement que
le Leeds Mercury, qui, lors de son apparition,
ne comptait que 21,000 mots, après des aug-
mentations successives de format, en était
arrivé, en 1848, à 180,000 mots. Dans beau-
coup de localités, en Angleterre surtout, la
presse provinciale attire sur elle le discrédit
par la violence et les personnalités cho-
auantes que lui inspire l'esprit de parti; mais
n'en fut pas ainsi du journal dirigé par
M. Baines, qui, bien que vigoureux défenseur
de la politique libérale, se distingua toujours
par sa modération et l'indépendance de ses
opinions. Nous ne suivrons pas M. Baines
dans sa longue et importante carrière poli-
tique ; après avoir puissamment concouru à
maintenir la tranquillité dans son comté, il fut
le promoteur d'un grand nombre d'établisse-
ments : l'Ecole royale de Lancastre, la Société
littéraire et philosophique, l'Institution méca-
nique, l'Ecole modèle des enfants, la Maison
de convalescence *( Hôpital des fiévreux) , la
Société de tempérance, et beaucoup d'autres.
Parmi les mesures politiques auxquelles il a
le plus contribué, nous citerons la réforme de
la Chambre des communes , l'émancipation
catholique, le rappel des lois sur les coalitions,
l'abolition de l'esclavage aux colonies, la ré-
forme des corporations municipales, le rappel
de la loi des céréales, l'abolition des taxas
ecclésiastiques , etc. , etc. M. Baines s'est
acquis en outre d'autres titres à la célébrité,
par son goût pour les recherches archéologi-
ques et la publication de plusieurs ouvrages,
entre autres son Histoire du comté palatin
de Lancastre , 4 vol. in-4°, accompagnés de
nombreuses illustrations. A l'époque de l'éta-
blissement des chemins de fer, n employa tout
son crédit pour favoriser ce nouveau et rapide
moyen de communication. Il fut directeur de
plusieurs lignes et actionnaire d'un grand
nombre d'autres. De 1834 à 1841, M. Baines
représenta le bourg de Leeds à la Chambre
des communes; mais sa santé l'obligea, cette
dernière année, d'abandonner la vie parle-
mentaire. Il n'en continua pas moins à ac-
complir avec ardeur tous ses autres devoirs
civiques , jusqu'à sa mort, arrivée le 3 août
1841. Telle fut l'influence qu'avait exercée cet
homme de bien, que sa perte fut un deuil
général pour la ville qu'il nabitait, et que les
édiles firent placer sa statue dans la grande
salle de l'hôtel de ville de Leeds , hon-
neur dont les Anglais sont assez avares. Il
avait épousé la fuie de Mathieu Talbot, le
savant auteur d'une analyse critique de la
Bible. Il en eut onze enfants, dont neuf lui
ont survécu. Son fils aîné , Mathieu Talbot,
membre éminent du barreau anglais, fut élu
a, Hall, en 1847, membre du Parlement, et y fut
renvoyé, en 1852 et les années suivantes, par
la villeMe Leeds. Son second fils , Edward,
s'est depuis plusieurs années associé avec son
plus jeune frère Frédéric, pour la publication
du Leeds Mercury. Il est 1 auteur d'une His-
toire des manufactures de coton, le biographe
BAI .
67
de son père et le promoteur actif de tout ce
qui tend à favoriser l'éducation du peuple et
a repousser l'immixtion du gouvernement dans
cette question. Son troisième fils, Thomas, est
auteur d'une Histoire de Liverpool.
BAINES ( Math ews Talbot), homme d'Etnt
anglais, né en 1799, mort en 1800. Son père,
Edouard Baines, dont il était le fils aîné, avait
honorablement commencé la notoriété poli-
tique de sa famille par la fondation d'un des
firmeipaux organes de la presse provinciale,
e Leeds Mercury , ainsi que par le concours
constant, qu'en qualité de représentant du
grand bourg de Leeds à la Chambre des com-
munes, il avait donné au parti libéral. Les
succès scolaires de fiïàthews Baines à Cam-
bridge, et la réputation qu'il s'était conquise
au barreau, avaient fait espérer à ses amis
que sa carrière politique serait très-brillante.
Cette attente ne devait pas se réaliser. Entré
au Parlement en 1 84 7, et pourvu , moins de deux
ans après, des importantes fonctions do pré-
sident de l'administration de l'assistance pu-
blique, Baines montra les qualités solides d'un
administrateur, mais point du tout celles
d'un homme politique, et moins encore celles
d'un homme d'Etat. En 1853, l'administration
de lord Aberdeen rendit à M. Baines les fonc-
tions qu'en 1849 lui avait confiées l'adminis-
tration de lord John Russell. A sa mort,
arrivée sous la seconde administration de lord
Palmerston, M. Baines était chancelier du
duché de Lancastre. Il a été le premier exemple
d'un dissident admis à siéger dans le cabinet.
BAINI (l'abbé Joseph), compositeur et lit-
térateur musical, né à Rome Îe2l octobre 1775,
mort en la même ville le 21 mai 1844. Après
de solides études dans les beaux-arts et la
théologie, Baini reçut de son oncle, Laurent
Baini, d'excellentes leçons de contre-point, et
devint ensuite, en 1802, l'élève et l'ami de
Sannaconi. Peu de temps après, il fut admis
comme chapelain -chantre dans la chapelle
pontificale, dont il devint par la suite le direc-
teur. Sa manière de diriger les chœurs des
chanteurs pontificaux lui attira l'admiration
des artistes étrangers. Comme compositeur de
musique religieuse, bien qu'il n'ait rien pu-
blié, il n'en est pas moins célèbre, en Italie
surtout, par son Miserere, composé pour la
chapelle Sixtine, le seul qui ait pu soutenir la
comparaison avec ceux d' Allegri et de Thomas
Baj, et qui soit exécuté alternativement avec
ces deux chefs-d'œuvre.
Ses principaux ouvrages de littérature mu-
sicale sont : Essai sur l'identité du rhythme
poétique et musical , et surtout ses Mémoires
historiques sur la vie et les œuvres de Giovanni
Pier'Luigi da Palestrina. Malheureusement,
son admiration exclusive pour Palestrina et
les anciennes formules de musique sacrée lui
firent perdre de vue la marche progressive de
l!art, qui, pour lui, était en décadence depuis
la fin du xvie siècle. Baini resta étranger au
mouvement musical moderne, et mourut en
ignorant la différence de la tonalité actuelle
avec l'ancienne.
BAÏNIEN s. m. (ba-i-ni-ain — rad. batna).
Hist. relig. Membre d'une secte d'Indiens
qui mendient à la porte des temples en frap-
pant sur un baïna.
BAIN-MARIE (bairi-ma-rî. — Ce mot est
certainement formé des mots bain et Marie,
puisqu'on lit dans d'anciens manuscrits bal-
neum Maria;, bain de Marie. On ne peut donc
recourir à l'étymologie proposée balneum
maris , bain de mer, qui offrirait d'ailleurs
une analogie fort douteuse. Mais alors, que
fait ici le nom de Marie? Quelques-uns
évoquent fort mal à propos le nom de la
prophétesse Marie ; d'autres voient dans le
nom de Marie une allusion à la douceur du
bain en question. U est certain que les can-
tiques de l'âme dévote répètent souvent le
doux nom de Marie , et nous convenons que
l'explication est pieuse, si elle n'est pas plau-
sible). Chim. etartculin. Manière do chauffer
certains corps sans les exposer à des coups de
fou. Elle consiste à plonger les vases qui les
contiennent dans un liquide, un gaz, un corps
pulvérulent , dont on chauffe directement le
récipient : Les corps très-volatils ne doivent se
chauffer qu'au bain-marie. On cuit au bain-
marie les aliments très -susceptibles de se
brûler. Les ortolans gras se cuisent très-faci-
lement, soit au bain-marie, soit au bain de
sable, de cendre, etc. (Buff.) Le bain-marie o
l'avantage de ne pas atteindre une température
au-dessus de cent degrés. (Hoofcr.) il PI. Bains-
marie.
— Fig. Manière tempérée d'agir, de parler
ou d'écrire : Fous avez trouvé mon mémoire
trop chaud, mais je vous en prépare un autre
au BAIN-MARIE. (Volt.)
— Alchim. Nom que l'on donnait au mer-
cure dans lequel se Daignent les métaux ap-
pelés le roi et la reine.
BAINS, bourg de France (Vosges), ch.-l. de
cant., arrond. et à 25 kil. S.-O. d'Epinal; pop.
aggl. 1,538 hab. — pop. tôt. 2,596 hab. Fa-
brique de broderie, clouterie, kirschwasser ;
établissement thermal assez fréquenté. Les
eaux thermales de Bains, sulfatées sodiques,
connues dès l'époque romaine, émergent du
grès vosgien recouvrant en bancs peu épais
le granit qui affleure sur plusieurs points de
la vallée, par dix sources, dont la tempéra-
ture varie de 23° à 48° centigrades. Au centre
de la ville se trouve le bain romain , édifice
d'un style élégant, n Bains, comm, de Franco
68
BAI
BAI
BAI
BAI
(llle-et-Vilaine), arrond.de Redon; pop. aggl.
213 hab. — pop. tôt. 4,454 hab.
BAINS (les), appelé aussi Amélie-lf*!-
Bains ou Fort-les-Bains, village des Pyré-
nées-Orientales, à 31 kil. S.-O. de Perpignan;
1,800 hab. Fort bâti par Louis XIV en 1670.
BAINS DU MONT-DORE. V. MONT-DORE
(les bains du).
BAÏO s. m. (ba-i-o). Bot. Nom malabar de
l'arbre qui donne la casse, tl On dit aussi
BAHOO.
1UÏOCASSES , nom d'un peuple gaulois de
la 2o Lyonnaise, dans le pays de Bayeux.
BAÏOCHELLO s. m. ( oa-io-kèl-lo — mot
ilal.). Métrol. Pièce de deux baïoques (en-
viron onze centimes), usitée dans les Etats
romains.
BAÏONISME s. m. (ba-io-ni-srae — du nom
de Daïon). Hist. rclig. Doctrine do Baïon,
professeur de théologie à Louvain, dans le
xvie siècle : c'était un composé de pélagia-
nisme, de calvinisme et de luthéranisme.
BAÏONISTE s. m. (ba-io-ni-ste — rad.
baïonisme). Hist. relig. Partisan du baïonisme,
do la doctrine de Baïon. Au xviie siècle, les
baïonistes se sont confondus avec les jansé-
nistes.
baïonnette s. f. (ba-io- ne -te — rad.
Dayonne, ville où cette arme fut d'abord
fabriquée). Art milit. Arme pointue, ordi-
nairement triangulaire, qui s'adapte au canon
du fusil et peut se retirer à volonté : Mettre,
remettre la baïonnette. Croiser la baïonnette.
Charger à la baïonnette. Enlever une redoute
à la baïonnette. L'usage de la baïonnette au
bout du fusil est de l'institution de Louis XIV ;
avant lui on s'en servait quelquefois, mais il
n'y avait que quelques compagnies qui combat-
tissent avec cette arme; le premier régiment
qui eut des baïonnettes et qu'on forma à cet
exercice fut celui des fusiliers, établi en 1671.
(Volt.) La balle est folle, la baïonnette est
sage. (Souwarow.) Brave chevalier d'Assas,
te voilà expirant sous cent baïonnettes. (X. de
Maistre.) Tous ces soldats de Napoléon, habi-
tués à aller en aveugles à l'ennemi, croyez-vous
qu'ils réfléchissent en brûlant une amorce ou
en marchant à la baïonnette? (Alex. Dum.)
La lame de la baïonnette est quadrangutaire
en Autriche et triangulaire dans les autres
Etats. (De Chesnel.)
Partout la baionnette et les longs feux roulants
Des fougueux mameluks arrêtent les élans,
Barthélémy.
. . . Que 'la batonnclte homicide
Au-devant de vos rangs étineelante, avide,
Heurte les bataillons
La Harpe.
— Par ext. Fantassin, soldat d'infanterie :
Régiment de deux mille baïonnettes. Les
trois bataillons d'un régiment sur pied de guerre
montent jusqu'à trois mille baïonnettes et plus.
Quand le pouvoir est auxmains de ministres plus
téméraires que fermes, pour allumer une révo-
lution il suffit de la capsule d'une baïonnette
inintelligente. (E. de Gir.) il Militaires en gé-
néral : Les baïonnettes commencent à devenir
intelligentes. (Mich. Chev.) il Force armée :
Les hommes médiocres appellent volontiers les
baïonnettes à leur secours contre les argu-
ments de la raison. (Mme de Staël.) Charles X
eut tort d'employer les baïonnettes au soutien
des ordonnances. (Chateaub.) Ce qui est amené
par les baïonnettes étrangères est nécessaire-
ment odieux à une nationalité. (J. Favre.)
Honte à la France, qui a subi un roi proclamé
par les baïonnettes étrangères! (G. Sand.)
En fait de dictature, il n'y a de possible que
celle des baïonnettes. (Colins.) il Ensemble
des troupes d'un Etat, son armée : Saintes
baïonnettes de la patrie, cette lueur qui plane
sur vous, que nul œil ne peut soutenir, gardez
que rien ne l'obscurcisse. (Michelet.) L'Etat
pourrait solder le talent comme il solde la baïon-
nette. (Balz.) La Pologne ne peut faire un
mouvement sans avoir sur la poitrine les baïon-
nettes de trois monarchies. (Taxile Delord.)
— Enlever, prendre quelque chose à la
baïonnette. L'enlever, le prendre en combat-
tant à la baïonnette : La France produit les
meilleurs grenadiers du monde pour prendre
des redoutes À la baïonnette. (H. Beyle.) ||
Signifie aussi Obtenir quelque chose en triom-
phant rapidement des résistances : // a en-
levé cet emploi À la baïonnette. Il fallait
ENLEVER le SUCCès k. LA BAÏONNETTE. (L. GOïl.)
— Baïonnette - sabre ou sabre - baïonnette ,
Sabre que quelques régiments, comme les
chasseurs de Vincennes et les zouaves, met-
tent au bout du fusil en guise de baïonnette :
Des BAÏONNETTES - SABRES. La BAÏONNETTE-
SABRE des zouaves a fait d'affreux ravaqes.
(Illustr.)
— Encycl. C'est une opinion généralement
répandue que les premières baïonnettes furent
fabriquées à Bayonne et que le nom même
qu'on a donné à cette arme vient de cotte
.circonstance. On lit dans une chronique du
midi de la France : t Ce fut durant le siège
que Bayonne soutint, en 1523, contre les rois
d'Angleterre et d'Aragon réunis , que les
femmes de cette ville, se chargeant coura-
geusement d'en défendre les remparts, inven-
tèrent la baïonnette. » D'un autre côté, on
.montre dans les Basses - Pyrénées une posi-
tion nommée la Redoute de la baïonnette, et la
tradition rapporte que ce lieu fut ainsi nominô
parce que, à une époque qui n'est pas bien
déterminée , les Basques ayant épuisé leurs
munitions dans un combat contre les Espa-
gnols, ne seraient parvenus à les repousser
qu'en attachant leurs couteaux au bout de
leurs fusils, et ce fait aurait ensuite donné
l'idée d'une arme spéciale, d'une lame pointue
fabriquée tout exprès pour être adaptée au
fusil. Enfin, une dernière opinion, soutenue
par le Journal de l'armée, fait remonter cette
invention aux Malais de Madagascar, et ce
seraient les Hollandais qui auraient emprunté
à ces barbares l'idée de fixer une dague au
canon des fusils, afin que cette arme ne restât
pas inutile -après qu'on s'en est servi pour
faire feu. Comment démêler la vérité au milieu
de toutes ces assertions si différentes? Une
seule chose paraît certaine, c'est que la ville
de Bayonne joue un rôle positif dans l'histoire
de l'arme ou dans celle de son nom : si ce n'est
pas à Bayonne que la baïonnette fut réellement
inventée , c'est là au moins qu'elle dut être
fabriquée pour la première fois avec une forme
spéciale, et c'est là, en effet, qu'elle continua
à l'être pendant très-longtemps. D'après le
général Marion, la fabrication des baïonnettes
a Bayonne ne remonterait qu'à l'an 1641, et
Gassendi recule cette date jusqu'en 1671. Quoi
qu'il en soit, nous pensons que baïonnette vient
réellement de Bayonne, et non pas du mot
espagnol bayona, gaîne, ni du terme roman
bayoneta, petite gaine, comme l'ont prétendu
certains pliilologues, trop curieux d'étudier
les transformations des langues pour laisser
aux faits matériels l'influence qui leur appar-
tient réellement dans la création des termes
nouveaux.
Dans le principe, la baïonnette avait une
forme bien différente de celle que nous lui
connaissons aujourd'hui. On lit dans les Mé-
moires de Puységur qu'en 1642 les soldats qui
servaient dans la Flandre avaient des baïon-
nettes dont la lame, d'un pied de longueur,
était ajustée à un manche de bois qui s'enfon-
çait dans le canon du fusil. En 1671. le régi-
ment de fusiliers chargé de garder 1 artillerie
reçut des baïonnettes de ce genre, et, de 1676
à 1678, tous les grenadiers de l'armée en furent
pourvus. Ce ne fut qu'en îesi que l'on com-
mença à fabriquer des baïonnettes à douille
et à lame triangulaire, dont le modèle fut
encore perfectionné en 1692 par le colonel Mar-
tinet, inspecteur d'infanterie sous Louis XIV.
Il est aisé de comprendre l'importance de cette
innovation, puisque jusqu'alors les fusils ne
pouvaient plus être employés comme armes à
feu dès qu on. avait introduit le manche de la
baïonnette dans le canon, tandis qu'au moyen
de la douille le canon, restant libre, pouvait
être chargé de nouveau sans que la baïonnette
fût retirée, et dès lors le fusil devenait réelle-
ment une arme double, propre à lancer des
balles et à remplacer la pique ou l'épée, à la
volonté du. soldat. Les lames des baïonnettes
furent d'abord plates ; en 1738, les Suédois les
remplacèrent par des lames triangulaires, et
plus tard on fit usage des lames quadrangu-
laires en Autriche.
Aujourd'hui, la baïonnette ordinaire se com-
pose de trois parties, qui se forgent séparé-
ment: la lame, la douille et la virole. La lame
seule est en acier; elle est formée de trois
faces évidées , dont une comprend toute la
largeur de l'arme, et les deux autres les demi-
largeurs, de manière à présenter une arête
saillante, qui règne dans toute la 'longueur.
L'ouvrier qui forge la lame se sert de deux
étampes, 1 une pour la face la plus large,
l'autre pour les deux faces formant l'arête. La
douille se forge sur une enclume , où sont
Sratiquées deux gouttières demi-circulaires et
eux rainures à queue d'aronde, dans les-
quelles on fixe successivement les sept étam-
pes nécessaires ; on fait aussi usage de trois
mandrins de diverses grosseurs, Qu'on passe
l'jm après l'autre dans l'intérieur de la douille
pour donner à l'ouverture le diamètre voulu.
La virole est un anneau mobile qui joue autour
de la douille et qui sert à fixer la baïonnette,
quand un bouton qui tient au canon du fusil
est entré jusqu'à l'extrémité d'une entaille que
porte cette douille. Quand les trois pièces sont
forcées et que la virole a été adaptée à la
douille, on soude celle-ci à la lame, en ayant
soin de courber une queue de fer destinée à
former le coude de la baïonnette, puis on porte
le tout au polissage, lequel s'opère au moyen
de plusieurs meules; on brunit la pièce sur
une roue de bois saupoudrée de charbon, et le
dernier lustre se donne avec une autre roue
de bois également saupoudrée de charbon. Le
poids d'une baïonnette est de trois cents à trois
cent dix grammes; son prix de revient est
évalué à 3 fr. 62 o., d'après l'instruction du
6 juin 1835.
L'introduction de la baïonnette dans l'arme-
ment de l'infanterie a considérablement dimi-
nué l'importance de la cavalerie dans les
grandes batailles. Les charges de cavalerie,
si redoutables autrefois pour les troupes de
pied qu'elles culbutaient et au milieu des-
quelles elles jetaient un effroyable désordre,
deviennent impuissantes devant un mur de
baïonnettes, contre lesquelles viennent se
heurter les naseaux et la poitrine des chevaux ;
ceux-ci se cabrent, forment à leur tour un
mur infranchissable pour les chevaux qui les
suivent, beaucoup de cavaliers sont démontés,
culbutés, et bientôt un feu nourri part des
rangs dont les baïonnettes sont inoccupées,
jette la mort parmi les cavaliers et les force
a fuir. Les Français et les Prussiens sont les
deux peuples qui ex-cellent dans le maniement
de cette arme terrible ; mais les Français
surtout, dont toutes les autres nations recon-
naissent la fougue indomptable, puisqu'elles
la désignent sous le nom de furia francese, ont
montré en maintes occasions que la baïonnette,
maniée par un petit nombre de soldats valeu-
reux, peut lutter contre le nombre et souvent
même contre la puissance formidable du canon.
Que de fois n'a-t-on pas vu, dans nos grandes
guerres, une simple compagnie de fusiliers se
précipiter sur une batterie, enfoncer ses
baïonnettes dans la poitrine des artilleurs avant
qu'ils aient pu mettre le feu à leurs pièces,
s'emparer de ces pièces et les tourner ensuite
contre l'ennemi qui avait compté les foudroyer
de ses boulets et de sa mitraille 1
Deçuis une vingtaine d'années, on a un peu
modifié la forme des baïonnettes pour certaines
armes. Ainsi les" zouaves et les chasseurs de
Vincennes ont la baïonnette-sabre ou le sabre-
baîonnette, qui, comme l'indique le nom, pré-
sente à peu près la forme d'un sabre: quand
cette arme n'est pas fixée au canon du fusil,
ils la portent à leur côté comme une arme de
parade.
La baïonnette parait être l'arme favorite du
soldat français ; elle va bien à sa furia, à sa
bravoure audacieuse, a A la baïonnette/ » est
en quelque sorte nn cri français, qui, dans des
situations désespérées, a suffi pour rendre la
victoire à nos armées à demi vaincues. Cette
locution a même passé dans notre langue
vulgaire : « J'enlèverai cela à la baïonnette.''
dit-on, à propos d'un obstacle à surmonter et
alors qu'il n est nullement question de baïon-
nettes. Nous doutons même qu'une pareille
extension du mot existe dans aucune langue,
bien que presque toutes nous aient emprunté
notre mot baïonnette. Nous pourrions citer
une foule de circontances où la baïonnette a
fait des prodiges entre les mains de l'infan-
terie française : n Nous manquons de poudre,
disait un soldat au brave Chevert au moment
de livrer bataille. — Qu'importe, répondit Che-
vert, n'avons-nous pas la baïonnette?» Â la
bataille de Valmy, Kellermann, ayant formé
ses bataillons en colonnes, s'écria : a Cama-
rades , le moment de la victoire est arrivé :
laissons avancer l'ennemi sans tirer un seul
coup et chargeons à la baïonnette J » C'est aussi
le langage que tint Dumouriez à ses volon-
taires républicains : » Voilà les hauteurs de
Jemmapes et voilà l'ennemi, s'écria- 1- il;
l'arme blanche et la baïonnette, voilà la tac-
tique nouvelle pour y parvenir et pour vain-
cre! • Eu 1801, près du moulin de La Volta,
le général Dupont, avec 14,000 hommes, cul-
buta et mit en fuite 45,000 Autrichiens, en
attaquant seulement à la baïonnette d'un bout
de la ligne à l'autre. Oe fut encore bien autre
chose pendant la campagne d'Italie de 1859 ;
la baïonnette fit des prodiges entre les mains
de nos zouaves et de nos chasseurs, à Magenta
et à Solferino. C'est au point qu'un brave offi-
cier autrichien , en voyant ses soldats fuir
épouvantés devant les charges de la terrible
baïonnette française, s'écria que ce n'était pas
ainsi qu'où faisait la guerre, qu'il n'y avait là
qu'une sorte de boucherie. Nous ne souscrivons
pas, bien entendu, à cette opinion tout autri-
chienne. Nous sommes les premiers à gémir
sur le sang répandu; mais, en fin de compte,
à la guerre comme a la guerre. Quand deux
armées sont en présence, c'est pour se donner
autre chose que des coups de chapeau ,
comme à Fonténoy.
Terminons en appuyant cette petite digres-
sion de l'opinion de Charles XII , le prince le
çlus brave et le plus téméraire qui ait peut-
être existé : ■ Mes amis, disait-il a ses soldats,
joignez l'ennemi, ne tirez point, c'est aux
poltrons à le faire. » Au reste, chez nous, aux
yeux de la nation comme aux yeux de l'armée,
l'arme blanche est la plus populaire, et le duel
à l'épée, au sabre, à l'espadon, a toujours joui
dans l'opinion d'une plus grande faveur que
le duel au pistolet. .
— AlUlS. hist. Allez dire n votre maître
que n«ui Hommes Ici par la volonté «lu
peuple, et que nous n en sortirons que par
la farce des baïonnettes. Réponse fou-
droyante et célèbre que Mirabeau adressa
au marquis de Dreux-Brézé, dans une circon-
stance solennelle , et que l'on peut consi-
dérer comme la formule de la Révolution
qui allait éclater. L'immortel orateur faisait
entrer audacieusement dans le domaine des
faits accomplis le dogme de la souveraineté
.du peuple, qui n'avait semblé jusqu'alors
.qu'une utopie irréalisable, sortie du cerveau
.malade de Rousseau.
A peine les états généraux eurent-ils été
réunis (mai 1789), que les sourdes dissidences
qui existaient entre le tiers état et les deux
.ordres privilégiés éclatèrent énergiquement.
Quoi qu on en ait' dit, les députés des com-
munes étaient arrivés à Versailles avec la
■ seule intention de demander les réformes dont
on leurrait depuis longtemps la nation ; ce
furent les inqualifiables prétentions de la no-
blesse et du clergé qui perdirent la monar-
chie. Ces deux ordres se coalisèrent avec la
cour contre le tiers état, dont les idées réfor-
matrices ne pouvaient se réaliser qu'aux dé-
pens de leurs privilèges, et ils le placèrent,
pour ainsi dire , dans la nécessité de se sou-
mettre et de s'avilir, ou de s'affirmer comme
-le véritable, le seul représentant de la nation.
.La noblesse et le clergé, repoussant toute
assimilation de mandat, se refusèrent opiniâ-
trement à mie vérification générale des pou-
voirs; ils prétendaient que, les ordres ayant
une existence distincte, cette vérification de-
vait se faire isolément. C'est alors qu'un dé-
puté de Paris, Sieyès, fit décréter par le tiers
état que la noblesse et le clergé seraient
invités à se rendre dans la salle des états
pour y assister à la vérification, qui aurait
lieu toi* en leur absence qu'en leur présence.
Quelques jours après, dans la célèbre séance
du 17 juin, les communes continuaient leur
marche hardie vers la Révolution, en se con-
stituant en Assemblée nationale , décision par
laquelle les députés du tiers, les seuls dont les
pouvoirs fussent légalisés , se déclaraient les
uniques représentants de la France. Cette
énergie épouvanta les deux autres ordres,
ainsi que la cour, qui ne vit que dans un coup
d'Etat la possibilité de ressaisir la situation.
Dans la séance royale du £3 juin, Louis XVI
parut environné de l'appareil de la puissance,
au milieu d'une nombreuse milice, et se vit
accueilli par un morne silence. Il acheva de
mécontenter l'Assemblée par le ton d'autorité
qu'il mit dans son discours, et finit par en-
joindre aux députés de se séparer. Le clergé
et la noblesse obéirent; mais les députés du
tiers , immobiles , silencieux , irrités des pa-
roles de maître qu'ils venaient d'entendre et
qui ne s'adressaient qu'à eux, ne quittèrent
point leurs sièges. Ils restèrent quelque temps
dans cette muette attitude. Tout à coup Mira-
beau rompant le silence : « Messieurs , dit-il,
j'avoue que ce que vous venez d'entendre
pourrait être le salut de la patrie, si les pré-
sents du despotisme n'étaient pas toujours
dangereux. Quelle est cette insultante dicta-
ture? L'appareil des armes, la violation du
temple national, pour vous commander d'être
heureux 1 Qui vous fait ce commandement?
Votre mandataire. Qui vous donne des lois
impérieuses? Votre mandataire, lui qui les
doit recevoir de vous, de nous, messieurs, qui
sommes revêtus d'un sacerdoce politique in-
violable ; de nous, enfin, de qui seuls 25 mil-
lions d'hommes attendent un bonheur certain,
parce qu'il doit être consenti, donné et reçu
par tous. Mais la liberté de vos délibérations
est enchaînée : une force militaire environne
l'Assemblée ! Où sont les ennemis de la na-
tion? Catilina est-il à nos portes? Je demande
qu'en vous couvrant de votre dignité, de votre
puissance législative , vous vous renfermiez
dans la religion de votre serment; il ne nous
permet de nous séparer qu'après avoir fait la
Constitution. »
Le marquis de Dreux-Brézé, grand maître
des cérémonies, voyant que l'Assemblée ne se
séparait point , rentre alors dans la salle des
séances et rappelle à Bailly, le président, les
ordres du roi. Bailly lui répond : « Je vais
prendre ceux de l'Assemblée. » C'est alors que
Mirabeau s'avance, l'œil en feu, les lèvres
frémissantes : « Oui , monsieur , s'écrie-t-il ,
nous avons entendu les intentions qu'on a
suggérées au roi ; mais ce n'est pas à vous à
nous les rappeler, vous qui n'avez ici ni voix,
ni place, ni droit de parler. Cependant, pour
éviter tout délai, allez dire à votre maître
que nous sommes ici par la volonté du peuple,
et que nous n'en sortirons que par la force des
BAÏONNETTES 1 »
Ces paroles pétrifièrent l'envoyé, en même
temps qu'elles électrisèrent l'Assemblée. Cette
réponse fameuse a été contestée par le fils
même du grand maître des cérémonies, qua-
rante ans après, dans la séance de la Chambre
des pairs du 15 mars 1833. Nous allons rap-
porter cette variante sans la faire suivre
d'aucune réflexion. Contentons-nous de dire
que cette protestation nous semble plus filiale
qu'historique; et ajoutons que, s'il y a une
variante, elle ne peut guère porter que sur ces
deux expressions : A votre maître... A celui
qui vous envoie. Mais encore ici la balance
penche en faveur de la plus énergique de ces
deux formes. C'est là, du reste, l'opinion de
nos meilleurs historiens. « Les historiens du
temps ont tous rapporté ce fait d'une manière
plus ou moins inexacte. Mon père voulut, au
retour du roi Louis XVIII, rétablir la vérité ,
mais ce prince lui demanda de n'en rien faire,
et il se soumit à sa volonté. N'étant plus
.retenu par les mêmes considérations , je puis
dire aujourd'hui comment les choses se pas-
sèrent. Mon père fut envoyé par Louis XVI
:pour ordonner à l'Assemblée nationale de se
séparer : il entra couvert; tel était son devoir,
puisqu'il parlait au nom du roi. De grandes
•clameurs se firent entendre à sa vue; on lui
cria de se découvrir ; mon père s'y refusa
énergiquement. Alors Mirabeau se leva, et ne
lui dit point : Allez dire à votre maître, etc.,
.mais : Nous sommes ici par le vœu de la na-
•tion; la force matérielle seule pourrait nous
faire désemparer. Mon père prit alors la pa-
role, et, s'adrossant à Bailly : Je ne puis recon-
naître, dit-il. en M. de Mirabeau, que le dé-
Futé du bailliage d'Aix, et non l'organe de
Assemblée. Puis il se retira quelques minutes
après, et alla rendre compte au roi de cet
incident. Voilà exactement, messieurs, com-
ment les choses se passèrent; j'en appello^aux
souvenirs des membres de cette Chambre qui
siégeaient alors dans l'Assemblée nationale. »
La fameuse phrase de Mirabeau a passé
dans la langue, et l'on y fait de fréquentes
allusions ,' mais presque toujours en la paro-
diant :
a Blondeau (qui s'était présenté avec des
femmes d'apparence suspecte dans un bal par
SA1
s< uscription ) recula d'un pas, pour mettre
entre Deslandes et lui une distance nécessaire
à la dignité de la scène; puis il s'affermit sur
la jambe gauche, porta le pied droit en avant,
posa une de ses mains sur la hanche, étendit
l'autre, releva la tête par un geste superbe,
et, fixant sur le substitut déconcerté un regard
foudroyant : « Allez dire à celle qui vous
» envoie, s'écria-t-il, que nous sommes ici par
• la puissance de notre argent, et que nous n'en
■ sortirons que par la force des baïonnettes. »
Charles de Bernard.
« J'ai eu beau faire et beau dire, monsei-
gneur, il m'a chassé en se moquant de moi, en
me jetant ces mots à la ligure : « Allez dire à
» celui qui vous envoie que je suis entré ici par
» la porte, et que je n'en sortirai que par la
» fenêtre! » Louis Lurine.
« L'autorité déchira l'insolent protocole et
annonça qu'elle donnait cinq minutes aux
insurgés pour se soumettre. Les insurgés ,
par l'organe de Charles, répondirent qu'iVs
étaient là par la volonté de leurs parents, qui
ne consentiraient pas à les voir tyrannisés,
et qu'ils n'en sortiraient que par la force des
sergents de ville! » Louis Ulbach.
BAÏONNIER OU BAÏONIER S. m. (ba-i-O-
nié). Art milit. Nom donné autrefois au sol-
dat armé de la baïonnette.
*
baïoque s. f. {ba-io-ke — de l'ital. baïocco,
même sens). Métrol. Monnaie de billon des
Etats romains, qui vaut un peu plus de cinq
centimes : S'a Sainteté, disait Albéroni, refu-
sait quatre baïoques, et voyait tranquille-
ment ta confiscation de tous les revenus des
églises vacantes en Espagne. (St-Sim.) J'ai fait
un dîner magnifique qui m'a coûté cinquante-
six baïoques. (H. Beyle.) il On écrit aussi
BAJOQUE.
— Encycl. La baïoque présente d'un côté
les armes du souverain pontife, avec son nom
en légende, et de l'autre le mot baïocco dans
une couronne de laurier, avec la date de l'é-
mission et la lettre de l'établissement moné-
taire où elle a été frappée. Il y a des pièces
d'une, de deux, de cinq baïoques; d'une demi-
baïoque et d'un quart de baïoque ou quattrino.
BAïoquellb s. f. (ba-io-kè-le — de l'ital.
batochelio, dim. de baïocco, baïoque). Métrol.
Petite monnaie de cuivre de Bologne et de
quelques Etats italiens, avant l'annexion.
BAÏOQUIR v. a. ou tr. (ba-io-kir). Argot.
Regarder, il On dit aussi mouchailler, allu-
mer, REMOUCHER, REBONISER, RETAILLER, REM-
BRAQUER.
BAI O DU AH ou BAHIOUDAH, vaste désert
de la Nubie, situé à l'O. de Khartoum, en deçà
du Nil, et compris entre 15° et 18° de lat. N.,
et entre 28" et 30° de long. E. Le Dongolah
limite au N. le désert de Baioudah, qui confine
à VE, aux tribus arabes Hassanieh,au S. aux
Arabes Kababieh et à l'O. au Kordofan. Les
nombreuses et savantes explorations dont la
vallée du Nil a été l'objet pendant ces der-
nières années ont conduit plusieurs voyageurs
à visiter la contrée qui nous occupe. Parmi
ces pionniers de la science, nous devons sur-
tout citer le baron de Barnim et le docteur
Hartmann, qui ont publié, en 1863, dans le Jour-
nal de géographie de Berlin, une relation très-
circonstanoiée et très - intéressante de leur
voyage dans le Baioudah. Cette contrée n'est
qu'une suite de vastes plaines herbeuses, in-
terrompues ça et là par quelques monticules
insigniliants qui encadrent des vallées cou-
vertes de broussailles. On n'y trouve ni fleuve
ni rivière ; la végétation dépend uniquement
du ciel. Cette région est, en effet, heureusement
comprise dans la limite des pluies estivales,
qui viennent périodiquement rendre la vie aux
plantes desséchées par le brûlant soleil des
tropiques. La population, composée de plu-
sieurs tribus arabes nomades, est, au rapport
des voyageurs, rude et ignorante, mais supé-
rieure en moralité aux fellahs égyptiens, aux
Berbers et aux habitants des villages du
Sennaar. Avant l'arrivée des Turcs dans les
pays du haut Nil, ces tribus vivaient du pillage
des caravanes. Aujourd'hui elles ont renoncé
à ce genre de vie. Le hatti-schérif du vice-roi
Said-Paeha, en date du 26 janvier 1857, qui
décharge à peu près de toute taxe les nomades
qui se livreront à la culture des champs, tend
a leur faire abandonner la vie pastorale.
baïrak s. m. (ba-i-rak). Hist. ottom. En-
seigne de chaque orta de janissaires.
BAÏRAKDAR s. m. (ba-i-rak-ciar). Hist.
oltom. Porte-enseigne d'une orta de janis-
saires,
BA1RAKTAB ou BEtRAKDAR (Mustapha
Pacha), grand vizir ottoman, né en 1755, mort
en 1808. Il était pacha de Rouschouk lors du
soulèvement des janissaires qui renversa Sé-
lim Ht et donna le trône à Moustapha, qui lit
étrangler son rival. Bairaktar marcha sur
Constantinople, vengea la mort de son bien-
faiteur dans le sang des meurtriers, renversa
Moustapha et donna le trône a Mahmoud,
frère de Sélim. Nommé grand-vizir, il entre-
prit quelques réformes, mais périt au milieu
d'une nouvelle révolte des janissaires.
BAÏRAM, BEÏRAM OU BEYRAN S.' m. (ba-
i-ramm — mot turc). Hist. relig. Nom donné
à chacune des deux fêtes principales des mu-
BAI
sulmans : Le grand baïram. Le petit baïram.
Au deuil des morts succède le be"ïran ; ce sont
trois jours de fête, durant lesquels les bazars
sont fermés; on fait bonne chère, on s'habille
de son mieux, on assiste aux courses de che-
vaux. (Trioche.)
— Encycl. Les Arabes ont deux fêtes prin-
cipales .- la première, qui s'appelle aïd kebir
(la grande fête), aïd el-korban (la fête du sacri-
fice), aïd edh-dhoua (la fête des victimes), etc. ,
se célèbre le dixième jour du dernier mois de
l'année musulmane, zoul hidjdjet (mois du pè-
lerinage). Cette fête est le grand baïram des
Turcs. La seconde, qui est appelée par les
Arabes aïd saghir (la petite fête), aïd el-fethr
(la fête de la rupture du jeûne), vient après le
ramadhan ou ramazan. C'est le baïram kutchuk,
petit baïram des Turcs. Cette seconde fête est
la plus importante des deux et la plus connue
des étrangers, parce qu'elle se manifeste par
des réjouissances publiques, des prières ex-
traordinaires dans les mosquées, des aumônes
publiques, etc. Cette fête, à Constantinople
particulièrement, offre un caractère très-pit-
toresque, et a tenté bien souvent le talent
descriptif des nombreux voyageurs qui ont
visité Istamboul ou plutôt Islamboul, pour nous
conformer aux règles arbitraires de l'étymo-
logie musulmane. Du reste, chez le peuple .
turc lui-même, le baïram kutchuk passe pour
une fête bien plus considérable que le baïram
buiuk. « C'est improprement, dit d'Herbelot,
que les chrétiens du Levant appellent le petit
baïram, la Pûque des Turcs, à cause qu elle
finit leur jeûne, comme la fête de Pâques finit
le nôtre. »
BAIRD (David), baronnet, général anglais,
grand-croix de l'ordre du Bain, né en 1757,
'mort en 1820. Il entra fort jeune dans l'armée
et futenvoyé aux Indes, où, en septembre 1779,
il assista à l'affaire de Peramboucoum, dans
laquelle Hyder Ali et son fils Tippoo détrui-
sirent une armée anglaise. Baird, grièvement
blessé, fut fait prisonnier et resta détenu,
pendant quatre années, dans la forteresse de
Seringapatam. Quand il fut mis en liberté, il
retourna en Angleterre. Promu au grade de
lieutenant-colonel, il retourna aux Indes (1791),
et prit une part active à la guerre engagée, à
la hn du siècle dernier, contre Tippoo Saïb. Il
était chargé du commandement de la colonne
d'assaut, a l'attaque tle Seringapatam , et il
entra le premier dans la ville". Ses services, à
cette occasion, ne furent pas récompensés
comme ils méritaient de l'être. Les faveurs du
gouverneur passèrent par-dessus sa tête pour
retomber sur le colonel Wellesley (plus tard
duc de Wellington) , son inférieur en rang, qui
commandait une division, mais n'avait parti-
cipé en rien a la prise de la ville. Baird reçut,
il est vrai, les remerciements du»Parlement ;
mais Wellesley fut récompensé plus substan-
tiellement; il tut nommé gouverneur de Serin-
gapatam. En 1801, Baird futenvoyé des Indes
en Egypte. U arriva à Rosette pour apprendre
que les Français avaient capitulé et retourna
aussitôt aux Indes. En 1807, il prit part à
l'expédition de lord Cathcart contre le Dane-
mark. La encore, les services qu'il rendit
furent passés sous, silence par le général en
chef, qui, par contre, lit sonner bien haut
ceux du colonel Wellesley. En 1808, il fit par-
tie de l'armée de sir John Moor sur la pénin-
sule Ibérique, et se conduisit de la façon la
plus brillante à la bataille de La Corogne. A
la mort de sir John Moor, il fut nommé géné-
ral en chef. Mais les blessures dont il était
couvert ne lui permirent pas de s'acquitter
longtemps des devoirs de cette haute position,
et il dut revenir dans sa patrie chercher un
repos qu'il avait si bien gagné.
BAIRD (Robert), publiciste américain, né en
1798 en PensyVvanie (Etats-Unis), docteur en
théologie, fut un des plus ardents, vulgarisa-
teurs des doctrines protestantes. Son Histoire
des sociétés de tempérance a été traduite en plu-
sieurs langues, ainsi que son Aperçu sur la
religion en Amérique. Il faut ajouter à ces
écrits : Vue de la vallée du Mississipi; le Pro-
testantisme en Italie; Histoire des Vaudois et
des Albigeois, et, de plus, une foule d'articles
insérés dans les recueils périodiques améri-
cains.
BAIRD (Spencer), naturaliste américain, né
en 1823 à Reading (Pensylvanie), professeur
d'histoire naturelle au collège Dichensen. Il a
traduit et dirigé VIconographia encyclopœdica
(6 vol., New-York, 1851), et écrit, en outre,
des mémoires sur la zoologie, des rapports sur
diverses collections d'histoire naturelle, et les
relevés statistiques faits sur la frontière mexi-
caine, ainsi que sur les fleuves du Pacifique.
B Al REUTH (Sophie- Wilhelmine, margravine
ce), fille de Frédéric-Guillaume Ior, sœur du
grand Frédéric, née à Potsdam en 1709, morte
en 1758. Elle fut mariée en 1731 àl'héritierdu
margraviat de Baireuth et devint mère du
célèbre margrave d'Anspach. Elle a laissé des
Mémoires intéressants, qui vont de 1706 à
1742, et qui sont écrits en français. Ils ont été
Îmbliés en 1810. Voltaire a écrit une ode sur
a mort de cette princesse, aussi distinguée
par les qualités de son esprit que par celles de
son cœur.
BAIREUTH ou BAYREUTH, ville de Bavière,
ch.-l. du cercle de Haute-Franconie et de
l'ancienne principauté de Baireuth, à 224 kil.
N, de Munich, à 65 kil. N.-E. de Nuremberg,
sur le Mein-Rouge j 18,000 hab. Tribunal de
première instance, gymnase, école normale
BAI
d'instituteurs primaires, asile d'aliénés. Fabri-
ques de poterie renommée, pipes, tabacs, co-
tons, draps ; brasseries, tanneries, distille-
ries, etc. Commerce de blé; marché aux
chevaux.
Située dans une contrée agréable et fertile,
bien bâtie, formée de rues régulières, larges
et bien pavées, cette ville offre un aspect peu
animé, malgré un développement industriel
et commercial assez important. Elle possède
quelques monuments et plusieurs édifices qui
méritent de fixer l'attention. Parmi les pre-
miers, nous citerons la statue en' bronze du
poste Jean-Paul (Frédéric Richter) sur la
place du Gymnase ; une statue équestre du
margrave Christian-Ernest dans la cour de
l'ancien château. Ce margrave est représenté
foulant un Turc aux pieds de son cheval,
parce qu'il avait .fait la guerre contre les
Turcs comme feld-maréchal dans l'armée au-
trichienne ; le piédestal est orné de quatre
groupes représentant les quatre rivières du
Fichtelgeberge : le Mein, la Naab, la Saale et
l'Eger. Depuis le mois de juin 1860, cette ville
possède aussi la statue en bronze du roi
Maximilien II,'par-Brugger de Munich, Les
principaux édifices de Baireuth sont : l'église
delà ville (Stadtkirche); construction gothique
du milieu du xve siècle, dédiée a sainte
■Marie-Madeleine ; elle renferme le tombeau du
baron Charles Stein, des tableaux par Riedel
et les caveaux des margraves: l'église de la
Trinité, bâtie dans le style gothique en 1614;
le théâtre, construit en 1747, et l'hôpital mili-
taire, installé dans l'ancien palais de plaisance
des margraves. Aux environs de Baireuth se
trouvent : le château appelé Ermitage, où
l'on voit les appartements occupés par Fré-
déric le Grand, et la chambre ou sa sœur, la
margravine Wilhelmine, a écrit ses Mémoires ;
du coté opposé à l'Ermitage, le château appelé
Fantaisie, dont les jardins en terrasse offrent
de ravissantes promenades, et dont l'intérieur
renferme plusieurs chefs-d œuvre de la prin-
cesse Marie d'Orléans, fille du roi Louis-Phi-
lippe et femme du duc Alexandre, morte en
1839. Parmi les œuvres d'art sculptées par
cette main royale, nous citerons une Jeanne
d'Arc à cheval; un buste en marbre de la
reine des Belges et celui du prince royal.
L'origine de Baireuth se perd dans les in-
certitudes historiques du moyen âge ; tout ce
que nous pouvons savoir de plus reculé sur
cette ville, c'est qu'à la fin du xiie siècle, elle
était le chef-lieu d'une principauté qui avait
une superficie de 287,000 hectares et une po-
pulation de 223,000 hab. Cette principauté
appartenait en grande partie à la maison de
Méranie, d'où, par le mariage d'Elisabeth,
sœur héritière du dernier duc, avec Frédéric,
burgrave de Nuremberg, en 1248, elle passa
dans la maison de Hohenzollern. En 13G2, le
burgrave Frédéric V de Nuremberg eut l'in-
vestiture d'Anspach et de ses annexes, et
partagea le pays entre ses deux fils. Après
une série de réunions et de nouveaux parta-
ges, elle échut, au commencement du xvne siè-
cle , à Christian , troisième fils de Jean-
Georges, électeur de Brandebourg, dont les
fils formèrent les lignes de Baireuth et de
Culmbach. La première s'éteignit en 1726, et
celle de Culmbach hérita de la principauté de
Baireuth. Cette dernière ligne s'étant égale-
ment éteinte en 1762, la principauté de Bai-
reuth fut réunie à la principauté d'Anspach,
que le dernier prince, Cnristian-Frédéric-
Charîes-Alexandre d'Anspach-Baireuth, céda
à la Prusse, en 1791. Conquises par Napoléon
en 1806, elles furent abandonnées en 1810 à la
Bavière, dont elles font encore partie au-
jourd'hui.
BAIRO ou BAYRO (Pierre), médecin italien,
né à Turin en 1468, mort en 1558. H eut de
son temps une haute réputation comme prati-
cien. On a de lui un Recueil de secrets de mé-
decine (Venise, 1485); un Traité de la peste
(Turin, 1507), ainsi que quelques autres
écrits.
BAÏROUGE s. m. (ba-i-rou-je). Erpét.
Espèce de serpent.
BAIROUT ou BEYROUTH. V. ce dernier
mot.
BAIS, bourg de France (Mayenne), ch.-l. de
cant., arrond. e.t à 21 kil. S.-E. de Mayenne ;
pop. aggl. 827 hab. — pop. tôt. 2,239 hab. Il
Coran, de France (Ille-et-Vilaine), arrond. de
Vitré; pop. aggl. 374 h. — pop. tôt. 3,083 h.
BAISAILLÉ, ée (bè-za-llé, Il mil.), part.
pass. du v. Baisailler : Un enfant baisaillé.
BAISAILLER v. a. ou tr. (bè-za-llé, Il mil.
|— fréquent, de baiser). Syn. de baisotter.
. — Absol. S'est employé dans le sens do
faire des visites ennuyeuses, alors que le bai-
ser accompagnait inévitablement les visites :
Tantôt, M. de Marseille me mènera baisailler.
(Mme de Sév.)
BA1SANCOR, nom de quelques empereurs
mogols et turcomans :
BAlSANCOft, fils de Caidu-Khan, empereur
des Mogols, avant que ces peuples se fussent
répandus dans l'Iran; son fils Tumakkan lui
succéda. Il Baisancoh-Mirza, sultan de la dy-
nastie des Turcomans du Mouton-Blanc. Il fut
placé sous la tutelle du sofi Khalil-Mosala, et
fut tué par Rostam, en 1491, après un règne
qui n'avait duré que vingt mois. Il Baisancor-
Mirza, fils de Mahmud, régna à Samarcand,
et fut tué en U99.
BAI
69
. BAISANT (bè-zan), part. prés, du v. Bai-
ser : L'inférieur qui ne pouvait parvenir à sa-
luer son supérieur en le baisant, appliquait sa
bouche à sa propre main et lui envoyait ce bai-
ser, qu'on lui rendait de même si l on voulait.
(Volt.) C'est une chose horrible que de trahir
en baisant. (Volt.)
. BAISE ou BAYSE, rivière de France, sort
du plateau de Pinas, arrond. d'Oloron, dans
les Hautes-Pyrénées, passe à Mirande, arrose
Çondom, Nérac, et se jette dans la Garonne
au port de Pascau, après un cours de 160 kil.
Il Baise ou Beze, petite rivière profonde et
poissonneuse qui prend sa source près de
Bèze (Côte-d'Or), arrose Mirebeau et se jette
dans la Saône, au-dessous de Pontarlier, après
un cours de 28 kilom.
BAISE, ÉE (bè-zé), part. pass. du v. Bai-
ser. Qui a reçu un baiser : Enfant baisé par
sa mère.
— Techn. Bouts baisés, Fils de soie qui so
sont appliqués l'un sur l'autre dans le sens
de leur longueur ,'et qui ensuite se sont collés
en séchant, u Chez les passementiers , baisé
se dit d'un ouvrage qui a été peu frappé par
le battant, et où la trame n'est pas serrée.
— Pêch. Harengs baisés. Harengs saurs qui
se sont collés l'un contre l'autre.
BAISEMAIN s. m. (bè-ze-main — de bai-
ser et main). Féod. Hommage que le vassal
devait à son seigneur, chaque fois qu'il y
avait mouvance de fief, et au renouvellement
du bail à rente, il Présent que l'on offrait au
seigneur dans cette circonstance.
— Par anal. Cérémonie d'étiquette usitée
encore dans quelques cours de l'Europe, et .
qui consiste à baiser la main du souverain :
En Espagne, le roi admet le public au baise-
main le jour de son installation et aux grandes
réceptions; en Russie, on ne baise plus que la
main de l'impératrice. Le baisemain de la
reine d'Espagne est réservé exclusivement aux
ministres, aux hauts fonctionnaires, et, en gé-
néral, aux personnages politiques. (Journ.) Le
baisemain, comme faveur royale, a été long-
temps en usage en Orient. (Dufey.) Il Récep-
tion officielle des ambassadeurs par le sultan,
bien qu'on n'y baiso plus la main de ce sou-
verain. „•
— Action de baiser la main d!une personne
•quelconque : Les baisemains étaient fort à la
mode sous Louis XIII ; on en exécutait l'ac-
tion à chaque rencontre, et le mol entrait dans
toutes les formules de compliments. (Dulaure.)
— Par ext. Civilités, compliments : Faites
mes baisemains à vos sœurs. (Racine.) Mille
baisemains à madame votre femme. (Mme de
Sév.) Mes baisemains à madame, à mademoi-
selle, etc., est une formule de politesse suran-
née. (Dufey.) n Ne s'emploie guère qu'au plu-
riel, et aujourd'hui même ne se dit plus
qu'en plaisantant.
— Loc. fam. A belles baisemains, Avec em-
pressement, avec satisfaction, avec recon-
naissance : Demander quelque chose À belles
baisemains. Il accepta ma proposition À belles
baisemains. (Acad.) Le féminin, seul employé
ici, est une bizarrerie dont il faut chercher
l'explication dans l'euphonie II On dit dans le
même sens, mais plus rarement, à baise-
mains : Il lui fait offrir par des compères un
crédit que le manufacturier accepte à baise-
mains. (Alhoy.) Il Venir à baisemains, So sou-
mettre.
" — Liturg. Action do baiser la main du cé-
lébrant, à l'offertoire, et de déposer une of-
frande dans un bassin particulier. Aujour-
d'hui on baise la patène au lieu de la main.
— Encycl. L'usage du baisemain fut adopté
de bonne heure par les souverains, et l'Eglise
l'introduisit aussi dans ses cérémonies ; mais
lorsque celle-ci y substitua, dans la plupart
des cas, l'action de donner à baiser la patène,
beaucoup de princes conservèrent le baise-
main proprement dit. Le baisemain n'était pas
toujours sans danger pour les souverains ; on
sait que le sultan Amurat I« fut tué par un
soldat servien, qui s'était approebé de lui sous
le prétexte du baisemain. En Espagne, cette
cérémonie est très-fidèlement observée,et la
reine indique les jours du baisemain. L'abbé
Saint -Jullien-Balleure s'indignait que cet
usage se fût introduit dans la plus mince sei-
gneurie. « Depuis que les rois, dit-il dans ses
Origines de la province de Bourgogne, ont
permis d'être appelés majesté, non-seulement
les princes, mais aussi les gentilshommes à
simple semelle, lés nobles de bas aloi, les
dames mal famées et demoiselles de trois le-
çons ont voulu être servis à la royale, dont est
advenu que nous autres pauvres gens d'église
avons appris à dire qu'on ne vit jamais tant
de baisemains et si peu d'offrandes. » Ce der-
nier mot indique suffisamment que l'hommage
n'était pas gratuit, au moins dans l'Eglise;
l'usage voulait que lorsqu'on était admis au
baisemain, on commençât par laisser tomber
quelques pièces de monnaie dans le plateau.
C'est encore ce qu'on appelle de nos jours al-
ler à l'offrande.
BAISEMENT s. m. (bè-ze-man — rad. bai-
ser). Action de baiser. Ne se dit plus guère
qu en parlant de l'action de baiser les pieds :
Etre admis au baisement des pieds du pape.
Chez les catholiques, te baisement des pieds a
lieu le jeudi saint, dans la cérémonie de la
Cène. Les rois de Perse, gui voulaient être ado-
rés, soumettaient au baisement des pieds tous
ceux qu'ils admettaient à leurs audiences.
(Encycl.)
70
BAI
— Mallicm. So disait pour oscillation. V.
ce mot.
BAISE-PIED s. m. (bè-ze-pi-é— rad. bai-
ser ot pied). Action de baiser le pied en signe
do soumission, do respect : Le BAisiï-riEn ne se
pratique plus guère qu'en Turquie et à Home.
Nous allâmes nous placer tout près du kiosque,
devant la porte duquel devait avoir lieu la cé-
remanie du baise-pied. {Th. Gaut.) Il No se dit
que par plaisanterie et par allusion à baise-
main.
— Fig. Servilité , bassesse : Il ne sait par
quelles génuflexions, par quels bm^e-vieds tut
témoigner son humilité excessive et le terre-
à-terre de son adoration. (Cormen.)
BAISER v. a. ou ti\ (bè-zé — lat. basiare,
môme sens). Poser ses lèvres sur : Baiser la
bouche, la joue, le front. Baiser la main d'une
femme, d'un vieillard. Bmser des reliques, un
crucifix- Il voulait me baiser les mains, je
voulais baiser ses joues, cela faisait une con-
testation. (Mme de Sév.) Tous les vieillards
baisèrent ce livre avec respect. (Fcn.J Ses
yeux cherchèrent la croix de Jésus-Cltrtst, et
ses lèvres ta baisèrent. (Fléch.) Selon l'usage
oriental, les criminels, apris avoir été punis;
baisent la main de leurs juges. (Volt.) // en
coûte moins à un homme fier de quitter la vie
que de baiser la main à un tyran qui lui fuit
grâce. (Volney.) Ils baisent avec transport ta
terre où s'accomplit leur salut. (Chateaub.)
Les assassins de César commencèrent par lui
baiser le visage, la poitrine et les mains.
(Maries.) Il y a de belles dames de par le
monde qui se laissent baiser la main comme
le pape laisse baiser sa mule. (A. de Musset.)
A Londres, on embrasse les femmes sur la
bouche; à Madrid, on leur baise seulement la
main, (L.-J . Larcher.)
Oh ! maman, oh ! papa, laisez-moi de bon cœur.
Lemonmer.
Du Christ avec ardeur Jeanne baisait l'image.
C. DeLAVIGNEj
Viens baiser cette joue, et reconnais In place
Oii rut jadis l'affront que ton cournjre efface.
Corneille.
Son front tt-l-l! gardé ce pli rêveur
Que nous baisions tous deux pour l'effacer, ma sœur ?
Lamautihe.
Venez, vous qu'on adore,
Qu'on vous baise cent fois, et puis cent rois encore.
C. Délavions.
Que fifiwc-t-il ainsi? la rose de ma femme.
Il est temps dû jeter un peu d'eau sur sa flamme.
E. AUOIEH.
Toutes les nuits un ange
Vient baiser les (leurs du lotus
Aux borda sacrés du Gange.
De Banville.
— Absol. : Allons, salue:, monsieur. — Bai-
SERM-j'e? — Oui, oui. (Mol.)
— Par aiial. Se dit des oiseaux qui se bec-
quêtent, qui se caressent bec à bec : Un
tourtereau qui baise sa compagne.
— Par cxt. Recevoir la visite de, ou fairo
uno visite à : Vous avez donc baise toute la
Provence? (M«"> de Sév.) S'est dit par allu-
sion à l'ancien usage de baiser les personnes
à qui l'on faisait ou dont on recevait une vi-
site.
— Fam. Arriver, venir, atteindre jusqu'à :
Ceux du conseil des finances y entrèrent sans
savoir si l'affaire baiserait ou non le bureau
de ce conseil. (St-Sim.) « Ce sens a vieilli.
— Poétiq. Toucher légèrement, effleurer ;
Le zéphyr baise les fleurs. Les vagues venaient
baiser le pied des rochers.
L'onde qui baise ce rivage,
De quoi se plaint-elle à ses bords?
Lamartine.
L'aurore aux doigts roses reviendra tous les jours
Baiser les vaguas blondes.
De Banville.
Toi dont les flots Impétueux
Viennent, d'un pas respectueux.
Baiser te sable des rivages. Gqdeau.
— Fig. Bénir, donner des marques d'a-
mour, de respect, de reconnaissance : Il faut
pouvoir baiser ses fers et aimer son esclavage.
(Mass.)
— Baiser la main, Baiser sa propre main
devant quelqu'un, par forme de salut ou pour
donner une marque de respect, d'aû"ection ou
de remerciement; a surtout lieu de la part
des enfants : Allons, baisez la main et dites
merci.
— Baiser la main de quelqu'un, Y appli-
quer ses lèvres pour saluer, pour témoigner
1 amour, le respect ou la soumission :
Il me faut applaudir aux exploits du vainqueur.
Et oai'ser une main qui me perce le cœur.
Racine.
Il Lui faire sos compliments : Sur cela, je
vous baisb très-humblement les mains. (M™* de
Sév.) Je baisk les mainS à monsieur le' doc-
teur. (Mol.) D'une allure dégagée, il partit
pour aller baiser les mains à 2a duchesse.
(Damas-Hinard.) Il Lo glorifier, le bénir dans
Ses œuvres : Sensible à la beauté du feuillage,
au bruissement de l'herbe, au parfum des plan-
tes, elle admirait la main de Dieu et la baisait
dans ses œuvres. (Lamart.) H Ironiq. Témoi-
gner vivement qu'on n'est pas de son avis,
qu'on ne veut pas faire ce qu'il veut : Puis-
que vous faites tant de façons, je vous baisb
les mains. (Danc.)
3e vous baise les mains; je n'ai pas le loisir.
Molière.
S'il est ainsi, je vous baise les mains.
Muses ; gardez vos faveurs pour quelque autre.
J.-B. Rousseau.
BAI
— Baiser les pas, la trace des pas de quel-
qu'un, Lui donner d'humbles marques de res-
pect et de soumission : Vous êtes trop heu-
reux de voir et d'entendre tous les jours M. de
Turcnne; baisez lus pas par oit il passe*
(M'»o do Sév.)
. . . Vous devriez filer un peu plus doux,
Et baiser tous les ;i«s par où madame passe.
La Chaussée.
Il Baiser les pîeds? la poussière des pieds de
quelqu'un, S'humilier profondément devant
lui :
Les rois des nations, devant loi prosternés.
De tes pieds baisent la poussière.
Racine.
— Prov. Il ne faut pas tant baiser son ami
à la. bouche que le cœur lui en fasse mal, Il ne
faut pas multiplier les marques d'amitié au
point de fatiguer ses amis.
— Baiser la terrct Se prosterner sur le sol
et y appliquer ses lovres en signe d'humilia-
tion chrétienne, n Fig. Ramper, manquer de
noblesse, d'élévation :
Ses vers plats et grossiers, dépourvus d'agrément,
Toujours baiscntla terre. .......
Boileau.
— Baiser le babouin. V. Babouin.
— Jeux. Baiser le cul de la vieille, Perdre
sans faire un point, sans gagner uno seule
fois. Il Baiser les quatre coins de la chambre,
Pénitence à laquelle un joueur est condamné,
et qui consiste à prendre une dame par la
main et à la conduire aux quatre coins de la
pièce en l'embrassant à chacun d'eux, il Baiser
la terre. Dieu ayant tiré l'homme de la terre
et la femme aussi, par conséquent, on choisit
une dame et on l'embrasse. Il Baiser l'image
de Dieu. On agit do la même façon, n Baiser
le faite de la maison, c'est, pour un homme,
baiser une dame au front, et, pour une dame,
baiser aussi un homme au front. Il Baiser der-
rière ta porte. Le pénitent conduit une damo
derrière la porto et lui donne un baiser.
— Véner. Baiser l'eau, So jeter à l'eau, en
parlant du cerf poursuivi par les chasseurs :
L'animal alla baiser l'eau au troisième étang.
(Journ.)
— Féod. Baiser le uerrou, Dans quelques
coutumes provinciales, hommage quo le vas-
sal rendait à son seigneur féodal au manoir
du fief dominant, et qui, en l'absence du sei-
gneur, tenait lieu de foi et hommage, lorsque
le vassal prenait dûment acte de ses sou-
missions. Le vassal, dit la coutume du Berry.
était seulement tenu , pour faire la foi ei
hommage, de se transporter au lieu du fief
dominant; et s'il ne trouvait pas le seigneur
en personne, ou quelqu'un fondé de sa pro-
curation, il faisait son devoir en baisant le
verrou de la porto du manoir du seigneur
s'il on existait, sinon, au lieu de la justice où
était situé le fief dominant, et il était obligé
de fairo dresser un acte public et authen-
tique, justifiant qu'il s'était conformé à la
coutume, et dont copie était laissée au gref-
fier. Les coutumes d'Auxerre et de Sens con-
tenaient à peu près les mêmes dispositions.
i— Géom. S'est dit autrefois de deux cour-
bes qui ont une osculation ou un contact du
second ordre. V. Osculation.
Se baiser, v. pr. Se donner mutuellement
des baisers : Les initiés se baisaient, aux mys-
tères de Cërès, en signe de concorde. (Volt.)
Les premiers chrétiens et les premières chré-
tiennes se baisaient à la bouche dans leurs
agapes. (Volt.) Il est dur de passer de gens
qui sb baisent à gens qui se mangent. (Volt.)
Il est constant quelles se baisent de meilleur
cœur deuant les hommes. (J.-J. Rouss.)
— Fam. Se toucher, être en contact : Deux
pains qui SE baisent dans le four. Il n'y avait
dans la cheminée que deux tisons qui se bai-
saient.
BAISER s. m. (bè-zé — du lat. basium, ba-
siare. Basium vient apparemment du sanscrit
bhadd, ouvrir la bouche; en persan, le verbe
baiser se dit bonsiden (bons, un baiser). Les
langues indo-germaniques so sont servies
d'une autre racine qu'on retrouve dans l'ao-
ristedu verbe grec cuncd, jebaise; ë-cus-é, il
a baisé. De là viennent les mots allemands
kusz, kùssen, et les mots anglais kiss, to
kiss, etc.). Action de celui qui baise, qui pose
sa bouche sur le visage ou sur quelque partie
du corps d'une personne, ou sur un objet
quelconque : Chaste baiser. Baiser d'amitié.
Baiser amoureux. Donner, recevoir, rendre un
baiser. Prendre, refuser un baiser. Etre cou-
vert de baisers. Le baiser était une manière
de saluer très-ordinaire dans toute l'antiquité.
(Volt.) Témoignage d'amour, de respect, d'a-
mitié, de reconnaissance, de paix ou de cha-
rité, le baiser participe en quelque chose de
la nature du serment. (A. Martin.) La pudeur
a sa fausseté et le baiser son innocence. (Mi-
rab.) Il y a bien des nuances dans les baisers,
même dans ceux d'une fille innocente. (Balz.)
Le tabac, ce narcotique stupéfiant qui tue
l'âme et le corps, repousse le baiser et appelle
la bière. (Tousseïiol.) Le baiser est, avec le
sourire et le langage, un trait distinctif de
notre espèce. (C. Dollfus.) Si j'étais moins af-
fairé, je t'aurais déjà baillé vingt baisers sur •
tes joues roses. (P. do Musset.)
Ii a bu des baisers le nectar inconnu.
Legouvê.
Viens recevoir, en ce jour,
Le fraiser d'amour fraternelle.
La Fontaine.
BAI
Jamais, dans mes transports, jamais, je te le jure,
Je n'oserai ravir ces baisers enivrants.
C. Delavkinë.
j'aime, et je veux pâlir; j'aiinc, et jo veux souffrir;
J'aime, et pour un baiser je donne mon génie.
A. de Musset.
Les baisers ne nichent point
Au fond des rides moroses. Ponsaed.
— Poét, Douce influence extérieure", ca-
resse, contact agréable : Des fleurs qui s'ou-
vrent sous les- baisers du soleil. Roses épa-
nouies sous les baisers du zéphyr. Elle végé-
tait comme un beau lis dans sa douce extase,
le sein ouvert aux brises de la nuit, aux bai-
sers du jour. (G. Sand.) Au réveil de la na-
ture, les facultés de la jeune fille achevèrent
de s'épanouir, comme la corolle d'une fleur
sous les tièdes baisers du soleil. (J. Sandeau.)
Jamais nymphe plus ravissante
Ne reçut les kaisers de l'onde caressante.
Delille.
Objet des baisers du zéphyr,
Hâte-toi de t'epanouir.
De Boufplers.
Tout ravit et palpite au baiser du soleil.
C'est de lui qu'ici-bas toute splendeur émane.
DE Banville,
....... La mer vient déposer
Sur les (lots du rivage un lumineux baiser.
Et s'endort mollement sur cette blonde arène.
Al. Soumet.
— Baiser de paix, Baiser qu'on donne ou
qu'on reçoit en signe do réconciliation, do
bonne intelligence : Il n'a domit? à Jésus-
Christ te baiser de paix que pour le trahir.
(Mass.) Il se prit à pleurer, et rendit au tzar
son baiser de paix. (Mérimée.) il Dans la pri-
mitive Eglise, le baiser de paix était celui
que les chrétiens so donnaient en signe d'u-
nion et de charité mutuelle ( particulière-
ment au moment de communier, n Baiser de
réconciliation, Celui qui se donnait entre en-
nemis qu'on avait réconciliés. C'est notre
baiser de paix actuel. Il Baiser de la foi, Celui
que les chrétiens so donnaient entre eux,
principalement quand ils exerçaient l'hospi-
talité les uns envers les autres, il Baiser de
Judas, Baiser perfide, baiser do traître Allu-
sion au baiser que Judas donna à Jésus pour
le désigner à ses ennemis, n Cette expression
s'applique également à de fausses politesses,
it des protestations perfides : Cette division
est aussi agréable que 'celle du grand couvert
est fastidieuse, par te ton guindé et alambi-
qué, le style d'adulation, et les phrases para-
sites, les politesses dites baisers de Judas.
(Fourier.)
— Mystic. Baiser du Seigneur, Amour de
Dieu pour la créature, état de grâce des
fidèles : J'ai vu sa main défaillante chercher
encore en tombant de nouvelles forces pour ap-
pliquer sur ses lèvres le bienheureux signe de
notre rédemption : N'est-ce pas mourir entre
les bras et dans le baiser du Seioneur. (Boss.)
— Baiser féodal, Baiser donné par lo sei-
gneur au vassal, lorsque celui-ci venait lui
rendre hommage, un genou à terre et tête
nue. Toutefois il ne le baisait à la bouche
que si ce vassal était gentilhomme. Une
dame ayant refusé de se soumettre à la cou-
tume, il fut ordonné, après procès, que les
dames rendraient hommage sans recevoir du
seigneur lo baiser à la bouche. Le baiser féo-
dal était lo symbole de l'engagement réci-
proque que prenaient le soigneur et lo vas-
sal de se secourir l'un l'autre, sous peine
pour le refusant do perdre son fief. Le roi,,
dans les hommages qu'on lui rendait, n'ac-
cordait la faveur du oaiser qu'à la noblesse
du sang, jamais à celle du fief, n Droit de bai-
ser de paix. V. droit.
— Ane. coût. Gage que les parties contrac-
tantes se donnaient de la bonne foi avec la-
quelle leur engagement serait rempli,
— Phys. Baiser électrique , Petite expé-
rience do société, qui consiste à faire monter
une demoiselle, par exemple, sur le gâteau
de résine ou le tabouret à pieds do verre, et
à la mettre en communication avec le con-
ducteur d'une machine. Chacun est admis à
venir l'embrasser à tour de rôle ; mais tous
n'arrivent pas a goûter cette faveur et plu-
sieurs sont punis de leur témérité par l'étin-
celle piquante qui jaillit de leurs lèvres ,et
les force à rétrograder. Ceux dont la jeune
personno veut bien accepter le baiser y par-
viennent avec facilité, si, préalablement, elle
a soin de les toucher par un point quelconque
de leurs vêtements; ce contact permet au
fluide êlectriquo de s'écouler, et la personne
isolée peut être embrassée sans que Von res-
sente de commotion.
— Jeux. Nom donné à diverses pénitences
usitées dans les jeux dits de salon : Baiser à
la pincette, Jeu d'attrape dans lequel on con-
vient qu'un des joueurs embrassera tous les
autres en lui prenant les joues avec le pouce
et l'index : il a toujours pour objet de faire
rire la société aux dépens d'un de ses mem-
bres. L'attrape consiste à se noircir secrè-
tement les doigts, quand, après avoir ainsi
embrassé à la ronde, on arrive à la victime
désignée. Il Baiser à la capucine. Celui à qui
cette pénitence est imposée choisit une per-
sonne d'un autre sexe que le sien, puis le
couple s'agenouille dos a dos et cherche à
s'embrasser en penchant la tête en arrière,
la tète du jeune homme se renversant sur
l'épaule gauche de la demoiselle, et celle de
la demoiselle sur l'épaule droite du jeune
homme. Il Baiser à la religieuse. On place au
milieu du salon une chaise dont le dossier
BAI
figure la grille du couvent. Une dame s'as-
sied sur cette chaiso ot applique sa joue aux
barreaux, tandis que le jeune homme, con-
damné à la pénitence, se met à genoux
de l'autre côté et tâche de l'embrasser. Si,
au lieu d'un pénitent c'est d'une pénitente
qu'il s'agit, un jeune nomme so met sur la
chaise , et la dame s'agenouille, il Baiser dn
hasard. Quand cette pénitence est imposée à
un homme, on distribue à quatre dames les
quatre dames d'un jeu do cartes; puis on
fait tirer au pénitent un des quatre rois du
feu, et il embrasse la dame dont il a le roi
correspondant. Pour une pénitente, on pro-
cède de la môme manière, mais en distri-
buant les rois à des jeunes gens et lui faisant
tirer une dame, n Baiser trompeur. Uno dame
s'approche d'un jeune homme, commo pour
lui laisser prendre un baiser, et, au moment
où celui-ci s'avance pour l'embrasser, elle
s'éloigne rapidement et va accorder cette
faveur à un de ses voisins.
— Epithètes. Doux, tendre, affectueux, ca-
ressant, amoureux, savoureux, voluptueux,
délicieux, revissant, enchanteur, plein do
charme, plein d'appas, plein de volupté, avide,
enivrant, ardent, brûlant, de feu , embrasé,
chaud, humide, lascif, impudique, chaste, ti-
mide, tremblant, mal assuré, furtif, dérobé,
clandestin^ ravi, rapide, vif, long, réitéré, re-
doublé, froid, glacé, contraint, perfide, traître,
gros, grossier, lourd, dégoûtant, fétide.
— Encycl. Voltaire, en parlant du baiser,
dit que l'homine et certains oiseaux sont les
seuls animaux qui connaissent ce moyen do
témoigner leurs sentiments les plus tendres.
C'est en effet !a plus grande marque d'affec-
tion qu'un être sensible puisse donner à son
semblable , et l'on sait que beaucoup d'oi-
seaux, la colombe surtout, nous offrent le mo-
dèle de l'amour conjugal le plus parfait. Chez
les anciens, dont les mœurs étaient beaucoup
plus simples que les nôtres, et qui no con-
naissaient pas les délicatesses d'une pudeur
souvent affectée, lo baiser fut longtemps la
manière la plus ordinaire de saluer, c'est-à-
dire de témoigner extérieurement un senti-
ment d'estime ou de respect; car pour eux il
n'y- avait point d'estime ni de respect pos-
sibles sans amour. Le baiser faisait partie
essentielle du culte rendu aux divinités, et
le mot adorer lui-même ne signifiait pas autre
chose que baiser, ad os portare. Le livre de
Job nous apprend que les hommes qui ado-
raient le soleil et la lune étendaient leurs
mains vers ces astres et les portaient ensuite
a leur bouche (Si vidi solem aut hmam et oscu-
latus sum manum meam ore meo). On baisait
aussi les statues des idoles (l Rois, xix, 8;
Cicéron, Verr.). Pour donner une marque d'a-
mitié aux hôtes que l'on recevait ou qui s'é-
loignaient, on leur donnait un baiser (Tobie,
ix, 8, et x, 13,; ïtuth., 1, H); et l'on baisait
alors soit la bouche, soit la barbe, les che-
veux ou les yeux (Genèse, xxrx, 13 ; Samuel,
xx, 9), Dès la plus haute antiquité, c'était
aussi de la même manière que le vassal ren-
dait à son suzerain l'hommage de fidélité qu'il
lui devait (Cyropédie, 7, 5, 32; Psaumes, 2,
12). Dans l'Orient moderne, le éaiser d'hom-
mage se donne sur la main ou sur les genoux
(Niebuhr, Voyages, 1, 4H). On baisait aussi
les pieds des grands, et les rois perses n'ac-
cordaient pas cette faveur a tout le monde ;
aujourd'hui encore, dans le même pays, on
baise le pan de la robe d'une personne à qui
l'on veut témoigner un profond respect. En
France, en Allemagne, en Angleterre, il n'y
eut longtemps d'autre manière de saluer
les dames que de les baiser sur la bouche ;
Montaigne, a ce sujet, fait la remarque sui-
vante : « C'est une déplaisante coutume , et
injurieuse aux dames, d'avoir h prêter leurs
lèvres a. quiconque a trois valets h sa suite,
pour mal plaisant qu'il soit. » Les cardinaux
conservèrent longtemps le droit de baiser les
reines sur la bouche; les reines d'Espagne
elles-mêmes se soumettaient à cet usage, mais
il paraît qu'il n'eut jamais cours en France.
L'Eglise catholique, chez laquelle les vieilles
coutumes se conservent bien plus longtemps
que dans la société laïque, donne encore au-
jourd'hui une large place au baiser dans ses
cérémonies. Dès les premiers temps du chris-
tianisme, saint Paul écrivait aux fidèles de se
saluer par de saints baisers ( Salutate ii}vicem
osculo sancto), et les rites modernes distin-
guent encore le baiser de l'autel, le baiser de
paix, le baiser de l'anneau, de la main ou dos
f lieds. Le baiser de l'autel se pratique dans
a célébration de la messe; l'autel est baisé
dix fois pour une grand'messe, et neuf fois
seulement pour une messe basse. Le baiser
de paix est celui que les fidèles se donnaient
autrefois avant la communion ; mais le pape
Innocent III l'abolit à cause des abus aux-
quels la corruption des mœurs avait donné
lieu. Aujourd'hui, le prêtre se borne à baiser
une petite plaque d'argent ou d'autre métal,
appelée patœ; puis il la remet tmn de ceux
qui le servent à l'autel, et celui-ci la fait bai-
ser à tous les prêtres et aux clercs qui se
trouvent dans le chœur. Lorsque le pape
donne la communion, on baise son anneau
avant de la recevoir; on baise aussi l'anneau
des évêques quand ils donnent la confirmation
et quand ils officient pontificalement. Les car-
dinaux baisent la main du pape quand il vient
d'être élu, quand il tient chapelle et lorsqu'ils
reçoivent de lui les cendres, les palmes ou
autres objets. Aux grand'niesses, les fidèles ve-
■BAI
naient baiser la main du prè.tre quand ils ap-
portaient leur offrande; aujourd'hui ils ne
baisent plus que la patène, mais le diacre
baise encore la main du célébrant toutes les fois
que celui-ci lui présente quelque chose. On a
vu, au mot baisemain, que cette sorte d'hom-
mage se.pratique encore dans certaines cours.
Enhn, le baisement des pieds est un hommage
exceptionnel réservé au pape et imposé à tous
les fidèles catholiques qui veulent lui être pré-
sentés ; mais ce ne sont point proprement les
Eieds du pape que l'on baise, c'est une croix
rodée sur ses mules, c'est-à-dire sur les pan-
toufles dont il est toujours chaussé quand il
donne ses audiences publiques. Saint Caïus
est le premier pape dont l'histoire dise, d'une
manière formelle, que les chrétiens admis en
sa présence lui rendaient l'hommage du bai-
sement des pieds; il occupait le siège pontifi-
cal en l'an 283.
Si le baiser est par lui-même un signe d'a-
mour et de respect, l'histoire nous apprend
qu'il a quelquefois servi à déguiser les senti-
ments de la haine la plus atroce, de la ven-
geance ou d'une basse cupidité. Joab, un des
capitaines de David, plongea son épée dans
le corps d'Amasa, en lui disant : Bonjour,
mon frère, et en prenant de la main gauche
son menton pour le baiser. Les meurtriers de
César le frappèrent en le baisant. Mais le
plus horrible des baisers est celui de l'infâme
Judas, dont la trahison est connue de tout lo
monde.
— Anecdotes. L'abbé de Marolles étant a.
Amiens, on lui montra la tête de saint Jean-
Baptiste qu'on venait baiser avec beaucoup
de vénération. Il fit comme les autres, et, en
la baisant, il dit : C'est la cinq ou sixième que
j'ai l'honneur de baiser.
+
» »
Marthon, montée sur son ânesse, s'en re-
tournait au village. Un jeune homme de la
ville, affriandé par son frais minois, veut l'em-
brasser, en lui disant : La belle, portez ce
baiser de ma part à 1» meunière. — Pardine,
répondit la paysanne, si vous êtes si pressé,
donnez-le à ma bourrique, elle y sera plus tôt
que moi.
# *
On connaît, dit Voltaire, le chapitre sur les
baisers, par Jean de la Çaza, dans lequel cet
archevêque de Bénévent dit qu'on peut se
baiser de la tête aux pieds. Il plaint les
frands nez, qui ne peuvent s'approcher que
ifficilement, et il conseille aux dames qui ont
le nez long d'avoir des amants camus, et vice
versa.
*
» *
Rabelais ayant suivi le cardinal du Bellai
dans'son ambassade à Rome, fut admis, a la
suite de cet ambassadeur, à l'audience du
pape. Du Bellai s'approcha du saint -père,
et comme il lui baisait sa mule, suivant l'u-
sage, Rabelais se retira. aussitôt sans rien
dire. Lorsque l'ambassadeur lui demanda rai-
son de cette incartade, Rabelais lui répondit :
Puisque vous, qui êtes mon maître, avez baisé
la mule du pape, que vouliez-vous donc que
je baisasse?
* «
Marguerite d'Ecosse, femme du dauphin de
France (depuis Louis XI), passant un jour
dans une salle où était endormi sur un banc
Alain Chartier, que l'on appelait le père de
l'éloquence française, cette princesse l'alla
baiser sur la bouche, en présence de toutes
les personnes qui l'accompagnaient. Quelques
seigneurs témoignant leur surprisé de ce
qu'elle avait baisé un homme si laid, elle leur
ait : Ce n'est point l'homme que je baise, mais
la bouche de laquelle sont sortis tant d'excel-
lents mots et tant de discours sages.
Dorât ayant fait imprimer ses Baisers, on
les vendit jusqu'à un louis, ce qui donna occa-
sion à un poëte de faire contre l'auteur l'épi-
gramme suivante :
Quoi ! pour vingt baisers sang tendresse,
Prendre un louis, y penses-tu 1
Eh! mon ami, pour un écu
J'en aurai cent de ta maîtresse.
#
Maintenant un baiser se donne à l'aventure;
Mais ce n'est pas en bien user.
Il faut que le désir et l'esprit l'assaisonne,
Et, pour moi, je veux qu'un baiser
Me promette plus qu'il ne donne.
Mme de» la Sablière.
Sur le point le plus délicat
Qui puisse intéresser les belles.
L'amour fit naître un grand débat
Entre trois jeunes pastourelles.
De tous les baisers qu'un amant
Peut obtenir de sa maîtresse,
Elles voulaient absolument
Connaître le baiser charmant
Qui plaît le plus li la tendresse.
Chacun a son goût là-dessus j
Zéphyr baise le sein de Flore,
Titon les beaux yeux de l'Aurore,
Et Mars les lèvres de Vénus.
Les trois bel gères consentirent
A nommer trois jeunes bergers ;
Pour récompense elles promirent,
Comme de raison, trois baisers, . . . >
BAI
A l'instant elles aperçurent
Hylas, et Colin, et Daphnis;
A l'instant les nouveaux Paris
Près de nos belles accoururent.
On les instruisit du procès,
Et l'on n'eut garde de leur taire
Le prix charmant de leurs arrêts;
Plus d'un, pour le même salaire,
Fut rendu parfois au palais.
Moi, dit Daphnis, j'aime la rose;
Bien n'est si doux que cette fleur,
Mais encor, pour plus d'une cause,
Le baiser sur bouche mi-close
Semble le plus doux à mon cœur.
Moi, j'aime un beau sein qui palpite.
Reprit le jeune Hylas soudain ;
J'aime, par un tendre larcin,
A le faire battre plus vite ;
O volupté ! rien ne t'invite,
Comme un baiser pris sur le sein.
Et moi, dit l'amant de Glycêre.
L'amoureux et tendre Colin,
C'est le baiser... pris sur la main
Qu'à tout autre mon cœur préfère;
Car c'est le seul qu'a ma bergère
Je ne demande pas en vain.
— Allus. hist. Baiser Lamourette, allusion
à l'accolade générale qui fut déterminée
par un discours de l'abbé Lamourette, pro-
noncé à l'Assemblée législative dans la séance
du 7 juillet 1792. La nouvelle que quatre-vingt
mille Prussiens et Autrichiens marchaient sur
Paris avait jeté au sein de la capitale et de
l'Assemblée une inexprimable agitation. Les
partisans de la cour et les patriotes se ren-
voyaient mutuellement les épithètes de fac-
tieux et de traîtres, les premiers n'imputant
les dangers qu'à la discorde, et ne tremblant
que pour la royauté ; les seconds ne voyant
de péril que dans l'invasion, dont ils accu-
saient la cour, ses refus, ses menées et ses
lenteurs perfidement calculées. Le cri général
était : La patrie est en danger, et l'Assemblée
délibérait déjà si elle ne ferait pas entendre
elle-même cette formule solennelle, qui de-
vait soulever la France tout entière comme
un seul homme. Les séances devinrent ora-
geuses; les partis se dessinèrent nettement,
et les imprudents amis de la royauté osèrent
la mettre ouvertement en balance avec la na-
tion. Il n'en fallait pas tant pour la perdre, à
un moment où il n'eût déjà fallu rien moins
qu'une prudence et une expérience consom-
mées pour la sauver. Ce fut Vergniaud qui
lui porta le premier coup, et il fut écrasant,
dans la séance du 3 juillet (1792). Bien que ses
accusations fussent enveloppées de toutes les
formes oratoires qui pouvaient en déguiser la
terrible portée, il n en ouvrit pas moins la
brèche par où Von allait arriver rapidement à
la déchéance. Son discours fut un éloquent
réquisitoire contre la royauté, dont il rendit
évidente la connivence avec les ennemis du
pays. « La Constitution, semblait-il dire au
roi, vous laissa-t-elle le choix des ministres
pour notre bonheur ou notre ruine? Vous fit-
elle chef de l'armée pour notre gloire ou pour
notre honte? Vous donna-t-elle, enfin, le droit
de sanction, une liste civile et tant de préro-
gatives pour perdre eonstitutionnellement la
constitution et l'empire? Nonl nonl homme
que la générosité des Français n'a pu rendre
sensible, que le seul amour du despotisme a
pu toucher... Vous n'êtes plus rien pour cette
constitution que vous avez si indignement vio-
lée, pour ce peuple que vous avez si lâche-
ment trahi 1 »
On ne pouvait pas proclamer la déchéance
d'une manière plus explicite, bien que, par un
habile artifice oratoire, Vergniaud n'eut fait
entendre ces paroles menaçantes que d'une
manière hypothétique. Dans cette séance
même, l'Assemblée rendit un décret pour ré-
gler les formes d'après lesquelles on déclare-
rait la patrie en danger, et la discussion à la-
quelle ces formes donnèrent lieu continua les
jours suivants, au milieu de disputes enveni-
mées, d'interpellations et d'apostrophes vio-
lentes, de menaces même, qui jetaient le dés-
ordre dans l'Assemblée et rendaient ses réu-
nions excessivement tumultueuses. C'est dans
une de ces séances (7 juillet 1792) que Lamou-
rette, évêque constitutionnel de Lyon, connu
par son caractère, ses sentiments doux et
conciliants, fit un éloquent appel à la concorde
et à l'esprit de fraternité, qu'il s'affligeait de
voir régner si rarement parmi ses collègues de
l'Assemblée. Ne croyant à aucune haine vé-
ritable des uns à l'égiird des autres, ne leur
supposant à tous que des méfiances injustes,
il demanda la parole, et, rappelant les me-
sures terribles qu'on ne cessait de proposer
pour conjurer les périls qui menaçaient la pa-
trie, il dit que, pour lui , il croyait à ues
moyens plus doux et plus efficaces, et qu'on
les trouverait dan3 la concorde, t Oh I s'écria-
t-il, celui qui serait assez heureux pour vous
réunir, celui-là serait le véritable vainqueur
de l'Autriche et de Coblentz. On dit tous les
jours que votre réunion est impossible au
point ou en sont les choses... Ah 1 j en frémis...
Mais c'est là une injure : il n'y a d'irréconci-
liables que le crime et la vertu. Les gens de
bien discutent vivement, parce qu'ils ont la
conviction sincère de leurs opinions, mais ils
ne sauraient se haïr. Messieurs, le salut pu-
blic est dans vos mains, que tardez-vous de
l'opérer?
■ Que se reprochent les deux parties de
BAI
l'Assemblée? L'une accuse l'autre de vouloir ;
modifier la constitution par la main des étran-
gers, et celle-ci accuse la première de vouloir
renverser la monarchie pour établir la répu-
blique. Eh bien, messieurs, foudroyez d'un
même anathème et la république et les deux
Chambres, vouez-les à l'exécration commune
Sar un dernier et irrévocable serment 1 Jurons
e n'avoir qu'un seul esprit, qu'un seul senti-
ment; jurons-nous fraternité éternelle 1 Que
l'ennemi sache que ce que nous voulons, nous
le voulons tous, et la patrie est sauvée 1 ■
Ces généreuses paroles excitèrent dans
toute l'Assemblée un enthousiasme impossible
à décrire, et, sous la première impression des
sentiments de réconciliation qu'elles éveillè-
rent , on voua* à l'exécration publique tout
projet d'altérer la constitution par les deux
Chambres ou par la république ; puis, des di-
verses parties de l'Assemblée, les hommes les
plus opposés par leurs opinions se jetèrent dans
les bras les uns des autres et s'embrassèrent
cordialement; toutes les distinctions se con-
fondirent un instant ; les factieux et les traî-
tres se donnèrent l'accolade fraternelle, et il
n'y eut plus ni côté droit ni côté gauche ; tous
les députés étaient assis indistinctement les
uns près des autres : Dumas auprès de Ba-
zire, Jaucourt auprès de Merlin, Ramont au-
près de Chabot.
Ce fut là, certes, une des scènes les plus
singulières dont nos grandes Assemblées aient
donné le spectacle; 1 arrivée du roi au milieu
des représentants de la nation, venant poser
le sceau de la réconciliation, acheva de porter
à son comble l'exaltation des cœurs et des
esprits. <■ Y avait-il là un roi et huit cents dé-
Ïiutés hypocrites, qui, formant à l'improviste
e projet de se tromper, feignaient l'oubli des
injures pour se trahir ensuite avec plus de sû-
reté? Non, sans doute, un tel projet ne se
forme pas chez un si grand nombre d'hommes,
subitement, sans préméditation antérieure.
Mais la haine pèse ; il est si doux d'en déchar-
ger le poids 1 et d ailleurs, à la vue des évé-
nements les plus menaçants, quel était le
parti qui, dans l'incertitude de la victoire,
n'eût consenti volontiers à garder le présent
tel qu'il était, pourvu qu'il fut assuré? Ce fait
prouve, comme tant d'autres, que la méfiance
et la crainte produisaient toutes les haines,
qu'un moment de confiance - les faisait dis-
paraître, et que le parti qu'on appelait répu-
blicain ne songeait pas a la république par
systènie, mais par désespoir. Pourquoi, rentré
dans son palais, le roi n'écrivit-il pas sur-le-
champ à la Pru3se et à l'Autriche? Pourquoi
ne joignit-il pas à ces mesures secrètes quel-
que mesure publique et grande? Pourquoi
ne dit-il pas, comme son aïeul Louis XIV, à
l'approche de l'ennemi : Nous irons tous! »
(Thiers.)
Disons-le franchement, les haines étaient
trop implacables, l'abîme qui séparait les deux
partis était trop profond, pour que tant d'ob-
stacles s'évanouissent sous l'influence d'un
discours : le lendemain, les défiances, les co-
lères avaient repris leur cours fatal, et le
seul fruit réel que l'abbé Lamourette retira de
son éloquence fut une célébrité qui frisait le
ridicule, et que le peuple, dans son impitoyable
ironie, lui fit expier jusque sur l'échafaud.
Comme tant d'autres hommes politiques de
son temps, c'est sur ce triste théâtre qu'il ter-
mina ses jours. Au dernier moment, en sou-
venir de la fameuse séance du 7 juillet et des
embrassades qui y avaient été prodiguées, on
lui cria : « Baise Chariot, Lamourette ; allons,
baise Chariot (le bourreau). » Il mourut cou-
rageusement, se rappelant, sans doute, ce
qu il avait maintes fois répété, que la guillo-
tine n'est qu'une chiquenaude sur le col.
Aujourd'hui , ces mots, baiser Lamourette,
servent à qualifier les réconciliations éphé-
mères, peu sincères, et ils forment une des
locutions les plus curieuses et les plus origi-
nales de notre langue :
« La grande ère de ce qu'on est convenu
d'appeler les intérêts matériels vient d'être
définitivement ouverte : toutes les puissances
européennes s'envoientdes baisers Lamourette.
C'est le système de la paix quand même
et à tout prix : la paix à l'état de cliché; le
temple de Janus est clos à perpétuité. • '
De Pêne,
» Ces réconciliations, ces protestations d'eu-
bli ont toujours un air de baiser Lamourette
qui fait sourire les politiques et les sceptiques.
On hésite donc beaucoup à les prendrfi au sé-
rieux, quelque nécessaires qu'elles soient. »
Charles de Mazade.
<t La paix signée à la pointe des épées n'est
jamais qu'une trêve; la paix élaborée dans
un conciliabule d'économistes et de quakers
ferait rire, comme le fameux baiser Lamou-
rette. L'humanité travailleuse est seule ca-
pable d'en finir avec la guerre, en créant l'é-
quilibre économique, ce qui suppose une ré-
volution radicale' dans les idées et dans les
mœurs. » P.-J. Proudhon.
« L'Assemblée nationale s'est cpnstituée au
bruit du canon, du tambour et des fanfares.
Dans ces jours où l'imagination est séduite
par les sens, le cœur entraîné par l'imagina-
tion, la raison absorbée par le sentiment,
l'âme n'a plus d'attrait que pour les épanche-
BAI
7!
ments de la sensibilité, pour les illusions de
l'espérance. C'est l'heure des baisers Lamou-
rette, c'est l'instant des réconciliations per-
fides. Mais bientôt l'enthousiasme s'apaise, lo
sentiment s'évanouit, et la raison revient po-
ser ses questions redoutables. •
P.-J. Procdhos.
Boitera (Basia) de Jean Second , poésies
erotiques, au nombre de dix-neuf. Ces pièces
charmantes, qui maintiennent encore la célé-
brité de l'auteur, sont écrites en latin. Le
poëte du xviû siècle rivalise avec les anciens ;
il a déployé dans ses .Baisers toutes les grâces
d'une imagination riante, vive, colorée. Son
style, d'une souplesse remarquable, porte des
traces d'afféterie; mais il est bien difficile à
un poëte amoureux d'éviter cet écueil. Un tel
défaut, d'ailleurs, ne déplaît pas aux dames.
Ce que le goût acceptera moins volontiers, ce
sont quelques longueurs qui accompagnent
des ornements trop recherchés. On a repro-
ché au poëte la vivacité de certains tableaux ;
mais on doit pardonner ces taches légères à
des compositions où la passion éloquente dé-
crit et célèbre la volupté, qui est un des do-
maines, un des Sept Châteaux de la poésie.
Au reste, la nudité ne messied pas à une belle
statue.
Faut-il reprocher à l'auteur de n'avoir pas
donné à chacune de ses petites pièces un. mo-
tif particulier, tel que ceux-ci : le Premier
BaiseTj le Baiser surpris, etc. ? En circonscri-
vant ainsi ses tableaux il eût, il est vrafjévité
des redites. Mais les redites sont toujours des
choses neuves dans le langage de l'amour.
Nous dirons plus, la passion meurt d'épuise-
ment quand elle ne trouve plus de plaisir à se
répéter.
Les Baisers de Jean Second ne se distin-
guent entre eux que par la différence du tour
et de l'expression, par la variété des idées
accessoires. Mais chacune de ces pièces brille
soit par un vers brûlant, une saillie volup-
tueuse, soit par une image vive, une expres-
sion pleine de feu, genre de répétitions qui,
il faut l'avouer, n'est pas un défaut vulgaire.
Ces Baisers ont été inspirés à Jean Second
par une maltresse adorée qu'il appelle Julie,
et à laquelle il adressa ces poésies, quoiqu'elles
fussent écrites dans la langue d'Ovide. Voici
ces dix-neuf Baisers, que nous empruntons à
la traduction de M. Tissot( et que nous n'hé-
sitons pas à donner en entier :
PREMIER n MSEK.
Le sommeil sur Ascagne épanchait ses pavots ;
Vénus le voit, l'enlève, et volant a, Paphos,
Sans réveiller l'enfant, a l'ombre le dépose :
Une forêt de fleurs l'environne, et la rose
Qui, vierge encor, du lis surpassait la blancheur,
De l'air autour de lui parfume la fraîcheur.
Le beau Troyen, couché sous ce nouvel ombrage",
Happelle a la déesse une bien chère image,
L'image d'Adonis : ce touchant souvenir
Réveille dans son cœur la flamme du désir.
Voila mon Adonis; oui, c'est lui, disait-elle.
Vingt fois pour l'embrasser se pencha l'immortelle ;
Mais troubler le repos d'Ascagne ou d'Adonis!...
Ouvertes par l'amour, les lèvres de Cypris
S'égarent sur les fleurs qu'elle avait fuit éclore ;
Au feu de ses baisers la rose se colore;
Zéphire unit son souffle a, leur douce chaleur.
Et caresse a la fois la déesse et la fleur.
De blanche qu'elle était, la rose purpurine
Frémit sous le toucher de la bouche divine,
La cherche avec amour, et, sensible aux désirs.
Rend baisers pour baisers, et plaisirs pour pluisirs.
Cependant, sur un char qui semble avoir des ailes,
Dans le vague des deux, de blanches tourterelles
Font voler la déesse autour de l'univers.
Sa bouche a murmuré quelques mots dans les airs ;
Et d'un peuple d'oiseaux les brûlantes tendresses
Déjà par le baiser préludent aux caresses.
Baume de nos chagrins, charme de nos douleurs,
Salut, tendres baisers, baisers enfants des fleurs,
Et de l'heureuse erreur des lèvres d'une amante!
Voici votre poète, il vous aime, il vous chante,
Vous vivrez dans ses vers tant que le double niont
Sur l'antique Phocide élèvera son front.
Tant qu'on verra l'Amour inspirer au génie
Les chants harmonieux de la molle Ausoule.
DEUXIÈME D A I S Ë tt.
Vois-tu cette vigne riante
Vers l'ormeau conjugal monter avec amour?
La vois-tu, souple et caressante,
Du chêne aux longs rameaux embrasser le contour?
Ainsi puissent tes bras flexibles
L'un à l'autre enchaînés doucement me presser!
Ainsi, par des noeuds invincibles,
Par d'éternels baisers je voudrais t'enlacer.
Bacchus et sa liqueur sacrée.
Et du plus doux sommeil l'agréable langueur,
Rien ne peut, à femme adorée !
De tes lèvres de rose arracher ma fureur.
Nous expirons dans ce délire;
Deux amants chez Pluton descendent a la fois.
Mais ne crains pas le sombre empire,
Aux Champs Elysiens notre flamme a des droits.
Au travers des plaines riantes,
Une route de (leurs nous conduira tous deux
A ces campagnes odorantes,
Asile du printemps, séjour des vrais heureux ;
Là, des héros et leurs maîtresses.
Fidèles aux serments de leur premier amour.
Se prodiguent millo caresses,
Forment des choeurs de danse, ou chantent tour a tour
Les hymnes sacrés des poètes,
Dans un vallon secret, peuplé de myrtes verts,
Où les roses, les violettes
Disputent de fraîcheur et parfument les airs.
Sous l'ombre toujours incertaine
D'un bosquet de lauriers, dont les rameaux mouvants
Cèdent à la suave haleine,
Au souffle harmonieux du plus léger des vents.
Je te présente au sanctuaire :
Le peuple fortuné se lève a notre aspect.
Et dans les rangB des fils d'Homère,
Sur, des bancs de gazon nous place avec respect.
Bien loin que cet honneur suprême
Offense la fierté des amantes des dieux,
Il plairait a Tyndaris même.
Malgré l'orgueil du sang qu'elle a reçu des cieux.
72
BAI
TROISIEME BAISER.
Donne, donne un baiser, 1111e aimable et naïve;
Tes lèvres sur ma bouche aussitôt ont volé ;
Mais, comme un faible entant par la frayeur trouble',
Tu retires soudain ta lèvre fugitive.
Ce n'est pas la donner le baiser du plaisir;
C'est laisser un regret et donner un désir.
quatrième: baiser.
C'est le nectar des dieux qu'un baiser d'Eucharis;
Le souffle parfumé de sa bouohe vermeille,
Plus léger que l'odeur de la suave iris,
Est plus doux que les sucs dont la prudente abeille,
Biche de ses larcins, sur les fleurs Bu rosier,
Compose un rayon d'or dans son palais d'osier.
Eucharis, si ta bouche, à mes feux indulgente.
Consent à m'enivrer de ses baisers divins,
Je renais immortel dans les bras d'une amante;
Le roi de l'univers m'invite a ses festins :
En m'ofTrant cet honneur, il faudra qu'il t'appelle
A siéger dans sa cour au rang d'une immortelle;
Oui, sans toi, je renonce à la coupe des dieux,
Dussent-ils, rejetant le maître impérieux
Qui brille dans l'Olympe et gouverne la terre.
Me placer sur son trône et m'offrir son tonnerre.
CINQUIÈME BAISEE.
Souvent tes bras d'albâtre et souples comme un lierre.
Passés autour de moi, serrent ton bien-aimé;
Suspendue a mon cou, je te sens tout entière
Presser mon front, mon sein, mon visage enflammé.
Ta bouche, qui s'entr'ouvre et ressemble a la rose,
Sur la mienne, avec art, s'applique et se compose
Pour mieux donner baiser d'amour.
Tu m'attaques d'une morsure;
Je venge aussitôt mon injure,
Ta douleur se plaint a son tour.
Mais bientôt une langue nclive,
Avec son dard voluptueux,
Livre cent combats amoureux
A ma langue faible et plaintive;
Plus doux qua le bruit du zéphyr,
Plus frais encor que la rosée,
Le souffle humide du plaisir
Coule dans ma bouche embrasée ;
Exhalé de la tienne, il réjouit mon cœur.
Plus calme et renaissant, je respirais à peine;
De tes lèvres soudain j'ai senti la chaleur.
Et mon avide amante aspirer mon haleine
Que desséchait, hélas! dans mon sein enflammé,
Un feu séditieux par Vénus rallumé.
Eucharis, rends la vie à l'amant qui t'adore.
Mes vosux sont exaucés; du feu qui me dévore
Déjà tu calmes la fureur;
Comme un parfum qui s'évapore,
Ton souffle humide et bienfaiteur
Rafraîchit tous mes sens et me ranime encore.
Source de mes transports, baisers délicieux !
Oui, l'Amour, je le jure, est le plus grand des dieux,
De l'Olympe et du monde il est le roi suprême ;
Mais la jeune beauté qui m'enchante et qui m'aime,
Dont un baiser me donne ou me ravit le jour,
Est au-dessus des dieux et commande a l'Amour.
SIXIÈME BAISER.
De cent baisers d'amour je te lis la promesse,
De cent baisers divins tu flattas ma tendresse;
Je te les ai donnés, tu me les as rendus.
Sans un baiser de moins, sans un baiser de plus.
O bouche trop avare! o timide maîtresse !
Quoi ! même a ton amant tu plains une caresse !
Si de rares épis couronnent les guérets.
Vois-tu l'agriculteur se louer de Cérès?
Invoque-t-on Bacchus pour cent grappes vermeilles.
Ou les dieux de nos champs pour un essaim d'abeilles ?
Dans un pré que l'Aurore humecta de ses pleurs,
A-t-on jamais compté les herbes et les fleurs?
Le ciel ne compte pas les gouttes de rosée
Que sa bonté répand sur la plaine embrasée;
Et quand les vents du nord ont obscurci les airs,
La foudre dans les mains, le dieu de l'univers.
Versant à flots pressés la grêle meurtrière,
Ne sait pas tous les champs frappés par sa colère.
Dans les biens, dans les maux qui nous viennent des
A leur magnificence on reconnaît les dieux; [deux,
Et toi, beauté d'amour, toi que l'Olympe appelle,
Rivale préférée à la tendre immortelle
Dont le char, voltigeant sous l'aile des plaisirs,
Sur les flots aplanis s'abandonne aux zéphyrs,
Tu donnes des baisers avec tant d'avarice!
Cependant, Eucharis, ta cruelle injustice
Refuse de compter mes soupirs, mes douleurs.
Et tout ce que mes yeux ont répandu de pleurs!
Ah! Bi tu veux compter les soupirs et les larmes
Que m'ont coûté cent fois mon amour et tes charmes.
Compte aussi du baiser les célestes saveurs.
Mais non, point de traités indignes de nos cœurs;
Viens, donne-moi, sensible à des maux incurables,
D'innombrables baisers pour des pleurs innombrables.
SEPTIÈME BAISER.
O ma belle et tendre maltresse!
Oui, ton insatiable amant,
Dans les transports de son ivresse.
Veut caresser à tout moment
Ce cou poli, ce front charmant.
Ces beaux yeux, miroir de ton âme,
Ces lèvres de rose et de flamme :
Il veut des baisers plus nombreux
Que les flots de la mer profonde,
Que les étoiles et les feux
Semés sur ja voûte du monde.
Mais en vain, pareil au ramier
Qui de son corps, qui de son aile
Couvre son amante Adèle,
Je reste attaché tout entier
Sur chaque attrait que je caresse,
Un regret nuit s. mon ivresse ;
Mes yeux aussi voudraient jouir ;
Ils me demandent le plaisir
De voir, de contempler tes charmes.
Tes yeux aux éloquentes larmes,
Ta bouche au brûlant coloris,
Et cet agréable souris.
Et ces regards pleins de tendresse.
Dont un seul bannit ma tristesse.
Mes longs soupirs, mes noirs chagrins;
Comme, de ses regards sereins
Perçant les plus sombres nuages,
Phébus dissipe les orages,
Calme l'air, épure les cieux,
Et de son char, plus radieux.
Répand sur la nature entière
Les flots dorés de sa lumière.
En moi quels étranges combats !
Mes yeux sont jaloux de ma bouche,
Ils voudraient voir ce qu'elle touche,
Ou seuls posséder tant d'appas !
HUITIÈME BAISEE.
Réponds, femme injuste et charmante,
Pour quel outrage, ou q'uelle erreur,
As-tu blessé, dans ta fureur,
BAI
D'un ami la langue innocente?
Ah! quand, percé de mille traits,
Mon cœur saigne encor de3 blessurts
Que font tes dangereux attraits,
Faut-il par tes vives morsures
Punir un organe charmant,
L'interprète du sentiment?
Avec lui, dès l'aube naissante,
Avec lui, sous l'ombre croissante,
Durant l'espace entier des jours,
Dans ces longues nuits de l'absence.
Je chante, au milieu du silence,
Et tes beautés et nos amours.
Apprends, Ô maîtresse imprudente !
Que par cette langue éloquente
Les vifs éclairs de tes beaux yeux,
Les flots mouvants de tes cheveux,
L'éclat de ta gorge naissante,
Elevés, portés jusqu'aux cieux,
Jusques au foyer du tonnerre,
D'une louange téméraire
Ont rendu l'Olympe envieux.
Dans mes transports, si je m'écrie :
O ma rose! ô ma fleur chérie!
Soutien et charme de mes jours,
Mon Aphrodite, et mes amours;
Plus tendre encor, si je t'appelle
Ma colombe, ma tourterelle;
Si j'invente cent noms plus doux,
Malgré Vénus et son courroux,
Ne les dois-tu pas, ô ma belle!
A cet interprète fidèle?
Peut-être, orgueilleuse Eucharis,
Prends-tu plaisir à cette offense ?
Tu braves de ce cœur surpris
Et la colère et la vengeance.
Juge de toute ta puissance :
Malgré tes outrages nombreux.
Quoique sanglante et déchirée,
Ma langue, à Vénus consacrée.
Ma langue, organe de nos feux,
5e plntt à bégayer encore
Le nom de celle que j'adore,
L'azur humide de ses yeux.
Les boucles d'or de ses cheveux,
Ses dents perfides et lascives,
Flèches d'amour, de volupté,
Et ces couleurs toujours si vives.
Orgueil et fard de sa beauté.
N E U V 1 L M K BAISER.
Du baiser quelquefois modérons la chaleur,
Cachez-moi ce regard touchant et séducteur :
A mon cou, dans mes bras, ne venez pas sans cesse
Mourir dans les transports d'une amoureuse ivresse.
La nature a prescrit des bornes au plaisir.
Et jamais sans regret on n'a pu les franchir.
Plus le bonheur est vif, plus courte est la distance
Qui bientôt a l'ennui conduit noire imprudence.
Ainsi, de neuf baisers que demandent mes vœux,
Sévère par amour, n'en accorde que deux,
Mais froids comme un baiser de Diane a son frère,
Chastes comme un baiser d'une fille a son père,
Quand elle ignore encor Vénus et les plaisirs.
Alors, sourde à ma voix, rebelle a mes désirs,
Fuis comme la colombe ou la nymphe légère;
Vole, cache tes pas dans un bois solitaire,
Cache-les dans un antre impénétrable au jour.
Vers l'antre, dans les bois, je m'élance a mon tour,
Et, vainqueur enflammé par l'espoir et l'attente,
De mes bras triomphants saisissant mon amante,
Je t'enlève éperdue, et semblable au ramier
Sous l'ongle recourbé du rapide épervier.
En vain dans ce moment, suppliante et vaincue,
De tes bras tout entiers a mon cou suspendue,
Par neuf baisers d'amour tu penses m'apaiser;
Mais ton crime est trop grand ; il faut, pour t'excuser.
Que je presse cent fois ta bouche fugitive :
Mes deux bras enlacés te retiendront captive
Jusqu'au dernier baiser promis par le traité.
Je veux t'entendre alors jurer par ta beauté
Que tu voudrais souvent, pour les mêmes offenses.
Mériter et subir de pareilles vengeances.
DIXIÈME BAISER.
Chacun de tes baisers touche et ravit mon cœur :
Humides, je me plais a goûter leur douceur.
Les donnes-tu brûlants : une subite flamme
S'insinue avec eux jusqu'au fond de mon âme.
Qu'il est doux de baiser tes yeux pleins de langueurs,
Ces yeux de mes tourments trop aimables auteurs !
Qu'il est doux de presser d'une bouche idolâtre
Une épaule d'ivoire, une gorge d'albâtre;
D'imprimer sur ton cou, de marquer sur ton sein,
Sur ce corps tout entier de neige et de satin,
Des fureurs du baiser les traces pâlissantes ;
D'unir, par ce baiser, nos deux âmes errantes,
Lorsque, brûlants d'un feu trop prompt à s'exhaler.
Dans le sein l'un de l'autre on voudrait s'envoler!
Ou donnés, ou reçus, prolongés ou rapides,
Eucharis, tes baisers charment mes sens avides.
Ah ! ne rends pas les miens comme ils te sont donnés ;
Varions du baiser les combats fortunés;
Et si l'un de nous deux, aux traités infidèle,
Ne sait plus inventer de caresse nouvelle,
De nos mille baisers docile imitateur.
Ses lèvres les rendront aux lèvres du vainqueur.
Pleins des mêmes transports, pleins des mêmes délices
Que les baisers créés par nos doubles caprices.
ONZIÈME BAISER.
Avec trop de chaleur je donne le baiser,
Dit en secret l'envie, ardente a m'accuser!
Ainsi, quand je te presse, entre mes bras avides,
Mourant sous les baisers de tes lèvres humides,
11 faudrait m'occuper des propos d'un censeur!
O beauté de ma vie! ô charme de mon cœur!
Dans ces moments d'oubli, de volupté suprême,
A peine sais-je, hélas! si j'existe moi-même.
Eucharis m'applaudit, m'enchaîne dans ses bras,
Et grave, en me pressant sur ses divins appas,
Un long baiser d'amour sur ma bouche enivrée.
Jamais, dans ses transports, l'ardente Cythérée
N'en donna de pareil à ses amants chéris;
Ma belle ajoute alors, avec un doux souris :
Du peuple des censeurs ne sois pas la victime,
Eucharis est ton juge et t'absout de ton crime.
DOUZIÈME BAISER.
Jeunes beautés, et vous, prudes austères,
Pourquoi me fuir et détourner les yeux?
Il n'est ici nuls amours adultères.
Aucun tableau des incestes des dieux ;
Tous les plaisirs dont je fais la peinture
Sont des plaisirs permis par la nature.
Fils d'Apollon, prêtre des chastes sœurs,
Je rougirais d'avoir blessé les mœurs,
Et de prêter les accords de ma lyre
Aux vils excès d'un coupable délire,
tiuel rigoriste oserait m'accuser?
Je n'ai chanté que l'innocent baiser.
Mais voyez-vous cette feinte colère,
Leur souris faux, leurs regards effrontés?
Des mots trop vifs, par la chaleur dictés,
Seront sortis de ma bouche légère,
BAI
Qui, sur-le-champ compris et commentés,
Auront blessé ces oreilles instruites.
Retirez-vous, trop indignes beautés ;
Fuyez, fuyez, matrones hypocrites.
Dont je voulais apaiser le courroux;
Cent fois plus franche et plus chaste que vous,
Mon Eucharis parlage ma tendresse,
Connaît l'amour et chérit le plaisir;
Mais sa pudeur et sa délicatesse
N'entendent point le mot qui fait rougir.
TREIZIÈME BAISER.
Femme perfide, et jadis trop aimée,
Pourquoi m'offrir cette lèvre enflammée?
Je suis de glace, et mort pour le baiser.
Dans ton orgueil prélends-tu m'abuser,
Et, sur la foi d'une simple caresse.
Brûlant en vain de la 60if des plaisirs,
Me voir sécher de langueur et d'ivresse?
Tu fuis : attends, permets à mes désirs
Ces yeux brillants, cette lèvre amoureuse!
Reviens, reviens, bouche voluptueuse,
Douce au toucher, vermeille en ta couleur,
Comme ces fruits humectés par l'aurore,
Dont la peau fine a nos yeux offre encore
Son velouté, son duvet et sa fleur.
QUATORZIÈME BAISER-
Debout, l'arc a la main, et la flèche assurée,
L'Amour te menaçait, ta perte était jurée;
Mais il voit sur ton front tes heaux chevcjix épars,
Les éclairs de fes yeux, leurs éloquents regards,
Et ces globes rivaux dont la forme rappelle
De la coupe d'Hébé le céleste modèle :
11 est vaincu ; ses traits échappent de sa main.
Les bras ouverts, l'enfant se jette dans ton sein,
Te donne cent baisers, te fait mille tendresses;
Et tes lèvres surtout appellent ses caresses;
Sa bouche les entr'ouvre, une céleste odeur
Y passe avec son souffle, et coule dans ton cœur.
L'enfant, dans ses transports, a juré par sa mère
D'être à jamais pour toi sans flèche et sans colère.
De ses baisers ta bouche a gardé la fraîcheur.
Nul parfum n'est plus doux que ta suave haleine;
Mais j'accuse du dieu la seconde faveur :
Tu ne sais plus répondre au penchant qui m'entraîne.
QUINZIÈME BAJSER.
Comme l'œillet, trempé par les longues rosées,
Ranime ses couleurs aux rayons du soleil,
Des baisers de ma nuit tes lùvies arrosées
Offrent a mes désirs un contour plus vermeil;
Il brille couronné des lis de ton visage :
Près d'un sein virginal, éclatant de blancheur,
La rose augmente ainsi d'éclat et de fraîcheur;
Ainsi brillent plus vifs, parmi le vert feuillage.
Ces fruits ronds et pourprés, premiers et doux présents
De l'été qui commence et succède au printemps.
Hélas! pourquoi faut-il m'exiler de ta couche,
Quand tes brûlants baisers rallument mes désirs?
Ma belle, garde-moi les roses de ta bouche,
Jusqu'à l'heure paisible où je vole aux plaisirs.
Mais si ta bouche ingrate ose, dans mon absence,
Permettre un seul baiser, je veux, pour châtiment.
Qu'elle se décolore, au moment de l'offense.
Et soit plus pâle encor que ton Adèle amant.
SEIZIÈME BAISER.
Cypris un jour vit tes lèvres charmantes,
Dont l'amoureux et brillant coloris
Sur ton visage éclate près des lis,
Ainsi qu'on voit, sous des mains élégantes.
S'unir entre eux l'ivoire et le corail,
Et de l'artiste enrichir le travail ;
Ses yeux jaloux répandirent des larmes;
Elle assembla les folâtres Amours :
Mes fils, dit-elle, en soupirant toujours,
A quoi 6ert-il que, vaincu par mes charmes,
L'heureux berger, rival de Ménélas,
En vain pressé par Junon et Fallas,
Au mont Ida me nomme la plus belle,
Si vous souffrez qu'un poète rebelle
De la beauté m'ose ravir le prix,
Pour le donner a sa jeune Eucharis?
Volez, Amours, contre ce téméraire;
Et de vos arcs, tendus par la colère,
Lancez-lui tous des traits aigus, perçants,
Des traits de feu qui brûlent tous ses sens.
Mais gardez-vous d'enflammer son amante;
Qu'un de vos traits la rende indifférente.
Oui, que son sang, dans ses veines pressé,
Soit comme un fleuve immobile et glacé.
Fatal arrêt ! déesse trop cruelle !
De leur poison la bouillonnante ardeur
Brûle, dévore et fait fondre mon cœur;
Mais, entouré d'une glace éternelle,
Plus dur cent fois que ces rochers brillanls,
En vain battus par la vague fidèle,
En vain minés par le progrès des ans,
Ton cœur ingrat, insouciant, tranquille.
Insulte aux feux d'un amour inutile.
J'ai trop vanté le pouvoir de tes yeux,
Et les parfums de ta bouche de rose.
Connais Vénus et le courroux des dieux.
Dans les tourments que ta froideur me cause.
Laisse amollir ta superbe rigueur,
Ne démens plus ce front plein de douceur,
Viens réunir a ma bouche enflammée
Ton souffle pur, ta bouche parfumée;
Viens respirer l'ardeur de ce poison
Qui me dévore, et, par l'amour vaincue,
Languir des feux de mon âme éperdue :•
Cesse decraindre ou Vénus ou Junon;
Jupiter même embrasse ta querelle :
Nouveau Paris, il est pour la plus belle.
DIX-SEPTIÈME BAISER.
Filles de l'air, cessez, diligentes abeilles,
De moissonner le miel sur les roses vermeilles ;
Quittez le doux nectar de la fleur du printemps,
Et les sucs de l'aneth qui parfume les champs;
Volez vers Eucharis : sa bouche purpurine
Exhale les parfums de la tendre églantine,
Les parfums de la fleur que la main des amants
Va chercher dans les bois & l'aube du printemps;
Des larmes de Narcisse elle est humide encore;
Le plus vif incarnat l'enflamme et la colore;
Ainsi brillent la rose et ce peuple de fleurs.
Diverses de parfums, riches de cent couleurs,
Que la triste Vénus en pleurant fit éclore
Du sang pur d'Adonis mourant à son aurore.
Mais, de grâce, écoutez, peuple aimable et léger.
Un amant avec vous consent à partager :
Ne soyez point ingrat, ne soyez point avide ;
Laissez quelque nectar sur cette bouche humide;
Si vous alliez tarir et sécher sa fraîcheur,
Eucharis, aux baisers de ma brûlante ardeur,
Ne rendrait qu'un baiser sans parfums, sans délices,
Et tristement puni j'expirais mes services.
Surtout, loin que vos dards osent jamais blesser
Sa bouche délicate et propice au baiser,
Discret dans vos larcins, caressez-la de l'aile,
Comme le jeune lis ou la rose nouvelle.
DIX- HUITIÈME BAISER,
Beauté plus douce encor que l'astre de Latone,
BAI
Plus brillante a mes yeux que la vive couronne
De l'étoile au front d'or qui ramène le jour,
Accorde cent baisers a mon brûlant amour.
Au nom des dieux, au nom de Gnide,
Je les demande aussi nombreux
Que les baisers voluptueux
Donnés ou rendus par Ovide,
Toujours heureux, toujours avide.
Je les demande aussi nombreux
Que les Amours, les Ris, les Jeux,
Folâtre essaim qui se repose
Sur ton front, parmi tes cheveux.
Ou Bur tes deux lèvres de rose;
Aussi nombreux que mes désirs.
Mes espérances, mes alarmes,
Et nos transports et ces plaisirs,
Toujours mêlés de quelques larmes.
Ajoute a tes baisers, sans cesse renaissants,
Et les propos d'amour et les noms caressants,
Et les soupirs et les murmures,
Langage harmonieux des cœurs,
Sans oublier vives morsures,
Sourire et regards enchanteurs.
Imitons de Vénus les colombes charmantes :
A peine, au souffle du zéphyr,
L'hiver commence â s'amollir,
Les becs entrelacés, les ailes frémissantes,
Murmurant de concert, on les voit tour â tour
Donner et recevoir le baiser de l'amour.
Ivre de ce bonheur suprême.
Les yeux noyés dans le plaisir,
Tu me dirais : Je vais mourir,
Soutiens la moitié de toi-même.
Oui, prompt comme l'éclair, je presse dans mes bras,
Contre mon sein brûlant, mon amante glacée,
Et de mes longs baisers l'agréable rosée
Rend la vie a. son coaur, l'éclat 6. ses appas.
Enfin, sous les baisers succombe ma faiblesse;
D'une mourante voix je murmure â mon tour:
Recueilli dans tes bras, ô ma jeune maîtresse!
Laisse-moi renaître à l'amour.
Dans ses bras Eucharis m'enchatne;
Foyer d'une douce chaleur.
Son sein réchauffe ma langueur;
Et les parfums de son haleine
Font de nouveau battre mon cœur.
Cueillons, chère Eucharis, les fleurs de la jeunesse;
Déjà je vois venir l'importune vieillesse,
Les soucis, les douleurs, compagnes de Bon sort.
Et dans l'ombre caché le monstre de la mort.
U 1 X - N E U V 1 È M E BAISER.
Languissant et sans force, après nos doux combats,
Mollement étendu, je dormais dans teB bras,
Par les feux de l'amour mon haleine épuisée
Ne pouvait rafraîchir ma poitrine embrasée.
Déjà mes yeux errants voyaient les sombres bords.
Et la barque fatale, et le nocher des morts,
Quand du fond de ton cœur, sur cette bouche aride.
Descendit en rosée un baiser tendre, humide.
Baiser qui me retint au moment du départ,
Ht renvoya sans moi la barque et le vieillard.
Il revient, le barbare, et m'entraîne au rivage.
Hélas ! j'allais franchir le funeste passage.
Un rayon de ten âme a passé dans mon corps ;
Il y vit, il soutient mes trop faibles ressorts.
Je le sens ce rayon de vie et de lumière,
Qui m'échappe et revole à sa source première :
Retiens-le dans mon sein, ranime ma chaleur,
Ou je vais défaillir et mourir de langueur.
Unis étroitement ta bouche avec la mienne ;
Que ton souffle amoureux tous les deux nous soutienne,
Jusqu'au moment suprême où, lassés de plaisir,
Et toujours dévorés des fureurs du désir,
Dans un dernier baiser, dans un baiser de flamme.
Nos deux cœurs réunis n'exhaleront qu'une âme.
Les vers latins de Jean Second ont une
fraîcheur d'invention et d'originalité , une
grâce, un velouté délicat, une fleur d agré-
ment que l'on peut comparer h l'attrait même
de la jeunesse. Ces Baisers avaient déjà été
traduits avant M. Tissot; on les a traduits
aussi après lui, et sans doute on les traduira
encore, car Jean Second attend toujours un
interprète digne de son charmant génie.
Bnioer nu porteur (le), vaudeville en un
acte, de MM. Scribe, Justin Gensoul et Fré-
déric de Courcy, représenté au théâtre du
Gymnase le 9 juin 1824. Le sujet, emprunté a
un vieux conte grivois, ne manque pas d'ori-
f inalité. Derville, jeune et aimable officier,
oit épouser Jenny, nièce de la baronne de
Yervelles. Certes, il aime sa fiancée, mais on
ne renonce pas aisément aux. charmants ha-
sards de la jeunesse; aussi, le diable aidant,
il obtient- un baiser de la femme du fermier
Thibaut; celui-ci arrive juste à temps pour
être témoin du méfait. Grande colère du
mari ! Derville s'avise , pour l'apaiser , d'un
expédient aussi extravagant que sa con-
duite. Il s'engage à laisser prendre au rus-
taud une revanche sur Jenny, et souscrit
même un billet pour un baiser au porteur,
payable à Thibaut ou a son ordre. Ce baiser
clandestin a retenti dans le village; il occa-
sionne une rupture passagère entre les deux
jeunes gens, et un refroidissement de la part
de Jenny. Heureusement pour Derville , le
cœur ne perd jamais ses droits, et Jenny se
laisse fléchir, Mais tout n'est pas fini; l'inexo-
rable Thibaut se présente , son billet à la
main. Or, la baronne, qui s'est chargée de dés-
intéresser les créanciers de son neveu, ne sa-
chant pas de quelle dette singulière il s'agit,
s'empare du billet et offre de faire honneur à
la signature de Derville, au grand regret du
fermier, qui, comme bien des maris, se trouve
avoir payé les frais de l'assaut donné a son
honneur. Cette donnée scabreuse inspira aux
auteurs un charmant ouvrage, rempli de pi-
quants détails, dont l'audace, parfois extrême,
était sauvée par l'esprit et l'habileté. Le suc-
cès fut complet et prolongé. 11 aida à révéler
le talent naissant d Adolphe Adam, qui avait
composé l'air du couplet final, air devenu po-
pulaire, et reproduit dans une infinité de vau-
devilles.
Baliier de Judan (ï.b), tableau d'Ary Schef-
fer. Cette peinture, une des dernières produc-
tions du célèbre artiste (1857), a figuré à l'ex-
Îosition posthume de ses œuvres, en 185».
udas le traître se penche vers Jésus, et lui
donna son infâme baiser j mais il n'ose étrein-
BAI,
dre son maître, et écarte les mains par un
reste de respect ou d'hypocrisie. Le Christ lève
les yeux au ciel comme pour implorer merci
pour le misérable qui le livre aux. bourreaux.
« Il semble, a dit M. Alexandre Tardieu, que
Scheffer ait pris un pinceau vénitien pour mo-
deler ces deux figures, qu'un beau contraste
fait valoir : l'une bestiale et vile, l'autre indi-
gnée, mais comprimant sa colère et subissant
avec résignation le dernier outrage. » Jamais,
en effet, Ary Scheffer n'avait joint un dessin
plus expressif à une couleur plus moelleuse,
plus blonde, plus transparente. Les deux per-
sonnages sont à mi-corps. La tète de Jésus
respire la tristesse et la bonté ; celle de l'Is-
canote est admirable de laideur et d'hypocri-
sie. Ce tableau, qui n'a pas plus de 60 centi-
mètres de haut sur 49 de large, a été gravé
par M. J, Chevron.
Baiser do Judos (le), tableau de M. Ernest
Hébert, musée du Luxembourg. Le disciple
infidèle s'approche du maître et lui saisit le
bras, tandis que l'un des hommes dont il s'est
fait suivre dirige sur Jésus la lumière d'une
lanterne. Immobile, calme, résigné, le Christ
tourne vers Judas des regards où il y a plus
de tristesse que de colère ; sa belle figure se
détache sereine, au milieu dès faces ignobles
des misérables qui l'environnent, comme des
dogues en arrêt autour de leur proie ; il sem-
ble bien moins préoccupé du sort qui l'attend
qu'affligé de la lâcheté de son disciple, et sa
bouche ne s'est encore ouverte ni pour la
plainte, ni pour le reproche ; le moment n'est
pas encore venu où il dira : « Judas, trahis-tu
ainsi le Fils de l'homme par un baiser?»
M. Hébert a traité son sujet avec sentiment ;
il en a saisi le côté pathétique, et il a su don-
ner à ses figures des expressions bien en har-
monie avec leur caractère; mais il s'est
montré un peu faible, un peu indécis dans
l'exécution. L'effet de lumière, renouvelé de
Gérard Honthorst, est peint avec un soin ex-
cessif, et l'intérêt du drame en est beaucoup
amoindri. M. Hébert a prouvé qu'il avait étu-
dié avec soin les anciens maîtres; mais, au lieu
de suivre discrètement et timidement leurs
traces, il eût mieux fait sans doute de ne con-
sulter que ses propres forces. « Dessin, colo-
ris, effet, a dit M. de Laborde, tout se trouve
dans le Baiser de Judas, mais à l'état d'inten-
tion ; tout dénonce les scrupules d'une con-
science soigneusement interrogée ; rien n'ac-
cuse un esprit tout à fait convaincu , une
volonté tout à fait personnelle. » Malgré ses
défauts, ce tableau est incontestablement une
des meilleures peintures religieuses qui aient
paru aux expositions depuis quelques années ;
il a obtenu un succès légitime au Salon de 1853.
BAISERIE s. f. (bè-ze-rî -r- rad. baiser).
Action de donner des baisers, o V. mot.
baiseur, euse s. (bè-zeur, eu-ze — rad.
baiser). Celui, celle qui aime, qui se plaît à
donner des baisers : Un baiseur insupporta-
ble. C'est une baiseuse perpétuelle. (Trev.)
BAISOIR s. m. (bè-zoir). Métrol. Syn. de
bajoire.
BAISONGE s. f. (bè-zon-je). Hortic. Ex-
croissance que la piqûre de certains pucerons
fait naître sur la sauge, il On dit aussi
BADZENGE.
bàISûtté, ÉE (bè-zo-té) part. pass. du v.
Baisotter : Un enfant baisotté de tout le
monde.
BAISOTTER v. a. ou tr. (bè-zo-té — fré-
quent, de éatser).Donner des baisers répétés :
Elle est toujours à baisotter sa mère.
( Se baisotter v. pr. Se baiser souvent l'un
l'autre : Ils ne font que se baisotter. (Acad.)
baissant (bê-san) part, prés, du v. Bais-
ser : On voit çàetlà des bœufs accroupis entre
les herbes, baissant la tête sous le passage du
sirocco. (St-M arc Gir.)
Tous deux baissant les yeui, tristement dessillés,
Sur la terre en tremblant se sont agenouillés I
Delillb.
BAISSANT, ante adj. (bè-san, an-te —
rad. baisser). Qui baisse, qui s'affaiblit : Au
soleil baissant, nous revînmes à Naples, cou-
chés sur nos bancs de rameurs. (Lamart.)
BAISSE s. f. (bè-se — rad. baisser). Mou-
vement d'une surface dont le niveau décroît :
Cette chaussée a subi une baisse de vingt cen-
timètres. La baisse des eaux de la rivière n'a
pas discontinué.
— Par ext. Affaiblissement : Ma santé est
dans une de ses baisses. (Joubert.) Il Etat
d'une personne qui perd de ses forces, de son
autorité ou de son influence : Décidément,
monseigneur est en baisse. (Alex. Dum.)
— Mar. Baisse de la mer , Reflux, u Peu
usité.
— Comm. Diminution de prix, de valeur :
Les sucres sont en baisse, ont éprouvé de la
baisse. La baisse de ce genre de marchandises
doit ralentir l'activité de votre manufacture.
(Acad.) Une baisse de prix amenée par les pro-
grès de l'industrie est très-utile. (Droz.) il Se
ait surtout, par opposition à hausse, en par-
lant de la diminution dans la valeur des
effets publics, des actions industrielles : La
hausse et la baisse. Les hausses et les baisses
dont le cours du change est susceptible font voir
l'état du négoce dans une nation aussi manifes-
tement que les variations du mercure montrent
l'état de l'atmosphère. (***)
. . ..... Couché près de ma caisse,
Je m'endors a, la hausse et m'éveille à la baisse.
C. Délavions.
BAI
Il Jouer à la baisse, Vendre Activement des
effets publics ou des valeurs industrielles, à
condition que, à l'époque de la livraison, on
gagnera la valeur dont ils auront baissé, ou
l'on perdra celle dont ils auront haussé, il
Les actions sont en baisse, Se dit métaphori-
quement du mauvais état des affaires de
quelqu'un, ou du peu d'espoir que laisse une
entreprise, un projet, etc. : Son mariage nese
fera pas; ses actions sont en baisse près des
parents de la jeune fille.
— Antonyme. Hausse, élévation, renchéris-
sement.
— Encycl. Bourse. Dans le langage de la
Bourse, les opérations à la baisse sont de plu-
sieurs sortes. EHes consistent : 1° à vendre
ferme et à acheter une fois la baisse parvenue
au point où l'on croit qu'elle doit s'arrêter.
Exemple : vendre 3,000 fr. de rente 3 pour
100 à 70 fr., soit 70,000 fr.; acheter lorsque
la rente est tombée à 69 fr. 25, soit 69,250 fr. ;
les 750 fr. de différence composent le béné-
fice de l'opération, sauf les frais de courtage.
2o à venure à prime et à découvert. Exemple :
La rente 3 pour 100 à prime, fin prochain,
c'est-à-dire fin du mois .prochain, étant cotée
à 71 fr. 50, dont l fr. 50 de prime , en en ven-
dant 6,000 fr. à ce prix, on touche 3,000 fr. de
prime. En cas de baisse de la rente à 69 fr. le
jour de la réponse des primes, l'acheteur ne
lèvera pas ses rentes ; le vendeur aura donc
pour bénéfice les 3,000 fr. qu'on lui aura
fiayés à titre de prime. Si,. au contraire, on
ève la prime, il aura alors 6,000 fr. de rente
à racheter en liquidation. S'il peut les avoir
au-dessous de 71 fr. 50, son bénéfice se com-
posera de la différence entre son prix d'achat
et 71 fr. 50; si, au contraire, il est obligé de
racheter au-dessus, Sa perte équivaudra à la
différence entre 71 fr. 50 et son prix d'achat.
3» la troisième . sorte d'opérations consiste
à acheter à prime et à vendre ferme le même
jour. On limite ainsi la perte à la différence
existant entre la rente ferme et la rente à
prime, et on peut profiter de la baisse, tant
grande soit-elle. Exemple : acheter 3,000 fr.
de rente à 70 fr. 25, dont 50 centimes de prime,
soit 70,250 fr. \ au même instant la rente ferme
est & 69 fr. 85, la même quantité de rente à ce
taux vaut donc 69,850 fr.; en vendant ferme
à ce cours, la différence de 400 fr. sera la
seule perte qu'entraînera l'opération tant que
la rente n'arrivera pas au-dessousde 68 fr. 85 ;
mais tant qu'elle tombera au-Jessous de ce
chiffre, il y aura profit. En supposant qu'elle
descende a 68 fr. 10, l'opérateur, abandonnant
sa rente àprime et achetantà ce cours, réalise
la différence existant entre 68,100 fr. et
68,850 fr. , soit 750 fr. ; en en déduisant la
prime de 500 fr. payée dans l'achat des
3,000 fr. de rente à 69 fr. 25, dont 50. c. de
prime, son bénéfice sera encore de 250 fr.
Au mot Bourse nous expliquerons les opéra-
tions qui sont à la fois à la hausse et à la
baisse, et comment on peut convertir une
opération à la hausse en une opération à la
baisse, ainsi qu'une opération à la baisse en
une opération à la hausse.
Les opérations à b> baisse, comme, du reste,
les opérations à la hausse, se prolongent à
l'aide des reports. Exemple : on a vendu à
découvert 3,000 fr. de rente à 68 fr., soit
68,000 fr. Dans cette situation, il est possible
que la rente monte à 69 fr. 55 ; mais comme
on croit toujours à la baisse, on veut prolon-
ger son opération; alors on achète 3,000 fr. de
rente à 69 fr. 55, soit 69,550 fr.; si le report
est à 40 c, on vend fin du mois prochain
3,000 fr. de rente à 69 fr. 95, on paye en liqui-
dation la différence entre le prix de la vente à
découvert et celui provenant de la hausse
survenue, soit 1,550 fr. , moyennant quoi oa
reste vendeur fin du mois prochain à 69 fr. 95.
On prolonge encore une opération à la baisse
en ne se laissant pas décourager par la con-
tinuité de la hausse et en persistant à vendre.
Exemple : on a vendu 3,000 fr. de rente à
68 fr. 80, soit 68,800 fr. ; la rente est montée
à 69 fr. 60 ; on vend encore 3,000 fr. de rente
à ce cours. On se trouva ainsi vendeur de
6,000 fr. de rente au prix moyen de 69 fr. 20,
et en admettant une baisse au-dessous de ce
chiffre, on pourra racheter avec bénéfice les
6,000 fr. de rente dont on sera vendeur. Cette
sorte d'opération a, comme on le voit, ses
dangers. En cas de hausse, on bonifie encore
une opération à la baisse, en vendant à prime
une quantité de rentes égale à celle dont on
est déjà vendeur ferme. Exemple : on a vendu
3,000 fr. de rente à 70 fr., soit 70,000 fr.; de-
puis, la rente est montée à 72 fr. 70. On bo-
nifie son opération en vendant 3,000 fr. de
rente à prime dont 1 fr. à 73 fr. 70. Alors
deux cas se présenteront : ou les 3,000 fr. de
rente vendus à prime seront levés, ou ils ne
le seront pas. Si la prime est levée, on se
trouvera vendeur de 6,000 fr. de rente au prix
moyen de 71 fr. 80; au lieu de 3,000 fr. au
cours de 70 fr., on aura donc ainsi haussé le
prix de la vente de 1 fr. 80. En cas d'abandon
de la prime, on aura reçu 1,000 fr. de prime,
ce qui bonifiera d'autant le prix de vente.
En dehors des événements politiques, dont
tout le monde peut, en général, apprécier les
conséquences au point de vue de la Bourse,
la baisse peut être également prévue d'après
le taux du report. L'élévation du report étant
un signe de fa rareté de l'argent, les rentes
qui arrivent sur la place ne se trouvant plus
soutenues par les capitaux, ne peuvent que
baisser.
BAI
. Les opérations a la baisse ont, aux époques
de troubles politiques ou d'embarras finan-
ciers, maintes fois provoqué la colère des gou-
vernements. Pendant lapremière Révolution,
elles coûtèrent la vie et la fortune à plusieurs
personnes. Napoléon fut un instant sur le
point de prendre ce qu'il appelait des mesures
sévères contre les baissiers, qui, à ses yeux,
étaient les plus vils des agioteurs. II fallut
toute la confiance et l'estime que lui inspirait
son ministre du Trésor, M. Mollien, pour
l'empêcher de se portera un de ces actes de
violente injustice qui aurait été encore plus
fatal au crédit de l'Etat qu'à la fortune privée
des spéculateurs qui en auraient été 1 objet.
Aujourd'hui même, bien que les opérations de
bourse deviennent chaque jour de plus en plus
familières à toutes les classes de la société,
sans exception, nombre de jeunes gens, atta-
chant ericore une certaine réprobation aux
opérations à la baisse, sont assez disposés à
considérer les baissiers comme de mauvais
citoyens. En réalité, les opérations à abaisse
ne sont pas plus blâmables que les opérations
à la hausse; on peut dire qu'elles ne produi-
sent rien d'utile pour la société, qu'elles sont
souvent funestes à ceux qui s'y livrent, que
les haussiers et les baissiers ne sont au- fond
que des hommes dominés par la passion du
jeu; mais si cette passion engendre .souvent
l'indifférence en matière politique, ce reproche
n'atteint pas plus ceux qui jouent à la baisse
que ceux qui jouent à la hausse.
BAISSÉ, ÉE (bè-sé) part. pass. du v. Bais-
ser. Tiré en bas, rapproché du sol : A peine
le rideau baisse, nous sortîmes du théâtre.
(Balz.) il Incliné, penché, dirigé en basj
Idoménée écoutait ce discours la tête baissée".
L'humble et grave artiste doit expliquer l'art,
tête nue et l'œil baisse. (V. Hugo.) La jeune
femme, les yeux baissés et rougissante, écou-
tait en effeuillant son bouquet. (E. Souvestre.)
Sa paupière aux longs cils n'était jamais baissée.
Lamartine.
Ses superbes coursiers qu'on voyait autrefois.
Pleins d'une ardeur si noble, obéir a. sa voix.
L'œil morne maintenant, et la tète baissée.
Semblaient se conformer à sa triste pensée.
Racine.
— Par anal. Dont le niveau est moins
élevé : Ce terrain est bien baissé. La rivière
est baissée de deux mètres.
— Par ext. Qui a moins de force, d'inten-
sité :. Ce ton devrait être un peu baissé. Sa
voix est baissée depuis sa maladie, il Qui a
perdu de sa valeur, de son prix : Les soies
sont bien baissées. J'achèterai du mobilier
quand il sera un peu baissé.
— Fam, Qui a perdu de son énergie, de
ses forces, de sa santé : Il est bien baissé
depuis que je'ne l'avais vu. il Qui a perdu de
ses facultés intellectuelles : Coutanges a fort
bien fait son personnage ; il n'est point baissé.
(Mme de Sév.) Je sats que vous êtes vieilli;
mais voudriez-vous que je crusse que vous êtes
baissé? (La Bruy.) Il faut que je sois bien
baissé puisque l envie de plaire à madame
d'Aiguillon -n'a pu encore m'inspirer. (Volt.)
— Tête baissée, La tête inclinée vers le sol
et sans regarder devant soi : Marcher tête
baissée. S'en aller tête baissée, il Etourdi-
ment, inconsidérément, sans examen : Je
donnai tête baissée dans ce projet extrava-
gant. (Le Sage.)
Tu cours tête baissée au fond du précipice.
C. Délavions.
Toujours un amoureux s'en va tête baissée.
A. de Musset.
Il Courageusement, résolument, sans regar-
der au danger : Aller au combat tête baissée.
Se jeter ti".te baissée dans les rangs ennemis.
Ils le connaissaient fort timide et incapable
d'aller tête baissée contre la reine-mère.
(L'abbé de Choisy.)
L'âme doit se roidir plus elle est menacée,
Et contre la fortune aller tête baissée.
Corneille.
Il Sans hésitation :
Quand quelqu'un nous emploie, on doit, tête baissée.
Se jeter dans ses intérêts.
Molière.
BAISSEMENT s. m. (bè-se-man — rad.
baisser). Action de baisser : Quelques baisse-
ments de tête, un soupir mortifié, deux roule-
ments d'yeux rajustent dans le monde tout ce
qu'ils peuvent faire. (Mol.)
BAISSER v. a. ou tr. (bè-sé — rad. bas).
Mettre plus bas, placer en un lieu moins
haut : Baisser un tableau, une glace. Il faut
baisser ces lustres, il Rendre plus bas, dimi-
nuer de hauteur : Baisser une table, un ta-
bouret. Baisser une maison.
— Pousser, tirer, mouvoir de haut en bas :
Baisser la visière d'un casque. Baisser les
glaces d'une voiture. Baisser une jalousie, un
store. Au théâtre, on baissb ordinairement la
toile pendant les entractes. La déesse baissa
son voile, pour cacher la rougeur de ses joues.
(Fén.)
— Diriger en bas ou plus bas : Baisser la
lance, baisser l'épée, le drapeau, pour saluer.
Baisser le pavillon d'un vaisseau. Les licteurs
baissaient leurs faisceaux devant les consuls.
ti Signifie aussi moralement, reconnaître la
supériorité de quelqu'un, et s'emploie dans
le même sens de baisser pavillon, il Baisser
pavillon, Amener son pavillon, soit pour se
rendre à l'ennemi, soit pour faire honneur à
quelqu'un. Se prend aussi dans le sens de se
reconnaître inférieur ou vaincu : Il faut
BAI
73
baisser pavillon devant vous. Je lui ferai
baisser pavillon. Je baisse pavillon devant
cette savante femme. (Balz.)
— Incliner vers le sol, en parlant d'une
partie du corps : Baisser la tête, le front.
Baisser la jambe. On vit saint Louis baisser
sa tête sacrée aux pieds des pauvres qui lui
représentaient Jésus-Christ. (Pléch.)
Baissez la tête, enfant, que le saint-chrême y tombe.
Lamartine.
Il La Fontaine a dit Baisser la tête, en par-
lant d'un végétal; c'est le chêne qui dit au
roseau :
Le moindre vent qui, d'aventure, •
Fait rider la face de l'eau.
Vous oblige & baisser la tête.
La Fontaine.
Il Comme le mouvement d'une personne qui
baisse la léte ou le front accompagne souvent
un acte de soumission, cette locution signifie
au fig. Se soumettre, se résigner : Il faut
baisser la t&te et souffrir. (Mme de Sév.)
Il faut se soumettre et baisser la têtb.
(Mme de Sév.) Saint Augustin baissait la
tèsksous l'autorité de l'Eglise. (Boss.) Elevez-
vous au-dessus de la puissance des hommes,
mais baissez la tête sous la majesté et la
puissance divine..^. Boutauld.)
. . .... Le tyran qui m'opprime
Me verrait à ses pieds baisser un front soumis.
COLARDEAU,
Il Baisser les yeux, Les diriger vers la terre,
en abaissant la paupière supérieure : Au
contraire des nouvelles mariées, qui se croient
obligées de baisser les veux, madame de Sé-
vigné osait montrer sa joie. (Ste-Beuve.)
Tu pleures, malheureuse, et tu baisses les yeux!
Voltaire,
Ma fille, vous pleurez
Et baissez, devant moi, vos yeux mal assurés 1
Racine.
Il Au fig. Témoigner une crainte respec-
tueuse : Les étrangers sont venus des iles les
plus lointaines baisser les yeux devant la
gloire de Votre Majesté, (Mass.)
Qui! moi, baisser les yeux devant ces faui prodiges!
Voltaire.
Il Baisser l'oreille. Ne se dit guère, au sens
propre, que des chiens chez lesquels on re-
marque ce mouvement particulier lorsqu'ils
redoutent un châtiment ou qu'ils ont subi
quelque mésaventure. Appliquée aux hom-
mes, cette locution indique la. confusion ou
le découragement : Il baissa l'oreille et se
hâta de sortir.
— Par ext. Rendre moins intense, moins
fort, en parlant de la voix : Baisser la voix.
Le piano est juste au ton de l'orchestre de
San-Carlo, quon baissa la saison dernière à
cause de mon rhume. (G. Sand.) il Diminuer,
affaiblir le ton de : Baisser un violon, une
corde de vioïon. Il Baisser le ton, Chanter ou
parler dans un ton plus bas. il Signifie aussi
Parler avec moins d'audace, d'emportement
ou de suffisance : Je n'ai pas peur du bruit,
vous pouvez baisser le ton. Quand il me vit
résolu, il baissa le ton.
— Fig. Diminuer, en parlant d'un prix,
d'une valeur : Baisser le prix du pain, te
prix de la viande.
— Typogr. Baisser la pointure, Rectifier le
registre lorsqu'il est imparfait.
— Manég. Baisser la main à un cheval, Lui
donner la Dride et le lancer au grand galop.
— Fauconn. Baisser te corps du gerfaut, Le
faire maigrir.
— Agric. Baisser un cep, un sarment, Couper
la partie la plus haute, pour concentrer la
sève dans la partie basse.
— y. n. ou intr. Perdre de la hauteur de
son niveau : La mer ne baisse jamais. La ri-
vière a baissé de plusieurs mètres. Le vin
baisse dans le tonneau, il Paraître diminuer
d'élévation par un effet de l'éloignement :
Sous leurs pas diligents le chemin disparaît.
Et le pilier loin d'eux déjà baisse et décroît.
Boileau.
— Etre tiré de haut en bas : C'est quand la
toile baisse sur un dénoûment qu'il faudrait
pouvoir commencer. (G. Sand.)
— S'approcher de l'horizon, en parlant du
soleil ou d'un autre astre : Le soleil commence
à baisser. La lune baissait rapidement.
— Perdre de son intensité : Le vent baisse,
le vent commence à baisser. La température
baisse rapidement. Votre voix semble avoir
baissé. Ma vue baisse tous les jours. Le
jour baisse, mon frère, le jour baisse; re-
tourne seul à notre case. (B. de St-P.) Mon
petit-fils, qui a deux mois, pleure dès que le
jour baisse. (Michelet.)
Mais le jour baisse, et l'air s'est épaissi.
Ducis.
Mes vieux amis, quand pour nous le jour baisse,
Souhaitons-nous un gai bonsoir.
Béranoer.
Il marche, et l'horizon recule devant lui;
11 marche, et le jour baisse* ....
C. DELAVIONS.
Il Lamartine a dit très-hardiment l'heure
baisse, pour le jour baisse .-
Rien ne manque à ces lieux qu'un coeur pour en jouir j
Mais, hélas 1 l'heure baisse et va s'évanouir.
Lamartine.
— Perdre de ses qualités : Ce vin- baisse
au lieu de gagner.
— Diminuer de valeur, de prix: Les actions,
les fonds baissent. Les cafés ont beaucoup
10
74
BAI
BAI
BAJ
BAJ
baissé. Plus les capitaux abondent, plus l'in-
térêt baisse. (Bastiat.) La multiplication d'un
produit en fait baisser le prix, te bon marché
en étend l'usage. (J.-B. Say.) Depuis trois
jours, les effets ont baissé. (Cas. Bonjour.)
Si le travail est fort demandé et les ouvriers
rares, le salaire pourra augmenter, pendant
?ue, d'un autre côté, le profit baissera.
Proudh.)
— Fig. Décliner sons le rapport de la puis-
sance, de l'influence, de la vogue : Dès ce
moment, Carthage commença à baisses. (Boss.)
C'est le sort des choses humaines de baisser
toujours en s'éloignant de leur source. (Mass.)
Depuis ce temps, tout ce qu'on appelait en
France jansénisme, quiétisnie, querelles théo-
logiques, baissa sensiblement. (Volt.) Le livre
de La Bruyère baissa dans l'esprit des hommes,
quand une génération entière attaquée dans
l'ouvrage fut passée. (Volt.)
. . . Ne pas obtenir ce qui noua intéresse.
C'est donner à penser que notre faveur baisse.
* Etienne.
n Perdre de ses forces, de sa santé, de sa vi-
gueur : Cet homme baisse. Ce vieillard, ce
malade baisse à vue d'œil. Comme ce pauvre
abbé baisse! Avez-vous vu comme il dort?
(Balz.) il Perdre de ses perfections, de son
mérite, de son talent, de ses aptitudes : Je
baisse, je baisse, je fonds ; j'ai acquis de la
gaieté, et J'ai perdu du robuste. (Volt.) Vous
vous ennuierez, votre esprit deviendra triste et
baissera. (Mme de La Fayette.) Une femme
est-elle encore jeune au moment où sa beauté
baisse , ses prétentions la rendent ou ridicule
, ou malheureuse. (Chamfort.) Il est plaisant
' que l'orgueil s'élève à mesure que le siècle
baisse. (Ste-Beuve.) il S'affaiblir, en parlant
de quelque faculté intellectuelle ou de quel-
que disposition morale ; Sa mémoire baisse.
Son talent a baissé. Une longue maladie avait
fait baisser l'esprit de Dioctétien. (Boss.)
Mon enthousiasme pour tout homme qui aligne
quelques vers, qui ajuste quelques phrases, qui
déclame quelques harangues, A fteaucoup baissé
depuis. (Lamart.) Un fait est incontestable au
milieu de tant de progrès matériels; le sens
moral a baissé. (Michelet.)
L'esprit baisse; mes sens glacés
Cèdent au temps impitoyable. Voltaire.
Puis la raison, lampe qui baisse,
N'a plus que des flots tremblotants.
BÉRANGER.
— Baisser d'un ton, Prendre un ton moins
élevé, moins imposant ou moins prétentieux :
Eh bien, baissons d'un ton.
La Fontaine.
— Mus, Laisser sa voix descendre graduel-
lement au-dessous du ton : Dans tout ce
morceau, il n'A pas baissé d'un quart de ton. Il
Descendre au-dessous du ton , en parlant
d'une voix ou d'un instrument : Votre voix
a un peu baissé dans le solo. Cette corde a
caisse sensiblement.
— Mar. Passer de l'amont à l'aval, en par-
iant du vent.
— Loc. prov. Ses actions baissent, Sa fa-
veur, son crédit, sa réputation décroissent :
Je ne sais si vos actions monteront à mesure
que les miennes baisseront ; je lui parle sans
cesse de vous. (Mnle d'Epinay.)
— S. m. Action de ce qui baisse ; mouve-
ment d'un astre qui descend à l'horizon :
Averti par le baisser, du soleil de l'heure de
la retraite. {3.-3. Rouss.) Déjà plusieurs
vaisseaux avaient appareillé au baisser du
.soleil. (Chateaub.) Au baisser du soleil, la,
cloche appelait les nouveaux citoyens à l'autel.
(Chateaub.) l! Mouvement do ce que l'on
I -fusse; instant où on le baisse : Le baisser
du rideau, il Cette forme substantive est peu
usitée, bien qu'elle soit appelée par son op-
position naturelle avec le mot lever :Le lever
et le baisser du rideau. Le lever, le baisser
et le coucher du soleil.
Se baisser, v. pron. Etre baissé : Sa tête
se baissa sur sa poitrine. Ses yeux se baissè-
rent vers la terre.
— S'incliner plus ou moins bas : Se baisser
jusqu'à terre. Se baisser pour passer sous une
porte. En se baissant, leurs cheveux se tou-
chèrent; un frisson' leur parcourut tout le
corps. (A. Karr.)
Son ombre vers mon lit a paru se baisser.
Racine.
— Loc. prov. C'est un homme qui ne se
hausse ni ne se baisse, Se dit d'un homme im-
passible ou d'un caractère toujours égal, il
Il 11 n'y a qu'à se baisser et prendre, C'est une
chose très-facile à faire, à obtenir : Il a cru
qu'vL n'y aurait qu'a se baisser et prendre.
Il semble, à vous entendre.
Que vous n'ayez ici qu'à vous baisser et prendre.
Reqnard.
Il G. Sand a dit ramasser au lieu de prendre :
L'épreuve eût été trop facile si, dès la pre-
mière vue, aimé ou admiré d'une grande et
noble dame, je n'avais eu qu'à me baisser
tour ramasser fes" lauriers et les piastres.
(G, Sand.) Quelque léger que soit le change-
mont, l'expression est peut-être trop consa-
crée pour qu'il soit permis de la modifier
ainsi.
— Syn. Baisser, abaisser. V. ABAISSER.
— Antonymes. Elever, exhausser, hausser,
lever, monter.
BAISSIER s. m. (bè-si-é — rad. baisse).
Course. Spéculateur qui opère, qui joue à la
baisse : A la Bourse de Londres, les baissiers
sont désignes sous le sobriquet d ours. (Bears.) "
Les baissiers ayant intérêt à faire diminuer
le prix des valeurs, ce sont eux qui inventent
les bruits de bourse les plus sinistres et les plus
absurdes. Il nous reste à tracer une rapide es-
quisse de deux grandes catégories qui distin-
guent les spéculateurs : les haussiers et les
baissiers. (F. Mornand.) Cette petite guerre
à coups de primes et de reports que se livrent
une poignée de haussiers et de baissiers est
pour eux te prélude d'une autre campagne.
(Ph. Busoni.)
— PI. Nom donné, sur quelques rivières,
aux portions de leur lit où le sol s'élève acci-
dentellement, de telle sorte qu'on n'y trouve
pas habituellement assez d'eau pour la navi-
gation.
— Antonyme. Haussier.
BAISSIÈRE s. f. (bè-si-è-re — rad. baisser).
Techn. Ce qui reste d'une liqueur qui appro-
che de la lie : La baissière du vin. La bais-
sière du cidre, de la bière. La baissière de
l'huile. On fait ordinairement de l'eau-de-vie
avec ta baissière du vin.
' — Agric. Enfoncement qui, dans une terre
labourée, retient de l'eau de pluie.
BAISSOIR s. m. (bè-sou-ar — rad. baisser).
Techn. Réservoir en maçonnerie dans lequel
se rassemble l'eau des sources salées, après
qu'elle a subi un commencement d évapora-
tion dans le bâtiment de graduation. Il est
ainsi appelé parce qu'il se trouve à la partie
inférieure de l'appareil qui porte ce dernier
nom.
. BAISURE s. f. (bè-zu-re — rad. baiser).
Techn. Endroit par lequel un pain en a tou-
che, en a baisé un autre, dans le four ; trace
qui en résulte.
BAITARIE s. f. (bè-ta-ri). Bot. Genre de
plantes qui croissent au Pérou, et qu'on n'a
jusqu'à présent classé dans aucune famille.
BAITER (Jean-Georges), philologue suisse,
né à Zurich en 1801. Prorecteur du collège de
sa ville natale, il a publié, avec Orelli et
Winckelmann, une édition grecque des Œu-
vres comptâtes de Platon (Zurich, 1839-1842,
21 vol.); les Orateurs atiiques, texte grec
(Zurich, 1839-1850, 2 vol.); les Œuvres d'Iso-
crate (Paris; 1846), dans la Bibliothèque grec-
que de F. Didot, etc.
BAÏTHE (Etienne), théologien et botaniste
hongrois, florissait a la fin du xvie siècle. Il
a laissé beaucoup d'écrits : Historia stirpium
rariorum Pannonice ( 1583 ) ; Sermon pour
chaque dimanche; Fuves Konyo (description
d'un herbier, en langue hongroise); Court
résumé de la doctrine chrétienne (1582), etc.
C'est lui qui a fourni à Closius les plantes
rares de la Hongrie, qui lui ont servi dans ses
travaux.
BAÏTOSISME s. m. (ba-i-to-zi-sme — rad.
Baïtos, nom du fondateur). ITist. relig. Secte
juive qui est la même que le saducéisme.
BAÏTOSITE s. m. (ba-i-to-zi-te). ITist.
relig. Membre de la secte juive nommée baï-
tosisme ou saducéisme.
B AIT RE s. m. (bè-tre). Ornith. Nom vul-
gaire du grèbe huppé.
BAÏCS (Michel de Bay, connu sous le nom
do), théologien, né dans le Hainaut en 1513,
mort en 1580. Il devint principal du collège de
Standock, à Louvain, et y professa la philo-
sophie ; il devint ensuite président du collège
d'Adrien, se fit recevoir docteur et professa
l'Ecriture sainte. Il abandonna la méthode des
scolastiques, et régla son enseignement sur
celui des Pères de l'Eglise; il aimait surtout
a citer saint Augustin, dont il se flattait d'avoir
lu neuf fois les écrits. Ce changement dans la
forme de l'enseignement thêologique suscita
beaucoup d'ennemis à Baïus ; les franciscains,
partisans fanatiques de Scot, signalèrent à la
faculté de théologie do Paris dix-huit proposi-
tions qui furent censurées, mais sans que celui
qui les avait soutenues fût nommé. Cependant
le roi d'Espagne Philippe II choisit Baïus, con-
jointement avec Hesselius , qui partageait les
mêmes opinions, comme députés, pour assister
aux dernières sessions du concile de Trente.
Alors les adversaires de Baïus dénoncèrent
au saint-siége un grand nombre de proposi-
tions extraites des ouvrages de notre théolo-
gien, et Pie V en condamna soixante-seize in
globo, toujours sans nommer leur auteur. Baïus
se plaignit de n'avoir été ni averti ni entendu ;
il prétendit qu'on avait mal interprété plusieurs
de ses propositions, que d'autres se trouvaient
formellement dans les Pères ou qu'elles y
étaient contenues implicitement. Ces discus-
sions agitèrent longtemps l'université de Lou-
vain, jusqu'à ce qu'enfin le jésuite Tolet, depuis
cardinal, fut envoyé par le pape avec mission
do faire publier la, bulle et d'engager Baïus à
signer une formule de rétractation. Celui-ci
consentit à signer, plutôt par déférence pour
l'autorité du pape que par conviction. Les
disputes se rallumèrent bientôt sur l'interpré-
tation même de plusieurs passages de la bulle,
et bien des volumes furent publiés a l'occasion
d'une virgule que les uns voulaient mettre à
un endroit, les autres à un autre. On peut lire
tous les détails relatifs à cette fameuse vir-
gule dans YSistoire du baïanisme, du P. Du-
chesne, ou dans la Dissertation sur les bulles
contre Baïus, de l'abbé Coudrette.
Nous avons cru devoir donner quelques
développements à cette biographie, quoique le
nom de Baïus soit aujourd'hui presque oublié,
parce que les opinions de ce théologien peuvent
être considérées comme contenant en germe
le jansénisme. En effet, elles furent reprises,
Eeu de temps après, par un autre docteur do
ouvain, Jacques Janson, qui avait pour dis-
ciple le fameux Corneille Jansénius, et c'est
dans les leçons de son maître que celui-ci puisa
probablement la plupart des maximes qu'il
développa dans son Augustin.
Baïus avait été nommé chancelier de l'uni-
versité en 1575. Ses œuvres ont été recueillies
par le P. Gerberon et imprimées en Hollande,
mais elles furent datées de Cologne.
BAlVA, l'un des principaux dieux de la my-
thologie lapplandaise,
BAIXAS , comm. du dép. des Pyrénées-
Orientales, arrond. de Perpignan; pop. aggl.
2,337 hab. — pop. tôt. 2,344 hab. Vins esti-
més, distilleries, exploitation de carrière de
marbre.
BAIZÉ (Noël-Philippe), prêtre de la doc-
trine chrétienne, né à Paris en 1672, mort en
1746. Il enseigna la théologie au collège de
Vitry-le-François, puis dans la maison Saint-
Charles, rue des Fossés-Saint-Victor, rédigea
le catalogue de la bibliothèque que le docteur
Miron avait léguée à cette maison, catalogue
qui est aujourd'hui à l'Arsenal, et devint as-
sistant général de sa congrégation. C'était un
homme savant et laborieux. Outre divers
écrits dispersés dans plusieurs recueils, il a
donné une histoire de sa congrégation et des
hommes distingués qu'elle a produits, insérée
dans la Gallia Christiana, t. VII.
BAJA s. m. (ba-ja). Bot. Nom indigène
d'un liseron du Malabar.
BAJA , ville des Etats autrichiens , dans
l'ancien royaume de Hongrie, comitat de Bacs,
à 45 kil. N.-O. de Zombor; 15,000 hab. Beau
château des princes de Grussalkovies. Com-
merce de blé et de porcs très-important.
BAJACCA (Jean-Baptiste), jurisconsulte et
biographe italien, né à Côme, vivait dans la
première moitié du xvne siècle. On a de lui :
la Vita del cavalier Gio.-Bat. Marini (Rome,
1625-1635).
BAJAD s. m. (ba-jad). Ichthyol. Poisson du
genre spare, qui vit dans le Nil.
BAJAM-LOHOR s. m. (ba-jamm-lo-or ).
Bot. Nom indigène d'un sumac de Sumatra.
BAJAN s. m. (ba-jan). Bot. Genre de plan-
tes de la famille des amarantacées, crée aux
dépens des amarantes, et renfermant deux
espèces à pétioles épineux, u On écrit aussi
BAJANG.
BAJARDO (Jean-Baptiste), peintre italien,
né à GêneS; mort de la peste en 1057. Sa ville
natale contient les plus remarquables de ses
œuvres, qui sont d'un style gracieux et d'une
exécution correcte et harmonieuse. On cite
surtout : le Christ, reçu au ciel par son Père;
Saint Jérôme et Saint Xavier, ainsi que les ,
fresques du cloître Saint-Augustin.
BAJARÈQOE s. m. (ba-ia-rè-ke). Construc-
tion de cannes revêtues de plâtre, en usage
au Pérou pour les murs de compartiment et
les ornements d'architecture.
bajazajo s. m. {ba-ja-za-jo). Plante
grimpante du Malabar.
BAJAZET I" (ou Bayézid, d'après la pro-
nonciation turque), sultan turc, surnommé
Ildérim (la foudre). Fils d'Amurat I" (ou
Amurath), il fut salué empereur sur le champ
de bataille de Cassovie, l'an de l'hégire 792
(1389). Ilfitd'abord étrangler son frère Jacoub,
qui pouvait lui disputer le trône; puis il' s'oc-
cupa, avec une étonnante activité, a consolider
les conquêtes de son père et a les étendre. U
eut toujours les armes à la main, et dès que
sa présence devenait nécessaire sur un point
quelconque de ses vastes possessions, on le
voyait apparaître pour briser tous les obstacles
et frapper de terreur ceux qui osaient résister
à ses ordres. Jean Paléologue, qui régnait
alors à Constantinople, s'engagea a lui payer
un tribut considérable, à lui fournir 12,000
soldats grecs qui devaient combattre sous
l'étendard de Mahomet, et à lui livrer Phila-
delphie, la seule ville de Lydie qui ne fût pas
encore soumise aux Turcs. Comme le gouver-
neur de cette place refusa de la remettre aux
musulmans, on vit les troupes grecques monter
les premières à l'assaut pour aider à prendre
une ville qu'elles auraient dû défendre. Bajazet
se dirigea ensuite vers l'Asie Mineure, où il
fit de rapides conquêtes. Puis il revmt en
Europe, intima à Jean Paléologue l'ordre de
détruire deux tours qu'il faisait élever près de
l'une des portes do Constantinople, et le me-
naça de faire crever les yeux à son fils Manuel,
si les tours n'étaient pas démolies. Le faible
empereur obéit, mais il mourut peu de temps
après. Ce fut Manuel qui lui succéda, et a
peine avait-il eu le temps de s'asseoir sur le
trône chancelant de son père qu'un nouvel
ordre de Bajazet lui enjoignit de recevoir un
cudi dans sa capitale, a parce que, disait-il, il
ne convient pas que les musulmans qui font
le commerce dans cette ville soient privés de
leurs vrais juges; si tu ne veux pas m'obéir,
ferme les portes de ta ville et règne dans ses
murs : tout ce qui est" en dehors m'appartient. »
Manuel eut le courage de refuser, et dès lors
Constîmlinople resta bloquée pendant cinq
ans. Cependant le farouche sultan ne resta
pas inactif; il marcha contre Caraman-Oglou,
dont il avait épousé la fille, le vainquit et
s'empara de ses Etats. D'autres conquêtes
vinrent encore augmenter la terreur de son
nom; les princes chrétiens prirent enfin l'a-
larme, et Sigismond, roi de Hongrie, provoqua
une croisade contre celui qui semblait menacer
l'Eurone tout entière. Un grand nombre de
chevaliers français accoururent à son appel;
plusieurs princes et chevaliers allemands se
joignirent à eux, et Sigismond se vit bientôt à
la tête de 60,000 combattants. Une bataille fut
livrée près de Nicopolis; elle fut perdue, en
grande partie, par la folle témérité des che-
valiers français, qui périrent presque tous.
L'un d'eux, Jean de Nevers, a qui sa bra-
voure avait mérité le surnom de sans peur,
ayant été fait prisonnier, obtint sa liberté au
prix d'une forte rançon et en s'engageant à
ne plus porter les armes contre les Turcs.
Mais Bajazet, après avoir touché la somme
promise, rendit au chevalier sa parole en lui
disant : o Je méprise tes armes et tes ser-
ments; rassemble tes forces militaires, an-
nonce ton arrivée, et sois sûr que tu trouveras
Bajazet prêt à t'offrir ta revanche. » Après la
bataille de Nicopolis, le siège de Constanti-
nople fut repris 'avec une nouvelle vigueur,
et Manuel s enfuit, laissant le soin de conti-
nuer la défense à son neveu, Jean de Selymbrie.
Mais l'ûpproche de Tamerlan, autre conquérant
plus barbare encore et qui s'était déjii rendu
maître d'une grande partie de l'Asie , vint
troubler les projets de Bajazet. Tamerlan lui
avait envoyé un premier message pour lui
enjoindre de restituer les provinces qu'il avait
ravies à des princes mahométans; un second
message vint renouveler l'injonction dans les
termes les plus humiliants. «Songe, lui faisait-il
dire, que tu n'es qu'un insecte et que si tu
irritesles éléphants, ils t'écraseront sous leurs
pieds. » Bajazet répondit à ces menaces par
des injures; Tamerlan menaça de nouveau, ot
une bataille sanglante devint inévitable. Ella
fut livrée en 1402, dans les plaines d'Ancyre,
Les deux armées comptaient ensemble un
million de combattants; pendant trois jours et
deux nuits le sang ne cessa de couler, mais
enfin la fortune de la guerre se déclara contre
Bajazet, qui tomba entre les mains de son en-
nemi. Suivant une tradition qui n'a rien d'in-
vraisemblable , mais qui a été révoquée en
doute, Tamerlan le fit enfermer dans une cage
de fer et le traîna a travers l'Asie en lui faisant
subir les plus cruelles humiliations, et Bajazet,
désespéré, se serait brisé la tête contre les
barreaux de sa cage. Suivant une autre version,
le sultan des Turcs aurait été traité avec hu-
manité par le conquérant tartare, et, après
huit mois de captivité, il serait mort en 1403
d'une attaque d'apoplexie. Ceux qui adoptent
cette dernière version disent, à l'appui de leur
opinion, qu'Arab-Schah ayant voulu écrire en
vers la vie de Tamerlan y introduisit la cage
de fer pour satisfaire aux nécessités de la
rime, et qu'après lui les historiens prirent au
sérieux cette fable imaginée pour un motif si
frivole.
BAJAZET II, fils de Mahomet II, le conqué-
rant de Constantinople, monta sur le trône en
1181, à la mort do son père. Zizim, son frère,
lui disputa la couronne, mais il fut forcé de so
réfugier en Occident, où l'on croit qu'il mou-
rut empoisonné. Une expédition entreprise
par Bajazet II contre les mameluks d'Egypte
ne fut pas heureuse, mais il répara cet échec
en Europe par la conquête de la Moldavie, de
la Bosnie et de la Croatie. En 1512, après un
règne de trente ans, il voulut abdiquer en fa-
veur d'Achmet, son fils aîné, et fut presque
aussitôt empoisonné par Sélim, son second
fils, qui s'empara du trône.
BAJAZET, prince turc, fils de Roxelane et
de Soliman I«, essaya d'empoisonner Sélim II,
son frère, que Soliman avait désigné pour son
successeur, et l'attaqua ensuite à force ou-
verte. Vaincu près d'Iconium (1558), il se. ré-
fugia chez le roi de Perse ; mais celui-ci le
livra aux envoyés de Soliman, qui le fit étran-
gler (i559).
BAJAZET, fils d'Achmet Ier et de la sultane
Kiosens, frère d'Amurat IV. Celui-ci, jaloux
d'un prince qui annonçait de brillantes quali-
tés, le fit étrangler (1635). Bajazet ne suc-
comba qu'après avoir tué quatre de ses assas-
sins. Cette sanglante catastrophe a fourni à
Racine le sujet d'une de ses plus belles tragé-
dies. V. l'article suivant.
Bnjn.ci, tragédie en cinq actes et en vers,
de Racine, représentée pour la première fois
sur le théâtre de l'hôtel de Bourgogne, le 4 ou
le 5 janvier 1672. En choisissant le sujet de
cette pièce, Racine avait dessein de nous fairo
connaître les mœurs d'un peuple avec lequel
nous avions eu jusqu'alors bien peu de rela-
tions. Après avoir peint avec tant de vigueur
dans Britannicus les Romains dégénérés par
la servitude, il voulut tracer le tableau d'une
cour où l'intrigue se joue au milieu des poir
gnards, où le lacet termine aussi fatalement
les jours d'un prince et d'un grand que ceux
du plus obscur malfaiteur. C est dans un tel
milieu que Racine a placé deux grands ca-
ractères : l'un, le vizir Acomat, représente
l'ambition telle qu'elle peut être a la cour d'un
sultan, où la mort est au bout de tout dessein
ambitieux. Racine a peint peu de caractères
d'homme avec autant de vigueur que celui
d'Acomat. Néron, dans Britannicus, et Joad,
dans Athalie, sont peut-être les seuls aveo
BAJ
lesquels on puisse le mettre en parallèle. L'an-
tre caractère est celui de Roxane : infidèle
comme Phèdre, elle est, comme elle, dédai-
gnée par celui qu'elle aime. L'amour de Phè-
dre est combattu par les remords ; celui de
Roxane, qui aime Bajazet, frère du sultan
Amurat, n i est point troublé par le cri de la
conscience. Roxane vit renfermée au fond du
sérail; Amurat l'a distinguée au milieu de
toutes ses femmes, et il a voulu qu'elle portât
le titre de sultane, même avant qu'elle lui eût
donné un fils; mais, si elle est la première de
ses esclaves? cela ne suffit pas pour lui inspi-
rer les sentiments élevés que la liberté seule
engendre; elle n'éprouve aucune reconnais-
sance pour celui qui l'a préférée & ses rivales,
et dès qu'elle a vu Bajazet, elle s'abandonne
sans scrupule à la passion qu'elle sent naître
dans son cœur. Cependant Roxane tient entre
ses mains l'ordre qu'avant de partir pour la
conquête de Babylone lui" a laissé Amurat de
faire périr Bajazet, dont il se défie, précisé-
ment parce qu'il est son frère. Elle n'a pas
caché a ce prince le pouvoir dont elle est re-
vêtue ; mais elle lui offre de favoriser ses des-
seins, s'il veut se mettre a la tête d'une ré-
volte qui aura pour effet la mort d'Amurat et
l'avènement de Bajazet sur le trône des sul-
tans, à condition qu'il la prendra pour épouse
et qu'il partagera avec elle sa couronne. Ba-
jazet, poussé par le vizir Acomat, qui sent
qu'Amurat a juré sa perte, accepte d'abord la
proposition de Roxane. Mais, pour éviter les
soupçons que leurs entrevues trop fréquentes
pourraient exciter parmi les nombreux espions
dont le sérail est rempli, Roxane et Bajazet
communiquent entre eux par le moyen d Ata-
lide, jeune princesse, cousine d'Amurat et de
Bajazet, qui vit obscurément à la cour, et que
Bajazet aime depuis longtemps. Ces deux
amours, celui de Roxane pour Bajazet et ce-
lui de Bajazet pour Atalide, la nécessité pour
Bajazet de choisir entre Roxane et le trône ou
Atalide et la mort, voilà tout le nœud de la
pièce.
Tout cela est naturellement exposé dans le
premier acte, et même dans la première scène,
qui a toujours été regardée comme le plus
parfait modèle de ce que les rhéteurs appel-
lent l'exposition du sujet. Nous allons la citer
en entier avant de continuer cette analyse.
ACOMAT.
Viens, suis-moi. La sultane en ce lieu doit se rendre :
Je pourrai cependant te parler et t'entendre.
OSMIN.
Et-depuis quand, seigneur, entre-t-on dans ces lieux
Dont l'accès était môme interdit à nos yeux?
Jadis une mort prompte eût suivi cette audace.
Quand tu seras instruit de tout ce qui se passe,
Mon entrée en ces lieux ne te surprendra plus.
Mais laissons, cher Osmin, les discours superflus.
Que ton retour tardait à mon impatience!
Et que d'un œil content je te vois dans Byzanco!
Instruis-moi des secrets que peut t'avoir appris
Un voyage si long pour moi seul entrepris.
De ce qu'ont vu tes yeux parle en témoin sincère;
Songe que du récit> Osmin, que tu vas faire
Dépendent les destins de l'empire ottoman.
Qu'as-tu vu dans l'armée? et que fait le sultan?
Babylone, seigneur, à son prince fidèle,
Voyait sans s'étonner notre armée autour d'elle ;
Los Persans rassemblés marchaient à son secours,
Et du camp d'Amurat s'approchaient tous les jours.
Lui-même, fatigué d'un long siège inutile.
Semblait vouloir laisser Babylone tranquille;
Et, sans renouveler ses assauts impuissants,
Résolu de combattre, attendait les Persans.
Mais, comme vous savez, malgré ma diligence,
Un long chemin sépare et le camp et Byzance;
Mille obstacles divers m'ont même traversé :
Et je puis ignorer tout ce qui s'est passé.
ACOMAT.
Que faisaient cependant nos braves janissaires?
Rendent-ils au sultan des hommages sincères?
Dans le secret des coeurs, Osmin . n'as-tu rien lu ?
Amurat jouit-il d'un pouvoir absolu ?
Amurat est content, si nous le voulons croire,
Et semblait se promettre une heureuse victoire.
Mais en vain, par ce calme, il croit nous éblouir;
Il affecte un repos dont il ne peut jouir.
C'est en vain que, forçant ses soupçons ordinaires,
Il se rend accessible à tous les janissaires;
II se souvient toujours que son inimitié
Voulut de ce grand corps retrancher la moitié,
Lorsque pour affermir sa puissance nouvelle.
Il voulait, disait-il, sortir de leur tutelle.
Moi-môme, j'ai souvent entendu leurs discours;
Comme il les craint sans cesse , ils le craignent
[toujours;
Ses caresses n'ont point effacé cette injure.
Votre absence est pour eux un sujet de murmure :
Ils regrettent le temps, à leur grand cceur si doux,
Lorsque assurés de vaincre, ils combattaient sous vous.
ACOMAT.
Quoi ! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée
Flatte encor leur valeur et vit dans leur pensée?
Crois-tu qu'ils me suivraient encore avec plaisir,
Et qu'ils reconnaîtraient la voix de leur vizir!
OSMIN.
Le succès du combat réglera leur conduite :
Il faut voir du sultan la victoire ou la fuite.
Quoiqu'il regret, seigneur, ils marchent sous ses lois,
Ils ont à soutenir le bruit de leurs exploits ;
Ils ne trahiront point l'honneur de tant d'années.
Mais encor le succès dépend des destinées.
Si l'heureux Amurat, secondant leur grand cœur,
Aux champs de Babylone est déclaré vainqueur,
Vous les verrez soumis rapporter dans Byzance
L'exemple d'une aveugle et basse obéissance ;
Mais si, dans lé combat, le destin plus puissant
Marque de quelque affront son empire naissant.
S'il fuit... ne doutez point que, fiers de sa disgrâce,
A la haine bientôt ils ne joignent l'audace.
Et n'expliquent, seigneur, la perte du combat
Comme un arrêt du ciel qui réprouve Amurat.
Cependant, s'il en faut croire la renommée,
BAJ
Il a depuis trois m'ois fait partir de l'armée
Un esclave chargé de quelque ordre secret.
Tout le camp interdit tremblait pour Bajazet;
On craignait qu'Amurat, par un ordre sévère,
N'envoyât demander la tête de son frère.
ACOMAT.
Tel était son dessein. Cet esclave est venu;
11 a montré son ordre, et n'a rien obtenu.
Quoi! seigneur, le sultan reverra son visage
Sans que de vos respects il lui porte le gage?
ACOMAT.
Cet esclave n'est plus; un ordre, cher Osmin,
L'a fait précipiter dans le fond de l'Euxin.
OSMIN.
Mais le sultan, surpris d'une trop longue absence,
En cherchera bientôt la cause et la vengeance.
Que lui répondrez-vous 7
ACOMAT.
Peut-être, avant ce temps,
Je saurai l'occuper de soins plus importants.
Je sais bien qu'Amurat a juré ma ruine;
Je sais, à son retour, l'accueil qu'il me destine.
Tu vois, pour m'arracher du cœur de ses soldats,
Qu'il va chercher sans moi les sièges, les combats.
Il commande l'armée, et moi, dans une ville,
11 me laisse exercer un pouvoir inutile.
Quel emploi, quel séjour, Osmin, pour un vizir!
Mais j'ai plus dignement employé ce loisir :
J'ai su lui préparer des craintes et des veilles,
Et le bruit en ira bientôt a ses oreilles.
Quoi donc? Qu'avez-vous fait?
ACOMAT.
J'espère qu'aujourd'hui
Bajazet se déclare, et Roxane avec lui.
OSMIN.
Quoi ! Roxane, seigneur, qu'Amurat a choisie
Entre tant de beautés dont l'Europe et l'Asie
Dépeuplent leurs Etata et remplissent sa cour?
Car on dit qu'elle seule a fixé son amour ;
Et même il a voulu que l'heureuse Roxane,
Avant qu'elle eût un fils, prit le nom de sultane.
Il a fait plus pour elle, Osmin : il a voulu
Qu'elle eût dans son absence un pouvoir absolu.
Tu sais de nos sultans les rigueurs ordinaires :
Le frère rarement laisse jouir ses frères
De l'honneur dangereux d'être sortis d'un sang
Qui les a de trop près approchés de son rang.
L'imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance,
Traîne, exempt de péril, une éternelle enfance :
Indigne également de vivre et de mourir,
On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir.
L'autre, trop redoutable et trop digne d'envie,
Voit sans cesse Amurat armé contre sa vie;
Car enfin Bajazet dédaigna de tout temps
La molle oisiveté des enfants des sultans :
11 vint chercher la guerre au sortir de l'enfance,
Et même en fit sous moi la noble expérience;
Toi-même, tu l'as vu courir dans les combats,
Emporter après lui tous les cœurs des soldats,
Et goûter, tout sanglant, le plaisir et la gloire
Que donne aux jeunes cœurs la première victoire.
Mais, malgré ses soupçons, le cruel Amurat,
Avant qu'un fils naissant eût rassuré l'Etat,
N'osa sacrifier ce frère à sa vengeance.
Ni du sang ottoman proscrire l'espérance.
Ainsi donc, pour un temps, Amurat désarmé
Laissa dans le sérail Bajazet enfermé.
Il partit, et voulut que, fidèle à sa haine,
Et des jours de son frère arbitre souveraine,
Roxane, au moindre bruit, et sans autres raisons.
Le fît sacrifier à ses moindres soupçons.
Pour moi, demeuré seul, une juste colère
Tourna bientôt mes vœux du côté de son frère.
J'entretins la sultane, et, cachant mon dessein,
Lui montrai d'Amurat le retour incertain,
Les murmures du camp, la fortune des armes;
Je plaignis Bajazet; je lui vantai ses charmes,
Qui, par un soin jaloux, dans l'ombre retenus,
Si voisins de ses yeux, leur étaient inconnus.
Que te dirai-je enfin? La sultane éperdue
N'eut plus d'autre désir que celui de sa vue.
Mais pouvaient-ils tromper tant de jaloux regards
Qui semblaient mettre entre eux d'invincibles rem-
parts ?
ACOMAT.
Peut-être il te souvient qu'un récit peu fidèle
De la mort d'Amurat fit courir la nouvelle.
La sultane, à ce bruit feignant de s'effrayer,
Par des cris douloureux eut soin de l'appuyer.
Sur la foi de ses pleurs, ses esclaves tremblèrent;
De l'heureux Bajazet les gardes se troublèrent;
Et les dons achevant d'ébranler leur devoir,
Leurs captifs dans ce trouble osèrent s'entrevoir.
Roxane vit le prince ; elle ne put lui taire
L'ordre dont elle seule était dépositaire.
Bajazet est aimable ; il vit que son salut
Dépendait de lui plaire, et bientôt il lui plutf'''
Tout conspirait pour lui : ses soins, sa complaisance,
Ce secret découvert et cette intelligence,
Soupirs d'autant plus doux qu'il les fallait celer,
L'embarras irritant de ne s'oser parler,
Même témérité, périls, craintes communes.
Lièrent pour jamais leurs cœurs et leurs fortunes.
Ceux mêmes dont les yeux les devaient éclairer,
Sortis de leur devoir, n'osèrent y rentrer.
OSMIN.
Quoi ! Roxane, d'abord leur découvrant son âme,
Osa-t-elle a leurs yeux faire éclater sa flamme ?
ACOMAT.
Ils l'ignorent encore ; et jusques a ce jour,
Atalide a prêté son nom à cet amour.
Du père d'Amurat Atalide est la nièce;
Et même avec ses fils partageant sa tendresse.
Elle a vu son enfance élevée avec eux.
Du prince, en apparence, elle reçoit les vœux;
Mais elle les reçoit pour les rendre à Roxane,
Et veut bien, sous son nom, qu'il aime la sultane.
Cependant, cher Osmin, pour s'appuyer de moi,
L'un et l'autre ont promis Atalide à ma foi.
OSMIN.
Quoi! vous l'aimez, Beigneur?
ACOMAT. *
Voudrais-tu qu'à mon âge
Je fisse de l'amour le vil apprentissage?
Qu'un cœur qu'ont endurci la fatigue et les ans
Suivît d'un vain plaisir les conseils imprudents?
C'est par d'autres attraits qu'elle plaît & ma vue.
J'aime en elle le sang dont elle est descendue.
Par elle Bajazet, en m'approchant de lui,
Me va contre lui-même assurer un appui.
Un vizir aux sultans toujours fait quelque ombrage :
BAJ
A peine ils l'ont choisi qu'ils craignent leur ouvrage ;
Sa dépouille est un bien qu'ils veulent recueillir,
Et jamais leurs chagrins ne nous laissent vieillir.
Bajazet aujourd'hui m'honore et me caresse;
Ses périls tous les jours réveillent sa tendresse :
Ce même Bajazet, sur le trôno affermi,
Méconnaîtra peut-être un inutile ami.
Et moi, si mon devoir, si ma foi ne l'arrête,
S'il ose quelque jour me demander ma tête...
Je ne m'explique point, Osmin; mais je prétends
Que du moins il faudra la demander longtemps.
Je sais rendre aux sultans de fidèles services;
Mais je laisse au vulgaire adorer leurs caprices,
Et ne me pique point du scrupule insensé
De bénir mon trépas quand ils l'ont prononcé.
Voilà donc de ces lieux ce qui m'ouvre l'entrée,
Et comme enfin Roxane à mes yeux s'est montrée
Invisible d'abord, elle entendait ma voix,
Et craignait du sérail les rigoureuses lois;
Mais enfin, bannissant cette importune crainte,
Qui dans nos entretiens jetait trop de contrainte,
Elle-même a choisi cet endroit écarté.
Où nos cœurs à nos yeux parlent en liberté.
Par un chemin obscur un esclave me guide.
Et... Mais on vient. C'est elle et sa chère Atalide.
Demeure; et, s'il le faut, sois prêt à confirmer
Le récit important dont je vais l'informer.
Au second acte, Roxane propose à Bajazet
de lever immédiatement l'étendard de la ré-
volte, pourvu qu'auparavant il lui donne le
titre d épouse , comme Soliman l'avait fait
pour Roxelane. Bajazet s'excuse sur l'usage,
depuis longtemps adopté par les sultans, de
ne partager le trône avec aucune femme; il
verra plus tard ce qu'il pourra faire; mais,
pour assurer le succès de leurs desseins com-
muns, il ne doit pas commencer par mécon-
tenter le peuple et l'armée. Roxane, irritée de
ce refus, se retire en menaçant de faire exé-
cuter l'ordre d'Amurat. Dans les scènes sui-
vantes, Acomat s'efforce en vain d'obtenir de
Bajazet qu'il renonce a son amour pour Ata-
lide on que du moins il feigne de céder à celui
de Roxane; mais Atalide est plus heureuse,
et, tout en laissant percer la douleur qu'elle
aura de le perdre, elle le décide à tenter quel-
que 'chose pour apaiser celle qui peut d'un
mot l'envoyer à la mort.
L'acte suivant nous montre d'abord Bajazet
et Roxane réconciliés ; elle n'exige plus que
Bajazet l'épouse d'abord -, elle compte sur sa
promesse, et elle va donner le signal attendu
pour commencer l'exécution du complot. Mais
à cette nouvelle, Atalide ne peut contenir les
sentiments jaloux qu'elle éprouve ; Bajazet,
averti par la douleur de son amante, s'aper-
çoit que Roxane a donné aux paroles qu'il lui
a dites un sens plus étendu que celui qu'il
leur attribuait lui-même; il se montre plus
froid avec elle, et cette froideur réveille tous
les soupçons de la sultane, dont l'indécision
se trouve encore augmentée par l'annonce
d'un message pressant qui lui est envoyé par
Amurat. •
Au quatrième acte, Roxane vient elle-même
apprendre a Atalide que Babylone est tombée
au pouvoir du sultan, que celui-ci revient vic-
torieux et qu'il ordonne de nouveau la mort
de Bajazet. Ce coup terrible accable la jeune
princesse, qui tombe privée de sentiment et
dévoile ainsi aux yeux de sa rivale la force
de son amour. On la porte dans une autre
chambre, et les femmes qui s'empressent à la
secourir- découvrent une lettre de Bajazet
qu'elle tenait cachée sur son sein. La lettre
est remise à Roxane, qui y trouve la preuve
manifeste qu'elle n'est pas aimée. Elle exhale
son indignation en s'écriant :
Ah ! de la trahison me voilà donc instruite !
Je reconnais l'appât dont il m'avait séduite.
Ainsi donc mon amour était récompensé,
Lâche, indigne du jour que je t'avais laissé!
Ah! je respire enfin, et ma joie est extrême
Que le traître une fois se soit trahi lui-même.
Libre des soins cruels où j'allais m'engager,
Ma tranquille fureur n'a plus qu'a se venger.
Qu'il meure ! vengeons-nous. Courez ; qu'on le saisisse:
Que la main des muets s'arme pour son supplice;
Qu'ils viennent préparer ces nœuds infortunés
Par qui de ses pareils les jours sont terminés.
Cours, Zalime ; sois prompte à servir ma colère !
Et un peu plus loin :
Avec quelle insolence et quelle cruauté
Ils se jouaient tous deux de ma crédulité!
Quel penchant, quel plaisir je sentais à les croire!
Tu ne remportais pas une grande victoire,
Perfide, en abusant ce cœur préoccupé,
Qui lui-même craignait de se voir détrompé.
Moi, qui de ce haut rang qui me rendait si fiêre.
Dans le sein du malheur t'ai cherché la première
Pour attacher des jours tranquilles, fortunés,
Aux périls dont tes jours étaient environnés,
Après tant de bonté, de soins, d'ardeurs extrêmes,
Tu ne saurais jamais prononcer que tu m'aimes!
Mats dans quel souvenir me laissé-je égarer?
Tu pleures, malheureuse! Ah! tu devais pleurer
Lorsque, d'un vain désir à ta perte poussée.
Tu conçus de le voir la première pensée.
Tu pleures ! et l'ingrat, tout prêt a te trahir,
Prépare les discours dont il veut t'éblouir ;
Pour plaire û ta rivale, il prend soin de sa vie.
Ah ! traître, tu mourras... Quoi ! tu n'es point partie !
Va. Mais nous-même allons, précipitons nos pas :
Qu'il me voie, attentive au soin de son trépas,
Lui montrer à la fois et l'ordre de son frère
Et de sa trahison ce gage trop sincère.
Toi, Zatime, retiens ma rivale en ces lieux.
Qu'il n'ait, en expirant, que ses cris pour adieux.
Qu'elle soit cependant fidèlement servie;
Prends soin d elle; ma haine a besoin de sa vie.
Ah! si, pour son amant facile à s'attendrir,
La peur de son trépas la fit presque mourir,
Quel surcroit de vengeance et de douceur nouvelle
De le montrer bientôt pâle et mort devant elle,
De voir sur cet objet ses regards arrêtés
Me payer les plaisirs que je leur ai prêtés!
-Va, retiens-la. Surtout, garde bien le silence.
En ce moment, Acomat se présente devant
elle, et elle lui déclare sa résolution de faire
périr Bajazet. Le vizir, qui sait combien il se-
rait inutile de lutter contre les fureurs d'une
amante jalouse, feint d'entrer dans son nou-
BAJ
75
veau dessein; mais il n'a pas encore perdu
l'espoir de la voir renoncer à sa vengeance ;
il dit à son confident Osmin :
Je connais peu l'amour; mais j'ose terépondre
Qu'il n'estpas condamné, puisqu'on veut îe confondre;
Que nous avons du temps. Malgré son désespoir,
Roxane l'aime encore, Osmin, et le va voir.
Loin de se laisser abattre, il persiste dans
la résolution qu'il a prise, et il termine ainsi
la dernière scène :
D'amis et de soldats une troupe hardie
Aux portes du palais attend notre sortie.
La sultane, d'ailleurs, se fie à mes discours.
■Nourri dans le sérail, j'en connais les détours;
Je gais de Bajazet l'ordinaire demeure;
Ne tardons plus, marchons; et, s'il faut que je meure.
Mourons.; moi, cher Osmin, comme un vizir, et toi.
Comme le favori d'un homme tel que moi.
Au cinquième et dernier acte , les événe-
ments se précipitent. Comme lavait prévu
Acomat, Roxane veut encore faire une der-
nière tentative sur celui qu'elle aime avec fu-
reur; mais la proposition qu'elle lui fait mon-
tre tout ce qu'il y a de sauvage dans ce cœur,
à qui les mœurs du sérail ont laissé toute sa
rudesse ; elle dit à Bajazet :
Pour la dernière fois, veux-tu vivra et régner ?
J'ai l'ordre d'Amurat, et je puis t'y soustraire.
Mais tu n'as qu'un moment : parle.
BAJAZET.
Que faut-il faire?
ROXANE.
Ma rivale est ici : suis-moi sans différer;
Dans les mains des muets, viens la voir expirer;
Et, libre d'un amour a ta gloire funeste,
Viens m'engager ta foi ; le temps fera le reste.
Ta grâce est h ce prix, si tu veux l'obtenir.
La réponse de Bajazet est pleine de dignité :
Je ne l'accepterais que pour vous en punir,
Que pour faire éclater aux yeux de tout l'empire
L'horreur et le mépris que cette offre m'inspire.,..
Roxane répond par un seul mot : Sortez! ut
ce mot produit un effet tragique puissant ; car
dans la scène précédente, ella avait dit à
Zatime :
Je puis le retenir; mais s'il sort, il est mort.
Cependant Acomat n'est pas resté inactif; il
s'est mis à la tête d'une troupe de soldats, il
s'est rendu maître du palais et il cherche par-
tout Bajazet. Mais il est trop tard, Bajazet a
succombé sous les coups des assassins postés
par Roxane. Celle-ci elle-même vient de pé-
rir, assassinée par le messager d'Amurat, qui
avait eu connaissance de ses desseins, et la
malheureuse Atalide se tue pour ne pas sur;-
vivre à celui dont elle se reproche' d'avoir
causé la perte.
Tous les critiques reconnaissent que la tra-
gédie de Bajazet ne peut être mise au rang
des chefs-d'œuvre de Racine. On rapporte
que le grand Corneille, assistant à l'une des
premières représentations de cette pièce, dit
à Segrais , qui était à côté de lui : « Avouez
que- voilà des Turcs bien francisés. Je vous le
dis tout bas, car on me croirait jaloux. ■ Non,
Corneille n'était pas aveuglé par la jalousie,
et il avait raison de dire qut, dans certaines
parties du moins, le langage mis par Racine
dans la bouche de ses personnages était bien
plus dans nos mœurs que dans celles des Turcs.
Cela est vrai surtout de toutes les scènes où
Bajazet et Atalide expriment l'amour qu'ils
éprouvent l'un pour l'autre : c'est un amour
trop raffiné, trop rempli de délicatesses toutes
françaises pour la cour des sultans. Boileau
trouvait aussi la versification de Bajazet un
peu négligée, ce qui veut dire toutefois qu'on
y trouve peut-être une soixantaine de vers
critiquables et autant de faibles, sur un millier
d'excellents et trois ou quatre cents d'admira-
bles. Enfin, La Harpe a dit avec beaucoup de
raison : « C'est un ouvrage du second ordre,
qui n'a pu être fait que par un homme du pre-
mier. «
Ce que "Voltaire admirait surtout dans cette
tragédie, c'était le rôle d' Acomat : « Cet Aco-
mat, disait-il, me paraît l'effort de l'esprit hu^
main. Je ne vois rien dans l'antiquité ni chez
les modernes qui soit dans ce caractère, et
la beauté de la diction le relève encore. Pas
un seul vers dur ou faible, pas un mot qui no
soit le mot propre; jamais de sublime hors
d'œuvre, qui cesse alors d'être sublime; ja-
mais de dissertation étrangère au sujet; toutes
les convenances parfaitement observées. En-
fin, ce rôle me parait d'autant plus admirable
qu'il se trouve dans la seule tragédie où l'on
pouvait l'introduire, et qu'il aurait été déplace
partout ailleurs. «
La Harpe, dont le goût est presque toujours
sûr quand la passion ne s'en mêle pas, rap-
porte ce jugement de Voltaire.et cite quelques
incorrections de style, qu'il appelle avec rai -
son une nouveauté dans Racine :
Rien ne m'a pu parer contre ces derniers coups.
C'est un mot impropre. On dit parer des
coups et se garantir des coups. Parer ne peut
s'appliquer aux personnes que comme verbe
réfléchi , suivi de la particule de : Se parer
des embûches de l'ennemi, se parer du solml.
Mais on ne pourrait pas dire : Se parer contre
l'ennemi.
, J'ai reculé vol pleurs autant que je l'ai pu.
Encore un ternie impropre. Si c'est une
ellipse pour dire : J'ai reculé le moment de
faire couler vos pleurs, elle est trop forte; si
c'est une métaphore, elle est fausse; on ne
peut ni avancer ni reculer des pleurs.
Mais je m'assure encore aux boniéi de ton frère.
On dit je m'assure dans vos bontés, et non
pas je m'assure à vos bontés.
76
BAJ
Ne voua informez point ce que je deviendrai.
C'est un solécisme. Il faut abolument ne
vous informez pas de ce que je deviendrai. Il
était si facile de mettre ne me demandez point
ce que je deviendrai, que je soupçonne que du
temps de Racine la construction dont il se
sert était d'usage. Elle n'en est pas moins in-
correcte.
No vous figurez point que, dans cette journée.
D'un lâche désespoir ma vertu consternée...
On est accablé d'un désespoir, abattu par un
désespoir, et l'on n'en est pas consterné. On
ne pe«t être consterné que du désespoir d'au-
trut : Je l'ai vu dans un désespoir qui m'a con-
sterné.
Et ma bouche et mes yeux, du menBonge ennemis,
Peut-être dans le temps que je voudrais lui plaire,
Feraient par leur désordre un effet tout contraire.
On ne peut pas dire désordre de ma bouche
et de mes yeux. L'intervalle d'un vers rend la
faute moins sensible, mais non pas moins
réelle.
J'irai, bien plus content et de vous et de moi.
Détromper son amour d'une feinte forcée.
Que je n'allais tantôt déguiser ma pensée.
Le comparatif plus est séparé du relatif que
de manière que la phrase n'est plus française.
La construction exacte et naturelle deman-
dait que' la phrase fût disposée ainsi : j'irai
détromper son amour d'une feinte forcée, bien
plus content de vous et de moi, que je n'allais
tantôt déguiser ma pensée.
Poursuivez, s'il le faut, un courroux légitime.
On dit suivre le courroux et poursuivre la
vengeance. La raison en est simple : suivre le
courroux, c'est se laisser mener par lui ; pour-
suivre la vengeance, c'est courir après pour
la trouver. Telle est la différence de ces deux
termes, au figuré comme au propre.
Ses yeux ne l'ont-ils point séduite?
Boxane est-elle morte? ....
Séduite ne peut être ici le synonyme de
tromper; il ne l'est jamais que dans le sens
moral. J'ai cru le voir ; mes yeux m'ont trompé,
et non pas mes yeux m'ont séduit. Les yeux de
cette femme m'ont fait croire qu'elle m'aimait :
Us mont trompé, ils m'ont séduit. Tous les
deux sont bo/is. .
On pourrait relever d'autres fautes, mais ce
sont là les plus graves que j'ai remarquées.
On a beaucoup critiqué ce vers :
Croiront-ils mes périls et vos larmes rinceres?
Je ne le blâmerais pas. Je sais bien qu'on
ne dit pas des périls sincères; mais sincères
convient au dernier mot, qui est larmes, et
cette interposition fait passer le premier. Il y
a mille exemples en poésie de cette espèce de
licence. Le sens est parfaitement clair : Croi-
ront-ils mes périls véritables et mes larmes
sincères? Voila ce qu'on dirait en prose, et, en
vers, l'affinité des idées de véritables et de
sincères fait passer la hardiesse qui favorise
la précision sans nuire à la clarté. >
Dans ses Lettres, Mme Qe Sévigné ne tarit
Îias sur la tragédie de Bajazet. Il est vrai que
e rôle de Roxane fut le triomphe de la Champ-
mêlé, qu'elle appelait alors et pour cause « ma
belle-fille. » i Racine, écrit-elle à Mme de Gri-
gnan, a fait une tragédie qui s'appelle Bajazet
et qui enlève la paille. Vraiment, elle ne va
empirando, comme les autres. M. de Tallard
dit qu'elle est autant au-dessus des pièces de
Corneille que celles de Corneille sont au-des-
sus de celles de Boyer. Voilà ce qui s'appelle
louer. Il ne faut point tenir la vérité captive :
nous en jugerons par nos yeux et nos oreilles. •
— « Nous avons été à Bajazet, dit-elle encore
à la même. Ma belle- fille nous a paru la plus
miraculeusement bonne comédienne que j'aie
jamais vue. Elle surpasse la Désœiilets de
cent mille piques, et moi, qu'on croit assez
bonne pour le théâtre, je ne suis pas digne
d'allumer les chandelles quand elle paraît.
Elle est laide de près, et je ne m'étonne pas
que mon fils ait été suffoqué par sa présence.
Mais quand elle dit des vers, elle est adorable.
Bajazet est beau ; j'y trouve quelque embar-
ras sur la fin; et il y a bien de la passion,
mais de la passion moins folle que celle de
Bérénice. Je trouve pourtant, à mon petit
sens, qu'elle ne surpassera pas Andromaque. *
Lorsque Bajazet fut imprimé, Mme de Sé-
vigné 1 envoya à M"" de Grignan, en lui di-
sant : < Si je pouvais vous envoyer la Champ-
mélé, vous trouveriez la tragédie meilleure ;
mais sans elle, elle perd la moitié de son prix. »
On a prétendu que la mort de Monaldeski,
que la reine Christine fit assassiner à Fontai-
nebleau, après lui avoir montré quelques let-
tres qu'il avait écrites et lui avoir reproché
son infidélité, avait donné à Racine l'idée de
la fameuse scène du cinquième acte entre
Roxane et Bajazet; mais rien n'est moins
prouvé que cette assertion.
BAjet s. m. (ba-jè). Moll. Nom d'une es-
pèce d'huître qu'on trouve dans les mers du
Sénégal.
BAJETT1 (Jean), compositeur milanais et
directeur du théâtre de la Scala, est auteur
de deux opéras joués à Naples et qui réussi- .
rent peu. Il a écrit nombre de morceaux de
danse pour les ballets en collaboration avec
Panizza Croft et Pugnie.
BAJOCASSES ou BODIOCASSES. Peuple de
la Gaule Lyonnaise II , dans le pays qui
forme actuellement le département du Calva-
dos. La capitale était Avgustodurum, auj.
Haykux.
BAJ
BAJOCCO s. m. (ba-jok-ko — corrupt. de
l'ital. baïoco). Métrol. Petite monnaie des
Etats-Romains. Son (le ! elle ne rapporte pas
un bajocco. (Alex. Dumas.) Le baron traversa
triomphalement les groupes, qui l'appelaient
Excellence pour avoir un bajocco. (Alex. Du-
mas.) V. BAÏOQUE.
BAjoire s. f. (ba-joua-re — corrupt. de
baisoir, parce que les deux têtes semblent se
baiser). Numism. Médaille ou monnaie à
deux tôtes affrontées , c'est-à-dire placées
face à face ou superposées et de profil. On a
frappé des bajoirbs en France, sous Henri IV.
Les bajojres les plus connues sont celles des
Pays-Bas. On donnait jadis le nom de bajoire
à une monnaie d'argent de Genève.
ll.UON, médecin et naturaliste français,
mort vers la fin du xvnie siècle. De 1763 à 1775.
il séjourna à la Guyane comme chirurgien
major, s'occupa d'histoire 'naturelle, et fut
nommé correspondant de l'académie des
sciences. Il a publié ses observations sous ce
titre : Mémoires pour servir à l'histoire de
Cayenne et de la Guyane française (Paris,
1777-1778, 2 vol. in-8"). Cet ouvrage fut tra-
duit en allemand.
EAJOU s. m. (ba-jou). Navig. La plus
haute des barres du gouvernail d'un bateau
foncet.
BAJOUE s. f. (ba-joû — rad. bas et joue).
Mamm. Partie de la tête d'un quadrupède
qui s'étend de l'œil à la mâchoire. Se dit
particulièrement du veau et du cochon.
— Par dénigr.Joue d'homme ou de femme
pendante ou fortement prononcée : Le fer-
mier avait une figure qui ressemblait à celle
de Louis XVIII, à fortes bajoues rubicondes.
(Balz.) Ses flasques bajoues et ses favoris
tremblaient au branle d'une mâchoire encore
bien garnie. (Th. Gaut.)
— Techn, Chacune des éminences qui se
trouvent aux jumelles de la machine em-
ployée à la préparation du plomb dont on
garnit les vitraux.
bajoyer s. m. (ba-joa-ié). Archit. hydraul.
Nom des deux massifs en maçonnerie ou en
bois qui forment les parties latérales d'une
écluse : Les bajoykrS ont, près de leurs ex-
trémités, un vide pour loger les portes bus-
quées. Les bajoyers devant résister à ta
poussée de l'eau en dedans de l'écluse et à la
poussée des terres en dehors, on apporte un
grand soin à leur confection. On disait autre-
fois jouillère. w Bajoyer de rive ou de terre,
Celui qui est le plus rapproché du rivage, il
Bajoyer de large, Celui qui en est le plus
éloigné.
— Par ext. Mur eu pisé à l'aide duquel on
consolide les berges d'une rivière, aux abords
d'un pont, pour empêcher le courant de se
dévier et d'attaquer le pont.
— Hist. eccl. Officiai des évoques ou des
abbés, il Dans les monastères, se disait du
procureur et de celui qui faisait les fonctions
de moniteur.
BAJTAI (Antoine), jurisconsulte et historien
hongrois, né en 1717, mort en 1775. 11 était
professeur d'histoire et d'antiquité à Vienne
et fut chargé d'enseigner l'histoire à l'archi-
duc, depuis l'empereur Joseph. Il écrivit pour
son élève une Histoire secrète de la Hongrie
qui est restée manuscrite. On a imprimé de
lui : Spécimen rationis in kistoricis institutio-
nibus susceptœ. (Vienne, 1750).
bajule s. m. (ba-ju-le — dulat. bajulus,
celui qui porte). Hist. Ministre, régent.
— Hist. eccl. Celui qui, dans les proces-
sions, portait la croix ou le chandelier.
— Ce vieux mot a eu toutes les significa-
tions de baile et bailli, qui en sont des formes
différentes.
— Encycl. Le mot bajule, qui est aujour-
d'hui hors d'usage, servait à désigner . chez
les Romains calui dont le métier était de porter
les fardeaux. Il désigna ensuite celui qui, dans
la famille romaine, était chargé de porter les
paquets, les lettres, etc. , enfin de faire les com-
missions; ensuite il passa du sens propre au sens
métaphorique, et, àl'époque du Bas-Empire, on
désignait sous ce nom celui qui était spéciale-
ment chargé de l'éducation du prince héri-
tier présomptif de la couronne. Il y avait le
grand bajule et les simples bajules; le pre-
mier était le précepteur en chef, les autres
n'étaient que sous-précepteurs. Charlemagne
emprunta ce nom à l'empire grec et donna
Arnulpbe pour bajule à son fils, Louis-le-Dé-
bonnaire. Dans la suite, on appliqua ce nom à
tout magistrat chargé du gouvernement d'une
province ; c'était le synonyme de bailli.
BAJZA (Antoine), poète et historien hon-
grois, né a Szucsi, le 31 janvier 1804, mort
en mars 1858, débuta par une série d'articles
insérés dans l'almanach littéraire de Kisfâ-
ludy, Aurora, dont il fut rédacteur en chef
de 1830 à 1837. En même temps il collaborait
aux Feuilles critiques, à V Atheneum et plus
tard à l'Observateur. En 1835 il fit paraître un
recueil de Poésies, qui a eu de nombreuses
éditions. Précédemment, il avait publié une
collectiondes Théâtres étrangers (Pesth, 1830),
qui lui valut, en 1837, la place de directeur
du nouveau théâtre national de' Pesth. Mem-
bre ordinaire, dès 1832, de l'Académie hon-
groise ,. ainsi que membre très-actif de la
société Kisfaludy, il a rédigé et édité à Leip-
zig, en 1847, l'almanach de l'opposition : El-
lenisr (le Contrôleur). En 184S, Kossuth le
BAK
nomma rédacteur de la feuille semi-officielle
Kossuth hirlapja, dans laquelle il fit preuve
d'un grand talent de publiciste. On doit encore
à cet écrivain, qui s'est beaucoup occupé des
travaux historiques : Une Bibliothèque histo-
rique (Pesth, 1843-1845, 6 vol.), contenant la
traduction de plusieurs documents étrangers;
le Nouveau Plutarque (Pesth, 1845-1847), d'a-
près les ouvrages allemands ; enfin une His-
toire universelle, rédigée d'après les travaux
de Schlosser, Heeren et Rotteck.
BAKARITE s. m. (ba-ka-ri-te — rad. Ba-
kari, n. pr.). Hist. relig. Sectaire musulman
qui reconnaît comme légitimes l'iman Mo-
hammed al Bakari et son fils.
BAKCHIZ ou BAKCHIS s. m. (bak-chiz —
mot ar.). Gratification, pourboire, en Orient:
On suppose en outre que celte eau guérit de la
lèpre; de pauvres femmes, qui se tiennent près
de la source, vous en offrent une tasse moyen-
nant un léger bakchiz. (Gér. de Nerv.)
BAKE (Laurent), poète hollandais, né à
Amsterdam, mort en 1714. On a de lui des
poésies bibliques sous le titre de Recueil, de
saints cantiques (1682), et des Mélanges poé-
tiques publiés en 1737, et qui sont également
fort estimés.
BAKE (Jean), savant philologue hollandais,
né à Leyde, en 1787, eut pour maître l'illustre
"Wyttenbach. Professeur de littérature grecque
et latine à l'université de Leyde depuis 1815,
il est membre de l'Institut des Pays-Bas et
deJ'Académie des sciences. Outre des écrits
de politique et d'économie politique, on lui
doit des dissertations et des commentaires
critiques, ainsi que des éditions, estimées, de
Posiuonius, de l'astronome Cléomèdes , du
traité des Lois de Cicéron, etc. Collaborateur
du grand recueil philologique, Bibliotheca
critica nova (Leyde, 1825-31, 5 vol.), il a pu-
blié et composé un autre grand ouvrage d'é-
rudition classique : Scnolia hypomemnata
(Leyde, 1837-1852, 4 vol.).
BAKEL, nom d'un fort connu aussi sous le
nom de Galam, construit en 1819 sur la côte
du Sénégal , à 720 kil. environ de Saint-
Louis, dans le but d'établir des relations de
commerce avec les populations de l'Afrique
centrale. M. Raffenel, qui le visita il y a quel-
ques années, le dépeint comme très-malsain.
On troque à Bakel de la gomme, de l'or, de
la cire et des peaux. Les marchandises don1-
nées en échange sont ces produits de paco-
tille dont les nègres sont si avides : verrote-
ries, cotonnades, mousselines, calicot, quin-
caillerie, tabac, poudre, etc.
BAKEL, petite ville de la colonie française
du Sénégal, arrond. de St-Louis, 570 hab. —
Poste militaire pour protéger les marchands
qui se rendent aux escales où se fait le com-
merce de la gomme.
bakeley s. m. (ba-ke-lè). Mamm. Nom
d'une espèce de bœuf de l'Inde et du Cap,
que les Hottentots utilisent comme béte de
somme, il On dit aussi backelyt.
BAKER (Richard), historien anglais, né en
1568, mort en 1645, auteur d'une Chronique
des rois d'Angleterre, ouvrage médiocre, mais
qui eut un prodigieux succès.
BAKEH, voyageur anglais du xvie siècle,
partit en 1563 pour les cotes de la Guinée, fit
ensuite un second voyage au service d'une
compagnie commerciale, et, après une suite
d'aventures et de souffrances de toute nature,
fut recueilli par un vaisseau français, et moH-
rut en Angleterre en 1580. Il a donné une
Relation fort curieuse de ses voyages (1583).
BAKER (David), bénédictin et jurisconsulte
anglais, né en 1575, mort en 1641. Profondé-
ment érudit, il avait formé d'immenses recueils
de matériaux, particulièrement sur l'histoire
ecclésiastique de l'Angleterre. Ses travaux,
auxquels il n'avait sans doute pas mis la der-
nière main, sont restés inédits. Mais beaucoup
d'auteurs en ont profité , surtout Reyner et
Cressy, qui n'ont fait que les mettre en ordre,
l'un dans son Apostolat des bénédictins, l'autre
dans son Histoire de l'Eglise d'Angleterre.
BAKER (Thomas), mathématicien anglais,
né vers 1625, mort en 1690. Il a publié, en
1684, un traité intitulé : La Clef géométrique
ou la porte des équations ouverte, ouvrage qui
n'est pas sans mérite.
BAKER (Thomas), érudit anglais, né à
Crook, en 1656, mort en 1740. Il avait fait de
profondes études dans les antiquités anglaises,
et il avait rassemblé, notamment, plus de
40 vol. in-folio de matériaux pour écrire l'His-
toire de l'université de Cambridge, matériaux
qui ont été conservés dans la bibliothèque de
cette université. Son principal ouvrage a pour
titre Réflexions sur la science ; il a été traduit
en français, par Berger, sous le titre de Traité
de l'incertitude des sciences, (1714). Cet ou- !
vrage embrasse l'universalité des connais- j
sances humaines ; mais il est bien au-dessous
de sa réputation, qui s'est maintenue surtout à
cause de la pureté du style.
BAKER (Henri), naturaliste anglais, mort
en 1774, auteur d'un ouvrage intéressant, tra-
duit par le père Pézenas (1754) sous le titre
de : le Microscope mis à la portée de tout le
monde. Il y a consigné le résultat de recher-
ches intéressantes sur la cristallisation, qui
lui ont mérité, en 1744, le prix de Cowpley.
On a aussi de lui quelques poésies qui ont été
publiées en 1725 et 1720.
BAK
BAKER et JARVIS, petit groupe d'îlots de
l'océan Pacifique, dans la Polynésie, situé par
50 50' de latitude S. et 158<> de longitude O.,
au N.-O. des îles Marquises. Ce groupe se
•compose d'une vingtaine d'Ilots ou récifs de
corail , sans végétation , sans habitants , mais
qui renferment des gisements de guano d'un
grand prix pour l'agriculture. D'après le dire
des compagnies américaines qui , depuis l'an-
née 1858, se sont formées pour l'exploitation
du précieux engrais , les dépôts y paraissent
énormes et pourraient fournir au moins trois
millions de tonneaux. En vertu de l'acte du
congrès américain du mois d'août 1856 , les
Iles Baker et Jarvis sont regardées comme dé-
pendances des Etats-Unis.
bakÉrine s. f. (ba-ké-ri-ne). Inf. Genre
d'animalcules microscopiques.
BAKEWELL (Robert), agronome anglais , né
en 1726, à Dishley, dans le comté de Lei-
cester, mort en 1795. Il fit de belles expé-
riences sur le croisement des races bovines et
ovines, et remporta les premiers prix dans un
grand nombre de concours agricoles. Un de
ses plus beaux titres de gloire est d'avoir créé
la race & laquelle on a donné son nom ou celui
de race de Dishley, qui se reconnaît à la déli-
catesse de la chair, à la légèreté des intestins
et à une disposition à 1 assoupissement. Il
s'occupa aussi des perfectionnements des races
bovines et porcines.
On raconte que le roi d'Angleterre, ayant
entendu parler des résultats extraordinaires
obtenus par Bakewell , le fit venir un jour en
sa présence. Après l'avoir complimenté sur
ses talents d'éleveur, il lui manifesta le désir
de posséder un taureau d'une couleur qu'il
indiqua et portant , à la tète et sur les flancs ,
des taches d'une grandeur et d'une couleur
déterminées : ■ Croyez - vous , lui dit-il , qu'il
soit possible d'obtenir un tel résultat? et com-
bien d'années me demanderiez-vous pour me
présenter le taureau que je viens de décrire? »
Bakewell resta quelques instants sans répon-
dre; il pensait sans doute à la difficulté de
l'entreprise, au choix du taureau et de la
vache avec lesquels il pourrait commencer
son expérience, au nombre de générations qui
permettraient d'approcher d'abord du but, puis
enfin de l'atteindre. Quand il eut bien réfléchi,
il dit au roi : » Sire , je vous amènerai votre
taureau dans ans. » Putril tenir sa parole?
Nous ne savons , mais il est permis de croire
que, s'il ne la tint pas, c'est que le temps lui
manqua. Et puis , Bakewell pouvait toujours
dire in petto, comme le charlatan de la fable :
< D'ici la, le roi , le taureau ou moi , nous
mourrons. « Quoi qu'il en soit de l'histoire ou
de' la fable du taureau, il est aujourd'hui à
peu près certain que Bakewell mettait en
partie en pratique la future théorie de Darwin.
BAKEWELL (race de). Cette race de mou-
tons, encore connue sous le nom de race de
Dishley, au New-Leicester, a été créée dans
le comté de ce nom, à la ferme de Dishley,
par Robert Bakewell. Cette contrée présente
un sol fertile, un climat doux et de riches her-
bages. A l'aide de ces influences heureuses,
Bakewell a transformé l'ancienne race du
pays. Il commença ses travaux en 1755, et en
1760 il loua des béliers à raison de 20 à 25 fr.
par tête. En 1786, son industrie lui rapportait
1,000 souverains (25,000 fr.); en 1789, il loua
trois béliers 1,200 souverains, et retira alors
plus de 170,000 fr. du louage de ses béliers.
On ne connaît pas les moyens qu'employa Ba-
kewell pour améliorer son troupeau. Cepen-
dant, on pense qu'il mit quelquefois en pratique
les croisements Sur une grande échelle et sou-
vent la consanguinité. Il avait appris, par
l'observation, qu il existe un rapport constant
entre certaines formes et la facilité à se bien
nourrir ; c'est pourquoi il recherchait les ani-
maux qui lui convenaient le mieux par leur
conformation, quelle qu'en fût l'origine. En
même temps qu il employait les croisements et
les appareillements, il ne négligeait pas le ré-
gime. Il plaçait son troupeau dans des her-
bages fertiles et plutôt humides que secs,
conditions les plus favorables au développe-
ment du tissu graisseux. Bakewell ne s'atta-
chait qu'à des bêtes précoces, donnant une
grande quantité de viande en proportion du
Ïioids du corps, et négligeant complètement
es qualités qui tiennent au lainage et au poids
des animaux. Mais, plus d'une fois, au lieu de
bêtes molles, lymphatiques, graisseuses et ro-
bustes, il obtint des bêtes débiles, hydropi-
ques ou disposées à le devenir, o Le mouton
Dishley est remarquable, dit M. Magne, par
son corps ramassé, assez court, aussi épais de
droite à gauche que de haut en bas , ce qui le
fait paraître cylindrique ; par sa côte ronde,
son garrot épais et peu sorti, sa région ster-
nale épaisse, aplatie ; son abdomen peu déve-
loppé, son poitrail ouvert, ses lombes larges,
son cou court, grêle et complètement caché
avant la tonte ; par sa tête petite, sans cornes,
à chanfrein droit, et paraissant directement
attachée au tronc, lorsque le corps est cou-
vert de laine. Le squelette est ample, et ce-
pendant léger, car les os sont minces, ce qui
rend la poitrine et le bassin spacieux, et offre
une large surface aux muscles qui fournissent
la meilleure viande, sans que cependant les
os soient lourds. Cette ampleur du squelette,
avec la petitesse des os, forme une des plus
précieuses qualités- de ce bélier : il en résulte
que les viscères placés dans la poitrine peu-
vent bien fonctionner et qu'il existe de vastes
emplacements, sur le dos et les lombes, poiu
recevoir de grandes quantités de chair et de
graisse. Comme signe de la légèreté des os,
il faut noter le peu de volume des cartilages ;
les oreilles sont, proportionnellement à la
taille , étroites et très-minces ; le ■ flanc est
court et l'abdomen peu développé. Les mem-
bres sont fins, mais longs, quoiqu'ils pa-
raissent courts avant la tonte, à cause de
la longueur de la laine; les genoux et les
jarrets sont très-écartés... La laine longue
est grosse et rude, disposée en mèches poin-
tues : les membres, Le ventre, le scrotum et
la tête en sont dépourvus. Le poids de la
toison n'est pas en proportion de la tailledes
animaux et de la longueur des brins ; et même
à mesure que ces moutons engraissent, les
toisons diminuent de poids et la laine perd de
ses qualités. Il existe sur la face, autour des
yeux et sur les oreilles , des taches foncées,
brunâtres. La viande du mouton Dishley est
longue, lâche et laisse beaucoup à désirer
<\uant aux qualités. Elle est souvent trop
grasse, mais cela tient à la précocité et à la
manière dont les animaux sont nourris. Le
Dishley est lent, paresseux et peu propre à
marcher. Il est nécessaire qu'il ait toujours à
sa disposition une nourriture facile à prendre
et qu'à ne soit point exposé à de fortes cha-
leurs. Il fait peu de déperdition , puisqu'il
mange et se couche ; il consomme peu et fait
cependant beaucoup de graisse. Nourri à la
bergerie , il supporte de plus fortes rations de
racines que les animaux de notre pays. Ces
moutons sont peu prolifiques , surtout quand
ils sont déjà âgés et qu'ils ont pris de lagraisse.
Il faut les entretenir sans les engraisser pour
conserver leur fécondité. Cette race ne pré-
sente aucun avantage pour notre pays. Le
climat, les herbages des contrées où se fait
l'élevage du mouton lui conviennent peu. Nous
avons besoin de bêtes plus en rapport avec
notre climat et qui produisent non-seulement
de la viande, mais encore de la laine de belle
qualité. Nous devons employer ce bélier an-
glais pour croiser certaines races françaises ,
les perfectionner et en créer de nouvelles.
Cette race est précieuse pour améliorer celles
des pays qui ne peuvent pas garder longtemps
leurs moutons ni produire 5e belle laine, en
raison de leur trop grande humidité.
BAHEWELL, ville d'Angleterre, comté et à
35 kil. N.-O. de Derby, sur la rive droite de
la Wie- 2,000 hab. — Aux environs, sources
minérales ferrugineuses , mines de plomb ;
beau château de Chatsworth, bâti sur Vempla-
cement de celui qui servit de prison à Marie
Stuart, et le superbe manoir de Haddon.
BAliUA-NAMOUR (lac), lac de l'empire
chinois, entre la petite Boukarie et le Thioet,
dans le Ngari ; longueur iO kil. , largeur
28 kil. Une rivière, qui coule à l'est, lui sert
de communication avec le lac Iké-Namour.
BAKHMOUT, petite ville de la Russie d'Eu-
rope, sur la rivière de ce nom, gouvernement
et a 188 kil. E. d'Ekaterinoslaw; 4,000 hab.
Ville fortifiée, mines de houille dans les envi-
rons. Il Bakhmout, rivière de la Russie d'Eu-
rope, gouvernement d'Ekaterinoslaw; arrose
le district de Bakhmout et se jette dans le
Donetz.
BAKHTALNASSAR , et, par «abréviation ,
BOKHTNASSAR, nom sous lequel les Arabes
désignent le célèbre roi que la Bible appelle
Nebucadnetsar et la version grecque Nabu-
chodonosor. Voici ce que les historiens orien-
taux nous rapportent à son sujet. Bakhtal-
nassar ou Nabuchodonosor était simplement
un des quatre premiers gouverneurs nommés
par le roi Lahorasb, de la dynastie des Caïa-
nides ou Kaîanides. Son véritable nom était
Rakam ; Bakhtalnassar était un surnom com-
posé de deux mots signifiant fortune et vic-
toire. Mohammed ben Cassem diffère cepen-
dant sur ce point, et prétend que Bakht ou
Bokht veut dire, en chaldéen, esclave, servi-
teur; en arabe, abd, et que Nassar était le
nom d'une idole adorée à cette époque. Bakh-
talnassar, gouverneur de Babylonie , ruina la
ville et le temple de Jérusalem. Bahaman,
sixième roi persan de la dynastie des Kaîa-
nides, aurait enlevé à Balthasar, fils de Bakh-
talnassar, le gouvernement de son père pour
le donner à Kirech (Cyrus), que les Hébreux
appellent Korech. D'autres auteurs confon-
dent Bakhtalnassar avec Gudarz ou Goudarz,
général persan qui, sous le règne de Laho-
rasb, conquit la Judée, s'empara de Jérusalem
et soutint différentes autres guerres.
BAKHTCHÉSÉRAI. V. BaGHTCHÉ-SbRAÏ.
BAKHT1SHWA, BAKHT1CHANA ou BAKH-
TICtlUA, nom d'une. famille de médecins ara-
bes, dont les principaux sont : Bakhtisjtwa
(Geurgis). Chargé d'abord de la direction de
l'hôpital de Jonaisabour, il vint, en 769, a la
cour d'Al-Mansour, qui était malade et qui
l'avait appelé pour recevoir ses soins.' — Bakh-
tishwa (Ben-Geurgis), fils du précédent, fut
appelé par le calife Al-Hadi; il fut assez ha-
bile pour le guérir ; mais il l'empoisonna en-
suite pour l'empêcher de faire périr tous ses
autres médecins. Haroun-al-Raschid l'appela
aussi à sa cour et lui conféra la dignité d'ar-
chiâtre. — Baxhtishwa (Giabril), fils du précé-
dent, jouit aussi , pendant quelque temps, de
la faveur d'Haroun-al-Raschid, puis encourut
sa disgrâce. Sous les successeurs d'Haroun, il
eut également des alternatives de disgrâce et
de faveur. On cite encore plusieurs autres
médecins du mêm« nom, dont l'un, surnommé
Abou-Sa, est auteur d'un ouvrage intitulé ;
BAK
Al-Iiandat attabiat, c'est-à-dire Jardin de la
médecine.
BAKHUYSEN. V. BACKUISEN.
BAKI s. m. (ba-ki — mot arabe signifiant
permanent). Relig. mahom. Attribut de Dieu
que les mahometans énoncent au quatre-
vjngtième grain du chapelet.
BAKKA s. m. (bak-ka). Bot. Syn. de
bang.
bakka-mtjna s. m. (bak-ka- mu-na).
Ornith. 'Oiseau de proie nocturne, voisin des
ducs et deschats-huants, qui vit a Ceylan. u
Peu connu.
BAKKER (Gerbrand), médecin hollandais,
né à Enkhuisen, dans le nord de la Hollande,
en 1771, mort en 1828, occupa, depuis 1810
jusqu'à l'époque de sa mort, la chaire d'ana-
tomie, de physiologie et de chirurgie à l'uni-
versité de Groningue. Outre plusieurs notices
sur le Magnétisme animal et les Vers intesti-
naux, il a laissé : Oratio inauguralis de Us
quœ certis obstetriciœ utilitatem augere pos-
simt, et gratam magis acceptamque reddere;
Osleographiapiscium,gadiprœsertim (eglefini,
comparaticum lampride guttato ,specie rariore;
De natura hominis liber elementarius, etc.
BARKER (Pierre-Huysing) , poète hollan-
dais, né vers 1713, mort en 1802. Ses œuvres
se composent de 8 vol. in-8°. On y remarque
un poème estimé sur l'Inondation de 1740, des
Satires contre les Anglais, pleines de véhé-
mence et de feu, et qui ne se ressentent en
rien des quatre-vingt-deux ans qu'avait l'au-
teur lorsqu'il les composa; une dissertation sur
la poésie nationale, des traductions, enfin une
biographie de l'historiographe Wagenaer, son
beau-frère et son ami.
BAKLAGA s. m. (ba-kla-ga — mot russe).
Sorte de vase à double fond en usage en
Russie.
BAKLAVA s. m. (ba-klava). Espèce de ga-
lette ou de gâteau qui se fabrique en Turquie.
Des pâtissiers- enfournaient le baklava. (Th.
Gaut.)
BAKONY-WALD, chaîne de montagnes de
Hongrie, au N. du lac Balaton, l'un des der-
niers contre-forts des Alpes Noriques ; peu éle-
vées, couvertes de forêts de hêtres et de
chênes, dont les glands servent à la nourriture
de la race porcine; gibier abondant.
BAKOU, ville forte de Russie, dans la Trans-
Caucasie, sur la péninsule d'Apschéron; avec
un port sur la côte O. de la mer Caspienne ;
12,000 hab. — Grand commerce de peaux, de
salpêtre, de naphte, avec Astrakan, la Perse
et l'Inde. Dans les environs, marais vaseux
dont les abondantes exhalaisons d'hydrogène
carboné s'enflamment au contact de l'air. —
Jadis khanat indépendant, puis vassal de 1U
Perse, Bakou fui cédé aux Russes en 1723,
rendu aux Perses en 1735, puis passa défini-
tivement aux Russes en 1813.
BAKOUNINE (Michel), patriote russe, né
en 1814, d'un propriétaire de Torschok, dans
le gouvernement de Twer. Après avoir été
élevé à l'école des Cadets de Saint-Péters-
bourg, il entra, avec le grade d'enseigne, dans
l'artillerie de la garde impériale, mais il prit •
bientôt son congé. En 1841, il alla étudier la
philosophie à Berlin - l'année 'suivante, il se
rendit à Dresde, se lia avec Ruge, et publia
une dissertation philosophique dans les Anna-
les allemandes, sous le pseudoyme de Jules
Elysard. Il vint ensuite a Paris, et se mit en
relation avec les principaux membres de l'é-
migration polonaise ; puis il alla à Zurich et
prit une part active aux travaux des associa-
tions socialistes. Bientôt le gouvernement
russe, instruit de toutes ses démarches, lui
retira la permission de voyager à l'étranger et
lui enjoignit de rentrer immédiatement en
Russie, Mais il se garda bien d'obéir , et
toutes ses propriétés furent aussitôt conlis-
quées. Bakounine revint à Paris, et fut admis
au nombre des écrivains qui rédigeaient la
Réforme sous la direction de Flocon. En
1847, dans une réunion de patriotes polonais,
Bakounine prononça un discours chaleureux
pour exciter les Polonais à unir leurs efforts
a ceux des patriotes russes, afin de révolu-
tionner la Russie. Ce discours produisit une
grande sensation, et l'ambassadeur russe de-
manda au gouvernement de Louis-Philippe
l'expulsion de Bakounine, qui alla se réfugier
à Bruxelles. Peu de temps après, la révolution
de février 1848 lui rouvrit les portes de la
France, où les chefs du gouvernement nou-
veau lui fournirent les moyens de poursuivre
le but qu'il voulait atteindre. Il se rendit à
Prague, puis à Berlin et à Dresde, et joua un
rôle important dans les troubles qui agitèrent
ces villes allemandes. Forcé de fuir avec
Heubner et Rœckel, il fut arrêté à Chemnitz,
emprisonné, puis transféré à Kœnigstein et
condamné à mort; mais sa peine fut commuée,
et on le livra au gouvernement autrichien, qui
demandait son extradition. Traduit devant un
conseil de guerre, à Prague, il fut encore
condamné à la peine capitale, qui fut de nou-
veau commuée en celle d'une détention per-
pétuelle. Livré ensuite au gouvernement russe,
il a étéj en 1852, envoyé à l'armée du Cau-
case, ou il fut obligé de servir comme simple
soldat.
BAKOWA, ville des provinces moldo-vala-
ques, à 80 kil. S.-O, de Jassy, sur la Bistritz.
Siège d'un évêché catholique; jadis floris-
sante, aujourd'hui entièrement déchue.
BAL
BAKRANG s. m. (ba-krangh). Bot. Liane
de Madagascar.
BAL s. m. (bal— du laas lat. ballare, danser,
tiré du grec ballismos, danse, ballet, bal. Le
mot baller était très-usité au moyen âge pour
signifier danser, mais il est probable que la
basse latinité a emprunté ce mot, comme
tant d'autres, aux idiomes germaniques, ainsi
qu'on peut le voir par les exemples suivants :
en allemand et en anglais bal se dit bail; en
holl. baal; en danois bal, exactement comme
en français, etc.). Assemblée, réunion où l'on
danse au son d'un ou de plusieurs instru-
ments : Bal bourgeois. Bal champêtre. Aller
au bal. Le bal de la cour. Prendre du plaisir
au bal. Un bal animé. L'entrain d'un bal.
Revenir du bal. Il y a eu un bal hier aux
Tuileries. Le bal n'est pas un plaisir d'enfant,
il ne convient qu'à la jeunesse.- (P . Janet.) La
fureur du bal avant l'âge et après l'âge est
une passion funeste et ridicule. (P. Janet.) Un
soir aux Italiens, Fautre au Grand Opéra, de
là toujours au bal. (***) Dans le grand monde.,
un bal s'indique par ces mots : On dansera; et
dans la classe bourgeoise, par la vieille for-
mule : Il y aura un violon. (Ed. Mennechet.)
Le bal survient; chacun s'est aiguisé.
Do RAT.
Ces bals charmants où les femmes sont reines,
J'y meurs, hélas) J'ai le mal du pays.
BÉRANOER.
Dans vos fêtes d'hiver, riches heureux du monda,
Quand le bol tournoyant de ses feux vous inonde...
V. Hugo.
Le bal survient, chacun s'est déguisé,
On se lutine, on s'égare, on fredonne,
La foule roule, au flot on s'abandonne,
On s'estropie, et l'on s'est amusé.
Dorât.
Jeune Eglé, si l'Amour voulait
Donner un bal aux trois soeurs immortelles,
Que ferait-il? Le nombre est incomplet...
Ce dieu vous choisirait pour former le ballet,
Et pour figurer avec elles.
De Choisy.
Quel bonheur de bondir, éperdue en la foule,
De sentir par le bal ses sens multipliés.
Et de ne pas savoir si dans la nue on roule,
Si l'on chasse, en fuyant, la terre, ou si l'on foule
Un flot tournoyant à ses pieds!
V. Huoo.
— Local où l'on danse .- Aller au bal. Con-
struire un bal. Se rencontrer au bal. Le bal
Valentino. Le bal de la Reine-Blanche. Est-ce
que je vais au bal pour danser? Je vous jure
bien que c'est une corvée, et que je m'y traine
sans savoir pourquoi. (A. de Muss.) A Paris,
tes femmes sont admises dans tous les bals
sans bourse délier. (L.-J. Lareher.)
L'autre hiver, chez un ministre,
U mena ma femme au bal. Béranoer.
— Absol. Je n'aime pas le bal, il s'y fait
plus de dépense de toilette que d'esprit.
(Mme de Staël.)
Elle aimait trop le bal, c'est ce qui l'a tuée.
V. Huoo.
Quels tristes lendemains laisse le bal folâtre!
V. Huoo.
— Fig. Se dit de certaines sociétés et même
de la société en général : Le grand monde est
un bal masqué. (MarmOûtel.)
Ce monde est un grand bal où des fous, déguisés
Sous les risibles noms d'éminence ou d'altesse.
Pensent enfler leur être et hausser leur bassesse. '
Voltaire.
La vie est un bat que commence
La Fortune, tant bien que mal :
"Vient l'Amour qui presse la danse.
Et puis la Mort ferme le bal. (***)
— Est souvent suivi d'un qualificatif qui
en détermine l'objet, la nature, le caractère
particulier : Bal paré, Celui dans lequel on
n'est admis qu'en toilette Spéciale, il Rai
masqué, costumé, Celui qui exige que les in-
vités aient un masque sur le visage, ou soient
déguisés : Le bal masqué de l'Opéra. Il y a
bal costumé chez l'ambassadeur d'Espagne, w
Bal officiel, Celui qui est donné par un mi-
nistre, un grand fonctionnaire. [| Bal d'enfants,
Celui dans lequel on n'admet à danser que
des enfants, u Bal public, Celui qui est ouvert
au premier venu, à la seule condition de payer
un droit d'entrée : Le bal Mabille est un bal
public. Il Bal par souscription, Celui qui est
donné à frais communs par une certaine
quantitéde personnes qui se sont cotisées, ou,
dans lequel on ne peut être admis qu'en dé-
clarant à l'avance vouloir y souscrire, u Bal
de bienfaisance, Celui qui est donné soit au
profit des pauvres, soit à celui de quelque
société charitable, ou au bénéfice de quelques
malheureux inondés, incendiés, etc. il Bal des
jardiniers, des charpentiers, des chapeliers,
des dames de la Halle, des pompiers, etc. , Celui .
qui est donné par ces corps d'état, particu-
lièrement le jour où ils célèbrent la fête de
leur patron.
— La reine du bal, Celle pour qui l'on donne
le bal ou qui en fait les honneurs, ou enfin
celle qui a été la plus belle, la plus fêtée, la
plus admirée, il Ouvrir le bal, Etre le premier
a danser : Un bal fut arrêté à la pluralité des
voix... Le cardinal de Mantoue ouvrit ce bal,
otl le roi Philippe et tous les pères du concile
(de Trente) dansèrent avec autant de modestie
que de dignité. (Lunier.) J'ouvrirai le bal
avec M. Edouard. (Scribe.) Il Donner le bal,
Faire danser, en parlant des musiciens : Qu'ils
viennent vous donner lb bal. (Mol.) il Cette
express, n'est plus en usage.
— Jeux.. Mettre une carte au bal, La jouer.
0 C'est le bal de telle carte, Il faut la jouer.
BAL
77
— Encycl. Hist. Les premiers bals furent
évidemment ceux que les anciens appelaient
la danse des festins. Ils avaient lieu après le
■ repas et étaient formés par les convives qui
s'y adonnaient avec le plaisir qu'a toujours
inspiré cette sorte de divertissement. Philos-
trate attribue à Cornus l'invention de ses
danses; le nom de bal peut aussi être donné
aux danses champêtres que le dieu Pan insti-
tua , et qui étaient exécutées par de jeunes
filles et de jeunes garçons, comme actuelle-
ment encore on voit sur la place publique d'un
grand nombre de nos villages la jeunesse se
réunir dans les beaux jours et se livrer au
plaisir de la danse. Toutefois, cet usage tend
de plus en plus à disparaître; la danse en plein
air, sous le vieux chêne, conduite par un mé-
nétrier monté sur un tonneau, si fort en hon-
neur au xvme siècle, a été remplacée par la
danse à couvert, dans la salle enfumée du
cabaret . perdant ainsi , sans profit pour les
moeurs, tout ce qu'elle avait de primitif et de
gracieux.
En considérant le bal comme divertissement
régulier, nous ne le voyons guère apparaître
en France avant la fin du xive siècle, et encore
il n'est pas suffisamment prouvé que le bal
offert par la ville d'Amiens à Charles VI ait
été autre chose qu'un ballet exécuté par des
danseurs choisis à cette occasion ; mais ce qui
autorise à croire que ce divertissement existait
déjà dans les habitudes des grands, c'est le
ôa^qui eut lieu au faubourg Saint-Marceau, à
l'hôtel de la Reine-Blanche, pendant l'hiver
de 1397 à 1398. Charles VI, un peu remis de
sa maladie mentale, faillit périr dans cette
occasion : il avait fait son entrée avec quatre
seigneurs, déguisés en sauvages, qu'il tenait
enchaînés. Le duc d'Orléans, son frère, ayant
imprudemment approché un flambeau de leurs
costumes, composés d'étoupe et de toile gour
dronnée, les enflamma, et l'incendie se pro-
pageant rapidement, bientôt la salle entière
fut en feu. Les quatr.e compagnons du roi pé-
rirent au milieu des flammes dont ils étaient
eux-mêmes le foyer, et Charles VI ne fut
sauvé que par la présence d'esprit de la du-
chesse de Berry, qui l'enveloppa dans les plis
de sa robe et parvint ainsi a éteindre le feu
qui allait le dévorer. C'en était assez pour
dégoûter des bals costumés ;. mais les femmes,
qui eurent toujours un penchant marqué pour
ce genre d'amusement, ne renoncèrent jamais
à la danse, et, sans nous arrêter au bal histo-
rique dans lequel les cardinaux figurèrent en
1500, ce qui était plutôt une représentation
théâtrale qu'un bat proprement dit, nous arri-
verons de suite aux règnes de François 1er,
Henri II, Henri III et Henri IV, sous lesquels
nous trouvons le bat en pleine floraison; la
cour galante du roi chevalier avait donné le
branle aux fêtes, et elles se succédèrent sans
interruption jusqu'à Louis XIII , comptant
toujours le bal comme le premier, l'indispen-
sable élément du programme. Les divertisse-
ments se ralentirent un peu sous Louis le Juste,
dont la pâle physionomie et le caractère triste
s'accordaient mal avec le joyeux entrain d'une
réunion dansante. Sous Louis XIV, on en
revint aux ballets et aux danses d'apparat,
qui disparurent sous Louis XV, pendant le
règne duquel le bal fit fureur. On dansa par-
tout : à la cour, dans les salons armoriés des
vieux hôtels, comme dansia modeste demeure
du bourgeois. Les bals de l'Opéra, qui furent
créés en 1715 et qui eurent lieu trois fois par
semaine, ce contribuèrent pas peu à faire
naître cet engouement. Nous leur devons une
description particulière; mais, avant de nous
étendre sur ce sujet, disons que jusqu'alors le
bal avait été -primitivement le plaisir des gens
de cour; plus tard, l'usage s'établit de faire du
balle complément indispensable d'une noce;
nous le verrons bientôt, suivant la marche des
idées nouvelles, s'infiltrer dans les mœurs po-
pulaires et devenir le plaisir par excellence de
tous les Parisiens. Ce fut alors que des indus-
triels, songeant que, si le goût de la danse était
général, il n'était possible qu'à un nombre de
gens relativement restreint de donner des
bals, imaginèrent d'ouvrir des établissements
publics spécialement affectés à la danse, et
dans lesquels tout le monde pourrait, moyen-
nant une certaine rétribution, se livrer au
plaisir du bal. L'idée était excellente, et bientôt
s'ouvrirent de nombreux bals publics. Ceux
qui eurent le plus de vogue furent : le jardin
Ruggieri, ouvert en 1766, aux Porcherons; le
Vauxhall, établi par Torré en 1767, rue de
Bondy , au coin de la rue de Lancry ; le Colisée,
ouvert en 1771, aux Champs-Elysées, près le
Carré-Marigny, et où l'on donna des bals en
1773; le Ranelagh, à l'entrée du bois de Bou-
logne, fondé en 1774, et qui devint célèbre
sous la Restauration; le Vauxhall de la foire
Saint-Germain, créé en 1775; la Redoute chi-
noise, qui fit son. ouverture en 1781 à la foire-
Saint-Laurent; le Vauxhall d'été, établi, en
1785, au boulevard Saint- Martin ; le Jardin des
Grands Marronniers, ouvert en 1787 dans le
haut du faubourg Saint -Martin; enfin, la
Grande-Chaumière, fondée en 1788 au boule-
vard Montparnasse. Sous la Révolution, on ne
dansa guère, ou plutôt, si l'on dansa, ce fut
dans la rue, sur les ruines de la vieille société
qui s'écroulait au son du canon , entre une
émeute et une victoire. Ici, nous devons une
mention particulière au bal dit des Victimes.
Après le 9 thermidor, au milieu des réactions
politiques, la frénésie du plaisir succéda tout
à coup au régime austère et violent de la
Terreur. Les fêtes, les spectacles, les bals se
78
BAL
a:
multiplieront de tous côtés. Des industriels et
des royalistes, profitant de l'état de l'opinion,
imaginèrent d'exploiter la pitié publique en
ouvrant des bals de victimes, où l'on n'était
admis qu'autant qu'on avait eu un parent mort
.sur l'échafaud, ou l'on ne pouvait danser que
si l'on avait les cheveux à la victime, c'est-à-d ire
coupés à fleur du col, comme les condamnés
préparés pour l'échafaud. Les femmes se dra-
paient d'un châle rouge, pour rappeler la che-
mise rouge de Charlotte Corday et de la grande
fournée des assassins de Robespierre et de
Collot d'Herbois. Ces parades indécentes de-
vinrent une mode dans une certaine classe de
la société. Jamais on n'avait songé à pleurer
■:Lo cette étrange manière ses malheurs domes-
tiques. Ces exhibitions, ces travestissements,
ces danses tout à la fois élégiaques et satiri-
ues symbolisaient, à ce qu'il parait, la glori-
Ication des victimes et la flétrissure des
bourreaux. Que de choses dans un menuet! 11
est inutile d'ajouter un détail bien connu :
c'est que ces bals n'étaient que des tripots, et
ces prétendues victimes de la Terreur des
joueurs, des débauchés et des filles perdues.
On trouve dans une pièce de vers d'Hégé-
sippe Moreau une allusion à ces mascarades
thermidoriennes :
La charité dansante, avare de centimes,
Aurait prodigué l'or à ce bal des victimes.
Jamais peut-être on ne dansa tant que sous
le Consulat et l'Empire : on célébrait les vic-
toires par des bals, et les brillants officiers de
l'Empire étaient heureux de pouvoir faire
admirer leurs éclatants uniformes au feu des
lustres des salons officfels, comme ils les
avaient fait voir de près à. l'ennemi sur les
champs de bataille.
C'est ici l'occasion de dire quelques mots du
bal que le prince de Schwartzenberg, ambas-
sadeur d'Autriche à Paris, donna lé 2 juillet
1810 pour célébrer le mariage de l'archidu-
chesse Marie-Louise avec Napoléon I", bal
resté si tristement célèbre par la catastrophe
qui en fut la suite. Au milieu de l'immense
mouvement de cette fête, à laquelle assistait
tout ce que Paris comptait d'illustrations dans
la diplomatie, l'armée, la magistrature, la
finance, les lettres, les arts, le feu se déclara
dans la grande salle où s'agitaient les dan-
seurs. Il est impossible de se figurer le désordre
qui éclata dans ce lieu de plaisir, transformé
subitement en un spectacle d'horreur et de
désolation. La jeune impératrice s'échappa a
la hâte, mais l'empereur resta jusqu'à ce que
les flammes fussent éteintes. Plusieurs per-
sonnes périrent dans cet effroyable incendie,
et de ce nombre se trouva la belle-sœur elle-
même du prince de Schwartzenberg. Ce triste
événement, rapproché de la catastrophe qui
avait déjà signalé les fêtes du mariage de
Louis XVI avec cette autre archiduchesse, qui
fut depuis la malheureuse Marie-Antoinette,
éveilla dans l'esprit superstitieux du peuple de
lugubres pressentiments qui, joints a son an-
tipathie naturelle contre les alliances autri-
chiennes, lui firent regretter plus amèrement
la bonne impératrice Joséphine.
Le3 bals publics suivirent l'essor, et partout
il s'en ouvrit de nouveaux. Ce furent : Tivoli,
magnifique établissement où tous les plaisirs
se trouvaient réunis; les Folies de Chartres,
ouvertes en 1797 sur l'emplacement du parc
Monceau; le Jardin Byron qui, d'abord simple,
lieu de promenade, devint bal public en 1797 ;
Paphos, ouvert en 1797 ; le Pavillon do Ha-
novre, en 1707-98; Idalie, bat établi dans le
jardin de l'hôtel Marbeuf, au haut des Champs-
Elysées, près de l'ancienne grille de Chaillot;
le Jardin Beaujon, ouvert en 1801 par Rug-
tieri ; celui de Psyché, qui était situé au coin
e la rue Plumet et du boulevard des Inva-
lides, ouvert en 1816.
Nous sommes arrivé à la Restauration : on
danse encore, mais moins ouvertement ; les
bals publics sont considérés comme de mauvais
lieux, ce qui n'empêche pas les spéculateurs
d'ouvrir, en 1826, le Jardin Labouxière, dit lo
Nouveau Tivoli , au haut de la rue de Clichy
et de la rue Blanche; le Tivoli d'hiver, qui fut
ouvert rue de Grenelle-Saint-Honoré peu de
temps après ; le Prado, spécialement fréquenté
par les étudiants, et situé presque en face du
Palais-de-Justice, ouvert peu de temps avant
la révolution de 1830, et enfin le bal Dourlans,
aux Ternes. Sous le gouvernement de Juillet,
peu de bals nouveaux s'ouvrirent. Les plus
liéquentés étaient le bal Valentino, le Château-
Rouge, le Casino, la Salle Sainte-Cécile, le
bal Montesquieu, le bal du Mont-Blanc, la
Salle d'Antin , le bal du Salon de Mars , l'Er-
mitage Montmartre, le bal de l'Elysée, la
" Grande Chartreuse, devenue le jardin Bullier,
le Prado d'été, et surtout le bal Mabille, fondé
en 1840 ; plus tard vint le Château d'Asitières,
qui eut une grande vogue, et qui, avec le
Casino Cadet, sont à peu près les seuls éta-
blissements dansants créés depuis les vingt
dernières années avec le Château des Fleurs,
aujourd'hui disparu.
Outre ces bals, où un public spécial déploie
un certain luxe, Paris a toujours eu dans son.
sein un nombre considérable de bals ou plutôt
de bastringues exclusivement fréquentés par
des ouvriers, des militaires, de pauvres diables
oui se donnent le plaisir de se trémousser à
1 envi au son criard d'un violon qui cherche
vainement à s'accorder avec an cornet & piston,
Ifcien de plus primitif qu'un de ces établisse-
ments, dont l'enseigne : Au grand. Vainqueur
BAL
ou Au Coq hardi, se détache en lettres noires
à la lueur d'une lanterne sur laquelle est écrit
le mot, si plein d'attrait pour la jeunesse, Bal.
Entrons : un ou deux quinquets fumeux sont
fixés au plafond, un banc court tout autour
des murs badigeonnés, chargés de l'inscription
significative : *Onne fume pas en dansant. » Au
fond, un orchestre formé d'une estrade peinte
des couleurs nationales; et, au milieu de cette
salle obscurcie par un nuage do fumée qui
s'échappe des pipes de la galerie, qui boit du
vin sucré sur des tables séparées de l'endroit
réservé à la danse par une oarrière, s'agitent
et se démènent de jeunes femmes en tablier et
en bonnet, tandis que de grands gaillards en
blouse et en casquette frappent à coups re-
doublés du talon ferré de leurs souliers sur un
parquet que la cire ne visita jamais. Tel est à
peu près l'aspect des bals qu'on appelait au-
trefois bals de barrières. Les environs de
l'Ecole militaire, de Vincennes, le quartier
Mouffetard en possèdent un grand nombre.
D'autres, d'un ordre un peu plus relevé,
sont fréquentés par des ouvriers plus soigneux
de leur mise, par des jeunes filles échappées
du magasin ou de l'atelier, et aussi par de
braves familles d'artisans laborieux qui vien-
nent se délasser le dimanche du labeur de la
semaine en regardant danser la jeunesse.
Mais si nous portons nos regards sur ceux
des bals que nous avons nommés tout a l'heure,
sur Mabille ou le Casino Cadet, le décor
change, et avec le décor les mœurs, le public
et le langage. Le fond seul est le même par-
tout; peut-être même vaut-il moins ici que
là-bas. L'ouvrière se rend au bal pour se livrer
.au plaisir de la danse; les femmes qui fré-
quentent les bals en vogue n'y vont que dans
1 espoir d'y rencontrer quelque amateur de
leurs charmes. Mabille est aujourd'hui l'un
desiaij les plus recherchés du monde frivole.
Le luxe du luminaire et de la décoration inté-
rieure offre un coup d'œil magique, et l'étran-
ger qui, pour la première fois, met le pied dans
cet asile de plaisirs faciles, est émerveillé à la
vue de ce jardin resserré dans d'étroites
limites, mais brillamment éclairé par plus de
trois mille becs de gaz, qui flamboient et re-
flètent la lumière dans d'élégantes vasques de
marbre ornées de fleurs; un excellent or-
chestre faisant exécuter le répertoire le plus
nouveau de quadrilles, de polkas, de redowas
dansés par de charmantes personnes qui
excellent dans l'art de lever le bout de leurs
bottines à la hauteur de l'œil, tels sont les
principaux attraits de cet établissement, fré-
quenté par un pêle-mêle d'individualités bril-
lantes, énigmatiques, indéfinissables, qui ap-
partiennent à tous les mondes : viveurs, ar-
tistes, capitalistes, jeunes fous avides de plai-
sirs et riches voluptueux blasés trouvent là
de quoi satisfaire leurs goûts et leurs désirs.
Ce fut à Mabille que certaines illustrations
chorégraphiques prirent naissance. Qui n'a
connu le fameux Chicard, qui, désertant un
soir les bals d'hiver, introduisit à Mabille la
contredanse échevelée qui prit le nom de ccui-
can? Chicard fut longtemps le grand prêtre
du lieu. Et que de prêtresses il vit éclore!
Céleste Mogador, devenue comtesse de Cha-
brillan, s'y ht une réputation qu'éclipsa bientôt
celle de la reine Pomaré, et qu'égala la non
moins illustre Clara Fontaine au bal de la
Grande Chaumière. Pritchard, Tortillard,
MercureJ M™e Panache, Rose Pompon furent
des célébrités de Mabille, et plus récemment
l'incomparable Rigolboche y régnait en sou-
veraine, au milien d'une cour assidue d'adora-
teurs qui se pâmaient d'aise devant le débau-
ché de sa danse fantastique.
Mabille a été chanté par le chansonnier
Nadaud, et sa chanson les Reines de Mabille
a fait le tour du monde :
Pomaré, Maria,
Mogador et Clora,
A mes yeux enchantés
Apparaissez, chastes divinités ;
C'est samedi, dans le Jardin Mabille
Vous vous livrez a de joyeux ébats ;
C'est là qu'on trouve une galté tranquille
Et des vertus qui ne se donnent pas.
Mais passons du plaisant au sévère. Selon
saint Chrysostome, il n'y a point de plus dan-
gereux ennemis de la vertu que ces divertis-
sements nocturnes, ces bals et ces danses
pernicieuses; saint François de Sales blâme
aussi fortement les bals, qui, choses indiffé-
rentes de leur nature, deviennent pleins de
danger et de péril. « Je vous dis des danses,
ajoute-t-il, comme les médecins disent des po-
tirons et des champignons, les meilleurs ne
valent rien, et les meilleurs bals ne sont guère
bons. » Et Bussy-Rabutin ajoute : « Je sais
bien qu'il y a des gens qui courent moins de
hasard en ces lieux que d'autres; cependant
les tempéraments les plus froids s'y échauf-
fent. Ce ne sont d'ordinaire que des jeunes
gens qui composent ces sortes d'assemblées,
lesquels ont peine à résister aux tentations
dans la solitude; à plus forte raison dans ces
lieux-là, où les objets, les flambeaux, les vio-
lons et l'agitation de la danse échaufferaient
des anachorètes. Les vieilles gens, qui pour-
raient aller au bal sans intéresser leur con-
science , seraient ridicules d'y aller , et les
jeunes gens à qui la bienséance le permettrait
ne le peuvent sans s'exposer à de grands pé-
rils. Ainsi, je tiens qu'il ne faut pas aller au
bal quand on est chrétien, » Nous sommes loin
d'affecter un tel rigorisme, et le bal est une
agréable distraction, lorsqu'il est donné dans
BAL
d'honnêtes maisons où le plaisir peut se
prendre sans laisser derrière lui d'amers
regrets.
— Bals masqués de l'Opéra. Ces bals, dont
l'établissement remonte, nous l'avons dit, à
l'année 1715, furent imaginés par le chevalier
de Bouillon, qui en» fut récompensé par une
pension de 6,000 livres, et ce fut un moine
qui inventa le mécanisme à l'aide duquel le
plancher du parterre se trouve élevé au niveau
de la scène. Dans l'origine, ces bals. étaient
donnés depuis « la Saint-Martin jusqu'à l'A vent,
et depuis l'Epiphanie jusqu'à la fin du carna-
val; plus tard, ils eurent lieu seulement pen-
dant cette dernière époque, et de nos jours ils
commencent vers le 10 décembre pour se
terminer au mardi gras. Vainement l'Opéra
essaya de maintenir dans ses bals les traditions
de bonne compagnie qui en faisaient un lieu
de réunion destiné à la conversation mysté-
rieuse, que favorisaitle masque et l'interdiction
de la danse ; mais l'usage d intriguer les assis-
tants en leur faisant entendre qu'ils étaient
reconnus sous le masque a fini par disparaître.
Ces bals ont été, sous Louis-Philippe, livrés
aux amateurs de la danse échevelée, burlesque,
et ce fut le temps des costumes excentriques,
débraillés; toutefois, cette mode passa, et, do
nos jours, les bals masqués ont deux publics
bien différents : celui des danseurs revêtus de
costumes bizarres, mais élégants, et celui des
promeneurs et des curieux , qui est le plus
considérable. L'entrée du foyer est réservée
aux habits noirs et aux dominos, et c'est un
magnifique spectacle que celui de la salle au
milieu de laquelle tourbillonne, à la lueur do
milliers de flammes, un essaim de masques
aux couleurs variées, multiples, étincelantes,
mis en mouvement par un orchestre incom-
parable , qui exécute sous la direction de
M. Strauss le répertoire le plus dansant qui
puisse exister.
La démolition de l'Opéra va probablement
mettre fin à ces bats, que l'étranger visite
avec un curieux étonnement, qu'augmentent
encore les fragments de conversations bizarres
qu'il saisit au passage, et dont les locutions
ne se trouvent dans aucun dictionnaire. Telles
sont celles-ci : Madame, voulez- vous me faire
l'honneur d'accepter mon bras ; et la dame de
répondre : Merci, tu peux t'fouiller. — Madame
vous offrirai-je de faire un tour de promenade
dans le foyer. — Quelle occas 1 offre-moi un
Balthazar chez Brébant, ou joue la fille de
l'air — ce qui, en bon français, signifie : Me
promener avec vous , c'est peu agréable ,
offrez-mot à souper, ou retirez-vous.
C'est précisément ce langage émaillé d'argot
et d'expressions pittoresques, débité avec des
gestes à l'avenant par des femmes jeunes,
animées par le plaisir, court vêtues, qui forme
le principal attrait de ces réunions frivoles.
Gavarni, dont le crayon railleur a photo-
graphié sous tous ses aspects la vie de Paris,
n'a eu garde d'oublier le bal de l'Opéra. Nous
ne pouvons malheureusement rendre l'esprit
de ces immortelles pochades dont le dessin
fait pour ainsi dire tous les frais. Nous ci-
terons au hasard quelques-unes des plus
connues :
Deux masques abordent un bon jeune homme
en habit noir, dont la figure semble indiquer
qu'il ne prend pas autant de plaisir qu'il s'en
promettait. « C'est un diplomate, dit l'un. —
C'est un épicier. — Non, c'est le mari d'une
femme agréable. — Non, Cabochet; ne vois-
tu donc pas, mon ami, que môsieu est un jeune
homme, farceur comme tout, déguisé en un
qui s'embête à mort. »
Deux habits noirs, ornés chacun d'un faux
nez, viennent d'être intrigués par un domino.
« Qui diable ça peut-il être ? — Voyons, mon
oncle: ma cousine Claire a la migraine.
Mms d'Astée est en deuil. Ma Sûeuj-... ma sœur
a horreur àesbals masqués, d'abord. M"i«De-
bry... Philippe défend a sa femme d'y venir.
Ma tante Clémence... — Ta tante est couchée.
— Mais qui diable ça peut-il être. » L'expres-
sion des deux figures est intraduisible.
Un domino blanc rencontre un domino noir.
« Il n'est pas ici, madame 1 — Il y viendra,
madame 1 > On devine sous le loup de velours
Célimène-et Arsinoé.
Un habit noirj toujours orné du traditionnel
faux nez et qui semble un substitut- en gor
guettes a été victime d'une mystification très-
fréquente au bal de l'Opéra : on lui a collé sur
le dos un écriteau portant ces mots : » On
désire céder Monsieur avec tous les avantages
y attachés. S'adresser à Monsieur, i
Un masque se penche à l'oreille d'un mon-
sieur qui baille à se décarcasser la mâchoire,
o Méfie-toi, Coquardeau ; si tu ne finis pas de
t'amuser comme ça, on va te fich' au violon. »
Un don Juan en habit noir supplie un do-
mino do lever son masque. Un autre domino
lui donne en passant cet avis charitable.
« C'est vieux et laid, mon cher, tu es floué
comme dans un bois. »
Le sexe faible a, dit-on, plus de ressort que
la moins belle moitié du genre humain. Deux
masques, homme et femme, causent ensemble :
« J'ai cancané , dit l'homme, que j'en ai pus
de jambes ; j'ai mal au cou d'avoir crié... et bu
que le palais m'en ratisse. ^— T'es donc pas un
homme ? »
Autre exemple .
L'homme : « Vlà qu'i fait jour ; j'suis échi-
gné, moi, et toi?
La. femme : « Moi pas. »
Deux gentils débardeurs regardent du bal-
BAL
con des premières loges le tourbillon humain.
L'un des deux laisse tomber cette philosophi-
que réflexion : «"Y en a-t-ldes femmes I y. en
a-t-i !... et quand on pense que tout ça mange
tous les iours. C'est ça qui donne une fière
idée de l'homme t »
Un masque adresse à sa compagne, en en-
trant au bal, de paternels avis : « J espère quo
tu vas te tenir, Angélique, et quo tu ne t'épa-
nouiras pas comme Vaut' fois!... Que tu étais
d'une gentillesse à faire dresser le crin sur le
casque à l'autorité. »
Un autre passe, du corridor, sa tête dans la
lucarne d'une loge : «Voyons, Angélina, as-tu
assez fait poser môsieu? »
A la sortie du bal : « Et si Cornélie ne trou-
vait pas de voiture ? — Nous irions à pied. —
Merci I je serai canaille tant qu'on voudra,
mais mauvais genre, jamais 1 »
Encore à la sortie : n Et ton épouse? — Elle
est au violon... mais c'est mon chapeau que
j'ai perdu... v'ià une de catastrophe! »
Un charlatan armé d'une longue baguetto
désigne deux débardeurs, un homme et une
femme, montés sur une banquette. « Le dé-
bardeur mâle et femelle... vivants! rapportés
d'un voyage autour du monde par M. Chicard,
célèbre naturaliste, avec la permission des
autorités 1 Le débardeur est Carnivore, fumi-
vore, hydrophobe et nocturne. Il se repaît de
fibier, de volaille et de poisson!... Il mango
e l'huître, de la sole au gratin, de la mayon-
naise de homard! il mange de tout... même do
l'argent. »
Un mari rencontre sa femmo en gamin :
» Te v'ià ici, toi, c'est comme ça qu't'as ta
migraine? — C'est comme ça qu tu montes ta
garde, toi? »
Un hussard gourmando un petit débardeur
fentil à croquer : « Monter à cheval sur le cou
'un homme qu'on ne connaît pas, t'appelle
ça plaisanter, toi? »
Deux masques trouventun bon jeune homme
endormi sur une banquette : ■ Vlà un gueux
de petit pékin qui se divertit au bal comnfo
un grain de plomb dans du Champagne, — •
Ou comme une croûte do pain derrière uno
malle. ■>
Vers deux heures, lorsque les tètes se sont
légèrement échauffées, des reparties plus ou
moins spirituelles, mais toujours fortement
épicées,s'entre-croisent avec uno rapidité qui
tient du prodige. Les dames de la halle pour-
raient seules tenir tête aux coryphées et jouer
de la clarinette dans ce concert. C'est ordi-
nairement au foyer qu'ont lieu ces assauts,
très-goûtés des badauds, qui forment bientôt
un cercla compacte autour des jouteurs. Es-
quissons au vol un de ces dialogues, en de-
mandant grâce pour sa trivialité • encore
allons-nous mettre un peu d'eau dans le ragoût
avant de le servir.
Deux masques, homme et femme, qui le
pins souvent se sont donné le mot, se trouvent
nez à nez sous l'horloge ;
— Tiens , vlà ma blanchisseuse.
— Va donc coucher tes mioches , vieux
mufle.
— Ah ! que malheur? tu fais ta Sophie?
— A Chaillot, le gêneur.
— Des manières avec ton Dodophe I
— Dis donc, est-ce que nous avons gardé
les moutons ensemble, vieux passionné?
" — Fais pas ta tête... Une douzaine d'huîtres
et mon cœur.
— Mange-la tout seul, et vous serez treize
à table.
— Pus qu'ça de bagout; on voit bien
qu'madame est d'ia haute.
— D'ia haute pègre, comme toi.
— Tu vas t' faire ramasser par l'autorité, si
t'as tant d'esprit qu' ça.
— Est-i collant, ce moderne-là ! puisque
j'te dis qu't'as une araignée dans le plafond,
un n'hanneton dans la voûte, une écrevisse
dam le godiveau; vieux fêlé, va te coucher,
— Dites donc , madame , mettez-vous tou-
jours vos cheveux, eur vot' toilette?
— Et vous, monsieur, votre œil dans un
verre? eto., etc., etc.
Quelquefois deux farceurs s'entendent pour
mystifier les badauds.
Tous doux se rencontrent i
— Ah 1 vous v'ià donc enfin, dit l'un, gros et
grand.
Le second, petit et maigre, ne répond rien.
— Eh bien , drôle ! reprend l'autre , je ne
suis pas fâché de te rencontrer.
Quelques flâneurs s'attroupent.
— Grcdin, c'est à moi cette chemise-là,
continue le grand gaillard j ce pantalon, voua
me l'avez escroque, vous marchez dans mes
bottines, canaille!
Le cercle se rétrécit autour des champions,
le plus petit semble anéanti.
— Bien sûr, i va l' manger, dit un dea as-
sistants.
— Ah! brigand, reprend toujours le même
en s' animant , je ne sais ce qui me retient de
te faire empoigner, de te flanquer une...
On voit poindre le tricorne d'un sergent de
ville.
— Eh bien , mon cher ami , reprend le co-
losse en prenant tranquillement le bras de
son compère , voilà ce qu'il lui a dit, et l'autre
n'a rien trouvé à lui répondre. »
Est-ce bétel fait la foule désappointée.
Jusqu'en 1S36 ou 1837, les bals masqués et
costumés de l'Opéra ne furent que masqués
pour tes femmes, et costumés pour personne.
Le débraillé de Vépoque.lé goût du travestis-
BAL
sèment grotesque, l'amour du cancan,' l'orgie,
en un mot, s'étaient arrêtés au seuil de l'Opéra,
so contentant de régner sans partage au
théâtre des Variétés et à la salle Valentino.
Cependant une tentative avait eu lieu, mais
tentative malheureuse ; il y avait eu'bataille,
mêlée générale, et M. véron s'était .vu obligé
de s'en tenir à ses mélancoliques habits noirs,
qui ne lui rapportaient que 12,000 fr. par an.
Après cette première campagne, M. Mira, fer-
mier des bals en habit noir, s'évertua à trouver
des combinaisons attrayantes pour le public
et productives pour l'entrepreneur. Il inventa
les bals avec tombolas, lots d'argenterie* ca-
chemires et tableaux de grands maîtres. On
ne saurait imaginer tous les genres de séduc-
fille en loterie, blanche et rose, vrai bijou qui
ferait le bonheur du mortel auquel elle écher-
rait. Grand scandale au ministère ; la pudeur
de M. Thiers s'effarouche, et le grand homme
d'Etat appelle à son cabinet M. Vérôn, le di-
recteur. Explications fournies, il s'agissajt
d'une jeune fille peinte par Greuze. On fit
beaucoup de la méprise. Tantôt aussi c'étaieht
des divertissements par les plus jolis rats de
l'Opéra, rats dont la présence au bal, après le
divertissement, était offerte en prime aux
chercheurs d'intrigues et de bonnes fortunes ;
tantôt c'étaient des grotesques à petit corps
et à grosse tête, représentant des personnages
connus et célèbres, Paganini, Vestris, etc.
Rien n'attirait la foule, pas même les danseurs
espagnols, la Dolorès et Camprubi, oui se pro-'
duisirent pour la première fois, à Paris, aux
hais de l'Opéra. Il fallait à ce public blasé des
divertissements plus épicés. Pour lui,cen'était
plus assez du rôle de spectateur, il voulait être
acteur, danseur éehevelé, forcené ; il voulait
S rendre ses ébats dans la salle encore vierge
e l'Opéra. Enfin, Mira arracha a l'autorité là
permission de donner un bal dansant et cos^
tumé ; la veille, l'autorisation fut retirée. Le
matin, Mira n'afficha pas moins son bal, La
journée se passa en luttes avec le pouvoir,
qui ne céda qu'à sept heures, sous la pression
d'une espèce d'émeute populaire et dansante.
Ce conflit avait eu de 1 écho, et la foule, tou-;
jours avide de bruit et de scandale, assiégeait
les portes de l'Opéra, décidée à les enfoncer
en cas de refus. L'autorité céda; le bal eut
lieu, mais le lendemain, le directeur, respon^
sable de la conduite de Mira, fut condamné à
une amende de 10,000 fr. A ce bal, resté fa-
meux, Musard fut deux fois porté en triomphe
autour de la salle, et, dans leur frénésie, ses
admirateurs faillirent le mettre en pièces. Ce
premier bal fut suivi de plusieurs autres, ejus-
tlem farinai, permis et autorisés : la digue était
rompue, le torrent débordait. Comparés aux
bals d'aujourd'hui, lesiate d'avant 1840 étaient
ennuyeux et gourmés. Aujourd'hui, c'est un
mélange d'interpellations comiques, de gestes
étranges, de costumes élégants ou déguenillés^
de tutoiements énergiques et de cris frénéti-
ques. Au foyer, dans les corridors, les con-
versations se ressentent du laisser-aller de la
danse. Prêtez l'oreille : les allusions décolle-
tées, les plaisanteries triviales ne prennent
pas la peine de baisser la voix , et les intrigues,
mot consacré, se nouent et se dénouent tout
haut, sans pudeur ni simagrées. Et ne croyez
pas que les femmes dites comme il faut regar-
dent du haut de leur grandeur ces saturnales
parisiennes ! Elles s'y précipitent avec fréné-
sie, après avoir déclaré, comme de juste,
qu elles leur font horreur ; elles se lancent à
corps perdu dans la cohue pour s'exciter à des
émotions inconnues. Elles s'aventureut seules,
sans peur, rarement sans reproche. Leur in-
cognito ne court aueurivdanger ; qui donc irait,
même les soupçonner, dans ce mauvais lieu?
Désormais les bals de l'Opéra sont assis sur
une base solide. Mira a beau être mort et en-
terré, Paris viveur n'a plus à craindre de s'en
voir privé. Une société de spéculateurs a aû-
thentrquement affermé les bacchanales par
devant Me un tel et son collègue ; ils se sont
engagés à payer à la direction de l'Opéra,
pendant un certain nombre d'années, la somme
annuelle de 40,000 fr. La spéculation n'est pas
mauvaise, car s'ils déboursent 40,000 fr., ils*
en empochent 100,000 : 150 pour 100, voilà ce
que rapportent les saturnales parisiennes.
Mais il y a des détails curieux qu'il serait
mal vraiment de passer sous silence. Les noms
de deux mille femmes perdues sont enregis-
trés et conservés religieusement dans les ar-
chives de l'Académie impériale de musique,
et chaque semaine qui précède le bal, on ex-
•pédie à l'adresse de ces dames des'masses de
billets pour ces fêtes dont elles doivent faire
l'ornement. La Vie du peuple, ivre, débraillée,
criant, vociférant des mots impossibles, se
livre a d'épouvantables orgies. Quant a la
jeunesse dorée, elle dédaigne, ce qui fait
preuve d'un' certain tact, de se mêler à la co-
hue chahutante et vociférante ; mais, comme
elle n'est pas d'humeur à lâcher pied devant
ces hordes de barbares, et qu'en fin de compte,
elle tient à ses bals de l'Opéra, où elle s'est
toujours ennuyée, où elle s'ennuie toujours,
elle se réfugie dans les loges, et ne se hasarde
qu'au foyer, dont une ordonnance de police a
réservé la jouissance exclusive aux habits
noirs.
La fin, l'agonie, le râle d'un bal dé VOpêrà,
vers cinq heures du matin , est quelque chose
d'horrible à voir. On dirait une sortie de l'en-
fer après une orgie pantagruélique. Fatigués,
BAL
épuisés par ces danses convulsives , par ces
cris sauvages, les traits décomposés, la sueur
coulant à flots et confondue avec le rouge, le
blanc; les costumes souillés, déchirés; les
hommes et les femmes étendus, couchés* vau-
trés sur les marches des escaliers. On croit
contempler un champ de bataille jonché de
cadavres; pour entrer, pour sortir* on est
oblige de les fouler aux pieds ; ils ne se déran-
gent pas , ils n'ont plus la force de bouger.
L'ivresse s'est mise aussi de la partie; moyen-
nant une redevance de 4,000 fr., une porte de
communication a été établie entre le restau-
rateur de l'Opéra et la salle : sans sortir du
théâtre, on peut souper, boire, fumer; mais
le lendemain, quel norrible mélange 1 Des
bribes, des lambeaux, des os démembrés, que
des chiens dévorants dédaigneraient de se
disputer entre eux.
Le Grand-Opéra de Paris , la salle-lyrique
et chorégraphique la plus connue du monde
entier, a-t-il toujours fermé les yeux sur cette
lave de dévergondage qui a fini par envahir
ses larges vomitoiresî II serait injuste de le
dire. L'administration a lutté pendant de
longues années; longtemps elle a essayé
de se. maintenir dans ses vieilles tradi-
tions de bonne compagnie , dans ses mys-
tères, ses dominos sombres, ses intrigues
chuchotées sous l'horloge ; ses portes ont dû
céder à l'invasion torrentielle de la foule aux
flots bigarrés et bruyants. La nuit d'un bal
masqué* tout se trouve dans les flancs de
l'Opéra. Sous un dôme éclatant d'or, à la
lueur d'un million de flammes qui fatiguent la
vue, on dirait que son enceinte est une créa-
tion des Mille et une Nuits, hantée par des
êtres fantastiques. Tout Paris est là, mêlé,
confondu, enchevêtré comme dans une danse
d'Holbein, dans une danse diabolique; Paris
jeune, Paris fasbionable, Paris laid, Paris
débauché, Paris artiste et jusqu'à Paris Lace-
naire. Le mystère, mais un mystère sans
poésie^ enveloppe et protège tout cela de son
manteau panaché.
Il y a aussi les bals masqués du grand
monde et ceux de la cour ; mais, là tout se
Î lasse avec décence; on comprend que, quand
es bas-fonds se corrompent, c'est des hau-
teurs de la société que doit descendre le bon
exemple. Sous la Republique de 89, ces satur-
nales n'existaient pas. La démocratie est un
foyer qui moralise et purifie tout, les petits et
les grands, le peuple et l'aristocratie. Les ré-,
publicains et les républicaines de Rome, quand
ils assistaient aux spectacles, avaient soin
d'attendre que Caton eût quitté la salle pour
demander les atellanes. Aujourd'hui, Caton
s'aventurerait dans un bal masquéde l'Opéra,
qu'on crierait Cocardeau et... pis encore.
Disons quelques mots du bal Bullier, aussi
et plus poétiquement nommé la Closerie des
Lilas, appellation empruntée aux fleurs dont
ce jardin est planté, et non aux belles de nuit
qui le fréquentent. C'est le bal privilégié de
la jeunesse de nos écoles de droit et de méde-
cine. Si cet endroit n'était hanté que par les
grisettes, il n'y aurait que demi-mal; mais le
quartier Bréda et l'industrie calicotièrey font
de fréquentes irruptions, circonstance qui
en a singulièrement fait grimacer la riante
physionomie. Certainement nos grisettes ne
sont pas des Charlotte Corday : La Fontaine
aspirait après le pays où l'on dort; la grisette
regarde comme le meilleur des gouverne-
ments celui où l'on danse ; mais, à part cette
légère insouciance en fait de patriotisme, c'est
une bonne fille qui a son époux et qui s'intitule
audacieusement étudiante. Jadis ce bal était
le plus curieux de Paris , nous pourrions dire
du monde entier. Tout y était jeune, franc et
primesautier;
Mais où sont les neigea d'antanî
Tout cela a disparu depuis l'irruption des pe-
tites dames dont nous avons parlé plus haut.
« Si vous vous égarez un soir à Bullier, dit
M. Eugène Vermersch, étudiant en médecine,
vous les rencontrerez par centaines: quelques-
unes venues du quartier Bréda, quelques-unes
de la rue Notre-Dame-de-Lorette, la plupart
ayant leurs pénates au quartier latin, où elles
exploitent la crédulité des novices. La figure
poudrée avec profusion, du rouge à la pau-
pière et sur la joue, les lèvres empourprées
de carmin, les sourcils arrondis en arc de
cercle, la fente des paupières agrandie, un
regard humide sous une voilette blanche, des
mouches assassines adroitement posées sur le
coin de la bouche, des parfums pénétrants qui
excitent les sens, voila le signalement de la
tête; je ne veux pas soulever la robe et vous
faire la description du reste. Elles se promè-
nent dans la salle, d'un pas mesuré, comme
certains animaux dans leurs cages; ne dan-
sent pas, oh! nonl est-ce que l'on vient dans
un bal pour danser?... s'asseyent quelquefois
à une table ; s'accoudent nonchalamment, en
s'éventant* quoiqu'elles n'aient jamais chaud ;
ne disent bonjour a personne , excepté à leur
clientèle; ont un suprême mépris pour les
rares grisettes qui se trouvent dans la salle et
pour les étudiants qui sont avec elles ; jouent
de la prunelle avec ceux qui ont des gants ;
se retroussent quand un vieux paillard passe
à côté d'elles; jappent, toisent le monde, et
j se font appeler les femmes en vogue.
Celles-là, ce sont les femmes de la haute
volée; elles pratiquent le métier franchement,
ouvertement; il n'y a encore trop rien à leur
dire.
Mais il y a une autre espèce, ce que l'on
BAL
appelle, en style d'étudiant, les femmes du
quartier; ce sont celles-là surtout qui sont
coupables. Tout en ayant l'air d'être latines,
elles ne sont rien moins que cela ; ce ne sont
pour la plupart que des coquines. Celles-là
dansent; parbleu 1 c'est un moyen comme un
autre de faire de la réclame, car on pratique
beaucoup le puff à Bullier ; une danse excen-
trique fait bien dans le paysage. Lever la
jambe, faire le grand écart, se livrer à tous
les accès de folle gaieté qui passent par une
tête de vingt ans, rien de mieux que tout cela,
quand le but est de s' amuser ; mais quand il y
a d'autres motifs, quand la fin que l'on se
propose est la réputation, quand les excentri-
cités de la danse ne sont que des moyens de
spéculation, oh! alors, c'est bien différent, et
ce qui était une bouffée de joie toute juvénile
n'est plus à présent que la prostitution de la
gaieté.
En vérité, il y a de tristes études de mœurs
à faire, dans ce séjour qui ne devrait être
l'abri que de l'insouciance et du plaisir. On va
à Bullier faire un homme; quelques femmes,
pratiquent des métiers qui sont cousins ger-
mains de l'escroquerie. On exploite les bou-
quets; en s'entend ant avec la marchande, il
n'est rien de plus facile , et, pour peu que la
femme soit un peu habile, elle arrive à se
faire payer le même bouquet vingt ou trente
fois dans la même soirée. L'une court de l'un
à l'autre, avec son chapeau à la main et son
manteau sur le bras, en demandant à tout le
monde : vingt centimes pour mon vestiaire.
L'autre fait mieux encore, c'est sur les water-
closets qu'elle lève son impôt ; elle monte la
garde devant la porte, et, à chaque personne
qui passe, elle dit : « Ah ! mon Bébé, prête-
moi donc quinze centimes pour tu seras
bien gentil. » Si vous êtes naïf, vous vous
laissez prendre à son air câlin, etvous "lâchez
vos trois sous ; mais si vous repassez quelques
instants après, vous la retrouvez au même
endroit répétant la même chanson à un autre
naïf. Il paraît qu'il est des femmes qui se font
de cette façon de fort jolies recettes, les jours
de bal. Qu'importe la source, n'est-ce pas?
Cet argent-là est bon, beau, sonnant, et, comme
disait Vespasien qui leur a donné l'exemple,
il ne sent pas plus mauvais que l'autre.
Quand elles arrivent à Bullier, en poussant
des cris de paon , il y a souvent une cour
nombreuse qui les attend au bas de l'escalier,
et qui leur fait une sorte d'ovation. Ce sont
les reines du bal; de tristes souveraines, sur
ma parole ! On compte parmi elles les Louise-
Voyageur, les Irma-Canot, les Matkildc, les
Maria, les Léonie, les Augustine; que sais-je,
moi?
Le reste ne vaut pas l'honneur d'être nommé.
Une foule d'obscures pensionnaires de Saint-
Lazare, qui viennent manger dans la main de
la honte le pain émietté par la prostitution;
dont la vie se passe dans les sombres médita-
tions contre la bourse et la santé des habitants
du quartier ; créatures sottes , envieuses les
unes des autres, ne cherchant qu'à se nuire
réciproquement dans la mesure de leurs forces,
fouillant dans les recoins étroits de leurs petits
esprits le moyen de tout salir et de tout gâter,
se morfondant dans l'onanisme de leur orgueil,
jusqu'au jour où , lasse d'elles et de leurs
bonnes œuvres, la police les enlève et les
enferme prudemment dans quelqu'une de leurs
maisons de campagne.
Voilà le dessus du panier ; passons mainte-
nant à la vraie grisette et faisons-en un rapide
croquis, avant que la graine, comme celle du
carlin, en soit à jamais perdue. Pauvres filles
qui travaillent, et qui font autre chose que
1 amour; occupées toute la journée, elles vien-
nent le soir prendre un moment de distraction
avec leur amant, et pincer le léger cancan,
aujourd'hui remplacé par le chahut, un vilain
■nom et une vilaine danse, et s'épanouir le cœur
au radieux soleil de la jeunesse et de la gaieté.
Celles-là ont la noblesse de l'âme, la seule
vraie, la seule que je reconnaisse ; elles n'ont
qu'un seul amant, ne se font point payer à
tant la nuit, et n'en ont pas le droit, d'ailleurs :
elles ne sont pas munies de parchemins... dé-
livrés par la police.
L'une, enlevée au foyer domestique par un
premier amour, a secoué le joug de la famille
pour obéir à l'appel du plaisir, et promène le
char triomphal et radieux de sa jeunesse à
travers les champs calmes et riants de l'in-
souciance et de la franche gaieté. L'autre,
nouvelle Fantine, n'a pas eu la peine de quitter
une famille. Sans parents, sans liens, sans
entraves, elle est entrée de plain-pied dans le
domaine de la liberté; rieuse, toujours con-
tente, sans regrets de la veille, sans soucis de
l'avenir, elle sourit à son présent et cueille le
plus de fleurs qu'il lui est possible dans le
chemin de l'existence ; et, au bout de la route,
si les fleurs sont fanées, elles conserveront
encore les vagues senteurs qui les parfumaient
a l'aurore.
C'est en compagnie de ces blondes jeunes
filles que l'existence paraît moins longue, le
chemin moins âpre, l'air plus pur et le prin-
temps plus doux. »
Nous allons terminer cet article par les con-
sidérations suivantes, que nous empruntons à
M. Joseph de Maistre ; on y verra que le fou-
gueux ultramontain n'éprouvait pas autant de
sympathie pour le bal que pour le bourreau,
et ici nous sommes obligé de dire qu'il n'avait
pas tout à fait tort : « Pourquoi tant de gens
BAL
79
aiment-ils le bal, depuis l'âge de quinze à
vingt ans jusqu'à trente-cinq ou quarante?
Est-ce pour la danse elle-même } pour cet
exercice violent qui laisse après lui la fatigue
et l'accablement? Nous ne le croyons pas.
Otez à un bal toutes ses séductions, et per-
sonne ne s'y rendra. Otez-lui cet orchestre
bruyant qui commence par étourdir la tête et
faire vibrer tous les sens, cette variété de
costumes qui attire les yeux sans leur per-
mettre de se fixer, ce double essaim de jeunes
femmes, de jeunes hommes dont les regards
expriment le plaisir, ces danses voluptueuses
où les bras se croisent, où les corps s'enla-
cent aux dépens de la pudeur et souvent de
l'innocence, ces nudités toujours scandaleuses,
souvent révoltantes, par lesquelles les femmes
ont l'air de se mettre à l'enchère comme dans
les bazars de l'Orient, et ie3 salles de bal se-
ront désertes. Que cherche-t-on donc dans
les bals? Tout ce qui excite les sens au plus
haut degré. Pères et mères, vous savez, par
expérience peut-être, quels dangers attendent
au bal vos jeunes filles, et vous les y con-
duisez ! quel compte vous voulez avoir un jour
à rendre 1 — Mais ce n'est pas sous ce rap-
port que nous voulons aujourd'hui vous parler
du bal. Vous savez très-bien que ce n'est point
là que vos filles prendront le goût de la dé-
cence ; là, ne les attendent point des leçons de
modestie, de vertu et de morale; là, vont se
nouer peut-être des intrigues qui les perdront;
on vous l'a dit cent fois et vous n'en tenez
compte. Ce que peut-être vous ignorez, c'est
que vous détruisez la santé de vos enfants,
que vous leur laissez recevoir le germe de
mille maladies dont vous ne pourrez ensuite
arrêter le progrès, que vous devenez en quel-
que sorte le bourreau de leur adolescence.
Dans la saison des chaleurs, on danse comme
dans l'hiver, et l'on croit n'avoir rien à craindre
des intempéries de l'atmosphère. 'C'est là une
erreur dangereuse. La transpiration est for-
tement provoquée par l'exercice auquel on se
livre, et plus cette transpiration est abondante,
plus le refroidissement est à craindre; le con-
traste qui existe entre la chaleur du corps el
la fraîcheur de l'air peut causer des rhumes
violents, des pleurésies, des phlegmasies de
poitrine. Un verre d'eau fraîche, bu impru-
demment, peut entraîner les accidents les
plus graves ; on pourrait citer plus d'un cas
où la mort a suivi quelqu'un de ces accidents.
— Dans l'hiver, ce sont des accidents d'un
autre genre. L'acide carbonique qui se déve-
loppe et s'amoncelle dans les salles de bal
dérange l'appareil respiratoire, cause des suf-
focations, des étourdissements, contre lesquels
on n'a pas d'autre remède que de respirer
l'air libre. Mais aller chercher ce remède,
c'est quelquefois aller chercher un catarrhe
ou une fluxion. Il est d'ailleurs aisé de conce-
voir que la privation de sommeil, quand on à
perdu tout un jour en vains préparatifs de
toilette , que l'exercice forcé, la surexcitation,
l'irritation des organes, la transition subite dû
chaud au froid peuvent produire toute sorte
d'inconvénients. Il n'est pas douteux non plus
que la danse, de même que tout exercice vio-
lent, nuit au développement des organes, tout
comme, avec tous ses accessoires, elle donne
le goût ;de la dissipation. Ce n'est pas seule-
ment la' croissance, du corps qui peut être
arrêtée, c'est encore le progrès de l'intelli-
gence, par la fausse direction que reçoivent les
idées. C'est pour avoir été trop tôt lancés dans
le monde qu on voit tant de jeunes gens , tant
de jeunes filles, uniquement occupés de toi-
lette, de costumes, attacher la plus ridicule
importance à la forme d'un soulier, d'un habit,
à la manche d'une robe, à la coiffure, gens qui-
se croiraient déshonorés s'ils portaient un
costume qui ne serait pas dans le dernier goût,
et qui, paraissant mettre dans ces frivolités
toute leur intelligence, n'en conservent plus
ou du moins n'en montrent plus pour rien.
Eh ! quelle idée sérieuse peut habiter dans la
même tête avec l'idée exclusive d'un corset
ou d'une manche plate ? Quand on ne prend
de goût que pour les frivolités du monde, ce
goût se substitue au sentiment des devoirs. »
— Administr. La police des bals publics a
été confiée par la loi du 16 août 1790 à l'au-
torité municipale. A Paris et dans toute l'éten-
due du département de la Seine, les bals pu-
blics relèvent du préfet de police. Nul ne peut
ouvrir un bal sans l'autorisation de ce magis-
trat. Cette autorisation fixe les jours de réu-
nion; elle est personnelle et non transmissi-
ble. Les entrepreneurs de ces bals sont tenus
d'acquitter à 1 administration des hospices ci-
vils une taxe en faveur des pauvres. Cette
taxe, fixée d'abord au quart de la recette, a
été réduite au huitième. Les entrepreneurs
sont aussi obligés d'entretenir dans leurs éta-
blissements, à leurs frais, une garde suffisante
pour le maintien du bon ordre. D'après le dé-
veloppement sans cesse croissant que pren-
nent ces établissements dans les grandes villes,
les bonnes mœurs peuvent bien y perdre
quelque chose, mais le plaisir y trouve tou-
jours son compte.
— Allus. Ilttér. Elle aimait trop le bol, e'ës»
«o qui l'a tuée. Allusion à un vers des Orien-
tales, de V. Hugo, dans la pièce intitulée
Fantômes, qui commence par cet autre vers
non moins connu :
Hélas! que j'en ai vu mourir de jeunes filles !
Le poëte pleure la fin prématurée de celles
que la mort moissonne dans la fleur de la jeu-
80
BAL
nesse et de la beauté. 11 en cite une surtout,
un ange, une jeune Espagnole :
Non, ce n'est point d'amour qu'elle est morte : pour elle
L'amour n'avait encor ni plaisirs ni combats;
Rien ne faisait encor battre son cœur rebelle;
Quand tous en la voyant s'écriaient: Qu'elle est belle!
Nul ne le lui disait tout bas.
Bile aimait trop le B*t, c'est ce qui Va tuée.
Le bal éblouissant! le bal délicieux!
Elle aimait trop le bal. — Quand venait une fête,
Elle y, pensait trois jours, trois nuits elle en rêvait;
Et femmes, musiciens, danseurs que rien n'arrête,
Venaient, dans son sommeil, troublant b& jeune tête,
Rire et bruire a 6on chevet.
Elle est morte.— A quinze ans, belle, heureuse, adorée !
Morte au sortir d'un bal qui nous mit tous en deuil,
Morte, hélas! et des bras d'une mère égarée
La mort aux froides mains la mit toute parée
Pour l'endormir dans le cercueil.
Ce vers est devenu proverbial, et, dans l'ap-
plication, il exprime une idée analogue. Géné-
ralement , on ne cite que le premier hémistiche :
■ Aristote raconte que les mouches appelées
demoiselles sont tellement passionnées pour la
danse qu'elles en oublient quelquefois le sen-
timent de leur conservation personnelle, et
qu'elles se laissent souvent surprendre par
l'ennemi au mileu d'une figure. Elles aiment
trop le bal... On croit que leur nom de demoi-
selles leur vient de l'habitude qu'elles ont de
se rengorger quand on les examine, à l'instar
des jeunes filles de province qui passent sous
le feu des regards d'un régiment au sortir de
la messe. » Toussenel.
Bal d'Auioaii (le), comédie en trois actes,
en prose, avec un prologue et un divertisse-
ment, par Bbindinjouéu aux. Français en 1705.
Cette pièce est peu connue aujourd'hui, et
c'est justice. C'est pourtant à elle que nous
devons l'institution, si souvent attaquée de-
puis, de la censure. Elle a joué, c'est du
moins un censeur qui le dit, M. Hallays-Da-
bot, elle a joué le rôle de la goutte d'eau qui
fait déborder le vase déjà plein ; à ce titre,
elle est une curiosité historique : voilà, son
seul mérite, Son Seul droit a l'attention. Le
sujet n'a rien de bien saillant et roule en
partie sur des incidents et des aventures de
bal ; « mais au fond , lisons-nous dans le Dic-
tionnaire des théâtres, il s'agit de faire épou-
ser Hortense à Braste , préférablement à
M.Vulpin,vieux garçon, à qui le frère d'Hor-
tense la promise. Ce frère, amoureux de sa
femme, qu'il ne reconnaît pas sous le masque,
donne dans le piège que celle-ci lui tend, et
consent au mariage d'Eraste, qu'elle favo-
rise. Le déguisement de Lucinde et de Ménine
qui, réciproquement, se prennent pour ce
qu'elles ne sont pas, donne lieu à quelques
scènes piquantes et à certains discours, peut-
être un peu trop libres pour la comédie mo-
derne. Au surplus, il règne dans le Bal d'Au~
teuii, beaucoup d'intérêt, d'enjouement et de
vivacité. » Laissons maintenant la parole à
l'auteur de \ Histoire de la censure théâtrale
en France .* » Le Bal d'A uteuil, do Boindin ,
fut joué en 1702. La pièce était alors en un
ucte, Boindin la remania plus tard et la fit
imprimer en trois actes. Ce changement était
une atténuation; car une seule scène avait
été incriminée, et, si mauvaise que soit une
scène , elle disparaît et se perd dans l'en-
semble, dès que la pièce prend de plus gron-
des proportions. Le Bal d'Auteuil avait fort
réussi a Paris; aussi le roi voulut le voir
jouer à Marly. A cette représentation se trou-
vaient la duchesse d'Orléans et la princesse
Salatine. Cette honnête Allemandejaisse voir
ans sa correspondance quel dégoût lui ins-
piraient les débauches honteuses des jeunes
seigneurs de la cour, débauches si peu mys-
térieuses, que le détail en arrivait jusqu'à
elle. Maintes fois, elle revient dans ses lettres
sur la peinture de ces mœurs licencieuses. On
voit à quel point un pareil dérèglement la
préoccupe et l'inquiète. Or, dans la comédie
a laquelle elle était conviée, se trouvait une
scène que le jeu des acteurs devait rendre
des plus scabreuses. « Deux jeunes filles, tra-
vesties en hommes, — nous laissons parler
Boindin, — trompées toutes deux par leur
déguisement , et se croyant mutuellement
d'un sexe différent, se faisaient des avances
réciproques et des agaceries, qui parurent
suspectes ou du moins équivoques à la prin-
cesse palatine. » Cette situation lesbienne,
poursuit M. Hallays-Dabot, prête en effet
au libertinage, et, pour peu que les actrices
y mettent un peu de chaleur, elle arrive
rapidement à l'obscénité. La princesse pala-
tine ne cacha point ses impressions au roi.
Celui-ci les partageant interdit la pièce, et
ordonna à un gentilhomme de la Chambre,
au duc de Gesvres, d'aller réprimander les
comédiens. Puis, prenant une mesure géné-
rale, il voulut qu'à l'avenir les pièces ne fus-
sent jouées qu'après avoir été soumises à
l'examen d'un censeur. » Deux ans plus tard ,
la police des théâtres était confiée d'une ma-
nière absolue au lieutenant général de police
de Paris. Ainsi se régularisa, selon la propre
expression de l'écrivain que nous venons de
citer, l'action de l'autorité sur les spectacles.
Bal de Strasbourg (LE), Opéra-COmique en
un acte, par Favart, de La Garde et Laujon,
oué à- la foire Saint- Laurent en 1744. Cette
BAL
pièce, donrfée à l'occasion du rétablissemeni
de la santé du roi Louis XV, ne pouvait man-
quer, dans ces circonstances, d'être fort agréa-
blement reçue. Mais ce qui en lit le principal
succès, c'est la scène touchante du courrier,
que tous les spectateurs chantaient avec les
acteurs, et qui valut à Favart une députation
des dames de la Hall» avec un présent de
fleurs et de fruits.
Bai impromptu (le), opéra - comique de
Harny, musique de Debrosses, joué aux Ita-
liens en 1760. Un homme de condition, voulant
donner une fête à la campagne, imagine de
déguiser les valets en maîtres et les maîtres
en valets. De là, différente» scènes, où ceux-ci
parlent de leurs maîtres comme s'ils ne de-
vaient plus redevenir leurs valets, et, depuis
le Grand Condé , on sait le héros qu'est un
maître pour son valet de chambre ; mais les
valets redeviennent Gros-Jean comme devant,
et les péripéties de cette transformation ter-
minent la pièce.
Bai du «ous-prére» (le), opéra-comique en
un acte , paroles de Paul Duport et Saint-
Hilaire , musique de Boilly, représenté a l'O-
fiéra-Comique le 8 mai 1844. Les scènes de
a vie de province ont souvent défrayé
l'opéra-comique. 11 s'agit cette fois d'un ren-
tier qui veut se marier, et contrefait le sourd
pour mieux éprouver le caractère des demoi-
selles auxquelles il fait la cour. Cette ruse le
fait assister aux doux entretiens de sa pré-
tendue, M'ie Agathe, avec un jeune commis
voyageur qu'elle épouse, et notre rentier reste
célibataire. La musique a de la vivacité et ac-
cuse de bonnes études musicales. On a remar-
qué l'ouverture et un bon duo chanté par
Grignon et Ml'e Prévost. M. Boilly était un
ancien lauréat de l'Institut.
Bai d'enfants (un), vaudeville en un acte, de
MM. Dumanoir et Dennery, représenté pour la
première fois, à Paris, sur le théâtre du Gym-
nase, le 24 janvier 1845. Cette pièce, éclose à
un moment où les petits prodiges étaient a la
mode au théâtre, a singulièrement réussi. Ella
n'était, on ledevine,qu un prétexte à mazurkas
et à polkas ; il s'agissait pour les principaux
acteurs, dont le plus grand aurait tenu dans
une botte de garde municipal, d'empêcher de
dormir les Viennoises de l'Opéra, alors fort
courues. Les cartes d'invitation portaient :
« Au-dessous de trois mois et au-dessus de
seize ans, il n'est pas permis de danser. Les
enfants ne peuvent venir tout seuls au bal ;
ils sont accompagnés par leurs grands frères
et leurs grandes sœurs. ■ Un certain hussard,
abusant du billet de son petit, frère sevré de-
puis la veille, s'introduit dans cette réunion de
marmots, et, par un quiproquo assez amusant,
emmène au heu de celle qu il aime, une jeune
fillette de sept ans et demi. Mais bientôt tout
s'arrange : le mari qu'on destinait à la bien-
aimée de notre hussard, ayant été suffisam-
ment éclairé sur les sentiments de M'ie Emma
à son endroit, par une de ces révélations d'en-
fant terrible comme il vous en tombe des nues
au moment où on y pense le moins. Le pauvre
garçon se retire avec empressement, et rien
n'empêche M. de Chamboran de conduire
Emma à l'autel, si, comme nous nous plaisons
à le supposer, il l'aime pour le bon motif.
Bal de Sceaux (le), roman par H. de Balzac.
V. SCÈNES DE LA VIE PRIVÉE.
BAL, autre orthographe de Baal.
BAL (Joseph), dessinateur et graveur belge
contemporain, né à Anvers, élève de MM. Erin,
Corr et Achille Martinet. Il a exposé à Bruxel-
les,en 1851, plusieurs dessins d'après Raphaël
et Holbein, et une gravure d'après l'antique;
à Paris, en 1853, la Tentation de saint An-
toine, d'après M. Gallait, gravure qui lui a
valu une médaille de 3e classe; en 1859, la
Belle Jardinière, d'après Raphaël, pour la-
quelle il obtint une médaille de 2« classe ; en .
1861, Jeanne la Folie, d'après M. Gallait.
BAL A, ville d'Angleterre, dans le pays de
Galles, comté de Merioneth, à 305 kil. N.-O.
de Londres, sur le lac de son nom ; 2,559 hab.
Centre d'une fabrication renommée de bas et
gants tricotés ; vestiges de camps romains aux
environs. Il Bala, nom de deux villes de la
Palestine : l'une faisait partie de la Pentapole ;
dès que Loth en fut sorti, elle fut engloutie;
l'autre était située dans la tribu de Siméon.
BALA (Alexandre). V. Alexandre Bala.
BALAAM, prophète ou devin? né à Péthora
(ou Phétor), sur les bords de i'Euphrate, en
Mésopotamie. Lorsque les Israélites, après
avoir erré pendant quarante ans dans le dé-
sert, furent arrivés sur les bords du Jourdain,
Balac, roi de Moab, effrayé de leur approche,
envoya vers Balaam plusieurs vieillards de
Moab et de Madian, pour lui offrir des pré-
sents s'il consentait a maudire les Israélites ;
Balac espérait que la malédiction du devin
aurait pour effet de rompre le charme qui
rendait ce peuple invincible. Balaam répondit
aux vieillards qu'avant de rien promettre il
devait consulter le Seigneur ; il les fit rester
une nuit sous son toit, et, le lendemain, il leur
dit qu'il avait vu le Seigneur, qu'il l'avait in-
terrogé et qu'il en avait reçu cette réponse :
a Garde - toi bien de faire ce qu'on te demande,
et ne maudis pas ce peuple , parce qu'il est
béni. » Quand on eut rapporté à Balac le refus
de Balaam, ce prince ne renonça pas à son
dessein ; il envoya de nouveaux ambassadeurs
au prophète, et s'engagea à le combler de
richesses et d'honneurs, s'il voulait céder à ses
BAL
désirs. Balaam répondit : < Quand Balac me
donnerait des monceaux d'or et d'argent, je ne
pourrais pas changer la parole du Seigneur,
ni dire autre chose que ce qu'il m'aurait in-
spiré. » Cependant, il promit de consulter Dieu
encore une fois, pendant la nuit, et cette fois
Dieu lui permit de suivre les envoyés de Balac,
mais sous la condition formelle qu'il ne ferait
rien autre chose que ce qui lui serait com-
mandé. Balaam, donc, s'étant levé le matin,
sella son ânesse et se mit en route. Mais pen-
dant qu'il était en chemin, un ange du Sei-
gneur, tenant une épée nue à la main, se
présenta devant l'ànesse, qui, effrayée par
cette vision, se détourna et s'enfuit à travers
champs. Balaam, pour qui l'ange était resté
invisible, s'irrita contre Tânesse et la frappa
pour la ramener dans le chemin. Mais comme
ils passaient dans un lieu étroit, l'ange ap-
parut encore deux fois; l'ànesse s'arrêta, se
serra contre le mur, et fut de nouveau battue ,
puis, à la dernière apparition, elle tomba, en-
traînant Balaam dans sa chute. Celui-ci re-
commença alors à frapper rudement la pauvre
ânesse, et. le Seigneur lui ayant ouvert là
bouche, elle dit à son maître : a Que vous ai-je
fait, et pourquoi me frappez-vous ainsi? Voilà
que vous m'avez frappée déjà trois fois. — Si
je t'ai frappée, répondit Balaam, c'est que tu
l'as mérité, et tes caprices ont assez fatigué
ma patience. Que n'ai-je un glaive pour te le
passer au travers du corps? » Mais l'ànesse
prend encore une fois la parole en ces termes ;
« Ne suis-je pas depuis longtemps votre mon-
ture ordinaire? Dites-moi si j'ai jamais bron-
ché , et si je me suis jamais écartée de la
route. » En ce moment, Dieu ouvrit les yeux
.de Balaam; il vit l'ange armé de son épée
nue, et, se prosternant contre terre, il l'adora.
« Pourquoi, lui dit l'ange, as-tu frappé trois
fois ton ânesse? Je suis venu pour m'opposer
à toi , parce que ta voie est corrompue et
qu'elle m'est contraire. Si ton ânesse ne se
fût point détournée, je ne lui aurais fait aucun
mal, mais je t'aurais tué. » Balaam répondit :
« J'ai péché , ne sachant pas que vous vous
opposiez à moi ; mais s'il ne vous plaît pas
que j'aille trouver Balac , je suis prêt à re-
tourner en arrière, » Cependant l'ange lui dit
de continuer sa route, mais en lui enjoi-
gnant de ne rien dire que ce qui lui serait
commandé.
Comme il approchait du lieu où se trouvait
Balac, celui-ci vint au-devant du devin, qui
lui dit d'élever sept autels, et de mettre sur
chacun d'eux un veau et un bélier. Balaam,
après s'être éloigné quelques instants, sentant
que l'inspiration était venue, revint vers
Balac, entouré de ses principaux officiers, et
prononça ces paroles prophétiques : « Balac,
roi des Moabites, m'a fait venir d'Araon, des
montagnes de l'Orient; venez, m'a-t-il dit,
et maudissez Israël, hâtez-vous de détester
Israël. Comment maudirai-je celui que le
Seigneur n'a point maudit? Comment déteste-
rai-je celui que le Seigneur ne déteste point?
Je le verrai du sommet des rochers, je le con-
sidérerai du haut des collines. Ce peuple ha-
bitera tout seul, et il ne sera point mis au
nombre des nations. Qui pourra compter la
multitude des enfants de Jacob , innombrable
comme la poussière, et connaître le nombre
des descendants d'Israël? Que je meure de la
mort des justes, et que la fin de ma vie res-
semble à la leur. » On conçoit aisément que
Balac ne devait pas être satisfait : « Que
fais-tu? dit-il à Balaam: je t'ai fait venir pour
maudire, et voilà que tu bénis. » Le prophète
répondit qu'il ne pouvait parler que selon l'in-
spiration qui lui venait d en haut. Cependant
Balac voulut encore renouveler deux fois
l'épreuve , il emmena le prophète sur d'autres
lieux élevés, espérant qu'enfin il se déciderait
à maudire. Mais il ne sortit jamais de Sa bou-
che que des paroles de bénédiction : « Re-
garde ce peuple ; comme un lionceau il se
lève; comme un lion il se dresse; il ne se
recouche point qu'il n'ait dévoré sa proie.
» Que tes tentes sont belles, ô Jacob! que
tes demeures sont brillantes , ô Israël ! elles
semblent un jardin de délices près d'un fleuve,
un bois de cèdres au bord des eaux; Dieu a
fait sortir ce .peuple de l'Egypte , et sa force
est semblable à celle du rhinocéros. Il dévo-
rera les peuples qui seront ses ennemis, il bri-
sera leurs os et les percera de ses flèches.
Quand il se couche, il dort comme un lion que
personne n'oserait réveiller. Celui qui te bé-
nira sera béni lui-même, et celui qui te mau-
dira sera regardé comme maudit. »
La prophétie de Balaam ne s'arrête pas là:
elle s étend à des événements très-étoignés
qu'elle mêle ensemble, selon l'usage des pro-
phètes, et où les théologiens croient recon-
naître i'avénement du Messie, la grandeur et
la ruine des Romains : « Une étoile sortira de
Jacob ; un homme s'élèvera dans Israël ; il
brisera les chefs de Moab. L'Idumée deviendra
son domaine; l'héritage de Séir passera entre
ses mains. Amalec, toi, le premier des peu-
ples, la destruction sera ton partage. »
C'est au chapitre xxu des Nombres qu'on peut
la lire, si l'on est curieux de la connaître dans
toute son étendue. Mais, quoique Balaam se
fût senti contraint de parler selon l'esprit de
Dieu, il n'était pourtant animé que d inten-
tions coupables; car? pour diminuer le mécon-
tentement de Balac, il lui conseilla d'employer
tous les moyens en son pouvoir pour faire
tomber les Israélites dans l'idolâtrie et dans
l'impudicité. Balac suivit ce conseil, qui ne
BAL
réussit qu'à éloigner un peu sa perte. Quelque
temps après, Moïse, par l'ordre de Dieu, dé-
clara la guerre aux Madianites, et Balaam,
qui se trouvait parmi eux, fut tué dans une
bataille.
L'histoire de Balaam et de son ânesse a
souvent servi de texte aux plaisanteries des
incrédules, de ceux qui ne lisent la Bible que
pour y trouver des motifs d'attaquer la reli-
gion qui en fait la base de ses dogmes; c'est,
en effet, quelque chose d'étrange que cetto
conversation entre un animal stupide et un
homme ; ces reproches de l'un et cette naïveté
de l'autre, qui répond par de nouveaux repro-
ches et qui cherche a justifier sa conduite ,
comme s'il trouvait tout cela naturel, et comme
s'il eût déjà vu bien souvent sa monture rai-
sonner sur les coups de bâton qu'elle reçoit.
Mais les esprits sérieux trouvent dans ca
récit des choses plus dignes de leur attention :
ils y voient la preuve que les prophètes n'é-
taient pas le privilège exclusif du peuple de
Dieu, qu'il y en avait aussi chez les infidèles,
et que, pour jouir du don de l'inspiration
divine, il n'était pas même nécessaire d'adorer
le vrai Dieu ; car il n'est pas probable que
Balaam, vivant au milieu d'un peuple idolâtre,
ne sacrifiât pas aux dieux de son pays ; il
n'est pas probable que les sept autels , élevés
par Balac, d'après ses ordres, aient été con-
sacrés au nom de Jéhovah. Ainsi, quand
Balaam reçoit l'inspiration, il paraît évident
qu'il ne fait que tomber en extase, c'est-à-dire
qu'il éprouve une de ces crises nervouses
auxquelles certains hommes ont toujours été
sujets , dans tous les pays, dans toutes les
religions, et dont les somnambules ou les
sujets des expériences magnétiques nous
offrent aujourd'hui de curieux exemples.
Moïse, qui nous raconte le fait, ne laisse voir
aucun étonnement de ce qu'un homme étran-
ger au culte du vrai Dieu ait pu lire dans les
profondeurs de l'avenir ; il nous le présenta
comme animé de l'esprit divin ; i! a l'air de
croire que si, dans cet état, Balnam avait
maudit les Israélites, ceux-ci auraient pu se
voir enlever la force qu'ils devaient à la pro-
tection du Très-Haut, comme si la puissance
même de Jéhovah pouvait être ébranlée par
les paroles d'un simple mortel, devenu un être
divin par cela seul qu'il était tombé dans un
état d'éréthisme nerveux, que les physiolo-
gistes modernes regardent comme voisin de
la folie. Au temps de Moïse, il y avait des pro-
phètes partout; partout c'étaient des hommes
doués d'une vue intérieure qui leur faisait
quelquefois tenir des discours étranges, aux-
quels les autres hommes attribuaient une
cause ou une puissance surnaturelle. Presque
toujours ces discours étaient pleins d'obscu-
rité et d'incohérence; mais cela ne servait
qu'à augmenter le respect et la crainte avec
lesquels on les écoutait, et l'on cherchait à y
découvrir l'indication des événements futurs.
Il est vrai que Balaam, dont le désir évident
était de contenter Balac, semble être con-
traint, par une force supérieure, de prononcer
Frécisément les paroles les plus propres à
irriter : est-ce un rôle habile que jouait ainsi
le devin pour assurer dans l'avenir l'autorité
de ses oracles? cette explication n'est pas
inadmissible, assurément, mais elle n'est pas la
seule qu'on puisse imaginer.
_ Ce qui résulte le plus clairement de la lec-
ture attentive du chapitre xxn des Nombres,
c'est que l'inspiration divine peut être une
faculté commune aux adorateurs de tous les
dieux, et, pour ceux qui regardent la justice
et la vérité comme des attributs essentiels de
la divinité, cela peut paraître une forte raison
de révoquer en doute l'inspiration divine elle-
même. Tel est l'effet que produit l'histoire de
Balaam sur les hommes de bonne foi qui la
jugent d'après les seules lumières de la raison.
Qu'ils écoutent ensuite les interprétations des
théologiens, c'est de toute justice, mais cela
sort de notre compétence.
Ce qui est beaucoup moins contestable, c'est
le rôle plaisant que l'ànesse de Balaam joue
dans notre littérature. En voici deux exemples :
Quoi que Moïse ait révélé,
Un certain Charle, peu crédule.
Soutenait qu'anesse ni mule
Au bon vieux temps n'avait parlé.
. Eh quoi! dit Babet l'Infaillible,
Tu prétends démentir la Bible !
De par le grand Dieu d'Abraham 1
Je te jure, mon ami Charle,
Que l'ànesse de Balaam
A parlé comme je te parle. •
Le poète Gacon ayant décoché quelques
épigrammes contre La Motte, un partisan de
ce dernier écrivit au satirique :
Jadis un fine, au lieu de braire,
Parla sous les coups de bâton;
Mais un bâton te fera taire,
Ou parler sur un autre ton.
Gacon répliqua aussitôt avec une soumis-
sion plaisante :
Eh bien, vous le voulez, je vais changer de ton:
L'opéra de La Motte est une pièce exquise.
J'aime mieux dire une sottise
Que d'avoir des coups de bâton.
Sans appuyer davantage ici sur l'ànesse de
Balaam, à laquelle nous avons déjà consacré
un article au mot Anesse, disons que les écri-
vains, font de fréquentes allusions au prophète
Balaam, qui bénit au lieu de maudire;
« Aujourd'hui, on ne veut plus voir dans les
proverbes que des lieux communs, et, qui pis
BAL
est, des avilissements de la pensée et du lan-
gage. Si ceux qui les condamnent apprenaient
à. les connaître, ils reviendraient certainement
de leurs préventions, et peut-être feraient-Us,
suivant une comparaison proverbiale, comme
ce prophète Balaani, qui finit par bénir ce qu'il
voulait maudire. ■ Quitard.
Dniamn (I'ânksse de), tableau de Dccamps.
Au milieu d'un paysage coupé par de hautes
montagnes de granit, un ange, vêtu de blanc,
se dresse tout à coup devant le faux prophète,
qui frappe son ànesse pour la faire avancer.
La nuit s'approche : à gauche, la fumée des
tentes des princes moabites monte en spirale
de la vallée vers le ciel. Ce tableau a été
payé 3,600 fr. à la vente posthume (1861) des
couvres de Decamps;
BALAATII, nom de trois villes de la Pales-
tine, situées : l'une dans la tribu de Dan,
l'autre dans la tribu de Juda, et la troisième
dans la tribu de Siméon,
BALAAU s. m. (ba-la-ô). Ichthyol. Nom
vulgaire d'un hémiramphe des Antilles.
BALAIUC, île de l'Océanie, archipel des
Philippines, au S.-O. de Palaouan, 2G kil. de
long. surS kil. de larg. Il Détroit de l'Océanie,
situé dans l'archipel des Philippines , entre
l'île de Balambangan et celle de Balabac,
par s° lat. N. et in» long. E.
BALABANDI s. m. (ba-!a-ban-di). Espèce
d'écriture secrète dont se servent les Mahrat-
tes, principalement pour leurs livres sacrés
ou leurs ouvrages religieux. C'est une sorte
d'alphabet hiératique. L'écriture ordinaire
porto le nom de mur. On désigne quelquefois
par balabandi l'idiome mahratte lui-même.
Bâiahiiârntn. — Titre d'un ouvrage sans-
crit, qui signifie littéralement le petit bhàrata,
et que l'on oppose ainsi à la grande épopée
complète connue sous le nom de Mahâb/iâ- ,
rata (v. ce mot), ou le grand bhàrata. Le
Dâlabhârata fut connu pour la première fois
en Europe grâce à la traduction grecque mo-
Uerne faite par Dem. Galanos et publiée à
Athènes par G. Typaldos. Selon l'expression
de Galanos, il traduisit cet ouvrage apo ton
Brachmanikov, c'est-à-dire du sanscrit. L'au-
teur de cet ouvrage se nomme Amara ou plus
complètement Amaralchandra. Déjà le Bûla-
■ bhàrata avait été désigné dans un livre grec
moderne en 1815, comme un abrégé, un 'épi-
tome du MahÛbhârnta — syntomè tes mach-
bharatas. On pourrait croire aussi que le titre
sanscrit signifie, non pas le petit bhûrata, mais
le bhàrata des enfants, ad usum puerorum,
car nous savons positivement que les Indiens
avaient une littérature de ce genre assez
riche — bâlavodhanûya viratchilam, bâtavod-
kâkam, etc.. — Cependant la première opi-
nion est la plus vraisemblable; car cette
sorte de titre semble avoir été adopté pour
désigner des ouvrages abrégés, comme le
prouvent plusieurs autres exemples analo- '
gués.
Du reste, l'examen du Bàlabhàrata vient
parfaitement confirmer cette opinion ; c'est
évidemment un abrégé , une réduction de
l'immense épopée indienne. Le procédé de
réduction le plus ordinaire consiste ou a re-
trancher les épisodes considérables qui aug-
mentent singulièrement le Mahàbhàrata, ou
à les condenser en quelques vers. M. A. Hœ-
fec, qui nous donne ces intéressants détails ,
émet le vœu qu'on recherche si par hasard
cette version abrégée n'aurait pas quelque
rapport avec le résumé persan du Mahàbhà-
rata, dont il existe, dans nos bibliothèques
européennes, plusieurs exemplaires manus-
crits.
DALACLAVA. V. Balaklava,
BALAÇOR, autre orthographe du mot ba-
LASSOR.
BALADAN s. m. (ba-la-dan). Pêch. Nom
donné en Provence à chacun des comparti-
ments qui composent les bourdigues.
BALADE , village et port de la Nouvelle-
Calédonie, dans l'Océanie, occupé depuis quel-
ques années par les Français (24 sept. 1853),
qui y ont construit un blockhaus et un ma-
gasin pour une garnison de cent hommes,
BALADELLE s. f. (ba-!a-dè-le — dimin. de
ballade). Littér. Petite ballade, il V. mot.
balader v. n, ou intr. (ba-la-dé — v. fr.
baller, dans le sens de s'agiter, se mouvoir).
Pop. Planer, errer, se promener sans but :
Il ne fait que balader sur les boulevards.
C'est ça, prends garde au ruisseau, reluque
les boutiques, bm,\dk, donne-toi le temps,vau-
rien.( Am. Anfauvre.)
Se balader v. pr. Même sens.
BALADEUSE s. f. (ba-la-deu-ze — rad. ba-
lader). Pop. Coureuse, femme qui balade dans
les rues pour engager les passants : Elle t'a
trahi sans te trahir; c'est une baladeuse,
voilà tout. (Gér. de Nerv.)
— Boutiquo portée ordinairement sur doux
roues, et que les marchands ambulants pous-
sent devant eux.
BALADEVA. Dans la mythologie indienne,
frère de Kiïchnâ, troisième lâin», incurna-
tioti de Vichnou ou du serpent Aiianta.
BALADEVA s. m. (ba la-dé-va). Entom.
Section du genre dorysthène, qui appartient
aux coléoptères tétramères longicornes.
BALADIN s. m. (ba-la-din — rad. baller,
BAL
vieux mot qui signifiait danser). Danseur de
théâtre : On plaça les entrées du ballet dans
les entractes de la comédie, afin que les inter-
valles donnassent le temps aux mêmes bala-
' r>tNS de revenir sous d'autres habits. (Mol.) Ju-
piter reproche à Néron d'avoir fait le bala-
din et d'aooiï disputé la couronne d'ache.
I (Roques.) il Personnage facétieux de la co-
médie, bouffon : Le baladin était, en France,
ce que le gracioso est pour le théâtre espagnol.
(St-Germ.) Le personnage de Polichinelle,
dans l'intermède du Malade imaginaire , est
vn baladin. (St-Germ.) il Farceur de place
publique , de tréteaux ; saltimbanque : S'a-
muser aux parades des baladins. Les men-
diants valides se sont fait un métier facile qui
tient te milieu entre celui de baladins et celui
de voleurs. (Droz.)
— Au moyen âge, Sorte de danseur ambu-
lant qui allait exercer son état de manoir en
manoir : Pour distraire les seigneurs dans
leurs châteaux, les trouvères amenaient des
baladins, qui faisaient partie de la confrérie
des ménétriers. (Bachelet.)
— Par dénigr. Comédien, acteur : Fré-
quenter les baladins. Elle a épousé un bala-
din.
Souffrir qu'un baladin vous parle, vous salisse,
Ah ! ce n'est pas la moindre entre tant de douleurs.
E. Augier.
— Par ext. Mauvais plaisant de société :
Faire le baladin. C'est une espèce de baladin
propre à divertir les hommes sérieux. (La-
mart. ) il Personne qui manque de sérieux
dans le caractère ou les habitudes : Cet Ita-
lien francisé, le cardidal de Rets, se trouva
sur le pavé lorsque Louis XIV eût jeté les ba-
ladins à la porte, même en respectant beau-
coup trop en eux leur vie passée et l'habit
qu'ils avaient sali. (Chateaub. ) il Personne
qui n'a d'autre mérite que son habileté dans
les exercices du corps : Du temps de Plu-
tarque , les parcs où l'on combattait à nu ,
et les jeux de la lutte, rendaient les jeunes
gens lâches et n'en faisaient que des baladins.
(Montesq.)
— Encycl. Le baladin était, "chez les an-
ciens, un danseur chargé d'exécuter la danse
comique, son rôle était de former opposition
avec la danse héroïque; plus tard, on donna
ce nom à tous les danseurs figurant dans les
ballets, et, en France, on appela spécialement
baladins les danseurs d'intermèdes qui exé-
cutaient des pas grotesques; ainsi Polichi-
nelle, dansant dans un intermède, est un ba-
ladin. Les valets du prologue de la Princesse
d'Elide, de Molière, sont des baladins.
L'Académie appelle indifféremment baladin,
bateleur, paillasse, gille, le même personnage,
créé pour l'amusement des badauds; toutefois,
ce ne peut être que par une large extension
qu'on est arrivé à confondre sous un mot gé-
nérique toutes ces classes de farceurs, debouf-
fons , de charlatans , qui avaient chacun une
spécialité sui generis; prenant donc le nom de
baladin dans sa véritable acception, et non
comme synonyme de ceux dont nous venons
de parler, disons que lorsque les jeux romains
eurent disparu complètement de la Gaule et
après la tentative avortée que fît Chilpéric
d établir à Paris et à Soissons des cirques, on I
vit les baladins prendre leur place et amuser
le peuple par la représentation de danses ob- '■
scènes et de farces ridicules et licencieuses. ;
Ces histrions, qui ne craignaient pas de s'alfu.
bler de costumes religieux pour exécuter leurs '
farces, furent sans cesse poursuivis par l'E- I
glise; le concile de 813 défendit aux ecclésias-
tiques d'assister aux spectacles des baladins, et
bientôtles rois de Franceles tirentpourchasser
tant et si bien, qu'au xic siècle il n'en existait
presque plus; mais au xn« siècle, époque de la
naissance de la poésie, alors que les trouba-
dours et les trouvères s'en allaient populariser
les gais refrains et les lais plaintifs, les bala-
dins reparurent avec des accoutrements bril--
lants d oripeaux, et ils s'associèrent aux mé-
nestrels pour courir le pays et débiter, avec
accompagnement de danses et de musique, les
plaisantes histoires que les trouvères inven-
taient pour la satisfaction des châtelaines et
des pages confinés dans les manoirs féodaux.
Ce fut le bon temps des baladins ; couverts de
vêtements soyeux , l'escarcelle garnie , ils
vivaient gaiement de cette vie folle et insou-
cieuse de la bohème, si chère à tous les no-
mades, et formaient des compagnies composées
do filles de joie, de jongleurs, de faiseurs de
tours, dont l'habileté et l'adresse se payaient
ciier ; ils parvinrent à se faire rechercher de
telle sorte que non-seulement les grands sei-
gneurs, et jusqu'aux rois, les appelaient dans
leur résidence pour s'en amuser, mais que les
religieux eux-mêmes louaient de ces troupes
les jours de fête, pour égayer la solitude de
leurs monastères. 11 est vrai que les bons
Pères avaient 'soin de faire profiter la com-
munauté de cet amusement, en exigeant des
baladins'de l'argent au lieu de leur en donner,
et que, ces jours-là, ils vendaient du vin à
tous ceux qu'ils conviaient aux représenta-
tions des bouffons ; on vit même dans cer-
taines provinces, au xine siècle, les églises
attirer les paroissiens en leur offrant, après
vêpres, le spectacle des baladins, et il fallut
que le concile de 1310 intervînt pour défendre
cette profanation.
Mais au fur et à mesure que les grands et
le peuple prenaient plaisir aux représentations
théâtrales, le goût exigeait plus d'ensemble
dans l'exécution. Ce fut alors que des troupes
BAL
de comédiens se formèrent et que les baladins
descendirent du rôle de sujets principaux à
celui d'accessoires, en ne paraissant sur le
théâtre que pour y danser d'une certaine
façon entre deux pièces ou dans une scène
épisodique. Quelques-uns, plus désireux de
conserver leur indépendance, continuèrent à
faire de la rue leur théâtre de prédilection, et
joignant à leur talent de mimes et de danseurs
celui de jongleurs ou d'escamoteurs, do domp-
teurs d'animaux ou de faiseurs de tours, ils
s'emparèrent de la place publique, où leur
présence suffisait toujours pour réunir un
nombre considérable de spectateurs, qui leur
donnaient volontiers quelque menue monnaie
pour les voir travailler. Les lazzis et les quo-
libets pleuvaient dru comme grêle au milieu
du cercle, et les plaisanteries qu'ils débitaient
étaient si fortement épicées que, le M sep-
tembre 1395, une ordonnance du prévôt de
Paris enjoignit de ne rien dire, représenter ou
chanter dans les places publiques ou ailleurs
qui pût causer quelque scandale, à peine d'a-
mende et de deux mois de prison, au pain et
à l'eau. En 15C0, survint une nouvelle ordon-
nance qui leur défendit de joues les dimanches
et jours de fêtes, aux heures du service divin,
et de se vêtir d'habits ecclésiastiques, déjouer
des choses dissolues ou de mauvais exemple,
à peine de prison et de punition corporelle.
Les foires Saint-Germain, Saint-Clair, Saint-
Laurent et Saint-Esprit étaient les endroits où
se réunissaient de préférence, au xvme siècle,
tous les baladins de Paris; mais la plus fré-
quentée de toutes était sans contredit la foire
Saint-Germain. Ce fut là que débuta un bala-
din'célèbre, Jambe-de-Fer, qui avait parié
que, dans le divertissement du Prix de Cylhère,
il bondirait jusqu'à la hauteur des lustres; il
gagna son pari, mais, malheureusement, il
bondit si bien que son pied s'en fut donner
dans un lustre et en détacha un morceau de
verre qui alla frapper en plein visage Méhé-
met-Eilendi, ambassadeur de la Porte otto-
mane, qui se trouvait dans la loge et en
compagnie du roi. Jambe-de-Fer, ou plutôt
Grimaldi, qui était son vrai nom, se présenta
à l'issue de la représentation devant le mo-
narque pour recevoir des félicitations sur son
agilité ; mais le pauvre baladin ne reçut qu'une
volée de coups de bâton, qui lui fut adminis-
trée par les esclaves de l'ambassadeur , qui
l'accusèrent d'avoir manqué de respect à leur
maître.
Cependant , à cette époque , les baladins
s'étaient déjà transformés; ils avaient été
obligés de s'effacer devant les véritables co-
médiens, et la Muse historique de Loret nous
apprend qu'ils avaient dû joindre à leurs exer-
cices habituels des farces au gros sel et même
des ballets, sans compter quelques timides
essais de comédies. Tricassin rivai et VAn-
douille de Troyes furent joués par des bala-
dins. En 1678, la troupe d'Allard et de Maurice
exécuta un divertissement comique à trois
intermèdes sous le titre de les Forces de
l'amour et de la magie. Cette troupe se com-
posait de vingt-quatre baladins appartenant
aux diverses nations du globe. Elle devint
l'idole du populaire, et ce fut à partir de cette
époque que 1 usage vint d'appeler baladins les
acteurs forains, et, par extension, les charla-
tans, les opérateurs, en un mot, tout ce qu'on
peut désigner sous le nom d'acteurs de la rue.
Parmi ceux-là, que de noms célèbres dans les
fastes du boniment I Combien d'éclats de rire
n'ont pas provoqués tous ces joyeux compères
qui avaient la langue aussi bien pendue que
les premiers baladins avaient les jambes
agiles 1 Voici d'abord Tabarin, dont.» le nom
résonne comme un bruit de grelots, » avec son
hoqueton de toile vert et jaune que recouvre
à moitié un morceau de serge jeté sur l'épaule
droite en guise de manteau, et son chapeau
pointu à l'espagnole « ce chappeau , manié et
retourné par son maistre, est rempli de toutes
sortes de perfections... Le chappeau de Ta-
barin, assisté de celui qui le porte, a plus fait '
rire de gens en un jour que les comédiens
n'en sauraient faire pleurer avec leurs feintes
et regrets douloureux en six, « a dit un con-
temporain de l'illustre farceur, et ce contem-
porain eut raison : jamais les Mauloiie, les
Malasségnée et les Malassis, qui jouissaient
cependant d'une beiie réputation vers la fin
du moyen âge, n'avaient poussé si loin l'art
de la joyeuseté. On vit successivement des
baladins, grands jaseurs et beaux diseurs de
balivernes, attirer le public par leurs lazzis et
leurs farces autour des voitures de charlatans,
dont ils étaient les gagistes, et aider ceux-ci
à vendre leurs drogues. Tel était le rôle des
.Baratini , des Zani , des Grisigoulini, des Gra-
tiani, qui faisaient merveille sur le pont Neuf.
GuiUot Gorju, Bruscambille et Jean Farine
avaient été de simples baladins avant de deve-
nir les premiers comédiens de l'Hôtel de Bour-
gogne. Galinette la Galina, le grimacier du si-
giior Hieronimo Ferranti, était un baladin. Pa-
delle remplaça Tabarin; mais il ne valait pas
Gilles le Niais, un farceur qui faisait rire son
auditoire à gueule bée, et qui tenait ses séan-
ces auprès du cheval de bronze du pont Neuf,
en 164C. Mais voici encore un baladin célèbre,
le baron de Grattelard, valet de l'empirique
Desiderio Descombez , ce facétieux auteur
de o gaillardises admirables, de conceptions
inouïes et de farces joviales. » Gringalet, Go-
guelu, Franc-à-Tripes, Jean-des- Vignes, Jean
Doucet, furent les derniers baladins. Bobèche
et Galimafré furent des paradistes, variété du
baladin qui demande un article spécial.
BAL
81
BALADINAGE s. m. (ba-la-di-na-jc — rad
baladin). Métier de baladin, farce, parade d*.
baladin.
— Par ext. Ce qui manque de sérieux et de
portée : C'est un baladinage que dciu: tomes
de lettres dans lesquelles il n'y en a pas une
seule d'instructive. (Volt.)
BALADINE s. f. (ba-la-di-ne — fém. de ba-
ladin). Autref. Danseuse de théâtre : Il la fit
chanter et danser avec les façons, les gestes et
les mouvements qu'avaient à Home les bala-
dinks. (St-Evrem.)
— Par dénigr. Femme légère de conduite
ou de mœurs déréglées : Quel malheur pour
un homme si distingué, d'être le jouet d'une
baladins du dernier ordre! (Balz.) Une vraie
BALADINE, gui, depuis sa première communion,
n'est entrée dans une église que pour y voir des
statues et des tableaux. (Balz.) J'aurais voulu
qu'au moins il mit dans son coeur une noble et
belle créature, et non une histrionne et une
baladink. (Balz.)
Et les dragons, au Heu de garder leur trésor.
S'en vont sur le minuit, avec des balndines,
faire un maigre diner dans une Maison d'Or.
Tu. de Banville.
BALADINE adj. (ba-la-di-ne). Cborôgr. Syn.
de Balladoire.
BALADIKER v. n. ou intr. (ba-la-di-né ~
rad. baladin). Néol. Faire le baladin, le mau-
vais plaisant, le bouffon, n Peu usité.
BALADOIRE adj. (ba-la-doi-re). V. Bal-
ladoire.
BALADOU s. m. (ba-la-dcu). Chambre
d'une bourdig-ue.
BALfflKlCEPS s. m. (ba-lé-ni-sèpss — du
lat. balœna , baleine; caput , tête). Ornijh,
Genre d'échassiers formé par une espèce d'oi-
seau de haute taille, portant une énorme tête
assez informe, armée d'un bec très-massif :
Le voyageur Parkius a.tué un baLjIînickps en
remontant très-haut le Ml Blanc, en 1850.
(Focillon.)
BALiENlDES s. m. pi. (ba-!é-ni-de — du
lat. balujna, baleine, et du gr. eidos, aspect).
Mamm. Famille de mammifères cétacés, ayant
pour type le genre baleine.
BALjEUS (Jean). V. Balb.
BALAFû s. m. (ba-la-fo). Relat. Instru-
ment de musique do quelques peuplades de
l'Afrique, composé do sept cordes ou fils de
fer attachés à deux calebasses, et que Von
frappe pour en tirer des sons : Les Egyptiens
faisaient détonner leurs balafos et leurs tam ■
bourins d'Afrique. (V. Hugo.) // y avait des
flûtes de roseau, des tambourins de bois, des
balafos et des yuitares faites avec des moitiés
de calebasse. (P. Mérimée.) Il On dit aussi ba-
LAFA et BALAFEU.
BALAFRE s. m. (ba-la-fre — do la partie,
romane péjorative bar, bes, ber, bis, que l'on
retrouve dans berlue, bévue, bestounier, etc.,
et qui donne aux mots un mauvais carac-
tère, et de l'anc. haut ail. le/fur, lèvre, ce
qui donnerait au mot bajafre le sens primitif
de lèvre disgracieuse, mal faite, idée qu'é-
veille généralement la balafre). Grande bles-
sure faite au visage avec une arme tran-
chante : Recevoir une balafre, une grande
balafre sur la joue, il (,'icatrice qui résulte
de cette blessure : Il a deux balafres qui le
défigurent beaucoup. (Acad.) Vous le recon-
naîtrez à une large balafre qu'il a au visage,
(Le Sage.) Ses traits durs et hautains eussent
été assez réguliers, s'ils n'eussent été sillonnés
par une longue balafre qu'une branche d'arbre
lui avait faite à la chasse. (Scribe.)
— Fig. Effet d'une parole injurieuse ou pi-
quante : Le plus aimable des nommes me fait
des balafres et crie qu'il est égratigné. (Volt.)
BALAFRÉ, ÉE (ba-la-fré), part. pass. du v.
Balafrer : Un soldat balafre. Un visage BA-
LAFRÉ.
— Substantiv. Personne qui a une balafre :
C'est un grand balafré. Henri de Guise, dit
le Balafré.
BALAFRER v. n. ou intr. (ba-la-fré — rad.
balafre). Blesser en faisant une balafre : Ba-
lafrer quelqu'un, lui balafrer le visage.
Mon père voulut faire demander la vie à de
Vardes, qui ne le voulut pas; mon père lui dit
qu'au moins il le balafrerait. (St-Sim.)
— Par ext. Couvrir d'un objet qui res-
semble à une balafre : Chez nous, on sillonne
les monuments de hideuses couturest on les ba-
lafre de plâtre et de mortier. (Vilct.) il Re-
présenter, imiter, figurer une balafre sur :
Une grande voie construite par les Romains
balafre ces admirables vallées depuis le Va-
lais jusqu'à Avranches. (V. Hugo.)
BALAGAN s. m. (ba-la-gan). Habitation
d'été des Kamtschadales sédentaires. C'est un
petit bâtiment carré, en planches de sapin,
au-dessus d'un hangar où l'on fait sécher le
poisson : Pour entrer dans les balagans,
comme pour en sortir, il faut se sei-vir d'une
échelle, (Mme Lebrun.)
HAi.AGHAT, province de l'Indoustan an-
glais, dans le Dekan méridional, comprise
dans la présidence de Madras, entre 13° 15'
et 16° 20* lat. N. ; 73" 20' et 77° long. E. Ca-
pitale Bellary; 2,170,003 Jiab. Cette province, '
située entre les Gliattes , est arrosée par
le Kistnah, la Toumboudra, etc.; elle pro-
duit particulièrement l'indigo, les grains et le
riz. Cédée en 1S00 par le Nizam aux Anglais,
il
82
BAL
qui l'ont divisée en deux districts, cette con-
trée formait autrefois l'empire indou de Kar-
nato.
BALAGNY (Jean de). V. Montluc.
BAI.AGUER (Bergusium), ville forte d'Es-
pagne, capitainerie générale de Catalogne,
province et à 26 kil. N. E. de Lérida, sur la
Ségre; 4,000 hab.
BALAI s. m. (ba-lè — mot celtique. Lo
mot latin scopula, qui signifie balai, dérive de
scopa, brin, petite branche. On retrouve l'a-
nalogue de ce mot dans l'ar. scual, sguab, et
dans le kymrique ysgub, balai. Le corré-
latif sanscrit du mot latin est, suivant M. A.
Pictet, kchupa, buisson. On voit facilement
quelle est la transition des deux sens ; c'est
la matière qui donne son nom à l'instru-
ment. Cette transition se retrouve, aussi
visible, dans l'étymologio spéciale de notre
mot balai. Balai dérive directement du bas
latin baleium, qui nous cache un mot celtique
désignant à l'origine le genêt, arbuste qui
sert, en effet, encore aujourd'hui dans les
campagnes à faire des balais. Broom, en an-
glais, et ginest, en provençal, ont encore au-
jourd'hui la double signification de balai et
de genêt. Comparez le breton balan et ba-
laen , l'écossais bealnidh, l'irlandais bannal,
etc., mots qui ont tous le double sens de
balai et de genêt. La plupart des langues ro-
manes ont emprunté au latin le mot scopa,
dont nous avons parlé plus haut, pour dé-
signer le balai ; ainsi l'Italien dit. sans alté-
ration, scopa, et l'Espagnol escobà). Usten-
sile de ménage forme d'un faisceau de me-
nus brins ou dé touffes de crin, dont on se
sert pour amasser, enlever, pousser dehors
la poussière et les ordures : Balai de bouleau,
de bruyère. Balai de jonc, de genêt. Balai de
crin. Il faudra passer le balai dans cette
chambre. (Acad.) Un valet de chambre se mit
en devoir de me chasser à coups de balai. (G.
Sand.) Les plumes de l'auiruche d'Amérique
ne peuvent servir qu'à faire des balais à
épousseter. (L.-J. Larcher.)
Sachez que la nuit dernière,
Sur un vieux balai rôti.
Avec certaine sorcière,
Pour l'enfer je suis parti. Béranoer.
Manche à balai, Bâton au bout duquel i
est fixé le balai : S'armer d'un manche à (
balai. . I
— Donner un coup de balai. Action de ra- !
masser et d'enlever, avec le balai, la pous- !
sière et les ordures. Se dit surtout lorsque
cet ouvrage est fait à la hâte et grossière-
ment : Il faudrait que l'on donnât ici on
coup de balai. Il Signifie aussi l'action de ter-
miner, d'expédier quelque affaire sans aucun
soin et à la hâte : Le Directoire, par suite
d'un remue-ménage gui a lieu aux assemblées,
a encore donné un coup de balai à nos af-
faires. (Balz.) li Signifie pareillement action
de chasser, de renvoyer des personnes, de
faire maison nette : Ses locataires ne le
payaient pas, ses domestiques le volaient, il a
fallu donner un coup de balai. Il Donner du
balai à quelqu'un, L'expulser, le mettre à la
porte : Oji vient de lui donner du balai, il
Faire balai neuf, Se dit des employés, des
domestiques qui montrent du zèle, de l'ar-
deur, les premiers jours de leur entrée en
fonctions: On donne même à des domesti-
ques, à des employés nouveaux le nom de
bâtais neufs : Vous ne laissez pas de donner
de la jalousie aux anciens serviteurs de la
maison, qui voient traiter avec tant de civilité
un nouveau venu. Attends, dit l'un, cela ne du-
rera pas longtemps; c'est un balai neuf qu'on
jettera bientôt derrière la porte. (D'Ablanc.)
— Rôtir le balai , Littéral. Etre réduit
à brûler, faute de bois, son balai pour se
chauffer, et, par ext., Passer sa vie ou une
grande partie de sa vie dans un emploi su-
balterne, dans une condition obscure, néces-
siteuse : Nous trouvâmes donc Alexis occupé
à composer un thème sous les yeux de son pré-
cepteur, vieux Galicien qui avait, comme on
dit , Rôti le balai. (Le Sage.) Madame de
Maintenon fut revêtue, trente-deux ans durant,
du personnage de confidente, de maîtresse, d'é-
pouse, de ministre, après avoir été si long-
temps néant, et, comme on dit, avoir si long-
temps et si ' publiquement rôti le balai.
(St-Sim.) il Vivre dans lo désordre, dans la
débauche, par allusion aux sorcières qui font
dans les airs leur tapage nocturne, montées
sur un manche à balai : Ils ont bien rôti le
balai ensemble. (Acad.) La duchesse de La
Inerte avait une fille qui avait un peu rôti le
balai, et qui commençait à monter en graine.
(St-Sim.) Il étonne ceux-là même qui ont rôti
le balai à Versailles. (Mirab.) Un journal a
donné de cette locution l'explication sui-
vante : Chevaucher le balai, signifiait se con-
duire légèrement. Les modernes en ont fait :
Bâtir le balai. Le vieux proverbe valait
mieux, car, chevaucher le balai , c'était se
donner à tous les diables. Les sorciers mon-
taient à cheval sur un bâton, et partaient
pour l'enfer , où le bâton se rôtissait. Or,
comme le bâton le plus ordinaire du logis
^ était le manche à balai, ceux qui conviaient
le diable chevauchaient le balai, ou rôtis-
saient le balai. Peut-être, pour lier le sens
propre aux autres sens, faudrait-il ajouter
que rôtir le balai, qui signifie se livrer à des
maléfices, et par extension se donner au dia-
ble, a passé de ce dernier sens à l'expression
de toute grande misère, de tout état déses-
péré.
BAL
— Prov. Il y a du hasard sur les balais, Se
dit quand un marchand surfait une marchan-
dise de peu de valeur.
— Arcnit. Milieu de l'abaque, dans le co-
rinthien et le composite.
— Techn. Morceau de linge attaché à un
bâton, avec lequel les orfèvres nettoient l'en-
clume, n Poignées de brins de bruyère, de
buis, etc., dont on se sert pour faire monter
les vers à soie, il Poignées de brins fins de
bruyère avec lesquels la fileuse fait plonger
les cocons de soie dans l'eau chaude pour en
détacher le bout.
— Mar. Balai du ciel, Vent, du N.-K suc; j
cédant à un vent de S.-O. Il est ainsi appelé
parce qu'il chasse les nuages et nettoie le
ciel. i
— Chir. Instrument dont on se sert pour
pousser dans l'estomac des corps étrangers
arrêtés dans l'œsophage.
— Fauconn! Queue des oiseaux de proie.
— Chass. La queue des chiens : Ce lévrier
a un beau balai.
— Bot. Nom vulgaire de la clavaire coral-
loïdc. •
— Argot. Gendarme, agent do police. Ce
terme est surtout en usage parmi les mar-
chands ambulants, sans doute parce que la
présence d'un agent de l'autorité fait vider
la place à ceux qui sont en contravention.
— Homonymes. Balais, ballet.
— Encycl. Econ. dom. On donne aux ba-
lais différentes formes, et on les fabrique de
diverses matières, suivant l'usage auquel on
les destine. Les brindilles de bouleau, de
bruyère, de genêts; les panicules de sorgho,
de roseau, de mèlique bleue; les tiges de jonc,
de sparte , d'ansérine , sont le plus souvent
employées. Pour nettoyer les étables,les bas-
ses-cours, on se sert de balais de bouleau.
Ceux de houx sont les plus convenables pour
enlever des prairies , au. commencement du
printemps, les feuilles, les pailles, le fumier
non consommé et le menu bois provenant de
la tonte des haies. Pour faire un bon balai, il
est important de n'employer ces matériaux
qu'à moitié desséchés ; le bois est plus résis-
tant, ne fait pas de retrait et les liens ne se
détachent pas. ■
balaÏbalan s. m. (ba-la-i-ba-lan). Lin-
guist. Idiome de convention à l'usage des
softs, lequel, suivant Silvestre de Sacy, fut
inventé vers l'an 1000 de l'hégire, par le
cheik Mohyi-Eddin.
BALA1EMENT s. m. (ba-lè-man — rad. ba-
layer). Action de balayer : Le balaiement
des rues de Paris, il On dit plus ordinaire-
ment BALAYAGE.
— Balaiement des morts, Nom que l'on
donne en Bretagne à l'action de balayer la
maison pendant la nuit, action considérée
comme sacrilège parce qu'elle expose à bles-
ser, avec le manche du balai, les morts qui
se promènent à cette heure.
BALAÏKA ou BALBIKA (ba-la-i-ka, ba-lé-
i-ka). Sorte do guitare à doux cordes en
usage chez les Russes et les Tatars.
, BALAIS adj. m. (ba-lè — de l'ar. balschash,
rubis ainsi nommé de Balakschan, ville d'A-
sie). Miner. Mot usité dans la locution Bubis
balais, Nom donné par les joailliers aux spi-
nelles dont la couleur est d'un rose ou rouge
violacé, avec teinte laiteuse. Cette pierre,
qui a beaucoup moins de valeur que le spi-
nelle rubis ou spineUo rouge, est souvent
confondu avec la topaze brûlée : Bubis ba-
lais. Vous avez là, dit-il, un beau rubis; est-il
balais? (La Bruy.) Le rubis posé jette un feu
cerclé de nuages; suspendu en l'air, il flam-
boie, et alors il s'appelle rubis balais. (Binet.)
— Par ext. Bubis balais, S'est dit des bou-
tons rouges qui viennent sur le nez des ivro-
gnes :
Son nez haut,-relevé, semblait faire la nique
A l'Ovide Nason, au Scipion Nasique,
Où mains rubis balais, tout rougissants de vin,
Montraient un hac itur a la Pommc-dc-Pin.
1ÎÉON1ER.
— s. m. Rubis balais : Ils gagnèrent trois
balais pareils. (Commines.) il Inus.
BALAIS (ba-lè). Bot. Un des noms vul-
gaires de la clavaire corail, espèce de cham-
pignon, il Quelques-uns écrivent balai.
BALAITIÈRE s. f. (ba-lé-ti-è-re — rad. ba-
lai, parce qu'on fait beaucoup de balais de
genêt). Champ de genêts.
BALAK, mot mogol qui signifie ville, et se
rencontre quelquefois écrit Balaksun. Ce mot
se trouve assez souvent dans différents noms
de villes tartares ou de villes chinoises, ayant
subi l'invasion tartare. C'est ainsi que le nom
delà ville de Cambalu, dont parle Marco-Polo
dans ses voyages si intéressants, doit être lu
Khanbalak (la ville impériale) (khan, empe-
reur, dans toutes les langues tartares et tur-
ques), c'est-à-dire Pàking, capitale de la Chine
orientale et septentrionale.
BALAKHILYAS, génies indiens gros comme
le pouce, qui naquirent, au nombre de soixante
mille, de la chevelure de Brahma.
BALAKITG, dieu des vents, fils de Khout-
khou et époux de Zavina , dans la mytholo-
gie kamstehadale.
BALAKLAVA, ville et port de la Russie mé-
ridionale,.en Crimée, sur la mer Noire, à 9 k.
S. de Sébastopol; 2,000 hab. Les anciens
BAL
Grecs appelaient cette ville Symbolon, et les
Génois, qui, au temps de leur puissance ma-
ritime, en avaient fait un comptoir, lui don-
naient le nom de Cembalo. Pendant la guerre
de Crimée, elle fut occupée par les Anglo-
Français.
BALAKLAVA (bataille de). 'Après la ba-
tailla de l'Aima, le prince Menscnikoff avait
rapidement reconstitué son armée, grâce aux
renforts considérables qui lui étaient parvenus.
Le général Liprandi reçut l'ordre de tenter
une entreprise vigoureuse sur Balaklava dans
la journée du 25 octobre 1854. Les Russes
commencèrent par enlever quatre redoutes
que les Turcs, trop inférieurs en nombre,
essayèrent vainement de défendre; en même
temps, un corps de 400 cavaliers, protégé
par une forte artillerie , s'avançait contre le
93c highlanders, pour le charger à la fois de
front et sur le flanc droit. Les highlanders
attendirent le choc avec un intrépide sang-
froid; les cavaliers russes trouvèrent devant
eux une muraille humaine, immobile, inébran-
lable, qui jeta le désordre dans leurs rangs par
une fusillade meurtrière et les força à la
retraite. En ce moment, un second corps de
cavalerie, beaucoup plus considérable que le
premier, descendit dans la plaine ; il fut aus-
sitôt chargé par la grosse cavalerie anglaise,
sous les ordres du brigadier général Scarlett.
La mêlée devint terrible : c'était un tumulte de
voix d'hommes, de hennissements de chevaux,
de sabres qui s'abattaient sur les casques dos
dragons; les Russes avaient l'avantage du
nombre ; mais, ayant été pris en flanc par
deux autres escadrons anglais, ils se virent
écrasés et regagnèrent en désordre leurs po-
sitions en arrière, entraînant avec eux l'in-
fanterie, postée dans les deux redoutes les
plus rapprochées des lignes des armées alliées.
Aux premiers coups de canon, le général
Bosquet était accouru et avait échelonné ses
troupes de manière à appuyer partout les
Anglais. Placé sur un point élevé, lord Ra-
glan vit le mouvement de retraite de l'ennemi,
et fit porter à la cavalerie l'ordre de marcher
en avant, de poursuivre les Russes et de les
empêcher d'emmener les canons pris dans les
redoutes. Mais entre le moment où cet ordre
fut donné et celui où lord Lucan, commandant
de la cavalerie, le reçut, les choses avaient
changé de face. Les Russes venaient de se
reformer sur leur propre terrain, avec de
l'artillerie sur le front et sur les flancs, et pré-
sentaient un aspect redoutable. Le lieutenant
général Lucan ne se crut pas le droit d'inter-
préter l'ordre de lord Raglan, qui, d'ailleurs,
était net et précis, et il l'accepta avec l'obéih-
sance passive du soldat. Il fit dire aussitôt à
lord Cardigan de s'élancer avec sa brigade
pour l'attaque. A cet ordre, lord Cardigan hé-
sita, comme avait d'abord hésité lord Lucan
lui-même ; mais on répondit à ses objections
que telle était la volonté du général en chef;
alors il s'inclina en signe d'obéissance , sans
ajouter un seul mot, et alla se placer en tête
de sa brigade. Il jeta un regard de profonde
tristesse sur ses beaux régiments qu'une mort
inévitable devait décimer quelques instants
après, et lança son cheval au galop, en s'é-
criant : « En avant le dernier des Cardigan ! »
Les troupes échelonnées sur le sommet et sur
le versant des collines virent avec un senti-
ment d'angoisse inexprimable cette superbe
brigade se précipiter dans la plaine a une
attaque impossible, dont la folie pouvait seule
égaler l'héroïsme. Tous les coeurs se serrèrent,
tous les regards la suivirent jusqu'à ce qu'elle
eût disparu dans un tourbillon de fumée : elle
passait rapide comme l'éclair, avançant vers
ces batteries meurtrières qui vomissaient des
flots de mitraille. Cet ouragan, que n'avait pu
arrêter le canon, étonna les Russes. Les ca-
valiers gravissaient les mamelons, franchis-
saient les batteries, traversaient des colonnes
.épaisses, qu'ils trouaient dans leur course san-
glante. Après avoir passé au travers d'une
niasse d'infanterie qui la cribla de ses feux,
l'intrépide brigade arriva en face de la cava-
lerie russe, sur laquelle elle se rua. Ce fut
une mêlée effroyable; mais bientôt les Russes,
qu'avait stupéfaits cet acte d'audace déses-
pérée, se forment sur quatre rangs de pro-
fondeur : hommes et chevaux viennent se
briser contre ce rempart vivant, tandis que
des régiments de lanciers russes et des masses
d'infanterie s'avancent pour les envelopper.
Les cavaliers anglais doivent songer à effec-
tuer leur retour, s'ils. ne veulent pas tomber
jusqu'au dernier ; mais il leur faut briser une
seconde fois les rangs ennemis, et traverser
encore cette plaine que remplissaient de toutes
parts des flots de flammes, de fer et de fumée.
Heureusement, la brigade de nos chasseurs
d'Afrique arrivait en ce moment pour appuyer
la gauche de la cavalerie anglaise. Le général
Morris ne pouvait comprendre un mouvement
dont rien ne motivait l'imprudente témérité;
cependant, devant le désastre qui menaçait la
brigade Cardigan, il n'hésitapas à lancer quatre
escadrons et les chasseurs à pied, qui enga-
gèrent une lutte héroïque avec les Russes,
firent taire la plus importante et la plus meur-
trière des batteries ennemies, et permirent
ainsi à lord Cardigan de se frayer un chemin
pour revenir à son point de départ. Ce retour
fut affreux. A travers une plaine semée de
morts et de mourants, galopaient en bonds
insensés des chevaux sans maîtres ou traînant
après eux leurs cavaliers blessés mortelle-
ment; d'autres, les flancs déchirés, éperdus
BAL
de tout ce bruit, de cet effroyable tumulte, de
tout ce sang répandu, et se soutenant à peine
sur leurs jarrets tremblants, venaient comme
des troupeaux effarés se mêler à la grosse
cavalerie et se presser contre elle. C'était un
triste et navrant spectacle de voir revenir
amoindrie de plus de moitié , broyée par la
mitraille, cette belle brigude que ramenait
tristement dans les lignes anglaises son vail-
lant général. Telle fut cette fameuse charge
de Balaklava, qui eut en Angleterre un si dou-
loureux retentissement. Le malentendu qui la
provoqua n'a pas encore été bien expliqué;
car le capitaine Nolan, le seul qui pût donner
le mot de cette sanglante énigme, puisque
c'était lui qui avait porté l'ordre de lord Ra-
glan à lord Lucan, était tombé frappé à mort
l'un des premiers. Toutefois, le général Li-
prandi ne tenta aucun autre mouvement en
avant, et se contenta de reformer ses lignes
en arrière, sur la chaîne des hauteurs qui •
bordent de ce côté la vallée de la Tchernaïa.
BALAKLE1 , sultan ou prince des Tartares
Zavologénèses, au commencement du xme siè-
cle. Il se rendit maître de ce pays en 1221, au
moment où les ducs de Russie se livraient
entre eux des guerres intestines. Il envoya
des ambassadeurs en Lithuanie pour exiger
un tribut, mais les Lithuaniens leur cou-
pèrent les oreilles et le nez, et les renvoyèrent
ainsi mutilés à leur maître. Les Russes s'uni-
rent ensuite aux Lithuaniens pour combattro
Balaklei, qui fut vaincu à la bataille de Koi-
danowa.
BALALEIGA s. m. (ba-la-lé-i-ga). Mus.
Sorte de guitare à trois cordes , en usage en
Russie.
BALAMBANGAN, île de l'Océanie, dans la
Malaisie , à la pointe N. de Bornéo. A deux
reprises différentes (1774 et 1803), les Anglais
ont vainement tenté de s'établir dans cette
île, les Soulouans les en ont toujours chassés.
BALAMIO ou BALAMY (Ferdinand), mé-
decin du pape Léon X, né en Sicile, vivait
dans le xvie siècle. Il cultivait la poésie et les
langues anciennes, et traduisit en latin plu-
sieurs traités de Galien, qui ont été dans la
suite réunis à l'édition de Venise (1586).
BALANAIRE adj. (ba-laniè-re — du lat.
balœna, baleine). Mamm. Qui appartient, qui
a rapp .rt à k baleine.
— Entom. Coronule balanaire, Celle qui vit
sur la peau et dans le lard de la baleine.
BALANÇANT (ba-lan-san) part. prés, du
v. Balancer ; Balançant entre les deux idées
et les voyant même ensemble, il ne les pesait
pas ensemble. (Ste-Bcuve.) Pompée, balan-
çant entre la crainte et l'amitié, imagina un
prétexte pour ne pas recevoir Cicéron, lorsque
celui-ci vint réclamer son appui. (Napol. III.)
Les belles indolentes
Balançant mollement leurs tailles nonchalantes...
A. de Musset.
BALANÇANT, ANTE adj. (ba-lan-çan,an-to
— rad. balancer). Néol. Oui se balance, qui
penche tantôt à droite, tantôt à gauche : Une
démarche balançante indique un homme pa-
resseux ou suffisant, surtout s'il branle en
même temps la tête. (T. Thoré.)
BALANCE s. f. (ba-lan-se — lat. bilanx,
même sens ; formé de bis , deux fois, et lanx,
bassin). Appareil qui sert à faire connaître
le poids d'un corps, et qui se compose essen-
tiellement d'un levier dont un bras porte le
I poids et l'autre l'objet que l'on veut peser :
Balance juste. Balance fausse. Tenir la ba-
I lance en équilibre. Faire trébucher la ba-
lance. Bassins, plateau, fléau, couteau d'une
balance. La perfection des- balances a été por-
tée dans notre siècle à un degré qu'on imagi-
nerait à peine. (Dumas.) Lavoisier est le pre-
mier chimiste qui, par le choix de balances
infiniment supérieures à celtes que l'on em-
ployait avant lui , ait porté une très-grande
précision dans les résultats de la chimie.
(Fourcroy.)
— Par ext. Equilibro déterminé par des
compensations : Il faut établir une certaine
balance entre les intérêts rivaux. La liberté est
la balance des droits et des devoirs, (froudli.)
La balance sociale est l'égalisation du fort et
du faible. (Proudh.)
— Fig. Manière d'apprécier les personnes
ou les choses : Nous n'avons pas les mêmes
balances. Voltaire a comparé les disputeurs
de mots à ceux qui pèseraient des œufs de
mouches dans des balances de toiles d'a-
raignée. A l'égard du cœur, mes balances
sont bien différentes des vôtres; on met beau-
! coup de raison et de reconnaissance pour faire
le poids. (Mme de Sév.) La justice du vul-
gaire, dont la balance est boiteuse, a éva-
lué la gloire à la mesure du sang versé. (Tous-
senel.) Thomas Morus ne pèse pas plus dans
ta balance de Henri Tudor que Bailly dans la
balance de Marat. (V. Hugo) Il Moyen d'ap-
préciation : On n'a point de balances pour
peser les désirs et les sensations. (Volt.) Il Ar-
bitrage : L'Angleterre lient dans ses mains les
balances du commerce; la France devrait te-
nir dans les siennes la balance de la justice.
(E. de Gir.) Dans les grandes balances qui
s'appellent tes destinées du monde, unprincipe
vaincu pèse moins qu'un fait victorieux. (E.
de Gir.)
— En balance, En suspens, dans l'indéci-
sion : Etre en balance. Tenir quelqu'un en
balance. Mettre l'esprit en balance. Elle fui
BAL
BAL
BAL
BAL
83
guelque temps en balance et bien affligée, i
pendant la durée du combat que les raisons pour I
et contre excitaient en elle. (Mme de Cayliis.)
// ne tient pas l'auditeur en balance. (Mol.) |
Cessez d'être en balance et de vous défier. I
Corneille. ]
Voilà ce qui retient mon esprit en balance.
Corneille.
L'orchestre était muet, le parterre en balance.
C. Delavigpîe.
Notre longue amitié, l'amour ni l'alliance.
N'ont pu mettre un instant mon esprit en balance.
Corneille.
il Dans un état d'indétermination , d'incerti-
tude quant à l'événement : La victoire fut
longtemps en balance; enfin la valeur des lé-
gions en décida. (Vertot.) Il Entrer en balance,
être mis en comparaison, en ligne de compte :
Lorsqu'on fait des projets d'une telle importance,
Les intérêts d'amour cnlrént-ils en balance ?
Corneille.
— Emporter la balance, Avoir un avantage
décisif, prévaloir : Cette raison emporte la
balance. Selon vous , entre deux êtres bornés,
un seul degré de perfection emporte la ba-
lance. (Fén.) De quelque coté que le monarque
te tourne, il emporte la balance. (Montesq.)
Et la beauté, sans doute , emportait la balance.
Corneille.
Ma gloire intéressée emporte la balance.
Racine.
Il Tenir la balance, Maintenir à son gré un
certain équilibre : Le vainqueur de Bhodes
tint la balance dans l'Inde. (Volt.) Signit.
aussi, Etre l'arbitre ou le juge :
Il lient, seul, de l'Etat le glaive et la balance.
Rotrou.
Il faut qu'entre eux et lui je tienne la balance.
Racine.
l'ai tenu la balance avec un bras d'airain,
COLARDEAU.
(I Signif. encore, Etre prêt à porter un arrêt :
Misérable! le Dieu, vengeur de l'innocence,
Tout prêt a te juger, tient déjà la balance.
Racine.
Il Tenir la balance égale, Se montrer impar-
tial :
Jamais le juge ne tenait
A leur gré la balance égale.
La Fontaine.
il Egaliser la balance, Etablir une sorte de
compensation : A côté de l'éloge, elle plaçait
toujours quelque défaut, comme pour égaliser
la balance. (Etienne.) n Faire pencher , in-
cliner la balance, Donner l'avantage, faire
qu'une personne, une chose, l'emporte sur
une autre ; décider en sa faveur ;
Le juge qu'un plaideur caresse à l'audience,
■ Vers lui, sans le vouloir, incline la balance.
VlENNET.
Il m'observa longtemps dans un sombre silence,
1-lt le ciel, qui pour moi fil pencher la balance.
Dans ce temps-la sans doute agissait sur son cœur.
Racine.
Il Porter droite la balance, Montrer de la jus-
tice, de l'équité. Il Mettre un poids dans la ba-
lance , jeter quelque chose dans la balance,
Faire, dire quelque chose qui provoque ou
tende à provoquer une décision : Il jeta son
épée dans la balance et la fit pencher. Quand
l'utilité est mise dans la balance, elle flétrit
la religion de son esprit terrestre. (B. Const.)
// ne jeta dans la balance que quelques pa-
roles. (Lamart.) I! Mettre en balance, dans la
balance, Mettre en parallèle, comparer : Qui
oserait mettre en balance Eschine et Dé-
masthène?
Dans la balance mettre Aristote et Cotin.
Boileau.
Penses-tu qu'un instant ma vertu démentie
Eût mis dans la balance un homme et la patrie?
Voltaire.
— Dans son sens propre, le mot balance est
souvent' suivi d'un qualificatif ou d'un com-
plément qui en détermine l'espèce, la nature :
Balance indifférente, Balance qui est en équi-
libre dans toutes les positions, ce qui arrive
lorsque le centre de gravité coïncide avec le
point de suspension, il Balance folle, Balance
qui n'est en équilibre stable dans aucune
position, ce qui arrive lorsque le centre de
gravité est au-dessus du point de suspension.
Il Balance paresseuse, Balance peu sensible,
comme celle dans laquelle le centre de gra-
vité est trop au-dessous du point de suspen-
sion, il Balance d'essai } Balance d'une sensi-
bilité extrême , destinée à donner très-exac-
tement le poids des pièces d'essai sur lingots
et monnaies d'or et d'argent pour en éprouver
!c titre. On l'appelle aussi Trébuchet. ii Ba-
lance Ue Itoberual, Balance où les chaînes de
suspension ont été supprimées, les bassins
reposant au-dessus des bras du fléau. Il Ba-
lance pendule, La même que celle de Ro-
berval , mais perfectionnée. Un mécanisme
soutient les deux bassins du fléau dans une
' position constamment horizontale, ce qui
garantit la justesse de la pesée. Il Balance
romaine, Celle dont le fléau a un de ses bras
très-court, et qui permet l'usage d'un poids
unique dont on fait varier l'effet en le chan-
geant de place. On dit aussi simplement ro-
maine, il Balance danoise, Levier droit du pre-
mier genre, portant à l'une de ses extrémi-
tés un poids constant qui y est soudé, à
l'autre extrémité un crochet pour recevoir
l'objet à peser, et un autre crochet que l'on
peut faire glisser le long du levier pour ser-
vir de point de support.
— On donne aussi, en physique, le nom do
Balance à des appareils qui ne déterminent
la pesanteur que dans des circonstances toutes
spéciales, ou même qui servent à des expé-
riences auxquelles la pesanteur est abso-
lument étrangère : Balance hydrostatique,
Appareil propre à mesurer la pesanteur spé-
cifique des corps plongés dans un liquide.
Il Balance électrique ou magnétique, Appareil
servant à mesurer la force des aimants, l'in-
tensité des attractions et des répulsions élec-
triques, n Balance pneumatique. Instrument
qui sert à mesurer l'état de compression de
1 air dans les soufflets d'orgues. Il Balance de
Coulomb ou de torsion, Appareil au moyen du-
quel on constate les lois des actions magné-
tiques, en s'appuyant sur la torsion des fils
élastiques.
— Mécan. Balance à poids , Espèce de sou-
pape de sûreté qui se compose d'un levier
chargé d'un poids à son extrémité et agit
comme la balance romaine. Il Balance à res-
sort, Appareil semblable au précédent, mais
dans lequel le poids est remplacé par un res-
sort, et qui, par conséquent, est plus com-
mode dans les machines locomobiles dont le
mouvement pourrait déranger le poids. Il
peut, d'ailleurs, être appliqué sur des sur-
faces qui ne sont pas horizontales, il Balance
d'eau, Machine hydraulique dont on se sert
dans les usines à for, pour élever, sur la
plate-forme du gueulard , le combustible et
le minerai , et qui consiste en un tonneau à
soupape, qui, se remplissant d'eau et se vi-
dant tour a tour, descend et monte alterna-
tivement, entraînant en sens contraire la
benne qui confient le combustible.
— Mathém. Balance algébrique, Instru-
ment qui sert à résoudre les équations nu-
mériques de tous les degrés. Il Balance
arithmétique, Instrument à l'aide duquel on
peut faire les opérations de l'arithmétique
ordinaire.
— Astr. Constellation zodiacale , ainsi ap-
pelée parce que, lorsque le soleil entre dans
le signe qui lui correspondait autrefois, les
jours sont égaux aux nuits. Quelques-uns ont
cru à une allusion à la balance de ïhémis :
La balance, au milieu du céleste séjour,
Suspend également et la nuit et le jour.
RoucriER.
Il Septième signe du zodiaque, qui corres-
pondait autrefois à la constellation du même
nom, mais dont la précession des équinoxes
l'a considérablement écarté.
— Techn. Balance élastique, Instrument à
l'aide duquel les horlogers trouvent un spiral
dont la progression de force est exactement
dans la progression arithmétique requise
pour l'isochronisme.
— Pêch. Sorte de filet plat dont on se sert
spécialement pour la pêche aux écrevisses.
— Polit. Equilibre des Etats, relativement
à la distribution des territoires et des al-
liances : La balance de l'Europe était entre
les mains de Henri 1 V, par ses alliances , par
ses trésors et ses armées. (Volt.) Le système
de la balance de l'Europe n'a été développé
que dans ces derniers temps. (Volt.) On dit
aujourd'hui Equilibre. Il Pondération des
pouvoirs politiques entre les souverains et
les chambres, qui est la base du gouverne-
ment constitutionnel : La balance des pou- ■
voirs existe dans un gouvernement constitu-
tionnel. (Acad.) La balance politique est une
utopie inventée par des niais pour se tromper
eux-mêmes. (Colins.) Il Compensation avant
l'équilibre pour but ou pour résultat : L éco-
nomie sociale est un vaste système de balance,
dont le dernier mot est l'égalité. (Proudli.)
— Econ. polit. Balance du commerce, Com-
pensation faisant ressortir la différence entre
les exportations et les importations : Le ta-
bleau de la balance du commerce est la repré-
sentation des échanges d'une nation avec les
autres nations. (Necker.) Vouloir mettre en sa
faveur la balance du commerce, c'est-à-dire
vouloir donner des marchandises et se les faire
payer eu or , c'est ne vouloir point de com-
merce (J.-B. Say.) Il Balance favorable, Ba-
lance défavorable, Nom que l'on donnait à la
différence en plus ou en moins des exporta-
tions avec les importations, à l'époque où
l'on était convaincu que les espèces métalli-
ques constituent la vraie richesse d'une
nation.
— Comm. Chiffre qui représente la diffé-
rence entre le débit et le crédit : La balance
de_son compte est en ma faveur de deux mille
francs. (Acad.) Il Equilibre entre la dépense
et la recette :
Je ne pourrai jamais établir la balance.
C. Delavuine.
Il Rapport , comparaison mettant la diffé-
rence en évidence : C'est la balance 'de l'offre
et de la demande qui établit le prix courant.
(Droz.) il Balance d'inventaire ou simplement
Balance, Opération par laquelle un négo-
ciant se rend compte de sa situation , en fai-
sant le relevé de son actif et de son passif,
puis en compensant et balançant les deux
comptes : Je rentre dans mon cabinet faire
ma balance de la semaine. (Scribe.) il Balance
de sortie, Celle qu'on établit à la fin du grand-
livre, lorsqu'il est rempli II Balance d'entrée
ou Balance à nouveau, Cette même balance
de sortie , reportée au commencement du
nouveau grand -livre. Il Balance générale,
Comparaison entre la balance de sortie et le
compte des profits et pertes , donnant la si-
I tuatioq réelle du négociant, il Balance se di-
sait autrefois, parmi ceux qui trafiquaient en
Hollande, de la déclaration faite par le patron
d'un vaisseau des marchandises composant sa
cargaison.
— B.-arts. Balance des peintres, Tableau
comparatif du mérite des plus habiles pein-
tres, établi par de Piles, sous le quadruple
rapport de la composition, du dessin, du colo-
ris et de l'expression. Il suppose que chacune
de ces qualités artistiques est susceptible de
s'élever à 20 degrés, et il trouve, par exemple,
dans les ouvrages de Raphaël : la compo-
sition à 17 degrés, le dessin à 18, le coloris
à 12 et l'expression à 18. Dans ce système
bizarre , où l'on a essayé d'introduire des
chiffres pour traduire les choses que le goût
est seul appelé à apprécier , la perfection
serait égale a 80 ; Raphaël aurait atteint 65;
ainsi que Rubens; Lebrun ne serait arrive
qu'à 56.
— Iconogr. et relig. La balance est l'attri-
but de la -Justice personnifiée. Elle figure,
avec cette signification, sur une foulé de mo-
numents funéraires de l'ancienne Egypte, de
la Grèce et de l'Etrurie. Dans les scènes du
Jugement dernier exécutées "par les artistes
chrétiens du moyen âge, la main de la Jus-
tice divine tient quelquefois une balance;
mais, en général , c est l'archange saint Mi-
chel.
| — Il est aussi question, dans différents en-
! droits du Coran, d'une balance dans laquelle
! seront pesées les bonnes et les mauvaises
: œuvres de chaque homme. « Nous établirons,
dit Dieu, des balances justes au jour de la
| résurrection. Pas une âme ne sera traitée in-
justement, quand même ce que nous aurions
a produire do ses œuvres ne serait que du
poids d'un grain de moutarde. » Et dans un
autre chapitre il est dit : a Nous avons en-
voyé des apôtres, accompagnés do signes
[ évidents; nous leur avons donné le livre et
la balance, afin que les hommes observent
! l'équité. » S'il faut en croire les commenta-
teurs musulmans, cette balance, qui est peut-
être la même qui servira au jour du juge-
ment dernier, a été apportée du ciel sur la
I terre par l'ange Gabriel, et donnée à Noé
' pour qu'il la transmit à ses descendants.
| — Poét. Attribut de Thémis ou de la Jus- •
tice , que l'on représente tenant de la main
droite un glaive et de la gauche une balance ,-
! La Justice passa, la balance à la main.
La Fontaine.
' Je vois une auguste déesse
De qui la droite vengeresse
Fait briller un glaive tranchant;
Dans sa gauche est une balance
Que ni fraude ni violence
Ne forcent au moindre penchant.
Lamotîe.
Il Symbole de la justice et de l'équité, par al-
lusion à la balance que les poètes mettent
dans la main de Thémis : Malheur à ces mi-
nistres faciles et complaisants qui, portant la
balance du sanctuaire que le Seigneur leur a
confiée, au lieu de la tenir droite, la font pen-
cher du côté où les entraine une condescendance
naturelle et tout humaine! (Bourd.)
— Rem. Le mot balance, tant au propre qu'au
figuré, est très-souvent employé au pluriel
pour désigner un seul objet. Cela tient à ce
que la balance a ordinairement deux bassins.
Le même usage ou abus se présente pour
d'autres objets également composés do deux
parties distinctes. Tel est le mot lunette, que
l'on écrit au pluriel lorsqu'il s'agit d'un petit
instrument fort connu qui se compose de
deux verres. Tel est aussi le mot ciseau, et,
! ce qui est plus bizarre encore, dans ces deux
exemples, c'est qu'on dit : une paire de lu-
nettes, une paire de ciseaux.
Epithètes. Egale, juste, exacte, équitable,
stricte, sévère, inflexible, impitoyable, droite,
chancelante , fine , délicate , incertaine , dou-
teuse, fausse, trompeuse.
— Encycl. I. — Mécan. et phys. Théorie de
la balance. Pour le mathématicien, la balance
est un levier du premier genre, o'est-à-dire un
levier où le point d'appui est placé entre le
point d'application de la puissance et le point
d'application de la résistance. Les deux forces
appelées puissance et résistance sont ici re-
présentées, l'une par le poids d'un corps, l'au-
tre par des grammes ou fractions de gramme ;
elles ont leurs directions parallèles, et sont
appliquées aux extrémités du levier. Pour le
physicien et le commerçant, la balance est un
instrument destiné à évaluer les poids des
corps. Sa forme peut varier selon la nature
ou les dimensions des objets h peser. Le levier
de la balance se nomme fléau; il est partagé
en deux bras, dont la longueur se compte du
point d'appui au point d'attache des bassins ou
plateaux destinés à, recevoir les corps et les
poids.
— Théorie de la balance ordinaire. La balance
ordinaire a pour but d'établir l'équilibre entre
les masses de deux corps sollicités par la pesan-
teur dans des conditions telles, que ces masses
soient nécessairement égales quand le fléau
s'arrête dans la position horizontale; et alors,
I si le poids de l'un des corps est connu, on peut
être certain que c'est, aussi le poids de l'autre
corps. Ces conditions sont au nombre de trois :
; 10 les deux bras du fléau doivent avoir une
longueur égale, mesurée du point d'appui à
chacun des points de suspension des plateaux ;
2" ils doivent avoir le même poids, en considé-
rant le poids même de chaque plateau comme
solidaire avec celui du bras qui le supporte ;
3° le centre de gravité du fléau armé de ses
plateaux ne doit pas se confondre avec le
point d'appui, mais doit se trouver sur une
ligne perpendiculaire à celle qui joint les points
de suspension des plateaux et un peu au-des-
sous du point d'appui. De la théorie du levier,
qui peut se résumer dans ce principe : La
puissance et la résistance sont en raison in-
verse de leurs bras de levierfil résulte que les
deux premières conditions entraînent l'équili-
bre quand le point d'appui de la balance et
son centre de gravité se confondent; mais
alors l'équilibre consiste uniquement dans le
repos qui résulte de l'égalité entre des forces
opposées, et il a lieu quelle que soit la position
du fléau. La troisième condition ne détruit pas
cet état de fixité résultant d'une égalité de
forces contraires ; mais elle fait qu'il ne peut
avoir lieu qu'autant que le fléau est dans une
position parfaitement horizontale, puisqu'un
corps quelconque ne peut rester fixe que lors-
que son point d'appui et son centre de gravité
se trouvent sur la même verticale. On peut
très-facilement s'assurer qu'une balance rem-
plit les trois conditions que nous venons d'in-
diquer : il suffit, pour cela, de charger les
plnteaux de deux poids se faisant équilibre
quand le fléau reste horizontal, puis d'échan-
ger ces deux poids en mettant l'ijn h la pl-ice
de l'autre ; si l'équilibre subsiste encore, tou-
jours avec l'horizontalité du fléau, la balance
est juste. Il est bon de remarquer ici que
l'idée d'horizontalité s'attache nécessairement
à celle d'équilibre, quand on applique ce der-
nier mot à la balance ordinaire.
Si le centre de gravité du fléau était placé
au-dessus du point d'appui, au lieu d'être au-
dessous, la balance serait folle, parce qu'elle
n'aurait alors aucune tendance à revenir vers
son point d'équilibre dès que celui-ci se trou-
verait dépassé : c'est ce qu'on exprime encore
en disant que l'équilibre de la balance serait
instable. Si le centre de gravité était au point
d'appui même, la balance serait dite indiffé-
rente ; et elle serait paresseuse , c'est-à-dire
peu sensible, si le centre de gravité était trop
au-dessous du point d'appui , comme nous
allons le voir.
— Sensibilité de la balance. Après avoir dé-
terminé les conditions théoriques d'une balance
juste, il est naturel de se demander si l'équili-
bre proprement dit, c'est-à-dire l'état de fixité
du fléau dans une position quelconque, est
impossible quand les poids sont inégaux ; en
d'autres termes, s'il n y a pas une position in-
clinée du fléau pour laquelle l'équilibre existe,
quelle que soit la différence des poids placés
dans les deux bassins. Pour répondre à cette
question , observons que , le fléau étant en
équilibre sous l'action de deux forces égales
(les deux bassins et leurs charges), ces deux
forces auront une résultante passant par le
point d'appui 0 du fléau AB (fig. l), résultante
qui sera détruite par la fixité de co point. Ce
\0
i
G'
1
1
G
sera comme si le fléau ne supportait ni bas-
sins ni poids, comme s'il était seul, et il ne
prendra une position horizontale que sous
l'action de son propre poids P, appliqué h son
centre de gravité G. Une différence de poids
p entre les corps mis dans les plateaux pro-
duira donc le même effet que si le fléau était
simplement soumis à la force p appliquée à
l'une de ses extrémités, en B par exemple ; il
s'inclinera et ne s'arrêtera dans la position
A'B' que quand son poids P, appliqué à son
centre de gravité G', maintenant déplacé, fera
équilibre à la force p. Or, dans cette position,
les moments (v. Moment) des forces P et p
sont égaux, c'est-à-dire que l'on a
P x Oa =p x 0*. (1)
Il y a donc, comme on voit, une inclinaison
du fléau pour laquelle l'équilibre existe avec
des bras inégaux. Cette inclinaison, représen-
tée par l'angle BOB', que nous nommerons a,
peut être calculée. En effet, les deux trian-
gles OG' a, OB' 6 sont semblables comme ayant
leurs côtés respectivement perpendiculaires,
ce qui entraîne l'égalité des angles OG' a et a.
On a donc
Oa= OG'sina >
et
06 = OB' cos s.
Alors, l'égalité (1) devient
P x OG' sin a = p x OB' cos a,
d'où
sin a _ p x OB'
cos a P x OG'
ou enfin
tang
(2)
p X OB'
P x OG'"
La formule (5), dans laquelle OB' indique la
moitié de la longueur du fléau, et OG' la dis-
tance du centre de gravité du fléau à son
point d'appui , va nous montrer immédiate-
I ment quelles sont les conditions de sensibilité
d'une balance. Cette sensibilité est d'autant
: plus grande, en effet, que l'angle « est plus
M
BAL
BAL
BAL
BAL
grand lui-môme, sans toutefois atteindre D0°.
Pour
œ = 90»,
on aurait
tang n = « ,
ce qui est impossible tant que Où' n'est pas
nul. La différence p des poids étant supposée
fixe pour un cas donné, la valeur de tang a,
et, par suite, celle de a, dépend de la valeur
de '^a fraction ■ -■-!-, qui est d'autant plus
1 x Oh
grande que son numérateur surpasse davan-
tage son dénominateur. Les conditions de la
sensibilité d'une balance juste peuvent donc
se réduire à trois chefs :
] o Le fléau doit être très-long ;
2° Le poids du fléau doit être très-léger ;
3° Le centre de gravité du fléau doit être
aussi rapproché que possible du point d'appui.
C'est en se conformant aux conditions que
nous venons de passer en revue, et en y ajou-
tant les soins d'une ingénieuse exécution, que
d'habiles constructeurs, notamment MM. For-
tin et Deleuil, sont parvenus à fabriquer des
balances sensibles à l'addition d'un milli-
gramme dans un bassin, lors même que ces
bassins contiennent chacun un poids de 10 kilo.
— Construction d'une bonne balance. L'axe
de suspension du fléau consiste en un couteau
d'acier dont'le tranchant, tourné vers le bas,
repose par ses extrémités sur deux petits
plans d'acier ou d'agate; de cette manière, le
fléau n'éprouve que le moindre frottement
possible. Le fléau se termine, à chaque extré-
mité, par un couteau dont l'arête, cette fois,
est tournée vers le haut; c'est sur ces deux
arêtes que reposent les crochets auxquels sont
fixées les chaînes qui soutiennent les bas-
sins. Au fléau est adaptée une longue aiguille
qui, participant à toutes ses oscillations, per-
met de les constater et d'en apprécier l'ampli-
tude le long d'un arc immobile et gradué.
Enfin, pour ménager le couteau de suspen-
sion et conserver le poli des plans sur lesquels
il repose, on adapte à la balance une pièce
mobile nommée fourchette , dont les deux
branches viennent saisir le fléau par dessous,
et le maintiennent soulevé pendant que l'on
change les poids des bassins, ou quand l'ap-
pareil ne fonctionne plus. On complète ees
précautions en enfermant le système dans une
cage de verre destinée à le garantir des agi-
tations de l'air et à le préserver de l'humidité
et de la poussière.
— Utilisation d'une balance fausse. Sans
vous inquiéter de savoir si votre balance est
rigoureusement juste, il est facile d'en obtenir, '
par deux méthodes différentes, dos résultats
aussi exacts qu'avec le plus parfait appareil.
La première méthode, due a Borda, est celle
des doubles pesées. Placez dans l'un des bas-
sins le corps à peser, et dans l'autre des grains
de plomb, ou du sable fin, ou toute autre sub-
stance capable d'être ajoutée ou retirée par
Ïietitos quantités. Quand l'équilibre a lieu, en-
evez le corps, et remplacez-le par des gram-
mes en nombre suffisant pour que l'équilibre
se rétablisse. Ces grammes expriment évidem-
ment le poids du corps, puisqu'ils font équili-
bre a la même charge dans les mêmes con-
. ditions.
La deuxième méthode consiste hextraircla
racine carrée du produit des deux poids que
l'on obtient en pesant le corps successivement
dans les deux bassins. En effet, désignons par
a et b les longueurs des deux bras du fléau ;
par P le poids que le corps semble avoir à
l'extrémité du bras a; par P' le poids qu'il
semble avoir a, l'extrémité du bras b ; et soit x
le poids réel qu'il s'agit de trouver. D'après
les principes de l'équilibre du levier, on a
ax = b P'
et
bx = a P,
dont le produit
abx' = ab PP'
se réduit à
x' = PP',
ou
a; = </pT\
Ainsi, par exemple, si la première pesée a
donné P = 38 gr., et la seconde P' = 42 gr.,
le véritable poids sera
V38 X 42 = ]/\Z<36 = 39 gr. 95.
En réalité, on ne parvient jamais à faire
des balances dont les deux bras soient rigott -
reusement égaux, ou même le soient assez
Ïiour des pesées de précision; c'est pourquoi
es chimistes, dans leurs.recherches délicates,
considèrent toujours les meilleures balances
comme mauvaises, et s'astreignent a employer
constamment la méthode des doubles pesées. Et
quand on emploie cette méthode, il faut avoir
soin que le fléau ne fasse pas de grands mou-
vements à l'instant où l'on remplace par des
poids le corps a peser, car ces mouvements
suffiraient pour déplacer quelque peu le point
de suspension du Beau, et changer par consé-
quent la longueur de sejs deux bras pendant la
durée de la pesée.
— Balance à levier coudé. Une autre sorte
de balance , sans poids , employée souvent
comme pèse-lettres, repose sur une applica-
tion un peu différente des mêmes principes.
Elle consiste en un levier coudé AOB tour-
nant autour du point O : l'une des branches
AO a la forme d'une aiguille, et se meut le
long d'un cadran convenablement gradué ;
l'autre branche OB porte le poids à son extré-
0
mité. Un contre-poids M est pincé a une dis-
tance quelconque OM sur le prolongement de
la branche OB, de manière à faire équilibre
au poids de celle-ci lorsque la balance est à
vide et que la ligne OA est verticale.
La condition d'équilibre de cette machine
est facile à établir. On reconnaît d'abord ai-
sément que le poids M, faisant d'abord équili-
bre au poids de la branche OB et du plateau
vide, aura, dans toutes les situations de la
balance, un moment égal à la somme de celui
de cette branche et de ce plateau; on peut
donc en faire abstraction et chercher simple-
ment la condition d'équilibre entre le poids de
la branche OA et le poids P appliqué en B.
O B
f^ — rz
la-
1"°
'I
Soit a l'angle dont la balance s'incline sous
l'influence do ce poids P ; soit it le poids de la
branche OA, que nous pouvons supposer au
centre de gravité G de celle-ci; soit enfin
OG = "k et OB '= l. Le moment du poids P est
égal à
P l cos a-,
celui du poids it est
it\ sin a.
On a donc l'égalité
P £cos o = k\ sin a,
d'où
l
tang a = P • —
Cette équation montre que, si grand que
soit P, jamais l'angle o ne sera droit et jamais
OA ne sera horizontal. Elle donne aussi le
moyen de graduer le cadran CD; mais il vaut
mieux effectuer cette graduation empirique-
ment. L'instrument est d'autant moins sen-
sible que le poids P est plus grand. Ce poids
n'a d'autre limite que celle qui est imposée
par l'imparfaite résistance des matériaux.
— Balance de Quintenz. Cette balance, ainsi
nommée du nom de son inventeur, se voit
dans les magasins de gros et dans les bureaux
des messageries ou des chemins de fer. Elle
sert à peser les bagages et les corps volumi-
neux. Un plateau AB (fig. 2), dont un des
li ,1 K .L
E D
bords se relève en BC, s'appuie, d'une part,
en D sur le levier El*', et, d'une antre part,
sur la pièce G au moyen de la barre CG. Le
levier EF, mobile en E, est engagé dans l'ex-
trémité inférieure de la tringle FH ; et la
pièce G est également accrochée à l'extrémité
inférieure de la tringle GI; de sorte que le
poids d'un corps posé sur te plateau tend à
abaisser ces deux tringles, et, par suite, le
bras de levier HK, auquel elles sont atta-
chées. Le levier HL est mobile autour du
point K ; une de ses extrémités supporte,
comme nous venons de le voir, le poids du
corps à peser; l'autre soutient un plateau P
destiné à recevoir des kilogrammes. Les cho-
ses sont combinées de façon à avoir les rap-
. ED IK , IK 1
POrtS ËF = ÏÎK Ct KL = 7o" Cela P°Sé ' ad"
mettons que, le plateau AB no portant aucun
corps, le levier HL soit en équilibre et dans
une position horizontale. Si maintenant l'on
place un corps sur le plateau AB, le poids de
ce corps se réparlira entre les deux points
d'appui D, G du plateau. La portion de ce
poids qui incombe au point G donnera lieu à
une pression égale appliquée en I. L'autre
portion, que nous appellerons m, agissant au
ED
point D, donnera lieu a une pression it x — ->
IK kk
ou it X —% appliquée a. l'extrémité F du le-
IIK
vier EF. Cette dernière pression se transmet-
tra au point H, et y produira le même effet
IK_ HK
HK * IK
en I; en sorte que ce sera comme si la se-
conde portion du poids agissait directement
sur le point I. Le levier HL se trouve donc
exactement dans les mêmes conditions que si
le poids du corps était tout entier appliqué en
I. Et, à cause du rapport rrr- = — , il faudra.
lL KL 10 '
pour établir l'équilibre, mettre sur le plateau
P un poids dix lois moindre que celui du corps.
C'est d'après les mêmes principes que sont
construits les ponts à bascule, sur lesquels on
installe, pour être pesées, des voitures avec
leur chargement complet.
— Balance de lioberval. En lG70,le Journal
des Savants annonça > une nouvelle manière
de balance inventée par M. de lioberval, pro-
fesseur de mathématiques dans l'Université de
Paris, laquelle est très-différente des autres
et semble d'abord renverser les principes de
la statique; car, dans cette nouvelle balance,
soit que les poids soient absolument égaux ou
inégaux, soit qu'on les approche ou qu'on les
éloigne du centre de la balance, s'ils sont une
fois en équilibre, ils y demeurent toujours ; s'ils
no sont pas d'abord en équilibre, on ne les y
peut jamais mettre; et, ce qu'il y a de plus
surprenant, les poids, étant mis tous deux du
même côté du centre de la balance, peuvent
faire équilibre l'un contre l'autre » C'est
cette balance paradoxale, dont nous ne décri-
rons pas la construction primitive, que l'on
voit aujourd'hui sur tous les comptoirs, enfer-
mée dans une caisse en bois, d'où sortent, aux
deux extrémités, deux tiges métalliques sup-
fiortant les plateaux. Pour faire comprendre
e principe sur lequel repose la disposition de
cet appareil , rappelons que , si deux forces,
agissant aux extrémités d'un bras de levier
mobile, se font équilibre, elles sont entre elles
dans le rapport inverse des chemins parcourus,
dans le même temps, par leurs points d'appli-
cation; en sorte que, si les chemins parcourus
sont égaux, les forces {qui sont ici représen-
tées l'une par le poids d'un corps, l'autre par
des grammes) seront égales. Imaginons donc
un parallélogramme ABCD (fig. 3) formé de
C
,-1
A',--''"
■
i
i
i
i
i
i
'" N
quatre tiges solides, articulées les unes aux
autres à leurs oxirémités, et soutenu par un
axe MN, également articulé aux milieux des
côtés AB et DC. De cette manière, quelle que
soit la déformation du parallélogramme, telle
que A'B'C'D', les côtés verticaux AD, BC,
restent encore verticaux en A'D', B'C, et il
est, de plus, évident que deux points quelcon-
ques de ces côtés se déplacent, en même temps,
de la même quantité, l'un en montant, l'autre
en descendant. Si donc les tiges verticales
sont surmontées de plateaux, l'appareil sera'
en équilibre, et le fléau AB horizontal, quand
les charges mises sur les plateaux auront
même poids.
— Balance romaine. La romaine, ainsi nom-
mée à cause du grand usage qu'en faisaient
les Fiomaiiis,se compose d'un fléau AB (fig. 4),
suspendu par une anse EK, qui le divise en
deux bras inégaux. Le bras le plus court porte
un bassin C, ou un crochet destiné à soutenir
l'objet qu'on veut peser ; et l'on fait équilibre
à l'aide d'un poids constant P, qui glisse, au
moyen d'un anneau, sur le bras le plus long.
Cette machine a l'avantage de n employer
qu'un seul poids pour peser les corps les plus
divers en pesanteur ; car, d'après la théorie
du levier, l'équilibre a lieu lorsque, le fléau
étant horizontal, le poids constant P a été
placé de manière à donner la proportion
P AK
— = -— , dans laquelle Q représente le poids
de l'objet. Par exemple, si le corps pesé égale
10 kilo, et que P soit égal à 1 kilo., l'équilibre
aura lieu lorsque la partie K a sera égale à.
dix fois le bras AK. La proportion ci-dessus
sert donc à déterminer, le long du plus grand
bras, une graduation qui indique aussitôt lo
poids cherché. Pour que cette balance soit
juste, il faut qu'elle soit en équilibre et dans
une position horizontale, indépendamment du
poids fixe ou du corps à peser.
— Balança danoise. Cette machine . dont
l'usage est très-répandu dans le nord dé l'Eu-
rope, diffère de la romaine en ce que le peson
et le corps à peser restent fixes aux deux
extrémités du néau, et que le point de sus-
pension seul est mobile et sert à déterminer
le rapport des bras.
— Balance hydrostatique. Cette balance,
imaginée par Galilée pour vérifier le principe
d'Archirnède (v. Archimède), et obtenir les
pesanteurs spécifiques des corps, n'est autre
chose qu'une balance ordinaire, dont le fléau
peut, par une disposition particulière, s'élever
ou s'abaisser à volonté, en même temps que
les deux plateaux. Au-dessous d'un des pla-
teaux est adapté un crochet auquel on suspend
un cylindre creux ; au-dessous de ce cylindre,'
on suspend de même un cylindre métallique
plein, capable de remplir exactement le cylin-
dre creux. On établit l'équilibre en mettant
des poids dans l'autre plateau. Cela fait, on
abaisse le fléau de manière à faire plonger
entièrement le cylindre plein dans un vase
rempli d'eau. L'équilibre est aussitôt rompu -,
pour le rétablir, il suffit de remplir d'eau le
cylindre creux. On vérifie par la que le cylin-
dre plein, plongé dans l'eau, y perd de son
poids une portion égale au poids du liquide
qu'il déplace. La balance hydrostatique sert
aussi d'aréomètre. (V. ce mot.) En effet, l'ap-
pareil sans poids ni corps étant en équilibre,
si, <ivec un crin ou un fil très-délié dont la
pesanteur peut être négligée, on attache sous
un des bassins l'objet dont on cherche la den-
sité, et qu'on établisse l'équilibre par des poids
gradués placés dans l'autre bassin, on aura
d'abord le poids absolu du corps. Si mainte-
nant on plonge le corps dans l'eau, l'équilibre
est encore troublé, et les poids qu'il faut met-
[ tre sur le bassin du côté du corps font con-
■ naître le poids de l'eau déplacée. Il reste donc
! à diviser le poids du corps par le poids de
cette eàu.
Nous avons vu jusqu'ici le mot balance ap-'
pliqué à des appareils servant à estimer les
poids des corps. Mais , par analogie , on a
étendu la signification de ce mot, afin de lui
faire désigner d'autres instruments propres à
mesurer des forces très-différentes de la pe-
santeur. Les plus importants de ces appareils
sont les suivants :
— Balance bifile. Quelques physiciens ayant
annoncé qu'ils avaient trouvé en défaut les
lois de Coulomb relatives aux attractions et
aux répulsions électriques (v. ci-dessous Ba-
lance de torsion), un Anglais, sir William
Harris, construisit, pour les vérifier, une ba-
lance, a laquelle il donna le surnom de bifile,
parce que le fil unique de Coulomb y est rem-
placé par deux fils parallèles, auxquels l'ai-
guille mobile est suspendue. Un ingénieux
système de roues et de cercles gradués per-
met de tordre les fils et de lire avec la plus
grande précision les déviations de l'aiguille et
Tes angles de torsion des deux fils, que des
arrêts de liège empêchent de se rapprocher.
Au moyen de cet appareil, Harris crut d'abord
reconnaître que les lois de Coulomb ne se vé-
rifiaient pas toujours ; mais, depuis, la mise en
défaut de ces lois a été rejetée sur des causes
accidentelles, et la belle découverte de Cou-
lomb a été de nouveau confirmée.
— Balance électro-magnétique. Cet appareil,
imaginé par M. Becquerel, est d'une grande
simplicité pour faire connaître les intensités
des courants électriques. Qu'on se figure une
balance ordinaire très-sensible. Au-dessous de
chaque bassin est suspendu un aimant qui pé-
nètre sans frottement dans un tube de verre
vertical, entouré , comme une bobine , d'un
très-long fil de cuivre recouvert de soie, et
passant d'un tube à l'autre. L'instrument étant
bien équilibré, si l'on fait passer un courant,
en sens opposé, autour des tubes, l'un des ai-
mants est soulevé et l'autre abaissé ; il faut
alors, pour rétablir l'équilibre, mettre dans le
bassin correspondant a l'aimant soulevé des
poids qui représentent l'intensité des courants.
— Balance de torsion. Appareil ainsi nommé
par son inventeur Coulomb, et construit en
vue d'estimer les forces magnétiques des ai-
mants naturels ou artificiels , ainsi que les
forces électriques. 11 est fondé sur la torsion
des fils de cuivre ou d'argent, c'est-à-dire sur
l'effort que fait, pour revenir sur lui-même,
un fil tendu verticalement par un poids que
l'on fait tourner horizontalement. Cet effort,
appelé force de torsion, est proportionnel à
Vamjle de torsion. La balance (fig. l),dans ses
éléments essentiels, consiste en un fil d'ar-
gent, dont la partie supérieure est enroulée
BAL
BAL
BAL
BAL
85
à un petit treuil qui peut tourner sur un dis-
que divisé de manière à indiquer , à l'aide
d'un micromètre, les degrés de torsion ou l'an-
gle de torsion que l'on donne au til à son ex-
trémité supérieure. L'extrémité inférieure du
fil porte une espèce d'étrier destiné à soutenir
une aiguille aimantée, quand on veut mesurer
les forces magnétiques , ou une aiguille en
gomme laque terminée par une balle de su-
reau, quand il s'agit d'évaluer les forces élec-
triques. Une cage de verre enferme une partie
du fil et supporte le treuil. Sur le contour de
la cage règne une zone divisée en degrés,
correspondant aux degrés de la circonférence.
Nous allons voir comment l'appareil s'applique
à la mesure des forces magnétiques. On com-
mence par déterminer la position d'équilibre
du fil. Pour cela, on place dans l'étrier une
aiguille non aimantée, et l'on note le point
auquel correspond son extrémité sur la divi-
sion qui entoure la cage. On remplace ensuite
l'aiguille non aimantée par une aiguille ai-
mantée du même poids. Celle-ci tord le fil pour
se placer dans la direction du méridien magné-
tique. On note également le point auquel elle
correspond sur la division. Les deux points
notés indiquent, par leur écartement, la quan-
tité dont il faut faire tourner le micromètre
supérieur pour amener le plan d'équilibre du
fil à coïncider avec la direction de l'aiguille.
On est alors sûr que l'aiguille est dans le mé-
ridien magnétique, et que le fil n'éprouve au-
cune torsion. Représentons (fig. 2) la coupe
horizontale de l'appareil, au niveau de l'ai-
guille , et soit MM' la direction du méridien
magnétique. L'aiguille est suivant OM, et elle
est maintenue dans cette position par la force
magnétique F de la terre, force que nous de-
vons préalablement évaluer. Pour cela, fai-
sons tourner le micromètre dans le sens MNA1'
d'une quantité angulaire égale à A, et suppo-
sons que la torsion du fil amène l'aiguille de
OM en ON, en la faisant dévier d'un angle
MON = B (dans son expérience, Coulomb
avait A = 720» et B = 50°) . Si l'aiguille n'a-
vait pas bougé, l'angle do torsion eut été A.
Mais, maintenant que l'aiguille a été écartée
de sa position primitive, l'angle de torsion est
A — B. Cet angle représente la force de tor-
sion qui fait équilibre à la force magnétique
de la terre. Ainsi :
Pour faire dévier l'aiguille de B°, il faut
tordre, le lil de A — B° ;
Donc, pour la dévier de 1», il faut tordre
. fil . A-B°
le fil de ■ _ ■•
b
De sorte qu'à chaque deeré de déviation de
\ — B
l'aiguille correspondent — j-— degrés de tor-
sion du fil, ou encore une force magnétique
terrestre de — ~ — . Cette valeur dépend des
dimensions et de la nature du fil employé.
Dans l'expérience de Coulomb, elle était de
35°. Sup[ osons-la donc déterminée pour un
fil donné, et appelons-la S. Maintenant, rame-
nons l'aiguille dans sa position OM . Introdui-
sons, par une ouverture pratiquée dans le
haut de la cage, un barreau aimanté, situé
aussi tout entier dans le plan du méridien ma-
gnétique , et approchons-le du point M, de
façon que les deux pôles du même nom soient
en présence. L'aiguille sera aussitôt déviée
dans la direction MN, par exemple. Soit C
l'angle qu'elle fera. La répulsion de l'aimant
fait ici équilibre à deux forces : I» ia force
magnétique, qui, étant de 0 par degré, se
trouve être, dans le cas actuel, C 0 ; 2« la tor-
sion C du fil. En appelant R cette première
répulsion, il vient donc
R= C«-fC.
Pour provoquer une nouvelle déviation de
l'aiguille, faisons tourner le micromètre dans
le sens de NMN', mouvement dont l'effet sera
de rapprocher l'aiguille de l'aimant. Soient D
le nombre de degrés parcourus par le micro-
mètre, et E l'écart correspondant de l'aiguille.
Dans le cas présent, la force magnétique de
la terre est h 6, et la torsion D + E. C'est à
ces deux forces que la répulsion actuelle R'
fait équilibre, et l'on a encore
R' = E 6 + D + E.
Les distances des pôles de l'aiguille et de l'ai-
mant sont C et E ; les répulsions calculées, R
et R'. Or, l'expérience a fait voir que l'on a,
à très-peu près, la relation
R _ E?
R' ~ C1'
C'est-à-dire que les répulsions magnétiques
sont proportionnellement inverses aux carrés
des distances des pôles des aimants.
Ce que nous venons d'exposer étant bien
compris, il est facile de voir comment la même
méthode conduirait à déterminer la loi des
attractions magnétiques, ainsi que la loi des
attractions et des répulsions électriques. Seu-
lement, dans ce dernier cas, la terre n'exerce
aucune action sur l'aiguille, et il y a lieu de
tenir compte de la . quantité d'électricité
fournie.
II. — Astron. On a donné le nom de Balance
à une constellation située en partie sur le
passage du soleil, et au septième signe du
zodiaque, en comptant d'occident en orient, à
commencer par le Bélier. Il y a donc la con-
stellation de la Balance et le siç/ne de la Ba-
lance, qui ne sont pas la même chose, comme
beaucoup de personnes It croient. Au temps
. d'Hipparque (uc siècle av. J.-C.), Un signe
quelconque du zodiaque et la constellation du
même nom correspondaient assez exactement,
et pouvaient être pris l'un 'pour l'autre ; il
était alors indifférent de dire que, le jour de
l'équinoxe d'automne, le soleil entrait dans le
signe ou dans la constellation de la Balance.
Mais, en raison de la précession des équi-
uoxes, c'est-à-dire du mouvement qui trans-
porte le point équinoxial d'orient en occident
d'une quantité égale à environ 50 secondes
par an, ce n'est plus dans la constellation de
la Balance, mais dans celle de la Vierge, et
même assez près du Lion, qu'à lieu l'équinoxe
d'automne, le S3 septembre ; et c'est à ce mo-
ment que le soleil entre dans le signe de la
Balance.
La constellation de la Balance compte, dans
le catalogue britannique , cinquante et une
étoiles, dont l'une située sur l'écliptique même,
et une autre un peu au-dessous, forment les
plateaux de la Balance. Dans les calendriers
et annuaires, !e signe de la Balance est indi-
qué par le caractère i. Quelle est l'étymo-
logie du mot Balance appliqué à une con-
stellation ? Suivant le plus grand nombre des
auteurs, la Balance étant le symbole de la
justice et des partages égaux, son nom a été
naturellement emprunté pour désigner la ré-
gion que le soleil traverse lorsqu'il partage
le temps en jours et en nuits d'égale durée.
Libra diei somnique pares ubi fecerii haras,
Et médium luei atque umbvisjam dicidvt orbem,
Exrrcetc, viri, taures
a dit Virgile.
Quand la Balance enfin, recevant le soleil,
Egale au jour la nuit, le travail au sommeil,
De tes taureaux nerveux aiguillonne les flancs.
Les Egyptiens avaient consacré, on ne sait
pourquoi, la Balance et le Scorpion au dieu
du mal, Typhon, qui, non content de cet hom-
! mage astronomique, se faisait moins innocem-
i ment immoler des hommes roux. V. Con-
stellation, Signe, Zodiaque.
I — III. Comm. Comptabilité. On nomme ba-
lance, en comptabilité commerciale, la diffé-
rence entre le débit et le crédit d'un compte,
que l'on ajoute au côté Je plus faible pour
égaliser les totaux. Cette différence prend
également le nom de solde. Balancer ou solder
un compte, c'est égaliser ainsi les totaux de
ce compte. Il y a une balance qu'on appelle
générale et qui doit nécessairement se faire
tous les ans, elle se fait même souvent tous
les six mois; elle est également de prescrip-
tion légale, soit à la mort d'un associé, soit à
la dissolution d'une société commerciale. Cette
opération essentielle est pour ainsi dire la
conclusion de tout le système d'écritures
suivi: elle consiste à balancer généralement
tous les comptes ouverts au grand-livre, et
elle a pour but : l° de faire connaître les bé-
néfices ou les pertes des opérations de l'an-
née; 20 de déterminer exactement la situa-
tion d'une maison de commerce ou de banque,
ou d'une entreprise industrielle, en marchan-
dises, argent, effets, valeurs diverses, dettes
actives et passives. On obtient ces résultats
à l'aide des deux comptes de balance desortie
et de profits et pertes. — Le compte de profits
et pertes sert à solder tous les comptes qui
ne doivent plus rester ouverts, et celui de
balance de sortie sert à solder tous les autres.
Balance de sortie. Cette balance est établie
à la fin de chaque compte et sert à les solder
tous.
Balance d'entrée. C'est la contre-partie de la
balance de sortie. Le débit de 1 une correspond
au crédit de l'autre.
— IV. Polit. Balance des pouvoirs. Partout
où les hommes ont vécu à l'état de société
politique, ils ont cherché, avec plus ou moins
de succès, à s'assurer le respect de leurs per-
sonnes, de leurs biens, le libre usage de leurs
facultés, et en même temps à maintenir
parmi eux la paix et la bonne harmonie. Par-
tout cette tendance éternelle des sociétés a
été plus ou moins troublée, tant par les pré-
tentions exorbitantes des individus ou groupes
d'individus, que par les empiétements de la
puissance publique. Aussi les efforts des poli-
tiques se sont-ils surtout appliqués à régler
les droits et privilèges respectifs des citoyens
et des autorités héréditaires ou électives pla-
cées au-dessus d'eux.
Parmi les systèmes imaginés, à diverses
époques, pour atteindre ce but, un des plus
anciens et des plus curieux que nous présente
l'histoire est assurément celui de la consti-
tution dorienne. Dans chacun des trois Etats
de Lacédéinone, d'Argos et de Messénie,
composant cette confédération, les rois pro-
mettaient d'user avec modération et justice
de leur autorité ; les sujets, de respecter les
droits du souverain. En cas de troublés infé-
rieurs causés dans un Etat soit par les em-
piétements du pouvoir, soit par l'indocilité des
sujets, les deux autres Etats s'engageaient à
prendre les armes et à intervenir. Cette con-
,' fédération ne tarda pas à se dissoudre. A Mes-
| sène et à Argos, ou il n'y avait d'antre bar-
' rière contre les excès de l'autorité royale que
> le serment, cette autorité disparut. A ce propos,
! Platon fait remarquer que, si les législateurs
de ces Etats avaient été plus clairvoyants, ils
| ne se seraient jamais persuadé que la religion
' du serment fût suffisante pour retenir'dans les
bornes du devoir de jeunes princes revêtus
d'un pouvoir qu'ils pouvaient pousser jusqu'à
la tyrannie. A Sparte, la royauté se maintint
plus longtemps. Unique d'abord , ce pouvoir
avait bientôt été partagé en deux branches,
puis limité par la création d'un sénat, et enfin
plus, amplement refréné par l'institution des
éphores.
Dans les autres parties de la Grèce , les
avantages de la pondération des pouvoirs
n'échappèrent pas à la pénétration des politi-
ques et des esprits d'élite, mais la réalisation
pratique en fut à peu près impossible. Dans
chaque Etat l'oligarchie, la démocratie et la
tyrannie (c'est-à-dire, selon le sens ordinaire
que les Grecs attachaient à ce mot, le pouvoir
d'un seul) dominèrent exclusivement tour à
tour. Platon, aux yeux de qui le gouverne-
ment le plus parfait était celui qui ressemble
le plus à l'homme de bien et qui se conduit
par les mêmes règles, condamnait également
tous ces régimes. Il les déclarait incapables
d'atteindre au but que doit se proposer tout
bon gouvernement, c'est-à-dire de faire régner
parmi les citoyens la concorde, les lumières
et la liberté. Athènes est particulièrement
l'objet de sa sévérité, o Le gouvernement
d'Athènes, dit-il, est pour son malheur devenu
théûtrocratique. Le désordre que les portes
ont introduit dans les beaux-arts s'est étendu
à tout le reste. Chacun se croyant capable de
juger de tout, il en est résulté un esprit gé-
néral d'indépendance. La bonne opinion que
chacun a de soi-même a délivré chaque citoyen
de toute crainte; cette absence de crainte a
engendré la pire, espèce d'impudence, celle
de ne pas craindre les gens qui valent mieux
que nous; de là le peu de cas qu'on fait de
1 autorité des lois, le mépris de la puissance
paternelle, le dédain pour la vieillesse, et la
légèreté avec laquelle on se dispense de tenir
ses promesses et ses serments. »
Si Platon est sévère pour les excès de la
liberté, il "ne l'est pas moins pour la concen-
tration exagérée de l'autorité. Le tableau qu'il
trace des misères que le despotisme a infligées
à la Perse se retrouve, avec ses traits les plus-
saillants, dans l'histoire de tous les despotismes.
» Si la puissance des rois de Perse a été, dit-il,
en s'affaiblissant, c'est parce que ces rois ont
donné des bornes trop étroites à la liberté de
leurs sujets et porté leur autorité jusqu'à ia
tyrannie. Par là , on a détruit l'union et la
communauté d'intérêts qui doivent régner dans
l'Etat. Les délibérations n'ont plus pour but
le bien public; aussi, quand on a besoin que
les peuples s'arment, ne trouve-t-on en eus
ni concert ni ardeur à affronter les périls; des
millions de soldats ne sont d'aucun secours
pour la guerre. Sous de pareils régimes, les
hommes arrivent à ne voir rien au-dessus de
l'or et de l'argent. »
Si les Grecs ne furent pas assez heureux
pour établir chez eux la pondération des pou-
voirs, leurs éerivams'politiques eurent du moin!,
la sagesse d'en reconnaître et d'en proclamer
les mérites partout où ils en rencontrèrent la
réalisation plus ou moins parfaite. A la façon
dont Aristote, parlant de la constitution de
Carthage, modelée évidemment sur celle de
Sparte, en fait ressortir les avantages, on
sent que, s'il aime la vérité encore plus que
Platon, il est aussi très-peu disposé à la sa-
crifier, dans un livre de science, à,une ques-
tion d amour-propre national. « A Carthage,
dit-il, les cent quatre, au lieu d'être tirés
comme les éphores, à Sparte, des classes ob-
.scures, sont pris parmi les hommes les plus
honorables. Quant aux deux suffètes,qui cor-
respondent aux deux rois, on a eu la sugesse
de ne pas les demander à une famille unique ;
on ne les prend pas non plus dans toutes
indistinctement, on s'en rapporte à l'élection
pour appeler le mérite au pouvoir. Les rois,
maîtres d'une immense autorité, sont très-
dangereux quand ils sont des hommes mé-
diocres; ils ont déjà fait bien du mal b
Lacédémone. »
Polybe, décrivant le mécanisme du gouver-
nement de la république romaine, est évidem-
ment inspiré par le même esprit de sereine
impartialité et de respect pour la vérité. « La
séparation des diverses parties de l'Etat, dit-il,
est ici si grande, les pouvoirs sont entre eux
tellement balancés, qu'il est difficile de déter-
miner si on est en présence d'un gouverne-
ment monarchique, aristocratique ou démo-
cratique, soit qu'on regarde les consuls, le
sénat ou le peuple. Les consuls ont la direction
des affaires publiques, sont chargés d'exécuter
les lois. Ce sont eux qui reçoivent les ambas-
sadeurs, et décident de leur présentation au
sénat. A eux appartient l'initiative de la ré-
daction des sénatus-consultes, la convocation
et la tenue des assemblées populaires, le droit
d'y poser les questions à résoudre par oui ou
par non, la levée des troupes et le comman-
dement des armées. Le sénat est maître des
deniers publics , il vote les dépenses néces-
saires à la nourriture et à l'habillement des
troupes, il a droit de juridiction spéciale sur
certains crimes politiques ; il est juge des
différends entre les villes et les particuliers,
il détermine le chiffre des sommes à employer
en travaux publics ; c'est de lui que les am-
bassadeurs auprès des nations étrangères
tiennent leur mandat; il décide enfin de la
paix et de la guerre. Afin d'empêcher que les
fuerres étrangères ne tournent au préjudice
e la chose publique, il peut remplacer les
chefs et arrêter les expéditions. Quant au
peuple, il a droit d'infliger des amendes, la
prison, la mort même, et il doit être consulté
sur la paix, les alliances et la guerre. Chaque
partie de l'Etat, ajoute Polybe, peut incom-
moder l'autre ; mais en agissant de concert,
elles sont inébranlables; la guerre étrangère
a toujours pour effet de les amener à faire
cause commune, et alors leur force devient
immense. Les choses se font à point nommé
et à temps , parce que tous en général et
chacun en particulier s'efforcent d'exécuter
ce qui a été résolu ; toutes les entreprises
arrivent ainsi à bonne fin. » La guerre étran-
gère était en effet le seul moyen à l'aide du-
quel le mécanisme pût durer . "On sait ce qu'il
en advint, lorsque la guerre fut devenue in-
suffisante pour absorber l'activité du peuple
romain, et lorsque la force des choses eut
enlevé le contrôle des opérations militaires au
sénat.
La révolution commencée par César et
accomplie par Auguste réunit dans les mains
du prince tous les pouvoirs de. l'Etat, tout en
laissant subsista ceux-ci d'une manière pu-
rement nominale. Avec des sages sur le trône,
comme Nerva, Trajan et les deux Antonins,
qui se glorifiaient de n'être que les déposi-
taires et les ministres de la loi, les désavan-
tages d'une telle concentration des pouvoirs
publics se trouvèrent amplement compensés
par le caractère même du prince.
Mais rien ne saurait remplacer, pour un
peuple, un système d'institutions indépendant
de ia volonté et du caractère du souverain..
Sous les successeurs des Antonins, le pouvoir
absolu dont ces sages empereurs avaient fait
usage pour le bonheur du monde , devint
bientôt un instrument de despotisme- intolé-
rable, comme il l'avait été déjà sous plusieurs
de leurs prédécesseurs. Les libertés civiles
perdirent toutes leurs garanties comme la
liberté politique, et le maintien de l'empire
n'intéressa plus que l'empereur, l'armée et les
fonctionnaires publics. Quand on en fut là,
malgré l'immensité de ses ressources natu-
relles et son savant organisme administratif,
l'empire s'écroula.
Les constitutions ou plutôt les coutumes des
monarchies barbares qui succédèrent à l'em-
pire romain supposaient toutes un chef unique,
qui ne trouvait de contre-poids à sa volonté
personnelle que la nécessité de compter quel-
quefois avec ses hommes d'armes pour les
trouver toujours prêts à le suivre sur les
champs de bataille; le peuple proprement dit
n'était compté pour rien, son rôle était celui
d'esclave chargé de cultiver la terre pour ses
maîtres ou pour ses vainqueurs. En France,
où la royauté lutta avec tant d'énergie et tant
de succès contre la féodalité, l'issue de la lutte
ne profita pas beaucoup au principe de la
balance des pouvoirs. Une fois sortie de page,
la royauté ne se montra nullement dispo-
sée à partager une autorité dont la conquête
lui avait coûté tant d'efforts et de peines ; elle
délégua son pouvoir avec des précautions
extrêmes, mais ne le partagea pas. L'histoire
à la main, on peut dire que l'idéal poursuivi
par les rois de la troisième race était celui
d'un pouvoir sans limite. Tous aspiraient,
comme Louis XIV, à dire : » l'Etat, c'est moi. »
Au besoin, rois et ministres tenaient très-peu
de compte mùme de leurs propres lois et des
autorités instituées par eux pour les mettre à
exécution. Le caractère personnel des déposi-
taires du pouvoir, le progrès de la civilisation,
un certain respect de L'opinion publique étaient
l'unique frein du despotisme, et ce trein n'eut
longtemps qu'une bien faible puissance. Mais
au xvme siècle, on vit tout à coup l'opinion
acquérir une force toute nouvelle; les livres
se multiplièrent, ils osèrent traiter to.utes les
questions, et tout le monde voulut les lire. On
vit enfin se produire un esprit d'examen qui
s'enquit de fa raison d'être de chacune des
parties de l'organisme politique et économique.
Tout fut soumis au creuset de l'analyse; les
penseurs et les philosophes eurent le bonheur
de rencontrer, pour répandre le résultat de
leurs méditations, un vulgarisateur de génie.
Lorsque le moment vint où l'ancien régime
sentit l'impossibilité de vivre sans demander
à ceux qui payaient l'impôt un consentement
plus ou moins libre aux lois fiscales qu'il fallait
établir, il se trouva en présence d'une société
qui, depuis deux générations, était profondé-
ment convaincue de la nécessité d'une trans-
formation radicale des divers éléments de
l'Etat.
Mais cette transformation ne put se faire
sans bouleversements politiques et sociaux. Il
fallut abolir une foule de privilèges, et natu-
rellement toute la classe des anciens privilé-
giés devint l'ennemie mortelle d'une révo-
lution qui les dépouillait et qui les faisait passer
sous un odieux niveau. Les chefs de la Révo-
lution, irrités de ces résistances, ne surent pas
86
BAL
BAL
BAL
BAL
garder la modération qui les eût comprimées
plus lentement, mais d'une manière beaucoup
plus sûre. Ils donnèrent ainsi à leurs ennemis
le droit de crier au despotisme, et le peuple
lui-même, qui devait profiter dé ce despotisme
transitoire, prêtant une oreille trop complai-
sante k des récriminations dont la justice lui
semblait démontrée par l'état même d'une
société fortement ébranlée, qui n'avait pas
encore eu le temps de se rasseoir, le peuple,
disons-nous, fit chorus avec ceux dont tous les
désirs secrets tendaient au rétablissement de
leurs privilèges. L'impatience du caractère
national amena donc bientôt la ruine de toutes
les constitutions par lesquelles la Révolution
avait essayé d'établir une balance des pouvoirs
fondée sur la raison et sur l'intérêt du plus
grand nombre; à tous ces systèmes plus ou
moins compliqués, on préféra les formes sim-
ples et le niveau égalitaire du pouvoir d'un
seul.
Mais les excès qu'engendra ce despotisme,
les entreprises démesurées dans lesquelles il
précipita le pays, les immenses calamités et
tes douloureuses humiliations qui en furent la
suite, ramenèrent la nation à tenter de nouveau
l'épreuve de la pondération des pouvoirs. Les
diverses phases de cette épreuve n'ont pas été
heureuses. Tour à tour le gouvernement de la
France a été entre les mains des classes su-
périeures, des classes moyennes et du suffrage
universel abandonné à lui-même. Aucun de
ces régimes n'a pu se maintenir, soit parce
qu'ils n'ont pas su comprendre la part qu'il
fallait faire aux divers intérêts sociaux, soit
parce qu'on n'a pas pris assez soin d'éviter
des fautes qui avaient déjà été commises dans
le passé. De guerre lasse, la*nation s'est de
nouveau rejetée dans la concentration du
pouvoir, espérant y trouver du moins la paix si
elle n'y trouvait pas la satisfaction de toutes
ses aspirations légitimes.
En Angleterre, le principe de la séparation
des pouvoirs est arrivé à se traduire dans les
faits un peu mieux que partout ailleurs. Une
suite de circonstances heureuses a contribué
à ce résultat. La royauté, sous les Tudors, fut
presque aussi puissante et aussi absolue que
les autres royautés du continent. Les parle-
ments s'inclinaient devant l'autorité royale,
qui n'avait pas de limites et qui ne devait pas
même être discutée. C'était vers la royauté,
et non pas vers les deux chambres, que les
faibles pensaient à se tourner pour réclamer
protection. Vers la fin du xvie siècle, le par-
lement était considéré bien plus comme un
ornement de la couronne que comme un des
éléments essentiels de l'Etat. Les temps où les
deux chambres avaient exercé quelque auto-
rité correspondaient à des périodes de troubles
et d'effusion de sang. Il n'en fallait pas da-
vantage pour rendre odieuse aux classes
éclairées la perspective du retour de cette
influence. Pour changer les idées du peuple
anglais, il ne fallut rien moins que le spectacle
des maux que l'absence de libertés politiques
avait attirés sur le continent, et le pédantisme
extravagant des publicistes à la solde de
Jacques l".
On sait quelle fut l'issue de la lutte entre
cette prétention de la royauté de ne recon-
naître aucun contrôle et celle de la nation,
qui voulait participer à la direction de ses
affaires; commencée par des livres, des ser-
inons, cette lutte se traduisit bientôt en procès
criminels, en guerres civiles, et se termina
par la mort et l'exil des Stuarts et de leurs
partisans. L'élévation de Guillaume d'Orange
au trône fut la constatation du droit que se
reconnaissait le peuple anglais de décider de
ses destinées par l'intermédiaire du parlement.
Depuis cette époque, le parlement a été pour
le peuple anglais le commencement et la fin,
l'alpha et l'oméga de toute autorité. Quand,
mécontentes de la part qui leur était faite dans
la communauté politique et sociale, des classes
nombreuses de la société ont aspiré à être
traitées avec plus de justice, on ne les a vues
réclamer que le droit d'être représentées au
parlement, sûres qu'elles étaient que ce droit
les conduirait au but de leurs désirs.
C'est assurément à cette certitude où chacun
est que la porte du parlement ne lui est pas
fermée qu'est due cette bonne harmonie rela-
tive qui règne aujourd'hui généralement dans
la nation anglaise. Gouvernement et nation ne
craignent rien l'un de l'autre. Il en est de
même des diverses classes entre elles ; aucune
haine sérieuse , aucune barrière infranchis-
sable ne les sépare. Mais si l'on peut dire
qu'en fait la balance des pouvoirs existe en
Angleterre mieux que partout ailleurs, ne
peutron pas dire aussi que ce fait résulte de
la sagesse ou de la modération des rois an-
glais, bien plus que des institutions elles-
mêmes? Au Heu d'une reine, qui n'a d'autre
désir que d'être aimée de son peuple, supposez
un roi jeune, ambitieux, ardent pour la gloire :
respectera-t-il toujours l'opinion publique ,
manifestée par les votes des deux chambres?
Ne voudra-t-il pas aussi abuser de son pouvoir,
qui, au fond, est à peu près le même que celui
de tous les autres souverains? Et, si Pon croit
trouver dans l'aristocratie anglaise une force
qui manque a d'autres nations pour assurer
1 équilibre de l'Etat, eot-ce là une institution
qui soit réellement digne d'envie et à la hau-
teur du siècle? Il faudrait donc désirer, chez
nous, le rétablissement d'une noblesse toute
féodale, sauf le servage. Vraiment, il est permis
de douter que la constitution anglaise contienne
plus que les autres la vraie solution de la
balance des pouvoirs. Cette balance n'existe
encore en réalité qu'à l'état de problème; mais
. c'est un problème que les publicistes doivent
I s'efforcer de résoudre le plus tôt possible, cola
i est évident, car dès qu'il sera résolu, la société
j aura trouvé son assiette la plus stable, et l'on
pourra croire que la carrière des révolutions
sera définitivement fermée.
— Balance du commerce. Depuis le xvie siè-
cle, la théorie de la balance du commerce
a servi de base, dans presque tous les Etats
de l'Europe, au régime des prohibitions et
des douanes protectrices. Peu familiers avec
les questions compliquées qui se rattachent
k la formation des richesses, les hommes
d'Etat et les publicistes, voyant l'influence
et la prospérité que le commerce donnait a
certaines nations, crurent que l'or et l'argent
. étaient la plus importante richesse, sinon la
] seule richesse d'un pays. Or, disaient-ils, au
bout d'une certaine période, entre deux peu-
ples qui contractent des échanges, il y en a
un nécessairement qui a reçu plus d'argent
que l'autre, c'est-à-dire qui a exporté plus de
produits rémunérés en monnaie. Le peuple qui
a importé le plus de marchandises, c'est-
à-dire qui a livré une plus grande quantité de
monnaie en échange, ce peuple, dans l'hypo-
thèse, a fait une mauvaise affaire; la balance
du commerce a tourné contre lui. Le peuple,
au contraire, qui a plus exporté qu'importé et
qui a été mis par suite en possession d'une
plus grande quantité de numéraire a réalisé
un gain sur 1 autre : il s'est enrichi d'autant.
Voilà la théorie dans toute sa simplicité. Le
système do politique commerciale qui en dé-
coulait, désigné sous le nom de système mer-
cantile, consistait, pour chaque pays, k tirer
de l'étranger non des marchandises supé-
rieures en valeur à celles qu'on y envoyait,
mais plus de capitaux circulants qu'on n'en
donnait. De là la prohibition de sortie de
métaux précieux à laquelle on eut d'abord
recours, puis la prohibition des marchandises
étrangères similaires aux produits nationaux.
On espérait ainsi que les nations recevant
plus d'objets de consommation qu'on ne leur
en demandait seraient inévitablement obligées
d'en payer le solde en numéraire. Quant aux
marchandises que le pays ne pouvait produire
et qu'il fallait forcément tirer du dehors, on
les frappa de droits d'entrée plus ou moins
forts, afin d'en réduire autant que possible
l'importation. En même temps, chaque Etat
favorisa par des traités de commerce et des
primes d'exportation l'envoi de ces produits
au dehors. On présumait que l'étranger, obligé
de recevoir les produits d'une autre nation, et
ne pouvant, en raison des prohibitions, envoyer
les siens en retour, serait forcé de payer en
or ou en argent.
Cette doctrine économique se recommandait
de l'autorité des publicistes les plus accré-
dités. > On doit distinguer, dit Locke, l'argent
des autres biens meubles. Ceux-ci sont d une
nature si périssable, qu'il y a peu de fond k
faire sur la richesse qui consiste dans ce genre
de biens, et une nation qui en possède dans
une année une grande abondance peut, sans
aucune exportation, mais par sa propre dissi-
pation et son imprudence, en manquer l'année
suivante. L'argent, au contraire, est un ami
solide qui, tout en voyageant beaucoup de côté
et d'autre et de main en main, ne court pas
risque d'être dissipé ni consommé, pourvu
qu'on l'empêche de sortir du pays. » Ainsi,
suivant Locke, l'or et l'argent étant la partie
la plus solide et la plus essentielle des riches-
ses mobilières, le grand objet de la politique
commerciale, pour un pays, doit être d'y mul-
tiplier ces métaux. « Le conducteur de la na-
tion, dit Vattel, doit veiller soigneusement à
encourager le commerce avantageux à son
peuple, et à supprimer ou restreindre celui
qui lui est désavantageux. L'or et l'argent
étant devenus la commune mesure de toutes
les choses commerciales, le commerce qui
apporte dans l'Etat une plus grande quantité
de ces métaux qu'il n'en fait sortir, est un
commerce avantageux ; et, au contraire, celui-
là est ruineux qui fait sortir plus d'or et d'ar-
gent qu'il n'en apporte : c'est ce qu'on appelle
la balance du commerce. L'habileté des gou-
vernants consiste à faire pencher cette balance
en faveur de leur nation Lorsque, sans
contraindre absolument le commerce, ils veu-
lent cependant le jeter d'un autre côté, ils
assujettissent la marchandise qu'ils préten-
dent détourner à des droits d'entrée capables
d'en dégoûter les habitants. C'est ainsi que les
vins de France sont chargés, en Angleterre,
de droits très-forts, tandis que ceux de Por-
tugal n'en payent que de modiques, parce que
l'Angleterre vend peu de ses productions en
France.au lieu qu'elle en verse abondamment
en Portugal. » « Le tableau de la balance du
commerce, dit Necker, est la représentation
des échanges d'une nation avec les autres
nations ; cette balance paraît favorable lorsque
la somme de ses exportations est plus con-
sidérable que celle de ses importations; elle
lui annonce une perte lorsqu'au contraire elle
a plus acheté que vendu, •
La théorie de la balance du commerce, dont
Sully, Colbert et Napoléon 1er furent en
France les plus vigoureux interprètes, fut vi-
vement attaquée par les fondateurs de la
science économique, Quesnay et Adam Smith.
Quesnay soutint, le premier, que pour appré-
cier le commerce extérieur d'une nation, il
faut tenir compte, non de la plus ou moins
grande quantité des métaux précieux qui en-
trent et qui sortent, mais du plus ou moins de
profit résultant des marchandises vendues et
des marchandises achetées, et qu'il y a sou-
vent perte pour une nation à recevoir son solde
en numéraire.
Presque àla même époque, Adam Smith si-
gnalait comme la source du système mercan-
tile la confusion que l'on fait, dans le langage
ordinaire, de l'argent avec la richesse, confu-
sion naturellement produite par la double
fonction que remplit l'argent comme instru-
ment de 1 échange et comme mesure des va-
leurs; il s'efforçait d'établir que l'argent, dans
le commerce international, n'a aucune supério-
rité sur toute autre marchandise, et qu'une
nation n'est nullement intéressée à recevoir en
payement, de l'étranger, tel objet plutôt que tel
autre. Mais laissons parler l'auteur des Jle-
cherclies sur la nature et la cause de la richesse
des nations :
« La double fonction que remplit l'argent,
et comme instrument de commerce, et comme
mesure des valeurs, a donné naturellement
lieu à cette idée populaire que l'argent fait la
richesse, ou que la richesse consiste dans
l'abondance de l'or et de l'argent. L'argent
servantd'instrumentde commerce, quand nous
avons de l'argent nous pouvons bien plutôt
nous procurer toutes les choses dont nous
avons besoin que nous ne pourrions le faire
par le moyen de toute autre marchandise.
Nous trouvons à tout moment que la grande
affaire, c'est d'avoir de l'argent; quand une
fois on en a, les autres achats ne souffrent pas
la moindre difficulté. D'un autre côté, l'argent
servant de mesure des valeurs, nous évaluons
toutes les autres marchandises par la quantité
d'argent contre laquelle elles peuvent, s'é-
changer» Nous disons d'un homme riche qu'il
a beaucoup d'argent, et d'un homme pauvre
qu'il n'a pas d'argent... S'enrichir, c'est acqué-
rir de l'argent; en un mot, dans le langage
ordinaire, richesse et argent sont regardés
comme synonymes. On raisonne de la même
manière à l'égard d'un pays. Un pays riche
est celui qui abonde en argent, et le moyen le
plus simple d'enrichir le sien, c'est d'y entasser
l'or et l'argent
» Quelques-uns conviennent que, si une na-
tion pouvait être supposée exister séparément
du reste du monde, il ne serait d'aucune con-
séquence pour elle qu'il circulât beaucoup ou
peu d'argent. Les choses consommables, qui
seraient mises en circulation par le moyen de
cet argent, s'y échangeraient seulement contre
un plus grand ou un plus petit nombre de
pièces ; la richesse ou la pauvreté du pays
(comme ils veulent bien en convenir) dépen-
drait entièrement de l'abondance ou de la ra-
reté de ces choses consommables. Mais ils
sont d'avis qu'il n'en est pas de même à l'égard
des pays qui ont des relations avec les nations
étrangères, et qui sont obligés de soutenir des
guerres à l'extérieur, et d'entretenir des flottes
et des armées duns des contrées éloignées.
Tout cela ne peut se faire, disent- ils, qu'en
envoyant au dehors de l'argent pour payer
ces dépenses, et une nation ne peut pas en-
voyer beaucoup d'argent hors de chez elle, à
moins qu'elle n'en ait beaucoup au dedans.
Ainsi, toute nation qui est dans ce cas doit
tâcher, en temps de paix, d'accumuler de l'or
et de l'argent, pour avoir, quand le besoin
l'exige, de quoi soutenir la guerre avec les
étrangers
» Sans contredit, un pays qui n'a pas de
mines doit tirer son or et son argent des pays
étrangers, tout comme celui qui n'a pas de
vignes est obligé de tirer ses vins de l'étran-
ger. Cependant il ne paraît pas nécessaire
que le gouvernement s'occupe plus d'un de
ces objets qu'il ne s'occupe de l'autre. Un
pays qui a de quoi acheter du vin aura tou-
jours tout le vin dont il aura besoin, et un
pays qui aura de quoi acheter de l'or et de
l'argent ne manquera jamais de ces métaux.
On trouve à les acheter pour leur prix, comme
toute autre chose; et, s'ils servent de prix à
toutes les autres marchandises, toutes les au-
très marchandises sèment aussi de prix à l'or
et à Varient. Nous nous reposons en toute
sûreté sur la liberté du commerce, sans que le
gouvernement s'en mêle en aucune façon,
pour nous procurer tout le vin dont nous avons
besoin ; nous pouvons donc bien nous reposer
sur elle, avec autant de confiance, pour nous
faire avoir tout l'or et l'argent que nous som-
mes dans le cas d'acheter ou d'employer, soit
pour la circulation de nos denrées, soit pour
d'autres usages. La quantité de chaque mar-
chandise que l'industrie humaine peut produire
ou acheter dans un pays, s'y règle naturelle-
ment sur la demande effective qui s'en fait,
ou sur la demande de ceux qui sont disposés
à payer, pour l'avoir, toute la rente, tout le
travail et tout le profit qu'il faut payer pour
la préparer et la mettre au marché. Mais au-
cune marchandise ne se règle plus aisément
ou plus exactement sur cette demande effec-
tive que l'or et l'argent, parce que, vu le peu
de volume de ces métaux en raison de leur
valeur, il n'y a pas de marchandise qui se
transporte plus facilement d'un lieu à un au-
tre ; des lieux où ils sont à bas prix, à ceux
où ils se vendent plus cher ; des lieux où ils
excèdent la demande effective, aux lieux où
ils sont au-dessous de cette demande
» Quand la quantitéd'or et d'argent importée
dans un pays excède la demande effective,
toute la vigilance'du gouvernement ne saurait
en empêcher l'exportation. Toutes les lois san-
guinaires de l'Espagne et du Portugal sont
impuissantes pour retenir dans ces pays leur
or et leur argent. Au contraire, si la quantité
de ces métaux dans un pays se trouve au-
dessous de la demande effective, de manière
à faire monter leur prix au-dessus de ce qu'il
est dans les pays voisins, le gouvernement
n'a pas besoin de se mettre en peine pour en
faire importer : il voudrait même empêcher
cette importation qu'il ne pourrait pas y
réussir
■ C'est en partie à cause de la facilité qu'il
y a à transporter l'or et l'argent des endroits
où ils abondent k ceux où ils manquent, que
le prix de ces métaux n'est pas sujet h des
fluctuations continuelles comme celui de la
plupart des marchandises, qui étant trop vo-
lumineuses, ne peuvent pas reprendre aisé-
ment leur équilibre quand il arrive que le
marché en est dégarni ou surchargé
» Si l'or et l'argent pouvaient une fois venir
à manquer dans un pays qui aurait de quoi en
acheter, ce pays trouverait plus d'expédients
pour suppléer d ce défaut, qu'à celui de toute
autre marchandise. Si les matières premières
manquent aux manufactures, il faut que l'in-
dustrie s'arrête. Si les vivres viennent à man-
quer, il faut que le peuple meure de faim.
Mais si c'est 1 argent qui manque, on pourra
y suppléer, quoique d'une manière fort incom-
mode, par des trocs et des échanges en nature.
On pourra y suppléer encore, et d'une manière
moins incommode, en vendant et achetant sur
crédit, ou sur des comptes courants que les
marchands balancent respectivement une fois
par mois ou une fois par an. Enfin, unpapier-
monnaie bien réglé pourra en tenir lieu, non-
seulement sans inconvénient, mais encore avec
de grands avantages. Ainsi, sous tous les rap-
ports, l'attention du gouvernement ne saurait
jamais être plus mal employée que quand il
s'occupe de surveiller la conservation ou l'aug-
mentation de la quantité d'argent dans lo
pays
» Si le marchand trouve en général plus de
facilité à acheter des marchandises avec de
l'argent qu'à acheter de l'argent, ce n'est pas
que la richesse consiste plus essentiellement
dans l'argent que dans les marchandises ;
c'est parce que l'argent est l'instrument reçu
et établi dans le commerce, celui pour lequel
toutes choses se donnent sur-le-champ en
échange, mais qu'on ne peut pas toujours avoir
aussi promptement en échange pour toute autre
chose. D'ailleurs, la plupart des marchandises
sont plus périssables que l'argent, et leur
conservation peut souvent causer au marchand
une plus grande perte. De plus, quand il a ses
marchandises dans sa boutique, il est plus
exposé à ce qu'il lui survienne des demandes
d'argent auxquelles il ne pourra pas faire
honneur, que quand il a dans sa caisse le prix
de ses marchandises. Ajoutons encore k tout
cela que son profit se fait plus immédiatement
au moment où il vend qu'au moment où il
achète, et, sous tous ces rapports, il est beau-
coup plus empressé, en général, de changer
ses marchandises pour de l'argent que son
argent pour des marchandises. Mais quoiqu'un
marchand en particulier puisse quelquefois,
avec une certaine abondance de marchandises
en magasin, se trouver ruiné, faute de pou-
voir s'en défaire à temps, une nation ou un
pays ne peut pas avoir un semblable accident
à redouter. Souvent tout le capital d'un mar-
chand consiste en marchandises périssables
destinées k faire de l'argent. Mais il n'y a
qu'une bien petite partie du produit annuel des
terres et du travail, dans un pays, qui puisse
jamais être destinée à acheter de t'or et de
l'argent des pays voisins. La très-grande par-
tie est destinée à circuler et à se consommer
dans le pays même, et encore, du superflu qui
s'envoie au dehors, la plus grande partie en
général est destinée à acheter, à l'étranger,
d'autres marchandises consommables. Ainsi,
quand même on ne pourrait se procurer de
1 or et de l'argent avec les marchandises qui
sont destinées à en acheter, la nation ne serait
pas ruinée pour ce motif... Quoique la mar-
chandise n'attire pas à elle l'argent toujours
aussi vile que l'argent attire à soi la marchan-
dise, à la longue elle t'attire d elle plus néces-
sairement encore qu'il ne le fait. La marchan-
dise peut servir a beaucoup d'autres choses
qu'à acheter de l'argent,, mais l'argent ne peut
servir à rien qu'à acheter la marchandise.
Ainsi, l'argent court nécessairement après la
marchandise; mais la^ marchandise ne court
pas toujours ou ne court pas nécessairement
après l'argent. Celui qui achète ne le fait pas
toujours dans la vue de revendre , c est
souvent dans la vue d'user de la chose ou de
la consommer; tandis que celui qui vend le
fait toujours en vue de racheter quelque chose.
Le premier peut souvent avoir fait toute son
affaire, mais l'autre ne peut jamais en avoir
fait que la moitié.
• Les marchandises consommables, dit-on,
sont bientôt détruites, tandis que l'or et l'ar-
gent sont d'une nature plus durable, et que,
sans l'exportation continuelle qu'on en fait,
ces métaux pourraient s'accumuler pendant
plusieurs siècles de suite, de manière à aug
menter incroyablement la richesse réelle d'ut
pays. En conséquence, on prétend en conclure
qu il ne peut y avoir rien de plus désavanta-
geux pour un pays que le commerce qui con-
siste àéchangerunemnrchandise aussi durable
contre les marchandises périssables. Cepen-
BAL
BAL
BAL
BAL
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dant nous n'imaginons pas de regarder comme
un commerce avantageux par excellence celui
qui consiste a échanger la quincaillerie d'An-
gleterre contre les vins de France, quoique
la quincaillerie soit une marchandise très-
durable, et que. sans l'exportation continuelle
qui s'en fuit, elle puisse aussi s'accumuler
pendant plusieurs siècles de suite, de manière
a augmenter incroyablement les poêlons et
les casseroles du pays. Mais s'il saute aux
yeux que le nombre de ces ustensiles est, par
tous pays, limité à l'usage qu'on en fait et
au besoin qu'on en a, il devrait également
sauter aux yeux qu'il en est de même pour la
quantité d'or ou d argent; que l'usage de ces
métaux consiste à laire , comme monnaie,
circuler des marchandises et à fournir, comme
vaisselle, une espèce de meubles de ménage ;
que, par tous pays , la quantité de monnaie
est déterminée par la valeur de la masse de
marchandises qu'elle a à faire circuler; que
si vous augmentez cette valeur, tout aussitôt
une partie de ce surcroit de valeur ira au
dehors chercher à acheter , partout où il
pourra en trouver, le surcroît de monnaie
qu'exige sa circulation; qu'à l'égard de la
quantité de vaisselle, elle est déterminée par
ie nombre et la richesse des familles particu-
lières qui sont dans le cas de se donner ce
genre de faste.'.. Il ne faut pas perdre de vue
que l'or et l'argent, sous quelque forme qu'ils
soient, sous celle de monnaie ou de vaisselle,
ne sont jamais que des ustensiles, tout aussi
bien que les ustensiles de cuisine. Augmentez
le service qu'ils ont à faire, augmentez la
masse des marchandises qui doivent être
mises en circulation par eux, disposées par
eux, préparées par eux, et infailliblement
vous verrez qu'ils augmenteront aussi de
quantité; mais si vous voulez essayer d'aug-
menter leur quantité par des moyens extra-
ordinaires, alors , tout aussi infailliblement,
vous diminuez le nombre des services qu'ils
ont à rendre, et même leur quantité, cette
quantité ne pouvant jamais rester au delà de
ce qu'exige le service qu'ils ont à faire
» Il n'est pas toujours nécessaire d'accu-
muler de l'or et de l'argent dans un pays pour
le mettre en étatde soutenir des guerres étran-
gères et* d'entretenir des flottes et des armées
avec des denrées consommables, et non avec
de l'or et de l'argent. Toute nation qui aura,
dans le produit annuel de son industrie do-
mestique, dans le revenu annuel de ses terres,
de son travail et de son capital, de quoi
acheter dans des pays éloignés ces denrées
consommables , pourra bien soutenir des
guerres étrangères...
• Un pays qui produit annuellement, par son
industrie, une quantité surabondante d'articles
manufacturés qu'il exporte habituellement, peut
soutenir pendant plusieurs années une guerre
étrangère très-dispendieuse, sans exporter une
quantité considérable d'or ou d'argent. Dans
ce cas, à la vérité, une partie très-considé-
rable du superflu annuellement produit par ses
manufactures sera exportée sans rapporter
aucuns retours au pays, bien qu'elle en rap-
porte au marchand, le gouvernement ache-
tant au marchand ses lettres de change sur
les pays étrangers pour y solder la paye et
les vivres de l'armée
» L'importation de l'or et de l'argent n'est
pas le principal bénéfice et encore bien moins
le seul qu'une nation retire de son commerce
étranger. Quels que soient les pays entre les-
quels s'établit un tel commerce, il procure à
chacun de ces pays deux avantages distincts.
Il emporte le superflu du produit de leur terre
et de leur travail, pour lequel il n'y a pas de
demande chez eux, et, à la place, il rapporte
en retour quelque autre chose qui y est en
demande. Il donne une valeur à ce qui leur
est inutile, en l'échangeant contre quelque
autre chose qui peut satisfaire une partie de
leurs besoins ou de leurs jouissances. Par lui,
les bornes étroites du marché intérieur n'em-
pêchent plus que la division du travail soit
portée au plus haut point de perfection dans
.toutes les manches particulières de l'indus-
trie
» Ce n'est pas par l'importation de l'or et de
l'argent que la découverte de l'Amérique a
enrichi l'Europe. L'abondance des mines de
l'Amérique a produit ces métaux à meilleur
marché Il y a peut-être actuellement en
Europe vingt ou trente fois autant d'orfèvrerie
qu'il y en aurait eu si la découverte de l'A-
mérique n'eût pas eu lieu. Jusque-là l'Europe
a sans doute acquis une véritable commodité
de plus, quoique assurément d'un genre très-
futile. Mais aussi le bon marché de l'or et de
l'argent les rend bien moins propres à rem-
plir les fonctions de monnaie. Pour faire les
mêmes achats, il faut nous charger d'une
bien plus grande quantité de ces métaux. Il
serait assez difficile de décider qui l'emporte
de ce léger inconvénient ou de cette futile
commodité; ni l'un ni l'autre n'auraient pu
apporter de changement bien important dans
l'état de l'Europe ; et, cependant, la décou-
verte de l'Amérique en a produit un de la plus
grande importance. En ouvrant à toutes les
marchandises de l'Europe un nouveau marché
presque inépuisable, elle a donné naissance
a de nouvelles divisions de travail, à de nou-
veaux perfectionnements de l'industrie , qui
n'auraient jamais pu avoir lieu dans le cercle
étroit où le commerce était anciennement res-
serré. »
La longue citation qu'on vient de lire nous
donne, dans sa forme première, et, pour
ainsi dire, dans sa source, toute l'argumenta-
tion des économistes libre-échangistes contre
la théorie de la balance du commerce. J.-B.
Say ne fait guère que la reproduire en lui
donnant plus de précision.
• Quelles sont, dit-il, les fonctions des mé-
taux précieux dans la société? Façonnés en
bijoux, en ustensiles, ils servent à l'ornement
de nos personnes, de nos maisons, et à plu-
sieurs usages domestiques... Sous des formes
diverses, ils font partie du capital de la so-
ciété, de cette portion du capital qui ne porte
.point d'intérêt ou plutôt qui est productive
d'utilité ou d'agrément. Il est sans doute
avantageux pour une nation que les matières
dont se compose ce capital soient à bon
compte et en abondance ; mais il ne faut pas
estimer cet avantage au delà de sa véritable
valeur : il y a des utilités supérieures à
celle-là. Le verre des vitres qui nous dé-
fendent contre les rigueurs de l'hiver, nous
est d'un bien plus grand service que quelque
ustensile d'argent que ce soit. On ne s'est
pourtant jamais avisé d'en favoriser l'impor-
tation ou la production par des faveurs spé-
ciales.
» L'autre usage des métaux précieux est de
servir à la fabrication des monnaies de cette
portion du capital de la société qui s'emploie
a faciliter les échanges que les nommes font
entre eux des valeurs qu'ils possèdent déjà.
Pour cet usage, est-il avantageux que la
matière dont on se sert soit abondante et peu
chère? La nation où cette matière abonde
est-elle plus riche que celle où cette matière
est rare? La réponse à cette question ne sau-
rait être douteuse. Quelle que soit l'abondance
ou la rareté du numéraire, comme on a besoin
d'une certaine somme pour consommer tous
les échanges, le numéraire augmente en va-
leur à mesure qu'il décline en quantité, et dé-
cline en valeur à mesure qu'il augmente en
quantité. S'il y a pour 2 milliards de numéraire
en France, et qu'un événement quelconque ré-
duise cette quantité de francs à 1,500 millions,
les 1,500 millions vaudront tout autant que les
2 milliards pouvaient valoir. La nation n'en
sera ni plus riche ni plus pauvre. Il faudra
porter moins d'argent au marché, et l'argent
qu'on y portera y achètera toutsjs les mêmes
choses. Une nation qui, pour agent de la cir-
culation, emploie des monnaies d'or n'est pas
moins riche que celle qui se sert de mon-
naies d'argent, quoiqu'elle porte au marché
une bien moins grande quantité de la marchan-
dise qui lui sert de monnaie En résumé,
l'abondance des métaux précieux rend plus
abondants les ustensiles qui en sont faits et
les .nations plus riches sous ce seul rapport.
Sous le rapport du numéraire, elle ne les rend
pas plus riches
» Ces avantages que les particuliers trou-
vent à recevoir du numéraire préférable-
ment à des marchandises ne sont rien pour
les nations. Lorsqu'une nation n'en a pas la
quantité qui lui est nécessaire, sa valeur aug-
mente, et les étrangers comme les nationaux
sont intéressés à lui en apporter ; lorsqu'il est
surabondant, sa valeur baisse par rapport aux
autres marchandises, et il convient de l'en-
voyer au loin où il peut procurer des valeurs
supérieures à ce qu'il peut procurer dans le
pays.
• On dit qu'en augmentant par une balance
favorable la masse du numéraire , on aug-
mente la masse des capitaux du pays, et qu'en
le laissant écouler on la diminue. Mais, en
premier lieu, la totalité du numéraire d'un
pays ne fait pas partie de ces capitaux : l'ar-
gent qu'un cultivateur reçoit pour le prix de
ses produits, qu'il porte ensuite au percep-
teur des contributions, qui parvient au trésor
public, qui est employé ensuite à payer un
militaire et un juge, qui est dépensé par eux
pour la satisfaction de leurs besoins ne fait
partie d'aucun capital. En second lieu, et en
supposant même que tout le numéraire d'un
pays fit partie de ses capitaux, il n'en forme-
rait que fa plus petite partie
» On dit que , si l'on envoie à l'étranger
des marchandises au lieu de numéraire, on
procure par là à ces marchandises un débou-
ché qui fait gagner à leurs producteurs les
profits de cette production. — Je réponds
que, lorsqu'on envoie du numéraire a l'é-
tranger, c est précisément comme si l'on y
envoyait des produits de notre industrie; car
les métaux précieux dont nous faisons com-
merce, ne nous sont pas donnés gratuitement
et sont toujours acquis en échange de nos
produits, soit d'avance, soit après coup. En
général, une nation ne peut payer une autre
nation qu'avec ses produits, par une raison
bien claire : c'est qu elle n'a pas d'autre chose
à donner.
■ Il vaut mieux, dit-on encore, envoyer à
l'étranger des denrées qui se consomment,
comme des produits manufacturés,et garder les
produits qui ne se consomment pas, ou qui se
consomment lentement comme le numéraire.
— Mais les produits qui se consomment vite ,
s'ils sont les plus recherchés, sont plus profi-
tables que les produits qui se consomment
lentement. Forcer un producteur à remplacer
une portion de son capital soumise à une con-
sommation rapide par une autre valeur d'une
consommation plus lente , serait lui rendre
souvent un fort mauvais service. Si un maître
de forges avait fait un marché pour qu'on lui
livrât, à une époque déterminée, des charbons
et que, le terme étant arrivé, et dans l'impos-
sibilité de les lui livrer, on lui en donnât la
valeur en argent, on serait fort mal venu à
lui prouver qu'on lui a rendu service, en ce
que l'argent qu'on lui offre est d'une consom-
mation plus lente que le charbon
■ S'il ne fallait importer que la portion
la plus durable des capitaux productifs ,
d'autres objets très - durables , le fer, les
pierres devraient partager cette faveur avec
l'argent et l'or. Ce qu'il importe de voir durer,
ce n'est aucune matière en particulier, c'est
la valeur du capital. Or, la valeur du capital
se perpétue, malgré le fréquent changement
des formes matérielles dans lesquelles réside
cette valeur. Il ne peut même rapporter un
profit, un intérêt, que lorsque ces formes
changent perpétuellement, et vouloir le con-
server en argent, ce serait le condamner à
être improductif. »
De ce principe, que la quantité de métaux
monnayés qui circulent dans un pays est in-
différente, J.-B. Say conclut qu'une nation
s'enrichit en exportant du numéraire, parce
que la valeur du numéraire qui lui reste ,
demeure égale à ce qu'elle était, et que la
nation reçoit de plus les retours du numé-
raire qu'elle exporte. Ce phénomène provient
de la propriété particulière à la monnaie de
nous servir, non par ses qualités physiques,
mais seulement par sa valeur. Si j'ai moins
de blé, j'ai moins de quoi manger; si j'ai
moins de numéraire, il me sert tout autant,
fiarce que sa valeur augmente et que sa va-
eur suffit aux usages que j'en fais. Il en ré-
sulterait, suivant Say, que les gouvernements,
si l'on admettait qu'ils dussent Se mêler de
ces choses-là, devraient faire précisément le
contraire de ce qu'ils font, c'est-à-dire, en-
courager la sortie de numéraire.
J.-B. Say fait cette autre remarque, que
plus le commerce qu'on fait avec l'étranger
est lucratif, plus la somme des importations
doit excéder la somme des exportations, de
sorte que cette supériorité des importations
sur les exportations, redoutée comme une cala-
mité par les partisans du système mercantile,
est précisément ce qu'on doit désirer et ce
qui, d'ailleurs, se produit nécessairement;
malgré tous les tableaux de la balance du com-
merce, par la raison très-simple qu'elle ré-
sulte des gains que font les négociants qui
trafiquent avec 1 étranger. « Il peut arriver,
dit-il, que deux nations qui ont entre elles des
relations de commerce reçoivent toutes deux
plus de valeurs qu'elles n'en exportent. Le
tait s'explique naturellement : on ne peut éva-
luer les marchandises exportées que selon la
valeur qu'elles ont en sortant; mais cette va-
leur est plus forte lorsqu'elles sont arrivées
à leur destination; cette valeur plus forte
achète une marchandise étrangère dont la
valeur augmente encore en arrivant chez
nous : elle est évaluée à son entrée selon sa
valeur nouvellement acquise. Voilà donc une
valeur exportée qui a amené une valeur im-
Fortée plus forte de tout le bénéfice fait sur
aller et le retour. On voit par là que, dans un
pays qui prospère, la somme de toutes les
marchandises importées doit excéder celle de
toutes les marchandises exportées. >
La critique libre -échangiste du système
mercantile , telle que Say 1 a formulée , peut
se résumer de la manière suivante, en pre-
nant la forme syllogistique :
Majeure : Les produits ne se payent qu'avec
des produits; les marchandises ne s'achètent
qu'avec des marchandises.
Mineure : L'or, l'argent, le platine et toutes
les valeurs métalliques sont des produits du tra-
vail , des marchandises , comme la houille , le
fer, la soie, les draps, les fils, les cristaux, etc.
Conclusion : Donc , toute importation de
marchandises étant soldée par une exporta-
tion équivalente, il est absurde de croire qu'il
puisse y avoir avantage d'aucun côté, selon
qu'une partie des marchandises livrées en
retour consiste ou non en numéraire. Tout
au contraire, l'or et l'argent étant une mar-
chandise dont l'unique service se réduit à
servir d'instrument de circulation et d'échange
aux autres , l'avantage , s'il existe de quelque
côté, est pour la nation qui tire de l'étranger
plus de produits qu'elle ne lui en rend ; et,
bien loin do chercher à niveler les conditions
du travail par des tarifs de douane, il faut les
niveler par la liberté la plus absolue. En un
mot, dans cette proposition fondamentale : les
produits s'échangent contre des produits , sont
enfermées les deux suivantes : 1° Une nation
gagne d'autant plus que la somme des produits
qu'elle importe surpasse davantage la somme
des produits qu'elle exporte; 2U Les négo-
ciants de cette nation gagnent d'autant plus
que la valeur des retours qu'ils reçoivent sur-
passe davantage la valeur des marchandises
qu'ils ont exportées au dehors.
Adoptant sans restriction ces deux proposi-
tions. M- Ch. Coquelin (Dictionnaire de l'éco-
nomie politique) fait remarquer que c'est pré-
cisément aux époques de crise publique, où le
crédit est gravement altéré, c'est-à-dire aux
époques les plus désastreuses pour un pays,
au point de vue économique, que le système
mercantile nous montre, dans ce pays , la ba-
lance la plus favorable. En effet, les titres de
crédit n'ayant plus cours, les échanges ne sont
plus effectués qu'argent comptant ; en consé-
quence, malgré la diminution trop réelle de la
somme totale des échanges, les besoins en
numéraire sont devenus immédiatement plus
forts , chacun a dû s'évertuer pour s'en pro-
curer une quantité plus forte , et la vente des
marchandises étant devenue , par cela même,
plus difficile au dedans , on a dû faire des ef-
norts plus qu'ordinaires pour leur ouvrir,
même au prix de quelques sacrifices , de plus
larges débouchés au denors. De là un accrois-
sement naturel de l'exportation, et surtout
une diminution considérable de l'importation.
• Il en résulte, dit M. Coquelin, que ce qu'on ap-
pelle si mal à propos une balance favorable est
ordinairement ,*nous dirons presque toujours ,
l'effet et le symptôme de la détresse d'un pays...
Voulez-vous donc préparer au pays une ba-
lance favorable ? Tuez-y le crédit ; faites que
les banquiers n'escomptent plus , que les let-
tres de change, les billets à ordre , les billets
de banque même n'y aient plus cours , qu'on
ne puisse plus enfin y opérer aucune trans-
action qu'argent comptant; alors, le besoin de
numéraire venant k augmenter dans une pro-
portion considérable, malgré la diminution de
ta somme des échanges, le commerce forcera
ses ventes à l'étranger, pour en appeler du
dehors; il y restreindra, par la même raison,
ses achats, et le résultat désiré sera atteint.
Cet état de choses ne durera pas longtemps ,
il est vrai; une fois ce besoin extraordinaire
satisfait, l'équilibre naturel entre l'importa-
tion et l'exportation se rétablira; mais vous
aurez le plaisir de croire, selon les données
de votre système, que durant ce temps le
pays s'est enrichi. Une nouvelle extension
donnée au crédit produirait naturellement un
effet contraire. En rendant inutile une bonne
partie du numéraire que la France emploie,
elle en déterminerait l'envoi au dehors en
échange de marchandises d'autres sortes; ce
qui revient à dire que l'importation de ces
autres marchandises augmenterait. ■
Ainsi, aux yeux d'Adam Smith, de J.-B.
Say et de leurs disciples, il est absurde de
supposer que le solde en numéraire soit un
profit net pour le pays qui le reçoit et une
perte pour celui qui le paye. M. A. Clément
signale une autre absurdité dans la théorie
de la balance du commerce, c'est la supposi-
tion que la différence trouvée par la douane
.entre l'entrée et la sortie des marchandises
doive nécessairement se payer en. numéraire.
Il montre d'abord qu'il y a toujours beaucoup
d'arbitraire dans les évaluations par lesquelles
on arrive à conclure qu'il est sorti d'un pays,
sous forme de marchandises ou de denrées,
plus de valeurs qu'il n'en est entré. On con-
naît assez les nombreuses contestations dont
les valeurs officielles de la douane ont été le
sujet : le plus souvent on s'efforce de les éta-
blir de manière à obtenir ce que l'on consi-
dère comme une balance favorable, c'est-à-
dire comme un excédant d'exportation , et
c'est ainsi qu'en France, les valeurs officielles
arrêtées en 1820 n'ayant pas donné pour les
années suivantes le résultat désiré, l'admi-
nistration de la douane se crut obligée de
prouver qu'elle s'était trompée en les éta-
blissant; elle les soumit, en 1826, à une révi-
sion, et prétendit avoir reconnu qu'elles
avaient été exagérées de 28 pour 100 quant
aux importations et atténuées de 12 pour 100
3uant aux exportations, ce qui devait apporter,
ans les balances fournies de 1520à 1825, une
différence d'environ 40 pour 100. Il ajoute
qu'alors même que la douane parviendrait à
attribuer aux exportations et aux importations
leur véritable valeur, il n'en résulterait nulle-
lement que les excédants d'exportation con-
statés dussent nous revenir en numéraire, car,
d'une part, il y aurait considérablement à ra-
battre de ces excédants pour les importations
non enregistrées que la contrebande se charge
d'opérer, et, d'autre part, le surplus, s'il en
reste, peut être absorbé par diverses causes,
desquelles la douane ne tient aucun compte ,
telles, par exemple, que les naufrages, qui
ensevelissent dans les mers une partie des
marchandises exportées, et les mauvaises opé-
rations de nos négociants ou armateurs , à la
suite desquelles une autre partie des exporta-
tions sont vendues au-dessous de la valeur
déclarée à la sortie. Il est bien évident que
ces sinistres et ces déficits ne donneront ja-
mais lieu à des retours d'aucune espèce. Il en.
est de même de la partie des exportations dé-
terminée par les émigrations , soit que les
émigrants emportent avec eux des marchan-
dises, soit qu'ils se munissent de traites ou de
lettres de change qui vont solder à l'étran-
ger, et sans que rien nous revienne, le prix de
marchandises antérieurement exportées. De
toutes ces causes réunies , il résulte , suivant
M. Clément, que les indications de la douane,
relativement au solde des opérations du com-
merce extérieur, sont absolument vaines.
Nous venons d'exposer, en lui laissant,
à dessein , la physionomie qu'elle présente
dans les ouvrages des maîtres de la science,
l'argumentation des libre échangistes contre
la balance du commerce. Le point faible de
cette argumentation, c'est l'assimilation de la
monnaie métallique à tous les autres produits
de la société. Adam Smith se trompe quand il
dit que la disparition du numéraire aurait,
pour un pays, des effets moins funestes que
celle de telle ou telle autre denrée ; que l'ar-
gent court nécessairement après la marchan-
dise, tandis que la marchandise ne court pas
toujours ou ne court pas nécessairement après
l'argent; que, si la découverte de l'Amérique
a contribué au progrès économique de l'Eu-
rope, ce n'est point par les mines d'or et d'ar*
88
BAL
gent que le nouveau inonde a fournies à l'an-
cien, mais uniquement par le nouveau marché
qu'il a ouvert aux marchandises européennes,
et par les nouveaux perfectionnements de l'in-
dustrie que cette immense extension de l'é-
change a suscités. J.-B. Say se trompe à son
tour quand il affirme que l'abondance des mé-
taux précieux ne saurait rendre un pays
plus riche en accroissant la quantité de mon-
naie métallique qui y circule ; que cette quan-
tité est complètement indifférente-, que la masse
du numéraire d'un pays ne fait pas partie de
ses capitaux. Il y a autre chose dans la balance
du commerce qu'une idée populaire née d'une
ligure de rhétorique. Adam Smith et J.-B. Say
ont eu le tort de méconnaître le besoin de
première nécessité auquel répondent l'or et
l'argent en leur qualité d'intermédiaires obligés
des échanges, besoin dont les variations de-
viennent une cause spéciale de hausse et de
!">aisse pour le prix des métaux précieux, besoin
•^ue l'accroissement des relations commer-
ciales tend à développer et qui confère à ces
métaux, suivant l'expression de Proudhon,
une véritable royauté économique. Instrument
d'échange universel, en possession d'un mar-
ché immense toujours ouvert et qui ne dépend .
pas des accidents commerciaux de tel pays,
l'argent n'est pas, comme l'a dit Adam Smith,
un produit, un ustensile comme un autre ; c'est
le grand ressort du mouvement économique.
Un économiste américain distingué, M. Carey,
a pu dire, presque sans exagération, que « les
métaux précieux sont au corps social ce
que l'air atmosphérique est au monde phy-
sique, que tous deux fournissent l'instru-
ment de la circulation, et que la dissolution
du corps physique en ses éléments, lorsqu'il
est privé d'air, n'est pas plus certaine que
la dissolution de la société lorsqu'elle est
privée de monnaie métallique, » En devenant
plus abondant dans un pays, dit J.-B. Say,
l'argent ne fait que s'y déprécier. Cette dé-
préciation, répondrons-nous, n'est nullement'
nécessaire , parce que le besoin auquel ré-
pond la monnaie métallique est susceptible
de beaucoup de développement, et que l'ac-
croissement du numéraire chez un peuple
dont aucune cause morale , politique , reli-
gieuse, n'atrophie, ne paralyse les facultés,
entraine naturellement un accroissement d'é-
change, de division du travail, de capitalisa-
tion et de population. Quand, à partir do I8i8,
les mines de la Californie, puis, a partir de
1851, celles de l'Australie sont venues verser
de 2 à 3 cents millions chaque année, les dis-
ciples de J.-B. Say et d'Adam Smith n'ont pas
manqué de dire que l'or allait se déprécier;
beaucoup d'écrits ont été publiés dans ce sens
par des hommes considérables et dont l'opi-
nion fait autorité. Cependant le résultat a été
tout autre. Si le numéraire a augmenté, les
besoins de numéraire ont augmenté encore
davantage, parce que les relations commer-
ciales ont pris plus d'importance, parce que
les transactions se sont multipliées. La vérité
est que, dans les mines d'or et d'argent de
Californie et d'Australie, il faut voir une des
causes de la prospérité industrielle et com-
merciale de 1 Europe et du nouveau monde
depuis un certain nombre d'années.
Nous reviendrons ailleurs sur cette question
de la balance du commerce, qui se rattache,
comme on voit, a celle de la monnaie et qui
rentre dans celle de la protection. (V. Libre-
échange.) Nous nous bornerons ici, en termi-
nant, à opposer à l'autorité de Smith et de
Say, celle de F. List et de Proudhûu. Après
la thèse, l'antithèse.
F. List. (Système national d'économie poli'
tique). Si l'expérience du dernier quart de
siècle a prouvé en partie l'exactitude des
principes professés par les libre-échangistes,
en opposition aux maximes de ce qu'on appelle
le système mercantile, touchant la circulation
des métaux précieux et la balance du commerce,
elle a, d'un autre côté», mis en lumière de
graves erreurs de la théorie dans cette ques-
tion. L'expérience a montré plus d'une fois,
notamment en Russie et dans l'Amérique du
Nord, que chez les peuples agriculteurs, où
les fabriques essuient la libre concurrence
des pays parvenus à la suprématie manufac-
turière, la valeur des objets manufacturés qui
s'importent surpasse souvent, dans une pro-
portion énorme, celle des produits agricoles
exportés , et qu'il en résulte parfois tout a
coup un écoulement extraordinaire des métaux
précieux qui porte le trouble dans l'économie
de la nation, surtout si les transactions inté-
rieures de celle-ci reposent en majeure partie
sur une circulation de papier qui occasionne
chez elle de grandes catastrophes. La théorie
libre-échangiste soutient qu'on se procure les
métaux précieux comme toute autre marchan-
dise ; qu il importe peu, au fond, que la quan-
tité des métaux qui se trouvent dans la circu-
lation soit grande ou petite, puisque c'est le
rapport des prix entre eux qui détermine la
cherté ou le bon marché d'une marchandise ;
qu'une différence dans le cours du change
opère comme une prime d'exportation au profit
des marchandises du pays qui l'a momentané-
ment contre lui ; que, par conséquent, la cir-
culation monétaire et l'équilibre entre les im-
portations et les exportations, de même que
tous les autres rapports économiques du pays,
ne sauraient être plus sûrement et plus avan-
tageusement réglé3 que par la nature des
choses. Ce raisonnement est d'une parfaite
justesse a l'égard du commerce intérieur; il
est applicable aux relations entre deux villes,
BAL
entre la ville et la campagne, entre deux pro-
vinces du même Etat... Mais c'est contre-
dire ouvertement l'expérience que d'admettre
que dans l'état actuel du monde, il en soit de
même du commerce international... Un peuple
ne saurait être rassuré par cette thèse de
la théorie qu'il importe peu que les métaux
précieux circulent en grande ou en petite
quantité, qu'on ne fait qu'échanger des pro-
duits contre des produits, et qu'il est indif-
férent pour l'individu que cet échange s'opère
avec beaucoup ou avec peu d'espèces. Nul
doute qu'il importe peu au producteur ou au
propriétaire d un objet que son produit ou sa
propriété vaille cent centimes ou cent francs
si avec les cent centimes il peut se procurer
les mêmes satisfactions qu'avec les cent francs.
Mais des prix bas ou élevés ne sont indifférents
qu'autant qu'ils restent longtemps tels qu'ils
sont. Si les fluctuations de prix sont fréquentes
et fortes, il s'ensuit de graves dérangements
dans l'économie des individus comme dans
celle de la société... Plus la hausse et la baisse
des prix sont fortes, plus les fluctuations sont
répétées, et plus la condition économique et,
au particulier, le crédit, sont affectés. Nulle
part ces effets désastreux d'un afflux ou d'un
écoulement extraordinaire des métaux pré-
cieux ne se révèlent avec plus d'éclat que
dans les pays qui, pour leur approvisionne-
ment en objets manufacturés et pour le dé-
bouché de leurs produits agricoles, dépendent
entièrement de l'étranger, et dont le commerce
est en grande partie fondé sur une circulation
en papier. On sait que la quantité de billets de
banque qu'un pays peut mettre et conserver
en circulation se règle sur celle dos espèces
qu'il possède. Chaque banque étend ou res-
treint sa circulation en papier et ses opérations
dans la mesure des sommes de métaux pré-
cieux qui se trouvent dans ses caves. Si elle
est abondamment pourvue en numéraire, soit
de son capital, soit des dépôts qu'elle reçoit,
elle accordera des crédits plus considérables
et permettra ainsi à ses débiteurs d'en faire
de plus larges : de la un accroissement de la
consommation et une hausse de prix, particu-
lièrement de la valeur de la propriété foncière.
§i, au contraire, elle se dégarnit de métaux
précieux dans une proportion sensible , elle
limitera ses crédits et déterminera ainsi un
resserrement et des crédits et des consomma-
tions chez ses propres débiteurs et chez les
débiteurs de ceux-ci, et ainsi de suite. Par
conséquent, un écoulement extraordinaire des
espèces a pour effet de jeter la perturbation
dans tout le système du crédit, dans le com-
merce de toutes les marchandises et de toutes
les denrées, et surtout dans le prix en argent
de toutes les propriétés foncières...
Evidemment, la théorie régnante est tom-
bée dans l'extrême opposé aux erreurs de ce
qu'on appelle le systàmemercantilc. Sans doute,
on avait tort 'de prétendre que la richesse des
nations ne consiste qu'en métaux précieux ;
qu'une nation ne peut s'enrichir qu'en expor-
tant plus de marchandises qu'elle n'en im-
porte, de manière a effectuer la balance en
important des métaux précieux. Mais la théo-
rie régnante se trompe aussi quand e!le sou-
tient que , dans l'état actuel du monde , la
quantité de métaux qui circulent dans un pays
n'importe nullement, que la crainte d'en pos-
séder trop peu est frivole, qu'il faudrait en-
courager leur exportation plutôt que leur im-
portation, etc
Tant que des nationalités séparées subsiste-
ront, la prudence commandera aux grands
Etats de se préserver, au moyen de leur po-
litique commerciale, de ces fluctuations mo-
nétaires et de ces révolutions dans les prix
qui bouleversent toute leur économie inté-
rieure ; et ce but ne sera atteint que par un
exact équilibre entre l'industriemanufacturièrc
du pays et son agriculture, entre sep importa-
tions et ses exportations
I! est manifeste que la théorie régnante n'a
pas distingué, dans le commerce international,
fa possession des métaux précieux de la fa-
culté de disposer de ces métaux. Déjà, la né-
cessité de cotte distinction apparaît dans ies
relations privées: Personne ne veut conser-
ver l'argent, chacun cherche à s'en défaire
aussi promptemont que possible ; mais chacun
travaille à pouvoir disposer en tout temps de
la somme dont il peut avoir besoin. L'indiffé-
rence pour la possession des espèces se me-
sure partout sur le degré de l'opulence. Plus
l'individu est riche, moins il tient à la pos-
session effective des espèces, pourvu qu'il
puisse disposer à toute heure de celles qui se
trouvent dans les caisses des autres. Plus il
est pauvre, au contraire, moins il est en me-
sure de disposer de l'argent placé dans des
mains étrangères, et plus il doit s'appliquer
avec soin à garder une réserve. 11 en est de
même chez les nations industrieuses et chez
les nations sans industrie Lorsqu'un écou-
lement extraordinaire de l'argent a lieu chez
des nations purement agricoles, la situation
de ces nations est loin d'être aussi favorable
que celle d'un pays où l'industrie est trés-dé-
veloppée; les moyens qu'elles possèdent de
se procurer les espèces dont elles ont besoin
sont bornés, non-seulement par la faible va-
leur échangeable de leurs produits agricoles,
mais aussi par les obstacles que les tarifs
étrangers mettent à l'exportation de ces den-
rées. Elles ressemblent à l'homme pauvre qui
ne pout pas tirer de lettre de change sur ses
correspondants, sur lequel il en est tiré, au
contraire, lorsaue le riche est dans l'embar-
BA^
ras, et qui, par conséquent, ne peut considé-
rer comme sa propriété ce qui est entre ses
mains
Le degré différent de puissance d'échange
dans les divers objets a été négligé par l'é-
cole libre-échangiste dans son étude du com-
merce international, tout autant que la faculté
de disposer des métaux précieux. Si nous exa-
minons sous ce rapport les différentes valeurs
qui se trouvent dans le commerce, nous re-
marquons qu'un grand nombre d'entre elles
ont été fixées de telle manière qu'elles ne sont
réalisables que sur place, et même que leur
vente est accompagnée des plus grands frais,
ainsi que des plus grandes difficultés. Elles
comprennent plus des trois quarts de la ri-
chesse nationale, notamment les biens immeu-
bles et les instruments qui y sont attachés
Après les valeurs attachées à une localité, les
produits agricoles, si l'on en excepte les den-
rées coloniales et un petit nombre d'articles
d'un grand prix, possèdent, dans le commerce
international, la moindre puissance d'échange.
Les produits fabriqués d'un usage général ont
une puissance d'échange incomparablement su-
périeure et qui se rapproche de celle des métaux
précieux. L expérience de l'Angleterre montre
que, lorsque de mauvaises récoltes provo-
quent des crises monétaires, une exportation
plus considérable de produits des manufactu-
res, ainsi que des actions et des effets publics
étrangers, dont la possession est évidemment
le résultat de balances favorables déterminées
par des envois de produits fabriqués , met
entre les mains de la nation manufacturière
des lettres de change portant intérêt sur la
nation agricole, lettres qui, dans un besoin
extraordinaire de métaux précieux, peuvent
être tirées avec perte, il est vrai, pour le par-
ticulier détenteur, comme se vendent les pro-
duits fabriqués lors d'une crise monétaire,
mais avec un immense profit pour la nation
dont la prospérité économique se trouve ainsi
maintenue.
Bien que l'école libre-échangiste ait fort
maltraité la doctrine de la balance du com-
merce , les observations qui précèdent nous
encouragent à exprimer ici l'opinion qu'entre
de grandes nations indépendantes, il existe
quelque chose comme une balance du com-
merce ; qu'il serait dangereux pour de grandes
nations d'être longtemps dans un désavantage
marqué sous ce rapport, et qu'une sortie con-
sidérable et continue des métaux précieux y
entraînerait de graves révolutions dans le
système de crédit et dans les prix. Nous som-
mes loin de vouloir réchauffer la doctrine de
la balance du commerce, telle que l'entendait
ce qu'on appelle le système mercantile, et de
prétendre qu'une nation doive mettre obstacle
a l'exportation des métaux précieux, ou qu'elle
ait à tenir un compte sévère avec chaque
pays en particulier, ou que, dans le commerce
de grands peuples, il faille s'arrêter à quel-
ques millions de différence entre l'importation
et l'exportation. Ce que nous contestons est
seulement ceci : qu'une nation grande et in-
dépendante puisse, ainsi que le prétend Adam
Smith, importer chaque année sensiblement
plus de valeurs en produits du sol ci des fa-
brigues qu'elle n'en exporte; voir diminuer
chaque année la quantité de métaux précieux
qu'elle possède, et y substituer une circulation
de papier ; qu'elle puisse enfin contracter envers
une autre nation une dette toujours croissante,
et cependant devenir de plus en plus prospère.
C'est uniquement cette thèse, soutenue par
Adam Smith et reproduite par son école, que
nous déclarons cent fois contredite par l'ex-
périence, contraire à la nature des choses bien
observées, absurde, en un mot, pour tendre à
Adam Smith l'expression énergique que lui-
même emploie. Bien entendu, il ne s'agit pas
ici des contrées qui produisent elles-mêmes
avec avantage les métaux précieux, et où,
par conséquent, l'exportation de ces articles
présente tout a fait le caractère d'une expor-
tation de produits fabriqués. Il n'est pus non
plus question de cette différence dans la ba-
lance commerciale qui doit nécessairement ie
produire, lorsque la nation évalue les objets,
tant exportés qu'importés, d'après les prix de
ses places maritimes. En pareil cas, il est évi-
dent que ses importations doivent excéder ses
exportations de tout le montant des profits de
son commerce, et cette circonstance est tout
a son avantage. Encore moins contesterons-
nous que, dans certains cas extraordinaires , la
supériorité de l'exportation dénote des pertes
plutôt que des gains, par exemple, lorsque des
un leurs ontpéri dans mtnaufrage. L'école libre-
échangiste a tiré habilement parti de toutes ces
illusions, résultat d'une appréciation étroite
de comptoir, pour nier aussi les inconvénients
d'une disproportion effective, persévérante,
énorme, entre les importations et les exporta-
tions d'un grand pays, d'une disproportion
exprimée par des chirTres considérables,
comme pour la France en 1786, pour la Russie
en 1820 et 1821, et pour l'Amérique du Nord
après l'acte de compromis.
Proudhon (Système des contradictions éco-
nomiques). L'argent est la marchandise qui
sert d'instrument aux échanges, c'est-à-dire
la marchandise-princesse, la marchandise par
excellence , celle qui est toujours plus de-
mandée qu'offerte, qui prime toutes les autres,
acceptable en tout payement, et par suite
devenue représentative de toutes les valeurs,
de tous les produits, de tous les capitaux pos-
sibles. En effet, qui a marchandise n'a pas
- BAL
encore pour cela richesse; il reste à remplir
la condition d'échange, condition périlleuse,
comme l'on sait, sujette à mille oscillations et
à mille accidents. Mais qui a monnaie a
richesse ; car il possède la valeur à la fois la
plus idéalisée et la plus réelle ; il a ce que
tout le monde veut avoir ; il peut, au moyen
de cette marchandise unique, acquérir quand
il voudra, aux conditions les plus avantageuses
et dans l'occasion la plus favorable, toutes les
autres; en un mot, il est par l'argent maître
du marché
Les partisans du système mercantile n'é-
taient pas autre chose que des partisans de la
prérogative de l'argent. On a dit, répété, im-
primé qu'ils ne considéraient comme richesse
que le métal. Calomnie pure. Les mercaiiti-
listes savaient aussi bien que nous que l'or et
l'argent ne sont pas la richesse, mais l'instru-
ment tout-puissant des échanges, par consé-
quent le représentant de toutes les valeurs
qui composent le bien-être, un talisman qui
donne le bonheur. Et la logique no leur a pas
fait défaut, non plus qu'aux peuples, quand
par synecdoche, ils ont appelé richesse l'es-
pèce de produit qui, mieux qu'aucun autre, con-
dense et réalise toute richesse
Say prétend qu'entre les nations l'argent
n'a pas les mêmes effets qu'entre les particu-
liers. Je nie positivement cette proposition,
que Say n'a émise que parce qu'il ignorait la
vraie nature de l'argent. Les effets de l'ar-
gent, bien qu'ils se produisent entre les na-
tions d'une manière moins apparente et surtout
moins immédiate, sont exactement les mêmes '
qu'entre simples particuliers. Supposons le
cas d'une nation qui achèterait sans cesse de
toutes sortes de marchandises, et ne rendrait
jamais en échange que son argent Qu'ar-
rivera-t-il? Que, la partie du capital de cetto
nation qui consiste en métaux précieux s'é-
tant écoulée, les nations venderesses en ren-
verront à la nation acheteuse, moyennant hy-
pothèque, ce qui veut dire que cette nation,
comme les | rolétaires romains destitués de
patrimoine, se vendra elle-même pour vivre
On répond que l'argent se faisant rare d'un
côté, abondant do l'autre, il y_ aura reflux des
capitaux métalliques des nations qui vendent
à la nation qui achète; que celle-ci pourra
profiter du bas prix de l'argent, et que cettu
alternative de hausse et de baisse ramènera
l'équilibre. Mais cette explication est déri-
soire; l'argent se donnera-t-il pour rien, au
nom de Dieu? Toute la question est là. Si
faible, si variable que soit l'intérêt des sommes
empruntées, pourvu que cet intérêt soit quel-
que chose, il marquera la décadence lente oi.
lapide, continue ou intermittente du peuple
qui, achetant toujours et no vendant jamais,
s'aviserait d'emprunter sans cesse à ses pro-
pres marchands
Lorsque les économistes disent quo; si l'ar-
gent est rare dans un pays, il y revient ap-
pelé par la hausse, je réponds que c'est pré-
cisément la preuve que ce pays s'aliène, et
que c'est en cela que consiste la désertion de
son capital. Et lorsqu'ils ajoutent que les
capitaux métalliques accumulés sur un point
par une exportation supérieure, sont forcés de
s'expatrier ensuite et de revenir sur les points
vides alin d'y chercher de l'emploi, je réplique
que ce retour est justement le signe de la dé-
chéance des peuples importateurs, et l'annonce
de la royauté financière qu'ils ont attirée sur
eux
Est-il indifférent pour une nation de vivre
en travaillant ou de mourir en empruntant ?
Peuples importateurs, peuples exploités: y o\\k
ce que savent à merveille les hommes d'Etat
de la Grande-Bretagne, qui, ne pouvant im-
poser par la force des armes leurs produits à
l'univers, se sont mis à creuser sous le? cinq
parties du monde la mine du libre commerce
Les économistes n'ont pas vu que la pro-
tection était le résultat, non d'une subversion
transitoire, d'un accident anormal, mais d'une
cause réelle et indestructible, qui oblige les
gouvernements et qui éternellement les obli-
gera. Cette cause, qui réside dans l'inégalité*
des instruments de production et dans la pré-
pondérance de la monnaie sur les autres mar-
chandises, avait été aperçue des anciens:
l'histoire n'est pleine que des révolutions et
des catastrophes qu'elle a produites. D'où est
venue, dans tes temps modernes et au moyen
âge, la fortune des Hollandais, la prospérité des
villes an séa tiques et lomban 'es, de Florence, de
Gênes et de Venise, si ce n'est des différences
énormes réalisées à leur profit par le com-
merce qu'ils entretenaient sur tous les points
du monde? La loi d'équilibre leur était connue:
l'objet constant de leur sollicitude, le but de
leur industrie et de leurs efforts, fut toujours
de la violer. Est-ce que toutes ces républi-
ques, par leurs relations avec des peuples qui
qui n'avaient à leur donner, en échange de
leurs étoffes et de leurs épices, que de l'argent
et de l'or, ne se sont pas enrichies? Est-ce
que, du même coup, les nations qui formulant
leur clientèle n'oni pas été ruinées? N'e-->t-oe
point à dater de ci_.tte époque que Ja iioblevso
de race est tombée dans l'indigence et que la
f'iodalilé u pris lin? Remontons le cours
des àgi'S : qui fonda l'opulence de Cartilage et
du Tyr, si ce n'est le commerce, le commerce,
c'est-à-dire ce système de factoreries et d'é-
changes, dont les comptes se balançaient tou-
jours, en faveur de ces spécul meurs détestes,
par une masse métallique enlevée a L'ignorance
et à la crédulité des barbares.
BAL
BAL
BAL
BAL
sy
BALANCÉ s. m. (ba-lan-sé — rad. balan-
cer). Pas qui se fait en place , en se balan-
çant d'un pied sur l'autre et en restant en
présence ou quelquefois en tournant. Ce pas
sfi compose ordinairement do deux demi-cou-
pés,' l'un en avant, l'autre en arrière : Le
BALANCÉ&sf un pas fort gracieux, qui s'accom-
mode à toutes sortes de mesures. (Rameau.)
BALANCÉ, ÉE (ba-lan-cé), part. pass. du
v. Balancer. Agité sur place, porté alternati-
vement d'un côté et d'un autre : Des brandies
balancées par le vent. Ces trois phrases ami-
cales succédèrent à l'injure aussitôt que la
clarté d'un réverbère, balancé par le vent,
frappa le visage de ce groupe étonné. (Balz.)
Je me couchai, balancé dans mon hamac, au
bruit de la lame. (Chateaub.)
Balancé dans les airs sur sa corde fragile,
Un voltigeur, non moins hardi qu'agile.
D'un peuple immense attirait les regards.
Le Baillt.
— Comparé, pesé : Tout bien balancé, je
donnai ma démission.
... Tout bien balancé, j'ai pourtant reconnu
Que de ces contes vains le monde entretenu
N'en a pas de l'hymen moins vu fleurir l'usage.
Boileau.
— Fig. Tenu en suspens, en hésitation :
Le public est convenablement balancé entre la
crainte et l'espérance. (Journ.)
Sa pensée
Entre vos deux amants n'est pas fort balancée,
Corneille,
... Je sens tout mon cœur balancé nuit et jour
Entre l'orgueil du diadème
Et les doux espoirs de l'amour.
Corneille.
H Tenu indécis, incertain quant à l'événe-
ment : La victoire fut longtemps balancée. Il
Compensé : La joie que l'on ressent de l'élé-
vation de son ami est un peu balancée par la
petite peine qu'on a de le voir au-dessus de
soi. (La Bruy.) La demande du vendeur est
balancée par le droit del'acheteur. (Proudh.)
il Dont la supériorité est mise en doute :
Bossuet fut humilié d'avoir été balancé par la
jeunesse de Fénelon. (Lamart.) il Renvoyé,
congédié : Il en avait trop fait, il a fini par
être balancé. Ce dernier emploi est familier.
— Peint. Figure balancée, composition ba-
lancée, Figure, composition dont toutes les
parties sont dans un juste équilibre.
— Mar. Navire balancé, Se dit quand l'ef-
fort du vent sur les voiles de l'avant est en
parfait équilibre avec l'effort qui s'opère sur
celles de l'arrière.
BALANCELLE s. f. (ba-lan-sè-le — rad. ba-
lancer, ou du napolit. paranzello, même sens).
Mar. Embarcation armée d'une vingtaine
d'avirons, à un seul mât, avec une grande
voile triangulaire, pointue à la poupe et à la
proue : La balaNCELlk, qui était autrefois
très-commune dans la Méditerranée, ne se voit
plus guère aujourd'hui que sur les cotes d'Es-
pagne. (Chesnel.)
balancement s. m. (ba-lan-se-man —
rad. balancer). Action de se balancer, de se
mouvoir alternativement d'un côté et de
l'autre : Ceux qui dandinent en marchant font
avec le corps un balancement./^ désagréa-
ble. (Acad.) Tous ces garçons ont les allures,
les gestes, la voix, le balancement des vieux
marins. (J.' Cauvain.) il Mouvement alternatif
en deux sens opposes : La lune a un certain
balancement qut fait qu'un petit coin de vi-
sage se cache quelquefois. (Fonten.) Une forte
puissance abaisse alternativement les flots, et
fait le balancement de la masse totale des
mers. (Buff.) Le tranquille balancement des
barques porte à la rêverie et à la paresse.
(Mme de Staël.) La longue allée'de peupliers
avait, à midi, des lueurs de soleil, des balan-
cements de rameaux et des murmures de cimes
qui m'enchantaient. (Lamart.) La frégate an-
glaise reposait immobile , sans le moindre
balancement de sa quille. (Lamart.) Le vo-
luptueux balancement d'une barque imite va-
guement les pensées gui flottent dans l'âme.
(Balz.)
Vagues parfums, vous étés son haleine ;
Balancements des Ilots, ses doux gémissements.
A. Latouche. -
Dans les balancements du lugubre cyprès,
Du triste Cyparisse il entend les regrets.
Mille voye.
Gondolier, je reviens, en fendant les lagunes,
Rendre à ton noir esquif son doux balancement.
C. Délavions.
Mais le balancement de l'aigrette flottante,
Mais du casque enflammé la lumière éclatante
Ont ébloui ses yeux.
LUGE SB LAKCIVAL.
— Compensation : Ainsi le langage flamand
substitue constamment son ch à notre s et à
notre c faible; mais, par balancement, où
nous avons ch il place souvent un K ou un a.
(G. Fallot.) il Inus.
— Fig. Hésitation : Cest alors qu'il se fait
un balancement douteux entre la vérité et la
volupté, (Pasc.) il Changements alternatifs
dans la manière d'agir : On le voit livré, sur
l'escarpolette de l'intérêt, à un balancement
perpétuel. (Beaumarch.)
— Techn. Nom donné aux oscillations aux-
quelles les locomotives sont sujettes, soit
dans le sens de leur longueur, soit dans le
sens de leur largeur, et qui proviennent en
général de ce que les rails sont trop faibles
ou de ce que la voie repose sur des terres
fraîchement remuées et faciles à se détrein-
per par la pluie : Le balancement est une
cause de déraillement.
— Mar. Manière dont un navire est ba-
lancé relativement à sa voilure, effort relatif
du vent sur les voiles de l'avant et sur celles
de l'arrière.
— B. - arts. Disposition par laquelle des
masses ou des groupes s'équilibrent et for-
ment un tout harmonieux et symétrique :
Cette ébauche annonce un talent remarquable
et un art heureux pour la disposition et le
balancement des figures placées en qroupe.
(Vitet.)
— Mus. Syn. de trémolo, cadence, il Concor-
dance harmonieuse : Grâce à l'accentuation
symétrique de l'italien, si vous commencez une
phrase de chant, il y a lieu aussitôt à une
correspondance exacte entre les parties, en un
mot à la périodicité, au balancement de la
phrase, (vitet.)
— Méd. Balancement fonctionnel, Rapport
inverse existant entre 1 énergie ou l'activité
de deux ou de plusieurs fonctions. C'est
ainsi que la sécrétion urinaire supplée au
défaut d'action de la peau, et réciproque-
ment. » Balancement organique, Sorte d'anta-
gonisme ou de compensation qui s'établit
entre les atrophies et les excès do développe-
ment dans les anomalies.
— Polit. Equilibre politique : Il y a dans
l'Europe une espèce de balancement entre les
nations du Midi et celles du Nord. (Montesq.)
Il Pondération des pouvoirs : Qu'importent
aux critiques toutes les sublimes combinaisons
de la politique, toutes les divisions ou balan-
cements des pouvoirs, s'ils ne garantissent
pas, s'ils ne réalisent pas la liberté civile?
(B. Barrère.) Le régime constitutionnel ne vit
que de fictions, de balancements. (L. Blanc.)
— Encycl. Charpente. Balancement des mar-
ches d'un escalier. Lorsque la cage d'un esca-
lier est composée de parties planes raccordées
avec des surfaces courbes, les directions des
arêtes des marches ne doivent pas, dans le
voisinage des raccordements, rest»r normales
à la ligne ia foulée ; c'est pour obtenir cette
déviation des arêtes que l'on exécute le ba-
lancement des marches.
Supposons un escalier dont la cage soit
projetée horizontalement suivant un contour
composé de deux parties rectilignes et d'une
Sartie circulaire. Soit ABCD... la projection
e la ligne de foulée , etabedefg h... la
projection de la surface de l'échiffre à laquelle
aboutissent toutes les marches. Si on ne ba-
lançait pas les marches , les projections de
leurs arêtes s'obtiendraient en divisant la ligne
de foulée en parties, AB,BC, CD,... FG,GH,...
égales au giron constant des marches, et en
menant par les points de division des norma-
les au contour ABCD. . . FG : or, il arriverait
ainsi que, dans le voisinage du raccordement
de la partie plane avec la partie courbe, le
collet des marches, d'abord constant, varierait
subitement; de plus, l'échiffre de l'escalier
Ïirésenterait une brisure, car si on développe
e cylindre a b c d. . .les traces des marches
viennent en a"a'b", b"b'c", c"c'd", d"d'e",
e"e'f',f[fg". . . et les points a'b'c'd'e'f. . .,
dont le lieu est la transformée de la directrice
de la surface gauche de l'échiffre (v. Echifkiîe)
se trouvent sur deux droites inclinées l'une
Ear rapport à l'autre. Le balancement a pour
ut de remédier à ces deux inconvénients.
Supposons qu'on veuille l'effectuer à partir de
la marche Aa : au lieu de conserver pour les
marches les traces qui viennent après déve-
loppement en a"a'b'', b"b'c"..., on prend de
nouvelles traces développées en a"a'b", ,
b'\b\c'\, c",c/,d'\..., dont les dimensions
verticales sont les mêmes que celles des pré-
cédentes, mais qui ont leurs points a\,b\,c'i,
^'itC'iiftd'ih' sur une courbe tangente en a' à
a'b' et passant par h', point correspondant
au milieu du quartier tournant. Généralement
cette courbe se trace simplement en courbant
une règle dont deux points sont fixés en
a1 et h'.
Ce mode de balancement n'est pas le seul
usité, on peut prendre pour longueur des col-
lets des marches balancées les termes de la
progression
C, C + r, C + 2r, C + 3 r,. . . Ç + (n—\)r
où C désigne le plus petit, r une quantité assez
petite, et n le nombre des marches balancées.
Dans cette hypothèse on doit avoir, si l dési-
gne la longueur sur laquelle s'effectue le
balancement,
l = 0 + C + r + C+'2r. . .-f-(C + )i — li") =
"(c+"VL0
et
G = C + (n — l) r.
G désignant le giron des marches de l'esca-
lier. Dans ces deux équations on connaît l, G
et C ; elles donnent donc n et r.
BALANCER v. a. ou tr. (ba-lan-sé — rad.
balance; prend une cédille sous le cdevantles
voyelles a et o:Je balançais ; nous balançons).
Faire osciller, mouvoir un corps de manière
qu'il penche tantôt d'un côté, tantôt de
l'autre : Balancer ses iras.. Balancer un ja-
velot avant de le lancer. Le vent balance la
cime des arbres. Des lévites en robe blanche
balancent l'encensoir devant le Très-Haut.
(Chateaub.) A notre droite, le golfe de Naples
balançait silencieusement une centaine de na-
vires à l'ancre. (Pitre-Chevalier.) Au moindre
vent ces arbres, déjà beaux, balançaient leurs
glaçons au bout de leurs branches légères et
pendantes. (G. Sand.)
Dans les forêts, que leur souffle balance.
Les brises du matin célèbrent son retour.
C. Delavione.
Superbe et pâle de courroux,
Il balance dans l'air sa redoutable épée.
C. Délavions.
— Mettre en équilibre : Un danseur de corde
est très-attentif à balancer son corps pour ne
pas tomber.
— Fig. Etablir une certaine pondération
entre : La maison de France et celle d'Autri-
che, dont Dieu se sert pour balancer les choses
humaines. (Boss.)
. . ..... Laissez & mes mains
Le soin de balancer le destin des humains.
Voltaire.
Il Empêcher de prévaloir : De petits intérêts
■ de commerce ne peuvent plus balancer les
grands intérêts de l'humanité. (Chateaub.) Le
droit est une puissance qui balance longtemps
le fait. (Chateaub.) L'intérêt des hommes ne
doit point balancer les intérêts des deux.
(Rosset.) f7;i seul balance l'autorité de cent
philosophes. (M.-Brun.)
Votre jugement
Balancera-t-îl seul le commun sentiment?
• C. Delavione.
— Compenser, égaler par l'importance, le
mérite, la vertu, l'influence : // ne demeura
personne à la cour qui pût balancer le pouvoir
de la maison de Guise. (Mme de La Fayette.)
Chacun, dans son état, trouve des amertnmvs
qui en balancent les plaisirs. (Mass.) Lan-
franc balançait la réputation de Bérenger.
(Volt.) La nature balance sans cesse le mal
par le bien. (Barthél.) Condillac ne put seul
balancer Locke, Descartes, Malebranche et
Leibnitz. (Chateaub.) Il est donné à l'homme
industrieux de balancer le goût du lucre par
d'autres goûts plus raffinés et plus nobles.
(Mich. Chev.) Je vois que j'essayerais en vain
de balancer votre créait. (Scribe.)
Surpasser Euripide et balancer Corneille.
Boileau.
L'homme a ses passions, on n'en saurait douter;
Il a, comme la mer, ses flots et ses caprices,
Mais ses moindres vertus batancent tous ses vices.
Boileau
Lés bienfaits dans un cœur balancent-ils l'amour 7
Racine.
Tu balançais son dieu 'dans son cœur alarmé.
Voltaire.
Quels que soient ses forfaits, sa gloire les balance;
Ils sont grands, je le veux, mais sa gloire est im-
[mense.
Arnàult.
il Formuler, établir une compensation entre :
Il faut balancer l'avantage d'une guérison
?ue le médecin opère, par la mort de cent ma-
ades qu'il a tués. (J.-J. Rouss.) n Rendre in-
certain, tenir en suspens : Balancer la vic-
toire.
Bérénice a longtemps balancé la victoire.
' Racine.
Mars balance longtemps le destin des batailles,
Delille.
Et que son propre sang, en faveur de ces lieux,
Balance les destins et partage les dieux.
Corneille.
Il Fig. Peser dans son esprit, comparer, exa-
miner contradictoirement : Balancer le pour
et le contre. Il se mit à balancer en lui-même,
tantôt son avis, tantôt celui de ses capitaines.
(Vaugel.) Placé entre une religion et une rai-
son, il les comprit, il les balança, il essaya de
les concilier. (Ste-Beuve.)
— Fam, Mystifier : Voilà six mois qu'il me
promet ; je crois qu'il me balance. (Trév.) n
Econduire; renvoyer, quitter, surtout en
parlant d'une maîtresse, et réciproquement :
Elle m'a traité de muffle. — Alors il faut la
balancer. (Monselet.) Un imbécile qui se fait-
balancer par son patron, et qui me tombe sur
les bras à son âge! (Desbuards.)
— Comm. Balancer un compte, En établir
la balance.
— Peint. Balancer une composition, des
groupes, des niasses, Les disposer de manière
qu'ils s'équilibrent et forment un ensemblo
harmonieux, sans sacrifice trop marqué de
quelqu'une des parties, il Balancer une figure,
En disposer les parties dans un état de con-
traste et en même temps d'équilibre harmo-
nieux.
— Chorégr. Balancez vos dames. Cri pour
avertir qu'il faut faire tourner la dame avec
laquelle on danse.
— Manég. Balancer la croupe, Se dit d'un
cheval dont la croupe dandine à ses allures,
ce qui est une marque de faiblesse dans les
reins.
— Mar. Balancer la voilure d'un vaisseau,
ou simplement Balancer un vaisseau, Etablir
l'équilibre entre l'effort des voiles de l'avant
et de celles de l'arrière. Il Balancer un navire,
un bateau à vapeur, Lui faire faire deux tours
en avant et en arrière, pour s'assurer si la
machine fonctionne convenablement. Il Balan-
cer le chargement , Le distribuer également
entre chaque bord, il Balancer un couple, Lo
fixer sur la quille de manière que ses bran-
ches ne s'écartent pas plus d'un bord que de
l'autre.
— Méc. Balancer une soupape de sûreté,
Adapter à la soupape, avec -ou sans l'inter-
médiaire d'un levier, un poids proportionnel
à sa surface et à la pression qui doit la
soulever.
— v. n. ou intr. Osciller : Un lustre gui
balance lentement. Quelques physiciens pré-
tendent que la terre balance sur son centre.
(Trév.)
— Par ext. Avoir une action ou un mou-
vement alternatif, agir ou se mouvoir succes-
sivement en sens opposé : Toutes les causes
physiques, tous les effets qui en résultent sont
compris et balancent entre certaines limites
plus ou moins étendues. (Buff.)
— Fig. Etre indécis , hésiter : Balancer
entre la crainte et l'espérance. Pour Pauline,
je crois que vous ne balancerez pas entre le
parti d'en faire quelque chose de bon ou quel-
que chose de mauvais, (Mme de Sév.) Il n'y a
pas à balancer sur son retour. (Mme de Sév.)
Il n'y avait plus à balancer s'il voulait sauver
sa femme. .(Hamilt.) M. Tronchin a déclaré
qu'il y allait de votre vie, mais que vous ne
balanceriez pas de la risquer. (Volt.) Entre
l'utile et l' agréable il n'y a pas à balancer.
(Regnard.) Je crois que lu ne peux balancer
au change que je te propose. (Le Sage.) Il n'y
a pas à balancer, il faut que je me fasse ca-
pucin. (Grimm.) Il n'y a rien de pis que de
balancer sans cesse : l'homme de sens prend
une résolution et s'y tient. (De Launay.) Celui-
là est ingrat et lâche qui délibère et balance
quand ses amis sont en danger. (N. Lemercicr.)
Je ne balance point, je vole à son secours.
Racine.
Du lâche qui balance échauffe les esprits.
Voltaire.
A ce silence
Ne reconnais-tu pas un père qui balance ?
Racine.
Eh bien, Turnus, eh bien, ta grande âme balance.
Dit-il ; te repens-tu d'un moment de valeur?
Delille.
Il Demeurer en suspens, Rester incertain
quant à l'événement : La victoire a longtemps
balancé. (Acad.) Le général, accoutumé à une
victoire prompte, fut étonné de la voir si long'
temps balancer. (Boil.)
Mais Louis d'un regard sait bientôt la axer (la for-
. Le destin à ses yeux n'oserait balancer. [tune).
Boileau.
La victoire balança;
Plus d'un guéret s'engraissa
Du sang de plus d'une bande.
La Fontaine.
— Sans balancer, Sans hésiter : Il prit cette
résolution sans balancer. Elle est aimable,
et on l'aime sans balancer. (Mm« de Sév.)
— Techn. Se dit des lisses lorsqu'elles se
lèvent et se baissent plus d'un côté que de
l'autre.
— Méc. En parlant d'une locomotive,
Eprouver des oscillations dans le sens de la
longueur ou de la largeur.
— Chorégr. Exécuter le pas nommé ba-
lancé : Balances!
— Manég. Ce cheval balance, Son allure
n'est pas ferme, sa croupe vacille.
— Chass. Se dit d'un chien qui ne chasse
point d'assurance, ou qui est à chaque instant
hors de sa voie : Les chiens balancent quand
ils ne chassent pas d'assurance. (E. Chapus.)
Une part de mes chiens se sépare de l'autre.
Et je les vois, marquis, comme tu peux penser.
Chasser tous avec craihte, et Fmaut balancer.
Molière.
Il Se dit aussi de l'oiseau qui reste immobile
en l'air ou qui observe sa proie, il Se dit en-
core du cerf, qui, étant épuisé, chancelle et
n'en peut plus.
Se balancer, v. pr. Etre balancé, osciller:
se mouvoir, en penchant alternativement
d'un côté et de l'autre : Une lampe qui se
balance au plafond. Se balancer nonchalam-
ment. Sb balancer lourdement. Se balancer
beaucoup trop en dansant. Il se balance sur
son banc, en tenant son genou dans ses mains,
(Vitet.)
On dit que ce brillant soleil
N'est qu'un reflet de ta puissance ;
Que sous tes pieds il se balance
Comme une lampe de vermeil.
Lamartine.
li Se dit aussi en parlant de l'allure dos ani-
12
90
RAT,
maux : L'ours SE balance en marchant. Un
oiseau qui se balance dans l'air, dans les airs,
(Acad.)
— Se placer sur la balançoire ou l'escarpo-
lette et la mettre en oscillation : Raoul ne
savait pas bien s'il avait envie de la retrouver
au jardin, quand il retournerait se balancer
avec Félix. (A. Karr.) Il Mettre à tour de
rôle en mouvement la balançoire ou l'escar-
polette : Il faudra NOOS balancer mutuelle-
ment, puisque aucun de nous ne sait se balan-
cer tout seul.
— Fig. Etre compensé : Les profits et les
pertes se balancent. (Acad.) D'abord les
SUCCès SE BALANCÈRENT. (Littré.)
— Fauconn. Se dit de l'oiseau de proie qui
roste suspendu à la même place, dans les
airs, pour observer sa proie.
— Peint. Se dit des groupes, des masses
qui sont disposés dans un équilibre har-
monieux : Tout sa balance dans cette com-
position.
— Comm. Se solder : Ce compte se balance
de tant au passif et tant à l'actif.
— Syn. Balancer, iictitcr. Le premier se
dit surtout quand deux partis se présentent
et qu'on ne sait lequel prendre ; le second,
quand on recule devant 1 action k faire, quand
on est retenu par sa crainte, par le manque
d'énergie. Les personnes prudentes balancent
quand elles aperçoivent plusieurs manières
d'agir; si elles balancent trop longtemps, c'est
de l'indécision, c'est qu'elles manquent de
lumières pour distinguer ce qu'il y a de mieux
k faire; les gens paresseux, mous, défiants
hésitent et laissent souvent passer le moment
favorable pour agir.
BALANCER1E s. f. (ba-lan-se-ri — rad.
balancer). Tcchn. Fabrique de balances : Les
progrès sont dus principalement aux efforts
qui ont été faits dans quelques grandes balan-
ceries formées sur divers points de la France.
(Encycl.) il Art de fabriquer des balances :
La balancerie a fait de grands progrès.
BALANCEUR s. m. (ba-lan-seur — rad.
balancer). Ornith. Espèce du genre gros-bec,
qni habite l'Amérique du Sud.
BALANCIER s. m. (ba-lan-siê — rad. ba-
lancer). Mécan. Pièce en bois ou en métal,
animée d'un mouvement oscillatoire et des-
tinée à transmettre ou à transformer un
autre mouvement : Balancier d'une pompe,
d'une machine à vapeur. Machine à vapeur à
BALANCIER.
— Pièce d'horlogerie animée d'un mouve-
ment régulier d'oscillation et qui règle l'é-
chappement de manière à transformer en
mouvement uniforme le mouvement accéléré
de la force motrice : Le balancier d'une
horloge, d'une pendule, d'une montre. Elle
écoutait le bruit de la pendule, et ta vibration
monotone du balancier lui étant insupportable,
elle se leva pour l'arrêter. (A. de Muss.) Le
terme scientifique est Pendule s. m., qui est
bien moins expressif. On réserve le nom de
balancier à l'appareil circulaire qui remplace
le pendule dans les montres, n Balancier com-
pensateur. Balancier de montre combiné de
façon à ce que les dilatations inégales, pro-
duites sur cette pièce par les variations de
la température, soient compensées par des
dilatations en sens contraire.
— Nom vulgaire donné au fléau d'nne ba-
lance.
— Longue perche dont se servent ceux qui
dansent sur la' corde tendue, pour se tenir
en équilibre : Danse de corde avec balancier,
sans BALANCIER.
— Fig. dans le même sens :
La vertu, la raison, les lois, l'autorité
Dans vos désirs fougueux vous causent quelque
C'est le balancier qui vous géue, [peine;
Mais qui fait votre aùreté. Florian.
— Fig. Ce qui sert de régulateur : L'opi-
nion est le balancier d'un gouvernement libre
et doit régler ses mouvements. (Boiste.)
Je n'entends au dehors que le lugubre bruit
Du balancier qui dit : Le temps marche et te fuit!
Au dedans, que le pouls, balancier de la vie.
Lamartine.
n Ce qui trahit, ce qui révèle l'existence
du mouvement : Pour lui, le balancier du
temps s'est arrêté un peu avant 89. (Th. Gaut.)
— Loc. fam. Aller et venir comme un balan-
cier de pendule, se promener de long en. large
d'un pas mesuré et monotone : Çq me fait
mal au cœur, après le diner, de voir un homme
allant et venant comme un balancier de pen-
dule. (Balz.)
— Techn. Partie du métier à bas qui se
trouve à chaque extrémité des épaulières. il
Dans les papeteries, instrument de fer au
moyen duquel on délaye la matière contenue
dans l'auge. Il Dans les grosses forges , pièce
de fer recourbée, passée dans un crochet at-
taché à une perche élastique à l'aide de la-
quelle on lève et on baisse alternativement
les soufflets, tl Barre servant do manivelle
pour ouvrir et fermer une écluse, il Croix de
fer placée sur l'axe de la vis sans fin aux
extrémités de laquelle on a fixé du plomb.
C'est une espèce de volant qui sert à trans-
former en mouvement uniforme le mouve-
ment accéléré que produirait la chute du
poids ou la détente du ressort, dans un tour-
nebroche. Il Balancier de pompe, pièce de bois
placée horizontalement sur un point d'appui,
ce qui en fait un levier. A l'une des extrémi-
tés de ce levier sont attachés un ou plusiours
BAL
pistons de pompe; à l'autre est adaptée une-
pièce qui, mise en mouvement par une ma-
nivelle, fait hausser et baisser alternative-
ment les pistons. U Balancier hydraulique,
machine à laquelle un courant (f eau donne
un mouvement de bascule.
— Particulièrem. Machine destinée à pro-
duire, par un mouvement alternatif, une forte
pression à des intervalles très-rapprochés,
et qu'on appelle aussi balancier monétaire,
parce qu'elle a été primitivement construite
pour la fabrication exclusive des monnaies et
médailles : Monnayage au balancier. Es-
tampes au balancier. C'est avec des plaques
gravées et le balancier que l'on produit ces
ornements dorés qui parent les plats de certains
livres reliés. L'or s arrondit en pièces sous les
coups du balancier. (Balz.)
11 reçut, pour sa dot, pluB d'écus h la fois'
Qu'un balancier n'en peut reformer en sil mois.
i, Reonakd.
— Mar. Appareil de suspension, composé
de deux cercles de cuivre , qui permet aux
objets qui en sont munis de se mouvoir en
tous sens, et partant de garder, par l'effet de
leur poids, la position horizontale, quelle que
soit l'inclinaison du navire : Balancier de
lampe, de boussole, il Grosse pièce au moyen
de laquelle on ouvre ou l'on ferme les vantaux.
— Navig. Pièce de bois que les Indiens
fixent en dehors et à une assez grande dis-
tance de chaque c&té de leurs embarcations,
au moyen de traverses en bambou ou en bois
léger. Elles ont pour but d'offrir une résis-
tance, par leur pression sur la surface.de
l'eau et d'empêcher ainsi le canot de chavirer.
— Pêch. Traverse ajoutée aux lignes pour
pêcher certains poissons.
— Écon. dom. Traverse aux deux extré-
mités de laquelle sont suspendues les deux
coupoles de certaines lampes, et particulière-
ment de celles qui servaient à éclairer un
billard avant l'invention du gaz.
— Entom. Nom donné à l'appendice foli-
forme , mobile , inséré à la base de chaque
aile des insectes diptères. Selon quelques au-
teurs, les balanciers servent à maintenir
l'insecte en équilibre pendant son vol, et de
là son nom; selon une autre opinion, ils ont
des rapports avec la respiration et peuvent
contribuer à ouvrir et fermer les stigmates
postérieurs du thorax, il Sorte de moignon
très-court auquel se trouvent réduites les
aile; des insectes diptères, par suite du ra-
pide accroissement des ailes inférieures.
— Encycl, Mécan. On désigne sous le nom
de balancier, d'une manière générale, toute
pièce oscillante destinée soit à transmettre le
mouvement aux autres parties d'un mécanisme,
soit à le régulariser. En horlogerie, on donne
le nom de balancier à un régulateur circulaire
dont les oscillations isochrones, déterminées
par l'action d'un ressort, gouvernent l'échap-
pement et le règlent. Le mouvement général
n'étant pas continu ne peut pas s'accélérer;'
il est uniformément intermittent.
Balancier hydraulique. Machine inventée
par Perrault et peu employée aujourd'hui,
consistant en un levier auquel un courant
d'eau imprime un mouvement d'oscillation qui
fait monter un seau vide à l'une des extrémi-
tés pendant qu'un seau plein descend à l'autre.
Arrivé au bas de sa course, le seau plein se
vide; en même temps, le seau vide se rem-
plit, descend à son tour, et soulève l'autre.
Le èaJaneter des machines à vapeur sert
d'intermédiaire entre la tige du piston et l'arbre
de couche qui doit recevoir un mouvement
uniforme de rotation. C'est un levier de grande
dimension, mobile autour de son milieu, dont
l'une des extrémités est reliée à la tige du
piston par l'intermédiaire du parallélogramme
■ de Watt (v. ce mot), tandis que l'autre porte
la bielle qui doit agir sur' la manivelle liée à
l'arbre et destinée à lui transmettre le mou-
vement. Les anciennes machines compre-
naient toutes un balancier; on l'a supprimé
dans un grand nombre de machines modernes
Sour économiser la place, en reliant la tige
u piston soit à la bielle, soit même à la ma-
nivelle, comme dans la machine oscillante de
Çavé et dans les machines k fourreau. V. ce mot.
Le balancier à bride ou contre-balancier est
le levier mobile autour de l'une de ses extré-
mités qui s'articule, dans les machines de
Watt, avec la tige liée au balancier, de ma-
nière à obliger cette tige à glisser sur deux
circonférences contenues dans un même plan.
La tige du piston est articulée sur cette tige
au point qui décrit le plus sensiblement une
ligne droite.
Le balancier du danseur de corde lui sert à
se maintenir en équilibre, mais non pas de la
manière simple dont on est naturellement
porté à le croire. On se figure k première vue
que l'acrobate, pour maintenir dans le plan
vertical de la corde le centre de gravité du
système formé de sa personne et du balancier,
déplace simplement ce balancier vers la gau-
che ou la droite suivant que lui-même se sent
prêt à tomber vers la droite ou la gauche. La
théorie de l'équilibre, sur la corde roide, est
plus compliquée qu'il ne semble au premier
abord.
Le déplacement du balancier vers la droite,
par exemple, en supposant que la somme des
aires décrites autour du centre de gravité se
trouvât nulle, aurait pour effet de ramener les
jambes h gauche, si les pieds ne reposaient
pas sur la corde; lorsqu'ils y sont appuyés, le
BAL
déplacement supposé du balancier les fait
presser de droite à gauche sur la_ corde, qui
réagit de gauche a droite, ce qui permet k
l'équilibriste de retrouver la verticale,- s'il
tendait k tomber à gauche. Dans cette hypo-
thèse, on voit que le balancier permet au dan-
seur d'emprunter à la corde des impulsions
horizontales capables de ramener le centre de.
gravité dans le plan vertical de la corde. Mais
ce n'est pas cet office secondaire, auquel les
bras suffiraient, qui constitue le précieux se-
cours qu'apporte à l'acrobate son balancier.
On le reconnaîtrait d'ailleurs a priori en
observant que la. grande longueur qu'on lui
donne, non plus que sa légèreté au milieu et
sa lourdeur aux extrémités, ne seraient d'au-
cune utilité dans l'hypothèse où le balancier
servirait simplement de contre-poids.
Ija théorie du balancier est fondée sur le
principe ou théorème des aires (v. Moments) :
lorsque le danseur retombe sur la corde, il en
reçoit un choc vertical qui n'est généralement
pas dirigé vers son centre de gravité; or, si
la direction du choc passait a gauche du centre
de gravité, le danseur, lancé en l'air, tendrait
à prendre autour de ce centre un mouvement
de rotation qui élèverait ses pieds et rabaisse-
rait sa tête, de façon que, ramené à la hauteur
de la corde, il aurait ses pieds à gauche de la
corde, sa tête à droite, et viendrait la choquer
vers le milieu du corps.
C'est à éviter ce mouvement de bascule au-
tour de son centre de' gravité que l'acrobate
emploie son balancier.
D'après le théorème des aires, applicable
eux corps pesants, en prenant pour centre
des aires le centre de gravité , la somme
des produits des masses .des molécules du
corps par les projections, sur un plan arbi-
traire, des aires décrites dans l'espace par les
rayons vecteurs menés du centre de gravité
à ces molécules, cette somme croît proportion-
nellement au temps. L'acrobate lancé en l'air
ne peut, en aucun cas, changer la raison de
cette progression, mais il peut la déplacer :
s'il fait rapidement tourner son balancier de
gauche à droite, comme il aurait dû tourner
lui-même, la loi des aires est satisfaite, et
même si le mouvement du balancier est suffi-
samment rapide, le mouvement du corps se
fait en sens contraire du sens dans lequel il
aurait dû se produire; les pieds donc qui vien-
nent de toucher à gauche du centre de gravité
se présentent, au contraire, à droite au moment
du nouveau choc, la raison de la progression
des aires redevient nulle, et le danseur se re-
lève verticalement sans tendance à tourner ni
à droite ni à gauche jusqu'à ce qu'il retombe
de nouveau excentriquement.
On voit que. dans cet emploi du balancier,
le secours qu en tire le danseur est d'autant
plus efficace, à égalité de poids, que le balan-
cier est plus long et que la masse est plus
concentrée aux extrémités, Va somme des aires
décrites se trouvant augmentée par ces deux
conditions.
Balancier monétaire. Cet appareil, ainsi ap-
pelé du nom d'une de ses principales pièces,
se compose essentiellement d'un cylindre de
bronze, formant écrou à sa partie supérieure,
d'une vis qui traverse cet écrou et d'un levier
horizontal fixé en équilibre dans la tête de la
vis, et terminé par deux grosses lentilles de
bronze massif. C'est ce levier qui porte spé-
cialement le nom de balancier. Si l'on vient a
lui imprimer, dans un sens convenable, un
effort vigoureux, il tourne et fait descendre la
vis dont l'extrémité inférieure choque violem-
ment le flan, rondelle de métal destinée à re-
cevoir l'empreinte. La vis s'arrête alors brus-
quement par l'effort d'un choc égal et contraire
à celui qu'elle a produit, et le levier reçoit un
mouvement opposé k celui qu'il avait. Pen-
dant la courte durée du choc, le flan a été
fortement pressé entre deux morceaux d'acier
trempé qui portent en creux la gravure des
deux faces de la pièce. L'un de ces morceaux
d'acier, appelés coins, termine le bas de la vis ;
l'autre, solidement fixé au-dessous, supporte
le flan, qui est en outre fortement serré dans
un anneau, dont le contour intérieur présente
en creux des lettres gravées qui se reprodui-
sent en saillie tout autour de la pièce.
Le voie des masses qui terminent les deux
extrémités du levier est facile a comprendre :
d'abord, par leur forme lenticulaire, elles
n'offrent que peu de prfce k la résistance de
l'air ; de plus, par leur poids, elles ajoutent
a l'intensité ou choc. En effet, considérons
seulement l'une d'elles, appelons M sa masse,
et V la vitesse qu'elle possède au moment où
le choc a lieu : si le choc était directement
produit par la masse M, il pourrait être repré-
senté par la quantité de mouvement qu'il détruit
à cet instant, c'est-à-dire par le produit MV.
Mais il a lieu par l'intermédiaire du levier et
de la vis. Soient donc r le rayon de la circon-
férence décrite par la masse M ; A le pas de la
vis, ou la quantité dont elle descend pendant
que la masse M décrit une circonférence en-
tière ; C l'intensité du choc produit par la vis.
Comme deux forces qui se Font équilibre sont
en raison inverse des chemins parcourus par
leurs points d'application, le rapport —^ sera
donné par la proposition
C 2«tr ,, . „ .„. 2irr
-— - « — j- , d'où C = MV x -r-.
MV h h
On voit par là que la violence du choc est pro-
BAL'
i*
portionnelle aux quantités M,V et -r-. h étant
toujours très-petit, par rapport à r, l'effet pro-
duit est considérablement augmenté par la
disposition de l'appareil.
Au bas du ôataieter, et à fleur de terre; est
une cavité ménagée dans le sol, qu'on appelle
la fosse; c'est laque se place l'ouvrier chargé
de diriger la manœuvre de la barre ou levier,
do placer le flan dans les coins et de le retirer
lorsqu'il est frappé.
Cette machine sert encore aujourd'hui, à la
Monnaie de Paris, pour frapper les médailles,
jetons, pièces commémoratives, de religion, etc.
On s'en est servi longtemps pour le monnayage
des espèces, mais l'emploi en a été abandonné
pour cet usage depuis l'adoption de la presse
monétaire mue par la vapeur et inventée par
l'ingénieur de Thonnelier. Beaucoup de mé-
dailles, et même de jetons, ne pouvant, en
raison du. relief que présente la gravure des
coins, être frappés d un seul coup comme la
monnaie, on n'a pas changé le mode de leur
fabrication, et c'est toujours à l'.iide du balan-
cier qu'il y est procédé. Sous l'Empire, on en
fabriqua plusieurs avec le bronze provenant
des canons pris sur les Russes à Austerlitz ;
ils en portaient tous la mention. Lors de la
suppression des hôtels de monnaies où ils fonc-
tionnaient, ou au moment de leur remplace-
ment par des presses monétaires de Thonnelier,
ces balanciers furent vendus par le domaine;
plusieurs des villes où cette vente eut lieu ne
voulurent pas laisser perdre dans le commerce
un bronze qui accusait une si noble origine ;
elles les achetèrent aux enchères. Lille et
Rouen en firent des statues de Napoléon I",
qui décorent aujourd'hui des places de ces cités.
A Londres, où la presse monétaire de Thon-
nelier n'a point été adoptée pour le mon-
nayage des espèces, on se sert encore, à la
Monnaie, d'un balancier, auquel on a appliqué
la vapeur pour lancer les boules avec la force
nécessaire : le contre-coup du retour de ces
boules est amorti par un système qui opère le
vide dans le périmètre de leur course. Une
autre application de la vapeur a été faite de-
puis au balancier sans qu'il soit nécessaire de
recourir à une réaction pneumatique; elle
consiste dans le remplacement de la barre et
des boules par une roue circulaire horizontale
mise en mouvement par une transmission. On
peut voir fonctionner ce système k la Monnaie
de Paris dans les ateliers du graveur général,
où il sert à enfoncer des coins et à faire
des cachets officiels pour les établissements
publics.
L'invention du balancier monétaire remonte
a la fin du xvie siècle, mais l'usage n'en a été
entièrement établi dans les monnaies de
France que depuis l'entière suppression du
monnayage au marteau et l'établissement du
monnayage au moulin. Il a. subi beaucoup de
modifications et de perfectionnements depuis
son principe, et en 1803, M. Gingembre, in-
specteur général des monnaies, créa le balan-
cier monétaire tel qu'il fonctionne encore
aujourd'hui.
Balancier se dit, ou plutôt se disait, du lieu
où étaient établis les balanciers et dans lequel
les monnaies et médailles devaient être exclu-
sivement, frappées. Dans ce sens, on disait
porter au balancier, aller au balancier; on
appela fiaiancter du Louvre la Monnaie des
médailles qui fut établie sous Louis XIII dans
les galeries de ce palais. Plusieurs lettres pa-
tentes, arrêts du conseil et de la cour des
monnaies, notamment celui du conseil du
15 janvier 1685 -, ceux de cette cour des 18 jan-
vier et 16 mars 1672, 14 juillet 1685, et ledit
du mois de juin 1696, défendaient k tous ou-
vriers, graveurs et monnayeurs, et k toutes
autres personnes, à l'exception des commis et
garde-balanciers du roi, établis es galeries du
Louvre à Paris , et dans les hôtels des mon-
naies, d'avoir ni tenir aucun moulin, coupoir,
laminoir, presse, balancier et autres semblables
machines, à peine d'être punis comme faux-
monnayeurs; ni fabriquer ailleurs qu'au balan-
cier des galeries du Louvre et des hôtels des
monnaies, des médailles et pièces de plaisir
d'or, d'argent ou d'autres métaux, a peine,
contre les ouvriers et fabricateurs, de confis-
cation des outils et machines, de 1,000 livres
d'amende contre chacun des contrevenants et
« de plus grande peine s'il y échet. » Les
mêmes défenses sous les mêmes peines furent
renouvelée's par l'édit du mois de juin 1696,
enregistré à la cour des monnaies le 30 du
même mois. Par ce même édit de juin 1696, le
roi créa au balancier du Louvre un directeur,
un contrôleur et garde de la fabrication des
médailles. Ces emplois furent supprimés lors
de la réunion de la monnaie des médailles à
celle des espèces -f ces deux services n'en font
plus qu'un, dont il sera parlé aux mots Mé-
daille et Monnaie. La défense de frapper des
médailles, jetons, etc., ailleurs qu'à la Mon-
naie de Paris a été maintenue par la nouvelle
législation.
balancier s. m. (ba-lan-siê — rad.
balance). Techn. Celui qui fait ou qui vend
des balances : Les balanciers de Paris for-
maient anciennement une corporation relevant
de la cour des monnaies, et qui avait pour pa-
tron saint Michel (*").
— Balancier ajusteur, ouvrier qui fabrique
les poids et les mesures, conformément aux
étalons établis par la loi.
balancine s. f. (ba-Ian-si-ne — rad. la-
BAL
BAL
BAL
BAL
91
lancer). Mar. Nom donné à des cordes aux-
quelles sont attachées par leurs, extrémités
les pièces de bois transversales qui portent
les voiles': C'est le sabre aux dents que les
matelots se laissent glisser par les balancines
pour arriver plus vite ait lieu du carnage. (J.
Lecorate.) Les vergues des voiles carrées ont
une balancine de chaque côté. (A. Jal.)
— Loc. fain. Etre pris dans la balancine.
Expression usitée chez les marins pour signi-
fier, Etre dans une situation pénible, embar-
rassante.
balançoire s. f. (ba-lan-soi-re — rad ,
balancer). Longue pièce de bois, soutenue
dans son milieu par un point d'appui, et à
laquelle deux personnes, placées aux deux
bouts, impriment un mouvement alternatif
d'ascension et de descente : La balançoire
est à la fois un objet d'amusement et un in-
strument de gymnastique.
— Par anal. Ce qui imite le mouvement
d'une balançoire : Le' cheval est une balan-
çoire gui marche. (L.-J. Larcher).
— Par ext. Appareil au moyen duquel on
se balance sur une corde dont les deux bouts
sont attachés à une petite distance l'un de
Vautre, soit au sommet de deux poteaux pu
aux branches d'un arbre, soit à des anneaux
fixés au plafond d'une chambre. Il On dit aussi
escarpolette. Il Sorte de jeu en usagé sur-
tout dans les foires, dans les fêtes publiques,
et où quatre personnes, placées sur des fau-
teuils suspendus à une grande roue, montent
et descendent, soit en avant, soit en arrière.
— Fig. Baliverne, sornette, conte en l'air,
chose peu sérieuse : Si le public savait perti-
nemment combien l'argot littéraire renferme
de mépris pour lui, il se fâcherait tout rouge
contre les ficelles et les balançoires à l'aide
desquelles on le fait journellement poser.
(Choler).'iJej faiblesses, des points d'orgue,
des soupirs, enfin des balançoires. (Balz.)
C'est très-bien, mais je n'entends pas que ce
serment soit une balançoire. (Labiche.) Quelle
drôle de balançoire que la vie de ce monde!
(Cormen.) La démocratie, à ce compte, serait
donc une balançoire, et le suffrage universel,
dans le secret de vos pensées, une lanterne ma-
gique. (Proudh.)
— Pop. Envoyer quelqu'un à la balançoire.
L'envoyer promener, se débarrasser de lui :
Aujourd'hui elles to'envoient très-bien A la
balançoire. (J. Prével.) .
— Argot de théâtre. Faire la balançoire,
Ajouter à son rôle des saillies, des jeux,de
scène improvisés : Ce ne sont que les acteurs
aimés du public qui peuvent se permettre de
faire la balançoire avec quelque succès.
— Encycl. Une fois en place, la corde de
la balançoire forme une espèce d'anneau très-
aliongé dont la partie la plus basse se trouve
à cinquante ou soixante centimètres environ
au-dessus du sol. C'est sur cette partie que
la personne s'assied, en ayant soin de tenir
fortement la corde à droite et à gauche, avec
les mains à la hauteur de la tête. On la garnit
ordinairement d'un coussinet, d'un petit siège
ou sellette de bois, ou même d'un fauteuil. Le
mouvement est imprimé au système, tantôt
par la personne elle-même; qui donne une
impulsion convenable à ses jambes et à tout
son corps, tantôt par un aide qui tire et lâche
alternativement une cordelette. Un nouveau
système qui parait devoir détrôner tous les
autres, consiste à tirer soi-même une corde
fixée à la partie supérieure d'un trapèze; là, le
balanceur se suffit à lui-même, et c est double
plaisir que de pouvoir sfarauser sans le se-
cours d atttrui.
Le jeu de la balançoire constitue un exer-
cice très-agréable ; toutefois il est prudent de
ne s'y livrer que deux heures au moins après
le repas. De plus, il peut occasionner des
accidents fort graves par suite de la rupture
de la corde, ou d'une faiblesse, d'un étourdis-
sement qu'éprouve subitement celui que l'on
balance. Aussi, dès qu'il le demande, doit-on
se hâter d'arrêter le jeu de la balançoire, et
ne pas imiter ces imprudents qui, aux cris
d'une personne effrayée du . rapide mouve-
ment ascensionnel de ia corde, se font un sot
plaisir de le prolonger et même de l'accélérer
encore, au risque de voir la vie de cette per-
sonne compromise par une chute imminente.
Dans les fêtes publiques, le mécanisme de la
balançoire consiste souvent en une vaste na-
celle suspendue par six grosses barres de fer
entre quatre solides charpentes, afin de rece-
voir plusieurs personnes a la fois, et il est
visité de temps en temps par des inspecteurs.
De plus, un large filet enveloppe ce méca-
nisme, de manière à recevoir les personnes
qu'une circonstance quelconque jetterait de
dedans en dehors. '
Le jeu de Ja balançoire remonte à une très-
haute antiquité , et Demoustier ; dans ses
Lettres sur la Mythologie, en attribue l'ori-
gine à une circonstance assez singulière ;
CElialus , roi de Laconie, ayant appris de
Bacchus l'art de planter et de cultiver la
vigne , fit boire avec excès du vin à ses
paysans, qui, dans leur ivresse, s'imaginèrent
avoir pris du poison, et tuèrent son fils Ica-
rius : * A peine ce crime eut-il été commis,
que les épouses des meurtriers furent saisies
d'un transport de fureur et de rage que rien
ne put calmer. L'oracle consulté ordonna
que, pour expier le crime de leurs époux, on
instituât des fêtes en l'honneur d'Icarius ; ces
fêtes furent nommées les jeux icariens. On
les célébrait en se balançant sur une corde
attachée à deux arbres : c'est ce que nous
appelons aujourd'hui escarpolette. »
De la Grèce, le jeu de la balançoire passa
en Italie, où les Latins se balançaient sur une
corde fixée à des pins, pendant les fêtes des
vendanges instituées en l'honneur de Bac-
chus.
Balançoire (la), comédie en un acte, mêlée
de couplets de MM. Dumanoir et Lafargue,
représentée pour la première fois a Paris, sur
le théâtre du Gymnase dramatique, le 2 août
1858. — Qui ne connaît, au moins par la gra-
vure, cette jolie toile de Fragonard, la Ba-
lançoire? Une jeune femme se balance entre
deux grands arbres. Elle renverse en arrière
sa petite tête mutine, et, pendant que l'es-
carpolette va toucher la plus haute branche ,
l'espiègle lance sa mule coquette à la face
épanouie du chérubin qui la berce. Sa jupe
tourbillonne, son corsage bat la campagne.
Cependant, a travers les massifs du parc om-
bragé, pointe la figure- soucieuse du mari aux
aguets. « L'imagination le métamorphose, écrit
M. Paul de Saint-Victor, le brillant critique
théâtral- de la Presse; vous croiriez voir un
cerf allongeant entre les branchages sa tête
coiffée de sombres ramures.
Des taillis les plus haute mon front atteint la faite.
Cette balançoire de Fragonard , qui jette les
bonnets par-dessus les moulins et les jarretières
au nez des jouvenceaux, c'est justement celle
où voudrait monter et se balancer... sans tom-
ber... une certaine dame Desrieux, qui s'ennuie
de trop dé bonheur, et, en haine de Son repos,
pousse des soupirs de violoncelle pour peu
qu'un doigt complaisant, celui .d'un ami par
exemple, tienne 1 archet. Elle rêve la passion,
ses larmes, ses remords et ses délires; son
existence est trop monotone; la demi-teinte
dans laquelle sa vie s'écoule ne lui suffit pas :
parlez-lui d'un de ces romans qu'on ébauche
a deux et qui n'ont pas de dénoûment, dont
les péripéties se succèdent sans dommage poux
la foi jurée, car la suite se remet toujours à
demain, comme dans les feuilletons. M. Des-,
rieux, le mari, homme d'expérience et qui n'a
rien de farouche, guérit par un remède homéo-
pathique cette migraine de cœur à laquelle sa
femme est momentanément en proie. Il lance
■ sur M"", Desrieux un camarade de collège,
jeune premier en activité, M. de Ferney. Ce
dernier, qui est épris ailleurs d'une Mme fjo-
lombel quelconque, consent cependant à jouer
au bénéfice de Mme Desrieux un de ses rôles
favoris, afin de rendre service à son 'ami. Et,
comme Mme Desrieux veut des déclarations,
ce n'est pas lui qui lui en refusera, au con-
traire. D abord en voici une qui arrive en
droite ligne du boulevard, où eue a causé les
plus grands malheurs; il la sert à grands ren-
forts de cris, de sanglots et de gestes, usant
le parquet avec ses genoux, s'arraehant les
cheveux comme Antony et grimaçant comme
Othello; il déclame, il rugit, il prend l'air éploré
et ébouriffé des personnages de l'Ambigu et
des héros de romans. L'effroi de Mme Desrieux
est à son comble devant ces soubresauts amou-
reux : « Elle montait, selon l'expression de
M. Paul de Saint- Victor, elle montait en ba-
lançoire sur la foi des zéphyrs, et c'est l'oura-
gan qui l'emporte... • — Arrêtez t arrêtez ! s'é-
crie-t-elle. Le tour est joué, Elle se jette bien
vite entre les bras de son mari souriant et
vengé. Décidément, elle est trop honnête pour
user de l'escarpolette de Fragonard et elle a
trop de littérature pour prendre au sérieux les
déclarations empruntées aux journaux à un
sou. C'est une charmante bluette que cette
pièce, un bijou pour l'esprit ; on y retrouve le
ton léger, le ton brillant des meilleures comé-
dies de Dumanoir. — Acteurs : Mlle Delaporte,
Madame Desrieux; M. Lesueur, Colombel, etc.
BALANÇON s. m. (ba-lan-son). Techn. Bois
de sapin débité en menues pièces.
BALANDRAN OU BALANDRAS. S. m. (ba-
lan-ëran, dra — bas lat. balandrana, même
sens). Ancien manteau long boutonné par
devant, espèce de surtout de voyage pour se
garantir de la pluie et du froid :
Le,soleil dissipe la nue
Récrée et puis pénètre enfin le cavalier,
Sous son balandras fait qu'il sue.
La Fontaine.
Il S'est dit aussi d'une sorte de manteau de
cérémonie qui offrait deux fentes sur les
côtés pour passer les bras, et était boutonné
par devant.
Pensez-vous, sans avoir ses raisons toutes prêtes,
Que le sieur de Provins persiste en ses requêtes.
Et qu'il ait, sûds espoir d'être mieux à la cour.
En un long balandran changé son manteau court?
RÉON1ER.
I] Sorte de redingote à brandebourgs qui a
été à la mode pendant quelque temps sous
la Restauration : On substitua au carric%, aban-
donné depuis deux hivers, le balandras, es-
pèce de redingote avec chaînettes et olives en
soie. (Illust.)
BALANDRE s. f. (ba-lan-dre). Mar. Sorte
de bâtiment de transport : Il y avait qua-
rante-cinq balandres chargées de munitions
de guerre et de bouche. (St-Simon.)
BALANB s. m. (ba-la-ne — du gr. balanos,
gland). Crust. Genre de crustacés cirrhi-
pèdes, longtemps rangés parmi les mollus-
ques, et caractérisés par un test calcaire,
conique, composé de plusieurs pièces. On les
appelle vulgairement glands de mer : Les
balanes s'attachent à la surface de* corps
sous-martns. (***) Les balanes étaient connus
des anciens, (d Orbigny.) La fécondité des
balanes est prodigieuse. (d'Orbigny.)
— Encycl. Athénée et Macrobe parlent des
balanes comme d'un mets recherché. Rum-
phius dit aussi que le balane tintinnabulum,
appelé vulgairement gland de mer, passe en
Chine pour un mets délicat et qu'on l'apprête
au se! et au vinaigre. Les balanes furent long-
temps considérés comme des mollusques.
Linné les réunit avec les anatifes dans son
genre lépas compris, ainsi que les oscabrions
et les pholades, parmi ses teslacea multîval-
via. Brugnières, le premier, mit les balanes à
part et en forma son genre balanite.
Les caractères spéciaux des balanes sont :
animal conique, déprimé ou cylindroïde, dé-
pourvu de pédicules, ayant les branchies atta-
chées à la face interne du manteau.. Coquille
ou plutôt test conique, ordinairement infléchi,
composé de six valves ou pans articulés entre
eux. Opercule pyramidal , oblique , ayant
quatre valves triangulaires, dont deux pré-
sentent un cuilleron droit et plat. Ces ani-
maux respirent au moyen de branchies mem-
braneuses, foliacées et frangées, adhérentes
à la face externe du manteau. Ils s'attachent
à la surface des rochers, des grandes co-
quilles, des plantes marines et de tous les
corps flottants ; les flancs des navires en sont
souvent couverts. Dans l'eau, ils agitent avec
rapidité leurs bras ciliés, et établissent ainsi
un tourbillon où s'engagent les petits ani-
maux dont ils font leur nourriture.
On a divisé les balanes en "deux groupes, qui
diffèrent en ce que l'un est pourvu d'un sup-
port calcaire dont l'autre est privé: mais le
nombre des espèces' n'a pu être déterminé
avec exactitude.
BALANEA, BALANEJB ou BALANÉE. An-
cienne ville maritime de la Syro-Phénicie,
dépendit primitivement du territoire d'Ara-
dus, fit partie de la Syrie Seconde lors de la
réduction de la Syrie en province romaine, et
enfin fut comprise par Justinien dans la Théo-
doriade. il Auj. Banias.
BALANÉOTE s. et adj. (ba-la-né-o-te —
rad. Balanée). Géogr. anc. Habitant de la
province ou de la ville de Balanée ; qui ap-
partient à Balanée ou à ses habitants.
6 AL ANGE s. f. (ba-lan-je). Econ. agr..
Sorte de cuvier ovale, fixé à demeure sur une
charrette, et qui sert, dans certains pays,
pour transporter la vendange de la vigne au
pressoir.
BALANGHAS s. m. (ba-lan-gass). Bot. Es-
pèce du genre sterculier, qui exhale un par-
fum de vanille.
BALANGUE s. f. (ba-lan-ghe). Bot. Fruit
de Madagascar, provenant d'un végétal in-
connu.
BALANiCEPS-ROI s. m. (ba-la-ni-sèpss —
du gr. balanos, gland, et du lat. caput, tête).
Ornith. Genre d'oiseaux de l'ordre des échas-
siers : Le Muséum d'histoire naturelle de Pa-
ris vient de recevoir du consul de France en
Egypte un balaniceps-roi. Ce singulier échas~
sier, à bec énorme, a été pris dans le Soudan,
sur le Nil' Blanc. (A. Rouvière.)
BALANIDE adj. (ba-la-ni-de— rad. balane).
Crust. Qui ressemble à un balane. il On dit
aussi balane, éb, et balanisté, ée.
— s. m. pi. Famille de crustacés cirrM-
pèdes, ayant pour type le genre balane : Le
cône des balanides est remarquable par les
cavités tubuleuses dont il est percé dans sa
longueur. (S. Rang.)
balanifëre adj. (ba-la-ni-fè-re — du gr.
balanos, gland, et du lat. fera, je porte).
Bot. Syn. de balanophore, qui est préférable,
balanifëre étant un mot hybride.
— s. m. pi. Nom proposé pour la famille
dont les espèces ont pour fruit des glands,
tels que le chêne, etc. Le nom de cupuli-
fères a prévalu.
BALANINE s. m. (ba-la-ni-ne — du gr.
balanos, gland). Entom. Genre d'insectes co-
léoptères tétramères, de la famille des cur-
cuhonides, dont une espèce, la balanine ou
charançon des noisettes, est très-commune
en Europe.
— Encycl. Germar a formé ce genre aux
dépens des rynchœnes de Fabricius, et Schœn-
herr le range parmi ses gonatocères, division
des érirhinides. Le corps des balanines est
ovale et de forme presque naviculaire : ils ont
une trompe grêle, dont la longueur dépasse
souvent celle du corps. Schcennerr en décrit
vingWeux espèces, dont cinq appartiennent à
l'Amérique, trois a l'Afrique, deux aux Indes et
à la Nouvelle-Hollande, et douze à l'Europe.
Parmi celles-ci, la plus remarquable est le
charançon des noisettes, de Geoffroy; sa lon-
gueur estde 7 à 8 millimètres ; avec sa trompe
effilée, ce balanine perce les noisettes qui
commencent & se former, y introduit un œuf,
et là jeune larve qui en provient vit aux dé-
pens de l'amande.
BALANITE s. m. (ba-la-ni-te — du gr. èo-
lanos, gland). Bot. Genre de plantes qui n'a
pu encore être rapporté avec certitude à au-
cune famille, mais qui paraît voisin de celle
des olacinées. L'unique espèce est un arbre qui
croit dans les régions chaudes de l'Afrique.
— Crust. Nom donné aux espèces fossiles
du genre balane.
— Miner. Nom donné par Pline le Natûra-
liste, parce qu'elle avait la forme d'un gland
de chêne, à une pierre-précieuse, verdâtre ou
couleur de bronze, dont la nature est in-
connue.
— Méd. et art vétér. Inflammation de la
membrane muqueuse qui revêt le gland et la
face interne du prépuce.
— Encycl. Foss. Brugnières donna le nom
de balanite au gland de mer (balanus tintin-
nabulum); mais, depuis, les naturalistes ont
employé ce nom pour désigner les balanes
fossiles, c'est Bajerus qui, le premier, a signalé
ce genre de fossiles. Schlottein a trouvé des
batanites dans des terrains inférieurs à la craie ;
mais ils sont beaucoup plus communs dans le
calcaire grossier. On en connaît aujourd'hui
environ trente espèces , trouvées dans la
plupart des pays de l'Europe, et dont quel-
ques-unes se confondent avec les espèces vi-
vantes.
— Bot. Quelques botanistes pensent que le
genre balanite doit être rangé dans la petite
famille des olacinées. Le balanite d'Egypte,
que Linné appelait Xymenia JEgyptiaca, est
un arbre aujourd'hui assez rare, qui est propre
à l'Egypte, à la Nubie et à l'Abyssinie. Rafe-
neau-Delile pense que le Persea des anciens ,
décrit par Tnéophraste, n'était point un avo-
catier, comme on l'a cru longtemps, mais un
balanite, ,et que c'est aujourd'hui l'arbre nom-
mé deglig par les habitants du pays. Les ca-
ractères de cette plante sont : calice quinqué-
partij cinq pétales hypogynes, ainsi que les
étamines, qui sont au nombre de dix ; ovaire
quinquéloculaire ; drupe ovoïde , uniloculaire
et monosperme ; noyau ligneux et pentagone ;
graine suspendue , apérispermée ; embryon
rectiligne, à radicule supère.
— Méd. L'inflammation catarrhale du gland
de la verge, chez l'homme, est une affection
commune. Si la muqueuse du gland est le siège
exclusif de l'inflammation, il y a balanite pro-
prement dite; lorsqu'elle porte sur la muqueuso
du prépuce, l'affection prend le nom de pos-
thite. Il arrive fréquemment que l'inflamma-
tion qui a débuté sur l'une des deux muqueuses
s'étend à l'autre ; il y a dans ce cas balano-
posthite. Cette affection se présente très-
communément chez les jeunes gens et se dé-
veloppe lors de leur premier commerce avec
les femmes. On ne saurait trop appeler l'at-
tention sur cette cause si fréquente de balanite
chez beaucoup de jeunes gens atteints de cette
légère infirmité congénitale, connue sous le
nom de phimosis, et qui consiste en ce que le
gland reste en permanence recouvert par le
prépuce. Les soins de propreté, dont les or-
ganes sexuels doivent toujours être l'objet,
sont négligés, et les parties couvertes acquiè-
rent une susceptibilité particulière qui résulte
de l'action permanente de l'irritation. La cir-
concision pratiquée chez les juifs et les maho-
mêtans possède, entre autres avantages, celui
d'aguerrir les organes externes de la généra-
tion chez l'homme et de les garantir, dans un bon
nombre de cas, contre les inflammations dont
ils peuvent devenir le siège. La balanite peut
survenir chez les hommes qui ont l'ouverture
du prépuce étroite, par l'accumulation seule
de la matière sébacée. La masturbation y
prédispose ; mais la cause la plus efficace est
un commerce sexuel trop répété ou exercé
avec des organes disproportionnés. La balanite
se déclarera plus facilement après un coït avec
les femmes qui out un écoulement lochial
menstruel, une leucorrhée, ou surtout une
affection vénérienne.
La surface muqueuse du gland enflammé
sécrète une humeur semblable à, celle de la
blennorrhagie. Elle a quelquefois une odeur
très- repoussante, qui est analogue à celle du
vieux fromage. Le malade se plaint d'une dé-
mangeaison, quelquefois très-incommode, puis
d'une cuisson, d'une chaleur vive qui peut
s'étendre à toute la verge. Les parties se
gonflent; pour peu que le prépuce se tuméfie,
qu'il soit étroit et prolongé, il y a impossibilité
Je découvrir le gland, tfest le phimosis. Si le
gland a d'abord été dégagé, il est étranglé à
son collet ; il y a paraphimosis. Cette circon-
stance aggrave la maladie, c'est-à-dire qu'elle
peut la faire durer très-longtemps. Quand on
peut apercevoir le gland, on voit sa membrane
muqueuse plus rouge, surtout sous la cou-
ronne. Là quelquefois, et sur d'autres points,
elle est comme dépolie et offre à nu ses pa-
pilles ; comme on le dit maintenant, sa surface
est vésicatoriée. La marche de la balanite est
aiguë ; elle cesse bientôt, surtout si le malade
suit un traitement rationnel. Cependant, on a
vu quelquefois la balanite revêtir une forme
chronique ; c'est lorsqu'au lieu d'être ua acci-
dent primitif de la syphilis, elle en est un
accident consécutif, ce qui est un cas fré-
quent. Une portion du gland reste alors plus
sensible, plus rouge, et de ce point s'irradient
de nouvelles traînées inflammatoires pour peu
que les rapports sexuels soient répétés. La
balanite peut être accompagnée de chancres,
de végétations, d'engorgements ganglionnai-
res, etc.
Le traitement est des plus simples et réside
spécialement dans l'emploi de soins très-minu-
tieux de propreté. Un pansement bien efficace
consiste a placer, quand on le peut, de la
charpie fine sur le gland, dans la rainure qui
est au-dessus de la couronne, afin d'empêcher
le contact de la muqueuse du prépuce avec
celle du gland. Rien n'est plus favorable à la
persistance d'une inflammation que le contact
mutuel des deux surfaces enflammées. La
92
BAL
BAL
BAL
BAL
charpie ou une bandelette de linge fin sont ici
Jes meilleurs intermédiaires. On peut la sau-
poudrer avec du calomel, lorsque la balanile
résiste aux bains locaux très-fréquents avec
la mauve et la pariétaire en décoction. On
peut encore tremper la charpie dans du vin
aromatique, des solutions astringentes de tan-
nin, de sulfate de zinc, d'acétate de plomb, ou
bien cautériser avec une solution légère de
nitrate d'argent. Les moyens violents sont
plus dangereux qu'utiles; cependant, on a em-
ployé avec succè3 la cautérisation du gland
avec le crayon de nitrate d'argent. On entoure
alors cet organe d'un linge tin, et on ramène
le prépuce en avant. Après cette petite opé-
ration, on a le soin de faire sur la verge des
fomentations légèrement résolutives avec des
compresses imbibées, soit simplement d'eau
froide, soit d'eau de Goulard. Le linge doit
être changé deux fois par jour, en ayant le
soin, chaque fois qu'on le renouvelle, de pra-
tiquer une lotion a l'eau simple ou avec une
solution légère d'acétate de plomb. 11 est rare
qu'on soit dans la nécessite de revenir a la
cautérisation. Cependant, si le mal ne cède
pas à une seule opération, on peut recommen-
cer deux ou trois fois, à deux ou trois jours
d'intervalle. Lorsque l'inflammation est très-
aigue, qu'il existe des complications, surtout
un phimosis congénial ou accidentel, il est
souvent nécessaire d'avoir recours aux anti-
phlogistiques actifs : c'est ainsi qu'il convient
d'appliquer des sangsues au pénil, au pli gé-
nito-crural de chaque côté, mais jamais sur la
verge elle-inême, ce qui exposerait à la gan-
grène des téguments. C'est en injections entre
le gland et le prépuce qu'on emploiera, dans
ce dernier cas, les décoctions émollientes de
racine de guimauve, de graine de lin, de lait
tiède, les décoctions légèrement narcotiques
de morelle, de têtes de pavot, etc. Lorsqu'il
existe beaucoup d'œdème et peu d'inflamma-
tion, une ou deux mouchetures de chaque
côté de la partie inférieure du prépuce donnent
lieu à un dégorgement salutaire. Quand il
existe un état érésipélateux, les mouchetures
semblent parfois hâter la terminaison par gan-
grène, tandis que les évacuations sanguines
aux lieux déjà indiqués, la diète, le repos ab-
solu et les délayants sont de la plus grande
efficacité. Ici, l'emploi de légers laxatifs a
souvent été très- utile. '
La batanite est regardée avec quelque rai-
son comme une blennorrhagie externe (chaude-
pisse bâtarde des anciens auteurs), et a néces-
sairement donné lieu aux mêmes controverses
que la blennorrhagie elle-même. Il est aujour-
d'hui reconnu que sa nature n'est jamais sy-
philitique, à moins qu'elle ne coïncide avec
des chancres vénériens.
— Art vétér. Balanile du cheval. La castra-
tion, en diminuant l'activité fonctionnelle du
pénis, devient une cause prédisposante de la
balanite. Les chevaux qui urinent dans leur
fourreau en sont particulièrement affectés, La
matière sébacée amassée dans la cavité pré-
putiale et l'accumulation de cette substance
dans la fossette naviculaire donnent naissance
à cette maladie. La balanite du cheval se ca-
ractérise par une infiltration à la partie dé-
clive du fourreau, par la difficulté d'uriner et
par des piétinements des membres postérieurs.
Le_ pénis est très-douloureux au toucher, les
animaux cherchent à se défendre et à se sous-
traire à toute exploration. La marche de cette
inflammation est généralement lente; elle peut
durer trente, quarante jours et plus. Traitée
dès le principe, la balanite n'est pas une ma-
ladie sérieuse; mais abandonnée a elle-même,
elle est longue et difficile à guérir. Le traite-
ment consiste à enlever la matière sébacée,
amassée dans le fourreau et autour de la tête
du pénis, et a laver ces régions avec de l'eau
de savon tiède. Si l'inflammation du pénis per-
siste, il faut recourir aux mouchetures, aux
lotions émollientes, aux injections, à la sai-
gnée générale et à. la diète.
Dans le bœuf, la balanite comprend l'inflam-
mation de la partie libre de la verge. Gellé
l'appelle phimosis; Lafare, inflammation de
la verge. On l'observe, le plus souvent, chez
les jeunes taureaux, en raison des désirs plus
fréquents qu'ils éprouvent pour la copulation.
Les symptômes de la balanite du bœuf sont
les mêmes que ceux de la balanite du cheval.
Sa durée est de huit à dix jours ; elle peut se
terminer j>ar la résolution, par une exsuda-
tion plastique ou par la gangrène. Le traite-
ment consiste a modérer l'orgasme génital,
la surexcitation physiologique et morbide dont
les organes génitaux sont le siège. On atteint
ce but par l'éloignement des femelles, par la
diète, les saignées, les douches et les injections
d'eau froide dans le fourreau.
Chez le chien, la balanite est très-commune.
Le coït trop répété, l'érection prolongée par
les obstacles divers apportés à la copulation,
les polypes situés sur le pénis ou dans le four-
reau sont les causes les plus ordinaires de
cette maladie. La tuméfaction, la sensibilité,
la' tension du pénis, l'injection de la muqueuse
sont les principaux symptômes de la balanite
du chien. La période inflammatoire dure de
huit k quinze jours. Vers son déclin, un
écoulement mucoso-purulent, blanc ou jaunâ-
tre, apparaît à l'extrémité de la verge et au
fiourtour de l'ouverture préputiale. La surface
ibre est couverte de petites ulcérations. Cet
écoulement, commun à, la balanite et à l'aero-
bustite, a fait donner à ces affections les noms
de gonorrhée et de blennorrhée.
Chez le mouton, la balanite natt sous l'in-
fluence des mêmes causes que la balanite du
bœuf. La partie libre du pénis du mouton, en-
flammée, peut être le siège d'ulcérations et
d'une exsudation plastique qui entraînent les
mêmes conséquences morbides que la balanite
du bœuf. Le traitement de la balanite du chien
et du mouton n'offre rien de particulier ; il est
semblable à celui do la balanite des autres
animaux.
BALANOÏDE adj. (ba-la-no-i-de — du gr.
balanos, gland; eïdos, ressemblance). Bot.
Qui a l'apparence d'un gland.
— s. m. Zool. Nom donné par quelques
auteurs aux pointes d'oursins fossiles.
BALANOMORPHE s. m. (ba-la-no-mor-fe
— du gr. balanos, gland; morphê, forme).
Entom. Genre d'insectes coléoptères tétra-'
mères, voisin des chrysomèles et des altises,
renfermant environ six espèces, dont cinq
habitent l'Europe.
BALANOPHAGE adj. (ba-la-no-fa-je — du
grec balanos, gland; phagô, je mange). Qui
se nourrit de glands : Oiseaux balanophag^s.
balanophore adj. (ba-la-no-fo-re — du
gr. balanos, gland ; phoros, qui porte). Bot.
Qui porte des glands.
— s. f. Genre de plantes parasites, qui
croît dans les îles de la mer du Sud et sert
de type à la famille des balanophorées : La
tête de la balanophore présente la forme
d'un gland sortant de sa capsule. (De Jussieu.)
— Encycl. Le genre balanophore , fondé
par Foster et adopté ensuite par tous les bo-
tanistes comme type de la famille des bala-
nophorées, se distingue par les caractères
suivants : fleurs capitulées, monoïques ; les
maies, pédiculées, peu nombreuses et placées
inférieurement , ont le calice composé de
quatre ou huit sépales étalés. Les fleurs fe-
melles, nombreuses, serrées, dépourvues de
périanthe, occupent la partie supérieure du
capitule. La structure de ces végétaux n'a
nas encore été suffisamment étudiée; leur
fruit est même entièrement inconnu. On en
compte deux espèces, la balanophora tannen-
sis et la balanophora javanica ; ce sont des
plantes fongueuses, a tige très-courte, à ra-
cine renflée et parasite sur les radicelles des
figuiers. La balanophora tannensis habite les
îles de la mer du Sud; sa tige est charnue,
g"arnie de tubercules à sa base, et divisée su-
périeurement en plusieurs rameaux écailleux,
terminés par un capitule ovoïde.
BALANOPHORE, ÉE, adj. (ba-la-no-fo-ré—
rad. balanophore). Bot. Qui ressemble à une
balanophore.
— s. f, pi. Famille de plantes dicotylédones,
ayant pour type le genre balanophore.
— Encycl. Les balanophorées sont des
plantes fongiformes, dont la tige est épaisse,
charnue, garnie d'écaillés au lieu de feuilles,
et presque toujours renfermée avant son dé-
veloppement dans une spathe tubuleuse. Les
fleurs petites, monoïques ou dioïques, accom-
pagnées d'une espèce d'involucre formé par
les écailles rapprochées vers la partie supé-
rieure de la tige, sont ordinairement disposées
en un capitule solitaire et terminal, quelque-
fois en capitules distincts et presque paniculés,
enlin, mais plus rarement, en grappe termi-
nale. Elles sont réunies sur un réceptacle ou
phorante, quelquefois nu, mais le plus sou-
vent chargé d'écaillés ou de soies de formes
très-variées. Les fleurs mâles, ordinairement
pédicelléeSj se composent d'un calice mono-
phylle, a divisions profondes, ayant de un à
huit sépales étalés, et d'étamines opposées aux
folioles, au nombre de une à trois, rarement
quatre, soudées a la fois par les filets et les
anthères. Ces dernières, toujours biloculaires,
s'ouvrent par un sillon longitudinal. Les fleurs
femelles, sessiles ou pédicellées, ont un ovaire
infère à. une seule loge uniovulée. Cet ovaire
est surmonté d'un calice, tantôt à deux ou
quatre divisions inégales, tantôt tronqué et à
peine distinct. Un ou deux styles partent du
sommet de l'ovaire et se terminent par autant
de stigmates simples.
Les fruits sont généralement coriaces, secs
ou légèrement charnus, adhérents ou liés ,
uniloculaires et monospermes. La graine, peu
distincte du péricarpe et renversée, se com-
pose d'un tégument coriace et presque osseux,
contenant un petit embryon globuleux placé
dans un très-gros endosperme celluleux et
charnu. La famille des balanophorées forme
un groupe très-distinct parmi les végétaux
monocotylédonés. Quelques botanistes ont
même essayé de la rapprocher des cytinées
et des raf ftésiacées, pour en former une classe
à part, différente à la fois des monocotylé-
donés et des dicotylédones. Quoi qu'il en soit,
Iiar leur port, leur végétation et leur aspect,
es balanophorées ont de l'analogie avec les
clandestines, les orobranches et les cytinées.
Comme ces plantes, elles s'attachent à la ra-
cine des végétaux voisins aux dépens desquels
elles vivent; par leur organisation et la struc-
ture de leurs graines, elles se rapprochent des
aroïdées et des hydrocharidèes. Les genres
qui composent cette famille ont été distribués
en quatre tribus : Sarcophytées, lophophyiées,
cynomoriées, hélosiées.
balano-posthite s. f, (ba-la-no-po-sti-te
— du gr. balanos, gland; pasthé, prépuce).
Méd. Inflammation, avec écoulement puru-
lent, de la surface du gland et de la mu-
queuse préputiale, simultanément : Les lo-
tions ou bains alumineux suffisent générale-
ment paur faire disparaître la balano-posthite
(Nysten.)
BALANORRHAGIE s. f. (ba-la-no-ra-jî —
du gr. balanos, gland ; rhêgnumi, je fais jail-
lir). Méd. Ecoulement muqueux qui a son
siège au gland.
BALANORRHAGIQUE adj. (ba-la-no-ra-
ji-ke — rad. balanorrhagie). Méd. Qui appar-
tient, qui a rapport à la balanorrhagie.
BALANORRHÉE s. f. (ba-la-no-ré — du gr.
balanos, gland; rhed, je coule). Méd. Syn. de
balanorrhagie.
BALANORRHÉIQUE adj. (ba-la-no-ré-i-ke
— rad. balanorrhée). Méd. Syn. de balanor-
rhagique.
BALANT adj. m. (ba-lan — rad. baler ou
baller, danser). Flottant, oscillant. Il On écrit
mieux ballant.
— s. m. Mar. Objet qui n'est pas tendu et
que le vent fait balancer, il .Quelques-uns
écrivent ballant, (i Balancement que l'on
donne à un objet avant de le lancer : Donner
du balant à un plomb de sonde.
BALANTI s. m. (ba-lan-ti). Bot! Petit
arbre indéterminé des Philippines : Les se-
mences du balanti ressemblent à celles du ricin,
(De Jussieu.)
BALANTin s. m. (ba-lan-tain). Pêch. Sorte
de poche à la ligne, qui se fait sur les côtes
d'Espagne, et qui diffère peu de la pêche au
libourct.
Balantine s. t. (ha-lan-ti-ne). Bot. Nom
donné quelquefois à la plante plus connue
sous le nom de hemandie.
Balantjon s. m. (ba-lan-ti-on — du gr.
balantion, bourse). Bot. Genre de fougères
arborescentes, il On écrit aussi balantium.
— Métrol. Monnaie grecque qui valait
250 deniers, n On l'appelait aussi pholtis.
BALANTIOPHTHALME adj. (ba-lan-ti-of-
tal-me — du gr. balantion, bourse; ophthal-
mas, œil). Zool. Qui a les paupières pendantes
et formant une bourse ou poche.
BALANUS (ba-la-nuss). Nom latin du gland
à l'extrémité de la verge.
RAI.AN'ÏAC {François de Brémono, baron
de), de Vaudoré, capitaine calviniste, jnort en
1592. Il combattit vaillamment à Dreux, à
Saint-Denis, à Jarnac; s'attacha de bonne
heure à Henri IV et eut une part importante
à la victoire de Coutras. Il se reposait de ses
glorieuses fatigues, lorsqu'en 1590 Henri eut
encore recours a son épée pour l'aider à re-
pousser le duc de Parme.
BALAOU s. m. (ba-la-ou). Ichthyol. Poisson
de la Martinique, que l'on croit être le même
que la bécasse de mer, espèce du genre cen-
trisque. il On dit aussi balaon.
- — Mar. Sorte de bâtiment de mer en usage
aux Antilles, et dont la proue aussi bien que
la poupe est coupée en taille-mer.
BALAPATRA. Myth. ind. Second Râma;
Rama à son plus haut degré d'élévation. Il On
l'appelle aussi balabhadra et bala-rama.
BALARU (Marie-Françoise-Jacquette Alby,
,M»i«), femme poète, née à Castres en 1776
morte en 1822. Mariée à un avocat distingue
de sa ville natale, elle cultiva la littérature
.et publia en 1810 (sous le voile de l'anonyme)
un poème de Y Amour maternel, qui fut accueilli
avec faveur, et comparé même à celui de
Millevoye sur le même sujet. Cette dame con-
courut ensuite aux jeux floraux et remporta
Plusieurs fois le prix. On "cite parmi ses plus
elles pièces un Hymne à la Vierge^et une
idylle, le Tombeau de Sylvandre, qui se ter-
mine par ce vers simple et touchant :
Je ne veux pas me consoler.
DAt.ARD (Antoine-Jérôme), et non BalLard,
savant chimiste, né à Montpellier en 1802.
Professeur de chimie à Montpellier, il se si-
gnala en 1826 par la découverte du brome,
qu'on n'était pas encore parvenu à isoler. Ap-
pelé à Paris, il succéda à Thénard dans sa
chaire de chimie de la faculté des sciences, a
Darcet dans son fauteuil de l'Académie des
sciences, à M. Pelouze dans l'enseignement
de la chimie au collège de France. Outre la
découverte du brome, la science et l'industrie
doivent a M. Balard un grand nombre de re-
cherches et d'applications heureuses. Par des
travaux patiemment poursuivis pendant vingt
années, u est parvenu à extraire directement
de l'eau de la mer le sulfate de soude, avec
lequel on prépara la soude factice et les sels
de potasse , découverte qui a rendu les plus
grands services aux arts industriels. Profes-
seur de premier ordre, travailleur modeste et
infatigable, M. Balard n'a écrit que des mé-
moires , assez nombreux d'ailleurs , insérés
dans les Annales de physique et de chimie, et
dans les Mémoires de l Académie des sciences.
BAtARDiE (ba-lar-dî). Bot. Genre de plan-
tes appartenant à la famille des caryophyl-
lées. Syn. du genre spergularta.
BALARE s. m. (ba-la-re). Hist. Nom que
les Carthaginois donnaient à ceux d'entre
eux qui abandonnaient le séjour de Carthage
pour habiter les montagnes.
— par anal. Les Corses ont donné ce nom
à leurs exilés.
BALÀHUC, bourg de France (Hérault),
arrond. et h 24 kil. S.-O. de Montpellier, can-
ton de Frontignan ; 600 hab. — Bains et eaux
thermales très-énergiques contre les maladies
chroniques. Ces eaux chlorurées sodiques,
bromurées, connues dès l'époque romaine,
émergent d'un terrain correspondant à l'étage
inférieur du groupe oxfordien, par une source
unique; densité, 1,023; température, 45», 9.
balasée s. f. (ba-la-zé). Comm. Toile de
coton des Indes, a On écrit aussi balazék.
BALASFAI.VA, petite ville de l'empire d'Au-
triche, en Transylvanie, à 25 kil. N.-E. de
Kalsbourg, au confluent des deux Kùkiillo ;
2,200 hab. — Siège de l'évêché grec-uni de
Transylvanie; lycée, séminaire épiscopal.
Balasie s. f. (ba-la-zî). Miner. Ancien
■nom du rubis balais.
BALASORE ou BALASSOR, ville maritime
de l'Indoustah anglais, présidence du Bengale,
dans la province d'Orissa, à 200 kil. S.-O. de
Calcutta; 10,000 hab. Jadis comptoir des Hol-
landais et des Portugais , aujourd'hui ville
déchue.
BALAS5A (Valentin), poète hongrois du
xvie siècle. 11 se distingua également dans la
carrière des armes et dans celle des lettres,
et composa des poésies latines et hongroises
qui furent plusieurs fois réimprimées et dont
on vante l'élégance et la pureté. Horang a
consacré un article biographique à ce poète,
dans son recueil Memoria Hungararwn.
BALASSE s. f. (ba-la-se — rad. balle).
Econ. doni. Couette de lit formée d'une toile
pleine de balles d'avoine, il Vase en terre po-
reuse, qu'on apporte de la haute Egypte, et
qui sert à rafraîchir l'eau.
BALASSI (Mario), peintre florentin, né en
160-1, mort en 16S7. Ses plus belles produc-
tions sont un Soin? François et un Miracle de
saint Nicolas de Tolentino ressuscitant des
perdrix, toutes deux à Florence. Dans sa
vieillesse, il voulut retoucher ses tableaux et
gâta malheureusement ceux qu'il put faire
rentrer daDS son atelier.
balassor s. m. (ba-lass-sor). Comm.
Etoffe d'écorce, qui se fabrique dans les Indes
orientales, n On écrit aussi balaçob.
balast s. m. u V. Ballast,
balastri s. m. (ba-la-stri). Comm. Nom
des'draps de Venise, dans le Levant.
balatas s. m. (ba-la-tass). Bot. Nom
donné, dans la Guyane, à plusieurs arbres
dont le genre est indéterminé : On croit que
le balatas blanc est un couratari, et que le
balatas rouge et le bois de Malte sont des sa-
potiliers. (D'Orbigny.) Le bois du balatas
blanc se fend au soleil. (Bomare.) Le balatas
rouge est estimé, à Cayenne, le premier des bois
pour bâtir. (Bomare.)
balate s. f. (ha-la-te). Zooph. Espèce de
zoophyte encore mal connu , mais que l'on
regarde comme une holothurie ; il est très-
estimé en Chine comme aliment ; La balatb
se pêche en abondance dans la mer des Philip-
pines. (D'Orbigny.)
BALATON (lac), en allemand Platten sec,
situé en Hongrie, dans les comitats de Simeg,
Vezprim et Szalad, entouré de vastes marais,
ce lac communique avec le Danube par le
Scio et le Sarviz et reçoit trente-deux cours
d'eau. Longueur 72 kil., largeur moyenne
6 kil., profondeur variable de 5 à 12 m. ; très-
poissonneux, il Balaton-Foebd , bourg des
Etats autrichiens, sur le lac Balaton, dans le
comitat de Szalad; 2,00Û hab. Sources miné-
rales, bains très-fréquentés par le beau monde
magyare. Ces bains, qui appartiennent aux
bénédictins du mont Saint-Martin, se divisent
en trois établissements :. celui des étrangers,
celui des paysans et des pauvres et celui du
lac. Les eaux en sont froides, carbonatées,
calcaires, sulfatées sodiques et ferrugineuses ;
elles émergent par trois sources du terrain
jurassique, et ont une densité de 1,0013 et une
température de 12°,5 centigrades.
BALATRI (Jean-Baptiste), architecte ita-
lien, florissait a Florence, vers le milieu du
xvii" siècle. L'intérieur de l'église de San
Paotino fut embelli et agrandi d'après ses
dessiris, en 1669.
balatroN s. m. (ba-la-tron. — Les latins
appelaient balatro une espèce de bouffon ou
dû parasite. Dans Horace, le mot balatro est
employé comme nom propre, Servilius Bala-
fre Un ancien scoliaste, en commentant ce
mot, fait dériver le nom commun du nom pro-
pre ; les bouffons étaient appelés, suivant lui,
balatrones, parce que Balatro était un bouffon.
Festus rattache Ttalatro au mot blatea, et
pense que les bouffons ont été appelés bala-
trones, parce qu'en suivant leurs maîtres ils
étaient toujours crottés et couverts do taches
de boue, blateœ. Mais cette étymologie sem-
ble des plus invraisemblables. D'autres au-
teurs font dériver ee mot de barathrum, et
supposent que les bouffons ont été appelés
balatrones, les deux linguales l et r permu-
tant, parce qu'ils dévoraient ou faisaient dé-
vorer l'argent, et qu'on les assimilait à des
gouffres, barathron en grec. — Peut-être faut-
il rattacher balatro au verbe balare, bêler,
c'est-à-dire parler niaisement. Toutefois,
toutes ces étymologies sont incertaines). Au-
tref., Vaurien, fripon, h Gourmand.
BALAUN ou BALAZCN, troubadour proven-
çal du xnc siècle. Sainte-Palaye a recueilli un
BAL
de ses'poëmes, où il peint son amour pour la
(.'■«me de Joviac. Il fut accueilli à la cour de
Raymond V, comte de Toulouse.
balaoste s. f. (ba-lô-ste — du gr. ba-
laustion, même sens). Nom que l'on donnait
autrefois, dans le commerce, a la fleur du gre-
nadier sauvage. On distinguait les balaustes
fines, qui étaient garnies de leurs fleurs, et
les balaustes communes, qui n'avaient que leur
calice : Les balaustes ont une saveur extrême-
ment astringente, principalement due au tannin
?t à l'acide gallique qu'elles renferment.
(A. Richard.)
— Bot. Se dit de tous les fruits multilocu-
Uires, présentant les mêmes caractères que
colui du grenadier.
— Encycl. Les botaniste.? désignent quel-
3uefois, sous le nom générique de balaustes,
es fruits multilQculaires, indéhiscents, adhé-
rants, à écorce dure, et renfermant plusieurs
graines à épiderme drupacé. Les loges sont
superposées, et le fruit est couronné par les
dents du calice. On trouve tous ces carac-
tères dans la grenade : c'est pour cela qu'on
appelle ces fruits balaustes, du mot grec qui
signifie fleur ou fruit du grenadier.
BALAuSTiEa s. m. (ba-lô-stié — rad.
halauste). Bot. Variété sauvage du grenadier;
nom que l'on donne aussi au grenadier à
fleurs doubles : Les anciens se servaient du
fruit du balaustier pour la teinture des draps.
(Loisel.)
BALAUSTRE s. f. (ba-lô-stre). Fausse or-
thographe du mot BALAUSTE.
BALAUSTRIER s. m. (ba-lô-stri-é). Fausse
orthographe du mot balaustier.
BALAVRI s. m. (ba-la-vri). Hort. Variété
de raisin.
BALAY, un des rois des Enfers, ayant trois
têtes : une de taureau, une d'homme, et la
troisième, de bélier. Il a une queue de ser-
pent; de ses six yeux sortent des flammes;
il monte a cheval sur un ours, et porte un
éporvier en guise de glaive.
BALAYAGE s. m. (ba-lè-ia-je — rad. ba-
layer). Action de balayer, de pousser dehors
les ordures avec un balai : Le balayage des
rues. Le balayage d'une chambre, d'un atelier.
Vous en feriez un sous-chef! il serait incapable
d'administrer le balayage public. (Balz.)
A Naples, le nègre jouit d'un monopole assez
important, celuidu balayage des rues. (Rabot.)
Il Obligation de balayer ou de faire balayer :
Le balayage du devant de la maison est à la
t'.narge des boutiquiers ou des habitants du rez-
de-chaussée. (Littré.)
— Fig. Extermination, Action de faire dis-
paraître : A la Chine, de temps immémorial,
c'est la famine gui est chargée du balayage
des pauvres. (Proiidh.)
• — Encycl. Admin, Dans les villes, et surtout
dans les villes populeuses, le balayage des
voies publiques est d'une grande importance
ftu point de vue de la salubrité. On sait que,
dans certains pays, le soin d'enlever les im-
mondices amassées dans les rues des grandes
villes fut longtemps abandonné à des troupes
de chiens errants ou même de porcs, oui ve-
naient, la nuit, dévorer les charognes, les os,
les restes d'aliments, les épluchures, les or-
dures de toutes sortes , que les habitants
jetaient chaque soir devant leurs maisons, et
il en est encore ainsi dans quelques grandes
villes de l'Orient. Mais on sait que la peste et
d'autres maladies contagieuses étaient la con-
séquence inévitable d'une coutume si indigne
d'un peuple civilisé. Nous n'en sommes plus
là depuis longtemps, et les magistrats de nos
cités, soutenus par 1 opinion de tous et par le
progrès des mœurs, se chargent de veiller à
ce que les voies publiques soient constamment
entretenues dans un état de propreté eon-
vanable.
D'après une ordonnance de police, qui date
de 1799, tous les propriétaires ou locataires
dont l'habitation borde la voie publique sont
tenus, à Paris, de balayertous les jours devant
cette habitation jusqu'au milieu de la chaussée
dans les rues à double ruisseau, et jusqu'au
ruisseau du milieu dans les autres ; les boues
et immondices doivent être mises en tas le
long des murs ou près du ruisseau qui en est
le moins éloigné. Le balayage doit être ter-
miné à sept heures du matin, depuis le
1er avril jusqu'au 1<" octobre, et à huit heures
dans les autres mois de l'année. Les boueurs
passent ensuite et enlèvent ces tas au moyen
de tombereaux, qui transportent ces immon-
dices dans des lieux où elles sont vendues aux
jardiniers et aux cultivateurs pour servir
d'engrais. L'ordonnance de 1799 imposait en
outre aux habitants l'obligation de laver les
rues après l'enlèvement des boues et immon-
dices; mais cette obligation n'a jamais été
exécutée avec rigueur, et elle est a peu près
tombée en désuétude. U existe en outre des
compagnies de balayage public, qui se char-
gent de nettoyer chaque matin les places, les
ponts, les quais, et en général toutes les par-
ties de la voie publique que ne borde aucune
propriété particulière; souvent aussi, ces
mêmes compagnies s'entendent avec les pro-
priétaires ou les locataires, et, moyennant une
rétribution assez modique, elles s'obligent à
faire exécuter chaque matin le balayage auquel'
ils sont astreints par les règlements de police.
Les balayeurs employés a ce pénible service
sont ordinairement des hommes âgés ou des
BAL
femmes privées de tout autre moyen d'exis-
tence : ces malheureux reçoivent un salaire
quotidien qui ne s'élève guère au-dessus dé
75 c. ou 1 fr. ; ils sont conduits par des agents
nommés par la police, qui veillent à ce que le
travail soit fait d'une manière convenable.
L'obligation du balayage entraîne, pendant
l'hiver, celle de mettre la neige en tas et de
casser la glace- des ruisseaux. L'administra-
tion du balayage est admirablement organisée
à Londres, au moins quanta la neige : serait-
elle tombée toute la nuit sur la populeuse cité,
que, le lendemain, à la pointe du jour, tout
a été enlevé, jusqu'au moindre flocon. Malgré
les efforts de notre administration municipale,
Paris, sous ce rapport, laisse encore beaucoup
à désirer.
Ceux qui refusent ou négligent de nettoyer
la partie de la rue qui les concerne, conformé-
ment aux ordres émanés de l'autorité munici-
pale ou du préfet de police, sont traduits de-
vant le tribunal de simplepolice, et condamnés
d'abord à une amende de l à 5 fr., avec les
frais ; en cas de récidive, ils sont passibles
d'un emprisonnement de un à trois jours.
Depuis que le macadam a remplacé le pavé,
sur les boulevards et dans les rues les plus
larges, les propriétaires ou locataires des mai-
sons qui bordent ces voies se sont trouvés en
partie déchargés du balayage, parce que l'au-
torité municipale a compris la nécessité d'insti-
tuer des cantonniers chargés de faire tout ce
qui est nécessaire à l'entretien et a la propreté.
Autrefois, des hommes parcouraient chaque
matin les divers quartiers des villes, en agi-
tant une sonnette, pour rappeler aux habitants
que l'heure était venue de balayer, chacun
(levant sa demeure. Cet usage subsiste encore
dans certaines villes des départements ; mais
H tend à disparaître.
— Econ. rur. On fait subir l'opération du
balayage aux cours, aux allées de jardin, aux
serres, aux prairies, pour y maintenir la pro-
preté et empêcheJ les dégradations. Le ba-
layage des' prairies est surtout indispensable
dans les lieux où elles sont bordées de haies
vives ou plantées d!arbres qui atteignent de
'grandes dimensions. On le pratique au prin-
temps, au moyen de râteaux de bois ou de fer
et de balais faits avec des branches de bois
épineux. Cette opération n'a pas seulement
pour effet de débarrasser les foins des matières
étrangères qui pourraient causer de la ré-
pagnance aux animaux ou même leur être
nuisibles , elle constitue encore un véritable
hersage et rend la terre plus perméable aux
agents atmosphériques. Le balayage des ser-
res se fait ordinairement au moyen de balais
de crin, afin de ne pas occasionner une pous-
sière qui, s'attachant aux feuilles des plantes,
les salit, en obstrue les pores et prive ces .vé-
gétaux de leurs organes sécrétoires et aspira-
toires ; il convient de le faire précéder d'un
léger arrosage du sol. Pour le même motif, le
balayage des allées doit être effectué, autant
que possible , par un temps calme et un peu
humide , ou le matin , lorsque la rosée n'a pas
encore eu le temps de s'évaporer. On est dans
l'usage de faire brûleries balayures surplace;
mais , outre que la fumée peut être nuisible
aux végétaux environnants; on se prive ainsi
d'un engrais précieux que l'on pourrait utiliser
à peu de frais.
BALAYANT (ba-lè-ian), part. prés, du v.
Balayer :
Quand tu va3 balayant l'air de ta jupe large,
Tu fais l'effet d'un beau vaisseau quj prend je large.
Chargé de toile, et va roulant
Suivant un rhythme doux, et paresseux et lent.
Baudelaire.
balayé, ÉE (ba-lè-ié), part. pass. du v.
Balayer : L'âtre était balayé avec soin. (G.
Sand.) Tu dis : J'ai faim, et on te répond :
Mange les miettes balayées de nos salles de
festin. (Lamenn.) Tout est raboté, ratissé,
balaye, défiguré, blanchi, lustré et frotté.
(V.Hugo.)
Tout est bien balayé sur vos chemins de fer.
Tout est grand, tout est beau, mais on meurt danB
[votre air.
A. de Musset.
— Par anal. Emporté, enlevé : La neige,
balayée par le vent, routait en tourbillons sur
sa tête. (Ch. Nod.)
— Chassé, dispersé : En attendant que V en-
nemi fût balaye du sol de la France, nous
primes le parti de voyager. (Alex. Dum.) Les
vieilles races ont été balayées de la terre.
(Villem.) Les ennemis étaient là, ils ont été
balayés en un clin d'oui. (Mercier.)
BALAYEMENT s. m. (ba-lè-ie-man — rad.
balayer). Action de balayer, u On dit plutôt
BALAYAGE.
BALAYER v. a. ou tr. (ba-lè-ié — rad.
balai. — Je balaye, tu balayes, il balaye, nous
balayons, vous balayez, ils balayent. Je ba-
layais, nous balayions. Je balayerai, nous ba-
layerons. Je balayerais, nous balayerions. Ba-
laye, balayons, balayez. Que je balaye, que nous
balayions. Que je balayasse, que nous balayas-
sions. Balayant. Balayé. — Comme on le voit,
ce verbe prend un y et un i de suite aux deux
prem. pers. pi. del'imp. de l'ind. et du prés,
du subj. Quelques-uns changent y en i devant
un e muet et écrivent : je balaie, je balaie-
rai, etc. ; c'est une irrégularité, car cette or-
thographe est en opposition formelle avec
la seule bonne prononciation. Quelquefois, il
est vrai, les poètes écrivent balairai^ balai-
rais; mais alors c'est une licence poétique).
BAL
Nettoyer avec lu, balai : Ne pense pas que ce
soit un autre que lui qui balaye le matin sa
chambre. (La Bruy.) Partout des ordres
avaient été donnés pour établir des ponts, ré-
parer les routes, balayer les rues. (P. Mé-
rimée.) il Enlever, pousser avec le balai :
Balayer des ordures. Balayer la boue. Ba-
layer des toiles d'araignée.
Une servante vint balayer tout l'ouvrage.
Autre toile tendue, autre coup de balai.
La Fontaine.
— Par anal. Débarrasser une surface des
objets éparpillés dessus, les emporter, les en-
traîner d'une manière quelconque ; Comme
nous approchions de la pointe au sérail, le
vent du nord se leva et balaya en moins de
quelques minutes la brume répandue sur le ta-
bleau. (Ch'ateaub.) L'orgueil blessé et ta crainte
d'être ridicule emportèrent son amour comme
le vent balaye la neige nouvellement tombée.
(G. Sand.) La bourrasque, complètement apai-
sée, avait fait place à cette bise du nord, qui,
au contraire de celle de nos climats, souffle de
l'ouest et balaye le ciel en peu d'instants. (G.
Sand.) Un vent furieux balayait la plaine
avec un bruit de tonnerre, (Th. Gaut.) Ces en-
fants du soleil se demandent parfois s'il existe
une contrée chérie du ciel, que ne sillonnent pas
les laves ardentes, que ne balayent pas les
vents destructeurs. (**')
L'ouragan prend son vol, et dans des flots de poudre
Balaye en se jouant et forets et cités. Delille.
Ces enfants à qui je souris.
Mon pied baluira leur poussière.
BÉftAKOEE.
Il Faire sortir, pousser dehors : C'est de l'air
qui entre dans la salle, et qui en sort sans avoir
produit d'effet utile , c'est-à-dire sans avoir
balayé devant lui l'air vicié. (L. Figuier.) Il
Faire disparaître : Quand unemaison s'écroule,
on finit par en balayer jusqu'à la dernière
pierre. (Lamart.)
Delphes n.'a plus d'oracles
Le temps a balayé le temple et les miracles.
Lamartine.
Le temps, qui balaya Rome et ses immondices,
Retrouve encore, après deux mille ans de chemin,
Un abime aussi noir que le cuvier romain.
A. Barbier.
Il Débarrasser un lieu des personnes ou des
choses qui l'obstruaient ou l'occupaient : Un
escadron de cavalerie baj-aVa la place en deux
minutes. (**') Dumouriez balayait lentement
la Champagne. (Lamart.) L'artillerie fran-
çaise, placée sur tes parties saillantes du ter-
rain, balayait la plage de ses boulets. (Thiers.)
Oddo, vous pouviez seul, réparant nos revers,
Des Hottes d'un tyran balayer nos deux mers.
C. DELAVIONS.
Il Se dit aussi des ennemis mêmes que l'on
disperse, que l'on met en fuite : Que l'on ba-
laye de la France cette horde d'esclaves con-
jurés contre nous, et le sort de l'Europe est
décidé. (Napol.) Il se fit précéder d'un corps
de dix mille hommes, chargé d'éclairer laroute
et de balayer les détachemeuts que le roi de
Pologne pourrait envoyer à leur rencontre.
(Mérimée.)
' — Par ext. Débarrasser,' purger : Le séné
balaye l'estomac, la rhubarbe nettoie le duo-
dénum, et le sel d'Epsom ramone les intestins.
(V. Hugo.)
— Particulièrem. Traîner sur le sol : Son
manteau balaye la terre. Sa robe, la queue de
sa robe balayait les dalles, le plancher. Le
turban de la négresse tenait à peine sur sa
tête, et son jupon balayait le parquet. (Ch.
Expilly.)
D'une robe à longs pli» balayer le barreau.
Boileau.
— Balayer les antichambres, Avoir l'habi-
tude de solliciter. Se dit des courtisans, des
intrigants : Il y a une foule de justiciables qui
aimeraient tout autant voir messieurs^ les juges
se mettre à juger leurs petits procès, que de
s'en aller balayue des plis de leur simarre
rouge ou noire les antichambres des Tuileries.
(Cormen.)
Se balayer v. pron. Etre balayé.
balayette s. f. (ba-lè-iè-te — dimin; de
balai). Petit balai qui sert à nettoyer les ta-
bles, le devant du feu, le dessus des four-
neaux, etc.
BALAYEUR, EOSE s. (ba-Iè-ieur — rad. ba-
layer). Celui, celle qui balaye : Une troupe de
balayeurs et de balayeuses : Parmi ces va-
lets, s'en remarquaient d'autres qui montraient
bien, à leur air, de quelle boutique ils étaient
balayeurs. (St-Sim.) Il jeta la bourse par la
fenêtre à un balayeur des rues. (Balz.) Cette
rue est une rue boueuse, où les balayeurs et
le gaz n'ont pas encore pénétré. (Scribe.)
Comme balayeuse on me loge.
Depuis quarante ans,
Dans le châieau, près de l'horloge.
BÉRANOER.
— Par dénigr. Personne de peu de valeur,
dans une profession quelconque : Les ba-
layeurs littéraires de son temps se déchaînè-
rent contre lui. (Beaumarch.)
— Fig. Ce qui détruit, ce qui fait dispa-
raître : Le temps, qui est un grand balayeur,
commençait à emporter de lui-même cette mé-
chante poussière. (G. Sand.)
— s. m. Bot. Agaric, appelé aussi glaireux
grisâtre , qui n'a pas été assez complète-
ment décrit pour qu'on puisse en déterminer
le genre.
— s. f. Teclin. Machine nouvellement in-
BAL
93
ventée pour le balayage des chaussées maca-
damisées.
— Adjectiv. Qui balaie : La bise balayeuse
de l'automne poussait devant elle les feuilles
sèches. (H. Castille.) Il Bot. Poils balayeurs,
Poils qui garnissent le style des composées,
et dont l'usage est, dit-on, de faire sortir la
pollen en irritahtMes anthères.
— Encycl. Il existe un grand nombre de
balayeuses mécaniques; mais la moins impar-
faite est celle que le docteur Colombe a ima-
ginée en 1856. Elle se compose d'une longue
brosse cylindrique , qui est montée horizonta-
lement sur un axe fixé sous l'essieu d'une
charrette a bras ou a cheval. Cet axe reçoit
un mouvement de rotation d'une roue dentée
qui entoure le moyeu du côté intérieur de la
voiture. Quand le véhicule marche, les ordu-
res enlevées par la brosse s'accumulent dans
une caisse destinée à les recevoir, et d'où on
les fait ensuite tomber pour en former des tas
isolés. L'appareil fait autant d'ouvrage que
dix balayeurs , c'est-à-dire balaye 2,500 à
3,000 mètres superficiels par heure.
BALAYORE s. f. (ba-lè-iu-re — rad. ba-
layer). Ordures amassées avec le balai : J'ai
trouvé dans les nids de martinets tout ce gui
peut se trouver dans les balayures des villes.
(Buff.) Il ne faut jamais pousser les balayures
au feu, cela gâte les cendres. (Mme Monmar-
son.) Les balayures de rue ne doivent être'
employées comme engrais qu'après avoir été
longtemps exposées à l'air. (Raspail.)
— Par anal. Objets qui s'amassent natu-
rellement en certains endroits : Les balayu-
res du vent. Les balayures de ta mer. On dit
que le fameux, Pedro Serrano, qui fit naufrage
sur unejle déserte, vivait des balayures quil
allait ramasser le long de la mer. (Trév.)
— Fig. Rebut : O âme pécheresse, qu'as-tu
mérité, sinon d'être ta balayure du monde?
(Fén.) Cet homme est méprisé de la foule, rejeté
comme les balayures du monde. (Chateaub.)
Les balayures de l'Europe sont accueillies
dans ce pays, et l'infortunée Bussie paye à
grands frais une armée d'étrangers uniquement
occupés à la corrompre. (J. de Maistre.)
— Prov. Il y a des balayures à chaque porte,
Chaque famille a ses ennuis, ses misères.
— Rem.' Le singulier de ce mot est peu
usité; nous en avons cependant donné un
exemple emprunté à Fénelon.
— Encycl. Econ. rur. Dans presque toutes
les fermes, les balayures sont jetées au hasard
auprès des habitations, dans les cours, le long
des murs, qu'elles salissent. Cette négligence,
autrefois à peu près générale et très-commune
encore aujourd'hui, est aussi pernicieuse qu'in-
explicable. Ces débris, qui, recueillis avec
soin et rassemblés en monceau dans un endroit
écarté , auraient fait en peu de temps un
excellent fumier, riche en carbone et en ma-
tières azotées, se changent en véritables foyers
d'infection, vicient l'air et ne sont pas moins
nuisibles a la santé de l'homme qu'à celle des
animaux.
BALBAN (Gleias-eddin-Balban-Schah), roi
de Delhi de 1265 à 1286. Il comprima de nom-
breuses révoltes, étendit les frontières de ses
Etats et devint le prince le plus puissant de
l'Inde. La cour de Delhi éclipsait alors par sa
splendeur toutes les monarchies de l'Orient.
Balban mourut du chagrin que lui causa la
perte de son fils Mohammed, mort après avoir
remporté une grande victoire sur les Mogols.
DALIMSTHE (Claude-Louis), organiste, né
a Dijon en 1729, mort à Paris en 1799. Elève
et ami de Rameau, son compatriote, il débuta
aux Concerts spirituels le 21 mars 1755, par un
concerto d'orgue fort admiré. Admis, en 1756,
comme organiste à Saint-Roch, Balbastre reçut
de monseigneur l'archevêque de Paris, en 1762,
défense de jouer l'orgue à la messe de minuit,
et, en 1766, vif le même prélat interdire ses
Te Deum de la veille de saint Roch, parce qu'ils
attiraient trop de monde à l'église. Reçu or-
ganiste de la cathédrale en 1770, il fut égale-
ment nommé organiste de Monsieur en 1776,
emploi qu'il conserva jusqu'à la Révolution.
Pendant la période révolutionnaire, il obtint
des succès d'un autre genre, mais tout aussi
brillants, par ses variations sur la Bataille de
Fleurus et sur la Marseillaise. Balbastre passe
pour avoir, le premier, organisé en France le
fiiano ; mais cette découverte est antérieure à
a vie de Balbastre. Il a laissé des compositions
écrites d'une façon molle et incorrecte.
I1ALBE (Prosper, comte de), homme d'Etat
et littérateur italien, né à Quiers (Piémont) en
1762, de l'ancienne et illustre maison des
Balbes, mort en 1837. Ambassadeur des Etats
sardes auprès de la République française, de
1796 à 1798, il se retira en Espagne lorsque
Charles - Emmanuel IV fut contraint de se
réfugier dans l'île de Sardaigne , revint en
Piémont l'année suivante et reçut du gouver-
nement provisoire la mission d'organiser l'ad-
ministration financière du pays. Lors de l'in-
corporation à la France (isoi), il cessa ses
fonctions politiques, mais accepta dans la suite
la place d'inspecteur général de l'université.
A la restauration de la maison de Savoie, il
fut nommé ministre de l'intérieur, et chargé
de nouveau de la direction des finances lors
de i'avénement de Charles-Albert. Il était en
outre président de l'Académie des sciences de
Turin. Ses œuvres, qui se composent de dis-
sertations historiques et scientihques, de rap-
ports et de divers essais littéraires, ont été
94
BAL
réunies (Turin, 1830, 3 vol. in-8°). Voici les
principales : linpporto storico o transunto degli
atti dell' academia reale délie science di Torino ;
Vita del d'Antoni; Discorso stdla fertilità del
Piemonte; Lezioni suW università di Tori-
no, etc. Cibario a réuni ces divers écrits en
3 vol. in-8° sous le titre de ? Opère varie del
conte Prospero Balbo (Turin, 1830).
BALBEK ou BAALBEK. f Héliopolis des
Grecs), ville de la Turquie d Asie (Syrie), au
pied de.l'Anti-Liban, à 65 kil. N.-O. de Damas,
pachalik de Saîda, jadis très-florissante, au-
jourd'hui ruinée et déserta; pop. 200 hab. On
sait peu de chose de l'histoire de l'antique
Balbek : une tradition orientale attribue la
fondation de cette ville à Salomon ; selon Ma-
crobe, elle devrait son origine à une colonie
de prêtres venue de l'Egypte ou de l'Assyrie.
Placée sur la route de Tyr à Palmyre, elle dut
a cette situation d'être de bonne heure l'un
des grands entrepôts du commerce de l'Orient.
Enveloppée daus l'immense empire d'Alexan-
dre, elle parvint, sous les successeurs de ce
prince, à un haut degré de prospérité : c'est
par eux sans doute que furent élevés plusieurs
(les monuments dont on admire aujourd'hui
les ruines. Auguste réduisit Héliopolis en co-
lonie romaine ; Antonin le Pieux y fit de nota-
bles embellissements : son nom figure dans
des inscriptions du grand temple dont l'archi-
tecture a, comme nous le verrons, tous les
caractères du style romain. Pendant la période
byzantine, la ville de Baal, convertie au chris-
tianisme et devenue le siège d'un évêque ,
fournit plusieurs martyrs à l'Eglise. Les
Arabes s'en emparèrent au x<s siècle, trans-
formèrent les édifices chrétiens en mosquées
et les palais antiques en citadelles. A partir de
cette époque, Balbek déchut rapidement. En
1759, un affreux tremblement de terre acheva
la destruction de cette ville célèbre, qui ne
comptait plus alors que 5,000 habitants.
Longtemps on n'a pas été d'accord sur
l'identité de cette antique cité, qui, à en juger
par ses débris, devait compter parmi les villes
de premier ordre. Bellonius croyait que c'était
celle que les anciens appelaient Cœsarea Phi-
lippi. D'autres auteurs, se laissant séduire par
des hypothèses encore plus invraisemblables,
pensaient que c'était la ville de Palmyre elle-
même, appelée Tadmor par les Hébreux, c'est-
à-dire ville des palmiers, et résidence de la
célèbre reine Zénobie, contemporaine de l'em-
fiereur Aurélien. Mais IssaBar Ali dit formel-
ement, dans son Lexique syriaque, que Balbek
s'appelait autrefois Héliopolis (ville du soleil).
Il est probable qu'elle tirait ce nom -du temple
du Soleil, dont la construction remonte au
règne d' Antonin le Pieux et dont les ruines,
oarfaitement visibles aujourd'hui encore, af-
fectent, dans leur forme générale, un carré
long1 de quatre-vingt-seize mètres sur dix-
sept mètres de côté. Les Arabes assignaient
à Balbek une haute antiquité, et, selon leur
habitude, en mêlant l'histoire à leurs tradi-
tions, ils disaient que le prophète Elie y avait
été envoyé pour y prêcher Vislamisme (sic)
aux habitants' qui rendaient un culte idolâtre
à Baal, un des dieux nationaux des peuples
sémitiques. De la le nom de Baalbek, ou, par
abréviation, Balbek.
Les ruines de Balbek présentent un des plus
admirables tableaux que puisse rêver un ar-
tiste, un poste; tous les voyageurs se sont
plu a en vanter la merveilleuse beauté, et
M. de Lamartine n'a rien exagéré lorsqu'il a
dit : « Toute notre caravane s'arrêta, comme
par un instinct électrique, devant ce spectacle
tout à coup déroulé. Sous nos pas, dans le lit
d'un torrent, au milieu des champs, autour
de tous les troncs d'arbres, des blocs de granit
rouge ou gris, de porphyre sanguin, de marbre
blanc, de pierre jaune aussi éclatante que le
marbre de Paros; troncs de colonnes, chapi-
teaux ciselés, architraves, volutes, corniches,
entablements, piédestaux ; membres épars, et
qui semblent palpitants, des statues tombées
la face contre terre; tout cela confus, groupé
en monceaux, disséminé et ruisselant de toutes
parts, comme les laves d'un volcan qui vomi-
rait les débris d'un grand empire; à peine un
sentier pour se glisser k travers les balayures
des arts qui couvrent la terre. Le fer de nos
chevaux glissait et se brisait à chaque pas
dans les acanthes polies des corniches ; l'eau
seule de la rivière se faisait jour parmi ces
lits de fragments, et lavait de son écume mur-
murante les brisures de ces marbres qui font
obstacle à son cours. ■ En suivant le cours de
cette rivière; ou pour mieux dire de ce ruis-
seau, on arrive au pied d'une vaste terrasse
appuyée sur un mur de soutènement formant
enceinte. Cette enceinte, dont le pourtour est
de quatre kilomètres environ, présente trois
espèces de constructions : des assises d'appa-
reil cyclopéen ou phénicien ; des murailles qui,
par leur construction régulière et leur orne-
mentation, semblent romaines ; des tours sur-
ajoutées et des ouvrages crénelés, formés de
fragments rapportés qui ne datent que du
moyen âge et de la domination arabe. Les
assises cyclopéennes, Qu'il est permis de croire
contemporaines de la fondation de Balbek, se
composent de blocs gigantesques, jointoyés
avec une précision étonnante : trois de ces
blocs sont surtout prodigieux ; l'un d'eux ne
mesure pas moins de 20 m. de long sur 4 ou 5
de haut et autant d'épaisseur; le3 Arabes le
nomment Hadjer-el-Kiblah (la pierre du Midi,
ou vers laquelle on se tourne pour prier).
M. de Saulcy estime qu'il faudrait une machine
BAL
de la force de 20,000 chevaux pour mettre
cette masse en mouvement, ou l'effort constant
et simultané de 40,000 hommes pour lui faire
parcourir un mètre en une seconde de temps.
• L'intelligence recule épouvantée devant un
pareil résultat, ajoute le savant que nous ve-
nons de citer, et l'on se demande si l'on n'a
pas rêvé quand on voit des masses aussi con-
sidérables transportées à un kilomètre de
distance et à plus de dix mètres au-dessus du
sol, par-dessus d'autres masses presque aussi
étonnantes. » On a remarqué que 1 enceinte
de Balbek offrait une assez grande analogie
de disposition avec l'acropole d'Athènes. De
larges propylées, aujourd'hui encombrés de
blocs de pierre et bouchés par une muraille
de construction arabe, donnaient accès dans
la ville du côté de l'E. On y montait par un
escalier qui a disparu, mais dont la largeur
est indiquée par deux piédestaux engagés dans
le mur moderne, et sur lesquels M. de Saulcy
a -lu des inscriptions du temps de Septime-
Sévère. Des deux côtés de cette entrée s'é-
lèvent deux pavillons carrés, ornés extérieu-
rement de pilastres corinthiens et surmontés
après coup de tours crénelées. On ne saurait
mieux comparer ces ailes latérales qu'à la
pinacothèque d'Athènes. La place de la porte
principale se reconnaît aux vestiges de deux
gros pilastres, auxquels aboutit une frise par-
tant des deux ailes. Cette porte s'ouvrait dans
l'axe du grand temple du Soleil, comme les
propylées d'Athènes conduisaient au Par-
thénon ; on arrivait à ce temple en traversant
une cour hexagonale et une autre cour plus
grande, de forme rectangulaire, et on trouvait,
au S., un second temple, celui de Jupiter,
placé à peu près comme l'Erechthéion. Deux
passages souterrains, reliés par une galerie
transversale, conduisaient dans l'intérieur de
l'acropole de Balbek. M. de Saulcy a reconnu
dans les voûtes l'appareil romain, et dans la
base des murailles celui des constructions'
cyclopéennes. Les portes extérieures sont dé-
corées de pilastres corinthiens ; la porte inté-
rieure du souterrain du S., la seule qui existe
encore, s'ouvre h l'angle S.-O. de la grande
cour rectangulaire. Actuellement, l'entrée par
laquelle on pénètre dans l'acropole est une
large brèche ouverte à l'angle S.-O. du mur
d'enceinte. Le premier édifice que l'on ren-
contre est le temple de Jupiter, que l'on ap-
Ï telle aussi le Petit-Temple. C'est le monument
e mieux conservé de Balbek. Il domine le
mur d'enceinte et le fossé du côté du S. C'était
un temple périptère, orienté de l'O. à l'E., avec
quinze colonnes de côté et huit de front (les
colonnes d'angle deux fois comptées), en tout
quarante-deux colonnes à chapiteaux corin-
thiens, mais non cannelées, mesurant 5 m. 10
de circonférence sur 19 m. 81 de hauteur, y
compris la base et le chapiteau. De cette co-
lonnade il reste, sur le grand côté du N.,neuf
colonnes debout, qui soutiennent. une frise et
une corniche très-riches, et la plus grande
partie du plafond qui reliait la colonnade à la
cella du temple : ce plafond, admirablement
sculpté, est divisé en caissons sur lesquels se
dessinent alternativement un hexagone et
■quatre losanges contenant des figures en
haut-relief, malheureusement très-mutilées, de
dieux, de héros et d'empereurs. La face mé-
ridionale de l'édifice , la première que l'on
aperçoit en arrivant, n'a conservé que quatre
colonnes du péristyle; les autres ont roulé au
fond du fossé et forment un escalier de débris
gigantesques, qu'il faut escalader pour arriver
à la plate-forme. Une seule colonne a glissé
sans se rompre du haut du rempart, et de-
meure appuyée contre le mur, comme un tronc
d'arbre déraciné. La face occidentale du
temple présente encore deux colonnes en-
tières, supportant une belle frise, et trois
tronçons obliques. Du côté de la face orientale
était le pronaos, qui comptait deux rangées
de colonnes cannelées ; deux de ces colonnes
seulement sont debout; elles soutiennent, avec
les colonnes non cannelées du péristyle méri-
dional, une belle frise et un fragment de pla-
fond sculpté, semblable à. celui de la face N.
Une muraille de défense, construite par les
Arabes sur la ligne de la deuxième rangée de
colonnes du pronaos, masque complètement
l'entrée du temple; une petite ouverture, pra-
tiquée à droite, et par laquelle on pénètre
en rampant, conduit devant cette entrée, qui
est vraiment grandiose. C'est une porte rec-
tangulaire de 6 m. 25 de large sur 12 à 15 m.
de haut: les montants sont monolithes; l'é-
norme bloc qui forme la clef de voûte a glissé
de près de 2 m., par suite du tremblement de
terre de 1759 ; il est ainsi suspendu entre les
deux blocs latéraux, dans une position qui peut
inspirer des craintes pour la solidité de la
porte, mais qui est d'un effet très-pittoresque.
L'ornementation de cette porte est du style
corinthien le plus riche : au soffite est sculpté
un aigle, les ailes déployées, tenant dans ses
serrés un caducée et dans son bec une guir-
lande de fleurs, que soutenait de chaque côté
un génie ailé, de la forme la plus gracieuse ; le
génie de droite subsiste seul. L'intérieur de la
cella étonne par la grandeur de ses dimensions
(49 m. de long sur 26 de large) et par le luxe
de sa décoration. De chaque côté, on compte
sept colonnes engagées et trois pilastres co-
rinthiens, surmontés d'une frise de guirlandes
que soutiennent des têtes de satyre, de cheval,
de taureau ; l'entre-colonnement est divisé en
deux étages, occupés chacun par une niche
richement ornée. Au fond de la cella est un
sanctuaire d'une grande simplicité, ayant son
BAL
niveau plus élevé que celui du naos; an-des-
sous de ce sanctuaire sont des, chambres
voûtées où l'on descend par un escalier, sur
les parois duquel M. de Saulcy a lu une in-
scription couftque. Le sol du naos est encombré
de blocs sculptés, tombés de la voûte et de la
frise, et qui attestent la recherche excessive
qui a présidé à la décoration. Le temple que
nous venons de décrire avait extérieurement
83 m. de longueur et 37 m. de largeur. Il est
situé en contre-bas d'un autre temple plus
vaste , mais moins bien conservé , que l'on
nomme le temple du Soleil ou le Grand-Temple.
Cet édiiice, situé a l'angle N.-O. de l'enceinte
de Balbek, sur les puissantes assises cyclo-
péennes dont nous avons parlé, a dû étere le
monument le plus grandiose de toute la Syrie.
C'était un temple périptère et décastyle,
orienté de l'E. a l'O. comme le temple de
Jupiter; sa longueur était d'environ 90 m., sur
50 m. de largeur. Il présentait dix colonnes
de front et dix-neuf de flanc, en tout cinquante-
quatre colonnes. Les six colonnes qui seules
ont résisté sont cannelées et portent encore,
sur leurs chapiteaux corinthiens, un entable-
ment avec frise et corniche richement sculp-
tées, les fûts ont 7 m. 15 de circonférence et
18 m. 85 de longueur ; la hauteur totale, enta-
blement compris, est de 23 m. 40 ; l'entre-co-
lonnement est de 2 m. 54. M. de Laborde ne sait
ce qu'il faut le plus admirer dans cette ruine
colossale : i La singularité du genre, dit-il, la
grandeur du caractère, la richesse des orne-
ments, la longue projection des ombres, la
hardiesse dans les formes, l'exécution mâle et
terrible, la justesse des allégories, tout étonne,
tout échauffe l'imagination, tout inspire de
hautes idées, tout amène k de profondes ré-
flexions. Nulle part on ne retrouve des masses
pareilles, des masses aussi larges, aussi bien
disposées et aussi susceptibles de détails dont
l'effet, même dans un grand éloignement et à
une hauteur prodigieuse, soit encore sensible
et remarquable. » Ces six colonnes gigantes-
ques dominent majestueusement toutes les
ruines de Balbek et annoncent ce que devait
être ce merveilleux temple du Soleil, dont les
gens du pays font remonter la construction
jusqu'à. Salomon, mais que la science archéo-
logique, s'appuyant sur un passage de Jean
d'Antioche et sur des inscriptions latines
trouvées dans les décombres, rapportent au
règne d'Antonin le Pieux. Le style de l'archi-
tecture justifie complètement cette dernière
opinion; mais, d'un autre côté, l'appareil
cyclopéen des substructions semblerait confir-
mer la tradition orientale et autorise du moins
à penser que l'édifice des Césars a été élevé sur
l'emplacement d'un ancien temple de Baal.
Nous avons dit que ce monument était précédé
d'une cour rectangulaire et d'une cour hexa-
gonale, disposées k la suite l'une de l'autre,
Bans l'axe des propylées. La première mesure
134 m. de long sur 1 13 de large ; elle est bordée,
au S. et au N., de salles aux trois quarts dé-
truites, dont deux semi- circulaires et cinq
rectangulaires sur chaque face; ces salles,
décorées extérieurement de niches, de pilas-
tres et de frontons, servaient probablement
de logements aux prêtres du Grand-Temple.
Au milieu de la cour s'élève un monceau des
plus riches matériaux, que l'on croit être les
débris d'un vaste autel, La cour hexagonale,
qui communique avec la précédente au moyen
d'une grande porte flanquée de pilastres et de
niches, a 60 m. de diamètre; elle était cir-
conscrite aussi par des salles symétriques dont
les ruines trahissent, par d'innombrables dé-
bris de sculpture, la prodigieuse richesse. On
entrait dans cette cour, du côté de l'E., par la
grande porte des propylées, aujourd'hui bou-
chée, et par deux portes latérales plus petites,
dont l'une, celle du S., est encore ouverte.
Nous ne dirons rien des constructions mo-
dernes dont les ruines sont éparses au milieu
des magnifiques débris de l'antique Balbek :
la seule qui offre quelque intérêt est une an-
cienne église chrétienne, située en face du
pronaos du temple de Jupiter, et qui, a une
époque incertaine, a été transformée en ou-
vrage défensif par les Arabes. Au dehors de
la ville, à 300 m. environ de l'acropole, on
voit un petit temple rond remarquable par
quelques-unes de ses dispositions, mais sur-
chargé d'ornements d'une coquetterie pré-
tentieuse : sa porte principale forme un seg-
ment coupé sur la circonférence de la cella ;
la colonnade du péristyle présente la même
retraite en hémicycle. La cella é"st décorée
extérieurement de niches séparées l'une de
l'autre par un pilastre corinthien 'et surmon-
tées d'une frise de guirlandes sculptées. La
corniche qui relie les colonnes du péristyle,
au lieu d être une bande circulaire comme
dans le temple de la Sibylle à Tivoli, forme
des arcs de cercle rentrants, avec une colonne
à chaque brisure. Ce temple a été converti
autrefois en église chrétienne, ha. nécropole de
Balbek, située au sommet d'une colline, à l'O.
de la ville, contient beaucoup de fragments
curieux, au milieu desquels Burckhardt et
M. de Saulcy ont trouvé plusieurs inscriptions
intéressantes; dans les rochers de la colline
sont pratiquées des grottes sépulcrales. Au
S.-O. de Balbek, à l kU. environ de l'enceinte,
se trouvent les anciennes carrières d'où sont
sorties les pierres colossales employées aux
constructions de la ville. Une de ces masses
énormes est restée là, après avoir été taillée,
et comme si elle avait lassé, dit M. L. de La-
borde, la vigueur formidable des ouvriers
d'Héliopolis, Ce bloc ne mesure pas moins de
* BAL
24 m. de long sur 4 m. 60 cent, de haut et de
large.
Bibliographie. — Les Ruines de Balbek
(Ruins of Balbek), par Dawkins ei Wood
(Londres, in-fol, 1757); Voyage en Syrie et en
Egypte, par Volney (Paris, 1787) ; Voyage en
Asie Mineure et en Syrie, par Léon de Laborde
(2 vol. in-f°, avec pi., 182S) ; Voyage en Orient,
par de Lamartine; De Paris à Balbek, par
Ch. Reynaud (Paris, 1845) ; Voyage autour de
la mer Morte, par de Saulcy.
BALBES ou BALDI. Ancienne famille pié-
montaise divisée en un grand nombre de
branches, et puissante, au xra« siècle, dans la
république de Chieri (Quiers), qu'ils finirent
par livrer à Amédée de Savoie (1347). Les
ruines d'une ligne de forteresses dont ils
avaient ceint leur terrritoire sont encore dé-
signées aujourd'hui sous le nom de tours des
Balbes. Une de ses branches, fixée à Avignon
vers 1456, fut la tige de la maison de Crillon.
BAI.BI (Jean de), de Gênes, ou Genuensis.
Dominicain.érudit, né h Gênes, mort vers 1298.
Il n'est plus guère connu que par une espèce
de lexique ou d'encyclopédie, désignée commu-
nément sous le nom de Catholicon, c'est-à-dire
uniaersel. Ce livre fait époque dans l'histoire
de la typographie. C'est un des premiers li-
vres qui aient été imprimés. Schteffer et Furst
en donnèrent des éditions en 1460 et 1472.
BALBI ou BALBO (Jérôme), littérateur vé-
nitien, mort vers 1535, fut d'abord professeur
de belles-lettres et de droit à Paris, à Vienne
et à Prague, et fut employé en qualité de né-
gociateur par Maxiinilien 1er et Charles-Quint.
Il est auteur de poésies ainsi que d'ouvrages
historiques et politiques, entre autres un traité
assez curieux De coronatione principum , im-
primé à Lyon en 1530.
BALBI (Gaspard), voyageur vénitien du
xvic siècle, était joaillier de profession, et sé-
journa aux Indes orientales de 1579 à 1588. Il
donna, à son retour, une description exacte de
ces contrées : Viaggio délie Indie orientait
(Venise, 1590), qui a été insérée dans leilecuei 2
des frères De Bry (Francfort, 1606).
BALBI (Dominique), auteur dramatique ita-
lien, flprissait à Venise vers la tin du xvii8 siè-
cle. Il a donné un grand nombre de pièces
représentées avec succès, et dont les plus con-
nues sont les suivantes ; Lo Sfortunato Pa-
ziente, opérette en prose (1667); Il Pantalon
burlao, comédie (1675) ; // cacciatore inuidiato
nel valore e insidiato nella vita e nell' onore,
tragi-comédie (1680) ; Il primo Zanne disgra-
ziato mezzana de' matrimonii, comédie (1677).
BALBI ou BALBO (Louis) , compositeur re-
ligieux italien , naquit à Venise dans la pre-
mière moitié du xvi» siècle et reçut des leçons
de Constant Porta. Entré jeune dans l'ordre
des grands Cordeliers, il fut nommé maître de
chapelle à Saint-Antoine de Padoue. Balbi a
composé des messes, motets et madrigaux,
dont une faible partie ont été publiés.
BALBI (comtesse de), femme célèbre par sa
liaison avec le comte de Provence (depuis
Louis XVIII), née en 1753, morte en 1832, était
fille d'un marquis de Caumont La Force. Elle
épousa le comte de Balbi, noble génois^ qu'elle
fit ensuite interdire, comme aliéné, afin de se
livrer plus librement à son goût pour les plai-
sirs et la prodigalité. Ses folles dépenses
causèrent de graves embarras au prince. A
l'époque de l'émigration, elle se retira à Co-
blentz avec Monsieur; puis, prévoyant une
disgrâce, elle passa en Angleterre et revint
en France lorsque le premier consul eut per-
mis aux émigrés de rentrer dans leurs foyers.
Elle se fixa clans son château de Brie-Comte-
Robert, mais fut bientôt exilée à Montauban,
pour sa participation & quelques intrigues
royalistes, établit dans cette ville un tripot
de joueurs, fit de vains efforts pour rentrer en
faveur à l'époque de la Restauration et vécut ,
dès lors, dans la retraite et l'oubli.
BALBI (Adrien), savant géographe, né à
Venise, d'une famille noble, en 1782, mort en
1848. Il professa successivement les mathé-
matiques , la géographie et la physique à Ve-
nise et à Fermo, et publia en 1808 son premier
ouvrage de géographie, dans lequel il décrivit
les différantes parties du globe par bassins, ce
qu'aucun géographe n'avait fait avant lui.
Destitué de sa place au lycée de Fermo, en
1815, il fut employé comme secrétaire dans la
direction des douanes et publia de nouveaux
travaux, entre autres son Compendio di geo-
grajia universale, qui lui valut l'amitié de
Malte-Brun. Conduit en Portugal par des af-
faires de famille, il y noua des relations avec
les savants et les personnages les plus dis-
tingués, et y ramassa' de précieux matériaux
qu'il mit en œuvre dans son Essai de statisti-
que sur le royaume de Portugal et des Algar-
ves, comparé aux autres Etats de l'Europe
(Paris, 1822), suivi des Variétés politiques et
statistiques de la monarchie portugaise, ou-
vrage dans lequel la faiblesse de la partie
politique est compensée par un travail remar-
quable sur le Portugal sous la domination ro-
maine, et par des renseignements d'un grand
intérêt sur la littérature et les arts dans ce
pays. On n'avait encore rien publié d'aussi
complet et d'aussi exact sur le Portugal.
Quelques années plus tard, Balbi publia l'At-
las ethnographique du globe ou Classification
des peuples anciens et modernes d'après leurs
langues (Paris, 1826). Dans ce travail , il a su
renfermer une foule de considérations génô-
BAL
raies sur les langues, leur filiation , leurs rap-
ports et leurs différences, mettre en œuvre et
coordonner les recherches nouvelles des-phi-
lologues de l'Allemagne et ajouter lui-même
un grand nombre de renseignements puisés
aux sources. Il séjourna k Paris jusqu'en 1832
et y publia successivement des tableaux sta-
tistiques de la Russie , de la France , des
Pays-Bas, etc., ainsi que les ouvrages sui-
vants : la Monarchie française comparée aux
différents Etats de l'Europe (1828) ; Balance
politique du globe (1828) ; 1 Empire russe com-
paré aux divers Etats du monde (1829);
Traité élémentaire de Géographie (1830-31),
d'après les notes inédites de Malte-Brun;'
enfin, il y termina son Abrégé de géographie,
rédigé sur un plan nouveau, excellent manuel
où il a résumé, en un seul gros volume in-8°.
toute la science géographique dans son état
actuel, ainsi que les connaissances qui s'y
rattachent. Cet ouvrage . justement estimé , a
été traduit dans toutes les langues de l'Eu-
rope. Balbi a reçu, pour ses différents travaux,
des communications précieuses qui lui étaient
fournies par des savants de premier ordre,
qu'il a toujours scrupuleusement nommés.
Parmi ses ouvrages, il faut citer encore : Sta-
tistique comparée de l'instruction et du nombre
des crimes (1829).
BALBIDE s. f. (bal-bi-de — du grec battis,,
idos, même sens). Antiq. gr. Ligne qu'on
traçait sur le sol de l'hippodrome pour servir
de point de départ aux concurrents.
BALBIN (Décius Cœlius), empereur romain,
mort à Rome en 238. Sénateur et deux fois
consul, il fut chargé de l'administration de
plusieurs riches provinces. Après la mort de
Gordien, lorsque Maximin s'avançait contre
Rome, a la tête d'une puissante armée , le
sénat élut empereurs Maxime et Balbin. Mais
le peupje, mécontent de ce choix, voulut
les faire' révoquer, et la sédition prit un ca-
ractère tellement menaçant que, pour l'apai-
ser, il fallut lui montrer le jeune hls de Gop-
dien, revêtu de la pourpre et portant le titre
de César. Maxime partit ensuite pour aller
combattre Maximin. Balbin, resté seul à Rome,
était trop vieux et trop faible pour contenir
une populace toujours avide de désordres. La
sédition se ralluma; les prétoriens furieux
mirent le feu en plusieurs endroits de la ville,
les malfaiteurs profitèrent du tumulte et se,
livrèrent au pillage. Cependant Maxime revint
après avoir vaincu Maximin, et les deux em-
pereurs gouvernèrent pendant quelque temps
avec sagesse et modération. Mais la mésin-
telligence se mit entre eux : Balbin enviait à
.Maxime sa gloire militaire, et celui-ci enviait
à Balbin l'illustration de sa naissance. Les
soldats en profitèrent pour se défaire de l'un
et de l'autre et se donner un empereur choisi
par eux; ils se jetèrent sur les deux princes,
les dépouillèrent de leurs habits impénaux, les
traînèrent dans les rues de Rome" où ils les
tuèrent après leur avoir fait subir les plus
grossiers outrages. Balbin et Maxime étaient
vieux l'un et l'autre et ils ne régnèrent qu'un
an. Balbin était digne d'un meilleur sort par
ses mœurs douces, son éloquence et son talent
pour la poésie.
BALBIN ou BALBI NUS (Aloys-Boleslas),.
jésuite érudit, né à Koniggsgratz en 161 1,
mort en 1689. Il s'est occupé toute sa vie de
recherches sur l'histoire de la Bohême. Ses
travaux les plus importants sont : Epitome
. historica. rerum bohemicarum , etc. (Prague,
1677) ; Miscellanea historica regni Bohemo-
rum, etc. (Prague, 1679-87), ouvrage inachevé
et qui traite de l'histoire naturelle, des peu-
Îiles, de la topographie, des saints, des généa-
ogies, etc. de la Bohême.
BALBIN (Paul), médecin, savant et littéra-
teur italien, né a. Bologne, vivait dans la se-
conde moitié du xvue siècle. Il professa la
médecine et l'anatomie dans sa ville natale, et
communiqua à l'Institut de Bologne, dont il
était membre, plusieurs mémoires d'un grand
intérêt sur les inégalités du baromètre de
Torricelli, sur la fabrication du verre, etc.
On a aussi de lui quelques productions litté-
raires.
BALBIS (Jean-Baptiste), savant botaniste
italien, né a Moretta (Piémont), en 1765,
mort en 1831. Il fît ses études k 1 université
de Turin et y reçut le diplôme de docteur en
médecine. Mais il s'appliqua surtout à la bota-
nique, sous la direction d Albioni, à qui il suc-
céda plus tard dans sa chaire. Après la con-
quête du Piémont, en 1798, le général Grouchy
1 avait nommé membre du gouvernement pro-
visoire. Il fut aussi chargé de la direction du
jardin des plantes de Turin, et il enrichit ce
jardin de plusieurs espèces nouvelles, dont.il
donna la description dans des Mémoires publiés
par l'académie de cette ville. En 18U, il se
retira à Pavie, près de son ami Nocca, qu'il
aida dans la publication de la Flora Tici~
nensis; puis il vint en France, où il obtint, en
1819, la chaire de botanique et la direction du
jardin des plantes a Lyon. Il a laissé de nom-
breux ouvrages sûr la botanique, entre autres
une Flora Taurinensis et une Flore lyonnaise.
BALBIS (Silvio), littérateur piémontais, né
à Caraglia, en 1737, mort en 1796. On cite
parmi ses écrits une Paraphrase poétique de
jYakum (1762), et des Poésies diverses fort"
goûtées de son temps et dont quelques-unes
sont en dialecte piémontais.
BALbisie s. £ (bal-bi-zî — du nom de
BAL
Balbis, botaniste italien). Bot. Genre de
plantes de la famille des composées, tribu
des sénécionidées, comprenant une ou deux
espèces qui croissent au Mexique : La balbi-
sik à longs pédoncules est une plante fuerbacée
annuelle. (Thiébaut de Berneaud.)
BALBISIE, ÉE, adj. ( bal-bi-zi-é — rad.
balbisie). Bot. Qui ressemble à une balbisie.
— s. f. pi. Groupe de plantes de la famille
des composées , -ayant pour type le genre
Balbisie.
BALBO (César), homme d'Etat, historien et
publiciste italien, né à Turin en 1789, mort en
1853. Il descendait de l'ancienne et illustre fa-
mille des Balbes , de Chieri. Fils du comte
Prosper Balbo, l'un des principaux -hommes
d'Etat du Piémont, César passa son enfance
auprès de lui, dans l'exil k Florence ; de re-
tour k Turin, il commença, en 1807, son cours
de droit et fut nommé auditeur au conseil
d'Etat de l'Empire français, dont le Piémont
faisait alors partie. En 1808, il fut envoyé k
Florence, et en 1809 k Rome , comme secré-
taire des juntes de liquidation de Toscane et
des Etats romains ; puis, dans l'Illyrie avec la
même qualité. Enfin , il fut attaché au mini-
stère de la police, et en dernier lieu au mi-
nistère de l'intérieur.
Au moment de la chute de Napoléon, un
conseil de régence fut établi à Turin, en at-
tendant l'arrivée du roi de Sardaigne ; le
comte Prosper en fut membre, et César fut
nommé chargé d'affaires de la Régence k
Paris. Quelque temps après , son oncle, Gaé-
tan Balbo lui succéda, comme ambassadeur
du roi, et César porta à Turin le traité de
Paris. Il y retrouva le nouveau gouvernement
installé comme si les quinze années du règne
de Napoléon n'eussent pas existé : l'almanaeh
royal de 1799 avait été exhumé, et tous les
survivants avaient été remis en possession de
leurs anciennes charges. Mais écoutons César
Balbo lui-même : « Les non-sens , les carica-
tures , les absurdités issus de ce régime for-
meraient un tableau à part. Ceux qui n'avaient
rien fait pendant quinze ans obtenaient de
l'avancement dans 1 armée ; quant k ceux qui
s'étaient fait rompre les os pour l'honneur du
pays et de l'Italie, k Baylen , à Wagram, & la
Moskowa ou à la Bérésma, on les faisait des-
cendre de grade ou on les laissait, comme des,
étrangers, au service de la France. »
Ce spectacle inspira à César Balbo une vive
répugnance pour les emplois publics; il refusa
diverses charges et se contenta d'entrer dans
la milice en qualité de lieutenant d'état-major.
L'année suivante, lorsque l'armée piémontaise
entra en Dauphiué , pendant les Cent-Jours ,
il accompagna le général Gifflenga, un vété-
ran des guerres de l'Empire , prit part a la
prise de Grenoble et fut nommé capitaine.
Après la paix , son père ayant été nommé
ambassadeur k Madrid, César le suivit comme
gentilhomme d'ambassade , avec le grade de
major d'état-major , et le remplaça , en 1818 ,
comme chargé d'affaires. U revint a Turin en
1819, et prit alors du service actif comme
major (chef de bataillon) d'infanterie.
Sur ces entrefaites éclata la révolution
d'Espagne, puis celle de Naples , tandis qu'en
Piémont les libéraux préparaient, -surtout
dans les rangs de l'armée , le mouvement
constitutionnel de 1821. César Balbo avait dès
lors des opinions bien arrêtées, mais il croyait
la révolution inopportune et dangereuse. Sa
devise était : Attendre, attendre et toujours at-
tendre. Influencé par Santa-Rosa, chef du parti
libéral, il se déclara l'adversaire des sociétés
secrètes et des révolutions militaires ; quant à
la révolution populaire, écrivait-il dans cette
profession de foi, elle était impossible. U était
partisan de la monarchie constitutionnelle
sous la maison de Savoie : « Que tous ceux
qui ont cette opinion la manifestent ouverte-
ment, disait-il, jusqu'à ce que le vœu indivi-
duel devienne le en public ; que si le change-
ment désiré se fait attendre, qu'on ne perde
pas courage , parce que tôt ou tard notre gé-
nération arrivera au timon des affaires, et
alors elle atteindra le but. » En un root, il
repoussait l'insurrection et ne croyait qu'à la
force de l'opinion. Il s'attendait, d'ailleurs, à
voir ses conseils modérés mal reçus par les
deux partis. Les événements de 1821 lui don-
nèrent malheureusement deux fois raison.
Lorsque le mouvement militaire, qui fut bien-
tôt suivi de l'invasion autrichienne et de la
déroute de Novare, eut éclaté, il s'était immé-
diatement séparé de Charles-Albert, prihee
de Carignan et partisan de la constitution,
qu'il jura pour 1 abandonner quelques jours
plus tard. Malgré la fidélité que Balbo avait
montrée au gouvernement dans cette circon-
stance, son attachement connu pour Charles-
Albert, son intimité avec Santa-Rosa, lui
attirèrent les injustes soupçons du nouveau
roi Charles-Félix. La fierté de Balbo se ré-
volta d'une aussi aveugle ingratitude ; il donna
sa démission de son grade et prit volontaire-
ment le chemin de l'exil.
Il habita successivement la Provence, ou il
avait des parents, puis Paris , où il se maria ,
et obtint en 1826 de séjourner à Turin.
En 1830, il publia le fruit de ses études :
deux volumes de son Histoire d'Italie depuis
la chute de l'empire romain, en 476, jusqu'à
la fin de la domination des Lombards , en 776 ;
il donna en outre quatre nouvelles, et la tra-
duction des Annales de Tacite.
L'avènement de Charles-Albert au trône
BAL
(1831) ne fit pas sortir Balbo de la vie privée.
Le prince de Carignan avait eu des torts
graves envers son ancien et fidèle ami : après
les événements de 182 1? le prince pouvait
d'un met justifier Balbo; il ne le fit pas, mal-
gré les appels réitérés que celui-ci lui adressa.
Tout ce que Balbo gagna au nouveau règne
fut d'être nommé colonel en expectative ,
c'est-à-dire sans paye ni activité. C'est de
cette époque que date son livre Pensées et
exemples (publié seulement en 1851). De 1833
à 1837, il perdit successivement sa femme, si
mère et son père.
C'est en 1844 que parut l'ouvrage qui porta
le nom de Balbo à l'apogée de sa gloire : les
Espérances de l'Italie, qui suivit de près le
livre de Gioberti sur la Primauté morale et
civile des Italiens et le compléta, Balbo pose en
principe que cette primauté n'est possible que
par l'indépendance nationale, toute confédé-
ration italienne était impossible tant que l'é-
tranger posséderait une partie de la Pénin-
sule. Il vit la solution de la question italienne
dans celle de la question d'Orient, et, en
échange du Lombard-Vénitien, il proposait à
l'Autriche la réunion des principautés danu-
biennes. Malgré les antécédents de. Charles-
Albert, Balbo pensait qu"e la direction du
mouvement libéral, constitutionnel et fçdéra-
tif devait lui être laissée.
Ce livre courut toute l'Italie, et toutes les
voix joignirent le nom de Balbo à celui de
Gioberti et d'Azeglio. Dans un écrit postérieur
à cet ouvrage, il prophétisa que, par la seule
puissance de l'opinion, et dans dix ou vingt
ans, l'Italie serait forte et unie. Son influence,
ne fit que grandir. Pendant les trois années
qui suivirent, il publia plusieurs articles dans
le Bisorgimento de Turin, journal des libéraux
modérés, dans la Patria de Florence, etc., ses
Etudes sur la guerre de l'indépendance d'Espa-
gne et de Portugal. En février 1848, Charles--
Albert, à la veille de promulguer le Statut fon-
damental, nomma le comte Balbo président
de la junte chargée de rédiger la loi électorale ;
ce travail fut fait en quinze jours, et cette loi
électorale est encore en vigueur dans le
royaume d'Italie actuel. Le mois suivant,
Balbo fut appelé à la présidence du premier
ministère constitutionnel. Ce ministère, at-
taqué fortement par la gauche, devait suc-
comber le 28 juillet 1848, après la défaite de
Custoza. Mais quelques jours auparavant, le
vieillard s'était souvenu de son grade de
major-général (général de brigade) et on
l'avait vu, entouré de ses cinq fils, combattre
à la victoire de Pastrengo.
. Redevenu simple député , il siégea toujours
à la droite modérée et se montra constamment
partisan convaincu du pouvoir temporel du
pape. La mort d'un de ses fils, tué à Novare,
ne l'empêcha pas d'accepter une mission, in-
fructueuse du reste, auprès du pape, à Gaete:
Toujours ferme et immuable dans ses con-
victions , cet homme , qui avait tant fait pour
son pays , se dépopularisa par l'opposition
qu'il ht, en 1850 et 1852, aux deux projets de
loi présentés par le ministère d'Azeglio sur
l'abolition du for ecclésiastique et sur le ma-
riage civil. Balbo était désormais trop dé-
passé par l'esprit de son époque et par les
événements pour pouvoir songer à revenir
aux affaires; l'avènement du ministère Cavour
(novembre 1852) le rendit à la vie privée. Il
mourut l'année suivante. Une statue de mar-
bre blanc lui a été élevée dans le jardin public
de Turin. Les Méditations historiques, les
Pensées et Exemples, le livre dès Révolutions,
celui des Espérances , la Vie de Dante, suffi-
sent pour assurer à César Balbo une place
parmi les plus illustres penseurs de l'Italie.
Ses autres ouvrages-: Pensées sur V Histoire
d'Italie ; De la Monarchie représentative, œu-
vres posthumes , et les Lettres de littérature
et de politique; l'Abrégé d'Histoire d'Italie; ses
Nouvelles-, ses Fragments sur le Piémont; son
Histoire d'Italie 'sous les Barbares ont paru,
ainsi que les précédents, dans l'édition Le
Monnier, de Florence. Ses oeuvres forment en
tout 40 volumes.
BALBOA (Vasco Nunez de), célèbre aven-
turier espagnol, né k Xérès en 1475, mort
en 1517. Après avoir dissipé son patri-
moine , il passa , ^comme beaucoup de ses
compatriotes, dans le nouveau monde. Les
Espagnols de la colonie de Sainte-Marie-du-
Darien vivaient dans l'anarchie , lorsque Bal-
boa, parut au milieu d'eux. Sa réputation et sa
force prodigieuse le firent choisir pour chef.
Jugeant qu'il devait se trouver plus d'or dans
l'intérieur des terres que sur la côte , il s'en-
fonça dans les montagnes. Là, soutenu par
l'opiniâtreté de son caractère, poussé par 1 in-
satiable cupidité de ses soldats, aidé par des
meutes de ces dogues qui avaient si bien servi
les Espagnols dans toutes leurs conquêtes,
Balboa parvint enfin k égorger les habitants
du Darien , à les disperser et à les soumettre.
Dans une de ses courses , il accepta l'hospita-
lité d'un jeune Cacique, qui combla de pré-
sents ses soldats. Les voyant se disputer pour
se partager l'or qu'il leur abandonnait avec
indifférence : « Pourquoi vous quereller pour
si peu de chose? leur dit le chef sauvage; si
c'est l'amour de ce métal qui vous fait trou-
bler la tranquillité de nos contrées, je vous
conduirai, en six semaines, sur les bords d'un
autre océan (et il se tournait vers le sud),
dans un pays où cet or, que vous recherchez
avec tant d'ardeur, est si commun qu'il sert à.
fabriquer les plus vils ustensiles. > Balboa,
BAL
95
empressé de connaître un pays dont la décou-
verte devait être si avantageuse, attendit avec
impatience le moment favorable de commencer
cette expédition. Ayant rassemblé environ
780 hommes, U partit le 1« septembre 1513.
Le but de l'expédition n'était qu'à environ
soixante milles; mais il fallait gravir des
montagnes si escarpées , franchir des rivières
si larges, traverser des marais si profonds,
pénétrer dans des forêts si épaisses , dissiper,
gagner ou détruire tant de peuplades féroces,
que ce ne fut qu'après vingt jours de marche
que les hommes les plus accoutumés aux pé-
rils, aux fatigues et aux privations se trou-
vèrent au terme de leurs espérances. A la vue
de la mer Pacifique , qui se perdait dans un
horizon immense , Balboa , armé de toutes
pièces, k la manière des anciens chevaliers,
s'avança au milieu des flots, et, en présence
de ses troupes et d'une foule d'Indiens attirés
par ce spectacle , il prit possession de cet
océan au nom du roi d Espagne. 11 soumit en-
suite quelques caciques voisins et leva sur
eux un tribut en perles, en métaux et en sub-
sistances. Tous les témoignages se réunirent
four confirmer ce qui avait été dit d'abord de
empire; qui fut appelé Pérou, et les aventu-
riers qui en méditaient la conquête retour-
nèrent au Darien , où ils devaient rassembler
les forces qu'exigeait une entreprise aussi dif-
ficile. Balboa était digne d'exécuter ce grand
projet; mais par suite d'une intrigue de cour,
Pedro Arias fut choisi pour le remplacer. Le
nouveau commandant, également jaloux et
cruel, fit arrêter son prédécesseur, ordonna
qu'on instruisît son procès et lui lit trancher
la tête. La mort de cet infortuné fit abandon-
ner l'expédition qu'il avait projetée. Un cri
général d'indignation s'éleva contre Pedro
Arias , mais il avait en Espagne de puissants
protecteurs; il conserva son rang, son auto-,
rite, et il obtint même de transporter la colonie
de Santa- Maria k Panama, dont l'heureuse
situation ouvrit aux Espagnols la conquête
dès vastes provinces qui bordent la mer du
Sud.
BALBOA (Miguel Cavello), missionnaire es-
pagnol, passa en Amérique en 1566 pour y
prêcher l'Evangile , se fixa, en 1576, à Quito
et, au milieu des labeurs de son apostolat,
s'occupa de recherches sur les antiquités du
Pérou. L'ouvrage où il a consigné le résultat
de ses recherches est intitulé : Miscellanea
australia; c'est un travail extrêmement cu-
rieux qui a été traduit en français sous le
nom d'Histoire du Pérou (Paris, 1840).
BALBR1GGAN, ville et port d'Irlande, comté
et à 30 kil. N. de Dublin, k l'embouchure du
Delvan, sur la mer d'Irlande; 3,000 hab. —
Fabrication active de mousselines brodées,
bonneterie; commerce de grains; pêche du
hareng.
BALBCENA (Bernard db), prélat et poète
espagnol, né a Val-de-Penas en 1568, mort
en 1627, k Porto-Rico, dont il était évêque.
On a de lui plusieurs poèmes qui ne man-
quent pas de mérite : la Grandeur mexicaine
(1604); Bernardo ou la Victoire de Boncevaux
(1624), etc. .
BALBUS (Lucius Cornélius), consul romain,
né k Cadix, rendit quelques services dans la
guerre contre Sertorius et reçut de Pompée
le titre de citoyen romain , titre dans lequel il
fut maintenu, grâce au plaidoyer que Cicéroa
prononça en sa faveur. (V. l'article suivant.)
Dans la suite, il parvint au consulat et suivit
le parti de César, après avoir vainement tenté
de réconcilier ce dernier avec Pompée. — Son
neveu, Cornélius Balbus , également d'ori-
gine espagnole, bâtit auprès de l'ancienne
Cadix une ville nouvelle, et, le premier des
généraux romains d'origine étrangère , obtint
les honneurs du triomphe, pour avoir vaincu
les Garamantes, peuple d'Afrique.
Buibu> (Plaidoyer pour L. Cornélius),
discours de Cicéron. Une loi portée l'an de
Rome 681, d'après un sénatus-consulte, re-
connaissait citoyens romains tous ceux à qui
Pompée avait accordé fe droit de cité romaine,
dans la province d'Espagne où U avait été
envoyé contre Sertorius. Conformément k
cette loi, Pompée accorda le droit de cité k
L. Cornélius Balbus, citoyen distingué de
Cadix, qui lui avait rendu des services. Un
jaloux, compatriote de Balbus, lui contesta ce
droit. Ses raisons se fondaient sur l'applica-
tion précise de la loi Julia et même de la loi
précitée. Les juges avaient à interpréter des
termes de droit civil et de droit public d'où
dépendait l'admission ou l'exclusion du nou-
veau citoyen.
Cicéron parla pour L. Cornélius Balbus,
après le grand Pompée et M. Licinus Crassus.
Le plaidoyer du grand orateur renferme un
magnifique éloge de Pompée. En outre, il fait
ressortir avec art toutes les circonstances ,
tous les services qui peuvent concilier à
Balbus la sympathie de ses juges ; ses qua-
lités personnelles , ses relations avec d'illus-
tres personnages, Pompée, César, etc. Le
point de droit fait la base du discours. Le
défenseur démontre fort longuement, par
des preuves et des exemples , que l'inter-
prétation de la loi est en faveur de Balbus.
Mais si ces raisonnements sont spécieux ,
leur justesse rigoureuse paraîtra contes-
table à tout juriste pénétré des principes et
des règles du droit romain. Les circonstances
accessoires et secondaires établissaient seules
des titres favorables aux prétentions de
96
BAL
Balbus , qui gagna sa cause et fut élevé au
consulat en 714.
Cette cause fut plaidée l'an de Rome 697.
Balbua (STATUES ANTIQUES DBS), au musée
Degli studj, a Naples. Ces statues en marbre,
au nombre de neuf, proviennent des fouilles
faites à Herculanum. Deux ont été trouvées
dans le théâtre : l'une, comme nous l'apprend
une inscription , représente le proconsul Bal-
bus. chef de la célèbre famille des Balbus ; il
est vêtu de la toge, qui laisse le coté du buste
a découvert, et il appuie la main droite sur sa
Eoitrine. Cette statue est remarquable par la
elle disposition des draperies ; la tête est
rapportée et n'est pas celle de Balbus. L'au-
tre statue est celle du fils de Balbus , qui
remplit aussi, comme nous le voyons par une
inscription, la charge de proconsul et celle de
préteur : l'attitude et le costume sont à peu
près semblables à ceux de la figure précé-
dente; la tête est moderne. Une statue équestre
du même personnage , avec une inscription
identique, a été découverte dans un édifice
que l'on croit avoir été une basilique ; Balbus
hls est représenté vêtu d'une cuirasse et
d'une subarmale très-courte, avec un manteau
jeté sur la partie gauche du corps; il a une
épée suspendue a un large bouclier. Une se-
conde statue équestre , en tout semblable à la
précédente pour les détails de costume et la
pose, forme la quatrième de la collection et
provient du même lieu. On pense que ces deux
figures équestres étaient placées face à face
et que la seconde , qui a été trouvée sans tête
et sans inscription, représentait Balbus le père.
Ces deux statues équestres sont bien traitées.
Il est à remarquer que les deux chevaux
sont à l'amble. — On a désigné quatre autres
statues très-élégantes, représentant de jeunes
femmes dans des attitudes diverses , comme
'étant celles des filles de Balbus. L'une est dra-
pée dans un manteau, qu'elle maintient de la
main droite un peu moins haut que l'épaule
gauche , tandis que son autre -main est abais-
sée; la seconde, entièrement drapée, saisit
avec la main droite le bord de son manteau
devant sa poitrine; la troisième a son manteau
roulé autour du corps et couvrant le bras
gauche, qui est abaissé, tandis que le bras
droit est libre et tourné vers le ciel; la qua-
trième ressemble à la première pour la pose
et la draperie, mais le mouvement du corps à
gauche est plus accentué. — La famille est
complétée par une statue d'une belle exécu-
tion, qui représente Ciria, femme du procon-
sul, avec les emblèmes de la muse Polyinnie.
BALBUS (Octavius), jurisconsulte romain,
c"onterr>porain de Cicéron , donna par sa mort
un exemple de dévouement paternel. Proscrit
par les triumvirs, l'an 42 av. J.-C., il était en
fuite, lorsqu'il apprit que son fils courait des
dangers. Il revint pour l'arracher aux sicaires,
parvint à le sauver, mais tomba lui-même sous
les coups des bourreaux.
BALBUS, surnommé Mensor, géographe ro-
main , contemporain d'Auguste , dressa le ca-
dastre de l'Empiré et rédigea des commen-
taires , par provinces et par cités , de cette
gigantesque opération. Prontin les cite dans
son ouvrage sur les colonies romaines.
Un autre Balbus, contemporain de Trajan,
accompagna ce prince dans son expédition
contre les Daces. C'était un topographe mili-
taire de mérite. 11 avait écrit quelques traités
qui ne nous sont point parvenus.
BALBUS (Pierre), savant littérateur italien,
né à Venise, ou, suivant d'autres, à Pise, mort
en 1479. Il était, depuis M66,évëque deTropea,
en Calabre. Outre divers écrits de théologie,
il a donné des traductions latines de Proclus,
du dialogue de saint Grégoire de Nysse sur
ï Immortalité de l'âme, du sermon de saint
Grégoire de Nazianze sur l'Amour de la pau-
vreté, de celui de saint Jean Chrysostome sur
l'Aumo'ne, de celui de saint Basile sur la
Prière.
BALBUTIANT (bal-bu-si-an) part. prés, du
v. Balbutier : Le nom de Dieu, avait été sur
nos lèvres avant le lait maternel; nous avions
appris à parler en le balbutiant. (Lamart.)
Balbutiant avec peine quelques phrases ba-
nales, elle lui demande des nouvelles de sa
santé. (Scribe.) Il dit en balbutiant , mais en
assez bons termes , sa naissance, ses droits, ses
malheurs. (Mérim.)
BALBUTIANT, an te adj. ( bal-bU-SI-ai) ,
■ an-to — rad. balbutier.) Néol. Qui balbutie,
qui parle avec hésitation : Oui , monsieur ,
répondit - elle toute balbutiante , que me
voulez-vous? (Alex. Dumas.) il Qui s'exprime
en balbutiant : Ils étaient occupés à verser, d
la porte d'un cabaret regorgeant d'ivrognes,
force rasades à un orateur dont ils excitaient
ainsi la balbutiantes éloquence. (Alex. Dumas.)
— Par ext. Qui s'exprime d'une façon en-
fantine et imparfaite : C'est la fable naïve,
spirituelle encore, mais prolixe, mais languis-
sante et balbutiante au moyen âge. (Ste-
Beuve.)
balbutié s. f. (bal-bu-si — rad. balbu-
tier). Etat passager ou habituel de celui qui
balbutie : La balbutie de l'enfance, la bal-
butie de la vieillesse. Le temps me poursuit, et
voilà que je m'en retourne à la balbutie.
(Dider.)
— Par ext. Manière de s'exprimer enfan-
tine et peu précise : Notre'langue est celle qui
a retenu le moins de ces négligences que j'ap-
pellerai volontiers des restes de la balbutie
BAL
des premiers âges. (Dider.) Il est des peuples
qui, faute de se laisser pénétrer par le souffle
inspirateur, semblent toujours enveloppés dans
les langes de l'enfance et rester à la balbutie.
(Alex. Dumas.)
— Particul. Bagatelles, enfantillages : Ne
dire, ne faire que des balbuties.
i balbutié, ée (bal-bu-si-é) part. pass.
du v. Balbutier :
Quelques mots sans raison balbutiés tcut bas.
A. DE MuSSBT.
balbutiement s. m. (bal-bu-sî-man —
rad. balbutier.) Manière de parler d'une per-
sonne qui balbutie : Le balbutiement d'un
enfant. Un ivrogne à balbutiement et à
hoquets. (Volt.) Le balbutiement peut être
habituel ou accidentel. (Béclard.) Il Mots pro-
noncés en balbutiant : Laissons le berceau
aux nourrices, et nos premiers sourires , et nos
premières larmes, et nos premiers balbutie-
ments à l'extase de nos mères. (Lamart.)
— Par anal. Paroles prononcées indistinc-
tement Ou au hasard : Tout en me promenant,
je faisais ma prière , qui ne consistait pas en
un vain balbutiement des lèures. (J.-J. Rouss.)
— Encycl. Observé presque exclusivement
chez les enfants qui n'ont point encore acquis
le développement des organes vocaux, le bal-
butiement peut exceptionnellement avoir pour
cause une vive émotion, une grande frayeur,
ou même simplement l'ivresse ; il est aussi
quelquefois symptomatique d'une maladie, et
alors il est produit par 1 impuissance dans la-
quelle se trouve le système nerveux central
de commander aux organes de la phonation.
Le seul moyen efficace pour remédier à ce
défaut consiste à faire parler très-hautement,
de manière à faire prendre l'habitude d'arti-
culer très-distinctement toutes les syllabes et
tous les mots.
BALBUTIER v. h. ou intr.- (bal-bu-si-é —
lat. balbutire, même sens ; de balbus, bègue
■ — prend deux t de suite aux deux premières
pers. plur. de l'imparf. de l'ind. et du prés.
au subj. : Nous ba'bktiions , que vous balbu-
tiiez). Prononcer indistinctement, avec hési-
tation et difficulté; se dit surtout de ceux
qui ont de la peine à prononcer les lettres b
et l : On a de la peine à comprendre ce qu'il
dit, il ne fait que balbutier. (Acad.) Quand
on a trop bu, on commence à balbutier. (Trév.)
Il n'est pas possible que quand la mémoire va-
cille, la langue ne balbutieras. (J~.-J. Rouss.)
— Par ext. Hésiter en parlant, avoir de la
peine à s'exprimer, par timidité, par crainte
ou par quelque autre sentiment qui cause du
trouble : Lorsqu'elle me parlait, je balbu-
tiais sans lui pouvoir répondre. (Chateaub.)
Le savant était terrassé; il faisait peine à
voir, il balbutiait comme, un écolier pris en
faute. (E. Sue.) mile perdit tout à fait conte-
nance, balbutia et ne répondit rien. (G. Sand.)
Il Paçler confusément et sans connaissance
suffisante : Tandis que nous balbutierons de-
vant un tableau, il t'aura, lui, vu, regardé
et jugé avec plus de célérité et de certitude.
(Grimm.)
Tel pour avoir, dans son salon.
Parlé très-haut, se croit un Cicéron,
Et balbutie a la tribune. Lavalette.
- — v. a. ou tr. Prononcer en balbutiant :
Balbutier sa leçon, son rôle. Il ne fallut rien
moins que tout un âge du monde pour parvenir
à former quelques syllabes et à balbutier
quelques mots. (Portalis.) La prière monte
d'elle-même sur les jeunes lèvres gui balbu-
tient à peine le nom de Dieu. (Guizot.) Il
balbutia quelques mots de civilité générale et
s'éloigna rapidement. (Alex. Dum.) Par poli-
tesse seulement, il crut devoir balbutier quel-
ques excuses. (Scribe.) Il sentit qu'il devenait
ridicule, balbutia une phrase d'écolier et
sortit. (Balz.)
O Dieu ! du bouche balbutie
Ce nom des anges redouté ;
Un enfant même est écouté
Dans le chœur qui te glorifle
Lamartine.
— Poétiq. Enoncer , dire d'une manière
enfantine : Vt'cfor Hugo, encore enfant, bal-
butiait des strophes qui faisaient faire silence
aux vieilles cordes de -la poésie de tradition.
(Lamart.)
— Sytl. Balbutier, bégayer , bredouiller.
L'enfant qui commence à parler balbutie; il
n'articule pas distinctement, il ne sait pas
encore donner a ses organes le jeu nécessaire
pour prononcer nettement tous les sons ; on
balbutie encore par timidité, par l'effet de
la vieillesse, quand la langue c'a pas ses mou-
vements libres , quand on n'a plus toutes ses
dents. Bégayer, c'est proprement répéter les
syllabes, soit parce que la syllabe suivante
paraît difficile à prononcer, soit pour gagner
du temps quand on ne sait pas trouver ce
qu'il faudrait dire. Bredouiller , c'est rouler
précipitamment ses paroles les unes sur les
autres, parler trop vite et ne faire entendre
que des sons confus et indistincts.
BALBUTIEUR, EUSE s. (bal-bu-si-eur —
rad. balbutier). Celui, celle qui balbutie.
BALBUZARD OU BALBUSARD S. ni. (bal-
bu-zar — de l'angl. bald-buzzard , buzard
chauve). Ornith. Genre d'oiseaux de proie
diurnes, établi aux dépens des aigles ou fau-
cons, dont on connaît doux espèces, qui habi-
tent l'une l'Europe, l'autre 1 Amérique. La
première se nourrit plus particulièrement de
poissons d'eau douce, la seconde de poissons
BAL
de mer : Le balbuzard est l'oiseau que nos
nomenclateurs appellent aigle de mer, et que
nous appelons en Bourgogne craupécherot, mot
qui signifie corbeau pêcheur. (Buff.) Le bal-
buzard ne vit que de poissons qu'il va chercher
jusqu'au fond de l'eau, après avoir plané au-
dessus , et s'être précipité du haut des airs,
comme le fait le faucon. (Bouillet.) Le balbu-
zard est, de tous les oiseaux de proie, l'espèce la
plus nombreuse aux Etats-Unis. (Lafresnaye.)
— Encycl. Le genre balbuzard appartient à
l'ordre des oiseaux de proie, famille des fal-
conidées, sous-famille des aquilinées. Buffon
donnait ce nom à une espèce du genre faucon,
de la division des aigles; Linné l'appelait falco
haliœtus, et Gmelin falco arundinaceus. Le
balbuzard a le sommet et le derrière de la
tête garnis de plumes brunes, bordées de
blanc. Une bande brune descend de l'angle de
l'œil et se confond, de chaque côté, avec les
rectrices supérieures. La poitrine est blanche,
avec des taches brunes et fauves ; les cuisses
et l'abdomen sont blancs, les grandes rémiges
noirâtres et dépassant la queue ; celle-ci est
carrée, brune, marquée de lignes transver-
sales d'une couleur plus foncée. Le bec est
noir, assez grand, presque droit à sa base,
avec une pointe crochue, très-acérée et très-
prolongée. Les cuisses et les jambes sont
très-musculeuses, couvertes de plumes cour-
tes, serrées et lustrées; les tarses sont courts,
gros et garnis d'écaillés hexagones, rudes et
saillantes; les doigts sont robustes, garnis en
dessous de pelottes rugueuses où 1 on voit de
petites écailles spiniformes, présentant l'aspect
d'une râpe; les ongles sont presque égaux
entre eux, très-grands, arqués en demi-cercle,
cylindriques en dessous et non croisés en
gouttière, comme dans la plupart des oiseaux
carnassiers. Les anciens naturalistes disaient
tous que le balbuzard nageait du pied gauche,
tandis qu'il saisissait sa proie du pied droit,
et ils croyaient que pour cela le pied gauche
seul était patoné, tandis que lé droit était armé
d'ongles ; Linné lui-même parait avoir par-
tngé cette croyance, puisque, dans la descrip-
tion de l'oiseau, il place les mots : Pes sinister
subpalmatus.
Le balbuzard vit presque exclusivement de
poisson. Percha sur les grands arbres dans
le voisinage des eaux douces, embusqué sur
les rochers du rivage, ou planant au-dessus
de l'eau, il guette su proie de loin, et, dès qu'il
l'aperçoit, fond sur elle comme un trait, plonge
sous les flots pour la saisir et l'emporte. Mais
il arrive souvent qu'un autre oiseau carnas-
sier, le pygargue it tête blanche , vient lui
disputer cette proie au milieu des airs. Comme
un pirate qui attend le passage des navires
pour les piller, le pygargue, perché au haut
d'un grand arbre, épie attentivement le bal-
buzard; dès qu'il le voit 'sortir de l'eau avec
un poisson, il se met à sa poursuite, le force
à faire des détours, à s'élever et à descendre,
spectacle extrêmement curieux pour ceux qui
l'observent, et, comme le balbuzard est gêné
par sa proie, il cède bientôt à la fatigue, lâche
le poisson, ^ue le pygargue rattrape presque
toujours avant qu il soit retombé dans l'eau
ou sur la terre.
Le balbuzard d'Europe est commun dans la
Bourgogne et dans les Vosges, où il dévaste
les étangs et les rivières. Celui d'Amérique
n'en diffère guère que parce qu'il habite les
rivages de la mer.
BALCANGUAL (Gautier), théologien écos-
sais, mort en 1645. Chapelain de Jacques 1er,
roi d'Ecosse, il le suiv.it en Angleterre, tra-
vailla à la Déclaration de Charles I<" concer--
nant les derniers troubles d'Ecosse (1630), et
représenta l'Eglise d'Ecosse au synode de
Dordrecht, sur lequel il public des Lettres. On
a aussi de lui des Sermons et d'autres écrits.
BALCARRAS (Alexandre Lindsay , comte
db), général anglais, né en Ecosse, fit la
guerre d'Amérique et reçut, en 1793, le com-
mandement de l'Ue de Jersey. Dans ce poste,
il seconda toutes les mesures contre la Répu-
blique française, et, quand lès Français mena-
cèrent Jersey, il voulut faire prendre les
armes aux nombreux prêtres émigrés qui se
trouvaient dans l'île. Nommé ensuite com-
mandant de la Jamaïque, il se rendit fameux
par les mesures cruelles qu'il prépara pour
réprimer une révolte de noirs marrons. Il
avait fait venir de Cuba un cent de ces chiens
à sang, de la race de ceux qu'employèrent
autrefois contre les Indiens les barbares con-
quérants du nouveau monde. Les noirs se
soumirent, en posant des conditions, qui
furent stipulées par un traité. Mais le perfide
gouverneur, après avoir obtenu leur désarme-
ment, se saisit de ces malheureux, au mépris
de ses serments, et les lit déporter dans les
régions glacées de la Nouvelle-Ecosse, où ils
moururent tous. Les propriétaires de la Ja-
maïque n'en offrirent pas moins à Balearras
une épée d'honneur. Il devint dans la suite
officier général.
BALCHACH ou BAIKIIACII-NOOR, grand
lac de la Russie d'Asie, dans la contrée des
Kirghis, entre 46<> et 470 35' lat. N., et 720
76" 25' long. E. ; reçoit plusieurs cours d'eau.
DALCHEN (Jean), amiral anglais, né en
156D, prit part à diverses expéditions et périt
dans une tempête avec tout l'équipage, en-
glouti avec son vaisseau la Victoire, devant
l'île de Jersey, le 3 octobre 1744. Un monu-
ment fut élevé dans l'abbaye de Westminster,
BAL
pour rappeler la mémoire de ce trïst? évé-
nement.
BALCHRISTE s. m. (bal-kri-ste — du nom
du village de Batchristy). Hist. relig. Membre
d'une secte qui s'est séparée de l'Eglise d'E-
cosse au xvme siècle; elle avait été fondée
par des ministres du village de Balchristy,
dans le comté de Kife.
BALCOIN (Marie), sorcière du pays de
Labour, qui vivait sous le règne de Henri IV.
L'auteur du livre de VInconstance des démons
raconte qu'elle fut brûlée vive pour avoir,
dans une assemblée nocturne , inangi IV-
reille d'un petit enfant.
BALCON s. in. (bal-kon. — Etym. dout. :
de l'allem, balk, poutre, dont les Italiens ont
fait palcone, balcone, balco, plancher, estrade,
balcon ; — du gr. battd, je lance, parce que, se-
lon Covarruvias.-les balcons étaient primiti-
vement des tourillons, des sortes de bretè-
ches. du haut desquelles on lançait des dards
sur l'ennemi ; — du pers. bâta khaneh, cham-
bre ouverte au-dessus de la grande entrée).
Saillie sur une façade, portée par des consoles
on des colon nés et entourée d'une balustrade!
Prendre l'air sur un balcon. (Acad.) La reins,
' tenant te prince entre ses bras , se montra sur
un balcon du palais. (St-Sim.) Nous étions
trois ou quatre mille sur la grande place devant
le palais ; alors la reine apparut au balcon.
(Scribe.) Souvent , du haut d'un balcon , il
regardait ses chasseurs combattre des ours.
(Mérimée.)
Une femme parut au balcon : c'était elle ." -
Lamartine.
Et du haut d'un balcon, pour calmer la tempête,
Sur ses nouveaux sujets faisons voler sa tète.
^ Corneille.
...... D'un balcon chez mon frère
J'ai vu... que ne peut-on , madame , vous le taire*
Cû&NBlLLB.
Sire, le sang n'est pas une bonne rosée,
Et le peuple des rois évite le balcon.
Quand aux dépens du Louvre on meuble Mont-
[ fauooii.
V. Huoo.
— Par ext. Ouvrage de serrurerie ou du
menuiserie servant d <ippui à une fenêtre on
à un balcon proprement dit : Un balcon en
bois de chêne. Un balcon o enroulements. La
nuit était avancée ; immobile près du balcon
de sa fenêtre, il regardait le ciel. (H. Beyle.)
— Par anal. Saillie quelconque, sur une face
verticale : ■ Je suis parvenu par ce sentier
jusqu'à une façon de balcon branlant, prati-
qué tout au fond sur le gouffre. (V. Hugo.)
— Thé4tr. Prolongement do la première
galerie jusqu'à l'avant-seènej à droite et à
gauche : La présence d'une jolie -danseuse
donne de l'attention forcée aux âmes blasëez
ou privées d'imagination gui garnissent ie
balcon de l'Opéra. (H. Beyle.)
Quoi ! l'orchestre est tout plein et les balcons aussi ?
E. Augiëe.
— Mar. Galerie couverte ou découverte,
établie à l'arrière de quelques vaisseaux :
Sa Majesté n'estima pas qu'il fût bien néces-
saire de faire abattre les balcons et la
sculpture des vaisseaux de ladite escadre.
(Seignelay.)
— Techn, Chez les fondeurs, Métal qui se
trouve à l'extrémité des pièces eoulées , au
point de réunion des moules.
— Encycl. 11 n'y avait point de balcons dans
les édifices des anciens; chez eux, la' maison
était comme un sanctuaire fait pour goûter
en paix les douceurs de la famille, et, quand
ils entraient dans ce sanctuaire, ils ne son-
geaient plus ni à voir ce qui se passait uu
dehors ni a se montrer au public ; leurs femmes,
d'ailleurs^ devaient se renfermer entièrement
dans la vie domestique ; si les maisons avaient
eu des balcons, il aurait fallu leur en interdire
l'usage, et il n'eût pas été facile peut-être
d'obtenir d'elles une soumission bien complète
à une interdiction de ce genre. Cependant
certaines maisons de Rome avaient des me-
niana ou mœniana, et ce mot a quelquefois W-.
traduit en français par balcon; mais on sait
que les mmniana, furent ainsi nommés de
Jlœnius, citoyen romain qui, ayant vendu
aux censeurs Caton et Flaccus sa maison
située sur la place des spectacles, se ré-
serva la jouissance d'une sorte de terrasse,
d'où l'on pouvait voir ce qui se passait au
dehors, et il est probable que cette terrass*
n'était que la partie supérieure d'une espèce û«
portique continu, semblable b. ce que les Ita-
liens appellent loggia. C'est au moyen âge que
les balcons proprement dits commencèrent k
devenir a la mode, et ils jouent un grand rôle
dans les fastes de la chevalerie : c'est sous le
balcon de leur belle que les chevaliers venaient
chanter des romances en s'accompagnant du
luth ou de la guitare , c'est de la quelle leur
prodiguait les doux regards ou qu'elle leur
jetait une écharpe dont ils se paraient avec
orgueil.
Les balcons primitifs furent vraisemblable-
ment construits, comme les bretèches, au
moyen de solives faisant saillie à l'extérieur
des édifices , et disposées de façon à ce qu'on
pût s'y placer à couvert, et ayant vue tn
dehors sans être vu soi-même. Les Italiens
ont conservé l'usage de balcons de ce génie,
auxquels ils donnent le Dom .de mignani, qui
n'est évidemment qu'une corruption de mm ■
niana •• ce sont des espèces d avant-corps,
vitrés et garnis de jalousies, véritables hors-
d'cem're qui gâtent souvent l'ordonnance de
BAL
BAL
BAL
BAL
97
lecture, mais qui, par leur nature, peuvent
Être considérés comme tout à fait indépen-
dants de la construction.
La mode des balcons découverts s'est ré-
pandue depuis longtemps en France et dans
d'autres pays. « Cette mode, dit Quatremère
de Quincy, est une de celles auxquelles l'ar-
chitecte est obligé de sacrifier le plus sou-
vent, et l'ensemble des façades extérieures, et
les proportions de leur détail. Rien ne dépare,
plus l'ordonnance des palais et des maisons
que ces saillies, presque toujours en porte-à-
faux , dont une fausse hardiesse de construc-
tion semble tirer un puéril honneur. Rien ne
gâte plus la forme des croisées que cette lon-
gueur démesurée, nécessaire a l'ouverture
du balcon, et qui fait sortir la fenêtre des pro-
portions que 1 oeil juge être des plus belles. »
Cette opinion sur les balcons nous semble
trop sévère. Quelque étranger que ce genre
de construction puisse être aux principes de
l'architecture classique, nous croyons qu'il
n'est pas impossible d'en tirer d'heureux effets
dans l'ordonnance générale d'un édifice et de
dissimuler ce qu'il peut y avoir de lourd par
un habile arrangement. Aujourd'hui, que le
beau sexe n'est plus condamné à vivre ren-
fermé dans l'intérieur des maisons , que le
plaisir de voir les passants et d'en être vu est
devenu général , il n'y a presque pas de mai-
sons importantes sans balcons découverts.
Aujourd'hui, la mode des balcons est devenue
générale, et presque toutes l'es maisons un peu
considérables que l'on construit dans nos
grandes villes en sont ornées : on en compte
aujourd'hui plus de cent mille a Paris. On doit
regretter seulement que ces saillies de pierre,
même lorsqu'elles sont garnies de balustrades
élégantes ou -de grilles dorées, rompent la
symétrie des lignes, dispensent l'architecte
de chercher les grands effets d'ensemble et
fassent que nos plus" riches constructions mo-
dernes sont complétementdépourvues de style.
Mais ici l'utilité et l'agrément l'emportent sur
la symétrie , et l'on est forcé de reconnaître
qu'il y a une compensation suffisante.
Les balcons sont ordinairement de plain-pied
avec le parquet des appartements; les plus
ftetits n'occupent que 1 espace de la baie entre
es deux panneaux d'une seule fenêtre, d'autres
embrassent plusieurs fenêtres, quelques-uns
même régnent sur toute l'étendue d'une façade ;
mais, dans ce dernier cas, un grillage sépare
chaque appartement.
Quand un propriétaire veut établir un balcon
donnant sur la voie publique , il doit obtenir
d'abord la permission de l'autorité municipale.
A Paris, les petits balcons ne doivent pas dé-
passer 22 centimètres de saillie ; les grands
peuvent s'avancer jusqu'à 80 centimètres en
dehors des murs , mais ils ne peuvent être
établis que 'sur les places ou carrefours, et sur
les rues qui ont au moins 10 mètres de lar-
geur; ils doivent être élevés à 6 mètres au
moins au-dessus du sol. Partout ailleurs qu'à
Paris et sur les voies publiques, la loi défend
de construire un balcon, s'il n'y a 19 décimè-
tres au moins de distance entre ce balcon et
la propriété du voisin ; en outre, il doit tou-
jours rester un espace de 6 décimètres entre
l'extrémité latérale du balcon et la propriété
voisine.
BALDACCHWI (Philippe), poète italien,
né à Cortone , florissait dans la première
-moitié du xvie siècle. Il était protonotaire
apostolique sous Léon X. Parmi ses poésies,
on connaît surtout : Nox ilhaninata, ovvero
predica d'amore (Florence, 1519), recueil mé-
langé, comme son titre , de latin et d'italien;
Protocinio, nel quale si contiene Stato del
amore, Pregki d'amore, etc. (1525).
BALDACGI (le baron Antoine), diplomate
autrichien, né à Presbourg en 1767, mort
vers 1830. Ministre de l'empereur François II,
il prit part à la guerre de 1809, et fut attaché
aux armées de la coalition en 1813, 1814 et
1815. Il se fit remarquer par sa haine contre la
France et Napoléon.
BAI.DAMUS (Jacques-Conrad), théologien
allemand, né à Metzendorf, prov. de Magde-
bourg, en 1694, mort en 1755. Il remplit à
Halle diverses fonctions ecclésiastiques, entre
autres celle de doyen général. On a de lui
de nombreux écrits, notamment : Dissertatio
de veritate religionis cArûtfar«E(ni8); Medi-
tatio theologica de arbore scientiœ boni et
mali,,,.. (1732).
baldaquin s. in. (bal-da-kain— del'ital.
baldacchino, même sens , formé de Baldacco,
nom italien de la ville de Bagdad, d'où se
tirait l'étoffe, tissée d'or et de soie, employée
à la confection des dais). Ouvrage d'architec-
ture en bois, en marbré ou en métal, qui cou-
ronne l'autel d'une église : Le baldaquin de
Saint-Pierre de Rome. Le baldaquin de l'é-
glise des Invalides, du Val-de-Grâce, à Paris.
il Tenture dressée au-dessus d'un trône de
prince ou d'évêque, d'un catafalque, etc. :
Un baldaquin cramoisi, garni de franges d'or,
couvrait le jeune couple et les parents. (J. de
Maistre.) Au-dessus du trône s'élevait un bal-
daquin porté sur des lions d'argent et six
griffons du même métal. (Mérimée.) il Sorte de
tenture sous laquelle on porte le Saint-Sacre-
ment, sous lequel on reçoit les princes, les
évêques. En ce sens, aujourd'hui, on ne dit
plus que dais, il Petit dais garni d'étoffe,
qu'on suspend au-dessus d'un lit, et auquel
tiennent les rideaux ; Baldaquin de soie, de
velours. Lit à baldaquin. Puis , au fond de
u.
cette pièce, se dressait un de ces anciens lits,
d'une largeur démesurée, à baldaquin et a
quatre rideaux de serge grise et rouge. (E. Sue.)
— Par anal. Objet affectant ou rappelant
la forme d'un baldaquin : Pour lui, la terre
n'était qu'une platitude, et le ciel qu'un balda-
quin. (J. de Maistre.) Chaque fenêtre était
ornée de rideaux en damas vert, relevés par
des cordons à gros glands qui dessinaient
d'énormes baldaquins. (Balz.)
— Ane. comm. Nom donné , pendant le
moyen âge, à une. étoffe très-estimée, que
l'on tirait de l'Orient et qui était de soie en-
richie ou non de broderies, tantôt plates,
tantôt en fort relief. Il On disait aussi bau-
dequin.
— Encycl. On a longtemps donné le nom
de baldaquin au dais que l'on porte, dans les
processions, au-dessus du Saint-Sacrement ;
ce mot ne désigne plus aujourd'hui, dans le
langage ecclésiastique, qu'un ouvrage d'ar-
chitecture, en forme de dôme, soutenu par des
colonnes, ou un ciel en étoffe qui sert de cou-
ronnement au maître-autel des églises, au
trône des, princes, des évêques, des abbés
mitres et des grands personnages. Il n'est pas
facile de préciser l'époque où 1 on a commencé
à employer le baldaquin : il en est fait men-
tion pour la première fois dans l'histoire d'In-
nocent III, en en 1198. Quand les baldaquins
ne sont pas en bois ou en métal, les étoffes
dont ils sont formés doivent être de la couleur
que demande l'office du jour. Ceux des abbés
mitres ne pouvaient être tissus d'or. Le plus
magnifique baldaquin connu est celui de Saint-
Pierre de Rome, véritable chef-d'œuvre qui
excite l'admiration de tous les étrangers et
particulièrement des artistes. Il fut construit
sous le pontificat d'Urbain VIII, par le célèbre
Bernin , qui y employa cent quatre-vingt-six
mille trois cent quatre-vingt-treize livres de
bronze arraché au portique du Panthéon par
le pape Urbain VIII, acte de vandalisme que
ne justifie pas le saint emploi qu'on fit de ce
métal précieux. Ce baldaquin est 'porté sur
quatre colonnes torses, au-dessus desquelles
s'élèvent quatre statues d'anges en pied et
plusieurs autres statues; des quatre coins
partent d'énormes guirlandes de bronze qui
vont s'unir au milieu, où elles soutiennent un
globe dans lequel est plantée la croix qui cou-
ronne le tout. Les colonnes sont en partie
cannelées et en partie couvertes de magni-
fiques arabesques richement dorées, comme
l'est le baldaquin tout entier. L'or y a telle-
ment été prodigué, qu'on y employa la valeur
d'un million de notre monnaie. Le baldaquin
est élevé de 20 mètres au-dessus du sol, et il
couvre, avec l'autel où le pape célèbre la
messe, le visage tourné vers le peuple, la
Confession de saint Pierre et le tombeau des
apôtres.
L'usage du baldaquin dans les appartements
privés est considéré à Rome comme une pré-
rogative. Il y en a trois dans les palais aposto-
liques : un dans la salle d'audience, un second
dans la salle à manger, et un autre dans la
salle où se tiennent les consistoires, les con-
grégations, etc. Ces baldaquins sont en damas
ou en velours de soie cramoisi, avec des
franges et des galons d'or. Ceux des cardi-
naux sont en damas rouge; ceux des prélats
et de l'auditeur de la chambre, un peu plus
petits que ceux des cardinaux., sont en damas
violet. En dehors des personnages revêtus de
dignités ecclésiastiques, le privilège du bal-
daquin appartient aux sénateurs et au gou-
verneur de Rome, aux princes romains et aux
ambassadeurs étrangers; enfin , par une con-
cession particulière, quelques nobles marquis,
qu'on appelle pour cela marquis de baldaquin,
1 érigent dans leur salon de réception; parmi
les comtes, le seul comte Soderini, dont la fa-
mille était anciennement alliée a celle des
Médicis de Florence, jouit de ce privilège.
BALDARI (Jean-Baptiste), peintre de l'école
génoise, vivait vers la fin du xvio siècle. 11
aida le Paggi dans ses travaux de la cathé-
drale de Pistoie et peignit seul, à. fresque, des
traits de la vie de saint Félix, a la chapelle du
Saint-Sacrement.
BALDASSABI (Joseph), naturaliste italien,
professeur & Sienne, vivait vers le milieu du
xvme siècle. Il a publié divers travaux sur
les sciences naturelles. Ce fut lui qui démon-
tra le premier que la craie est une espèce de
sel. On connaît de lui, en italien : Observations
sur le sel de la craie, avec un Essai sur les pro-
ductions naturelles de l'Etat de Sienne (1750);
des Eaux minérales de Chianciano (1756).
BALDASSERONI (Pompée), jurisconsulte
italien, né à Livourne, mort en 1807 à Brescia,
où il était conseiller à la cour d'appel. Ses
principaux écrits sont : Traité de la lettre de
change (4m.e édition, 1805) ; Dissertation sur la
nécessité de rédiger un code général du com-
merce de terre et de mer du royaume d'Italie.
(11 en avait réuni les matériaux.)
BALDASSERON1 (Jean), homme politique
italien, né à Livourne en 1790, était adminis-
trateur dès finances en 1845, lorsqu'il fut
nommé par le grand-duc de Toscane con-
seiller d'Etat, et peu après directeur général
des finances. Devenu sénateur, il rentra .au
ministère en 1849, accompagna le grand-duc
à Vienne,suspendit la constitution et supprima
la liberté de la presse. Il augmenta par un
emprunt le chiffre de la dette et ajouta aux
impôts directs et indirects. Depuis la restau-
ration du grand-duc, et malgré les sages con-
seils du gouvernement piémontais, il s'opposa
toujours obstinément au rétablissement du
régime constitutionnel qui seul eût pu main-
tenir en Toscane la dynastie de Lorraine.
Baldasseroni a été appelé le mauvais génie du
grand-duc, et non sans raison, car son hosti-
lité aux idées libérales amena la chute de
Léopold II, le 27 avril 1859.
BALDASS1NI (Jérôme), historien italien, né
k Jesi (Marche d'Ancôue) vers 1720, mort en
1780. Il consacra sa vie à des recherches sur
l'histoire de sa ville natale, et publia, en 1765,
une excellente monographie, Mémoires histo-
riques sur la ville de Jesi.
BALDAYA (Alfonzo-Gonzalvez), voyageur
portugais du xve siècle, partit vers 1434, par
ordre de l'infant don Henriqûe, si célèbre dans
l'histoire de la navigation; explora la côte
occidentale d'Afrique, s'avança plus de cin-
quante lieues au delà du cap Bojador, entra
dans une baie à laquelle il donna le nom
d'An^ra dns rivos, et dans une seconde expédi-
tion pénétra plus avant encore, puis revint en
Portugal en 1436, rapportant une ample mois-
son d'observations dont s'enrichit i& science
géographique.
BALDE s. f. (bal-de). Métrol. Poids usité à
Lisbonne pour le charbon et qui équivaut à
356 kil. 9.
BALDE (Camille). V. Baldi.
BALDE (Jacques), jésuite, poëte latin- mo-
derne, né a Ensisheim (Alsace) en 1603, mort
en 1608. Il se fit applaudir à la cour de Ba-
vière comme prédicateur, dans toute l'Alle-
magne pour ses poésies, et fut surnommé
l'Horace de son pays. Un de ses poèmes, inti-
tulé Urania victrix, lui valut une médaille
d'or de la part du pape Alexandre VII. Ses
œuvres choisies ont été publiées à 2urich,
en 1805.
BALDE ou BALDEUS (Philippe), mission-
naire hollandais, vivait à la fin du xviie siècle.
Il prêcha l'Evangile dans l'île de Ceylan, où
il était en outre représentant de la compagnie
des Indes orientales. Il a laissé un ouvrage
intéressant : Description de l'ile de Ceylan, de
Malabar et de Coromandel (en hollandais,
1672).
BALDE DE UBALDIS (Pierre), célèbre ju-
risconsulte italien, né àPérouse en 1324, mort
d'hydrophqbie en 1400, par suite de la morsure
d'un chien enragé ; professa le droit à Pérouse,
h Padoue, à Pavie, et devint le rival de son
ancien maître, Barthole. Ses écrits sont peu
estimés aujourd'hui.
BALDELLI (François), littérateur et traduc-
teur italien, né à Cortone, fiorissait dans la
seconde moitié du xvie siècle. Outre des poé-
sies dans le genre sérieux et dans le genre
plaisant {giocoso), il a donné des traductions
estimées de la Vie d'Apollonius de Tyane, de
Philostrate; de l'Histoire romaine, de Dion
Cassius ; de la Bibliothèque historique, de Dio-
dore de Sicile; des Antiquités judaïques et de
la Guerre des juifs contre les Romains, de Jo-
sèphe; des Commentaires de César, édition
que le célèbre architecte Palladio enrichit
d'une préface sur l'art militaire des anciens
et de plusieurs planches, etc.
BALDELLI (le comte Jean-Baptiste), lit-
térateur italien, né à Cortone en 1766, mort
en 1831. Il servit jeune dans les armées fran-
çaises, émigra en 1791 et combattit dès lors
contre la république dans les rangs de l'armée
de Condé, dans les troupes de la Prusse, de
l'Autriche, enfin du grand-duc de Toscane,
jusqu'en 1800. Après divers voyages, il revint
dans sa patrie, où il remplit quelques fonc-
tions publiques. Il mourut gouverneur de
Sienne. Depuis 1815, il était président de l'aca-
démie de la- Crusca. Outre de bonnes édi-
tions des Œuvres de Machiavel, des Rimes de
Boccace, des Voyages de Marco Polo,. on lui
doit de nombreux articles et dissertations, un
ouvrage rempli de recherches, Pétrarque et
ses œuvres (Florence, 1797); une Vie de Boc-
cace très-estimée (Florence, 1806), et un Eloge
de Machiavel placé en tête de son édition du
célèbre publtciste.
BALDENECEEH (Jean-Bernard), composi-
teur de musique, né à Francfort-sur-le-Mein,
au commencement de ce siècle. On connaît de
lui des duos, un divertissement, le Cercle,
pour violon, alto et violoncelle; des polo-
naises et différents morceaux pour piano et
violon. — Son père, Baldenecker (Nicolas),
était également un compositeur estimable.
BALDER, deuxième fils d'Odin et de Frigga,
était chez les peuples Scandinaves le dieu de
la bonté et de la beauté mâle, l'auteur de tout
bien. Sa grâce l'entoure comme une auréole, et
sa belle chevelure brille d'une douce lumière.
Il habite un palais magnifique, appelé Brei-
dablick (grand éclat), dont les colonnes sont
couvertes d'inscriptions runiques, pour rappe-
ler les morts à la vie. Depuis quelque temps,
Balder faisait des rêves terribles et voyait sa
vie en danger : il en fit part aux autres dieux,
qui tinrent conseil, et Odin, qui prévoit tout,
résolut, malgré sa science, de consulter une
devineresse. Mais le Destin, auquel les douze
grands dieux ou ases sont soumis comme les
mortels, a prononcé son arrêt sur le sort de
Balder. Sa mère, Frigga, inquiète pour son
fils aimé, fait prêter a tous les êtres animés
et inanimés le serment de ne pas nuire à
Balder ; une seule plante qui croissait à la
porte de "Walhalla (le paradis Scandinave ou
plutôt l'Olympe des dieux) fut négligée par
elle à cause de sa petitesse et de son peu
d'importance; c'était le gui. Loke, le dieu du
mal, qui ne pensait qu'à nuire, apprend bien-
tôt cet oubli de Frigga j et pendant que les
dieux se divertissent dans Asgard à éprouver
l'invulnérabilité de Balder, en lançant contre
lui des pierres, des flèches, en le_frappant
même du glaive, Loke va trouver. Hoder,
le frère de Balder, qui est aveugle, et lui re-
proche de ne pas preudre part au jeu. Mais
Hoder lui répond qu'il ne peut pas rivaliser
d'adresse avec les autres ases, puisqu'il n'y
voit pas et qu'il n'a d'ailleurs pas d armes.
Loke lui met alors une branche de gui dans
la main , en le poussant a faire l'essai de son
hiiljileté. Hoder jette le gui vers Bulder, qui
tout aussitôt tombe mort. Les dieux terrines
restent immobiles et muets; un pareil mal-
heur dépasse leur intelligence. Ils sont rem-
plis d'indignation, mais ils ne peuvent se
venger, car Asgard est un asile sacré et in-
violable. Ils prirent donc le cadavre du dieu,
et le portèrent sur son navire Ringhorn, pour
y allumer le bûcher et le pousser alors loin
du rivage dans la mer. Mais il fut impossible
de faire mouvoir le bateau. Il fallut envoyer
chercher l'enchanteresse Hyrrokian, qui ar-
riva montée sur un loup qu'elle menait avec une
bride composée de serpents. Elle poussa avec
un tel effort le vaisseau que le bois en prit
feu; on y porta le cadavre de Balder et celui
de son épouse Narma, la fille de Neff, qui était
morte de douleur. Thor, le dieu du tonnerre,
était présent; un nain qui embarrassait sa
marche fut jeté par lui dans le feu. Odin avec
ses corbeaux, Frigga et les Walkyries, Frey
avec son sanglier, Freya et ses chats, et beau-
coup de géants, assistaient à la cérémonie.
Odin mit sur le bûcher son anneau d'or,
drupner, qui, dès ce moment, eut la faculté de
produire toutes les neuf nuits huit anneaux aussi
lourds que lui. Après les funérailles, Frigga,
la mère de Baliter, réunit les dieux et leur
annonça que celui qui voudrait avoir toute sa
faveur devait descendre chez Hela, dans le
séjour des morts, pour lui offrir en son nom
une rançon pour son fils. Hermode, le diligent
messager, s offrit à l'instant, et reçut, pour
accomplir cette mission, le cheval merveilleux
de son père Odin. Pendant neuf jours et neuf
nuits il fut en route ; enfin il atteignit le pont
Giall par lequel on traverse le fleuve infernal.
Ce pont est couvert tout entier en or, et une
jeune vierge qui le garde s'informa de son
nom et de son sexe. ■ Hier, dit-elle, cinq fois
cinq mille morts passèrent sur ce pont, mais
ils n'en firent pas retentir les arches sous les
fers de leurs chevaux comme toi, qui es
seul. Tu n'as pas la couleur des trépassés!
Que viens-tu faire ici? — Je cherche Balder,
répondit Hermode; ne l'as-tu pas vu sur le
char de Hela? — Il a passé le pont, je l'ai vu,
mais la route des morts est plus au nord. »
Hermode continue son chemin ; enfin il arrive
à la grille; il sangle son cheval, et d'un bond
le fait sauter par-dessus l'obstacle. Il trouve
Balder dans le palais de Hela, sur le trône
même, et passe la nuit près de lui. Le lende-
main, il se présente devant Hela et lui expose
le désir des dieux. « S'il est vrai, dit la déesse,
que Balder est aussi regretté sur la terre,
j en demande une preuve. Que tous les êtres
vivants ou inanimés pleurent sur sa mort, et
je le laisserai partir; mais si un seul s'y re-
fuse, il restera avec Hela. • Ainsi parla-t-elle,
et Hermode dut porter cet arrêt aux dieux.
Des messagers furent envoyés dans toutes les
directions pour obtenir ce que Hela exigeait;
déjà on croyait avoir réussi, quand, dans une
caverne retirée, une femme de géant, une sor-
cière, nommée Thock, refusa obstinément de
pleurer. Loke, le dieu méchant, l'avait excitée
a cette insensibilité et l'encourageait dans sa
résolution. Toutes les prières furent inutiles.
Balder dut rester avec Hela jusqu'à la fin du
monde, jusqu'au grand crépuscule. Alors il
rebâtira avec ses frères le Gimle (le ciel) et
y régnera éternellement.
On a vu dans ce gui si funeste à Balder et
à tous les ases une allusion au druidisme et
à la religion celtique, dont ils redoutaient les
développements, et dans la lutte entre Loke et
Balder une personnification de la lutte entre
les massagètes, les adorateurs du feu qui n'a-
vaient pas accepté le culte de Bouddha, et les
ases qui étaient restés fidèles à leur religion
primitive.
BALDÉRIC, le Rouge, chroniqueur fran-
çais, mort en 1097, fut éveque de Noyon et de
Touvnay. Il reste de lui une CAroniçue de
Cambray et d'Arras qui s'étend de Clovis à
l'an 1090. C'est un ouvrage curieux, et plein
de savantes recherches. MM. Faverot et Petit
l'ont traduit en français (Valenciennes, 1836)
sur l'édition revue en 1834 par M. Le Glay.
BALDÉHIC ou BAUDRY, chroniqueur, né à
Meung-sur-Loire, mort en 1130. Il lut abbé de
Bourgueuil, puis évêque de Dol en u 07. On a
de lui une bonne Histoire de la première croi-
sade, insérée dans le recueil de Bongars. Le
fond en est pris de Theudebode, historien
exact, dont il retoucha le latin barbare, et
qu'il compléta par des récits de témoins ocu-
laires. C'est le plus considérable de ses ou-
vrages. Ordéric Vital y a souvent puisé.
Balaéric a écrit eu outre une Vie de Robert
d'Arbrissel, dont il avait été l'ami ; une Lettre
curieuse aux moines de Fécamp, sur les mœurs
des Bas-Bretons et l'état des monastères d'An-
gleterre et de Normandie (dans le recueil de
13
98
BÀL
i
dom Bouquet) ; une sorte de chronique rimêe
du règne de Philippe I" (dans les Historiens
de France, de Duchesne) ; eDfin, un fragment
de poème sur la conquête de l'Angleterre par
Guillaume, conservé en manuscrit à la Biblio-
thèque impériale.
BALDEWIN ou BAUDOUIN, moine de Reims
qui vivait dans le xne siècle. Il a écrit un ou-
vrage intitulé De miracul.it sancti Gibriani.
Ces miracles se seraient accomplis en 1145, et
l'auteur prétend en avoir été témoin. Sa rela-
tion a été publiée par Daniel Papebrooh en
1688, dans le t. Vil des Acta sanctorum.
BALDI ou BALDE (Camille), savant littéra-
teur italien, né à Bologne vers 1547, mort en
1634. Il professa longtemps la logique et la
philosophe à l'université de sa ville natale.
.1 a donné de nombreux écrits ; les plus re-
marquables sont les suivants : In Physio-
gnomica Aristotelis commentant, etc. (1621) ;
Trattato corne da una lettera missiva si conos-
cono la natura e qualilà dello scrittore (1622) ;
Délie mentite e offense de parole corne si pos-
sono accomodare, réimprimé avec addition
après la mort de l'auteur; Délie imprese an-
nesso ail' Introduzione allavirtù morale (1624) ;
De humanorum propensionum ex tempérament!
pramotionibus tractatus (1629-1649), etc.
BALDI ou BALDUS, médecin italien, né à
Florence, mort en 1045. Il devint médecin
des papes Urbain VIII et Innocent X et pro-
fessa la médecine au collège de la Sapience.
Il a laissé sur son art de nombreux ouvrages
fort estimés en leur temps, mais qui n'ont plus
un grand intérêt aujourd'hui.
BALDI (Joseph), médecin italien, vivait à
Florence vers la fin du xvuc siècle. Il a laissé
en manuscrit un ouvrage curieux pour le
temps et qui contient des recherches et des
observations sur la propagation des champi-
gnons, sur leur structure , sur les causes des
principes vénéneux que possèdent un si grand
nombre d'espèces , etc. Micheli a beaucoup
puisé dans cet ouvrage et le cite avec éloge.
BALDI (Lazzaro), peintre et graveur à l'eau-
forte italien, né a Pistoie en 1624 suivant
Pascoli, en 1623 suivant Orlandi, mort a Rome
en 1703. II se forma dans cette dernière ville
sous la direction du Cortone, dont il fut l'un
des plus habiles imitateurs. Ses ouvrages les
plus remarquables sont: à Rome, une Annon-
ciation, dans l'église de Saint-Marcel; Saint
Philippe de Neri, dans celle de Saint-Atha-
nase; la Vierge, sainte Catherine et sainte
Brigitte, dans cellede SantaMaria dellaPace ;
Saint Jean V Evangélistef tigure colossale peinte
a fresque dans la basilique de Saint-Jean de
Latran; à Camerino, Jésus instituant saint
Pierre chef de l'Eglise, l'un de ses tableaux
les plu3 étudiés; à Florence; la Vierge au ro-
saire, dans l'église des Dominicaines, et Saint
Pierre d'Alcantara avec sainte Thérèse, dans
celle d'Ognisanti (Tous les Saints) ; à Pistoie,
une Annonciation , dans l'église de Satnt-
François, et le Repos en Egypte, dans celle de
Notre-Dame d'Humilité. Baldi a peu gravé :
on cite parmi ses eaux-fortes une Circoncision
de son invention. Il- a publié à Rome, en 1681,
l'ouvrage suivant qui est fort rare : Compendio
délia vita di D. Lazzaro monaco epittore (in-16).
BALDI (Antonio), peintre et graveur à Feau-
forte et au burin, né en 1692, à la Cava, dans
les Etats de Naples; élève de F. Solimena pour
la peinture et d'Andréa Mogliar pour la gra-
vure. Il a gravé quelques ligures de bienheu-
reux, d'après ses propres dessins, et plusieurs
portraits, parmi lesquels ceux de Charles VI,
empereur d'Allemagne ; de don Carlos, roi des
Deux-Sieiles ; du médecin Nie. Cyrillus, etc.
BALDI (Pier-Maria), peintre et architecte
florentin , vivait dans la seconde moitié du
xvii*! siècle. Il était surintendant des bâtiments
du grand-duc Cosme IH, et il prit part à tous
les travaux publics exécutés sous le règne de
ce prince. Comme peintre, on estime surtout
son Baptême de saint Augustin, dans le cloître
de Santo-Spirito, à Florence.
BALDI (Valentino), peintre italien, né à
Pistoie en 1744, mort en 1816. Il a peint avec
autant de délicatesse que d'élégance les fleurs,
les fruits et les arabesques. Il était aussi bon
graveur et habile restaurateur de tableaux.
BALDI D'URBIN (Bernardin), mathéma-
ticien, littérateur et savant philologue, né à
Urbin en 1553, mort en 1617, fit une partie de
ses études avec le Tasse. A vingt-six ans, il
fut chargé d'enseigner les mathématiques au
prince Ferrand de Gonzague, se lia a Milan
avec saint Charles Borromée, et fut nommé à
l'abbaye de Guastalla en 1586. Appelé à Rome
par le cardinal Aldobrandini, il profita de son
séjour dans cette villepour étudier l'arabe et
la langue illyrienne. Tous les ans il appre-
nait quelque nouvelle langue , de sorte qu'à
soixante-cinq ans il n'en possédait pas moins
de seize. Peu de savants ont été aussi univer-
sels : il était théologien, mathématicien, phi-
losophe , historien , géographe , antiquaire ,
philologue, orateur et poète. On assure qu'il
avait écrit plus de cent ouvrages, dont le plus
grand nombre est resté inédit. On lui doit une
traduction des Automates deHèvou, des Para-
doxes mathématiques t des Commentaires sur
Vitruve, sur la Mécanique d'Aristote, des écrits
sur la gnomonique, les Vies de plusieurs
hommes célèbres, une Histoire universelle
géographique, divers ouvrages pour l'étude
des langues orientales, etc.
BAI
BALDINGER (Ernest- Godefroi) , célèbre
médecin allemand, né à Gross-Vargula, près
d'Erfurth, en 1738, mort en 1804. Il a laisse un
très-grand nombre d'ouvrages dont plusieurs
sont encore très-estimés. Nous citerons les
suivants : Traité des maladies qui régnent dans
les armées (1774) ; Magasin pour tes médecins,
et Nouveau magasin (1779-1799) ; Sistoria
mercurii et mereurialium medica, etc.
BALDINGÈRE s. f. (bal-dain-jè-re — de
Baldinger, n. pr.). Bol. Nom donné à. divers
genres de plantes, et notamment au genre
colule, de la famille des composées.
BALDINI (Baccio), orfèvre et graveur flo-
rentin, né vers 1436, florissait vers la fin du
xve siècle. Suivant Vasari, c'est le premier
graveur qui soit venu après Maso Finiguerra.
Le même historien ajoute que Baccio, ne sa-
chant pas bien dessiner, se fit aider par Sandro
Botticelli, d'après les dessins duquel toutes
ses estampes furent exécutées. D'autres au-
teurs prétendent que les deux artistes travail-
lèrent ensemble a la gravure de certaines
pièces; mais c'est là une question très-con-
troversée. Voici les titres des estampes attri-
buées à Baldini : les Prophètes (suite de 24 pi.) ;
les Sibylles (12 pi.); 20 planches pour Y Enfer,
de Dante (édition de Florence, 1481); la Con-
quête du nouveau monde (composition allégo-
rique); Y Enfer (pièce détachée); les Planètes
(7 pi.) ; Y Ascension, Y Assomption, YEchelle de
sapience, et quelques autres pièces douteuses,
parmi lesquelles le Triomphe de Paul-Emile.
BALDINI (Baccio), médecin et orateur flo-
rentin, mort en 1585. Il professa la médecine
à Pise, et devint médecin de Cosmel", duc
de Florence, garde de la bibliothèque Lau-
rentienne, enfin membre de l'académie de
Florence. En cette qualité , il fut du nombre
des commissaires chargés par le grand-duc
de la révision du Décameron de Boccace. On a
de lui des harangues à la louange de Cosme I",
la Vie de ce prince (1578) , des discours sur
divers sujets, des commentaires sur Hippo-
crate, etc.
BALDINI (Bernardin), médecin, philosophe
et littérateur italien, né près du lac Majeur,
vers 1515, mort en 1600 à Milan, où il était
professeur. Il a écrit des dialogues et autres
ouvrages sur divers sujets de philosophie, de
mathématiques et de médecine, traduit plu-
sieurs traités d'Aristote, et composé des poé-
sies latines : De bel lu a christianis et othoma-
nicis gesto carmen (1751) ; In pestilentiam
libellus; Y Art poétique d'Aristote (trad. en
vers), etc.
BALDINI (Jean-François), savant littérateur
italien, né à Brescia en 1677, mort en 1765. Il
entra dans la congrégation Somasquey dont il
devint vicaire général, et remplit à Rome
plusieurs dignités ecclésiastiques. Il a donne
des travaux estimés sur divers sujets de phy-
sique,d'archéologie, de théologie, etc. : Lettres
sur les forces vivantes (en italien) ; Relation de
l'aurore boréale observée à Rome lel6 décembre
1737 (id.) ; Dissertation sur des vases trouvés
dans une chambre sépulcrale (id.) ; Essais et
dissertations académiques; Numismata impe-
ratorum Romanorum prœstantiora per J. Vail-
lant..., etc. -.. '
BALDINI (Philippe), médecin italien, était,
vers la fin du siècle dernier, attaché à la famille
royale de Naples. Il a écrit en italien des dis-
sertations qui roulent pour la plupart sur des
questions d hygiène. Elles ont été réunies Sous
le titre de Saggi intorno alla preservaxiane e
cura délia umana salute (Naples, 1787). Ces
mémoires se rapportent àla chasse, à la pêche,
à la natation, à l'usage des eaux minérales,
de diverses sortes d'aliments, etc. On a traduit
en français un ouvrage de ce savant : Manière
d'élever les enfants à défaut de nourrice (Pa-
ris, 1786).
BALDINOTTI (Thomas), poète italien, né à
Pistoie en 1529, mort en 1601. Il étudia à
Paris et dans la suite entra dans les ordres,
après avoir composé dans sa jeunesse un grand
nombre de poésies qui roulent principalement
sur des sujets d'amour. Elles ont été réunies
et publiées en 1702.
BALDINSEL (Guillaume), commandeur de
l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem, vivait dans
le xiv» siècle, et a laissé la relation d'un
voyage en Palestine, sous le titre suivant :
Hodœporicon ad Terram sanctam. Cette rela-
tion a été insérée dans le Thésaurus monu-
mentorum de H. Canisius (Amsterdam, 1725).
BALDINUCC1 (Philippe), savant littérateur
italien, né à Florence vers 1624, mort en 1696.
Protégé par le cardinal Léopold de Médicis et
par le grand-duc Cosme III, il put se livrer à
de savantes recherches sur l'histoire de l'art,
voyager en Italie, et recueillir des matériaux
précieux et abondants, qu'il mit en œuvre dans
sa grande Histoire des artistes, depuis Cima-
bue (1260) jusqu'en 1670, imprimée à Florence
de 1681 à 1688, et, après la mort de l'auteur,
par les soins de son fils de 1702 à 1728. La
deuxième édition parut en 20 vol. in-8°, avec
les notes de Manni (Florence, 1767-1774). On
a encore de Baldinucci une Histoire de la
gravure et des plus célèbres graveurs, publiée
à Florence en 1686, et dont une nouvelle édi-
tion, entreprise en 1768, puis abandonnée, fut
reprise en 1813 et terminée en 1817. Ces ou-
vrages sont très-estimés. Us n'ont pas été
traduits en français. Une nouvelle édition des
oeuvres de cet écrivain a été donnée a Milan
BAL
en 1808, 14 vol. in-8°, dans la collection des
classiques italiens.
BALDISSÉRITE s. f. (bal-di-sé-ri-te — de
Batdissero, ville de Piémont). Miner. Variété
terreuse de la magnésite ou carbonate de
magnéfeic, qui se trouve à Baldissero.
— Encycl. La baldissérite est désignée in-
différemment sous les noms de magnésie ter-
reuse ou silicifère ou de giobertite ; elle ren-
ferme une proportion notable de silicate de
magnésie. Plusieurs manufactures de porce-
laine l'emploient à la place de kaolin, et c'est
sans doute pour cela qu'on a considéré long-
temps la baldissérite comme étant une espèce
d'argile. C'est Giobert qui, par des expériences
Précises, a prouvé dans ce minéral l'existence
e la magnésie et l'a, par conséquent, séparé
d'une manière définitive du groupe des argiles.
La baldissérite forme parfois de puissants
filons dans les roches serpentineuses.
BALDO (Monte), montagne de la Vénétie,
Frovince de Vérone, entre le lac de Garde et
Adige; longueur du N. au S. 35 kil., point
culminant 2,180 mètres: visitée par les bota-
nistes, qui y trouvent beaucoup de plantes
curieuses.
BALDOCK, ville et paroisse de l'Angleterre,
comté et à 30 kil. N.-O. d'Hertford , sur la
Rlîee; pop. 1,550 hab. Grand commerce de
grains et de malt; église monumentale du
xive siècle. Les chevaliers du Temple furent
lefe fondateurs de cette ville.
BALDOCK (Ralph de), prélat et théologien
anglais, mort en 1313. Il était depuis 1304
éveque de Londres et fut quelque temps grand
chancelier d'Angleterre sous Edouard Ie''. Il
avait écrit une Histoire des affaires d'Angle-
terre jusqu'à son temps, ouvrage qui semble
perdu. On conserve de lui un Recueil des sta-
tuts et constitutions de l'église de Saint-Paul.
BALDOGÉE s. f. (bal-do-jé — de l'ital.
Baldo, nom de montagne, et du gr.^, terre).
Miner. Variété de pennine exploitée a Bren-
tonico, au nord du mont Baldo, près de Vé-
rone.
— Encycl. Cette matière , connue dans le
commerce sous le nom de terre de Vérone ,
est employée comme matière colorante dans
la peinture à l'huile. La baldogée est d'un
vert assez pur, quoique plus ou moins foncé.
Elle présente une cassure terreuse à grains
fins ; elle est facile à pulvériser et onctueuse
au toucher. D'après Meyer, cette terre est
formée d'alumine, de silice de fer et de man-
ganèse. On la rencontre ordinairement en ro-
gnons dans les basaltes , les porphyres , les
. amygdaloïdes, et même dans certaines laves.
Saussure l'a observée sur le chemin de Nice
à Fréjus, dans une roche porphyrique rou-
geâtre.
BALDOVINETTI OU BALDUINETTI (Ales-
sio), peintre florentin, né en 1424, mort en
1499. Ses productions les plus importantes
étaient la Reine de Saba, à Santa Maria-Nova,
et la Nativité, sous le portique de l'Annunziata.
La première de ces peintures est entièrement
détruite. La seconde est tellement altérée
qu'il en reste à peine le trait ; mais on y re-
connaît encore de la correction et de la no-
blesse. Cet artiste affectionnait le paysage, et
il en ornait toujours le fond de ses tableaux.
Il fut le maître du Ghirlandajo.
BALDOVIN1 (François), poète italien, né à
Florence en 1635, mort en 1716. Il fut reçu
docteur en droit à l'université de Pise, et
remplit pendant dix ans la fonction de secré-
taire du cardinal Nini, à Sienne. A quarante
ans, il fut ordonné prêtre, obtint de riches bé-
néfices et fut nommé protonotaire apostolique
et membre de plusieurs académies. Comme
poète, il est connu surtout par une poésie
villageoise intitulée : Lamenta di cecco da
Varlungo, remarquable par le naturel des sen-
timents et la naïveté des expressions, et par
des stances insérées dans le recueil des Poésie
burlesche del Berni e d'Altri. L'abbé Marrini,
qui a écrit sa biographie, cite de lui beaucoup
d'autres poésies, qui n'ont point été impri-
mées.
BALDRACANI (Alexandre), poète italien, né
à Forli, vivait à la fin du xvh« siècle. Il alla
se fixer en Espagne et mourut à Saragosse.
On a de lui un recueil de poésies publié à
Forli (1685) et à Ferrare (1711).
BALDRACCO (Dominique), romancier italien,
né a Rome, vivait dans la première moitié du
xviie siècle. Voici les titres de ses principaux
romans : Y Alberaatrice (1622); la Zingara
tarba (1623); la Vedova mascherata.
BALDHEY (John), dessinateur et graveur
au pointillé,- né en Angleterre vers 1750, tra-
vaillait à Londres de 1780 à 1787. Il a marqué
ses estampes IKB se. Nous citerons parmi les
plus remarquables : Moïse sauvé, d'après Sal-
vator Rosa; Diane, d'après Carie Maratte; le
Médecin bénévole , le Quaker rapace , d'après
Ed. Penny; divers sujets de genre d'après
H.-W. Bunburv, D.-J. Gardner; des portraits
d'après Reynolds, entre autres celui de lord
Rawlan.
BALDRIGHI (Joseph), peintre de la cour de
Parme, né à Pavie vers 1722, mort en 1802.
On cite comme des œuvres remarquables son
Prométhée délivré par Hercule, et son grand
tableau représentant la Famille de Philippe,
duc de Parme.
BALDUCCI (François), poète italien, né &
BAL
Païenne vers la fin du xvie siècle, mort a
Rome en 1643, mena pendant longtemps une
vie errante, s'enrôla à Rome dans les troupes
que le pape Clément VIII envoyait en Alle-
magne, puis revint dans cette ville et y reprit
ses travaux littéraires. Quoiqu'il reçut sou-
vent des grands de riches récompenses, son
inconduite et l'irritabilité de son humeur ne
lui permirent jamais de sortir de la pauvreté.
Il embrassa ensuite l'état ecclésiastique. Etant
tombé malade, il se fit transporter a l'hôpital
de la basilique de Saint-Jean-de-Latran et y
mourut. Ses Canzoni siciliane, qui ne manquent
pas d'originalité, ont paru dans les Muse sici-
liane; ses poésies ou Rimes l'ont mis au rang
des meilleurs poètes anacréontiques de l'Italie.
Crescembeni assure qu'il fut le premier à com-
poser des cantates et des oratorios.
BALDUCCI (Jean), peintre, sculpteur et ar-
chitecte, né à Pise, florissait de 1339 à 1347.
Son chef-d'œuvre, comme sculpteur, est le
fameux Mausolée de Saint-Pierre, à Milan,
l'un des restes les plus curieux de l'art original ,
pittoresque et naïf du xiv" siècle. Il construisit
clans la même ville la façade de l'église de
Bera.
BALDUCCI (Jean), dit Cosei, peintre flo-
rentin, mort à Naples en 1600. Il a exécuté de
belles fresques et de beaux tableaux à Rome,
à Florence, à Pistoie, etc. Les plus remar-
quables sont la décoration de l'église du Gesu
pellegrino, à Florence ; trois grands tableaux :
le Sauveur ressuscité, le Christ dans sa gloire,
la Vocation des fils de Zébédée; enfin, à la
voûte de la même église, l'Ascension. Un autre
Jean BALDUccr, surnommé également Casci,né
à Naples vers 1560, mort en 1600, exécuta des
fresques dans sa ville natale .et peignit les
décorations pour les noces de Christine de
Lorraine, à Florence. Plusieurs de ses com-
positions ont été gravées.
BALDUIN ou BALDWIN (Thomas), sur-
nommé Devonius, prélat anglais, né à Éxeter
vers le milieu du xn° siècle, mort en 1191. Il
était moine de Clteaux, devint archevêque de
Cantorbéry, suivit Richard 1°' en Palestine,
et mourut au siège de Ptolémaïs. Il a laissé
quelques écrits de piété qui ont été insérés
dans la Bibliothèque des Pères.
BALDUIN (Pascal), religieux augustin éru-
dit, né près de Lille, vivait dans le xvi" siècle.
Il a écrit les ouvrages suivants : Epistola de
hebraicis gemmarum nominibus ac viribus; De
ponderibus et mensvris; De rnlendarii refor-
mations
BALDUIN (Frédéric), théologien luthérien,
né a Dresde en 1575, mort en 1G27. On distingue
Îiarmi ses ouvrages un commentaire latin sur
es Epitres de saint Paul, et une Défense de la
Confession d'Augsbourg.
BALDUIN (Christian-Adolphe), petit-fils du
précédent , ministre luthérien , chimiste et
physicien, né àDobeln près de Meissen (Saxe)
en 1632, mort en 1682. Il était, sou3 le nom
à' Hermès , de la société des Curieux de la
nature et de la Société royale de Londres. On
lui doit plusieurs ouvrages et dissertations sur
les métaux, notamment sur la reproduction de
l'argent.
balduine s. f. (bal-du-i-ne — du nom du .
naturaliste Ralduin). Bot. Genre de la famille
des composées et de la tribu des sénécioni-
dées, comprenant deux espèces qui croissont
aux Etats-Unis.
BALDUNG (Hans), surnommé Grfln. peintre
et graveur allemand, né à Gmunde (Souabe)
vers 1470, mort à Strasbourg en 1552. On
ignore quel fut son maître; mais, suivant la
remarque du docteur Waagen, « aucun artiste
n'a subi autant que lui 1 influence d'Albert
Durer, et tout fait supposer qu'il passa quelque
temps dans son atelier. ■ Il est inférieur toute-
fois aux autres maîtres de l'école de Souabe,
au point de vue du sentiment, de la beauté, de
l'harmonie, de la couleur et du clair-obscur.
Ses têtes, rondes et trop finies, ont un carac-
tère de monotonie fâcheuse. Il rachète ces
imperfections par l'originalité de la composi-
tion, la vigueur du coloris et la puissance de
l'expression. Son chef-d'œuvre est un tableau
à plusieurs compartiments, placé dans la ca-
thédrale de Fribourg. Le panneau principal
représente, d'un côte, le Couronnement de la
Vierge, et, au revers, le Crucifiement^ d'après
la composition d'Albert Durer ; parmi les su-
jets des autres compartiments, on remarque la
Visitation, la Nativité, la Fuite en Egypte, etc.
Ce tableau est daté de 1516. Le musée de
Berlin possède un Crucifiement, de 1512, et
une Lapidation de saint Etienne, de 1522, où
l'on voit des figures d'une trivialité brutale.
Hans Baldung possédait à un haut degré l'in-
telligence du fantastique, comme l'attestent
une Tentation de saint Antoine, peinte sur l'un
des volets d'un tableau qui est à Colmar, et la
Mort embrassant une femme, que l'on voit au
musée de Bâle. Ses portraits sont traités gé-
néralement avec une perfection minutieuse
qui dégénère en sécheresse : on cite ceux de
Maximilien et de Charles-Quint, dans la galerie
grand-ducale de Carlsruhe, celui du margrave
de Baden, dans la galerie de Munich, etc.
Hans Baldung n'est pas moins remarquable
comme graveur que comme peintre ; ses des-
sins, destinés à être reproduits sur bois, appro-
chent, dit Waagen, de la précision de ceux
d'Albert Durer, mais ils n'en ont pas la cor-
rection. Bartsch a catalogué sous son nom
cinquante-neuf estampes, parmi lesquelles
BAL
BAL
BAL
BAL
99
nous citerons : Adam et Eve (l5U) ; Jésus et
les douze apôtres (1S14) ; une Descente de croix,
saint Jérôme dans le désert, le Martyre de
saint Sébastien (1514) j les Parques (1513) ;
Bacchus- £»re,une Réunion de sorcières (1510),
pièce d'un fantastique étourdissant, etc. Ces
gravures sont signées pour la plupart d'un
monogramme formé d'un H et d'un B réunis,
avec un G au milieu de l'H.
BAL DUS ou BALDESCIIl, jurisconsulte ita-
lien, ne à Pérouse en 1327, mort en 1400. Il
enseigna le droit pendant un demi-siècle à
Pérouse, à Pise, à Bologne, à Florence et à
Padoue. C'était un des plus éminents légistes
de son temps. Il avait écrit des Commentaires
sur le Digeste, sur le Liber feudorum, et divers
autres ouvrages qui jouirent d'une grande
autorité dans les écoles d'Italie.
BALDUS (Edouard-Denis), peintre et photo-
graphe contemporain, né a Paris en 1820. Il
figura à diverses expositions annuelles par
des portraits et des sujets religieux; se livra
ensuite entièrement à la photographie, et con-
tribua aux progrès de cet art en gélatinant, le
premier, le papier des épreuves. Il s'est con-
sacré surtout à la reproduction des vues et des
monuments. Il a commencé en 1854, pour le
ministère d'Etat, une vaste collection. Ses
épreuves les plus remarquables ont figuré à
l'exposition universelle de 1856, où il a obtenu
une médaille de ire classe.
BALDWIN, nom donné à deux comtés des
Etats-Unis de l'Amérique du Nord ; l'un est
situé dans l'Etat de Géorgie, et l'autre dans
l'Etat de l'Alabama.
BALDWIN (Guillaume), moraliste anglais,
mort vers 1564. Il était instituteur, et il a pu-
blié un nombre assez considérable d'ouvrages
destinés à l'éducation. Nous ne citerons que
les suivants : Philosophie morale ou les Vies
et les dits des philosophes, des empereurs et
des rois, souvent réimprimé; Préceptes et
conseils des philosophes ; V Usage des adages;
Exemples et proverbes ; Comédies, etc.
BALDWINSVILLE, ville des Etats-Unis
d'Amérique, Etat de New-York, sur le chemin
de fer de Syracuse a Osvedo, non loin du lac
Ontario, sur la rivière de Seneca; 12,000 hab.
Il Baldwinsville, nom de deux autres loca-
lités des Etats-Unis, situées l'une dans l'Etat
du Mississipi, l'autre dans l'Etat de Massa-
chusetts.
bale s. f. (ba-le). Bot. Enveloppe de la
fleur des graminées. V. balle.
BALE ou BALJ3US (Jean), théologien et
historien anglais, né en 1495, mort en 1563. Il
embrassa le protestantisme, fut nommé, en
1552, évêque d'Ossory, en Irlande, et voulut
être consacré par le nouveau cérémonial de
l'Eglise. Persécuté pendant la réaction catho-
lique du règne de Marie, il se réfugia à Bâle,
revint sous Elisabeth, mais se contenta alors
d'un simple canonicat. Il a beaucoup écrit, en
anglais et en latin, en prose et en vers. Nous
citerons seulement : Ûlustrium Majoris Bri-
tanniœ scriptorum summariùm in quasdam
centurias divisum (Bâle, 1559); c'est un recueil
estimé, malgré l'esprit de parti dont il est em-
preint. Outre des poésies d'un genre assez
bizarre, il avait aussi composé des comédies
sur des sujets tirés de l'Ecriture sainte, tels
que la prédication de saint Jean, l'enfance, la
tentation, la passion et la résurrection de
Jésus-Christ. Ces espèces de mystères, qui pa-
raîtraient très-burlesques aujourd'hui, étaient
alors fort gravement représentés. Ils figurent
parmi les plus anciens essais dramatiques de
l'Angleterre.
BALB (canton de), ancien Etat de la con-
fédération suisse, borné au N. par la France,
le duché de Bade et le canton d'Argovie, à
l'E. par ce canton et celui de Soleure, au S.
par le canton de Soleure, a l'O. par ce canton,
celuide Berne et la France; superficie 470 kil.
carrés, capitale Bâle. Ce canton occupait le
onzième rang dans l'ordre de la chancellerie
fédérale. Par suite des événements de 1832 et
1833, il a été divisé en deux cantons : Bâle-
Ville et Bâle-Campagne, qui, dans la diète,
ont chacun une demi-voix, il Bâle-Ville (can-
ton de), en allemand Basel-Stadt, Etat de la
confédération suisse, capitale Bâle; ilnecom-
Ïirend que la ville de Baie et sa banlieue avec
es trois communes de la rive droite du Rhin :
Riehen, Beltingen et Klein-Hùningen ; 29,698 h.
Un conseil de cent dix-neuf membres élus pour
six ans, appelé Grosse-Rath ou grand conseil,
gouverne le canton; il élit deux présidents
portant le titra de bourgmestres, qui sont
alternativement en charge chacun pendant
une année. Le grand conseil exerce le pouvoir
législatif et nomme les députés à la diète fé-
dérale. Le pouvoir exécutif est le petit conseil,
Kleine-Rath, composé de deux bourgmestres
et de treize membres élus par le grand conseil
et dans son sein. La religion protestante est
la religion d'Etat, mais les autres cultes sont
libres ; la liberté de la presse et celle du droit
de pétition sont garanties. Ony parle la langue
allemande. Il Bâle-Campagne (canton de), en
allemand Basel-Land, Etat de la confédération
suisse, capitale Liestal. Il comprend tout le
territoire de l'ancien canton de Bâle, moins le
canton actuel de Bâle-Ville; 47,885 hab., en
grande majorité protestants. Le pouvoir légis-
latif est exercé par la représentation nationale,
appelée Land-Rath ou conseil national , composé
do soixante-quatre membres ou plus, suivant
le chiffre de la population, élus pour six ans.
Le pouvoir exécutif est le conseil de régence,
Regierunts-liath, composé de cinq membres,
élus pour quatre ans par le Land-Rath parmi
tous les citoyens. Il n'y a point de religion
d'Etat ; la liberté des cultes et celle de la presse
Sont garanties. On y parle la langue allemande,
BÂLE, ville du N.-O. de la Suisse, ch.-l. de
l'ancien canton de Bâle et du nouveau canton
de Bâle-Ville, près du confluent du Rhin et
de la Birse, un peu au-dessus du coude que
fait le Rhin en sortant de la Suisse, sur les
deux rives de ce fleuve qui sépare le petit
Bâle à l'E., du graDd Bâle à l'O.: à 75 kil. N.
de Berne, a 30 kil. S.-E. de Mulhouse ; point
de jonction des quatre chemins de fer de
Strasbourg, de Fribourg, de Zurich et de'
Berne; 27,313 hab. dont 21,873 protestants,
5,333 catholiques et 107 israélites. Au point dé
vue du commerce et de l'industrie, Bâle occupe
une des premières places parmi les villes
suisses ; l'activité persistante de ses habitants,
son heureuse situation sur les limites de la
Suisse, de la France et de l'Allemagne, ses
immenses capitaux expliquent et facilitent sa
prospérité toujours croissante. Fabrique de
ruftans et d'étoffes de soie très-renommées,
tabacs, tanneries, papeteries, orfèvrerie, cuirs.
A l'époque de la conquête romaine, Bâle faisait
partie de la Rauracie, dont la capitale Raùrica
prit le nom de Augusta Rauracorum ; Valen-
tinien 1er fit construire Basilia (aujourd'hui
Bâle), qui devint florissante après la destruc-
tion de Raurica. Elle fit partie du royaume dé
Bourgogne, passa sous la suzeraineté des
empereurs d'Allemagne, et en 1501 se joignit
à la confédération helvétique. Le fameux con-
cile de Bâle s'y tint de 1431 à 1443; deux
traités, qui rompirent la coalition européenne
formée contre la France, y furent signés en
1795, l'un entre la France et la Prusse, l'autre
entre la France et l'Espagne; enfin, de 1806
à 1812, elle a été le siège des assemblées fé-
dérales. Patrie des Bernouilli, d'Euler, des
Holbein, etc.
Bâle possède plusieurs monuments et des
établissements publics qui méritent d'être dé-
crits.
La cathédrale (munster) s'élève sur la rive
gauche du Rhin, au-dessus du pont qui relie
le grand Bâle au petit Bâle. Elle fut com-
mencée, en 1010, par l'empereur Henri II,
dans le style byzantin, consacrée en 1019,
détruite en partie par un tremblement de
terre en 1356, reconstruite dans le style go-
thique et achevée en 1460. Elle est bâtie en
Sierre rougeâtre provenant • des carrières
e Riehen. Il ne reste de l'église byzantine
que la crypte placée au-dessous du chœur,
et la porte latérale Nord, que l'on appelle la
porte de Saint-Galt, et qui, suivant la conjec-
ture de M. Schaub, fut peut-être primitive-
ment l'entrée principale. Cette porte est dé-
corée des statues du Christ et de saint Pierre
et des figures des vierges sages et des vierges
folles. Le frontispice, où se trouve actuelle-
ment-- le grand portail , est richement orné
dans le goût du xive siècle j on remarque la
statue équestre de saint Georges avec le dra-
gon et celle de saint Martin, une statue de la
Vierge et celle d'un personnage couronné que
l'on croit être Henri H, le fondateur de l'é-
glise. Deux hautes flèches couronnent ce
frontispice ; l'une s'appelle la tour de Saint-
Georges, l'autre la tour de Saint-Martin ; la
première, qui a 68 mètres de haut, date de la
réédification de l'église (seconde moitié du
xive siècle) ; la seconde, haute de 66 mètres,
n'a été terminée que vers la fin duxv« siècle.
La cathédrale de Bâle a subi, à l'intérieur,
plusieurs modifications importantes, depuis
qu'elle a été appropriée au culte réformé, no-
tamment au xvue et au xvine siècle. Elle a
été, il y à quelques années encore, l'objet de
restaurations assez considérables. On a sup-
primé, a cette époque, le jubé qui séparait le
chœur de la nef. Celle-ci est bordée de nom-
breuses chapelles qui ont perdu depuis long-
temps les autels et les tableaux dont elles
étaient ornées. Les seuls objets dignes d'at-
tention que renferme encore l'église sont : le
tombeau de l'impératrice Anne, femme de
Rodolphe de Habsbourg (1281) ; celui d'Erasme
(1536), en marbre rouge; une chaire à prê-
cher, d'un seul bloc de pierre, enrichie de
sculptures gothiques fort délicates (i486) ; les
fonts baptismaux, ouvrage de la même épo-
que ; les quatre-vingt-seize stalles du chœur,
ornées de figures fantastiques fouillées dans le
bois avec beaucoup d'habileté. Un caveau atte-
nant à l'église contenait autrefois le trésor, qui,
après être resté, depuis 1529, un objet de litige
entre la ville et le chapitre de la cathédrale, a
été partagé, en 1834, entre Bâle-Ville et Bâle-
Campagne. Entre autres ornements précieux
dont se composait ce trésor, on remarquait
le magnifique retable d'or donné par Henri II,
que possède aujourd'hui le musée de Cluny.
Du chœur, on descend par un escalier dans
la fameuse Salle du concile.
La salle du concile est une petite chambre
basse, percée de quatre fenêtres gothiques.
On assure qu'aucun changement n'y a été
fait depuis 1431. Elle est entourée d'un banc
de bois scellé dans le mur et recouvert d'un
grossier coussin. Deux clepsydres sont accro-
chées à la muraille, a côté d'une copie de la
Danse macabre.
Les cloîtres , spacieux corridors (kreuz-
gange) servant de communication entre l'é-
glise et le palais épiscopal, ont été construits
en 1362, 1400 et 1487: ils renferment les tom-
beaux d'un grand nombre de personnages
distingués de Bâle, ceux entre autres des
trois réformateurs : Œcolampade, Grynœus et'
Meyer. Ces sépultures sont indiquées pour ,1a
plupart par de simples inscriptions. Les cloî-
tres, constamment ouverts au public, com-
muniquent avec une terrasse plantée de mar-
ronniers, nommée Die Pfalz, qui s'étend der-
rière la cathédrale et domine le cours du
Rhin d'une hauteur de 20 mètre3. On jouit
sur cette terrasse d'une vue superbe.
■ Parmi les autres églises de Bâle, nous cite-
rons : celle de Saint-Martin, où Œcolampade
officia pour la première fois en allemand ;
celle de Saint-Pierre, où sont enterrés plu-
sieurs Bâlois célèbres, le Zerkinden, Seevo-
gel, Offenburg, Bernouilli, Zwinger, Froben ;
celle de Saint-Théodore, remarquable par la
belle voûte de sa nef; celle des Prédicateurs
(predigerkirclie), qui dépendait autrefois d'un
couvent de dominicains, dans le cimetière du-
quel on voyait la fameuse Danse des morts
(v. Danse) attribuée à Holbein; celle de
Saint-Léonard, bâtie peuavantlaréforme,etc.
L 'Hôtel de ville (ratthaus) a été construit
de 1508 a 1527, dans le style de transition
dont l'école bourguignonne a fourni les plus
beaux modèles. La façade est ornée d une
inscription en bronze rappelant la grande
inondation de 1529. Dans la cour est la statue
de Munatius Plancus, que quelques auteurs
regardent comme le fondateur de Bâle.
L'université, qui a été fondée en 1460, en
vertu d'une bulle du pape Pie II (sEneas Syl-
vius), a joui pendant longtemps dune réputa-
tion méritée. Elle a eu plusieurs professeurs
éminents, entre autres Erasme, Œcolampade,
Grynœus, Froben, Paracelse, Plater, Euler,
les deux Bernouilli, etc. Réorganisée en 1817,
puis en 1835, elle a 4té transférée au Mu-
séum.
Le Muséum, lourd bâtiment, dont la frise
est décorée de six bas-reliefs, représentant la
ville de Bâle, les Sciences et les Arts, ren-
ferme plusieurs collections intéressantes :
1° une bibliothèque qui se compose de 70,000
volumes etde 4,000 manuscrits, parmi lesquels
les œuvres de saint Grégoire de Nazianze,
manuscrit sur papier de coton du xue siècle,
la Bible des pauvres (Biblia pauperum),le
Testament original. d'Erasme, l' Eloge de la
folie, du même, enrichi de dessins à la plume
par Holbein, des autographes de Luther, de
Melanchthon, de Zwingle, etc.; 2° un cabinet
de médailles; 3° une collection d'antiquités
romaines ; 4° une collection d'antiquités mexi-
caines ; 5° un musée d'histoire naturelle ;
6° une galerie de tableaux et de dessins, où
l'on remarque les ouvrages suivants : des
dessins à la plume d'Holbein le jeune, la
Mort de la Vierge, une Descente de croix, et
la Mort embrassant une femme} de Hans Bal-
dung Grûn ; une Cène et divers portraits
d'Holbein le père ; la Conception, de Sigis-
mond Holbein ; une série de 8 tableaux repré-
sentant la Passion, par Holbein le jeune; les
portraits à'Erasme, du bourgmestre J. Meyer
et de sa femme, d'Amerbach, de la Fille d' Of-
fenburg, du même ; quelques fragments de la
Danse des morts qui se voyaient autrefois dans
le couvent des Dominicains ( v. danse ) ; une
Adoration des Mages, d'Albert Durer; les
Onze mille' Vierges, une Chasse au cerf, le
portrait de Melanchthon, de Lucas Cranach, la
Pàque d'Israël, de Meckenen; la Décollation
de saint Jean-Baptiste, David et Bethsabée,
Lucrèce, Pyrame et Tkisbé, de Nicolas Manuel
de Berne; des portraits, par Hans Bock, Saa-
brùck, Brand Millier; la Bataille de Saint-
Jacques, de Jérôme Hess ; divers tableaux de
Quentin Massys, Mabuse, Honthorst, Burck-
hardt, Téniers, Ruysik.61, H. Rigaud, David
Schnorr, Cornélius ; des aquarelles de Mùller,
Horner, Wolfensberger, etc.
L'arsenal, dont la construction remonte à
1438, possède quelques vieilles armures his-
toriques, entre autres celles des Armagnacs
tués à la bataille de Saint-Jacques (1444).
BALE (concile de). Célèbre concile géné-
ral ou œcuménique qui se réunit à Bâle, en
mai 1431, pour continuer l'œuvre du concile
de Constance, c'est-à-dire extirper l'hérésie
et réformer l'Egliae, tant dans son chef que
dans ses membres.
I. — Le concile de B.vle considéré au
POINT DE VDE DE L'HISTOIRE GÉNÉRALE. Le
concile de Constance avait décrété la pério-
dicité des conciles généraux j le premier de-
vait se tenir cinq ans après la clôture de
l'assemblée de Constance, le second sept ans
après le premier, puis les autres de dix ans
en dix ans. Un concile fut en effet convoqué
à Pavie en 1423; mais les troubles de l'Ita-
lie et les manœuvres du saint-siége l'empê-
chèrent de porter aucun fruit. Transféré à
Sienne, il se sépara en s'ajournant à Bâle
pour l'année 1430. Toutefois, ce ne fut qu'en
1431 qu'il se rassembla, non sans quelque ré-
sistance de la part du pape Eugène IV. Il se
composait des envoyés de presque toutes les
puissances et universités d Europe et d'envi-
ron deux cent cinquante dignitaires ecclésias-
tiques. La lutte de l'épiseopat et de la papauté
se renouvela dès le début de cette grande as-
semblée , et plus ouvertement encore qu'à
Constance. Les Pères de Bâle confirmèrent
les décrets du concile de Constance touchant
la supériorité des conciles généraux sur le
saint-siége, et le saint-père ayant déclaré le
concile dissous, ils ripostèrent en sommant le
pape do se rendre en personne à Bâle sous
bref délai, faute de quoi il serait passible de
déposition. Le pape, en révoquant sa bulle,
reconnut ou subit la suprématie du concile. ■
Les principales questions que les Pères
avaient à traiter étaient d'une importance im-
mense. Outre la réforme de l'Eglise, réforme
jugée nécessaire par les catholiques les plus
fervents, qui regardaient la corruption du
clergé comme la véritable cause des hérésies,
outre cette question capitale, il y avait la ré-
volte des hussites, qui vengeaient le supplice de
Jean Huss par une guerre d'extermination, et
les offres de l'empereur grec Jean Paléolo-
gue, qui, presque réduit par les Turcs aux
murs de Constantinople, appelait la réunion
des Eglises grecque et latine, dans l'espoir
d'intéresser 1 Occident à sa défense.
La force ouverte ayant définitivement
échoué contre les hussites, constamment vic-
torieux, l'Eglise essaya de transiger, et tenta
de ramener par quelques concessions ces ter-
ribles sectaires, tout en profitant habilement
de leurs discordes intestines. Le concile de
Bâle, malgré le pape Eugène IV, ouvrit des
négociations avec les hussites et offrit des
sauf-conduits à leurs ambassadeurs. La Bo-
hême, épuisée par ses propres triomphes, ac-
cueillit ses avances, et Procope le Grand,
chef des taborites, se rendit à Bâle, en jan-
vier 1433, à la tête d une nombreuse ambassade.
Les hussites, comme on le sait, étaient divisés
en deux partis, les taborites et les calixtins.
Ces derniers formaient le parti modéré et do-
minaient dans l'ambassade. Le concile traita
naturellement avec eux et leur accorda pro-
visoirement la communion sous les deux es-
pèces. L'ambassade retourna en Bohême ,
emportant ce traité, habilement rédigé en
termes équivoques, et dont la promulgation
allait faire éclater une guerre civile parmi
les Bohémiens. Les Pères de Bâle purent se
flatter d'avoir,accompli la première partie de
leur tâche et commencé l'extirpation de l'hé-
résie par la division des hérétiques. Ils s'oc-
cupèrent dès lors de la réforme de l'Eglise.
Us supprimèrent d'abord les concubines du
clergé, les fêtes des fous, les foires qui sa
tenaient dans les églises; puis, attaquant le
pape lui-même dans son temporel, abolirent
les anoates, les réserves, les expectatives, et
voulurent réduire le saint-siége aux revenus
des Etats de l'Eglise. Ces décrets, adoptés
avec quelques modifications en Allemagne et
en France, confirmés par la pragmatique-
sanction de Charles VII, devinrent le point
d'appui des libertés gallicanes.
Cependant la querelle du pape et du concile
se ranima avec violence. Eugène IV ouvrit
un autre concile à Ferrare, et lança î'ana-
thème sur l'assemblée de Bâle, qui le déclara
lui-même suspendu de ses fonctions et se
prépara à le déposer. Les peuples se parta-
gèrent entre les deux puissances. Le concile,
enhardi par l'acceptation de ses décrets en
France, continua la lutte avec une singulière
énergie. Eugène fut déposé (janvier 1438), et
la tiare offerte à Amédée VIII, duc de Savoie,
qui avait récemment abdiqué en faveur de
son fils, pour se retirer avec quelques com-
pagnons sur les bords du lac de Genève, dans
. le riant ermitage de Ripaille, où il menait une
vie plus épicurienne qu ascétique (d'où serait
venu, dit-on, le proverbe faire ripaille). Amé-
dée accepta et fut proclamé à Bâle sous le
nom de Félix V (sept. 1439). La chrétienté
retomba ainsi dans le schisme, d'où elle sor-
tait à peine, et cela en présence de l'hérésie
armée. L'Europe fut de nouveau troublée par
les suspensions, dépositions, excommunica-
tions fulminées par les deux partis, entre les-
quels s'étaient divisés les souverains. Après
de longues luttes, Eugène IV vint à mourir.
Les cardinaux de Rome lui donnèrent pour
successeur Nicolas V, qui séduisit le célèbre
,/Bneas Silvius Piccolomini ? secrétaire du
concile de Bâle, puis de Félix V, et gagna
quelques-uns des membres les plus importants
du concile. La France intervint pour ménager
une transaction, à laquelle l'assemblée de
Bâle, amoindrie de jour en jour, n'eut plus le
pouvoir de s'opposer. Félix V déposa ,1a tiare
a la condition de demeurer cardinal-légat à
vie avec le premier rang dans l'Eglise après
le pape et le droit de conserver les ornements
pontificaux. Le concile se sépara le 25 avril
1449, après être resté près de dix-huit ans en
permanence. Ce fut le plus long de tous les
conciles. Ses décrets et ceux du concile de
Constance touchant la suprématie des conciles
tombèrent en désuétude. Ce fut la dernière
•tentative d'une-république épiscopale opposée
à la monarchie absolue du saint-siége. Rome
triomphait sur la plupart des questions, et
tous ses efforts furent dès lors dirigés contre
la pragmatique-sanction, dernier vestige des
réformes du concile de Bâle.
II. — LE CONCILE DE BÂLE CONSIDÉRÉ ~AU
point db vue théologique. On ne saurait
séparer, dans une appréciation théologique,
le concile de Bâle du concile de Constance.
La question de l'œcuménicité et de l'autorité
de ces deux conciles a fort agité les théolo-
giens : c'est qu'elle contient celle du sujet ou
siège radical de la souveraineté, de l'infailli-
libuité dans l'Eglise et qu'elle offre des armes
au gallicanisme ou à 1 ultramontanisme sui-
vant le sens dans lequel elle est résolue.
' Trois décrets du concile de Constance sont
célèbres dans l'histoire des controverses théo-
logiques : celui de la IVe, celui de la Ve et
celui de la XXXIX* session. Le troisième a
100
BAL
donné naissance au concile de Bàle, et il a lui-
même son fondement logique dans les deux
Î>remiers, lesquels constituent véritablement
e point capital et central de la discussion dont
les conciles de Constance et de Bàle sont l'ob-
jet entre gallicans et ultramontains. Voici ces
trois décrets :
Décret de la JVe session. Au nom de la sainte
et indivisible Trinité, Père, Fils et Saint-Es-
prit. Ce saint concile de Constance, faisant un
concile général légitimement assemblé dans
le Saint-Esprit, en l'honneur du Dieu tout-
puissant, pour travailler à l'extirpation du
§ résent schisme, à l'union et à la réformation
e l'Eglise dans son chef et dans ses mem-
bres, afin d'exécuter ce dessein ordonne,
définit, statue, décerne et déclare ce qui suit :
que ce même concile étant' légitimement as-
semblé dans le Saint-Esprit, et formant un
concile général qui représente l'Eglise catho-
lique militante, il reçoit immédiatement de
Jésus-Christ sa puissance; a laquelle toute
personne de quelque état et dignité qu'elle
soit, quand même elle serait pape, est obligée
d'obéir dans les choses qui concernent la Toi,
l'extirpation dudit schisme et la réformation
générale de l'Eglise de Dieu dans son chef et
dans ses membres.
Décret de la V" session. Ce saint con-
cile de Constance, faisant un concile légi-
timement assemblé dans le Saint-Esprit, en
l'honneur du Dieu tout - puissant pour tra-
vailler à l'extirpation du présent schisme, à
l'union et à la réformation de l'Eglise de Dieu,
dans son chef et dans ses membres, afin
d'exécuter plus aisément, plus sûrement et
plus librement le dessein de cette union et de
cette réformationj ordonne, définit, décerne
et déclare ce qui suit : et premièrement il
déclare qu'étant légitimement assemblé dans
le Saint-Esprit, et formant un concile général
qui représente l'Eglise catholique , il reçoit
immédiatement de Jésus-Christ sa puissance, à
laquelle toute personne, de quelque état ou di-
gnité qu'elle soit, quand même elle serait pape,
est obligée d'obéir, dans les choses qui concer-
nent la foi, l'extirpation du schisme et la ré-
formation générale de l'Eglise de Dieu dans
son chef et dans ses membres. Il déclare aussi
que toute personne, de quelque état, condition
ou dignité qu'elle soit, y nanti même elle serait
pape, qui refusera opiniâtrement de se rendre
aux mandements, statuts, ordonnances ou lois
faites ou à faire dans ce saint concile ou dans
tout autre concile général légitimement as-
semblé, sur les matières ci-dessus marquées ,
ou sur celles qui y ont rapport, doit, si elle ne
revient à résipiscence, être soumise à une pé-
nitence proportionnée, et punie comme elle le
mérite ; en sorte qu'on recoure, s'il est néces-
saire, aux voies de droit.
Décret de la XXXIX* session. La fré-
quente célébration des conciles généraux
est la principale culture du champ du Sei-
gneur, laquelle extirpe les buissons, les épines
et les chardons des hérésies, des erreurs et
du schisme, corrige les excès, réforme les
difformités et amène la vigne du Seigneur
aux fructifications de la plus abondante ferti-
lité. Mais la négligence de cette célébration
sème toutes ces choses et les favorise ; c'est
ce que mettent sous nos veux le souvenir des
temps passés et la considération des temps
présents. Pour ces motifs, nous sanctionnons
par cet édit perpétuel, décrétons et réglons,
que désormais des conciles généraux soient
célébrés, de telle sorte que le prochain suive
immédiatement au bout de cinq ans la fin de
celui-ci, et le second, immédiatement au bout
de sept ans la fin de celui-là, et ensuite que
de dix ans en dix ans il en soit perpétuelle-
ment célébré dans les lieux que le souverain
pontife, durant le mois qui précédera la fin de
chaque concile, du consentement et avec l'ap-
probation de ce concile, ou, à son défaut, le
concile lui-même, sera tenu de choisir et d'as-
signer, afin qu'ainsi le concile soit toujours
en vigueur par une certaine continuation ou
au moins soit attendu avant l'échéance du
terme, lequel terme pourra être abrégé par le
souverain pontife eu égard aux circonstances,
mais ne pourra jamais, en aucune sorte, être
prorogé.
Elu pape, Martin V approuva solennelle-
ment par la bulle Inter cunctas. les décisions
du concile de Constance, et exécuta de point
en point l'ordonnance portée dans la XXXIX*
session. « Désirant, dit-il, et voulant mettre
a exécution le décret du présent concile géné-
ral qui ordonne, entre autres choses, de célé-
brer des conciles généraux, dans le lieu que
le souverain pontife est obligé de designer, du
consentement et avec l'approbation du saint
concile, un mois avant la fin de ce concile,
nous désignons par ces présentes et avec l'ap-
probation du saint concile la ville de Pavie.»
C'est ainsi que fut ouvert, sous le pontificat
de Martin v, le concile général de Pavie ,
lequel fut transféré ensuite à Sienne, avec
l'approbation du concile. Ce fut également le
décret de la XXXIXe session du concile de
Constance, qui fit convoquer celui de Baie.
Ce dernier concile se montra, comme nous
allons le voir, pleinement fidèle à l'esprit qui
lui avait donné naissance.
La Ire session du concile de Bàle fut tenue
le 7 décembre 1431. On y lut, pour servir
de préambule, plusieurs décrets du concile
de Constance, le décret du concile de Sienne,
oui désignent la ville de Bàle pour le lieu du
futur concile , l'approbation donnée à ce
BAL
décret par Martin V ; la bulle de convoca-
tion par laquelle ce pape nommait le cardi-
"nal Julien président du concile, et la lettre
d'Eugène IV à ce sujet. Après la lecture de
ces pièces, le concile, se voyant solidement
appuyé de tant de côtés, publia un décret
portant que le saint concile de Bile était ca-
noniquement assemblé, et que tous les prélats
étaient obligés de s'y rendre.
La lie session fut tenue le 15 février 1432.
Il y fut statué que "« conformément aux
décrets des conciles généraux de Constance
et de Sienne , confirmés par l'autorité du
saint-siége, le saint concile de Bâle avait été
légitimement et canoniquement commencé. »
Dans cette session, le concile renouvela les
décrets des IVe et V<= sessions de celui de Con-
stance, décrets qui décident expressément que
l'autorité du concile général vient immédiate-
ment de Jésus-Christ,- et que toute personne,
même le pape, est soumise au concile dans les
choses gui conoernen! la foi, le schisme et la
réformation.
Le 29 avril de la même année 1432, fut
tenue la Ille session. Le concile avait ap-
pris que le pape Eugène entreprenait de le
dissoudre. En effet, ce pape avait fait une
bulle par laquelle, prorogeant le temps du
concile , il dissolvait celui de Bàle , et en
convoquait un à Bologne dans un an et demi
et un autre à Avignon dix ans après celui de
Bologne , pour se conformer, disait-il, à ce
qui est ordonné par le décret de Constance.
Les Pères et le cardinal Julien jugèrent que
les motifs allégués pour cette dissolution
n'étaient que de vains prétextes, et trouvèrent
fort étrange qu'on éludât tant de fois la ré-
formation, qu'on frustrât si longtemps l'at-
tente du monde chrétien, et qu'on entreprit
de dissoudre, dès son ouverture, un concile
assemblé par l'autorité de deux autres con-
ciles généraux, de Martin V et d'Eugène
lui-même. C'est pourquoi on publia dans la
IIIe session le chapitre Considerans, qui porte
« que la dissolution du concile , entreprise
au préjudice des décrets de Constance , au
grand péril de la foi et au grand scandale
du peuple chrétien, n'a pu se faire, et que le
concile, nonobstant la dissolution, continuera,
avec la grâce du Saint-Esprit, ce qu'il a si
bien commencé. » En même temps le cardinal
Julien, président du concile, déclara au pape,
dans une lettre, que les Pères regardaient sa
bulle de dissolution comme nulle et de nul
effet, parce qu'il était expressément marqué
dans le chapitre Frequensde\à XXXIX* ses-
sion de Constance, que le pape pouvait bien
abréger le temps de la tenue du concile, mais
non le proroger, et encore moins dissoudre
un concile commencé ; que d'ailleurs il avait
été décidé dans la V« session de Constance,
que le pape devait obéir à tout concile géné-
ral, et qu enfin, s'il était permis de regarder
les décrets de Constance comme vains et illu-
soires, il fallait aussi regarder comme dou-
teuse l'élection des papes faite en conséquence
de ces décrets; d'où il s'ensuivrait qu'il n'y
avait rien de fixe et de certain, même dans
les autres conciles et dans l'état présent de
l'Eglise.
Dans la XIIe session, le concile déclara que
si dans l'espace de soixante jours le pape
ne publiait une bulle pour rétracter la pre-
mière, il serait suspendu des fonctions de la
papauté, comme destructeur des décrets de la
Ve. session de Constance.
Eugène IV attaqua d'abord ce décret par
deux bulles; mais vaincu, dit Bossuet, par
l'autorité du concile, par les sollicitations des
F rinces, par les dangers où il aurait exposé
Eglise et sa propre réputation , il se réunit
au concile dans Ja XVIe cession, et copia
mot pour mot la formule d'adhésion qui lui
avait été prescrite par le décret de la XIV*.
Voici cette formule :
■ Eugène, serviteur des serviteurs de Dieu,
avons dissous dernièrement, pour certaines
raisons exprimées dans nos autres lettres , le
sacré concile' général de Bâle légitimement
formé selon les statuts des conciles généraux
de Constance et de Sienne et les règlements
du pape Martin V et les nôtres, pour l'extir-
pation des hérésies, la paix du peuple très-
chrétien, et la réformation générale de l'Eglise
dans le chef et dans les membres , et tout ce
qui se rapporte à ces choses. Mais comme de
ladite dissolution se sont élevées de graves
discussions et qu'il pourrait s'en élever de
plus graves, et que nous ne désirons rien tant
que de voir les saintes œuvres susdites obte-
nir leurs effets, nous décrétons etdéclarons que
le susdit concile général de Bâle a été légiti-
mement continué depuis le temps de' sa susdite
formation, et l'est encore, et a toujours eu con-
tinuation et doit avoir continuation pour les
choses susdites et ce qui s'y rapporte. Bien
plus déclarant la susdite dissolution nulle et
vaine , nous poursuivons le même sacré con-
cile général purement, simplement, avec effet,
et toute dévotion et faveur, et nous entendons
le poursuivre En outre , afin que la sincé-
rité et la dévotion de notre âme que nous por-
tons à toute l'Eglise et au saint concile géné-
ral de Bâle soit évidente pour tous, nous caf-
tons, révoquons, abolissons ou annulons nos
lettres promulguées il y a quelque temps dans
le palais apostolique, et tout ce 'qui a été at-
testé ou avancé par nous ou en notre nom en
préjudice ou dérogation du susdit sacra con-
cile de Bâle, ou contre son autorité. De même
nous révoquons tous procédés de censures quel-
BAL
conques, de privations et de suspenses, faits
contre les suppôts de ce sacré concile de Bàle,
et les adhérents à ce concile. •
Après la lecture de cette déclaration d'Eu-
gène IV, le concile prononça en ces termes :
• Le saint concile déclare que le pape Eugène
a pleinement satisfait aux monition , citation
et réquisition dudit concile , conformément
à ce -qui était prescrit par le décret de la
XIVe session et par la formule insérée dans
ledit décret. » Puis les légats du pape fu-
rent incorporés au concile, après avoir juré
en leur propre et privé nom , qu'ils soutien-
draient de toutes leurs forces l'honneur du con-
cile et ses décrets, et principalement ceux de
la Ve cession de Constance renouvelés à Bâle,
par lesquels sont déclarées l'autorité suprême
ces conciles généraux, et la soumission des
pontifes romains à cette autorité suprême
dans les choses qui appartiennent à la foi, qui
concernent l'extirpation du schisme et la ré-
formation de l'Eglise dans le chef et dans les
membres. •
Pendant la réunion d'Eugène avec le con-
cile de Bâle , qui fut de deux ans , le concile
publia dans ses sessions publiques plusieurs
décrets sur les matières les plus importantes ,
un entre autres contre les annales, qui ne devait
pas tarder à amener une nouvelle séparation.
Le concile prenait au sérieux le droit qu'il s'é-
tait attribué, le devoir qu'il s'était imposé de
réformer l'Eglise dans son chef. Le pape ne
voulait pas être réformé. Il envoya de tous
côtés des nonces chargés d'instructions secrè-
tes pour se plaindre du concile. « Il serait bon,
disait-il dans ces instructions, que les nonces
apostoliques portassent avec eux une bulle
qui contint une espèce de réformation de la
cour de Rome pour la montrer aux rois et aux
princes; car nos adversaires nous attaquent
toujours en nous battant par cet endroit. Ils
dirent que la cour de Rome est pleine d'abus
qu'il faudrait réformer et qu'on ne reforme
point. On fermerait la bouche à ces critiques
qui déchirent cette cour si on leur montrait
qu'elle est réformée, quoique cependant ce ne
fût pas une réformation bien parfaite, mais
seulement une ébauche. » Voilà, dit Bossuet,
la belle réformation qu'on voulait à Rome.
Eugène, comme on le voit, ne cherchait qu'une
occasion de se soustraire, par un acte public,
à l'autorité du concile. La question de la réu-
nion des Grecs à l'Eglise latine vint lui offrir
cette occasion. Il s'agissait, pour favoriser
cette réunion, de transférer le concile de Bâle
dans une ville moins éloignée des Grecs; le
pape proposa Ferrare ; mais les Pères de Bâle,
qui se défiaient d'Eugène, se refusèrent à ce
choix, et offrirent de transférer le concile à
Avignon ou dans quelque ville de la Savoie.
Cependant, les Grecs s' étant déterminés à pré-
férer l'Italie , les légats qui étaient à Bâle
firièrent les Pères de se désister de leur réso-
ution. La plupart persistèrent dans le choix
d'Avignon. Les autres se joignirent aux lé-
gats, et bien qu'en minorité, portèrent, dans la
XXVe session , un décret au nom du' con-
cile pour le transférer à Florence ou à Udine,
ou dans quelque autre lieu qui serait à la con-
venance du pape et des Grecs. Ce décret livrait
le concile ; Eugène l'accueillit avec empresse-
ment, se hâta de le confirmer par la bulle Sal-
valoris du 23 mars 1437, le déclarant fait ca-
noniquement par la partie saine du concile.
Par une autre bulle de la même année, il trans-
féra le concile à Ferrare, et annonça le jour
où l'ouverture en serait faite.
De leur côté, les Pères de Bâle qui n'a-
vaient pas adopté le prétendu décret de la
XXVe session , continuèrent de se réunir
malgré les bulles du pape, sans souci des ac-
tes et des sessions de Ferrare. Tandis qu'Eu-
gène, avec l'approbation du concile de Ferrare,
annulait tout ce qui était fait à Bàle, depuis
le jour de la translation, le concile de Bâle ,
dans la XXXIIIe session, faisait trois décrets
conçus en ces termes : — Premier décret.
« C'est une vérité de la foi catholique , décla-
rée par le concile de Constance et par le pré-
sent concile de Bâle, que la puissance du con-
cile général est supérieure à celle du pape. •
— Deuxième décret ; « C'est une vérité de la
foi catholique que personne n'a l'autorité de
dissoudre, proroger ou transférer le concile
général, sans le consentement dudit concile. ■
— Troisième décret ; « Quiconque contredit
opiniâtrement ces deux vérités doit être censé
hérétique. • Puis, tirant hardiment la consé-
quence de ces trois propositions que l'on ap-
pela les trois vérités du concile de Bàle, il dé-
clarait dans la XXXIVe session le pape
Eugène hérétique, le déposait comme cou-
vaincu de les avoir niées, et élisait un nou-
veau pape,
A ces décrets de Bâle, Eugène répondit par
sa décrétale Moyses, qui • les annulait, les con-
damnait, les réprouvait, comme contraires à la
sainte Ecriture, aux saints Pères et au vrai
sens des décrets de Constance. » Voilà l'Eglise
divisée encore une fois en deux parties ; pape
contre pape, concile contre concile ; d'un côté
Eugène avec son concile de Ferrare, trans-
féré d'abord & Florence, puis à Rome, de
l'autre le concile de Bàle devenu en dernier
lieu concile de Lausanne, avec son pape Félix.
Malheureusement, l'autorité conciliaire se dis-
créditait dans ces luttes; elle cessait d'appa-
raître comme un principe d'unité et de pacifi-
cation ; elle devenait , elle aussi , douteuse.
« Ces deux conciles de Rome et de Lausanne,
dit Bossuet, quoique composés seulement d'un
BAL
très-petit nombre d'évêques, prenaient haiùi-
ment le titre de concile œcuménique, et ne
faisaient qu'exposer à la risée un nom si res-
pectable. »
Après la mort d'Eugène , suivie de l' avène-
ment au pontificat de Nicolas V, la politique
amena les deux partis à sortir de l'absolu théo-
logique et à transiger ; on convint que Félix
renoncerait à lu papauté et que le concile de
Lausanne ferait un décret portant ■ qu'en
considération de la paix de 1 Eglise il recon-
naissait pour pape Nicolas , commandant &
tout le monde de lui obéir en cette qualité ;
après quoi le concile se déclarait dissous. »
Nicolas, de son côté, promit de convoquer en
France un concile général et de s'ôter lui-
même la liberté de révoquer cette convoca-
tion , de proroger ou empêcher la tenue de ce
concile. D'après cette convention, Félix publia
une bulle dans laquelle, après avoir rappelé
mot pour mot le décret de la Ve session de
Constance et ajouté • que ce décret a été con-
firmé par le concile de Bâle , reçu et mis en
exécution par l'Eglise catholique, » il déclara
abdiquer de son plein gré la dignité papale,
afin de procurer la paix à l'Eglise, « espérant
que dans la suite les rois, les princes, les pré-
lats et les autres fidèles protégeront les saints
conciles généraux, en défendront et maintien-
dront l'autorité. • Le concile de Lausanne pu-
blia un décret conformément à la bulle de Fé-
lix et se déclara dissous. Ainsi la paix et l'u-
nion furent rétablies dans l'Eglise, partagée
entre Eugène et Félix, et les partisans de Fé-
lix renoncèrent au schisme, mais, comme Bos-
suet le fait très-bien remarquer, sans changer
de doctrine sur les rapports de l'autorité con-
ciliaire et de l'autorité papale.
Après l'exposé des faits qu'on vient délire,
il nous reste à présenter en face l'une de
l'autre l'opinion des ultramontains et celle des
gallicans sur l'autorité des conciles de Con-
stance et de Bâle.
Ecoutons d'abord Joseph de Maistre. L'au-
teur des Soirées de Saint - Pétersbourg ne
comprend pas une puissance abstraite, une
autorité impersonnelle ; il veut du concret, du
palpable en matière d autorité ; il est ultra-
montiin comme il est monarchiste absolu ;
ne lui parlez pas plus de gallicanisme que de
parlementarisme. «Il n'y a pas, dit-il, d'Eglise
catholique en dehors du pape; dépouiller le
pape de l'infaillibilité pour l'accorder à l'E-
glise, c'est, suivant lui, revenir au réalisme du
moyen âge. Rien de plus contraire au système
divin qui se manifeste dans l'ensemble de la
religion. Dieu, qui nous a soumis au temps et
à la matière, ne nous a pas livrés aux idées
abstraites et aux chimères de l'imagination.
Il a rendu son Eglise visible, afin que celui qui
ne veut pas la voir soit inexcusable ; sa grâce
même, il l'a attachée à des signes sensibles.
Qu'y a-t-il de plus divin que la rémission des
péchés? Dieu, cependant, a voulu, pour ainsi
dire, la matérialiser en faveur de l'homme.
Comment pourrait-on croire que, sur le point
fondamental, Dieu ait dérogé à ses lois les
plus évidentes, les plus générales, les plus
humaines? Il est bien aisé de dire : il a plu
au Saint-Esprit et à nous (formule des déci-
sions conciliaires). Le quaker dit aussi qu'il a
l'esprit, et les puritains de Cromwell le di-
saient de même. Ceux qui parlent au nom de
l'Esprit saint doivent le montrer; la colombe
mystique ne vient point reposer sur une pierre
fantastique; ce n'est pas ce qu'elle nous a
Îiromis. S'il y a quelque chose d'évident pour
a raison autant que pour la foi, c'est que
l'Eglise universelle est une monarchie. L'idée
seule de l'universalité suppose cette forme de
gouvernement, dont l'absolue nécessité repose
sur la double raison du nombre des sujets et
de l'étendue géographique de l'empire. Une
souveraineté périodique ou intermittente est
une contradiction dans les termes ; car la
souveraineté doit toujours vivre, toujours
veiller, toujours agir. Il n'y a pour elle aucune
différence entre le sommeil et la mort. Or, les
conciles étant des pouvoirs intermittents dans
l'Eglise, et non-seulement intermittents, mais
de plus extrêmement rares et accidentels, sans
aucun retour périodique et légal, le gouverne-
ment de l'Eglise ne saurait leur appartenir.
Le concile général est infaillible sans doute ;
mais ce haut privilège, il ne le tient que de son
chef, à qui les promesses ont été faites. Nous
savons bien que les portes de l'enfer ne pré-
vaudront pas contre l'Eglise; mats pourquoi?
A cause de Pierre, sur qui elle est fondée.
Aucune promesse n'a été faite à l'Eglise sé-
parée de son chef, et la raison seule le devi-
nerait, puisque l'Eglise comme tout autre corps
moral ne pouvant exister sans unité, les pro-
messes ne peuvent avoir été faites qu'à l'unité,
qui disparaît inévitablement avec le souverain
pontife. Lesconcilesoecuméniquesnesont, ne
peuvent être que les états généraux du chris-
tianisme, rassemblés par l'autorité et sous la
présidence dusouverain, du pape. Si cette auto-
rité, cette présidence du pape, manque ou
vient à cesser, le concile ne peut prétendre
au titre d'oecuménique. Dès que le souverain,
le pape dit veto, l'assemblée est dissoute ou sa
force colégislatrice est suspendue ; concile
séparé de son chef où décapité, concile sans
autorité et dont les décisions doivent être
considérées comme nulles et non avenues. Il
n'y a pas à demander si le concile est au-
dessus du pape ou le pape au-dessus du con-
cile ; U n'y a pas deux termes à opposer, con-
cile et pape; il n'y a en réalité qu'un seul
BAL
terme ; le concile, c'est encore le pape, puisque
c'est 1 autorité papale qui lui confère le ca-
ractère œcuménique. La preuve que l'œcumé-
ni'cité n'a pas d'autre source, c'est que per-
sonne ne la fait dériver du nombre des évê-
ques réunis ; il suffit que tous soient convoqués :
ensuite vient qui veut et qui peut; or, si le
concile avait une autorité propre et indépen-
dante, le nombre ne pourrait être indifférent.
Voyons maintenant comment J. de Maistre
applique ces principes généraux aux conciles
de Constance et de Bâle. « C'est un grand
malheur, dit-il, que tant de théologiens fran-
çais se soient attachés au concile de Constance
pour embrouiller les idées les plus claires.
Les jurisconsultes romains ont fort bien dit :
Les lois ne Rembarrassent que' de ce qui arrive
souvent et non de -ce qui arrive une fois. Un
événement unique dans l'histoire de l'Eglise
rendit son chef douteux pendant quarante ans.
On dut faire ce qu'on n'avait jamais fait et ce
que peut-être on ne fera jamais. L'empereur
assembla les évèques au nombre de deux cents
environ. C'était un conseil et non un concile.
L'assemblée chercha à se donner l'autorité
qui lui manquait, en levant toute incertitude
sur la personne du pape. Elle statua sur la foi :
et pourquoi pas î Un concile de province peut
statuer sur le dogme; et si le saint-siége
l'approuve, la décision est inébranlable. C'est
ce qui est arrivé aux décisions du concile de
Constance sur la foi. On a beaucoup répété
que le pape les avait approuvées, et pourquoi
pas encore si elles étaient justes? Les Pères
de Constance, quoiqu'ils ne formassent point
du tout un concile, n'en étaient pas moins une
assemblée infiniment respectable par le nom-
bre et la qualité des personnes j mais dans tout
ce qu'ils purent faire sans l'intervention du
pape et même sans qu'il existât un pape in-
contestablement reconnu, un curé de campa-
gne ou son sacristain même étaient théologi-
quement aussi infaillibles qu'eux : ce qui n'em-
pêchait point Martin V d'approuver, comme
il le fit, tout ce qu'ils avaient fait conciliaire-
ment, et par là le concile de Constance devint
œcuménique, comme l'étaient devenus ancien-
nement le second et le cinquième concile gé-
néral, par l'adhésion des papes qui n'y avaient
assisté ni par eux ni par leurs légats Il
est très-vrai que les papes ont approuvé les
décisions portées au concile de Constance
contré les erreurs de Wialeff et de Jean Huss ;
mais que le corps épiscopal séparé du pape,
et même en opposition avec le pape, puisse
faire des lois qui obligent le saint-siége, et
prononcer sur le dogme d'une manière divi- .
nement infaillible, cette proposition est un
prodige, pour parler la Tangue de Bossuet,
moins contraire peut-être à la saine théologie
~u'à la saine logique. Que faut-il donc penser
e ces fameuses sessions IV et V où le concile
(le conseil) de Constance se déclare supérieur
au pape ? La réponse est aisée. Il faut dire que
l'assemblée déraisonna, comme ont déraisonné
depuis le Long parlement d'Angleterre, et
l'Assemblée constituante^, et l'Assemblée lé-
gislative, et la Convention nationale, et les
Cinq-Cents, et les Deux-Cents, et les dernières
cortès d'Espagne ; en un mot, comme toutes
les assemblées imaginables, nombreuses et
non présidées Dans l'ordre moral et dans
l'ordre physique, les lois de la fermentation
sont les mêmes. Elle naît du contact et se pro-
portionne aux masses fermentantes. Rassem-
blez des hommes rendus spiritueux par une
passion quelconque, vous ne tarderez pas de
voir la chaleur, puis l'exaltation et bientôt le
délire ; précisément comme dans le cercle ma-
tériel, la fermentation turbulente mène rapi-
dement à l'acide et celle-ci à la putride.
Toute assemblée tend à subir cette loi géné-
rale, si le développement n'en est arrêté par
le froid de l'autorité, qui se glisse dans les
interstices et tue le mouvement Jamais il
n'y eut rien de si radicalement nul et même
de si évidemment ridicule que la IVe session
du conseil de Constance, que la Providence et
le pape changèrent depuis en concile. »
J. de Maistre veut bien, du reste, plaider les
circonstances atténuantes en faveur du con-
seil de Constance. « Qu'on se mette, dit-il, à
la place des évêques de Constance, agités par
toutes les passions de l'Europe, divisés en na-
tions, opposés d'intérêts, fatigués par le re-
tard, impatientés par la contradiction, séparés
des cardinaux, dépourvus de centre, et, pour
comble de malheur, influencés par des souve-
rains discordants : est-il donc si merveilleux
que, pressés d'ailleurs par l'immense désir de
mettre fin au schisme le plus déplorable qui
ait jamais affligé l'Eglise, et dans un siècle
où le compas des sciences n'avait pas encore
circonscrit les idées, comme elles 1 ont été de
nos jours, ces évêques se soient dit à eux-
mêmes : Nous ne pouvons rendre la paix à
l'Eglise et la réformer dans son chef et dans
ses membres qu'en commandant à ce chef même :
déclarons donc qu'il est obligé de nous obéir.
De beaux génies des siècles suivants n'ont pas
mieux raisonné. L'assemblée se déclara donc,
en premier lieu, concile œcuménique ; il le fal-
lait bien pour en tirer ensuite la conséquence
que toute personne de condition et dignité
quelconque, même papale, était tenue d'obéir au
concile en ce qui regardait la foi et l'extirpa-
tion du schisme. »
Quant au concile de Bâle, il est encore plus
cavalièrement traité. L'auteur du Pape ne le
rappelle, en passant, que pour lui dire son
fait avec un sans-façon tout voltairien. Il n'a
garde de suivre Bossuet sur ce terrain, et se
a
BAL
dispense habilement de la discussion en se re-
tranchant dans le mépris; confondant à des-
sein les diverses phases que présente l'histoire
du concile de Bâle, et qui ont été soigneuse-
ment distinguées par les gallicans, il prend le
parti de traiter comme indigne de la critique
ce qui, dans les actes de ce concile, pourrait
contrarier sa thèse. > En vertu de l'inévitable
force des choses, dit-il, toute assemblée qui
n'a point de frein est effrénée. Il peut y avoir
du plus ou du moins, ce sera plus tôt ou plus
tard, mais la loi est infaillible. Rappelons-
nous les extravagances de Bâle ; on y vit'
sept ou huit personnes, tant évêques qu'abbés,
se déclarer au-dessus du pape, le déposer
même pour couronner l'œuvre et déclarer
tous les contrevenants déchus de leurs digni-
tés, fussent-ils évêques, archevêques, patriar-
ches, cardinaux, rois ou empereurs. Ces tristes
exemples nous montrent ce qui arrivera tou-
jours dans les mêmes circonstances. Jamais la
paix ne pourra régner-ou s'établir dans l'Eglise
par l'influence d'une assemblée non présidée.
C'est' toujours au souverain pontife, ou seul
ou accompagné, qu'il en faudra venir, et toutes
les expériences parlent pour cette autorité. ■
On remarquera le caractère tout politique
de la théologie de J. de Maistre. Les conciles
réformateurs de Constance et de Bâle se sen-
tent de la haine qu'il porte aux assemblées
politiques qui ont pris un rôle constituant ; et
comme il repousse la subordination du roi aux
états généraux, il ne veut pas entendre parler
de celle du pape au concile général. Ce qu'il
ne peut pardonner aux décrets des IVc et
Ve sessions de Constance, décrets renouvelés
à Bâle, c'est d'avoir voulu établir dans l'ordre
spirituel et religieux un état de choses qui,
dans l'ordre politique, lui paraît intolérable.
Dans l'Eglise comme dans l'Etat , il ne
comprend que la monarchie absolue. Ses
préoccupations politiques le mettent en dé-
fiance contre toute assemblée; les hommes,
dit-il, dans un langage de goût douteux, de-
viennent spiritueux par le contact et se met-
tent à fermenter si le froid "de l'autorité ne
vient heureusement se glisser dans les in-
terstices pour tuer le mouvement. Il a un
grand principe au service de sa thèse, un
principe qui embrasse la politique et la reli-
gion et qui assimile l'une à l'autre : la souve-
raineté, suivant lui, dans l'Etat comme dans
l'Eglise, suppose l'infaillibilité ; dans l'ordre
politique, l'infaillibilité du souverain ne peut
être, il est vrai, qu'une hypothèse, une fiction,
mais c'est une fiction nécessaire ; dans l'ordre
religieux, l'hypothèse devient une réalité po-
sitive dérivant d'une promesse divine. Toute
société suppose une souveraineté et, par con-
séquent, une infaillibilité permanente; dans
l'Eglise, le siège, le sujet de cette souverai-
neté permanente ne peut être que le pape;
donc le pape, souverain ordinaire et perma-
nent de 1 Eglise, est nécessairement infaillible.
La conséquence logique est l'inutilité des
conciles aussi bien dans le passé que dans
l'avenir. • Car, dit très-bien Bossuet, qu'était-
il nécessaire d'assembler avec tant de frais et
tant de travaux les évêques de tout le monde,
et pourquoi priver les églises de leurs pas-
teurs, si l'infaillibilité de la décision résidait
dans le pape seul? » J. de Maistre n'hésite pas
à accepter cette conséquence ; il n'a nul goût
pour tout ce bruit des conciles œcuméniques
dont l'histoire des premiers siècles de l'Eglise
est pleine, et dans lequel se perd la voix de la
véritable autorité ; cela ressemble évidemment
trop à la fermentation pour ne pas lui paraître
un état transitoire et anormal ; immobilisée
par le froid de l'autorité, l'Eglise est heureu-
sement sortie de toutes ces agitations épisco-
pales pour entrer dans le silence et la soumis-
ston ; et ce bel ordre monarchique que l'ultra-
montanisme a fait enfin régner dans la société
religieuse est l'éternel exemplaire sur lequel
doivent se modeler les sociétés politiques.
Ecoutons maintenantl'argumentation serrée
et puissante de Bossuet. Ses adversaires, no-
tamment Bellarmin, avançaient que la doctrine
de la IV<= et de la Ve session de Constance de-
vait être considérée comme presque hérétique,
tout au moins comme schismatique et dange-
reuse. « S'il en est ainsi, dit Bossuet, il faut
admettre que tous ceux qui se joignirent au
concile, qui lui adhérèrent, qui communiquè-
rent avec lui et qui firent des décrets qui ne
sont que des conséquences de ces premières
décisions, il faut admettre, dis-je, que tous ces
Pères furent les fauteurs de l'hérésie ou du
schisme. Ainsi toute l'Eglise souillée par cette
communion sacrilège et par cet accord impie
ne pourra jamais laver cette tache honteuse I
Ainsi Martin V, qui, peu content de communi-
quer avec les schématiques, a encore approuvé
leurs décrets, aura couvert l'Eglise romaine
d'opprobre et d'infamie 1 Car non-seulement
il a concouru à faire des décrets qui, selon
nos adversaires, renversent la primauté du
siège de Pierre, mais encore il s'est laissé
placer sur ce même siège par des prélats
schismatiques ; et, après y avoir été placé, il
n'a pas cru que ce fût assez de leur rester
uni, il a donné de grands éloges à leur assem-
blée, qui, dès son ouverture, avait pris le titre
de concile œcuménique I >
Mais, dit Bellarmin, Martin V déclara ex-
pressément qu'entre les décrets concernant la
foi, il ne confirmait que ceux qui avaient été
faits conciliairement, c'est-à-dire après un
mûr examen, suivant l'usage des conciles; ce
qui exclut les décrets des IVe et V« sessions,
lesquels ont été publiés sans examen: — Quelle
BAL
absurdité, bon Dieu! s'écrie Bossuet, de mettre
des décrets publiés dans deux sessions consé-
cutives, faits de dessein prémédité, posés sur
des principes fondamentaux, et enfin détermi-
nés a l'unanimité des suffrages, au nombre des
choses qui n'ont été traitées que comme en
passant et sans examen ! La vérité est que le
terme conciliairement, employé par Martin V,
n'avait pas d'autre but que de distinguer ce
qui avait été décidé, conclu dans les sessions
publiques des conciles, de ce qui avait été
simplement examiné dans des congrégations
ou commissions particulières. C'est donc, en
vérité, se moquer que de recourir à de pa-
reilles subtilités pour combattre des décrets
qui ont été faits conciliairement, puisqu'ils ont
été dressés dans deux sessions publiques. *
Du reste, continue Bossuet, tout se fient
dans les décrets du concile de Constance, et
non-seulement dans ces décrets, mais dans
les décisions papales et conciliaires qui ont
suivi. Détruire 1 autorité des IVe et Ve ses-
sions-, c'est détruire l'autorité du concile tout
entier et en même temps toute autre autorité
émanée de celle-là. Le décret Frequens de la
XXXIX* session est évidemment la consé-
quence et l'application des décrets des IV« et
ve sessions ; il les suppose et ne peut en être
séparé. Pourquoi les Pères de Constance
imposent -ils des lois aux papes dans la
XXXIX* session et déclarent-ils que tous les
conciles futurs pourront leur en imposer, si-
non parce que dès la Ve session ils avaient
décidé que toute personne, de quelque dignité
qu'elle fût , quand même elle serait pape ,
était obligée d'obéir à tout concile général 1
Vous ne faites pas attention, répondent les
ultramontaius, qu à l'époque ou se réunit le
concile de Constance, le pape était douteux,
l'Eglise déchirée par le schisme, qu'un pouvoir
exceptionnel avait sa raison d être, dans des
circonstances exceptionnelles et contre un mal
exceptionnel, et que les lois d'un concile ont
pu très-bien obliger des papes douteux, sans
qu'on en puisse rien conclure relativement
aux papes indubitables. — Ainsi, réplique
Bossuet, on est forcé de convenir que le con-
cile de Constance pouvait imposer des lois aux.
papes douteux, ou de dire que le schisme en-
tretenu par l'obstination des divers conteil-
dants à la papauté était un mal dont l'Eglise
n'avait aucun moyen efficace de se délivrer.
Or, si le concile de Constance avait le pouvoir
d'imposer des lois à des papes schismatiques,
s'il en a fait usage d'une manière très-avan-
tageuse à l'Eglise, d'où lui venait-il ce pou-
voir? N'est-ce pas de Jésus-Christ qu'il l'a-
reçu immédiatement comme il l'a déclaré dans
ses décrets, et parce qu'étant assemblé par le
Saint-Esprit, il représentait l'Eglise univer-
selle? Mais comme nous ne voyons pas que
le pouvoir que Jésus-Christ a donné à l'Eglise
et au concile qui la représente soit un pouvoir
spécial pour les temps de schisme, ne s ensuit-
il pas que, si elle a ce pouvoir pour les temps
de schisme, c'est parce qu'il lui a été donné
pour tous les temps où il serait nécessaire
d'en faire usage? Car, si le concile recevait sa
puissance d'ailleurs, on obéirait aux hommes,
et non pas à Dieu, en se soumettant a ses dé-
crets. Il est clair, du reste, que cette puissance
n'eût été d'aucun usage, d'aucune efficacité
pour faire cesser le schisme, si on ne lui eût
accordé qu'un caractère exceptionnel, si l'on
n'eût pas fait une très-grande différence gé-
nérale entre le concile et le pape, si l'on n'eût
pas vu dans le premier un principe d'unifica-
tion et de féformation auquel on pouvait tou-
jours recourir, un pouvoir supérieur auquel
le pape, quelque indubitable qu'il fût, était
assujetti. Sans cette idée de la subordination
du pape même certain au concile général, le
concile de Constance était paralysé dans «on
action j il n'y avait aucune issue pour sortir
du schisme, par la raison très-simple que cha-
cun des papes qui se disputaient la tiare se
regardait lui-même comme certain, et était
reconnu pour tel par son obédience. Enfin,
nulle trace de cette distinction entre les pa-
pes douteux et les papes certains ne se montre
ni dans les décrets de Constance ni dans les
bulles papales qui ont confirmé ces décrets, et
qui en ont été les conséquences. Il est absurde
de prétendre que le concile ne statue que pour
les temps de schisme , puisqu'une Ses lois
qu'il établit, qu'il impose aux papes futurs,
c'est la tenue régulière et périodique des con-
ciles. Aussi voyons-nous Martin V élu pape,
et reconnu pour seul, certain et indubitable,
exécuter de point en point cette loi en convo-
quant, aux époques fixées à Constance, les
conciles de Pise et de Bâle. Evidemment, aux
yeux du pape Martin V comme du concile de
Constance, le pape, même certain, était obligé
en conscience de se soumettre aux décrets du
concile général.
Passant à l'examen du concile de Bâle,
Bossuet établit que l'œcuménicité de ce con-
cile est incontestable, au moins jusqu'à l'é-
poque où il fut transféré à Perrare en vue de
ta réunion des Grecs. Il fait remarquer.que le
renouvellement solennel des fameux décrets
des IVe et Ve sessions de Constance fut, en
quelque sorte, l'entrée en matière des Pères
de Baie, le point de départ de leurs décisions ;
que ces décrets de Constance furent insérés
dans les actes de Bâle, quoiqu'il n'y eût point
alors de schisme, quoique le pape fût indubi-
table et que même il présidât au concile par
ses légats ; « ce qui prouve, dit-il, que ces dé-
crets ne regardent pas uniquement les temps
da schisme, mais tous les temps indistincte-
BAL
101
ment, et que tout le monde les entendait en ce
sens. • Il montre ensuite que non-seulement le
concile de Bâle a déclaré la supériorité du
concile oecuménique sur un pape indubitable,
mais qu'il en a fait usage, et que le pape lui-
même a reconnu cette supériorité de la ma-
nière la plus authentique par une bulle publiée
dans un concile général.
« Nous ferons ici, ajoute-t-il, un dilemme
qui nous paraît sans réplique. Lorsque le pape
Eugène publia, dans la forme la plus solennelle
et en plein concile général, une bulle confir-
mative des décrets de Bâle et, par conséquent,
de ceux de Constance qui sont souvent insérés
et ratifiés dans ceux de Bâle, lors, dis-je,
qu'Eugène reconnut si autherltiquement la
supériorité des conciles sur les papes, ce qu'il
disait était vrai ou faux. S'il disait vrai, les
décrets de Constance subsistent donc dans leur
entier, même contre un pape indubitable ; on
doit donc croire absolument et sans restriction
tout ce qu'ils contiennent, et la souveraine
puissance du concile, non-seulementreconnue,
mais mise en pratique a Bâle contre un pape
certain est désormais un dogme incontestable.
Si, au contraire, ce que disait Eugène était
faux, il s'ensuit, contre l'opinion de l'infailli-
bilité papale, que ce pape est tombé dans
l'erreur, et qu'il a soutenu son erreur par un
décret authentique, publié dans un concile
œcuménique, confirmé par les suffrages una-
nimes des Pères. »
Ni le pape Eugène, poursuit Bossuet, même
après qu'il fut parvenu à diviser les Pères de
Bâle en deux partis, et à rendre douteuse
l'autorité du parti plus nombreux qui résista
à sa bulle de translation, ni les conciles de
Perrare et de Florence, n'ont jamais combattu
les décrets que le concile de Bâle a publiés
en se fondant sur ceux de Constance, relati-
vement à la supériorité du concile général sur
le pape dans les choses qui concernent la foi,
le .schisme et la réformation. Dans sa décré-
tale Moyses, Eugène dit plusieurs fois qu'on
doit condamner et regarder comme nuls tous
les décrets que le concile de Bâle pourrait
avoir faits, depuis le jour de la translation ;
mais il ne parle nullement des autres. Or,
comme les décrets publiés à Bâle avant la
translation étaient aussi connus que ceux qui
le furent après, si Eugène les avait crus con-
damnables, il n'aurait pu garder le silence à
leur égard sans trahir la vérité. Donc nous
sommes en droit de conclure que les décrets
de Bâle, jusqu'à la translation, sont l'ouvrage
d'un concile véritablement orthodoxe et légi-
timement constitué ; donc ces mêmes décrets
de Bâle, dans lesquels ceux de Constance se
trouvent confirmés, non-seulement conser-
vent, sans que personne s'y soit opposé, leur
pleine et entière autorité, mais même sont les
Frincipes fondamentaux sur lesquels s'appuie
Eglise tout entière.
Il y a plus : la décrétais Moyses condamne
les trois propositions de la XXXIIIs session
dé Bâle (formulées après la translation) comme
contraires à la sainte Ecriture, aux saints
Pères et au vrai sens des décrets de Constance.
Qu'est-ce. à dire? Condamner les décrets de
Bâle parc-) qu'ils sont contraires à ceux de
Constance, n est-ce pas décider expressément
qu'il faut chercher le vrai sens des décrets de
Constance, mais qu'ils ont par eux-mêmes une
autorité souveraine et absolue? Ehl qu'y a-t-il
au monde de plus évidemment certain que des
décrets qu'on ne peut contredire sans mériter
d'être condamné? Et peut-on jamais confirmer
un concile d'une manière plus précise qu'en
citant ses décrets, conjointement avec la
sainte Ecriture et les saints Pères , comme
contenant la règle infaillible de la foi ?
Mais, dit Bellarmin, vos décrets des IV« et
V» sessions de Constance et vos décrets con-
firmatifs de Bâle ont été implicitement abro-
gés par le concile de Florence, dans le décret
d'union publié par les Grecs, conjointement
avec les Latins. Que peut-on opposer à ces
paroles- des Pères de Florence; « Nous défi-
nissons que le saint-siége apostolique a la
primauté sur toutes les Eglises du monde, et
que le pontife romain est le successeur de
saint Pierre, prince des apôtres, le vrai vicaire
de Jésus-Christ, le chef de toute l'Eglise, le
père et le docteur de tous les chrétiens, et
qu'il a reçu de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
dans la personne de saint Pierre, le pouvoir
de paître, régir, et gouverner l'Eglise univer-
selle, selon qu'il est marqué dans les actes
des conciles œcuméniques et dans les saints
canons? • — Ces paroles, que nos adversaires
invoquent, répond Bossuet, n'établissent nul-
lement l'abrogation par le concile de Florence
des décrets de Constance et des décrets con-
firmatifs de Bâle. • Car, premièrement, s'il est
vrai que les décrets de Constance aient paru
aux Pères de Florence dignes d'être rejetés,
comme erronés ou schismatiques, pourquoi
tant de détours et ne pas les combattre à dé-
couvert? Pourquoi ne pas transcrire les décrets
qu'ils voulaient abroger? Pourquoi ne pas ré-
voquer expressément la V« session de Con-
stance, afin que le nom de ce concile ne fût
plus pour les peuples un sujet d'illusion ou
d'erreur? En effet, que craignaient les Pères
de Florence ? Etait-ce l'autorité du concile de
Constance qui avait passé jusqu'alors pour
œcuménique? Mais ces Pères croyaient ou
que ce concile en avait réellement l'autorité,
ou qu'il se l'était faussement arrogée. S'ils
croyaient son autorité réelle, ils la jugeaient
donc aussi tellement irréfragable qu'elle ne
pouvait être ébranlée par aucun décret con-
102
BAL
traire : s'ils la croyaient faussement arrogée,
il était nécessaire de la rejeter expressément,
et même d'autant plus nécessaire qu'on savait
très-bien que les savants comme les simples
6e laisseraient entraîner dans l'erreur, en la
voyant enseignée sous un nom aussi res-
pectable.
< Nous dirons en second lieu que ces paroles
du décret de Florence : Le pape a reçu de
Jésus-Christ, dans la personne de saint Pierre,
le plein pouvoir de paitre, régir et gouverner
l'Eglise, n'établissent point du tout qu'en con-
séquence de ce pouvoir donné au pape, son
sentiment particulier doit prévaloir sur celui
de l'Eglise même réunie. Or, voilà précisé-
ment ce qui avait été condamné à Constance.
Donc les Pères assemblés à Florence ne con-
tredisent pas la doctrine des conciles de Con-
stance et de Bâle.
> En troisième lieu, si l'on décida à Florence
que le pape régissait l'Eglise universelle, on
déclara pareillement a Constance que l'Eglise
romaine était souveraine, en tant qu'elle avait
la primauté sur toutes les Églises particulières ;
et non en tant que son autorité était supé-
rieure à celle de toutes les Eglises réunies
dans un même sentiment.
■ Nous observerons, en quatrième lieu, que
s'il est dit dans le décret de Florence que le
pape a reçu le plein pouvoir de régir et gou-
verner l'Eglise universelle, le concile a déter-
miné le sens de ces paroles, en ajoutant aus-
sitôt après : selon qu'il est marqué dans les
actes des conciles œcuméniques et dans les
saints canons. Et dans la copie de ce décret,
qui fut publié en grec comme en latin, la si-
gnification littérale porte : selon la manière
qui est contenue dans les actes des conciles
œcuméniques et dans les saints canons; on peut
rendre plus simplement la pensée : conformé-
ment à ce que prescrivent les actes des conciles
œcuméniques et les saints canons. Exigée des .
Grecs, qui n'avaient jamais reconnu dans le
pape une puissance sans bornes, cette addi-
tion fut insérée dans le décret du consente-
ment du pape et des deux Eglises, afin d'écar-
ter formellement le sens qui donnerait à
entendre que l'Eglise est gouvernée par la
volonté arbitraire d'un homme L'histoire
des actes du concile de Florence prouve, de la
manière la plus évidente, qu'il s en fallait de
beaucoup que les Grecs reconnussent dans le
pape cette puissance souveraine et énorme, qui
serait même supérieure à celle de l'Eglise en-
tière réunie dans un concile. Elle démontre
aussi que les Latins étaient très-éloignés de
vouloir obliger les Grecs à reconnaître une
telle puissance. Serait-il possible de supposer
qu'on a trompé les Grecs en les écartant, par
une interprétation captieuse, du sens que les
termes grecs présentaient a l'esprit? a Dieu
ne plaise 1 Ce serait accuser l'Eglise romaine
d'une supercherie indigne de sa droiture et de
sa majesté. Il faut donc avouer que les décrets
de Florence, bien loin d'abroger ceux de Con-
stance, s'accordent parfaitement avec eux.
Et voilà de quelle manière il convient à des
théologiens catholiques de concilier les décrets
des saints conciles ; car commettre entre eux
les conciles, qu'est-ce autre chose que rendre
douteuse et incertaine la plus grande autorité
qui soit dans l'Eglise? >
Bûic (traités de). C'est une instructive et
curieuse nistoire que celle des traités de Bâte.
Les puissances voisines de la France, alarmées
des principes nouveaux que venait de pro-
clamer la Révolution, agitées par les intrigues
des émigrés, émues du triste sort que venait
de subir le chef de la plus vieille race royale
de l'Europe, s'étaient solennellement juré de
faire rentrer dans son lit le torrent débordé,
et de mettre à la raison ce droit des peuples,
jusqu'alors inconnu, que venait de faire éclore
la tempête de 89. La Prusse donna le signal,
signal insolent qui a voué le nom du duc da
Brunswick à la célébrité du ridicule. Mais, du
moins , cette puissance ne tarda pas à se re-
Ïientir de ses rodomontades, et à trouver qu'il
ui en coûtait trop cher pour les soutenir. La
République s'était si audacieusement et si so-
lidement affirmée, qu'il n'y avait plus d'autre
sage parti, pour ceux qui» l'avaient imprudem-
ment bravée, que de ménager la transition
entre la guerre et la paix, au profit de leur
orgueil humilié et de leurs intérêts compro-
mis. Ce furent la Prusse et l'Espagne qui, les
premières, sentirent l'inutilité de la lutte en-
treprise contre les principes que la France
faisait triompher ; l'Autriche, largement sou-
doyée par le cabinet britannique, n'opposa une
plus longue résistance que pour rendre son im-
puissance plus éclatante ; ce soldat de l'Angle-
terre ne s'était pas encore lassé, pour nous ser-
vir d'une expresson vulgaire, de recevoir sur
son dos les coups que la France adressait à
son éternelle ennemie. Son tour devait venir
un peu plus tard à Campo-Formio. Par une
singulière coïncidence, qui trahissait la lassi-
tude des belligérants, la Prusse et l'Espagne
firent en même temps des ouvertures de paix
au comité de Salut public, mais en les couvrant
de toutes les précautions que peut inspirer un
orgueil qui craint de se compromettre. Afin
de conserver à notre récit la plus grande
clarté possible, nous suivrons successivement
la marche de ces deux négociations, qui fu-
rent, pour ainsi dire, simultanées.
Un mois s'était à peine écoule djpuis la
chute de Robespierre, lorsqu'un inconnu se
présenta à Baden en Suisse, chez le citoyen
Barthélémy, ambassadeur de la République
BAL
française près les cantons helvétiques. Ce mys-
térieux personnage était un négociant alle-
mand, qui remit un paquet contenant des
propositions faites au nom de la Prusse, par
le maréchal Mollendorf, pour un échange de
prisonniers, mais auxquelles se trouvaient
mêlées des insinuations qui paraissaient an-
noncer des intentions pacifiques. Ce négociant
finit par s'établir à Bàle, où il communiqua aux
agents français les lettres qu'il continuait à
recevoir du général prtfssien, lettres où l'on
parlait des opérations militaires qui se pour-
suivaient sur le Rhin, et où l'on assurait que
les Prussiens ne voulaient pas attaquer. On
prédisait même des mouvements qu essaye-
raient les armées autrichiennes, et qui ne
seraient pas secondés. L'ancien comité de
Salut public avait posé en principe que la
politique de la France régénérée ne devait se
faire qu'à coups de canon; mais Barrère, Collot
d'Herbois et Billaud - Varennes n'animaient
plus ce comité célèbre de la farouche exalta-
tion de leur esprit révolutionnaire , et ceux
qui leur avaient succédé se sentaient évidem-
ment ramenés à des idées politiques moins
exclusives. Cependant il n'était pas prudent
de s'en rapporter à des propositions si vagues,
si détournées, et il ne fallait rien moins qu'une
scission éclatante entre l'Autriche et la Prusse
pour amener cette dernière puissance sur le
terrain où l'attendait la France nouvelle.
Au reste, dans ces tentatives de rapproche-
ment avec la France, la Prusse se montrait
l'interprète de tous les princes du nord de
l'Allemagne; l'antique diète de Ratisbonne
elle-même ressentait par contre -coup des
émotions pacifiques : le 13 octobre (22 vendé-
miaire), l'envoyé de Bavière y demandait qu'on
s'occupât de négocier un traité honorable.
Quelques jours après, l'électeur de Mayence,
le margrave de Bade et l'électeur de Saxe
formulaient le même vœu dans les camps du
Rhin; la dissidence survenue entre la politique
de Berlin et celle de Vienne se développait
aussi bien qu'à Ratisbonne ; et, en Suisse, on
ne parlait que de la singulière réponse du
général en chef prussien Mollendorf à un
député badois, qui lui demandait un sauf-
conduit pour des voitures de grains : ■ Si je
vous le donnais, il ne serait pas reconnu par
les postes autrichiens. » Bientôt les communi-
cations que le feld-maréchal entretenait à
Bâle avec l'agent de la République devinrent
de plus en plus actives ; son adjudant-général
ne tarda pas à s'y rendre, muni des pouvoirs
de son chef pour traiter de l'échange des pri-
sonniers, ainsi que des autres objets qui y
tiennent, et, malgré le sanglant triomphe de
Souwarow sur la malheureuse Pologne, ces
dispositions de la Prusse ne semblèrent en
éprouver aucun ralentissement. Elles s'avouè-
rent enfin nettement : dans les premiers jours
de décembre (1794), M. de Goltz, dernier am-
bassadeur de Prusse à la cour de France, fut
nommé pour traiter avec la République, et,
tandis qu'il se rendait à Bâle, M. Harnier, son
secrétaire de légation, partait pour Paris et
allait faire entendre au sein même du comité
de Salut public le langage le plus conciliant.
Le comité déclara sans détour à ce diplomate
que la principale condition à la paix était la
cession de toute la rive gauche du Rhin, y
compris Mayence. M. Harnier se rendit à son
tour à Bâle,. où M. de Goltz reçut ensuite ses
instructions définitives. Tous les regards de
l'Europe étaient tournés vers cette ville, où
Burke commençait à voir ce qu'il a appelé de-
puis le grand encan de l'Europe; le citoyen Bar-
thélémy, notre ambassadeur, a reçu la visite
des magistrats et du grand tribun de l'Etat de
Bâlej de toutes parts on s'est empressé autour
du nacifiûue envoyé de la terrible République,
et dans le représentant de cette Convention
qui a dressé l'échafaud de Louis XVI, on a été
frappé de surprise de trouver un homme d'un
extérieur simple, composé de modestie, d'amé-
nité, de calme et de bonhomie. Le neveu du
célèbre auteur du Voyage d'Anacharsis inspi-
rait la confiance par la bienveillance de 3on
accueil et soutenait cette première impression
Sar une conversation facile, qui décelait plus
e pénétration que d'adresse, plus de justesse
que de brillant. Le 22 janvier (1795), Barthélémy
et M. de Goltz échangèrent leurs pleins pou-
voirs, et, deux jours après, ils entrèrent en
conférence. La première entrevue avait été
très-gaie : tel fut du moins le premier secret
qui s'échappa de- Bàle. Malheureusement la
mort de M. de Goltz (5 février) vint interrompre
les négociations. Son successeur, M. de Har-
demberg, n'arriva à Bâle que le 20 mars ; mais,
dans cet intervalle, le secrétaire de la légation
prussienne avait été autorisé à continuer la
conférence, et l'on avait mûrement approfondi
tous les articles en discussion. La diplomatie
prussienne ne montra d'abord aucune opposi-
tion sérieuse aux prétentions de la République
sur Mayence et sur la rive gauche du Rhin ;
mais lorsqu'il s'agit de consigner ce principe
dans la rédaction du traité, eue éleva de gran-
des difficultés et voulut renvoyer cette stipu-
lation à la paix générale; de plus, la Prusse
entrevoyait dans les relations qu'elle venait de
rouvrir avec la France un moyen de s'attacher
tous les princesses voisins, et elle désirait que
son alliance leur offrit une protection plus effi-
cace que celle de toutes les armées de l'Europe.
A cet effet, elle nous demandait de reconnaître
une ligne de neutralité derrière laquelle elle
put étendre un abri sur le nord de l'Allemagne,
et qui comprendrait le Hanovre. Cette bizarre
conception, de neutraliser une province du roi
BAL
d'Angleterre au moment même où la guerre de
l'Angleterre contre la France se ranimait avec
le plus de fureur, causa une vive irritation au
sein du comité de Salut public et éveilla sa
défiance sur la sincérité de la Prusse ; il lui
sembla que c'était là un détour diplomatique
réservé pour reculer de plus en plus la con-
clusion du traité. Les négociations allaient
peut-être marcher dans le sens d'une rupture,
lorsqu'une dépèche de Barthélémy annonça
que la signature du traité ne tenait plus ou à
1 admission de l'articlequi stipulait la neutralité
du nord; M. de Hardemberg l'avait positive-
ment déclaré. Dès que le comité eut l'assurance
que la paix était derrière cet article , il revint sur
ses impressions défavorables et expédia à
Barthélémy l'ordre d'admettre ce qui était en
discussion. On s'occupa aussitôt de revoir
les articles et de les mettre en ordre. Nous
allons donner une analyse des principales
clauses de ce traité fameux :
« Il y aura paix, amitié et bonne intelli-
gence entre la République française et S. M. le
roi de Prusse.
» Toutes les hostilités entre les deux puis-
sances contractantes cesseront à compter de
la ratification du présent traité , et aucune
d'elles ne pourra, à compter de la même épo-
que, fournir contre l'autre, en quelque qualité
et à quel titre que ce soit, aucun secours ni
contingent, soit en hommes, en chevaux, vi-
vres, argent, munitions de guerre ou autre-
ment.
» L'une des puissances contractantes ne
pourra accorder passage sur son territoire à
des troupes ennemies de l'autre.
» Les troupes de la République évacueront,
dans les quinze jours qui suivront la ratification
du présent traité, les parties des Etats prus-
siens qu'elles pourraient occuper sur la rive
droite du Rhin.
> Le comté de Sayn-Alten-Kirchen étant
dans la possession de S. M. le roi de Prusse,
jouira des mêmes sûretés et avantages que ses
autres Etats situés sur la rive droite du Rhin
(article secret).
• Tous les prisonniers faits respectivement
depuis le commencement de la guerre seront
rendus dans l'espace de deux mois au plus
tard, après l'échange des ratifications du pré-
sent traité, et tous les prisonniers des corps
saxons, mayençais, palatins et hessois qui ont
servi avec l'armée du roi, seront également
compris dans l'échange mentionné. »
On aborda enfin les conditions qui consti^
tuaient véritablement le traité. Comme nous
l'avons dit, l'article de la rive gauche du Rhin
était d'une grande difficulté : aussi, pour tout
concilier, on le divisa en deux parties, dont
l'une devait rester secrète :
■ Les troupes de la République française
continueront d'occuper la partie des Etats du
roi de Prusse située sur la rive gauche du
Rhin. Tout arrangement définitif à l'égard de
ces provinces sera renvoyé jusqu'à la pacifi-
cation générale entre la France et l'empire
germanique.
> Si, k la pacification générale entre la
France et l'empire germanique, la rive gauche
du Rhin reste à la France, S. M. le roi de
Prusse s'entendra avec la République fran-
çaise sur le mode de cession des Etats prussiens
situés sur la rive gauche de ce fleuve, contre
telle indemnisation territoriale dont on con-
viendra (article secret),
» La République française, désirant contri-
buer en tout ce qui dépend d'elle à raffer-
missement et au bien-être de la Prusse, aveo
laquelle elle reconnaît avoir une grande iden-
tité d'intérêts, consent, pour le cas où la
France étendrait, à la paix future avec l'empire
germanique, ses limites jusqu'au Rhin et res-
terait ainsi en possession des Etats du duc de
Deux-Ponts, à se charger de la garantie de la
somme de 1,500,000 rixdalers, prêtés par le
roi de Prusse à ce prince, après que les titres
de cette créance auront été produits et sa lé-
gitimité reconnue (article secret).
> En attendant qu'il ait été fait un traité de
commerce entre les deux puissances contrac-
tantes, toutes les communications et relations
commerciales seront rétablies entre la France
et les Etats prussiens sur le pied où elles
étaient avant la guerre actuelle.
« Afin d'éloigner le théâtre de la guerre des
frontières des Etats de S. M. le roi de Prusse,
de conserver le repos du nord de l'Allemagne
et de rétablir la liberté entière du commerce
entre la France et cette partie de l'empire
comme avant la guerre, la République fran-
çaise consent à ne pas pousser les opérations
de la guerre, ni faire entrer ses troupes, soit
par terre, soit par mer, dans les pays et États
situés au delà de la ligne de démarcation sui-
vante : (couvrant la Westphalie. le haut Pa-
la'tinat, le pays de Darmstadt et la Franconie,
et s'étendant depuis le Rhin jusqu'à la Bohême
et à la Silêsie. — Ces Etats devaient être con-
sidérés comme neutres, mais à la condition
d'observer eux-mêmes une rigoureuse neutra-
lité, dont le premier point serait de rappeler
leur contingent et de ne contracter aucun nou-
vel engagement qui put les autoriser à fournir
des troupes aux puissances en guerre avec la
France).
• S. M. le roi de Prusse ne formera aucune
entreprise hostile sur les Provinces-Unies et
sur tous les autres pays occupés par les troupes
françaises (article secret).
■ La République accueillera les bons offices
BAL
de S. M.-le roi de Prusse en faveur des Etats
de l'Empire germanique qui désireront entrer
directement en négociation avec elle... ; elle
consent à ne pas traiter comme pays ennemis,
pendant l'espace de trois mois après la ratifi-
cation du présent traité, ceux des princes et
Etats dudit empire qui sont situés sur la rive
droite du Rhin en faveur desquels le roi s'in-
téresse;
• Les dispositions de ce dernier article ne
pourront s'étendre aux Etats de la maison .
d'Autriche (article secret). ■
Telles étaient en substance les principales
clauses du traité de Bâle, qui fut ratifié par la
Convention le 24 germinal (14 avril) 1795. et le
lendemain par le roi de Prusse. Il nous reste
à résumer la suite et le résultat des négocia-
tions avec l'Espagne.
Presque au même moment où le feld-maré-
chal Mollendorf faisait parvenir à notre am-
bassadeur à Bàle les premières insinuations
de paix, des dispositions semblables se décla-
raient à deux cents lieues delà, sur la frontière
espagnole : le 4 vendémiaire an III (24 sep-
tembre 1794) un trompette se présentait au
camp de Dugommier. Il avait pour mision de
transmettre une lettre du citoyen Simonin,
payeur de nos prisonniers de guerre à Madrid.
Sous l'enveloppe, Dugommier découvrit une
petite branche d'olivier glissée dans une inci-
sion faite àlamarge, et ce ne fut qu'à l'aide de ce
signe emblématique qu'il put comprendre le
sens de la dépêche : « Si vous faites accueil à ce
symbole, disait Simonin, la personne dont on
m'a parlé se montrera a découvert. » Telles
étaient alors les précautions dont nos agents et
nos généraux devaient s'entourer pour échap-
per aux ombrageuses défiances de la Conven-
tion nationale. Il est vrai qu'à cette époque un
décret défendait sous peine de mort de parler de
paix avec l'Espagne, tant que cette puissance
n'aurait pas donné satisfaction de la capitula-
tion violée à Collioure. On était sous le poids
de cette terrible défense, et non-seulement
Simonin craignait de parler, mais Dugommier
lui-même craignait d'entendre; aussi s'em-
pressa-t-il de déposer cette inquiétante com-
munication entre les mains du représentant du
peuple Delbrel, en mission près de son armée,
qui en référa aussitôt au comité de Salut public.
Malgré l'avis des représentants près larmée
des Pyrénées-Orientales, qui prétendaient que
trop d'empressement pourrait être considéré
comme une espèce d'avance, et qu'une grande
nation n'en doit pas faire à des esclaves vain-
cus, le comité accueillit favorablement ces
ouvertures. Simonin se mit sur-le-champ en
rapport avec le cabinet espagnol, et celui-ci
déclara qu'il était disposé à traiter sur les
bases suivantes : l° l'Espagne reconnaîtra le
système actuel du gouvernement français;
2<> la France remettra à l'Espagne les enfants
de Louis XVI.; 3° les provinces françaises limi-
trophes de celles de l'Espagne seront cédées
au fils de Louis XVI, qui les gouvernera sou-
verainement et en roi.
Ces étranges prétentions firent bondir de
colère tout le comité; il donna aussitôt des
ordres pour le rappel immédiat de Simo-
nin , qui compromettait à Madrid la dignité
du peuple français. Cette première lueur do
négociation s'évanouit donc dès qu'elle se
fut laissé entrevoir. Cependant, des deux côtés,
on éprouvait un si impérieux besoin de paix,
que de nouvelles ouvertures ne tardèrent pas
a se produire. Au mois de janvier 1795, un
trompette espagnol se présentait au camp
français sous Figuières, et remettait au général
en chef Pérignon une lettre de Joseph d'Ur-
rutia, général en chef de l'armée espagnole,
lettre qui laissait clairement entrevoir le dé-
sir de renouer les négociations. Les repré-
sentants du peuple près l'armée des Pyrénées
n'écoutèrent néanmoins que l'austérité ae leurs
principes révolutionnaires, et c'est sous leur
inspiration que Pérignon répondit au général
espagnol, tout en respectant les sentiments qui
avaient dicté sa lettre : « Je n'ai pas le droit
de m'ériger en conciliateur; je ne suis ici que
pour me battre. Si le gouvernement espagnol
a des propositions à faire à la République,
c'est à la Convention nationale ou à son comité
de Salut public qu'il doit s'adresser directe-
ment. ■ Le comité ne put que déplorer cette
intempestive rigueur républicaine; il se hâta
de changer les représentants près l'armée des
Pyrénées, et profita d'incidents secondaires oui
permirent aux généraux en chef de rétablir
leur correspondance.
Dans cet intervalle, la République signa son
premier traité ; et ce ne fut ni avec l'Espagne,
ni avec la Prusse, ce fut avec la Toscane.
Dans les premiers jours de mars (1795),
après que le champ eut été ouvert aux confé-
rences par les lettres des généraux, le comité
de Salut public envoya au camp de Figuières,
en qualité de plénipotentiaires, le représentant
GoupUleau de Fontenay, Bourgoing, notre der-
nier chargé d'affaires a Madrid, et l'adjudant-
général Roquesante, mais avec des instructions
telles qu'il ne fallait pas espérer voir l'Espagne
les accepter. Les premières dépêches que reçut
Bourgoing en réponse aux lettres qu'il écrivit
à Madrid parurent en effet peu d'accord avec
le langage tenu par le général Urrutia; cepen-
dant le cabinet- espagnol finit bientôt par su
montrer plus communicatif avec nos négocia-
teurs, et exprima le désir de voir cesser les
hostilités ; mais il semblait faire d'un armistice
la condition préliminaire de tout arrangement
possible. Entin une quatrième lettre de M. d'O-
BAL
caritz annonçait k Bourgoing que l'Espagne
était prête k traiter, mais en même temps il
dirait : » La tendre sollicitude de la cour d'Es-
pagne est eii ce moment concentrée sur les
enfants de Loui»XVL Le gouvernement fran-
çais ne saurait témoigner d'une manière plus
sensible les égards qu'il aurait pour l'Espagne
qu'en confiant à Sa Majesté Catholique ces
enfants innocents qui ne servent k rien en
France'. Sa Majesté Catholique recevrait une
grande consolation de cette condescendance,
et dès lors elle concourrait de la meilleure
volonté k un rapprochement avec la France. »
On aurait dû, dit M. le baron Fain, à qui
nous empruntons ces curieux détails, on aurait
dû mieux connaître à Madrid l'irritabilité que
cette demande préliminaire allait mettre enjeu
pour la seconde fois. L'effet de la poudre n est
pas plus prompt. Ce ne sont plus des tempori-
sations que les représentants délégués près
l'armée des Pyrénées reprochent à. 1 Espagne.
« Elle est prise sur le fait, disent-ils ; elle ne
peut pas nier que son projet ne soit la restau-
ration de sa branche aînée. Nous l'avons vue
proclamer k main armée Louis XVII dans nos
villages, jjn moment envahis par elle; plus
tard, quand la force des armes n'a plus secondé
ses projets , nous l'avons vue redemander
Louis XVII à Simonin pour en faire un roi
d'Aquitaine; aujourd'hui, elle garde un silence
firudent sur ses projets k cet égard, mais elle
e redemande encore. C'est toujours la même
arriére-pensée. Pour sortir de cette intrigue,
il faut rompre toute correspondance. » En con-
séquence, Bourgoing futcontraint, bien malgré
lui, d'informer Ocaritz qu'il se trouvait dans
la nécessité de cesser tout rapport avec lui.
Le comité' de Salut public se montra exces-
sivement contrarié de voir ses instructions
suivies k ce point au pied de la lettre, et il
s'ingéniait k imaginer d'autres dispositions,
lorsqu'un courrier , arrivant de Bâle , chan-
gea entièrement la direction de cette affaise.
En commençant les négociations, Bourgoing
avait écrit en même temps à M. d'Ocaritz et a
un autre correspondant, M. d'Yriarte, qu'il
connaissait intimement, mais qui remplissait
alors une mission en Pologne, de sorte que le
ministre des affaires étrangères, le duc de la
Alcudia, avait momentanément donné la pré-
férence & Ocaritz, pour peloter en attendant
partie. A son retour, M. d'Yriarte passa par
l'Italie, et y reçut du cabinet espagnol des dé-
pêches qui l'autorisaient à traiter avec le pre-
mier agent accrédité par la République àn'W
aurait dans son voisinage. M. d'Yriarte préféra
se rendre k Bâle, où il allait retrouver Bar-
thélémy, qu'il connaissait depuis dix-sept ans,
et pour lequel il éprouvait la plus vive sym-
pathie. La reconnaissance des deux diplomates
eut lieu dans le salon de M. de San-Fermo,
chargé d'affaires de Venise, en présence de
toute la diplomatie européenne'. L'arrivée à
Bàle de M. d'Yriarte, après la conclusion du
traité avec la Prusse, avait causé une profonde
sensation, et des courriers avaient été immé-
diatement expédiés à Londres et à Vienne.
Les deux négociateurs se virent tellement
espionnés par les agents de ces deux puis-
sances, qu'ils durent communiquer ensemble
par l'intermédiaire d'un secrétaire de légation.
Cependant le ministère espagnol n'avait pas
renoncé k négocier du côté des Pyrénées ; ne
recevant pas de M. d'Yriarte une nouvelle qui
satisfît assez promptement son impatience de
paix, il avait donné ordre a M. d'Ocaritz de
pousser en avant, et celui-ci avait aussitôt
écrit à Bourgoing pour lui demander si le traité
pourrait être conçu dans les mêmes termes que
celui de la Prusse, quelles seraient les fron-
tières, quel serait le sort de Louis XVII, quelles
seraient les pensions assignées aux princes
émigrés, que deviendrait la religion en France,
etc., etc. Cette ouverture donnait un aperçu
du cercle dans lequel le cabinet de Madrid
entendait placer les négociations. On convint
dans le comité de laisser de côté les questions
qui blessaient trop nos idées révolutionnaires,
c'est-à-dire ce qui se rapportait au sort des
enfants du dernier roi, à celui des princes
émigrés et k la religion catholique, et on se
borna k traiter celles qui n'avaient pour objet
que le rétablissement des rapperts politiques
entre les-deux pays. Mais on ne pouvait pour-
suivre deux négociations parallèles, et il fallait
opter entre Bâle et le camp de Figuières. On
se décida enfin pour la Suisse, et Barthélémy
reçut plein pouvoir pour traiter. Les nêgocia-
. teurs passèrent alors en revue tous les articles
des deux projets contradictoires, et la plupart
ne parurent pas impossibles à concilier ; mais
l'article sur lequel le comité voulait éviter
qu'on s'expliquât fut précisément celui sur le-
quel le plénipotentiaire espagnol insista davan-
tage. « Le désir de voir ies prisonniers du
Temple libres à Madrid, disait-il, nous porte
plus qu'aucune autre considération à recher-
cher la paix. C'est de notre part un devoir,
une religion, un culte, un fanatisme si vous
voulez. Nous placerait-on entre les enfants de
Louis XVI et l'offre de quelques départements
voisins de notre frontière, que noiis demande-
rions les enfants de LouisjXVI I Ainsi, attendez-
vous k nous entendre parler toujours des pri-
sonniers du Temple, et, pour cela, nous n'en
sommes pas moins de bonne foi dans le désir
d'avancer la négbciation. Mes instructions par-
lent d'apanages, de pensions, mais ce n'est pas
là la véritable question. Nous recevrons les
prisonniers sans condition si l'on veut. Au sur-
plus, nous ne pouvons pas croire que le peuple
français livre ces enfants nus k l'Espagne;
BAL
11 connaît trop lien l'honneur Devant des
instructions aussi nettement accusées, il sem-
blait difficile que le comité répondît par des
fins de non-recevoir ; mais un événement aussi
grave qu'imprévu vint le tirer d'embarras :
Louis XVII mourut le 8 juin (1795), et le co-
mité l'annonça à Barthélémy dans ces lignes
Concises, mais caractéristiques, qui formaient
le post - scriptum de sa dépêche : « On a
annoncé ce matin à la Convention nationale
la nouvelle de la mort du fils de Capet, qu^
a été entendue avec indifférence, et de la ca-
pitulation de Luxembourg, qui a été reçue
avec les plus vifs transports. • Toutefois,
cette mort ne résolvait pas toute la difficulté :
il restait à la tour du Temple l'intéressante
fille de Louis XVI, petite -fille de Marie-
Thérèse. Le seul ministre étranger qui repré-
sentât en ce moment k Paris un prince de la
maison d'Autriche était le comte Carletti,
envoyé de la cour de Toscane; il crut de son
honneur d'adresser.au comité une note où il
demandait confidentiellement « si le gouver-
nement républicain ne serait pas bien aise que
la Toscane lui demandât la liberté de la fille
de Louis XVI, et le débarrassât de ce dépôt
difficile. » Le comité lui répondit nettement
que • la République s'étant fait la loi xie ne
8'immiscer en rien dans les affaires des autres,
elle comptait k cet égard sur la réciprocité des
autres puissances. » Malgré cette sèche ré-
ponse, il fallut bien aborder de front la diffi-
culté qu'avait, au reste, bien aplanie la mort
d'un successeur de Louis XVI ; on se sentait
involontairement ému en- face de cette prin-
cesse si jeune et déjà si cruellement éprouvée
parle malheur, et Treilhard put se croire l'in-
terprète des sentiments généreux du pays
quand il prononça ces paroles k la tribune de
la Convention : « Nous venons vous propo-
ser de faire servir un acte d'humanité à la
réparation d'une grande violation du droit des
gens... La plus noire trahison a livré à l'Au-
triche des représentants et des ministres de la
République. Cette même puissance a fait en-
lever sur territoire neutre des ambassadeurs
de la République. Nous offrons de remettre la
fille de Louis XVI en échange des captifs de
l'Autriche. C'est au prince qui règne à Vienne
k décider s'il lui convient de sacrifier les liens
du sang et les sentiments de famille au désir
de prolonger une vengeance odieuse et in-
utile. ■
C'étaient là de belles et généreuses paroles;
aussi la Convention s'empressa-t-elle d'adop-
ter cette proposition, mais il était à craindre
que ce brusque détour ne rompit les négocia-
tions avec l'Espagne. En effet, M. d'Yriarte dé-
clara qu'il se trouvait dans la nécessité de de-
mander à sa cour un supplémentd'instructions.
Toutefois, comme ce n était plus qu'une ques-
tion d'amour-propre, d'initiative, on convint de
part et d'autre que .l'article relatif à la fille de
Louis XVI serait maintenu au traité, en le
subordonnant au succès du cartel d'échange
proposé à l'Autriche. Enfin, le 22 juillet (1795),
les négociateurs français et espagnol signè-
rent le traité qui rétablissait la paix entre les
deux pays. Voici les principaux articles :
Il y aura paix, amitié et bonne intelligence
entre la République française et le roi d'Es-
pagne.
En conséquence, toutes hostilités entre les
deux puissances contractantes cesseront à
compter de l'échange des ratifications du pré-
sent traité, etc.
La République française restitue au roi d'Es-
pagne toutes les conquêtes qu'elle a faites sur
lui dans le cours de la guerre actuelle; les
places et pays conquis seront évacués par les
troupes françaises dans les quinze jours qui
suivront l'échange des ratifications du présent
traité.
Les places fortes dont il est fait mention dans
l'article précédent seront restituées kl'Espagne
avec les canons, munitions de guerre et eflets
à l'usage de ces places, qui y auront existé au
moment de la signature de ce traité.
Le roi d'Espagne, pour lui et ses successeurs,
cède et abandonne en toute propriété à la Ré-
publique française toute la partie espagnole
de l'Ile de Saint-Domingue, aux Antilles.
II sera accordé respectivement aux individus
des deux nations la main-levée des effets, reve-
nus, biens, de quelque genre qu'ils soient, dé-
tenus, saisis ou confisqués k cause de la guerre
qui a eu lieu entre la République française eti
Sa Majesté Catholique.
Tous les prisonniers faits respectivement,
depuis le commencement de la guerre, sans
égard à la différence du nombre et des grades,
seront rendus dans l'espace de deux mois au
plus tard après l'échange des ratifications du
présent traité.
La même paix, amitié et bonne intelligence,
stipulées entre ta France et le roi d'Espagne,
auront lieu entre le roi d'Espagne et la Républi-
que des Provinces-Unies, alliée de la Répu-
blique française.
La République française voulant donner un
témoignage d'amitié à Sa Majesté Catholique,
accepte sa médiation en faveur du roi de Por-
tugal, du roi de Naples, du roi de Sardaigne,
de l'infant duo. de Parme et autres Etats de
l'Italie, pour le rétablissement de la paix entre
la République française et chacun de ces
princes et Etats.
Articles séparés et secrets. La République
française pourra, pendant l'espace de cinq
années consécutives à dater de la ratification
BAL'
du présent traité, faire extraire d'Espagne des
juments et étalons andalous, de même que des
trebis et béliers mérinos, jusqu'à la concur-
rence de cinquante étalons, cent cinquante
juments, mille brebis et cent béliers par an.
La République française, en considération
de l'intérêt que le roi d'Espagne lui a témoigné
prendre au sort de la lille de Louis XVI, con-
sent à la lui remettre dans le cas où la cour de
Vienne n'accepterait pas la proposition qui lui
a été faite au sujet de la remise de cette en-
fant par le gouvernement français.
Les termes de l'article concernant les autres
Etats de l'Italie ne pourront être appliqués
qu'aux Etats du pape, pour le cas où ce prince
ne serait pas considéré comme étant actuelle-
ment en paix avec la République française, et
où il aurait besoin d'entrer en négociation avec
elle pour le rétablissement delà bonne har-
monie.
D'après la teneur de ces articles, ainsi que
de ceux passés avec la Prusse, il est facile de
se rendre compte des sentiments que la Répu-
blique avait inspirés à l'Europe ; on ne l'aimait
certes pas, mais qu'on était loin du ton arro-
fant de 92! Après avoir fièrement jeté le gant
la coalition, elle avait effrayé tous ses enne-
mis par son indomptable énergie , par ce ma-
gnifique élan qui avait jailli de toutes les for-
ces vives de la nation , et , des provocations
insolentes, ses ennemis en étaient rapidement
descendus à des manières soumises et respec-
tueuses. Après avoir tant de fois étonné 1 Eu-
rope par les prodiges de -son intarissable vi-
talité , la France réduisait au silence ses plus
implacables ennemis, et les contraignait, moins
encore par la force des armes que par la for-
midable puissance des principes' nouveaux
qu'elle venait de proclamer si audacieusement,
a s'incliner devant une affirmation qui était
la négation même de tout leur passé et de
tout leur présent politique. Certes, les hom-
mes qui ont accompli ces grandes choses , et
dont beaucoup les ont scellées de leur sang,
ont pu s'égarer quelquefois, et, dans l'exalta-
tionde leur patriotisme , dépasser les bornes
circonscrites par la justice et la raison ; mais
ce n'est pas a nous, qui jouissons, tant bien
Que mal, il est vrai, du fruit de leurs travaux,
de leurs efforts, de leur abnégation, de les ac-
cuser d'avoir éprouvé quelques moments de
vertige sur la mer orageuse où ils voguaient
presque sans boussole et sans gouvernail.
Outre ces traités et celui qui fut conclu avec
la Toscane (9 février 1775), la République fai-
sait en même temps la paix avec les Provin-
ces-Unies (10 mai 1795), avec le landgrave
de Hesse-Cassel (28 août) et avec la Suède
(U septembre de la même année). Nous ne fai-
sons que mentionner ces traités secondaires,
qui furent également signés à Bàle ; d'autres
petits Etats, arrêtés par les menaces de l'Au-
triche et de l'Angleterre, brûlaient du désir de
suivre cet exemple; les victoires de Bona-
parte allaient bientôt faire tomber ces derniers
obstacles.
BALÉARE s. adj. (ba-lê-a-re). Habitant
des îles Baléares ; qui appartient à ces îles ou
à leurs habitants : Les archers erétois et les
frondeurs Baléares avaient une réputation
méritée. (Mérimée.)
— s. m. Linguist. Dialecte parlé aujour-
d'hui dans les îles Baléares : Le baléare est
le catalan, avec un mélange de grec et d'a-
rabe.
BALÉARES (îles), groupe d'Iles de la Médi-
terranée k 95 kil. E. de la côte d'Espagne, à
laquelle elles appartiennent, et dont elles for-
ment une province dite des Baléares ou de
Mayorque; par 39° et 40° lat. N., et 1» 25'
long, occidentale et 2» long. E. Il comprend
les îles de Mayorque, Minorque, Cabrera (île
aux chèvres), Iviça, Formentera (île au blé),
Coneyera (île aux lapins), et quelques Ilots
sans importance ; cap. Palma , dans l'île
Mayorque ; 262,895 hab. — Climat tempéré et
sain; sol fertile en blé, vins, huiles et fruits
de 1 Europe méridionale ; les côtes offrent
plusieurs bons ports, et ont une grande impor-
tance. Ce groupe d'Iles a reçu diftérents noms :
lès Grecs appelaient les trois premières Gym-
nésiennes, parce que leurs habitants allaient
nus au combat, et les trois dernières Pityuses,
k cause des forêts de pins qui les couvraient ;
on ignore k quelle époque on a commencé à
les appeler Baléares, et d'où leur vient ce
nom. L'opinion la plus accréditée est celle qui
fait dériver cette dénomination du mot grec
paXluv, qui signifie lancer, parce que les habi-
tants de ces fies étaient très-habiles k manier
la fronde. Diodore dit qu'il n'y avait pas de
casque, pas de cuirasse, pas de bouclier, qui
Î)ût résister aux coups des habitants des Ba-
éares ; et Florus, expliquant l'adresse prodi-
gieuse de ces insulaires, affirme que les mères
ne donnaient k leurs fils que le pain abattu de
loin avec la pierre lancée par eux. Suivant
Strabon, ces lies furent colonisées par les
Rhodiens ; elles tombèrent au pouvoir des
Carthaginois, qui, sous la conduite de Mayon,
fondèrent, dans 111e Minorque, Portus M ago-
nis (Mahon), et, plus tard, elles furent con-
quises par les Romains ; Métellus le Baléa-
rique fonda Palma et Pollenza dans l'île
Mayorque. Après avoir été occupées succes-
sivement par les Vandales, par les Grecs et
par les Arabes, ces îles furent conquises par
Jaime I" d'Aragon (1229-1235), qui les donna
à son second fils, et elles formèrent un royaume
indépendant jusque vers le milieu du xive siè-
cle, où don Pedro IV d'Aragon les réunit k
BAL
103
sa couronne. Depuis lors, elles ont toujours
fait partie du royaume d'Espagne.
BALÉARIQUE adj. (ba-lé-a-ri-ke — rad.
Baléare). Géogr. Qui appartient, qui a rap-
port aux îles Baléares : Cœcilius Métellus fut
surnommé le Baléahiqub, pour avoir soumis
les Baléares au peuple romain. (Trév.)
— s. f. Omith. Non) donné à la grue cou-
ronnée ou oiseau royal, qui, d'après les an-
ciens, avait pour patrie les îles Baléares.
' BALÉCHOU (Jean-Joseph), célèbre graveur
français, auquel plusieurs biographes aonnent
encore le prénom de Nicolas, naquit k Arles
en 17Ï5. Il commença k apprendre la peinture,
en compagnie de Joseph Vernet, sous la di-
rection de Sauvan, peintre d'Avignon, qui lui
donna le conseil de s'adonner k la gravure. II
entra alors en apprentissage, aux frais de sa
ville natale, chez Michel, qui passait pour être
le plus habile graveur d Avignon. Il partit
ensuite pour Paris, où il prit des leçons de
Lépicié. Il acquit en peu de temps une grande
réputation, se fit recevoir de 1 Académie, et
fut chargé de graver, pour le Recueil de la
Galerie de Dresde, le portrait d'Auguste III,
roi de Pologne, peint parRigaud, et qui figure
dans cette galerie ; il s'acquitta de cette tache
avec le plus grand talent; mais U fut con-
vaincu d avoir vendu à son profit des épreuves
avant la lettre de ce portrait, fut rayé, pour
ce motif, de la liste des académiciens, et obligé
de se retirer k Avignon, où il passa le reste
de ses jours. Il y mourut en 1764, suivant
quelques auteurs; en 1765, suivant d'autres.
La mauvaise réputation que lui avait value
cette malheureuse affaire du portrait d'Au-
guste III le suivit jusqu'k la fin de sa carrière.
Diderot écrivait k Grimm, en 1763 : « Lebas
et Cochin gravent de concert les ports de mer
de Vernet, mais il y a k Avignon un certain
Baléchou, assez mauvais sujet, qui court la
même carrière et qui les écrase. » Diderot veut
sans doute parler des trois estampes, les Bai-
gneuses, le Calme et la Tempête, que Baléchou
a gravées k Avignon, d'après J. Vernet, et
qui sont au nombre de ses plus belles pièces.
Outre l'Auguste III, dont quelques épreuves
se sont vendues jusqu'k 8 et 3,080 fr., il a
gravé beaucoup de portraits, entre autres
ceux du prince d'Orange, de Prosper Jolyot
de Crébillon, de la femme et de la belle-sœur
de Jacques Aved, d'après Aved lui-même ; de
la duchesse de Chateauroux, d'après Nattier;
de Jean de Julienne, d'après Fr. de Troy ; de
Mazeray, d'après Ant. Paillet ; du comte H. de
Briihl, d'après L. Sylvestre; de Ch. Rollin et
de Coypel, d'après Coypel lui-même ; de Vol-
taire, d'après J.-M. Liotard; de Voltaire, d'a-
près Latour; de Jean de Forbin-Janson, d'a-
près Ph. Sauvan ; divers autres portraits ,
d'après Van Dyck, Tpcqué, L. Vigée, Aved,
Autreau, Raoux, P. Sauvan, etc. Il a gravé
encore: trente planches de dessins d'orne-
ment; des figures allégoriques des Sciences et
des Eléments ; Sainte Geneviève, d'après Carie
Vanloo; d'autres sujets de sainteté, d'après
Nie. "Wleughels; Latone vengée, d'après Fi-
lippo Laurt ; le Mari jaloux, la Servante con-
gédiée, la Couturière, le Goûter, d'après Et.
Jeaurat ; les Délices de l'enfance, d'après Bou-
cher, etc. Ces diverses productions se dis-
tinguent par une hardiesse et une vigueur
d'exécution peu communes. « Elles ont , dit
Malaspina , un brillant vraiment extraordi-
naire, un je ne sais quoi qui surprend et sé-
duit ; mais elles perdent beaucoup à être froi-
dement examinées par les connaisseurs. Balé-
chou a apporté un tel soin k serrer la lumière
que souvent ses carnations semblent être de
bronze, ses eaux de l'argent en fusion, et que
ses rochers paraissent être velus. Malgré ces
défauts, ses estampes seront toujours dignes
d'être éxad.iées par les artistes. »
BALÉE s. f. (ba-lé — du lat. halea, barque).
Moll. Genre de mollusques gastéropodes ter-
restres, formé aux dépens des clausilies, et
qui n'a pas été généralement adopté. .
baleine s. f. (ba- le -ne — du gr. pha-
laina, même sens, mot qui n'est lui-même
qu'une forme allongée et augmentative de
pkala, pour bala, racine sanscrite qui signi-
fie force. Baleine veut donc dire proprement
poisson fort, énorme. La racine sanscrite se
retrouve dans presque toutes les langues
indo-européennes : en gr., pkalaina; en lat.,
balœna ; en ail., wallfisch, c est-à-dire poisson
fort; en angl., whale; en irland., hvalr;eu
dan., hval — nar, dans cette langue, signifie
fou; c'est donc la baleine folle, en franc., le
narval. — On sait que les syllabes val, fal,
bal, etc., sont convertibles les unes avec les
autres). Mamm. Genre de mammifères ma-
rins, type de l'ordre des cétacés, qui se di-
vise en deux groupes, les baleines propre-
ment dites et les baleirioptères : Baleine
mâle. Baleine femelle. Une baleine peut vivre
mille ans. (Bun.) On prétend qu'une baleine
peut parcourir un espace de onze mètres dans
une seconde , et qu'il suffirait de vingt-trois
jours douze keures pour qu'un de ces cétacés
pût faire le tour du globe. (Richard.) On a dé-
claré aux baleines une guerre de conquête,
pour en retirer l'huile que recèle leur lard, et
dont un seul animal fournit quelquefois plus
de cent tonneaux du poids de trois cents Kilo-
grammes chacun, (Duméril.) J'ai vu les scènes
de la nature les plus austères et les plus gran-
dioses des gouffres sous-marins, oit les navires
et les baleines sont entraînés comme des
feuilles d'automne dans un tourbillon de vent.
104
BAL
(G. Sand.) La baleine est la plus magnifique
expression de la puissance créatrice de la terre.
(Toussenel.)
Sur ce peuple infini, leB énormes baleinés
Dominent fièrement, superbes souveraines.
Du LARD.
— Par anal. Personne ou animal d'une
grande force ou d'une taille gigantesque :
Cet homme est excessivement gros; c'est une
véritable baleine. M. Bayle a donné l'idée la
plus complète de l'ichthyosaure en disant que
c'était la baleine des sauriens. (L. Figuier.)
il Les écoliers se servent souvent de ce mot
à l'égard d'un camarade très-obèse.
— Dans le langage des marins, Lame que
le navire embarque , ou seau d'eau que les
matelots jettent sur la tête d'un dormeur :
Veux-tu fermer la bouche, braillard, ou tu
avaleras la première baleine gui tombera à,
bordl (B. Sue.)
— Comm. Panon môme de l'animal ; ma-
tière de ces fanons : Les baleines d'un corset,
d'un parapluie. Un ouvrage en baleine. Un
corset de baleine. Parapluie monté en ba-
leine. Les femmes grecques ignoraient l'usage
de ces corps de baleine, par lesquels les nôtres
contrefont leur taille, plutôt qu'elles ne ta mar-
quent. (J.-J. Rouss.) Ce sont les fanons de la
baleine qui constituent la matière élastique
connue sous le nom de baleine dans le com-
merce. (Richard.) // l'enleva si rapidement et
avec une telle force de désespoir que l'étoffe de
soie et d'or, le brocart et les baleines, se dé-
chirèrent bruyamment. (Balz.)
Quand ton sein, 6 Madeleine,
Sort du corset de baleine,... V. Huao.
n Baleine artificielle, Caoutchouc durci, dont
on fait des lames pour remplacer les fanons
de baleine dans la confection des corsets, il
Baleine d'acier, Acier corroyé avec soin, re-
cuit et trempé, dont on fait des lames desti-
nées au même usage que les précédentes, il
Baleine végétale, Nom donné, à cause de leur
couleur et de leur flexibilité, aux fibres ex-
traites des pétioles des feuilles du palmier
aretiga sacenarifera, que l'on emploie dans
l'archipel Indien pour fabriquer des corda-
ges, il Blanc de baleine , Matière grasse ex-
traite de la cervelle du cachalot, et qu'on
emploie dans la confection de bougies très-
cstimées : Fourcroy avait cru que le blanc
dk baleine était une matière identique avec le
gras des cadavres ; mais les belles recherches
de M. Çhevreul ont prouvé que c'était une
matière spéciale, qu'il a nommée cétine. (Ri-
cherand.)
— Chem. de fer. Pont de service en char-
pente que L'on établit à l'extrémité des rem-
blais en cours d'exécution. Ce pont reçoit les
wagons de terrassements qui viennent d'être
vidés, et dégage ainsi le chantier de déchar-
gement. La baleine repose d'un côté sur le
remblai, et de l'autre sur une ferme en bois
portée par un chariot roulant, afin de pou-
voir la déplacer au fur et à mesure de l'avan-
cement du remblai. On fait usage de la ba-
leine pour les remblais de 3 a 10 m. de
hauteur, lorsque l'on peut sacrifier l'écono-
mie à la rapidité d'exécution, La baleine se
nomme aussi pont de service.
— Astron. Constellation australe qui s'é-
tend au-dessous du Bélier et des Poissons.
Elle comprend, dans le Catalogue de Flam-
stead , quatre-vingt-dix-sept étoiles , dont
l'une, Mira, est double et présente des va-
riations do couleur fort singulières.
— Epithètes. Lourde, pesante, vaste, im-
mense , énorme , gigantesque , monstrueuse,
hideuse, huileuse.
— Encycl. Le nom de baleine a servi pen-
dant longtemps a désigner, non-seulement
tous les cétacés, mais encore tous les animaux
marins d'un volume considérable. . Ainsi , la
baleine qui , d'après la tradition , aurait en-
glouti Jonas, n'était certainement pas un ani-
mal du genre de ceux auxquels on applique
aujourd'hui la dénomination de baleine, puis-
que le gosier de celle-ci est beaucoup trop
étroit pour donner.passage à un corps humain.
Linné et la plupart des naturalistes ont pré-
cisé la signification de ce terme générique.
Les bflleines sont des cétacés macrocéphales
(a grosse tête), dépourvus de dents, au moins
dans l'âge adulte, et dont la mâchoire supé-
rieure a ses deux côtés garnis de fanons ou
grandes lames cornées, prismatiques, légère-
ment recourbées en forme de faux. Ces lames
sont au nombre d'environ huit à neuf cents de
chaque côté, et leur longueur varie suivant leur
situation. C est la matière de ces lames ou fa-
nons qui est connue dans les arts industriels
sous le nom de baleine. Les baleines proprement
dites, ou à fanons, sont de gigantesques céta-
cés, qui atteignent de 20 a 25 m. de longueur ;
des auteurs anciens portent même cette dimen-
sion jusqu'à 100 m. ; mais il y a probablement
ici une exagération. La circonférence, vers la
région la plus épaisse du corps, égale envi-
ron la moitié de la longueur totale , et le
poids de l'animal dépasse quelquefois, dit-on,
100,000 kilo. Les baleines ont une forme qui
rappelle d'une manière générale celle des
poissons ; la tête, très-développée, fait à peu
près le tiers de la longueur totale, et se lie au
corps de telle manière que le cou n'est pour
ainsi dire pas marqué ; il en est de même de
la queue, qui forme également la tiers de la
longueur, et se termine par une nageoire ho-
rizontale (et non verticale, comme chez les
poissons). en forme de croissant ou de cœur
BAL
déprimé. Ces animaux sont dépourvus de
membres postérieurs ; leurs membres anté-
rieurs sont transformés en nageoires pecto-
rales courtes, assez rapprochées l'une de l'au-
tre. La bouche est transversale, à ouverture
sinueuse, fortement prolongée en arrière ; la
langue, molle, épaisse, non extensible, longue
de 4 & 8 m. et plus sur une largeur moitié
moindre, renferme une telle quantité de graisse
qu'elle peut fournir jusquà six tonneaux
d'huile. Le gosier, contrairement à la croyance
vulgaire , a une ouverture excessivement
étroite pour la taille de l'animal, dont la nour-
riture consiste en plantes marines, crustacés,
mollusques, petits poissons, etc. L'énorme
quantité d'eau que la baleine attire dans sa
bouche à chacune de ses aspirations est en-
suite chassée en partie, au moyen d'un appa-
reil particulier de V arrière-bouche , par les
orifices extérieurs des fosses nasales (qui por-
tent le nom d'évents), et lancée en gerbes à
la hauteur de 5 ou 6 m. Il résulte des obser-
vations de Hunter et d'Albers, confirmées par
celles de Delalande, que les évents servent en
même temps d'organes à la respiration et au
sens de l'odorat. Plusieurs naturalistes, no-
tamment Scoresby, prétendent que le jet qui
sort des évents est un jet de vapeur qui se
condense brusquement au contact de l'air
froid et retombe comme une pluie. Toute l'eau
qui entre dans l'énorme bouene du cétacé se-
rait donc repoussée à travers les fanons par
le seul mouvement des mâchoires, et les fa-
nons ne serviraient qu'à la tamiser pour rete-
nir les petits poissons, les mollusques et toutes
les substances qu'il avale ensuite pour lui
servir de nourriture. La vérité se trouve peut-
être entre les deux assertions contradictoires :
une partie de l'eau seulement serait rejetée
par les évents, et la plus grande partie res-
sortirait à travers les vides des fanons.
Les yeux de la baleine ne sont guère plus
grands que ceux du bœuf; les oreilles ne sont
pas non plus très-développées. Néanmoins,
les deux sens de la vue et de l'ouïe paraissent
avoir chez ces animaux une finesse assez re-
marquable. La peau de la baleine est un cuir
dur et épais de 3 centimètres environ, d'un
tissu assez poreux et imprégné d'une matière
huileuse, qui donne à lépiderme un aspect
lisse et onctueux ; cette peau est souvent re-
couverte de coquillages, qui s'y attachent et
s'y multiplient comme sur un rocher ; au-des-
sous, on trouve une couche de tissu graisseux,
dont l'épaisseur varie de 15 centimètres à 1 m.,
suivant les régions du corps ; il est gorgé d'un
liquide huileux, qui s'en sépare par la moindre
pression ou par une faible chaleur. Ce tissu
est d' ailleurs tellement mou qu'il se laisse ai-
sément déprimer, et qu'un homme, marchant
sur la peau glissante de la baleine, y enfonce
de manière a y conserver un équilibre assez
stable. Cette graisse à une odeur forte et re-
poussante ; elle rancit facilement. L'huile ,
bien que participant plus ou moins à ces pro-
?>riétés, est pourtant fort recherchée, et il s'en
ait un emploi considérable dans les arts et
l'économie domestique. La couleur de la peau
de la baleine peut présenter toutes les teintes
du noir au blanc.
La baleine ne quitte jamais l'eau, et rare-
ment les mers profondes ; quand elle est chas-
sée par les tempêtes vers les bas-fonds ou les
rives plates, elle éprouve tant de difficulté à
se mouvoir qu'elle vient alors le plus souvent
échouer sur la côte. Toutefois, comme elle est
munie de poumons, elle est obligée de venir
à la surface de 1 eau pour respirer. On la
trouve dans toutes les mers ; néanmoins, aux
approches de l'hiver, elle paraît s'éloigner des
mers polaires pour gagner des parages où la
surface de l'eau ne gèle pas.
Le mode de reproduction de ce cétacé n'est
pas encore bien connu dans tous ses détails ;
la mère produit ordinairement un baleineau,
deux au plus, qu'elle nourrit de son lait, comme
font les femelles de tous les mammifères; elle
porte deux mamelles situées non loin de l'a-
nus. Dieffenbach a goûté plusieurs fois du
lait de baleine, et il affirme qu'on peut à peine
le distinguer de celui de la vache. Le balei-
neau sort de la mère gros comme un bœuf et
long de près de 3 m. jla mère, pour l'allaiter,
s'incline sur le côté, afin qu'il puisse en té-
tant avoir la tête hors de l'eau pour respirer.
Voilà ce que disent la plupartrdes naturalistes ;
mais quelques-uns pensent que la bouche du
baleineau n'est pas conformée de manière à
lui permettre de teter véritablement sa mère,
et que les glandes, qu'on a prises à tort pour
des mamelles, servent seulement à sécréter
un liquide muqueux qui se répand autour de
la baleine : le baleineau ne pourrait en ce cas
se nourrir de ce liquide qu'en le prenant dans
l'eau de la mer, au milieu de laquelle il se
trouve répandu.
Le genre baleine se divise en deux groupes
ou sous-genres : les baleines proprement dites
et les baleinoptères. Chez les premières, la
tête est énorme, aussi large que longue à peu
près, tandis qu'elle est beaucoup plus effilée
chez les autres. Les baleinoptères sont en
outre caractérisés par une nageoire dorsale
courte, simple, cartilagineuse, pyramidale ;
les baleines n'ont pas cette nageoire dorsale,
et leurs organes de locomotion se réduisent
aux nageoires pectorales et à celles de la
queue. On compte parmi les baleines propre-
ment dites : la baleine franche (myt ice tus, ou
à moustaches, de Linné), le nord-caper (gla-
cialis), et la baleine du Cap (australis). On
distingue parmi les baleinoptères : le gibbar
BAL
(physalus), la jubarte des Basques (boops), le
rorqual, le baleinoptère à bec (rostro(tis), le
poeskop des Hollandais, le culammak, l'ura-
gullik et le mangidak de Pallas.
. Moins riches en fanons et en lard que les
baleines proprement dites, les baleinoptères
n'en sont pas moins assez recherchés. Le gib-
bar a le ventre lisse ; les autres espèces ont
le ventre ridé ou plissé. Nous n'entrerons pas
dans le détail de plusieurs autres espèces de
ces deux groupes, qui sont encore trop peu
connues et difficiles à déterminer, chacune
d'elles présentant, suivant l'âge ou le sexe,
des différences assez notables; nous ferons
seulement remarquer que , contrairement a
l'opinion vulgaire, les cachalots ne sont ni des
baleines ni des baleinoptères : ils forment un
genre à part, dont nous parlerons en son lieu.
. Nous avons déjà mentionné l'huile, le lard
et les fanons de la baleine; ces produits sont
les plus importants, mais non les seuls. La
chair, fraîche ou séchèe et fumée pour les pro-
visions d'hiver, entre pour une grande part
dans l'alimentation des peuplades des régions
polaires. La peau, les intestins, servent à faire
des liens, des cordages ou à doubler les em-
barcations ; dans certains pays , on se sert
aussi des intestins pour remplacer le verre
des fenêtres. Les côtes forment la charpente
des cabanes des Lapons. Il n'est pas jusqu'aux
excréments qui ne soient utilisés : on en retire
une teinture rouge que l'on peut fixer sur les
étoffes.
A quelle époque remonte la pêche de la 6a-
leine? C'est une question fort difficile à ré-
soudre. Un passage fort curieux du livre de
Job semble prouver qu'on avait essayé divers
moyens pour s'emparer de ce monstrueux
animal, et qu'on y avait trouvé tant de diffi-
cultés qu'il avait fallu y renoncer. * O homme,
dit l'auteur de ce livre, entraîneras-tu la ba-
leine (le Léviathan peut-être) avec ta ligne,
et lui lieras-tu la langue avec une corde ? Lui
passeras-tu un anneau dans le nez, et lui
perceras-tu la mâchoire d'un fer aigu? La
réduiras-tn à te demander grâce ? Tes com-
pagnons la couperont-ils par pièces, et les
marchands trafiqueront-ils de sa chair? De sa
peau rempliras-tu tes filets, et de sa tète tes
viviers? Mets la main sur elle; souviens-toi
de la guerre, et ne parle plus. » Quelques his-
toriens ont dit que les anciens Arabes ou les
Ethiopiens avaient péché des baleines, mais
il parait plus probable qu'ils n'avaient fait que
dépecer celles qui échouaient de temps en
temps sur leurs rivages. Si la pêche de la ba-
leine avait été connue des anciens, il serait
Eresque impossible qu'ils n'eussent pas appris
recueillir l'huile, qui est un des plus rienes
produits de cette pêche ; or, Pline n'a pas
mentionné cette huile parmi les quarante-deux
espèces dont il a donné les noms. On croit que
les Basques ou Biscayens du cap Breton, près
de Bayonne, pratiquèrent les premiers cette
pêche lucrative, mais dangereuse, et les pê-
cheurs de nos autres provinces maritimes ne
tardèrent pas à suivre leur exemple. Au
xvie siècle, les Hollandais et les Anglais com-
mencèrent à leur faire concurrence : on vit,
dans l'espace de cinquante ans, les pécheurs de
la Hollande prendre trente-trois mille baleines,
et en retirer un bénéfice de 380 millions. Les
marins du Nord, de Hambourg, de Brème, du
Danemark, de la Norvège, voulurent bientôt
prendre leur part d'une industrie si lucrative ;
et, plus tard, les Américains s'y livrèrent avec
une grande activité. En France, on comptait,
en im , vingt-deux navires destinés à ce
genre de pêche ; mais il parait que depuis ce
nombre a diminué. Au reste, la guerre conti-
nuelle et intelligente faite à ces grands céta-
cés en a considérablement diminué et presque
détruit l'espèce dans les mers du Nord. C'est
aujourd'hui dans l'hémisphère austral que
vont croiser les baleiniers anglais. « Eux
seuls, dit M. Arthur Mangin, persistent encore
à exercer cette chasse lointaine et périlleuse,
oue l'absence complète du gibier les forcera
d'abandonner dans un avenir qu'on peut dès
aujourd'hui clairement entrevoir, •
Au moyen âge, une coutume singulière attri-
buait aux pêcheurs les baleines prises en
pleine mer, mais réservait au roi celles qui
venaient échouer sur le rivage, à moins tou-
tefois qu'elles n'eussent été Forcées de s'ap-
procher de la terre par la poursuite même des
pêcheurs, qui devaient, dans ce cas, présenter
leurs réclamations dans un bref délai. D'après
le code du Jutland, l'homme qui, ayant aperçu
une baleine échouée, en donnait avis aux gens
du roi, avait droit à une prime : si c'était un
piéton qui donnait l'avis, il prenait du lard de
l'animal autant qu'il en pouvait porter; si c'é-
tait un cavalier, il en prenait-tout ce que pou-
vait porter son cheval ; un charretier pouvait
en remplir sa voiture.
Les engins employés et les procédés mis en
usage pour la pêche de la baleine ont varié,
en se perfectionnant, aux diverses époques.
Voici comment aujourd'hui cette pêche se
pratique en général : Lorsque le bâtiment est
arrivé dans les parages où elle doit avoir lieu,
un matelot se place en vedette en haut du
mât de hune. Dès qu'il aperçoit une baleine, il
la signale par un cri. L'équipage entre aussi-
tôt dans les chaloupes, qui lont force de ra-
mes pour atteindre l'animal. Un homme vi-
goureux et hardi se place Sur le devant de la
chaloupe ; il est armé d'un harpon, instrument
de fer légèrement trempé, long d'un mètre, à
pointe triangulaire et en fer de flèche, solide-
BAL
ment emmanché à un bâton de S m. de lon-
gueur. Le harpon est attaché à une corda
épaisse, longue de six à sept brasses, appelée
harpoire, liée à une autre corde beaucoup plus
grosse et bien goudronnée, qui s'attache à
1 autre extrémité du harpoïi. Dès que le har-
ponneur est à portée de la baleine, il lance
avec adresse son arme sur l'un des endroits
du corps de l'animal où la peau a la moindre
épaisseur. Cette opération est souvent très-
dangereuse ; car la baleine blessée s'agite ,
donne de violents coups de queue, souvent
brise ou renverse la chaloupe, et fait périr la
harponneur et les rameurs qui la montent. On
trouve pourtant, dans les parages où se fait
la pêche, des harponneurs de profession qui
sont toujours pourvus du matériel nécessaire
et qui se mettent à la solde des capitaines ba-
leiniers. Lorsque le harpon a bien pris, on se
hâte de filer la corde, et la chaloupe, ainsi
que le bâtiment, suivent de près. Quand l'ani-
mal est mort, ou qu'il a presque entièrement
perdu ses forces, on le remorque, on lui coupe
la queue, et on l'attache avec des chaînes de
fer, aux côtés du bâtiment, la tête vers la
Ï loupe et la queue vers la proue. Alors, on en-
ève le lard, que l'on porte à bord du navire,
où on le fait fondre. C'est du moins ce que
font les baleiniers français et basques; car
les Hollandais transportent les barriques de
graisse pour la faire fondre chez eux. Ils évi-
tent ainsi les dangers du feu sur les navires ;
mais , par contre , leurs huiles sont moins
bonnes et leur reviennent à un prix plus
élevé. Après avoir enlevé toute la graisse, on
retire les fanons, puis les côtes et les autres
parties osseuses qu'on veut utiliser. Les pê-
cheurs de l'Islande et des lies Feroë, dépour-
vus des bâtiments et des engins nécessaires
à cette pêche, emploient un moyen singulier
pour capturer l'espèce de baleine franche ap-
pelée nord-caper. Ils tâchent pour cela de la
Î>oursuivre par derrière, tandis qu'elle donne
a chasse aux harengs ; ils versent même,
dit-on, du sang dans la mer pour effrayer le
cétacé, qui, plutôt que de nager au travers,
retourne en fuyant vers la côte, où elle échoue
et se laisse ainsi prendre sans résistance.
Quelle que soit la force de la baleine, et
bien que tous les habitants de l'humide em-
pire ne soient que des nains à côté d'elle,
quelques-uns de ceux-ci sont pourtant pour
elle des ennemis plus terribles que l'homme
lui-même. Une espèce de squale (squalis pris-
lis, de Linné), vulgairement nommé vivelle ou
poisson-scie, et le marsouin épaulard des Sain-
tongeois (delphinus gladiator, de Lacépède),
lui font une guerre acharnée. Le museau du
sgualus pristis se prolonge en une lame solide,
farcie de fortes dents et formant une espèce
e scie ; il enfonce cette lame à plusieurs re-
prises dans les chairs de la baleine, les dé-
chire, en lui causant d'atroces douleurs, et ne
la quitte plus qu'il ne lui ait arraché la vie.
Les marsouins épaulards se réunissent en
troupe pour attaquer la baleine, et lorsque,
poussée à bout par leurs morsures, elle ouvre
la gueule, un d eux s'enfonce hardiment dans
le gouffre béant et s'attache à la langue; d'au-
tres y entrent à leur tour; la langue est bien-
tôt déchirée, arrachée par morceaux, dévo-
rée, et la pauvre baleine périt sans pouvoir
user de sa principale défense, qui consiste
dans la force prodigieuse de sa queue.
— Baleines fossiles. Cortesi trouva à Monte-
Pulgnasco, en 1806, un squelette de baleine
remarquable par la dépression de la tête ôt
l'obliquité du canal de 1 évent, dont la direc-
tion était presque horizontale; elle avait 7 m.
de longueur, et on la désigne sous le nom de
baleine de Cuvier, ou balmnoptera Cuverii. Le
même naturaliste trouva, en 1816, à Monte-
zago, une autre baleine qui n'avait que 4 m.
de longueur, et qui n'était peut-être qu'un
baleineau , quoique tous les caractères du
squelette semblassent annoncer un individu
adulte. On l'a nommé rorqual de Cortesi, ou
balamoptera Cortesii. En 1779, on trouva dans
la cave d'un marchand de vin de la rue Dau-
phins, à Paris, un énorme fragment d'os, que
Lamanon reconnut comme appartenant au
squelette d'une baleine. Cuvier 1 a décrite après
Lamanon, et il. a reconnu que cet animal de-
vait avoir environ 18 m. de longueur, sans
compter la nageoire caudale. Elle différait de
la baleine franche par son temporal moins
oblique et par d'autres caractères. C'est la
baleine de Lamanon. Une tête, trouvée sur la
plage de Fos, département des Bouches-du-
Rhône, a encore servi de type pour recon-
struire une espèce fossile, nommée baleine à
grosse tête [macrocepkala). Enfin, la baleine
a bec arqué [arcuata] a pu être décrite d'après
la tête seule, qui fut découverte en creusant
le bassin d'Anvers. Telles sont à peu près les
seules notions un peu exactes qui aient pu
être établies sur les débris fossiles de ces
monstres de la mer.
— Blanc de baleine. C'est une matière grasse,
concrète, blanche et cristalline, qu'on retira
du tissu cellulaire interposé entre les mem-
branes du cerveau de certaines espèces de
cachalots. Le blanc de baleine purifié sert sur-
tout à fabriquer des bougies semi-diaphanes.
Son importance industrielle date de 1822, et
elle tend à diminuer depuis qu'on s'est mis à
fabriquer les bougies appelées stéariques. Le
blanc de baleine se nomme aussi cétine, et plus
improprement spermaceti. Fourcroy le con-
fondait, sous le nom A'adipocire, avec le gras
des cadavres et la cholestérine; mais on sait
aujourd'hui que ces trois substances sont loin
.BAL
d'être identiques. Pour plus de détails, v. le
mot Blanc de baleinB.
— Baleine ou fanons de baleine. Nous avons
dit, en décrivant la baleine, ce qu'il faut en-
tendre par ses fanons; il nous reste à dire do
quel usage sont les fanons pour l'industrie.
Rappelons d'abord que ce sont des lames cor-
nées, longues de 3 à 4 m., larges de 8 à
10 centimètres, et qui présentent l'aspect d'un
faisceau de crins soudés par une substance
gommeuse. Après la pêche de la baleine, on
divise les fanons en fragments ; on les net-
toie, et on les expédie par balles de 200 à
800 kilo. Pour les travailler, on les fait d'a-
bord bouillir dans l'eau, afin de les ramollir ;
on les débite ensuite, et l'on met à part les
pièces propres à la confection des cannes, des
baguettes de fusil, des parapluies, dés cor-
sets, etc. On utilise même les ratissures, soit
pour les mélanger avec le crin des matelas,
soit pour être vendues comme engrais. Quel-
quefois on les teint en diverses couleurs, pour
les employer à la fabrication des fleurs artifi-
cielles. Pour donner une idée de l'importation
de cet article commercial, nous dirons qu'en
1856 les importations en fanons bruts se sont
élevées à 342,160 kilo., au prix de 7 fr. 50 le
kilo., tandis que les exportations en fanons
apprêtés ont atteint le chiffre de 20,554 kilo.,
au prix de 1 l fr. 50.
— Huile de baleine. Nous avons dit que la
peau de la baleine recouvre un tissu graisseux,
d'où il est facile d'extraire un liquide visqueux
qui est proprement l'huile de baleine, que la
langue seule de ce cétacé peut quelquefois
fournir jusqu'à six tonnes de cette huile ; l'a-
nimal tout entier en peut fournir jusqu'à
5,000 kilo. Les commerçants en distinguent
de trois sortes :' la blanche , la jaune et la
noire ; mais on forme souvent, en les mélan-
geant, une qualité moyenne, qui peut être
considérée comme une quatrième espèce. Sa
densité est d'environ 0,930, et elle se con-
gèle à zéro. On s'en sert presque uniquement
pour la mélanger avec d autres huiles desti-
nées à l'éclairage ou à divers usages indus-
triels, et c'est elle qui leur donne ordinaire-
ment une odeur désagréable et une saveur
repoussante. Aujourd'hui, la presque totalité
des huiles de baleine livrées au commerce en
France nous arrive sous pavillon britannique
ou américain. Elles sont transportées dans
des tonneaux de chêne, dont les plus petits ne
contiennent qu'environ 60 litres, tandis que
les plus gros en contiennent jusqu'à 200.
— Baleine artificielle. Un inventeur hollan-
dais, M. Vander-Meer, a pris en 1856, en An-
gleterre, une patente pour la fabrication de
ce qu'il appelle de la baleine artificielle. Ce
n'est autre chose que de la corne rendue flexi-
ble et élastique par les préparations qu'on lui
fait subir. La corne, après avoir été fendue,
ouverte et aplatie, est plongée dans un bain
composé de 5 parties de glycérine pour 100 par-
ties d'eau. Quelques jours après, on la met
dans un autre bain composé de 3 parties d'a-
cide nitrique, 2 d'acide pyroligneux, 12 de
tannin, 5 de crème de tartre, 9 de sulfate de
zinc et 100 parties d'eau. Nous ne savons si
le succès de cette découverte a répondu à
l'attente de son auteur.
BALEINÉ', ÉE adj. (ba-lè-né — rad. ba-
leine). Garni de baleines: Un corps, un corset
baleine. Aujourd'hui, nos dames, au lieu de
paniers, ont des cages, des crinolines et des ju-
pons baleinés. (**') Elle avait la taille fort
droite, bien prise dans un corps baleiné d'une
rigidité majestueuse. (G. Sand.)
BALEINEAU s. m. (ba-lè-no — diminutif
de Baleine.) Petit de la baleine : Le balei-
neau tette au moins pendant un an. (Lacép.)
La portée de la baleine n'est que d'un seul ba-
leineau qui, en naissant, est de la grosseur d'un
bœuf. (Boitard.) La force de l'affection mater-
nelle de la baleine pour son baleineau est très-
grande. (Toussenel.) Il On dit aussi baleinon.
BAL7IMDE adj. (ba-lè-ni-de — rad. ba-
leine). Qui a la forme d'une baleine.
BALEINIER s. m. (ba-lè-nié — rad. ba-
ceine). Pêch. Navire armé pour la pêche de
la baleine : Un baleinier, it Marin employé à
la pêche de la baleine : Trois baleiniers sont
tombés à la mer et ont péri.
— Comm. Celui qui vend des fanons de.
baleine.
— Encycl. Les navires appelés baleiniers
jaugent de 400 à 500 tonneaux, et sont fournis
de quatre à six chaloupes ou pirogues dites
baleinières. — L'équipage doit être assez con-
sidérable pour sufnre à l'armement et l'envoi
au loin de ces baleinières sans que le navire
ait U souffrir de leur absence. L'équipage d'un
baleinier varie de 36 à 40 matelots, entre les-
quels se partage, au retour de chaque voyage,
le produit de la pêche.
baleinier, ère adj. (ba-lè-nié, iè-re —
rad. baleine). Relatif à la pêche de la baleine :
Industrie baleinière. Navire baleinier.
BALEIWÈRE 3. f. (ba-lè-nière — nsd.
baleine). Mar. Embarcation longue, étroite,
légère, construite pour la pêche de la ba-
leine, u Canot de bord dont la forme est ana-
logue à celle d'une baleinière.
baleinologie s. f. (ba-lè-no-lo-jï — de
baleine et du gr. logos, discours). Didact.
Histoire de la baleine et des autres grands
cétacés.
baleikon s. m. (ba-lè-non), Syn. de Ba-
Itinrtti.
BAL
BALEINOPTÈRE. V. BALÉNOPTÈRE.
BAI. EN (Hendrick van), peintre flamand, no
à Anvers en 1500, mort dans la même ville
en 1G32. Quelques biographes disent qu'il reçut
d'abord des leçons d'Adam van Noort; mais
le fait paraît peu vraisemblable, comme l'ont
remarqué les rédacteurs du catalogue du mu-
sée d'Anvers; car les deux artistes étaient à
peu près du même âge, et il n'y a aucun rap-
port entre leur manière de peindre. Ce fut
véritablement en Italie que Balen se forma,
en étudiant l'antique et les chefs-d'œuvre de
ce pays. Il revint ensuite se fixer dans sa
ville natale et s'y fit recevoir grand maître de
la corporation de Saint-Luc, en 1593. Il avait
alors trente-trois ans. Ses succès , quoique
tardifs, furent des plus honorables. Il eut pour
collaborateurs et pour amis les principaux
artistes flamands de son temps, notamment
Breughel, de Velours, dans les paysages duquel
il a souvent placé des scènes religieuses ou
mythologiques. Le Louvre possède un tableau
allégorique, l'Atr (n» 59), du à cette collabo-
ration intelligente : les figures d'Uranie et
des Zéphyres sont de van Balen ; les oiseaux,
les attributs et le paysage sont de Breughel.
On voit au même musée un tableau, le Ban-
quet des dieux, qui est tout entier de la main
de van Balen. Parmi les ouvrages de cet ar-
tiste que l'on conserve à Anvers, nous cite-
rons : une Madone, à la cathédrale, panneau
central d'un triptyque dont les volets, repré-
sentant l'un et l'autre un Concert d'anges et
sur le revers Saint Philippe et Sainte Anne,
en grisaille, sont au musée; la Prédication de
saint Jean-Baptiste, une des œuvres les plus
importantes du maître, dans ce même musée;
l'Annonciation, dans l'église Saint -Paul; la
Résurrection, tableau qui décore le monument
funéraire de l'artiste , dans l'église Saint-
Jacques. Les tableaux les plus remarquables
de van Balen dans les autres villes sont : au
musée de Bruxelles , Y Abondance et l'Amour,
(paysage de Breughel) ; au musée d'Amster-
dam, Hommage de Bacchusà Diane ; à Louvain,
le Baptême de Jésus-Christ ; au Belvédère de
Vienne, V Assomption,!' Enlèvement d'Europe;
à la galerie de Dresde, Nymphes, Faunes et
enfants cueillant des fruits ; Banquet des Dieux. ;
Actéon surprenant Diane au bain; Noces de
Bacchus et d'Ariane; Noces de Pelée et de
Tkétis; les Quatre Eléments, etc.; à la pina-
cothèque de Munich, une Bacchanale, Saint
Jérôme, etc.; au musée de Lille, le Jiepos
la Sainte Famille (paysage de Breughel); aux
Offices, à Florence, le Mariage de la Vierge ,
etc. i La force manque aux créations de van
Balen, a dit M. Paul Mantz ; l'exécution y est
caressée à l'excès; la blancheur systématique-
des chairs , au lieu de voiler les infirmités du
dessin, accuse au contraire la rondeur banale
des formes; enfin, quoique van Balen ait aimé
la lumière, quoiqu'il ait cherché la grâce, on
sent d'autant mieux dans son œuvre quelque
chose d'un art de décadence, que son succès
est contemporain de l'heure glorieuse où Ru-
bens, revenu d'Italie, va ouvrir à l'école fla-
mande des chemins splendides et nouveaux. »
Hendrick van Balen eut huit enfants, dont
six fils : trois d'entre eux, Jean, Gaspard et
Henri ou Hendrick le jeune, paraissent avoir
suivi la profession de leur père ; mais Jean
(1611-1654) obtint seul quelque succès : l'église
Saint-Jacques d'Anvers a de lui un tableau
représentant la Trinité. Un des plus beaux
titres de gloire d'Hendrick le vieux est d'avoir
été le premier maître de van Dyck et de
Snyders.
BALEN (Mathias), historien flamand, né à
Dordrecht en 1618, mort en 1680. Il écrivit
l'histoire de sa ville natale , sous le titre :
Description de Dordrecht (1677). Cet ouvrage,
écrit en flamand, est riche en documents pré-
cieux et en détails intéressants. On n'a rien
fait de plus complet sur l'histoire de cette
ville.
BALÉNAS s. m. (ba-lé-na — rad. baleine).
Membre génital du mâle de la baleine : Le
balénas du mâle est environné d'une double
peau qui lui donne quelque ressemblance avec
un cylindre enfermé dans une gaine. (Lacép.)
ti On écrit aussi baleinas,
BALÉNOPTÈRE OU BALEINOPTÈRE s. m,
ou f. (ba-lè-no-ptè-re — de baleine et du gr.
pteron, aile, nageoire). Mamm. Section du
genre baleine, caractérisée surtout par la
présence d'une nageoire dorsale. On lui donne
aussi les noms de juuarte et de rorqual :
Le baleinopterb échoué à Marseille serait
une espèce de rorqual de la Méditerranée. (V.
Cocteau.) La baleinoptère mouchetée par-
court les vertes régions de l'Océan équinoxial.
(M. -Brun.)
— Encycl. V. Baleine.
BALENSI. Nom qu'ont porté plusieurs au-
teurs arabes originaires d Espagne , et qui si-
gnifie littéralement natif de Valence. Comme
les Arabes ne possèdent pas l'articulation »,
ils la remplacent par la labiale correspon-
dante b. Parmi les personnages qui ont porté
ce nom, nous citerons : Abou Hafiz Omab
Al-Balensi, qui a fait un commentaire arabe
intitulé Arbaïn Moukhtarat (les Quarante
traditions choisies); Ismaïl ben Ibrahim Al-
Balensi, auteur du Thabacat-al-Hadith (tra-
ditions disposées par séries), etc.
BALES (Pierre), célèbre calligraphe anglais,
né en 1547, mort en 1610. Il avait un talent
merveilleux pour écrire en caractères presque
BAL
microscopiques. En 1575, il présenta à la reine
Elisabeth une bague dont le chaton , de la
grandeur d'un demi-sou anglais,' contenait le
Pater, le Credo, les Dix commandements de
Dieu, deux prières latines, sonnom, une de-
vise, le jour du mois, l'année de J.-C. et celle
du règne d'Elisabeth. Il était aussi fort ha-
bile à contrefaire les écritures, et le ministre
Valsingham employa ses talents en ce genre
d'une manière moins honorable pour lui que
profitable pour le gouvernement , notamment
a des manoeuvres ayant pour but de découvrir
des conspirations en faveur de Marie Stuart. •
Baies publia, en 1590, un recueil ayant pour
titre : le Maitre d'écriture.
BALESDENS (Jean) , littérateur, né à Paris,
mort dans un âge avancé, en 1674. II était
secrétaire du chancelier Séguier, et il dut à sa
position d'être reçu membre de l'Académie
française. Deux ans auparavant, il avait d'ail-
leurs eu le bon esprit de s'effacer devant le
grand Corneille. Il a peu écrit, et s'est presque
entièrement borné à donner des éditions de
divers auteurs, avec quelques notes. Il a
édité notamment les écrits de Savonarole, les
œuvres spirituelles de saint Grégoire de
Tours, les épîtres de sainte Catherine de
Sienne, traduit les Fables d'Esope, etc.
baleston s. m. (ba-lè-ston). Mar. Perche
qui sert, sur certains bâtiments, à étendre
une voile au large, sur l'arrière et au-dessus
du mât. u On l'appelle aussi Livarde.
BALESTRÀ (Antonio), peintre et graveur
italien, né à Vérone en 166G, mort dans la
même ville en 1740, commença' à étudier à
Venise , sous la direction de Bellucci , passa
ensuite quelque temps à Bologne et à Padoue,
et se rendit à Rome , où il suivit les leçons de
Carie Maratte. ■ Il recueillit , dit Lanzi , ce
qu'il y avait de meilleur dans la manière de
ses divers maîtres, et il en forma un assem-
blage de perfections qu'il répandit dans son
style, qui tient moins encore de l'école véni-
tienne que de toute autre. Ce fut un peintre
studieux et réfléchi, profond dans la connais-
sante du dessin, et dont le pinceau riant, fa-
cile et gracieux annonce en même temps une
solidité de goût qui impose. • Revenu à Venise,
en 1695, il y ouvrit une école qui fut fré-
quentée par un grand nombre d'élèves. Parmi
ses ouvrages, on cite : une Nativité et une
Descente dé Croix, dans l'école de la Charité ,
à Venise; une Sainte Thérèse, dans la cathé-
drale de Bergame; une Vierge immaculée,
dans celle de Mantoue; deux sujets tirés de-la
Vie de saint Côme et de saint Dnmien, dans
l'église de Sainte-Justine, à Padoue; son por-
trait, au musée de Florence, etc. 11 a gravé
à l'eau-forte plusieurs Madones, le portrait de
l'architecte San-Michele, des figu.es de Guer-
riers, etc., tous sujets de sa composition. Il
était membre de l'académie de Saint-Luc.
BALESTRA (Giovanni), graveur au burin
contemporain, élève de Giovanni Folo, tra-
vaillait à Rome vers 1845. Il a gravé entre
autres sujets : une Madone , d'après le Sasso-
ferrato ; la Samaritaine , d'après le Garofalo ;
la Mort de Didon, d'après le Guerchin; la
Madeleine, d'après F. Vanni, etc.
BALESTBIERI (Pierre-Jean), poëte italien,
du commencement du xvnie siècle, s'est fait
connaître par des pastorales, dont le genre
était alors fort en vogue : l'Arcade ( Parme ,
1703 et 1713); l'Erasima (1720); l'Antiménide
(1726); des notices sur les poètes parme-
sans, etc.
BALESTR1ER1 (Dominique), poète italien,
né à Milan en 1714, mort vers 1755. Il s'est
fait une réputation populaire , surtout par ses
poésies en dialecte milanais , imprimées en
1744, sous le titre de Rime milanese. On a
aussi de lui l'Enfant prodigue (1748).
balestrille s. f. (ba-lè-stri-lle, Il
mouill.). Mar. Autre forme de Arbalkstrille.
V. ce mot.
BALÈTRE s. f. (ba-lè-tre). Techn. Bavure
du métal à l'endroit des joints du moule dans
lequel on l'a coulé, sans doute corruption de
balèvre.
BALETTI (Gianetta-Rosa-Benozzi) , actrice
de la Comédie Italienne, connue au théâtre
sous le nom de Silvia , née à Toulouse vers
1701, morte en 1758, après quarante ans de
succès. — Son mari Joseph Baletti, connu
au même théâtre sous le nom de Mario, y joua
longtemps les rôles d'amoureux. Il mourut
en 17G2. — Leur nls Louis Baletti, reçu à la
comédie italiennne en 1744, s'y fit applaudir
comme acteur et comme danseur.
BALETTI (ElcnaRiccoboni), connue sous le
nom de Rose Baletti, naquit à Stuttgard,
en 1768. En 1788, elle débuta à Paris aux con-
certs spirituels, et fut immédiatement attachée
à la troupe des bouffons du théâtre de Mon-
sieur, où elle fut remarquée pour sa vocalisa-
tion exquise et l'expression de son chant. En
1792, elle retourna à Stuttgard et fut nommée
cantatrice de la cour du due de Wurtemberg.
BALÈVRE s. f. (ba-lè-vre — de 6a, syllabe
péjorative et de lèvre). Autrefois employé
au singulier, signifiait la lèvre inférieure:
Avoir fait brusler et marquer à fer chaud le
nez et la balévre d un bourgeois de Paris
pour blasphème. (Joinville.) Il Employé au
pluriel , se disait de l'ensemble des lèvres ,
et le plus souvent par mépris : Surtout estait
admirable qu'il parlait quelquefois d'une voix
qu'il ter.oit tellement enclose dans son esta-
BAL
105
mach, sans ouvrir que bien peu les balèvres,
d manière qu'estant jirès de vous, s'il vous ap~
peloit, vous eussiez cru que c'eust esté une vnix
qui venoit de bien toing. (Est. Pasq.)
L'Académie ne signale que le premier
sens; partant de là, la plupart des lexico-
graphes, et, en dernier lieu, M. Littré, qua-!
lifient d'erreur ce qui n'est, de la part de'
l'Académie, qu'une définition incomplète.
— Construct. Saillie d'une pierre sur une
autre, dans un parement mal dressé ou dans
l'intrados d'une voûte : Abattre les balèvres.
U Eclat d'une pierre près d'un joint.
— Tech. Bavure, irrégularité qui se pro-
duit à la surface d'une pièce fondue, il Partie
d'une pièce de fer qui excède la mortaise
dans laquelle elle est assemblée : Limer les
balèvres.
BAi.EY (Gauthier), médecin anglais, né en
1529, mort en 1592. Il professa la médecine à
Oxford et devint médecin ordinaire delà reine
Elisabeth. Il a publié (en anglais) : Traité de
trois sortes de poivre, plusieurs fois réimprimé ;
Trotté sur la conservation de la vue (1616 et
1654) ; Explicatio Galeni de potu convales-
centium et senum; Direction pour la santé, etc.
BALFE (Michel-William), chanteur et com-
positeur anglais, né à Dublin , le 15 mai 1808,
reçut les leçons de son père et celles du fa-
meux Horn , et obtint, comme violoniste et
comme chanteur, d'assez beaux succès dans
sa ville natale. Il vint débuter à seize ans dans
le Freischùtz, au théâtre de Drury-Lane, à
Londres. Appelé aux fonctions de chef d'or-
chestre au bout d'une année, il n'en quitta pas
moins l'Angleterre et partit pour 1 Italie, en
1825. Malgré sa jeunesse, il affronta la compo-
sition et donna a la Scala de Milan un ballet,
Lapeyrouse, qui ne réussit que médiocrement.
En 1827, il vint occuper à Paris, au Théâtre-
Italien, l'emploi de chanteur, qui seul pouvait
alors le faire vivre. Il a obtenu , sous le nom
de Balfi, des succès dans les rôles de basse, à
côté de M M* s Sontag et Malibran. Mais il ne
tarda pas à reprendre le chemin de l'Italie. A
Palerme, à Milan, à Paris ou à Londres, il a
fait représenter en quelques années les opéras
dont les titres suivent : les Rivaux (1830) ; un
Avertissement (1832); Henri IV (1834); le
Siège de La Rochelle (1835); Manon Lescaut
(1836), pour la Malibran; Catherine Grey
(1837) ; la Damevoilêe, Falstaff (l%3&) ; Jeanne
Darc (1839); Kiotanthe (1840); la Gypsy (1844);
VEtoile de Séville (1846). Cette dernière pièce,
représentée â notre grand Opéra, et dont le
libretto était dû à la plume exercée de M. Hip-
polyte Lucas, n'obtint pas tout le succès qu'on
en attendait, malgré le concours de Mme Stoltz.
Trois ans auparavant, le Puits d'Amour, re-
présenté à l'Opéra-Comique, avait eu plus de
succès. Les autres ouvrages de M. Balfe eu-
rent des vicissitudes nombreuses, qui décou-
ragèrent plus d'une fois l'artiste. Cependant
l'Allemagne lui a offert d'éclatantes compen .
sations, et c'est la surtout qu'on a le mieux
goûté ses œuvres. Les Quatre Fils Aymon,
notamment, ont eu au delà du Rhin un succès
d'enthousiasme. Ses autres opéras, à l'excep-
tion du Mulâtre , ont presque tous réussi à
Berlin, en 1848. M. Balte devint, en 1845, di-
recteur du théâtre Italien de Londres et du
Concert philharmonique. Il y a fait jouer plu-
sieurs opéras. Nous citerons l'Enchanteresse,
Elfride, le Serf et enfin Satanella, en trois
actes (Covent-Garden, 1858). M. Balfe est de
l'école de Donizetti; il en a toutes les for-
mules et toutes les coupes. Il a souvent imité
Auber et rivalisé avec Adolphe Adam. Clair,
élégant, mais pâle, il possède cette facilité par-
fois irréfléchie, cet orchestre agité et bruyant
sans motif, qui sont les défauts assez ordinaires
des compositeurs modernes d'au delà des monts.
On ne peut lui contester d'importantes qua-
lités : il a de la mélodie, de l'entrain, de la
verve. Sa musique est écrite pour les chan-
teurs, mérite fort rare aujourdWi,où tout est
sacrifié à l'orchestre. Chanteur lui-même, il a
su donner à ses interprètes ce qui seulement
est dans les possibilités. — Sa fille, Mlle Vic-
toire Balfe, qui a tenu quelque temps des
rôles de cantatrice, a épousé, en 1860, sir
John Crampton , ambassadeur de la Grande-
Bretagne à Saint-Pétersbourg.
BALFOUR s. f. (bal- four — du nom de
Balfour, botaniste anglais). Bot. Genre de la
famille des apocynées, comprenant une seule
espèce, qui est un petit arbre propre à l'Aus-
tralie, n On dit aussi balfourie.
BALFOUR (sm James) , l'un des plus célè-
bres acteurs des guerres civiles d'Ecosse qui
ont eu pour dénoûment la chute de Marie
Stuart. Elevé dans la religion catholique, il
embrassa ensuite le protestantisme, et, en
1547, fut, avec d'autres réformés, fait pri-
sonnier et envoyé en France. Plus tard, lors
de la réapparition de John Knox en Ecosse, la
cause du protestantisme semblant perdue,
Balfour abjura son hérésie et rentra dans le
giron de l'Eglise catholique. Ses incontesta-
bles capacités le rendant nécessaire, il fut
promptement investi de fonctions importantes,
qu'il occupait encore lorsque Marie Stuart
remonta sur le trône de ses pères. Il se
trouva à Holy-Rood la nuit de l'assassinat de
Rizzio. Le bruit public l'accusa d'avoir pris
part au meurtre de lord Darnley. Il parvint
toutefois à se laver de tout soupçon de com-
plicité dans cet assassinat. En 1567 il fut
nommé capitaine du château d'Edimbourg.
Voyant qu un parti puissant s'était formé
14
106
BAL
BAL
BAL
BAL
contre Marie Stuart, Balfour juçca qu'il éfjiit
à propos de modifier ses convictions, et il
entra dans le parti des ennemis de la reine. Il
défendit le château d'Edimbourg contre les
troupes royales, et remit entre les mains des
révoltés toute la correspondance de Marie. Il
rendit ensuite le château. Dans les premiers
temps de la çuerre civile, Balfour se rangea
du coté du régent Murray. Mais quand Marie
fut emprisonnée en Angleterre , fidèle à son
perpétuel système de tergiversations, il entra
avec ardeur dans les conspirations qui avaient
pour but sa délivrance , tout en protestant de
son attachement aux régents Murray et Mor-
ton. Son dernier acte public consista à fournir
des preuves de la complicité de Morton dans
le meurtre de Darnley, ce qui entraîna l'ar-
restation , la condamnation et l'exécution de
Morton. Balfour mourut en 1583. Il a laissé
quelques écrits de jurisprudence, entre autres
Praciick of the Law (1574).
BALFOUR (André), naturaliste écossais,
vivait à la fin du xvne siècle. Son nom mérite
d'être conservé parle noble emploi qu'il fit de
sa fortune, en fondant le muséum et le jardin
botanique d'Edimbourg (1680). Robert Brown
lui a consacré , sous le nom de Balfouria , un
genre de plantes de la famille des apocynées.
BALFOUR (François), médecin écossais, né
à Edimbourg dans la deuxième moitié du
xvme siècle. Etabli à Calcutta, il a fait de
curieuses observations sur l'influence lunaire
dans les cas de fièvre. Il a laissé sur ce sujet
plusieurs ouvrages qui ont fait quelque sen-
sation en Angleterre et en Allemagne, mais
qui n'ont jamais été traduits en français.
BALFOUR (Alexandre), romancier écossais,
né à Monkie (Forfarshire), en 1767, mort en
1829. Ses parents étalent pauvres, et son édu-
cation fut négligée. Ses premières années
se passèrent dans des affaires de négoce, où
il eut à subir des revers par suite de la crise
de 1815. En 1818 il entra dans la carrière lit-
téraire après avoir été quelque temps em-
ployé, à Edimbourg, dans la maison des fameux
éditeurs Blackwood. En 1819, il publia un ro-
man intitulé Campbell ou le novice écossais, et
se fit l'éditeur des poésies de Richard Gall.
Durant les années suivantes , il devint colla-
borateur de YEdinburgh Magazine , où il pu-
blia successivement Contemplation et autres
poèmes ( 1820 ) ; la Fondation de Glenlhorn
(1823) et Marie. En tête de ses œuvres choi-
sies , son éditeur, le docteur Moir a placé sur
sa vie une intéressante étude.
BALFOUR (John Hutton), professeur de
botanique à l'université d'Edimbourg, né dans
cette ville en 1808. Son père le mit d'abord à
l'école spéciale d'Edimbourg, où il commença
son éducation sous deux maîtres célèbres :
Carson et Pillans. U entra en 1821 à l'univer-
sité de sa ville natale et y suivit, pendant
quatre an3, les cours littéraires et philosophi-
ques nécessaires pour l'obtention du diplôme
de maître es arts. Il suivit ensuite à la même
université des cours d'hébreu et de théologie,
et commença l'étude de la médecine en 1826.
Après avoir passé avec éclat par tous les
grades, il fut élu, en 1831 et 1832, président
de la Société royale de médecine. 11 entra en-
suite au collège de chirurgie d'Edimbourg,
dont il fut nommé membre en 1833, ainsi que
de la Société royale d'Edimbourg, en 1835.
Ayant contracté un goût particulier pour la
botanique, en suivant les leçons du savant
professeur Graham, il se mit à rassembler, au
prix de peines infinies, un herbier fort remar-
quable , et donna d'intéressantes conférences
a l'Ecole spéciale d'Edimbourg. Son succès
fut si grand qu'on lui offrit bientôt la chaire
de botanique de Glascow, devenue vacante
par suite de la retraite de sir W.-J. Hooker,
poste qu'il conserva jusqu'à la mort de son
ancien professeur Graham, auquel il fut ap-
pelé à succéder, comme professeur de bota-
nique à l'université d'Edimbourg et directeur
du jardin de botanique. M. Balfour a publié
un grand nombre d'ouvrages , parmi lesquels
nous citerons : le Manuel de botanique, pu-
blié en 1849 j le Cours de botanique, qui parut
en 1851, et les Eléments de botanique. M. Bal-
fourest l'auteur du très-remarquable article
Botanique de V Encyclopœdia britannica. En
1858, il a encore publié un curieux ouvrage
intitulé : les Plantes de l'Ecriture, sans
compter une quantité innombrable d'articles
très-goûtés dans les revues savantes.
BALFOUR1ER (Adolphe-Paul-Emile), pein-
tre et graveur français contemporain, est né
à Montmorency, en 1816. Après avoir suivi
les cours de l'école de droit, a Paris, il étudia
la peinture de paysage sous la direction de
M. Rémond, un des derniers représentants de
l'ancienne école classique. Il a débuté, au
salon de 1843, par deux Paysages composés,
où il s'est montré fidèle aux traditions acadé-
miques. La vue des sites pittoresques de
l'Italie fortifia son talent. Il rapporta de ce
pays de consciencieuses études d'après nature
et exposa, en 1844, différentes Vues des bords
du lac Lugano qui lui ont valu une médaille
de 2« classe. Il visita ensuite l'Espagne, et il a
pris part à toutes les expositions qui ont eu
lieu à Paris, de 1845 à 1865. Les paysages de
cet artiste se distinguent par des qualités de
style qui n'excluent pas le sentiment de la
réalité ; son dessin est d'une grande élégance,
mais son coloris est parfois un peu monotone.
M. Balfourier a publié , dans l'Artiste, plu-
sieurs gravures à Veau-forte.
BALi'-ROUSCH, ville de Perse, dans le Ma-
zanderan, à 40 kil. N.-E. de Téhéran, sur la
mer Caspienne -} très-florissante; écoles renom-
mées: industrie et commerce importants ;
grande exportation de soie ; pop. 100,000 hab.
• BALCENC! ACUM , nom latin de Beaugency.
BALGONÈRE s. f. (bal-go-nè-re). Ornith.
Syn. do Grimpcreau,
BALGUERIE-STUTTEMBERG (Pierre), in-
dustriel, né à Bordeaux en 1779, mort en
1825. La ville de Bordeaux lui doit une foule
d'entreprises utiles, l'ouverture de débouchés
nouveaux pour son commerce, ruiné par les
guerres de l'Empire; la création de ces socié-
tés de capitalistes qui achevèrent les ponts de
Bordeaux, de Liboume, de Moissac, d'A-
gen, etc.; enfin, la construction de son entre-
pôt, d'usines importantes et de divers édifices
industriels. Il dirigeait lui-même ces grandes
opérations, et remplissait en outre les fonctions
de membre du Conseil municipal, du Conseil
de commerce, de directeur de la Caisse d'é-
pargne et de la Banque de Bordeaux, etc.
Il appartenait à la religion protestante et à
l'opinion libérale ; les vœux de ses concitoyens
l'appelaient à la députation, mais ses travaux
ne lui permirent pas d'accepter cette honorable
distinction. Cet excellent citoyen était occupé
a, la réalisation de vastes projets pour le dé-
frichement des landes et rétablissement de
voies de communication entre Rochefort,
Bordeaux et Bayonne, lorsqu'il sueccombu,
dans la force de l'âge, à une maladie de lan-
gueur. La Chambre de commerce de Bordeaux
vota l'érection de son buste dans la salle de
ses séances.
BALCUY (Jean), savant théologien anglais,
né en 1686, mort en 1748. Il était simple vi-
caire de North-Allerton. Parmi ses ouvrages,
fort estimés de ses contemporains , nous cite-
rons les suivants : Lettre à an déiste sur la
beauté et l'excellence des vertus morales, et sur
l'appui qu'elles trouvent dans la révélation
chrétienne (1726) ; Le fondement de la bonté
morale , ou recherche de l'origine de nos idées
sur la vertu (1728) ; Recherches sur les perfec-
tions morales de Dieu (1730) ; Essai sur la
rédemption ( 174 1 ) ; enfin deux volumes de
sermons que les Anglais placent au rang des
meilleurs qu'ils possèdent. — Son fils, Thomas
Balguy, né en 1716, mort en 1795, a laissé
également des sermons et des écrits de théo-
logie moins importants et moins estimés.
BALHOAVA s. m. (ba-lo-a-va). Sorte de
religieux pénitent chez les Arabes.
BALHORN ou BALLHORN (Louis -Guil-
laume) , littérateur allemand, né dans le Hol-
stein, mort en 1777. Il a laissé beaucoup d'écrits
latins relatifs a l'enseignement et à la littéra-
ture ancienne. Nous citerons seulement :
Spicilegium ad Vorslii latinitatem selectam
(1752); De diis salvatoribus (1753) ; De studiis
litterarum illustribus apud veteres Romanos
(1755) ; etc.
BALI s. m. (ba-li). Erpét. Nom donné à
une couleuvre qui habite Ternate et qui est
peu connue. On croit que c'est le coluber pli-
eatilis de Linné.
BALI s. m. (ba-li). Idiome de l'Inde appelé
plus généralement Pâli. V. ce mot.
BALI. Myth. ind. Prince des démons; se
battit avec Wishnou, qui l'engloutit dans l'a-
bîme, d'où il sort une fois par an pour exercer
son pouvoir malfaisant sur les hommes. Il Nom
de plusieurs esprits familiers.
BALI, île de l'Océanie, dans la Malaisie,
archipel de la Sonde, située entre l'Ile de Java
à l'O., dont elle est séparée par un détroit qui
porte son nom, et l'île de Sombock à l'E.; par
8» 50' de lat. méridionale et 112° 48' de long,
orientale; 120 kil. de long sur 70 de large;
superficie, 5,575 kil. carrés; 800,000 hab. —
Cette île, que quelques géographes appellent
la Petite Java,'est traversée du N.-O. au S.-E.
par une chaîne de montagnes volcaniques,
dont le point culminant, le Goenong-Agoen,
s'élève a 3,450 mètres au-dessus de l'Océan ;
ces montagnes, couvertes d'impénétrables fo-
rêts, recèlent des minerais de fer et de cuivre,
et, à leur base, s'étendent des terroires d'allu-
vion souvent aurifères. De grandes plaines
s'étendent au S. et a l'E.,. où d'innombrables
troupeaux de buffles et de chèvres s'engrais-
sent dans les pâturages. Le sol est fertile,
mais les habitants négligent de le cultiver,
Bali est divisée en huit petites principautés
indépendantes, portant chacune le nom de
leur chef-lieu. Les principales sont : Karang-
Assem, Gianjar, Tabanam, Bleling et Klong-
Kong. Dans tous ces Etats, le gouvernement
est arbitraire et despotique; il y a bien un
conseil de prêtres et de grands personnages
auprès du roi, mais le plus souvent celui-ci ne
fait que sa volonté.
La religion de Brahma est celle de la plus
grande partie des habitants ; le bouddhisme a
néanmoins de nombreux adeptes. Toutefois,
les deux religions vivent en très-bonne intel-
ligence. Les- brahmanes sont très-considérés
et ont une grande influence sur les popula-
tions. Le roi de Klong-Kong est par droit hé-
réditaire le chef de tous les prêtres de l'île ;
comme tel il porte le titre de Dewa Agong
Detara ; les autres princes lui rendent des hon-
neurs qui lui assurent une espèce de supré-
matie. Les Balinais ont conservé la barbare
coutume de brûler les veuves sur le bûcher
do leurs maris; celles-ci, loin de résister, s'y
précipitent avec joie, dans l'espérance de re-
vivre, et elles sont suivies par les concubines,
les esclaves et les serviteurs. On cite l'exemple
d'un rajah à la mort duquel cent cinquante
femmes ou concubines se vouèrent à la mort.
Le capitaine d'Arukerii Gerluch, auteur des
Fastes militaires des Indes orientales néer-
landaises, qui a visité cette île en 1858 et 1859,
représente les Balinais comme étant ma-
tériellement et moralement supérieurs aux
Javanais et aux Chinois. Leur industrie' mé- *
tallurgique a porté à un assez haut degré de
fierfection la fabrication des poignards, des
ances, des haches et des sabres. Leurs armes
à feu sont d'une qualité très-inférieure. Dans
ce pays, tout le monde est soldat; aussi éva-
lue-t-on à 100,000 le nombre des hommes
capables de porter les armes. Les Balinais
sortent peu de leur île; les transactions com-
merciales se font par navires étrangers, prin-
cipalement avec l'Ile de Java. Les habitants
de Bali achètent aux étrangers de grosses
toiles, des mousselines, des mouchoirs, de
l'opium; ils leur donnent en échange du riz,
du bœuf sec, des peaux, de la cire et du suif.
La valeur annuelle des échanges est estimée
à 4,000,000 de francs.
BALI AI RE s. m. (ba-li-è-re — du gr. ballâ,
je lance). Fantassin armé d'une frondo, dans .
les armées du moyen âge.
BALICASSE s. m. ( ba-li-ka-se ). Ornith.
Espèce du genre corbeau. C'est le corvus lia-
licassius de Linné, appelé aussi choucas des
Philippines , bien qu on le trouve dans l'Inde
et au cap de Bonne-Espérance. Il est de la
grosseur d'un merle : Le balicasse, au lieu
de cette voix aigre du choucas, a le chant doux
et agréable. (Buff.) On prétend que le chant du
balicasse est aussi agréable que le cri des
choucas est rauque. (Bomare.) Le plumage du
balicasse est noir changeant en vert. (Bomare.)
BALICOUR ( Marguerite-Thérèse 1, comé-
dienne française, morte en 1743- Elle débuta
à la Comédie Française en 1727, dans le rôle
de Cléopâtre, et l'année suivante ressuscita
par son talent la Médée de Longepierre, dé-
daignée depuis trente-quatre ans. M'is Clairon,
dans ses Mémoires, cherche à déprécier cette
artiste, qui cependant joua pendant plus de
dix ans avec un brillant succès.
BALIDE s. f. (ba-li-de). Bot. Herbe que
Pline disait propre à guérir la morsure des
serpents.
BAL1E s. f. (ba-lî — rad. 6a!Ïe).Nom donné
à Florence et dans quelques outres villes ita-
liennes, à partir du xiv siècle, a une dicta-
ture temporaire et élective à laquelle on avait
souvent recours, dans les temps de troubles,
pour rétablir l'ordre et mettre un terme aux
luttes des factions. C'était souvent aussi une
arme que les partis employaient tour à tour.
Les Médicis, au commencement de leur puis-
sance, en furent souvent investis.
BALIENTE (Joseph-Hippolyte), philologue
espagnol, vivait dans le xviue siècle. Il a in-
venté .un alphabet destiné à faire accorder
l'orthographe avec la prononciation. Ce sys-
tème, souvent "et inutilement préconisé par
un grand nombre de linguistes, a été déve-
loppé par lui dans un ouvrage publié en 1731.
BALIGARAB s. m. (ba-li-ga-rabb). Bot.
Arbre ou arbrisseau des Philippines.
BALIGOULE s. f. (ba-li-gou-le). Bot. Un
des noms vulgaires de l'agaric du panicaut
en Provence, où il est tres-estimé comme
comestible.
BALIK-ÉMINI s. m. (ba-li-ké-mi-ni). Adm.
ottom. Intendant des pêcheries à Constanti-
noplc.
BALIN s. m. (ba-lain — de 6oHe, paille).
Agric. Pièce de toile grossière qui sert à
cribler le blé, à recouvrir les récoltes, etc. il
N'est guère usité que dans les départements
du Midi.
BALIN (Jean) , prêtre et historien, né à
Vesoul vers 1570, mort à Wese!, dans le duché
de Clèves, on ne sait au juste à quelle époque.
Professeur, puis aumônier militaire, il fut
témoin de la guerre de Flandre, qui se termina
par la paix de 1608. Il en écrivit l'histoire sous
le titre suivant ; De betio Belgico, auspiciis
Ambrosii Spinola; (Bruxelles, 1609). Cet ou-
vrage est estimé. On a encore du même au-
teur un poème latin qu'il traduisit lui-même
en français sous le titre de Poème héroïque de
sainte Magdeleine (1607).
BALINAIS, aise adi. et s. (ba-li-nè, è-ze).
Géogr. Habitant de l'île de Bali ; qui appar-
tient à cette île ou à ses habitants : La reli-
gion des Balinais est le brahmanisme mélangé
de bouddhisme. (M.-Brun.)
bali NE s. f. (ba-li-ne — rad. balin ou balle,
ballot). Grosse étoffe de laine pour emballer.
BALINGASAN s. m. (ba-lain-ga-zan). Bot.
Arbre ou arbrisseau des Philippines.
BALINGHEM (Antoine de), jésuite, écrivain
ascétique, né à Saint-Omer en 1571, mort en
1030. Outre un grand nombre d'écrits traduits
de l'italien et de l'espagnol, il a donné : les
Plaisirs spirituels conlre-quarrés aux sensuels
du Quaresme-prenant (Douai, 1627) ; les Après-
diners et propos de table contre l'excès au boire
et au manger pour vivre longuement (Lille,
1615); Scriptura sacra in locos communes mo-
rum et exemplorum digesta; ouvrage utile aux
ecclésiastiques et aux prédicateurs, et dont la
meilleure édition est celle de Trévoux (1705).
BALIOL ou BAILLEUL (Jean dk), roi d'E-
cosse, mort en 1305. Après la mort d'Alexan-
dre III, la couronne d'Ecosse fut disputée par
plusieurs concurrents, au nombre desquels se
trouvèrent Jean de Baliol et Robert Bruce.
Les états d'Ecosse, pour mettre un terme a
ces contestations, résolurent de prendre pour
arbitre Edouard 1", roi d'Angleterre, qui sa
prétendait suzerain de l'Ecosse. Celui-ci dé-
cida en faveur de Baliol, mais il lui imposa la
condition humiliante de lui prêter foi et hom-
mage comme vassal. Dès la première année
de son règne, Baliol fut assigné quatre fois à
comparaître devand Edouard, qui s'arrogeait
le droit de reviser tous les actes de ce roi no-
minal. Une telle dépendance n'était pas tolé-
rable; Baliol voulut s'en affranchir, et il con-
clut avec Philippe le Bel une alliance qui nr
servit qu'à précipiter sa ruine. Les troupes
écossaises engagèrent la lutte avant que les
secours promis fussent arrivés; elles furent
mises en déroute à la bataille de Dumbar,
en 1296; Baliol, monté sur un petit cheval,
tenant a la main une petite baguette blanche,
emblème de vasselage, vint trouver le vain-
queur dans un cimetière et implora son par-
don. Mais Edouard ne se laissa point toucher,
et l'envoya à la Tour de Londres, où il lui ac-
corda néanmoins la permission de vivre somp-
tueusement et de sortir librement dans un
rayon de vingt milles autour de la Cité. Deux
ans après, Baliol ayant renoncé à tous ses
droits sur l'Ecosse fut remis entre les mains
de l'évêque de Vienne, légat du pape, et plus
tard il se retira dans sa seigneurie de Châ-
teau-Gaillard, en Normandie, où il mourut.
On lui doit la fondation' d'un collège à Oxford.
BALIOL (Edouard), fils du précédent, fut
aussi quelque temps roi d'Ecosse. Avec l'aide
d'Edouard III, il put revenir en Ecosse et dis-
puter la couronne a David Bruce, qu'il défit
quatre fois. Mais, comme son père, il se re-
connut vassal du roi d'Angleterre, et les Ecos-
sais, qui ne pouvaient supporter cette honte,
se révoltèrent contre lui et le chassèrent. Il se
réfugia a Carlisle, où il vécut d'une pension
que lui fit Edouard, lorsqu'il eut abdiqué en
sa faveur.
BALIOL ou BAILLEUL (Jean), baron an-
flais, vivait au xme siècle ; fut un des soutiens
e l'autorité royale lors de la révolte des ba-
rons et de Simon de Montfort, qui éclata en
l'année 1258.
baliosperme s. m. (ba-li-o-spèr-me —
du gr. balios, moucheté ; sperma, graine). Bot,
Genre de la famille des euphorbiacées, com-
prenant une seule espèce, qui est un arbris-
seau de Java.
BALISAGE s. m. (ba-li-za-je — rad. baliser}.
Action de baliser ; résultat de cette opération :
Le balisage est obligatoire. Il n'existe pas de
balisage à l'entrée de ce port.
BALISARDE s. f. (ba-li-zar-de). Epée invin-
cible que l'Arioste donne à Roger : Il lui
parla un coup de taillant qui eût fait honneur
au bras du preux Roger, si l'épée eût été une
balisardb. (Gér. de Norv.)
bali-saur s. m. (ba-li-sôr). Mamm. Nom
indien d'un carnassier plantigrade découvert
par M. Duvaucel dans les montagnes qui sé-
parent le Boutan de l'Indoustan. F. Cuvier
'a désigné sous le nom d'arctonyx.
baliscorne s. f. (ba-li-skor-ne). Tocim.
Pièce de fer fixée à la caisse d'un soufflet de
forge. Il On écrit aussi balicornb.
balise s. f. (ba-li-ze — suivant quelques
ôtymologistes, du lat. palus, pieu, mot qui
n'a qu'un rapport très-indirect avec ce que,
dans le vocabulaire de la marine, on nomme
balise; suivant Chevallet, et c'est à son opi-
nion que nous nous rangeons, do l'angl.-sax.
balye, balje, baquet, cuvier, seau ; en dan.
balje, en suéd. bahl, en holland. baal, en
angl. pail). Signal fixe pour assurer la navi-
gation à rentrée des ports, à l'embouchure
des rivières, en indiquant les endroits où il
peut y avoir du danger, et qui consiste ordi-
nairement en barils, baquets et autres vais-
seaux semblables, attachés par une chaîne de
fer, dont l'un des bouts est maintenu au fond
de l'eau au moyen do grosses pierres : Pour
avertir du péril que courent les passants, il
faudrait faire mettre devant cette maison des
balises, comme on en met dans les rivières
pour marquer les endroits dont il ne Faut pas
s'approcher. (Le Sage.) Il Mât ou perche do 5
à 12 m. de hauteur, surmonté dun drapeau
blanc ou rouge, souvent peint par zones en
noir, bleu, blanc et rouge, et servant, lors
des études d'une voie de communication, à
indiquer la direction du tracé de cette voie.
Il Nom donné à des mâts du même geore,qui
servent à indiquer, dans une rivière, la zone
navigable lorsque les eaux, ou trop hautes ou
trop basses, rendent la navigation périlleuse.
Il Marque indiquant la limite d'un chemin de
halage. il Peu usité en ce sens.
— Balise à la Logant, Pyramide insubmer-
sible inventée en Angleterre, et qu'on em-
ploie comme les balises ordinaires pour indi-
quer les parages dangereux.
— Mar. Bourrelet d'étoupe que les calfats
laissent saillant, entre les joints, pour indi-
quer le travail qu'ils ont fait,
— Pêch. Bouée dont les pêcheurs se servent
pour indiquer la position d'un filet par fond.
— Encycl. La loi impose aux autorités ad-
ministratives l'obligation d'entretenir les ba-
l
BAL
BAL
BAL
BA.L
107
lises, qui sont en outre placées sous la sur-
veillance du ministre de la marine. Les pilotes
lamaneurs sont tenus, sous peine de prison,
de prévenir les officiers municipaux de la
commune où ils abordent, lorsqu'ils s'aperçoi-
vent de la disparition des balises ou du mau-
vais état où elles se trouvent. Ce sont les
préfets qui sont chargés du balisage des ports
et des rivières ; les hommes chargés de poser
ou de réparer les balises se nomment bali-
seurs. En Angleterre , toute personne con-
vaincue d'avoir détruit où endommagé volon-
tairement une balise peut être condamnée à
la transportation pour sept années, ou à la
prison pour un temps laissé & la discrétion de
la cour, ' '
BALISE s. f. (ba-li-ze). Bot. Fruit du
balisier.
— Moll. Ancien nom de la cérithe télescope.
BALISÉ, ÉE (ba-li-zé) part. pass. du v. Ba-
liser : Une rivière balisée. Un êcueil balisé.
balisement s. m. (ba-li-ze-man — rad.
baliser). Etablissement de balises ; Il y avait
autrefois des droits de balisement qui furent
supprimés longtemps avant la Révolution.
(Baudrillart.)
BALISER v. a. ou tr. (ba-li-zé — rad. 4a-
lise). Munir de balises : On s'occupe de baliser
l'embouchure de ce fleuve. On devrait baliser
ce jmrt.
— Débarrasser le cours d'une rivière des
bois qui flottent à sa surface pour faciliter la
navigation. Il Vieux en ce sens.
BAXISEUR s. m. (ba-lj-zeur — rad. baliser).
Individu qui s'occupe d'établir ou de sur-
veiller des balises.
— Surveillant préposé à la garde d'une
balise d'un chemin de halage.
BALISIER s. m. (ba-li-zi-è — rad. balise).
Bot. Genre de plantes monocotylédones, de
la famille des amomées, tribu des cannacées,
connu aussi sous le nom de canna : On tire
des graines du balisier une belle couleur
pourpre. (Massey.) Le balisier de l'Inde est
remarquable par son feuillage ovale, très-large
et d'un beau vert. (Thiébaut de Berneaud.) Les
balisiers sont de grandes et belles plantes
vivaces. (A. Richard.) LesHarges feuilles des
balisiers sont employées dans l'Amérique mé-
ridionale pour envelopper une foule de den-
rées. (Gouas.)
— s. m. pi. Nom donné par A.-L. de Jussieu
à la famille de plantes monocotylédones dont
le genre balisier est le type, et qui a reçu de
divers botanistes les noms ù'amomées, can-
nacées, drymirrhizées et scitaminéés. Il On dit
aussi BALISIOÏDES.
— Encycl. Le genre balisier ( canna de
Linné) renferme des plantes herbacées, vi-
vaces, à tiges souterraines ou rhizomes (vul-
gairement racines) rampantes, charnues,
tubéreuses, aromatiques. Les tiges aériennes,
droites, simples et dont la hauteur dépasse
souvent 2 m., portent des feuilles grandes,
ovales, engainantes a leur base, et roulées en
cornet avant leur complet développement.
Elles se terminent par des grappes de fleurs
jaunes ou rouges, auxquelles succèdent des
capsules qui renferment des graines arron-
dies, dures et noirâtres. « Le calice, dit M. Ri-
chard, est coloré et pétaloïde, adhérent à sa
base avec l'ovaire infère; il a son limbe dou-
ble; l'extérieur, composé de trois segments
égaux, est beaucoup plus court que l'interne.
Celui-ci est également composé de trois divi-
sions, formant un tube à leur partie inférieure
et d'égale grandeur. En dedans de ce limbe
intérieur du calice, se voient trois appendices
pétaloïdes beaucoup plus grands , un peu
réunis en tube à leur base, et se confondant
avec le calice intérieur. Enfin, tout à fait au
centre de ces trois appendices , on en trouve
deux autres également colorés et pétaloïdes ,
l'un dressé, assez épais et roide, et glanduleux
sur un de ses cotés, cette aréole glanduleuse
est le stigmate; 1 autre, souvent recourbé,
porte, sur un de ses côtés, une anthère libre,
unilocuiaire, surmontée par un petit appendice
pétaloïde , se prolongeant inférieurement en
un bord plus épais qui représente le filet. »
L'ovaire est à trois loges, contenant chacune
un grand nombre d'ovules. Le fruit est une
capsule ovoide, également à trois loges, ren-
fermant, nous l'avons dit, des graines dures
et noirâtres.
Les balisiers habitent, pour la plupart, les
régions tropicales des, deux continents, et
croissent surtout dans les lieux humides. Leurs
rhizomes renferment une huile essentielle, et
leurs graines un principe tinctorial pourpre
assez beau, mais peu solide. Dans nos climats,
la seule utilité que présentent les balisiers est
de servir à la décoration des jardins. Pendant
longtemps on n'a guère employé à cet usage
que le balisier de l'Inde (canna Indica de
Linné). Mais ce genre s'est bien enrichi par la
découverte d'espèces nouvelles, et surtout
par l'obtention d'un grand nombre de variétés
et d'hybrides dus à la culture; aujourd'hui les
balisiers sont au nombre des plus beaux
ornements de nos squares et de nos jardins
publics.
Il y a quelques années a peine , les jardi-
niers ne croyaient pouvoir conserver les bali-
tiers qu'au moyen des plus grands ménage-
ments. Ils employaient à cette culture les
couches, les vitraux, la serre chaude, ou, tout
au moins, l'orangerie. Aujourd'hui, ces plantes
sont cultivées en pleine terre comme les
dahlias. Les balisiers se reproduisent aisé-
ment à l'aide de graines que l'on sème sur
couche au printemps. Le plant est repiqué en
pot ou mois de juin, et mis en pleine terre au
mois de mai de l'année suivante.
On connaît environ vingt espèces de bali-
siers, dont la principale est le balisier d'Inde
(canna hidica), à feuilles longues de 0 m. 50,
larges de 0 m. 22 , pointues et marquées au
bord d'un filet blanc, avec fleurs d'un bel
écarlate, dont la tige atteint l m. 50 c. de
haut. Cette espèce a produit de nombreuses
variétés qui sont, comme nous l'avons déjà
dit plus haut, au nombre des plus beaux
ornements de nos squares et de nos jardins
publics.
Parmi les autres espèces, les plus remar-
quables sont: le balisier à feuilles étroites
(canna angustifolia) , le balisier gigantesque
[canna gigantea), et le balisier à fleur orange
(canna aurantiaca). >
BALisioïde adj. (ba-li-zi-o-i-de — de 4a-
lisier et du gr, eidos, forme). Bot. Qui tient
du balisier.
— s. f. pi. Famille de plantes qui comprend
le balisier.
BAL1STÀ, préfet du prétoire sous Valérien,
combattit courageusement les Perses lorsque
ce prince eut été fait prisonnier (260), favo-
risa l'élévation de Macrien et de ses fils, et
prit lui-même la pourpre, après la victoire
d'Auréole sur Macrien. On le compte parmi
les tyrans ou usurpateurs qui parurent sous
Gallien. Il fut reconnu quelque temps en
Orient. On croit qu'il périt dans un combat
contre Odénat, roi de Palmyre.
BALISTAIRE s. m. ( ba-li-stè-re — rad.
batiste). Antiq. Soldat employé au service
d'une balisto. h Tout soldat qui lançait des
armes de jet, et particulièrement celui qui se
servait de la petite baliste, qui est devenue
l'arbalète. (I Officier romain qui, sous l'em-
pire, était préposé à la garde des dépôts
d'armes et de machines de guerre, il Ouvrier
qui taisait des balistes ou des arbalètes.
baliste s. m. (ba-li-ste — rad. baliste,
s. f. ; à cause de la manière rapide dont ces
poissons relèvent le ■ rayon épineux de leur
première nageoire dorsale). Ichthyol. Genre
de poissons de la famille des sclérodermes
(à peau dure et rude au toucher). Il renferme
un grand nombre d'espèces, parmi lesquelles
nous citerons le baliste caprisque, qui vit
dans la Méditerranée : La bouche des balistes
est fort petite. (G. Bibron.) Les balistes se
plaisent dans l'eau peu profonde, sur un lit de
madrépores. (Michelet.) Les balistes brillent
des couleurs les plus vives , et les naturalistes
qui les ont décrits n'ont pas trouvé d'expression
assez pompeuse pour en peindre la beauté.
(D'Orbigny.) il s. m. pi. Groupe de poissons
sclérodermes qui renferme, outre les balistes
proprement dits, les alutères, les monacan-
thes et les triacanthes.
— Encycl. Les balistes forment un groupe
dietinct dans la famille des sclérodermes, ordre
des plectognathes. Leurs caractères sont :
corps comprimé; huit dents à chaque mâ-
choire- peau grenue ou écaiUeuse; nageoires
ventrales très-petites ou absentes ; deux dor-
sales , dont la première est munie d'aiguil-
lons ou épines que l'animal redresse d'un
mouvement très-rapide pour frapper l'ennemi
qui l'attaque. C'est Artédi qui les nomma ba-
listes, à cause du rapport qu il apercevait entre
le jeu des machinas de guerre de ce nom chez
les anciens et le jeu de la dorsale de ces
poissons. Ils ont des couleurs brillantes , se
nourrissent de crabes, de petits mollusques ,
de polypes, de plantes marines. Leur chair •
est peu estimée ; elle est même malsaine ,
surtout dans certaines saisons. On les trouve
surtout dans la zone torride ; une seule espèce
se rencontre dans la Méditerranée. Ils nagent
avec difficulté et se tiennent ordinairement à
fleur d'eau, dans le voisinage des rochers.
Cuvier a divisé les balistes en quatre sous-
genres : balistes proprement dits, monacan-
thes , alutères gt triacanthes. Les balistes
proprement dits ont trois aiguillons à leur
première dorsale ; leur bassin est saillant et
porte en arrière des épines qui semblent être
des rudiments de nageoire ventrale. On en
compte une trentaine d'espèces, parmi les-
quelles nous citerons seulement : le baliste
vieille, ainsi nommé parce que, lorsqu'on le
prend, il fait entendre un bruit qui ressemble
a la voix cassée d'une vieille femme; le ba-
liste caprisque, le baliste à grandes taches, le
baliste à verrues, etc. Pour les trois autres
soùs-genres, v. les mots qui les désignent.
BALISTE s. f. (ba-li-ste — du gr. ballô, je
lance). Antiq. Machine à lancer des projec-
tiles de toute nature : Chaque centurie ro-
maine avait sa baliste. Les balistes et les
onagres, manceuvrés avec activité et par des
gens habiles, sont au-dessus de tout; il n'y a
contre leurs coups aucun moyen de défense;
semblables à la foudre, ils brisent et mettent
en poussière tout ce qu'ils frappent. (Vitruve.)
On se servait encore de balistes au moyen
âge. (Gén. Bardin.) Bernakh établit sa tribu
sous le jet des balistes romaines. (Am.
Thierry.) Les balistes employées par Archi-
mède étaient chargées de projectiles du poids
de six cents kilogrammes. (De Chesnel.)
— Encycl. La baliste servait a lancer des
projectiles de diverses natures, tels que des
pierres, des traits et même des torches en-
flammées. L'usage de la fronde devait tôt ou
tard éveiller l'idée d'un instrument plus vigou-
reux, mais il fallait découvrir les moyens de
le mettre en pratique. Ce ne serait, d'après les
historiens, que vers le tv« siècle avant notre
ère qu'on serait parvenu , sur ce point, à des
résultats suffisants de puissance et de direc-
tion. 11 paraîtrait que, dans ces appareils, les
projectiles étaient lancés par le ressort de
certains câbles fabriqués avec des fibres ani-
males. Il y avait des balistes d'une telle force,
qu'elles lançaient à plus de deux cent cin-
quante toises, c'est-à-dire à mille mètres, des
blocs de pierre pesant cent vingt kilogrammes.
Ce qui augmentait la force de projection de
cet engin, c'est qu'il tirait horizontalement,
sans décrire de parabole; comme l'arme à feu ;
aussi les balistes de moindre dimension, spé-
cialement affectées à lancer des traits, fai-
saient-elles des blessures mortelles, le trait
pénétrant dans le corps, avant même qu'on
eût eu le temps de 1 apercevoir et de s'en
garantir.
Les auteurs modernes ont souvent confondu
la baliste avec la catapulte, dont elle était
tout à fait distincte. Ammien-Marcellin nous
fait connaître que la baliste n'était autre chose
qu'une très-grosse arbalète pourvue de cer-
tains accessoires nécessaires a son usage, et,
entre autres, d'une sorte de bascule placée à
son extrémité et sur laquelle on roulait les
pierres destinées à être lancées. Une roue
mettait en mouvement le câble, qui, comme
celui de l'arbalète , formait détente. Vitruve,
dans sa description de la catapulte, montre
la différence qui existait entre ces deux
machines.
L'invention de la baliste est attribuée par
Pline aux Phéniciens ; il est hors de doute
qu'elle fut d'un usage constant chez le3 Ro-
mains. Titus s'en servit au siège de Jéru-
salem. Deux mille batistes furent remises au
consul L. M. Censorinus, quand il marcha
contre Carthage (Appien, De rébus punicis).
Végèce , qui vivait dans le rve siècle, sous
Valentinien, parle de balistes, dans son livre IV,
ch. xxir, de façon à ne pas permettre qu'on
la confonde avec la catapulte.
La baliste était inconnue en Angleterre
avant l'arrivée des Normands ; mais, d'après
le témoignage de Guillaume de Poitou, dès la
bataille de Hastings, on s'en servit pour
lancer une .pluie de flèches. Il est assez
curieux de constater que dans le domesday-
book, ancien cadastre du règne de Guillaume
le Conquérant, on range parmi les vassaux
in capite les balistarii. Cependant, chez les
Normands, les balistes lançaient non-seule-
ment des pierres et des dards, mais encore des
pots de feu grégeois, de la chaux vive et
autres matières combustibles. Robert Bruce,
dans la chronique de Peter Langstaff, parle
aussi de la baliste, lorsqu'en décrivant les
guerres de Richard I" contre les Sarrasins,
il fait allusion à ces machines qui, par la force
de leurs ailes, lançaient non-seulement du feu,
mais encore des pierres, qui étaient tirées du
Rhin. Grose, dans son livre des Antiquités de
V Angleterre et du pays de Galles, la mentionne
également; enfin, lorsque le P. Daniel cite la
machine k laquelle il donne le nom A'engin à
verge et dont les Anglais se servirent en
France sous Charles VU, c'est de la baliste
qu'il veut parler. Ces balistes étaient si fortes,
qu'au dire d'Hemingfield, celle dont Edouard 1er
se servit au siège du château de Stirling, lan-
çait des pierres du poids de trois cents livres.
Cette machine de guerre servit encore dans
les sièges quelque temps après l'invention de
la poudre; mais elle fut peu employée en
France, où l'on se servit plus volontiers de la
catapulte pour lancer, et du bélier pour en-
foncer. Cependant le P. Daniel, dans son
Histoire de la milice française, la montre
fonctionnant encore dans les sièges impor-
tants : il y avait une baliste au siège de
Bourbourg.
BALISTIQUE s. f. (ba-li-sti-ke— du gr. bal là,
je lance). Science qui traite du jet des pro-
jectiles de guerre : En France, la première
condition du perfectionnement de la balisti-
que serait le perfectionnement de la poudre et
des projectiles. (Gén. Bardin.) La balistique
est originaire de l'Asie. (Gén. Bardin.)
— Encycl. I. — De la balistique en géné-
ral. L'effet que peut produire un corps, d'une
espèce donnée, lancé contre un obstacle, dé-
• pend à la fois de la masse de ce corps et de
sa vitesse au moment du choc. Cette vitesse
dépend elle-même de la vitesse du projectile
au sortir de l'engin, baliste ou arme a feu, qui
l'a mis en mouvement.
L'objet de la balistique est la connaissance
des lois suivant lesquelles l'effet final dépend
des circonstances initiales. La vitesse initiale
du projectile peut généralement être connue
à 1 avance, avec une suffisante approxima-
tion : des expériences préalables, faites au
pendule balistique, pourront aisément la don-
ner pour chaque arme et pour une charge dé-
terminée; mais une théorie complète devient
indispensable pour déterminer à l'avance la
trajectoire que suivra le mobile, l'influence
que l'air exercera sur sa vitesse, les dévia-
tions qu'il éprouvera, etc.
La balistique a fait récemment de grands
progrès : elle est sortie des bornes d'une
science purement descriptive et expérimen-
tale, pour entrer dans la voie des améliora-
tions calculées. Elle se divise aujourd'hui en
deux parties bien distinctes : la première, qui
se rapporte à l'ancienne artillerie, où l'emploi
des boulets sphériques laissait subsister dans
le tir des incertitudes inévitables ; la seconde
est relative à l'artillerie moderne, où la forme
des boulets est scientifiquement déterminée
de manière a diminuer ces incertitudes, en
augmentant la portée et les effets destruc-
teurs que l'on se propose d'obtenir. L'état
actuel de la balistique vient d'être résumé par
M. Hélie, professeur a l'Ecole d'artillerie de
la marine, dans un Traité de balistique expé-
rimentale, publié sous les auspices du ministre
de la marine. C'est à cet ouvrage que nous
avons eu principalement recours dans cet ex-
posé sommaire.
Une des premières difficultés qui se présen-
tent consiste en ce que les produits des di-
verses poudreries sont loin d être identiques ;
d'où résulte la nécessité d'admettre, dans les
formules, des coefficients dont les valeurs nu-
mériques restent variables avec la nature de
la poudre employée.
— Vitesse initiale d'un boulet lancé par un
canon à âme lisse. Le cas le plus simple du
tir des bouches à feu est celui où l'âme du
canon est cylindrique dans toute sa longueur,
et où le chargement ne se compose que de la
gargousse cylindrique, poussée jusqu'au fond
de l'âme, et du boulet sphérique, en contact
avec la charge, et maintenu par un léger va-
let annulaire. Un certain vide laissé entre la
gargousse et les parois de l'âme est favorable
E la propagation de l'inflammation : mais l'ac-
croissement de l'espace dans lequel se répan-
dent les gaz tend a en diminuer la tension. Il
résulte d'expériences directes que le maximum
de vitesse correspond au cas où le rapport
des diamètres de la gargousse et de l'âme de
la pièce est 0,916. Le vent du boulet, c'est-
à-dire l'espace qui reste vide entre la circon-
férence du boulet et celle de l'âme, laisse
perdre une partie de l'action des gaz. Des
expériences faites à Lorient, de 1843 à 1846,
ont permis d'établir que la perte est sensible-
ment proportionnelle à l'étendue de la lunule
comprise entre la section transversale de
l'âme et le grand cercle du boulet, et qu'elle
est indépendante du poids de ce dernier. On
réduit presque à zéro la perte qui serait due
au vent du boulet par l'interposition d'un valet
en étoupe ou en algue. Cela posé, la vitesse
initiale V du projectile est donnée par les for-
mules empiriques suivantes :
V* I?'
y = 3,0933578—1,32232
n A"
Z = 3,37 - — ,
p C
(*)'
dans lesquelles n désigne le poids de la charge
en kilogrammes, p le poids du projectile, C la
capacité de l'âme du canon exprimée en déci-
mètres cubes, et A le diamètre de l'âme. La
formule donnée de y ne convient qu'au cas
ou -p ne surpasse pas 0,0444; on se sert de
la formule
y. - 3,1039372 — 6,69425
(*)"•
lorsque -=; est compris entre 0,0444 et 0,0666 ;
C
enfin, on emploie l'équation
9,09392
y = — ;•
2,89149 +ç-
lorsque -q- est compris entre 0,0666 et I. Ces
G
formules se rapportent à la poudre de Ri-
pault. Les mêmes formules ne cessent pas de
convenir tant que le calibre du canon reste
compris entre 10 centimètres et n centimè-
tres ; de nouvelles expériences deviendraient
nécessaires si on employait de plus forts cali-
bres. Les formules précédentes se rapportent
au cas du chargement le plus simple : souvent
les boulets sont ensabotés, et leur vitesse ini-
tiale est un peu modiliée par cette circon-
stance. Le sabot est un tronc de cône en bois
évidé du côté de la grande base, de manière
à présenter une calotte sphérique qui reçoit le
projectile. Des bandelettes en fer-blanc unis-
sent les deux corps.'.Généralement le sabot se
brise au moment de l'explosion, et les bords
de la calotte, s'interposant entre le projectile
etjla paroi de l'âme de la pièce, la fuite des
gaz est arrêtée, et l'effet produit est, par con-
séquent, plus grand. M. Delvigne a proposé
en 1846 un nouveau mode de chargement qui
présente des avantages notables. Ce procédé
consistait à laisser un petit vide entre la gar-
fousse et le fond de l'âme, et à porter le feu
l'avant de la charge. On maintenait le vide
par la présence d'une croix de bois mince dis-
posée au fond de l'âme, avant le chargement,
et on portait le feu à l'avant de la charge au
moyen d'une mèche isolée aboutissant à la lu-
mière d'une part, et de l'autre à l'avant de la
gargousse. L'expérience a justifié les prévi-
sions de M. Delvigne, et la vitesse obtenue a
dépassé en moyenne de un centième celle
qu on obtenait par le chargement ordinaire :
497 m. contre 494, 590 m. contre 497, 510 m.
contre 507. La supériorité du chargement pro-
posé par M. Delvigne s'explique par les con-
108
BAL
"BAL
BAL
BAL
siJéraUons suivantes : les premiers gaz déve-
loppés par la combustion repoussent en arrière
la masse restante de la charge; les grains, sé-
parés les uns des autres, sont ensuite plus
aisément atteints par la flamme, et la com-
bustion, par suite, est moins complète. Pour
faciliter l'application du mode de chargement
de M. Delvigne, on pourrait ménager au fond
de l'âme une petite chambre d'un diamètre in-
férieur a celui de la gargousse, et placer la
lumière à l'avant de la charge ; mais cette
méthode n'a pas passé dans la pratique.
— Effets de la résistance de l'air. La résis-
tance de l'air tend, à chaque instant, à ralen-
tir la vitesse des projectiles : on la regarde
comme proportionnelle à la section maximum
du mobile, faite par un plan perpendiculaire
à la direction du mouvement, et à une puis-
sance de la vitesse, dont on déterminera l'ex-
posant. On a admis pendant longtemps que la
résistance de l'air était proportionnelle au
carré de la vitesse; des expériences, exécu-
tées à Metz en 1839 et 1840, ont montré que
5
l'exposant 2 est trop faible ; la puissance - de
la vitesse parait devoir être adoptée. Les ex-
périences donnent, pour l'accélération néga-
tive due a la résistance de l'air, pour un boulet
i • r 0,0002018, .- ...
plein en fer, r = — V2, a désignant le
3,1 U4 a °
diamètre de ce boulet estimé en décimètres,
et V sa vitesse évaluée en mètres par seconde.
Voici deux tables des vitesses d'un projec-
tile à différentes distances :
Pour un boulet sphértque massif de 1 déci-
mètre 89, dont la vitesse initiale était de 500 m.
par seconde, la vitesse a été trouvée de :
Mètres. Mètres.
484 a 50 de la pièce.
469 à 100
455 à 150
442 à 200
429 à 250
371 a 500
287 h 1,000
228 à 1,500
185 à 2,000
Pour un boulet creux de 2 décimètres 202
de diamètre, pesant 27 kilo., lancé avec une
vitesse initiale de 550 m. par seconde, on a
trouvé :
Mètres. Mètres.
528 & 50 de la pièce.
507 à 100
487 à 150
468 à 200
450 à 250
374 à 500
271 . à 1,000
206 à 1,500
161 à 2,000
— Pénétration des projectiles sphériques
dans les milieux solides. Les expériences re-
latives aux pénétrations dans les milieux so-
lides ne peuvent pas conduire à des formules
d'une bien grande précision, parce que la ré-
sistance des milieux est difficile à apprécier,
et se retrouve rarement la même dans les ex-
périences successives. Le mobile, en pénétrant
dans le milieu, y forme un vide terminé par
une surface de révolution, dont les sections
transversales décroissent depuis l'entrée jus-
qu'au fond, et dont la méridienne tourne sa
convexité vers l'axe, excepté dans la partie
où s'est arrêté le projectile. Dans la terre ar-
gileuse, le vide diffère peu d'un cône ; dans le
plomb, il a la forme d'une tulipe, et le métal
refoule se relève en bourrelet autour de l'ori-
fice. Dans les expériences faites à Metz, on a
remarqué qu'il existait un rapport constant
entre le volume du vide et la force vive du
projectile à son entrée; la valeur du rapport
dépendait naturellement de la nature du mi-
lieu. Des considérations théoriques permettent
de faire de cette remarque une loi générale.
Voici une table des profondeurs auxquelles
un boulet massif de 30 a pénétré dans des
murs de diverses qualités :
PÉNÉTRATION.
VITESSE
du boulet.
BONNB
maçonnerie.
MÉDIOCRE.
BRIQUES.
mètres.
m. c.
m. c.
m. c.
500
0 72
0 90
1 21
450
0 64
0 £0
1 07
400
0 56
0 70
0 93
300
0 39
0 50
0 65
150
0 13
0 16
0 22
Le vide produit dans la maçonnerie a une
forme très-éva^ée ; le diamètre d'entrée est
égal à quatre ou cinq fois le diamètre du pro-
jectile. Pour passer du boulet de 30. auquel
se rapporte la table, à d'autres calibres, on
peut regarder la pénétration comme propor-
tionnelle au diamètre du boulet, toutes choses
égales d'ailleurs. Dans la terre, la pénétration
peut aller jusqu'à 5 m. j dans le bois de chêne,
elle approche de î m.
— Projectiles creux. Les projectiles creux
sont en fonte de fer; la chambre intérieure
est une sphère concentrique à la surface exté-
rieure. L'inflammation de la charge déter-
mine la rupture de la fonte, et les débris du
boulet sont lancés en tous sens. Quelquefois,
la lumière reste fermée jusqu'au moment de
la rupture; c'est ce qui a lieu pour les boulets
creux munis de mécanismes percutants. Sou-
vent, la lumière n'est bouchée que par une
fusée, dont le canal est ouvert au moment où
l'inflammation commence. Pour un obus de
22 centimètres de diamètre extérieur et de
2 1/2 centimètres d'épaisseur, la charge né-
cessaire pour déterminer la rupture est d'à
peu près 630 grammes ; le nombre des frag-
ments pesant plus de 100 grammes est de 20
à 25, et leur vitesse moyenne est de 150 m.
— Trajectoire d'un boulet sphérigue. Si l'on
ne tenait pas compte de la résistance de l'air,
on trouverait, pour la trajectoire du boulet,
une parabole contenue dans le plan vertical
mené par la direction de la vitesse initiale,
tangente à cette direction, ayant son axe ver-
tical et son sommet à la hauteur dont devrait
tomber un corps pour acquérir une vitesse
égale à la composante verticale de la vitesse
initiale. Dans les anciens traités, on supposait
la résistance de l'air dirigée suivant la tan-
gente à la trajectoire, et proportionnelle au
carré de la vitesse (v. Chute dks corps, en
tenant compte de la résistance de l'air) ; les
formules déduites ainsi du calcul ne s'accor-
dent pas tout à fait avec les résultats des ex-
périences. La puissance - de la vitesse pa-
raîtrait mieux convenir, comme nous l'avons
déjà dit ; mais les formules analytiques aux-
quelles conduit cette hypothèse sont trop com-
pliquées pour être pratiques, et n'ont d'ailleurs
pas toute l'exactitude désirable. On a donc dû
chercher à construire directement une for-
mule empirique qui suivît de plus près les ré-
sultats des expériences. Si le mouvement
avait lieu dans le vide, l'équation de la trajec-
toire, rapportée à la verticale du lieu et à
l'horizontale contenue dans ie plan de tir, se-
rait
qx*
y = a:tanga-2V,cos,a,
o désignant l'angle de la vitesse initiale V
avec l'horizon, et g la gravité. Celle du mou-
vement dans 1 air doit donc pouvoir se rame-
ner à la forme
y » *tang a- j^L (! + ,<«)).
L'expérience prouve qu'on peut prendre
<l (x) égal à Kx; et, pour déterminer la con-
stante K, on a, en désignant par X la portée
ou la distance du point de départ au point où
le boulet repasse dans le même plan horizon-
tal, la formule
0 = tanga--^- f-L + KxV
D 2COS1 a \V* /*
ou, plus simplement,
1 J-KX - S'n2"
_+KX-_5r.
La trajectoire serait ainsi remplacée par
une courbe du troisième degré fort simple. Le
coefficient K doit être d'autant moindre que
le boulet a plus de masse, et que la densité
de l'air est plus faible ; on a donc été natu-
rellement porté à. le regarder comme propor-
tionnel h—,, S désignant la densité de Vair,
ad
d celle du boulet et a le diamètre de ce boulet.
Cela posé , voici quelques valeurs de ad K
données par l'expérience, et multipliées par
10" pour qu'elles devinssent appréciables.
CANON DE 30, N» 3.
Longueur de l'âme 2 m. 250.
Diamètre 0 m. 1643.
Boulets massifs. . .! f^f^î ° "V J598"
( densité 7 m. 152.
Poudre du Ripault.
CHARGE
du
VITESSE
initiale
du
\>oulet.
ANGLE
de
PORTÉE
VALEUR
de
canon.
départ.
moyenne.
10" ad K.
mètres.
37'47"
323
40,0'
3 kil. .
415 m.
lt>45'l9"
5°2G'18"
718
1,647
48,9
40,7
10°45'56"
2,489
39,2
39'40"
307
42,9
2 k. 5.
392 m.
1 1044' 5"
) 5"25'50"
981
1,594
42,8
39,7
10»17'40"
2,234
47,5
L'extrême petitesse des variations relatives
de ad K paraît justifier complètement les pré-
visions; les écarts pouvant être regardés
comme dus aux anomalies des expériences.
Ainsi, toutes les fois que l'angle a ne surpas-
serait pas 10°, la valeur de K serait a peu
près indépendante de cet angle. Cette con-
clusion est très-importante. Des expériences
faites à Vincennes, sur des fusils d'infanterie,
ont confirmé la même théorie. La quantité K,
sensiblement constante tant que 1 inclinaison
de la bouche à feu ne surpasse pas 10", croit
avec cette inclinaison.
— Déviations des projectiles sphériques, La
distance qui, à chaque instant, sépare le pro-
jectile de la trajectoire moyenne a reçu le
nom de déviation. Cette déviation est verti-
cale, latérale ou longitudinale. La déviation
verticale est la quantité dont le projectile s'é-
lève au-dessus de la trajectoire moyenne ou
s'abaisse au-dessous; la déviation latérale est
la quantité dont, au point de chute, le projec-
tile s'écarte du plan de tir, soit à droite, soit
a gauche ; enfin , la déviation longitudinale
est la quantité dont la portée particulière que
l'on considère diffère de la portée moyenne,
soit en plus, soit en moins.
Outre les incertitudes relatives à la gran-
deur de la vitesse initiale , incertitudes qui
pèsent sur les résultats fournis par les for-
mu'es, mais qui ne constituent pas par elles-
mêmes des causes de déviation proprement
dites, puisqu'elles ne résident que dans de
simples erreurs d'observation que l'on pour-
rait concevoir rectifiées, on attribue les dé-
viations observées, d'abord à des inégalités
dans la répartition de la masse totale du bou-
let à l'intérieur de la surface sphérique qui
l'enveloppe ; en second lieu, à la résistance
latérale que peut exercer l'air frottant contre
la surface du projectile, par suite du mouve-
ment giratoire dont il est toujours plus ou
moins animé. Un boulet massif de 30, n° 1,
animé d'une vitesse initiale de 485 m. par se-
conde, a donné, en moyenne, les déviations
latérales suivantes :
met. met.
à 600 de distance, l 0 de déviation,
k SOO 19
à 1,000 3 0
à 1,200 4 6
à 1,600 9 0
à 2,000 15 5
à 2,400 24 6
La déviation est un peu plus forte pour le
boulet creux de même calibre.
— Rupture des canons. Chaque explosion,
alors même que la limite de l'élasticité ne se-
rait pas dépassée, produit une légère défor-
mation permanente qui , en se répétant un
grand nombre de fois , finit par amener la
pièce à un état tel, qu'un plus long service
doit la faire éclater. C est dans le plan méri-
dien passant par l'axe de la lumière que la
rupture se fait le plus ordinairement. Une pe-
tite fente longitudinale interne se produit d'a-
bord ; elle s'allonge et s'agrandit peu à peu, et
finit par enlever à la pièce la force nécessaire
pour résister à l'explosion. Le cercle passant
Ear le centre de l'orifice de la lumière forme
actuellement une seconde ligne de rupture.
La partie antérieure de l'âme n'est générale-
ment pas altérée. La destruction de la bouche
à feu est assez rapide lorsque la gargousse
est poussée jusqu'au fond de l'âme, et qu'elle
se trouve en contact immédiat avec le projec-
tile. 400 coups à la charge de 5 kilo., et à
boulets massifs, suffisent pour déterminer la
rupture d'un canon de 30, n° 1. Mais il n'en
est plus de même lorsqu'un valet d'étoupe,
d'algue ou de foin est placé entre la gargousse
et le projectile. Des bouches à feu ainsi char-
gées ont pu supporter plus de 2,000 coups ;
mais les lumières avaient acquis des dimen-
sions énormes, et des fentes de 30 à 40 milli-
mètres de profondeur s'étaient déjà formées
à l'intérieur. Les expériences qui viennent
d'être rapportées ont indiqué la nécessité de
renforcer la pièce dans les environs de la lu-
mière ; c'est ce que l'on fait maintenant. On
écarte une autre chance de rupture en rac-
cordant le plan du fond de l'âme et la partie
cylindrique par un quart de cercle d'un rayon
égal au quart du calibre.
U. — Canons raves. Les rotations irrégu-
lières des projectiles sphériques amenaient
des déviations assez grandes pour rendre le
tir fort incertain. Des boulets oulongs devaient
présenter de grands avantages, pourvu qu'on
pût en maintenir l'axe dans la direction du
mouvement. Pour assurer eette fixité de l'axe,
il suffisait, d'après une théorie connue de la
dynamique des corps solides, d'imprimer aux
projectiles un mouvement rapide de rotation
autour de cet axe, dirigé, au départ, dans le
sens du mouvement de translation. On sait,
en effet, qu'un corps qui n'est soumis à l'ac-
tion d'aucune force tourne à chaque instant
autour du diamètre de son ellipsoïde central,
dont l'extrémité est en contact avec un plan
invariable de direction, et dont la distance au
centre de gravité reste constante. Ce plan
n'est autre que le plan du maximum des aires.
Si l'axe de rotation du corps-est, à un instant,
l'un des axes principaux d'inertie de son ellip-
soïde central, la rotation persiste indéfiniment
autour de cet axe, qui reste parallèle à lui-
même dans le mouvement. Si l'ellipsoïde cen-
tral du corps est de révolution autour de l'axe
considéré, et qu'un couple perturbateur vienne
à agir sur lui, l'axe instantané de rotation
prend une direction un peu oblique par rap-
. port à l'axe de révolution ; mais l'angle des
deux directions est d'autant moindre, pour une
même action perturbatrice , que la rotation
initiale du corps autour de son axe était plus
rapide. A partir du moment où l'axe de la ro-
tation a cessé de coïncider avec l'axe de
figure, celui-ci tourne d'un mouvement lent
autour de la perpendiculaire au nouveau plan
du maximum des aires, en même temps que
la rotation rapide continue à se faire autour
de lui. D'ailleurs, le nouveau plan du maxi-
mum des aires fait, avec l'ancien, un angle
d'autant moindre que la vitesse initiale de ro-
tation était plus grande. La grandeur de la
rotation initiale assure donc la fixité de l'axe
de rotation. Dans la pratique, le moment ré-
sultant des quantités de mouvement du bou-
let par rapport à son axe de figure, axe de la
rotation initiale, est toujours assez grand pour
que les couples perturbateurs, qui proviennent
de la résistance de l'air, ne produisent qu'une
déviation très-petite dans la direction de l'axe
de la rotation.
Le corps du boulet est cylindrique, la partie
antérieure a une forme ogivale; le rapport de
la longueur totale au diamètre est un peu su-
périeur à 2; le poids est à peu près double de
celui du boulet sphérique qui aurait mêRje
diamètre. Le mouvement de rotation est im-
primé par des Jetions qui font saillie sur la
partie cylindrique du boulet, et qui s'enga-
gent dans des rayures hélicoïdales pratiquées
à l'intérieur de l'âme de la pièce. Les tenons
sont faits d'un métal assez mou pour que les
rayures ne puissent pas être entamées ; on y
emploie le zinc ou le plomb, suivant que la
bouche à feu est en fonte de fer ou en bronze.
Les rayures ne sont encore que longitudi-
nales au fond de l'âme; elles prennent ensuite,
par rapport à l'axe, une inclinaison croissante
jusqu'à l'extrémité de la volée. Celte disposi-
tion était nécessaire pour que le mouvement
de translation put commencer dès les premiers
instants de l'inflammation de la poudre , et
que la pièce, par suite, n'éprouvât pas de trop
grandes pressions intérieures. Chaque tenon
reçoit, de la part de la rayure dans laquelle il
est engagé, des réactions obliques qui, trans-
portées au centre de gravité, donneraient lieu
a la naissance de couples dont les axes se-
raient inclinés sur l'axe de figure du boulet, et
qui, par conséquent, tendraient à produire des
mouvements de rotation différents de selui
qu'on veut principalement obtenir. On évite
ces inconvénients : l° en disposant les rayu-
res symétriquement autour de l'axe, de façon
que les réactions obliques se neutralisent le
plus possible ; 2° en fixant les tenons dans le
plan de la section menée perpendiculairement
a l'axe par le centre de gravité du boulet. La
composante, perpendiculaire à l'axe, de la
réaction de la rayure se trouve ainsi passer
par le centre" de gravité, et ne produit plus de
couple perturbateur.
Le mobile une fois lancé, -si la pesanteur
agissait seule, le centre de gravité décrirait
sa parobole, et l'axe de rotation se transpor-
terait parallèlement à lui-même ; mais la ré-
sistance de l'air produit des effets qu'il est
Possible de préciser. Cette résistance, qui, à
origine, étaitdirigée suivant la tangente à la
trajectoire, fait avec elle un angle de plus en
plus grand, à mesure que le boulet a parcouru
de plus grandes distances ; d'ailleurs, elle ne
passe généralement pas par le centre de gra-
vité. Il en résulte que l'axe prend un mouve-
ment de précession, en même temps qu'il s'é-
lève ou s'abaisse, suivant que la résultante
générale de la résistance passe en avant ou
en arrière du centre de gravité.
— lYqjectoire des boulets ogivaux. Pour
connaître la trajectoire du projectile, on peut
chercher ses deux projections sur le plan de
tir et sur le plan horizontal. Il est nature!
d'examiner si, de même que pour les projec-
tiles sphériques, la projection sur le plan de
tir de la trajectoire ne seruit pas encore re-
présentée avec une approximation suffisante
par l'équation du troisième degré
" & 2 cos' o \ V* J'
a. désignant, comme précédemment, l'angle
de départ, V la vitesse initiale et g l'inten-
sité de la pesanteur. L'expérience donne,
pour 10" K, une valeur moyenne inférieure à
10, tandis que, pour les boulets sphériques, la
valeur de la même quantité était quatre fois
plus grande. La résistance de l'air , si du
moins on en mesurait les effets par la gran-
deur du coefficient K, serait donc quatre fois
moindre sur les boulets modernes que sur les
anciens. On a remarqué d'ailleurs que la va-
leur de K varie à peu près en raison inverse
de la vitesse V. Quant à ce qui concerne la
projection horizontale de la trajectoire, il im-
porte de rapporter en premier lieu que la dé-
viation du plan de tir se fait toujours du côté
vers lequel tourne la partie supérieure du pro-
jectile, à gauche dans l'artillerie navale, à
droite dans l'artillerie de terre, parce qu'on a
adopté dans les deux armes des sens diffé-
rents pour les rayures des canons. Ainsi, tan-
dis que les boulets sphériques déviaient du
plan de tir, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre,
sans qu'on pût rien prévoir à l'avance à cet
égard, au contraire, le sens de la déviation
peut toujours être prévu dans le tir moderne.
Les déviations sont d'ailleurs moins fortes,
et, de plus, elles paraissent indépendantes de
l'inclinaison de la pièce.
III. — Pendule balistique. Le pendule ba-
listique se compose essentiellement d'un ré-
cepteur cylindrique creux, terminé par une
culasse en forme de mortier. L'âme de cette
sorte de mortier est bourrée de matières mol-
les, au milieu desquelles le projectile doit se
loger. Le récepteur est suspendu horizontale-
ment au moyen de quatre tiges en acier qui
se réunissent à un axe supérieur, supporté
par des coussinets à l'aide de tourillons. L'ap-
pareil entier forme une sorte de pendule pou-
vant osciller autour de l'axe supérieur, qui
est fixé horizontalement dans une direction
perpendiculaire à celle des génératrices du
cylindre. Le projectile est lancé horizontale-
ment dans l'intérieur de l'âme du récepteur,
et autant que possible suivant son axe. Les
matières molles l'y retiennent.
Lorsque le pendule s'écarte de sa position
d'équilibre, un taquet placé à la partie infé-
rieure pousse un. index sur une ravnure circu
BAL
BAL
BAL
BAL
109
taire dont le centre se trouva sur l'axe do ror
tation. L'index s'élève en même temps que le
pendule, mais il s'arrête dans la rainure lors-
que le pendule, arrivé à sa position la plus
élevée , commence a. redescendre. Le cercle
qui forme la rainure étant divisé , on peut
lire, après l'arrêt du mouvement, l'angle dont
le pendule s'est écarté de sa position d'équi-
libre, et c'est de la connaissance de cet angle
qu'il faut déduire, après coup, la' vitesse du
projectile. Cotte vitesse dépend d'abord de la
vitesse angulaire qu'acquiert le pendule, im-
médiatement après le choc; mais celle-ci dé-
pend à son tour de l'angle d'écart. Deux
équations serviront donc à établir la relation
cherchée. La première se déduit sans diffi-
culté du théorème relatif aux moments des
quantités de mouvement par rapport à un axe
et aux moments des impulsions des forces
agissantes par rapport à cet axe. Ce principe,
l'un des plus importants de la dynamique, con-
siste en ce que l'accroissement, pendant un
temps quelconque, de la somme des moments
des quantités de mouvement des parties infi-
niment petites d'un système matériel, par
rapport à un axe quelconque, est égal a la
somme des intégrales des moments des impul-
sions élémentaires des forces agissantes, pen-
dant le même temps et par rapport au même
axe. L'énoncé même de ce théorème indi-
que que les forces qui peuvent naître, à l'in-
térieur du système matériel considéré , des
chocs, des frottements, etc., ne doivent pas
entrer dans l'équation qui en est la traduc-
tion, puisque ces forces, égales deux à deux
et de sens contraires, ont, par suite, deux à
deux, par rapport à un axe quelconque, des
moments égaux et de signes contraires, dont
la somme est nulle. Cela étant, si n est la
masse du projectile lancé horizontalement,
u sa vitesse et l la distance de la ligne droite
qu'il parcourt a t'axe de suspension, qui sera
pris pour axe des moments, le moment de la
quantité de mouvement de ce projectile, avant
le choc, sera
V-vî;
et la somme des moments des quantités de
mouvement des particules qui composent le
pendule, alors en repos, sera nulle. Comme
l'introduction du projectile dans l'àme du ré-
cepteur n'aura pu donner naissance qu'à des
forces intérieures, la somme des moments des
quantités de mouvement, après le choc, devra
avoir conservé la même valeur
Or, si u désigne la vitesse angulaire initiale
du système du pendule et du projectile, immé-
diatement après l'admission de ce dernier, l a
sera la vitesse du projectile, a ce moment,
ji/u sera sa quantité de mouvement, et le
moment de cette quantité de mouvement sera
d'un autre côté, m désignant la masse d'une
-particule de la matière qui -compose le pen-
dule et r la distance de cette particule à 1 axe,
le moment de la quantité de mouvement de
cette particule sera de même
mr1 u;
la somme, relative au pendule, des moments
des quantités de mouvement sera donc
£ mr' u,
ou
ul mr'.
La relation cherchée entre v et m est donc
Il vl = ji !' u + uï mr* ;
ou, si l'on désigne par K le rayon de giration
du pendule par rapport à l'axe de suspension,
et par M sa masse,
(iu/= lU'u + MK'u.
Il reste, comme nous l'avons dit, à établir
la relation qui doit exister entre la vitesse an-
gulaire w et l'angle d'écart a. Cette relation se
déduira du théorème des forces vives. Ce
théorème consiste en ce que l'accroissement
de la force vive d'un système pendant un
temps quelconque a pour mesure le double du
travail des forces qui ont agi sur le système
pendant ce temps. Aussitôt après le" choc ,
le pendule s'élève ; la pesanteur entre alors
en action pour diminuer la vitesse du mou-
vement, et c'est le double de son travail né-
gatif qui doit représenter la perte de force
vive du système. Le centre de gravité du
pendule, avant le choc, se trouvait dans le
plan vertical passant par l'axe de suspension,
et, dans la pratique, on cherche, autant que
possible , à faire en sorte que le projectile
s'arrête dans le même plan. Si donc a désigne
la distance du centre de gravité du pendule à
l'axe, comme i représente déjà la distance au
même axe du centre du projectile, les hau-
teurs respectives auxquelles s'élèveront ces
deux centres seront
a (i — cosa) et 1(1 — coso);
le travail négatif de la pesanteur sera donc,
en valeur absolue,
(Mga + pgl) (i — cos=);
d'un autre côté, la force vive du système,
immédiatement après le choc, était
y.l'i^ + a.'imr',
ou
H l* «.* -f u' MK' ;
la seconde équation du problème est donc
(M ga + y. gl) (l — cos .)=|>IV + «' MK1.
Cette dernière équation donnera « dès qu'on
connaîtra a, et la première fera connaître w
au moyen de u. Il convient de remarquer qu'à
chaque expérience nouvelle, la masse du pen-
dule, son moment d'inertie, a et l, pourront
subir de légères altérations, puisque ces gran-
deurs dépendent de la manière dont l'âme aura
été bourrée. Il faudra donc, chaque fois, déter-
miner de nouveau ces quantités. La masse M
p
n est autre chose que le rapport — du poids
du pendule à l'accélération g ; elle sera donc
toujours aisée à obtenir, La distance a se dé-
duit, au moyen du théorème des moments, de
l'angle d'écart du pendule retenu en équilibre
par un poids connu, suspendu à l'une des ex-
trémités d'un fil passé sur une poulie fixe et
dont l'autre extrémité serait attachée en un
point de la partie inférieure du pendule ; i doit
en tout cas être égal à la longueur du pendule
simple isochrone au pendule balistique, sans
quoi le choc de la balle se transmettrait à
l'axe et détériorerait l'appareil, comme cela
résulte de la théorie du centre de percuision.
Enfin, K, d'après la théorie du pendule com-
posé, est fourni par l'équation
K1 = al.
BALISTIQUE adj . (ba-li-sti-kc — rad. 6a-
liste). Propre à lancer des projectiles de
guerre : Machines balistiques. Il Relatif à
l'art de lancer des projectiles: Théorie ca-
ustique. Courbes balistiques.
— Pendule balistique, Appareil essentielle-
ment formé d'un pendule, et qui sert à me-
surer la force de projection imprimée par une
arme à feu. V. l'article ci-dessus.
balivage s. m. (ba-li-va-je — rad. bali-
veau). Eaux et for. Choix des baliveaux à
réserver dans une coupe : On doit s'attacher
naturellement, à chaque balivage, à ne choisir
que les arbres les plus vigoureux et les plus
proportionnas. (Beauplan.) Le balivage est
toujours accompagné du martelage. (Baudril-
lart.) il Marque imprimée aux baliveaux ré-
servés.
— Encycl. Le balivage s'opère dans le mi-
lieu de l'été, et a pour but de ménager des
ressources pour les constructions et des
moyens de repeuplement pour les forêts. Il
exige une connaissance approfondie de la
nature du sol, de l'espèce des arbres, des be-
soins de l'industrie et du commerce, et des
changements qui s'opèrent après l'exploita-
tion sur les arbres réservés et dans le repeu-
plement des coupes. Par suite, cette opération
se présente à nous comme une des plus impor-
tantes k étudier au point de vue de l'économie
forestière. Aussi nulle question n'a-t-elle été
plus longtemps discutée et plus vivement
controversée que celle,, du balivage. Les uns
ont considéré cette opération comme la meil-
leure façon d'exploiter les bois; d'autres, en-
tre lesquels on peut citer des savants tels
que Buffon, Réaumur, Duhamel, Rozier, l'ont
regardée comme très-nuisible. Suivant ces
derniers, après la coupe des taillis, les bali-
veaux supportent difficilement les alternatives
du froid et du chaud; tandis que, dans les
Sols peu profonds, ils sont exposés à être dé-
racinés par les vents , dans les terrains bas et
fertiles, ils entretiennent une humidité funeste
à la végétation, ils empêchent l'action des
vents et contribuent aux dégâts de la gelée
sur les taillis. De plus , les baliveaux pro-
duisent rarement de grosses pièces de char-
pente, parce qu'ils s'élèvent peu et étendent
leurs branches comme celles des pommiers.
Enfin leur bois chargé de nœuds est impropre
à faire de belles menuiseries. Sans examiner
en détail chacun de ces points, il suffira de
remarquer que, si quelques-uns de ces repro-
ches paraissent fondés, ils sont dus le plus
souvent à un mauvais aménagement des
taillis, à l'ignorance où l'on est touchant le
nombre des baliveaux à conserver et les
qualités qu'ils doivent avoir. C'est pour cela
que, malgré la réputation et l'autorité des
savants que nous avons nommés plus haut,
le balivage n'a pas cessé d'être pratiqué. Mais
tout en se maintenant, on peut dire qu'il s'est
transformé. « On conservait autrefois , dit
M. Noirot, les vieux arbres, sans s'occuper
de savoir si leur accroissement rapportait
1, 2 ou 3 pour 100 par an; l'usage, une espèce
d'idée vague du sacrifice fait au bien public,
une pensée dominante d'ordre et de conser-
vation, guidaient lç forestier, même à son insu,
et il réservait une immensité d'arbres qui,
tout en continuant de végéter, ne gagnaient
pas l pour cent par an. u C'est qu en effet,
jusqu'en ces derniers temps, on avait négligé
un élément essentiel, celui du calcul des pro-
duits et de l'intérêt composé.
Aujourd'hui, tout en s'occupant du soin de
conserver les bois et même de les améliorer,
on s'attache a en tirer le plus grand produit
possible. Toutefois, cette révolution dans la
science de l'économie forestière ne s'est pas
accomplie sans amener de nombreux abus.
Ainsi, lorsque l'industrie s'est introduite en
France, on a abattu partout les massifs de fu-
taie pour en consommer les produits, parce
qu'on s'est aperçu qu'il y avait plus de profit
à abattre les gros arbres qu'à les conserver;
par suite, les taillis, qui n'étaient auparavant
qu'un produit accessoire, sont devenus le re-
venu principal. Quant aux baliveaux, on en a
laissé le moins possible. <
Cette manière de procéder, si peu conforme
aux bons principes économiques, n'a pas tardé
k produire des effets désastreux. Les beaux
arbres sont devenus de plus en plus rares, j.
principalement autour des grands centres in-
dustriels ; les forêts se sont rapidement dé-
peuplées, et l'on a pu prévoir l'époque où le
hois deviendrait aussi rare en France qu'il y
était commun autrefois. Heureusement, on
a enfin ouvert les yeux et la source du mal
en a indiqué le remède. Aujourd'hui, le ba-
livage sagement entendu est pratiqué dans un
grand nombre de départements concurrem-
ment avec d'autres méthodes qui, probable-
ment, ne le feront pas disparaître. I
balivÉ, ÉE (ba-li-vé) part. pass. du v.
Baliver. i
BALIVEAU s. m. (ba-li-vô — étym. très- j
contestée; suivant Roquefort, du lat. palus
ou vallus, pieu; suivant M. Littré, du lat,
bajulus, support, soutien; suivant Lunier; j
corruption de bois vieux, que l'on a prononce
pendant longtemps bois viaux, dont on a fait
baliveaux). Eaux et for. Arbre que l'on a
réservé dans une coupe, pour le laisser croître
en futaie : Les baliveaux font plus de perte
au propriétaire qu'ils ne donnent de bénéfice.
(Buff.) On coupa et enleva quatre gros chattes,
baliveaux de quatrc-vinyts ans. (P.-L. Cou-
rier.) Le baliveau est rangé après le taillis.
(E. Chapus.) Il Chêne âgé de moins de qua-
rante ans.
— Baliveaux de brin ou surbrin, ceux qui
proviennent de semence ou d'une racine tra-
çant entre deux terres, n Baliveaux de souche,
ceux qui proviennent dès rejets de la souche
d'un arbre après qu'il a été coupé et qui
croissent plusieurs ensemble. Il Baliveaux de
l'âge, ceux qui ont le même âge que le taillis
lui-même. .
— Loc. fam. Vous avez laissé des baliveaux.
Se dit à un "homme frais rasé, lorsqu'on aper-
çoit sur sa figure plusieurs poils séparés qui
n'ont pas été coupes.
— Constr. Grande perche servant à établir
un échafaudage.
— Hortic. Jeune arbre non taillé, qui file
droit avec toutes ses branches.
— Encycl. Un point important , c'est le
nombre des baliveaux à conserver dans un
hectare. On distingue, sous ce rapport, les
bois de l'Etat, ceux des communes et des éta-
blissements publics, et les bois des particu-
liers. L'ordonnance de 1669 exigeait que, dans
tous les bois, même oans ceux des particuliers,
il fût réservé, à chaque coupe, au moins seize
baliveaux par arpent de taillis, soit trente-deux
par hectare, et dix par arpent de futaie, soit
vingt par hectare. Les baliveaux sur taillis
ne pouvaient être coupés avant l'âge de qua-
rante ans, et ceux de futaie avant l'âge de cent
vingt ans, sous peine d'une amende, d'abord
arbitraire, fixée ensuite à 300 francs. Cette
obligation n'a pas été maintenue pour les bois
des particuliers par la loi du 29 septembre 1791; ,
rétablie par l'ordonnance du roi du 28 août
1816, elle a été définitivement supprimée par
une autre ordonnance du 29 septembre 1819.
Quant aux bois soumis au régime forestier,
l'ordonnance de 1669 est encore en vigueur,
seulement le nombre des baliveaux a été aug-
menté par diverses ordonnances subséquentes :
aujourd'hui, on réserve, par hectare, au moins
cinquante baliveaux de l'âge de la coupe ,
dans les bois de l'Etat, et quarante ou cin-
quante, dans ceux des communes et des éta-
blissements publics. S'il s'agit de la coupe des
quarts de réserve, le nombre des baliveaux
ne peut être inférieur à soixante. Enfin les
baliveaux anciens ou modernes ne peuvent
être abattus a moins qu'ils ne dépérissent, ou
ne se trouvent dans des conditions telles qu'ils
ne puissent prospérer. Quoique rien n'oblige
les particuliers à conserver un certain nombre
de baliveaux, la plupart suivent l'aménage-
ment pratiqué pour les bois soumis au régime
forestier. En supposant, dit M. Noirot, que la
révolution de l'aménagement soit réglée à la
période de vingt-cinq ans, les cinquante bali-
veaux conservés par hectare auront cinquante
ans lors de la seconde coupe. A cette époque,
on fera abattre ceux qui seront faibles, dif-
formes ou trop rapprochés les uns des autres,
et l'on en réservera seulement environ dix-
huit par hectare. A la troisième coupe, ces
baliveaux seront âgés de soixante-cinq ans :
on en réservera environ huit par hectare ;
à l'époque de la quatrième coupe, ces ba-
liveaux auront cent ans : on en réservera
environ trois par hectare. Aux époques des
coupes suivantes, on réservera un arbre ou
deux par hectare, de cent vingt-cinq, de cent
cinquante ans. Telle est la proportion obser-
vée ordinairement dans des forêts bien amé-
nagées du nord-est de la France. D'ailleurs,
il faut remarquer qu'on ne peut rien préciser
relativement au nombre des baliveaux à con-
server par hectare, ce nombre dépendant à
la fois de la nature du sol, de l'exposition,
du climat, de l'espèce des arbres, etc.
Choix des baliveaux. Le choix des bali-
veaux, à l'époque où l'on effectue la coupe,
c'est-a-dire des baliveaux de l'âge, est très-
important, car il influe sur celui des baliveaux
anciens et modernes. Un bon baliveau doit
être de la hauteur du taillis, et avoir le tronc
droit et élevé, les branches en nombre suffi-
sant et ramassées vers la tige. Les baliveaux
de brin sont préférables aux baliveaux de
souche. A l'époque d'une coupe, si les bali-
veaux modernes sont en mauvais état, il faut
abattre les plus mal venus et les remplacer
par des baliveaux de l'âge, dont on augmente
lç nombre. Quant aux essences, elles doivent
varier selon les terrains. Négliger cette loi,
c'est s'exposer à voir les taillis les plus vigou-
reux dépérir en peu de temps. Quoique, toutes
choses égales d'ailleurs, le chêne soit préfé-
rable au hêtre, au tremble, au bouleau, il
vaut mieux avoir un bon taillis de bouleaux
qu'un mauvais taillis de chênes. Si le taillis
contient des essences différentes, on fera bien
de ne pas borner les réserves à une seule
espèce.
BALIVER v. a. ou tr. (ba-li-vé, rad. 4a-
liveau). En parlant d'un bois mis en coupe,
réserver des baliveaux : Baliver un taillis.
baliverne s. f. (ba-li-vèr-ne — étym.
très-contestée : Ménage, qui paraît être sur ses
terres quand il chasse aux origines dans le
domaine de la fantaisie, s'est fait ce raison-
nement : Dire des balivernes , c'est parler
comme un crocheteur — en lat. bajulus —
d'où il conclut naturellement que baliverne
vient de bajulivarinus, qui vient de bajuli-
varius, qui vient de bajulivus, qui vient de
bajulus. M. Littré a trouvé' dans le bas
latin balinvernia, mot qui désigne une sorte
de voile à navire; mais M. Littré, qui a
beaucoup moins d'imagination que Ménage,
s'en tient à cette souche et no dresse pas
d'arbre généalogique. Dochez montre plus
de résolution ; Baliverne, dit-il, vient de
baver; sans doute, et c'est ce qu'il oublie
d'ajouter, par addition de li et de ne. Enfin,
Le Duchat , et son opinion ne parait pas
la moins excentrique , veut que baliverne
vienne de bulla verna, petite bulle qui s'élève
sur l'eau pendant les rosées du printemps.)
Action , objet ou propos puérils, futiles, fri-
voles : Je n'entends rien à toutes ces bali-
vernes. (Mol.) Il est assez indifférent que des
enfants s'amusent plutôt de cette baliverne
que de telle autre. (Grimm.) Il n'y a sorte de
balivernes que la vanité n'imagine pour atté-
nuer les qualités du prochain. (De Ség.) Mais
finissons, mon cher lecteur, oublions le passé ;
ne parlons que de balivernes (ML11C du Deff.)
Pendant qu'il s'occupe de balivernes , son
commerce va de travers. (Etienne.)
Le beau vous touche, et ne seriez d'humeur
A vous saisir pour une baliverne.
Racine.
Il Défaite, mauvaise excuse : Vous moquez-
vous du monde ? ce sont des balivernes que
vous me contez là.
baliverner v. n.- ou intr. (ba-li-vèr-né
— rad. baliverne). S'amuser à des baliver-
nes; dire dos balivernes : Cessez donc de bali-
verner et occupez-vous sérieusement.
— Activ. Ennuyer par des balivernes :
Mais vous-même, ma mie, ètes-vous ivre ou folle,
De me baliverner avec vos contes bleus,
Et me faire enrager depuis une heure ou deux?
Reonard.
BALIVERNIER s. m. (ba-li-vèr-nié — rad.
baliverne). Individu qui dit beaucoup de ba-
livernes : Tai l'habitude de lire tous les bali-
verniërs pour me préparer à dormir. (Ch.
Nod.)
BALIVBT (Claude-François) , conventionnel,'
né à Gray (Haute-Saône), en 1754, mort en
1S13. Il était avocat au bailliage de sa ville
natale avant la Révolution. Dans la Conven-
tion, il siégea parmi les muets de la Plaine,
mais motiva cependant son vote dans le pro-
cès du roi : « Bien persuadé, dit-il, que nous
ne devons prononcer qu'une mesure de sûreté
générale, je demande sa détention provisoire
etson bannissement à la paix. » Il siégea en-
suite obscurément au conseil des Anciens, fut
nommé par le Directoire commissaire près de
l'administration de son département, et se
retira des emplois publics sous le consulat.
D.VUZE , colonie anglaise de l'Amérique
centrale, au N.-E. de l'Etat de Guatemala,
sur le golfe do Honduras, ayant pour ch.-l. la
ville de Balize, qui est située à l'embouchure
de la rivière du même nom, par 17° 52' lat. N.
et 90° 55' long. O. Les limites de cette colonie
à l'intérieur, où elle confine à l'est avec la
république de Guatemala, et au sud-est avec
l'Etat de Honduras, sont assez vagues. Son
importance commerciale date de l'époque où
l'on a commencé en Europe à apprécier l'aca-
jou comme bois d'ébénisterie. Le pays offre
d'ailleurs toutes les productions ordinaires
des tronques, et il pourra trouver de grandes
ressources dans les cultures, quand les co-
lons ne borneront plus leur activité à la coupe
seule des bois. Le sol fertile donne deux ré-
coltes par an et produit le maïs, le coton v le
cacao et d'excellents fruits.
Un traité, signé à Versailles en 178S, accorda
aux Anglais le droit de couper du bois d'aca-
jou et de campêche dans le pays qu'arrose la
rivière de Balize; les Anglais choisirent cette
localité beaucoup moins a cause des profits
qu'ils pouvaient retirer directement de cette
contrée qu'en vue des avantages politiques
et commerciaux qu'elle leur offrirait à l'occa-
sion. La rivière de Balize, qui prend sa source
dans le Guatemala et se jette dans le golfe de
Honduras, est navigable pour des barques
jusqu'à une assez grande distance de son em-
bouchure, et peut ainsi communiquer avec
l'intérieur du Mexique par le Guatemala. Le
ch.-lieu de cette colonie, peuplé d'environ
15,000 hab., parmi lesquels les nègres et les
mulâtres sont en majorité , est formé de mai-
sons en t>ois et défendu par une enceinte
fortifiée; il tire un grand profit de sa situa-
no
BAL
EAL
BAL
BAL
l
tion, qui lui a permis de "devenir l'entrepôt
d'une grande partie du Mexique et du Guate-
mala. La coupe de bois n'est plus son unique
industrie; depuis plusieurs années, il fait
un commerce actif aveu le Yucatan, la côte
de Mosquitos, et l'intérieur des républiques
voisines, qu'il inonde de produits anglais en
contrebande. Les importations sont, année
commune, de 422,000 liv. st. (10,550,000 fr.).
Les exportations s'élèvent à 494,700 liv. st.
(12,367,500 fr.), non compris l'or et l'argent,
lui, dit-on, donnent annuellement le chitfre
e 3,000,000 de gourdes (15,900,000 fr.). Le
commerce avec la mfere-patrie et avec les
Etats-Unis peut être estimé, pour les impor-
tations annuelles, à lo millions de francs, et à
pareille somme pour les exportations. L'ad-
ministration de ta colonie est dirigée par un
surintendant, et la justice y est rendue par
sept magistrats électifs.
BALK (Daniel-George), médecin, publiciste
et littérateur, né à Kœnigsberg en 1764, était
professeur de médecine à l'université de Dor-
pat. Ses écrits les plus connus sont : Ce qu'é-
tait la Courlande, et ce qu'elle peut devenir
sous le sceptre de Catherine; la Grandeur hu-
maine, poème didactique.
BALKANS (monts) , Hœmus des anciens,
Emineh-Dagh des Turcs. Chaîne de montagnes
de l'Europe méridionale , qui s'étend dans la
Turquie et dans la Grèce, sur un développe-
ment d'environ 800 kil., et forme., pour ainsi
dire, un prolongement des Alpes, commençant
dans la vallée de la Narenta, en Dalmatie, et
se terminant au cap Emineh sur la mer Noire.
Elle sépare les anciennes provinces turques
de Bosnie, Servie et Bulgarie au N. de celles
d'Herzégovine, Albanie et Roumélie au S.
L'Eri-Sou (3,000 m.) en est le point culmi-
nant. De nombreux contre-forts se détachent
des Balkans; le plus considérable est celui
qui court vers le sud et couvre de ses ramifi-
cations le sol de l'ancienne Grèce où elles
forment le Pitide, VOlympe et le Parnasse.
Bien que la chaîne centrale des Balkans isole
complètement les pays qu'elle domine, une
seule grande route la traverse , c'est celle de
Soulou-Derbend, ou Porte trajane, qui con-
duit de Constantinople à Vienne par Sophia
et Belgrade-, il existe encore quelques pas-
sages moins praticables, ce sont : le Deinir-
Kapou, ou Porte de fer, dans le voisinage de
Sehmnia, ou Islimnié; ceux de Choumla a
Andrinople.de Kostendil à Philipçoli, de Scu-
tari à Novibazar. Les passages qui traversent
la ch'aîne hellénique sont moins importants,
mais il y en a deux que nous devons citer à
cause des beaux souvenirs qu'ils rappellent :
celui de Tempe, à Ventrée de la belle vallée
de ce nom, et celui des Thermopyles, sur les
pentes escarpées de l'Œta. L ossature des
Balkans est granitique; les régions supé-
rieures présentent un grand nombre de cimes
coniques de granit nu et d'enfoncements
profonds et étroits ; elles sont presque tou-
jours couvertes de neige et n'offrent d'autre
végétation que des mousses et quelques
plantes alpines. Les régions moyennes sont
couvertes de forêts très-épaisses, particuliè-
rement sur le versant septentrional, en Servie
et en Bulgarie ; du côté du sud , la culture
occupe une plus grande étendue, a cause de la
douceur du climat.
BALKU, ancienne Bactres, ville de l'Asie
centrale, dans le Tiirkestan, cap. de la pro-
vince du même nom , dépendant du khanat
Je Boiikhsu-a et au S.-E. de cette ville, sur
la rivière d'Anlisiah. Cette ville, ceinte d'une
muraille moderne, est entourée des ruines de
l'ancienne et renferme une population de
7,500 hab. — Grand commerce de soieries, il
Province du Turkestan, ou Tartarie indépen-
dante, sur les frontières et au N. de l'Afgha-
nistan, au sud de la grande Boukharie ; elle a
pour cap. la ville du même nom. Son terri-
toire, arrosé par le fleuve Amou, occupe une
partie de l'ancienne Bactriane ; il fut soumis,
au xviic siècle, par les Grands-Mogols, au
xvin' par les Afghans, et a été conquis, en
1825, par le khan de Boukharie, qui le possède
actuellement. Pop. 300,000 hab.
BALKIS. Nom que les Arabes donnent à la
reine de Saba, qui, dans le livre des Rois,
vient rendre visite à Salomon. Cette reine, de
la race de Iaraf , lils de Khatan, régnait dans
la ville de Mareb, capitale de la province de
Saba. La' brillante imagination des Arabes
s'est avidement emparée de cet épisode, et y
a brodé de fantastiques variations, qui nous
ont été conservées par des traditions, des
contes, etc.
BALL ou BALÉE (Jean), prêtre anglais du
xive siècle, disciple de Wiclef, se créa une
immense popularité en prêchant que l'inéga-
lité des rangs et des fortunes était contraire
aux maximes de l'Evangile. Arrêté et mis en
prison, il fut bientôt délivré par ses partisans,
et se joignit aux cent mille serfs révoltés qui
prirent Londres en 1381, massacrèrent l'ar-
chevêque de Cantorbéry et firent trembler le
roi Richard et toute la noblesse. Le chef de
cette jacquerie anglaise était Watt Tyler;
Jean Bail en était l orateur et le poète. C'est
lui qui avait composé la ballade qui fut le
chant de guerre de ce soulèvement contre le
despotisme féodal : « Quand Adam labourait
et qu'Eve filait, qui donc était gentilhomme?»
Arrêté à Coventry, Bail fut envoyé au sup-
plice (1381).
balla s. f. (bal-la). Sorte de jarre dont
on se sert en Egypte.
BALLA (Joseph-François), conventionnel,
né à Vallerangue (Gard) en 1737, mort en
1806. Il était juge royal avant 89. Dans le
procès du roi, il vota avec le parti modéré
pour la détention et le bannissement à la
paix. Sous le consulat il tut nommé président
du tribunal civil du Vigan.
BALLABESE (Grégoire), compositeur ita-
lien, né à Rome en 1730, mort en 1800. Il a
écrit beaucoup de musique d'église ; son ou-
vrage le plus célèbre est une messe composée
seulement du Kyrie et du Gloria, mais écrite
à quarante-huit parties réelles divisées en
douze chœurs. Le Christe est a seize parties.
Cette composition, chef-d'œuvre de patience,
ne fut exécutée qu'une fois par cent cin-
quante chanteurs, à la cour de Portugal, et
produisit peu d'effet, sans doute à cause de
l'extrême complication d'un si grand nombre
de parties, et sans doute aussi parce que les
exécutants n'étaient pas assez nombreux.
BALLADE s. f. (ba-la-de — rad. ballet ,
danse). Chanson, à danser : Chanter une bal-
lade. Les mélodies des ballades écossaises et
irlandaises sont d'un caractère mélancolique;
il y en a de charmantes, Il Danse exécutée sur
l'air de cette chanson : La demoiselle du châ-
teau dansait une ballade avec le fiancé, (Cha-
toaubr.)
— Par ext. Dans certaines contrées, bal
public : Une jeune fille qui parait à la bal-
lade sans un garçon est méprisée de ses com-
pagnes. (A. Hugo.')
— Litt. Sorte d'ode diviséo en stances
égales, plus un dernier couplet plus court
appelé envoi, et dans laquelle le dernier vers
ou deux des vers de la première stance sont
répétés à la fin de toutes les autres : Les
BALLADES de MotOt.
La ballade, h mon goût, est une chose fade.
Ce n'en est plus la mode ; elle sent son vieux temps.
Molière.
La ballade, asservie à ses vieilles maximes,
Souvent doit tout son lustre au caprice desrimeî.
BûlLBAU.
Du «oit se fit sonnet, du chant se fit chansons.
Et du bal la ballade en diverses façons.
Lafrénaie-Vauqueli».
Il Ballade redoublée, ballade dans laquelle
chaque stance a un ou deux vers répétés
en guise de refrain. 11 n'est pas indispen-
sable que le vers ou les vers répétés dans
chaque strophe soient identiquement les
mêmes.
— Aujourd'hui, ode d'un genre familier et
le plus souvent légendaire et fantastique :
Les ballades de Scliiller, de Goethe, de Bur-
ger, de Uldand, etc. Les ballades suédoises,
allemandes , écossaises , etc. Il n'est pas de
ballade plus populaire que celle de Lénore.
(Th. Gautier.)
— Prov. C'est le refrain de la ballade,
C'est ce qu'on ne cesse de répéter.
Mais, monsieur, me donnez-vous cela?
C'est toujours le refrain ou'tVs ont à leur ballade.
RÉOSIER.
— Encycl. Dans sa forme la plus régulière,
la ballade est un petit poème composé de trois
strophes et d'un envoi, avec un refrain. Les
trois strophes, symétriquement égales, soit
pour le nombre des vers, soit pour l'enlace-
ment des rimes, forment des stances de huit,
dix ou douze vers, disposés en deux parties.
L'une de ces parties, ordinairement la seconde,
est le type que les formes de VenvDi doivent
reproduire. Tous les couplets sont sur les
mêmes rimes ; tous les vers doivent avoir la
même mesure, le plus souvent huit ou dix
syllabes ; ces vers peuvent être au nombre de
huit, dix ou douze dans chaque strophe; mais
le poste avait sur ce point une certaine lati-
tude, ainsi que pour ce qui regarde l'envoi.
Ce petit poSine ne manque pas de grâce dans
sa forme régulière, et quand le refrain est
heureusement amené à la fin des stances, et
quelquefois aussi au milieu, il leur donne un
tour trës-piquant. Nous ne pouvons mieux le
faire connaître que par l'exemple suivant de
Marot :
FRBRB LUBIN.
Pour courre en poste par la ville,
■Vingt fois, cent l'ois, ne sais combien ;
Pour faire quelque chose vile,
Frère Lubin le fera bien ;
Mais d'avoir honnête entretien.
Ou mener vie salutaire,
C'est affaire a un bon chrétien:
Frère Lubin ne le peut faire.
Pour mettre, comme un homme habile,
Le bien d'autrui avec le sien.
Et vous laisser sans croix ni pile,
Frère Lubin le fera bien;
On a beau dire : je le tien.
Et le presser de satisfaire.
Jamais ne vous en rendra rien ;
Frère LubiD ne le peut faire.
Pour amuser par un doux style
Quelque fille de bon maintien,
Point ne faut de vieille subtile,
Frère Lubin le fera bien.
11 proche en théologien ;
Mais pour boire de belle eau claire,
Faites-la boire 4 votre chien.
Frère Lubin ne le peut faire.
Envoi.
Pour faire plutôt mal que bien,
Frère Lubin le fera bien ;
Mais «i c'est quelque Bien à faire,
Frère Lubin ne le peut faire.
Cette disposition , presque aussi rigoureuse
que celle du sonnet, appartient particulière-
ment à la ballade française. C'était primitive-
mentun chantdestiné à accompagner la danse.
Son nom l'indique assez, puisqu'il dérive du
français bal, de l'italien ballo, de l'espagnol
bayle et de ballar, vieux mot castillan, qui
tous expriment l'idée de la danse. Lafrénaie-
Vauquelin, dans son Art poétique, explique de
la même manière l'origine de ce mot :
Des troubadours
Fut la rime trouvée en chantant leurs amours;
Et quand leurs vers rimes ils mirent en estime.
Us sonnaient, ils chantaient, ils Dallaient sous teui
[rime.
Du ion se flt sonnet, du chant se fit chantons.
Et du bal la ballade en diverses façons.
Ces trouvères allaient par toutes les pi-ovinces
Sonner, chanter, danser leurs rimes chez les princes.
Ce genre de poésie a dû naître en Provence,
peut-être y remonte-t-il jusqu'à l'époque des
Visigoths et des Arabes. Il semble, en effet,
qu'une forme à la fois si gracieuse et si pré-
cise, un tel sentiment du rhythme et de l'har-
monie, soit un double reflet du génie arabe et
de l'instinct poétique des troubadours.
Les poètes provençaux sont les premiers a
nous en offrir des exemples, dont quelques-uns
sont très-remarquables. Ce n'est point un vain
assemblage de strophes réunies sans art, c'est
un ensemble, souvent parfait, dont les stances
vives et légères bondissent avec une mer-
veilleuse harmonie, reliées les unes aux autres
par la mesure uniforme du vers, la répétition
de la rime et le retour du même refrain.
La ballade semble appartenir aux langues
les plus colorées, les plus souples, les plus
riches en mots pittoresques et sonores, qui
charment l'oreille la mieux exercée, par le
double attrait des sons mélodieux et de la dif-
ficulté vaincue. Chez tous les peuples méri-
dionaux, la ballade porte les mêmes traits
cnractéristiques, d'où l'on peut conclure que
la ballata des Italiens, la balala des Castillans
et la balada des Provençaux ont la même
origine.
Après avoir pénétré dans le nord de la
France, ce poème se transforma. Toujours
gracieux et symétrique, il prit un caractère
plus sérieux, tenant le milieu entre la gravité
un peu rigide du chant royal et la naïveté
moins soutenue du rondeau. Il se prête à tous
les sujets, se faisant ici l'écho de la douleur ;
là , servant de voile aux légères amours ou
égayant d'une joyeuse boutade un trait sati-
rique. Nous pe saurions mieux définir cette
transformation qu'en empruntant les quelques
lignes que lui a consacrées Pasquier dans ses
Recherches sur la France : « Le chant royal
se faisait en l'honneur de Dieu ou de la Vierge,
sa mère, ou sur quelque autre grand argu-
ment Au chant royal, le fatiste (poète) était
obligé de faire cinq onzains en vers de dix
syllabes que nous appelons héroïques, et sur
le modèle de ces premiers, fallait que tous les
autres tombassent en la même ordonnance
qu'était la rime du premier, et fussent pareille-
ment accolés, mot pour mot, du dernier vers
qu'ils appelaient le refrain, et enfin fermaient
leur chant royal par cinq vers qu'ils nom-
maient renvoi, gardant la même règle qu'aux
autres Quant à la ballade, c'était un chant
royal raccourci, au petit pied, auquel toutes les
règles s'observaient et en la suite continuelle
de la rime et en la clôture du vers et au ren-
voi ; mais il se passait par trois ou quatre
dizains ou huitains, et encore en vers de sept,
huit, dix syllabes, a la discrétion du fatiste et
en tel argument qu'il voulait choisir. »
Selon Pasquier, la ballade commença d'être
en usage sous Charles V. Froissart, en effet,
fut l'un des premiers à la mettre en vogue.
Alain Chartier, Charles d'Orléans, Villon,
Christine de Pisan, et surtout Clément Marot,
en ont laissé des modèles. Elle tomba sous le
règne de Henri II, mais pour se relever en-
core avec un certain éclat jusqu'à celui de
Louis XIV. Au xvnc siècle, La Fontaine et
Mme Deshoulières la cultivèrent avec des suc-
cès divers; celle-ci la gâta par ses fadeurs
accoutumées; l'inimitable fabuliste retrouva
la naïveté de Villon et la fine et spirituelle
satire de Marot. Après eux, on ne peut citer
aucun nom, et la ballade demeura dans l'ou-
bli. Boileau, dans son Art poétique, ne lui
consacra que ces deux vers dédaigneux :
La ballade, asservie a ses vieilles maximes,
Souvent doit tout son lustre au caprice des rimes.
Et Molière, dans les Femmes savantes, fait
dire à Trissotin :
La ballade, à. mon sens, est une chose fade;
Elle sent son vieux temps.
Tout en trouvant cet arrêt un peu sévère,
on peut s'étonner de ce long succès d'un genre
si étranger au génie de nos poètes modernes.
On l'expliquera toutefois assez facilement, si
l'on se rappelle que, dans un temps où l'on
sortait à peine de la barbarie du moyen âge,
les poètes ne pouvaient guère chercher le
succès dans l'abondance ni dans la grandeur
des idées, et qu'ils devaient le chercher uni-
?ueœent dans la difficulté vaincue et dans la
orme plus ou moins piquante donnée à l'ex-
pression.
Dans la ballata italienne, l'envoi se met au
commencement et, pour cette raison, s'appelle
entrata. h'entrata est ordinairement de quatre
vers, quand ceux de la strophe sont en nombre
Ïiair; de trois, s'ils sont en nombre impair,
'lusieurs poètes italiens divisent encore la
ballade en quatre parties, qu'ils nomment
ainsi : la première , epodo ; la deuxième et la
troisième, mutazioni; la dernière, voila. Gé-
néralement, c'est une espèce d'ode destinée à
traiter des sujets délicats ou gracieux.
Les ballades de Pétrarque sont presque
toutes des morceaux d'une harmonie et d'une
délicatesse incomparables. Les' poésies du
même genre éparses dans les œuvres de Dante,
particulièrement dans sa Vite nuova, quoique
obscurcies trop souvent par des allusions dont
on a peine à trouver le sens, peuvent rivaliser
avec celles du chantre de Laure. On ne peut
leur comparer en aucune façon celles que nous
a laissées Boccace.
La balata castillane se compose de trois
couplets avec un refrain sur les méines rimes.
Il y en a aussi avec des rimes et des vers
libres, mais il faut au moins que les strophes
aient toujours la même coupe.
Nous avons déjà cité une ballade de Marot,
parfaitement régulière. En voici quelques
autres qu'on lira certainement avec plaisir:
car, si notre gravité moderne dédaigne ces
entraves que nos vieux poètes se créaient tout
exprès pour avoir le plaisir d'en triompher,
nous aimons encore & jeter quelquefois un
regard curieux sur ces tours de force dans
lesquels excellaient nos ancêtres , surtout
quand nous y rencontrons le sentiment et la
grâce unis à l'habileté du versilicalcur;
SUE LA DUCHESSI". MARGUERITE d'aLEUÇON.
Amour me veoyant sans tristesse.
Et de le savoir dégousté.
M'a dict que feisse une maistresse.
Et qu'il seroit de mon costé.
Après l'avoir bien escousté,
J'en ay faict unii û. ma playsance.
Et ne me suis poinct mescompté :
C'est bien la plus belle de Fronce.
Elle a un ce.il riant, qui blesse
Mon cuer tout plein de loyaulté,
Et parmy sa h.iulte noblesse
Mesle une doulce pryvauté.
Grand mal seroit si cruaulté
Fesoit en elle demourance :
.Car quant à parler de beaulte",
C'est bien la plus belle de France.
De fuir l'amour qui m'oppresse
Je n'ay pouvoir ne voulunté;
Arresté suis en cette presse.
Comme l'arbre en terre planté.
S'esbahit-on si j'ay planté
De peine, tourment et souffrance?
Pour moins on est bien tourmenté ■.
C'est bien la plus belle de France.
Prince d'amour, par ta bonté
Si d'elle j'avois jouyssance,
Uncq homme ne fût mieulx monté :
C'est bien la plus belle de France.
Cl. M.miot.
Que vous semble de mon appel,
Gardier, fls-je sens ou folie?
Toute besto garde sa pel ;
Qui la contraint, efforce ou lye,
S'elle peut, -elle se deslie.
Quant donc par plaisir volontaire
Chanté me fut cette homélie.
Estoit-il lors temps de me taire i
Si fusse des hoirs Huc-Capel,
Qui fut extraict de boucherie,
On ne m'eust parmy ce drapel
Fait boire à cette écorcherie.
Vous entendei bien jonctierie ;
Mais quant ceste peine arbitraire
On m'adjugea par tricherie,
Estoit-il lors temps de me taire ?
Cuidez-vous que sous mon cappel
N'y eust tant de philosophie,
Comme de dire : J'en appel?
Si avoit, je vous certifie.
Combien que point trop ne m'y (le
Quant on me dit : Présent notaire.
Pendu serez, je vous affle,
Estoit-il lors temps de me taire?
Prince, si j'eusse eu la pépie,
Pieça je fusse où est Clotaire,
Aux champs, debout comme un espie .
Estoit-il lors temps de me taire ?
Villon.
En la forest d'ennuyeuse mémoire
Un jour m 'advint qu'il part moi cheminoyu;
Si rencontrai l'amoureuse déesse
Qui m'appela, demandant où j'alloye.
Je répondis que par fortune étoye
Mis en exil en ce bois, longtemps a.
Et qu'à bon droit appeler me pourvoye
L'homme esgaré qui ne sçait où il va.
En souriant, par sa très-grande humhlessu,
Me respondit : Ami, si le savoye
Pourquoi tu es mis en cette détresse,
De mon pouvoir volontiers t'aideroye;
Car jA piéçà .je mis ton cœur en voye
De tout plaisir; ne sais qui l'en osta.
Or, me déplaist qu'à présent je te voye
L'homme esgaré qui ne sçait où il va.
Hélas! dis-je, souveraine princesse,
Mon fait sçavez ; pourquoi vous le diroye?
C'est par la mort, qui fait à. tous rudesse,
Qui m'a tollu celle que tant amoye.
Et qui étoit tout l'espoir que j'avoye,
Qui ma guidoit, si bien m'accompagna
En son vivant, que point ne me trouvoye
L'homme esgaré qui ne sçait où il va.
Aveugle suis; ne sais où aller doye;
De mon baston, afin que ne fourvoyé,
Je vais tastant mon chemin ça et la;
C'est grand pitié qu'il convient que je soye
L'homme esgaré qui ne sçait où il va.
Charles d'Orléans.
DE LA MISÈRE DES GOUTTKUX.
Le goutteux qui sa goutte Bent
Fait pauvre chère et laide mine;
De tels j'en ai vu plus de cent
(Beaucoup voit qui beaucoup chemine],
BAL
Mais d'en voir un que ce mal mine.
Qui, sans paraître marmiteux,
Comme toi sa goutte mâtine.
On ne voit onc un tel goutteux.
Autour de l'un toujours on sent
Vieux oing, emplâtre ou médecine ;
L'autre d'un lamentable accent
Déleste Bacchus et Cyprine.
Pour trop bien ruer en cuisine,
Le tiers de sa goutte est honteux.
Toi seul ris de celle mutine :
On ne voit onc un tel goutteux.
Pour moi, qui de fois plus de cent
Ai passé par cette examine,
Que me sert-il d'être innocent,
Et p)u3 net que n'est une hermine'
Puisqu'au pied je porte une épine
Qui me rend tout lieu raboteux,
Et que l'on dit quand je chemine :
C'est pauvre cfuise qu'un goutteux.
Prince, il n'est herbe ni racine
Qui m'empêche d'être boiteux,
Et sans ta rime sarrasine.
C'est pauvre chose qu'un goutteux.
Sarrazin.
a une amie.
Votre bonne foi m'épouvante:
Vous croyez trop légèrement.
Si Von aimoit fidèlement,
Serois-je encore indifférente?
Etre la dupe des douceurs
D'une troupe vaine et galante
Est le destin des jeunes cœurs.
De cette conduite imprudente
Il n'est cœur qui ne se repente :
Tous les hommes sont des trompeurs.
Jeune, belle, douce, brillante,
Le cœur tendre, l'esprit charmant,
Des malheurs de l'engagement
Ne prétendez pas être exempte.
Affectons-nous quelques rigueurs :
On se rebute dans l'attente
Des plus précieuses faveurs.
La tendresse est-elle contente?
On entend dire à chaque amante :
Tous les hommes sont des trompeurs.
Vous croyez que la crainte invente
Les dangers qu'on court eu aimant?
S'il plaît à l'Amour, quelque amant
Un jour vous rendra plus savante-
Vers les dangereuses langueurs
Vous avez une douce pente;
Vous soupirez pour des malheurs
Dont vous paraisses ignorante.
Vous mériteriez qu'on vous chante :
Tous les hommes sont des trompeurs.
Si pour vous épargner des pleurs,
Ma raison n'est pas suffisante,
Regardez ce que représente
Le serpent caché sous les fleurs.
Il nous dit : Tremblez, Amaranthe;
Tous les hommes sont des trompeurs.
Mme Deshouuères.
A M. CHARPENTIER,
Fameux auteur, de tous auteurs le coq,
Toi dont l'esprit agréable et fertile
Des latincurs a soutenu le choc
Par un écrit dont sublime est le style;
Plus éloquent que le fut feu Virgile,
Tu leur fais voir qu'on doit les mettre au croc :
Quand tu combats, la victoire t'est hoc.
Dans leurs discours et ab hae et ab hoc.
Us ont crié qu'à Paris la grand'ville,
Où l'étranger est en proie à l'escroc,
Inscription françoise est inutile;
Latinité moins seroit difficile.
Disent-ils tous, pour la gent vin de broc.
On proche en vain un si faux Evangile :
Quand tu combats, la victoire t'est hoc.
Du grand Louis, qui, de taille et d'estoc,
De l'univers fera son domicile,
Et dont le cœur s'ébranle moins qu'un roc,
Pourquoi les faits, par une erreur servile.
Mettre en latin? Non, non, tourbe indocile,
D'inscription nous allons faire troc;
Par toi, Damon, pédants vont faire Gille :
Quand tu combats, la victoire t'est hoc.
Grands savantas, nation incivile,
Dont Calepin est le seul ustensile,
Plus on ne voit ici de votre affroc.
François langage est or; le vôtre, argile;
Bon seulement pour ceux qui portent froc.
Poursuis, Damon; ils n'ont plus d'autre asile :
Quand tu combats, la victoire t'est hoc.
M"" Deshoulières.
AU ROI.
Pour être servi comme il faut,
Donner l'exemple est d'un .roi sage.
Marche-t-il, tout vole aussitôt,
Et la victoire est du voyage.
L'œil du maître est un bon adage ;
Attestons-en Sa Majesté.
Est-ce bien ou mal attesté?
La question est belle à soudre ;
Sire, dites la vérité :
Il n'est que d'être à son blé moudre.
Rien n'était trop lourd ni trop chaud
Pour l'Anglais, qui semblait, de rage,
Vouloir avaler tout l'Escaut,
Et faire ici l'anthropophage.
"Vous fûtes vous mettre au passage,
Et quand mylord eut bien trotté,
11 vous trouva là tout botté;
Alors, il en fallut découdre.
Et Dieu sçait qui fut bien frotté :
Il n'est que d'être à son blé moudre.
Aussi, Cumberland dit tout haut :
Ma foi, messieurs, plions bagage;
La grue en l'air, après tout, vaut
Mieux que le moineau dans la cage;
Peut-être on fait chez nous tapage,
Tandis qu'ici tout est gâté;
De nos souliers, tout bien compté,
Croyez-moi, secouons la poudre,
Et regagnons notre côté :
Il n'est que d'être à son blé moudre.
Prince, tout a des mieux été ;
Revenez dans votre cité :
Un peu de calme après la foudre.
En hiver, ainsi qu'en été, •
n n'est que d'être a son blé moudre.
Piron,
BAL
A MADAME FOUQUET,
Comme je vois monseigneur votre époux
Moins de loisir qu'homme qui soit en France,
Au lieu de lui, puis-je payer a vous?
Serait-ce assez d'avoir votre quittance?
Oui, je le crois; rien ne tient en balance
Sur ce point-la mon esprit soucieux.
Je voudrais bien faire un don précieux ;
Mais si mes vers ont l'honneur de vous plaire.
Sur ce papier promenez vos beaux yeux :
En puissiez-vous dans cent ans autant faire!
Je viens de Vaux, sachant bien que sur tous
Les Muses font en ce lieu résidence ;
Si leur ai dit, en ployant les genoux :
• Mes vers voudraient faire la révérence
■ A deux soleils de voire connaissance,
• Qui sont plus beaux, plus clairs, plus radieux,
• Que celui-là qui loge dans les cieux ;
■ Partant, vous faut agir dans cette affaire
• Non par acquit, mais de tout votre mieux :
» En puissiez-vous dans cent ans autant faire! •
L'une des neuf m'a dit d'un ton fort doux
(Et c'est Clio, j'en ai quelque croyance) :
• Espérez bien de ses yeux et de nous. •
J'ai cru la Muse, et, sur cette assurance,
J'ai fait des vers, tout rempli d'espérance.
Commandez donc, en termes gracieux,
Que sans tarder, d'un soin officieux,
Celui des Bis qu'avez pour secrétaire
M'en expédie un acquit glorieux :
En puissiez-vous dans cent ans autant faire'
Reine des cœurs, objet délicieux,
Que suit l'enfant qu'on adore en des lieux
Nommés Pnphos, Amathonte et Cythère;
Vous qui charmez les hommes et les dieux,
En puissiez-vous dans cent ans autant faire!
La Fontaine.
Pour comprendre cette ballade de notre fa-
buliste, il faut savoir qu'il était pensionné par
le surintendant Fouquet, mais que celui-ci lui
avait imposé l'obligation de lui composer une
pièce de vers pour chaque terme qui lui était
payé.
Les deux ballades suivantes, de Charles
d'Orléans, ne sont pas tout à fait régulières ;
cependant on y trouve encore observées la
plupart des prescriptions qui rendaient ce
genre de poésie si difficile.
Rafraîchissez le chastel de mon cœur
D'aucuns vivres de joyeuse plaisance :
Car faux Daugier, avec son alliance,
L'a assiégé en la tour de Douleur.
Si ne voulez le siège sans longueur,
Tantôt lever ou rompre par puissance,
Rafraîchissez le chastel de mon cœur
D'aucuns vivres de joyeuse plaisance.
Ne souffrez pas que Daugier soit seigneur.
En conquêlant sous son obéissance
Ce que tenez en votre gouvernance ;
Avancez-vous, et gardez votre honneur,
Rafraîchissez le chastel de son cœur.
Prenez tdt ce baiser, mon cœur,
Que ma maltresse vous présente,
La belle, bonne, jeune et g^nte,
Par sa très-grant grâce et douceur.
Bon guet ferai, sur mon honneur,
Afin que Daugier rien n'en sente.
Prenez tôt ce baiser, mon cœur,
Que ma maîtresse vous présente.
Daugier, toute nuit en labeur,
A fait guet, or gtt en sa tente.
Accomplissez bnef votre entente
Tandis qu'il dort, c'est le meilleur.
Prenez tôt ce baiser, mon cœur.
Fuyez le trait de doux regard,
Cœur qui ne savez .vous défendre;
Vu. qu'êtes désarmé et tendre,
Nul ne vous doit tenir couard.
Vous serez pris ou tôt ou tard :
' L'amour le veut bien entreprendre ;
Fuyez le trait de doux regard.
Cœur qui ne savez vous défendre.
Retirez-vous sous l'étendard
De Nonchaloir, sans plus attendre;
Si Plaisance vous laissiez rendre,
Vous êtes mort. Dieu vous en gard :
Fuyez le trait de doux regard.
Comment se peut un povre cœur défendre,
Quand deux beaux yeux le viennent assaillir?
Le cœur est seul, désarmé, nu et tendre,
Et les yeux sont bien armés de plaisir.
PRIERE POUR LA PAIX.
Priez pour paix, doulce Vierge Marie,
Royne des cieux et du monde maîtresse;
Faictes prier, par votre courtoisie,
Saints et saintes, et prenez votre adresse.
Vers votre Fils, requérant sa haultesse
Qu'il lui plaise son peuple regarder,
Que de son sang a voulu racheter.
En desboutant guerre qui tout desvoye,
De prières ne vous veuillez lasser,
Priez pour paix, le vray trésor de joye.
Priez, prélats et gens de sainte vie,
Religieux, ne dormez en paresse ;
Priez, maistres et tous suivans clergie,
Car par guerre faut que l'estude cesse.
Moustiers destruits sont sans qu'on les redresse,
Le service de Dieu vous faut laissier.
Quand ne povez en repos demourer;
Priez si fort que briefment Dieu vous oye.
L'Eglise voult a ce vous ordonner :
Priez pour paix, le vray trésor de joye.
Priez, princes, qui avez seigneurie.
Rois, ducs, comtes, barons pleins de noblesse,
Gentilshommes avec chevalerie;
Car meschants gens surmontent gentillesse ;
En leurs mains ont toute vostre richesse ;
De bas les font en haut estât monter :
Vous Je povez chascun jour veoir au cler,
Et sont riches de vos biens etmonnoye,
Dont vous deussiez la peuple supporter.
Priez pour paix, le vray trésor de joye.
Priez, peuples qui souffrez tyrannie,
Car vos seigneurs sont en telle faiblesse
Qu'ils ne peuvent vous garder pour mestrie,
Ne vous aidier en votre grand destresse.
Loyalx marchons, la selle si vous blesse.
Fort sur le dos, chascun vous vient presser,
Et ne povez marchandise mener.
Car vous n'avez sear passage ne voie,
Et maint péril vous convient-il passer.
Priez pour paix, le vray trésor de joye.
BAL
Priez galans, joyeux en compagnie.
Qui despendre désirez à largesse;
Guerre vous tient la bourse desgarnie.
Priez, amans qui voulez en liesse
Servir amour ; car guerre, par rudesse,
Vous destourbe de vos dames hanter,
Qui maintes fois fait leurs vouloirs tourner,
Et quand tenez le bout de la courroye,
Ung estrangier si le vous vient oster.
Priez pour paix, le vray trésor de joye.
Dieu tout-puissant nous veuille conforter .
Toutes choses en terre, ciel et mer!
Priez vers lui, que brief en tout pourvoye ;
En lui seul est de tous maulx amender ;
Priez pour paix, le vray trésor de joye.
Charles d'Orléans.
Mais le mot ballade sert aussi très-souvent
à désigner une pièce de vers qui n'est pas
astreinte à des règles rigoureuses; alors il
devient synonyme de romance, chanson, élé-
gie, légende rimée. Ce qui caractérise ces bal-
lades,'da.ns ce nouveau sens du mot, c'est le
choix du sujet et la forme populaire du lan-
gage, bien qu'on y rencontre quelquefois de
grandes images et des pensées très-élevées :
on sait du reste que les images et les grandes
pensées, loin d'être étrangères aux hommes
du peuple, viennent naturellement sur leurs
lèvres quand ils sont sous le coup d'une émo-
tion puissante, ou qu'ils se laissent aller au
sentiment du plaisir. Quelquefois ces ballades
se distinguent par un sentiment profondément
Fatriotique, comme cette vieille chanson que
on répète encore à Saint-Valéry en Caux et
sur la côte de la Seine-Inférieure, et qui ra-
conte le désespoir de la fille d'un roi de France
condamnée à épouser un prince anglais. C'est
une allusion évidente au mariage de la fille
de Charles VI, Catherine de France, avec
Henri V d'Angleterre :
Le roi a fille à marier ;
A un Anglois la veut donner;
Elle ne veut mais :
■ Jamais mari n'épouserai s'il n'est françois. •
La belle ne voulant céder.
Sa sœur s'en vint la conjurer :
* Acceptez, ma sœur, acceptez cette fois ;
• C'est pour paix a France donner avec l'Anglois. •
Et quand ce vint pour s'embarquer,
Les yeux on lui voulut bander :
• Eh! dte-toi, retire-toi ! franc traître Anglois;
• Car je veux voir jusqu'à la fin le sol françois. •
Et quand ce vint pour arriver,
Le chàtel étoit pavoisé :
• Eh! ôte-toi, retire-toi! franc traître Anglois;
» Ce n'est pas le drapeau blanc du roi françois. •
Et quant ce vint pour le souper,
Pas ne voulut boire ou manger :
• Eloigne-toi, retire-toi ! franc traître Anglois ;
• Ce n'est pas là le pain, le vin du roi françois. *
Et quand ce vint pour le coucher,
L'Anglois la voulut déchausser :
• Eloigne-toi, retire-toi! franc traître Anglois;
• Jamais homme n'y touchera, s'il n'est françois. •
Et quand ce vint sur le minuit,
Elle fit entendre grand bruit;
Et s'écrioit avec douleur : .0 roi des rois !
■ Ne me laissez entre les bras de cet Anglois. •
Quatre heures sonnant â la tour,
La belle finissoit ses jours;
La belle finissoit ses jours d'un cœur joyeux,
Et les Anglois ypleuroient tous d'un cœur piteux.
Voici quelques autres pièces, soit en vers,
soit en prose, qui donneront une idée fort
exacte des ballades qu'on pourrait appeler li-
bres, pour les distinguer de celles dont nous
avons fait connaître les formes rigoureuses,
et qui sont aujourd'hui complètement aban-
données par nos poëtes, sauf le refrain, qu'on
voit encore apparaître dans certains cas.
LE DIABLE ET TE SCULPTEUR.
En s'appuyant sur une verte branche
De prunelier à la fraîche senteur,
Sous les habits d'un juif à barbe blanche,
Le Diable un jour s'en va chez un sculpteur :
* Bonjour, l'ami, dît-il d'un ton bizarre;
J'ai dans ma poche un diamant fort rare
Que j'ai trouvé dans les sables du Nit;
Il est à toi si, dans le blanc carrare,
Tu reproduis trait pour trait mon profil.
— J'aime mieux boire mon eau fraîche,
Et manger mon pain bis, vraiment !
Je sculpterai plus librement
L'Homme-Dieu, né dans une crèche :
Tu peux garder ton diamant.
— Mener de front et misère et génie,
C'est désirer mourir à l'hôpital ;
Donc, entre nous pas de cérémonie!
J'ai beaucoup d'or. Ce précieux métal
Sonne si clair qu'il réveille la gloire!
C'est le clairon annonçant la victoire
Au vrai talent, marchant à la gTandeur!
Or, je t'en donne à remplir une armoire.
Si tu me fais beau comme un empereur,
— J'aime mieux boire mon eau fraîche,
Et manger mon pain bis, vraiment!
Je sculpterai plus librement
L'Homme-Dieu, né dans une crèche :
Garde ton or, ton diamant.'
— On ne vit pas de pain sec et d'eau claire;
Déride-moi ce front de puritain !
Je te promets un renom populaire,
Un riche hôtel dans le quartier d'Antin,
Je t'enverrai, pour aller a la chasse.
Quatre chevaux blancs de Calatrava;
1 A l'Institut chacun te fera place.
Si tu me fais grand comme saint Ignace
Levant les yeux aux pieds de Jehova.
— J'aime mieux boire mon eau fraîche,
Et manger mou pain bis, vraiment!
Je sculpterai plus librement
LTIomme-Dieu, né dans une crèche :
Garde chevaux et diamant.
— Décidément, tu n'es pas un artiste;
Je le vois bien. Non, les fils des Hébreux
Ne feraient pas Jésus à mine triste.
Les bras en croix, cheveux pendants, œil creux !
Je pars : chez toi, je n'ai plus rien a faire.
Taille en granit une vieille Misère!
Drape-la bien d'une robe en lambeau.:
Quand tu seras sous quelques pieds de terre.
Elle ornera ton glorieux tombeau.
BAL in
Va, tu peux boire ton eau fraîche.
Et manger ton pain bis, vraiment!
Tu sculpteras plus librement
L'Homme-Dieu, né dans une crèche :
Moi, je garde mon diamant. •
Et le sculpteur, d'une voix libre et fiêr^.
Répond au juif: ■ J'aime ma pauvreté!
Elle m'inspire et m'ordonne de faire
L'Homme-Dieu, mort pour la fraternité!
Voilà pourquoi je travaille et je veille... •
Le Diable, alors, en se grattant l'oreille,
Prend son bâton et grommelle en sortant :
■ Avec ces gens on ne fait pas merveille ;
Dieu, je le vois, est plus fort que Satan. ■
Barrillot.
DOUCE IGNORANCE.
Petite sœur, petit frère n'est plus :
Prions pour lui quand sonne VAngelus.
Hier matin, l'homme du cimetière
Entre chez nous, vêtu d'un habit noir;
Et puis il prend une petite bière
Sous' son grand bras, qui faisait peur a voir:
C'est là-dedans qu'est notre petit frère;
On l'a porté là-bas, sous le gazon ;
11 aura froid dans la dure saison,
Ainsi couché dans un berceau de terre !
Petite sœur, petit frère n'est plus :
Prions pour lui quand sonne VAngelus.
Sous le gazon, sa voix est étouffée ;
S'il crie, ah! dis, ma sœur, qui l'entendra ?
Peut-être un ange ou quelque blanche fée,
En voltigeant, près de lui descendra.
Pour l'endormir, cette fée aux doigts roses
Appellera te rossignol des bois,
Pour qu'il lut dise, avec sa douce voix,
Ce que le vent chante en berçant les roses.
Petite sœur, petit frère n'est plus :
Prions pour lui quand sonne VAngelus.
Et s'il a soif, qui mettra sur sa lèvre
Le lait doré par les gouttes de miel ?
Une mésange, aux branches de genièvre,
Prendra de l'eau que' Dieu jette du ciel ;
Dans une fleur, n'est-ce pas, la mésange
Mettra cette eau comme dans un bijou,
Puis étendra son aile sous son cou,
Afin que l'eau ne mouille pas son lange.
Petite sœur, petit frère n'est plus :
Prions pour lui quand sonne VAngelus.
Dis-moi, ma sœur, j'ai peur qu'il ne s'effraie
Si son oreille entend, pendant la nuit,
Ce grand oiseau que l'on nomme l'orfraie,
Et qui, dit-on, ne chante qu'à minuit.
Le loup va-t-il autour du cimetière,
Et pourrait-il, ma sœur, entrer dedans?
Ah! s'il allait, avec ses grandes dents.
Mordre le bras de notre petit frère!
Petite sœur, petit frère n'est plus :
Prions pour lui quand sonne VAngelus.
Maman nous dit que le ciel le protège,
Que pour jamais il est exempt d'ennui;
Alors, le ciel défendra que la neige
Pendant l'hiver ne s'amasse sur lui?
Maman nous dit que nous irons dimanche
Semer des fleurs sur sa petite croix;
Pour qu'il sourie en nous voyant tous trois,
Nous lui mettrons sa belle robe blanche.
Petite sœur, petit frère n'est plus :
Prions pour lui quand sonne VAngelus. <
Barrillot
LES DEMONS ET LES JEUNES FEMMES.
Il était autrefois, au pays de Touraine,
Un manoir dont la tour, sombre, lourde et hautaine,
Terrifiait et serfs, et félons, et géants;
Son châtelain Robert prit un jour la croix sainte.
Et s'en alla des pieds du Christ baiser l'empreinte
Et pourfendre les mécréants.
Mais, tandis qu'en la Perse il fondait quelque empire,
Et que, de ses péchés bien marri, le beau sire
Tâchait de regagner sa part du paradis,
Sa gente dame Vseult et ses trois damoiselles
De festins, d'amour fol, de danses criminelles,
Profanaient son chaste logis.
Au voisin monastère en vain priaient les nonnes;
En vain leur vieux prieur vint souvent, après nones,
A faire pénitence inviter le castcl...
Folie! on riait tant des avis du saint homme,
Que les serfs redoutaient sur cette autre Sodome
De voir tomber le feu du ciel...
Or, écoutez!... un soir que, sous le vent d'orage,
La bannière sifflait, se tordait avec rage,
Qu'aux créneaux les vautours gémissaient éperdus,
Et que dans l'air chargé de lueurs, de ténèbres.
Sourdement résonnaient les aboiements funèbres
De la meute du prince Artus ;
Ce soir-là même... Yseult, la frivole comtesse,
Yseult, ayant voulu d'amour et de liesse,
Et de volupté folie égayer son donjon,
Près d'elle rassemblait la fleur du voisinage,
Preux et beaux damoisels, seigneurs de haut lignage,
Filles de comte et de baron.
C'était merveille à voir, dans la vaste grand'salle:
Et guirlandes de (leurs, et lisérés d'opale,
Et tentures de moire avec grâce flotter.
Tandis que, projetant des clartés fantastiques,
Plus de vingt lampes d'or aux longs vitraux gothiques
Avec l'éclair semblaient jouter.
Et sous l'œil, ébloui comme dans l'or d'un songe,
Ondulaient sur les fleurs où leur beau pied se plonge
Nobles servants d'amour au pourpoint élégant.
Et pages gracieux, et donzelles ardentes,
Tournoyant sous les plis de robes transparentes
Que fait se dresser fil d'argent.
Et sur tous ces damnés brillait un gai sourire,
Et leurs mains se pressaient dans un commun délire
Et leurs pas s'enchaînaient, se brisaient tour à tour
Ces groupes enivrés jusqu'à la Manche aurore
Voulaient rire... et minuit ne sonnait pas encore
Au beffroi de la granàe tour...
Avec grâce pourtant penché sur sa guitare,
Un joyeux troubadour d'une chanson bizarre
Accompagnait les sons de son doux instrument.
Et de sa double voix l'enivrante harmonie
Tantôt seule éclatait, tantôt grondait unie
Au bruit de la foudre et du vent.
Mais quand Dieu courroucé, du sein de la tempête^
Criait ainsi vengeance et malheur sur leur tête,
Jeunes pages et preux, donzelles et barons,
Plus délirants danseurs, plus radieux convives,
D'un frénétique élan tournaient sous les ogives,
Comme une ronde de démoDtt,
112
BAL
Et sur loua ces damnés brillait un gai sourire,
Kt leurs mains se pressaient dans un commun délire,
Kt leurs pas s'enchaînaient, se brisaient tour h tour ;
Os groupes enivrés jusqu'à la blanche aurore
Voulaient rire... et minuit ne sonnait pas encore
Au beffroi de la grande tour...
Minuit enfin sonna... Les lampes s'éteignirent;
Des rires et des pleurs tout à coup s'entendirent;
Et (si d'un saint ermite on révère l'écrit)
Un vassal vit alors, avec de rouges Hommes,
Des fantômes ailés et des formes de femmes
S'enfuir de la tour de granit...
Or, dans son vieux grimoire ajoute notre ermite,
Ces femmes qui, brûlant d'une llamme maudite,
Kt dansaient et riaient au fort de l'ouragan,
Ces femmes avaient fait un pacte avec le crime;
Ces fiers barons, c'étaient... les esprits de l'abîme!
Ce troubadour c'était... Satan!
Après un tel malheur, n'allez pas, jeunes filles,
Oh ! n'allez pas, le soir, dans de bruyants quadrilles,
Trop folles, vous livrer â vos ébats joyeux.
De peur que dans vos bras vos danseurs infldèles
Ne deviennent démons, et, sur leurs noires ailes,
Ne vous emportent loin des cicux.
Henri Rocher.
LE FIANCE.
I
Un sair, dans un château qui se mirait sur l'onde,
Avec ses grands arceaux et ses donjons noircis.
Une jeune beauté parait sa tête blonde
Du voile nuptial où l'aiguille féconde
Aux fleurs a marié les fruits.
La pauvre fille, hélas! abattue et plaintive,
Attend depuis longtemps son époux adoré :
Au bruit le plus léger qui monte de la rive,
Echappant aux doux soins de sa mère attentive.
Elle vole au balcon doré.
Pour entendre et pour voir, en vain elle se penche ;
Rien ne rassure encor son amour alarmé ;
I,e seul bruit qui s'élève est celui d'une branche;
L'œil ne peut distinguer la voile étroite et hlanche
Qui ramène son bien-aimé.
II
Assis sur sa barque légère,
Loin du castel, un troubadour.
Suivant le fil de la rivière,
Tient sa harpe et rêve d'amour;
Tout à coup d,> jeunes sylphidt s
S'avance uc tournoyant essaim;
Les arbres de rosée humides
Mouillent leurs ailes de satin ;
Leur troupe errante et vaeabonoe.
Courant parmi les églantiers,
De la forêt triste et profonde
Anime les sombres sentiers.
Le troubadour s'arrête, hésite,
Puis il évite
De se tourner pour les revoir;
Car sa bien-aimée à cette heure
L'attend et pleure
Sur le balcon du vieux manoir.
III
Ciel ! une forme aérienne
Glisse dans un faible rayon ;
Une robe longue, incertaine,
Semble flotter à l'horizon :
Sur une transparente épaule,
Sur un sein pale et gracieux,
Comme les feuilles sur le saule,
Se répandent de longs cheveux.
Ce n'est pas l'ombre solitaire
D'une fille morte h quirae ans.
Ni celle d'une jeune mère
Qui vient pour revoir ses enfants.
C'est une fée : elle s'avance;
Le flot coule plus doucement,
Et la brise agite en silence
Son écharpe aux franges d'argent.
Autour d'elle un reflet d'opale
Scintille dans le sombre azur;
Le souffle que sa bouche exhale
Embaume l'air suave et pur.
Sous la voile onduleuse et blanche,
Apercevant le troubadour,
Sur son beau front elle se penche
En murmurant un mot d'amour.
Le troubadour s'arrête, hésite,
Puis il évite
Et de l'entendre et de la voir;
Car sa bien-aimée à cette heure
L'attend et pleure
Sur le balcon du vieux manoir,
IV
Bientôt auprès u"e sa nacelle
S'élève une amoureuse voix :
Il entend son nom qui se mêle
Au bruit des ondes et des bois.
Il se tourne, et voit une ondine
Au milieu des flots caressants:
Le glaïeul et l'algue marine
Pressent l'albâtre de ses flancs.
« Gentil troubadour, viens, dit-elle,
• Le monde est indigne de toi ;
• Viens, je suis toujours jeune et belle,
• Beau jeune homme, viens avec moi.
■ J'ai des grottes de coquillages,
• Des poissons aux écailles cVor,
■ Des cascades, de frais rivages,
» Et d'autres merveilles encor...
• Dans les vents, dans les eaux courantes
■ C est moi qui mollement bruis,
• Moi que les étoiles tombantes
■ Visitent dans les douces nuits.
• Tu le vois, je suis rose et blanche,
■ Plus belle qu'un ange des cieux;
■ Viens, sous le fleuve qui s'épanche
■ S ouvre mon palais gracieux. »
Elle dit, la vague limpide
Autour d'elle semble frémir;
Elle frappe d'un pied timide
L'onde qui la fait tressaillir.
Ses bras nus, avec nonchalance,
Divisent les flots amoureux:
Elle sourit et se balance,
Et la lune éclaire ses yeux.
Le troubadour s'arrête, hésite,
Puis il évite
Et de l'entendre et de la voir;
Car sa bien-aimée à cette heure
L'attend et pleure
Sur la balcon du vieux manoir.
BAL
Un peu plus tard, la vierge, à ses craintes en proie.
Vit l'esquif au milieu des brouillards incertains.
«C'est lui! c'est lui' dit-elle, immobile de joie;
• 0 ma mère ! viens voir, le Seigneur nous l'envoie ;
• Plus de larmes, plus de chagrins! •
Déjà dans le château cette heureuse nouvelle
Passe de bouche en bouche, et vole et se répand :
De buis et de flambeaux on pare la chapelle ;
Sous son voile brodé, le calice étincelle
Devant les chandeliers d'argent.
L'esquif toucha le bord : pressant ses pas rapides,
Le châtelain joyeux reçut le troubadour.
Les choeurs aériens des rêveuses sylph'des,
Et la fée et l'ondîne aux paroles timides.
N'avaient pu vaincre son amour.
LES TROIS MOINES ROUGES.
Je frémis de tous mes membres, je frémis
de douleur, en voyant les malheurs qui frap-
pent la terre.
En songeant à l'événement qui vient, horri-
rible, d'arriver aux environs de la ville de
Quimper, il y a un an.
Katelik Moal cheminait en disant son cha-
pelet, quand trois moines, armés de toutes
pièces, la joignirent;
Trois moines sur leurs grands chevaux bar-
dés de fer de la tête aux pieds , au milieu du
chemin, trois moines rouges.
« Venez avec nous au couvent, venez avec
nous , belle jeune fille; là ni or ni argent, en
vérité, ne vous manquera.
— Sauf votre grâce, messeigneurs, ce n'est
pas moi qui irai avec vous, j'ai peur de vos
épées qui pendent à votre côté.
— Venez avec nous, jeune tille , il ne vous
arrivera aucun mal.
— Je n'irai pas, messeigneurs, on entend
dire de vilaines choses !
— On entend dire assez de vilaines choses
aux méchants! Que mille fois maudites soient
toutes les mauvaises langues ! Venez avec
nous, jeune fille, n'ayez pas peur!
éj — Non, vraiment! je n irai point avec vous !
j'aimerais mieux être brûlée!
— Venez avec nous au couvent, nous vous
mettrons à l'aise.
— Je n'irai point au couvent, j'aime mieux
rester dehors. Sept jeunes filles de la cam-
pagne y sont allées, dit-on, sept belles jeunes
filles avancer, et elles n'en sont point sorties.
— S'il y est entré sept jeunes filles , vous
serez la huitième! «
Et eux de la jeter à cheval , et s'enfuir au
galop; de s'enfuir vers leur demeure, de s'en-
fuir rapidement avec la jeune fille en travers,
à cheval, un bandeau sur la bouche.
Et au bout de sept ou huit mois, ou quelque
chose de plus :
• Que ferons -nous, mes frères, de cette
tille-ci maintenant? — Mettons- la dans un
trou de terre. —Mieux vaudrait sous la croix.
— Mieux vaudrait encore qu'elle fût enterrée
sous le maître -autel. — Eh bien! enterrons-la
ce soir sous le maître-autel, où personne de sa
famille ne la viendra chercher. »
Vers la chute du jour, voila que tout le ciel
se fend ! De la pluie , du vent, de la grêle , le
tonnerre le plus épouvantable !
Or, un pauvre chevalier, les habits trempés
par la pluie, voyageait tard, battu de l'orage.
Il voyageait par là et cherchait quelque
part un asile, quand il arriva devant l'église
de la commanderie.
Et lui de regarder par le trou de la serrure,
et de voir briller dans l'église une petite lu-
mière.
Et les trois moines, à gauche, qui creusaient
sous le maître-autel; et la jeune fille sur le
côté, ses petits pieds nus attachés.
La pauvre jeune fille se lamentait, et de-
mandait grâce :
n Laissez - moi ma vie , messeigneurs ! au
nom de Dieu! Messeigneurs, au nom de Dieu !
laissez-moi ma vie I Je me promènerai la nuit
et me cacherai le jour. »
Et la lumière s'éteignit, et le chevalier res-
tait à la porte sans bouger, stupéfait ;
Et le chevalier entendit la jeune fille se
plaindre au fond de son tombeau :
■ Je voudrais pour ma créature l'huile et
le baptême j puis l'extrême-onction pour moi-
même, et je mourrai contente "et de grand
cœur après. ■
Le chevalier s'en alla frapper à la porte de
l'évêché.
« Monseigneur l'évêque de Cornouaille
éveillez-vous, éveillez-vous ; vous êtes là dans
votre lit, couché sur la plume molle; vous
êtes là dans, votre lit, sur la plume bien molle,
et il y a une jeune fille qui gémit au fond d'un
trou de terre dure , demandant pour sa créa-
ture l'huile et le baptême, et l' extrême-onction
pour elle-même. »
On creusa sous le maître-autel par ordre du
seigneur évêque, et on retira la pauvre jeune
fille de sa fosse profonde , avec son petit en-
fant, endormi sur son sein.
Elle avait rongé ses deux bras , elle avait
déchiré sa poitrine, elle avait déchiré sa blan-
che poitrine jusqu'à sort cœur.
Et le seigneur évêque, quand il vit cela, se
jeta à deux genoux, en pleurant sur la tombe.
Il pleura trois jours et trois nuits, les ge-
noux dans la terre froide, vêtu d'une robe de
crin et nu-pieds.
Et au bout de la troisième nuit, tous les
moines étant là, l'enfant vint à bouger entre
le» deux, lumières placées à ses cotés.
BAL
Il ouvrit les yeux, il marcha droit, droit aux
trois moines rouges :
«_ Ce sont ceux-ci! •
Et les trois moines ont été brûlés vifs , et
leurs cendres jetées au vent; leur corps a été
puni à cause de leur crime. .
Ballade bretonne,
traduction de M. de la Villkmarqué,
LES FEES DE LOC-IL-DU.
Un soir, la blanche Arma, reine des fées,
appelle ses jeunes sœurs dispersées dans le
vallon de Loc-Il-Du. Au cri qu'elle jette, on
les voit toutes accourir comme une volée de
tourterelles. Arma était appuyée contre un
pommier aux fruits rouges, portant mêlée à ses
cheveux une couronne de gui.
« Que veut notre dame ? dirent les fées
toutes d'une voix; que demande-t-elle pour
que la soirée lui semble courte? Devrons-nous
tresser des paniers de jonc et les remplir de
Heurs, ou bien désire-t-èlle que nous dansions
sur l'herbe fine, portant chacune sur la tête un
vase de cristal rempli d'eau ? Faut-il frapper
à ia porte de pierre des Korigans et leur ordon-
ner de déployer leurs rondes sur la bruyère, en
chantant les jours de la semaine? Est-il temps
de descendre à la mer pour s'asseoir sur les
vagues comme sur des chevaux marins ? »
Mais la belle Arma releva la tête et dit len-
tement :
« Ce que je souhaite, ce n'est ni ta mer, ni
les Korigans, ni la danse, ni les fleurs, car j'ai
le cœur malade du côté de la joie; ce que je
souhaite, ce n'est rien de ce que peut me donner
ma puissance ; c'est l'amour du fils de Pen-Ru,
le seigneur de Tre-Garantez.
» Qui de vous a vu Pen-Ru quand il parcourt
les grèves sur son cheval brun? Sa chevelure
ressemble à deux ailes de corbeau reployées,
et tout ce qu'il regarde semble être fait pour
le servir, tant son visage est fier et beau.
» Voilà longtemps que mes yeux ontdistingué
Marc Pen-Ru parmi les hommes, et que mon
amour le protège. Quand il revient la nuit par
les pentes rapides, j'envoie les Korigans pour
balayer devant lui les pierres qui pourraient
faire trébucher son cheval; quand il parcourt
la dune sablonneuse sous la chaleur du jour,
j'appelle les nuées pour qu'elles étendent leur
ombre sur son front.
• C'est moi qui ai semé les fleurs d'or qui
poussent dans les fentes du donjon, sous la
fenêtre de Marc ; c'est moi qui tresse ses filets
de pêche, qui soigne ses lévriers de chasse, qui
distribue le. soleil et la rosée à ses moissons.
Toutes ses joies lui viennent de moi, et cepen-
dant Marc est sans reconnaissance pour la fée
de Loc-Il-Du.
« Marc a écouté la parole des jeunes soli-
taires venus d'Hiberme; il a oublié les dieux
de ses pères pour un nouveau dieu qu'il nomme
Christ; Marc passe avec dédain devant les
chênes sacrés, ou les pierres longues, et la ten-
dresse d'une fée est sans charme pour lui.
• .Mais voici qu'il s'est assis sur la mousse à
l'entrée du bois de hêtre; j'ai touché ses pau-
pières de ma faucille d'or et il s'est endormi.
Venez donc toutes, ô vous qui m'obéissez, afin
que nous le transportions dans le palais de
cristal que j'habite au haut de la montagne, et
qu'il y devienne mon époux de choix. »
Toutes les fées applaudirent Arma et se pré-
cipitèrent avec elle vers la clairière où dormait
Marc. Il était étendu sous un buisson d'aubé-
pine, non loin d'une pierre sacrée; son man-
teau brun lui servait ûe couche. A le voir ainsi
immobile dans sa force et son agilité, on eût
dit un jeune loup sommeillant à l'entrée de sa
tanière.
Les fées s'abattirent tout autour, comme des
oiseaux de mer et se mirent à chanter en chœur :
« Janvier pour la neige, février pour les gla-
çons, mars pour la grêle, avril pour les bour-
geons, mai pour l'herbe verte, juin pour les
fenaisons, juillet pour les œufs éclos, août pour
tes moissons, septembre pour les brouillards
octobre pour les aquilons, novembre pour les
grands ruisseaux, décembre pour les frissons. •
Et tout en chantant, elles avaient saisi le
manteau sur lequel dormait Marc-Pen-Ru, et
elles l'emportaient dans les airs, vers la mon-
tagne où s'élève le palais de cristal • mais voilà
que le gentilhomme s'éveille et qu'il reconnaît
la reine des fées de Loc-Il-Du. Alors il s'écrie:
« Que veux-tu de moi, belle Arma? •
Arma répondit :
« Dors, Pen-Ru, dors, jusqu'à ce que tu sois
dans mon palais, au haut de la montagne ; alors
tu te réveilleras pour m'aimer et vivre heureux
comme mon époux. »
Mais Pen-Ru dit d'une voix ferme :
« Cela ne peut être, Arma, car tu es une
divinité païenne, et moi je suis chrétien. Laisse-
moi donc retourner au manoir où mon père
m'attend. »
La fée reprit :
« Tu ne sais pas "quels honneurs te sont
réservés, Marc; je te donnerai ma part de
royauté et mes droits sur tout le monde des
esprits.
t — J'aime mieux, reprit Pen-Ru, la couronne
d'étoiles que Dieu donne à ses élus et une place
dans son paradis.
— Tu mangeras comme les rois de la terre,
tu boiras dans l'or des vins délicieux.
— Je préfère le pain noir et l'eau des fon-
taines que le signe de la croix a bénis.
BAL
— Tu seras vêtu de velours et de pierreries.
— Je veux garder la chemise de crin que
portent les solitaires chrétiens et qui fait les
bienheureux. ■
En parlant ainsi, Pen-Ru prit une sainte
relique, en forme de croix, qui ne le quittait
point, et dit :
• Voici de quoi vaincre tous vos talismans. »
( Arma voulut frapper la relique de sa faucille
d'or, mais la faucille se brisa, et Marc Pen-Ru
continua :
« Celle que je toucherai de cette relique
sera forcée de me laisser. »
Alors Arma cria aux fées de l'emporter plus
haut; et quand les forêts et les villages ne
parurent plus que comme des points noirs, elle
dit :
« Maintenant, Marc, tu ne peux te servir de
ta relique, car, si nous te laissions, tu roulerais
dans l'abîme et tu mourrais, p
Marc répondit :
« Heureux ceux qui meurent dans la foi;
Dieu les recevra dans sa gloire. •
A ces mots, il toucha, l'une après l'autre, de
sa relique, toutes les fées, qui s'envolèrent avec
un cri; de sorte que le manteau, n'étant plus
soutenu, roula dans l'espace, comme un flocon
de neige, et Marc-Pen-Ru avec lui.
Or, c'est depuis ce temps qu'Arma et toutes
ses fées ont quitté Loc-Il-Du; que les forêts
sont devenues des landes arides et les prairies
des ravins dépouillés. Seulement, au fond du
val, on voit encore trois pierres rongées de
mousse sur lesquelles rampent des chênes dont
un enfant peut cueillir les glands, et que l'on
appelle la tombe de Marc Pen-Ru.
Ballade bretonne.
LE TOMBEAU DANS LE BUSENTO.
Il est nuit : sur les flots du Busento, près
de Cosenza, résonnent des chants sourds ; des
voix sortent des eaux pour y répondre, et un
dernier écho se répète au sein des tourbillons.
Et remontant, descendant le fleuve en tout
sens, errent les ombres des vaillants Goths qui
pleurent Alaric, le plus justement regretté de
leurs morts.
Beaucoup trop tôt et loin de la patrie, ils
ont dû l'ensevelir là, lorsque les blondes boucles
de' la jeunesse entouraient encore ses épaules.
Sur les bords du Busento, ils se rangèrent à
l'envi pour détourner le cours du fleuve et lui
creuser un nouveau lit.
Dans le fond déserté par les flots, ils fouillè-
rent encore la terre et y plongèrent le Cadavre
toujours debout sur son cheval et couvert de
son armure.
Puis ils le couvrirent de terre, ainsi que ses
nombreux trésors, afin que désormais les liautos
herbes du fleuve pussent croître sur la tombe
du héros.
Détourné pour la seconde fois, le torrent
reprit son cours naturel : d'un choc puissant,
les flots du Busento bondirent dans leur vieux
lit.
Et un chœur d'hommes chantait : Repose en
paix dans ta gloire 1 D'aucun Romain la vile
cupidité ne viendra troubler le repos de ta
tombe !
Ils chantaient; et l'hymne de louanges
résonna dans toute l'armée des Goths. Roule
ces louanges, onde du Busento, roule-les de
mer en mer. Comte de platen.
LES DEUX GRENADIERS.
Deux grenadiers dirigeaient leurs pas vers
la France, deux grenadiersquiavaientété faits
prisonniers pendant la campagne de Russie.
Et quand ils touchèrent aux quartiers alle-
mands, ils penchèrent tristement la tête.
C'est là qu'ils apprirent la triste nouvelle :
comment l'empire français était détruit; com-
ment la grande armée avait été défaite et
mise en déroute, et comment l'Empereur, l'Em-
pereur se trouvait prisonnier.
A ce douloureux récit, les deux grenadiers
versèrent bien des larmes. L'un d'eux soupira :
« Quel mal affreux je ressens! comme mes
anciennes blessures me cuisent! »
L'autre reprit: « La chanson est finie; moi
aussi je voudrais mourir avec toi ; mais j'ai une
femme et des enfants qui m'attendent, et qui
sans moi périraient de faim.
— Que me font femme et enfants? j'ai bien
un autre souci l qu'ils aillent mendier, s'ils ont
faim! Mon Empereur, mon Empereur pri-
sonnier!
» Ami; promets-moi d'exaucer ma prière : si,
comme je l'espère, la mort ne doit pas tarder
à me délivrer, transporte mon cadavre jusqu'en
France, enterre-moi dans la terre do France.
• Pose sur mon cœur ma croix d'honneur sus-
pendue à son ruban rouge ; place-moi mon fusil
dans la main, et mon sabre au côté.
» C'est ainsi que je veux être couché dans la
tombe, c'est ainsi que je veux attendre, comme
une sentinelle, jusqu'au moment où j'entendrai
résonner le fracas des canons et les piétine-
ments des chevaux hennissants. Alors sans
doute — mon cœur en frissonne déjà — alors
mon Empereur passera à cheval au-dessus de
ma tombe ; des milliers d'épées se heurteront
en croisant leurs éclairs ; alors je me dresserai
tout armé hors de mon cercueil, pour défendre
mon Empereur, mon Empereur! »
H. Heinb,
BAL
On ne saurait mieux rendre le dévouement
fanatique que Napoléon inspirait à ses vieux
- soldats. Heine n'avait que seize ans lorsqu'il
composa cette remarquable poésie, qui, évi-
demment, a inspiré à Zedlitz sa Revue nocturne.
LES DEUX ARCHERS.
C'était l'instant funèbre où la nuit est si sombre,
Qu'on tremble à chaque pas de réveiller dans l'ombre
Un démon, ivre encor du banquet des sabbats ;
Le moment où, lisant à peine sa prière.
Le voyageur se hâte à travers la clairière;
C'était l'heure où l'on parle bas !
Deux francs-archers passaient au fond de la vallée,
Là-bas, où vous voyez une tour isolée.
Qui, lorsqu'en Palestine allaient mourir nos rois,
Fut bâtie en trois nuits, au dire de nos pères,
Par un ermite saint qui remuait les pierres
Avec le signe de la crois.
Tous deux, sans craindre l'heure, en ce lieu taciturne,
Allumèrent un feu pour leur repas nocturne;
Puis ils vinrent s'asseoir, en déposant leur cor,
Sur un saint de granit dont l'image grossière,
Les mains jointes, le front couché dans la poussière,
Avait l'air de prier encor.
Cependant sur la tour, les monts, les bois antiques,
L'ardent foyer jetait des clartés fantastiques;
Les hiboux s'effrayaient nii fond des vieux manoirs;
Et les chauves-souris, que tout sabbat réclame.
Volaient, et par moments épouvantaient la flamme
De leur grande aile aux ongles noirs!
Le plus vieux des archers alors dit au plus jeune :
■ Portes-tu le cilice? — Observes-tu le jeûne 1 •
Reprit l'outre, et leur rire accompagna leur voix.
D'autres rires de loin tout a coup s'entendirent.
Le val était désert, l'ombre épaisse ; ils se dirent :
■ C'est l'écho qui rit dans les bois. ■
Soudain à leurs regards une lueur rampante
En bleuâtres sillons sur la hauteur serpente;
Les deux blasphémateurs, hélas! sans s'effrayer,
Jetèrent au brasier d'autres branches de chênes,
Disant : ■ C'est, au miroir des cascades prochaines,
• Le reflet de notre foyer. ■
Or cet écho (d'efTroi qu'ici chacun s'incline!)
C'était Satan, riant tout haut sur la colline !
Ce rc-llet, émané du corps de Lucifer,
C'était le p"â!e jour qu'il traîne en nos ténèbres,
Le rayon sulfureux qu'en des songes funèbres
Il nous apporte de l'enferT
Aux profanes éclats de leur coupable joie,
11 était accouru comme un loup vers sa proie,
Sur les archers dans l'ombre erraient ses yeux ardents.
• Riez et blasphémez dans vos heures oisives.
» Moi, je ferai passer vos bouches convulsives
• Du rire au grinceinemt- de dents! •
A l'aube du matin, un peu de cendre éteinte
D'un pied largo et fourchu portait l'étrange empreinte.
Le val fut tout le jour désert, silencieux.
Mais, au lieu du foyer, à minuit même, un pâtre
Vit soudain apparaître une flamme bleuâtre
Qui ne montait pas vers les cieux !
Dès qu'au sol attachée elle rampa livide, ,
De longs rires, soudain, éclatant dans le vide,
Glacèrent le berger; d'un grand effroi saisi,
Il ne vit point Satan et ceux de l'autre monde,
Et tie put concevoir, dans sa terreur profonde,
Ce qu'ils souffraient pour rire ainsi!
Dès lors, toutes les nuits, aux monts, aux bois anti-
L'ardent foyer jeta ses clartés fantastiques ; [ques,
Des rires effrayaient les hiboux des manoirs;
Et les chauves-souris que tout sabbat réclame,
Volaient, et par moments épouvantaient la flamme
De leur grande aile aux ongles noirs.
Rien, avant le rayon de l'aube matinale.
Enfants, rien n'éteignait cette flamme infernale.
Si l'orage, â grands (lots tombant, grondaitdans l'air,
Les rires éclataient aussi haut que la foudre,
La flamme en tournoyant s'élançait de la poudre,
Comme pour s'unir à l'éclair !
Mais enfin une nuit, vêtu du scapulaire,
Se leva du vieux saint le marbre séculaire;
Il fit trois pas, armé de son rameau bénit;
De l'effrayant prodige effrayant exorciste,
De ses lèvres de pierre il dit : « Que Dieu m'assiste! •
En ouvrant ses bras de granit!
Alors tout s'éteignit, flammes, rires, phosphore,
Tout! et le lendemain, on trouva dès l'aurore
Les deux gens d'armes morts sur la statue assis ;
On les ensevelit; et suivant sa promesse,'
Le seigneur du hameau, pour fonder une messe,
Légua trois deniers parisis.
Si quelque enseignement se cache en cette histoire,
Qu'importe! il ne faut pas la juger, mais la croire.
La croire ! Qu'ai-je dit? ces temps sont loin de nous!
Ce n'est plus qui demi qu'on se livre aux croyances.
Nul, dans notre âge aveugle et vain de ses sciences,
Ne sait plier les deux genoux!
V. Huao.
LA BALLADE DE LA NONNE,
Venez, vous dont l'œil étincelle.
Pour entendre une histoire encor,
Approchez : je vous dirai celle
De dona Padilla del Flor.
Elle était d'Alanje, où s'entassent
Les collines et les halliers.
Enfants, voici des boeufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Il est des filles à Grenade,
11 en est & Séville aussi,
Qui, pour la moindre sérénade,
A l'amour demandent merci;
1! en est que d'abord embrassent
Le soir, les hardis cavaliers.
Enfants, voici des boeufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !
Ce n'est pas sur ce ton frivole
Qu'il faut parler de Padilla,
Car jamais prunelle espagnole
D'un feu plus chaste ne brilla;
Elle fuyait ceux qui pourchassent
Les filles sous les peupliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Rien ne touchait ce cœur farouche.
Ni doux soins ni propos joyeux;
Pour tin mot d'une belle bouche.
Pour un siirne de deux' beaux yeux.
On sait qu'il n'est rien que ne fassent
Les seigneurs et les bacheliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers!
It.
BAL
Elle prit le voile a Tolède,
Au grand soupir des gens du lieu.
Comme si, quand on n'est pas laide,
On avait droit d'épouser Dieu.
Peu s'en fallut que ne pleurassent
Les soudards et les écoliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Mais elle disait : • Loin du monde,
- Vivre et prier pour les méchants !
■ Quel bonheur! quelle paix profonde
• Dans la prière et dans les chants!
• Là, si les démons nous menaceirt,
» Les anges sont nos boucliers! *
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Or, la belle à peine cloîtrée,
Amour dans son cœur s'installa.
Un fier brigand de la contrée .
Vint alors et dit : Me voilà!
Quelquefois les brigands surpassent
En audace les chevaliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers!
Il était laid : des traits austères,
La main plus rude que le gant;
Mais l'amour a bien des mystères,
Et la nonne aima le brigand.
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Pour franchir la sainte limite,
■ Pour approcher du saint couvent, '
Souvent le brigand d'un ermite
Prenait le cilice, et souvent
La cote de maille où s'enchâssent
Les croix noires des templiers.
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers !
La nonne osa, dit la chronique,
Au brigand par l'enfer conduit,
Aux pieds de sainte Véronique
Donner un rendez-vous la nuit,
A l'heure où les corbeaux croassent,
Volant dans l'ombre par milliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Padilla voulait, anathème!
Oubliant sa vie en un jour.
Se livrer, dans l'église môme,
Sainte a l'enfer, vierge a l'amour,
Jusqu'à l'heure pâle où s'effacent
Les cierges sur les chandeliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers!
Or, quand, dans la nef descendu'!,
La nonne appela le bandit.
Au lieu de la voix attendue,
C'est la foudre qui répondit.
Dieu voulut que ses coups frappassent
Les amants par Satan liés.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Aujourd'hui, des fureurs divines
Le pâtre enflammant ses récits,
Vous montre au penchant des ravines
Quelques tronçons de murs noircis,
Deux clochers que les ans crevassent,
Dont l'abri tarait ses béliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Quand la nuit, du cloître gothique
Brunissant les portails béants.
Change à l'horizon fantastique
Les deux clochers en deux géants,
A l'heure où les corbeaux croassent,
Volant dans l'ombre par milliers,
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Une nonne, avec une lampe,
Sort d'une cellule à minuit;
Le long des murs le spectre rampe,
Un autre fantôme le suit;
Des chaînes sur leurs pieds s'amassent,
De lourds carcans sont leurs colliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
La lampe vient, s'éclipse, brille,
Sous les arceaux court se cacher.
Puis tremble derrière une grille, ■
Puis scintille au bout d'un clocher;
Et ses rayons dans l'ombre tracent
Des fantômes multipliés.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !
Les deux spectres qu'un feu dévore,
Traînant leur suaire en lambeaux.
Se cherchent pour s'unir encore.
En trébuchant sur des tombeaux;
Leurs pas aveugles s'embarrassent
Dans les marches des escaliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Mais ce sont des escaliers fées
Qui sous eux s'embrouillent toujours;
L'un est aux caves étouffées,
. Quand l'autre marche au front des tours;
Sous leurs pieds, sans fin se déplacent
Les étages et les paliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !
Elevant leurs voix sépulcrales,
Se cherchant les bras étendus.
Ils vont... les magiques spirales
Mêlent leurs pas toujours perdus;
Ils s'épuisent et se harassent
En détours, sans cesse oubliés.
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers!
La pluie alors, à larges gouttes,
Bat les vitraux frêles et froids;
Le vent siffle aux brèches des voûtes;
Une plainte sort des beffrois;
On entend des soupirs qui glacent,
Des rires d'esprits familiers.
Enfants, voict des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !
Une voix faible, une voix haute
Disent ; • Quand finiront les jours?
» Ah! nous souffrons par notre faute;
• Mais l'éternité, c'est toujours!
■ Là. les mains des heures se lassent
• A retourner les sabliers... *
Entants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
BAL
L'enfer, hélas! ne peut s'iiteindrc.
Toutes les nuits, dans ce manoir.
Se cherchent sans jamais s'atteindre,
Une ombre blanche, un spectre noir,
Jusqu'à l'heure pâle où s'effacent
Les cierges sur les chandeliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers!
Si, tremblant & ces bruits étranges,
Quelque nocturne voyageur
En se signant demande aux anges
Sur qui sévit le Dieu vengeur;
Des serpents de feu qui s'enlacent
Tracent deux noms sur les piliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers!
Cette histoire de la novice.
Saint Ildefonse, abbé, voulut
Qu'afln de préserver du vice
Les vierges qui font leur salut,
Les prieures la racontassent
Dans tous les couvents réguliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !
V. Huco.
LA NOCE D ELMANCE.
« Beau chevalier, au pays maure
• Voyage et combat pour la foi ;
• Tous les soirs, sous le sycomore,
• Il s'assied en rêvant à moi ;
» Et moi, les yeux sur son étoile,
» Tous les soirs j'attends en ce lieu,
• Où de sa décroissante voile
■ Me parvint le dernier adieu. »
C'est ainsi qu'Elmance, la blonde,
Chantait sur la tour des remparts.
Là, naguère, aux bruits sourds de l'onde, ^
Osval lui dit : ■ J'aime et je pars! •
Là, sous cette ogive qui penche,
La vierge, en croyant refuser.
Laissa fuir son écharpe blanche,
Et pensa mourir d'un baiser.
Elmance allait chanter. encore,
Mais sa mère alors la rejoint,
Sa mère, qui sans doute ignore
Que l'amour ne se guérit point:
• Cesse tes plaintes éternelles!
» Ton Osval là-bas a cherché
» Quelque amante, aux noires prunelles,
• Ou sous les sables est couché.
• Ecoute : George d'Eristole
• Demande ton cœur et ta main;
» 11 a promis, j'ai sa parole;
• Tu seras sa femme demain.
— Ciel ! s'écrie Elmance effrayée,
■ Quelle image osez-vous m'otfrir!
■ Osval ne m'a point oubliée...
■ Et s'il est mort, je veux mourir. •
George, baron farouche et sombre,
Au pied de la tour vient s'asseoir;
Debout, devant lui comme une ombre,
Elmance apparaît vers te soir.
Il s'émeut; une joie étrange
Brille sur son front menaçant;
Mais elle, de la voix d'un ange.
Lui dit ces mots en rougissant :
• J'aime Osval ; la fée Armantine
■ M'a promise au beau chevalier;
• A son départ en Palestine,
■ J'ai pleuré sur son bouclier;
■ Osval ! il a baisé ma bouche
■ (Trop faible amante que je fus ! ) '
» Lui seul doit visiter la couche
■ D'où sont bannis tous les refus.
• Mais si mes plaintes étouffées
» Ne me rendent pas mon Osval,
■ Tu connais le pouvoir des fées ;
• Malheur, malheur à son rival !
• Qu'il tremble! au moment où l'infâme
■ Croirait triompher de ma foi,
■ Il n'aurait qu'un spectre pour femme...
• A présent, George, épouse-moi ! ■
Elle dit, et dans les ténèbres
Fuit et précipite ses pas
En murmurant des mots funèbres,
Que George écoute et n'entend pas.
Mais est-il un frein légitime
Pour cet impie au cœur de fer!
11 rit des pleurs de sa victime
Et des menaces de l'enfer.
Déjà la gothique chapelle
S'orne de feuilles et de fleurs,
Et la cloche joyeuse appelle
L'époux sombre et l'épouse en pleurs;
Vingt pages, en grande toilette,
Vont cherchant Elmance... Un d'entre eux
La trouve enfin près d'un squelette,
Lisant dans des livres hébreux.
On l'entratne... Triste et parée,
La victime est devant l'autel.
La foule, en deux rangs séparée,
S'amuse à son chagrin mortel.
Vers son épouse infortunée
George se tourne en souriant...
Déjà la couronne fanée m
Ne couvrait qu'un spectre effrayant,
La cérémonie est troublée.
Le prêtre se* tait, l'époux fuit...
Voilà qu'à travers rassemblée
Le fantOme ardent le poursuit.
11 le poursuit pendant une heure
Parmi les grands bois d'alentour,
Et le ramène à sa demeure.
Et monte avec lui dans la tour.
Depuis, quand l'horloge prochaine
Lentement a sonné minuit,
' Une morte, traînant sa chaîne.
Du cercueil échappe à grand bruit.
Au lit du veuf elle prend place,
Froide, à côté de lui s'étend,
Et par un sourire de glace
Réclame un hymen révoltant.
Il crie, et se signe, et récite
Mille oraisons... Vains talismans ;
Le spectre s'acharne, et l'excite
Par d'horribles embrassements ;
Et, pour un instant, s'il succombe
Au poids d'un sommeil plein d'effroi
Une voix qui sort de la tombe
. Soudain lui crie : ■ Epousè-moi ! ■
(Traduction de MM. E. et A. DESCUAJdrs.)
Nous empruntons à la Bohème galante tlo
Gérard de Nerval les deux ballades villa-
geoises suivantes. Sans doute les rimes n'ap-
BAL
113
piirtiennetil pas à la haute poésie , mais les
vers sont musicalement rhythmés; là musique
se prête admirablement à ces hardiesses.ingé-
hues, et elle trouve dans les assonances suffi-
samment ménagées toutes les ressources que
la poésie doit lui offrir. Ceci ne le cède en
rien aux plus touchantes ballades allemandes ;
il n'y manque qu'une certaine exécution de
détails, qui manquait aussi à la légende pri-
mitive du Roi des Aulnes et de Lénore, avant
Goethe et Burger.
LA FIANCÉE FIDÈLE.
Le duc Loys est sur son pont.
Tenant sa fille en son giron.
Elle lui demande un cavalier.
Qui n'a pas vaillant six deniers.
• Oh ! oui, mon père, je l'aurai.
Malgré ma mère qui m'a portée,
Aussi malgré tous mes parents,
Et vous, mon père, que j'aime tant.
— Ma fille, il faut changer d'amour.
Ou vous entrerez dans la tour...
— J'aime mieux rester dans la tour,
Mon père, que de changer d'amour!
— Vite... où sont mes estaflers.
Aussi bien que mes gens de pied?
Qu'on mène ma fille à la tour,
Elle n'y verra jamais le jour! •
Elle y resta sept ans passés.
Sans que personne put la trouver.
Au bout de la septième année,
Son père vint la visiter.
« Ma fille!... comme vous en va?
— Ma foi, mon père, bien mal ça va...
J'ai les pieds pourris dans la terre,
Et les côtés mangés des vers.
— Ma fille, il faut changer d'amour..*
Ou vous resterez dans la tour.
— J'aime mieux rester dans la tour.
Mon père, que de changer d'amour! ■
SAINT NICOLAS.
11 était trois petits enfants
Qui s'en allaient glaner aux champs.
S'en vont un soir chez un boucher :
■ Boucher, voudrais-tu nous loger?
— Entrez, entrez, petits enfants,
Y a de la place assurément. •
Ils n'étaient pas sitôt entrés,
Que le boucher les a tués,
Les a coupés en p'tits morceaux,
Mis au saloir comme pourceaux.
Saint Nicolas, au bout d'sept ans,
Saint Nicolas vint dans ce champ.
Il s'en alla chez le boucher ;
■ Boucher, voudrais-tu me loger?
— Entrez, entrez, saint Nicolas,
Y a de la place, il n'en manqu' pas. •
Il n'était pas sitôt entré.
Qu'il a demandé à souper.
■ Voulez-vous un morceau d' jambon?
— Je n'en veux pas, il n'est pas bon.
— Voulez-vous un morceau do veau '.'
— Je n'en veux pas, il n'est pas beau.
Du p'tit salé je veux avoir,
Qu'y a sept ans qu'est dans l' saloir! t
Quand le boucher entendit c'ia.
Hors de sa porte il s'enfuya.
— Boucher, boucher, ne t'enfuis pas,
Repenfe-toi, Dieu te pardonn'ras. »
Saint Nicolas posa trois doigts
Dessus le bord de ce saloir.
Le premier dit : * J'ai bien dormi ! •
Le second dit : ■ Et moi aussi ! •
Et le troisième répondit :
• Je croyais être en paradis ! •
On trouve des ballades libres chez tous les
peuples; on peut même dire que partout la
poésie a commencé par des chants populaires
qui n'étaient en réalité que des espèces de
Ballades. Les romanceros îles Espagnols peu-
vent être regardés comme de véritables bal-
lades : ce sont des chants nationaux qui célè-
brent, dans un style souvent digne de 1 époque,
des héros vrais ou fabuleux dont le souvenir
s'est conservé d'âge en âge par une tradition
dont il est souvent difficile de reconnaître la
source.
A la tête de ces chants nationaux se pla-
cent les Romanceros du Cid; d'autres sont
consacrés à la gloire et aux malheurs de héros
populaires , teis que Bernard del Carpio ,
Fernand Gonzalès, Rodrigue, le dernier roi des
"Visigoths ; d'autres encore redisent de drama-
tiques aventures, comme celles du volage
comte Alarcos, qui, aimé d'une .infante, l'é-
pouse en secret, puis la délaisse pour voler à
d'autres amours ; les nœuds d'un second hymen
l'unissent à la beauté nouvelle qui l'a séduit;
il se croit en sûreté, protégé par le silence de
sa première femme ; mais elle dévoile tout au
roi son père, qui ordonne à Alarcos de faire
périr l'épouse illégitime; le comte obéit et de-
vient le bourreau de celle qu'il aime.
Un grand nombre de ces chants primitifs,
tous remplis d'invraisemblances , sont remar-
quables par la peinture fidèle des mœurs du
temps et surtout par des scènes empreintes
de passion vraie, profondément sentie. Les
auteurs en sont inconnus : c'est, a proprement
parler, une œuvre nationale à laquelle con-
coururent à l'envi les poètes du temps , plus
jaloux de consacrer leur muse à célébrer les
grands noms de la patrie que de transmettre
les leurs à la postérité.
Au xvie siècle , Gongora fit de la romance
un genre bâtard, une sorte de chant élégiaque
déparé très-souvent par une grande afféterie.
Parmi les ballades espagnoles, les plus re-
marquables sont celles du roi Rodrigue.
Les Goths, depuis plus de trois siècles, gou-
15
114
BAL'
E
vernaient l'Espagne, lorsque, sous le règne
de Rodrigue , les Arabes envahirent ce pays
(711). Rodrigue marcha au-devant de l'armée
ennemie, et, sur les bords du Guadalète, lui
livra une bataille qui dura huit jours. On
sait les suites de cette bataille ; il n entre pas
dans notre plan d'étudier ici Ce grand fait de
l'invasion des Arabes en Espagne, l'un des
épisodes les plus considérables de l'histoire
de l'Europe au moyen âge; nous voulons seu-
lement justifier ou expliquer, sur deux points
contestés, la tradition des ballades. Et d'abord ,
comment et par quelles causes l'invasion des
Arabes fut-elle provoquée? Selon les ballades,
— d'accord avec les chroniques nationales —
Rodrigue, prince voluptueux, aurait indigne-
ment abusé de la fille d'un de ses grands vas-
saux, le comte Julien, gouverneur des pro-
vinces orientales d'Espagne, et celui-ci, pour
se venger, aurait livré sa patrie aux Arabes.
Des motifs analogues, d'après les traditions
homériques, amenèrent le siège et la destruc-
tion de Troie , et , d'après Tite-Live , firent
ouvrir aux Gaulois l'Italie. D'où vient cette
singulière rencontre des poètes populaires
d'Espagne avec le grand poète de l'antiquité
grecque et le plus ingénieux des historiens
latins? Que faut-il en conclure, si ce n'est
qu'on doit faire la part de la fable et celle de
la vérité? Sans doute, l'impulsion extraordi-
naire donnée par Mahomet aux Arabes, la
mollesse des rois goths, les divisions qui par-
tageaient l'Empire, le mécontentement des
fils de Witiza , voilà d'abord , voilà surtout ee
qui amena l'invasion de l'Espagne ; mais
qu'y a-t-il d'impossible à ce que la séduction
de la Cava (la fille de Julien) en ait été la
cause, l'occasion prochaine? 11 y a également
un doute sur le sort de Rodrigue. Selon les
ballades, toujours d'accord avec les chroni-
ques espagnoles, le roi Rodrigue, échappé au
massacre des siens , ne serait mort que plus
tard, dans un ermitage où il avait fait péni-
tence de ses fautes. D'après les écrivains
arabes, au contraire, il aurait péri dans la
bataille. Qui faut-il croire? Les romances ont
pour elles un fait attesté même par les Arabes,
c'est qu'on retrouva sur le champ de bataille
la couronne de l'infortuné roi , son riche'
manteau, ses brodequins ornés de pierres pré-
cieuses, mais que, malgré toutes les recher-
ches , on ne put retrouver son corps. Dès
lors, pourquoi ne pas admettre la tradition
opulaire espagnole, qui remonte proba-
lement aux contemporains et aux compa-
gnons du roi Rodrigue ? Les ballades repro-
chent vivement au roi Rodrigue ses torts et
ses faiblesses, si cruellement expiés par la
nation ; mais cependant on entrevoit à travers
ces reproches une sorte de pitié, même une
certaine sympathie. Ces ballades sont au
nombre de neuf; les titres en indiqueront suf-
fisamment le sujet : 1° Comment le roi Ro-
drigue fut averti , par des présages , des mal-
heurs qui menaçaient son règne; 2° La Cava
est séduite par te roi Rodrigue ; 3° Le comte
Julien annonce sa vengeance; i° Le comte Ju-
lien livre l'Espagne aux Maures d'Afrique;
5» Rodrigue après sa défaite; 6° Même sujet;
7° Un capitaine de Rodrigue annonce à la
reine le malheur de l'Espagne ; 8° Reproches
au roi Rodrigue; 9° Rodrigue fait pénitence
après la perte de l'Espagne, Nous remarque-
rons, en terminant, que Cervantes, d'accord
avec les historiens arabes, fait périr Rodrigue
dans la bataille.
On peut supposer que la ballade française
passa en Angleterre avec les conquérants nor-
mands ; mais elle y rencontra un autre genre
de poésie populaire plus ancien, .plus con-
forme au génie de la nation , et elle disparut
bientôt en laissant seulement son nom à ces
poésies. La ballade anglaise n'est donc qu'un
cadre où se joue en toute liberté l'imagination
lugubre, amie du merveilleux, qui distingue
les races du Nord. En contact continuel avec
une nature sauvage, leurs poëtes se sont tou-
jours plu à reproduire, dans leurs chants, le
ciel sombre, les sites tourmentés, les tempêtes
qu'ils ont constamment sous les yeux. Tel fut
le caractère de toutes les poésies composées
par les bardes saxons ou gaëls, et dont quel-
ques-unes sont encore fixées dans la mémoire
des plus pauvres habitants de l'Angleterre,
du pays de Galles , d'Ecosse et d'Irlande. Ces
compositions ■ appartiennent à l'enfance des
peuples ; elles ne connaissent point de règles
précises et laissent le champ libre aux mou-
vements de l'inspiration. Cependant elles sont
ordinairement partagées en stances égales
entre elles, et, dans les plus anciennes, le
vers qui termine une strophe est souvent ré-
pété au commencement de la strophe sui-
vante. Les bardes ne chantaient guère que
les combats des guerriers , tels qu'Odin et ses
compagnons, et les festins dans lesquels ils se
délassaient des fatigues de la bataille. Après
eux, d'autres poëtes célébrèrent les exploits
des Douglas, des Percy, des Bruce, des Mur-
ray. Chez tous, l'inspiration poétique fut tou-
jours soutenue par un patriotisme ardent qui
contribuait puissamment à impressionner les
masses.
A ces ballades guerrières, les postes en
joignirent d'autres qui n'avaient pour but que
d'émouvoir le cœur par le récit d'aventures
souvent imaginaires, mais toujours propres à
impressionner vivement les esprits les plus
incultes, tout en excitant également l'intérêt
des classes plus éclairées.
Les ballades sur Robin flood, sur sa ren-
BAL
contre avec le roi Richard dans les bois, sur
les malheurs de la belle Rosamonde et de Jane
Shore, sont demeurées populaires en Angle-
terre et en Ecosse. On peut encore citer celle
d'Edouard IV et du tanneur de Tanworth. Le
pauvre diable, qui a parlé au roi comme on
parle à un voleur, voyant arriver toute la
cour, dont les hommages lui apprennent le
haut rang de celui qu'il a offensé, s'écrie : Je
serai pendu demain matin. Mais le roi, qu'il a
amusé, rit de sa frayeur et le met en posses-
sion dé Plumpton-Park. Au nombre des bal-
lades non historiques et de pure imagination ,
il en est une célèbre et qu'Addison a vantée
lui-même : c'est la ballade des Enfants dans
le bois. Deux pauvres enfants, après avoir
perdu leurs parents, sont restés sous la tutelle
d'un oncle qui convoite leur héritage. Cet
oncle fait, comme Richard III, marché avec
deux brigands pour qu'ils tuent ses neveux.
Les brigands emmènent les pauvres petits au
fond de la forêt. La peinture des jeunes or-
phelins, qui jouent le long de la route, offre
un trait naturel et touchant. L'aine de l'un
des sicaires s'émeut; mais l'autre, plus insen-
sible, se met en devoir de gagner son salaire.
Les deux brigands se battent entre eux. Le
mauvais est tué et le bon s'enfuit. Les pau-
vres enfants restent égarés dans le bois et
meurent d'inanition, les bras entrelacés. — On
connaît également la fameuse ballade intitulée
le Chevalier désappointé ou la Politique des
Dames. On y voit une jeune dame employer
toutes sortes de ruses pour garantir son hon-
neur des entreprises d'un chevalier discour-
tois. C'est un petit poème d'un tour spirituel
et gracieux. — La ballade de Marie Ambrée ,
espèce de Bradamante qui combat au siège de
Gand, celle de la Dame espagnole, de la Fille
brune, qui, croyant son amant banni, consent
à le suivre bien qu'il cherche, pour l'éprouver,
à la détourner de ce dessein, mériteraient,
toutes, les honneurs de la traduction. Nous
citerons encore celle qui a pour titre : Gentil
pâtre, dis-moi, et la Chasse de Chevy, comme
de parfaits modèles de ce genre dans lequel
Thomas Moore a excellé.
Robert Burns a composé un grand nombre
de ballades, parmi lesquelles plusieurs sont
des chefs-d'œuvre du genre. Burns n'était
pas seulement un grand poëte, doué d'une ima-
gination vive et féconde, c'était encore, et
avant tout, une do ces organisations aussi
puissantes que délicates, pour lesquelles la
nature est à la fois le livre et le maître par
excellence. L'humble fleur moissonnée par la
faux, une ruine solitaire, un rocher grisâtre,
un jour d'hiver froid et sombre, les éclats de
la foudre, le sourd grondement de la tempête
frappent vivement son imagination, et soudain
le rhythme et la mesure deviennent l'expres-
sion spontanée des idées et des sentiments
qui débordent de son âme. Tout en guidant
la charrue, tout en gardant ses bœufs dans
les pâturages, il prête l'oreille aux chants rus-
tiques tout pleins des souvenirs de la gloire
nationale ; aussitôt sa muse s'éveille et chante
avec enthousiasme les exploits des Bruce et
des Stuarts : « Ecossais, qui avez versé votre
sang en combattant sous Wallace ; Ecossais,
qui marchâtes si souvent sous la bannière de
Bruce, que la mort vous prépare un lit san-
glant, ou marchez à une victoire glorieuse !
le jour est arrivé, l'heure sonne. Voyez le front
des bataillons menaçants comme un nuage
prêt à éclater ! Regardez l'orgueilleux Edouard
s'avançant avec son armée , Edouard , les
chaînes et l'esclavage. » (Chant de Robert
Bruce à son armée avant la bataille de Ban-
nok-burn.)
Parmi les ballades de Burns, nous avons
choisi les deux suivantes pour en faire le
compte rendu, parce qu'elles sont les plus
propres à nous donner une idée de son talent
et de sa manière. De combien d'histoires tra-
giques l'église d'AUoway n'avait-elle pas été
le théâtre ? Certes, les traditions populaires ne
manquaient pas à ce sujet. On assurait même
que, la nuit, les sorciers y tenaient leur sab-
bat. Burns n'ignorait aucune de ces légendes,
auxquelles le paysan écossais croyait encore ;
peut-être, avec cette susceptibilité d'organes
dont il était doué , avait-il plus d'une fois
éprouvé un frisson involontaire en passant le
soir auprès de l'antique édifice. Ces murs
noircis par le temps, ces fenêtres étroites,
dont les vitraux brisés scintillaient dans l'om-
bre, le clocher, autour duquel voltigeaient les
oiseaux de nuit, le cimetière..... tout, en ces
lieux mal famés, devait imprimer dans son
âme une crainte superstitieuse. Telles sont
les circonstances dans lesquelles Burns a
chanté l'histoire très - véridique du brave
Tom O'Shanter :
« Lorsque le marché est près de finir, que
le colporteur quitte les rues, que le voisin
pressé par la soif rencontre un autre voisin
altéré, et que l'habitant de la campagne se
■dispose à quitter la ville ; lorsque nous nous
asseyons pour sabler la bière et que nous
commençons à nous griser et à trouver
ainsi le bonheur, nous ne pensons pas a la
longueur de nos milles d'Ecosse, ni aux landes,
ni aux marais, ni à ces brèches pratiquées
dans ces vieilles masures, ni à tous ces nom-
breux obstacles qu'il nous faut traverser pour
regagner la demeure où nous attend une
femme hargneuse qui rembrunit son front et
nourrit précieusement sa colère pour l'empê-
cher de se refroidir. Or, un soir de marché ,
Tom O'Shanter s'est trouvé à l'siise auprès
BAL
d'un bon feu, en face d'un pot de bière mous-
seuse, il a passé joyeusement une partie de
la nuit avec le cordonnier Johny, son cama-
rade le plus ancien et le plus altéré. Mais le
plaisir fuit comme l'ombre, l'heure sonne et
il faut partir. Cependant l'orage gronde et
mugit à travers les arbres, « le vent souffle
comme s'il soufflait pour la dernière fois. Les
ouragans pressent les bruyantes giboulées, les
ténèbres engouffrent les sillons de l'éclair ra-
pide, le tonnerre mugit sourdement et longue-
ment.... l'enfant même comprendrait que ,
cette nuit, le diable est très-atrairé. « — Bien
monté sur sa- grise Meg, Tom méprise la fu-
reur des éléments déchaînés et avance rapi-
dement en fredonnant un gai refrain. Tout va
bien ; mais à peine arrivé auprès de l'église
d'AUoway, notre homme s'arrête stupéfait;
d'affreuses sorcières s'y livrent, avec une joie
frénétique, à leurs danses infernales. A tout
autre moment , Tom se serait empressé d'a-
bandonner ce lieu ; à cette heure, il ne redoute
rien I Inspiratrice courageuse, John Barlycorn
(la bière), que de dangers tu peux nous fairo
braver I ■ Le vieux diable, assis sur une fe-
nêtre, joue de la cornemuse avec tant de force
qu'il fait trembler les poutres et les toits ; » les
sorcières sautent à qui mieux mieux et amu-
sent fort le joyeux compère. A la fin, celui-ci,
fasciné par ce spectacle fantastique, révèle
sa présence par une bruyante exclamation.
Au même instant, le bal cesse, et toute la bande
diabolique s'élance à la poursuite de l'impru-
dent fermier. Heureusement la vaillante Meg
part au galop, et fait si bien qu'elle sauve la
vie à son maître. »
Voilà bien les principaux incidents de cette
bizarre composition ; mais ce qu'il est impos-
sible de rendre, c'est l'entrain, la vie, le mou-
vement qui animent tous ces personnages
réels ou fantastiques; ce sont les traits heu-
reux, les saillies piquantes et originales qui
rajeunissent des types vieillis et leur donnent
tout l'attrait de la nouveauté.
Le chef-d'œuvre de Burns, c'est la ballade,
ou, si l'on veut, la chanson des Gueux; car ce
petit poSme réunit en lui seul les éléments
constitutifs des deux genres. C'est à la fin de
l'automne : les feuilles grises roulent dans les
rafales du vent; une joyeuse troupe de va-
gabonds vient faire ripaille au cabaret de
Poosie Nausie. « Ils trinquent et rient , ils
rient et se démènent; ils cognent, ils sautent
tant que les tourtières résonnent. » Le premier
auprès du feu, en vieux haillons rouges, est
un soldat avec sa commère. Il entonne a pleins
Eoumons la chanson : « J'étais avec Curtis aux
atteries flottantes, et j'y ai laisssé en témoi-
gnage un bras et une jambe. Pourtant, que
mon pays ait besoin de moi et me donne EUiot
pour commandant, et je ferai encore tapage
avec ma béquille au son du tambour. » Sa
commère reprend : « J'étais fille, quoique je
ne puisse dire quand » Son père fut dra-
gon, aussi tous ses galants ont porté l'uni-
forme ; maintenant, la paix l'a réduite à l'au-
mône ; mais à la foire de Cuningham elle a
retrouvé son ancien ami, et, «tant que de ses
deux mains elle pourra tenir .un verre, elle
boira à la santé de son héros. » Les autres
Ïiersonnages sont du même genre : un pail-
asse, une luronne coupeuse de bourses, un
pauvre nain, un chaudronnier ambulant; tous
déguenillés, braillards, bohèmes , qui s'empoi-
gnent, se rossent, s'embrassent et font trem-
bler les vitres des éclats de leur bonne humeur.
Puis' ils chantent en chœur : « Au diable ceux
que la loi protège! la liberté est un glorieux
festin. Les cours ont été bâties pour les pol-
trons; les églises pour plaire aux prêtres. —
Qu'est-ce qu'un titre ? qu'est-ce qu'un trésor?
qu'est-ce que le soin d'une réputation ? Si nous
menons une vie de plaisir , peu importe où et
comment! — La vie n est qu'une casaque
d'Arlequin, nous ne regardons pas comment
elle va. Allez cafarder sur le décorum, vous
qui avez des réputations à perdre. — A ta
santé des bissacs, des sacoches et des be-
saces ! à la santé de toute la troupe rôdante 1
à la santé de notre marmaille et de nos com-
mères ! Chacun et tous, criez : Amen! » Jamais
poète a-t-il mieux parlé le langage des révol-
tés et des niveleurs? Et cependant, qu'on ne
croie pas qu'il n'y ait ici qu'un appel brutal
aux mauvais instincts de l'homme. Il y a la
haine du cant , c'est-à-dire du convenu , du
factice. Ce que veut le laboureur de VAyr'skire,
c'est le retour à la nature ; et il en donne le
premier l'exemple. De là cette explosion de
joie tumultueuse, ce gros rire sans façon, ces
propos de taverne, cette surabondance de
séye et de vie. Béranger a traité le même
sujet; mais combien le poëte écossais lui est
supérieur pour le pittoresque de la mise en
scène, la variété des caractères et la puis-
sance de l'inspiration I
Walter Scott, Southey, Campbell et beau-
coup d'autres littérateurs anglais du premier
ordre ont aussi mêlé des ballades à leur ba-
gage poétique. La plupart de ces compositions
ne sont pas moins remarquables par l'intérêt
du sujet et la beauté du style que par le
charme des peintures naïves et naturelles que
tout le monde peut comprendre et. sentir.
Quelques-unes ont acquis justement une re-
nommée européenne : Les Enfants dans les
bois, l'Ombre de Marguerite, la Jeune fille aux
cheveux châtains, la Chasse dails les bois de
Chereintz , etc. , sont connues de tout le
monde. Nous allons mettre sous les yeux de
nos lecteurs la traduction ou l'analyse de
quelques autres.
BAL
BALLADE DE LORD WILLIAM.
Nul regard humain n'a vu lord William pré-
cipiter le jeune Edmond dans le fleuve; nul,
excepté William, n'a entendu le cri suprême
du jeune Edmond.
Tous les vassaux reconnurent humblement
le meurtrier pour leur maître , et il prit pos-
session , comme héritier légitime , du manoir
d'Erlingford.
L'antique manoir d'Erlingford s'élevait au
centre d'un beau domaine, et tout auprès cou-
laient, dans la plaine fertile, les eaux larges
et profondes de la Severn.
Souvent le voyageur aurait aimé à s'attar-
der en ces lieux , oubliant la route qu'il lui
restait à parcourir, pour contempler un si beau
spectacle.
Mais jamais îord William n'osait regarder
le cours de la Severn; dans chaque souffle du
vent qui effleurait les vagues, il entendait le
cri d'angoisse du jeune Edmond.
En vain , à l'heure silencieuse de minuit, le
sommeil fermait les yeux du meurtrier; dans
tous ses rêves, le meurtrier voyait se dresser
l'ombre du jeune Edmond.
En vain , poussé par le remords , lord Wil-
liam s'enfuit de sa demeure et des lieux té-
moins de son crime, pour faire de lointains pè-
lerinages.
Pèlerin infatigable , il courut vers d'autres
climats sans pouvoir échapper aux remords ;
il revint chez lui : la paix y était toujours in-
connue.
Lentes étaient les heures à s'écouler, mais
rapide semblait la marche des mois , et déjà
revenait le jour dont le souvenir faisait battre
de terreur le cœur de William :
Ce jour dont William sentait approcher le
retour avecépouvante; car sa conscience lui
rappelait trop bien le jour qui avait vu mourir
le jeune Edmond.
Jour affreux, s'il en futl la pluie tombait
par torrents, le tonnerre grondait, et les flots
gonflés de la Severn débordaient au loin sur
ses rives unies.
En vain lord William se livra aux plaisirs de
la table; en vain il vida sa coupe, cherchant
à étouffer dans une gaieté bruyante les angois-
ses de son cœur.
Chaque fois que l'orage, enflant sa voix,
éclatait en rugissements inattendus , le froid
glacial de la mort semblait pénétrer ses mem-
bres tremblants.
La nuit venue , il s'étendit à contre-cœur
sur sa couche solitaire, et l'excès de la fatigue
amena le sommeil... le sommeil... mais non le
repos.
Auprès de sa couche, il crut voir se dresser
devant lui son frère , lord Edmond lui-même ,
aussi pâle qu'il était quand , au lit de la mort,-
il prit dans ses mains la main de son frère.
Sa figure était aussi pâle qu'au moment où,
d'une voix faible et entrecoupée, il recom-
manda en mourant son fils orphelin à la solli-
citude de William.
« Je t'ai commis , avec la tendresse d'un
père, à la garde de mon pauvre Edmond ; et
tu as fidèlement veillé sur ce dépôt , Wil-
liam 1 reçois aujourd'hui la récompense qui
t'est due. »
William se réveilla soudain, tous ses mem--
bres étaient agités d'une frayeur convulsivo ;
il n'entendit que les sifflements de la tempête
nocturne... accords mélodieux pour ses oreil-
les effrayées.
Tout à coup retentit un cri d'alarme qui pé-
nètre au fond de son cœur... « Debout, lord
William , debout I les eaux sapent les murs
d'Erlingford. 1
Il se leva à la hâte... il vit le flot qui mon-
tait jusqu'au pied des murs et le cernait de
tous côtés : il était minuit , et point d'espé-
rance de secours 1
Il entendit un cri de joie , c'était un bateau
qui s'approchait du mur : tous le saluent et se
pressent avec ardeur à sa rencontre pour sau-
ver leur vie.
< Mon bateau n'est pas grand, cria le bate-
•lier, il n'en prendra qu'un seul; entrez, lord
William; vous autres, restez sous lu garde de
Dieu. »
D'étranges pressentiments s'éveillèrent en
eux à la voix du batelier ; même en ce mo-
ment d'angoisse douloureuse, nul, excepté le
châtelain, n'était disposé à le suivre.
William s'élança dans le bateau sans hési-
ter, tant sa frayeur était grande 1... « A toi la
moitié de mes trésors I s'écria-t-il ; vite, vite,
gagne le bord là-bas I »
Le batelier ramait avec force , et le bateau
descendait rapidement le cours du fleuve ,
quand lord William entendit tout à coup un
cri pareil au cri suprême d'Edmond.
Le batelier s'arrêta : « Il me semble que
j'ai entendu le cri de détresse d'un enfant! —
Non, répondit William, c'est le vent de la nuit
qui siffle autour de nous.
« Vite... vite... allons I de la vigueur et do
l'agilité! vite... vite... traverse le courant!»
Une seconde fois , lord William entendit un
cri pareil au cri suprême d'Edmond.
« J'ai entendu la voix plaintive d'un enfant,
répéta le batelier. — Non, dépêche-toi... la
nuit est sombre, et nous chercherions en vain.
— Grand Dieu! sais-tu, lord William, com-
bien il est horrible de mourir? et peux-tu
bien entendre sans pitié la voix défaillante
d'un enfant?
« Supplice affreux que de s'enfoncer sous
BAL
l'abîme qui se referme, de tendre en vain des
bras impuissants, d'appeler inutilement au se-
cours I »
Le cri d'angoisse se fit encore entendre,
plus aigu et plus perçant; la lune en ce mo-
ment brilla sur les flots à travers un nuage
déchiré.
Auprès d'eux ils virent un enfant debout
sur la pointe d'un rocher, que le flot environ-
nait de toutes parts et recouvrait insensible-
ment.
Le batelier redoubla d'efforts et le bateau
arriva auprès du rocher ; un rayon de la lune
éclaira la tète de l'enfant et fit voir sa figure
livide.
n Tends-lui la main, lord William, s'écria le
batelier, tends-la et sauve-le 1 » L'enfant allon-
gea ses petits bras pour saisir la main qui lui
était offerte.
Lord William poussa un cri terrible : les
mains de l'enfant, mortes et glacées, l'avaient
saisi. Le jeune Edmond pesait dans ses mains
comme une masse de plomb... il l'entraîna
avec lui , et tous deux s enfoncèrent sous les
flots vengeurs. Le meurtrier reparut et jeta
un cri suprême, mais personne ne l'entendit.
R. Southey.
BALLADE DE LA CHARITE.
Rien n'est aussi naïf que ce dialogue de
l'abbé de Saint-Godroyn et de son pauvre; le
début en est simple et majestueux. « C'était le
mois de la Vierge; le soleil était rayonnant au
milieu du jour, l'air calme et mort, le ciel tout
bleu. Et voilà qu'il se leva sur la mer un amas
de nuages d'une couleur noire, qui s'avancè-
rent dans un ordre effrayant, et se roulèrent
au-dessus des bois, en cachant le front écla-
tant du soleil. La noire tempête s'enflait. » On
ne saurait rendre la sauvage harmonie des
vers anglais ; mais on peut admirer dans
l'image de cette tempête, qui saisit la mer
dans son calme, des couleurs nettes et justes
et un tableau d'une saisissante réalité. Le su-
jet de la ballade est bien simple : deux moines
passent devant un mendiant; l'un, riche abbé
monté sur un palefroi, l'autre, pauvre frère
quêteur-, le premier l'injurie et ne lui fait
F oint l'aumône, le second lui donne un écu et
encourage par de bonnes paroles. Voilà tout
le poëme. Outre une rare perfection de style
et de rhythme, on y trouve de belles pensées
et des sentiments justes. « J'y vois, dit M. de
Vigny, une morale pure et toute fraternelle,
enveloppée dans une composition simple qui
rappelle la parabole du Samaritain; une sa-
tire très-fine, amenée sans effort, et ne dé-
passant jamais les idées et les expressions du
siècle ou elle semble écrite; et au fond de
tout cela, le sentiment sourd, profond, déso-
lant, inexorable d'une misère sans espérance ■
et que la charité même ne saurait consoler. »
C'est environ un mois avant sa mort que
Chatterton envoya cette ballade à l'éditeur du
journal Town and Country magazine, sous le
. titre de Ballade de la Charité, comme elle fut
écrite par le bon prêtre 2'homas Rowley, en
1464. Ce sont les derniers vers qu'il ait écrits.
Citons enfin, pour terminer ce que nous
avons à dire des ballades anglaises, un petit
chef-d'œuvre d'un auteur inconnu qui se
trouve dans le recueil publié par M. Loêve-
Veimars.
LA PETITE MENDIANTE.
«Je traverse dans l'abandon la montagne et
lemarécage ; j'erre, les pieds nus, et la fatigue
m'accable ; mon père est mort et ma mère est
pauvre; elle regrette les jours qui ne sont
plus.
» Ayez pitié de moi, cœurs généreux et hu-
mains 1 le vent est froid et la nuit approche ;
donnez-moi, par charité, quelques aliments
pour ma mère ; donnez-moi quelques aliments,
et je m'en irai.
• Ne m'appelez pas paresseuse, mendiante
ou effrontée ; je voudrais bien apprendre à
tricoter et à coudre; j'ai deux frères à la
maison; lorsqu'ils seront grands, ils travaille-
ront avec courage.
» 0 vous, qui vous réjouissez, libres et sans
inquiétude, garantis du vent, bien vêtus et
bien nourris, si la fortune changeait, songez
combien il serait affreux de mendier à une
porte pour un morceau de pain. •
L'Ecosse, qui eut longtemps sa langue dis-
tincte de la langue anglaise, compte aussi un
grand nombre de ballades. Nous citerons seu-
lement les deux suivantes :
JOHNIE DE BREADISLE.
Un matin du mois de mai, Johnie se leva
et demanda un vase pour y laver ses mains :
« Déliez, dit-il ensuite, les chaînes de fer qui
retiennent mes chiens fidèles. »
En entendant cet ordre, la mère de Johnie
se tordit les mains do désespoir, n Oh 1 si
vous voulez être béni par votre mère, Johnie,
n'entrez point dans la foret.
» Nous ne manquons ni de pain, ni de fro-
ment, ni de bon vin ; n'allez point vous expo-
ser pour de misérable gibier ; Johnie, je vous
en supplie, ne passez point le seuil. »
Mais Johnie disposa son arc, il choisit ses
flèches l'une" après l'autre; puis il gagna le
Durrisdeer pour chasser le daim fauve.
En descendant au Merriemass , il aperçut
uii daim caché sous une touffe de bruyère.
Johnie fit voler une flèche, et le daim fauve
prit la fuite ; il l'avait atteint au flanc. Entre
BAL
le coteau et la rivière, les chiens s'emparèrent
de la proie.
Johnie dépeça le daim. Il en retira les
poumons et le foie, et ses chiens sanglants
s'en régalèrent comme des fils de comte. '
Ils burent tant de sang et mangèrent tant
de chair qu'ils s'endormirent avec Johnie sur
la verdure.
Mais un vieux paysan passa dans la forêt
(qu'il meure d'une mort funeste 1 ). Il court vers
Hislington, où demeuraient les sept gardes.
« Que viens-tu nous apprendre, paysan aux
cheveux gris ? — Je ne viens vous apprendre
que ce que j'ai vu de mes yeux.
• Comme je descendais au Merriemass, j'ai
vu sous des églantiers un jeune homme fort
beau qui dormait entouré de ses chiens.
» Sa chemise était de toile fine de Hollande,
et son habit de l'étoffe la plus riche.
» Les boutons de sa manche étaient d'or
étincelant, et ses chiens fidèles avaient la
■queue ensanglantée.
• Le premier garde alors parla ainsi, c'était
le chef : « Si c'est Johnie de Breadisle, nous
ne verrons jamais personne de plus près. »
■ Le sixième garde dit à son tour (il était
fils de sa sœur) : » Si c'est Johnie de Bread-
isle, nous le tuerons bientôt. »
A la première volée de traits que les
gardes envoyèrent, ils blessèrent Johnie au
genou. Alors le septième garde s'écria : « Une
seule flèche encore le fera mourir. »
Johnie appuya son dos contre un chêne, son
pied sur une pierre, et il tua les sept gardes
de la forêt, hors un seul. - -
Mais il lui brisa trois côtes et la clavicule,
puis il le mit en double sur un coursier, et
lui dit de porter de ses nouvelles à la maison.
« Oh ! n'est-il pas ici quelque doux oiseau
qui veuille chanter mes paroles, voler vers
ma mère et lui dire de secourir Johnie?"
Un sansonnet vola vers la fenêtre de sa
mère : il commença à chanter et à siffler, et
toujours le refrain de son chant était : » Joh-
nie tarde longtemps. »
Ils prirent une branche de noisetier, une
branche de prunier et vinrent en grand nom-
bre pour emporter Johnie.
Alors Sa vieille mère fut inondée de lar-
mes. « Ah ! je vous avais conjuré, mon fils
Johnie, de ne point aller à la chasse.
» J'ai souvent apporté à Breadisle de gran-
des richesses, mais je n'y revins jamais si
triste en apportant un tel trésor. .
» Puisse le vieux paysan mourir d'une mort
fatale 1 Un jour il recevra la récompense au
haut de l'arbre le plus élevé des bords du
Merriemass.
» L'arc de Johnie est brisé maintenant, ses
chiens fidèles sont tués, son corps repose dans
Durrisdeer, et sa chasse est finie. »
LE DEMON ET LA JEUNE MÈRE.
Sous la figure et les armes brillantes d'un
noble chevalier, le démon apparut devant
une jeune châtelaine. Remise de son effroi,
elle lui dit :
n Où êtes-vous allé pendant sept longues
années et plus? — Je reviens à mes premiers
serments, ceux que vous avez reçus jadis.
— Paixl ne parlez plus de serments ; au-
jourd'hui je suis épouse. »
Il se détourna silencieux, puis revint ; une
larme obscurcissait son œil. « Jamais je
n'eusse foulé la terre d'Irlande, si ce n'avait
été pour toi.
• Il n'a tenu qu'à moi d'épouser la fille d'un
roi, loin, bien loin par delà les iners; il n'a
tenu qu'à moi d'épouser une royale dame, si
ce n'avait été pour toi.
— Si tu n'as pas épousé cette royale fille,
tu n'en peux blâmer que toi-même. Que ne
l'épousais-tu? Ne sais-tu pas bien que je ne
suis pas fille de roi? »
. Le chevalier insista et feignit une douleur
qu'il ne ressentait pas au fond du cœur. La
jeune femme tremblante, fascinée, lui dit :
« Mais s'il me fallait abandonner un tendre
époux et mes deux petits innocents , mes
chéris, où mettrais-tu ta fugitive, et comment
l'emmènerais-tu?
— J'ai sept vaisseaux sur les mers, sept
vaisseaux chargés d'or ; le huitième m'attend
sur la rive avec ses vingt-quatre matelots, et
il résonne de musique et de joyeux concerts. »
Elle presse contre son sein ses petits inno-
cents ; elle baise leurs joues, elle baise, leur
menton : « Oh!. soyez heureux, mes chers
petits, je ne vous reverrai plus jamais I »
Elle avait mis son pied sur la nef, et elle
n'y voyait aucun marin ; les voiles étaient de
soie, et les mâts d'or bruni.
Elle n'a pas navigué une lieue, une seule,
une lieue ou tout au plus trois, que sa figure
s'est attristée et que son ceil s'est assombri.
Les mâts, semblables à l'or bruni, ne se
courbent pas sur les vagues houleuses; les
voiles de soie ne se gonflent pus ù la brise de
terre, à la brise do l'est.
Ils n'ont pas navigué une lieue, une seule,
une lieue ou tout au plus trois, qu'elle décou-
vre le pied fourchu qui passe, et elle pleure
amèrement.
« Oh ! retenez vos larmes et taisez-vous, dit-
il; je n'ai que faire de vos plaintes. Ne pleu-
rez plus et je vous montrerai les lis qui crois-
sent sur les rives de l'Italie.
— Oh I quelles sont ces collines là-baut, ces
belles cimes sur lesquelles l'éclat du soleil est
si doux? — Là, sont les frontières du ciel,
dit-il, du ciel que vous ne gagnerez pas.
BAL
— Oh ! quels sont ces rochers si affreux que
couvrent les glaces et les frimas? — Là sont
les montagnes de l'enfer, dit-il, de l'enfer où
vous et moi nous nous rendons. »
Et voilà qu'elle se tourne, le regarde; il
grandit, et toujours il lui semble plus grand;
les mâts du rapide navire ne sont pas si hauts
que lui.
Les nuages s'épaississent; le vent s'élève
et mugit ; 1 écume salée rejaillit jusqu'au front
de la dame; et, sur les eaux rougissantes, des
esprits blancs comme la neige hurlent : Mal-
heur! malheur I
Il frappe le mât de perroquet de la main, le
mât de hune du genou; il brise en deux l'es-
quif léger, et la dame tombe au fond des mers.
En Allemagne , 'comme en Angleterre, la
ballade n'est autre chose qu'un petit poëme
propre à frapper l'imagination des petits comme
des grands et à se graver dans la mémoire de
tous. Le plus ancien poëme allemand, le chant
des Niebelungen, peut être considéré comme
une suite de vieilles ballades qui, probable-
ment, furent composées à des époques diffé-
rentes par des bardes dont les noms sont
restés inconnus; elles n'existèrent longtemps
que dans la mémoire du peuple, et elles se
sont transmises de génération en génération
jusqu'au jour où elles furent réunies de ma-
nière à former une grande épopée. Quoi qu'il
en soit, ce n'est que dans la seconde moitié du
xvme siècle que le mot ballade reçut une dé-
finition exacte et une délimitation précise, qui
le rendit propre à désigner un genre spécial
dans la littérature allemande. C'était désor-
mais un récit emprunté au monde du merveil-
leux et du fantastique ; ou lorsque ses héros
n'étaient pas pris dans un milieu imaginaire, .
elle se rapprochait alors de la complainte et
ne servait plus qu'à perpétuer le souvenir de
quelque drame sanglant. Quatre poètes, en
Allemagne, sont considérés, à juste titre,
comme les maîtres du genre : Bùrger, Schiller,
Goethe et Uhland. — Bùrger, familiarisé avec
les poètes anglais et surtout écossais qui, au
xivc siècle principalement, avaient affectionné
et adopté cette forme, fut le véritable père de
la ballade allemande. A côté de la partie
épique il introduisit la partie descriptive. Il
alla plus loin : par l'introduction fort ingé-
nieuse du dialogue dans ces petits poèmes, il
dramatisa si bien les événements qu'il donna
à ses ballades une vie, une animation, et, par-
tant, un intérêt inconnus jusqu'alors. Sa
Lénore est restée le modèle du genre ; le
Brave homme, le Chasseur féroce, l'Empereur
et le Prieur ne sont pas moins populaires.
Schiller, plus descriptif, plus lyrique aussi,
rapprocha la ballade du lied allemand. Quel-
quefois il néglige le fait qui lui sert de sujet
pour prendre son vol vers des splières plus
élevées; sa ballade devient une élégie, une
ode, un dithyrambe. Il paraît difficile assuré-
ment de ne voir que de simples ballades dans
le Chant de la Cloche, Résignation, Idéal, et
quelques autres de ses sublimes inspirations;
mais il reprend tous ses droits de conteur
poétique dans le Plongeur, la Caution, la Lutte
avec le T)ragon, le Message à la forge, les
Crues d'Ibicus. Goethe et Uhland replacèrent
la ballade sur son véritable terrain, et le Roi
de Thulé, le Roi des A ulnes, l'Apprenti sorcier,
la Fiancée de Corinthe, le Dieu et la Bayadère
du premier, la Malédiction du chanteur, Tail-
lefer, le Roi aveugle et la Chronique souabe du
second, sont d'admirables petits chefs-d'œuvre
qui n'ont pas peu contribué à la gloire de leurs
auteurs. Le peuple, d'ordinaire, n'a ni les
moyens d'acquérir les œuvres de longue
haleine de ses grands poètes, ni le temps de
les lire; mais sa mémoire retient ces petits
poèmes , et , reconnaissant de la jouissance
éprouvée, il les transmet fidèlement de père
en fils ; l'enfant sous le regard de la mère, dès
qu'il a pu parler, a balbutié ces vers, et plus
tard l'homme se rappelle quevsa première
leçon de récitation a été telle ballade de
Schiller ou de Goethe; — Après les quatre
grands noms que nous venons de citer, une
place honorable, distinguée même, est encore
acquise à Pieck, Schwab, jChamisso, Zedlitz
(la Revue nocturne), Lenau, Schubert, les
frères Schlegel, etc. Mais, afin de rendre plus
complet notre article sur les ballades, nous
allons donner quelques-unes de celles qui nous
paraissent les plus dignes d'être connues.
Les ballades de Bùrger seront toujours son
principal titre de gloire. On peut dire que la
terreur est une source inépuisable d effets
poétiques, particulièrement dans le Nord.
Parmi les moyens d'exciter la terreur, l'un des
plus fréquemment et des plus heureusement
employés, parce qu'il est tout particulièrement
populaire, c'est la croyance aux revenants et
aux sorciers. Et l'effet en sera singulièrement
augmenté si le poëte peut employer une cer-
taine familiarité d'expression , qui , tout en
prêtant au récit plus de naturel, n enlève point
à la poésie sa dignité. Celui de tous les poètes
allemands qui a le mieux su exploiter celte
mine féconde de3 superstitions et des légendes
populaires, c'est assurément Bùrger.
Sa Lénore est chantée d'un bout de l'Alle-
magne à l'autre. Comme tous les poëmes
épiques d'une haute portée, elle ne fut que le
jet, que l'inspiration du moment. Bùrger l'é-
crivit pour amuser un cercle de convives,
poètes distingués : elle produisit un effet de
terreur instantanée qui décida la vocation
poétique de l'auteur. La Fille du Pasteur de
BAL
115
Taubenhein peut être considérée comme la
composition la plus tragique qui soit sortie de
la plume de Bùrger. Rien de plus simple que
le thème, qui consiste dans la séduction d'une
jeune fille par un grand seigneur. Il s'y trouve
des détails d'une inimitable beauté, et la gra-
dation des sentiments .de la femme séduite est
rendue avec un talent vraiment infernal.
Quelques ballades de Bùrger sont écrites sur
un ton presque goguenard et parfois trivial.
D'autres sont dans le genre erotique, telles
que l'Hymne à mon idole. Enfin , certaines
ballades offrent des tableaux voluptueux.
Bùrger ambitionnait le, titre de poste popu-
laire : il l'a obtenu, remarque un bon critique,
mais en descendant jusqu'au peuple, non en
élevant le peuple jusqu'à lui.
Voici l'analyse de la célèbre ballade de
Lénore, telle que l'a donnée Mme de Staël dans
son livre sur l'Allemagne.
• Une jeune fille s'effraye de n'avoir point
de nouvelles de son amant parti pour l'armée ;
la paix se fait; tous les soldats retournent
dans leurs foyers. Les mères retrouvent leurs
fils, les sœurs leurs frères, les époux leurs
épouses; les trompettes guerrières accompa-
gnent les chants de la paix, et la joie règne
dans tous les cœurs. Lénore parcourt en vain
les rangs des guerriers; elle n'y voit point
son amant; nul ne peut lui dire ce qu'il est
devenu. Elle se désespère : sa mère voudrait
la calmer ; mais le jeune cœur de Lénore se
révolte contre la douleur ; et, dans son égare-
ment, elle renie la Providence. Au moment
où le blasphème est prononcé , on sent dans
l'histoire quelque chose de funeste, et dès cet
instant l'âme est constamment ébranlée. — A
minuit, un cavalier s'arrête à la porte de
Lénore : elle entend le hennissement au cheval
et le cliquetis des éperons : le chevalier frappe ;
elle descend et reconnaît son amant. Il lui de-
mande de le suivre à l'instant, car il n'y a pas
un moment à perdre, dit-il, ayant de retourner
à l'armée. Elle s'élance; il la place derrière
lui, sur son cheval, et part avec la promptitude
de l'éclair. Il traverse au galop, pendant la
nuit, des pays arides et déserts; la jeune fille
est pénétrée de terreur, et lui demande sans
cesse raison de la rapidité de sa course; le
chevalier presse encore plus les pas de son
cheval par ses cris sombres et sourds, et pro-
nonce à voix basse ces mots : Les morts vont
vite, les morts vont vite. Lénore répond : Ah!
laisse en paix les morts! Mais toutes les fois
qu'elle lui- adresse des questions inquiètes, il
lui répète les mêmes paroles funestes. — En
approchant de l'église où il la menait, disait-il,
pour s'unir avec elle , l'hiver et les frimas
semblent changer la nature elle-même en un
affreux présage : des prêtres portent en pompe
un cercueil, et leur robe noire traîne lentement
sur la neige, linceul de la terre; l'effroi de la
jeune fille augmente, et toujours son amant la
rassure avec un mélange d'ironie et d'insou-
ciance qui fait frémir. Tout ce qu'il dit est
prononcé avec une précipitation monotone,
comme si déjà, dans son langage, l'on ne sen-
tait plus l'accent de la vie; il lui promet de la
conduire dans la demeure étroite et silencieuse
où leurs noces doivent s'accomplir. On voit
de loin le cimetière, à côté de la porte de l'é-
glise : le chevalier frappe à cette porte, elle
s'ouvre ; il s'y précipite avec son cheval, qu'il
fait passer au milieu des pierres funéraires;
alors le chevalier perd par degrés l'apparence
d'un être 'Wvant : il se change en squelette,
et la terre s'entr'ouvre pour engloutir sa
maltresse et lui. »
LÉNORE.
D'un songe affreux Lénore poursuivie
S'est éveillée avant l'aube du jour.
■ Mon cher Wilhelm, as-tu perdu la vie?
Es-tu parjure, ou près de ton retour? •
Sous Frédéric il partit pour l'armée,
Et fut à Prague avec son régiment;
Mais depuis lors la pauvre bien-aimée
N'apprit plus rien du sort de son amant.
L'impératrice et son fier adversaire,
Moins obstinés enfin dans leurs projets,
Et fatigués des fureurs de la guerre,
Après sept ans avaient signé la paix.
Leurs bataillons, à la riante allure,
Musique en tête avec refrains joyeux,
Parés de fleurs, couronnés de verdure,
Drapeaux flottants, s'en retournaient chez eux.
Le peuple accourt partout sur leur passage ;
Des cris de joie accueillent les soldats;
Jeunes et vieux exaltent leur courage;
Parents, amis, tous leur tendent les bras.
* Te voilà donc! dit mainte fiancée,
Sois bienvenu ! quel bonheur ! quel beau jour I.
Lénore, hélas! rêveuse et délaissée.
Appelle en vain le baiser du retour.
Allant, venant, parlant à chaque bande,
Elle interroge officiers et soldats ;
Aucun ne peut répondre & sa demande :
Tous ont passé... Wilhelm ne parait pas.
Arrive enfin le dernier corps d armée,
Mais il ravit tout espoir à son cœur...
Lénore, pâle et presque inanimée.
Tombe, en poussant un long cri de douleur.
Sa mère accourt et vers elle s'élance :
■ Que vois-je ? ô Dieu ' qu'as-tu, ma chère enfant?
Viens dans mes bras, parle avec confiance,
Dis-moi ton mal; je t'écoute en tremblant.
— Oh ! c'en est fait ; tout est perdu, ma mère !
Tout est perdu, las! mon Wilhelm est mort!
Plus rien, plus rien ne m'attache a la terre ;
Dieu, sans pitié, m'abandonne à mon sort !
— Aide, Seigneur! Au moment du naufrage
Les affligés n'ont que toi pour soutien.
Dis un Pater, enfant, cela soulage;
Ce que Dieu fait, il le fait toujours bien.
— Que votre foi, ma mère, est puérile!
De mon bonheur Dieu n'a pris aucun fioin;
Il a jugC ma çriére inutile.
Et désormais il n'eu est plus besoin.
■116
BAL
— Aide, Seigneur! qui te connaît, mon Père,
Sait qu'en tous lieux ton secours est certain.
Ma chère enfant, pour calmer ta misère.
Approche-toi du sacrement divin.
— Ma mère, il n'est, pour éteindre ma flamme,
Ni sacrement ni remède ici-bas ;
Nul sacrement ne peut rappeler l'âme
D'un bien-aimé, victime du trépas!
— Ecoute, enfant! ne pourrait-il se faire
Que le perfide eût abjuré sa foi.
Pour épouser une femme étrangère,
Et qu'en Bohême il vécût sous sa loi ?...
Crois-moi, renonce au cœur de ce parjure;
11 palra cher tant de déloyauté!
Au jour fatal, Dieu, vengeur de l'injure,
Saura punir son infidélité.
— Oh! c'en est fait! Wilhelm est mort, ma mère!
Il est perdu, oui, perdu sans retour :
Je n'ai sans lut plus d'espoir sur la terre;
Périsse l'heure où je reçus le jour!
Mort! frappe-moi, brise mon existence, ,
Que mon nom soit a jamais oublié!
Jouis, 6 Dieu ! jouis de ma souifrance ;
Malheur à moi! tu n'as point de pitié!
— Pardon, Seigneur! oh! puisse ta justice
Ne pas juger ton enfant aujourd'hui!
De ses transports son cœur n'est point complice ;
Pitié pour elle! o Dieu! pardonne-lui!...
Ma 911e, oublie enftn ta peine amère,
Songe a. Dieu seul, au salut éternel ;
Si ton amour est trahi sur la terre,
Eh! n'as-tu pas un époux dans le ciel?
— Laissons, ma mère, un salut chimérique!
Eh ! que m'importe un époux dans les cieux!
"Wilhelm, "Wilhelm est mon bonheur uniqur;
Vivre sans lui, c'est l'enfer à mes jeux !
C'en est fait, viens, viens, 6 Mort! je t'appelle;
Eteins mes jours dans l'horreur et l'efTroi !
Je ne veux point de la vie éternelle;
O cher "Wilhelm, je n'en veux point sans toi! -
Rien ne calmait son désespoir extrême;
Son sang brûlait par la fièvre irrité ;
Sa bouche impie exhalait le blasphème
Et s'attaquait a la Divinité.
La pauvre enfant, défaite, échevelée,
Meurtrit son sein, versa des pleurs amers,
Jusqu'au moment où ta nuit étoilée
Dans le sommeil vint plonger l'univers.
Chut!... au dehors quels pas se font entendre?
C'est un coursier qui s'approche au grand trot.
Un cavalier, bruyamment, vient descendre
Près du perron et le monte aussitôt...
Que vient-il faire a cette heure avancée?
Chut!... écoutez!... il sonne à petits coups;
Puis on entend une voix empressée
Jeter ces mots à travers les verroux :
• Holà! holà! viens, ouvre-moi, ma belle!
Dors-tu? réponds; c'est moi, ton fiancé!
Ton cœur m'est- il toujours resté Bdèle?
Lève-toi vite !... Ouvre, je suis pressé !
— Oh! cher Wilhelm! 6e peut-il? est-ce un rêve?
Est-ce bien toi?... Je te croyais perdu!
J'ai bien souffert, mais ta voix me relève-
Pourquoi si tard?... Mon ami, d'où viens-tu?
— Minuit pour nous est l'heure de la route;
Il m'a fallu bravement chevaucher !
Je viens de loin, de la Bohême... Ecoute !
11 faut me suivre, et je viens te chercher.
— Entre d'abord, cher Wilhelm, je t'en prie ;
Le vent du nord siffle dans les bouleaux;
Viens te chauffer auprès de ton amie,
Viens dans mes bras, viens goûter le repos?
— Laisse siffler le vent du nord, ma bonne!
Mon cheval noir se démène et hennit,
Et l'on entend l'éperon qui résonne!
Dépêchons-nous ! tout ici me trahit.
Chausse-toi vite, allons, suis-moi, ma chère!
Viens, monte en croupe et partons ù l'instant,
Car nous avons bien cent milles à faire,
Pour arriver au lieu qui nous attend.
— Quoi! lu, voudrais m'emmener tout à l'heure
Et cette nuit faire un si long; chemin?
Déjà la cloche a sonné l'onzième heure;
N'entends-tu pas vibrer encor l'airain?
— Lénore, vois ! la lune nous éclaire ;
Nous et les morts nous voyageons bon train.
Si loin que soit notre asile, ma chère ,
Nous l'atteindrons, je gage, avant demain.
— Dis-moi, Wilhelm, où donc est ta chambretteï
— Bien loin d'ici! — Comment est fait ton lit?
— Six ais cloués composent ma couchette,
En un lieu frais, silencieux, petit.-.
— Puis-je y loger? — Oh ! deux y trouvent place;
Viens, hâtons-nous, prends ton élan, voyons !
Des conviés l'attente enfin se lasse,
La chambre est prête, amie, allons, parlons 1 •
A peine il dit, que Lénore s'avance;
Un doux frisson l'agite en ce moment;
Sur le coursier, légère, elle s'élance;
Ses bras de lis étreignent son amant.
Au grand galop ils volent hors d'haleine;
Le feu jaillit et brille sous leurs pas;
A bonds forces le coursier fend la plaine,
Et du gravier lance au loin les éclats...
A leurs i égards, dans ce fougueux voyage,
Tout semblait fuir, prés, champs, vastes forêts ;
Le* ponts tonnaient, tonnaient bous leur passage ;
Four e*ux les monts abaissaient leurs sommets.
• M'amie a peur? Vois! la lune rayonne;
Courons, hourrah! tout cède à nos efforts!
■Les morts vont vite! eu as-tu peur, ma bonne?
— Non, mon ami ; mais laisse en paix les morts ! *
— Quel bruit la-bas, quels chants dans les ténèbres?
Vois! dans les airs tournoyer ces corbeaux...
J'entends le glas!..j j'entends ces mots funèbres:
■ Portons le corps dans les champs du repos. *
Lors un convoi s'approche et se déroule,
Cercueil en tète à sombres ornements.
Les chants confus et plaintifs de la foule
Semblaient former de sourds croassements...
• Après minuit mettes le corps en terre !
Cessez vos chants et le glas sépulcral!
J'emporte ici la femme qui m'est chère ;
Suivez-mot tous au festin nuptial...
Viens, sacristain 1 viens réciter l'office,
Fais chanter l'hymne et ronfler le serpent.
Toi, prêtre ! viens, que ta voix nous unisse !
Le temps nous presse ; au gîte on nous attend. •
A cet appel, plus de glas, de cantique;
Le noir cercueil a disparu sans bruit,
Et sur-le-champ le convoi fantastique
lUjoint le couple et bravement tu suit...
Au grand galop ils volent hors d'haleino;
Le feu jaillit et brille sous leurs pas;
A bonds forcés le coursier fend la plaine.
Et du gravier lance au loin les éclats.
BAL
De tous cotés, dans leur fougueux voyage,
Les monts, tes bois, les hameaux, les cités,
Confusément s'envolent au passage.
Et comme un trait sont loin d'eux emportés...
, ■ M'amie a peur?... Vois! la lune rayonne;
Courons, hourrah! tout cède à nos efforts!
Les morts vont vite ! en as-tu peur, ma bonne? •
— Ah ! laisse donc, laisse en repos les morts !
— Mais devant nous quelle plaisante scène!
Au clair de lune aperçois-tu là-bas
Sous les gibets la gent aérienne,
Qui danse en rond et qui prend ses ébats?...
• Ah çà! venez, enfants de la potence!
Rire & ma noce et gambader au bal;
Venez! venez! vous ouvrirez la danse.
Et nous suivrez jusqu'au lit nuptial. •
Il dit. La bande accourt, les environne
A flots bruyants, ainsi que dans les bois
La feuille sèche, en sifflant, tourbillonne,
Quand tous les vents mugissent à la fois.
Au grand galop ils volent hors d'haleine;
Le feu jaillit et brille sous leurs pas;
A bonds forcés le coursier fend la plaine,
Et du gravier lance au loin les éclats.
Dans leur essor, à peine ils touchent terre;
Tout disparaît et s'envole à leurs yeux,
Et les objets qu'au loin la lune éclaire,
Et les flambeaux de la voûte des cieux.
• M'amie a peur?... Vois! la lune rayonne;
Courons, hourrah! tout cède à nos efforts!
Les morts vont vite ! en as-tu peur, ma bonne ? •
— De grâce, ami, laisse en repos les morts!
— Ça! mon coursier, le coq se fait entendre;
Je sens déjà la fraîcheur du matin ;
Courage, allons! ne te fais pas attendre;
Le sablier va tirer à sa fin...
Nous voici donc au terme du voyage!
Les trépassés vont d'un train sans égal ;
11 est fini, notre pèlerinage;
Je vois s'ouvrir notre lit nuptial! ■
Disant ces mots, il vole à toute bride
Vers une grille à deux vastes battants ;
De sa houssine il frappe un coup rapide,
Et les verrous tombent obéissants :
Avec fracas la double porte s'ouvre;
D'un bond subit les voilà dans l'enclos.
Au clair de lune, autour d'eux se découvre
Un vaste champ de croix et de tombeaux.
Riais tout à coup, ciel! comment le redire?
La scène change... Oh! quel prodige affreux!
Du cavalier le manteau se déchire,
Et, comme usé, tombe en flocons poudreux...
Wilhelm n'est plus qu'un objet d'épouvante,
Un blanc squelette assis sur son coursier;
Il est armé d'une faux menaçante,
Et tient en main le fatal sablier.
Le coursier noir en frémissant se dresse,
De ses naseaux un trait de feu jaillit;
La terre tremble et sous ses pieds s'affaisse ;
Soudain le sol s'entr'ouvre et l'engloutit...
Des hurlements descendent de la nue;
Et des tombeaux s'élève un long soupir,
Lénore lutte, et par la mort vaincue.
Ferme les yeux pour ne plus les ouvrir.
Puis les esprits dansèrent autour d'elle,
Au clair de lune en se tenant la main.
Et pour finir là ronde solennelle,
Tous d'une voix hurlèrent ce refrain :
. Quand la douleur vient accabler ta vie,
Résigne-toi, n'accuse point le ciel!
Ton. âme enfin du corps est affranchie ;
Que la pitié désarme l'Eternel! •
Traduction de M. P. Leur.
M. E. Deschamps a écrit sur cette célèbre
ballade une imitation que nous donnons ici :
LE SPECTRE.
Allons, flambez, torches fatales !
Bruyants démons, peuplez les salles!
Grincez, frappez, aigres cymbales!
Mugissez tous, clairons de fer!
Sombre galop, ruez-vous dans la fête ;
Plus fort, plus fort!... Et comme la tempête!
Il est minuit : sans qu'on s'arrête,
Jusqu'au matin le bal d'enfer!
Vois, je suis Mendoce. .
Ne tremble pas ainsi,
C'est ta nuit de noce.
C'est donc la mienne aussi.
Tournonset bondissons!.. .N'es-tu pas bien heureuse,
Ma Lénore, si près de moi?
LA MARIÉE.
Comment! toi là! toi, mort!.... Mendoce!..,. Nuit
Cette voix funèbre! Tais-toi! [affreuse!
LE SPECTRE.
Jamais!
Allons, flambez, torches fatales!
Bruyants démons, peuplez les salles !
Grincez, frappez, aigres cymbales !
Mugissez tous, clairons de fer !
Sombre galop, ruez-vous dans la fête!...
Plus fort, plus fort!... Et comme la tempête! *
11 est minuit: sans qu'on s'arrête,
Jusqu'au matin le bal d'enfer!
Tu m'as dit : • Je t'aime,
La mort n'y 'fera rien. •
J'en fis vceu de même;
Je viens prendre mon bien.
Tournons et bondissons!... Prends mon anneau, cher
Et qu'un baiser m'unisse à toi!... [ange!
LA MARIÉE.
Ton bras me glace... Dieu! ma raison se dérange!
Mon cœur se brise... Ah ! lâche-moi !
LE SPECTRE.
Jamais!
Allons, flambez, torches fatales!
Bruyants démonB, peuplez les salles!
Grincez, frappez, aigres cymbales!
Mugissez tous, clairons de fer!
Sombre galop, ruez-vous dans la fête!...
Plus fort, plus fort!... Et comme la tempêtel
11 est minuit : sans qu'on s'arrête.
Jusqu'au matin le bal d'enfer!
Mais quel est ce comte
Qu'ils disent ton mari?
Dis-leur donc sans honte .
Mendoce est mon chéri.
Tournons et bondissons ! la lune nous invite...
Viens dans les champs, suis ton époux!
LA MARIÉE.
Je n'y vois plus!... je meurs!... Ciel!... où vas-tu si
Quand donc nous arrêterons-nous? [vite?
LB SPECTRE.
Jamais!
Dehors, dul'.ors ! torches fatales! •
BAL
Bruyants démons, quittez les salles!
Grinçant toujours, sonnez, cymbales!
Et vous aussi, clairons de fer!
Roule, galop! roule, folle tempête!...
J'entends le coq!... Allons, sans qu'on s'arrête,
Allons! c'est là-bas notre fête.
Là-bas, les noces de l'enfer ! ! !
Passons maintenant a l'analyse de quelques
autres ballades de Bilrger ;
LE CHASSEUR FEROCE.
Une légende que la superstition accrédite
encore aujourd'hui en Allemagne a fourni à
Bilrger le sujet de cette ballade. Bien souvent
dans les nuits sombres on entend dans les airs
les aboiements d'une meute furieuse, le son
des cors et les cris des chasseurs, c'est le
chasseur féroce qui passe, dit-on; voici com-
ment Bùrger a dramatisé, dans la forme la plus
poétique, l'origine de cette croyance. Un noble
comte, malgré la solennité du dimanche, part
pour la chasse avec ses valets et sa meute. -
A peine a-t-il quitté son château qu'un che-
valier avec une tunique blanche arrive au
grand galop et, se plaçant à sa droite, le con-
jure de ne pas profaner le jour du Seigneur;
mais un autre chevalier, revêtu d'une armure
noire, a pris la gauche du comte, et lui fait
honte de se soumettre à ce qu'il appelle des
préjugés de vieillard et de bonne femme. Le
comte n'est que trop disposé à céder aux mau-
vaises inspirations, et quand il a fait lever un
magnifique cerf, il ne respecte plus, dan3 la
poursuite furieuse qu'il donne à la bête, ni
nommes ni moissons. Il arrive à un champ de
blé, l'unique fortune d'un pauvre laboureur;
celui-ci se jette à genoux devant le cheval du
chasseur et le supplie de ne pas dévaster son
champ. Le chevalier à la tunique blanche se
joint à lui pour implorer la pitié du comte, mais
le sombre compagnon de sa gauche prend en-
core le dessus avec ses railleries, et la récolte
du pauvre, sa seule ressource, est saccagée
complètement. Il en arrive de même à un trou-
peau de bœufs et de moutons, toute la richesse
d'un village ; les bêtes et le berger sont massa-
crés. Enfin le cerf poursuivi se réfugie dans ta
cabane d'un vieil ermite ; le saint homme sup-
pliant demande grâce pour la bête ; les deux
chevaliers s'en mêlent pour la troisième fois,
pour la dernière fois, dit le bon ange du comte,
qui n'était autre que le cavalier de droite. Le
chasseur , enivré de sang ? n'écoute plus rien,
il fond sur l'ermite, le glaive levé-, mais voilà
que tout disparait devant lui. Il ne voit plus ni
cabane, ni ermite, ni chevaliers, ni meute, ni
chasseurs ; il est seul au milieu de la forêt et
le ciel s'obscurcit. Une terreur mortelle le sai-
sit, il ne peut ni avancer, ni reculer ; et, cloué
à cette place, il entend une voix formidable pro-
noncer sur lui un arrêt terrible, qui le condamne
à la chasse l'éternité durant. Désormais ce sera
lui le poursuivi, et les chasseurs seront tous
les monstres de l'enfer déchaînés à sa suite,
et pour qu'il ait ce spectacle horrible éternelle-
ment devant les yeux, une main gigantesque
lui a saisi le cou et lui a retourné la tête. Il
verra donc ces furies toujours près de l'at-
teindre, et toujours en fuyant devant elles, il
éprouvera les mêmes angoisses. Et à peine la
voix a-t-elle parlé, que la chasse infernale
commence. La passion du chasseur est peinte
de main de maître ; dans l'enivrement de sa
force, il arrive jusqu'au crime. Les deux che-
valiers, son bon et son mauvais génie, répètent,
comme les oracles de l'antiquité, toujours la
même formule, et ce procédé n'est pas sans pro-
duire un grand effet. On dirait qu'on sent mieux
toute leur puissance mvstérieuse et leur supé-
riorité surnaturelle, grâce a ces paroles qu'une
inflexible nécessité semble avoir coulées dans
un moule inaltérable. La description enfin de
la solitude qui environne tout à coup le comte
donne le frisson au lecteur le plus insensible.
On pourrait dire d'une pareille ballade ce que
Boileau, dans son Art poétique, disait d'un son-
net bien fait : cela vaut tout un poëme épique.
LA CHANSON DU BRAVE HOMME.
Le chant raconte l'action héroïque d'un pau-
vre paysan qui sauve une famille dans une
inondation. La neige fond sur les montagnes,
le fleuve grossit et monte. Sur des piliers mas-
sifs s'élève un pont de pierre, au milieu est une
maisonnette où habitent le gardien, sa femme
et son enfant. La destruction menace la mai-
son. Dieu du ciel, ayez pitié d'eux I Un noble
comte arrive au grand galop : « Deux cents
pistoles à qui sauve ces malheureux. » Voici
venir un paysan; il éconte le comte, regarde
le péril et hardiment, au nom de Dieu, saute
dans une barque. La malheureuse famille est
sauvée, mais le brave homme refuse l'or du
comte. Ce récit est d'un intérêt saisissant,
il semble que nous sommes spectateurs, et la
sueur coule sur nos fronts comme sur le front
des témoins de cette scène.
LA FILLE DD PASTEUR.
Une jeune personne séduite par un grand
seigneur, voilà tout le thème de la fille du pas-
teur de Taubenhein. Mais quel talent dans la
peinture de chaque phase de la séduction 1
C'est encore le flot, qui monte et monte tou-
jours, prend les proportions les plus tragiques.
Chaque vers augmente l'effet, qui grandit jus-
qu'au dénoûmlbnt. Bùrger n'a pas toujours
cherché à exciter la terreur; quelques-unes de
ses ballades sont même écrites sur un ton
quelque peu goguenard et trivial. En général
BAL
ses poésies manquent d'élévation, et il s'appe-
santit trop souvent sur les descriptions, genre
dans lequel il excelle. Son style Drille par la
clarté, 1 énergie et une élégance naturelle, bien
qu'elle soit le fruit du travail, et toutes les
qualités propres à rendre un poète populaire.
De tous les poëtes allemands, Schiller est
celui que nous sentons le mieux, car il faut
désespérer de rendre jamais dans notre langue
les beautés propres à l'idiome souple et pro-
fond de la Germanie. M"10 de Staël a essayé,
dans son livre de V Allemagne, de donner une
idée de l'impression que produisit sur elle la
lecture de la Cloche, qu'elle déclare intradui-
sible. M. E. Deschamps l'a essayé cependant.
Nous mettrons plus loin nos lecteurs à morne
de juger jusqu'à quel point il a réussi. Le chant
de la Cloche est une revue poétique des prin-
cipales phases de la vie humaine, telles que la
naissance, le mariage, ete.,solenmsées par la
voix de la cloche ; il se divise en deux parties :
dans l'une, on assiste à l'opération de la fonte,
et toute l'habileté du poète se révèle dans le
talent d'imitation, dans ce qu'on appelle l'ono-
matopée ; mais qu'on n'aille pas croire à une
puérile imitation de sons, c'est dans la pensée
que se fait ce curieux travail. Analyser une
telle sensation est presque impossible, La se-
conde partie nous fait assister à toutes les
grandes scènes de la vie dans lesquelles la
cloche va jouer un rôle solennel : la naissance,
le mariage, la mort; puis l'incendie et l'émeute;
enfin toutes les circonstances qui datent dans
la vie de l'homme. On pressent quel parti un
poëte comme Schiller a pu tirer de ces images,
dans une langue si maniable, si pittoresque et
si énergique.
LE CHANT DE LA CLOCHE.
Vivos voco, mortuos plango, fulgura frango.
Le moule d'argile est encore plongé et
scellé dans la terre; aujourd'hui, la cloche
doit être faite. A l'œuvre, compagnons , cou-
rage! la sueur doit ruisseler du front brûlant.
L'œuvre doit honorer le maître ; mais il faut
que la bénédiction-vienne d'en haut.
Il convient de mêler des paroles sérieuses
à l'œuvre sérieuse que nous préparons ; le
travail que de sages paroles accompagnent
s'exécute gaiement. Considérons gravement
ce que produira notre faible pouvoir ; car il
faut mépriser l'homme sans intelligence qui
ne réfléchit pas aux entreprises qu'il veut
accomplir. C'est pour méditer dans son cœur
sur le travail que sa main exécute que la
pensée a été donnée à l'homme : c'est là ce
qui l'honore.
Prenez du bois de sapin ; choisissez des
branches sèches , afin que la flamme plus
vive se précipite dans le conduit. Quand le
cuivre bouillonnera, mêlez -y promptement
l'étain, pour opérer un sûr et habite alliage.
La cloche que nous formons à l'aide du feu,
dans le sein de la terre , attestera notre tra-
vail au sommet de la tour élevée. Elle son-
nera pendant de longues années ; bien des
hommes l'entendront retentir à leurs oreilles,
pleurer avec les affligés et s'unir aux prières
des fidèles. Tout ce que le sort changeant jette
parmi les enfants de la terre montera vers
cette couronne de métal et les fera vibrer au
loin*
Je vois jaillir des bulles blanches. Bien 1 la
masse est en fusion. Laissons-la se pénétrer
du sel de la cendre qui' hâtera sa fluidité. Que
le mélange soit pur d'écume, afin que la voix
du métal poli retentisse pleine et sonore; car,
la cloche salue avec l'accent solennel de la
joie l'enfant bien-aimé à son entrée dans la
vie, lorsqu'il arrive plongé dans le sommeil.
Les heures joyeuses et sombres de sa desti-
née sont encore cachées pour lui dans les
voiles du temps; l'amour de sa mère veille
avec de tendres soins sur son matin doré;
mais les années fuient , rapides comme la
flèche. L'enfant se sépare fièrement de la
jeune fille ; il se précipite avec impétuosité
dans le courant de la vie, il parcourt le monde
avec le bâton de voyage et rentre étranger au
foyer paternel, et il voit devant lui la jeune
fille charmante dans l'éclat de sa fraîcheur,
avec son regard pudique, son visage timide,
pareille à une image du ciel. Alors un vague
1 désir, un désir sans nom, saisit l'âme du jeune
| homme ; il erre dans la solitude, fuyant les
| réunions tumultueuses de ses frères et pleu-
rant à l'écart. Il suit, en rougissant, les traces
' de celle qui lui est apparue , heureux de son
sourire , cherchant pour la parer les plus
belles fleurs du vallon. Oh 1 tendre désir, heu-
reux espoir, jour doré du premier amour 1 les
yeux alors voient le ciel ouvert ; le cœur nage
dans la félicité. Oh I que ne fleurit-il à tout
jamais, l'heureux temps du jeune amour !
Comme les tubes bruissent déjà I J'-y plonge
cette baguette : si nous la voyons vitrifier, il
sera temps de couler le métal. Maintenant,
compagnons, alerte! Examinez le mélange et
voyez si, pour former un alliage parfait, le
métal doux est uni au métal fort.
Car de l'alliance de la douceur avec la force,
de la sévérité avec la tendresse, il résulte la
bonne harmonie. C'est pourquoi ceux qui s'u-
nissent à tout jamais doivent s'assurer si le
cœur répond au cœur. Courte est l'illusion ,
long est le repentir. La couronne virginale se
marie avec grâce aux cheveux de la fiancée,
quand les cloches argentines de l'église invi-
tent aux fêtes nuptiales. Hélas ! la plus belle
solennité de la vie marque le terme du prin-
BAL
temps de la vie. La douce illusion s'en va
avec le voile et la ceinture; la passion dispa-
raît, puisse l'amour rester! la fleur se fane,
puisse le fruit mûrir 1 11 faut que l'homme
entre dans la vie orageuse, il faut qu'il agisse,
combatte, plante, crée, et par l'adresse, par
l'effort, par le hasard et la hardiesse, sub-
jugue la fortune. Alors les biens affluent au-
tour de lui, ses magasins se remplissent de
dons précieux, ses domaines s'élargissent, sa
maison s'agrandit, et dans cette maison règne
la femme sage, la mère des enfants. Elle gou-
verne avec prudence. le cercle de famille,
donne des leçons aux jeunes filles, réprimande
les garçons. Ses mains actives sont sans cesse
à l'œuvre ; elle remplit de trésors les armoires
odorantes, tourne le fil sur le fuseau, amasse
dans des buffets soigneusement nettoyés la
'.aine éblouissante , le lin blanc comme la
neige; elle joint l'élégance au solide et jamais
ne se repose.
Du haut de sa demeure, d'où le regard s'é-
tend au loin , le père contemple d'un œil
joyeux ses propriétés florissantes. Il voit ses
arbres qui grandissent, ses granges bien rem-
plies, ses greniers qui plient sous le poids de
leurs richesses, et ses moissons pareilles à
des vagues ondoyantes, et alors il s écrie avec
orgueil : La splendeur de ma maison , ferme
comme les fondements de la terre, brave la
puissance du malheur. Mais, hélas 1 avec les
rigueurs du destin il n'est point de pacte
éternel, et le malheur arrive d'un pied rapide.
Allons I nous pouvons commencer à couler
le métal; à travers l'ouverture, il apparaît
bien dentelé. Mais avant de le laisser sortir,
répétez , comme une prière , une sentence
pieuse, ouvrez les conduits et que Dieu garde
l'édifice. Voila que les vagues, rouges comme
du feu, courent en fumant dans l'enceinte du
moule 1
Heureuse est la puissance du feu, quand
l'homme la dirige, la domine. Ce qu'il fait, ce
qu'il crée, il le doit à cette force céleste ;
mais terrible est cette même force quand elle
échappe à ses chaînes, quand elle suit sa vio-
lente impulsion , fille libre de la nature. Mal-
heur I lorsque, affranchie de tout obstacle,
elle se répand à travers les rues populeuses
et allume l'effroyable incendie; car les élé-
ments sont hostiles aux œuvres des hommes.
Du sein des nuages descend la pluie, qui est
une bénédiction, et du sein des nuages des-
cend la foudre. Entendez-vous, au sommet de
la tour, gémir le tocsin? Le ciel est rouge
comme du sang, et cette lueur de pourpre n'est
pas celle du jour. Quel tumulte a travers les
rues I quelle vapeur dans les airs ! La colonne
de feu roule en pétillant de distance en dis-
tance et grandit avec la rapidité du vent.
L'atmosphère est brûlante comme la gueule
d'un four, les solives tremblent , les poutres
tombent, les fenêtres éclatent, les enfants
pleurent, les mères courent égarées et les
animaux mugissent sous les débris. Chacun
se hâte , prend la fuite, cherche un moyen de
salut. La nuit est brillante comme le jour, le
seau circule de main en main sur une longue
ligne, et les pompes lancent des gerbes d'eau ;
l'aquilon arrive en mugissant et presse la
flamme pétillante ; le feu éclate, dans la mois-
son sèche, dans les parois du grenier, atteint
les combles et s'élance vers le ciel, comme
s'il voulait, terrible et puissant, entraîner la
terre dans son essor impétueux. Privé d'espoir,
l'homme cède à la force des dieux et regarde,
frappé de stupeur, son œuvre s'abîmer. Con-
sumé, dévasté, le lieu qu'il occupait est le
siège des aquilons; la terreur habite dans les
ouvertures désertes des fenêtres, et les nuages
du ciel planent sur les décombres.
L'homme jette encore un regard sur le
tombeau de sa fortune, puis il prend le bâton
de voyage. Quels que soient les désastres de
l'incendie, une douce consolation lui est res-
tée; il compte les têtes qui lui sont chères:
0 bonheur 1 Une lui en manque pas une.
,La terre a reçu le métal, le moule est
heureusement rempli ; ta cloche en sor-
tira-t-elle assez parfaite pour récompenser
notre art et notre labeur? Si la fonte n'avait
pas réussi ! si le moule s'était brisé I Hélas !
pendant que nous espérons, "peut-être le mal
est-il déjà fait.
Nous confions l'œuvre de nos mains aux en-
trailles du sol. Le laboureur leur confie ses
semences, espérant qu'elles germeront pour
son bien , selon tes desseins du ciel. Nous en-
sevelissons dans le sein de la terre des se-
mences encore plus précieuses , espérant
qu'elles se lèveront du cercueil pour une vie
meilleure.
Dans la tour de l'église retentissent les
sons de la cloche, les sons lugubres qui ac-
compagnent le chant du tombeau, qui annon-
cent le passage du voyageur que l'on conduit
à son dernier asile. Hélas 1 c'est une épouse
chérie, o'est une mère tidèle que le démon des
ténèbres arrache aux bras de son époux, aux
tendres enfants qu'elle mit au monde avec
bonheur, qu'elle nourrit de son sein avec
amour. Hélas I les doux liens sont à jamais
brisés, car elle habite désormais la terre des
ombres , celle qui fut la mère de famille. C'en '
est fait de sa direction assidue, de sa vigi-
lante sollicitude, et désormais l'étrangère ré-
gnera sans amour a son foyer désert.
Pendant que la. cloche se refroidit , repo-
sons-nous de notre rude travail ; que chacun
BAL
denous s'égaye comme l'oiseau souslafeuillée.
Quand la lumière des étoiles brille, le jeune
ouvrier, libre de tout souci, entend sonner
l'heure de la joie. Mais le maître n'a pas de
repos.
A travers la forêt sauvage, le voyageur
presse gaiement le pas pour arriver à sa chère
demeure. Les brebis bêlantes, les bœufs au
large front, les génisses au poil luisant, se
dirigent en mugissant vers leur étable. Le
chariot chargé de blé s'avance en vacillant.
Sur les gerbes brille la guirlande de diverses
couleurs, et les jeunes gens de la maison cou-
rent à la danse. Le silence règne sur la place
et dans les rues, les habitants de la maison se
rassemblent autour de la lumière et la porte
de la ville roule sur ses gonds. La terre est
couverte d'un voile sombre ; mais la nuit, qui
tient éveillé le méchant, n'effraye pas le pai-
sible bourgeois ; car l'œil de la justice est
ouvert.
Ordre saint, enfant béni du ciel, c'est toi
qui formes de douces et libres unions ; c'est
toi qui as jeté les fondements des villes ; c'est
toi qui as fait- sortir le sauvage farouche de
ses forêts; c'est toi qui, pénétrant dans la
demeure des hommes, leur donnes des mœurs
paisibles et le lien le plus précieux, l'amour
de la patrie.
Mille mains actives travaillent et se sou-
tiennent dans un commun accord, et toutes
les forces se déploient dans ce moilvement
empressé. Le maître et le compagnon poursui-
vent leur œuvre sous la sainte protection de la
liberté. Chacun se réjouit de la place qu'il
occupe et brave le dédain. Le travail est l'hon-
neur du citoyen ; la prospérité est la récom-
pense du travail. Si le roi s'honore de. sa di-
gnité, nous nous honorons de notre travail.
■ Douce paix, heureuse union, restez, restez
dans cette ville. Qu'il ne vienne jamais le
jour où des hordes cruelles traverseraient
cette vallée, où le ciel, que colore la riante
pourpre du soir, refléterait les lueurs terribles
de l'incendie des villes et des villages 1
A présent brisez le moule, il a rempli sa
destination. Que le regard et le cœur se ré-
jouissent à l'aspect de notre oeuvre heureuse-
ment achevée. Frappez 1 frappez avec le mar-
teau jusqu'à ce que l'enveloppe éclate : pour
que nous voyions notre cloche , il faut que le
moule soit brisé en morceaux,
Le maître sait, d'une main prudente et en
temps opportun, rompre l'enveloppe; mais
malheur quand le bronze embrasé éclate do
lui-même et se répand en torrents de feu.
Dans son aveugle fureur, il s'élance avec le
bruit de la foudre, déchire la terre qui l'en-
toure, et, pareil aux gueules de l'enfer, vomit
la flamme dévorante. Là où régnent les forces
inintelligentes et brutales, là 1 œuvre pure ne
peut s'accomplir. Quand les peuples s affran-
chissent d'eux-mêmes, le bien-être ne peut
subsister.
Malheur ! lorsqu'au milieu des villes l'étin-
celle a longtemps couvé; lorsque la foule,
brisant ses chaînes , cherche pour elle-même
un secours terrible ; alors la révolte, suspen-
due aux cordes de la cloche, la fait gémir dans
l'air et change en instrument de violence un
instrument de paix.
Liberté 1 Egalité ! Voilà les mots qui reten-
tissent. Le bourgeois paisible saisit tes armes ;
la multitude inonde les rues et les places, des
bandes d'assassins errent de côté et d'autre.
Les femmes deviennent des hyènes et se font
un jeu de la terreur. De leurs dents de pan-
thères, elles déchirent le cœur palpitant de
l'ennemi. Plus rien de sacré; tous les liens
d'une réserve pudique sont rompus. Le bon
cède la place au méchant, et les vices mar- ,
chent en liberté. Le réveil du lion est dan-
gereux, la dent du tigre est effrayante; mais
ee qu'il y a de plus effrayant, c'est l'homme
dans son délire. Malheur à ceux qui pré.tent à
cet aveugle éternel la torche , la lumière du
ciel! elle ne l'éclairé pas, mais elle peut,
entre ses mains, incendier les villes, ravager
les campagnes.
Dieu a béni mon travail. Voyez 1 du milieu
de l'enveloppe s'élève le métal, pur comme
une étoile d or. De son sommet jusqu'à sa base,
il reluit comme le soleil, et les armoiries bien
dessinées attestent l'expérience du mouleur.
Venez ! venez I mes compagnons 1 formez le
cercle, baptisons la cloche, donnons-lui le nom
de Concorde. Qu'elle ne rassemble la commu-
nauté que pour des réunions de paix et d'af-
fection !
Qu'elle soit, par le maître qui l'a formée ,
consacrée à cette œuvre pacifique. Elevée au-
dessus de la vie terrestre, elle planerasous la
voûte du ciel azuré. Elle se balancera près du
tonnerre et près des astres. Sa voix sera une
voix suprême, comme celle des planètes, qui,
dans leur marche, louent le Créateur et rè-
glent le cours de 1 année ; que sa bouche d'ai-
rain ne soit occupée qu'aux choses graves et
éternelles. Que le temps la touche a chaque
heure dans son vol rapide. Que, sans cœur et
sans compassion , elle prête sa voix au destin
et annonce les vicissitudes de la vie. Qu'elle
nous répète que rien ne dure en ce monde,
que toute chose terrestre s'évanouit comme
le son qu'elle fait entendre et qui bientôt
expire.
Maintenant, arrachez avec les câbles la
cloche de la fosse ; qu'elle s'élève dans les
airs, dans l'empire du son. Tirez I tirez I Elle
BAL
s'émeut, elle s'ébranle, elle annonce la joie à
cette ville. Que ses premiers accents soient
des accents de paix.
LA CLOCHE.
Compagnons, dans le sol s'est affermi le moule ;
La cloche enfin va naître aux regards de la foule;
C'est le jour si longtemps appelé par nos vœux;
Qu'une ardente sueur couvre vos bras nevveux ;
L'honneur égalera la peine et le courage
Des joyeux ouvriers, si Dieu bénit l'ouvrage.
11 faut associer, comme un puissant secours,
Au travail sérieux de sérieux discours;
Le dur travail, rebelle a des esprits frivoles,
S'accomplit sans efforts sous d'heureuses paroles.
Méditons entre nous sur les futurs bienfaits.
D'une cause vulgaire admirables effets.
Honte à qui ne sait pas réfléchir pour connaître!
Par la réflexion l'homme ennoblit son être.
S'exalte ; et la raison fut donnée aux humains
Pour sentir dans leur cœur les œuvres de leurs mains.
Choisissez les tiges séchées
Des pins tombés sous les hivers,
Pour qu'au sein des tubes ouverts
Les flammes votent épanchées;
Dompté par les feux dévorants.
Que le cuivre à rétain s'allie,
Afin que la masse amollie
Roule en plus rapides torrents.
Ce pieux monument que vont avec mystère
Edifier nos mains dans le sein de la terre.
Il parlera de nous des sommets de la tour;
Vainqueur, il franchira les temps, et tour & tour
Comptera des humains les races disparues ;
On verra dans le temple, à sa voix accourues,
Des familles sans nombre humilier leur front;
Aux pleurs de l'affligé ses plaintes s'uniront;
Et ce que les destins, loin de l'âge où nous sommes,
Dans leur cours inégal apporteront aux hommes,
S'en ira retentir contre ses flancs mouvants.
Qui le propageront sur les ailes des vents.
Je vois frémir la masse entière,
L'air s'enfle en bulles. Cependant.
Des sels de l'alcali mordant
Laissez se nourrir la matière.
11 faut que du bouillant canal
L'impure écume s'évapore,
Afin que la voix du métal
Retentisse pleine et sonore.
La cloche annonce au jour, avec des chants joyeux,
L'enfant dont le sommeil enveloppe les yeux.
Qu'il repose!... Pour lui, tristes ou fortunées.
Dans l'avenir aussi dorment les destinées.
Mais sa mère, épiant un sourire adoré,
Veille amoureusement sur son matin doré.
Hélas! le temps s'envole et les ans se succèdent :
Déjà l'adolescent, que mille vœux possèdent,
t Tressaille et, de ses sœurs quittant les chastes jeux,
' S'élance impatient vers un monde orageux.
Pèlerin engagé dans ses trompeuses voies.
Qu'il a connu bientôt le néant de ses joies!
Il revient, étranger, au hameau paternel ;
Et devant ses regards, comme un ange du ciel,
Apparaît, dans la fleur de sa grâce innocente.
Les yeux demi-baisses, la vierge rougissante.
Alors, un trouble ardent, qu'il ne s'explique pas,
S'empare du jeune homme. Il égare ses pas,
Cherche tes bois déserts et les lointains rivages,
Et, de ses compagnons fuyant les rangs sauvages.
Aux traces de la vierge il s'arrête, et, rêveur,
Adore d'un salut la douteuse faveur.
Des aveux qu'il médite il s'enivre lui-même;
Aux nuages, aux vents, il dit cent fois qu'il aime;
Sa main, aux prés fleuris, demande chaque jour
•Ce qu'ils ontdc plus beau pour parer son amour;
Son cœur s'ouvre au désir, et ses rêves complices
Du ciel anticipé connaissent les délices.
Hélas! dans sa fraîcheur que n'est-elle toujours
Cette jeune saison des premières amours!
Comme les grands tubes bruissent!
Qu'un rameau, dans la masse admis,
Plonge... Quand ses bords se vernissent,
On peut fondre; courage, amis!
Tentons cette épreuve infaillible,
Par qui doit être révélé
Si le travail dur ou flexible
S'est heureusement accouplé.
Car, où l'on voit la force à la douceur unie,
De ce contraste heureux naît la pure harmonie.
C'est ainsi qu'enchaîné par un attrait vainqueur,
Le cœur éprouvera s'il a trouvé le cœur.
L'illusion est courte, et sa fuite est suivie
D'un amer repentir aussi long que la vie.
Voici, des fleurs au se:n, des Heurs dans ses cheveux,
La vierge, pâle encor de ses premiers aveux ;
Sur son front couronné, sur sa pudique joue,
Le voile de l'épouss avec amour se joue
Quand la cloche sonore, en longs balancements,
A l'éclat de la fête invite les amants,
La fête la plus belle et la plus fortunée,
Hélas! est du printemps la dernière journée;
Car, avec la ceinture et le voile, en un jour,
La belle illusion se déchire, et l'amour
Menace d'expirer quand sa flamme est plus vive.
A l'amour fugitif que l'amitié survive;
Qu'il la fleur qui n'est plus succède un fruit plus doux.
Déjà la vie hostile appelle au loin l'époux :
11 faut qu'il veuille, agisse, ose, entreprenne, achève,
Pour atteindre au bonheur, insaisissable rêve.
D'abord il marche, aidé de la faveur des cieux :
L'abondance envahit ses greniers spacieux;
A ses nombreux arpents, d'autres arpenta encore
S'ajoutent; sa maison s'étend etse décore;
La mère de famille y règne sagement,
Du groupe des garçons gourmande renjoùmcnt.
Instruit la jeune fille, aux mains laborieuses;
Vouée aux soins prudents des heures sérieuses,
Des rameaux du verger elle détache et rend
Tout le linge de neige a son coffre odorant,
Y joint la pomme d or que janvier verra mûre,
Tourne le ûl autour du rouet qui murmure,
Partage aux travailleurs la laine des troupeaux,
Les surveille, et, comme eux, ignore le repos.
Du haut de sa demeure, au jour naissant, le père
Contemple, en souriant, sa fortune prospère ;
Ses murs, dont l'épaisseur affronte les saisons,
Et ses greniers comblés des dernières moissons,
Quand déjà du printemps les haleines fécondes
De ses jeunes épis bercent les frafehes ondes.
D'une bouche orgueilleuse, il se vante : • Aussi forts
Que ces rocs où des temps s'épuisent les efforts,
Pèsent les bâtiments que mon or édifie! -
Malheureux! qui peut faire un pacte avec le sort?
Le ciel rit, un point noir paraît : la foudre en sort!
Bien. Le rameau fait son épreuve.
Commençons la fonte... Un moment!
Avant de déchaîner le fleuve,
Avez-vous prié saintement?
à. présent, allons! qu'on se rang* j I
BAL 117
Ouvrez les canaux Ah! que Dieu
Nous aide! — Voyez le mélange
Accourir en vagues de feu!
Il est de l'univers la plus pure merveille,
Le feu , quand l'homme en paix le dompte et le
[surveille,
Et c'est par son secours que l'homme est souverain.
Mais qu'il devient fatal lorsque, seul et sans frein,
Pour dévorer au loin les vieux pins, les grands chênes,
Jl part comme un esclave affranchi de ses chaînes!
Malheur! lorsque la flamme, au gré des aquilons,
A travers les cités roule ses tourbillons;
Car tous les éléments ont une antique haine
Pour les créations de la puissance humaine.
Entendez- vous des tours oourdonner le beffroi?
A la rougeur du ciel, le peuple avec effroi
S'interroge. — Au milieu des noirs flots de fumée
S'élève en tournoyant la colonne enflammée;
L'incendie, étendant sa rapide vigueur,
Du front des bâtiments sillonne la longueur;
L'air s'embrase, pareil aux gueules des fournaises;
La lourde poutre craque et se dissout en braises ;
Les portes, les balcons s'écroulent!,,. Plus d'abris;
Les enfants sont en pleurs sur les seuils en débris;
Les mères, le sein nu, comme de pâles ombres,
Courent; les animaux hurlent sous les décombres;
Tout meurt, tombe ou s'enfuit par de brûlants che-
[mins;
Le seau vole, emporté par la chaîne des mains.
Ce fils qui va tenter l'effrayante escalade
Sauvera-t-il du moins son vieux père malade?...
L'orage impétueux accourt de l'occident :
La flamme s'en irrite et l'accueille en grondant;
Sur la moisson séchée, elle tombe et serpente,
Comme un affreux géant qui veut toucher les cieux.
L'homme, sous les destins, fléchit silencieux;
Ses œuvres ont péri ; partout la flamme est reine ;
Ses murs brûlés debout restent seuls, sombre arène,
Où des froids ouragans s'engouffre la fureur ;
La nue en voyageant y regarde, et l'horreur
Dans leurs concavités profondément séjourne.
Une dernière fois, l'homme, en priant, se tourne
Vers sa fortune éteinte, et bientôt, plus serein,
Prend avec le bâton les vœux du pèlerin.
Tout ce qui fut son bien n'est plus qu'un peu de cendre ;■
Mais un rayon de joie en son deuil vient descendre;
Voyez : il a compté les tôUjs qu'il chérit.
Pas une ne lui manque; et, triste, il leur sourit.
Le métal que la terre enferme
A comblé le moule. Ah! du moins,
L'œuvre, arrivé pur a son terme,
Païra-t-il notre art et nos soins?
Mais si l'enveloppe fragile
Rompait sous le bronze enflammé!..*
Peut-être dans la sombre argile
Le mal est déjà consommé !
Nous confions au sein de la terre profonde
L'ouvrage de nos mains; dans son ombre féconde,
Le prudent laboureur laisse tomber encor
L'humble grain, en espoir, riche et flottant trésor;
Vêtus de deuil, hélas! nous venons a la terre
D'un germe plus sacré déposer le mystère,
Pleins de l'espoir qu'un jour du cercueil redouté
Ce dépôt fleurira pour l'immortalité.
Des hauts sommets du dôme aux épaisses ténèbres,
La cloche a du tombeau tinté les chants funèbres.
Ecoutez! ses concerts, d'un accent inhumain.
Suivent un voyageur sur son dernier chemin.
C'est la mère chérie, hélas! la tendre épouse,
Que vient du roi des morts l'avidité jalouse
Séparer des enfants, de l'époux expirant.
L'époux les reçut d'elle; et tous, l'un déjà grand,
L'autre dans ses bras, l'autre encore à la mamelle,
Ils souriaient... Alors, rien n'était beau comme elle!
C'en est fait, elle dort sous le triste gazon.
Celle qui fut longtemps l'âme de la maison.
Déjà manquent tes soins, ô douce ménagère !
Et demain, sans amour, va régner l'étrangère!.,.
Laissons froidir là cloche; et vous,
Comme l'oiseau sous la feuillée.
Libres et joyeux, courez tous :
Voici l'heure de la veillée.
Le compagnon vole au plaisir;
Dans les cieux en paix, il voit naître
Et briller les astres : le maître
Doit se tourmenter sans loisir.
Sous la forêt, où glisse une pâle lumière,
O voyageur, hâtez vos pas vers la chaumière.
l-'Anriclus des hameaux retentit dans les airs;
Le filet allongé pend sur les flots déserts;
L'agneau, devant les chiens, vers le bercail se sauve;
Le troupeau des grands bœufs, au front large, au poil
[fauve.
S'arrache, en mugissant, aux délices des prés ;
Il s'avance, couvert de festons diaprés,
Le lourd char des moissons, criant sous l'abondance.
Et h's gais moissonneurs s'échappent vers la danse!
Cependant, tous les bruits meurent dans la cité;
Près de l'ardent foyer, par l'aïeul excité,
S'arrondit la famille, et quelque vieille histoire
Enchante, en l'effrayant, l'immobile auditoire.
La porte des remparts se ferme pesamment;
Sous son aile l'oistiau courbe son front dormant.
La nuit, qui des méchants éveille le cortège,
Du citoyen, que l'ordre et que la loi protège,
N'épouvante jamais le sommeil innocent.
Ordre sacré, tes nœuds, joug aimable et puissant,
Resserrent les anneaux de l'égalité sainte;
Tu traças des cités, et tu défends l'enceinte;
Ta noble voix, du fond de ses antres lointains.
Appela le sauvage à de meilleurs destins;
Sous le toit des mortels, dans leur premier ménage,
Tu pénétras timide; et, plus fort d'âge en âge.
Soumis au frein des mœurs leurs rebelles penchants.
C'est toi qui présidas aux limites des champs,
Toi qui créas enfin cette autre idolâtrie,
Le plus saint des amours, l'amour de la patrie.
A son nom, mille bras, d'un mutuel secours.
S'animent; au milieu de cet heureux concours.
Sur tous les points rivaux, les forces dispersées
Tendent au bien commun, librement exercées;
Chacun, heureux et fier du poste qu'il a pris.
Des grands au cœur oisif brave les vains mépris.
Le plus noble attribut du citoyen qui pense,
C'est le travail; son œuvre en est la récompense.
Si les rois de splendeur marchent environnés,
De nos créations nous brillons couronnés;
Ils sont par le hasard et nous par le génie.
Paix gracieuse, douce et divine harmonie,
Que nos bras fraternels enchaînent vos attraits!
Qu'il ne s'élève plus le jour où j'entendrais
Des hordes d'étrangers, turbulente mêlée,
Parcourir en vainqueurs ma tranquille vallée.
Où l'horizon du soir, rouge de pourpre et d'or,
Des chaumes embrasés resplendirait encor !
Maintenant, brisez l'édifice
Pour que notre œil soit récréé.
Que notre cœur se réjouisse
De l'œuvre par nos mains créé.
Que le marteau pesant résonne
Jusqu'au moment où, des débris
De l'enceinte qui l'emprisonne,
Haltra 14 «loche au jour surpris,
118
BAL
C'eut le maître prudent qui doit rompre le moule;
Mais lorsque en flots brûlants l'airain s'échappe et
Quand sa puissance même a rejeté ses fers, [roule,
11 mugit et, semblable aux laves des enfers,
Du sa captivité court punir ses rivages.
Tel le flot populaire étend ses longs ravages.
Ah ! malheur lorsqu'au sein des Etats menacés
Des germes factieux fermentent amassés,
Et que le peuple, un jour, las de sa longue enfance.
S'empare horriblement de sa propre défense!
Aux cordes de la cloche, alors, en rugissant.
Se suspend la révolte, ivre et rouge de sang;
L'airain qu'au Dieu de paix la piété consacre,
Sonne un affreux signât de guerre et de massacre ;
Un cri de toutes parts s'élève : Egalité!
Liberté!... Chacun s'arme ou fuit épouvanté.
La ville se remplit; hurlant des chants infâmes.
Des troupes d'assassins la parcourent; les femmes,
Avec les dents du tigre, insultent sans pitié
Le cœur de l'ennemi déjà mort à moitié.
Et du rire d'un monstre avec l'horreur se jouent.
De. l'ordre social les liens Be dénouent;
Les gens de bien font place à la rébellion.
Certes, il estdangeurenx d'éveiller le lion,
La serre du vautour est sanglante et terrible;
Mais l'homme.en son délire, est cent fois plus horrible.
Oh! ne confions point, par un jour criminel,
Ijes célestes clartés à l'aveugle éternel !
Il s'en fait une torche, et, d'une main hardie,
Au lieu de la lumière, il répand l'incendie.
Dieu ne veut plus nous éprouver :
"Voyez, du sol qui l'environne,
Lisse et brillante, la couronne
En étoile d'or s'élever!
Déjà le cintre métallique
En mille reflets joue a l'œil ;
Déjà, l'écusson symbolique
Du sculpteur satisfait l'orgueil. m
Que le chœur de la danse à pas joyeux s'approche !
Venez tous, et donnons le baptême à la cloche;
Trouvons-lui quelque nom propice et gracieux.
Qu'elle veiltu sur nous en s'approchant des cieux;
Balancée au-dessus de la verte campagne,
Que sa bruyante joie ou sa plainte accompagne
Les scènes de la vie en leurs jeux inconstants;
Qu'elle soit dans les airs comme une voix du temps ;
Que le temps, mesuré dans sa haute demeure,
De son aile, en fuyant, la touche heure par heure ;
Aux voluptés du crime apportant le remord,
Qu'elle enseigne aux humains qu'ils sont nés pour la
Et que tout ici-bas s'évanouit et passe [mort,
Comme sa voix qui roule et s'éteint dans l'espace.
Que les cables nerveux, de son lit souterrain, '
Arrachent lentement la cloche aux flancs d'airain.
Oh! qu'elle monte en reine a la voûte immortelle!
Elle monte, elle plane, amis, et puisse-t-elle,
Dissipant dans nos cieux tes nuages épais,
De son premier accent nous proclamer LA PAIX !
(Trad. de MM. E. et A. Desciiamps.)
Un dernier mot sur ce chant magnifique, la
plus belle, sans contredit, de toutes les bal-
lades.
On pourrait traduire en français les pensées
fortes, les images belles et touchantes qu'in-
spirent à Schiller les grandes époques de la
destinée humaine ; mais il" est impossible
d'imiter noblement les strophes en petits vers,
et composées de mots dont le son bizarre et
précipité semble faire entendre les coups re-
doublés et les pas rapides des ouvriers qui
dirigent la lave brûlante de l'airain. Peut-on
avoir l'idée d'un poëme de ce genre par une
traduction en prose ? C'est lire la musique au
lieu de l'entendre; encore est- il plus aisé
de se figurer, par l'imagination, l'effet des
instruments que l'on connaît, que les accords
et les contrastes d'un rhythme et d'une
langue qu'on ignore. Tantôt la brièveté régu-
lière du mètre fait sentir l'activité des forge-
rons , l'énergie bornée , mais continue , qui
s'exerce dans les occupations matérielles; et
tantôt, à côté de ce bruit dur et fort, l'on
entend les chants aériens de l'enthousiasme
ou de la mélancolie. L'originalité de ce poème
est perdue quand on le sépare de l'impression
que produisent une mesure de vers habilement
choisie, et des rimes qui se répondent comme
des échos intelligents que la pensée modifie;
et cependant ces effets pittoresques des sons
seraient très-hasardés en français. Le trivial
nous menace sans cesse : nous n'avons pas,
comme presque tous les autres peuples, deux
langues, celle de la prose et celle des vers ; et
il en est des mots comme des personnes : là où
les rangs sont confondus, la familiarité est
dangereuse.
Il paraît que Schiller mit plusieurs années
à composer ce poSme, et que ce ne fut qu'après
l'avoir tourné et retourné de cent façons, qu'il
y mit la dernière main, pendant un séjour à
Rudolstadt, en 1799, et lui donna sa forme
définitive. Selon sa coutume, il le publia d'a-
bord dans YAlmanack des Muses de 1800. 11 a
pour épigraphe la fameuse inscription qui se
lit sur la grosse cloche du Munster de Schaff-
house :
Vivos voco! Mortuos plango!... Fulgura frango !
HERO ET LEANDRE,
Voyez ce vieux château que les rayons du
soleil éclairent sur les rives où les vagues de
l'Hellespont se précipitent en gémissant contre
le roc des Dardanelles ; entendez-vous le bruit
de ces vagues sur le rivage? Elles séparent
l'Asie de l'Europe, mais elles n'épouvantent
pas l'amant.
Le dieu de l'amour a lancé un de ses traits
puissants dans le cœur de Héro et de Léandro,
Héro est belle et fraîche comme Hébé ; lui
parcourt les montagnes, entraîné par le plaisir
de la chasse. L'inimitié de leurs parents sépare
cet heureux couple et leur amour est en péril.
Mais sur la tour de Sesto, que les flots de
l'Hellespont frappent sans cesse avec impé-
tuosité, la jeune fille est assise dans la soli-
tude, ot regarde les rives d'Abydos où demeure
sou bien-aiiné. Hélas f nul pont uc réunit ces
BAL
rivages éloignés, nul bateau ne va de l'un h
l'autre ; mais l'Amour a su trouver son chemin,
il a su pénétrer dans les détours du labyrinthe ;
il donne l'habileté à celui qui est timide, il
asservit à son joug les animaux féroces, il
attelle à-son char les taureaux fougueux. Le
Styx même avec 'ses neuf contours n'arrête
pas le dieu hardi; il enlève une amante aux
sombres demeures do Pluton.
Il excite le courage de Léandre et le pousse
sur les flots avec un ardent désir. Quand le
rayon du jour pâlit, l'audacieux nageur se
jette dans les ondes du Pont, les fend d'un
bras nerveux et arrive sur la terre chérie, où
la lumière d'un flambeau lui sert de guide.
Dans les bras de celte qu'il aime, l'heureux
jeune homme se repose de sa lutte terrible ; il
reçoit la récompense divine que l'amour lui
réserve jusqu'à ce que l'aurore éveille les
deux amants dans leur rêve de volupté, et que
le jeune homme se rejette dans les ondes
froides de la mer.
Trente jours se passent ainsi; trente jours
donnent à ces tendres amants les joies, les
douceurs d'une nuit nuptiale, les transports
ravissants que les dieux eux-mêmes envient.
Celui-là n'a pas connu le bonheur, s'il n'a pas
su dérober les fruits du ciel au bord effroyable
du fleuve des enfers.
Le soir et le matin se succèdent à l'horizon.
Les amants ne voient pas la chute des feuilles ;
ils ne remarquent pas le vent du nord qui an-
nonce l'approche de l'hiver; ils se réjouissent
de voir les jours décroître , et remercient
Jupiter qui prolonge les nuits.
Déjà la durée des nuits était égale à celle
des jours. La jeune fille, assise dans son châ-
teau, regardait les chevaux du Soleil courir à
l'horizon: la mer, silencieuse et calme, res-
semblait a un pur miroir, nul souffle ne ridait
sa surface de cristal; des troupes de dauphins
jouent dans l'élément limpide, et l'escorte de
Thétis s'élève en longue ligne noire du sein de
la mer. Ces êtres marins connaissent seuls le
secret de Léandre, mais Hécate les empêche
à tout jamais de parler. La jeune fille con-
temple avec bonheur cette belle mer et lui dit
d'une voix caressante : « Doux élément, pour-
rais-tu tromper? non, je traiterais d'imposteur
celui qui t'appellerait fausse et infidèle. Fausse
est la race des hommes, cruel est le cœur de
mon père; mais toi, tu es douce et bienveil-
lante, tu t'émeus aux chagrins de l'amour.
J'étais condamnée à passer une vie triste et
solitaire dans ces murs isolés et à languir dans
un éternel ennui; mais tu portes sur ton sein,
Sans nacelle et sans pont, celui que j'aime, et
tu le conduis dans mes bras. Effrayante est ta
Profondeur, terribles sont tes vagues! mais
amour t'attendrit, le courage te subjugue.
» Le puissant dieu de l'amour t'a subjuguée
aussi, lorsque la jeune et belle Hellé s'en re-
tournait avec son frère emportant la toison
d'or : ravie de ses charmes, tu la saisis sur
les vagues, tu l'entraînas au fond de la mer.
• Dans tes grottes de cristal, douée de l'im- •
mortalité, déesse elle est unie à un dieu, elle '
s'intéresse à l'amour persécuté, elle adoucit
tes mouvements impétueux et conduit les na-
vigateurs dans le port. Belle Hellé, douce
déesse, c'est toi que j'implore, ramène-moi
celui que j'aime, par sa route accoutumée. »
Déjà la nuit enveloppe le ciel, la jeune fille
allume le flambeau qui doit servir de fanal sur
les vagues désertes a celui qu'elle attend. Mais
voilà que le vent s'élève et mugit, la mer
écume, la lueur des étoiles disparaît et l'orage
approche.
Les ténèbres s'étendent à la surface loin-
taine du Pont, et des torrents de pluie tombent
du sein des nuages; l'éclair brille, les vents
sont déchaînés, les vagues profondes s'en-
tr'ou vrent, et la mer apparaît terrible et béante
comme la gueule de 1 enfer.
i Malheur ! malheur à moi ! s'écrie la pauvre
fille : Jupiter, prends pitié de mon sort; hélas t
qu'ai-je osé demander? si les dieux m'écoutaient,
si mon amant allait se livrer aux orages de
cette mer infidèle!... Tous les oiseaux s'en-
fuient à la hâte, tous les navires qui connais-
sent la tempête se réfugient dans les baies.
Hélas I sans doute l'audacieux entreprendra
ce qu'il a déjà souvent entrepris, car il est
poussé par un dieu puissant; et il me l'a juré,
en me quittant, au nom de son amour, la mort
seule l'affranchira de ses serments. Hélas 1 à
cette heure même il lutte contre la violence
de la tempête, et les vagues courroucées l'en^
traînent dans l'abîme.
» Vagues trompeuses, votre silence cachait
votre trahison. Vous étiez unies comme une
glace, calmes et sans trouble, et vous allez
"entraîner dans vos profondeurs perfides. C'est
lorsqu'il est déjà au milieu de son trajet, lorsque
tout retour est impossible, que vous déchaînez
contre lui votre fureur. »
La tempête s'augmente : lesvagues s'élèvent
comme des montagnes et se brisent en mugis-
sant contre les rochers, le navire aux flancs
de chêne n'échappe pas à leur fureur; le vent
éteint le flambeau qui devait guider le nageur,
le péril est sur les eaux et le péril sur le
rivage.
La jeune fille invoque Aphrodite; elle la
prie d'apaiser l'orage , et promet d'offrir de
riches sacrifices; d'immoler un taureau avec
des cornes dorées; elle conjure toutes les
déesses de l'abîme et tous les dieux du ciel de
calmer la mer emportée.
« Ecoute ma voix, sors de ta verte retraite,
BAL
bienveillante Leucothée, toi qui souvent, à
l'heure du péril sur les vagues tumultueuses,
es apparue aux navigateurs pour les sauver!
donne à celui que j'aime ton voile sacré, ton
voile d'un tissu mystérieux, qui l'emportera
sain et sauf hors du précipice des flots. «
Les vents furieux s'apaisent, les chevaux
d'Eos montent à l'horizon, la mer reprend sa
sérénité, l'air est doux, l'onde est riante : elle
tombe mollement sur les rocs du rivage et y
apporte, comme en se jouant, un cadavre.
Oui, c'est lui qui est mort et qui n'a pas
manqué à son serment. La jeune fille le re-
connaît : elle n'exhale pas une plainte, elle ne
verse pas une larme; elle reste froide et im-
mobile dans son désespoir, puis élève les yeux
vers le ciel, et une noble rougeur colore son
pâle visage. •
n Ah! c'est vous, terribles divinités : vous
exercez cruellement vos droits, vous êtes
inflexibles, le cours de ma vie est achevé bien
promptement. Mais j'ai connu le bonheur et
mon destin fut doux; je me suis consacrée à
ton temple comme une de tes prêtresses, je
t'offre gaiement, par ma mort, un nouveau sa-
crifice, Vénus, grande reine. »
Et du haut de la tour elle se précipite dans
les flots. Le dieu des mers s'empare du corps
de la jeune fille, et, content de sa proie, il
continue joyeusement à répandre les ondes de
son urne inépuisable.
l'anneau de polycrate.
Debout sur la terrasse de sa maison, il pro-
menait ses regards satisfaits sur sa ville de
Samos. « Tout ce que tu vois est soumis à
mon pouvoir, disait-il au roi d'Egypte : avoue
que je suis heureux.
— Tu as éprouvé la faveur des dieux ; elle
a assujetti à la puissance de ton sceptre ceux
qui naguère étaient tes égaux : mais il en est
un encore qui peut les venger; je ne puis te
proclamer heureux aussi longtemps que veille
l'œil de ton ennemi. »
A peine le roi avaitril parlé, qu'on voit venir
un messager envoyé de Milet : « Fais flotter,
ô seigneur, la fumée des sacrifices, et cou-
ronne d'une riante branche de laurier ta che-
velure divine.
« Ton ennemi est tombé frappé d'un trait
mortel; ton fidèle général Polydor m'a dé-
pêché vers toi avec cette joyeuse nouvelle.» Et
en parlant ainsi, il tire d un vase noir et pré-
sente aux regards stupéfaits des deux souve-
rains une tête bien connue et encore sanglante.
Le roi , effrayé , fait un pas en arrière :
« Garde-toi, dit-il, de te fier au bonheur. Pense
à la mer inconstante, à l'orage qui peut s'éle-
ver et anéantir la fortune incertaine de ta
flotte. »
Avant j(u'il eût achevé de parler, il est
interrompu parles cris de joie qui retentissent
sur la rade. Une forêt de navires apparaît
dans le port, ils reviennent remplis de trésors
étrangers.
L'hôte royal s'étonne : « Ton bonheur est
grand aujourd'hui; mais redoute son incon-
stance. Les troupes Cretoises te menacent d'un
péril imminent : elles sont déjà près de la
côte. »
* Avant qu'il ait achevé de parler, on voit des
navires dispersés et des milliers de voix s'é-
crient : « Victoire 1 Nous sommes délivrés de
nos ennemis. L'orage a détruit la flotte Cre-
toise et la guerre est finie. »
Alors l'hôte royal dit avec terreur : » En
vérité, je dois te proclamer heureux, mais je
tremble pour toi : la jalousie des dieux m'é-
pouvante. Nul mortel en ce monde n'a connu
la joie sans mélange.
» La fortune aussi m'a souri, la faveur du
ciel m'a soutenu dans mes entreprises; mais
j'avais un héritier chéri : les dieux me l'enlej
vèrent. Je le vis mourir, et je payai ainsi ma
dette à la fortune.
p Si tu veux éviter quelque catastrophe, in-
voque les génies invisibles, pour qu'ils mêlent
la souffrance à ton bonheur. Je n'ai vu encore
aucun mortel arriver joyeusement au terme
de sa vie quand les dieux l'avaient comblé de
leurs dons.
• Et si les dieux n'exaucent pas ta prière,
écoute le conseil d'un ami. Appelle toi-même
la souffrance, choisis parmi tous les trésors
celui auquel ton cœur attache le plus grand
prix, et jette-le dans la mer.»
Polycrate , ému par la crainte , répond :
o Dans toute cette île, rien ne m'est plus pré-
cieux que cet anneau : je veux le consacrer
aux Euménides pour qu'elles me pardonnent
ma fortune; » et il jette l'anneau dans les
ondes.
Le lendemain matin un pêcheur au visage
joyeux se présente devant le prince : i Sei-
gneur, dit-il, j'ai pris un poisson tel que je
n'en avais jamais vu de semblable dans mes
fileis, et je viens te l'offrir. »
Lorsque le cuisinier ouvrit le poisson, il
accourut tout étonné auprès du prince et lui
dit : « Vois, seigneur, l'anneau que tu portais,
je viens de le trouver dans les entrailles de
ce poisson. Oh! ton bonheur est sans bornes, n
Le roi d'Egypte, se détournant alors avec
horreur, s'écrie : « Je ne puis rester ici plus
longtemps, et tu ne peux plus être mon ami.
Les dieux veulent ta perte, je m'éloigne à la
hâte, pour ne pas périr avec toi. » Il dit, et à
l'instant même il s embarqua.
BAL
Le grand poète allemand n'a pas jugé K
propos de rappeler le dénoûment, qui est his-
torique. « Mais le temps s'approchait où ces
prospérités se devaient changer tout à coup
en des adversités affreuses. Le grand roi da
Perse, Darius, fils d'Hystaspe, entreprit la
guerre contre les Grecs : il subjugua bientôt
toutes les colonies de la côte d'Asie et des îles
voisines qui sont dans la mer Egée. Samos fut
prise; Polycrate fut vaincu; Oronte, qui com-
mandait pour le grand roi, ayant fait dresser
une haute croix, y fit attacher le tyran. »
FÉNELON.
*
LES GRUES D'iBYCUS.
Les peuples de la Grèce vont se réunit
sur la terre de Corinthe pour le combat des
chnrs et le combat du chant. Ibycus, l'ami des
dieux, vient de se mettre en route. Apollon lui
a donné l'harmonie des vers; il part de Rhé-
gium avec un bâton de voyage , sentant dêjh
vibrer dans le cœur la voix qui l'inspire.
Déjà ses regards contemplent l'Acrocorin-
the sur la montagne , et il s'avance avec joie
à travers les mystérieuses forêts de Poséidon.
Nul être humain n'apparaît; il ne voit que des
grues qui s'en vont chercher la chaleur des
contrées méridionales et l'accompagnent sur
son chemin.
« Salut à vous, dit -il, oiseaux chéris qui
avez traversé la mer en même temps que moi ;
ma destinée ressemble à la vôtre : nous ve-
nons de loin, et nous allons chercher une re-
traite hospitalière. Soyons fidèles à l'hôte qui
préserve de l'injure l'étranger. »
Puis il continue sa marche. Il arrive au mi-
lieu de la forêt; tout à coup des meurtriers
s'avancent et l'arrêtent. Il veut combattre;
mais bientôt sa main retombe fatiguée , car
elle est plus habituée à tendre la corde légère
de la lyre que celle de l'arc vigoureux.
Il appelle à son secours les hommes et les
dieux : ses cris sont inutiles. Aussi loin que sa
voix peut s'étendre, il n'existe pns un être hu-
main. « Hélas ! s'écrie-t-il, il faut donc que je
meure ici de la main de deux misérables, sur
le sol étranger où personne ne me pleurera,
où personne ne viendra me venger. »
A ces mots, il tombe couvert de blessures.
Au même moment, les grues passent; il en-
tend leurs cris aigus et ne peut plus les voir!
mais il leur dit : « Si nul autre voix ne s'élève
pour venger ma mort, la vôtre, du moins,
accusera mes meurtriers. » Il dit, et meurt.
On retrouva un cadavre dans la forêt: et
quoiqu'il fût défiguré, l'hôte qui attendait Iby-
cus a Corinthe reconnut ses traits chéris.
« Est-ce donc ainsi, dit-il, que je devais te re-
trouver, moi qui espérais te voir porter glo-
rieusement la couronne de laurier? »
Tous les étrangers réunis à la fête de Po-
séidon déplorent la perte d'Ibycus ; la Grèce
entière en est émue, et le peuple se rassemble
au Prytanée , demandant avec colère à ven-
ger la mort du po8te , à satisfaire ses mânes
par le sang des meurtriers.
Mais comment reconnaître les traces du
crime au milieu de cette foule attirée par l'éclat
dé la fête? Ibycus a-t-il été frappé par des
voleurs? est-il victime d'un lâche attentat?
Hélios seul peut le dire, Hélios, qui connaît le
secret des choses.
Peut-être, tandis que la vengeance le cher-
che, peut-être le meurtrier s'en va-t-il d'un
pas hardi à travers l'asssmblée des Grecs ,
jouissant des fruits de son crime. Peut-être
insulte-t-il aux dieux jusque sur le seuil de
leur temple; peut-être se mêle-t-il à la foula
qui se dirige maintenant vers le théâtre.
Les bancs sont serrés les uns contre les
autres; les colonnes de l'édifice chancellent
presque sous ce lourd fardeau. Les peuples do
la Grèce accourent, et la vague rumeur do
cette foule ressemble au mugissement de la
mer. Tout le monde se presse dans le vasto
circuit et sur les gradins de l'amphithéâtre
qui s'élève audacieusement dans les airs.
Qui pourrait compter tous ces peuples? Qui
pourrait dire les noms de tous ceux qui ont
trouvé ici l'hospitalité? Il en est venu de la
ville de Thèbes, des bords de l'Anlide, do
la Phocide, de Sparte , des côtes éloignées de
l'Asie et des îles , et tous ces spectateurs
écoutent la mélodie lugubre du chœur, qui ,
selon l'antique usage , sort du fond du théâtre
avec une contenance grave et sévère , s'a-
vance à pas mesurés et fait le tour de !a scène.
Aucune femme de ce monde ne ressemble à
celles de ce chœur ; jamais la maison d'un
mortel ne montra une figure pareille; leur
taille est comme celle des géants.
Un manteau noir tombe sur leurs flancs ,
et dans leurs mains décharnées , elles portent
des flambeaux qui jettent une lueur sombre ;
au lieu de cheveux , on voit se balancer sur
leurs têtes des serpents et des couleuvres en-
flés par le venin.
Ce choeur épouvantable s'avance et entonne
l'hymne fatal qui pénètre dans l'âme et en-
lace dans ses propres liens la pensée du cou-
pable. Les paroles de ce chant lamentable re-
tentissent et agitent ceux qui les écoutent,
•et nulle lyre ne les accompagne.
■ Heureux , disent^elles , heureux celui qui
n'a point senti le crime détruire la naïve in-
nocence de son âme 1 celui-là, nous ne le pour-
suivrons pas; il peut continuer sa route. Mais
malheur, malheur à celui qui a commis le
meurtre l nous nous attacherons à ses pas,
nous, filles terribles de la NuitI Qu'il ne
croio pas nous échapper 1 nous avons des
BAL
BAL
BAL
BAL
1Î9
ailes ; nous lui jetterons un lien au pied et il
tombera par terre. Aucun repentir ne nous
fléchit; nous poursuivons sans relâche le cou-
pable, nous le poursuivons jusque dans l'em-
pire des ombres, et là nous ne l'abandonnons
, pns encore. »
En chantant ainsi, les Euménides dansent
leur ronde funèbre. Un silence de mort pèse
sur toute l'assemblée, comme si la divinité
était là présente; et le chœur, poursuivant sa
marche , s'en retourne à pas lents et mesurés
dans le fond du théâtre.
Tout à coup on entend sur les gradins les
plus élevés une voix qui s'écrie : « Regarde ,
regarde , Timothée , les grues d'ibycus. » Au
même instant on vit comme un nuage passer
sur l'azur du ciel, et une troupe de grues pour-
suivre son vol.
Ibycus! ce nom ravive les regrets de tous
les spectateurs , et ces paroles volent de bou-
che en bouche : « Ibycus, que la main d'un
meurtrier égorgea et que nous avons pleuré !
Qui parle de lui? Quel rapport y a-t-il entre
lui et ces oiseaux ? »
Et les questions redoublent ; un pressenti-
ment rapide passe dans tous les esprits : «Faites
attention, s'écrie la foule, à la puissance des
Euménides. Le poète religieux sera vengé ;
l'assassin vient de se trahir lui-même. Saisis-
sez celui qui a parlé d'ibycus , et qu'il soit
jugé. .
Celui qui avait prononcé ces paroles impru-
dentes aurait voulu les retenir; mais il était
trop tard ; ses lèvres pâles, son visage effrayé,
révèlent son crime. On l'arrache de son siège,
on le traîne devant le juge. La scène est
transformée en tribunal, et l'éclair de la ven-
geance frappe le meurtrier.
LE TROUBADOUR.
A Aix-la-Chapelle, au milieu de la salle an-
tique de son palais, Rodolphe, dans tout l'éclat
de sa puissance impériale, était assis au splen-
dide banquet de son couronnement. Le comte
palatin du Rhin servait les mets sur la table,
celui de Bohême versait les vins pétillants, et
les sept Electeurs s'empressaient de remplir
les devoirs de leur charge auprès du maître
de la terre.
Et la foule joyeuse du peuple encombrait
les hautes galeries ; ses cris d allégresse s'u-
nissaient au bruit des clairons ; car l'interrègne
avait été long et sanglant, et un souverain
arbitre venait s'asseoir sur le premier trône
du monde; le fer n'allait plus frapper aveu-
glément , et le citoyen paisible ne craindrait
plus les vexations arbitraires de la puissance.
L'empereur saisit la coupe d'or, et prome-
nant autour _ de lui des regards satisfaits :
« La fête est brillante , le festin splendide ,
tout ici charme le cœur de votre souverain ;
cependant je n'aperçois point de troubadour
qui vienne émouvoir mon âme par ses chants
harmonieux et par les sublimes leçons de la
poésie. Tel a été mon plus vif plaisir dès l'en-
fance, et l'empereur ne dédaigne point ce qui
fit les délices du chevalier. »
Et voilà qu'un vieillard traverse le cercle
des princes , s'avance vêtu d'une robe traî-
nante; ses cheveux sont blancs comme la
neige.
« Quels chants seront dignes du sublime
empereur? s'écrie-t-il. Quels sont les accents
qui vont s'échapper des cordes de ma lyre?
b aut-il que le troubadour célèbre ce qu'il y a
de noble et de grand sur la terre; ce que
l'âme désire, ce que rêve le cœur?
— Je ne prescris' rien au troubadour, ré-
pond Rodolphe en souriant; il appartient à
" un plus haut seigneur : il obéit à l'inspiration. »
Tel que l'orageux aquilon dont on ignore l'o-
rigine ; tel que le torrent dont la source est
cachée , le chant du poète jaillit des profon-
deurs de son âme et réveille les nobles sen-
timents assoupis dans le fond des cœurs.
Et le troubadour, après un brillant prélude,
chante ainsi : « Un noble chevalier chassait
dans les bois le rapide chamois ; un écuyer le
suivait , portant les armes de la chasse ; et au
moment où le chevalier , monté sur son fier
coursier, allait entrer dans une prairie , il en-
tend de loin tinter une clochette... C'était un
prêtre, précédé de son clerc, et portant le saint
viatique.
• Et le comte mit pied à terre, se découvrit
humblement la tête et adora avec une foi ar-
dente le Sauveur du monde. Mais un ruisseau
qui traversait la prairie , grossi par les eaux
d'un torrent, arrêta les pas du prêtre, qui, dé-
posant à terre l'hostie sainte , s'empressa d'ô-
ter sa chaussure pour atteindre l'autre rive.
— Que faites-vous? s'écria le comte avec
surprise.
— Seigneur, je cours chez un mourant qui
soupire après la céleste nourriture, et la plan-
che fragile qui servait à passer le ruisseau a
cédé à la violence des vagues. Cependant il
ne faut pas que le mourant perde l'espérance
du salut.
» Alors le noble comte lui présente la bride
éclatante et le fait montei sur son coursier.
Ainsi le prêtre pourra consoler le malade qui
l'attend, et ne manquera pas a son devoir sa-
cré. Et le chevalier poursuit sa chasse, monté
sur le cheval de son écuyer, tandis que le mi-
nistre des autels achève son voyage. Le len-
demain matin, il ramène au comte l'agile cour-
sier en lui exprimant sa reconnaissance.
— Dieu me garde , s'écrie le comte avec
humilité, de reprendre jamais pour le combat
ou pour la chasse un cheval qui a porté mon
Créateur! Si vous le refusez pour vous-même,
qu'il soit consacré au service divin ; car je l'ai
donné à celui de qui je tiens l'honneur , les
biens, le corps, l'âme et la vie. — Eh bien!
puisse Dieu, le protecteur de tous , qui écoute
les prières du faible , vous honorer dans ce
monde et dans l'autre comme aujourd'hui vous
l'honorez 1 Vous êtes un puissant comte, déjà
célèbre par vos exploits; six aimables filles
fleurissent autour de vous : puissent-elles ap-
porter six couronnes dans votre maison et
perpétuer votre auguste race ! »
Ici le vieillard se tut, la voix tremblante
d'une indicible émotion ; et Vempereur assis se
reconnaît dans le chevalier généreux ; puis ,
cherchant à recueillir ses souvenirs, il exa-
mine attentivement les traits du troubadour ,
qui lui rappellent soudain ceux du prêtre , et
il cache avec son manteau de pourpre ses yeux
humides de larmes. Tous les regards se por-
tent alors sur le prince , et chacun bénit les
décrets de la Providence.
* *
LA CAUTION.
Méros cache un poignard sous son manteau
et se glisse chez Denys de Syracuse : des satel-
lites l'arrêtent et le chargent de chaînes...
« Qu'au rais-tu fait de ce poignard J? » lui de-
mande le despote furieux. « J aurais délivré la
ville d'un tyran! — Tu expieras ce crime sur
la croix.
— Je suis prêt à mourir ; je n'implore point
ma grâce, mais si tu veux m'accorder une
faveur, je te demanderai trois jours de délai
pour unir ma sœur à son fiancé. Mon ami sera
ma caution, et si je manque à ma parole, tu
pourras te venger sur lui. »
Le roi, souriant d'un air railleur, répondit
après un instant de réflexion : « Je t'accorde
trois jours; mais songe que si tu n'as reparu,
ce délai expiré, ton ami périra- pour toi, et tu
seras libre. »
Méros court chez son ami : « Le roi veut
que j'expie sur la croix ma malheureuse ten-
tative; cependant il m'accorde trois jours
pour assister au mariage de ma sœur; sois
ma caution auprès de lui jusqu'à mon retour. »
Son ami l'embrasse en silence et va se
livrer au tyran, tandis que Méros s'éloigne.
Avant la troisième aurore il avait uni sa sœur
à son fiancé, et il revenait déjà plein d'inquié-
tude et en grande hâte, de peur de dépasser
le délai fatal.
Mais une pluie terrible entrava la rapidité
de sa marche ; les sources des montagnes se
changent en torrents, et les ruisseaux devien-
nent des tieuves. Appuyé sur son bâton de
voyage, Méros arrive au bord d'une rivière ,
il voit soudain les grandes eaux rompre le
pont qui joignait les deux rives, et en ruiner
les arches avec le fracas du tonnerre.
Désolé d'un tel obstacle, il s'agite en vain
sur les bords. , jette au loin d'impatients re-
gards , invoque du secours ; point de barque
qui se hasarde à quitter la rive pour le con-
duire où son devoir l'appelle; point de bate-
lier qui se dirige yerslui, et le torrent s'enflait
comme une mer.
Il tombe sur la rive et pleure en levant les
mains au ciel : « 0 Jupiter! apaise ces vagues
mugissantes. Le temps fuit, le soleil parvient
à son midi ; j'arriverai trop tard pour délivrer
mon ami 1 ■
La fureur des vagues ne fait que s'accroître,
les flots se succèdent, et les heures s'écou-
lent... Méros n'hésite plus, il se précipite au
milieu du fleuve irrité, lutte courageusement,
et fend les ondes de ses bras vigoureux. Les
dieux le prennent en pitié.
Il a gagné l'autre rive, il précipite sa marche
en rendant grâces au ciel... Quand tout a coup,
du plus épais de la forêt, une bande de bri-
gands se jettent sur lui, avides de meurtre,
et lui ferment le passage avec des massues
menaçantes.
« Que me voulez-vous? s'écrie-t-il, je ne
possède que ma vie , que je dots même au
tyran. » Pâle de teneur, il ajoute : « Ayez pitié
de mon ami. ° Puis, saisissant une massue, il
tue trois des brigands, et les autres prennent
aussitôt la fuite.
Le soleil est brûlant; Méros sent ses genoux
se dérober sous lui, brisés par la fatigue." o O
toi, qui m'as sauvé de la main des brigands et
de la fureur du fleuve, me laisseras-tu périr
ici,. et livrer à la mort celui qui m'aime 1...
Qu'entends -je? serait-ce un ruisseau que
m'annonce ce doux murmure? » Il s'arrête, il
écoute; une source claire et limpide a jailli
d'un rocher voisin. Le voyageur se baisse, ivre
de joie, et rafraîchit ses membres brûlants.
Et déjà le soleil perçait le feuillage, reflé-
tant le long du chemin les formes des arbres
en ombres gigantesques. Dans sa course ra-
pide, Méros rencontre deux voyageurs, et les
entend se dire entre eux : > A présent, on doit
le mettre en croix 1 ■
Le désespoir lui donne des ailes, la crainte
l'aiguillonne encore... Enfin, les tours loin-
taines de Syracuse apparaissent aux rayons
du soleil couchant; il rencontre bientôt Phi-
lostrate, le fidèle gardien de sa maison, qui le
reconnaît et frémit.
« Fuis donc! il n'est plus temps de "sauver
ton ami ; sauve du moins ta propre vie... En
ce moment il expire ; d'heure en heure il t'at-
tendait sans perdre l'espoir, et les railleries
du tyran n'avaient pu ébranler sa confiance.
— Eh bien I s'il est trop tard, ai je ne puis
le sauver, je partagerai du moins son sort :
que le monstre sanguinaire ne puisse pas dire
qu'un ami a trahi son ami ; qu'il frappe deux
victimes, et qu'il croie encore à la vertu. »
Le soleil commence à s'éteindre. Méros par-
vient aux portes de la ville, il «perçoit la croix
et la foule qui l'environne; on enlevait déjà
son ami avec une corde.
Il se précipite dans la foule, et se fraye un
Eassage : « Arrête , bourreau , me voici ! cet
omme était ma caution. »
Le peuple admire... Les deux amis s'em-
brassent en pleurant de douleur et de joie;
nul ne peut être insensible a un tel spectacle ;
le roi lui-même apprend avec émotion l'éton-
nante nouvelle, et les fait amener devant son
trône.
Longtemps il les considère avec surprise :
« Vous avez subjugué mon cœur... La vertu
n'est donc pas une chimère... J'ai à mon tour
une prière à vous adresser... Daignez m'ad-
mettre dans votre amitié, et que nos trois
cœurs n'en forment plus qu'un seul. »
Ce beau sujet ou plutôt cet hymne à l'Amitié,
a été chanté par toute l'antiquité ; Diodore de
'Sicile, Plutarque, Jamblique, Porphyre, Cicé-
ron, etc., en ont parlé dans leurs ouvrages.
Voici la version du savant Barthélémy, auteur
du Voyage d'Anacharsis.
Dans une des îles de la mer Egée, au milieu
de quelques peupliers antiques, on avait autre-
fois consacré un autel à l'Amitié. Il fumaitjour
et nuit d'un encens pur et agréable à la déesse.
Mais bientôt, entourée d'adorateurs merce-
naires, elle ne vit dans leurs cœurs que des
liaisons intéressées et mal assorties. Un jour,
elle dit à un favori de Crésus : «.Porte ailleurs
tes offrandes; ce n'est pas à moi qu'elles
s'adressent, c'est à la Fortune. • Elle répondit
à un Athénien qui faisait des vœux pour
Solon, dont il se disait l'ami : « En te liant
avec un homme sage, tu veux partager sa
gloire et faire oublier tes vices. » Elle dit à
deux femmes de Samos, qui s'embrassaient
étroitement auprès de son autel : ■ Le goût
des plaisirs vous unit en apparence; mais vos
cœurs sont déchirés par la jalousie, et le seront
bientôt par la haine. •
Enfin, deux Syracusains, Damon et Pythias,
tous deux élevés dans les principes de Pytha-
gore, vinrent se prosterner devant la déesse :
« Je reçois votre hommage, leur dit-elle; je
fais plus, j'abandonne un asile trop longtemps
souillé par des sacsifices qui m'outragent, et
je n'en veux plus d'autre que vos cœurs. Allez
montrer au tyran de Syracuse, à l'univers, à
la postérité, ce que peut l'Amitié dans des
âmes que j'ai revêtues de ma puissance. »
A leur retour, Denys, sur une simple dénon-
ciation, condamna Pythias à la mort. Celui-ci
demanda qu'il lui fût permis d'aller régler des
affaires importantes qui l'appelaient dans une
ville voisine. H promit de se présenter au jour
marqué, et partit après que Damon eût garanti
cette promesse au péril de sa propre vie.
Cependant les affaires de Pythias traînent
en longueur. Le jour destiné à son trépas
arrive; le peuple s'assemble; on blâme, on
plaint Damon, qui marche tranquillement à la
mort, trop certain que son ami allait revenir,
trop heureux s'il ne revenait pas. Déjà le mo-
ment fatal approchait, lorsque mille cris tumul-
tueux annoncèrent l'arrivée de Pythias. Il
court, il vole au lieu du supplice; il voit le
glaive suspendu sur la tête de son ami ; et, au
milieu des embrassements et des pleurs , ils
se disputent le bonheur de mourir l'un pour
l'autre. Les spectateurs fondent en larmes;
le roi lui-même se précipite du trône, et leur
demande instamment de partager une si belle
amitié.
LB PLONGEUR.
« Qui de vous, chevaliers et vassaux, ose-
rait plonger dans cet abîme? J'y lance une
coupe d'or; le gouffre obscur l'a déjà dévorée;
mais celui qui me la rapportera l'aura pour
récompense. »
Le roi dit; et, du haut d'un rocher escarpé
suspendu sur la vaste mer, il a jeté sa coupe
dans le gouffre de Charybde : « Quel est le
brave qui osera plonger au fond de cet abîme ? »
Les chevaliers et les vassaux qui l'environ-
nent ont entendu, mais ils se taisent; tous
jettent les yeux sur la mer indomptée, et au-
cun ne se laisse tenter par l'appât de la ré-
compense. Le roi s'écrie une troisième fois :
o Nul de vous n'osera donc affronter le péril? »
Tous encore gardent le silence; mais voilà
qu'un jeune page, à l'air doux et téméraire,
sort du groupe indécis des vassaux. Il jette
sa ceinture et son manteau, et toute la cour,
hommes et femmes, admirent son courage avec
effroi.
• Et comme il s'avance sur la pointe du ro-
cher en mesurant l'abîme, Charybde rejette
l'onde, qui, un instant dévorée, s'élance de sa
gueule profonde avec le fracas du tonnerre.
Les eaux bouillonnent, se gonflent, se bri-
sent et grondent comme si elles obéissaient à
la puissance irrésistible du feu; l'écume pou-
dreuse rejaillit jusqu'au ciel, et les flots sur
les flots s'entassent, comme si le gouffre ne
pouvait s'épuiser, comme si 1» mer enfantait
une mer nouvelle 1
Mais enfin sa fureur s'apaise, et, parmi la
blanche écume, apparaît sa gueule noire et
béante comme les portes de l'enfer; l'onde
tourbillonne de nouveau et s'y replonge en
aboyant.
Vite, avant le retour des flots, le jeune'
homme s'incline devant le monarque, se re-
commande à. Dieu, et... l'écho répète mille
cris d'effroi I Les vagues l'ont entraîné, la
gueule du monstre semble 'se refermer mys-
térieusement sur l'audacieux plongeur... 11 ne
reparaît pas !
L'abîme, calmé, ne rend plus qu'un sombre
murmure , et mille voix répètent en trem-
blant : « Adieu, jeune homme au noble cœur ! >■
Toujours plus sourd, le bruit s'éloigne, et l'on
attend encore avec inquiétude, avec frayeur.
Quand tu y jetterais ta couronne, et que tu
dirais : « Qui me la rapportera l'aura pour
récompense et sera roi... » un prix si glorieux
ne me tenterait pasl Ame vivante n'a redit
les secrets du gouffre aboyant 1
Que de navires, entraînés par le tourbillon
rapide, ont péri dans ses profondeurs; mais
les flancs de l'avide tombeau n'ont revomi que
des mâts et des vergues brisés.
Et le bruit des vagues résonne plus dis-
tinctement, approche de plus en plus, puis
éclate.
Mais, voyez : du sein des flots noirs s'élève
comme un cygne éblouissant; on distingue un
bras nu, et puis de blanches épaules qui na-
gent avec vigueur. C'est lui ! Sa main gauche
élève en triomphe le vase précieux !
Il respire longtemps et salue la lumière du
ciel. Un joyeux murmure voie de bouche en
bouche : a II vit ! il nous est rendu ! le brave
jeune homme a triomphé de l'abîme et du tom-
beau! >
Et il s'approche; la foule radieuse l'envi-
ronne ; il tombe aux pieds du roi et lui pré-
sente le prix de son imprudente valeur.
Le prince appelle son aimable fille; elle
remplit la coupe jusqu'aux bords d'un vin
pétillant; le page boit et s'écrie :
• Vive le roil Heureux ceux qui respirent
à la douce clarté du ciel 1 le gouffre est un
séjour terrible ; que l'homme ne tente plus les
dieux, et ne cherche pas à voir ce que leur
sagesse environna de ténèbres et d'effroi.
» J'étais entraîné d'abord par le courant
avec 'la rapidité de l'éclair lorsqu'un torrent
impétueux, sorti du cœur du rocher, se pré-
cipita sur moi; cette double puissance me fit
longtemps tournoyer comme le jouet d'un
enfant, et elle était irrésistible.
■ Dieu, que j'implorais dans ma détresse,
me montra une pointe de rocher qui s'avan^
jait dans l'abîme ;je m'y accrochai d'un mou-
vement convulsif, et j'échappai à la mort. La
coupe était là; suspendue a des branches de
corail, qui l'avaient empêchée de s'enfoncer à
des profondeurs infinies.
» Car, au-dessous de moi, il y avait encore
comme des cavernes sans fond, éclairées d'une
lueur rougeâtre, et, au milieu de l'éternel
silence qui règne dans cet empire, mon œil
aperçut avec effroi une foule de salamandres,
de reptiles et de dragons qui s'agitaient dans
une ronde infernale.
» C'était une masse confuse et dégoûtante
de raies épineuses, de chiens marins, d'es-
turgeons monstrueux, d'effroyables requins,
hyènes des mers, qui me menaçaient de leurs
dents cruelles et aigutis.
» Et j'étais là suspendu, éloigné de tout se-
cours, entouré de figures immondes, seul être
sensible parmi tant de monstres difformes,
dans une solitude affreuse où nulle voix hu-
maine ne pouvait pénétrer.
» Et je frémis d'horreur... car les monstres
s'avancèrent pour me dévorer... Dans mon
effroi, j'abandonnai la branche de corail où
j'étais suspendu : au même instant, le gouffre
vomissait ses ondes mugissantes : ce fut mon
salut ; elles me ramenèrent au jour. »
Le roi montra quelque surprise, et dit « La
coupe t'appartient, et j'y joindrai cette bague
ornée du diamant le plus précieux, ai tu tentes
encore l'abîme, et tu me rapportes des nou-
velles de ce qui se passe dans les profondeurs
de ce terrible séjour. •
A ces paroles, la jeune princesse, tout émue,
supplie son père de sa bouche caressante :
• Il a fait pour vous ce que nul autre n'eût
osé faire. Si vous ne pouvez mettre un frein
aux désirs de votre curiosité, que vos cheva-
liers surpassent en courage le jeune vassal. •
Le roi saisit vivement la coupe, et, la reje-
tant dans le gouffre : • Si tu me la rapportes
encore, tu deviendras mon plus noble cheva-
lier, tu seras mon successeur, et celle qui,
inspirée d'une si tendre pitié, tremble et me
supplie pour toi, deviendra ton épouse. ■
Une ardeur divine s'empare de l'âme du
page, dans ses yeux étincelle l'audace : il voit
la jeune fille rougir, pâlir et tomber évanouie.
Un si digne prix tente son courage, et il se
précipite soudain de la vie à la mort.
La vague rugit et s'enfonce... Bientôt elle
remonte avec le fracas du tonnerre... Chacun
se penche etyjette un regard plein d'anxiété :
le gouffre engloutit encore et revomit les
vagues qui s'élèvent, retombent et rugissent...
Aucune d'elles ne ramène le plongeur I...
• *
LA BATAILLE.
Telle qu'un sombre nuage qui porte une
tempête , la marche des troupes retentit dans
les vertes campagnes , une plaine immense se
déroule a leurs yeux , c'est là qu'on va jeter
les dés d'airain. Tous les regards sont baissés,
]_e cœur des plus braves palpite , les visages
sont pâles comme la mort; voilà le général
qui parcourt les rangs : — Halte i — Cet ordre
120
BAL
BAL
BAL
BAL
brusque enchaîne les mille bataillons au front
immobile et silencieux.
Mais qui brille là-bas sur la montagne aux
rayons pourprés du matin ? Voyez , ce sont les
drapeaux ennemis. — Nous les voyons I que
Dieu soit avec nos femmes et nos enfants!
— Entendez-vous ces chants , ces roulements
du tambour et ces fifres joyeux? Comme cette
belle et sauvage harmonie pénètre tous nos
membres et parcourt la moelle de nos os !
Frères , que Dieu nous protège 1 Au revoir
dans un autre monde !
Déjà l'éclair luit le long de la ligne de ba-
taille, un tonnerre sourd T'accompagne, l'ac-
tion s'engage, les balles sifflent, les signaux
se succèdent... déjà les Furies des combats se
déchaînent. Ahl l'on commence à respirer!
La mort plane, le sort se balance indécis...
Les dés d'airain sont jetés au sein d'une épaisse
fumée! Voilà que les deux armées se rappro-
chent : — Garde à vous! crie-t-on de peloton
en peloton. Le premier rang plie le genou et
fait feu... Il en est qui ne se relèveront pas.
La mitraille ouvre de larges vides, le second
rang gravit promptement sur les cadavres du
premier... La mort est partout! que de légions
elle couche à terre !
Le soleil s'éteint, mais la bataille est ardente,
la nuit sombre descend enfin sur les armées,
et la flamme soufrée qui sort de la bouche des
canons éclaire seule ce champ de carnage.
Adieu , frères , au revoir dans un autre
monde 1
De toutes parts le sang jaillit, les vivants
sont couchés pêle-mêle avec les morts... le
pied glisse sur les cadavres... — «Et toi aussi,
Franz ! — Ami , mes adieux à ma Charlotte I
— Je lui porterai tes adieux : repose en
paix... moi, ton ami abandonné, je vole là-
bas où court la mort, ou pleuvent les balles. »
Le sort de la journée est encore douteux;
mais la nuit s'épaissit toujours...
Frères, que Dieu nous protège ! Au revoir
dans un autre monde 1
Ecoutez 1 les adjudants passent au galop...
Les dragons s'élancent sur l'ennemi... ses ca-
nons se taisent,., quel silence de mort... Vic-
toire! camarades! La terreur s'est emparée du
cœur des timides et ils abandonnent leurs dra-
peaux.
La terrible bataille est enfin décidée. Ecou-
tez les roulements du tambour et les fanfares
joyeuses entonnant déjà le chant de la vic-
toire!
Adieu, frères que nous laissons... nous nous
reverrons dans un autre monde I
Les ballades de Goethe, sans avoir rien de
mystique, ont un caractère mystérieux, qui
réside tout entier dans la manière de traiter
le sujet. Le mystérieux ressort en effet presque
toujours de 1 arrangement ou de- la mise en
scène. Lyrisme., drame, épopée, toutes les
formes fondamentales de la poésie sont mêlées
ensemble, disposées selon le souffle de l'inspi-
ration capricieuse ; le refrain, ramené avec art
au bout de chaque strophe, tout en introdui-
sant dans le vers ce nombre caractéristique,
ce rhythme musical que Beethoven admire,
vient donner à l'expression de la pensée un
ton original de plus. Les ballades de Goethe
sont autant de morceaux marqués chacun d'un
signe distinctif par ce génie, qui sait varier à
l'infini ses formes etses tons. Cependant on
peut les diviser en deux classes distinctes :
la ballade épique, qui revêt toutes les pompes
de l'art; la ballade populaire, la vraie ballade,
toute naïve, toute concise, belle de sa seule
ingénuité. La ballade populaire de Goethe
restera comme un inimitable modèle de poé-
sie, où la naïveté de la légende s'allie à la
perfection de la forme. Ce sont des épopées
en quelques lignes, dans un style fantastique
autant que réel, qui semble fait pour s'impri-
mer dans la mémoire. Au premier genre ap-
partiennent : le Dieu et la Bayadère, la Fian-
cée de Corinthe, le Chant du comte prisonnier,
Mit/non, la Violette; au second, le Moi des
Aulnes, le Page et la Meunière, le Jtoi de
Thulé, la Cloche errante, Y Apprenti sorcier.
Voici quelques-unes des ballades du plus
grand écrivain de l'Allemagne :
LA FIANCÉE DE CORINTHE.
Il vint d'Athènes à Corinthe unjeune homme
qui voyait cette ville pour la première fois :
il y était attiré par l'espoir de s'allier à une
ieune Corinthienne qui lui était promise dès
l'enfance. Leurs parents s'étaient plu à res-
serrer, par cette union projetée, les lienS de
l'hospitalité qui les unissaient depuis long-
temps.
. Mais le bon accueil qu'il espère ne lui coû-
tera-t-il pas trop cher? Ses parents et lui
sont restés fidèles à l'ancienne religion; la
jeune Corinthienne et les siens, au contraire,
professentdéjàlafoi chrétienne. Une croyance
nouvelle ne repoussera-t-elle pas sa constance
et son amour comme des plantes empoison-
nées?
.Déjà tous les habitants de la maison se li-
vraient au sommeil; la mère de la jeune Co-
rinthienne veillait encore. Elle reçoit l'étranger
avec empressement; un modeste repas lui est
offert aussitôt dans la chambre même qu'il
doit habiter. Après avoir rempli ce devoir
hospitalier, elle se retire, et lui souhaite un
doux repos.
Ces soins affectueux ne peuvent triompher
des vagues inquiétudes dont l'âme du jeune
homme est agitée; enfin il succombe à la fa-
tigue qui l'accable, et, sans quitter ses vête-
ments, il se jette sur la couche qu'on lui a
préparée. Mais à peine le sommeil commen-
çait-il à fermer sa paupière, qu'il entend ou-
vrir la porte et qu'un hôte inattendu se montre
à ses yeux étonnés.
Il aperçoit à la lueur de la lampe une jeune
fille qui, enveloppée d'un long voile blanc,
s'avance lentement vers lui : son front est
ceint d'un bandeau noir, entremêlé d'or. A
l'aspect du jeune voyageur, elle recule inti-
midée, elle s'écrie avec un accent douloureux
en levant vers le ciel ses mains décolorées :
« Suis-je donc devenue si étrangère dan.;
la maison paternelle, que j'ignore même la
présence d'un nouvel hôte? Hélas! retenue-
dans une étroite cellule, faut-il, pour combler
mes maux, me voir réduite à la honte d'être
ainsi oubliée ! Repose doucement, jeune voya-
geur ; je me retire confuse d'avoir involontai-
rement troublé ton sommeil.
— Ne t'éloigne pas, femme céleste, s'é-
crie le jeune Athénien, qui s'élance pour la
retenir; daigne partager avec moi lesdonsde
Cérès et de Bacchus ; ta vue inspire l'amour!
Pourquoi pâlir ainsi d'effroi? ne serais-tu pas
l'épouse que le ciel m'a destinée? Viens, ô
ma bien-aimée 1 reste près de moi ; fais-moi
goûter la félicité des dieux.
— Fuis-moi, jeune infortuné! fuis celle qui
n'appartient plus aux joies de ce monde ! Le
dernier pas est franchi; ma mère malade m'a
engagée , par une promesse fatale , envers
son nouveau dieu. La nature et la jeunesse
ont été sacrifiées à l'espoir du bonheur dans
une vie future, et j'ai prononcé des vœux ir-
révocables.
» Les dieux da nos pères sont bannis de
cette silencieuse demeure : un être invisible
dans le ciel, un Dieu sauveur, mort sur la
croix, voilà ce que nous adorons. On n'offre à
ce Dieu ni timides agneaux, ni taureaux re-
doutables. Le croiras-tu? ce sont des sacri-
fices humains qu'il exige! et moi-même je lui
fus consacrée, »
— Mon cœur ne m'a point trompé; tu es
ma fiancée, tu es mon épouse chérie ! Tu es
toujours à moi; les serments de nos pères ne
peuvent être rompus ; le ciel a repoussé un
vœu téméraire.
— Tu t'abuses; je ne puis plus être à toi :
ô noble jeune nomme! condamnée à gémir
dans ma triste demeure, je dois céder à ma
jeune sœur les beaux jours qui m'étaient ré-
servés. En t'unissant à elle, pense à moi, à
celle que son amour et Ses regrets ont dévo-
rée; à celle qui n'est occupée que de toi; à
celle que la terre va bientôt engloutir I
— Non , j'en jure par notre amour, notre
union peut encore s'accomplir 1 non, tu n'es
pas perdue pour moi! suis-moi, viens à Athè-
nes, dans la maison de mes pères; ma bien-
aimée, ne me quitte plus; et puisque les dieux
nous ont réunis, hâtons-nous de célébrer notre
hymen. »
Elle se laisse fléchir, et alors ils échangent
les gages delà foi jurée. Le jeune homme re-
çoit de celle qu'il prend pour épouse une
chaîne d'or, et lui présente une riche coupe
d'argent. « Cette coupe ne m'est pas destinée,
lui dit-elle ; tout ce que je réclame de toi, c'est
une boucle, de tes cheveux. »
En ce moment sonna l'heure ténébreuse des
fantômes, et elle parut plus calme. Elle porta
avec avidité à ses lèvres pâles le vin que goû-
tent les ombres, un vin couleur de sang; mal-
gré toutes les instances de son fiancé, elle
refuse constamment le pur froment qu'il lui
offre.
Alors elle présente au jeune Athénien la
coupe dans laquelle elle vient de boire; il la
vide avec une avidité égale à la sienne. De
plus en plus, ce silencieux repas éveille en lui
tous les feux de l'amour; son cœur en éprouve
les transports les plus vifs : il veut l'entraîner
vers la couche nuptiale ; la résistance qu'elle
lui oppose excite son désespoir.
Elle cherche à le consoler de son refus, et
lui dit ; « Tes souffrances m'affligent profon-
dément ; mais, hélas ! si tu touchais mes mem-
bres, tu frémirais de ce que mon voile cache
à tes yeux : blanche comme la neige, mais
glacée comme elle, telle est l'infortunée que
tu veux pour épouse. »
Il la saisit alors avec toute la force de la
jeunesse et de l'amour, et s'écrie : « Je te ra-
nimerais, lors même que tu sortirais du tom-
beau; mon haleine réchauffera la tienne, mes
baisers répandront la vie dans ton sein. Ne
ressens-tu donc pas aussi le feu dévorant dont
je suis embrasé ? »
Il la presse fortement sur son sein ; des lar-
mes se mêlent à leurs transports ; leurs âmes
semblent se confondre, et l'infortunée savoure
le bonheur d'être aimée. L'amour de son époux
semble ranimer ses sens glacés, et cependant
il est étonné de ne pas sentir un cœur battre
contre son cœur.
La mère de la jeune Corinthienne, qui veil-
lait encore, passe devant l'appartement de
l'étranger ; surprise d'y entendre du bruit, elle
s'approche, elle écoute.
Elle reste d'abord immobile d'étonnement,
puis s'avance davantage pour se convaincre.
Elle entend alors les serments d'amour les
plus tendres, les expressions les plus pas-
sionnées.
• Malheureusement, se disaient-ils, le coq
matinal annonce le jour I 11 faut nous séparer ;.
mais demain, demain la nuit nous réunira. •
Elle entendit alors le baiser de l'adieu.
Elle ne peut plus longtemps contenir son
indignation; elle ouvre la porte précipitam-
ment pour confondre l'esclave qu'elle soup-
çonne être dans les bras de l'étranger. Elle
s'avance, et muette d'étonnement, elle recon-
naît, qui? ô ciel ! sa fille infortunée !...
Le jeune Athénien, plein d'effroi, veut ca-
cher son épouse et l'envelopper de son voile,
mais elle le rejette ; et prenant la forme d'une
ombre aérienne, elle grandit lentement jusqu'à
la voûte.
« O ma mère ! s'écrie-t-elle d'un ton de voix
sépulcral, pourquoi troublez-vous cette belle
nuit de l'hymen, et me rappelez-vous au dé-
sespoir? n était-ce pas assez de m'avoir enve-
loppée si jeune d'un linceul, et de m'avoir
ainsi envoyée avant le temps au séjour des
morts?
» La justice divine m'a fait sortir du cer-
cueil ; toutes les bénédictions et les chants de
vos prêtres n'ont point eu le pouvoir d'apaiser
mes mânes errants; l'eau et le sel auraient-ils
pu anéantir l'amour et la jeunesse, quand le
froid mortel de la terre n'a pu y parvenir?
» Je fus promise à ce jeune homme lorsque'
le temple paisible de Vénus était encore de-
bout. Ô ma mère, vous avez rompu ce lien
sacré ! Séduite par une croyance étrangère,
vous avez formé un vœu qui ne pouvait se
réaliser; car aucun dieu n'accepte le serment
d'une mère qui dispose de sa fille déjà consa-
crée par l'hymen.
» Je suis sortie, de la tombe pour chercher
le bien que l'on m'a ravi, pour aimer encore
celui qui m'a été enlevé, et pour sceller notre
union dans un autre monde.
» O mon époux ! tu ne vivras plus long-
temps ; tu languirais dans ces lieux où tu viens
de t engager avec moi; la chaîne que je t'ai
donnée, la boucle de cheveux que j'ai reçue
de toi nous lient éternellement l'un à l'autre ;
ton union volontaire à la fille des tombeaux
te condamne à une vieillesse prématurée, et
ce n'est qu'auprès de moi que tu retrouveras
la jeunesse,
» Ecoute, ô ma mèrel la dernière prière de
ta malheureuse fille : fais élever un bûcher;
ouvre mon étroite demeure; fais porter les
amants au lieu du repos t lorsque la flamme
pétillera, lorsque nos cendres brûlantes se-
ront mêlées ensemble, alors tes enfants réu-
nis iront rejoindre les dieux de leurs pères. «
Trad. de Mme Panckouckb.
L APPRENTI SORCIER.
» Enfin mon vieux maître est sorti ! et je vais
à mon tour me faire obéir par ses génies. J'ai
bien retenu les paroles qu'il prononce, les
mouvements qu'il fait; je vais certainement
produire des merveilles en sorcellerie.
» Allons, vite, à l'ouvrage ! que l'eau coule
et que l'on me remplisse ce bassin.
» Viens donc ici, vieux balai; prends ces
dépouilles : tu es habitué à servir depuis
longtemps, il te coûtera peu de te soumettre
à ma volonté. Tiens-toi debout comme si tu
étais une personne ; hâte-toi, et va me cher-
cher de l'eau plein ce vase.
> Allons, vite, à l'ouvrage; que l'eau coule
et qu'on me remplisse ce bassin.
» Hél mais, il m'obéit!...le voilàquidescend
au rivage! Vraiment, ilest au bord de l'eau !.,.
le voilà revenu avec la vitesse de l'éclair I...
Déjà.une seconde, une troisième fois il a rem-
pli le bassin!... comme il porte ces vases avec
aisance 1
» Laisse, laisse, en voilà bien assez ; ta tâ-
che est accomplie... Ah mon Dieu ! j'ai oublié
mes paroles magiques. Ce mot était quelque
part... à la fin; mais quel était-il? On! mon
sauveur 1 le voilà qui accourt de nouveau I
Arrête donc, vieux balai 1 II n'en va que plus
vite.
» Malheur à lamaison! malheur àmoi-mêmel
Non, je ne le laisserai pas voyager plus long-
temps; je veux lui jouer un bon tuur. Hélas !
la peur me gagne de plus en plus ! Quel geste,
quel regard faut-il faire, quel mot faut-il pro-
noncer?
» Envoyé de l'enfer, veux-tu donc nous
noyer ? ne vois-tu pas que l'eau se répand de
toutes parts? Un insensé balai qui ne veut
rien entendre l Bâton que tu es, reste donc
tranquille I
» Tu ne veux pas finir? je vais t'apprendre
comme il faut faire pour t'arréter ; et stupide
morceau de bois, je vais prendre ma hache et
te fendre en deux !
» Il ne tient compte de mes menaces, le voilà
encore! Oh! comme je vais le punir! A l'in-
stant, farfadet, tu resteras coi. Tiens, te voilà
en deux ! Ouf 1 J'ai trouvé le bon moyen, et
j'espère qu'à présent tu me laisseras respirer I
• Oh I malheureux que je suis! voilà les deux
morceaux de bois transformés en deux valets
droits et alertes ! Dieu puissant 1 venez à mon
aide !
• Comme ils courent! tout est submergé jus-
qu'à l'escalier. Quelle inondation ! O mon sei-
gneur et maître, ne viendrez-vous donc pas à
mon secours I
» Dieu soit béni 1 le voilà qui arrive ! O mon
maître I accourez, le danger est imminent!
J'ai osé évoquer vos démons familiers, et ne
sais plus comment m'en défaire. — Ignorant,
c'est ta juste punition que mérite ta sotte va-
nité ! Ah ! tu as cru en savoir autant que ton
maître ! Reconnais ta faiblesse et le pouvoir
de la science !
. i Rentrez dans le devoir, esprits infernaux et
n'obéissez q Vaux ordres du mortel habile qui
sait vous commander. »
Trad. de Mme Panckouckb.
LE ROI DE THUI.É.
Un roi de l'Ile de Thulé offrit un grand
exemple de fidélité et d'amour. Il n'aima qu une
fois : celle qu'il regrettait lui avait donné en
mourant une belle coupe d'or.
Il s'en servit constamment pendant de lon-
gues années ; et chaque fois qu'il la portait a
ses lèvres, il la regardait avec attendris-
sement.
I! sentit sa dernière heure upprocher, et il
abandonnait sans regrets tous ses trésors et
toutes les villes de son royaume à ses héri-
tiers : le seul objet auquel il tenait encore
était sa coupe.
Comme il était à table, entouré de tous ses
chevaliers, dans une des salles de son palais
dont les fenêtres donnaient sur la mer,
Il fit remplir sa coupe pour la dernière fois;
puis, quand il eut savouré la liqueur qu'elle
contenait, il jeta dans la mer ce gage sacré
de son malheureux amour.
Il la vit tournoyer au milieu des flots, s'em-
plir et disparaître pour toujours; alors la vie
l'abandonna, et ses yeux ne se rouvrirent plus
à la lumière.
Trad. de Mme Panckojjckë.
Nos lecteurs ne seront pas fâchés de voir
ici une traduction en vers de cette charmante
ballade, due à la plume de notre regretté
Gérard de Nerval :
Il était un roi de Thulé,
A qui son amante fidèle
Légua, comme souvenir d'elle,
Une coupe d'or ciselé.
C'était un trésor plein de charmes
Où son amour se conservait :
A chaque fois qu'il y buvait
Ses yeux se remplissaient de larmes.
Voyant ses derniers jours venir,
It divisa son héritage,
Mais il excepta du partage
La coupe, son cher souvenir.
Il fit a la table royale
Asseoir les barons dans sa tour ;
Debout et rangée a l'entour,
Brillait sa noblesse loyale.
Sous le balcon grondait la mer.
Le vieux roi se lève en silence.
Il boit, frissonne, et sa main lance
La coupe d'or au Ilot amer!
Il la vit tourner dans l'eau noire,
La vague en s'ouvrant fit un pli.
Le roi pencha son front pâli...
Jamais on ne le vit plus boire.
Ltë ROI DES AULNES.
Qui peut voyager si tard achevai, par cette
nuit sombre et agitée? C'est un père avec son
enfant; il le presse tendrement contre son
sein, et cherche à le garantir de l'humidité
glaciale qui les pénètre.
Cependant il sent son jeune fils frémir dans
ses bras : «Qu'as-tu, cher enfant? qui peut
t'inspirer de l'effroi? n'es-tu pas protégé par
ton père! — Père, père, aperçois-tu le roi des
aulnes nui nous apparaît? Il est vêtu d'un ri-
che mantea.'!, une couronne brille sur sa tête;
il fixe les yeux sur moi! — Mon fils, c'est
une vision qu'il faut éloigner de ton esprit;
nous ne sommes environnés que de brouil-
lards.
— Ecoute, mon père, il m'appelle ; il me
dit : Viens avec moi, charmant enfant ; j'em-
ploierai tous les moyens pour te plaire, je te
donnerai les plus beaux jouets; les brillantes
fleurs qui bordent ce ruisseau orneront ta
chevelure, et ma mère te parera des plus
jolis habits brodés d'or et de soie.
» Mon père, n'entends-tu pas toutes les pro-
messes que me fait le roi des aulnes? —
Calme-toi, ô mon fils chéri 1 éloigne de vaines
chimères : tu n'entends que le bruit du feuil-
lage agité par les vents.
— O mon père I j'entends le son de sa
voix ; il me dit : Aimable enfant, suis-moi ;
mes filles t'attendent et te préparent la récep-
tion des anges : en ce moment, elles chantent
et dansent dans l'espoir de te voir bientôt au
milieu d'elles.
» Oui, je les vois, ô mon père! je vois les
filles du roi des aulnes à l'endroit le plus som-
bre de la forêt I — Mon fils, mon cher fils,
rappelle ta raison égarée 1 regarde bien, et tu
ne verras, comme moi, que le vieux saule de
la forêt, dont les longues branches touchent
jusqu'à terre.
— Il me menace de m'enlever, si je ne le
suis volontairement ; il m'entraîne loin de toi;
il m'a fait une blessure profonde. Adieu, père
chéri !... »
Le malheureux père frémit, presse le pas
de son cheval, serre dans ses bras son fils ex-
pirant, soutient sa tête avec peine; il veut
l'embrasser; mais, hélas! son enfant était
mort. Trad. de M">e Panckouckb.
LE ROI DES AULNES.
Qui donc passe h cheval dans la nuit et le vent?
C'est le père avec son enfant :
De son bras, crispé de tendresse,
Contre sa poitrine il le presse
Et de la bise il le défend.
— Mon fils, d'où vient qu'en mon sein tu frissonnes ?
Mon père... la... vois-tu, le roi des aulnes,
Couronne au front, en long manteau?
— Mon fils, c'est le brouillard sur l'eau.
BAL
BAL
BAL
BAL
121
Viens, cher enfant, suis-moi dans l'ombre :
Je t'apprendrai des jeux sans nombre:
J'Ai de magiques fleurs et des perles encor,
Ma mère a de beaux habits d'or.
— N'entends-tu point, mon père (oh! que tu te dé-
[pêches).
Ce que le roi murmure et me promet tout bas?
— Endors-toi, mon cher fils, et ne t'agite pas ;
C'est le vent qui bruit parmi les feuilles sèches.
Veux-tu venir, mon bel enfant? Oh! ne crains rien !
Mes filles, tu verras, te soigneront si bien !
La nuit, mes filles blondes
Mènent les molles rondes...
Elles te berceront.
Danseront, chanteront.
— Mon père, dans les brumes grises,
Vois-tu ces filles en cercle assises?
— Mon fils, mon fils, j'aperçois seulement
Les 32'jles gris au bord des flots dormant.
Je t'aime, toi ; je suis attiré par ta grâce!
Viens, viens donc! Un refus pourrait t'être fatal!
— Ah! mou père, mon père! il me prend... il m'em-
Le roi des aulnes m'a fait mal! • [brasse...
Et le père frémit et galope plus 'fort ;
Ikserre entre ses bras son enfant qui sanglote...
Il touche à sa maison : son manteau s'ouvre et flotte...
Dans ses bras, l'enfant était mort!
Trad. de M. E. Deschamps.
LE DIEU ET LA. BAYADERE.
Mahadoch, le maître de la terre, venait la
visiter pour la sixième fois. Il consentait à
devenir l'égal des hommes, pour éprouver les
mêmes peines et les mêmes plaisirs : habitant
parmi les mortels, il se soumettait a leur des-
tinée ; il se faisait homme pour juger les hom-
mes, pour les punir et pour le3 récompenser.
Lorsqu'après avoir visité une ville en voya-
geur attentif, il avait forcé le puissant à res-
pecter le faible, le dieu continuait sa route.
Il s'éloignait, un soir, d'une des villes de
l'Asie ; et comme il passait devant la dernière
habitation, il en vit sortir une jeune et belle
fille. Il la, salua gracieusement ; elle lui rendit
son salut, et vint avec empressement à sa ren-
contre : « Eh 1 qui es-tu ? lui dit le dieu. — Une
bayadère, et tu vois là le temple de l'Amour. »
Elle déploie alors toutes ses grâces; elle danse
devant lui en s' accompagnant de cymbales. Les
cercles variés qu'elle décrit, la souplesse de ses
mouvements, le charme de ses attitudes atta-
chent l'œil du voyageur; la jeune danseuse
l'entoure d'une guirlande de fleurs, l'attire
doucement vers sa maison ; elle l'y entraîne :
« Bel étranger, lui dit-elle, ma demeure ^va
devenir pour toi resplendissante de lumière.
Es-tu fatigué, je vais laver tes pieds, soigner
tes blessures; tu trouveras ici tout ce que tu
pourras souhaiter, le repos, les jeux et les
plaisirs. •
Elle cherche à calmer les souffrances appa-
rentes du dieu qui sourit doucement. Il voit
avec joie un cœur sensible, dont le vice même
n'avait pu altérer la bonté.
Il exigea d'elle un service d'esclave; elle
remplissait ses ordres avec un zèle infatigable.
Mais ce qu'elle faisait d'abord par simple pré-
venance devint bientôt un besoin de cœur.
Ainsi que l'arbre qui fleurit apporte insensi-
blement des fruits, son âme, soumise par un
charme irrésistible, devait ressentir l'amour.
Mais, voulant lui faire subir toutes les épreu-
ves, le dieu , habile à les multiplier, la fait passer
tour à tour par les séductions du plaisir, les
transports d une passion brûlante et les an-
goisses de la douleur.
Lorsqu'il lui donne le premier baiser, un trait
enflammé déchire son àme; elle comprend tout
son malheur et pleure pour la première fois.
Elle se jette aux pieds du dieu; non qu'elle
espère un tendre retour; tout espèce d'intérêt
est loin de sa pensée ; elle succombe aux sen-
timents qu'elle éprouve et s'évanouit.
Bientôt la nuit viendra étendre le voile du
mystère sur les moments de bonheur que pro-
met la beauté.
Mais , hélas 1-qu'ils furent de courte durée 1
La jeune Indienne croit que l'hôte qu'elle chérit
repose sur son sein; elle veut l'éveiller : le
froid de la mort a glacé les sens de celui
qu'elle adore. En vain elle le presse sur son
cœur ; en vain elle l'appelle des noms les plus
tendres. Il n'est plus!... et déjà l'on prépare
un bûcher pour recevoir sa dépouille mortelle)
et déjà les Drames font entendre des chants de
mort ! Dans son désespoir, elle court, se pré-
cipite à travers la foule. « Qui es-tu? lui dit-
on, pourquoi troubles-tu cette cérémonie fu-
nèbre?»
Elle franchit les obstacles, se jette sur le
corps de son bien-aimé ; l'air retentit de ses
cris : « C'est mon époux que je redemande!
' c'est lui que je veux suivre au tombeau ! Faut-
il que je voie ses formes ravissantes dévorées
par les flammes 1 II était à moi ; c'est mon bien
que je réclame : hélas 1 pourquoi mon bonheur
a-t-il duré si peul •
Les prêtres impassibles continuaient leurs
chants : « Nous conduisons au tombeau la vieil-
lesse qui se refroidit après avoir éprouvé de
longues souffrances ; nous y portons également
la jeunesse frappée tout a coup à l'entrée de
sa "brillante carrière.
Cesse tes clameurs, jeune femme: celui que
tu pleures n'a pas été ton époux. N es-tu pas
une bayadère ? à ce titre, tu n'as aucun devoir
à remplir.
» L'ombre seule suit le corps dans le paisible
royaume de la mort,
» Et l'épouse seul y suit l'époux : c'est son
devoir et sa gloire à la fois. Brames, que les
trompettes retentissent et accompagnent les
chants sacrés I
» Recevez, ô dieux 1 l'ornement de la terre ;
accueillez le sacrifice de la jeunesse : que les
flammes s'élèvent jusqu'à vous! >
C'est ainsi que l'insensibilité des prêtres re-
pousse l'infortunée. Mais, bravant leur sévé-
rité, elle s'élance malgré eux, et se précipite
au milieu du bûcher. Le jeune dieu, qui veille
sur elle, la reçoit dans ses bras et enlève au
séjour céleste celle qu'un amour pur, un dé-
vouement sans bornes et le repentiront puri-
fiée, et rendue digne d'une étemelle félicité.
Trad. .de Mme panckoucke.
Les ballades d'Uhland sont des chants ly-
riques et des imitations de quelques fragments
des romanceros espagnols.'
Ces chants patriotiques furent publiés à l'é-
poque où. la domination de Napoléon pesait
lourdement sur l'Allemagne. Lamuse d'Uhland
s'inspira de l'humiliation de la patrie pour mau-
dire le conquérant étranger. Après la campagne'
de Russie, il ne put voir son pays foulé aux
pieds par les armées de l'Europe, sans lancer
encore de terribles imprécations contre celui
qui était la cause de tant de maux. Comme
chez nous, les chansons de notre Béranger, ces
poésies remuaient tout cœur allemand et allu-
maient contre nous des haines terribles. Elles
se répandirent d'abord en feuilles volantes et
pénétrèrent même sans le secours de la presse
dans toutes les parties de la grande patrie
germanique.
Alors que les rois étaient courbés sous la
main toute-puissante de Napoléon, ils cher-
chèrent dans les peuples un appui contre son
despotisme, et ils leur promirent des libertés,
des constitutions; mais, le danger passé^ ils
oublièrent leurs promesses. La lyre d'Uhland
vibra encore avec puissance pour les leur rap-
peler. Ses romances, fruit d'importantes études
sur l'histoire poétique du moyen âge, sont re-
marquables par la plus exacte reproduction
des mœurs et de la couleur locale de l'époque.
Indépendamment de ce mérite, elles se placent
au premier rang parmi les compositions de ce
genre et rivalisent parfois avec celles de Goethe
lui-même. Le style en est vif et élégant, et la
pensée, pleine de clarté, de profondeur et
quelque peu mélancolique, doit surtout plaire
au caractère allemand.
MARIE LA FAUCHEUSE.
• Bonjour, Marie, aux champs la première toujours!
Tu me rappelles Ruth, la moissonneuse antique :
Si tu fauches le pré, de cette heure en trois jours,
Je te veux pour époux donner mon fils unique. •
Le fermier, orgueilleux et riche, l'a promis.
Marie, oh! comme bat Eon cœur plein d'allégresse!
Ses yeux sont plus brillants, ses bras mieux affermis.
Comme bruit sa faux! comme l'herbe s'abaisse!
Midi brûle! l'épi s'incline dans le champ;
La soif cherche la source, et le sommeil l'ombrage ;
L'abeille seule encor butine en bourdonnant;
Marie est sa rivale et poursuit son ouvrage.
Le soleil fuit; la cloche éveille les échos;
En vain le voisin crie : Assez pour la journée!
En vain partent faucheurs, et pâtres, et troupeaux :
Marie aiguise encor sa faucille obstinée.
Et voici la rosée, et l'étoile reluit;
L'herbe fume; on entend le rossignol qui chante. -
Marie est insensible au barde de la nuit;
Ètle agite toujours sa faucille tranchante.
Ainsi'du soir à l'aube et de l'aurore au soir,
Se nourrissant d'amour en douce confiance.
Le troisième soleil se lève : — Oh ! venez voir,
Marie heureuse enfin et pleurant d'espérance!
« Bonjour, Marie, eh quoi ! tout fauché! noble ardeur!
Ah! je veux te payer dignement sur mon âme.
Quant à mon fils... tu pris pour grave un mot rieur :
Insensés et naïfs les cœurs qu'amour enflamme ! •
Il dit, et passe... Hélas! pauvre Marie! Alors
Ton cœur brûlant se glace et ton beau corps chancelle.
Sans voix et ton esprit brisé dans ses ressorts.
On te trouva sur l'herbe, 6 faucheuse fidèle !
Plus d'une année encor, muette et sans raison,
Elle vécut de miel et d'eau, la malheureuse!...
Ah ! creusez son tombeau sous le plus vert gazon :
On ne rencontre plus tant aimable faucheuse !
Trad. de M. N. Martin.
LA FILLE DE L ORFEVRE.
Un orfèvre était assis dans sa boutique au
milieu des perles et des pierres précieuses.
« Hélène , dit-il à sa fille , le joyau le plus
pur que j'ai trouvé jusqu'à ce jour, c'est pour-
tant toi, ma chère enfant. » Un beau chevalier
entra. « Bonjour, gracieuse enfant, bonjour,
mon cher orfèvre. Je viens te prier de faire
une magnifique couronne pour ma douce fian-
cée. »
Lorsque la couronne fut terminée, riche et
tout étinoelante, Hélène, plongée dans la tris-
tesse, ne sévit pas plus tôt seule, que, suspen-
dant à son bras la somptueuse parure :
« Ah! bienheureuse, pensa-t-elle, la fian-
cée qui doit porter cette couronne I Si seulement
ce beau chevalier daignait m'offrir une cou-
ronne de roses, que je serais joyeuse 1 »
Peu de temps après, le chevalier entra. Il
examina la couronne avec une grande atten-
tion. « Mon cher orfèvre, dit-il ensuite, je
te prie de faire maintenant une bague de dia-
mants pour ma douce fiancée. »
Lorsque la bague fut terminée, Hélène, plon-
gée dans la tristesse, ne M vit pas plus tôt
seule, qu'elle la mit à son doigt.
f Ah! bienheureuse, dit-elle, la fiancée qui
doit porter cet anneau! Si seulement ce beau
chevaliftr daignait m'offrir rien qu'une boucle
de ses cheveux, que je serais joyeuse 1
Peu de temps après le chevalier entra ; il
examina l'anneau avec une grande attention.
« Mon cher orfèvre, dit-il ensuite, tu as fine-
ment travaillé cet anneau que je destine à ma
douce fiancée I,
« Mais pour que je voie comment ces bijoux
lui siéront, approche un peu, gracieuse enfant:
permets-moi de t'essayer cet ornement fiançai
de ma bien-aimée : elle est belle comme toi. »
C'était un ^dimanche matin; aussi la jeune
fille avait-elle. revêtu sa plus belle robe pour
aller à l'église.
Toute rouge d'une aimable pudeur, elle s'ar-
rêta-devant le chevalier. Celui-ci lui posa sur
la tête la couronne d'or, lui mit au doigt le
petit anneau, puis, lui serrant la main :
« Douce Hélène, chère Hélène, dit-il, tout
ceci n'est pas un jeu : c'est toi qui es la char-
mante fiancée à qui je destinais cette couronne
d'or et cet anneau. »
Trad. de M. N, Martin.
* »
LE ROr AVEUGLE.
Pourquoi tous ces guerriers du Nord assem-
blés sur la grève? que veut le roi aveugle, le
vieux roi dont le front se couronne de cheveux
blancs ? Courbé sur son bâton qui plie, il pousse
des cris douloureux ; il appelle, et l'écho de l'île
lui répond au delà du bras de mer.
« Rends-moi , tâche brigand, rends-moi ma
fille que tu retiens captive dans le creux de ce
rocher. Le jeu de sa harpe, ses chants si doux
étaient le bonheur de ma vieillesse. Tu l'as
ravie aux danses sur la verte rive : honte à
jamais à toi 1 Sous ton crime s'affaisse une tête
grise. »
Soudain au bord de la caverne apparaît le
brigand à stature colossale, à l'œil farouche.
Il brandit son épée menaçante et en frappe son
bouclier.
« A quoi bon tes nombreux archers , puis-
qu'ils souffrent ce rapt? A quoi te servent ces
guerriers, si pas un d'eux n'ose combattre pour
ta fille? »
Cependant les guerriers restent muets, aucun
ne sort des rangs. Vainement le roi se tourne
vers eux, dans sa détresse, il s'écrie :
■ Je suis donc tout à fait s'eull »
Mais son fils serrant la main du vieillard :
• » O mon père, permets-moi de combattre,
je sens mon bras si plein de force.
— O mon fils, l'ennemi a la taille des géants ;
personne encore n'ose se mesurer contre lui.
Mais un noble sang bouillonne dans tes veines,
je le sens à l'étreinte de ta main. Prends donc
ma vieille épée, c'est le prix des sealdes : si tu
succombes, les flots engloutiront le malheu-
reux vieillard. •
Ecoutez 1 c'est le frémissement de l'aulne, le
murmure de la barque sur les flots. Le vieil
aveugle lève la tête pour aspirer le son. Puis
tout se tait à l'entour, jusqu'à ce que du bord
opposé s'exhalent un retentissement de bou-
cliers et de glaives, et des clameurs furieuses
que répète un écho sourd.
Tout à coup le vieillard s'écrie dans la joie :
« Oh l dites-moi, que voyez-vous? C'est mon
épée, je la reconnais à ce bruit perçant! Le
brigand a succombé, il a reçu sa sanglante ré-
compense ! Gloire à toi, le vainqueur entre tous,
le vaillant fils du roi. »
Puis le silence recommence. Le roi relève la
tête pour aspirer le son.
« Qu'entends-je venir sur la mer? C'est^un
bruit de rames, un clapotement de vagues.
— Voici qu'ils abordent, voici ton fils armé
du glaive et du bouclier; voici ta Gunild aux
cheveux d'or.
— Dans mes bras ! s'écrie le vieillard ; et sa
voix roule et retentit de la colline sur la grève.
j Maintenant ma vieillesse sera pleine de joie
et ma tombe glorieuse! O mon tifs! place à ma
droite ma bonne épée, et toi, ma Gunild, chante
moi le chant du cercueil. »
Trad. de M. N. Martin.
D'autres écrivains allemands se sont égale-
ment rendus populaires par leurs ballades;
contentons-nous de citer Karl Simrock, Ker-
ner, et surtout Zedlitz, l'auteur de la fameuse
Revue nocturne. Nous allons donner ici quel-
ques-unes de leurs ballades.
LES QUATRE FRERES.
Desséchés comme des squelettes, dans la
maison de la démence, il y en a quatre ; de
leurs lèvres blafardes ne tombe pas une parole.
L'un est assis en face de l'autre, et leur regard
devient toujours plus terne et plus morne.
Mais quand sonne l'heure de minuit, les che-
veux se dressent sur leurs têtes, et chaque fois
ils répètent sourdement en chœur : ■ Dies irœ,
dies illa, solvet sœclum in favilla. »
C'étaient autrefois quatre mauvais sujets qui
ne se plaisaient qu'aux orgies et aux querelles.
En braillant des chansons obscènes, ils avaient
passé la sainte nuit de Noël. Les conseils d'amis
dévoués, les exhortations de leur père même
restaient sans effet.
En mourantencore, le vieillard avaitdit à ses
quatre garnements : « La mort froide n'est-elle
pas un avertissement pour vous, et ne savez-
vouspas qu'elle emporte tout ici-bas IDies iras,
dies ûla, solvet sœclum in favilla. »
Il dit et expira ; mais eux n'en furent pas
émus. Il put jouir de la paix éternelle, mais
eux, comme vers l'échafaud, étaient poussés
dans le tourbillon du monde, près de l'enfer,
loin du ciel.
Et dans les orgies et dans les plaisirs se pas-
sèrent de nouveau de longues années. Ils n'a-
vaient aucun souci de la misère d'autrui, et
leurs cheveux ne blanchirent pas pour si peu.
Gais compagnons, n'ayez aucune crainte, Dieu
et le diable ne sont qu'une fiction.
Un jour, minuit avait déjà sonné, ils ren-
traient en chancelant d'un festin. Et voilà que
dans la prochaine église retentit le chant des
fidèles, n Cessez vos criailleries, chiens que
vous êtes ! » crient-ils, à pleins poumons, et ils
se précipitent, lès misérables, dans la nef. Mais
là, comme au jugement dernier, retentit ce
chœur sévère : Dies irœ, dies illa , solvet sœ-
clum in favilla.
Et leurs bouches restent entr' ouvertes, mais
nulle parole ne peut en sortir. La colère de
Dieu les a frappés. Chacun est immobile comme
la pierre, leurs cheveux blanchissent, leurs
joues pâlissent. La folie a troublé ces intelli-
gences.
Desséchés comme des squelettes, dans la
maison de la démence, il y en a quatre ; de
leurs lèvres blafardes ne tombe pas une parole.
L'un est assis en face de l'autre, et leur regard
devient toujours plus terne et plus morne.
Mais quand sonne l'heure de minuit, les che-
veux se dressent sur leurs têtes, et chaque
fois ils répètent •sourdement eu chœur : tDies
irœ, dies illa, solvet sœclum in favilla. »
Justin Kerner.
LE3 SEPT VIERGES DE PIERRE.
Sur un frêle bateau, le soir d'un jour serein,
Folâtres passagers, nous descendions le Rhin.
Tout à coup le patron nous cria de l'arrière :
— Garde à vous! car voici les sept vierges de pierre;
Ces vierges, dont le nom fait peur aux matelots.
Sont sept rochers dardant leur crête au sein des ilôts*.
Près de Wesel vivaient sept sœurs riches et belles,
Mais toutes sept aussi coquettes et cruelles.
Leur seul plaisir était de captiver les cœurs.
Puis de les torturer par leurs dédains moqueurs.
Comment dire les noms de toutes les victimes?
Le Rhin cache leurs os au fond de ses abîmes.
Dieu voulut les punir; Dieu doit punir un jour
Tout cœur lâche qui feint ou qui trompe l'amour.
De ces beaux corps sans flamme, aux cœurs déjà de
[pierre,
Dieu fit ces sept rochers, où l'eau coule en poussière.
Depuis ce temps, malheur, s'il porte un cœur cruel;
Malheur à tout bateau passant devant Wesel'!
Fatalement poussé contre les rocs sauvages,
De morts et de débris il jonchera ces plages.
Notre patron à peine achevait ce récit,
Qu'une vieille en tremblant s'écria : — Dieu merci!
J'eus trois époux; hélas! tous trois sont dans la bière!
On ne dira donc pas que mon cœur fut de pierre.
— Dieu soit loué! bravo! répond maint passager;
En fut-il autrement, nous courions grand danger !
— Ne craignez rien, répond une blonde à l'œil tendre.
Tout cœur bien assiégé doit finir par se rendre.
— Bravo ! dit un voisin, un galant passager ;
En fut-il autrement, nous courions grand danger!
A son tour, une enfant : — De peur que l'on échoue,
J'ai baisé doucement mon cousin sur la joue.
— Bravo ! disent en chœur patron et passagers ;
Nous pouvons maintenant braver tous les dangers!
Karl Simrock.
Trad. de M. N. Marti».
LA REVUE NOCTURNE.
La nuit, vers la douzième heure, le tambour
quitte son cercueil, fait la ronde avec sa
caisse, va et vient d'un pas empressé.
Ses mains décharnées agitent les deux ba-
guettes en même temps; ilbat ainsi plus d'un
bon roulement , maint réveil et mainte re-
traite.
La caisse rend des sons étranges, dont la
puissance est merveilleuse ; ils réveillent dans
leurs tombes les soldats morts depuis, long-
temps ;
Et ceux qui, aux confins du Nord, restèrent
engourdis dans la froide neige; et ceux qui
gisent en Italie où la terre leur est trop
chaude ;
Et ceux que recouvre le limon du Nil ou
le sable de l'Arabie : tous sortent de leurs
tombes et prennent en main leurs armes.
Et vers la douzième heure, le trompette
quitte son cercueil, sonne du clairon, va et
vient sur son cheval impatient.
Puis , arrivent sur des coursiers aériens
tous les cavaliers morts depuis longtemps :
ce sont les vieux escadrons sanglants cou-
verts de leurs armes diverses.
Les blancs crânes luisent sous les casques ;
les mains qui n'ont plus que leurs os, tiennent
en l'air les longues épées.
Et vers la douzième heure, le général en
chef sort de son cercueil; il arrive lentement
sur son cheval, entouré de son état-major.
Il porte un petit chapeau ; il porte un habit
sans ornements ; une épée pend à son côté.
La lune éclaire d'une pâle lueur la vaste
plaine. L'homme au petit chapeau passe en
revue les troupes.
Les rangs lui présentent les armes; puis
16
122
BAL
BAL
BAL
BAL
l'armée tout entière s'ébranle et défile mu-
sique en tête.
Les maréchaux, les généraux, se pressent
en cercle autour de lui : le général en chef
dit tout bas un mot a l'oreille du plus proche :
Ce mot vole de bouche en bouche et ré-
sonne bientôt jusque dans les rangs les plus
éloignés, le en de guerre est France! le mot
de ralliement est Sainte- Hélène!
C'est la grande revue que le César mort
passe vers la douzième heure de la nuit dans
les Champs élyséens. Zedlitz.
Trod. de M. N. Martin.
M. Alex. Dumas père a donné de cette bal-
lade, composée dans un sentiment tout fran-
çais, une poétique traduction .
Quand l'heure funèbre est venue,
Que minuit tinte & l'unisson,
Et que du bronze, dans la rue.
S'est éteint le dernier frisson,
Soulevant de son front livide,
La froide pierre du tombeau.
S'éveille un tambour invalide
Dans son uniforme en lambeau.
11 fait résonner sa baguette
Sur la caisse au bruit sans pareil,
Et de ses deux mains de squelette
Avant le jour bat le réveil.
Soudain, aux roulements qui grondent
Sur le fantastique tambour,
Tous les vieux soldats lui répondent,
Et se réveillent à leur tour.
Ceux qui, sur le sol italique.
Dorment à l'ombre des lauriers ;
Ceux que l'Espagne catholique
Egorgea dans ses oliviers ;
Ceux que l'Egypte courroucée
Sous BOn sable ardent calcina ;
Ceux que dans son onde glacée
Engloutit la Bérésina;
Et tous, ainsi qu'aux jours d'alarmes
Qui virent leurs combats géants,
S'élancent, saisissant leurs armes.
Hors de leurs sépulcres béants !
Alors les belliqueux squelettes
Forment leurs sombres escadronB ;
En téta marchent les trompettes
Soufflant dans leurs muets clairons.
Voici, fourmillant don» les piques.
Les lanciers aux habits pourprés ;
"Voici les cuirassiers épiques
Aux manteaux blancs, de sang marbrés ;
Voici les hussards qui menacent
L'ennemi qu'ils vont disperser;
Voici les lourds dragons qui passent
Sans qu'on les entende passer.
Puis ici les grenadiers mornes,
Marchant toujours du même pas ;
C'étaient ceux qui changeaient les bornes,
Limites des anciens Etats;
Ceux qui, dans les sanglantes fêtes,
Traînant les rois par les cheveux.
Changeaient les couronnes de tétés
Quand le mattre avait dit : Je veux.
Le mattre, le voici, silence!
Du tombeau le dernier il sort!
Sur son cheval blanc il s'élance :
Salut, César Imperator !
Redingote grise et râpée.
Habit vert et petit chapeau,
Au flanc gauche sa courte épée,
Sur son front l'ombre d'un drapeau.
C'est lui, tel qu'à l'éclair des glaives
Nos pères le virent passant.
Et tel que nos fils dans leurs rêves
Le verront toujours grandissant.
0 lune ! sors de ton nuage
Et verse sur lui tes rayons;
L'Empereur au pâle visage
Va manœuvrer ses bataillons.
• Halte, soldats ! présentez armes ! •
11 passe dans les rangs glacés,
Et l'on voit se mouiller de larmes
L'œil creux de tous ces trépassés.
Fuis, quand du centre à ses deux ailes
César est las de galoper,
Les rare» chefs restés fidèles
Autour de lui vont se grouper.
Lors au plus proche capitaine
Le mot d'ordre est par lui jeté,
Et de rang en rang, dans la plaine
A voix basse il est répété.
Mais qui peut sur l'avenir sombre
Arrêter un regard certain?
— Austerlitz et "Wagraro, dit l'ombre,
• — "Waterloo, répond le destin.
Parmi les ballades qu'a produites le génie
poétique des Suédois et des Danois, nous cite-
rons les trois suivantes :
LE CHATIMENT.
« Si toutes ces montagnes étaient de l'or,
si toutes ces vagues étaient du vin, je donne-
rais tout cela pour toi, ma seule bien-aimée.
— Si ce que tu dis est vrai, si tu veux être
mon bien-aimé, suis-moi dans la demeure de
mon père, et demande-lui dignement ma main,
— J'ai été hier chez ton père : il m'a ré-
pondu non. Ma bien-aimée,ne prends conseil
que de toi, et viens avec moi hors du pays.
— Si je ne prends conseil que de moi, et si
ie te suis hors du pays, quand nous arrive-
rons sur une terre étrangère, tu me tromperas
certainement.
— Je ne tromperais pas le Christ attaché à
la croix, et je te tromperai encore moins toi-
même. • Mais , quand ils furent dans un lieu
étranger, l'infidèle choisit une autre fiancée.
Il prit son mouchoir, et, frappant la jeune
fille au visage : ■ Pourquoi , lui dit-il , as-tu
quitté ton pays avec un chevalier, avant qu'il
fût uni a toiï
— Si je vis assez longtemps pour pouvoir
surmonter ma douleur, je verrai le jour où tu
viendras à moi pauvre et misérable.
» Si j'arrive au temps où je surmonterai ma
douleur, je te verrai venir, paralysé et aveu-
gle, dans la demeure de mon père.
— Tu vivras assez longtemps pour surmon-
ter ta douleur, mais pas assez pour me voir
pauvre et misérable.
« Comment pourrais-je arriver paralysé et
aveugle, dans la demeure de ton père? J'ai
une selle d'or pur et une bride d'argent bril-
lant, i
Et, après sept jours et sept ans, Dieu écouta
la prière de la jeune fille. A sa porte arrive
un mendiant qui demande un morceau de
pain.
«Levez-vous, mes fils, levez-vous; sou-
tenez votre père. Je me souviens bien encore
des jours où il était mon bien-aimé.
■ Levez-vous , mes deux fils , levez-vous ;
donnez du pain à votre père. Je me souviens
bien encore des jours ou il galopait sur une
selle d'or rouge. •
Et la jeune femme prenant un mouchoir,
et, le frappant doucement au visage : — Pour-
quoi as-tu quitté ton pays avec un chevalier,
avant qu'il fût uni à toi? dit-elle.
Trad. de Mahmier.
LA PUISSANCE DE LA DOULEUR.
La petite Christine et sa mère ont mis de
l'or dans le cercueil. La petite Christine
pleure son fiancé, qui est dans la* tombe.
Il frappe à la porte avec ses doigts légers.
» Lève-toi, petite Christine, et tire le verrou. »
La jeune fille se lève à la hâte et tire le
verrou.
Elle le fait asseoir sur un coffre d'or ; elle
lave ses pieds avec du vin pur.
Us se mettent au lit et causenMieaucoup,et
ne dorment pas.
Les coqs commencent à chanter : les morts
ne peuvent rester plus longtemps absents.
La jeune fille se lève, prend ses souliers et
suit son ami à travers la longue forêt ;
Et quand ils arrivent au cimetière , les
cheveux blonds du fiancé commencent à dis-
paraître.
« Vois, jeune fille, comme la lune a rougi
tout à coup : ainsi tout à coup disparaît ton
bien-aimé. »
Elle s'assoit sur son tombeau, et dit : « Je
resterai ici jusqu'à ce que le Seigneur m'ap-
pelle.
Alors elle entendit la voix de son fiancé, qui
lui disait : i Petite Christine, retourne dans
ta demeure.
» Chaque fois que tu laisses tomber une
larme, mon cercueil est plein de sang.
» Chaque fois que ton cœur est gai , mon
cercueil est plein de feuilles de roses. •
Trad. Marmiek.
» »
LE RÉVEIL D'UNE MERE.
Dyring s'en va dans une île lointaine, et
épouse une jeune fille. Ils vécurent sept tins
ensemble, et sa femme lui donna sept enfants.
Alors la mort passe par la contrée, et enlève
la femme, si belle et si rose.
Dyring s'en va dans une île lointaine, épouse
une autre jeune fille, et la ramène chez lui.
Mais celle-ci était dure et méchante.
Quand elle entra dans la maison de son mari,
les sept petits enfants pleuraient; ils pleu-
raient, ils étaient inquiets.
Elle les repoussa du pied ; elle ne leur
donna ni bière ni pain, et leur dit : a "Vous
aurez faim et vous aurez soif. » Elle leur re-
tira les coussins bleus, et leur dit : ■ Vous
coucherez sur la paille toute nue. « Elle étei-
gnit les grands flambeaux, et leur dit : « Vous
resterez dans l'obscurité. »
Les enfants pleuraient le soir très-tard ;
leur mère les entendit sous la terre où elle
était couchée. ■ Oh 1 que ne puis-je, s'écria-
t-elle, m'en aller voir mes petits enfants! »
Elle se présenta devant Dieu, et lui de-
manda la permission d'aller voir ses petits
enfants. Elle pria tant, que Dieu se rendit à
sa demande, « Mais quand le coq chantera,
lui dit-il, tu ne resteras pas plus longtemps.»
Alors la pauvre mère se lève sur ses jambes
fatiguées et franchit le mur du cimetière.
Elle traverse le village, et les chiens hurlent
en l'entendant passer.
Elle arrive à la porte de sa demeure ; sa
fille aînée était là debout sur le seuil : • Que
fais-tu là, mon enfant? dit-elle. Comment
vont tes frères et tes sœurs?
— Vous êtes une belle grande dame, mais
vous n'êtes pas ma mère chérie. Ma mère
avait les joues blanches et roses, et vous êtes
pâle comme une morte.
— Et comment pourrais-je être blanche et
rose? J'ai reposé dans le cercueil si long-
temps! »
Elle entre dans la chambre; ses petits en-
fants étaient là avec des larmes sur les joues.
Elle en prend un et le peigne, puis tresse
les cheveux à un autre, et en caresse un
troisième et un quatrième ; le cinquième, elle
le prend sur ses bras, et lui ouvre son sein.
Puis appelant sa fille aînée : « Va-t'en dire
à Dyring de venir ici. » Et quand Dyring pa-
rut, elle lui cria avec colère :
« Je t'ai laissé de la bière et du pain, et mes
enfants ont faim et soif: ie t'ai laissé des
coussins bleuSj et mes enfants couchent sur
la paille nue ; je t'ai laissé de grands flam-
beaux, et mes enfants sont dans l'obscurité.
S'il faut que je revienne ainsi souvent le soir,
il t'en arrivera malheur. Maintenant, voilà
que le coq rouge chante ; tous les morts doi-
vent rentrer en terre. Maintenant, voilà que
le coq noir chante ; les portes du ciel s'ouvrent.
Maintenant, voilà que le coq blanc chante; je
ne peux rester plus longtemps, p
, Alors la belle-mère s'écria : » Je veux dé-
sormais être bonne pour tes enfants. »
Et depuis ce jour, dès que le mari et la
femme entendaient gronder le chien , ils don-
naient de la bière et du pain aux enfants ; et
dès qu'ils l'entendaient aboyer, ils se sau-
raient, de peur de voir apparaître la morte.
Trad. de Marmier.
Un poète français û mis en vers cette char-
mante ballade :
Bans une lie lointaine.
Voyageant vers le soir,
Au bord d'une fontaine
Dyring alla s'asseoir.
Près de l'eau qui ruisselle
Christel vint reposer;
Dyring la trouva belle,
Il voulut PépouseV.
Ensemble, en un village,
Ils vécurent sept ans,
Et de leur mariage
Ils eurent sept enfants.
Mais las! la mort jalouse
Entra dans la maison,
Et moissonna l'épouse
En sa jeune saison.
Dans une ile lointaine,
Voyageant vers le soir,
Au bord d'une fontaine
Dyring alla s'asseoir.
Près de l'eau qui ruisselle
Brunhil vint reposer;
Dyring la trouva belle.
Il voulut l'épouser.
Elle devint sa femme ;
Mais Brunhil, par malheur, ■
Etait bien grande dame.
Avait bien mauvais cœur.
Quand elle entra, hautaine,
Sous le toit de l'époux.
Les sept enfants en peine
Priaient h. deux genoux.
Ils priaient devant l'âtre,
Pleurant, c'était pitié !
La méchante marâtre
Les repoussa du pied,
Et d'une voix cruelle
Leur refusait du pain :
— Plus d'une fois, dit-elle,
Vous aurez soif et faim.
Puis elle leur retire
Les coussins bleus du lit :
— La paille peut suffire ;
L'édredon amollit.
Et de leur réduit sombre
Eteignant le flambeau :
— Vous Testerez dans l'ombre
Comme dans un tombeau.
Et les enfants en larmes
Priaient bien tard, la nuit,
Pleins de vagues alarmes,
Tremblant au moindre bruit.
Ils appelaient leur mère.
Elle se réveilla.
Et de leurs pleurs, sous terre,
Tout son corps se mouilla!
— Dieu! quand leur voix m'appelle
Au séjour des vivants.
Que ne puis-je, dit-elle,
Aller voir mes enfants!
Ce cri perçant de mère
Dans le ciel s'entendit,
Et le bon Dieu le Père
A ses vœux répondit :
— Pars à la nuit tombante,
Va, mais sois de retour
Avant que le coq chante
Pour le lever du jour.
Alors la bonne mère.
Ne perdant pas de temps,
Franchit le cimetière,
Chemine à travers champs.
Elle arrive au village,
S'en va le long des murs;
Elle a bien du courage,
Mais ses pas sont peu sûrs;
Ses jambes sont peu fortes ;
• Elle craint d'avancer :
Les chiens hurlent aux portes
En l'entendant passer.
Au seuil de sa demeure,
Grâce à Dieu, la voilà.
Son aînée, à cette heure,
Triste et seule était la.
— Que fais-tu là, ma fille,
Les yeux rougis de pleurs?
Comment va ma famille,
Tes frères et tes soeurs ?
— Vous êtes grande et belle;
Ma mère avait vos traits :
Mais vous n'êtes pas elle,
3e voua reconnaîtrais.
Elle était rose et blanche.
On l'aimait tout d'abord,
Et vous, votre front penche,
Pâle comme la mort.
— Et comment, ma colombe,
Aurais-je un teint rosé ?
Si longtemps d'ans la tombe.
Hélas! j'ai reposé.
Elle entre dans la chambre
Où pleuraient les enfants.
Sur la paille, en décembre,
L'un sur l'autre gisants.
A leurs cris son cœur saigne,
Elle s'approche d'eux; q
Elle en prend un, le peigne.
Lui tresse les cheveux ;
De l'autre avec tendresse
Slle sèche les pleurs ;
Parle & tous, les caresse.
Apaise leurs douleurs.
Et puis, appelant Claire :
— Claire, ma chère enfant,
Va-t'en dire à ton père
De venir a l'instant.
Quand il parut, la mère :
— Je t'ai laissé du pain.
Dit-elle avec colère,
Et mes enfants ont faim.
On les bat, on les raille,
Ils ne peuvent dormir,
Et sur des lits de paille
Ils ne font-que gémir.
Ah! lorsque la nuit tombe,
S'il me faut, chaque soir,
Dyring, quitter ma tombe.
Pour remplir ton devoir,
Et si Brunhil, ta femme,
Pour mes fils sans pitié,
Des 6oins que je réclame
Ne prend pas la moitié ;
Eh bien! quand viendra l'heure
De me séparer d'eux,
Dans ma sombre demeure
Vous me suivre* tous deux.
La marâtre frissonne
A ces mots menaçants,
Et dit : — Je serai bonne,
Christel, pour tes enfants.
Et depuis ce jour-la, quand Dyring et sa femme
Entendaient vers le soir les aboiements du chien;
Au foyer des enfante ils ranimaient la flamme,
Cherchant avec effroi s'il ne leur manquait rien;
Et quand le chien hurlait plus fort devant la porte.
Ils se sauvaient de peur de voir entrer la morte.
PÉCONTAL.
\
La Grèce moderne, la Valachie, l'Illyrie et
la Russie elle-même ont aussi payé leur tribut
au genre de la ballade. Voici plusieurs pièces
qui ne sont pas indignes de figurer après
toutes celles que nous avons déjà fait con-
naître :
CHANT DE TRÉBIZONDE.
La grande ville que l'empereur Constantin
a fondée a eu des portiers traîtres, des gou-
verneurs peureux et un chien b.uuc qui a
livré ses clefs.
Alors un oiseau, un bel oiseau s'échappa de
la ville.
Et il avait une aile tachée de sang ; sous
l'autre il portait un papier. écrit.
Et il ne s'arrêta ni dans la vigne, ni dans
le jardin ; mais il alla se poser au pied d'un
cyprès.
Mille patriarches et dix mille évêques sont
venus; aucun d'eux ne peut lire le papier,
aucun ne peut le lire.
C'est Jannikas, le fils de la veuve , qui l'a
lu : dès qu'il l'a lu, il a pleuré, et il a frappé
sa poitrine.
Malheur à nous ! malheur à nous I II n'y a
plus de Romanie 1 il n'y a plus de remparts ;
il n'y a plus de trône; il ny a plus d'église,
ni de couvents.
Ils ont pris Sainte-Sophie et son grand mo-
nastère , qui avait quarante caloyers et
soixante- cinq diacres servants, douze cré-
celles et dix-huit cloches.
11 y avait aussi mon amour caché derrière
ses jalousies. J'ai parcouru le monde, j'ai fait
le tour de la terre, et je n'ai pu trouver une
fille qui valût celle-là, Ses yeuï tuaient ie
pacha, ses sourcils le vizir, et ses regarda
m'avaient assassiné, moi comme bien d'autres.
Trad. de Marcellus.
LE KLEPHTE.
La nuit est noire sur les montagnes ; la
neige tombe dans les ravins. Au milieu de la
solitude et de l'obscurité , dans les défilés et
dans les roches escarpées, le Klephte brandit
son sabre.
.11 porte la foudre nue dans sa main droite;
il a pour palais la montagne, pour abri le ciel,
pour espérance sa carabine.
Les tyrans, pâles de crainte, fuient sa ter-
rible èpée. Son pain est trempé de sa sueur.
Il sait vivre avec honneur; il sait mourir
aussi.
La fourberie et l'injustice régnent dans
l'univers. Les méchants ont la fortune. C'est
ici, sur ces rochers qu'habite la vertu ignorée.
De grands marchands trafiquent des peu-
ples, comme de troupeaux de brebis. Ils tra-
hissent le monde et en rient. Ici les armes
parlent seules dans nos vallées inaccessibles.
Allez, baisez les pieds devant lesquels les
esclaves s'inclinent. Ici, sous ces rameaux
verts, les Klephtes ne baisent que leur épée
et la croix. *
Tu pleures, ma mère ; je pars. Si tu pries
pour moi, je reviendrai. Je te prive d'un fils ;
mais je ne puis pas vivre de la vie de l'escla-
vage.
■ Ne pleure pas, ô mes beaux yeux que
j'aime 1 vos larmes me désespèrent. Je vis
libre dans les montagnes, je veux mourir
libre aussi. ■
BAL
BAL
BAL
BAL
123
Allons 1 allons 1 la terre retentit; la fusillade
commence , partout la terreur , partout le
sang : ici la fuite, là la blessure... Ils ont tué
le Klepbte.
Les voisins désolés, et la tête découverte,
le rapportent à pied. Ils chantent tous en-
semble :
« Le Klephte vit libre;
Il meurt libre aussi ! ■
Trad. de Margelles.
LA FONDATION DE SCHDAR.
Trois frères, Wukaschin le roi, Ugljescha
le vayvode, et Gojko, se réunissent pour bâtir
une citadelle a Scudar ; mais la Willa (ou fée
des forêts) s'oppose à cette fondation, et ren-
verse les remparts à mesure qu'ils s'élèvent.
Consultée par les trois frères, elle déclare
qu'ils ne parviendront à élever la citadelle que
lorsqu'ils auront trouvé deux frères appelés
Stojoin et Stojoina (c'est-à-dire demeurant et
demeurante), et lorsqu'ils les auront ensevelis
sous les fondations de leur forteresse. Les
trois frères cherchent vainement Stojoin et
Stojoina pendant trois ans ; enfin, ne pouvant
les rencontrer, ils s'adressent de nouveau à
la Willa, qui leur dit : > Il reste un second
moyen de bâtir votre citadelle, c'est d'enfer-
mer dans ses fondations celle de vos femmes
qui, demain, viendra la première apporter la
nourriture aux maçons, près de la Bajona où
vous construisez. » Les trois frères se pro-
mettent réciproquement de ne point avertir
leurs épouses et de laisser le sort désigner
celle qui doit périr; mais Wukaschin le roi et
Ujglescha oublient leur serment; Gojko seul
y est fidèle, et n'avertit point son épouse...
Lorsque l'aube matinale apparut, diligem-
ment les trois frères se levèrent et se rendi-
rent aux constructions sur la Bajona. Voyez :
du logis sortent deux nobles jeunes femmes,
les femmes des deux aînés. L'une porte sa
toile à blanchir; elle veut l'étendre encore
une fois Sur la prairie'; elle porte sa toile
au blanchissoir ; mais elle s'arrête là, et ne
va pas plus loin. La seconde porte une belle
cruche de terre rouge; elle porte la cruche
aux eaux fraîches de la fontaine; elle cause
un moment avec les autres femmes, s'arrête
quelque peu, mais ne va pas plus loin. La
seule qui soit encore au logis, c'est l'épouse
de Gojko ; car elle a un petit enfant au ber-
ceau, un nourrisson qui n'a encore vu qu'une
lune. Cependant, l'heure du repas du matin
arrive ; la vieille mère de Gojko se lève ;
elle veut appeler les deux jeunes servantes, et
porter avec elles le déjeuner sur la Bajona;
alors la jeune épouse de Gojko lui dit : « De-
meure en paix, ma vieille nière, et berce l'en-
fant dans le berceau, afin que je porte moi-
même le repas à mon seigneur. Ce serait grand
péché devant Dieu, et pour moi grande honte
devant les hommes, si, au lieu de nous trois
jeunes femmes, tu portais le manger I » La
jeune épouse arrive aux constructions, et est
livrée à Rad, le maître constructeur. En sou-
riant, l'aimable et nouvelle mariée les regar-
dait et pensait qu'ils voulaient rire. Mais,
comme il s'agissait d'édifier la forteresse, les
trois cents compagnons jetèrent, à la hâte,
pierres sur pierres autour d'elle et des arbres
en quantité, de sorte qu'elle en avait déjà jus-
qu'aux genoux. En souriant, la svelte et nou-
velle mariée voyait cela; elle espérait tou-
jours qu'ils sejouaiententreeux; etilsjetaient
en hâte, les trois cents compagnons, pierres
sur pierres autour d'elle et des arbres en
quantité, de telle sorte qu'elle en eut bientôt
jusqu'à la ceinture. Ainsi entourée de pierres
et de bois, la pauvrette vit alors le destin qui
l'attendait. Douloureusement irritée, elle s é-
erie alors avec désespoir, elle implore ses-
beaux-frères. Mais ses prières restent sans
résultat. Alors, voyant qu'il faut mourir, elle
s'adresse à Rad, le maître constructeur : « O
toi, mon frère en Dieu, cher maître, laisse une
petite fenêtre à la hauteur de ma mamelle,
afin que, lorsque mon nourrisson viendra, mon
doux Johan, je lui donne sa nourriture. » Et,
conjuré au nom de Dieu, il prit pitié, le maî-
tre, et lui laissa une petite fenêtre à la hau-
teur de sa mamelle, afin qu'elle pût à. son
nourrisson Johan, quand il viendrait, présen-
ter sa nourriture. Une fois encore, elle im-
plora le maître : «'Je te conjure, mon frère en
Dieu, laisse une petite fenêtre devant mes
yeux, que je voie de loin ma belle demeure,
quand on m'apportera mon fils Johan et quand
on le reportera au logis. » Et, comme un
frère, le maître s'attendrit; il lui laissa une
petite fenêtre devant les yeux, afin qu'elle
pût voir de loin sa belle demeure, quand on lui
apporterait Johan et quand on le remporterait
au logis.
Ce fut de cette manière que fut bâti Scu-
dar, On apporta l'enfant à la place indiquée ;
la mère l'allaita toute une semaine, une se-
maine... alors, sa voix s'éteignit ; mais il de-
meura de la nourriture pour l'enfant, et, du-
rant toute une année , sa mère l'allaita. Et
comme il était alors, il est encore aujourd'hui.
•Les mères qui ont vu tarir leur lait visitent
ce lieu pour lé miracle et pour leur salut ;
elles y viennent pour apaiser leur enfant.
LE BAN DE CROATIE.
Il y avait un ban de Croatie qui était borgne
de l'oeil droit et sourd de l'oreille gauche. De
son œil droit, il regardait la misère du peuple ;
de son oreille gauche, il écoutait les plaintes
des vayvodes ; et qui avait de grandes ri-
chesses était accusé, et qui était accusé' mou-
rait. De cette manière, il fit décapiter Huma-
nay - Bey et le vayvode Zambolich , et il
s'empara de leurs trésors. A la fin, Dieu fut
irrite de ses crimes, et il permit à des spectres
de tourmenter son sommeil. Et toutes les
nuits, au pied de son lit, se tenaient debout
Humanay et Zambolich, le regardant de leurs
yeux ternes et mornes. A l'heure où les étoiles
pâlissent, quand le ciel devient rose k l'orient,
alors, ce^qui est épouvantable à raconter, les
deux spectres s'inclinaient comme pour le sa-
luer par dérision; et leurs têtes, sans appui,
tombaient et roulaient sur les tapis ; et alors
le ban pouvait dormir. Une nuit, une froide
nuit d'hiver, Humanay parla et dit : « Depuis
assez longtemps, nous te saluons; pourquoi
ne nous rends-tu pas notre salut? » Alors, la
ban se leva tout tremblant; et, comme il s'in-
clinait pour les saluer, sa tête tomba d'elle-
même et roula sur le tapis.
Trad. de P. Mérimée.
ILJA LE BOJAR ET LE BRIGAND ROSSIGNOL.
Au sein des épaisses forêts de Murom, dans
le village de Karatshajeff, était assis Ilja le
bojar. Immobile comme un enfant nouveau-né,
il resta trente ans sur son siège sans changer
de place. Son père, d'une voix sévère, lui re-
prochait cette paresse où le jeune homme
s'obstinait. Il lui disait en vain : i Lève-toi ;
apprends à agir, à travailler ! » Ni ses bras ni
ses pieds ne remuaient ; on eût dit qu'il était
né décrépit et caduc. Mais le ciel voulait que
ce grand guerrier recueillît et concentrât
toutes ses forces dans un profond et redouta-
ble silence; il voulait que ce courage, dont
l'avenir devait s'étonner, se préparât ainsi
dans le repos. Trente ans viennent de s'ac-
complir. Ilja se lève de son siège. Il est de-
bout; bojar gigantesque, il fait la joie et l'é-
tonnement de ses parents : « Donne-moi un
cheval, mon père, dit-ilj voici assez long-
temps que je reste assis; je veux voir le pays.
— Mon fils, je n'ai point de cheval à te don-
ner; celui que j'ai est mauvais et vieux. Reste
à la maison, crois-moi; apprends à travailler !
Pourquoi veux-tu ainsi courir les champs? »
Le jeune bojar persiste. Il demande le vieux
cheval, dont il veut faire son coursier de ba-
taille ; c'est un animal hors de service. Pen-
dant trois nuits, il le monte et le mène sur
une prairie devant le village, où il le baigne
dans la rosée matinale, et le frotte avec l'herbe
humide. Le cheval caduc reprend des forces ;
il est capable d'entreprendre un long voyage.
Ilja se présente alors devant ses parents, qu'il
supplie de lui accorder leur bénédiction. Cette
bénédiction sera son glaive ; elle ceindra ses
reins et les fortifiera. Il prend congé d'eux
avec tendresse , se tourne vers les quatre
points cardinaux , s'incline humblement et
prie ; puis il s'élance gaiement sur son cour-
sier, et quitte le sol natal. Ilja frappe son che-
val de grands coups de son kantsnug enrichi
d'or : aussitôt, le cheval prend un élan de
cinq verstes ; son second élan embrasse un
plus grand espace encore. Le bojar se dirige
droit vers Kiew, à travers les sombres forêts
de Brinsk et le marais profond de Smolensk.
Il a résolu d'arriver à Kiew, en dépit de tous
les obstacles. Depuis trente ans, un brigand
hardi obstruait la route ; terreur des voya-
geurs, il se plaçait sur le sommet des arbres,
d'où il poussait de longs sifflements j on le
nommait le Rossignol. flja poursuivait paie-
ment son chemin, quand ces sifflements trap-
pèrent son oreille. Bientôt ce qui ressemblait
a un seul coup de sifflet se change en une
multitude de sifflements affreux, qui parais^
sent lancés par les dards enflammés de cent
serpents ; puis ces bruits se transforment en
longs hurlements, comme ceux que cent loups
feraient entendre. Le cheval s'effraye et se
cabre; le bojar reste immobile et gronde son
cheval : > "Vieille rosse 1 ne reconnais-tu pas
le sifflement des oiseaux? Le sifflement des
serpents t'effraye-t-il? Les hurlements du loup
te font-ils trembler? Où est-il, ce brigand?
Où le vois-tu? » Il veut avancer ; alors, roule
du haut des cimes de neuf vieux chênes enla-
cés le Rossignol, le brigand qui s'oppose au
passage du guerrier. ■ D'où viens-tu, jeune
homme? Où vas-tu à travers ces bois? Voici
trente ans que je m'oppose à ce que l'on passe
par cette route, et il en sera ainsi éternelle-
ment.— Si tu m'avais parlé avec plus de bien-
veillance et d'honnêteté, répliqua le bojar, je
te répondrais de même ; mais ton arrogance
ne mérite pas d'autre réponse que celle-ci :
Hors de mon chemin! Range-toi, brigand, de-
vant mon cheval et son maître 1 » Le Rossi-
gnol, aussi leste que le jeune oiseau, remonte
sur la cime des arbres, et de là il lance au
guerrier de Murom une flèche inutile. Le bo-
jar alors saisit son arc puissant; sa flèche
vole et ne manque pas son but; elle traverse
neuf puissants rameaux de chêne, et va s'en-
foncer dans l'œil droit du brigand, qui tombe
et roule à terre en gémissant. Ilja lui jette un
lacet autour du cou, l'attache en travers sur
sa selle et l'entraîne. Plus loin, bien plus loin
dans les ténèbres de la forêt, au sein d'un
fort qui résiste à l'attaque, habitent la femme
du Rossignol et ses fils. Du haut de cette for-
teresse, son œil perçant a vu la défaite de son
époux. Elle court vers ses enfants, éperdue
et noyée de pleurs : • Mes enfants, vite, ar-
mez-vous, secourez votre père; courez I Un
étranger, un bojar l'a fait prisonnier ; il l'em-
mène sur son cheval. » Et les fils, — ils étaient
neuf, — tous vaillants guerriers , saisissent
leurs épées, revêtent à la hâte une armure
notre et sombre. A la hâte, ils couvrent leur
chevelure d'un bonnet sous forme d'une tête
de corbeau au bec menaçant. On dirait qu'ils
volent à travers la forêt comme une troupe
, de noirs oiseaux ; ils courent délivrer leur
père ; la menace sur les lèvres, ils réclament
sa liberté. La femme s'approche aussi ; mais
elle, suppliante, apporte l'or et les pierres
précieuses pour racheter son époux. Ilja dit :
« Vos menaces , j'en fais autant de cas que
des croassements des corbeaux ; votre or, je
n'en ai pas besoin, et il appartient de droit au
vainqueur. Quant au Rossignol, quant à ce
brigand, je l'emmène avec moi à Kiew, où le
bon roi Wladimir le jugera. Je me le suis
juré ; j'accomplirai mon serment. ■ Il dit ,
pousse son cheval, qui vole comme le faucon,
et disparaît comme l'éclair. Ilja arrête son
bon coursier dans la large cour du knjas ; il
l'attache aux piliers de chêne, s'avance vers
la salle gaie et splendide, fait sa prière devant
l'image du Sauveur, et salue ensuite le knjas
et sa femme. Wladimir, le knjas, est à table,
entouré de ses puissants bojars. Il ordonne ;
les serviteurs apportent une coupe pleine de
vin , et la présentent au guerrier étranger.
Cette coupe a la forme et la profondeur d'une
outre. Ilja la saisit d'une main et la vide d'un
coup. Le knjas Wladimir parle ensuite : « Bo-
jar étranger, ton nom, ta race? Apprends-les-
moi ; que je puisse te nommer par ton nom et
te traiter selon la noblesse et la puissance de
ta tribu. — Je suis Ilja de Murom, du village
de Karalshajeff. Je suis venu de là, en droite
ligne à Kiew pour t'offrir mes services. — En
droite ligne ! s'écrient tous les bojars. Bon
prince Wladimir, voici un étranger qui nous
dit des folies : il prétend être venu de chez lui
en droite ligne jusqu'ici, et depuis trente ans
le Rossignol, ce fameux brigand, obstrue le
chemin! — Soleil lumineux, répond le bojar
de Murom, knjas Wladimir, regarde par cette
fenêtre élevée, et vois ce que j'ai fait, moi
étranger : dans ta cour se trouve lé brigand
lui-même, le Rossignol ; je l'ai vaincu et en-
chaîné... Regarde 1 » Le knjas Wladimir et les
bojars descendent dans la cour. Ilja parle en
ces mots au brigand : « Rossignol, siffle comme
un oiseau, siffle comme un serpent; puis, pour
amuser le knjas, tu mugiras comme mugis-
sent les taureaux. » Rossignol obéit; il siffle ;
il siffle, et vous diriez l'ouragan dans une fo-
rêt de grands chênes. Il redouble d'efforts ,
il mugit; le knjas et les bojars pâlissent.
a Ecoute, dit alors le knjas Wladimir, servi-
teur vaillant, serviteur nouveau, je reçois tes
services avec joie; viens, assieds-toi à ma
table, reste dans mes salles, bois le vin de mes
coupes, sois mon ami et l'ami de ma race. »
Et Ilja, guerrier de Murom, qu'on a vu assis
durant trente ans , immobile et silencieux
comme l'enfant nouveau-né, devient, à la cour
du knjas Wladimir, un vaillant et célèbre bo-
jar, qui triompha de plus d'une armée, ren-
versa plus d'une forteresse et sur les exploits
duquel on a chanté plus d'une chanson, celle-ci
entre autres.
L'accent national respire au plus haut de-
gré dans ce poème-ballade. Le bojar Ilja,
trente ans assis au foyer de son père, immo-
bile et imbécile comme un nouveau-né, figure
admirablement la Russie elle-même et sa lon-
gue enfance ignorée de l'Europe. Le géant
Rossignol qui lui barre le chemin, c'est l'hé-
roïque Pologne. La route de Murom à Kiew,
c'est la route du Midi; c'est celle qui mène de
Saint-Pétersbourg à Paris et à Rome, à
Athènes et à Constantinople. Le cheval qui
se cabre et qui recule en frissonnant d'épou-
vante, ne serait-ce pas l'armée russe défaite
et repoussée par Kosciusko et Poniatowski ?
Rossignol vaincu, attaché en travers sur un
cheval russe et emmené en servitude, malgré
les trop faibles menaces et les larmes de sa
famille, ne serait-ce pas la Pologne vaincue
après tant de combats et lâchement opprimée?
Ballade à la lune (la), poésie d'A. de Mus-
set. V. Contes d'Espagne et d'Italie.
ballaDelle s. t. (ba-la-dè-le — dim. de
ballade). Petite ballade. H Inusité.
BALLADER v. n. ou intr. (ba-Ia-dé). Pop.
Flâner. V. balader.
BALLADOIRE adj. (ba-la-doi-re — rad.
ballader). Chorégr. Qualification d'une danse
licencieuse, autrelois usitée le premier de
l'an et le premier de mai : Danse balladoire.
Il Fêtes balladoires , Fêtes de village avec
bals champêtres.
BALLAGE s. m. (ba-la-ie). Métall. Cor-
royage qu'on fait subir au fer avant de l'éti-
rer définitivement. Cette opération consiste
à réunir en paquets ou trousses les barres de
fer puddlé, débitées en morceaux de deux dé-
cimètres, à chauffer ces paquets jusqtfau
blanc soudant^puis à les faire passer sous les
trains du laminoir, il On dit aussi réchauf-
fage.
BALLAINV1LLERS (le baron de), magistrat
et littérateur , né en 1760 , mort en 1835. Il
était, avant la Révolution, conseiller d'Etat,
fut chargé de missions secrètes par Louis XVI,
devint intendant général de l'armée des prin-
ces pendant l'émigration , puis de nouveau
conseiller d'Etat et chancelier du comte d'Ar-
tois lors du retour des Bourbons. Il a traduit
Horace en vers français et publié des œuvres
diverses parmi lesquelles on remarque Mon-
taigne aux Champs-Elysées, dialogue en vers.
BALLAN s. m. (ba-lan). Ichthyol. Poisson
du genre labre, qui se trouve sur les •■otes
de la Grande-Bretagne.
BALLANCHE ( Pierre -Sim on ) , philosophe
mystique, membre de l'Académie française,
né à Lyon en 1776, mort en 1847, fut d'abord
imprimeur dans sa ville natale, et fit paraître
ses premiers essais littéraires dans le Bulletin
de Lyon, dont il était éditeur. Dès 1802, il pu-
bliait à part : Du Sentiment dans ses rapports
avec la littérature, petit livre fortement em-
preint de sentiments religieux, et que Ch. No-
dier comparait à une ébauche de Michel- Ange.
Sa jeunesse avait été troublée par un amour
malheureux, et sa figure portait les traces de l'o-
pération du trépan, nécessitée par une maladie
douloureuse. Dans ses Fragments, qui parurent
en 1808, il poussa vers le ciel des accents mé-
lancoliques et résignés. Pendant un séjour que
Mme Récamier fit à Lyon en 1812, Ballanche
lui fut présenté par Camille Jordan. Il fut
subjugué par le charme de cette femme in-
comparable, qui, elle-même, avait reconnu le
génie sous les allures simples et rustiques du
typographe lyonnais. Dès lors il s'établit entre
eux un lien sympathique que la mort seule
devait rompre. Pressé par elle de venir à Paris,
il s'y rendit Tannée suivante, après avoir vendu
son imprimerie. L'apparition de Ballanche dans
les salons de la capitale y causa quelque éton-
nement; mais son mérite le plaça bientôt au
premier rang des esprits distingués qui for-
maient le brillant cénacle de l'Abbaye-au-Bois.
(V, ce mot.) La restauration de l'ancienne dy-
nastie, avec les concessions qu'elle avait dû
faire au droit nouveau, lui parut une conci-
liation de l'autorité et de la liberté, du droit
divui et de la démocratie. Imbu des doctrines
des philosophes allemands, il les interprétait
au point de vue chrétien. L'humanité, déchue
par le péché originel, lui apparaissait, à tra-
vers l'histoire, se réhabilitant par des épreuves
et des expiations providentielles, dont le der-
nier terme était la Révolution française' et
l'Empire. Par le jeu des institutions libérales
conservées dans la Charte, le monde, obéis-
sant à l'initiative de la France, devait arriver,
sans secousses, à une transformation com-
plète. L'un des premiers, Ballanche a senti et
proclamé que 1 époque au milieu de laquelle
nous vivons est une époque de transition à un
ordre nouveau, une époque de rénovation so-
ciale, et l'idée de la palingénésie individuelle
que Ch. Bonnet avait conçue, Ballanche la
transporta à l'espèce humaine, aux nations,
aux formes politiques et sociales. Il réduisit
cette idée en système et la développa dans les
ouvrages suivants : Antigène (1815); Essai sur
les institutions sociales (1818); le Vieillard et le
jeune homme (1819); Y Homme sans nom (1820);
Essais de palingénésie sociale, puis Orphée, la
Ville des expiations et la Vision d'Hébal. Ces
livres ne s'adressaient qu'aux penseurs. Le
style en est brillant et poétique, mais l'idée se
dérobe souvent à l'analyse. Génie mélanco-
lique et profondément religieux, Ballanche a
laissé dans ses ouvrages l'empreinte d'un mys-
ticisme symbolique dont l'ortginalité ne com-
pense pas toujours l'incertitude et l'obscurité.
La révolution de 1830 mit ses théories en dé-
faut. 11 écrivit alors à Mme Récamier : « Quant
à moi, ma thèse est bien faite ; j'ai renoncé à
une de mes idées, celle qui a rempli ma vie :
j'ai cru à la possibilité du progrès par la voie
dévolution ; mais je vois à présent qu'il n'en est
pointainsi dans les choses humaines, et qu'elles
procèdent par voie de révolution. Ainsi, les
cataclysmes ne peuvent s'éviter dans le monde
social, pas plus que dans le monde physique.»
Le parti légitimiste libéral, qui s'intitulait alors
la jeune France, le reconnut pour un de ses
chefs, mais seulement à titre de théoricien.
Vers cette époque, il s'occupait beaucoup de
mécanique, et il crut un moment avoir trouvé
un nouveau moteur pour les machines à va-
peur. Il dépensa ainsi en essais infructueux
plus que ses ressources ne le lui permettaient.
M. Guizot, ministre de l'Instruction publique,
lui accorda, en 1833, une pension littéraire de
1,800 francs. En 1842, il fut appelé à remplacer
Alexandre Duval à l'Académie française. Sa
santé était déjà fort délabrée; depuis deux
ans, il ne vivait plus que de laitage et de lé-
gumes, et il se vit obligé de prier M. Mignet
de lire son discours de réception. Il n'était
soutenu que par cet amour platonique qu'il
nourrit jusqu'au dernier moment pour Mme Ré-
camier. Il l'avait accompagnée à Rome en 1824,
et, pour ne plus la quitter, il prit un apparte-
ment tout en face de l'Abbaye-au-Bois. « Vous
êtes mon étoile, lui disait-il, ma destinée dé-
pend de la vôtre. Si vous veniez à entrer dans
votre tombeau de marbre blanc, il faudrait bien
vite me faire creuser une fosse; mais je ne
crois pas que vous passiez la première, i En
effet, il mourut avant elle. Elle ne le quitta
point pendant son agonie. Il fut enterré dans
la tombeau de son amie, et il repose auprès
d'elle.
Les Œuvres complètes de Ballanche ont été
réunies en 1830-32, 6 volumes in-18.
> Ballanche, dit quelque part M. Sainte-
Beuve, a eu en partage une douce gloire, et il
en a joui. Il me rappelle ce verset de l'Écri-
ture : Beati mites, quoniam ipsi possidebunt
terraml Ce n'est pas qu'il n'y eût, par moments,
bien de l'ambition et un gros orgueil au fond
de ce doux Ballanche : il se croyait par éclairs
124
BAL
BAL
BAL
BAL
un révélateur et un précurseur de je ne sais
quel dogme futur qui serait plus vrai que
tous ceux du passé ; mais le plus souvent le
Léviathan dormait au fond du lac connue son
maître. Un jour, me parlant de Chateaubriand,
Ballanche me disait : « Ne croyez-vous pas,
monsieur, que le règne de lapArase est passé ? »
Il pensait bien, sans le dire, que son propre
règne à lui, le règne de l'idée, commençait. »
Cette appréciation aigre-douce doit être
vraie, car elle est d'un ami. M. Sainte-Beuve
l'écrivait pour lui seul, à ce qu'il nous apprend,
le jour même de la mort de Ballanche. On voit
que la douleur ne l'aveuglait point. Il s'est
bientôt lassé de garder pour lui seul cette no-
tule si finement aiguisée, et il l'a discrètement
glissée dans son étude sur le philosophe Saint-
Martin.
BALLANCHISME s. m. (ba-lan-chi-sme).
Systèmo social préconisé par Ballanche. V.
l'article précédent.
BALLANCHISTE s. m. ( ba-lan-chi-sto).
Partisan du système social de Ballanche.
— Adjectiv.,Qui a rapport au ballanchisme.
BALLAND (Antoine), général, né au Pont-
de-Beauvoisin en 1751, mort en 1821. En 1793,
il commanda le corps d'armée qui opérait dans
les environs de Guise (Aisne). Employé à l'ar-
mée d'Italie, il se trouvait, en 1797, a Vérone
lors de l'insurrection contre les Français.
N'ayant pas assez de troupes, il eut la dou-
leur de ne pouvoir empêcher le massacre de
nos soldats et ne put que s'enfermer dans
un fort de la ville. Peu de temps après, il fut
admis a la retraite.
BALLANT s. m. (ba-lan — rad. baller). Mar.
Mouvement d'oscillation : On donne du bal-
lant à un grappin qu'on veut lancer. (Willau-
mez.)
— Tenir le ballant d'une manœuvre, la ten-
dre, en l'amarrant, do façon à ce qu'elle ne
balance pas.
BALLANT (ba-lan) part. prés, du v. Baller :
Des enfants ballant et sautant.
ballant, ANTE adj. (ba-lan, an-te —
rad. baller). Qui oscille et se balance noncha-
lamment : Sans être effrayée, elle se vint as-
seoir à coté de moi, posa son panier auprès
d'elle, et se mit, comme moi, les jambes bal-
lantes sur la mer, à regarder le soleil. (Gha-
teaub.) Eh bien! s'écria-t-il d'un ton aigre,
que faites-vous là à vous promener les bras
BALLANTS? (F. SOUliè.)
Les dames, en vertugadin,
Promenaient, la robe ballante.
Qemoustier.
— Mar. Qui n'est pas tendu : Câble bal-
lant. Voile BALLANTE.
BAI. LARD. Famille d'imprimeurs de musi-
3ue, qui conserva en France, pendant près de
eux siècles, le monopole de ce genre d'im-
pression. Ses principaux membres, furent :
Robert, qui reçut de Henri II (1552), le pri-
vilège de seul imprimeur de musique de la
chambre; — Pierre, son fils, qui fut protégé
par Henri IV et Louis' XIII; — Christopuk-
Jean-François , qui reçut de Louis XV la
confirmation des privilèges particuliers dont
avaient joui ses ancêtres et qu'ils avaient
toujours prétendu ériger en monopole. Il mou-
rut en 1765. Cette famille était tout à fait dé-
chue quand la Révolution vint proclamer la
liberté entière de l'industrie.
BALLARU (Philibert). Homme politique, né
dans la Nièvre en 1750, était procureur-syndic
de son département à l'époque du 31 mai 93.
Il se prononça bruyamment pour les Giron-
dins et dut s enfuir afin d'échapper aux con-
séquences de cet acte. Nommé plus tard
député au conseil des Anciens, il ne se lit re-
marquer que par sa proposition de -l'établisse-
ment de l'impôt du sel. Après le 18 brumaire,
il obtint la place de conseiller à la cour d'ap-
pel de Bourges.
BALLAUD (Antoine- Jérôme), chimiste. V.
Balard.
BALLARIN s. m. (ba-la-rain). Fauconn.
Petit faucon de Hongrie, au. plumage brun,
àlalê'c noire.
DàLLAHINI (François), historien italien,
vivait au commencement du xviie siècle, et
fut nommé, en 1597, vicaire général de l'in-
quisition. 11 a donné (en italien) : Compen-
diurn des chroniques de laville de Corne (1619)-,
Les Heureux progrès des catholiques dans la
Valieline , pour l'extirpation des hérésies ,
(1623). C'est une suite de l'ouvrage précédent.
BALLAIUM (Simon), antiquaire italien, né
en 1716, mort vers 1770. 11 était conservateur
de la bibliothèque Barberini et bénéficier de
Kaint-Jean-de-Latran. On a de lui : Animad-
versiones in muséum Florentinum Ant. Franc.
Gorii, (Carpentras, 1743); ainsi qu'une disser-
tation (en italien) sur l'usage de se saluer
quand on éternue : Origine di salutare quando
si sternuta (Rome, 1747).
BALLAST s. m. (ba-last — mot anglais).
Mar. Lest composé de gravier et de cailloux.
— Chem. de fer. Sable, gravier, pierres
concassées dont on charge les traverses d'un
chemin de fer, pour les assujettir ;
Le railway, le tunnel, le ballast, le tander.
Express, trucks et wagons! Une bouche frapçaise
Semble broyer du verre ou mâcher de la b.'àise.
VlENNBT.
— Encycl. Le ballast des chemins de fer est
une couche de 0 m. 50 répandue sur la plate-
forme, composée de menus matériaux permet-
tant l'écoulementrapide des eaux et assurant la
stabilité de la voie. En France, on le fait avec
du gros sable, du gravier ou de la pierre cas-
sée. En Belgique, sur les lignes où la pierre
manque, on a concassé des briques ou fait
usage des scories de forges. Le ballast en
craie est d'une mauvaise qualité, ainsi que
cela a été constaté sur la ligne d'Amiens à
Boulogne. Les traverses sont enfouies sous ■
le ballast.
BALLASTAGE s. m. (ba-la-sta-je — rad.
ballast). Action de placer du ballast sur une
voie ferrée : Le ballastage a pour but d'as-
surer la stabilité de la voie.
BALLASTER v. a. ou tr. (ba-la-sté — rad.
ballast). Chem. de fer. Couvrir de ballast :
Ballaster la voie, il Transporter le ballast
de la ballastièro à la voie : On ballastb gé-
néralement avec quinze ou vingt, wagons re-
morqués par une machine locomotive, et trente
ou quarante ouvriers.
BALLASTIÈRE s. f. (ba-la-sti-è-re — rad.
ballast). Lieu d'où l'on extrait du ballast.
BALLE s. f. (ba-le — du celt. bail, même
sens, ou du gr. ballein, lancer. Les langues
européennes présentent sur le nom de la
balle un accord presque complet ; tous ces
termes dérivent d une racine commune que
!c sanscrit nous présente sous sa forme pri-
mitive dans le thème pal, aller; pil, jeter;
nous retrouvons en grec palla et pilos a côte
de ballô ou pallô, lancer; en latin pila à côte
do pello ; en irlandais pilear à côté de pillim ;
en ancien allemand palla à côté de pallen, \
tomber; en lithuanien pilla à côté dopulli; ^
en russe pulia; en polonais pil;e.n persan
palouden, tomber, tourner et pilah, cocon,
bouton , etc. Quelques auteurs rattachent
même à cette famille le mot germanique
spi/.ou spieï, jeu, mot qui, avant d'avoir la
signification générale et collective que nous
lui voyons aujourd'hui, aurait d'abord dé-
signé un jeu spécial, consistant à jeter les dés
ou la balle). Petit corps arrondi et élastique
dont on se sert à divers jeux et particulière-
mont au jeu de paume : Jouer à la balle.
Helancer la balle. Nous sommes entre les
mains des dieux comme les balles entre celles
des joueurs de paume. (Plaute.) /c fis semblant
de jeter dans la rue la balle avec laquelle je
jouais. (Lamart.) Il vit sa femme qui, assise,
un livre à la main , interrompait de temps à
autre sa lecture, pour renvoyer à son fils sa
balle élastique, qu'il lançait obstinément du
salon dans le jardin. (Al. Dumas.) 11 Jeu dans
lequel on lance une balle : Jouer à la balle.
La balle au mur, la balle en long. Il est
fort à la balle,
— Par ext. Corps élastique qui rebondit
comme une balle : Des balles de sureau. La
lumière est composée de petites balles qui
bondissent sur ce qui est solide. (Fonten.)
— Le mot balle entre dans plusieurs locu-
tions propres au jeu de paume, mais qui
ont généralement passé dans le langage
commun avec un sens figuré : Se renvoyer la
balle, Se la relancer l'un à l'autre, et figu-
rera., Se répliquer en parlant alternative-
ment : Ces deux hommes discutent bien : ils
sont admirables pour se renvoyer la bXlle.
Le roi ne prit pas son parti et le laissa mal-
mener par Bouf fiers et Harcourt, qui se ren-
voyaient la balle. (St-Sim.) Signifie aussi
Se rejeter l'un sur l'autre quelque chose qui
embarrasse : Nous fûmes , pendant quinze
jours, à nous rejeter la balle, pour savoir
qui répondrait au patriarche de Ferney.
(Mme de Crôquy.) il Avoir la balle. Avoir le
droit de la lancer le premier, il Avoir la balle,
avoir la balle belle, l'avoir dans de bonnes
conditions pour la relancer, et; fig-, Avoir la
chance, avoir une belle occasion : Il a tou-
jours la balle; est-il heureux! Vous avez
la balle belle ; profitez-en. il Prendre la
balle au bond, La relancer avant qu'olle ait
touché terre, et fig., Saisir vivement l'occa-
sion favorable : Je te rends grâces : tu verras
si je sais prendre la balle au bond. (Le
Sage.) Il Couper (o balle, La toucher oblique-
ment avec la raquette, il Juger la balle, Pré-
sumer l'endroit où elle tombera, et fig., Pré-
voir à certains signes ce qui doit arriver,
l'issue qu'une affaire doit avoir, il A vous la
balte, C est à vous à lancer la balle, à jouer
le premier, et-fig., Ceci s'adresse à vous, ou
bien, C'est à vous d'agir ou de parler : A vous
la balle, vous a-i-il manqué? A vous la
balle; répondez. Il a tout dit, a vous la
balle. (Acad.) || La balle perd ; la balle gagne,
Le coup est perdu ou gagné par celui ou le
parti de celui qui a joué la balle. Il La balle
vient, La balle arrive belle, et, fig., L'occasion
arrive : Dans Marivaux, l'impatience de faire
preuve de finesse et de sagacité perçait visible-
ment; Montesquieu, avec plus de calme, atten-
dait que la balle vînt à lui. (Marmontel.)
il C'est ma balle, C'est moi que cela regarde,
ceci est de ma compétence. Il La balle cherche
le bon joueur, Le boii joueur a presque tou-
jours la balle belle, et, fig., L'occasion ne
manque jamais à qui sait la saisir. Il Enfant
de la balle, Fils d'un joueur de paume, qui
est comme naturellement joueur lui-même,
et, fig., Personne élevée dans la profession de
son père, ou dans une profession pour laquelle
il est fait naturellement : J'allais m'attacher
à un militaire et devenir militaire moi-même ;
je croyais déjà me voir un habit' d'officier avec
un beau plumet blanc; mon cœur s'en/lait à
cette noble idée; j'avais quelque teinture de
géométrie et de fortifications ; j'avais un oncle
ingénieur ; j'étais, en quelque sorte, enfant
de la balle. (J.-J. Rouss.)
— Encycl. Hist. La simplicité même du jeu
de balle, dit avec beaucoup de raison M. Pic-
tet, peut faire croire à sa haute ancienneté,
et l'on voit, dans Homère, Nausicaa s'y livrer
avec ses suivantes. On sait positivement que
le jeu de balle était connu en Egypte, et en
faveur près des femmes surtout; elles s'as-
seyaient sur le dos de celles qui avaient man-
qué , et lorsqu'une joueuse avait failli , elle
servait de siège à son tour. Cette manière
était familière aux Grecques, qui appelaient
les vaincues des ânesses, parce qu'elles étaient
obligées d'obéir a celles qui avaient gagné.
— Jeu. La balle se lance soit à la main, soit
à l'aide d'une raquette, d'une batte ou de tout
autre instrument du même genre. On distingue
plusieurs espèces de balles. Les plus mau-
vaises sont les balles de chiffes, qui sont for-
mées de vieux chiffons placés les uns sur les
autres. Les balles de drap viennent ensuite :
elles sont faites avec de vieux drap coupé en
bandes étroites. Les balles de laine passent
pour les meilleures : on les obtient en roulant
avec soin un fil de laine sur un bouchon de
liège taillé en boule. On appelle balles à ré-
pétition des balles de laine dans le liège des-
?|uelles on a placé un bout de tuyau de plume
ermé aux deux extrémités avec du parche-
min , et renfermant un grain de plomb ou
quelques grains de sable : quand elles sont en
mouvement, elles produisent un léger bruit
par suite de l'agitation de ces graines, et c'est
a cette circonstance qu'elles doivent leur nom.
Les balles à l'eau sont aussi des balles de
laine ; seulement la laine a été mouillée dans
l'eau ou le vinaigre avant d'être employée, en
sorte qu'en séchant la balle devient extrême-
ment dure. Comme leur nom l'indique , les
balles de gomme élastique sont faites avec du
caoutchouc. On en fait peu usage, parce qu'elles
sont trop dures, et qu'ensuite leurs bonds
réitérés exposent trop facilement à les perdre.
De quelque matière qu'elles soient confection-
nées, les balles sont recouvertes de morceaux
de peau fine.
Les jeux de balle sont des exercices émi-
nemment propres a développer les forces du
corps et à donner tout à la fois de la grâce,
de la souplesse et de l'agilité. Pour ces motifs,
ils ont été en faveur de tout temps, même
chez les peuples réputés les plus sauvages.
Quant à la manière de s'y livrer, elle a varié,
suivant les époques et les lieux. Dans l'Eu-
rope moderne, les jeux de balle les plus usi-
tés, du moins en France, sont la balle au mur,
la balle au camp, la balle aux pois, la balle à
la riposte, la balle en posture, la balle au chas-
seur et la balle cavalière, qui sont les jeux
spécialement recherchés par les jeunes gens.
Quant aux jeux appelés balle en long et balle
au tamis, qui sont réservés aux hommes faits,
ils ne sont que des variétés de la longue
paume.
— Dalle au mur. On choisit un mur assez
haut, assez large, sans croisées, et, autant
que possible, parfaitement uni. On trace sili-
ce mur, à un mètre ou un mètre et demi du
sol, une raie horizontale qui va d'un bout a
l'autre de son étendue. Si cette étendue est
très-considérable, on trace sur la terre, à
droite et à gauche, une raie qui a pour objet
de limiter le jeu. La partie la plus simple est
celle qui se joue entre deux joueurs. On tire
ordinairement au sort celui qui doit servir la
balle, c'est-à-dire qui doit la jeter le premier
contre le mur. Désignons-le par la lettre A, et
appelons B son adversaire qui doit répondre,
c est^à-dire renvoyer la balle. A sert donc la
bdlle : il doit la servir belle, c'est-à-dire de
manière qu'elle revienne en face de B. Celui-ci
l'attend, et, aussitôt qu'elle est a sa portée, il
la renvoie contre le mur, soit de volée, c'est-
à-dire avant qu'elle ait touché le sol, soit
après qu'elle a fait un bond sur la terre. Le
premier joueur la reçoit à son tour et la ren-
voie de la même façon, en sorte que la balle
va ainsi de l'un a l'autre, obéissant à tous les
mouvements qui lui sont imprimés. La finesse
du jeu consiste à ne pas donner la balle trop
belle à son rival, afin qu'il puisse commettre
une des fautes fixées par la règle du jeu. Or,
il y a faute : 1° quand on manque la balle;
2» quand on ne la reçoit pas, soit de volée,
soit après le premier bond ; 3° quand on la
renvoie contre le mur au-dessous de la raie
horizontale, ou hors des limites tracées à
droite et à gauche sur la terre. Une partie se
joue généralement en 60 points, et chaque
faute commise en donne 15 à l'adversaire.
Mais il faut, pour gagner, que l'un des deux
joueurs ait fait les 30 derniers points en deux
coups. Ainsi, par exemple, si, après avoir
compté 45, A laisse prendre le même point à
B, il ne peut pas, au coup suivant, compter 60 ;
il obtient seulement ce qu'on appelle avantage.
Si, l'égalité étant ainsi rompue, B fait égale-
ment avantage, il y a avantage à deux. Enfin,
le coup suivant détermine à qui la partie doit
définitivement appartenir. Au lieu de deux
joueurs, il y en a souvent quatre, six, huit et
même plus. Ils se divisent en deux groupes
ou partis égaux en nombre, et se placent à
une certaine distance les uns des autres; de
façon à occuper tout l'espace consacré au jeu.
Le reste se passe absolumenteomme ci-dessus.
La balle est renvoyée alternativement par
l'un des joueurs de chaque parti, sans qu'il y
ait un ordre fixé d'avance pour chacun d'eux :
c'est celui qui est le plus habite ou devant le-
quel la balte se présente plus directement qui
agit de préférence. On dit qu'il a la main
trouée, quand, par distraction ou maladresse,
il laisse passer la balle sans la toucher. En gé-
néral, on convient de jouer trois parties, et
alors le gagnant est nécessairement le parti qui
a battu deux fois l'autre. Le jeu appelé balle
aux deux murs ne diffère de la balle au mur
qu'en ce qu'il se joue sous une galerie de
f lierre ou sous une porte cochère. La balle,
ancée contre un des murs, doit rebondir sur
le mur opposé avant de pouvoir être ren-
voyée. L'exiguïté de l'espace ne permet ordi-
nairement que l'emploi de deux joueurs.
— Dalle au camp. Elle se joue de plusieurs
manières, mais la plus usitée est la suivante.
Les joueurs, au nombre de dix, douze, ou
même plus, mais toujours en nombre pair, se
divisent en deux groupes ou partis. Dans une
cour ou dans tout autre endroit spacieux, ils
tracent sur le sol une enceinte plus OU moins
étendue et de forme quelconque, qui est le
camp; puis, en dehors de cette enceinte, ils
indiquent quatre ou cinq buts à égale distance
l'un de l'autre. Cela fait, les deux partis tirent
au sort à qui occupera le premier le camp.
Celui que le sort favorise entre dans l'enceinte,
et les joueurs du parti contraire se dispersent
en dehors, en se postant aux endroits qu'ils
jugent les plus convenables. Alors, l'un d'eux
sert la balle. Elle est renvoyée avec vigueur
par un des gardiens du camp, qui sort aussitôt
de l'enceinte et court au premier but, puis,
après l'avoir touché, il court successivement
aux autres, qu'il doit également toucher. Mais,
en effectuant sa course, il doit suivre de l'œil
la marche de la balle et les mouvements des
adversaires, car si la balle a été promptement
ramassée et que, lancée de nouveau, elle
vienne a le toucher dans le trajet d'un but à
un autre, son parti est dépossédé du camp. S'il
ne croit pas avoir le temps de faire plusieurs
courses, deux par exemple, il s arrête au pre-
mier but. Un second joueur du camp se pré-
sente alors, relance la balte, puis s'empresse
d'atteindre le premier but, tandis que son ca-
marade le quitte aussitôt pour courir au sui-
vant, le même but ne pouvant être occupé par
deux joueurs. La partie continue ainsi tant
que les chances restent les mêmes, chacun
des joueurs du camp renvoyant la balte à son
tour, touchant successivement tous les buts,
et enfin rentrant dans l'enceinte. Les joueurs
maîtres du camp en perdent la possession
quand l'un d'eux est frappé par la balle dans
le trajet qu'il parcourt soit du camp au premier
but, soit d'un but à un autre, soit du dernier
but au camp. Ils la perdent également quand
la balle, relancée par l'un d'eux , est prise à la
volée par l'un des adversaires, c'est-à-dire
avant qu'elle ait touché le sol. Ils la perdent
encore quand l'un d'eux, se trouvant à un but
ou courant d'un but à l'autre, touche avec la
main la balle qui, en roulant, est venue à sa
portée : il a seulement le droit de la repousser
avec le pied aussi loin que possible. Toutefois,
ils conservent leur position, si le joueur qui a
ramassé la balle peut en frapper un des ad-
versaires avant qu'il ait atteint les limites du
camp. Cette interdiction de toucher la balle
avec la main est l'origine du nom de balle em-
poisonnée , par lequel on désigne souvent la
balle au camp; mais on donne aussi ce nom à
plusieurs, autres jeux, principalement à celui
île la balle aux pots.
Une variété de la balle au camp s'appelle
balle au bâton, parce qu'on s'y sert d'un gros
bâton de moyenne longueur pour lancer la
balle. On n'y joue guère que dans les départe-
ments de l'ancienne Normandie et en Franche-
Comté.
— Balle aux pots. On creuse en terre neuf
trous ou pois disposés sur trois files parallèles
et également espacés, de façon à former un
carré d'un mètre environ de côté : on les fait
assez larges et assez profonds pour- qu'ils
puissent contenir une balle. On trace sur le
sol une ligne courbe qui les enveloppe et dé-
termine les limites du camp. Enfin, on en trace
une seconde, mais celle-ci horizontale, que
l'on place en avant de la dernière 111e, a une
distance de trois à quatre mètres au plus. Les
joueurs sont au nombre de neuf, autant qu'il
y a de pots, et chacun tire au sort pour savoir
quel sera le sien. C'est aussi le sort qui dé-
signe le joueur qui doit rouler la balle le pre-
mier. Ces préliminaires terminés, le routeur
va se poster sur la ligne horizontale, et les
huit autres joueurs se placent autour des pots,
un pied touchant la limite du camp. Alors le
rouleur envoie la balle, en faisant en sorte
qu'elle aille tomber dans un des trous. Le pro-
priétaire de ce trou la ramasse aussitôt, tandis
que tous ses camarades prennent la fuite, et
il cherche à en frapper un de ceux-ci. S'il ne
réussit pas, il est marqué, c'est-à-dire qu'on
met une petite pierre ou marque dans son
trou. S'il réussit, c'est celui qui a été atteint
qui prend la marque. On marque aussi tout
rouleur qui ne parvient pas en trois coups à
faire entrer la balle dans un des neuf trous. .
Dans tous les cas, c'est le joueur marqué qui
doit servir la balle au coup suivant, et ta par-
tie se continue comme nous venons de le dire.
Quand un joueur a pris.trois marques, il est
hors du jeu. Enfin, le gagnant est celui qui n'a
pas été marqué, ou qui ne l'a été qu'une ou
deux fois, tandis que les autres l'ont été trois
fois. U a le droit de fusiller les perdants, c'est-
BAL
à-dire d'envoyer la balle un certain nombre
de fois 'dans le dos de chacun d'eux , à une
distance déterminée.
Le jeu appelé balle à la crosse a une très-
grande analogie avec la balle aux pots. Il est
ainsi nommé parce que Jes joueurs se servent,
pour chasser la balle, dun bâton terminé
inférieurement par une crosse, c'est-à-dire
par un nœud naturel. Du reste, on y joue
l'une foule de manières, dont une est une
simple variété du jeu de cricket (v. ce mot),
et dont une autre jouit d'une vogue énorme en
Bretagne, sous le nom de soûle. V. ce mot.
— Balle à la riposte, au chat et aux rico-
chets. Plusieurs joueurs, en nombre indéter-
miné, se placent à une certaine distance les
uns des autres, et de manière à former un
grand cercle. L'un d'eux, qui a été désigné
par le sort pour commencer le jeu, lance la
balte à son plus proche voisin de droite, qui
doit la recevoir à la volée et la renvoyer à
son voisin de droite, et ainsi de suite jusqu'à
ce qu'elle revienne au premier joueur. Celui-ci
recommence la même manœuvre , mais en
allant de droite à gauche. Quand la balle est
revenue entre ses mains , il l'envoie à un
joueur quelconque, qu'il désigne du g-este et
de la voix, et qui la fait passer à son tour à
celui qu'il préfère, mais jamais à celui qui la
lui a lancée. Tout joueur qui ne reçoit pas la
balle, ou qui la laisse tomber, ou qui, par
maladresse ou autrement, la lance à une fausse
adresse, est marqué d'un point. Après trois
marques, on est mis hors du jeu et soumis à
la punition qui a été convenue d'avance.
— Balle en posture. Comme dans le jeu pré-
cédent, les joueurs sont en nombre indéter-
miné et rangés en cercle à une certaine dis-
tance les uns des autres. L'un d'eux, que le
sort a désigné, lance la balle à son voisin, qui
la renvoie aussi à son voisin, et ainsi de suite.
De cette manière, le projectile fait le tour du
cercle, mais il ne peut jamais être renvoyé
immédiatement à celui qui vient de le servir.
Tout joueur qui n'a pas pu ou su recevoir la
balle est mis hors du jeu. De plus, il est tenu-
de conserver jusqu'à la fin de la partie la po-
sition ou posture qu'il avait au moment où il a
failli : de là, le nom du jeu. Le gagnant est
nécessairement celui qui a été assez adroit
pour ne pas laisser tomber la balle. Pendant
que tous les autres sont en posture, il la lance
dix fois en l'air contre un mur et la reçoit
autant de fois dans les mains. Au dixième
coup, tous les perdants voient finir leur péni-
tence, et l'on commence une seconde partie.
— Balle au chasseur. Elle admet un nombre
quelconque de joueurs. On tire au sort pour
savoir qui remplira le premier le rôle de
chasseur. Cela fait, tous les joueurs se disper-
sent, et le chasseur, après avoir lancé trois
fois la balle en l'air et l'avoir reçue trois fois
dans les mains, cherche à en frapper un de
ses camarades, sans quitter la place où il se
trouve. Le joueur atteint devient le chien du
chasseur, et il peut, comme son maître, faire
usage de la balle, mais dans les mêmes condi-
tions. La partie finit quand tous les joueurs
ont été transformés en chiens. A la partie
suivante, c'est le premier atteint qui fait le
chasseur.
— Balle cavalière. Les joueurs sont en_
nombre indéterminé, mais en nombre pair."
Les uns doivent être cavaliers et les autres
chevaux. Ils se placent dans l'intérieur d'un
grand cercle tracé sur le sol, chaque cavalier
monté sur son cheval. Alors, un des cavaliers
lance trois fois la balle en l'air, la reçoit trois
fois dans les mains, puis la fait passer à son
voisin , qui répète la même manœuvre. La
balle va ainsi de l'un à l'autre, et chacun con-
serve son rôle de cavalier ou de cheval tant
qu'elle est lancée et reçue adroitement. Mais
si un des cavaliers manque son coup, tous les
cavaliers descendent aussitôt de leurs mon-
tures et se dispersent hors du camp. Les
chevaux s'emparent alors de la balle et es-
sayent d'en frapper un des fugitifs. S'ils y par-
viennent, ceux-ci deviennent chevaux a leur
tour. Dans le cas contraire, chacun reprend
son rôle primitif, et l'on procède k une autre
partie.
— Balle en long, Balle au tamis.V. Paume.
BALLE s. f. fba-le — du gr. ballà, je lance.
V. d'ailleurs Vétym. du mot précédent).
Artill. et Arqueb. Projectile de petites di-
mensions, qui est destiné à être lancé isolé-
ment par une arme à feu portative, ou en
nombre par une pièce d'artillerie : Balle de
fusil, de pistolet , de mousqueton. Moule à
balles. Fondre, ébarber, calibrer des balles.
Le tir à mitraille s'exécute avec des boites à
balles, des obus à balles. Balle de plomb.
de fer forgé, de fonte. Quand la balle n'a ni
occasionné une fracture ni atteint un des or-
ganes essentiels à la vie, la cicatrisation s'o-
père très-rapidement. Bien ne serre le cœur
comme le sifflement de la balle dans un»
guerre civile. Charles XII , entendant pour
la première fois les balles siffler à ses oreil-
les, dit .- Dorénavant, ce sera là ma musique.
Le déshonneur et le ridicule glissent sur eux
comme les balles de fusil sur un sanglier.
(Chamf.) La balle est folle, la baïonnette est
sage. ( Souwarow. ) Personne ne réclamera
contre la balle oui ^me percera la poitrine.
(Chateaub.) Il avait retrouvé ma trace, et, en
véritable héros, venait me rejoindre avec une
balle dans la cuisse. (G. Sand.) Des balles
sifflèrent à nos oreilles, et il vit tomber à deux
BAL
pas devant lui l'homme qu'il poursuivait. (G-
Sand.) Il s'est fait des balles en fer fondu,
c'étaient celles des flibustiers et des bracon-
niers; il s'est fait des balles d'étain, c'étaient
celles des chasseurs de ta grande bêle en Amé-
rique. (Gén. Bardin.) Quelques balles, ve-
nant à siffler à leurs oreilles, leur annoncèrent
l'approche des Hollandais. (Mérimée.) Von,''
savez bien que les balles les plus à craindra
ne sont pas celles de l'ennemi. (Alex. Dumas.)
La balle foudroyante de M. Devisme est de
forme cylindrique et longue de huit centimè-
tres. (L. Figuier.)
Et d'une main que la balle a meurtris
Berce en riant deux petits-flls jumeaux.
ETRANGER.
— Balle de canon, Nom donné ancienne-
ment au projectile que l'on appelle aujour-
d'hui boulet.
— Le mot -balle n'appartenant pas à la
haute poésie, l'idée s'exprime au moyen d'une
périphrase, qui consiste le plus souvent dans
le mot plomb, suivi d'un qualificatif tel que
mortel, meurtrier, homicide, rapide, etc. :
Souvent d'un plomb subtil que le salpêtre enflamme,
Vous irez insulter le sanglier glouton.
J.-B. Rousseau.
Le vieux Montmorency, près du tombeau des rois.
D'un plomb mortel atteint par une main guerrière,..
Voltaire.
J'amorce en badinant le poisson trop avide.
Ou d'un plomb qui suit 1 œil et part avec l'éclair.
Je vais faire la guerre aux habttants de l'air.
Boîlëau.
Que d'une force sans seconde
La mort sait ses traits élancer,
Et qu'un peu de plomb peut casser
La plus belle tête du monde.
Voltaire.
Songez que les boulets ne vous respectent guère,
Et qu'un plomb dans un tube entassé par des sots,
Peut casser d'un seul coup la tête d'un héros,
Lorsque multipliant son poids par sa vitesse,
Il fend l'air qui résiste, et pousse autant qu'il presse.
Voltaire.
— "Art inilit. Balle morte, Balle arrivée
hors de la portée où elle peut tuer ou blesser
grièvement, il Balle perdue, Balle lancée au
hasard et qui ne peut atteindre personne,
et fig., Efforts sans résultat : Ce sont balles
perdues, ti Balle de calibre, Balle qui a exac-
tement le diamètre de l'arme pour laquelle
elle est coulée, il Balle en bouche, Manière
honorable de capituler avec les honneurs de
la guerre : Sortir balle en bouche de la place.
Se disait autrefois d'une troupe qui sortait
d'une place avec le mousquet chargé et un
certain nombre de cartouches dans la giberne.
C[élait une des conditions honorables accor-
dées aux assiégés tjui s'étaient bien défendus.
Cette expression était encore usitée en 1758.
Il Balle à ceinture ou à cordon, Balle sphé-
rique, qui a été inventée pour être lancée
avec une carabine dont l'âme présente deux
rayures rondes placées aux extrémités d'un
même diamètre. Elle est ainsi appelée parce
qu'elle porte, suivant un de ses grands cer-
cles, une couronne ou cordon en saillie, dont
les dimensions sont appropriées à celles des
rayures du canon, il Balle mâchée, Balle ronde
rendue inégale par l'action des dents : C'est
une opinion généralement répandue parmi les
militaires, qu'il est possible de rendre les
bâties inégales en les serrant entre les dents', et
l'on redoute beaucoup l'action de ces balles
dites mâchées ; mats il a été reconnu que l'on
ne peut ainsi les déformer, à moins qu'elles ne
soient d'un très-petit calibre. (A. Bérard.)
il Balle-cartouche , Balle allongée et évidée,
qui porte dans son évidement la poudre né-
cessaire pour la lancer. Une capsule, placée
au fond de l'évidoment, reçoit le choc d'une
broche d'acier ou de cuivre, qui traverse la
poudre et est frappée par le marteau. Quel-
quefois on remplace la. pondre par une com-
position fulminante, afin d'obtenir un plus
grand effet avec une charge moins volumi-
neuse. Les balles-cartouches ne sont em-
ployées qu'avec certaines armes qui se char-
gent par la culasse, il Balle à fumée ou Balte
à suffoquer, Composition formée de substan-
ces propres à produire beaucoup de fumée et
une grande puanteur, et que, dans la guerre
souterraine, on brûle dans les galeries des
mines pour les rendre inhabitables aux mi-
neurs de l'ennemi. C'est ordinairement un
mélange de pulvérin (10 parties), de salpêtre
(2 parties), de poix (4 parties), de houille
(3 parties) et de suif (1 partie), ou plus sim-
plement de soufre (6 parties) et de salpêtre
(5 parties), il Balles mariées, Balles rondes
réunies deux à deux par un moyen quel-
conque. On appelle spécialement balles ramées
celles qui sont jointes ensemble au moyen
d'un morceau de fil de fer tortillé. Les chas-
seurs emploient quelquefois les balles mariées
pour attaquer le sanglier, le loup, etc. ; mais
le tir de ces projectiles est très-mauvais,
parce que,à,peine sorties du canon, les deux
balles se séparent, vont l'une à droite, l'autre
à gauche, et laissent souvent entre elles le
but qu'on a visé. Voici; du reste, comment
on se les procure. Apres avoir choisi deux
balles, on enlève sur chacune d'elle une pe-
tite calotte, et l'on frotte fortement les deux
parties planes l'une contre l'autre, en ayant
soin de les tourner en sens inverse, ce qui
suffit pour chasser l'air interposé et les faire
adhérer. Il Balle allongée OU Balle oblongue}
Balle ayant la forme d'un cylindre surmonte
d'une partie conique ou ogivale. Les projec-
tiles de ce genre sont seuls employés aujour-
BAL
d'hui, surtout* pour les armes carabinées;
mais il en existe un grand nombre de va-
riétés, et on en invente chaque jour de nou-
velles. Les premières balles allongées étaient
pleines, c'est-à-dire sans vide intérieur. On
les forçait dans le canon avec une baguette
dont la tète était évidée do manière à ne pas
écraser leur pointe. Telles étaient les balles
dites ogivales, dont on se servait en France
pour les carabines à tige. Telles étaientencore
les balles à ailettes fabriquées en Russie pour
une carabine à deux rayures, et qui étaient
ainsi appelées parce qu'elles étaient munies
de deux saillies latérales ou ailettes, appro-
priées à la forme des rayures. Les balles
allongées, actuellement usitées partout, se
forcent d'elles-mêmes par l'action de la pou-
dre. Pour cela, elles présentent à leur partie
postérieure un évidement de forme plus ou
moins simple, qui varie suivant l'imagination
de l'inventeur et les conditions particulières-
auxquelles le projectile doit satisfaire. Au
moment de l'explosion de la charge, les gaz
se précipitent tous dans l'évidement , l'élar-
gissent, et, en même temps qu'ils poussent
la balle, la forcent à se mouler dans les
rayures de l'âme. Les balles qui offrent cette
disposition sont désignées sous un des noms
suivants : Balles expansioes , Balles évidées,
Balles creuses. Certaines de ces balles ont à
l'entrée de l'évidement, qui alors est tronco-
nique, un petit culot concave en tôle em-
boutie, destiné à opérer le forcement; quel-
quefois même ce culot est simplement en
bois. Dans tous les cas, quand ia poudre s'en-
flamme, pendant que la balle résiste en vertu
do son inertie, le culot, qui est beaucoup plus
léger, se met en mouvement avant elle, pé-
nètre dans l'évidement et détermine le force-
ment en agrandissant le diamètre du trou
dans lequel il s'enfonce : il agit à la manière
d'un coin. Ce sont les balles allongées de ce
genre que l'on appelle balles à culot. Presque
tous les projectiles allongés portent une ou
plusieurs cannelures, c'est-à-dire une ou plu-
sieurs gorges creusées extérieurement sur
leur partie cylindrique. On a d'abord pré-
tendu que ces cannelures étaient nécessaires,
ou du moins très-favorables à la régularité
du mouvement de la balle dans l'air. On a
prétendu, plus tard, qu'elles favorisaient le
forcement des balles expansives erf créant,
dans le cylindre, des parties faibles ie prêtant
plus facilement a l'épanouissement. Quelque
soit le degré de confiance que méritent ces
opinions, il est certain que, jusqu'à présent,
ce sont les balles entièrement lisses a l'exté-
rieur qui ont donné les plus beaux résultats
de tir. (V. plus loin.) l] Balle-obus ou Balle
explosive, Balle de forme allongée, qui est
creuse, et contient dans son intérieur une
quantité suffisante de poudre pour la faire
éclater. Les projectiles de ce genre portent à
leur partie antérieure une capsule fulmi-
nante fixée sur un petit tube qui fait office
de cheminée. On les lance , soit avec une
carabine, soit avec un fusil rayé ordinaire,
et, si l'arme|ne se charge pas par la culasse,
on les enfonce dans le canon avec une ba-
guette concave, évidée de manière à ne point
porter sur la capsule. Par l'effet du carabi-
nage, la balle frappe le but par la pointe, ce
qui fait détoner la capsule et enflamme la
poudre. Les 'balles- obus ont été imaginées
pour faire sauter les caissons de l'artillerie,
ennemie sur les champs de bataille; mais
l'expérience n'a pas répondu à ce que l'on en
attendait, en sorte que l'usage n'en a pas été
adopté, n Balle foudroyante^ Nom donné par
l'arquebusier parisien Devisme à une balle
explosive de son invention, qui est spéciale-
ment destinée à la chasse des animaux dan-
gereux et des animaux de grande taille. Ce
n'est, en réalité, qu'une balle-obus perfec-
tionnée, mais perfectionnée au point d'être
devenue un agent de destruction des plus ef-
froyables. Cette balle consiste en un tube de
cuivre dont la longueur varie de 60 à 1 10 mill.
suivant l'animal qu'il s'agit de frapper, et
dont la moitié environ est recouverte exté-
rieurement d'une couche de plomb. Sur ce
plomb se trouvent des cannelures dont les
parties saillantes s'adaptent exactement aux
rayures du canon d'une carabine. L'extrémité
intérieure du tub« est fermée par un bouchon
de cuivre qui est à vis : c'est par cette extré-
mité qu'on introduit la charge de poudre.
L'extrémité opposée est également fermée
par un bouchon de cuivre et à vis, mais ce
bouchon est percé d'un conduit longitudinal
dans lequel glisse à frottement une tige de
même métal, dont le bout extérieur se termine
en cône très-aigu, tandis que le bout inté-
rieur porte une capsule fulminante ordinaire
et s'appuie sur une petite barre d'acier fixée
en travers du tube. C'est le refoulement qu'é-
prouve cette tige par la résistance du corps
que la balle rencontre dans sa course, qui
détermine l'écrasement de la capsule et, par
suite, l'inflammation de la charge. La balle
foudroyante a été inventée à l'instigation de
Jules Gérard. En 1857, cet illustre tueur de
lions, se rappelant les dangers qu'il avait
maintes fois courus quand l'animal n'était pas
mort sur le coup, et encore sous l'impression
du sort affreux de plusieurs de ses compa-
gnons de chasse, pria Devisme de rechercher
un moyen qui, paralysant à l'instant, chez la
bête la plus féroce, tout sentiment et tout
principe de vie, l'anéantissant, en quelque
sorte5 avec la rapidité de la foudre, ne lui
permit plus de se relever après avoir été
BAL
125
frappée et préservât ainsi la vie du tireur,
toujours très-exposée au milieu de cette lutte
suprême, Devisme se mit aussitôt à l'œuvre,
et quelques jours lui suffirent pour créer le
projectile que nous venons de décrire, et qui,
expérimenté immédiatement, dans la plamo
des Vertus, sur des cheva^s destinés a être
abattus, produisit des effets qui dépassèrent
toutes les espérances. Depuis cette époque, la
balle foudroyante a été fréquemment em-
ployée en Algérie, en Egypte, dans l'Inde,
dans l'Afrique australe, etc., pour la chasse
des animaux féroces, et toujours avec le plus
grand succès. On a même essayé do s'en ser-
vir pour la pêche de la baleine. Quel que soit
l'animal sur lequel on la lance, elle le tue
instantanément en éclatant dans l'intérieur
du corps. Le choc de la tige de la tête contre
la peau suffit pour faire détoner la capsule;
mais, comme la pénétration marche beaucoup
plus vite que l'inflammation de la poudre, il
en résulte que la balle a pénétré six ou sept
fois sa longueur quand l'éclatement a lieu. Il
y a des balles de trois calibres : l'un, le plus
faible, pour le lion, l'ours, le sanglier, etc. ;
l'autre, le moyen, pour le buffle, le rhinocéros,
l'éléphant, etc.; et le troisième, qui est le
plus fort, pour la baleine. Ces balles nécessi-
tent l'emploi d'une carabine spéciale. De plus,
elles ne sont pas faites pour des distances
supérieures à cent mètres, ce qui- n'a aucun
inconvénient, puisque les animaux en vue
desquels elles ont été inventées se tirent tou-
jours de très-près, souvent même presque à
bout portant : au delà de cette limite, elles
n'auraient pas toute la justesse convenable.
Il Boulet de huit, de douze livres de balle,
Boulet de huit, de douze livres.
— Mar. Balle à queue, Boulet emmanché
que 'l'on fait rougir pour s'en servir à fondre
le goudron..
— Pyroteeh. Balle ardente, Balle à feu, -
Gros projectile d'artifice, servant à éclairer
le terrain comme les pots à feu. il Balle lui-
sante, Sorte d'étoile d'artifice.
— Pêch. Traîner la balle, Employer un ap-
pareil spécial formé d'un boulet de fer sus-
pendu au-dessous de plusieurs lignes amor-
cées.
— Céram. Masse de pâte disposée en forme
de petit boulet, et d'un volume en rapport
avec la dimension de la pièce au façonnage
de laquelle elle doit servir : Pour que les
pièces semblables aient une grande régula-
rité, tes balles doivent être pesées, afin qu'il
n'y en ait pas de plus fortes les unes que les
autres. (Bastenaire d'Audenart.) Le tourneur
ne fait ses balles qu'après avoir bien battu et
corroyé la pâte. ( Bastenaire d'Audenart. ) H
Moulage à la balle, Système de moulage qui
consiste à préparer des balles de pâte à la
main, puis à les comprimer avec force dans
les cavités du moule, en se servant- d'une
toile ou d'une éponge.
— Hist. Balle d'or, Projectile en or qui
avait été fondu pour tuer François I", et
qui lui fut remis par celui même qui l'avait
fait fondre, lorsque ce monarque eut été
vaincu à Pavié. On donne aussi le même
nom à la balle que te jeune de La Châtaigne-
raie avait préparée pour tuer Charles-Quint.
— Homonymes, Bal, Bâle.
— Eplthètes. Légère, rapide, subtile, roide,
inévitable , enflammée, tonnante , sifflante ;
crépitante, meurtrière, homicide, mortelle,
amortie, morte.
— Encycl. Balles pour les armes portatives.
On les fait en plomb, parce que ce métal est
très-pesant , mou , facile à fondre et à mani-
Ïmler. On en distingue deux espèces : les bai-
es rondes et les balles allongées.
îo Balles rondes. Ce sont celles que l'on a
universellement employées depuis l'origine des
armes à feu jusquà l'adoption définitive, à
notre époque, des fusils rayés. Anciennement,
on exprimait le calibre de ces projectiles par
le nombre de balles que l'on peut faire avec
un demi-kilogramme de plomb. On l'exprime
aujourd'hui par le nombre de millimètres que
contient leur diamètre. Les dernières balles
rondes en service dans l'infanterie française
avaient un calibre de 16 millim. 7 et un poids
de 27 gramm. Elles se tiraient dans un canon
lisse de 18 millim. Aux balles de ce système
est attaché un défaut extrêmement grave, dont
il a été impossible de les débarrasser tant qu'on
s'est servi des anciens fusils. Pour qu'on puisse
charger un de ces fusils, il faut nécessaire-
ment donner à la balte un calibre plus petit
que celui du canon. Par suite de cette diffé-
rence de calibre , différence qui se nomme le
vent, quand l'arme est en joue et prête à faire
feu, la balle repose ordinairement sur la pa-
roi inférieure du canon , laissant entre elle et
la paroi supérieure un passage par lequel les
gaz tendent à s'échapper, au moment de l'in-
flammation de la poudre. De cette manière, la
balle n'est pas seulement poussée dans le sens
de l'axe du canon : elle est encore pressée et
choquée contre l'âme, par l'action des gaz
qui agissent sur la partie supérieure. Réflé-
chie par la paroi inférieure de l'âme , elle va
en frapper la paroi supérieure qui la renvoie
à son tour, etc., en sorte que sa course, dans
l'intérieur du fusil, a lieu par une série de bat-
tements irréguliers , et qu'elle sort de la bou-
che, non pas suivant l'axe du canon, mais sui-
vant la direction du dernier battement. Parle
fait de ces battements, la balle prend à chaque
126
BAL
BAL
BAL
BAL
coup une direction initiale différente, quoique
l'arme soit toujours chargée et disposée de la
même manière. Elle prend, en outre, un mou-
vement de rotation irrégulier qui détermine,
de la part de l'air, des résistances tendant à
changer, à chaque instant, la durée du trajet
et la forme de lu trajectoire. De ces deux cir-
constances, jointes à d'autres causes moins
énergiques mais agissant en même temps , il
résulte des déviations par suite desquelles la
balle , malgré l'habileté du tireur, s'écarte du
but, horizontalement ou verticalement , d'une
quantité qui augmente avec la distance, et qui,
en moyenne, est de "21 centim. à 100 mètres,
de 1 met. 3 centim. à 200 mètres , de 3 met.
38 cent, à 3Q0 mètres, et de 6 met. 56 centim,
a 400 mètres. Le vent étant la cause première
et principale des écarts de la balle , on a eu
l'idée d'en paralyser les effets en forçant la
balle, c'est-a-dive en se servant de projectiles
ayant exactement le calibre de l'âme du ca-
non. Les balles forcées ont, en effet, plus de
justesse que les balles ordinaires, mais l'expé-
rience n'a pas tardé à apprendre que , sous
l'action de l'air, elles prennent elles-mêmes
des mouvements irréguliers qui finissent par
produire de très-grandes déviations. On a donc
dû se remettre à l'œuvre, et c'est en combi-
nant le forcement de la balle avec le carabi-
nage du canon qu'on est enfin parvenu a ré-
soudre le problème. Toutefois, on n'a obtenu
des résultats bien satisfaisants que lorsqu'on
a remplacé les balles- rondes par les balles al-
longées. ,
2o Balles allongées. L'usage réel de ces
balles ne remonte pas au delà, de l'année 1849 j
mais, depuis cette époque, il a été adopté par
toutes les nations militaires, cour le service
des armes carabinées. Leur calibre Se déter-
mine par le nombre de millimètres que con-
tient le diamètre de la partie cylindrique. On
peut considérer les balles alîongées'comme des
vis ayant le canon pour éerou. Elles prennent
dans cet écrou un mouvement de rotation qui
'se continue dans l'air, et qui maintient l'axe
de rotation dans une direction telle que la
balle frappe constamment le but par la pointe.
Le tir de ces projectiles est infiniment supé-
rieur à celui des balles rondes. Néanmoins , il
donne lieu à certaines déviations dont toutes
les causes ne sont pas encore parfaitement
connues.
L'expérience a mis hors de doute que les
balles allongées de l'usage le plus commode
sont celles dif système expansif. Aussi, ont-
elles été adoptées par tous les peuples. Un
autre fait, également constaté parla pratique,
c'est que, pour obtenir les meilleurs effets de
justesse , il convient de donner à ces balles
une longueur variant entre deux et trois fois
leur diamètre ; mais, jusqu'à présent, on a été
obligé de s'écarter de ce principe , afin de
pouvoir continuer à se servir des armes en
magasin. Les balles allongées en service dans
l'armée française sont au nombre de deux :
l'une, du poids de 36 gram. pour le fusil,
l'autre du poids de 48 gram. pour la carabine.
La première se tire avec une charge de 4 gram.
50 centig., et la seconde avec une charge de
5 grain. 25. Elles ont toutes les deux un même
calibre, qui est de 17 millim. : elles ont aussi
la même forme. La pointe de leur cône est
abattue et remplacée par une facette, appe-
lée méplat, qui provient de la rognure du jet.
Une seule cannelure est creusée sur leur par-
tie cylindrique. Enfin , leur évidement est
ogivo-pyramidal, à base triangulaire, disposi-
tion due au lieutenant-colonel Nessler, direc-
teur de l'Ecole normale de tir de Vincennes.
V. Carabine.
Fabrication des balles. Elle est des plus
simples. Pour les balles rondes, on couu; le
plomb dans des moules de bronze présentant
10 demi-coquilles , 8 de chaque côté. Quand le
métal s'est solidifié, on coupe les jets des bal-
les avec des cisailles, après'quoi on les ébarbe
en les mettant, par masses de 50 kilogram.
dans un tonneau que l'on fait tourner pendant
trois minutes , ou par masses de 25 kflogranu
dans un sac que l'on agite pendant cinq mi-
nutes. Il ne reste plus alors qu'à les calibrer,
ce qui consiste à les agiter dans un crible dont
les trous ont exactement le diamètre qu'elles
doivent avoir. Les bulles allongées se fabri-
?uent avec des moules semblables, sauf la
orme et les dimensions, à ceux des balles
rondes. De plus , pour celles qui sont évidées,
une broche d'acier, destinée à ménager l'évi-
dement, se trouve au centre de chaque co-
quille. Le plomb est introduit par la pointu ,
et c'est en coupant le jet que l'ouvrier produit
le méplat dont nous venons de parler. Le ca-
librage de ces balles s'opère en les faisant
passer, la pointe la première, dans un cylindre
spécial dit cylindre à calibrer.
Balles pour l'artillerie. Elles sont rondes
et servent uniquement pour le tir à mitraille.
11 y en a de fonte, de fer forgé et de plomb.
Celles des deux premiers métaux sont quel-
quefois désignées sous le nom de biscaïens.
Les balles de fonte se fabriquent par les
procédés ordinaires du coulage. On les ren-
ferme dans des cylindres de tôle, de fer-blanc,
ou de zinc, appelés boîtes à balles, dont le
calibre est en rapport avec celui des bouches
à feu. Autrefois, on les faisait de grosseurs
différentes, suivant la distance à laquelle on
voulait les tirer, ce qui en donnait un très-
jrand nombre de variétés. Aujourd'hui, on
es fait do manière à pouvoir, sauf les cas
extraordinaires, en placer sept par couche
le
dans la boite, savoir six à la circonférence et
une septième au centre. De cette façon, elles
ont sensiblement le tiers de l'ancien boulet
rond correspondant. C'est aussi avec des
balles de fonte que l'on confectionne les pa-
quets de mitraille ou grappes de raisin de la
marine. Chaque projectile do ce nom consiste
en un plateau circulaire de fer forgé, portant
au centre une tige de même matière. On em-
pile régulièrement autour de cette tige un
certain nombre de balles , et l'on consolide le
tout au moyen d'une toile très-forte par-des-
sus laquelle on place un réseau en grosse
ficelle.
Les balles de fer sont forgées au marteau
dans des espèces de matrices appelées étam-
pes. Elles se tirent, comme les précédentes,
dans des boîtes. Toutefois, comme elles coû-
tent très-cher et qu'elles ne produisent pas
.des résultats en rapport avec la dépense
qu'elles occasionnent, on n'en fabrique pres-
que plus. Celles que l'on emploie en France
ne servent guère que pour 1 obusier de 12 de
montagne : elles ont un diamètre de 26 mil-
lim. 5.
Les balles de plomb sont destinées au char-
gement des projectiles creux appelés Schrap-
nells ou obus à balles, lesquels, comme nous
le verrons ,ailleurs (v. Mitraille), donnent
le moyen de porter la mitraille beaucoup plus
loin qu'on ne pourrait le faire en la lançant
directement avec les bouches à feu.
— Pyrotechn. Les balles à feu ou balles à
éclairer sont surtout employées pour la dé-
fense des places. L'assiégé les lance, pendant
la nuit, afin d'éclairer les travaux de 1 ennemi
et d'en contrarier l'exécution. La forme, les
dimensions et le chargement de ces artifices
peuvent varier presque à l'infini. Ceux qui
sont actuellement en usage en France con-
sistent en un sac de coutil très-fort, au fond
duquel on place un obus ou une grenade, la
fusée en bas. Autour de ces projectiles et
au-dessus, on tasse fortement un mélange,
en poudre fine et légèrement humectée, do
salpêtre (8 part.), de soufre (2 part.), et d'an-
timoine (î part.), de manière à donner à la
balle à feu une hauteur égale à une fois et
demie son diamètre. Quand le sac est charge,
on le ferme avec soin , puis on le consolide
dans toute sa surface , particulièrement en
dessous, au moyen d'un réseau de fils de fer
par-dessus lequel on en établit un second en
forte ficelle. Enfin, on le plonge une ou deux
fois dans un bain très-chaud composé de cire
jaune (10 part.), de poix noire (5 part.) et de
poix résine (4 part.;. Il ne reste plus alors
qu'à l'amorcer. A cet effet, on y pratique
quatre trous, aux extrémités de deux dia-
mètres perpendiculaires , et , après avoir
rempli chacun de ces trous d'un mélange de
pulvérin (6 part.), de salpêtre (3 part.) et de
soufre (l part.), ony fixe deux bouts de mèche
à étoupille. Les balles à feu françaises sont
de trois calibres différents : 22, 27 et 32 cen-
tim., elles se lancent avec les mortiers. Prêtes
à tirer, elles pèsent respectivement, en nom-
bres ronds, 13 kilo, 300; 25 kilo. 160, et 40 kilo.
320. Leur portée moyenne est de 500,600 et C25
mètres. La durée moyenne de leur combustion
est de 8 minutes pour celles de 22 centim., etde
9 minutes pour toutes les autres. Nous avons
vu qu'elles sont munies d'un obus ou d'une
frenade. L'emploi de ces projectiles a un
ouble objet. En premier lieu, il rend l'arti-
fice plus lourd ce qui permet de le lancer à
une plus grande distance. En second lieu, il
intimide l'ennemi et l'empêche de s'approcher
des balles à feu pour les éteindre en jetant de
la terre dessus.
Anciennement, on se servait aussi en France
de petites balles à feu, dont les unes, du poids
de 1 à 2 kilo, se jetaient à la main, tandis
que les autres, beaucoup plus pesantes, se
lançaient avec le canon : mais on a renoncé à
en faire usage a cause du peu d'effet qu'elles
produisaient. La même raison a fait égale-
ment abandonnner les balles à feu dites car-
casses (v. ce mot), lesquelles étaient ainsi
appelées parce que , pour les rendre plus
solides , on y plaçait une armature en fer
plat.
BALLE s. f. (ba-le — ce mot . ainsi que
celui de balle à jouer, dérive d un seul et
unique radical germanique, qui, dans sa pre-
mière signification, a donné naissance a la
basse latinité bala, à l'allemand ballen , au
suédois bahl, au hollandais baal, au danois
balle, à l'anglais bule, etc., et, dans sa se-
conde signification, à l'allemand et àl'anglais
bail, au hollandais bal, au danois bold , à
l'islandais bollur, au suédois bail. Le lien
qui réunit les deux acceptions différentes de
ce terme est le sens de rondeur, qui est com-
mun au paquet de marchandises et à la balle
à jouer). Gros paquet de marchandises : Une
balle de coton, de café. Le colporteur se dé-
barrassa de sa balle, lourd fardeau qui sem-
blait léger pour ses robustes épaules. (E. Sue.)
Je le sais aussi bien que vous connaissez ce que
vaut une balle de laine. (F. Soulié.) Ce sont
de malheureux marchands, millionnaires au-
jourd'hui, mais dont hier encore le père portait
la balle. (H. Beyle.) L'Amérique est une so-
ciété de marchands, qui n'a que juste assez de
temps pour disposer de ses balles de coton et
défricher ses forêts. (Ph. Chasles.) Il vaut
mieux échanger des balles de coton que des
balles de fusil. (L.-J. Larcher.)
— Par anal. Balle de coton, nuage blanc et
floconneux particulier aux régions tropicales.
— Porter In balle, Etre colporteur, et, par
ext., Faire un commerce infime, être dans
une position médiocre. Il Marchandises de
balUj Marchandises de pacotille, de qualité
inférieure, comme celles que vendent les col-
porteurs.
— Loc. fam. De balle, Sans mérite, sans
valeur. Se dit par comparaison avec les mar-
chandises de balle : Ce rapport de balle
achevé en peu de mots, le duc de la Force
resta en place. (St-Sim.)
Allez, rimeur de balle, opprobre du métier 1
Molière.
D Bond comme une balle, Se dit d'un homme
qui a bu avec excès : Le voilà rond comme
use balle.
— Argot. Tète, ligure ridicule : Oh! c'te
balle ! (Le Gamin de Paris.) il Un franc : Je
t'en donne une balle; est-ce dit? Trois cents
balles pour les détenus. (Balz.) Les Cory-
bantes jouaient des cymbales en l'honneur de
Cybèle; moi, quand j'ai cinq balles, je les
dépense en l'honneur d'une seule belle. (Cora-
merson,)
— Comm. Réunion de dix rames de papier
emballées.
— Typogr. Sorte de tampon dont on se
servait autrefois pour encrer la forme. Les
balles se composaient d'une espèce d'enton-
noir de bois, muni d'une poignée, et ayant
l'intérieur rempli de laine recouverte de cuir
cru, cloué aux bords. L'ouvrier prenait deux
de ces balles et, après les avoir garnies
d'encre, il en frappait légèrement la forme
par coups successifs, et à plusieurs reprises.
il Tampon encore employé au même usage,
dans limprimerie en taille-douce. H Balle
teigneuse. Balle qui ne prenait pas l'encre. Il
Charger tes balles, Y mettre de l'encre.
— Encycl. Typogr. V. ROULEAU.
balle s. f. (ba-le — du lat. palea, paille).
Bot. Enveloppe extérieure de la lieur des
graminées, qui remplace le calice dont elles
sont dépourvues , et qui est ordinairement
composée de deux écailles ou paillettes trans-
parentes, coriaces, ovales, oblongues, poin-
tues, peu colorées et portant quelquefois une
barbe à leur extrémité : Tantôt la balle se
sépare du grain par le battage, comme dans le
froment; tantôt elle reste adhérente, comme
dans t'épeautre. Le froment, le seigle et l'orge
ont des balles, au lieu de calice et de corolle.
(Tessier.)
— Agric. Sorte de pellicule qui enveloppe
le grain et particulièrement le grain d'a-
voine: Un oreiller de balles d'avoine. (Acad.)
— Encycl. Cette partie que l'on sépare du
froment, par le vannage, et que l'on désigne
dans certaines localités sous le nom de bauffe,
est utilisée dans l'alimentation des animaux,
notamment des vaches ; mais en général elle
est peu estimée. Ce doit être, en effet, une
bien pauvre nourriture , et 1 on devrait au
moins l'humecter avec de l'eau salée avant de
la donner aux animaux. La balle d'orge est
estimée des jardiniers,' qui s'en servent pour
protéger les plantes du potager contre les ri-
gueurs de l'hiver. Elle retient moins l'eau que
la balle de froment. La balle de l'avoine sert
aussi à. nourrir les bœufs et les moutons ; mais
elle est surtout recherchée pour remplir les
paillasses destinées à des lits d'enfants.
BALLE, ÉE (ba-lé) part. pas. du v. Baller :
Il fut dansé, sauté, balle.
La Fontaine.
C'est par une licence poétique que La Fon-
taine l'emploie ici passivement.
BALLENBERGER (Charles*), peintre d'his-
toire, né à Anspach (Bavière), en 1800, mort
en septembre 1860, à Francfort, où il s'était
établi en 1854. On cite parmi ses meilleurs
ouvrages les portraits de quatre empereurs
d'Allemagne, peints pour la salle du Borner.
BALLENDEN ou BELLENDEN (Jean), écri-
vain écossais du xvie siècle, mort à Rome en
1550. Il eut part à l'éducation de Jacques V,
entreprit vainement de s'opposer aux progrès
de la réformation et finit par se retirer à Rome.
Il a laissé des poésies qui ne manquent pas de
mérite ; mais if est surtout connu par sa tra-
duction écossaise de l'Histoire et chronique
d'Ecosse, écrite en latin par Hector Boetius.
BALLENSTEDT, ville de la Confédération
germanique, dans le duché d'Anhalt-Bern-
bourg, sur le Getel; 4,500 hab.; depuis la
moitié du xvue siècle, résidence du duc d'An-
halt-Bernhourg, dont on remarque sur une
hauteur le château entouré de beaux jardins.
— Berceau de la famille des ducs d'Anhalt et
de la maison régnante de Prusse.
BALLE-QUEUE s. f. (ba-le-keu — de baller,
agiter, et de queue). V. Hoche-queue.
baller v. n. ou int. (ba-lé, du bas lat.
balla, balle, paume). Danser, sauter : Pour
être un vert-galant, il faut toujours babiller,
danser et baller. (Sarrazin.) On ballait
pendant trois jours ; les maîtres , dans la
grande salle, au raclement d'un violon; les
vassaux, dans la cour verte, au nasillement
d'une musette. (Chateaub.) Toutes les nymphes
avaient le visage riant, comme si elles eussent
balle ensemble. (P.-L. Courier.) Une petite
bohémienne vient tous les jours baller sur le
parvis , malgré la défense de l'official. (V.
Hugo.)
Il sait danser, baller.
Faire des tours de toute 6orte.
La Fontaine.
— Loc. fam. Palier la queue, Faire l'agréa-
ble. Il Baller du talon, Jouer des jambes, so
sauver bien vite.
— Liturg. Exécuter dans le chœur une
sorte do danse grave, qui était, pour le grand
chantre, une manière de saluer, dans cer-
taines cathédrales : Le grand chantre ballera
au premier psaume.
BALLER s. m. (bal-leur — mot anglais
dérivé de bail, balle). Jeu. Joueur chargé do
servir la balle, au jeu du cricket.
BALLERINE s. f. (ba-le-ri-ne — rad. bal-
ler), Danseuse de profession : Eh bien, mon
cher, c'est Dolorosa, la ballerine qui a fait
fureur à Madrid , et qui doit prochainement
débuter à la Porte-Saint-Martin. (Oscar Co-
mett.) En l'année 1860, parut une ballerinb
du nom de Bigolboche. Tout Paris s'arrêtait
pour la regarder passer. (Audebrand.) Cer-
taines ballerines portent jusqu'à dix-sept
sous-jupes. (L.-J. Larcher.) Ces charmantes
ballerines attirent tous les soirs une nuée de
vieux barbons à l'orchestre. (L.-J. Larcher.)
BALLER1NI (Pierre), littérateur et théolo-
gien italien, né à Vérone, mort vers 17G4. Il
était ecclésiastique et professa dans sa villo
natale les belles-lettres , puis la théologie.
Chargé par le saint-siège de donner une édi-
tion des œuvres de saint Léon, il contribua à
faire déclarer ce saint docteur de l'Eglise. Ses
principaux ouvrages sont les suivants : II
Metodo di san Agostino degli studj (1724), ou-
vrage qui fut une des premières causes de la
?uerelle du probabilisme; il a été traduit en
rançais par Nicolle de la Croix (1760) ; Saggio
délia Storia del probabilismo (1736), c'est una
histoire du probabilisme; Sancti Zenonis epis-
copi Veronensis sermones, nuneprimum quapar
erat diligentia editi (1739) Ç De jure divino et
naturali circo usuram libri VI, ainsi que plu-
sieurs autres écrits contre l'usure. 11 faut ajou-
ter aussi diverses éditions,' et notamment celle
des œuvres de saint Léon, dont nous avons
parlé plus haut, et qui est très-estimée.
BALLER INI (Jérôme) , frère du précédent, né
à Vérone' en 1702, mort vers 1770. Il coopéra
aux travaux de son frère et publia lui-mêms
une bonne édition des œuvres du cardinal No-
ris : Henrici Norisii Veronensis Aug^istiani S.
R. E. presbyteri cardinalis opéra omnia, nunc
primum collecta et ordinata (Vérone 1732),
BALLERO (Giovanni), graveur italien con-
temporain, a exécuté diverses planches au
burin pour la Galleria reale di Torino, de R.
d'Azeglio, un Portrait d'après Kauffmann, une
Madone d'après Murillo, etc.
BALLEROY (Jacques -Claude -Augustin) ,
marquis de La Cour, général français, né en
1694, mort en 1773. Gouverneur du duc de
Chartres en 1735 , il suivit ce jeune prince
dans ses campagnes, et fut disgracié pour
avoir engagé son élève à se joindre au parti
des princes du sang lors de la maladie de
Louis XV à Metz et du renvoi de M1"» de
Chateauroux. Parent du marquis d'Argenson,
il tenta de réaliser leurs idées communes sur
le gouvernement et l'établissement d'assem-
blées provinciales, et soumit à ce sujet un
plan qui resta enfoui dans les cartons du mi-
nistère jusqu'au temps de Necker. Balleroy
faisait partie de la société de VEntre-sol, qui
se réunissait alors chez Alary, dans l'hôtel
du président Hénault, et où l'on s'occupait de
recherches historiques, de littérature, et même
de politique. Il y lut une Histoire des traités
depuis la paix de Vervins , qui est restée in-
édite. C'était un homme de mérite et un
homme de bien.
BALLEROY(Albert deL peintre français con-
temporain, né à Lonné (Orne), en 1831 ; élève
de M. Schmitz.Ses premiers ouvrages, Chiens
courants (Salon de 1853) ; Chevaux en liberté
dans la campagne de Borne &t Buf/les d'Italie
(Salon de 1855), se sont fait remarquer par
des qualités de vrai et de pittoresque, mais
l'exécution en était un peu faible : les ani-
maux, massés avec une certaine habileté, pé-
chaient par le dessin. L'artiste a fait depuis
de notables progrès et compte aujourd'hui
parmi les bons peintres de Chasses. Ses com-
positions, conçues dans de grandes dimen-
sions, sont exécutées d'une façon décorative
qui ne manque pas de vigueur. Une des meil-
leures qu'il ait exposées est la Meute sous bois
(Salon de 1861), dans laquelle le paysage a
été peint d'une façon magistrale par M. L.
Belly. Nous citerons encore : Hallali de san-
glier, le Départ, le Benard et les Baisins (1859);
Bêlai de chiens (1861); Hallali courant (1863);
la Chasse au sanglier en Espagne (1864); l'E-
quipage de chasse du duc de Fernandina (1865).
M. de Balleroy a exposé aussi quelques por-
traits d'une bonne facture.
BALLEROY, village de France, ch.-l. 9e
canton (Calvados), arrond. et à lskilom.S.-O.
de Baveux ; pop. aggl. 1,142 hab. — pop. tôt.
1,286 nab. Beau château construit sur les
dessins de Mansard.
BALLESTER (Joachim), graveur espagnol,
né vers 1750, mort en 1795. 11 a exécuté les
gravures de la grande édition de don Quichotte
(Madrid, 1780), et une partie des ouvrages qui
accompagnent le texte de l'ouvrage d'Yriarte
sur la musique.
BALLESTEROS (don François), général espa-
gnol, né à Bréa (Aragon) en 1770, mort à Paris
en 1832. Il embrassa, à dix-huit-ans, la carrière
militaire, et il était lieutenant lorsque la
Fi
BAL
guerre éclata entre la France et l'Espagne
en 1793. La manière brillante dont il se con-
duisit dans la campagne de Catalogne lui valut
le grade de capitaine ; maiSj accusé d'avoir
soustrait à son profit trois mille rations dans
un achat de fourrages, il fut destitué en 1804.
Le prince de la Paix, ayant reconnu que cette
.(récusation était calomnieuse, l'appela au poste-
très-lucratif de commandant des douaniers
dans les Asturies. Lorsque les Français enva-
hirent l'Espagne en 1808, la junte d'Oviedo
chargea Ballesteros de lever des troupes et lui
conféra le titre de colonel. Bientôt après, il
faisait sa jonction avec les généraux Black et
Castanos et prenait part, sous leurs ordres, à
la bataille de Baylen, où il se signala par son
intrépidité. Surpris a Santander en 1809, il
n'échappa qu'avec peine aux Français, et, l'an-
née suivante, il subit deux échecs. Nommé en-
suite brigadier général et maréchal de camp
par la junte de Séville, il reçut de la régence de
Cadix, qui constituait le gouvernement insur-
rectionnel, le grade de lieutenant général et le
commandement en chef de l'armée d'Andalou-
sie. Cette province devint le principal théâtre
de ses exploits. Il y battit des corps français à
Castana et à Osuna, et, poursuivi par cinq ha-
biles généraux, parmi lesquels se- trouvaient
Soult et Mortier, il sut constamment leur éehap-
>er, grâce a une tactique qui lui était particu-
ière et à ses marches savantes. Serré de près
dans les montagnes de Ronda, il se réfugia
sous le canon de .Gibraltar, en prétextant que
la retraite lui était coupée, mais avec l'intention
très-arrêtée de s'emparer de la place s'il pou-
vait y pénétrer. Le gouvernement anglais s'op-
posa à ses desseins, et fit ainsi échouer son plan.
Quelques écrivains ont traité cette tentative
d'invraisemblable, comme contraire à la
loyauté bien connue de Ballesteros. Quand on
considère la manière dont les Anglais se sont
emparés de Gibraltar, on ne peut guère par-
tager cette opinion. C'est dans les questions
de patriotisme surtout que l'on peut dire, en
modifiant légèrement le proverbe : Ce qui a
été bon à prendre est bon à reprendre.
Très-aimé des habitants, adoré de ses soldats
et estimé des Français, Ballesteros se trouvait
à la tète d'une des armées les mieux disciplinées
et les mieuxentretenues de l'Espagne, lorsque
la régence de Cadix confia à Wellington le
commandement en chef des armées espagnoles.
Ballesteros protesta hautement contre cette
nomination et refusa d'obéir à un étranger.
Arrêté au milieu de son armée par ordre de la
régence, il fut conduit à Ceuta, où il publia un
mémoire pour justifier sa conduite. Il fut rendu
à la liberté peu de temps après, mais toutefois
sans être réintégré dans son commandement.
Après le retour de Ferdinand VII (1814), Bal-
lesteros se rendit près de lui et reçut le porte-
feuille de la guerre en 1815; mais, destitué
bientôt après (1816) pour avoir manifesté des
opinions contraires au pouvoir absolu, il fut
exilé a Valladolid et réduit à la moitié de son
traitement. Lorsqu'éclata, en 1820, l'insurrec-
tion militaire de l'île de Léon, il accourut à
Madrid et exerça assez d'empire sur Ferdinand
pour lui faire comprendre la nécessité de don-
ner la constitution libérale désirée par le pays.
Une junte provisoire fut instituée jusqu'à la
réunion des cortès, et Ballesteros fut mis à sa
tête. Accepté à la fois par la cour et par la
nation, il maintint l'ordre, écarta du pouvoir
les influences rétrogrades, organisa une muni-
cipalité et mit en liberté tous les détenus pour
cause politique. En 1S23, il comprima un mou-
vement insurrectionnel dans l'armée. Peu de
mois après, une armée française, sous la con-
duite du duc d'Aneoulême, pénétra en Espagne
afin de rétablir l'absolutisme royal ; Ballesteros
fut mis à la tête de l'armée chargée de défendre
les droits de la nation. Repoussé derrière l'Ebre
par le général Molitor, il se replia vers les pro- '
vinces méridionales et finit par signer, à Gre-
nade (4 août 1823), une capitulation dont tous
les articles stipulant des garanties pour les
patriotes furent aussitôt violés. Bien que Bal-
lesteros ait été accusé d'avoir cédé à des con-
sidérations peu compatibles avec l'honneur, il
n'est guère permis de douter qu'il ne fût animé
d'excellentes intentions, et ce qui vient confir-
mer cette opinion, c'est qu'après le retour de
Ferdinand à Madrid, il se vit forcé de se réfu-
gier en France, où il termina sa vie dans l'oubli.
BALLESTEROS (Louis-Lopez), financier es-
pagnol, d'une autre famille que le précédent,
né en Galice en 1778, mort à Madrid en 1853,
fut commissaire des guerres à partir de 1808,
devint par la suite directeur général des re-
venus publics, et ministre des finances de 1825
à 1833. Il exploita alors largement la crédulité
des capitalistes français, au moyen d'emprunts
qui ne profitaient qu à lui et à la caisse parti-
culière du monarque, et inonda la place de
Paris d'effets qui sont toujours restés sans va-
leur. Il réalisa ainsi une immense fortune. A
la mort de Ferdinand VII, ses tendances abso-
lutistes le firent disgracier par Marie-Christine;
il parvint néanmoins dans la suite à se faire
nommer conseiller d'Etat, sénateur, et enfin,
en 1851, vice-président du conseil d'outre-mer.
ballet s. ,m. (ba-lè — rad. baller)
Chorégr. Danse figurée : Danser un îîallet.
Ballet historique, pastoral. Maître de ballet.
Les intermèdes de cette pièce sont remplis par
des ballets. Le maréchal de Villeroy, ballon
rempli de vent et de frivolité, voulut qu à l'imi-
tation du feu roi, le jeune monarque dansât
un ballet. (St-Sim.j Au xvc siècle, il y
avait des ballets composés de danses graves,
BAL
de personnages historiques, mythologiques ou
même bibliques; ces ballets étaient dansés par
les rois, les princes et leurs courtisans. (Fétis.)
J'ai en tête le plan d'un superbe ballet, qui sera
exécuté par quarante grenadiers. (Etienne.)
— Par anal. Ce qui imite un ballet : Je me
suis arrêté quelquefois avec plaisir à voir des
moucherons, après la pluie, danser en rond des
espèces de ballets. (B. de St-P.)
— Fig. Simple amusement, badinage : Que
le plaisir ne soit autre chose que le ballet de
l'esprit. (Pasc.)
— Théâtr. Ballet pantomime ou simplement
Ballet, Pièce mimée, dans laquelle les acteurs
expriment leurs pensées par des gestes et des
pas de danse : Un plaisant ayant vu exécuter
en ballet, à l'Opéra, le fameux qu'il mourût 1
de Corneille, pria Noverre de faire danser tes
Maximes de La Rochefoucauld. (Chamf.) il
Opéra-ballet, Comédie-ballet, Opéra, comédie
avec danses ou ballets, il Entrée de ballet, In-
termède des pièces appelées ballets : On fut
contraint de séparer les entrées de ballet et
de les jeter dans les entr'actes de la comédie.
(Mol.) u Corps de ballet, Personnel d'un théâ-
tre chargé d'exécuter les ballets : Le corps
de ballet de l'Opéra. Il Vers de ballet, Vers
qui se débitaient ou se chantaient pendant les
ballets, il Ballet de collège, Spectacle dansant
qu'il était autrefois d'usage de faire exécuter
par les élèves des différents collèges lors de
la distribution des prix. Ces ballets étaient la
représentation exacte de ceux qui se donnaient
chez les anciens, et servaient d'intermèdes
aux tragédies que Louis XIV aimait à faire
jouer partout, il Ballet ambulatoire, Réjouis-
sance espagnole qui consiste en des marches
et des danses en plein vent.
— Man. Courbettes, cabrioles, sauts et pas
exécutés par les chevaux dans un carrousel.
— Homonymes. Balai, Balais.
— Encycl. Le ballet est originaire de l'E-
gypte; les Egyptiens furent les premiers qui
firent de leurs danses des hiéroglyphes d'action
exprimant les mystères du culte, le mouve-
ment réglé des astres et l'harmonie de l'uni-
vers; les Grecs les imitèrent, et leurs ballets
renfermaient des allégories ingénieuses qui les
faisaient rechercher du peuple, toujours friand
de spectacles qui flattaient ses idées et ses
goûts. Les chœurs qui servaient d'intermè-
des dansaient d'abord en rond de droite à
gauche, et ensuite de gauche à droite, afin de
représenter le mouvement astronomique du
ciel et des planètes. Thésée changea cette
coutume et lui substitua celle des évolutions.
Des ballets étaient constamment attachés aux
œuvres dramatiques des Grecs; ils furent in-
ventés par Batile d'Alexandrie , qui imagina
ceux où l'on représentait les actions gaies, et
par Pilade, qui introduisit l'usage des ballets
à figures graves et pathétiques ; néanmoins,
on ne les voit jamais employés autrement que
comme intermèdes. De la Grèce, le ballet
passa chez les Romains et y servit aux mêmes
usages, et, à leur imitation, les Italiens et
bientôt tous les autres peuples l'appliquèrent
à leurs théâtres en l'appropriant au goût de
ceux qu'il devait divertir; il n'est pas de
genre de danse, de sorte d'instrument, ni de
caractère symphonique qu'on n'ait fait entrer
dans les ballets. Le premier ballet qui fut
donné en Italie date de 1489; il fut offert au
duc de Milan lors de son mariage avec Isa-
belle d'Aragon.
Les ballets se divisaient jadis en plusieurs
espèces : les ballets historiques, dont le sujet
s'empruntait aux faits importants de l'histoire ;
tels sont le Siège de Troie, le Retour d'Ulysse,
lesVictoires d'Alexandre; les ballets fabuleux
ou mythologiques , tels que le Jugement de
Paris, la Naissance de venus, .représentant
diverses actions de la vie des dieux Olympiens, .
et les ballets poétiques, tenant pour la plupart
de l'histoire et de la Fable. Comme toutes les
compositions scéniques, les ballets avaient des
règles particulières; l'unité de dessein était
la seule exigée, et celles de temps et de lieu,
nécessaires dans le poëme épique , la tragédie
et la comédie, n'étaient pas observées pour le
ballet, alors que le respect des cinq unités
était si rigoureusement observé. La division
ordinaire des ballets était autrefois de cinq
actes; de nos jours, elle est ordinairement
moindre , et chacun de ces actes se divisait
en trois, six, neuf et . quelquefois douze en-
trées. Il y avait aussi des ballets allégori-
ques, dont le sujet n'était pas toujours em-
prunté aux choses élevées, et, à propos d'un
mariage d'une princesse de France avec un
duc de Savoie, on donna un ballet dont le gris
de lin formait le fond, parce que cette couleur
était la couleur favorite de la princesse; dans
ce ballet, l'Amour paraissait et déchirait son
bandeau en appelant la lumière et l'engageant
par ses chants à se répandre sur l'univers,
afin qu'au milieu des couleurs il pût choisir
celle qu'il préférait ; naturellement, il se déci-
dait pour le gris de lia , qu'à l'avenir il sym-
bolisait comme la couleur de l'amour sans fin.
A ces diverses sortes de ballet on ajouta
les ballets moraux; de ce^nombre était celui
qui avait pour titre : la Vérité, ennemie des ap-
parences et soutenue par le Temps. On y voyait
l'Apparence, portée sur un nuage, et vêtue
d'une étoffe de couleur changeante, ornée de
différents attributs et environnée des fraudes
et des mensonges; le Temps paraissait en-
suite, porteur d'un sablierduquel sortaient les
Heures et la Vérité.
BAL
Ce fut Catherine de Médicis qui introduisit
en France le goût des ballets, en faisant exécu-
ter au Louvre, en 1581, celui de Circë et ses
nymphes; il avait été composé par un Italien,
Baltasarini , et cette fantaisie coûta quelque
chose comme trois millions et six cent mille
livres, mais elle excita à un si haut point
l'enthousiasme , que personne ne songea à la
dépense qu'elle occasionnait et que chacun, à
la cour, redemanda un nouveau divertissement
de ce genre. A partir de ce moment, il ne se
passa pas une fête, il .n'y eut pas une cérémo-
nie royale, qu'elle ne fût embellie par un bal-
let, et il était admis que les plus grands per-
sonnages de la cour y prissent une part active.
Ainsi, on vit le grave Sully lui-même dansant
des pas que la sœur du roi lui avait appris.
La mode étant venue, elle se continua et ne fit
qu'augmenter, et sous Louis XIII les ballets
furent aussi en grande vogue, bien qu'ils fus-
sent plus prétentieux et moins brillants que
sous Henri IV. Mais le plus beau temps , sans
contredit, pour cette représentation chorégra-
phique, fut celui du règne de Louis XIV. Dans
sa jeunesse , le grand roi en fit exécuter plu-
sieurs et il prit tant de plaisir à les voir, qu'il
voulut y figurer comme acteur, et, avec l'as-
sentiment de Mazarin , qui partageait le goût
étrangede son maître pour ce genre de diver-
tissement, il dansa avec toute sa cour dans le
ballet de Cassandre. Ce fut le poste Beuserade
qui composa la plupart des ballets qu'on dansa
sous Louis XIV et avec Louis XIV; il faisait
des rondeaux pour les récits , et Diderot pré-
tend qu'il avait un art singulier pour les ren-
dre analogues au sujet général, à la personne
qui en était chargée, au rôle qu'elle représen-
tait et à ceux à qui les récits étaient adressés.
Louis XIV avait treize ans lorsqu'il exécuta
les pas de Cassandre; il dansa successivement
dans le ballet des Prospérités des armes de la
France, dans ceux d'Hercule amoureux, des
Saisons, des Amours déguisés, etc. Et, comme,
à toutes les époques, le peuple régla ses goûts
sur ceux des gens qui devraient lui donner
l'exemple, on courut au théâtre voir exécuter
des ballets. Lorsqu'on représenta, à l'hôtel
Guénégaud, le Triomphe des dames, de Cor-
neille, on y intercala le ballet du Jeu de piquet,
qui eut un grand succès. A l'époque de I éta-
blissement de l'opéra en France, le fond du
grand ballet fut conservé, mais la forme en
fut changée par Quinault, qui fit du récit la
plus grande partie de l'action ; îa danse ne
fut plus considérée que comme un accessoire.
Les rôles de femmes avaient été jusqu'alors
remplis par des hommes travestis ; Quinault,
aidé de Lulli, réforma cet usage, et, dans le
Triomphe de l'Amour, on vit quatre jeunes et
charmantes danseuses faire leur apparition au
bruit des bravos. A partir de ce moment, le
grand ballet disparut a tout jamais, et la danse
légère lui succéda , avec toutes ses grâces et
ses avantages. En 1697, un genre nouveau fut
créé par Lamothe; c'est ce qu'on nomma le
ballet simple ; il consiste en trois ou quatre en-
trées précédées d'un prologue ; ce prologue et
chacune des entrées forment des actions sépa-
rées, avec un ou deux divertissements mêlés de
chant et de danse. \J Europe galante servit de
modèle à toutes les compositions de ce genre ;
on se plaignit d'abord que dans ces ballets les
actes formassent autant de sujets différents,
liés seulement entre eux par quelques rapports
généraux , étrangers à Faction ; malgré cette
critique assez fondée , le ballet simple , gra-
cieux à la vue, sans autre prétention que celle
de plaire par sa mise en scène et par le talent
des danseurs, a fini par prendre la première
place. Danchet, en suivant le plan donné par
Lamothe, est venu à son tour créer les entrées
comiques, et les Fêtes vénitiennes, les Fêtes de
Thalie sont des ballets comiques dont le genre
fut difficilement adopté, accoutumé qu'on était
à voir dans le ballet un divertissement de
chant et de danse, qui amenait une action ga-
lante , intéressante et surtout noble , comme
devait. l'être alors tout ce qu'on mettait au
théâtre. La danse elle-même était assujettie à
certaines règles rappelant toutes celles qui
étaient imposées par la loi de l'étiquette, et per-
sonne n'eut osé songer à s'en affranchir. C'est
ainsi que, lorsque la Camargo battit en 1730
les premiers entrechats à quatre , il fallut
trente ans avant qu'une autre danseuse ,
Mlle Lany, eût la hardiesse de les battre à
six. La pirouette ne s'introduisit sur le théâtre
qu'en 1766, venant en droite ligne de Stuttgard.
Il existait aussi un usage qui exigeait que les
danseurs exécutant un ballet fussent masqués ;
ce fut Maximilien Gardel qui, le premier, s'en
affranchit, et son exemple ne tarda pas à être
suivi; toutefois les choristes dansants l'ont
conservé jusqu'en 1785. Le ballet traversa
l'époque de la Révolution en prenant les al-
lures conformes au goût du temps. C'est ainsi
qu'on vit les danseurs de l'Opéra, qui, dès
sa fondation , devint le théâtre spécial de la
danse et du "chant, figurer dans la fête que Ro-
bespierre dédia à l'Etre suprême ; puis ce fu-
rent l'Offrande à la liberté , la Rosière répu-
blicaine et quelques autres dont l'action était
empruntée aux circonstances politiques. Le
célèbre danseur Vestris dansait alors en sans-
culotte, et, dans le dernier ballet que nous ve-
nons de citer, il exécuta un pas en compagnie
de deux danseuses costumées en religieuses,
c'étaient mesdames Pérignon et Adeline. L'em-
pire ramena des ballets moins patriotiques,
mais se prêtant mieux aux splendeurs de la
mise en scène. Sous la Restauration , les bal-
lets furent battus en brèche par M. de La
BAL
127
Rochefoucauld , qui avait déclaré la guerre
aux jupes courtes , au nom de la morale pu-
. blique. Ce zèle excessif eut peu de résultat, et,
sous le gouvernement de Louis-Philippe , les
danseuses pouvaient de nouveau charmer le
public par les grâces qu'elles déployaient en
exécutant leurs pas, aussi court- vêtues que
possible, sans que personne s'en .plaignît , au
contraire. .Parmi celles-ci brillait au premier
rang MUe Taglioni, qui avait débuté le 13 juil-
let 1827 sur la scène de l'Opéra dans le Sici-
lien , puis dans le Carnaval de Venise, qui fut
son triomphe. Cette charmante danseuse fit
les beaux jours de l'Opéra pendant une quin-
zaine d'années ; les principaux ballets dans les-
quels elle se produisit furent les Bayadères,
Psyché, la Sylphide , le Dieu et la Bayadère
et le ballet des nonnes de Robert le Diable,
dans lequel elle déploya un talent hors ligne.
Marie Taglioni a possédé toutes les qualités
dont une seule eût suffi pour faire la réputa-
tion d'une danseuse. Après elle, et non sans
succès, apparurent mesdames Carlotta Grisi,
Cerito, Rosati, Priora, Ferraris, Marie Ver-
non , Fioretti , Mourawief-Boschetti.
Les danseurs qui ont laissé un nom sont
Vestris, Beaupré, Branchu, Nivelon, Lepicq,
Laborie, Deshayes, Didelot, Beaulieu , Saint-
Amand, Duport, Coulon, Barrez, Paul l'aérien,
Montjoye, Mérante, et Saint-Léon, qui possé-
dait le double taient de mime et de violoniste.
A mesure que le ballet s'est éloigné de son
origine, il s'est métamorphosé. Chez les Grecs,
il était exclusivement dansé par des hommes ;
aujourd'hui, le danseur a presque complète-
ment disparu , et sa présence dans un ballet
n'est qu'un accessoire destiné à mieux mettre
en évidence le talent chorégraphique des bal-
lerines.
Outre les ballets que nous avons déjà nommés,
la scène française compte au nombre des plus
importantes productions de ce genre celles de
Gardel, qui composa successivement Téléma-
que, Achille à Scyros, Paris, l'Enfant prodigue
et plusieurs autres, qui furent dansés par mes-
demoiselles Guimard , Allard , Heinel , Lany
Gardel, Chevigny, Clotilde, Delille, Pérignon,
Gosselin , Fanny Bras , Bigottint , Chamerry,
Montessu, Legallois, Vigneron, Noblet, Du-
pont, Mimi-Dupuis, etc. ; puis celles de Milon,
a. qui l'on doit Pygmalion, Héro et Léandre,
Ulysse, l'Epreuve villageoise, Nina, etc.; le
ballet de Dauberval : la Fille mal gardée, qui
eut un grand.succès ; puis Cendrilion, la Som-
nambule, Almaviva, Aline, reine de Golconde;
Joconde , la Belle au bois dormant , Clary, le
Jugement de Paris , les Pages du duc de Ven-
dôme, la Servante justifiée, Zémire et Axor, etc.
En 1840, M. Léon Pillet, directeur de l'Opéra,
donna au ballet une nouvelle impulsion ; il
monta Giselle et le Diable à quatre, la Fille
de marbre , le Violon du Diable, Jovita, Vert-
Vert, les Amours de Diane, etc.
Les anciens appelaient Ballets aux chansons,
les danses d'ensemble exécutées au son de la
voix humaine ; on rapporte qu'Eriphanis, jeune
Grecque, composa des chansons dans lesquel-
les elle se plaignait de l'insensibilité d'un chas-
seurnommé Ménalque, qu'elle aimait, etqu'elle
le suivait en les chantant. Les Grecs appri-
rent ces chants , les dirent à leur tour en les
accompagnant d'une sorte de pantomime dan-
sée. Plus tard, on s'habitua à danser aux chan-
sons; mais on ne tarda pas_ à entremêler les
chants de musique, et bientôt tous les ballets
se firent aux sons des instruments.
— Ballets de chevaux. Ce divertissement fut
inventé, selon Pline, par les Sybarites, qui en
étaient arrivés à faire exécuter à leurs che-
vaux quatre sortes de danse^ celle du terre à
terre, celle des courbettes, celle des cabrioles
et celle du pas; les ballets comprenaient or-
dinairement la réunion de ces divers genres.
On y observait la plupart des règles des bal-
lets ordinaires ; habituellement, c était au son
des trompettes que ces ballets s'exécutaient,
par cette raison que la trompette est l'instru-
ment le plus propre à permettre aux chevaux
de reprendre haleine. Le cor de chasse était
également employé, et, en France, on vit
sous Henri III des ballets de chevaux aux
violons.
Ballet comique de la royne (le) , par
Théodore-Agrippa d'Aubigné, représenté en
15S1 à la cour de Henri III, a l'occasion des
noces du duc de Joyeuse. L auteur avait pris
pour sujet les aventures de la magicienne
Circé ; de la Chesnaye, aumônier du roi, com-
posa les couplets, et la musique fut écrite par
Baltasarini, Italien amené par le maréchal de
Brissac à la cour de Catherine de Médicis. Ce
Baltasarini prit en France le nom de Beau-
joyeux. Castil-Blaze ajoute que les maîtres
de chapelle du roi furent les collaborateurs
de Baltasarini dans le Ballet comique, et que
la mise en scènejde cet ouvrage ne coûta pas
moins de douze cent mille écus, c est-à-dire
trois millions six cent mille francs. Ce ballet
servit de modèle à une foule d'autres, et c'est
de là .que proviennent tous ces airs dansés '
qui ont tant*de grâce et de caractère , les
pavanes, les sarabandes, les brunettes, etc.
Ballei de VilleDeuve-Saint-GeorgcB, opéra
en trois actes avec un prologue, paroles de
Banzy, musique de Cotasse, représenté le
1er septembre 1692, à la cour, et au théâtre
de l'Académie royale de musique en 1700".
Bulle* de» âge* (le), opéra en trois entrées
avec prologue, par Fuzelier et Campra, joué
en 1718. Le prologue représente les ja.vdi:v»
128
BAL
d'Hêbê, où la jeunesse est invitée à mettre à
profit les douceurs d'un asile agréable. Cha-
que entrée forme une petite comédie : la pre-
mière représente la jeunesse ou V Amour in-
génu ; îa seconde , l'âge viril , ou Y Amour coquet ;
fa troisième, la vieillesse, ou l'Amour joué. La
dernière scène montre la Folie triomphant de
tous les Ages.
Dalle* do la PaSt (le), paroles dé Roy, mu-
sique de Rebel et Francœur, fut représenté
le 29 mai 1738. I! ne mérite d'être signalé'que
parce qu'il est l'ouvrage le plus saillant du
surintendant de la musique du roi, de Fran-
cœur, directeur de l'Académie royale de mu-
sique de 1751 à 1767:
liaiiei d<> Dindonneanx. On a donné à la
foire Saint-Germain ce singulier ballet, qui fit
en son temps beaucoup de bruit et que les
poètes de l'époque ont chanté. Dominique, qui
jouissait à Rome d'une grande réputation,
vint à Paris en demander la consécration. Un
vaste théâtre, bâti à ses frais, attira la foule;
le succès le plus complet salua ses débuts, et
la finance principalement assiégea la scène
qui montrait aux Parisiens un spectacle amu-
sant et nouveau. Bientôt cependant, l'aftluenee
des spectateurs cessa, et des créanciers impi-
toyables leur succédèrent. Après avoir lutté
vainement contre l'abandon des anciens ad-
mirateurs de son talent , Dominique se vit
forcé de fermer son théâtre. Ruiné, il allait
perdre l'esprit, lorsqu'une idée singulière vint
s'offrir à lui. En un tour de main, il dispose
une salle nouvelle; il afliche et s'empresse
d'annoncer des acteurs inconnus aux Pari-
siens. Il promet entin le grand ballet des
Dindonneaux. Le public accourt. Dominique
avait, congédié ses acteurs et avait fait em-
Slette d'une troupe de... dindons. Une lame
e tôle servait de plancher à son théâtre ;
cette tôle était chauffée par des poêles souter-
rains. Le public intrigué arrive ; la toile se
lève, aussitôt la musique se fait entendre.
Une bande de dindons s'avance gravement
sur la scène, a demi endormie ; mais peu à
peu la tôle s'échauffe ; la chaleur éveille les
pesants volatiles; ils s'agitent, vont,viennent,
trottent, courent pour échapper à la brûlure
qui menace leurs pattes. Tous veulent fuir;
vers la coulisse mais, le fouet à la main, des
maîtres de ballet postés en cet endroit les
font rentrer en danse. Ecoutons un poste que
ce cruel spectacle inspira :
Oh ! comme nos danseurs se démenaient grand train!
A peine retombés, ils s'élançaient soudain.
La mesure en souffrait, s'il faut être sincère :
Mais je gage que l'Opéra
N'a jamais eu, jamais n'aura.
Ballet plus chaud, ni danse plus légère.
Ce nouveau spectacle jouit d'une grande
vogue ; on le suivit avec avidité, et Dominique
vit chaque jour la salle comble. Le poëte ter-
mine ainsi :
Bref, Dominique, heureux et riche immensément,
Revint au sein de sa patrie ;
Et la bêtise ainsi regagna promptement
Ce qu'avait perdu le génie.
Le ballet des Dindonneaux^ ferait encore
aujourd'hui la fortune de plus d'un imprésario
aussi avisé que l'était Dominique.
Ballet des Abiiéa (le), divertissement allé-
gorique. Août 1769. — Une petite plaisanterie,
arrivée à M. l'évêque d'Orléans, et qui fit
beaucoup de brvtit en son temps dans de cer-
taines régions, a fourni le sujet de cet ouvrage,
dont la représentation n'a pu avoir lieu et
pour cause que sur des théâtres particuliers.
« On rit beaucoup à la cour , disent les Mé-
moires secrets de Bachaumont, à la date du
13 août 1769, d'un* plaisanterie que s'est per-
mise M. le duc de CÎhoiseul envers M. î'évê-
3ue d'Orléans , à un spectacle particulier que
onnait chez elle M»« la comtesse d'Ambli-
mont. Outre ce ministre et autres seigneurs
de la plus grande distinction, il y avait plu-
sieurs prélats. Avant la comédie, M. le duc
de Choiseul avait prévenu quelques actrices.
Deux s'étaient pourvues d'habits d'abbé ; elles
se présentèrent dans cet accoutrement k M. de
Jarente. Ce prélat a'aime pas, en générai ,
à rencontrer de ces espèces sur son che-
min, parce qu'il se doute bien que ce sont
autant d'importunités à essuyer. Ceux-ci pour-
tant, par leur figure intéressante, attirèrent
son attention; ils lui adressèrent leur petit
compliment , se donnèrent pour de jeunes
candidats qui voulaient se consacrer au ser-
vice des autels, se recommandèrent de la pro-
tection et même de la parenté de M. le duc de
Choiseul, qui n'était pas loin et vint appuyer
leurs hommages et leurs demandes. Le cœur
de l'évêque d'Orléans s'attendrit, par sym-
pathie, sans- doute; il promit des merveilles,
et, par une faveur insigne, ne put se refuser
à donner l'accolade à ces deux aimables ecclé-
siastiques. Quelle surprise pour le prélat, pen-
dant le spectacle ! ajoutent les Mémoires se-
crets ; il entrevit sur le théâtre des figures
qui ressemblaient beaucoup à celles qu'il avait
embrassées! Son embarras s'accrut par une
petite parade, où il fut obligé de se recon-
naître. » Cette parade dont parle Bachaumont
n'était autre que le Ballet des Abbés que nous
citons ici et qui, improvisé séance tenante,
fut exécuté en plusieurs endroits les jours
suivants au milieu des éclats de rire de la
bonne compagnie. « On y peignait adroitement
son aventure, dit encore Bachaumont, (l'aven-
ture de Monseigneur, bien entendu). Enfin
des couplets charmants le mirent absolument
au fait. Il se prêta de la meilleure grâce à la
BAL
raillerie. Les abbés, redevenus des jeunes filles
très-jolies et très-aimables, reparurent avec
toutes sortes de grâces et de minauderies.
On lui rendit les baisers qu'il avait donnés.
Cela fit l'entretien du souper. On s'était
promis entre soi de ne point révéler les se-
crets de l'Eglise, et d'en faire un mystère
aux profanes ; mais il est toujours des indis-
crets qui n'ont pas de scrupule de manquer à
leur serment, et l'histoire perce depuis quel-
ques jours dans le public. Tout le monde re-,
connaît là la gaieté fine du ministre, qui a
besoin de se dérober quelquefois à ses impor-
tantes et pénibles occupations et de se dérider
le front, pour les reprendre ensuite avec plus
d'ardeur et de patriotisme, a Cette anecdote
peint merveilleusement les mœurs de l'an-
cienne cour et du haut clergé. Voilà bien cet
évêque d'Orléans, ce M. de Jarente, directeur
de la feuille des bénéfices, qui entretenait à si
grands frais îa fameuse M1" Guimard, dan-
seuse de l'Opéra. C'était, on le sait, Mlle Gui-
mard qui donnait audience aux solliciteurs
tonsurés, à ces espèces, selon l'expression de
Bachaumont , dans son voluptueux hôtel de
la Chaussée-d'Antin.En parlant de cette mai-
tresse du dispensateur des grâces ecclésiasti-
ques, quelqu un disait à Champcenets : Elle
est maintenant laide comme une chenille... et
même une maigre chenille. — Elle vit pour-
tant sur une bonne feuille, répondit le spiri-
tuel écrivain. — C'est cette feuille sans doute,
la feuille des bénéfices, que regrettent au-
jourd'hui ces braves historiens qui n'ont de
regrets que pour le bon temps où les évêques
s'appelaient de Jarente et soutenaient plus
volontiers l'opéra que le clergé besoigneux.
BALLET (François), théologien, né à Paris,
vivait vers le milieu du xvmc siècle. Il était
prédicateur de la reine. On a de lui d'assez
nombreux ouvrages. Nous citerons seule-
ment : Histoire des temples des païens, des
juifs et des chrétiens (1760); Panégyrique de
Saint -Rémi (1755); Panégyriques des saints
(1758).
BALLET (Jean), homme politique et juris-
consulte, né dans la Marcne en noo, mort
en 1832. Il était juge à Evaux (Creuse) lors-
qu'il fut nommé député à l'Assemblée légis-
lative. Il entra au comité des finances , où il
rendit de grands services, rentra dans la ma-
gistrature après la session, et devint, sous
l'empire, avocat général à la cour impériale
de Limoges. En 1815, il figura à la chambre
des représentants comme député de la Creuse.
Il avait la réputation d'un bon jurisconsulte,
b alleu R, euse s. (ba-leur, eu-ze — raa.
baller). Autre!. Danseur, danseuse.
BALLEXSERD (Jacques), médecin, né à
Genève en 1726, mort en 1774. Il est surtout
connu par les deux ouvrages suivants : Dis-
sertation sur l'éducation physique des enfants
(Paris, 1762), couronnée par la société des
sciences de Harlem; Dissertation sur les
causes principales de la mort d'un aussi grand
nombre d'enfants (1775), couronnée par l'aca-
démie de Mantoue.
BALLEYOIER (Cl.-Jos.-Ch.), brave officier,
né à Annecy en 1762, mort en 1807. Nommé
commandant des volontaires d'Annecy, il se
distingua de la manière la plus brillante dans
les guerres de la Révolution et du commen-
cement de l'Empire, parvint au grade de co-
lonel et refusa par modestie celui de général
de brigade, quoique Dugommier, si bon juge
à cet égard, eût déjà dit de lui, dans un rap-
port, qu il n'y avait pas d'officier dans l'armée
qui méritât ce grade mieux que lui.
BALLEYDIER (Alphonse), littérateur et his-
torien français, né à Lyon en 1820, mort
en 1859, collabora d'abord à divers journaux
de sa ville natale, fit paraître, en 1848, un
volume de Nouvelles et se rendit peu après il
Paris, où il publia par livraisons une Histoire
politique et militaire du peuple de Lyon £l8i$-
1846, 3 vol. in-8°, avec gravures), ouvrage
écrit dans un esprit hostile à la Révolution, et
qui comprend le récit des événements de 1789
a 1795. Après février, il produisit un grand
nombre d écrits, fort médiocres et dans un
esprit contre-révolutionnaire qui valut à leur
auteur le vain titre d'historiographe de l'em-
pereur d'Autriche. Ces écrits sont : Turin et
Charles- Albert (1S48); la Garde tno&tie et la
garde républicaine (1848); Histoire de la révo-
lution de Rome (1851,2 vol. in-8°, *c édit.,
1854); Histoire des révolutions de l'empire
d'Autriche (1853, 2 vol. in-8°); Histoire de la
guerre de Hongrie en 1848-1849 (1853, in-8°),'
etc. Outre ces ouvrages et une certaine quan-
tité de brochures politiques, on a de lui :
Veillées militaires (1854), Veillées de famille
(1855), Veillées maritimes (l%5h), Nicolas et la
Russie (1857, 2 vol. in-8<>). Veillées de va-
cances (1859, in-12), Veillées du presbytère
(1859, in-12), etc. •
BALL-FLOWER s. m. (bâl-flo-eur — mot
anglais signifiant fleur à boule). Archéol.
Ornement très-usito en Angleterre, dans les
monuments de la fin du xiu« siècle et de tout
le xive, et qui se compose d'une espèce de
fleur formée d'une petite boule enfermée au
centre de trois pétales arrondis : On rencontre
fréquemment le ball-flower aux cathédrales
de Herefordy de Glocester et de Bristol. (Ba-
chelet.)
BALLI (Simon), peintre italien, né à Flo-
rence, vivait au commencement du xviie siè-
cle. Il se fixa à Gènes, où il exécuta de nom-
BAX
breux travaux, et particulièrement de petits
sujets religieux peints sur cuivre. Il imitait
assez heureusement Andréa del Sarto.
BALLI ANI (Jean - Baptiste) , physicien ita-
lien, né à. Gênes en 1586, mort en 1666. Il
était sénateur de sa république, ce qui ne lui
permit pas de se livrer entièrement aux scien-
ces. On a de lui un bon traité Sur le mouve-
ment naturel des corps pesants, dont la meil-
leure édition est de 1640,
balliarde s. f. (ba-li-ar-de). Astr. L'une
des taches de la lune, il On dit aussi bul-
liarde.
ballîe s. f. (ba-li). Bot. Algue d'un beau
rose, qui croît dans les mers de l'Australie,
des Malouines, etc.
ballier s. m. fba-lié — de balle, menue
paille). Endroit d une grange réservé aux
menues pailles.
BALL1ÈRE DE LAISEMENT (Denis), mu-
sicographe et compositeur, né à Paris en
1729, mort en 1800. Il a fait représenter à
Rouen un certain nombre d'opéras-comiques,
et publié, en 1764, une Théorie de la musique,
qui repose, dit Choron, sur un principe essen-
tiellement vicieux. Cette théorie n'en fut pas
moins reproduite par l'abbé Feytou, qui l'ex-
posa dans Y Encyclopédie méthodique.
BALLIÉRIE s. f. (ba-lié-rî). Bot. Genre de
plantes de la famille des composées, dont l'es-
pèce type est une plante herbacée qui croît
à la Guyane. Il On écrit aussi batllkrh.
BALLIN s. m. (ba-lain — rad. balle). Se dît
pour emballage dans certaines provinces.
BALLIN (Claude), orfèvre, né à Paris en
1615, mort en 1678, se forma en copiant les
tableaux de Poussin et porta son art au plus
haut degré de perfection. Il exécuta, pour
Louis XIV , des tables d'argent, des guéridons,
des canapés, des candélabres, des vases, etc.,
que ce prince fit fondre ensuite pour subvenir
aux frais de la guerre qui se termina par la
paix de Ryswick. Après la mort de Varin, il
obtint la direction des balanciers des médail-
les.— Son neveu, appelé aussi Claude Ballin,
né vers 1060, mort en 1754, sembla hériter de
son talent, et donna aussi , des ouvrages qui
se distinguent par leur pureté et leur élé-
gance.
BALLIN (John), graveur danois contempo-
rain , né à Veile; élève de l'Académie des
beaux-arts de Copenhague et de l'Ecole des
beaux-arts de Paris. Il s'est fixé dans cette
dernière ville et y a exposé : en 1855, le
Maître d'école, d'après Ad. van Ostade; une
Jeune fille à sa croisée, d'après Jan Victoor ;
en 1859, les portraits des deux grands-ducs
de Russie, d'après une photographie ; en 1861 ,
le Bénédicité et la Noce, d'après M. Brion ;
l'Ascension, d'après M. A. de Leiuud ;ces trois
dernières gravures , exécutées en manière
noire, ont valu h. l'artiste une médaille de
se classe. Le Baptême, gravé par le même
procédé d'après M. Knauss, a obtenu une
médaille en 1864. M. Ballin a gravé avec
talent des dessins de M. Bida pour les Œuvres
d'Alfred de Musset; il a exposé, en 1865, les
Caprices de Marianne et 11 13e faut jurer de
rien.
BALLINA, ville d'Irlande, comté de Mayo,
à 32 kilom N.-E. de Castlebar, sur la Moy,
7,992 hab. Commerce actif de grains et de
salaisons ; pêcheries de saumons et d'an-
guilles, Les Français commandés par le gé-
néral Humbert prirent Ballina en 1798.
BALL1NASLOE , ville d'Irlande , dans le
comté de Galway, à 150 kil. O. de Dublin, sur
le Suck. 4,615 hab. Du 5 au 9 octobre, foire la
Elus importante d'Irlande pour la vente des
éstiaux. — Vieux château fort.
BALLING (Emmanuel), romancier danois,
né en 1743, mort en 1785. On cite plus parti-
culièrement, parmi ses ouvrages, les deux
nouvelles suivantes : Caroline et Lambert
(1792); Lindor et Elise (1799).
BALLINGALL (sir George), médecin anglais,
né à Edimbourg en 1786, mort en 1855. fl fut
médecin du roi Guillaume et professeur à
l'université d'Edimbourg. Son principal ou-
vrage a pour titre : Esquisses de clinique+mi-
litaire (5« édit., 1755).
BALLINGARRY, ville et paroisse d'Irlande,
comté de Limerick, a 8 kil. S.-E. de Rath-
keale. 5,328 hab. 11 Nom de deux autres pa-
roisses d'Irlande, l'une située aussi dans le
comté de Limerick , près de Killmalloek,
l'autre dans le comté de Tipperary.
BALLINI (Camille), peintre vénitien du
xvir» siècle. Il avaitle style maniéré du temps,
mais ne manquait cependant ni de talent ni
d'originalité. Il a peint, au palais ducal, la Vic-
toire navale remportée par les Vénitiens dans
le port de Trapani.
BALLINO (Jules) , littérateur et juriscon-
sulte vénitien, florissaità la fin du xvie siècle,
et mourut après 1592. Il a laissé des traduc-
tions italiennes assez estimées de divers ou-
vrages d'Aristote, de Plutarque, des sermons
de saint Basile et d'autres auteurs grecs.
BALLINO (Giulio), dessinateur, graveur et
éditeur d'estampes, travaillant it Venise en
1569. On a de lui soixante et onze planches
représentant des Vues des principales villes
de l'Europe.
BALLINTOY , petite ville maritime d'Ir-
BÀL
lande, comté et à 60 kil, N. d'Antrim; pop.
4,000 hab. — Port assez sûr fonré par une
petite baie sur l'océan Atlantique.
BALLI STE, général romain et empereur.
V. Balista.
BALLISTÉE s. f. (ba-li-sté — lît. ballistea,
même sens). Antiq. rom. Danse licencieuse.
Se disait dans les derniers siècles de l'empire
romain.
BALLIU (Pierre de), dessinateur et graveur
flamand, né h. Anvers vers 1614. Après avoir
appris dans cette ville les premiers éléments
de l'art, il se rendit k Rome et entra a l'école
de Sandrart, qui l'employa a graver la galerie
Giustiniani. Pierre de Balliu revint ensuite se
fixer à Anvers. Il a gravé au burin : Héliodore
chassé du temple (pièce très-rare), d'après
Raphaël ; la Réconciliation de Jacob et d'hsaii,
Jésus au jardin des Oliviers, la Mort de la
Madeleine, Saint François-Xavier, le Combat
des Centaures et des Lapithes, d'après Ru-
bens ; Suzanne au bain, d'après Martin Pepyn ;
une Pieta, d'après An. Carrache; une Sainte
Famille, d'après Rombouts ; le Couronnement
d'épines et la Flagellation, d'après Diepen-
beek ; un Christ en croix, l'Assomption et pe-
naud et Armide, d'après , Van Dyck; Saint
Anastase, d'après Rembrandt; diverses com-
positions religieuses ou historiques, d'après
Erasme Quellyn, le Guide, Van Lrat, Ant.
Sallaert, Cl. Vignon, J. Thomas; plusieurs
portraits, entre autres ceux de Philippe I«,
Ant. de Bourbon, la comtesse de Carlyle,
Honoré d'Urfé, d'après Van Dyck. Il a écrit
son nom des manières suivantes : Baillieu,
Bailleu, Balleu, Bailliu, Baillu et Balliu.
BALLI l) (Bernard van), graveur, probable-
ment fils ou neveu du précédent, né à Anvers
vers 1645, alla à Rome , où il travaillait en
1684, et retourna ensuite à Anvers, où il mou-
rut. On a de lui : Jésus-Christ entre saint Pierre
d'Alcantara et la Madone, d'après Lazzar'o
Baldi; Saint Louis Bertrand, d'après le Ba-
chiche; d'autres sujets religieux d après Baldi,
Ciro Ferri ; quelques portraits, entre autres
celui de Clément X.
BALLO (Fabio), jurisconsulte et. poëte sici-
lien, né à Païenne, mort en 1G32. On trouve
quelques canzoni de lui dans le tome I" des
Muse siciliane (Palerme, 1647-1662). On cite
aussi une églogue, Alfesibeo, restée manus-
crite.— Son fils, Jean-Dominique Ballo, avo-
cat, puis ecclésiastique, cultiva aussi la poésie.
BALLO (Joseph), savant sicilien, né k Pa-
lerme en 1567, mort en 1640. D'une famille
patricienne, il renonça aux avantages de sa
naissance et embrassa îa carrière ecclésiasti-
que. Ses principaux ouvrages ont pour titre :
De fecundilaie Dei circaproductiones ad extra
(1635); Demonstratio de motu corporum natu-
rali (1635); Resolutio de modo evidenter pos-
sibili transsubstantiationis panis etvini in sacro-
^sanctum Domini Jesu corpus et sanguinem
(1640), ouvrage théologique qu'il avait médité
pendant trente ans, et qui donna lieu à des
polémiques assez vives.
BALLO (Thomas), poète sicilien, né à Pa-
lerme, florissait vers la fin du xvi<= siècle. Son
œuvre capitale est un poëme héroïque consa-
cré à la gloire de sa patrie, Palerma liberata
(1612), qu'il dédia à Cosme II, grand-duc de
Toscane.
Buiio In raincbcro, le Bal masqué, opéra
en quatre actes, paroles de M. Somma, musi-
?ue de M. Verdi, représenté pour la première
ois à Rome, au théâtre Apollo, en 1859,
et a Paris, au Théâtre-Italien, le 13 jan-
vier 1861. Le sujet d'un Ballo in maschera
(prononcez .masquera) est, sauf le lieu de la
scène, identiquement le même que celui de
Gustave III ou le Bal masqué de Scribe, un
des meilleurs libretti de la scène musicale
française, qui inspira à l'illustre auteur de la
Muette une de ses meilleures compositions.
Le Galop de Gustave III est, entre autres
morceaux, resté célèbre. La mort tragique
et mystérieuse du prince devait frapper
l'imagination de M. Verdi, passionné, on lo
sait, pour les situations fortes, les caractères
énergiques et les sombres dénoûments. Chez
nous, le côté chorégraphique de ce grand
drame avait surtout séduit; aussi, au bout de
quelque temps, le ballet fit oublier l'opéra,
malgré les beautés musicales de premier ordre
que la partition avait répandues sur le poOme,
et on ne joua plus que le cinquième acte de
Gustave dans des soirées extraordinaires. En
Italie, le drame devait l'emporter sur la danse,
et le Bal masqué de Ve'rdi a- ceci de singulier,
pour un ouvrage italien, et d'extrêmement
rare, qu'on n'y danse pas du tout. L'auteur du
libretto est loin d'être un grand poëte, et ses
vers n'ont guère plus de mérite en italien que
ceux de Scribe en français ; Florentine pré-
tend même quelque part qu'il écrit assez peu
correctement; mais c'est un homme habile,
ingénieux, plein de ressources. Il s'est borné
à traduire la pièce de Scribe et à la rendre
méconnaissable. « Ce qui étonne, dit Fioren-
tino, c'est qu'ayant déjà écrit pour le théâtre
et n ignorant pas les exigences et les suscep-
tibilités des différentes censures italiennes, il
se soit flatté de faire accepter à Naples son
Ballo in maschera, au moment où l'on enten-
dait de toutes parts, dans ce pays sourdement
agité, des craquements sinistres, et où l'on
dansait, à la lettre, sur un volcan. « Le Ballo
in maschera était, en effet, destiné au théâtre
de San-Carlo, mais les difficultés et les tra-
BAL
casseries qu'on suscita au compositeur, et qui
passent toute imagination, firent que, chaque
jour, Verdi, ramassant les feuillets de sa parti-
tion, disait, comme Lepeintre jeune, dans un
vaudeville connu : « Je voudrais bien m'en
aller. » Et comme, chaque jour aussi, l'impré-
sario, rendu circonspect par les sottes et ridi-
cules avanies de la censure, lui criait : « Je
me métie de tout ce qui me vient de France,
Timeo Danaos, » il prit résolument le bateau
à vapeur et porta son ouvrage à Rome, où il
fut joué avec un grand succès. On n'avait rien
changé au libretto traduit pour San-Carlo. La
scène était toujours à Boston, comme l'avait
exigé la censure napolitaine, avec une foule
de jolis détails qui défiguraient singulièrement
la pièce de Scribe. Mais le public italien,
comme l'a fort bien fait remarquer Stendhal,
ne fait pas la moindre attention aux paroles plus
ou moins ridicules d'un livret d opéra. Son
imagination supplée aux. pauvretés de l'ou-
vrage, et, pourvu que la situation musicale
soit belle et entraînante, chacun met les vers
qu'il rêve sous les notes du compositeur. 11
faut suivre l'exemple des Italiens et le con-
seil de Stendhal, si l'on veut bien juger la par-
tition d'un Ballo in maschera. La pièce ne
soutient pas l'analyse, bien que sur notre
théâtre Ventadour 1 action se passe à, Naples,
et non plus à Boston. Cette modification, qui
a nécessité divers changements dans les noms
des personnages, est due aux exigences d'un
chanteur alors fort à la mode. M. Mario n'au-
rait jamais voulu chanter sa ballade du second
acte en culotte courte, bas de soie, habit
rouge et larges épaulettes en filigrane d'or ;
jamais il n'eut accepté le titre de comte de
Warwick et les fonctions de gouverneur (le
comte de Warwick remplaçait Gustave III
dans la pièce originale). Il a préféré être grand
d'Espagne, s'appeler le duc d'Olivarès et se
déguiser en pêcheur napolitain , s'occupant
d'ailleurs assez peu de l'exactitude du rôle qui
lui devenait ainsi plus avantageux.
L'entreprise de mettre en musique un sujet
déjà si heureusement abordé par M. Auber
était audacieuse ; car, outre le larcin trop com-
mode du livret de Scribe, elle ne supposait
rien moins, de la part de Verdi, que l'intention
de contre-balancer, peut-être même de dé-
trôner une partition que la France compte
encore aujourd'hui dans son répertoire mu-
sical. « Sans vouloir entamer entre les deux
Gustave un parallèle qui n'aboutirait pas ,
puisqu'il s'agit de deux compositeurs ani-
més de tendances diamétralement opposées,
écrivait M. Fr. Schwab à propos d'une repré-
sentation du Ballo in maschera à Bade, il est
permis néanmoins de reconnaître que Verdi a
singulièrement réalisé dans cette circonstance
l'adage Audaces fortuna juvat, et que sa té-
mérité a été justifiée par un chef-d'œuvre. »
Ecoutons à présent parler M. de Rovray :
« Quant à la* musique d'un Ballo in maschera,
. dit-il, elle est, certes, une des meilleures que
Verdi ait écrites, et si elle n'a pas eu d'emblée
le même succès que liigoletto et le Trovalore,
c'est que l'exécution a péché surtout par la
faute du ténor, qui a la plus grande respon-
sabilité de l'ouvrage. » M. de Rovray faisait
ici allusion k Mario, qui avait eu de beaux
moments dans la soirée, mais que ses forces
trahirent au dernier acte. Verdi avait écrit ce
rôle pour Fraschini.
Après l'introduction et un petit chœur de
courtisans, on a surtout applaudi la suave ro-
mancé de Richard :
La rivedra nelV estasi,
écrite dans la pénétrante tonalité de fa dièse
majeur; le cantabile de baryton qui suit :
Alla viia che tarridê,
avec cor, solo; la ballata du page :
Ynltv. la lerrea fronie aile iteile.
(Terrea est ici pour ierrena.)
La musique de cette ballade est pleine d'au-
dace et de brio. Le second tableau du premier
acte (car on fait baisser la toile avant l'invo-
cation de la sorcière) contient d'abord une
scène et un air de contralto : l'entrée du comte
de Warwick ou du duc d'Olivarès ; un fort beau
trio où Amélie vient révéler à la magicienne
qu'elle aime Richard, tandis que celui-ci en-
tend l'aveu, caché dans un angle de la grotte;
fiuis la chanson du ténor, une ravissante tné-
odie napolitaine, et un fort joli quintetto, où
les voix du soprano et du ténor, se détachant
sur les basses, produisent un effet délicieux.
L'acte se termine par une sorte de God save
qui pouvait avoir sa raison d'être quand il
s'adressait à un gouverneur anglais, mais qui,
chanté par des pêcheurs du Pausilippe en
l'honneur d'un duc espagnol, n'a plus aucun
sens. Parmi les plus beaux morceaux du se-
cond acte (ou du troisième, selon la nouvelle
distribution), il faut citer l'air du soprano ;
Ma dalV aride itelo,
le duo, le trio et surtout le quatuor final, qui
rendent d'une façon très-saisissante une des
plus belles situations de l'ouvrage. Ce quatuor
est une de ces pages émouvantes où 1 auteur
de liigoletto excelle, et où, par la vigueur du
coloris, la variété du rhythme et la science
des oppositions, l'effet, déjà si puissant du
drame et de la mise en scène, s'élève à des
hauteurs extraordinaires. Au dernier acte, à
l'approche de la catastrophe , rien de plus
beau que la touchante supplication d'Adelia
ou d'Amélie aux genoux de son mari prêt à
l'immoler pour venger son honneur outragé :
n.
BAL
lès pleurs du violoncelle, la tonalité voilée de
mi bémol mineur, poussent aux dernières li-
mites de la douleur cette imploration de
l'épouse et de la mère :
Morro, ma prima in grazia;
puis l'air du baryton :
• Eri tu che macchtam queW anima,
avec son lugubre début en ré mineur, suivi du
sublime cantabile qu'annoncent la harpe et
la flûte :
0 dolcezze perdule !
Cette inspiration merveilleuse rend lasalle pal-
pitante et est toujours redemandée au théâtre.
Le trio et le quatuor de la conjuration et son
vigoureux unisson , un beau quintetto où se
détache le papillonnant allégro du page:
Ah! di che fulgor,
et plus loin la canzone:
Saper vorreste,
du même, sans omettre la romance du ténor,
sont les morceaux saillants du dernier acte.
Toutefois, il est.bon d'ajouter que le trio et le
quatuor de la conspiration qui, en Italie, font
crouler le théâtre, ont eu à Paris un succès
d'hilarité auquel on ne s'était pas attendu. Le
public, à certains moments, est sans pitié. Il
s'est diverti, à la première représentation aux
Italiens, de deux conspirateurs dont l'un, étant
louche, roulait des yeux terribles, bien qu'il
soit le meilleur garçon du monde à la ville, et
l'autre avait un grand nez dont il paraissait
fort en peine. « Otez-le, » lui a soufflé tout
bas un mauvais plaisant. Qu'on juge si la re-
marque était faite pour ramener le sérieux
parmi les spectateurs. On riait plus fort, et
plus on riait, plus les pauvres conjurés s'em-
barrassaient dans leurs répliques. Quoi qu'il
en soit, cet acte est d'une incontestable va-
leur musicale; les morceaux en sont excel-
lents ; ils ont eu depuis un immense succès, non-
seulement à Paris, mais sur toutes les scènes
de l'Europe et de l'Amérique, où le Ballo in
maschera a rapidement conquis sa place à côté
des chefs-d'œuvre lyriques. Encore un mot :
la scène du bal, qui, avec l'assassinat, ter-
mine l'ouvrage, est relativement là plus faible
de la partition de Verdi, tandis qu'elle a immor-
talisé celle d' Auber. ,
Acteurs qui ont créé un Ballo in maschera
au Théâtre-Italien de Paris : MM. Mario, le
comte de Warwick ou duc d'Olivarès ; Graziani,
Renato; Mme» Alboni, la devineresse Ulrica;
Penco, Amélie ou Adélia ; Battu, le page Oscar
ou Edgard. Chef d'orchestre : M. Bonetti.
BALLOIS (Louis-Joseph-Philippe), publi-
ciste, né à Périgueux en 1778, mort en 1803.
Il publia, sous le Directoire, un journal répu-
blicain très-énergique, l'Observateur de la
Dordogne, dont la polémique passionnée déplut
au gouvernement. Aussi, en 1798, Lamarque
ayant été nommé ambassadeur en Suède, et
ayant choisi pour secrétaire Ballois, dont il
appréciait les capacités, le Directoire refusa
son assentiment. Ballois en conçut un tel
chagrin, qu'il tenta de se suicider; mais il ne
parvint qu'à se blesser assez grièvement. Il
reprit son journal, qui fut supprimé par le
gouvernement consulaire. Il fonda alors les
Annales de statistique, dont il parut g vol. in-8°.
C'était un excellent recueil, qui contribua aux
progrès de la statistique et de l'économie po-
litique. Le jeune, et savant publiciste venait
d'être élu secrétaire de la Société de statisti-
que, récemment formée, lorsqu'il mourut des
suites de sa blessure.
BALLON s. m. (ba-lon — rad. balle). Poche
sphérique remplie d'air, dont on se sert pour
jouer, en se la lançant l'un à l'autre : Jouer
au ballon. Gonflé comme un ballon. Au bal-
lon le mieux soufflé, il ne faut qu'un coup
d'épingle, (Beaumarch.)
Notre souffleur à gage
Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon.
La Fontaine.
— Aérostat, enveloppe sphérique remplie
d'un gaz plus léger que l'air ambiant, et
dont on se sert pour s'élever dans l'atmo-
sphère : Monter en ballon. Ballon captif.
Un ballon est le jouet d'une seule force, le
point d'appui lui manque, le vent l'emporte et
la direction est impossible. (Napol. 1er.) £a
Révolution française a entrepris un problème
aussi insoluble que la direction des ballons,
(Napol. 1er.) Les ballons à gaz hydrogène
s'appellent des aérostats, et les ballons à air
chaud ont conservé le nom de montgolfières.
(A. Rion.) La' fièvre des ballons continue
toujours. Chaque dimanche , l'air est étoile
d'aérostats, et toute la population a te nés en
l'air, de cinq à six heures du soir. {Th. Gaut.)
Aussitôt que le ballon quitte la terre, il est
sujet à l'influence de mille circonstances qui,
tendant à créer une différence dans son poids,
augmentent ou diminuent sa force ascension-
nelle. (Baudelaire.)
Demain le poète Raton
Devant nombreuse compagnie
Doit partir avec le ballon ;
Pourquoi? pour s'élever une fois dans sa vie."
— Fig. Chose futile et en quelque sorte
gonflée de vent : La conscience démocratique
est vide: c'est un ballon dégonflé. (Proudh.)
... Quand ils sont tout près de saisir leur idole,
C'est un ballon qui crève et du vent qui s'envole.
Lamartine.
Il Ce qui est prêt à éclater : L 'amour ~propro
BAL
est un ballon gonflé de vent; qu'on y fasse une
piqûre, il en sort des tempêtes. (Volt,)
— Ballon perdu, Ballon qu'on lance sans
aêronaute et qu'on laisse emporter au gré du
vent. Il Ballon d'essai, Ballon perdu qu'on
lance avant l'ascension d'un aérostat, pour
connaître la direction du vent dans les régions
supérieures de l'atmosphère; au fig. Ex-
périence qu'on fait sans se compromettre,
pour sonder le terrain : Le nouveau ministre
vient de lancer son ballon d'essai, sous forme
de circulaire aux préfets. L'opposition préten-
dait voir dans la brochure un ballon d'essai.
(Ste-Beuve.) Les ballons d'essai sont des
nouvelles répandues pour tâter l'opinion. (L.-J.
Larcher.) Les journaux officiels ont souvent
pour mission de lancer des ballons d'essai.
(L.-J. Larcher.)
— Chor. anc. Sorte de pas dans lequel le
danseur touchait à peine la terre, et sem-
blait rebondir comme un ballon.
— Pyrotcchn. Grosse bombe en carton.
— Art milit. Poudre et projectiles enfer-
més dans un sac qu'on lance avec un mortier.
Ballon à grenades. Ballon à balles. Ballon
à bombes.
— Mar. Embarcation longue, étroite, sur-
montée, en son milieu, d'une sorte de dôme
arrondi et souvent couvert de riches étoffes.
Elle est particulièrement usitée sur les
rivières,a Surate et à Siam, etdansle Pérou.
— Chim. Sphère de verre munie d'un col, et
qui sert à diverses expériences et opérations :
La forme du ballon est sphéroïde, parce que
c'est cette forme qui résiste le mieux à la
pression du fluide reçu da?is les vases. {Four-
croy.)
— Min. Nom que, dans les mines de houille,
les ouvriers donnent à une masse de gaz
inflammable qui flotte dans l'air sous la
forme d'une poche arrondie, et qui asphvxie
subitement , avant de crever, ceux qu'elle
rencontre : On pense que le ballon est con-
stitué par le gaz hydrogène.
— Techn. Nom des blocs de terre que l'ou-
vrier façonne à la main, sous forme de gros
cylindres ou de carrés longs, quand il a suf-
fisamment travaillé la pâte : Les ballons
pèsent ordinairement de douze à quinze kilo-
grammes, un peu plus, un peu moins, et c'est
en les divisant qu on obtient les petites masses
sphériques appelées balles, qui servent à l'ébau-
chage des pièces. H Nom donné, dans les fabri-
ques de papier à la main, à la quantité de
papier que les étendeuses transportent à
la fois de la chambre à colle à l'étendoir,
et qui se compose ordinairement d'une
porse ou bien d'une rame de fabrication, n
Espèce de grande caisse qui sert , dans plu-
sieurs pays, à recevoir Je chanvre ou le lin
que l'on soumet à l'opération du rouissage
en eau courante.
— Géogr. Sommet arrondi d'une montagne.
Ce mot, usité d'abord en Lorraine, est devenu
général : Le grand ballon des Vosges.
— Argot. Derrière d'une personne : Quel
ballon! Il Enlever le ballon, appliquer un
coup de pied en cet endroit : Papa, je vous ai
enlevé le ballon, mais le cœur n'y était pour
rien. (Varin.)
— Argot do théàtr. Légèreté dans la danse:
Cette danseuse a du ballon.
— Encycl. Jeu de ballon. Deux jeux por-
tent ce nom. L'un, qui est à l'usage des jeunes
enfants, consiste à lancer au hasard et à faire
rebondir sur la terre un ballon de caoutchouc
gros comme la tête et aussi léger qu'une
plume. C'est un simple exercice qui déve-
loppe les forces et donne de la souplesse.
L autre est un jeu d'adresse- réservé aux
hommes faits. Il est surtout usité en Italie et
dans les villages des Pyrénées, où il passe
pour une institution véritablement nationale.
On le joue dans un emplacement particulier,
consistant ordinairement en un vaste terrain
clos de murs et à ciel ouvert. Le ballon qu'on
y emploie est une vessie gonflée d'air, en-
duite d'huile à l'extérieur et recouverte d'un
cuir très-épais. Pour lancer et repousser ce
ballon, les joueurs arment la main et le poi-
gnet d'un gros gantelet de cuir ou de bois,
ou d'un instrument appelé brassart (v. ce
mot). Quelquefois les combattants se rangent
en cercle et chassent le ballon au hasard, de
manière que chacun le reçoive et le renvoie
à son tour. Le plus souvent, ils' se divisent
en deux camps opposés, et jouent une partie
suivie et régulière, en observant des règles
qui sont à peu près les mêmes que celles de
la longue paume. V. paume.
— Phys. V. AÉROSTAT.
BALLON (Louise-Blanche-Thérèse Perru-
card de), fondatrice des Bernardines réfor-
mées, née au château de Vanchi (Savoie)
en 1591, morte en 1668. Sa famille la plaça à
six ans au monastère de Ste-Catherine-sur-
Arinecy, où elle fit profession à seize ans.
En 1622, elle entreprit la réforme à Rumilly,
sous la direction de saint François de Sales,
et l'appliqua successivement aux. monastères
de Grenoble, de Saint-Jean-de-Maurienne, de
Seyssel, etc. Ses constitutions furent approu-
vées à Rome en 1631. Toutefois, des divisions
ne tardèrent pas à éclater, et tandis que le
monastère de Rumilly déposait la mère de
Ballon de sa dignité de supérieure, elle était
appelée en cette qualité par la maison de
Marseille. Le Père Grossi a publié ses Œuvres
de piété (1700).
BAL.
I2<j
BALLON, petite ville de France, ch.-l. do
cant. (Sarthe), arrond. et k 23 kil. N. du
Mans, sur l'Orne, pop. aggl. 879 hab. — pop.
tôt. 1939 hab. Fabriques de toiles, blanchis*
séries de fil. Restes d'un vieux château fort, il
Ballon d'Alsace, nom d'une des plus hautes mon-
tagnes de la chaîne des Vosges, située sur les
limites des départements des Vosges et du
Haut-Rhin, non loin de la frontière du dép,
de la Haute-Saône. 1,403 met. d'élévation. La
forme arrondie de plusieurs sommets des
Vosges a valu à ces montagnes le . nom de
Ballon ; ainsi : Ballon de Guebuiiller, Ballon
d'Alsace, etc.
. ballonné, ÉE (ba-lo-néj, part. pas. du
v. Ballonner. Enflé , gonflé : Ventre bal-
lonné. Durant les premières années de leur
vie, ces êtres chétifs ont le ventre ballonné
et une apparence rachitique. (J.-J. Marcel.)
— Fig. Boursouflé : Son style est d'une
originalité cherchée; sa phrase ballonnée
tomberait, si la critique lui donnait un coup
d'épingle. (Balz.) il Peu. usité.
ballonnement s. m, (ba-lo-ne-man —
rad. ballonner). Pathol. Gonflement et ten-
sion de l'abdomen, résultant de l'accumula-
tion des gaz dans les intestins ou dans la
cavité péritonéale : Le ballonnement est
très-fâcheux dans les maladies aiguës propre-
ment dites. (Chomel.)
' BALLONNER v. a. ou tr. (ba-lo-né — rad.
ballon.) Pathol. Enfler, distendre par l'accu-
mulation de gaz intérieurs .: Les causes qui
peuvent ballonner l'abdomen sont très-nom-
breuses.
se ballonner v. pr. Devenir ballonné:
Son ventre sis ballonne.
— Fam. S'arrondir, se gonfler en forme de
ballon : Sa robe de soie blanche se ballonnait
d la jupe. (L. Gozlan.)
— Fig. Prendre de grandes et vaines pro-
portions : Il faut laisser tomber ces querelles
de la vie intime, ces riens qui sa ballonnent
au souffle obligeant du commérage. (G. Sand.)
BALLONN1ER s. m. (ba-lo-nié — rad. bal-
lon). Fabricant ou marchand de ballons à
jouer.
BALLOT s. m. (ba-lo — rad. balle). Petite
balle de marchandises ou d'effets : Vous avez
bien fait de laisser vos ballots à Grignan.
(Mme de Sév.) A Lyon même, le ballot de soie
ne va pas directement de chez le marchand à la
manufacture ; il passe d'abord dans un établis-
sement public pour y être essayé et classé.
(L. Reybaud.) L'Angleterre, malgré ses flottes,
fut au moment de n'avoir plus un seul port
pour y décharger un ballot de marchandises,
ou pour y mettre une lettre à la poste. (Cha-
teaub.) Le commissionnaire déchargea les bal-
lots, longs et épais rouleaux enveloppés de
grosse étoffe grise. (E. Sue.)
Il triompha des vents, pendant plus d'un voyage;
Gouffre, banc, ni rocher n'exigea le péage
D'aucun de ses ballois...
La Fontaine.
— Fig. Le point, l'objet convenable ou dé-
siré, l'occasion favorable : Voilà votre vrai
ballot ; cela vous convient tout à fait. (Mme de
Sév.) Madame se trouva si enrhumée qu'elle ne
put y aller; le roi jugea que c'était là son vrai
ballot qu'il ne trouverait de longtemps, et le
saisit : il nomma Mm<> de la Chaise pour
Marly. (St-Sim.)
Cette femme, prends-la : c'est là ton vrai ballot,
Pirom.
— Comm. A Marseille, Paquet de vingt-
quatre rames de papier à la croiselle ou de
quatorze à la couronne. 1) A Saint-Domingue,
Lot de viandes botfcanées pesant net trente-
six kilos.
— Un des noms que les négriers donnaient
aux esclaves : A la bourse, dans les cercles,
on entend publiquement parler de la traite; et
ceux qui trempent les mains dans ce commerce
de sang ne prennent pas même la peine de
designer leurs victimes sous les noms, consa-
crés dans leur arqot, de mulets, de ballots
ou de bûches de bois d'ébène. (Aug. do Staël.)
BALLOT s. m. (ba-lott — mot angl.) Polit.
Se dit, en Angleterre, du vote au scrutin se-
cret, forme de vote réclamée par certains
hommes politiques de ce pays : Par l'adop-
tion du ballot, adoption qui ne saurait être
éloignée, la liberi-tè du peuple anglais cessera
d'être illusoire et menteuse. Bans le système
actuel, les dix-neuf vingtièmes des votes sont
achetés à une population dans la détresse ou
arrachés par l'intimidation à des tenanciers et
autres électeurs qui sont, eux et leurs familles,
dans la dépendance absolue des lords et de la
haute bourgeoisie. ('*')
BALLOTE OU BALLOTTE S. f, (ba-lo-te —
gr. ballâté, même sens). Bot. Genre de plan-
tes de la famille des labiées, voisin des mar-
rubes, renfermant un assez grand nombre
d'espèces, dont la plus intéressante est Ja
ballote noire ou fétide, vulgairement appelée
marrube noir, qui croît en abondance dans les
lieux incultes et stériles, et se reconnaît à ses
fleurs d'un brun rougeatre et à son odeur
désagréable : La ballote est rangée dans la
section des chênes verts qui ne perdent pat
leurs feuilles, (De Jussieu.)
— Encycl. Les caractères de la ballote
sont : calice hypocratériforme, imberbe, k
cinq dents égales. Corolle à tube inclus; lèvre
supérieure en forme de casque; lèvre infé-
rieure à lobe moyen obeordi forme, et il lobes
17
130
BAL
latéraux échancrés. L'espèce principale de ce
genre, la baUota fœtida, connue sous les noms
vulgaires de marrube noir, marrube puant,
marrubin, a une tige de deux pieds de haut ;
elle est légèrement velue, souvent branchue
et un peu rougeâtre. Ses fleurs sont rouges
ou blanches. La ballote est commune dans les
décombres, le long des haies et des chemins.
Elle est de quelque emploi en médecine et
dans l'art vétérinaire, mais aucun animal ne
la mange.
BALLOTÉES s. f. pi. (ba-lo-té — rad. bal-
lote). Bot. Groupe de plantes de la famille
des labiées, ayant pour type le genre ballote.
ballottade s. f. (ba-lo-ta-de — rad.
ballotter). Manég. Saut par lequel le cheval
s'enlève, sans ruade, en montrant les fers des
pieds de derrière, et élevant les quatre pieds
a la même hauteur.
ballottage s. m. (ba-lo-ta-je — rad.
ballotter). Action de ballotter : Il faut, dans
le transport de ce liquide, éviter soigneusement
le ballottage. Il En ce sens, on dit mieux
BALLOTTEMENT.
— Polit. Vote au scrutin, au moyen de
ballottes ou boules : Le jour du ballottage
approchait ; on était presque à la veille de
l'élection. (L. Gozlan.) il Vote qui a lieu après
un ou plusieurs scrutins, pour choisir entre
les candidats qui avaient réuni le plus de"
suffrages, sans atteindre toutefois la majorité
absolue : Scrutin de ballottage. Enfin, après
un ballottage, le notaire sortit triomphant.
(Ars. Houss.)
— Jeu. Gain suivi d'une perte qui , elle-
même, est suivie d'un gain. S emploie surtout
à la roulette.
— Encycl. Polit. La langue politique dé-
signe sous le nom de ballottage le tour de
scrutin qui doit décider lequel l'emportera des
deux candidats qui ont obtenu le plus de voix
dans un scrutin précédent. Le scrutin de bal-
lottage a lieu lorsque, dans une élection où l'élu
doit obtenir la majorité absolue, aucun des
candidats n'a atteint cette majorité. On passe
alors à. un nouveau tour de scrutin, qui ne
peut porter que sur les deux candidats qui
ont eu le plus de voix dans le scrutin précé-
dent. C'est ainsi que, jusqu'au décret organi-
que du 21 février 1852, l'on avait procédé lors
des élections législatives. Ce décret ne fait
aucune mention du ballottage ; faute d'une
majorité absolue au premier tour de scrutin,
on procède, quinze jours après, à un nouveau
tour de scrutin. Alors l'élection a lieu a la
majorité relative. En matière d'élection au
conseil général ou au conseil municipal, la
loi du 7 juillet 1852 déclare qu'au second tour
de scrutin, si plusieurs candidats obtiennent
le même nombre de suffrages, l'élection -doit
être acquise au plus âgé.
BALLOTTANT (ba-lo-tan), part. prés, du
v. Ballotter : // portait une veste bleue en
toile de fil, à petites poches, ballottant sur
ses hanches. (Balz.)
BALLOTTE s. f. (ba-lc-te — dim. de balle).
Petite balle ou boule pour exprimer un suf-
frage.
— Famil. Ballotte de papier, Petite boule
de papier que les écoliers emploient en guise
de projectile. Cette expression est surtout
usitée dans le midi de la France.
— Econ. rur. Vase en bois dont on se sert
pour porter la vendange à la cuve.
— Bot. V. Ballote.
BALLOTTÉ ÉE (ba-lo-té), part. pas. du v.
Ballotter. Cahoté, remué, agité.
— Soumis à un scrutin de ballottage : Can-
didats ballottés. Thucydide et Périclès étant
ballottés au suffrage du peuple pour le ban de
l'ostracisme, ce fui Thucydide qui succomba.
(P.-L. Courier.) il A été employé au fig. dans
le même sens : Tu vas être ballotte long-
temps au scrutin de l'opinion publique. (Beau-
marchais.)
— Fig. Tenu dans l'incertitude ou soumis
à des alternatives en sens contraire : Une
classe encore si faible et si rudement ballottée
entre des forces supérieures a dû subir de
grandes agitations, de fréquentes vicissitudes.
(Guizot.) Esquif ballotté sur toutes les mers
du doute, échoué sur toutes les grèves du dés-
espoir, oseriez-vous tenter un nouveau voyage?
(G. Sand.) Mien n'est plus désagréable pour le
lecteur que d'être ballotté sans cesse par des
nouvelles contradictoires. (L.-J. Larcher.)
Ton nom, jouet d'un éternel orage,
Sera par l'avenir ballotté d'âge en âge,
Entre Marius et César.
Lamartine.
Entre l'Amour et la Polie
Ce pauvre globe est ballotté :
Sentir L'un est ma volupté;
Rire de l'autre est mon génie. Dorât.
D'où me vient cette foi dont mon cœur surabonde,
A moi qui tout a l'heure incertain, agité.
Et sur les nota du doute a. tout vent ballotté.
Cherchais le vrai, le bien dans les rêves des sages,
Et la paix dons les cœurs retentissants d'orages ?
Lamartine.
— s. m. Danse. Pas qui s'exécute soit en
restant en place, soit en marchant ou en
tournant.
BALLOTTÉES OU BALLOTÉES S. f. pi.
V. BALLOTÉES.
BALLOTTEMENT s. m. (ba-lo-te-man —
rad. ballotter). Action de ballotter; mouve-
ment qui résulte de cette action : Le ballot-
tëuknt d'un navirt.
BAL
— Obstétr. Mouvement, balancement sen-
sible à la main, que l'on communique au
fœtus dans le sein de la mère, pour constater
l'état de grossesse.
BALLOTTER v. a. ou tr. (ba-lo-té — rad.
baller, danser, ou ballotte, çetite boule). Agi-
ter, secouer en sens contraire ; La mer nous
A ballottés durant toute la traversée. Nous
étions secoués comme ces souris qu'on bal-
lotte, pour les étourdir et les tuer contre tes
parois de la souricière. (Th. Gaut.)
J'erre moi-même au gré du vent qui me ballotte.
C. u'Harluvillê.
— En parlant de plusieurs candidats, déci-
der qui remportera : Après plusieurs tours de
scrutin, l'assemblée a. ballotté MM. X. et Z.,
qui avaient réuni le plus grand nombre de
voix.
— Par comp. Discuter : Ballotter une
affaire.
— Fig. Faire passer par des alternatives
en sens contraire : La fortune est un enfant
peu difficile en jouets; elle ballotte aussi
bien un pauvre hère qu'un potentat. (Mme de
Puisieux.) Me laisserai-je éternellement bal-
lotter par les sophismes des mieux disants,
dont je ne suis pas bien sur que les opinions
?~~ m' ils prêchent soient les leurs à eux-mêmes?
J.-J. Rouss.) Depuis un demi-siècle, nous nous
laissons ballotter sans relâche par le vent des
idées. (Am. Thierry.) Vous me ballottez sur
une mer d'inquiétudes et de doutes. (G. Sand.)
Il Jouer, railler, peloter : Ne vous laissez pas
ballotter ainsi.
Paris enclin au trait malin,
Grâce à nous, les ballotte.
BÉRAHQER.
— v, n. ou intr. Remuer, être agité, se-
coué : Cette fenêtre ne fait que ballotter.
Ces bouteilles sont mal emballées; elles bal-
lottent. Ce violon ballotte dons son étui.
— Voter au moyen de boules.
— Errer, aller ça et là : Je ne fais que bal-
lotter , en attendant que la poste parte.
(Mme deSév.)
— Jeu. A la paume, Peloter, se renvoyer
la balle, sans faire de partie réglée.
— Chor. Exécuter un ballotté.
BALLOTTER, v. a. ou tr. (ba-lo-té — de
ballot). Mettre en ballot : Ballotter des
marchandises. 11 Peu usité.
— Techn. Ballotter la verge fondue , La
mettre en paquet.
BALLOTTIS OU BALLOTIN S. m. (ba-lo-
tain — de ballotte, boulette). Hist. Entant
qui recueillait les suffrages a l'élection des
doges de Venise.
BALLOTTIN s. m. (ba-lo-tain — dim. de
ballot). Petit ballot.
BALLOTTINE s. f. (ba-lo-ti-ne — rad. bal-
lotte , plante). Chim. Principe amer de la
ballote.
— Art. culin. Nom donné à de petits mor-
ceaux de viande farcis et ficelés dans du pa-
pier : Veau en ballottines.
BALLOU, connu sous le nom de Père Bal-
loti, fondateur de l'universalisme en Amé-
rique, né à Richmond", dans le New-Hamp-
shire, en 1771. Son père, ministre baptiste,
n'eut pas les moyens de lui faire donner Beau-
coup d'éducation, et l'on prétend même qu'il
lui apprit à écrire avec des morceaux de char-
bon. Ayant embrassé la doctrine de l'univer-
salisme, il fut chassé de l'Eglise de son père
et devint bientôt prédicateur. Il linit par pré-
sider la seconde société universaliste établie
à Boston, où il mourut en 1852. Son neveu a
réédité la plupart de ses œuvres, et publié à
Boston YUniversalist Quarterly Revient, depuis
la mort de son oncle.
BALL'S BLUFF (combat be), livré le 21 oc-
tobre 1861, sur la rive virginienne du Potomac
(Etats-Unis d'Amérique), près de l'île Har-
rison, entre les forces unionistes du colonel
Baker et un corps confédéré, commandé par
le général Evans. Les fédéraux furent battus ;
ils perdirent, outre un grand nombre de pri-
sonniers, quatre cents tués et blessés, et une
quantité considérable d'armes et de munitions.
Le colonel Baker resta parmi les morts.
BALLU (Théodore), architecte français con-
temporain, né à Paris en 1817, entra, en 1835,
à l'Ecole des beaux- arts, où il eut pour maître
H. Le Bas, et remporta, en 1840, le grand prix
de Rome dans la section d'architecture. Au
retour d'un voyage qu'il fit en Grèce aux frais
du gouvernement, il exposa, en 1856, des
aquarelles représentant les divers monuments
de l'Acropole d'Athènes, et une vue du temple
de Jupiter Olympien; ces dessins lui valurent
une médaille de 3° classe. Attaché d'abord
comme inspecteur aux travaux de l'église
Sainte-Clotilde, à Paris, sous la direction de
M. Gau, il remplaça ce dernier en 1854.
Jamais succession plus ingrate ne pouvait
échoir à un architecte. Le gros œuvre de
l'édifice était terminé. Les plans adoptés pour
la décoration de la façade étaient d'une sé-
cheresse extrême. Les tours se terminaient
en terrasse bordée d'une balustrade • M. Ballu
proposa et obtint de les surmonter de flèches
ajourées et sculptées en pierre. Il augmenta
la saillie des grandes portes, afin de donner
plus de profondeur aux voussures, couronna
l'extrados des archivoltes , et orna de statues
avec baldaquins la face des contre-forts, jus-
que-la nue ou décorée de petits frontons in-
BAL
signifiants. Il fit preuve également d'un goût
délicat et d'une grande richesse d'invention
dans l'ameublement et l'ornementation poly-
chrome de l'intérieur de l'église. Chargé en
1852 des travaux de restauration de la tour
Saint-Jacques-la-Boucherie , M. Ballu s'est
acquitté avec une science incontestable de
cette tâche difficile. Les défauts que l'on pour-
rait reprocher a cette restauration ne sau-
raient être imputés à l'architecte, qui a du
subir des plans tracés d'avance. Il en a été de
même pour la mairie destinée à faire pendant
à Saint- Germain-l'Auxerrois, due à Hit-
torff. Les deux édifices, d'une architecture un
peu écrasée, sont reliés par une tour et res-
semblent assez bien de loin à un huilier, sui-
vant la remarque d'un gamin de Paris. Mais
les détails de la tour, traités avec beaucoup
de goût, n'en font pas moins honneur au ta-
lent de l'artiste. M. Ballu a été nommé che-
valier de la Légion d'honneur, en 1857.
BALLUCHON s. m. (ba-lu-chon — dimin.
de ballot). Pop. Paquet, petit ballot : Faire
son balluchon. Emporter son balluchon.
BALLUE, député de la Somme a l'Assemblée
législative (1791). Il ne prit qu'une seule fois
la parole, le 16 août 1792, pour annoncer à
l'Assemblée qu'il avait dénoncé à la Commune
plusieurs de ses collègues, attachés au parti
royaliste, qui devaient demander des passe-
ports pour aller exciter les départements
contre la Révolution. Après cet acte, où la
peur avait peut-être plus de part que le pa-
triotisme, Ballue rentra dans 1 obscurité.
BALLUE (Hippolyte-Omer) , peintre fran-
çais contemporain, né à Paris en 1820, débuta
au Salon de 1842 par une Vue de Paris, prise
du pont d'Austerhtz. Devenu l'élève de Diaz,
l'année suivante, il réussit a imiter le coloris
chatoyant de ce maître, et exposa avec succès
des aquarelles, des pastels etquelques tableaux
à l'huile, représentant des vues de Paris, d'Es-
pagne, d'Italie, d'Orient, d'Algérie, etc. Il a
cessé de prendre part aux expositions depuis
une quinzaine d'années. Il a été souvent chargé
de dessiner* des costumes pour les grands
théâtres de Paris et de l'étranger.
B'ALLY (Victor), médecin et membre de l'A-
cadémie de médecine, né à Beaurepaire (Isère)
en 1775. Il prit part, comme médecin en chef,
à l'expédition de Saint-Domingue, fut attaché
à divers corps d'armée sous l'Empire; et,
lorsqu'en 1821 la fièvre jaune vint décimer si
cruellement Barcelone, il fut un des médecins
français qui se dévouèrent courageusement
pour aller combattre le fléau. A une époque
où la fièvre jaune passait généralement pour
contagieuse, on regarda avec raison ce dé-
vouement comme héroïque ; et la mort de l'un
des membres de la commission, Mazet, atteint
par le fléau, vint ajouter à. cette courageuse
expédition un caractère de grandeur qui aug-
menta l'enthousiasme public. M. Bally rédigea
avec ses collègues, MM. François et Parizet,
l'Histoire de la fièvre jaune observée en Espa-
gne, et particulièrement en Catalogne (in-8»,
1823). Les épidémies, dont cet éminent pra-
ticien a fait une étude spéciale, lui ont encore
* fourni le sujet de nombreux mémoires et d'ou-
vrages du plus haut intérêt : Du Typhus
d'Amérique (1814); Rapport au Conseil supé-
rieur sur la fièvre jaune (1824) ; Observations
sur le scorbut; Documents et mélanges (1855) ;
Etudes sur la cholorrhée lymphatique ou cho-
léra indien (1833-1835); Recherches sur les
épidémies des bords de la Méditerranée (1849),
etc. On lui doit aussi : Coup d'œil sur l'histoire
de la gymnastique (1817); enfin, une édition
du Formulaire magistral pharmaceutique de
Cadet-Gassicourt, augmentée de 300 formules
(6« édition, 1826).
BALLYCASTLE, ville maritime d'Irlande,
dans le comté d'Antrim , à 57 kil. N.-O. de
Belfast; 1,683 hab. Port peu sûr, fréquenté
seulement par des pécheurs ; mines de houille
abandonnées.
BALLYET ( Emmanuel ) , antiquaire , né à
Marnay (Franche-Comté) en 1700, mort en
1773, à Bagdad, où il était consul de France.
Il était en outre évêque in partibus. Il avait
parcouru une partie de l'Asie, et il a rendu
compte de ses observations dans une lettre à
Benoît XIV sur sa mission à Babylone, lettre
qui fut imprimée en français et en latin à
Rome, en 1754. Le Journal de ses voyages se
trouvait dans la bibliothèque du duc d Orléans.
D'Anville en a extrait la Description d'un
monument de sculpture, découvert dans une
montagne.
BALLYMENA , ville d'Irlande, comté d'An-
trim, à 45 kil. N.-O. de Belfast, sur la Braid,
affluent de la Maine ; 4,063 hab. Blanchisse-
ries de toiles.
BALLYMONEY, ville d'Irlande, comté d'An-
trim, à 45 kil. N.-O. d'Antrim; 2,000 hab.
Commerce important de toiles fines, de grains
et de salaisons.
BALLYSHANNON, ville d'Irlande, comté et à
23 kil. S.-O. de Donegal, sur l'Atlantique, à
l'embouchure de l'Erne , qui est très-poisson-
neuse et forme une belle cascade; 3,831 hab.
La plus importante pêcherie de saumons et
d'anguilles de toute 1 Irlande.
BALME (la), village de France (Isère),
arrond. et a. 33 kil. N.-O. de La Tour-du-Pin,
près du Rhône; 850 hab. On y trouve une
grotte {balme, en vieux français) très-cu-
rieuse, qui passe à bon droit pour une des
BAL
merveilles du Dauphiné. Elle renferme une
chapelle de la Vierge de construction bizarre,
un petit lac que ion parcourt en bateau et
une galerie dite du Capucin, dont la voûte
présente des stalactites qui ressemblent de la
manière la plus frappante & des pièces' de
charcuterie, il Balme (col de), gorge de la
chaîne des Alpes, entre la vallée de Cha-
mounix et celle de Trient, à la source de
l'Arve ; 2,304 m. d'élévation ; passage très-
fréquenté.
BALME (Henri de), théologien franciscain,
né à Balme (Isère), mort en 1439. On pos-
sède sous son nom le manuscrit de divers
traités de théologie mystique : De imitatione
Christi; De compunctione ; De interna consola'
tione ; enfin, De triplici via ad sapientiam,
qu'on a quelquefois attribué à saint Bonaven-
ture.
BALME (Claude-Denis), médecin, né anPuy
en Velày en 1742, mort en 1805. Il étudia k
Paris et à Montpellier, et revint ensuite exercer
dans sa ville natale. Outre une collaboration
assidue au Journal de médecine de Paris (de
1768 à 1790), on lui doit de nombreux ouvra-
ges, dont plusieurs sont encore estimés. Nous
citerons seulement : Dissertation sur le suicide
(1789); Mémoires de médecine pratique sur les
efforts (1791); Considérations cliniques sur les
rechutes (1797); Observations et réflexions sur
une hémorragie utérine avant l'accouchement
(1797), etc.
BALMÈS (François -Xavier), chirurgien
espagnol, partit en 1803 pour répandre les
bienfaits de la vaccine dans l'Amérique méri-
dionale, les lies Philippines, la Chine, etc. Au
milieu de son pèlerinage philanthropique, il
trouva le temps de dessiner et d'étudier les
plantes de la Chine et d'en former un album
colorié, qu'il déposa à la bibliothèque de Ma-
drid en 1816. 11 a écrit un mémoire Sur les
propriétés antisyphilitiques de l'agava et du
bégonia.
BALMÈS (Jacques-Lucien), célèbre publi-
as to et philosophe catholique, né à Vich en
Catalogne, en 1810, mort en 1848. Il fit ses
études au séminaire de Vich, puis au collège
de San-Carlos de l'université de Cervera. 11
passa, dit-on, quatre années entières à Cervera
sans lire autre chose que la Somme de saint
Thomas. Bachelier, puis licencié en théologie,
il quitta l'université à la fin de l'année 1833,
fut ordonné prêtre en 1834, et conquit le titre
de docteur au commencement de 1835. En 1837,
une chaire de mathématiques ayant été fondée
à Vich, il sollicita et obtint de la remplir. En
1840 commence sa vie de publiciste. Il fit à
cette époque paraître une Drochure qui fixa
sur lui l'attention des hommes politiques de
l'Espagne. Dans cette brochure intitulée :
Observations sociales, politiques et économiques
sur les biens dn clergé, il s'attachait à. montrer
le rôle bienfaisant qu'avait joué dans le passé
la propriété ecclésiastique, et le danger qu'il y,
avait pour la société à, dépouiller l'Eglise dans'
les temps modernes. La propriété ecclésias-
tique, disait-il, institution aussi ancienne que
le christianisme, est le salaire en même temps
qu'un des instruments de ses bienfaits; dans le
moyen âge, lorsque tout s'attache fortement à
la terre, la féodalité de la violence se trouve
combattue et vaincue par une sorte de féodalité
de la charité. L'Eglise s'approprie successive-
ment toutes les armes, elle les consacre toutes
à son œuvre de miséricorde. Propriétaire pour
être libre, riche pour être bienfaisante, elle
reçoit tour à tour des mains de Dieu et des
mains des hommes tous les éléments de la
puissance, et les applique à réaliser de plus en
plus ici-bas l'idéal d'une divine justice. Les
temps modernes doivent-ils? en dépouillant
l'Eglise, changer cette distribution des res-
sources sociales? Non, répond Balmès ; car si
lès grandes propriétés sont enlevées aux cor-
porations ecclésiastiques, elles tombent aux
mains des banquiers avares, des spéculateurs
immoraux, ou d une aristocratie sans entrailles,
comme en Angleterre. Ne voyons-nous pas le
paupérisme dévorer les plus riches sociétés
du globe, tandis que l'Espagne ne connaît du
pauvre que sa gratitude et ses bénédictions?
Balmès ajoutait, en terminant, que le moment
était mal choisi pour porter une première
atteinte a la légitimité de la propriété ecclé-
siastique, lorsque l'Europe entend déjà les cris
impatients d'une multitude prête a s'armer
contre les droits de la propriété privée, moins
sacrés cependant et moins bienfaisants que les
droits de l'Eglise. La brochure sur les biens
du clergé fut suivie d'une autre brochure inti-
tulée : Considérations politiques sur la situa-
tion de l'Espagne^ dans laquelle l'auteur expo-
sait ses vues politiques sur son pays. En 1841,
Balmès fut nommé membre de racadémie des
bonnes lettres de Barcelone ; il paya son tribut
à cette société par un discours purement litté-
raire sur l'Originalité. Au commencement de
1844, il fonda un journal hebdomadaire : El
pensamiento de la nacion (La pensée de la na-
tion), organe du parti conservateur et reli-
gieux. Ce journal était destiné à combattre
les efforts opposés de la diplomatie française
et de la diplomatie anglaise, dans l'affaire des
mariages espagnols, a soustraire cette question
aux influences étrangères, à lui donner une
solution nationale et purement intérieure. Ré-
tablir l'union entre les deux branches de la
famille royale par le mariage de la fille de
Ferdinand VII, Isabelle, avec le fils de don
Carlos, anéantir ainsi l' antinomie survenue
BAL
entre l'ancien droit d'hérédité féminine et le
principe salique introduit par Philippe V, et
faire cesser une cause'de divisions et de fai-
blesse pour les éléments conservateurs, monar-
chiques et religieux : tel était le plan de Balmès,
flan dont la réalisation devait satisfaire tout
la fois le sentiment national et le sentiment
légitimiste, fortifier le trône contre l'esprit
■ révolutionnaire, et rendre la politique espa-
gnole indépendante et de l'Angleterre protes-
tante et de la France de 1830. Pour réaliser ce
plan de fusion, il fallait d'abord que don Carlos
abdiquât et que son fils rendit possible sa can-
ditature à la main d'Isabelle, en dépouillant
l'emblème de ses prétentions, le titre de Prince
des Asturies, c'est-à-dire d'héritier immédiat
de la couronne, et en dissimulant sous un nom
plus modeste (comte de Montémolin) tout as- ,
pect de royauté. Balmès eut la plus haute
-influence dans l'acte d'abdication de don Carlos
'et dans le langage adopté par le comte de
Montémolin en cette circonstance. En même
temps El pensamiento s'attachait à discréditer
la candidature que le cabinet des Tuileries
mettait en avant. Balmès y déroulait le tableau
des infirmités que la France avait, disait-il,
contractées en se confiant à la dynastie d'Or-
"léans; il suppliait sa patrie d éviter toute
solidarité avec un trône croulant, tout rappro-
chement trop étroit avec une nation rongée
par ce mal contagieux, qui s'appelle la Révolu-
tion. On sait que le succès ne répondit pas
aux efforts du publiciste, et que, dans la ques-
tion du mariage d'Isabelle, la diplomatie fran-
çaise remporta sur l'Angleterre et sur le légi-
timisme espagnol une victoire dont la maison
d'Orléans ne devait pas longtemps s'applaudir.
El pensamiento de la nation n'avait dès lors
plus de raison d'être : il cessa de paraître le
3 décembre 1846.
Balmès ne renfermait pas l'activité de son
esprit dans les luttes de la politique militante.
De 1842 à 1847, il avait composé trois ouvrages
importants : El criterio (Art du bon sens), tra-
duit en français (1850, 1 vol.). V. dans ce vol.
Bon sens (art du), p. 984. Philosophie fonda-
mentale(traA.enls$2, 3 vo).);\e Protestantisme
et le catholicisme comparés dans teurs rapports
avec la civilisation européenne (trad. en 1848,
3 vol.). On trouvera dans le Grand Diction-
naire Y a.na\y se de ces trois ouvrages. En 1847,
Balmès recueillit en un volume ses divers
écrits politiques. Le dernier ouvrage qu'il pu-
blia, intitulé Pie IX (Pio nono), fut consacré
à la glorification du système de réformes poli-
tiques par lequel le successeur de Grégoire XVI
avait inauguré son règne.
Nous exposerons ailleurs les solutions don-
nées par Balmès aux questions fondamentales
de la philosophie. (V. Philosophie fondamen-
tale). Nous nous ^bornerons ici à faire con-
naître les doctrines politiques du philosophe
espagnol.
S'il est une institution qu'il importe éminem-
ment, suivant Balmès, de consolider et de for-
tifier, c'est l'institution monarchique. « Le péril
qui menace les sociétés modernes, dit-il, n'est
point la servitude, mais l'anarchie; elles sont
poussées vers l'anarchie tout à la fois par leur
organisation matérielle et par leur état moral.
Les derniers restes de la féodalité, aussi bien
que l'esclavage antique, se trouvent abolis. Le
niveau a été passé sur les distinctions hiérar-
chiques. Les classes diverses de la société
sont à peu près confondues. Une réunion im-
mense de forces individuelles agissant toutes
h. la fois se présentent de front sur une même
ligne. Ces forces doivent être dirigées, sans
quoi il en faut attendre des secousses formi-
dables. D'un autre côté, elles ne sauraient être
dirigées que par une action rapide, énergique
et en même temps d'une douceur extrême. En
Angleterre, les révolutions les plus longues,
les plus profondes ont mis à l'essai tous les
systèmes, toutes les idées j la monarchie a
surnagé; elle s'est affermie de nouveau, et
dans ce pays, au milieu d'une liberté portée
au plus haut point de développement, le trône
demeure environné de respect et de splen-
deur." Un phénomène exclusivement propre
aux peuples chrétiens est le sentiment monar-
chique. Ce sentiment, oui se marie d'une façon
admirable avec celui de la dignité personnelle,
forme une source abondante d inspirations
généreuses, un ressort qui meut les cœurs aux
grandes actions. Lié intimement à l'amour de
la patrie, il rend non-seulement supportables,
mais doux les liens de l'obéissance. Ce sen-
timent, qui ne présente rien de commun avec
l'humiliation abjecte des esclaves de l'Orient,
n'a pas seulement pour objet l'institution de la
monarchie, mais la conservation des familles
royales. Un certain nombre de races royales
et de familles illustres, dont le berceau est
couvert de l'obscurité des siècles, a été légué
en héritage par l'Europe ancienne à l'Europe
moderne, legs funeste, si l'on prend l'avis d'une
philosophie mesquine et superficielle, mais en
réalité, legs d'un prix infini. Dans les grandes
institutions rien ne s'improvise : pour occuper
te faite de la société, il faut des personnages
couverts d'un voile mystérieux. Sauf le cas où
la Providence délègue un génie privilégié afin
d'accomplir quelque rare dessein, un nomme
ordinaire ne saurait tout à coup se transformer
. en roi. Pour les Provinces-Unies, ce ne fut
point un avantage médiocre de trouver sur
leur propre sol Ta maison d'Orange, qui, de
façon ou d'autre, se trouva en mesure de sup-
pléer la royauté. Lorsque la Révolution de
1830 eut expulsé du trône de France la maison
BAL
de Bourbon, la France peut rendre grâce à
Dieu d'avoir placé sous sa main la maison
d'Orléans. Enfin, certaines nations d'Amérique
n'auraient pas souffert si longuement et ne
verraient pas devant elles un avenir si sombre,
si, le jour où elles secouèrent la domination
européenne, quelques familles préparées au
trône par leur ancienneté et leur illustration
s'étaient rencontrées sur le continent nouveau.
Les regards se seraient fixés naturellement
sur ces familles. On les aurait élevées à la
dignité suprême, et des torrents de sang
eussent été épargnés. » Ne dirait-on pas que
le gouvernement français s'est inspiré de cette
pensée de Balmès lorsqu'il a entrepris de
mettre fin à l'anarchie mexicaine en exportant
dans le nouveau monde un rejeton d une de
ces précieuses races monarchiques dont l'Eu-
rope est pourvue et qui forment un si heureux
obstacle aux efforts du rationalisme politique?
; Pourquoi l'institution monarchique est-elle
> „: j„ : i ,..._ r.i _rjx aux
suivant
. , . •!* sta-
bilité en même temps que la bénignité du pou-
voir. Pour' maintenir l'ordre, des ressources
immenses sont déposées entre les mains {lu
monarque. La stabilité se trouve garantie,
puisque toute porte est fermée à. l'ambition,
non-seulement dans le présent, mais encore,
grâce à l'hérédité, dans l'avenir. Le pouvoir,
^nfin, est porté à la bénignité,. parce qu'on l'a
placé en dehors des passions communes.
"Quelle cupidité, dit Balmès, peut exister
chez un homme qui possède tout? Quelle envie
peut atteindre le cœur d'un prince entouré a
chaque instant d'une sorte de culte? Aussi
l'histoire des nations modernes, au sein des-
quelles la monarchie a eu tout à la- fois une
grande extension et une grande solidité, nous
montre-t-elle fréquemment des souverains fai-
bles, rarement un prince méchant. Tout en
effet, autour des princes, semble combiné Je
nos jours pour porter leur cœur a la mollesse
plutôt qu'a la méchanceté. »
t Si partisan qu'il soit de la monarchie, Balmès
n'entend pas qu'elle dégénère en tyrannie. H
veut pour cela qu'entre la royauté et le peuple
il y ait une classe intermédiaire , une aristo-
cratie. Une monarchie démocratique, dit-il,
entraîne naturellement le despotisme des mi-
nistres et des favoris. Lorsqu'on s'occupera
sérieusement de replacer la société espagnole
sur ses bases, il faudra, comme l'ont fait, comme
le font tous les pays du monde, chercher des
éléments qui puissent former une aristocratie.
C'est à la richesse que l'on doit" demander ces
éléments. La richesse est une aristocratie de
tous les temps. Elle fournit le moyen de satis-
faire les besoins de celui qui la possède, et per-
met de soulager les nécessités d'autrui. Ainsi,
d'une part elle assure l'indépendance, de l'autre
elle donne des clients. Leriche se trouve au-des-
sus des tentations, filles de la nécessité; or, la
faiblesse habituelle du cœur de l'homme oblige de
demander à la richesse une garantie. Le temps
n'est plus des aristocraties purement mili-
taires : autres temps, autres conditions de vie,
autres devoirs. « Il fut un temps où une atti-
tude £ère? un bras de fer, un cœur résolu et
hardi suffisaient pour assurer à une classe de
la société un ascendant puissant. Pourquoi
cela? Parce que la société, soumise alors.à.la
loi de la force, .ou obligée par les circon-
stances à user constamment de force afin de
repousser des invasions, cherchait naturelle-
ment ce qui répondait à ses besoins les plus
essentiels, les plus urgents. Le plus vaillant
devait être, dans ce temps-là, le plus noble.
A mesure que la société, moins souvent obligée
de combattre, éprouva davantage l'utilité d'une
intelligence élevée et d'une énergie morale, la
royauté , qui satisfaisait complètement à ces
conditions, acquit sur toutes les institutions po-
litiques une prépondérance plus marquée. Les
classes jalouses de conserver leur ancien
ascendant devaient, dans ces circonstances,
se grouper autour du monarque, mais sans
troquer pour cela leurs prérogatives aristocra-
tiques contre des distinctions de cour. Elles
n'avaient qu'un moyen d'y réussir : c'était de
prendre l'initiative des réformes exigées par
l'esprit du temps , et de défendre leur propre
élévation en la justifiant par la supériorité de
l'intelligence, par l'énergie d'une activité con-
sacrée aux intérêts communs. L'aristocratie
qui a le mieux entendu sa position est celle
d'Angleterre. Les lords ne se sont pas bornés
à jouir de leurs gros revenus, à se chamarrer
de rubans et de croix, à briguer un regard du
monarque; ils se sont appliqués constamment
à commander les armées, les escadres, à
diriger la diplomatie, à remplir les hauts em-
plois, à fomenter l'industrie et le commerce,
à obtenir, avant tout le reste de la nation, le
prix du mérite personnel, la palme du dévoue-
ment à la grandeur de la patrie. Ce n'est pas
tout : comprenant que les races vont s'aïïai-
blissant et disparaissant à travers les siècles ,
voyant d'un autre côté que certains individus
des classes moyennes, ou même des rangs les
plus infinies, s'élèvent par leur talent et leur
labeur au-dessus du niveau où la naissance
les a placés, l'aristocratie anglaise s'est effor-
cée d'attirer à soi et de s'assimiler les éléments
nouveaux propres à lui donner vigueur et pres-
tige, éléments qui, laissés dans une autre
sphère, auraient formé tôt ou tard un contre-
poids et une rivalité, A la vérité, de telles
institutions ne s'improvisent pas. L'esprit du
siècle, porté au nivellement et à la démocratie,
BAL
ne permet point qu'une aristocratie semblable
à celle de la Grande-Bretagne s'établisse de'
nos jours en aucun pays du monde. Mais de
nos jours comme dans l'avenir, il n'en est pas
moins certain qu'on verra se réaliser au sein
de la société un principe éternellement vrai,
savoir : que toute classe civilisatrice finira par
devenir une crasse élevée , et que toute classe
élevée se trouvera soumise au devoir, à la né-
cessité d'être civilisatrice, sons peine de dé-
choir sans retour. Sa chute, dans ce cas, sera
tout à la fois un effet naturel du cours des
choses et un châtiment providentiel. » Le lec-
teur peut rapprocher ces réflexions de Balmès'
sur le rôle et les devoirs de l'aristocratie, de
celles que nous avons émises à l'article con-
sacré à ce mot.
balmier s. m. (bal-mié). Syn. de bau-
mier. Il V. mot.
BALMONT (la comtesse de Saint-), d'une
famille noble de Lorraine, vivait vers le milieu
du xvue siècle. Elle a composé une tragédie
intitulée les Jumeaux martyrs , ou Marc et
Marcelin, qui fut imprimée en 1650. C'était
une femme d'un caractère viril. Pendant une
absence de son époux , elle fut outragée par
un officier de cavalerie, le provoqua sous un
nom supposé, se battit en duel avec lui, cachée
sous des habits d'homme, et le désarma.
BALnéable adj. (bal-né-a-ble — du lat.
balneum, bain). Propre aux bains : Ces eaux
ne sont pas balnéables. .
BALNÉAIRE adj. (bal-né-è-re — du lat.
■balneum, bain). Relatif aux bains : La science
balnéaire.
BALNÉATION s. f. (bal-né-a-si-on — du
lat. balneum, bain). Aetion 'de prendre ou de
donner un bain.
balnéographe s. m. (bal-né-o-gra-fe)
— du lat. balneum, bain, et du gr. graphe, '
j'écris). Auteur d'écrits spéciaux sur l'usage
des bains.
BALNÉOGRAPHIE s. f. (bal-iié-o-gra-fi —
du lat. balneum, bain, et du gr. graphe, j'é-
cris). Science de l'application des bains a la
thérapeutique.
balnéographique adj. (bàl-né-o-gra-
fi-ke — rad. balnéographie). Qui a rapport
aux bains ou à la balnéographie : Etudes bal-
NEOGRAPHIQUES.
BALNÉOTECHNIB S. f. (bal-né-O-tèk-nî
— du lat. balneum, bain, et du gr, techné, art).
Méd. Théorie médicale de l'usage des bains.
BALNÉOTECHNIQUE adj. (bal-né-o-tèk-
ni-ke_ — rad. balnéotechnie). Méd. Qui a rap-
port à la balnéotechnie : Connaissances bal-
NÉOTECHNIQOES.
BALOCHARD s. m, (ba-lo-char— rad. ba-
locher). Pop. Nom par lequel les ouvriers de
■Paris désignent un homme de leur classe
d'un caractère enjoué et tapageur : Le balo-
chard représente surtout la gaieté du peuple;
c'est l'ouvrier spirituel, insouciant, tapageur,
qui trône à la barrière. (T. Delord.)
BALOCHE adj. (ba-lo-che). Hist. ecclés.
Qualification que l'on donnait autrefois à des
moines qui n'avaient le droit ni de confesser
ni de prêcher ; Un capucin baloche.
— s. m. Moine baloche : Un baloche.
BALOCHE s. f. (ba-lo-che). Bot. Groseille
à maquereau.
BALOCHER v. n. ou intr. (ba-lo-ché). Pop.
Muser, flâner, dans le langage du peuple
parisien.
BALOCHEUR, EUSE adj. (ba-lo-cheur,
eu-ze' — rad. balocher). Qui muse, qui flâne :
Ouvrier balocheur.
— Substantiv. Personne qui flâne, qui
muse : Un grand balocheur. Une petite ba-
LOCHEUSE.
BALOCHI ou BALXOCO (Louis), poë te italien,
né à Verceil en 1766, mort à Pans en 1832. Il
traduisit en italien le Mérite des Femmes, de
Legouvé, se fixa a Paris en 1802, fut attaché
au Théâtre-Italien, et composa pendant plus
de vingt ans des libretti pour ce théâtre, ainsi
que des pièces d'apparat et de circonstance,
telles que la Primavera felice (1816), pour le
mariage du duc de Berry, et II Viaggio à
Reims, pour le sacre de Charles X. Il a encore
donné, avec M. Soumet, le Siège de Corintke,
tragédie lyrique .(1816), et avec M. de Jouy
Moïse, opéra (1827).
BALOGH (Jean), homme politique hongrois,
né dans le comitat de Barsh en isoo. Depuis
1835, il siégea dans toutes les diètes de Hon-
grie,sur les bancs de l'opposition libérale, joua
un rôle actif dans les événements de 1848 et
1849, et servit avec dévouement la cause de la
nationalité, soit dans les armées, soit dans
l'administration. Après les désastres qui re-
mirent sa patrie sous le joug autrichien, il se
réfugia avec Kossuth sur le territoire turc.
On l'a accusé d'avoir, en 1848, poussé le peuple
à massacrer le comte de Lamberg ; mais cette
odieuse calomnie, contre laquelle il a éner-
giquement protesté, ne s'appuyait sur aucune
preuve.
BALOGHIE s. f. (ba-lo-ghî — de Balogh,
nom d'un botaniste). Bot. Genre de plantes
de la famille des eiiphorbiacées, dont 1 unique
espèce est un arbrisseau gai croît dans Fila
Norfolk.
Baloire s. f. (ba-loi-re). Mar. Lfinçue
BAL
131
pièce de bois qui détermine la forme d'un
navire à construire.
BÂLOis, Oise adj. et s. (bâ-loi, oi-ze)
Géogr. Habitant de Bâle; qui a rapport à
Bàle ou à ses habitants : Costume bâlois.
Industrie bâloisë. Presque toute dette hypothé-
caire de l'Alsace est inscrite au profit dès ca-
pitalistes bâlois. (Proudh.)Zes Bâlois leur ont
érigé une statue dans leur capitale. (A. Hugo.)
BÂLOIS-CAMPAGNARD, BÂLOISE-CAM-
PAGnarde adj. et s. Géogr. Habitant de la
Bâle-Cam'pagne ; qui appartient à la Bâle-
Campagne ou à ses habitants.
bâloise s. f. (bâ-loi-ze — du nom de h
ville de Bàle). Hortic. Variété de tuline tri-
colore. ■ L
— BALON (Nersès), hérésiarque arménien di
xive siècle, fut sacré évêque d Ormy, embrassr
ensuite l'anabaptisme, et, chassé par le peuple
se réfugia auprès du pape, à Avignon (1341)
et accusa alors les Arméniens; d'être, eux-
mêmes tombés dans l'hérésie. Cette aflairt
causa de grands troubles. Outre des traduc-
tions arméniennes, on a- de Bal6n.unA.6rej
de l'histoire de l'Arménie jusqu'en 1370.
BALONGE s. f. (ba-lon-je). Sorte de cuva
de bois.
BALOR s. m. (ba-Ior). Syn. de balour.
BALOTIN s. m. (ba-lo-tain). Bot. Variéti
de citronnier.
BALOUANE s. f. (ba-lou-a-ne). Techn
Masse cylindrique de sel, arrondie par les
deux bouts.
BALOUFEAdouBALOUFFETEAU (Jacques)
aventurier, né à Saint-Jean-d'Angely, mort en
1627. Fils d'un avocat de Bordeaux, il courut
le monde sous les noms de baron de Sainte-
Foy ou de baron de Saint-Angel, vécut d'in-
trigues et d'escroqueries, épousa plusieurs
femmes, tira de grosses sommes des gouver-
nements de France et d'Angleterre, et finit
par être pendu a Paris.
BALOULOU s. m. (ba-lou-lou). Bot. Nom
créole de la banane. *
BALOUR s. m. (ba-Iour). Mar. Embarcation
de pirates dans les Moluques, portant quatre
canons de six ou de huit en retraite et en
chasse, et quelques-uns en batterie, avec
trois cents hommes d'équipage au moins, il "
On dit aussi balor.
balourd, ourde s. (ba-lour, our-de — de
ba péjoratif, ici augmentatif, et de lourd).
Lourdaud, [personne stupide : Les comédiens
sont des balourds, de commencer la pièce du
Cid par la querelle du comte et de don Diègue.
(Volt.) Jean est un balourd, mais il n'est point
méchant. (Alex. Dumas.) Le balourd s'est
laissé choir. (G. Sand.) Comme les juges d'Iï-
léonore Galigaï lui demandaient par quel art
elle avait si bien maîtrisé l'esprit de Marie de
Médicis, elle répondit : Par l'ascendant d'une
âme forte sur une balourde.
Un poète a personnifié ce mot dans les
vers suivants :
Triste ou joyeux, fade ou sublime,
Chaque auteur porte son cachet;
De là vient que le plus discret
Ne saurait garder l'anonyme.
Par exemple, voyez Baloukp,
Quand ii vient nous tracer l'image
D'un pédant bien sot et bien lourd.
Comme il se peint dans son ouvrage!
— Adjectiv. Baroque et stupide : Disser-
tations balourdes de théologiens ; critiques
balourdes de La Harpe; lettres balourdes
de l'abbé Le Blanc. (Feydel.)
— Syn. Balourd, âne, bëte,- buse, balor,
ei-ucbe, goaacbe, ignorant, lourdaud , mâ-
choire. V, ÂNE.
— Antonymes. Fin, spirituel.
BALOURDISE s. f. (ba-lour-di-ze — rad.
balourd). Parole ou action de balourd, mala-
dresse, stupidité : Quand j'ai été malheureux,
je n'ai eu que ce que je méritais ; mais quand vous
l'êtes, c'est une balourdise de la Providence.
(Volt.) L'industrie de la nation répare les ba-
lourdises du ministère. (Volt.) Vous croyei
qu'une balourdise aussi grossière devrait
ouvrir les yeux à tout le monde ;point du tout.
(3.-3. Rouss.) Un peu de balourdise, en ma-
tière de madrigal, ne nuit pas toujours : cela
prouve la sincérité. (Th. Gautier), il Caractère
d'un balourd : Cet homme est d'une balourdise
extrême.
— Antonymes. Finesse, délicatesse.
— Anecdotes. Un jeune homme; lisant dans
la gazette que deux vaisseaux étaient arrivés
avec une forte charge de Terre-Neuve, de-
manda si la vieille n'était pas aussi bonne.
*
A la suite d'un accident de chemin de fer,
voici le rapport qu'un des employés adressait à
son chef : « Monsieur X... a reçu de graves
blessures à la tête ; mais on espère que l'am-
putation ne sera pas nécessaire. « -
*
Une jeune dame, ayant lu dans son journal
que deux livres de racahout des Arabes se
vendaient tel prix , se rend immédiatement à
rendez-moi. ■
Un amateur de peinture admirait un crucifie-
132
BAL
ment, où tout indiquait la touche d'un maître
consommé , et il regrettait de ne pas lire le
nom de l'artiste au bas du tableau. • Mais
voyez donc, s'écria quelqu'un ; ce chef-d'œu-
vre est signé, et tres-lisiblement ; il est de
fnri. »
*
Un médecin de Montargis, ayant été requis
par autorité de justice pour assister à l'exhu-
mation d'un, enfant nouveau-né qu'on avait
enterré sans déclaration préalable , et pour
émettre son avis sur les causes probables de
la mort , terminait ainsi son rapport : « Mon
opinion est que cet enfant est mort avant d'a-
voir vécu. »
*
» »
Dans un atelier d'imprimerie , un composi-
teur avait été installé a une casse assez rap-
prochée du mur pour qu'il fût difficile de pas-
ser derrière lui sans le déranger. • Quand tu
passes, dit-il un jour à l'un de ses camarades,
tu me marches toujours sur les pieds. — Dame,
le passage est si étroit. — Mais j'y passe bien,
moi! t La chronique n'ajoute pas, et c'est
vraiment dommage, si le typographe inter-
pellé a répondu a son camarade : • Ah I oui,
et tu ne te marches pas sur les pieds. »
» »
Une personne prit à son service un paysan
nouvellement débarqué à Paris, en lui disant :
« Je te donnerai 100 fr. de gages, et, si je suis
content, tu auras tous les ans une récompense
et je t'habillerai. > Le lendemain matin le do-
mestique ne parait pas; il se fait tard; le
maître sonne, même silence. Enfin le maître
monte, le trouve dans son lit, se fâche; le
valet lui dit : « Monsieur, ne sommes-nous pas
convenus que vous m'habilleriez? je vous at-
tendais. •
Un caporal instructeur prodiguait ses le-
çons , parfois embrouillées , à deux conscrits
nouvellement débarqués. Il les tenait tous deux
devant lui , fixes et l'oreille ouverte. Il venait
de leur expliquer, tant bien que ma], la théorie
de la marche , et en particulier ce premier de
tous les principes qui ordonne au troupier
français de partir du pied gauche. Il s'agissait
de passer à l'application. Le caporal, de sa
voix la plus militaire, fait résonner le com-
mandement de « archet « Le conscrit no l lève
incontinent le pied gauche , mais le conscrit
n« 2 juge à propos de lever le pied droit. A
l'aspect de ces deux pieds qui se touchent in-
considérément, au lieu d'être séparés par la
distance réglementaire , le caporal s'écrie :
• Quel est donc l'imbécile qui a l'incohérence
de partir péremptoirement des deux pieds à
la fois? ■
BALSAMACÉES s. f. pi. (bal-za-ma-sé —
du gr. Italsamos, baume. Bot. Syn. de balsa-
mifiuées.
balsamadine s. f. (bal-za-ma-di-ne —
du gr. balsamos, baume; adinos, abondant).
Bot. Glande sous-cutanée qui, chez plusieurs
végétaux, sécrète une oléo-résine odorante.
Balsamarie s. f. (ba)-za-ma-rî — contr.
du lat. balsamum Mariœ, baume de Marie).
Bot. Genre de plantes de la famille des gutti-
fères ou clusiacées, dont l'espèce type croît
aux Indes orientales, et fournit la substance
qui lui a valu son nom.
BALSAMÉE s. f. (bal-za-mé — du gr. bal-
samos, baume). Bot. Syn. de balsamodendron.
BALSAMÉLÉON s. m. (bal-za-mé-lé-on —
du gr. balsamos, baume; elaion, huile),
Pharm. Huile" aromatique imprégnée de prin-
cipes balsamiques.
BALSAMIE s. f. (bal-za-mî — du gr. bal'
ïamos, baume). Bot. Syn. de arisaron.
■ Balsamier s. m, (bal-2a-mié). Syn. de
baumier. V. ce mot.
BALSAMIFÈRE adj. (bal-za-mi-fè-re — du
lat. balsamum, baume, et fero, je porte). Bot.
Qui porte du baume.
BALSAMIFLUÉES s. f. pi. (bal-za-mi-flu-é
— du lat. balsamum, baume; fluo, je coule).
Bot. Famille de plantes dicotylédones, voisine
des amentacées, et particulièrement des pla-
tanées, renfermant de grands arbres à suc
résineux et balsamique, et q;ui se réduit au
seul genre liquidambar.
— Encycl. La famille des balsamifiuées ap-
partient à la classe des amentacées, division
établie parmi les dicotylédones apétales di-
clines. Elle offre les caractères suivants :
anthères nombreuses dans les fleurs mâles,
presque sessiles, sans calice, réceptacle com-
mun, portant quelques petites écailles ; ovaire
accompagné d écailles dans les fleurs femelles ;
deux styles oblongs, hérissés de papilles stig-
matiques; deux loges contenant chacune six
à huit ovules peltés; fleurs de l'un et l'autre
sexe réunies sur le même arbre, mais dispo-
sées sur des chatons différents. Fruit formant
une sorte de cône. Le seul genre connu jus-
qu'ici est l'arbre nommé liquidambar, dont
1 écorce produit un suc résineux de la nature
des baumes, et c'est à cette circonstance
qu'est dû le nom de balsamifiuées.
BALSAMINA s. m. (bal-za-mi-na). Agnc.
Variété de raisin.
BALSAMINA (Camille), célèbre cantatrice
italienne, née & Milan en 1776. Douée d'une
magnifique -voix de contralto? elle obtint des
succès retentissants sur les scènes d'Italie par
BAL
la pureté de sa vocalisation et l'expression
tendre et passionnée de son chant. Appelée à
Paris pour les fêtes du mariage de l'empereur
avec Marie-Louise d'Autriche, elle fut saisie
d'un refroidissement sur les cimes glacées du
niont Cents. Sa santé ne put se rétablir en
France, et elle revint mourir à Milan le
9 août 1810,
BalSaminacées s. f. pi. (bal-za-mi-na-sé
— rad. balsamine). Bot. Syn. de balsaminées.
BALSAMINE s. f. (bal-za-mi-ne — du gr.
balsamos, baume. Cette étymologie, évidente
par la forme, est absurde par le sens, la bal-
samine étant complètement inodore. Il serait
difficile d'indiquer l'allusion ou l'analogie qui
a donné lieu a ce nom bizarre). Bot, Genre
de plantes dicotylédones, type de la petite
famille des balsaminées, et appelé aussi im-
patiente, à cause de l'irritabilité du fruit, qui,
a sa maturité, éclate dès qu'on le touche :
Dans la balsamine, la capsule qui contient les
graines s'ouvre, à l'époque de la maturité, en
cinq valves qui se contractent et se roulent en
dedans. Ce petit phénomène s'opère souvent au
moindre contact, (Duméril. ) La balsamine
lance ses graines au loin. (A. Karr.)
Reine de ces bosquets, la tendre balsamine
Sur l'humble marguerite Tivec grâce domine.
Roucher.
— Encycl. Les caractères de la balsamine
sont : calice a deux divisions ; corolle à quatre
pétales, irrégulière ; le pétale supérieur en ca-
puchon, l'inférieur éperonné, et les deux laté-
raux biappendiculésoubilobés; cinq étamines;
capsule supère à cinq valves longitudinales
très-élastiques. A l'époque de la maturité, ces
valves s'enroulent subitement sur elles-mêmes
et lancent leurs graines au loin, au moindre
attouchement. Cette particularité a fait donner
au genre le nom d'impatiens. L'espèce qui se
distingue le plus par cette singulière propriété
est la balsamine des bois (noli-tangere). Elle
est vivace ; ses feuilles se mangent en guise
d'épinards, et servent à teindre la laine en
jaune.
Parmi les autres espèces, la plus remar-
quable est la balsamine des jardins (impatiens
balsamina). C'est une plante annuelle, origi-
naire, de l'Inde, mais cultivée en Europe de-
puis plus de trois siècles. Sa tige est rameuse,
grosse, herbacée, très-tendre, haute de o m. 60 ;
ses feuilles sont sessiles, alternes, glabres,
lancéolées, un peu charnues ; ses fleurs sont
réunies en bouquets surdespédoncules simples
et axillaires. Peu de plantes varient autant
que la balsamine des jardins ; il est extrême-
ment rare d'en trouver deux pieds exactement
semblables dans le même semis. Le type pri-
mitif, a fleurs rouges, simples, de grandeur
moyenne, a produit des variétés innombrables,
parmi lesquelles on remarque la balsamine à
rameaux et la balsamine camélia. On cultive,
en général, cette plante comme fleur d'automne
dans les massifs et les plates-bandes, dont
elle est un des principaux ornements depuis la
fin du mois de juillet jusqu'aux premières
gelées.
La balsamine se multiplie de ses graines.
Celles-ci doivent être récoltées quelque temps
avant la maturité, sur des individus à fleurs
doubles et choisies. On sème sur couche au
mois d'avril. Le plant est ensuite repiqué en
plate-bande bien terreautée, et, quand il est
assez fort, levé en motte et mis en place par
un temps humide et couvert. Une terre tr.ès-
légère, extrêmement fumée, est celle qui con-
vient le mieux pour cette culture.
BALSAMINE, ÉE adj. (bal-za-mi-né — rad.
balsamine). Bot. Qui ressemble à une bal-
samine.
— s. f. pi. Famille de plantes dicotylé-
dones, ayant pour type le genre balsamine, et
confondue autrefois, comme simple tribu, avec
les géraniacêes.
— Encycl. La famille des balsaminées, com-
prise autrefois dans celle des géraniacêes,
appartient aux plantes dicotylédones, à co-
rolles polypétales et étamines hypogynes.
D'après les travaux de Rœper, elle offre les
caractères suivants : calice à cinq folioles,
dont deux sont quelquefois très-petites ou
même disparaissent complètement; cinq pé-
tales alternant avec les folioles du calice, mais
dont quatre se soudent souvent entre eux
deux à deux; cinq étamines alternes avec les
Ï létales, soudées entre elles par les bords de
eurs anthères et le sommet de leurs filets ;
ovaire à cinq loges renfermant chacune un
ou plusieurs ovules, et qui devient un drupe
. a noyau quinquéloculaire ou une capsule dont,
à la maturité, la portion extérieure est douée
d'une force élastique qui la fait se séparer en
cinq valves; graine de forme ovoïde, a radi-
cule supère et très-courte. Les feuilles sont
simples, opposées ou alternes, et n'ont pas de
stipules. Les fleurs sont tantôt solitaires, tan-
tôt réunies deux à deux ou trois à trois, aux
aisselles des feuilles, et lorsque celles-ci avor-
tent, elles forment une grappe terminale; elles
ont généralement beaucoup de tendance à se
panacher et à doubler par la culture.
Les balsaminées ont pour type le genre bal-
samine (impatiens de Linné). On connaît en-
viron douze espèces de balsamines, parmi
lesquelles on compte : la balsamine des jar-
dins, dont les fleurs, réunies en bouquets,
produisent un effet fort agréable dans nos
parterres, et la balsamine des bois (impatiens
noli-tangere de Linné), plante vivace qui
BAL
croit spontanément dans les bois et qui lance
ses graines au dehors dès qu'on touche à
sa tige.
BALSAMIQUE adj . (bal-za-mi-ke — du gr.
balsamos, baume). Qui a la nature ou l'odeur
du baume ; parfumé, embaumé : Parfum, pro-
priétés balsamiques. A un endroit où la route
est ombragée, où le vent apportait des odeurs
balsamiques, Camille fit remarquer ce lieu
plein d'harmonie. (Balz.) L'urine, au premier
contact de l'air, doit avoir une odeur balsa-
mique. (Raspail.)
Nul ombrage fertile
N'y donne au rossignol un balsamique asile.'
A. Cuénier.
J'ai vu des prés couverts de leurs manteaux de fleura,
Balsamiques tapis aux suaves couleurs,
Trésors où butinaient les abeilles sauvages.
LÀCIIAMDAUDIE.
— Fig. Qui calme, qui apaise l'âme, qui
produit un doux sentiment de quiétude :
La consolation
D'avoir fait de ses biens la distribution
Répand au fond du cœur un repos sympathique,
Certaine quiétude et douce et balsamique.
Reonard,
— Pharm. Qui contient quelque baume :
Pilules BALSAMIQUES. Sirop BALSAMIQUE.
— s. m. Médicament balsamique : Les bal-
samiques. L'emploi des balsamiques est de
rigueur en certains cas.
BALSAMITE s. f. (bal-za-mi-te — du gr.
balsamos, baume). Bot. Genre de plantes de
la famille des composées, tribu des sénécio-
nidées, formé aux dépens des tanaîsies.
— Encycl. Ce genre , formé par Desfon-
taines aux dépens du genre tanacetum, a pour
caractères : involucre imbriqué ; fleurons tu-
buleux et graines membraneuses. On en con-
naît environ douze espèces particulières à
l'ancien continent. Parmi ces espèces, la plus
commune est la balsamita suaveolens, appelée
vulgairement menthe-coq, baume des jardins.
C'est une plante vivace, très-aromatique, qui
croit naturellement dans tout le midi de la
France. Ailleurs, on la cultive dans les jar-
dins. Sa tige blanchâtre a de 0 m. 60 à l m. de
haut; ses feuilles sont ovales, dentées, grisâ-
tres; ses fleurs, d'un jaune d'or, sont réunies
en capitules petits, nombreux, qui forment un
large corymbe. La balsamite se multiplie de
drageons, de graines et de boutures.
BALSAMO. Nom de divers écrivains italiens,
Îiarmi lesquels : Laurent Balsamo, né à Pa-
erme, vivaitau commencementduxvne siècle.
Il a composé, en dialecte sicilien, des Canzoni
sacre , et . autres poésies insérées dans les
Muse siciliane (Palerme, 1653); — Ignace
Balsamo, jésuite, né à Messine, mort en 1659,
a composé quelques poésies religieuses, no-
tamment un recueil Sur le martyre de saint
Placide, imprimé a Messine en 1653; — Ignace
Balsamo, ou Balsamone, jésuite, né dans la
Fouille en 1545, mort à Limoges en 1618. Il
remplit pendant plus de trente-cinq ans, en
France, les premiers emplois de son ordre. Il
a publie, en français : Instruction sur la per-
fection religieuse et sur la vraie méthode de
prier et de méditer (l6ll) ; cet ouvrage a été
traduit en latin.
BALSAMO (Joseph), véritable nom de Ca-
gliostro. V. ce dernier nom,.
BALSAMO (l'abbé Paul), agronome italien,
né à Termini (Sicile) en 1763, mort en 1818 a
Palerme, où il professait l'agriculture, Il s'était
lié, pendant un séjour en Angleterre, avec le
célèbre Arthur Young, dont il adopta en partie
les idées sur l'agriculture. Dans son ensei-
gnement et dans ses ouvrages, il émit un
grand nombre de vues utiles, proposa d'im-
portantes réformes, et fut nommé bibliothé-
caire du roi. Ses écrits sont encore fort
estimés en Italie. Ils sont tous relatifs à
l'agriculture et à l'économie politique.
Baïaamo , roman de M. Alexandre Dumas ,
d'abord publié en feuilletons, puis réuni en
6 vol. in-80, et plusieurs fois réédité sous
différents formats. Le titre véritable est :
Mémoires d'un médecin — Joseph Balsamo.
On a trouvé plus simple de dire Balsamo tout
court, et c'est sous ce dernier nom que l'ou-
vrage est le plus généralement connu. D'ail-
leurs, pourquoi ces trois mots : Mémoires
d'un médecin? Us ne sont pas justifiés par le
récit , et ne figurent, au-dessus du nom suf-
fisamment alléchant du héros dont on pré-
tend donner les Mémoires, que pour piquer
davantage encore la curiosité. Rien ne res-
semble moins à des mémoires que la fable
invraisemblable, mais fort attachante, dé-
roulée par M. Alexandre Dumas, de cette
Slume alerte et audacieuse qui ne connaît pas
'obstacles et s'amuse de ses propres forfan-
teries. Cette plume, qui s'abandonne au gré
de la fantaisie, on la connaît; elle coud et
découd la narration à plaisir; elle va, vient,
passe et repasse avec cette absence d'apprêt
qui en fait tout le charme ; elle dit à l'impos-
sible : Soyons inséparables; et, enfourchant
l'histoire qu'elle dompte à sa guise, elle dé-
vore le papier sans se lasser jamais, et sans
que jamais non plus le public se lasse de la
suivre dans ses excursions vertigineuses. Tout
le monde connaSt ce Joseph Balsamo, qui, sous
le nom de comte de Cagliostro, tient une si
large place dans la chronique secrète du der-
nier siècle. Héros mystérieux d'histoires ro-
manesques, il suffirait de raconter sa vie pour
avoir le plus surprenant des récits. M. Alex an-
BAL
dre Dumas en a fait un franc-maçon de contes
de. fées et un magnétiseur de mélodrame.
L'action repose presque entièrement sur l'art
diabolique d'endormir les jeunes filles et de
leur arracher des secrets importants, qui
deviennent une arme entre les mains de cet
homme extraordinaire. Comme dans le Ma-
gnétiseur de Frédéric Soulié, une demoiselle
de grande famille est violée pendant le som-
meil magnétique. Mais, dans Joseph Balsamo,
ce n'est pas l'endormeur qui commet cette
scélératesse ; l'endormeur ici fait de l'art pour
l'art, et ne songe nullement a pincer le men-
ton aux fillettes qui ont les paupières closes
sous son regard fascinateur. Il a même, sans
y prendre garde, dans un coin isolé de ses
appartements, bien et dûment enfermée et
cadenassée, une épouse légitime dont il res-
fiecte la virginité avec un soin tout particu-
ier. Savez-vous pourquoi? C'est que, selon
lui, une vierge seule peut offrir à sa science
un sujet irréprochable. La pauvre femme
se désole ; elle se morfond dans sa robe im-
maculée comme une colombe dans la neige ;
elle fait tout pour passer de l'état de fille à
un état moins ingrat; son mari s'obstine, à
garder de Conrart le silence prudent, sur les
joies du mariage; il s'obstine à laisser son
manteau entre les mains suppliantes de cette
pauvre éplorée, Italienne au sang bouillant,
qui a des nerfs comme une Française et de la
passion comme une Andalouse. Ce n'est qu'à
l'avant- dernier volume que Balsamo suc-
combe, et le magnétisme n'y perd aucun de ses
droits : on peut se donner à son mari et au
fluide, sans que l'un nuise à l'autre, voilà ce
qui est constaté, hélas 1 bien tardivement pour
la malheureuse femme dont les jours étaient
comptés. Elle ne tarde pas, en effet, à être
assassinée par un alchimiste égaré à la pour-
suite de la pierre philosophale , bonhomme
dont les alambics léclament absolument du
sang de vierge, et qui jette des cris de paon
lorsqu'il apprend que la pauvrette avait quitté
le matin même sa tunique d'innocence. Ainsi
placée entre le magnétisme et l'alchimie,
M"1» Balsamo devait nécessairement périr
un jour ou l'autre de mort violente. Pendant
ce temps, Mlle Andrée dé Taverney, aban-
donnée en plein sommeil magnétique dans un
massif d'arbres par Balsamo, devient la proie
d'un certain Gilbert , jeune paysan venu de
Taverney à Paris dans la voiture de la Du-
barry, et qui depuis longtemps poursuit de
ses vœux intempestifs la fière et hautaine
Andrée. Ce drôle, qui s'est abreuvé d'axiomes
philosophiques et de lectures dont il n'a pas
saisi le véritable sens, montre durant tout le
roman un assez vilain caractère, et la ren-
contre de Jean-Jacques Rousseau qu'il a faite
un jour, de Jean-Jacques Rousseau qui l'a
hébergé, ne l'a nullement -corrigé dé certains
défauts assez méprisables. Deux fois déjà.
Gilbert a tenu à sa disposition Andrée en-
dormie; il l'a respectée; mais à la suite d'une
conversation où la noble fille a écrasé de toute
sa fierté le paysan philosophe, celui-ci a.
juré qu'elle serait & lui. Ce soir-là donc, il
l'emporte à demi morte dans sa chambre, et la
bougie qui roule sur le parquet s'éteint, à
propos pour nous empêcher de constater tous
les risques que court une jolie fille magné-
tisée. Or, il se trouve que M"e Andrée de
Taverney, une des personnes attachées à la
dauphine , a été remarquée par ce libertin
couronné qu'on appelait Louis XV. Richelieu,
faisant l'office d'entremetteur, a juré à Sa Ma-
jesté qu'elle n'avait qu'à se présenter pour
être agréée. Sa Majesté s'introduit la nuit chez
Andrée; mais le sommeil étrange qui donne
à celle-ci l'apparence d'un cadavre cause au
roi une frayeur si grande qu'il s'enfuit, tandis
que Gilbert, qui est un esprit fort, reste maître
du terrain. Quelques mois se passent, et, sous
les yeux mêmes de Marie-Antoinette, Andrée
a des défaillances. Ces défaillances n'annon- ,
cent rien de bon au docteur Louis, au prati-
cien de premier ordre qui, d'un coup d'teil,
voit que Mlle de Taverney en a pour six mois
encore de maladie. Richelieu compte sur ses
doigts : six et trois font neuf. — C'est bien cela,
se dit de son côté le père d'Andrée, qui a
trempé dans le complot royal avec ce laisser-
aller des ducs, comtes et marquis d'alors. On
s'attend donc de toutes parts à la prochaine
venue d'un bâtard qui vaudra son pesant d'or,
et l'on sourit à Andrée, qui ne comprend rien
aux clins d'yeux, aux demi-mots et aux in-
sinuations dont on l'accable. Andrée a un
frère, plus honnête heureusement que tous
ces drôles à dentelles qui papillonnent au-
tour du trône. Il apprend l'état de sa sœur et
la questionne. Andrée se révolte, et ce n'est
que plus tard et par la grande vertu du ma-
gnétisme que la vérité éclate, Louis XV n'a
pas le moindre reproche à se faire touchant
M"» de Taverney; c'est Gilbert qui a cueilli
le bouquet d'oranger préparé pour Sa Ma-
jesté. Balsamo, quon avait fini par accuser,
le prouve, et Gilbert, d'ailleurs, ne demande
pas mieux que de f econnaltre devant notaire le
fruit de son nocturne attentat. Balsamo, qui
tranche du grand seigneur, veut aider Gilbert
à réparer un méfait dont il a été lui, Balsamo,
la cause involontaire; car s'il n avait pas
oublié de réveiller Andrée, mons Gilbert se
serait borné ce soir-là à regarder les étoiles.
Il est vrai qu'alors le roi Louis XV... décidé-
ment Andrée ne pouvait manquer de devenir
la cliente du docteur Louis. Balsamo, disons-
nous, veut aider Gilbert à épouser M11* Andrée
de Taverney, ce qui, par les idées philosophi-
BAL
ques qui courent, ne lui parait pas impossible.
U donne pour cela 100,000 écus de dot .au
jeune paysan. Mais c'est ici que l'auteur
ouvre un chapitre où Gilbert voit qu'un crime
est plus facile à commettre qu'un préjugé à
vaincre. — «Vous m'avez possédée pendant
mon sommeil, dit dédaigneusement Andrée à
Gilbert; vous m'avez possédée par un crime ;
je suis mare, c'est vrai , mais mon enfant n'a
qu'une mère, entendez-vous? Vous m'avez
violée, c'est vrai, mais vous n'êtes pas le père
de mon enfant. » A ce vous m'avez violée, c'est
vrai, on reconnaît M. Dumas ; « vous m'avez
violée , c'est vrai... — Eh bien , n'en parlons
plus, • devrait ajouter Andrée ; au lieu de cela,
elle jette les 100,000 écus en billets à la' face
de Gilbert, qui les ramasse et les rapporte à
Balsamo. Ce trait de probité, qui rappelle le
cocher Adèle de la légende, touche profondé-
ment le magnétiseur j il abandonne 20,000 liv.
au jeune homme, qui ne peut se faire à l'idée
que son enfant ne le connaîtra jamais. « Il ne
faut pas? pense-t-il, qu'Andrée de Taverney
possède jamais cet enfant, qu'elle habituerait
a exécrer le nom de Gilbert. Puisqu'elle refuse
le mariage, j'aurai l'enfant. » Sitôt dit, sitôt
fait. Balsamo, qui est le grand magicien .dont
la baguette d'argent dirige tout en cette affaire ,
lui donne un passe-port flanqué de signes ma-
çonniques et de lettres mystérieuses ; grâce à
ce passe-port, il s'embarquera. En attendant,
il guette la délivrance d'Andrée, et, dès que
le médecin a quitté la mère, il pénètre dans
.l'hôtel de Taverney et enlève 1 enfant; per'
sonne ne s'en aperçoit, car M. Alexandre
Dumas a toujours soin de mettre au doigt de
ses héros l'anneau de Gygès. Gilbert emporte
son précieux fardeau à Villers-Cotterets, pa-
trie du célèbre romancier, qui prend aussitôt
la parole en ces termes : « On nous demandera
pourquoi Gilbert avait choisi la petite ville
de Villers-Cotterets préférablement à toute
autre... Rousseau avait, un jour, nommé la
forêt de "Villers-Cotterets comme une des plus
riches en végétation qui existassent, et, dans
cette forêt, il avait cité trois ou quatre vil-
lages, cachés comme des nids au plus profond
de la feuillée. Or, il était impossible qu'on
allât découvrir l'enfant de Gilbert dans l'un de
ces villages. Haramont surtout avait frappé
Rousseau... > C'està Haramont, chez les époux
Pitou, que Gilbert laisse son enfant; il dépose
les 20,000 livres que Balsamo lui a données
chez un tabellion; cette somme est destinée à
subvenir aux frais d'éducation et d'entretien
de l'enfant, comme aussi a lui fournir un éta-
blissement de laboureur, lorsqu'il aura atteint
l'âge d'homme. Gilbert, qui n a conservé par
devers lui que quelques centaines de livres,
arrive au Havre et monte sur l'Adonis, en
partance pour le nouveau monde. Avant de
quitter terre, il écrit la lettre suivante à
Mlle Andrée de Taverney : « Je pars, chassé
par vous, et vous ne me re verrez plus ; mais
j'emporte mon enfant, qui jamais ne vous ap-
pellera sa mère. • Philippe de Taverney,
Maison-Rouge , ce frère d'Andrée dont nous
avons déjà parlé, court au Havre, rejoint
l'Adonis, et s embarque sons un nom supposé
et sous un costume d'emprunt sur ce navire.
La haine au cœur, il guette Gilbert comme un
tigre guette sa proie, prêt à bondir sur lui et
à le terrasser, dès que le lieu et l'occasion
seront propices. Aux lies Açores, le bâtiment
fait relâche et les passagers tentent une
excursion à. terre. Gilbert, qui ne sait pas que
l'ennemi veille à deux pas de lui, descend
tout soucieux de l'Adonis qu'il ne reverra
plus. Au détour d'un sentier où il est allé
chercher la solitude, Philippe de Taverney
lui apparaît menaçant et terrible, et veut le
forcer à dire où est l'enfant. Gilbert refuse
toute explication à ce sujet. Philippe veut du
moins l'obliger a se battre avec lui. Il refuse
encore. Alors Taverney, aveuglé par la colère,
lui crie ; « Meurs comme un scélérat dont je
purge la terre , meurs comme un sacrilège ,
meurs comme un bandit, meurs comme un
chien ! » En même temps, il lui tire un coup de
pistolet. Gilbert tombe mortellement frappé.
— Le roman finit au moment où Louis XV
rend & Dieu ou au diable son âme corrompue.
— Tel est le sujet principal de cet ouvrage, où
sont amassés, comme dans tous les romans de
M. Alexandre Dumas, une foule d'événements
qui, pour être parfois étrangers à l'action, n'en
sont pas moins acceptés avec intérêt. Joseph.
Balsamo est un conte qu'on peut se laisser
conter une fois. Le relire, quand déjà on l'a
lu, serait trop. L'auteur a un tel aplomb,
une si grande sûreté de main, un babil si
étourdissant; il sait si merveilleusement vous
détourner de l'analyse et de la réflexion , que
vous avez fini par courir les grands chemins
de l'imagination avec lui, ne voyant plus que ce
qu'il lui plaisait de vous laisser voir. Mais,
quand le charme a été rompu, quand la pensée
a repris ses droits, vous avez dû vous deman-
der s'il est bon qu'un des plus habiles conteurs
de notre siècle fasse un tel usage de son ta-
lent. Les romans d'Alex. Dumas ont été dévo-
rés par une infinité de lecteurs appartenant à
toutes les classes ; le peuple les a lus comme
les gens instruits, plus qu'eux peut-être, et il
n'est pas défendu de croire que Joseph Bal-,
samo a préparé les voies pour tous ces charla-
tans du spiritisme, des tables tournantes, des
esprits frappeurs, etc., dont le succès est une
honte pour le xixe siècle. Les frères Davenport
sont peut-être le dernier des fruits qui ont
poussé sur l'arbre de la crédulité planté, ou au
moins cultivé avec amour par M. Alex. Du-
BAL
mas, qui semble avoir fini par prendre au
sérieux les produits fantasmagoriques d'une
imagination bien riche, assurément, mais d'une
richesse bien vide. On se plaint souvent qu'il
n'y a plus d'esprit public en France, que
toutes les grandes questions n'y excitent plus
que de l'indifférence, et cela est vrai peut-être.
Mais à qui la faute? Ne pourrait-on pas dire
qu'elle retombe, en partie du moins, sur plu-
sieurs de nos romanciers, qui semblent s être
donné pour tâche de défendre les plus mau-
vaises causes et de raviver l'esprit de super-
stition que les philosophes du xvme siècle
avaient eu tant de peine à détruire ? Joseph
Balsamo n'est donc point un roman qu'on
doive relire : il a eu le succès qu'Alex. Dumas
est presque toujours sûr d'obtenir pour cha-
cune de ses œuvres nouvelles ; mais on ne doit
pas désirer que ce succès survive à son au-
teur.
Eh quoil on veut former une génération
d'élite, une génération qui aura de grands
devoirs à remplir, et les instituteurs du peuple
du xixe siècle , les Dumas , les Balzac , les
Gautier, ne trouvent pas d'autres livres à
mettre entre ses mains que Lambert, Spirite
et Balsamo! Ce petit-lait édulcoré, cette tisane
frelatée, n'entraient pas dans le système d'é-
ducation du Centaure. Voilà pourquoi, au lieu
.d'Achilles, on nous prépare une descendance
de Laridons.
balsamodendron s. m. (bal-za-mo-
dain-dron — du gr. balsamos, baume; den-
dron, arbre). Bot. Syn. de amyride. V. ce
mot.
BALSAMON (Théodore), célèbre canoniste
grec, né à Constantinople dans le xn« siècle,
mort en 1204. Il était chancelier et bibliothé-
caire de Sainte-Sophie, et fut nommé pa-
triarche d'Antioche en 1186, mais ne put
£ rendre possession de son siège, parce que les
>atins étaient maîtres de la ville. Il a donné,
sur les matières canoniques, divers ouvrages
qui l'ont placé au premier rang des canonistes
grecs, quoiqu'il fût peu versé dans la critique
et^dans la connaissance des antiquités ecclé-
siastiques.
BALSAMONE s. f. (bal-za-mo-ne — du gr.
balsamos, baume). Bot. Syn. de cuphée. V.
co mot.
BalsamophOre s. f. (bal-za-mo-fo-re —
du gr. balsamos, baume; phoros, qui porte).
Bot. Syn. à'héliopside.
Balsamorhize s. f. (bal-za-mo-ri-ze —
du gr. balsamos, baume; rluza, racine). Bot.
Nom spécifique d'une heliopside.
BALSE. V. BALZE.
BALS E M s. m. (bal-sèmm). Bot. Arbre qui
produit le baume de La Mecque.
BALTA (autrefois Jozevogrod), ville de la
Russie d'Europe dans le gouvernement de
Podolie, près de la frontière de Kerson, sur la
Kodyma, à 338k-S.-E.de Kamiénee. 8,931 hab.
— Cette ville, autrefois frontière de la Pologne
et de la Turquie, était moitié turque, moitié
polonaiser et conserve encore des traces de sa
double origine.
BALTACCHINI (Xavier), poète italien, né à
Barletta (royaume de Naples) en 1800. Il fut
d'abord rédacteur d'un journal libéral, alla
ensuite à Pise, où il publia une traduction de
Colutus le Thébain ; revint à Naples et y fit
par.ltre le conte de la Giojetta , ainsi que
d'autres poésies; voyagea en Europe, et, à
son retour, composa le poëme intitulé Hugo
de Cortone, puis traduisit la Parisina de By-
ron et VAleptor de Shelley.
En 1848, il siégea comme député au parle-
ment napolitain parmi les libéraux modérés,
et fut président de la commission d'instruction
publique. U fut aussi un des principaux rédac-
teurs du Musée des sciences et de la littéra-
ture et d'un journal politique, le Temps. En-
fin il a publié plusieurs éloges funèbres et de
nouvelles poésies.
BALTACCHINI (Michel), littérateur italien,
frère du précédent, né à Naples en 1803. C'est
un des bons écrivains de l'Italie contempo-
raine. Parmi ses œuvres purement littéraires,
on distingue particulièrement : Novelletie mo-
rali (1829), plusieurs fois réimprimées; le Fils
du proscrit, roman historique (1838); de nom-
breux écrits dans divers recueils. On lui doit
aussi une excellente Histoire de Masaniello
(1834). Enfin il a donné des travaux philoso-
phiques importants : la Vie et les écrits de
Cavipanella (1840-1043) : Traité du scepticisme
(1851); Exposition de la philosophie de Kant
(1854), etc.
BALTADJI s. m. (bal-tadd-ji). Officier pré-
posé à la garde du harem et des princes otto-
mans : Le nom des baltadjis veut dire porte-
hache, et vient de ce que, guandils accompagnent
au dehors les dames du harem, ils portent une
hallebarde dont le fer a la forme aune hache.
(Belèze.)
BALTADJI (Mohammed), grand vizir otto-
man, commandait l'armée qui enveloppa Pierre
le Grand sur le Pruth, mais céda aux sugges-
tions de Catherine et signa le traité de paix de
Falezi. Charles XII, roi de Suède, réfugié en
Turquie depuis Pultawa, se livra à une telle
colère en apprenant que le czar, son ennemi,
avait échappé au danger, qu'il déchira la robe
du grand vizir d'un coup d'éperon. Plus tard il
parvint à le faire exiler à LemDos, où il mou-
rut en 1712.
BAL
BALTARD (Louis-Pierre), architecte, gra-
veur, peintre et littérateur français, né à Paris
en 1765, mort le 22 janvier 1846. Il se destinait
d'abord à l'art de la gravure et entra à l'école
académique établie au Louvre, Sa facilité pro-
digieuse, l'adresse et la perfection avec les-
quelles il dessinait le paysage le firent bientôt
remarquer et lui valurent d être employé à la
rédaction 'des projets d'embellissements que
Louis XVI avait demandés pour la capitale aux
architectes Ledoux; Brongniart et Paris. Le
baron de Breteuil lui ayant assuré une pension,
il partit pour l'Italie en 1788. On assure que la
vue des admirables monuments de Rome dé-
cida sa vocation pour l'architecture et qu'il
apprit de Peyre les principes de cet art. Ce qui
est certain, c'est qu'il partageait son temps
entre cette nouvelle étude et l'exécution de
paysages à l'huile, à l'aquarelle et à l'encre de
Chine, lorsque la Révolution française vint à
éclater et l'obligea à quitter Rome. De retour
à Paris, il obtint la place de dessinateur des dé-
corations de l'Opéra, mais il l'abandonna bientôt
pour se joindre aux volontaires qui couraient
à la défense des frontières. Envoyé à l'armée
en qualité d'adjoint au génie militaire, il se
distingua par plusieurs projets de fortifications
que Carnot approuva, mais dont l'exécution
rencontra des oostacles dans la rapidité de la
guerre. Rentré dans la vie civile, il accepta
la place de professeur d'architecture àl'École
polytechnique, lors de la création de cette
célèbre école; mais il l'occupa fort peu de
temps et s'adonna de nouveau à l'art de la
gravure. En 1802, il grava vingt-sept planches
pour le Voyage dans la haute et la basse Egypte,
de Vivant Denon. L'année suivante, il dessina
et grava au burin un grand nombre de vues
d'après nature pour le Pariseum ou Paris et
ses monuments, importante pubtieation dont le
texte fut rédigé par Amaury Duval. Cet ou-
vrage fut suivi de : Ecouen, Saint-Cloud et
Fontainebleau (in-fol.). En 1806,Baltard publia,
sous le titre de Voyage pittoresque dans les
Alpes (in-40) un recueil de quarante vues des
monuments de Rome, exécutées à l'aqua-tinta
et précédées de lettres à Percier. En 1810, il
grava,'d'après la colonne de la grande armée,
145.eaux-forteS qui, pour la pureté du dessin,
l'habileté et la hardiesse de l'exécution, sont
au moins égales à ce que Piranesi a produit
de plus beau. Dans la suite, il fit des planches
pour le Voyage en Espagne, du comte A. de
Laborde ; pour les Antiquités de la Nubie, de
F.-C.Gau(l82l.-l827);pourle Voyagea l'oasis
de Thèbes , de Cailliaud (1822); pour l'Expé-
dition scientifique en Morée (1831 et suiv.);
Ïiour X'Athenœum, journal d'art, dont il était
ui-même rédacteur. Sous le titre d'Architec-
tonographie des prisons, (iu-fol., 1830), il mit
en regard les divers systèmes de prisons en
usage chez les anciens et les modernes. Une
publication non moins importante fut celle
qu'il entreprit en collaboration avec Vaudoyer :
Grands prix d'architecture (in-fol., 127 pi.,
1834.). Il a gravé avec un égal succès des
compositions historiques : les Aveugles de Jéri-
cho, Rebecca et Eliézer, le Baptême, d'après le
Poussin; plusieurs portraits, entre autres ceux
de Napoléon, de Poussin, de Jean Bullant ; des
paysages d'après nature; le Taureau, d'après
P. Potter; onze planches pour le traité de-
Ch. Lebrun sur les rapports de la face hu-
maine avec celle des animaux, etc. Comme pein-
tre, il a exposé : en 1810, Philoctète dans l'île
de Lemnos, paysage historique; en 1812, Vue
du Marché Saint-Martin et Vue de la Halle aux
vins; en 1814, la mort d'Adonis; en 1834, Vues
de Montecavo et de Grotta-Ferrata. Comme
architecte, Baltard envoya aux divers concours
des dessins remarquables par leur aspect pitto-
resque et leur surprenante richesse de com-
position. Nommé architecte du Panthéon, des
tribunaux, des mairies, des prisons, des halles
et des marchés de Pans, il construisit les cha-
pelles de Sainte- Pélagie et de Saint-Lazare.
A Lyon, il bâtit le magasin à sel, la prison de
Perrache, et fut chargé, à la suite d'un con-
cours (1834), d'élever un palais de justice sur
le quai de la Saône, opération importante à
laquelle il consacra les dernières années de
sa vie. A l'époque de sa mort, il était che-
valier de la Légion d'honneur, membre du
conseil des bâtiments civils, inspecteur géné-
ral des travaux de, la Seine. Il était profes-
seur de théorie à l'École des beaux- arts, de-
puis 1818.
BALTARD (Victor), architecte et dessinateur
français, fils et élève du précédent, né à
Paris le 10 juin 1805. 11 remporta le grand
prix d'architecture en 1833. Après un séjour
de cinq ans en Italie, il revint à Paris, où il
obtint l'emploi de sous-inspecteur des travaux
de la ville. De grade en grade, il parvint aux
fonctions de directeur des travaux de Paris et
du département de la Seine. Il a construit en
cette qualité plusieurs édifices publics, no-
tamment les bâtiments annexes de l'Hôtel de
ville, l'escalier d'honneur de la cour centrale
du même monument, le nouvel hôtel duTimbre,
les Halles centrales, vaste monument qu'on
peut considérer comme le produit le plus ori-
ginal, le plus caractéristique de l'architecture
française contemporaine, et qui suffirait pour
placer l'auteur parmi les constructeurs les plus
intelligents et les plus habiles de notre époque.
(V. Halles.) M. Victor Baltard a dirigé avec
' beaucoup de goût et de savoir les décorations
et restaurations de plusieurs églises de Paris,
Saint-Germain-ties-Frés, Saint -Eustache,
Saint-Séverin, Saiut-Etienne-du-Mont, etc. Il a
BAL
133
dirigé aussi Iesfêtes et cérémonies qui ont eu
lieu à l'occasion du mariage de Napoléon III,
de la visite de la reine d'Angleterre, du bap-
tême du prince impérial, de la rentrée des
troupes de Crimée et d'Italie, etc. C'est sur
ses dessins et sous sa surveillance qu'ont été
exécutés le berceau en forme de navire, que
la ville de Paris a offert au prince impérial,
et un magnifique surtout de table, sorti des
ateliers de MM. Christofle et Cie et com-
mandé par le préfet de la Seine (1864). M.
Baltard est l'auteur d'un projet d une tour
d'horloge et de beffroi et d'une chapelle des
catéchismes à ériger symétriquement sur les
façades latérales de 1 église de la Madeleine.
Les dessins du Théâtre de Pompéi qu'il a faits
en 1837, étant encore pensionnaire de la villa
Médicis, ont été exposés en 1855 et lui ont valu
une médaille de 2° classe. Il a continué la pu-
blication des Grands prix d'architecture, com-
mencée par son père, et a fait paraître, entre
autres ouvrages enrichis de ses dessins, la
Monographie de la Villa Médicis (in-fol.,
1847) , la .Monographie des Halles centrales,
les Peintures et arabesques de l'ancienne galerie
de Diane à Fontainebleau,eto. Il est membre
de l'Institut et officier de la Légion d'honneur.
— Deux de ses frères, Prosper Baltard, né à
Paris en 1796 ; et Jules Baltard, né à Paris
en 1807, sont également connus; le premier,
comme architecte; le second, comme, por-
traitiste.
BAI.TAZARINI , musicien italien , connu en
France sous le nom de Beaujoyeux, fut le
premier violoniste de son époque. Amené du
Piémont par le maréchal de Brissac, en 1577,
à la cour de Catherine de Médicis, cette reine
le nomma intendant de sa musique. Henri III
le chargea de l'organisation des fêtes de la
cour. C est Baltazarini qui composa le diver-
tissement, mêlé de musique et de danse, im-
primé sous le titre de Ballet comique de la
Royne faict aux nopees de M. le duc de Joyeuse
et de AfUc de Vaudemont, rempli de diverses
reprises, mascarades, chansons de musique et
autres gentillesses (Paris, Adrien Le Roy et
Robert Ballard, 1582, in-4«). Toutefois la mu-
sique a pour auteurs, est-il dit dans la pré-
face, Beaulieu et maistre Saimon, musiciens
de la chapelle du roi.
BALTÉAIRE s. m. (bal-tê-è-re — du lat.
balteum, baudrier). Antiq. rom. Officier pré-
posé à la garde des ceinturons et baudriers
de l'armée, ou, selon d'autres, fabricant des
mêmes objets d'équipement.
BALTËN ou BALTENS (Pieter Custos, sur-
nommé), peintre, graveur et littérateur fla-
mand, né à Anvers en 1540, mort en 1579. Il
a peint l'histoire et le paysage dans le style
de Breughel le Vieux, et il touchait avec beau-
coup d'esprit les petites figures. Il a gravé et
édité diverses estampes, entre autres la Pa-
tience (pièce allégorique) et l'Histoire de Lie-
dekerke, Bourse et Rouck, d'après Martin de
Vos. On lui a attribué à tort quelques planches
de Jérôme Wiercks, dont il n'a été que l'édi-
teur. Il a signé quelquefois P. Batten, et San-
drart le nomme Ballon.
BALTENS (Dominique Custos, surnommé),
dessinateur et graveur au burin, fils du pré-
cédent, né à Anvers, vers 1560, passa de
bonne heure à Augsbourg, où il se maria et
s'établit. Il mourut en 1612. Ses principaux
ouvrages sont une Pieta, le portrait de Ray-
mond Fugger, la Mort de la Vierge. On croit
qu'il n'a donné que le dessin de cette dernière
composition et que la gravure est de son fils
Raphaël Custos, dont le nom figure d'ailleurs
sur l'estampe. Une fille de Dominique épousa
Lucas Kilian, habile graveur augsbourgeois
(v. Kilian), qui grava un portrait de Pierre
Baltens.
BALTHAZAR OU BALTHASAR S. m. (bal-
ta-zar — du nom du dernier roi de Baby-
lone). Fam. Repas très-somptueux. On dit
aussi Festin de Balthazar, par allusion au
fameux festin dont il est parlé dans l'article
suivant : Ma foi, tant pis! dit Schaunard en
lui-même, je vais me donner une bosse et faire
un balthazar intime. (Mûrger.) Les artistes
du Méchouar vont prendre leur part d'un fes-
tin de balthazar, oii les attend un régal de-
puis longtemps oublié; ils auront du pain blanc
au dessert! (A. Gandon.) Chambon possède
deux aubergistes. Celui de ces braves débitants
chez qui n'a pas été commandé te balthazar
du dix décembre murmure véhémentement.
(H. de Villcmessant.)
BALTHAZAR , dernier roi de Babylone (554-
538 av. J.-C). Cyrus, roi des Perses, assié-
feait Eabylone à la tête d'une armée formi-
able; Balthazar, confiant dans la force de
ses murailles, se riait des vains efforts de
son ennemi, et oubliait dans les festins les
ennuis d'un long siège. Une nuit qu'il célé-
brait une orgie avec les grands de sa cour
et toutes ses femmes, il se fit apporter, par
une forfanterie d'impiété , les vases sacrés
que Nabuchodonosor avait autrefois enlevés
au temple de Jérusalem. Cette profanation
était à peine commise, que l'impie monarque
vit avec épouvante une main qui traçait sur
la muraille, en traits de flamme, des carac-
tères mystérieux, que ni Balthazar ni aucun
personnage de la cour ne purent lire. Le pro-
phète Daniel ayant été appelé : C'est Dieu,
dit-il au roi, qui a envoyé cette main, et voici
ce qui est écrit : Mané, Thécel, Phares. —
Mané, Dieu a compté les jours de ton règne,
134
BAL
et il en a marqué la fin ; Théccl, tu as été mis
dans la balance, et tu as été trouvé trop léger ;
Phares, ton royaume sera partagé. » La même
nuit, en effet, Cyrus, ayant réussi à détourner
le cours de l'Euphrate, pénétra dans Babylone
par le lit du fleuve desséché; Balthazar fut
tué, et la Babylonie réunie -à l'empire des
Perses.
L'épisode de Balthazar et de son fameux festin
est rapporté dans l'Ecriture au livre de Da-
niel. Le personnage de Balthazar a longtemps
exercé la sagacité des historiens, qui avaient
beaucoup de peine à l'identifier avec un per-
sonnage de l'histoire profane. Enfin M. Quatre-
mère, dans un mémoire extrêmement intéres-
sant, semble avoir résolu le problème. Nous
allons exposer brièvement les points sur les-
quels repose sa théorie. Pour trouver quel était
ce Balthazar, il fallait , avant tout, pouvoir
fixer la date de son règne, en identifiant son
vainqueur, Cyrus le Mède, avec un des rois
connus de la Perse. Les différentes hypothèses
en honneur avant M. Quatremère étaient au
nombre de quatre : Les uns voulaient voir dans
Cyrus Cyaxare, qui, si l'on en croit Xénophon,
fut fils d'Astyage ; d'autres avaient cru y
reconnaître Nériglissar , roi de Babylone,
dont le nom se trouve indiqué dans les récits
de Bérose et de Mégasthène; d'autres le
confondaient avec Darius , fils d'Hystaspe ;
d'autres, enfin, supposaient que Darius était un
prince mède, auquel Cyrus, en reconnaissance
de ses services, avait conféré la satrapie de
Babylone. M. Quatremère réfute avec beau-
coup de vigueur ces différentes opinions, en
s'apçuyant sur des données historiques très-
précises et des inductions très-ingénieuses.
Suivant lui, le Darius, le Mède de la Bible,
sur lequel la plupart des historiens gardent le
silence, était un prince appelé au trône par la
politique habile de Cyrus, qui ne voulait pas
froisser trop vivement l'esprit national des
Mèdes, qu'il venait de soumettre. Ce point chro-
nologique fixé, M. Quatremère procède à l'iden-
tification de Balthazar, et rejette l'opinion de
ceux qui veulent voir dans Balthazar, Evilmé-
rodach, le fils de Nabuchodonosor, ou bien Né-
riglissar, le beau-frère et le meurtrier d'Evil-
mérodach, ou bien encore le Nabonnède des
historiens de Babylone, dont Hérodote écrit le
nom Labynète. D'après M. Quatremère, Baltha-
zar était le fils d'Evilmérodach,et, par consé-
quent, le petit:fils de Nabuchodonosor. Nabon-
nède, qui avait succédé immédiatement à Evil-
mérodach, voulant assurer à son pouvoir le
prestige d'une autorité dynastique, et mettre
ainsi son usurpation à. l'abri de toute contesta-
tion , avait trouvé convenable d'associer au
trône un rejeton de la famille de Nabuchodono-
sor. A cet effet, il choisit, dit M. Quatremère,
Balthazar, qui était probablement encore en-
fant. Au reste, ajoute-t-il judicieusement, l'his-
toire de l'Orient nous offre quantité de faits
analogues à celui-là. Il est vraisemblable que
Nabonnède, pour conserver le monopole de la
toute-puissance, facilita à sa faible créature
cette existence de mollesse et de débauches
sans nom qui aboutit à un dénouement si tragi-
que. Une observation très-ingénieuse vient a
1 appui de cette théorie : c'est qu'il est rapporté
dans la Bible que Balthazar promet à celui
qui parviendra a déchiffrer la célèbre inscrip-
tion mystérieuse des honneurs extraordinaires,
et dit qu'il sera considéré comme la troisième
personne du royaume. Il est donc évident qu'il
V avait deux autres personnes qui occupaient
le trône, et que l'habile interprète, venant
immédiatement après eux? aurait été élevé
aux fonctions de grand vizir ou premier mi-
nistre. Ainsi s'explique la contradiction appa-
rente entre le récit de Daniel, qui atteste que
Balthazar périt de mort violente, la nuit même
qui suivit son orgie, et la narration des histo-
riens de Babylone, au rapport desquels Na-
bonnède survécut a la prise de cette ville. Ce
dernier prince, au milieu de la ruine de sa
patrie, ne désespéra pas, ajoute M. Quatre-
mère, de son salut, et, s'il ne put pas arrêter le
cours de la destinée, il sut du moins tomber
avec gloire et mériter l'estime de son vain-
queur.
Bnltbniar (festin î>b). B.-arts. Cette orgie
fameuse a été représentée par plusieurs ar-
tistes. V. FESTIN.
BALTHAZAR (Christophe), jurisconsulte, né
à Villeneuve-le-Roi en 1588, mort en 1670. Il
était avocat du roi à Auxerre, et il publia divers
écrits pour appuyer les prétentions de la cou-
ronne de France sur quelques domaines de
l'Espagne, notamment : Traité des usurpa-
tions des rois d'Espagne sur la couronne de
France depuis Charles VIII (Paris, 1628) ; et
autres factums dans le même esprit. Il em-
brassa le protestantisme dans sa vieillesse.
BALTHAZAR (Théodore de), physicien alle-
mand, était professeur de physique et de ma-
thématiques à Erlangen, et inventa, en 1710 ,
le microscope solaire (invention également
attribuée à Lieberkuhn). Il donne les détails
' de son invention dans l'ouvrage suivant :
Micrometrorum telescopiis applicandorum va-
ria structura et usu multinlici onusculum
(1710).
BALTHAZAR (Augustin de), jurisconsulte,
né à Greifswald (Poméranie) en 1701, mort
en 1779 à Wismar, où il était membre du tri-
bunal d'appel du roi. On distingue parmi ses
nombreux ouvrages : Apparatus diplomatico-
historicus (ou Tableau de toutes les lois qui
servent à l histoire de la Poméranie et de Vile
BAL
de Bugen)-. Tableau historique des tribunaux
du duché de la Poméranie suédoise; De ori-
gine, statu ac conditione hominum propriorum
in Pomerania, etc.
BALTHAZAR ( Joseph-Antoine-Félix de),
historien et jurisconsulte suisse, né à Lucerne
en 1737, mortren 1810. Il a formé de riches
collections de notes manuscrites sur l'histoire
de la Suisse. La Bibliothèque suisse de Haller,
à laquelle il a fourni divers morceaux, a donné
l'énumération de ces collections, devenues la
propriété de la ville de Lucerne. Parmi ses
ouvrages imprimés, on remarque : De ffelvc
tiorum juribus circa sacra, traduit en français
par M. Yiend ; les Libertés de l'Eglise helvé-
tique (Lausanne, 1770) ; Défense de Guillaume
Tell (1760), pour réfuter les doutes élevés
sur la réalité de l'histoire du héros suisse.
BALTHAZAR ( Casimir- Alexandre-Victor
de), peintre français, né a Hayange (Moselle),
en 1809 ; élève de Paul Delaroche. Il a exposé,
pour son début, un portrait d'homme, au sa-
lon de 1833, et depuis, il a pris part à presque
toutes les expositions qui ont eu lieu jusqu en
1859. Il a obtenu une médaille de 3« classe.
en 1837, pour ses tableaux : Lara et Kaled et
Goetz de Berlichingen; une médaille de 2<*
classe, l'année suivante , pour Philippe VI
après la bataille de Crécy; une médaille de
ire classe en 1840, pour la Vision de Jeanne
Darc et Jeanne Darc dans sa prison. Parmi
les ouvrages qu'il a exposés depuis, outre un
grand nombre de portraits, nous citerons : la
Mort de Lara (1842), le Baptême de Clovis
(1845), le dévouement du trompette Escoffier,
Episode de la guerre d'Afrique (1846), le
Christ et la Samaritaine (1855), Au bord de la
fontaine (1859).
Balthazar Carlo* (PORTRAIT BU PRINCE). V,
Carlos.
BALTIA, ancien nom de la Scandinavie, qui
se retrouve dans le nom moderne-de Baltique,
venant lui-même de Belt (détroit).
BALTIMORE s. m. (bal-ti-mo-re — du nom
de lord Baltimore). Ornith. Espèce de trou-
piale ou de loriot, qui habite l'Amérique du
Nord : Le Baltimore a pris son nom de quel-
que rapport aperçu entre les couleurs de son
plumage ou leur distribution, et les armoiries
de mylord Baltimore. (Buff.). A New-York,
le Baltimore fait un nid feutré, à l'abri du
froid. (Michelet).
— s. f. Bot. Syn. du genre, fougerouxie,
Plante de la famille des composées, à fleurs
jaunes, qui croît dans le Maryland, aux en-
virons de Baltimore. On dit aussi, mais a
tort sans doute, qu'elle se trouve dans le
nord de l'Afrique. -
BALTIMORE, ville des Etats-Unis d'Amé-
rique, capitale de l'état de Maryland et l'un
des principaux ports de commerce de l'Union,
sur le Patâpsoo, à 22 kil. de son embouchure,
dans la baie de Chesapeake, h 60 kil. N.-E.
de Washington, par 390 17' lat. N. et 78» 56'
long. O. 215,000 hab. Siège d'un archevêché
catholique, métropolitain des Etats-Unis,
avec un séminaire et un collège catho-
liques; évêché anglican; université, ob-
servatoire, musée, Dibliothèque publique et
plusieurs autres établissements scientifiques
et littéraires. La position de cette ville, son
port fortifié, spacieux et parfaitement abrité
en ont fait un des grands arsenaux maritimes
des Etats-Unis; quant au commerce, Balti-
more est le plus important marché de farines
de l'Union et l'un des plus considérables en-
trepôts de tabac. Les produits de ses nom-
breuses fabriques de tissus de laine et de coton
et de ses forges sont facilement transportés
par les chemins de fer qui la font communi-
quer avec Philadelphie, Washington, Win-
cester, Annapolis, New-York, Lancaster et
Harrisburg. On y remarque particulière-
ment l'église catholique, la colonne de
Washington, le palais de justice , la Banque,
la Bourse , le Schot-Tower , la plus haute
tour du monde, et le monument élevé à la
mémoire de ceux qui ontsuceombé en défen-
dant la ville contre les Anglais en sept. 1814.
Baltimore , aujourd'hui la troisième ville de
l'Union, fondée en 1729, reçut son nom de
lord Baltimore, qui prit une part glorieuse à la
guerre de l'indépendance, et, dans ces der-
niers temps (1831), vit dans ses murs le pre-
mier concile catholique tenu dans le nouveau
monde, il Baltimore, petite ville maritime
d'Irlande, comté et à 75 kil. S.-O. de Cork;
450 hab. Autrefois sanctuaire des druides, cette
petite ville fut surprise et pillée en 1631 par des
corsaires algériens. Elle a donné son nom à
la Baltimore d'Amérique , parce que lord Cal-
vert, comte de Baltimore, colonisa le Ma-
ryland.
BALTIMORE (Cecil, baron de Calvert,
lord), fondateur de la colonie du Maryland,
mort en 1676, obtint de Charles 1er, en 1632,
la concession de tout le territoire qui forme
aujourd'hui l'Etat de Maryland, et y conduisit,
en 1634, une colonie composée de deux cents
individus, tous catholiques. Le nom de lord
Baltimore fut donné plus tard a la capitale du
Maryland.
BALTIMORÉES s. f. (bal-ti-mo-ré — rad.
baltimore). Bot. Nom donné à un groupe de
plantes de la famille des composées, ayant .
pour type le genre baltimore.
BALTIMORITE s. f. (bal-ti-mo-ri-te — de
Baltimore, nom de ville). Miner. Nom donné
par Thomson à une variété d'arbustes, dont le
BAL
type a été trouvé aux environs de Baltimore,
aux Etats-Unis.
BALTINGLASS, ville et paroisse d'Irlande,
comté et à 45 kil. O. de Wicklow, sur la Sla-
ney; 4,110 hab. Fabriques de toiles et de lai-
nages; ancien château fort •, ville jadis impor-
tante. Dans le voisinage, on rencontre les
restes de plusieurs autels druidiques.
BALTIQUE (mer), le Pelagus scythicum ou
Sinus Codanus des anciens , l'Ost-see (mer
occidentale) des Allemands. Vaste golfe de
l'Europe, formé par la partie de l'océan At-
lantique appelée mer du Nord, entre 53° 55'
et 65° 50' fat. N. et entre 4° 50' et 280 8' long,
E.; longueur du N.-E. au S.-O. , environ
1,500 kil., largeur variant de 80 à 240 kil.
Comprise entre le Danemark, le Mecklem-
bourg, la Prusse, la Russie et la Suède, la
mer Baltique communique avec la mer du
Nord par le Petit-Belt, le Grand-Belt, le
Sund, le Cattégat et le Skager-Rack ; elle
forme les trois golfes de Bothnie au N., de
Finlande à l'E. et de Riga, ou de Livonie au
S.-E., et renferme plusieurs lies ou groupes
d'Iles , entre autres , l'archipel d'Aland au
centre ; les lies Dago, d'0Esel? de Gothland, de
Bombolm et l'archipel Danois ; elle reçoit la
Duna, la Tornea, la Vistule, l'Oder et plu-
sieurs autres cours d'eau, émissaires des lacs
nombreux de Russie et de Suède. Elle baigne
Saint-Pétersbourg, Riga, Kœnigsberg, Dant-
zig,Stralsund,Stettin, Lubeck, Copenhague et
Stockholm, entrepôts- importants de sa navi-
gation. Ses eaux sont à peine salées, et les
marées y sont presque nulles; mais elle est
sujette aux mouvements irréguliers d'abaisse-
ment et d'élévation, comme la plupart des
masses d'eau intérieures; de plus, la grande
quantité des eaux qui y affluent, surtout en
automne, détermine un courant constant qui
se dirige vers l'Océan et devient très-dange-
reux pour la navigation, surtout aux environs
des Iles danoises, où il prend de la force en se
divisant, et se complique avec les mouvements
occasionnés par les marées. Le manque de sa-
lure et le peu de profondeur (20 à 200 mètres)
facilitent la formation des glaces, qui couvrent
les golfes du nord en hiver et rendent la navi-
gation impraticable du mois de décembre au
mois d'avril. La Baltique est très-poisson-
neuse, surtout le long de la côte occidentale,
et rejette de l'ambre en grande quantité sur
sa cote méridionale. Entre l'embouchure du
Niémen et de la Vistule, le littoral a subi au
moyen âge une révolution complète ; le rivage
a été englouti par un éboulement terrible, qui
a entraîné de larges bandes de terrain actuel-
lement submergées, il Provinces Baltique»,
nom des provinces russes de Courlande, Es-
thonie, Livonie et Finlande, situées sur la mer
Baltique.
BALTISTAN ou Petit Thibet, pays sur
l'Indus supérieur, entre le Turkestan chinois
et le Cachemire, tributaire des Anglais,
500,000 hab. de race mongole.
BALTON, peintre hollandais. V. Balten.
BALTRAKAN s. m. (bal-tra-kan). Bot.
Plante peu connue, qui croît dans laTartarie.
Sa tige est fistuleuse, épaisse, haute de 0 m. 65.
Les feuilles ressemblent à celles de la rave ;
ses fruits répandent, à leur maturité, l'odeur
de l'orange, et ses graines celle du fenouil.
Les Tartares portent, dit-on, ce fruit dans
leurs voyages comme provision.
BALTDS (Jean-François), jésuite et écrivain
polémiste, né à Metz en 1667, mort à Reims en
1743. 11 fut d'abord chargé de professer les
belles-lettres, puis l'Ecriture sainte; en 1717,
il fut appelé S. Rome pour y être chargé de
l'examen des livres composés par des membres
de la compagnie de Jésus , puis il revint en
France où il dirigea successivement plusieurs
collèges. 11 a laissé un assez grand nombre
d'écrits sur divers points de controverse reli-
fieuse ; mais son ouvrage le plus connu est une
iéponse à l'Histoire des oracles de Fontenelle.
Baltus y soutient l'opinion que les oracles
étaient, au moins en partie, l'ouvrage des dé-
mons et qu'ils avaient été réduits au silence à
l'avènement de J.-C. sur la terre.
BALTUS (Jacques) , chroniqueur français,
frère du précédent, né à Metz en 1670. Ilexerça
dans sa ville natale la profession de notaire, et
il remplit longtemps la fonction de conseiller
échevin. Il tenait un journal des faits les plus
importants dont il pouvait avoir connaissance
en qualité d'écbevin, et ce journal fut publié
en 1789 par Tabouillot, sousle titre de Annales
de Metz, depuis l'an 1724. L'éc.hevin Baltus
avait lui-même publié le Journal de ce qui s'est
fait à Metz au passage de la reine (Marie
Leczinska). '
BALTZ (Théodore-Frédéric), médecin alle-
mand, né près de Berlin en 1785, était chirur-
gien de régiment, assista à la bataille d'Iéna,
et accompagna en France les armées de la
coalition. On a de lui plusieurs ouvrages, entre
autres : Observations sur l'organisation inté-
rieure et essentielle de la médecine militaire en
Prusse, en allemand (Berlin, 1820).
BALTZAR (Thomas), célèbre violoniste, né à
Lubeck, mort en 1663. Il fut appelé en Angle-
terre par Charles II. On a de lui diverses com-
positions, notamment des sonates pour viole,
violon et basse.
■ BALTZER (Jean-Baptiste), théologien catho-
lique allemand, né en 1803 k Andernach, fut
chanoine de la cathédrale de Breslau. où il
BAL
Sublia plusieurs ouvrages de controverse et de
octrine religieuse, dont les principaux sont :
Caractère fondamental du système hermésien
(1832); Principe de l'opposition théologale entre
le catholicisme et le protestantisme ( 1833 ) ;
Lettres théclogiques (1844-1853); Bases d'un
jugement équitable entre le catholicisme et le
protestantisme (1840, 2 vol.) ; la Béatitude ulté-
rieure, d'après les deux confessions catholique
et protestante (1844, 2° édit.).
BALTZER (Guillaume Edouard), pasteur alle-
mand, né à Hohenleine (Prusse) en 1814. Il
fonda, à. Nordhausen, une commune protes-
tante libre, fit partie de l'Assemblée nationale
de Francfort en 1848, et s'attira beaucoup
d'attaques par la hardiesse de ses théories
religieuses et politiques. La plupart de ses
écrits sont relatifs au même objet : Ma route
de l'Eglise nationale à la commune libre pro-
testante (1848); Discours prononcés dans la
commune libre protestante de Nordhausen (1851-
1852) ; La commune libre de Nordhausen (1851).
BALCE (Jean de la), ministre de Louis XI
et cardinal, né en 1421 dans le Poitou, d'un
père meunier, cordonnier ou tailleur. Il s'at-
tacha d'abord à Juvénal des Ursins, qui le
nomma son exécuteur testamentaire et dont il
détourna une partie de la succession ; puis à
Jean de Beauvau, évêque d'Angers, en qua-
lité de grand vicaire. Dans cette place, il fit
un commerce scandaleux de bénéfices et
amassa de grandes richesses. Présenté à
Louis XI par Charles de Melun, il sut bientôt
capter ses bonnes grâces par son talent pour
les négociations et les intrigues, et fut nommé
successivement aumônier du roi, intendant des
finances, secrétaire d'Etat, évêque d'Evreux,
puis d'Angers, et reçut enfin de Rome le cha-
fieau de cardinal pour avoir réussi àfaire abolir
a pragmatique sanction, malgré l'opposition
du parlement et de l'université. On te vit con-
duire tout à la fois les affaires de l'Eglise et
celles de l'Etat. C'était un homme d'un carac-
tère méprisable, de mœurs dépravées, d'une
avidité sans égale, et qui trahit tous ses bien-
faiteurs. Un historien a dit de lui que, de tous
les vices, il ne lui manquait que rhypocrisie.
Comblé d'honneurs, de richesses et de dignU.es,
la trahison était tellement entrée dans lesrha-
bitudes de sa vie, qu'il entama des négociations
secrètes avec le duc de Bourgogne, Charles
le Téméraire, et lui vendit les secrets du roi
de'France. Des lettres furent interceptées qui
dévoilaient sa perfidie et ses intrigues, et
Louis XI le fit enfermer au château d'Oiîza'm,
près de Blois, dans une de ces cages de fer
qu'il avait, dit-on, lui-même imaginées pour
servir les vengeances de son maître. Il en
sortit à la sollicitation du pape Sixte IV, après
onze ans de captivité (1409-1480), et se retira
a Rome, où il fut comblé d'honneurs ; on osa
même l'envoyer en France comme légat a-
latere; mais le parlement refusa d'abord de le
recevoir; toutefois le conseil d'Etat consentit
à l'admettre, en imposant à ses pouvoirs de
nombreuses restrictions. De retour en Italie,
il fut fait évêque d'Albano, puis de Preneste,
et mourut à Ancône en 1491,
BALUETTE s. f. (ba-lu-è-te). Péch. Nom
donné aux baguettes que l'on emploie dans
la pêche à la balle.
BALUFFI (Gaétan), cardinal italien, né à
Ancône en 1788, fut envoyé en Amérique
comme nonce du pape Grégoire XVI, ayant
pour secrétaire l'abbé Mastaï-Ferretti, et ce-
lui-ci, devenu pape sous le nom de Pie IX, le
nomma, en 1846, évêque d'Imola, puis cardi-
nal. Son Histoire religieuse de l'Amérique
(Rome, 1848) contient des documents inté-
ressants sur le passé' des républiques du Sud,
recueillis sur les lieux mêmes. Un autre de
ses ouvrages, la Divinité de l'Eglise mani-
festée par sa charité, a été traduit en fran-
çais.
BALUGAM (Philippe), sculpteur, né à Bo-
logne, mort en 1780. Ses principales produc-
tions, conservées à Bologne, sont des bustes
de terre cuite, au palais de l'université, et des
statues au palais Ranuzzi. Il a cultivé aussi!»
gravure en médailles.
BALUNE OU BALUNA s. f. (ba-lu-nc).
Ichthyol. Nom indien d'une espèce de muge,
le mugil cephalus des naturalistes.
BALUSTRADE s. f. (ba-lu-stra-de — rad.
balustre). Enceinte formée d'une rangée de
balustres unis par une tablette : balustradk
de bois, de marbre, de briques. La balus-
trade du chœur. La plate-forme était entou-
rée d'une balustrade de marbre blanc, de
cinquante pieds de hauteur. (Volt.) Une ba-
lustrade en bois, comme te reste du bâtiment,
régnait tout le long de ces fenêtres. (Alex.
Dum.) Elle s'appuya sur la balustrade en bri-
gues et regarda la rivière, (Balz.) Trois jeunes
femmes, gracieusement accoudées sur la ba-
lustrade, regardaient passer notre barque en
silence. (Lamart.) Cette galerie extérieure est
ornée d'une balustrade travaillée avec une
élégance, avec une finesse merveilleuse. (Balz.)
Les balustrades gothiques offrent des dessins
variés, et sont percées de trèfles et d'ogives
diversement agencés. (Batissier.) Dans les jar-
dins, les talus, les terrasses, les rampes, les
balustrades' peuvent très-bien se marier avec
une végétation indépendante et des plantations
irrégulières. (Vitet.)
— Balustrade feinte, Celle dont les balustres
sont engagés dans une maçonnerie, et qui.
BAL
par conséquent, n'est pas à jour comme les
balustrades ordinaires.
— s. f. pi. Nom sous lequel se désignaient
autrefois les rangées de fauteuils qui se trou-
vaient placées dans les théâtres sur le de-
vant et de chaque côté de la scène où jouaient
les acteurs.
— Encycl. Les architectes entendent par
calier ou de toute autre construction présen
tant des dangers pour la circulation. Les
balustrades sont intérieures ou extérieures sui-
vant qu'elles régnent au dedans ou au dehors
• d'un édifice ; pleines, lorsqu'elles sont formées
par un mur massif; ajourées, à jour, à claire-
voie, lorsqu'elles présentent des découpures
évidées plus ou moins régulières; feintes ou
aveuglées, lorsque les découpures sont appli-
quées sur un fond de maçonnerie. On ne con-
naît pas d'exemple de balustrades' extérieures
dans les monuments de l'antiquité. Les con-
structeurs de la période romane employèrent
quelquefois des balustrades pleines ou aveu-
glées, ordinairement en bois, rarement en
pierre. La tribune du porche de l'église abba-
tiale de Vézelay, construite vers le milieu du
xiie siècle, est munie d'un garde-corps en
pierre, décoré de grandes dents de scie qui lui
donnent quelque apparence de légèreté. Dans
la même église, les galeries intérieures du
transsept ont des balustrades feintes, décorées
d'arcatures et da colonnettes à chapiteaux.
L'architecture ogivale évida les balustrades
<, et conserva d'abord les arcatures, tout en
donnant aux arcs la forme en tiers-point, ca-
ractéristique du style nouveau. Une balustrade
de ce genre décore le triforium primitif de la
nef de la cathédrale de Rouen, ou elle se relie
aux colonnes de la grande arcature formant
galerie. De 1220 à, 1230, on commença a éta-
blir, à l'intérieur des grands édifices et k tous
les étages, des galeries de circulation garnies
de balustrades ajourées. < Les balustrades,
dit M. Viollet-Leduc, présentent une extrême
variété de formes et de construction, suivant
la nature des matériaux employés : s'ils sont
durs et résistants, mais d'un grain fin et facile
à tailler, comme dans les bassins de la Seine
et de l'Oise, les balustrades sont légères et
très-ajourées; s'ils sont tendres, les vides sont
moins'larges. En Normandie, en Champagne,
où la pierre s'extrait en petits blocs, les ba1
lustrades sont basses; ailleurs elles sont évi-
dées, dans des dalles posées en délit. La balus-
trade de la galerie des rois qui décore la façade
occidentale de Notre-Dame de Paris, et qui
date du commencement du xme siècle, est
faite de morceaux superposés et se compose
de colonnettes posées en délit avec renfort
par derrière, et d'une assise de couronnement
évidée en arcatures et ornée de fleurettes en
F ointes de diamant. Lorsqu'on eut idopté
usage de tailler les balustrades dans un seul
bloc de pierre, on substitua aux piliers isolés,
qui n'avaient plus de raison d'être, des claires-
voies composées de trèfles, de quatre-feuilles,
de triangles chevauchés, ou de carrés posés
en pointe. Suivant M. Viollet-Leduc, qui nous
sert de guide dans cette étude, t la hauteur
de la balustrade, dans les monuments du style
ogival, les rapports entre ses pleins et ses
vicies, ses divisions, sadécoration,doiventétre
combinés avec la largeur des travées, avec
la hauteur des assises et la richesse ou la so-
briété des ornements des corniches. Telle
balustrade, qui convient à tel édifice et qui
fait bon effet là où elle fut placée, semblerait
ridicule ailleurs. » Ainsi, dans une balustrade
posée sur la corniche -d un grand édifice, les
espacements des pieds-droits et les décou-
pures de la claire-voie doivent être larges, les
détails de l'ornementation aussi simples que
„ possible; au contraire, la balustrade dun
balcon, d'une tribune, d'une galerie peu éle-
■vée, réclame des ajours multipliés, des mem-
bres "sveltes, des ornements délicats. Comme
spécimens dans les deux genres, on peut citer :
les balustrades des grandes galeries et du
sommet des deux tours de la cathédrale de
Paris ; la balustrade extérieure du triforium
de la même église; la balustrade de la cor-
niche supérieure de la Sainte-Chapelle; la
balustrade du chœur de la cathédrale de Beau-
vais, remarquable par une alternance de
quatre-feuilles posés en carré et en diagonale,
mais un peu trop maigre dans ses membrures ;
la balustrade extérieure du chœur de l'église
de Saint-Urbain deTroyes (1290-1310), etc. On
voit, dans les édifices du xme siècle, des ba-
lustrades richement ornementées ,.sans que les
détails nuisent toutefois à l'ensemble de la
décoration : telle est la balustrade qui cou-
ronne le passage réservé au-dessus de la
porte méridionale de Notre-Dame de Paris,
construite en 1257 par Jean de Chelles. « Les
architectes du xivo siècle, dit M. Viollet-Leduc,
arrivèrent promptement à la maigreur ou à la
lourdeur, en surchargeant les balustrades de
profils et de- combinaisons plus surprenantes
que belles. « Entre autres dispositions nou-
velles, ils adoptèrent les crénelages, qui ne
manquent pas d'originalité, mais qui ne sont
pas en harmonie avec les autres formes du
style ogival. A cette époque aussi, on fit des
balustrades feintes avec ajgurs (trèfles, quatre-
feuilles, etc.) simulés : telles sont les balus-
trades des chapelles du transsept de Saint-
LSénigne, à Dijon, et les balustrades du cloître
de la cathédrale de Béziers. Au s.ve siècle, les
BAL
balustrades à claire-voie se composent le plus
souvent de losanges ou de triangles. Quelque-
fois elles sont décorées d'attributs ou de pièces
principales d'armoiries sculptées dans les
ajours. C'est ainsi que la balustrade de l'hôtel
de Jacques Cœur, à Bourges, présente des
cœurs, des coquilles de pèlerin, et cette devise :
A vaillans riens impossible ; la balustrade de
la nef de la cathédrale de Troyes est décorée
des clefs de saint Pierre alternant avec des
fleurs de lis: la 6aZiisfrad<s,refaiteauxve siècle
à la base du pignon de la Sainte-Chapelle,
offre, dans chacun de ses espacements, une
grande fleur de lis, et, au milieu, la lettre K
(initiale de Charles VII), couronnée et tenue
par deux anges. A la fin du xvp siècle et au
commencement du xvie, l'usage de placer des
chiffres, des inscriptions, dans la claire-voie
des balustrades, prévalut complètement : la
façade du château de Blois, construite par
François Ier, porte des balustrades où figurent
des F couronnés et des salamandres; au châ-
teau de Josselin, en Bretagne, une balustrade
offre cette devise : A plus.
La Renaissance employa d'abord des balus-
trades composées d'ordres réduits : on peut en
voir un exemple à l'église Saint-Eustache, à
Paris ; la claire-voie est formée de petits pi-
lastres doriques séparés par des arcades por-
tées sur des pieds-droits. L'inconvénient qu'il
y avait a rappeler ainsi, dans ces parties
accessoires d'un édifice, les grandes divisions
de l'architecture, fit adopter par la suite des
pilastres d'un galbe particulier ressemblant
assez bien à celui d'un flacon avec son goulot.
On leur donna le nom de balustres, d'où vint
celui de balustrade qui, à partir de cette épo-
que, servit à désigner les garde-corps dont
nous nous occupons (on les nommait aupara-
vant chancel, gariol). Bien que, dans l'archi-
tecture romane, rien n'autorisât l'emploi des
balustrades, cet emploi fut adopté par la plu-
part des architectes du xvue et du xvme siècle
et dégénéra même en abus. On ne se borna
pas à placer des balustrades là où le besoin
d'une barrière à hauteur d'appui se faisait
sentir; on s'en servit comme de motif de dé-
coration. Les hommes de goût ont fini par
s'élever contre une mode qui dénaturait les
principes de l'architecture classique. Les ba-
lustrades destinées à servir de couronnement
ont été, en particulier, l'objet des plus justes
critiques. « Indépendamment de ce qu'elles
terminent un monument ou une maison d'une
manière mesquine, a dit Quatremère de Quincy,
elles ajoutent à la hauteur des entablements,
qui semblent alors écraser les-colonnes ou les
pilastres qui les portent. Dans les édifices où
les combles sont apparents, au Luxembourg,
par exemple, elles produisent le plus mauvais
effet : on croirait apercevoir un autre édifice
derrière la façade. On pourrait aller jusqu'à
mettre en question si la balustrade au-dessus
de l'entablement, même quand on ne voit pas
le toit, n'est pas contre les bonnes règles.
L'entablement présente toujours l'image des
entraits, des jambes de force et des chevrons
qui .constituent la charpente du toit. Est-il
donc naturel que le toit soit supprimé, quand
on conserve tous ces indices frappants ? »
Suivant l'écrivain que nous venons de citer,
lorsqu'un architecte veut terminer une maison
par une terrasse, il dort observer de n'indiquer
que les parties qui constituent le plancher,
telles que la frise et l'architrave ; dans ce cas,
les balustrades peuvent s'employer avec suc-
cès parce qu'elles suppléent à la corniche.
Quant aux balustrades faites pour garnir le
devant des tribunes, des balcons, des perrons,
des terrasses établies dans les jardins, etc.,
leur usage n'a rien que de très-naturel. On
en fait en pierre, en bois, en fer; elles affec-
tent les formes les plus variées, mais il im-
porte qu'elles soient en harmonie avec l'en-
semble de la décoration des édifices auxquels
elles sont destinées.
BALUSTRE s. m. (ba-lu-stre — du lat. ba-
laustrum, calice de la fleur du grenadier, parce
que le petit pilier nommé balustre a la forme
de ce calice). Archit. Petit pilier, générale-
ment employé avec d'autres et assemblé avec
eux par une tablette, pour former un appui
ou une clôture : Un balustre de marbre, de
bois. Lucien monta par un escalier à balustres
de châtaignier. (Balz.) Des balustres taillés
grossièrement soutiennent les rampes des esca-
liers. (V. Hugo.) A mes pieds règne une longue
bordure de balustres, sur laquelle mes yeux
glissent avec plaisir, comme sur les festons
d'une dentelle élégante. (Vitet.) li Partie laté-
rale de la volute ionique.
— Par ext. Balustrade.
Ici s'offre un perron, là règne un corridor.
Là eu balcon s'enferme en un balustre d'or.
Boileau.
il Se dit particulièrement de la balustrade qui
entoure le lit d'un souverain et de l'enceinte
qu'elle enferme. La table même du roi était
autrefois entourée de la même manière : Le
roi fit entrer Portland dans le balustre de
son lit, où jamais étranger n'était entré, (St-
Sim.)
— Techn. Ornement que porte la tige d'une
clef, tout près de l'anneau, et qui se compose
ordinairement d'un ou plusieurs renflements
séparés par des parties creuses. On l'appelle
aussi embase. j| Renflement qu'on voit vers
le milieu de la tige de la plupart des chan-
deliers, il Petite colonnette qui orne le dos
d'une chaise-i'li Pilier d'un guéridon, il Compas
BAL
à balustre, Compas pour tracer de très-petits
cercles, qui a ses branches surmontées d'une
sorte de petit manche en forme de balustre,
au moyen duquel on manœuvre l'instrument
entre le pouce et l'index.
— Encycl. Il n'existe pas de modèle de
balustre dans les monuments de l'antiquité.
"Suivant Quatremère de Quincy, on ne peut
voir l'origine de ce motif de décoration que
daos les ouvrages en bois, imaginés par les
menuisiers du moyen âge , pour faire des
appuis ou des barrières. Les premiers ba-
lustres employés par les architectes de la
Renaissance ressemblent, en effet, à des po-
telets de bois façonnés au tour; ils ne diffèrent
des colonnettes que par un léger renflement
vers le milieu du fût et participent, du reste,
des divers caractères des ordres d'architec-
ture auxquels ils sont associés. Par la suite,
le renflement s'accentua de plus en- plus et
fut décoré de sculptures qui en alourdirent
singulièrement la forme. On peut voir, dans
l'article que nous consacrons au mot balus-
trade, que les architectes du xviie et du
xvme siècle firent un emploi véritablement
abusif de cette invention mesquine.
Le balustre se compose de trois parties
firincipales : le chapiteau, la tige ou vase et
e piédouche. La tige comprend elle-même
deux parties : la panse et le col. La panse n'a
d'ordinaire qu'un seul renflement; lorsqu'elle
présente deux renflements (façade du théâtre
du Gymnase, à Paris), ils sont joints par une
sorte d'annelet. La tige du balustre est quel-
quefois quadrangulaire (terrasse du jardin
des Tuileries, du coté de la place de la Con-
corde) ; elle est le plus souvent ronde (colon-
nade du Louvre). La plinthe du piédouche et
le tailloir du chapiteau doivent être carrés par
leur plan; parfois, ils sont ronds (palais du
Luxembourg). Il faut observer, autant que
possible, dit Blondel, que les balustres soient
en nombre impair (pas plus de onze, pas moins
de cinq dans une travée), et que la distance
qui les sépare soit égale à la moitié de leur
plus gros diamètre , afin que le vide égale le
plein. Les proportions des balustres et leur
galbe doivent répondre aux différents carac-
tères des ordres d'architecture sur lesquels
ils sont posés ; s'ils sont placés au-dessus d'un
attique, c'est l'ordre de dessous qui doit régler
le genre et la richesse qu'il faut lçur donner.
Il y a, dès lors, autant de manières de profiler
les balustres qu'il y a d'ordres. Le balustre
toscan, qui convient particulièrement aux con-
structions rustiques, aux terrasses des jardins
et des parcs, a ordinairement sa tige quadran-
gulaire ; le balustre corinthien, qui est le plus
fréquemment employé, se place indistincte-
ment sur tous les ordres, excepté l'ordre tos-
can : à Trianon, il figure sur un ordre ionique ;
à Vincennes, sur un ordre dorique; au châ-
teau de Clagny, stir un ordre composite ; au
Louvre, sur un ordre corinthien. Dans les
escaliers , les moulures des balustres sont
tantôt rampantes , tantôt horizontales ; dans
le premier cas, elles ont l'avantage de réunir
les conditions de parallélisme qui sont presque
indispensables en architecture ; mais elles ont
l'inconvénient de présenter un aspect con-
traire à l'idée de solidité : il semble que les
balustres glissent de dessus leur socle.
BALUSTRE, ÉE (ba-lu-stré) part. pass. du
v. Balustrer : Terrasse balustrée.
BaluStrer v. a. ou tr. ( ba-lu-stré — rad.
balustre).' Munir d'une balustrade : Balus-
trbr une terrasse, un escalier.
BALUX s. m. (ba-lukss). Sable aurifère de
certaines rivières.
BALUZE (Elienne), célèbre érudit, né à
Tulle en 1630, mort à Paris en 1718. Il fut bi-
bliothécaire de Colbertet professa le droit ca-
Dpn au collège de France, dont Louis XIV le
nomma inspecteur. On sait que c'est par ses
soins que la bibliothèque du ministre acquit la
plus grande partie des trésors littéraires qui
la rendirent célèbre parmi les savants. Ayant
blessé la susceptibilité du roi dans un de ses
ouvrages, en prouvant que les Bouillon descen-
daient des anciens ducs de Guyenne, comtes
d'Auvergne, il se vit priver de sa place et de
ses pensions et exiler de Paris, où il ne rentra
qu'en 1713. Outre de nombreux manuscrits,
il a laissé quarante-cinq ouvrages imprimés.
Les principaux sont : Reyum francorum Capi-
tularia, riche collection de capitulaires enri-
chie de notes plein es d'érudition (1677 et 1780);
Conciliorum nova Collectio, dont il ne publia
qu'un volume (1683) ; Histoire généalogique de
la maison d'Auvergne; Vie des papes d'Avi-
gnon (1693), qui passe pour un de ses meil-
leurs ouvrages; des éditions de saint Oyprien,
de Salvien, de Loup, de Ferrières, etc. , ainsi
qu'un grand nombre de savantes dissertations.
Baluze est un des hommes qui ont rendu le
plus de services à l'érudition et aux lettres,
par ses travaux comme par ses efforts pour
rassembler des livres, des manuscrits, des
documents de toute sorte, et par la libéralité
avec laquelle il les communiquait aux écri-
vains et aux- savants.
11 composa lui-même son épitaphe :
Il gît ici, le sire Etienne ;
11 a consommé ses travaux;
En ce monde il eut tant de maux.
Qu'on ne croit pas qu'il y revienne.
Par son testament, il ordonna que sa biblio-
thèque fût vendue en détail, afin de faciliter
à un plus grand nombre de gens de lettres
BAL
135
et d'amateurs l'acquisition des raretés qu'elle
contenaitSes propres manuscrits, ses extraits,
les livres ou pièces annotés de sa main, le tout
au nombre de quinze cents, furent acquis par
le roi et sont aujourd'hui à la Bibliothèque
nationale. L'abbé Vitrac a prononcé et publié
un Eloge de Baluze (Limoges, 1777, în-8°).
balvane s. m. (baLva-ne). Piège pour
les gelinottes.
balyze s. f. (ba-H-ze). Eaux et for. Cordon
de taillis ou de futaie qu'on laisse aotoui
d'une coupe.
balzac s. m. (bal-zak). Agric. Variété de
raisin.
BALZAC (Jean-Louis Guez, seigneur de),
célèbre littérateur français , né à Angouléme
en 1594 , mort en 1654. Il était fils d'un gen-
tilhomme angoumoisin ,' Guillaume Guez, qui
servit sous le duc d'Epernon, et oui, ayant faii
bâtir un château , près d'Angoulême , au vil-
lage de Balzac , ajouta depuis lors à son nom
celui de sa châtellenie. Le jeupe de Balzac,
après avoir étudié chez les jésuites, fit à dix-
sept ans un voyage en Hollande, pour y com-
Êléter son éducation. Il y connut le savant
audius, et y fit paraître son premier ouvrage,
intitulé Discours politique d'un gentilhomme
français, dans lequel il se prononce pour la
liberté et pour la réforme. Il se livra? en
même temps , en compagnie de Théophile de
Viau, à une vie de plaisirs si peu mesurés
que sa santé en fut altérée , et que , depuis
lors , il se voua au célibat sans beaucoup de
mérite. Revenu en France en 1618, il se rendit
près du duc d'Epernon, protecteur de son
père , il vécut dans l'intimité du fils du duc ,
qui, devenu cardinal de Lavalette, l'emmena
avec lui en Italie et en fit son agent d'affaires
à Rome. C'est alors que Balzac commença à
écrire des lettres qui eurent un grand retentis-
sement. Lorsqu'il quitta l'Italie, en 1622, et qu'il
se rendit à Paris, il y était déjà presque célè-
bre. Il reçut partout l'accueil le plus flatteur,
et se vit recherché des plus grands person-
nages , au nombre desquels se trouvait l'évo-
que de Luçon, si fameux, depuis, sous le nom
de cardinal de Richelieu. Son premier recueil
de lettres, publié en 1624, obtint un succès pro-
digieux, non-seulement en France, mais dans
toute l'Europe. Devenu tout à coup célèbre ,
Balzac eut aussitôt un grand nombre d'en-
vieux, et, par conséquent, d'adversaires achar-
nés. A leur tête se trouvèrent deux feuillants,
dom André de Saint-Denis, qui l'attaqua vive-
ment comme plagiaire dans un livre intitulé :
Conformité de l'éloquence de M. de Balzac
avec celle des plus grands personnages des
temps passés et des temps présents; et le P.
Goulu, général de l'ordre, qui, sous le titre do
Pyllarque, publia contre lui la plus virulente
des diatribes. Pour répondre k ces attaques
passionnées, Balzac fit paraître son Apologie,
sous le nom du prieur Ogier. Celui-ci, paraît-
il, en avait préparé les matériaux, mis en
œuvre par Balzac lui-même avec un art con-
sommé. Cette apologie où, avec le peu de mo-
destie qui lui était habituel, Balzac Se donnait
les éloges les plus fastueux, ne fit qu'ajouter
un aliment de plus au débat. Fatigué de cette
lutte, il se détermina à vivre désormais dans la
retraite. D'autres déceptions contribuèrent à lui
faire prendre cette résolution. Il désirait obte-
nir un évêché ou tout au moins une riche ab-
baye ; mais pensant qu'on devait aller au-de-
vant de lui , et qu'il ne devait point solliciter,
il finit par déplaire à Richelieu. Le ministre
l'accusa de vivre trop retiré, de ne pas se '
montrer à la cour,-et ne lui donna jamais que
le titre d'historiographe de France. Retiré au
fond de sa province, dans son château de Bal-
zac, il y passa la plus grande partie de sa vie,
composant des ouvrages et se livrant tout en-
tier au culte des lettres. Mais il ne vécut pas-
pour cela dans l'oubli et dans l'isolement. Non-
seulement il recevait des visites d'amis et de
grands personnages, mais encore il était en
correspondance journalière avec Chapelain,
Costar, Voiture, etc., et les personnes du plus
haut rang mettaient un prix inestimable aux
lettres de l'ermite de la Charente, ainsi qu'on
l'appelait souvent à l'hôtel do Rambouillet.
Les lettres de Balzac eurent un grand re-
tentissement à l'époque où elles parurent ;
l'auteur savait les lancer. « Comme elles con-
tenaient toujours des choses très-flatteuses
pour les personnes à qui il les adressait, dit
Joseph de Maistre , on mettait quelque prix
à se les communiquer; on en faisait même des
copies. Balzac avait compté sur la vanité de
ses correspondants, et il ne s'était pas trompé
dans ses calculs. Les louanges qu'il prodiguait
aux autres devaient servir de véhicule à sa
Eropre réputation. Au fond, ces lettres étaient
ien faites pour faire sensation. Balzac, qui ne
manquait pas de vues profondes , trouvait un
langage hérissé de grec et de latin. Malherbe
avait commencé par purger la poésie de ces
locutions étrangères ; il avait du nombre et de
l'harmonie sans cesser d'être correct; Balzac
voulut opérer dans la prose la même révo-
lution que Malherbe dans les vers. Il ne
pouvait y parvenir que par des écrits où
le français parût avec tous ses avantages et
dépouillé de cette superfétation d'érudition
gréco-latine Balzac a rais dans ses lettres
tout ce qu'il avait dans l'esprit et dans la
cœur : les préjugés d'un érudit et les scru-
pules d'un grammairien, qui, peu satisfait de
sa langue, qu'il trouve rude, informe, sèche,
presque barbare, s'applique de toutes ses for*
136
BAL
ces ii lui donner de la correction , sans nuire
au naturel ; de l'harmonie , sans lui ôter de la
vigueur; du coloris, sans l'énerver; et cela,
non-seulement quand il parle de choses d'un
ordre élevé, mais encore lorsqu'il exprime les
idées les plus simples. La première règle ,
c'est d'être naturel , et Balzac ne l'est point.
Ce sont , il est vrai , chez lui des phrases irré-
prochables sous le rapport de la correction ;
mais c'est aussi un flux intarissable de méta-
phores, d'hyperboles, de figures de tout genre,
qui fatigue, épuise l'attention, et finit par de-
venir insupportable. Ce qui rend le défaut de
Balzac plus extraordinaire , c'est qu'il savait
très-bien apprécier la littérature de son temps,
et voir ce qu'il y avait en elle de faux et
d'exagéré. 11 est plus aisé d'établir un pré-
cepte que de s'y conformer , surtout quanti on
se trouve dans la position de Balzac; sembla-
ble au nouveau ncho, qui met partout de la
dorure , il a mis de l'esprit et de l'érudition.
fiartout; il se regardait en Quelque sorte comme
e créateur d'un nouveau langage, et l'on sait
que tous les arts commencent par l'exagéra-
tion. Or, de l'exagération des idées au pédan-
tisme il n'y a qu un pas. Les admirateurs de
Balzac avaient formé des associations où cha-
cun était tenu, dit Ménage, ide prendre garde
à parler correctement, et à ne pas faire de
fautes dans les entretiens d'assemblées. > On
sait que, dans un temps où il n'était pas facile
d'être correct, une telle contrainte devait com-
plètement exclure le naturel dans la conver-
sation. A plus forte raison devait-il en être
ainsi dans les lettres , où la parole écrite peut
plus facilement s'assujettir à des règles. Il ne
faut pas s'imaginer, au surplus, que tout le
mérite de Balzac a consisté dans l'art d'ar-
ranger des mots d'une manière plus ou moins
harmonieuse. Sous ces périodes sonores se ca-
chent des idées justes , des aperçus ingénieux,
des sentiments de l'ordre le plus élevé... Ses
lettres sont dépourvues de l'agrément qu'of-
frent en général les correspondances privées,
etdénuées d'ailleurs d'intérêt, car on n'y trouve
ni anecdotes, ni détails familiers, ni épanche-
ments de confiance ; mais elles peuvent paraître
un monument -précieux à conserver comme
constatant l'état de la langue au milieu du
xvue siècle et les efforts progressifs qu'elle a
faits pour se polir, se perfectionner et se com-
pléter. On y trouve, en effet, une foule de mots
tout nouveaux , que l'on s'est empressé d'a-
dopter et que l'usage général a consacrés,
tels que féliciter, urbanité, bienfaisance , etc.
On y trouve aussi des idées heureuses , que
beaucoup d'écrivains postérieurs se sont ap-
propriées.
Ces lettres, qui répondent si peu à l'idée que
nous nous faisons aujourd'hui du style épisto-
laire, furent d'autant plus recherchées que la
réputation de Balzac s'étendait plus au loin.
On lui en demandait de toute part, dit M. Ni-
sard ; on les colportait d'une maison à l'autre,
on invitait les gens à dîner pour leur en faire
la lecture. Balzac ne pouvait suffire à toutes
les exigences;... aussi .se plaignait-il » d'être
assassiné des civilités qui lui venaient des
quatre parties du monde ; » mais, malgré tout
cela, il était heureux de son malheur,... ce
qui ne l'empêchait pas d'écrire à Chapelain ;
« Vous ne sauriez croire combien je suis las
du monde et dégoûté de moi-même. Toutes les
choses qui m'ont chatouillé me blessent. J'es-
time autant un almanach qu'une histoire ; les
simples mots de style me font mal à la tête.
Plût à Dieu m'étre défait de ma bonne ou
mauvaise réputation, et j'ai envie de changer
de nom , afin de ne plus prendre part a tout
ce qui se dit de Balzac, et ne m'intéresser, ni
de la louange, ni du blâme qu'on lui donne. •
On dit ces choses - là et souvent on n'en
pense pas le premier mot; cependant un aveu
de Balzac ferait croire assez volontiers à sa
franchise. Parlant un jour de Saumaise, il
déclara « qu'une petite lettre lui coûtait plus
qu'un volume ne coûtait à ce bienheureux
écrivain, d et il disait à Scudéri : «J'admire
votre facilité , votre abondance • vous pouvez
écrire plus de calepins que moi d'almanachs. •
En 1631, Balzac fit paraître le Prince , qu'il
avait d'abord nommé le Minisire d'Etat. C'est,
d'après M. Nisard, un portrait du prince, tel
qu'un honnête rêveur peut le désirer, avec
un caractère, des mœurs, des qualités qui
n'existent que dans l'imagination. Trois ans
après la publication de ce livre, qui fut censuré
par la Sorbonne, Balzac, lors de la fondation
de l'Académie française, fut appelé à en faire
partie, et on l'exempta, par une faveur toute
spéciale, d'assister aux séances.
Vers la fin de sa vie , il tomba dans la plus
grande dévotion. Il fit construire des cham-
bres au couvent des capucins d'Angoulème,
pour s'y livrer à des pratiques de piété , fit
distribuer de son vivant huit mille écus en
œuvres pies , ce gui prouve qu'il ne se borna
pas seulement à faire passer dans la langue le
mot bienfaisance, et il légua, en mourant,
une somme a l'Académie française pour y
fonder un prix d'éloquence. C'est sous l'em-
pire de ces idées qu'il écrivit son Socrate chré-
tien (1652) , sorte de dissertation érudite et
Iiompeuse sur l'excellence de la morale et de
a religion. Après sa mort, on publia quelques
ouvrages qui ajoutèrent encore à sa renom-
mée :les entretiens, en 1657, et VAristippe,
en 1658. (V, Aîustippe.) On considère ce der-
nier ouvrage comme le chef-d'œuvre de Balzac.
« Aristippe est mon bien-aimé , disait-il lui-
même ; il est les délices de mes yeux et la con-
BAL
solation *de ma vieillesse. Je l'ai fait et refait
cent douzaines de fois , j'y ai employé toute
ma science , tout mon esprit et tout celui des
autres. >
En résumé, malgré la pompe emphatique et
la recherche extrême qui déparent si souvent
les écrits de Balzac , on ne saurait méconnaî-
tre la grande influence que son génie essen-
tiellement oratoire a eu sur notre langue, et'
il doit être placé aux nombre de nos meilleurs
écrivains eu égard à l'ordre des temps. « Il
est utile à lire et à méditer, également propre
à instruire et à former, dit Joubertj souvent
il dépasse le but; mais il y conduit et il ne
tient qu'au lecteur de s'y arrêter. »
Outre les ouvrages que nous venons de citer,
Balzac a composé une satire intitulée le Barbon
(1648); un nombre considérable de vers latins,
sous le titre de Très libri carminum (1650) ; une
foule de dissertations et d'entretiens, notam-
ment sa dissertation sur VHcrodes fnfanticida
de Heinsius, etc. Ses Œuvres complètes ont
été publiées à Paris (1665, 2 vol. in-folio). On
a également un Choix des lettres de Balzac
(1S06) ; les Pensées de Balzac, précédées d'ob-
servations, par Moreau de Merâan (1807), et
les Œuvres choisies de Balzac, données par
Malitourne (1822).
BALZAC ( Charles- Louis ) , architecte et
littérateur, né à Paris, mort en 1820. Il fut
adjoint à l'expédition d'Egypte, et enrichit de
précieux dessins d'architecture le grand ou-
vrage de la commission. On a de lui un opéra-
comique, les Deux meuniers, des poésies, un
petit poème, Douleurs et guérison (1819), etc.
BALZAC (Honoré de), célèbre romancier, né
à Tours le 27 floréal an VII (16 mai 1799),
jour de la Saint-Honoré, dont on lui donna le
nom, mort à Paris le 20 août 1850. Malgré
ses prétentions aristocratiques, Balzac était
de naissance roturière, et il n'avait absolument
rien de commun avec les familles auxquelles
il prétendait se rattacher. La particule, qui,
comme on le sait d'ailleurs, n'est pas toujours
une preuve de noblesse authentique, ne lui
appartenait pas. Sur son acte de naissance, il
est tout bonnement, tout bourgeoisement, tout
vilainement nommé Balzac, ainsi que son père.
La même particularité a été constatée sur
l'acte de naissance de son frère Henri-Fran-
ÇOis, qui naquit huit ans plus tard, et n'eut
jamais la velléité de blasonner son nom. Ces
renseignements authentiques ont été fournis
par M. Champoiseau, président honoraire de
la Société archéologique de Tours (V. Bévue
des Deux-Mondes, 1 5 décembre 1856, page 721).
Si nous insistons sur ce détail, qui ne saurait
être qu'une vétille à une époque où la démo-
cratie, bien que cachée derrière un nuage,
règne en souveraine absolue, c'est que cette
faiblesse vaniteuse forme un des traits sail-
lants de ce singulier esprit, qui s'était fabri-
qué une généalogie romanesque que lui-même
avait fini par prendre au sérieux, comme
celles qu'il donnait à ses héros.
Et maintenant, ce n'est pas sans quelque
embarras que nous avouerons, au début de
cet article, que, tout en admirant la fécondité
laborieuse, la verve pittoresque et la puis-
sance d'observation de ce conteur prestigieux,
de cet artiste en fictions, nous ne pouvons
nous accoutumer à l'espèce de fétichisme dont
il est l'objet depuis sa mort. En présence d'un
tel engouement, nous craignons de choquer
un certain nombre de nos lecteurs en hésitant
à nous incliner devant l'idole aussi bas que
l'exigent ses fanatiques admirateurs. Nous
avons sous les yeux un grand nombre d'étu-
des biographiques et littéraires qui sont, pour
la plupart, des dithyrambes. Suivant ses dé-
vots, Balzac n'est pas seulement le plus grand
écrivain du siècle, c'est aussi le plus profond
des penseurs et nés philosophes, le plus su-
blime de^ génies, et, pour parler la langue
emphatique de ces enthousiastes, le colosse de
la littérature contemporaine. Nous ne savons
quel idolâtre ou quel compère l'a ridiculement
nommé le Christ de l'art moderne.
Bien que l'effet ordinaire des louanges exces-
sives soit de provoquer les réactions de la
critique, nous ferons tous nos efforts pour noua
tenir dans une juste mesure et pour accorder
à Balzac le genre d'admiration qui lui convient,
et que les hyperboles de ses partisans pour-
raient lui faire contester. Tous ces adorateurs
qui, comme la statue de Memnon, saluent le
soleil chaque matin dans leur feuilleton, dans
leur chronique, tous ces petits poussins qui se
sont réfugiés dans le giron de Jupiter, et qui
s'abritent chaque soir sous les ailes de cet
aigle du xix« siècle, vont crier au scandale,
nous appeler sacrilège, iconoclaste... Que nous
importe? Il est bon, il est sain, il est moral
de dire la vérité aux morts; pour que cette vé-
rité serve de leçon aux vivants, envers les-
quels, selon le sentiment de Voltaire, on est
obligé à plus de ménagements.
La biographie d'Honoré Balzac n'offre qu'un
intérêt relatif. Très-médiocre élève du collège
de Vendôme, nourri au hasard de lectures
mal digérées, il vint jeune à Paris, où il ébau-
cha quelques autres études, et où il mena,
jusqu'à l'âge de trente ans, une vie singulière-
ment aventureuse, pleine de tâtonnements,
d'efforts en sens divers, d'entreprises et
d'avortements. Ce sont là, dira-t-on, les dé-
buts ordinaires du génie. Rien n'est, malheu-
reusement, plus vrai; mais il y a cependant
une distinction à faire entre les mâles souf-
frances des grands lutteurs en travail d'une
BAL
idée impersonnelle, inventeurs ou philosophes,
et les déceptions des ambitieux , uniquement
préoccupés de la fortune et de la gloire, de
l'agrandissement de leur personnalité. La for-
tune et la renommée, telles furent, en effet,
les seules Muses de Balzac ; et, bien que
nous n'ayons aucun détail biographique sur
ses premières années, il est probable que ces
Muses furent celles qui chantèrent autour de
son berceau ; car l'homme est dans l'enfant,
comme le chêne est dans le gland. Du reste,
il est juste de reconnaître qu'il a poursuivi
son but avec une énergie, une opiniâtreté de'
travail et une force de volonté, qui méritaient
bien le succès qu'il a fini par conquérir.
Enfoui dans une mansarde pendant de lon-
gues années, il entassa, de 1820 à 1828, volu-
mes sur volumes , tantôt en collaboration
avec Lepoitevin Saint-Alme, qui prenait le
nom de Villerglé, tantôt seul, sous les pseu-
donymes d' 'Horace de Saint-Aubin et de lord
Jï'hoone. Toujours, comme on le voit, des
noms aristocratiques, pour ne pas trop déro-
ger, même sous le masque. Voici les titres de
quelques-uns de ces romans informes, que lui-
même appelait, assez prétentieusement, ses
études : Les Deux Hector, le Centenaire, le
Vicaire des Ardennes, Y Héritière de Birague,
Clotilde de Lusignan, la Dernière fée, Michel
et Christine, l'Anonyme, Wann-Chlore, le Cor-
rupteur, etc. Au témoignage de M. Sainte-
Beuve (Critiques et portraits, 1836), qui a eu
le courage de les lire ; de l'aveu des plus ar-
dents disciples du maître, il n'y a absolument
rien dans ces essais, ni originalité ni style,
nul indice de talent et d'avenir littéraire. Une
volonté moins robuste se fût découragée mille
fois ; mais Balzac avait une foi inébranlable
dans son génie, auquel personne ne pouvait
croire, et il persévéra obstinément dans sa
voie. Dans l'intervalle, il avait courageuse- ■
ment tenté de s'assurer l'indépendance par
des spéculations industrielles. Il se fitéditeur,
imprimeur, fondeur; mais ces entreprises ne
réussirent point et ne lui laissèrent que des
dettes. En tout état de cause, nous préférons,
dans la vie de Balzac, ces tentatives honora- .
blés aux combinaisons fantasques et puériles
que, dans la suite, il improvisait chaque jour
pour violenter la fortune rebelle. Son insuc-
cès le rendit à la littérature. • L'imprimerie,
dit- il, m'a pris tant de capital, qu'il fautqu'elle
me le rende. « Et, comme un robuste ouvrier,
il reprit vaillamment le collier du travail,
qu'il n'a jamais quitté depuis. Répétons-le,
cette ardeur fut une des grandes qualités de
Balzac, et l'on ne peut trop admirer sur ce
point son énergie, quand on rapproche le
nombre de ses écrits de la difficulté qu'il
éprouvait à les produire ; quand on connaît sa
méthode de composition, ses efforts laborieux,
les continuels remaniements qu'il faisait subir
à ses écrits. On sait que sa copie, et surtout
ses épreuves, étaient la terreur des typogra-
phes, qui se les repassaient de main en main,
ne voulant pas faire chacun plus d'une heure
de Balzac. Cela était devenu proverbial dans
les imprimeries ; on faisait du Balzac par cor-
vée. Sa manière de procéder était celle-ci :
quand il avait -suffisamment médité un sujet,
il traçait en quelques pages une espèce de
scénario informe, qu'il. envoyait à l'imprimerie.
Cette ébauche de premier jet lui revenait en
placards, dont il emplissait en tous sens les
marges d'un feu d'artifice de corrections et
d'additions. Les épreuves se multipliaient, et
le texte primitif avait depuis longtemps dis-
paru sous les amplifications, qu'il remaniait
encore, ajoutant, modifiant toujours et sans se
lasser jamais. Tel de ses romans n'a paru
qu'après la douzième épreuve; et quelles
épreuves 1 On assure même que quelques-uns
sont allés jusqu'à la vingtième. Les libraires
refusaient.de supporter les frais de ces inter-
minables corrections, qui nécessairement ébré-
chaient les honoraires de l'écrivain. Des en-
fantements aussi laborieux indiquent sans
doute un grand amour de la perfection; mais
ils trahissent en même temps les efforts péni-.
blés d'un auteur, obligé d'arracher par lam-
beaux les idées de son esprit. On ne saurait
nier qu'un grand nombre de défauts, qui frap-
pent dans ses ouvrages, ne soient une con-
séquence de ce mode incohérent de compo-
sition.
Le Dernier Chouan (1827) ouvre la série des
ouvrages que Balzac a reconnus et signés de
son nom (à cette époque, il iie s'affublait pas
encore du de). On y trouve, pour la première
fois, du pittoresque et une certaine entente
dramatique; mais l'imitation de Walter Scott
est évidente. Nous passons sur Catherine de
Médicis, roman historique ou prétendu tel,
que sa sœur, M<»e Surville, donne pour un de
ses plus beaux livres, mais que personne n'a
jamais lu. Le nom de Balzac sortit enfin de sa
longue obscurité par un livre de saveur mor-
dante et graveleuse, qui contenait juste assez
d'esprit pour faire passer beaucoup de cynisme
et de corruption, la Physiologie du mariage
(1829), sorte de macédoine ou il rajeunit un
sujet usé, et d'où la morale est exclue dès le
titre. Il y a certainement beaucoup de verve
dans cette élucubration, mais encore plus de
scepticisme et d'immoralité. En outre, certains
détails choquants et grossiers font trop sou-
vent penser à Rétif de la Bretonne et à son
Pornographe. Balzac publia, dans la même
année, quelques croquis nouveaux : Gloire et
malheur, El Verdugo, la Maison du chat qui
pelote, le Bal de Sceaux. Cependant il n'était
BAL
pas encore classé parmi les romanciers en
renom, quand parut, en 1830, la Peau de cha-
grin, livre qui rit beaucoup du bruit, et qui
contient, au milieu de fragments qui annon-
cent un talent réel, de malheureuses imita-,
tions d'Hoffmann et parfois de Rabelais, des
boursoufftures de lyrisme, des obscurités pré-
tentieusement philosophiques, des banalités
déclamatoires et des affectations d'immoralité.
Néanmoins, le succès fut complet; ce roman
étrange fut lu et relu, et l'auteur aidait lui-
même à la vogue par de chaleureuses récla-
mes, où il se prodiguait les éloges les plus
outrés et se comparait modestement aux plus
grands génies de l'histoire littéraire. On a
prétendu qu'il ne 'se préoccupait en aucuno
manière- du sort de ses ouvrages, une fois
qu'ils étaient sortis de sa plume," et qu'il ne
recherchait point les éloges des journaux.
Un des écrivains les plus justement estimés
de notre époque a imprimé sérieusement dans
son étude sur Balzac : « Il ne demandait
d'éloges à personne. Nul auteur ne fut plus
insoucieux que lui des articles et des ré-
clames à l'endroit de ses livres ; il laissait
sa réputation se faire toute seule, sans y
mettre la main, et jamais il ne courtisa les
journalistes. ■ Comme réponse à ces com-
plaisantes fictions de l'amitié, nous citerons
une curieuse pièce qui a été publiée dans
l'Amateur d'autographes du 15 mai 1865. C'est
une réclame hyperbolique écrite entièrement
de' la main de Balzac, et destinée à quelque
journal, à propos d'une réimpression de la
Peau de chagrin (édition Gosseiin, 1835). Nous
l'insérons tout entière.sans y changer une vir-
gule : .
« Les Contes philosophiques de M. de Balzac
ont paru cette semaine chez le libraire Gos-
selin. La Peau de chagrin a été jugée comme
ont été jugés les .admirables romans d'Anne
Radcliffe. Ces choses-là échappent aux anna-
listes et aux commentateurs. L'avide lecteur
s'en empare, de ces livres. Ils jettent l'insoiu-
nie dans l'hôtel du riche et dans la mansarde
du ponte; ils animent la campagne; l'hiver ils
donnent un reflet plus vif au sarment qui pé-
tille ; grands privilèges du conteur. C est
qu'en effet c'est la nature qui fait les conteurs.
Vous aurez beau être savant et grave écri-
vain, si vous n'êtes pas venu au monde con-
teur, vous n'obtiendrez jamais cette popularité
nui a fait les Mystères d'Udolphe et la Peau
de chagrin, les Mille et une nuits et M. de
Balzac. J'ai lu quelque part que Dieu mit au
monde Adam le nomenclateur en lui disant :
Te voilà homme! Ne pourrait-on pas dire qu'il
a mis aussi dans le monde Balzac le conteur
en lui disant : Te voilà conte! Et en effet quel
conteur t que de verve et d'esprit! quelle infa-
tigable persévérance à tout peindre, à tout
oser, à tout flétrir t Comme le monde est dis-
séqué par cet homme! quel annaliste! quelle
passion et quel sang- froid!
» Les Contes philosophiques sont l'expression
au fer chaud d'une civilisation perdue de dé-
bauches et de bien-être que M. de Balzac ex-
pose au poteau infamant. C'est ainsi que les
Mille et une nuits sont l'histoire complète du
mol Orient à ses jours de bonheur et de rêves
parfumés. C'est ainsi que Candide est toute
l'histoire d'une époque où il y avait des bas-
tilles, un Parc-aux-cerfs et un roi absolu. En
prenant ainsi et du premier bond une place à
côté de ces conteurs formidables ou gracieux,
M. de Balzac a prouvé une chose qui était à
démontrer encore : à savoir que le drame, qui
n'était plus possible aujourd'hui sur le théâtre,
était encore possible dans le conte, que notre
société si dangereusement sceptique, blasée
et railleuse, véritable Phœdora sans âme et
sans cœur, pouvait encore cependant être re-
muée par les galvaniques secousses de cette
poésie des sens colorée, vivante, en chair et
en os, prise de vin et de luxure à laquelle s'a-
bandonne avec tant de délices et de délire
M. de Balzac. De sorte que la surprise a été
grande lorsque, grâce à ce conteur, nous avons
encore, trouvé parmi nous quelque chose" qui
ressemble à la poésie; les festins, l'ivresse, la
fille de joie, folle de son corps, donnant ses
caresses au milieu de l'orgie, le punch qui
court couronné de flammes bleues, la politique
en gants jaunes, l'adultère musqué, la petite
fille s'abandonnant au plaisir, à l'amour, rê-
vant tout haut ; la pauvreté propre et relui-
sante, si entourée de décence et d'heureux
hasards, nous avons vu tout cela dans Balzac.
L'Opéra et ses filles, le boudoir rose et ses
molles tentures, le festin et ses indigestions ;
nous avons même vu apparaître encore les
médecins de Molière, tant cet homme a besoin
de sarcasmes et de grotesques. Plus vous
avancez dans la Peau de chagrin, vices, ver-
tus manquées, misères, ennui, profond silence,
science sèche et décharnée, scepticisme an-
guleux et sans'esprit, égoïsme ridicule, vanités
puériles, amours soldés, juifs brocanteurs, que
sais-jeî plus vous reconnaissez avec étonne-
ment et douleur qu'ainsi est construit en effet
ce xixe siècle ou vous vivez. La Peau de
chagrin, c'est Candide avec des notes de Bé-
ranger; c'est les misères, c'est le luxe, c'est
la foi, c'est la moquerie, c'est la poitrine sans
cœur et le crâne sans cervelle du XIX" siècle,
ce siècle si paré, si musqué, si révolutionnaire,
si peu lettré, si peu quelque chose; ce siècle
de fantasmagories brillantes dont on ne pourra
plus rien saisir dans cinquante ans, excepté la
Peau de chagrin de M. de Balzac. »
Notons en passant avec quelle ténacité Bal-
BAL •
irac cherche à établir une parenté entre sa
Peau de chagrin et Candide, On verra plus
loin comhien sont fragiles les liens qui unis-
sent les deux œuvres.
Sans tenir compte, pour le moment, des
classifications que Balzac a imaginées après
coup pour ses ouvrages, nous en donnerons
ici la liste, en suivant l'ordre chronologique
de leur composition, aussi exactement que
cela est possible; car lui-même a souvent ou-
blié de les dater, et il a maintes fois changé
ses titres. Suivant sa sœur, M'w Surville, il
a publié, de 1827 à 1848, 97 ouvrages formant
10,816 pages de l'édition compacte.de la Comé-
die humaine, triplant au moins celles des in-8°
ordinaires de la librairie. Nous rappelons ici
qu'on trouvera dans ce Dictionnaire l'analyse
îles principaux de ces romans. V. Grandet ;
Femme de trente ans; Physiologie du ma-
riagb ; Parents pauvres, etc.
Voici cette liste, dont nous exceptons natu-
rellement les ouvrages que nous avons cités
plus haut :
1830. La Vendetta, une Double famille,
Etude de femme, Gobseck, Autre étude de
femme, la Grande Brelèche, Adieu, YElixir de
longue vie, Sarrasine.
1831. Madame Firmiani, le Réquisitionnais,
Y Auberge rouge, Maître Cornélius, les Pros-
crits, un Episode sous la Terreur, Jésus-Christ
en Flandre.
1832. Le Martyr calviniste, le Message, le
Chef-d'œuvre inconnu, le Colonel Chabert, le
Curé de Tours, la Bourse, Louis Lambert, la
Femme abandonnée, la Grenadière, l'Illustre
Gnudissart,la. Mazana, Une passion dans le
désert, les Cent Contes drolatiques (1er dixain),
Deux contes bruns.
1833. Le Médecin de campagne, Ferragus,
Eugénie Grandet, Séraphita, les Employés, les
Cent Contes drolatiques (S« dixain).
1834. La Duchesse de Langeais, le Père Go-
riot, la Recherche de l'absolu, un Drame au
bord de la mer.
1835. La Fille aux yeux d'or, le Contrat de
mariage, Melmoth réconcilié, Un grand homme
de province (Illusions perdues), fa Femme de
trente ans (la fin en 1842), le Lis dans la
vallée.
1836. 1/Enfant maudit, la Messe de l'athée,
Facino Cane, la Vieille fille.
1837. Le Curé de village, Gambara, le Ca-
binet des antiques, César Birotleau, les Cent
Contes drolatiques (3e dixain), la Filandière.
1838. Une fille d'Eve, les Secrets delà prin-
cesse de Cadignan, Mercadet (pièce de théâtre).
1839. Pierre Grassou, un Prince de la Bo-
hême, Massimilia Boni, la Paix du Ménage,
Pierrette, Traité sur les excitants modernes,
Vautrin (drame).
1840. Z. Marcas, les Ressources de Quinola
(comédie), la Revue parisienne.
1841. Mémoires de deux jeunes mariées,
Ursule Mirouet, une Ténébreuse affaire, Béa-
trix, Physiologie du rentier.
1842. La Fausse maîtresse, Albert Savarus,
un Début dans la vie, un Ménage de garçon,
Paméla Giraud (pièce de théâtre).
1843. La Muse du département, Honorine,
Eve et David (fin des Illusion* perdues),
Splendeur et misère des courtisanes { l rc partie) ,
Monographie de la presse parisienne.
1844. Modeste Mignon, Gaudissart II, Pe-
tits mystères de la vie conjugale, Philosophie
de la vie conjugale, Paris marié.
1845. Les Paysans (ire partie), Esquisse
d'homme d'affaires, les Comédiens sans le sa-
voir, l'Envers de l'histoire contemporaine, le
Curé de village (fin).
1846. Splendeurs et misères des courtisanes
(2o partie), Dernière incarnation de Vautrin,
le Député d'Arcis, Etude sur Stendahl (Henri
Beyle).
1847. Les Parents pauvres, la Théorie de la
démarche, la Marâtre (drame).
Il faut ajouter à cette longue nomenclature
quelques autres ouvrages, ainsi qu'un certain
nombre d'articles et de travaux divers publiés
dans les journaux et revues, sans parler des
nombreuses réclames, bien entendu non si-
gnées. .
Quoique beaucoup de ces écrits ne soient
que de simples nouvelles, d'un mérite fort
inégal, on n'en est pas moins surpris d'une
telle fécondité, rapprochée, nous le répétons,
des procédés pénibles de composition que l'on
connaît.
Le moment lumineux de la carrière de Bal-
zac, et qui marque en quelque sorte la flo-
raison de son génie , c est l'époque où il
publia les nouvelles et romans qu'il a classés
en Scènes de la vie privée et Scènes de la vie
de province. On peut voir ces classifications
dans la Comédie humaine , avec d'autres aux-
quelles, dans l'origine, il n'avait sans doute
pas songé. Les principaux de ces tableaux de
genre sont : la Femme abandonnée , la Femme
de Trente ans, la Grenadière, les Célibataires,
le Lis dans la vallée, la Vieille fille, etc., au
premier rang, Eugénie Grandet. Nous savons
que, plus tard, il éprouvait une espèce de dépit
de s'entendre toujours appeler l'auteur d'Eu-
génie Grandet. Cependant, malgré ses illusions
sur ses autres créations, on peut dire que
cette œuvre est une des plus remarquables
qui soient sorties de sa plume. Ces nouvelles,
qui fondèrent sa réputation, la soutiendront
dans l'avenir, quand ses grandes compositions
SBront oubliées.
IL
BAL
Balzac était peintre, peintre de mœurs sur-
tout; il avait un sentiment très-fin de la vie
privée, des mœurs bourgeoises, des réalités
vulgaires de l'existence, des scènes d'inté-
rieur, des petites misères et des trivialités ;
sous ce rapport , sa faculté d'observation ,
servie par une vaste mémoire, lui fournit des
effets d'une réalité saisissante. Quand il trace
un portrait, on dirait que le modèle pose de-
vant lui. 11 avait le don singulier de vivre ses
personnages, de s'incarner en eux ; c'est ce qui
leur donne tant d'idéalité, quelque étranges
et quelque invraisemblables qu'ils soient. On-
en peut dire autant de ses descriptions. Il a le
talent de les colorer, de les animer, de leur
donner en quelque sorte une physionomie; il
vous intéresse à un ameublement , à une ten-
ture somptueuse ou fanée, à une allée de jar-
din, à la façade d'une auberge, à une vieille
maison de province, à un intérieur de courti-
sane ou de vieux célibataire, de palais ou
d'hôtel garni , de femme à la mode ou de
vieille fille, d'étudiant ou d'usurier, de savant
ou de bourgeois enrichi. Mais, s'il a un vif
sentiment de la réalité , s'il sait en faire
saillir les plus minces détails, trop souvent
aussi il tombe dans la puérilité et les tnlini-
mcnts petits, dans les excès descriptifs les
plus fatigants. Quand il s'égare, et, en ce
genre, il s'égare sauvent, il ne vous fait
grâce ni d'une ride, ni d'une verrue, ni d'un
clignement d'yeux , ni d'un pli de rideau , ni
d'un clou de fauteuil, ni d'un grain de pous-,
sière , ni d'un feston, ni d'un astragale. Ses
descriptions ne sont plus alors que des inven-
taires , et le coloriste se transforme en com-
missaire-priseur. Ces défauts ne tirent que
s'exagérer avec le temps. Ainsi, dans ses
premières Scènes de la vie privée, il esquisse
souvent, en quelques coups de pinceau, des
portraits brillants , énergiquement vrais ,
comme celui du père Grandet, tracé en pied,
vivant et complet, en une seule" page. Plus
tard , il lui en faudra six ou huit pour dé-
crire une physionomie. Enfin, dans sa der-
nière manière, il arrive a des exagérations
inouïes de prolixité; dans Béatrix, par exem-
ple , plus de cent pages sont consacrées à la
description de la ville de Guérande, de la
maison du Guênic et aux portraits du baron,
de sa femme, de leurs domestiques, de leurs
amis, de leurs aïeux, etc.
En même temps, il tombait de plus en plus
dans la vulgarité , noyant l'action dans les
détails , et se complaisant à reproduire les
plus puérils et les plus choquants , parfois
même les plus' repoussants. Le prétexte de
copier la réalité ne nous semble pas justifier
ce flux de minuties sans intérêt. Il est évident
que, dans une œuvre littéraire, comme dans un
tableau, il ne faut pas abuser de l'accessoire ni
donner la première place aux meubles et aux
décorations. Quand cette manie d'observa-
tions microscopiques s'exerce sur le carac-
tère et sur les mœurs des personnages, elle
peut encore se justifier en une certaine me-
sure, et l'on pardonnera à. un auteur d'être
quelquefois ennuyeux , s'il est souvent ingé-
nieux et vrai; mais quand il s'agit des choses
matérielles, ce n'est pas se montrer trop exi-
geant que de désirer un peu de sobriété. Il y
a dans la réalité mille choses dont la repro-
duction est sans utilité comme sans intérêt,
et beaucoup d'autres aussi qu'il est inconve-
nant de décrire. Et l'on sait si Balzac, sous
ce rapport, a ménagé ses lecteurs.
Nous savons que l'école réaliste, dans ses
affectations d'observation minutieuseet photo-
graphique, prétend retrouver l'homme, son
caractère et ses passions, dans un geste , une
intonation de voix , un nœud de cravate , une
mèche de'cheveux, un pli de l'orteil, et mille
autres misères qui sont le plus souvent des
accidents du hasard. La convention joue cer-
tainement un grand rôle dans les théories de
ces prétendus réalistes. Quoi qu'ils en aient, ce
sont en définitive des hommes d'imagination,
des poètes (qu'ils ne prennent point cela pour
une injure). Balzac, posant devant le grand
statuaire David (d'Angers), lui disait, avec
cette infatuation phénoménale qui lui était
propre, avec cette ivresse du Moi, qui dans sa
bouche avait plusieurs syllabes : «Surtout,
étudiez mon nez; mon nez, c'est tout un mon-
de I » Etonnante illusion 1 son nez était fort
laid, plus que vulgaire, carré du bout, un peu
renflé du milieu et partagé en deux lobes
soufflés et bossues, un vrai nez de fantoche
et de grotesque. Nous ne faisons cette obser-
vation puérile, qu'on le croie bien, que pour
montrer l'inanité du système. Si l'on se con-
damnait à ne juger que par les détails exté-
rieurs et matériels , on s'égarerait le plus
souvent dans l'arbitraire et la fantaisie. Il est
étonnant qu'on soit obligé de dire cela aux
théoriciens qui se "posent en observateurs
jurés et patentés de ta nature vraie et non
idéalisée , que trop souvent eux mêmes ils
idéalisent en laid. 11 est certain que, si l'on
jugeait Balzac d'après les procédés de parti
pris qu'il emploie lui-même, on le jugerait fort
injustement et fort mal. Voyez ses bons por-
traits, celui de Louis Boulanger, qui est le
meilleur, ôtez de ce visage l'éclat extraordi-
naire des yeux, pourquoi n'en conviendrions-
nous pas, que restera-t-il ? La trogne vulgaire
d'un moine ou d'un chantre. Et cette pose
théâtrale, et ce costumé de moine, et ce
ventre rabelaisien, et tous ces indices de sen-
sualité, et toute cette bouffissure de vanité
bourgeoise! Qui reconnaîtrait là l'auteur du
Lis dans la vallée ou de Séraphita?
BAL
La réalité brutale, observée sommairement
avec l'œil microscopique du peintre, qui, le
plus souvent, lie réfléchit que la surface ma-
térielle, comme l'objectif du photographe ,
peut donc ne pas être toujours vraie , dans le
sens philosophique du mot. L'homme n'est pas
seulement une série de détails ; c'est un en-
semble, une synthèse, comme disent les méta-
physiciens ; on ne peut le juger sérieusement
par la séparation des éléments, l'émiettement,
à la manière des analyses chimiques. Tel
homme, que l'on condamnera sur sa carica-
ture, aura des parties exquises qui échappe-
ront à l'artiste exclusif, trop grossièrement
occupé de la forme , et qui ne frapperont que
le moraliste et le philosophe.
Pour conclure sur ce point, nous dirons que
Balzac ne nous semble pas un observateur
aussi profond qu'on se plaît à le répéter : l'ob-
servateur reproduit, le créateur invente; l'ob-
servateur retrace, l'idéaliste crée, et Balzac
a ("lutôt chargé qu'il n'a observe. Il a beau af-
firmer lui-même, ;ivec une puérile emphiise,
qu'il a créé des milliers de types, nous ne
trouvons guère, dans ses œuvres, de figures
qui méritent ce nom. Des types réels, on
les compte chez les plus grands écrivains.
Saint-Preux de Jean-Jacques, Pangloss de
Voltaire , Brid'oie de Rabelais , Faust de
Gœthe, Lovelace de Richardson, l'Antiquaire
de W. Scott , et quelques autres encore. Avec
Balzac, nous en avons une armée; mais ces pré-
tendus grognards sont à peine des conscrits;
car, où sont-ils donc ces héros? Est-ce Vautrin
ou Rastignac, M>"e Marnefle ou le baron Mulot,
la cousine Bette ou Ferragus , de Marsay ou
Quinola, Mercadet ou Modeste Mignon? Bien
loin de voir des types dans ces personnages
et? dans la plupart de ceux de la Comédie hu-
maine, nous trouvons même qu'ils ne sont
point vrais ; leur prétendu réalisme est une
chimère. Vautrin est un forçat légendaire
qui, comme les héros des plus vulgaires ro-
mans, commande à l'impossible, dirige les
événements, lit à travers les murailles et saute
par- dessus les moulins. Rastignac est un
ignoble polisson sans caractère et sans phy-
sionomie. Le père Goriot est un maniaque
sans dignité, qui représente assez misérable-
ment la grande figure de la paternité. Qui-
nola est une plate imitation de Figaro. Nu-
cingen est un poncif à la manière de ceux de
Paul de Kock, mais moins sincèrement naïf.
Mm de Mertsauf, malgré quelques belles par-
ties, est un ange un peu douteux, dont le
mysticisme quintessencié fatigue par son af-
fectation, et qu'on n'est nullement étonné de
voir retomber, vers la lin, dans les accès d'un
sensualisme maladif. Hulot, les Marnefle. et
vingt autres suintent le vice, à faire rejeter le
livre avec dégoût. Si c'est là ce qu'on nomme
des types, il serait bien facile, en vérité, d'en
trouver des milliers dans la littérature cou-
-ante. Ce ne sont pas plus là des types qu'un
puceron n'est une originalité sur une rose.
On l'a dit depuis longtemps, les œuvres d'i-
magination vivent surtout par le style. Or,
le style de Balzac ne se ressent-il pas trop
souvent des laborieux procédés de composi-
tion que l'on connaît? A côté de pages nettes,
fermes et précises, ne rencontre-t-on pas de
nombreuses parties où la prolixité habituelle
dégénère en flux, et où l'idée est noyée dans
une phraséologie prétentieusement alambi-
biquée, incorrecte et bariolée, à l'aventure, de
termes et d'images empruntés à la médecine
et aux sciences? Il nous parlera des projec-
tions fluides des regards qui servent à toucher
la peau suave d'une femme ; — de Yacutesse des
passions ; — de l'atmosphère de Paris , où tour-
billonne un simoun qui enlève les cœurs ; —
de la lente action du sirocco de l'atmosphère
provinciale; — de la raison coefficiente des
événements ; — de la mnémotechnie pécuniaire ;
— de phrases jetées en avant par les tuyaux
capillaires du grand conciliabule femelle; —
d'un enfant (Louis Lambert) dont il partageait
l'idiosyncrasie ; — d'idées dévorantes distillées
par un front chauve ; — d'un amant qui enve-
loppe sa maîtresse dans la ouate de ses atten-
tions; — des avortements où le frai du génie
encombre une grève aride; — des landes phi-
losophiques de l'incrédulité ; — des marais de
l'espérance ou de l'incertitude; — des souter-
rains minés par le malheur et gui sonnent creux
dans la vie intime; — d'une ville qui est trou-
blée dans tous ses viscères publics et domesti-
ques; — de Yèblouissante fascination et de la
pâleur mate du son ; — de paroles échevelées
ou constellées ; — d'impressions fertiles et
touffues; — des chaudes inflexions de la voix;
— de regards aigres, etc., etc. On pourrait
citer une multitude de phrases de cette na-
ture, où l'aiféterie le dispute au pathos et où
les enluminures à. la Scudéry se marient aux
bouffissures à la Cyrano. Qui comprendrait,
par exemple, ce' que signifie le passage sui-
vant : « Wilfrid arrivait chez Séraphita pour
dire sa vie, pour peindre la grandeur de son
âme par la grandeur de ses fautes, pour mon-
trer les ruines de ses déserts; mais, quand il
se trouvait dans la zone embrassée par ces
yeux, dont le scintillant azur ne rencontrait
point de bornes en avant et n'en offrait au-
cune en arrière, il redevenaifcalme et soumis
comme le lion qui, lancé sur sa proie dans une
plaine d'Afrique, reçoit sur l'aile des vents un
message d'amour, et s'arrête. Il s'ouvrait un
abîme où tombaient les paroles de son délire. •
Et cette image , à propos d'un vieux domes-
tique en enfance : » Wilfrid se fia sur sa pers-
picacité pour découvrir les parcelles de vé-
BAL
137
i rites que roulerait le serviteur dans le torrent
I de ses divagations. » Et ce début du Lis dans
, la vallée : « A quel talent nourri de larme3 de-
I vrons-nous un jour la plus émouvante élégie,
I la peinture des pàtiments subis en silence par
! les âmes dont les racines , tendres encore , ne
rencontrent que de durs cailloux dans le jjol
! domestique, dont les premières frondaisons
j sont déchirées par des mains haineuses ?... ■
1 Ce dernier ouvrage, qui fit tant de bruit, est
rempli de passages analogues, d'images dis-
cordantes, d'alliances de mots impossibles, il
est écrit dans une langue surchargée d'expres-
sions bizarres, de formules soi-disant scienti-
I tiques, bigarrée de couleurs criardes, et qui
I dérive en ligne directe du jargon des pré-
cieuses.
En résumé, si Balzac est souvent un peintre
minutieux et pittoresque, un conteur plein de
verve et d'imagination, il traduit rarement
! sa pensée 'sous une' forme nette et pure, en
1 phrases correctes et précises, en termes pro-
pres, en expressions simples et justes. Le
goût, la sobriété, la mesure, lui fout égale-
ment défaut; et, bien qu'il eût la prétention
d'enrichir la langue française, de faire l'au-
mône à cette gueuse fière, de la rendre mil-
lionnaire , pour parler son langage affecté, il
est certain — et cela est fort heureux — qu'on
n'adoptera jamais son vocabulaire barbouillé
d'archaïsmes et de néologismes , sa syntaxe
difforme, ni sa rhétorique bariolée. Cependant
il avait à cet égard d'étranges illusions : il pré-
tendait sérieusement qu'il n'y avait en France
que trois hommes qui connussent leur langue,
V. Hugo, Théophile Gautier et lui, et, comme
àVestris disant comiquoment: Il n'y a que trois
grands personnages en Europe, Voltaire,
le grand Frédéric et moi, on savaitgré à Ho-
noré Balzac de ne pas se nommer le premier.
Quant à ses plans, k ses caractères, à la
conduite de ses actions, rien de plus inégal
et de plus vacillant. Non-seulement il com-
posait péniblement , mais encore le plus sou-
vent sans suite et à l'aventure , s'arrêtant
quelquefois tout fa. coup au milieu de ses tâton-
nements et de ses hésitations. Tels de ses ro-
manSj Séraphita, par exemple, et le LU dans la
vallée, sont restés plusieurs années en suspens,
écrits et même publiés à moitié, l'auteur cher-
chant sans doute le développement de sa
pensée et la solution de son dénoûment. La
plupart de ses personnages se grossissent et
s'exagèrent, vers la fin du récit, comme le
chanoine Troubert, des Célibataires, comme
la cousine Bette, des Parents pauvres, comme
tant d'autres que l'on pourrait citer : il cousait
une queue de baleine à une tête d'autruche.
Avec lui, on n'est jamais certain que telle ca-
ricature qu'il vient de charbonner n'atteindra
pas au gigantesque, que telle action bour-
geoise ou comique ne tournera pas au mélo-
drame. « Le hasard et l'accident, dit M. Sainte-
Beuve, sont pour beaucoup jusque dans les
meilleures productions de Balzac... On sent
l'homme qui a écrit trente volumes avant
d'acquérir une manière ; quand on a été si
long à la trouver, on n'est pas bien certain de
la garder toujours. »
Mais nous abandonnons bien volontiers les
questions purement artistiques et littéraires,
qui ne nous paraissent pas les plus impor-
tantes, et nous aborderons un point délicat
sur lequel les admirateurs de Balzac sont intrai-
tables. Nous voulons parler des tendances et
de la portée de ses livres, au point de vue de
la morale.
Cela peut sembler aux adeptes de Yartpour
l'art une chicane bien puérile, une critique
tout à fait bourgeoise et vulgaire; mais, à nos
risques et périls, nous placerons cette ques-
tion au premier rang. Sans exiger que la litté-
rature paraphrase à perpétuité la Morale en
action, ce n'est pas se montrer trop intolé-
rant que de désirer un peu de réserve de la
part de ceux qui tiennent la plume. On aura
beau, comme on l'a fait, invoquer l'exemple
de Rabelais ; on ne persuadera pas aux hon-
nêtes gens qu'il est légitime de blesser la dé-
cence sous le prétexte de faire de l'art. Rabe-
lais est d'un siècle où les mœurs étaient plus
libres, plus énergiquement grossières; il avait
la jovialité brutale de son temps j mais, mal-
gré son cynisme d'expression, qui oserait dire
que le puissant satirique fut dépourvu de
sens moral?
C'est le reproche que l'on peut faire à Bal-
zac, et nul assurément n'est plus mérité.
Esprit d'une trempe vigoureuse, doué d'une
imagination exubérante , singulièrement ha-
bile h saisir le côté matériel et pittoresque des
choses, à refléter la surface des objets, il man-
quait totalement d'un idéal élevé. Matérialiste
partout et toujours, même lorsque, s'exaltant
a froid, se guindant de parti pris, il essaye de
s'élever jusqu'à l'extase religieuse et de gri-
macer le mysticisme ou la poésie mélanco-
lique et rêveuse , il a marqué toutes ses œu-
vres de cette empreinte. Le matérialisme est
sa muse et sa philosophie. Sa poétique même
en porte partout la trace, et son style en
est comme saturé. De même qu'il fait les por-
traits en anatomiste plus qu'en poète, de
même il peint la joie et la douleur en physio-
logiste plus qu'en moraliste. C'est presque
toujours le langage de la physiologie qu'il
emprunte pour exprimer les émotions de
l'âme ; sous sa plume , toutes les idées se ma-
térialisent et tous les sentiments se transfor-
ment en sensations physiques. «
Dévoré lui-même par un amour effréné des
18
:î$
BAL
BAL-
BAL
BAL
richesses et de toutes les jouissances qu'elles
procurent, il a fait servir un immense talent à
chatouiller en nous les appétits sensuels, à sur-
exciter les convoitises grossières. Ses types
de prédilection, les Rastignac, les de Marsay,
les de Trailles, les Vandenesse, les Lucien de
Rubempré , modèles qu'il semble offrir a tous
les" jeunes gens, n'ont pas d'autre Dieu que
l'or, d'autre loi que l'intérêt, d'autre religion
que les sens, d'autre culte que le plaisir. Le
sensualisme le plus grossier forme le fond de
toutes les idées qu'il exprime ; l'égoïsme est
érigé en règle de conduite et en sagesse pra-
tique. Presque constamment, il se donne des
airs de supériorité et de profondeur, en rail-
lant l'enthousiasme et la vertu. Quelquefois
aussi, par un raffinement propre à notre épo-
que, "il affecte une sorte de religiosité nébu-
leuse, et voile, sous des extases d'amour
platonique, ses impuretés et ses aspirations
sensuelles. Mais son ton habituel , c'est la
franche exaltation des jouissances matérielles.
Quand il esquisse quelque type honnête et
vertueux, il arrive rapidement à l'ennui, ou il
mêle a son lyrisme de commande quelque note
discordante de scepticisme et de raillerie.
Ses disciples, s'indignant de ce qu'on ose le
trouver immoral, donnent pour preuves de
ses tendances austères et de la sévérité de, sa
morale, qu'il a constamment prêché le catho-
licisme du moyen Age et la monarchie absolue,
le despotisme pur. Quelle singulière défense I
Balzac, en effet, qui avait toutes les préten-
tions et qui se croyait un penseur, un philo-
sophe , a semé ses historiettes de tartines
dogmatiques et doctorales. Ce sceptique veut
imposer la foi aux masses comme un frein,
comme une garantie de soumission aux supé-
riorités sociales ; ce bourgeois tourangeau, si
franchement roturier ? malgré sa particule
d'emprunt, exalte l'aristocratie et le régime
sous lequel ses ancêtres grattaient la terre et
recevaient des coups de bâton ; ce philosophe ,
d'une philosophie d'antichambre, préconise
le gouvernement despotique, le seul gou-
vernement grandiose , suivant lui , le seul
?|ui puisse prodiguer aux maréchaux de la
ittérature une liste civile princière ; car il faut
que l'artiste mène une vie splendide. Tel jest le
fond de sa philosophie politique et religieuse.
Ah ! si celui qui écrit ces lignes devient ja-
mais autocrate dans une Araucanie quel-
conque, il fera frapper la tète de Balzac sur
toutes les monnaies de son empire ; et le ro-
mancier ne l'aura pas volé.
On voit que tout cela se concilie parfaite-
ment, et que les réflexions seraient ici su-
perflues. Pour une certaine classe de littéra-
teurs (classe très-restreinte a notre époque,
fort heureusement), le meilleur état social est
celui où ils dînent ; le plus grand prince est
celui qui paye le plus largement leurs plati-
tudes. Ils sanctifieront Héliogabale et Néron ,
pourvu eue ceux-ci encouragent les lettres,
c'est-à-dire, en prose, pourvu qu'ils leur don-
nent beaucoup d'argent.
Une chose qu'on ne saurait nier, c'est que
Balzac se complaît dans l'analyse des passions
basses, des impuretés et des corruptions, et
c'est avec assez de raison qu'on a donné à ses
tableaux de la société le nom de Musée Dn-
puytren de la nature morale. Sous le prétexte
de peindre les moeurs , il a souvent donné
comme observations réelles des détails enfan-
tés par son imagination, et il a ainsi trouvé le
moyen de surfaire, ou tout au moins de trop
généraliser la corruption de notre temps, que
ses peintures semblent avoir pour but de dé-
velopper plutôt que do combattre. Il a peint,
dit-on, la société, et si certains de ses tableaux
excitent le dégoût, c'est que la réalité est
ainsi. Il faudrait d'abord prouver qu'il a été
fidèle dans ses reproductions, ce qu'il sei'ait
bien facile de contester. Répétons-le, un très-
grand nombre de ses prétendues études ne sont
que des produits de son imagination ; il a moins
observé qu'inventé, et ses observations ont
porté surtout sur les détails matériels. 11 a
parlé, avec son assurance habituelle, d'une
infinité de choses qu'il ne connaissait point,
sur lesquelles il ne donne que des notions
fausses, et qu'il est censé avoir étudiées. Un
de ses familiers nous a assuré que le grand
écrivain se mêlait moins que personne à la
société de son époque : cela prouve certaine-
ment sa puissance d'imagination; mais, par
contre, cela met singulièrement en garde
contre la vérité et le fini de ses tableaux. Peu
de romanciers ont prodigué dans leurs récits
plus d'invraisemblances et d'impossibilités.
Mais, en supposant que ces dévergondages de
l'imagination n'aient été qu'un reflet de la réa-
lité, pense-t-on que cela justifierait Balzac d'a-
voir si souvent retracé des scènes ignobles et
trempé tant de fois son pinceau dans la boue?
La littérature doit-elle être une école de dépra-
vation, ou ne doit-elle pas, au contraire, avxiir
pour but d'élever l'âme et de faire aimer le
bien ? S'il en était autrement, la thèse para-
doxale de Rousseau contre les arts serait
vraie. Les grands peintres de la nature hu-
maine ont jugé l'homme sans illusion, mais
aucun ne s'est complu à l'avilir ; à côté des
instincts mauvais, ils ont su reconnaître et
encourager les bons instincts. Impitoyables
pour li vice, ils l'ont souvent peint en traits
énergiques, pour le flétrir; ils ne l'ont point
décrit et c -ressé avec amour, comme l'autour
de la Comédie humaine. Sévères pour l'homme,
ils ne le fc«t pas prendre en haine et en mé-
pris; ils n'attristent pas le cœur, ne flétris-
sent pas la conscience, ils no souillent pas
l'imagination ? En un mot, on se sent meilleur
quand on les a lus, plus courageux pour faire
son devoir : quand on a lu Balzac, on craint
de se trouver pire et moins fort pour résister
aux suggestions de l'égoïsme et des passions
mauvaises.
Où peut être la nécessité d'enregistrer mi-
nutieusement toutes les infamies qui se com-
mettent dans le monde et dans la société'? Si
chacun écrivait toutes les turpitudes dont il
est journellement témoin, pense-t-on qu'il en
sortirait un livre favorable à l'épuration des
mœurs? Quand on peint un caractère, un
f)rétendu réalisme vous oblige-t-il à dire si
e pied gauche empuantit plus la chaussette
que le pied droit. C'est ce que Balzac a fait
dans presque toutes ses peintures morales.
Certaines analyses, poussées même a ou-
trance, peuvent avoir leur utilité, quand il
s'agit de sonder une plaie sociale et d y porter
remède ; mais on souffre cela dans des ouvra-
ges spéciaux, qui ne vont que sous les yeux
des moralistes, des philosophes ou des mé-
decins : dans le livre de la Prostitution de
M. Parent-Duchatelet, dans les Courtisanes
de M. Deschanel, dans les 'l'raités du spécia-
liste Ricord et dans les Monographies du doc-
teur Tardieu. Dans un ouvrage purement lit-
téraire, dans un roman, nourriture habituelle
des femmes et trop souvent de la jeunesse,
l'écrivain qui se respecte ne doit-il pas crain-
dre à chaque instant de faire rougir l'inno-
cence et de choquer la pudeur? Voilà des dis-
tinctions que le romancier n'a jamais su faire.
Sa plume a peint ce pays imaginaire avec
une telle fascination que les cœurs affamés de
désirs se sont précipités à la recherche de
cet Eldorado de corruption, et qu'ils ont ffai
par le découvrir. Aujourd'hui, la société n'est
pas seulement corrompue; elle est gangrenée,
et nous ne connaissons aucune chaudière
d'Eon capable de redonner la vie à ce ca-
davre déjà rongé des vers. A qui s'en prendre
de cette atrophie morale? A Balzac et à son
école, qui a encore dépassé les immoralités
de son système; aujourd'hui, nous sommes
mille fois plus corrompus que de son temps.
Cette accélération du vice est une loi que la
décadence a empruntée aux sciences physi-
ques : quand les élèves voient le maître se
moucher avec ses doigts, ils pensent l'imiter
en ne se mouchant plus du tout. Tel est le se-
cret de ces élucubrations, sortes de cauche-
mars ultra-réalistes qui ont tant ému dans ces
dernières années les esprits délicats.
Balzac a été le chroniqueur des femmes,
surtout des femmes du monde. Quelques es-
prits chagrins pourront trouver que cela ne
fait pas l'éloge de leur délicatesse morale et
de leur goût ; mais c'est un fait. Il a mis, on
ne peut pLus habilement, dans ses intérêts cette
moitié très-essentielle du public par des flat-
teries hyperboliques, que les plus pudiques
aiment à rechercher, en passant par-dessus
les détails répugnants, les gravelures et les
épigrammes souvent un peu brutales dont il
assaisonne ses flagorneries. Il s'établit fami-
lièrement auprès d elles, sur le pied d'un con-
fesseur et d un médecin. Il sait leurs secrets
sensibles et sensuels, et pénètre volontiers
dans la ruelle et dans l'alcôve, presque sous
la couverture. H a des consolations, même
des compensations, pour les vieilles filles, pour
les laides, pour les femmes méconnues, pour
toutes celles qui sont malheureuses ou qui
croient l'être. Que ne pardonnerait-on pas à
l'auteur de la Femme de trente ans et de la
Femme abandonnée, au courtois écrivain qui
a donné une nouvelle jeunesse aux vieilles
femmes et reculé indéfiniment pour elles l'in-
stant redoutable où il leur faut renoncer à plaire
et à être aimées? Ce don gracieux de deux
lustres lui a été compté ; les femmes ne l'ont
jamais oublié. On lui pardonnait aussi d'avoir
esquissé tant de figures de femmes avides,
galantes et perfides, en faveur de quelques
physionomies réellement touchantes et rési-
gnées, vivant dans l'ombre du foyer, entre
1 accomplissement silencieux du devoir et
l'habitude de la douleur.
Résuinons-nous sur ce point. L'auteur de
la Physiologie du mariage et des Contes dro-
latiques, des Mémoires de deux jeunes mariées,
de la Fille aux yeux d'or, de Vautrin et des
Parents pauvres, peut être taxé hautement et
très-justement d'immoralité. C'est là un des
caractères généraux dos œuvres de Balzac, qui
sont, quoi qu'en disent ses enthousiastes, une
lecture malsaine et corruptrice. Non-seulement
il a tout peint et tout osé, comme il le dit lui-
même, à ce point que Sodome et Lesbos ont
passé sous sa plume et figuré dans ses récits
pour l'édification des belles dames rêveuses
ou hystériques ; non-seulement il peut corrom-
pre par ses tableaux; mais il peut agir encore
d'une manière funeste sur les esprits faibles,
les imaginations un peu maladives de la jeu-
nesse, par ses maximes, par ses principes et
par les mauvais sentiments qu'il éveille. 11
semble qu'on respire dans ses romans un air
vicié , chargé d'émanations nauséabondes.
Quelle lecture pour les jeunes filles et les
jeunes femmes 1 Quel catéchisme pour un
jeune nomme, à son entrée dans la vie, et
quelle école 1 Quelle étude virile ! et comme
il apprend bien à respecter tous les princi-
pes, toutes les convictions, tous les dévoue-
ments, tous les nobles enthousiasmes, à se
soumettre aux devoirs austères de la vie, à
avoir d'autre philosophie que l'égoïsme, d'au-
tre préuccupaliim que la richesse , d'autre
amour que celui de sa propre personnalité,
d'autre but que les jouissances matérielles !
Toute une génération s'est formée dans ces
principes, et nous en voyons aujourd'hui les
effets, comme l'a dit éloquemment M. le pro-
cureur général Dupin. Avec Voltaire et avec
Rousseau, nous avons eu une grande Révolu-
tion, dont les excès mêmes ne furent pas sans
hêro'isme, et à laquelle nous devons tous nos
progrès; avec Balzac, si nous avons jamais
un 93, se sera un 93 de dévergondage.
Pour justifier Balzac du plaisir qu'il paraît
prendre à peindre les vices de son siècle et
de la délectation qu'il semble éprouver en
mettant à nu les plaies sociales, on a parlé
du Candide de Voltaire... C'est là un abomi-
nable blasphème, et nous allons nous élever
de toutes nos forces contre cette assimilation,
que nous regardons comme un sacrilège.
Avant d'exposer le tableau, disons quelques
mots du cadre; disons dans quelle disposition
devait se trouver Voltaire quand ii poussa ce
sublime éclat de rire qui s appelle Candide.
Leibnitz venait de formuler le codé de l'op-
timisme : « Tout est pour le mieux dans le meil-
leur des mondes possibles. » Enfermée dans ce
cercle étroit, la philosophie allemande n'enten-
dait pas les gémissements de l'humanité. Vol-
taire, dont le cœur était comme une oreille
de Denys où venaient se répercuter toutes les
douleurs, toutes les infortunes et toutes Jes
plaintes de ceux qui souffraient injustement,
écrivit Candide. Oui, Voltaire entendait les
gémissements de l'humanité, et pour com-
prendre la véritable signification de ce rire qui
éclate en deux cents pages, il faut, encore une
fois, se reporter à l'époque où parut ce livre.
Les fléaux que la nature et les rois déchaî-
naient à l'envi sur le inonde ébranlent l'ima-
gination et attristent le cœur du vieil athlète
2e la tolérance et de la vérité. Un tremble-
ment de terre qui remua l'Occident depuis le
Sahara jusqu'à la mer du Nord venait de
ruiner les principales villes du Maroc et de
renverser Lisbonne sur des milliers de ca-
davres. La guerre de Sept ans débutait par
les gigantesques pirateries de ces Anglais que
Voltaire avait célébrés comme une nation de
sages, et continuait par l'extravagante inva-
sion que Mi"e de Pompadour précipitait sur
l'Allemagne. La Louisiane allait être vendue
à l'Angleterre ; le Sénégal ot le Canada, après
une héroïque défense, venaient de nous échap-
per ; de tous côtés, des villes bombardées et
réduites en cendres attestaient les horreurs de
la guerre, et la politique française de l'époque
devait rester comme un monument doulou-
reux de ces jours de honte et de vertige. Le
gouvernement déguisait sa faiblesse au dehors
sous la cruauté à l'intérieur, et l'acte insensé
de Damiens était traité comme le crime de
Ravaillac. Depuis la révocation de ledit de
Nantes, arrachée à la faiblesse d'un despote,
marchant de fautes en fautes, de hontes en
hontes, le gouvernement chancelait sur ses
bases. Quels sujets de douleur pour la grande
âme de Voltaire déjà si durement éprouvée
par la mort de Mme Du Chàtelet et de Vau-
venargues I « Entouré de tant de malheurs,de
crimes, de folies, dit M. Henri Martin, Voltaire
sentit se briser dans son esprit cette théorie
de l'optimisme, longtemps le lien de ses idées
et à laquelle le cours de la vie avait déjà
porté bien des atteintes. De là, le Poc'mè sui-
te désastre de Lisbonne et Candide, renfer-
mant la même pensée exprimée sous deux
formes si opposées : ici, un hymne de douleur
rapide, déchirant, pathétique jusqu'au sublime,
s'élevant vers Dieu comme la plainte de la
malheureuse humanité ; là, une longue et acre
satire où le tout est bien de l'optimisme de-
vient le texte d'inépuisables railleries en ac-
tion, rire amer, gaieté sardonique qui mord
le cœur d'une dent aiguë. Candide est de tous
les ouvrages de Voltaire celui qu'on a le plus
mal jugé; on en a fait à l'auteur un crime
égal à celui de la composition de la Pucelle;
on y a vu un jeu cruel, une dérision impie du
genre humain, l'œuvre d'un génie satanique.
On a tout à fait méconnu l'état moral de l'écri-
vain à l'époque où l'couvre fut conçue. Ce
livre est assurément très-pénible à lire; mais
le lecteur ne souffre que ce que l'auteur a
souffert. Cette âme si mobile, si armée par sa
mobilité contre la douleur, n'éprouva peut-
être jamais de telles anxiétés qu'au moment
où elle éclatait ainsi en rires convulsifs. »
Nous pouvons nous arrêter sur cette citation.
Pour quiconque sait lire, toute assimilation
entre Balzac, qui décrit complaisamment les
vices, les hontes et les corruptions, et Voltaire,
qui chante sur le ton de Jérémie pleurant les
malheurs de Sion, est désormais impossible.
L'influence de Balzac sur la littérature de
son temps n'a pas été moins grande que son
influence sur les mœurs dans une certaine
classe de la société, et, sous beaucoup de rap-
ports, elle n'a pas été moins déplorable. Elle
l'a été au point de vue de la langue et au
point de vue du goût, du moins dans l'opinion
de ceux qui ne considèrent point ce qu'on
nomme le réalisme comme le dernier terme du
progrès dans l'art, et qui ne sont pas éloignés
d'y voir, au contraire, un pas de plus dans la
voie de la décadence. Qu'on remarque bien
ici que ce verdict ne s'adresse en aucune
façon à l'indépendance, à l'élévation, à l'af-
franchissement des idées : nous plaçons un
abîme entre la morale indépendante et l'im-
moralité dissolvante.
On sait tjue Balzac imagina iipros coup (1b
réunir tous ses romans sous lo titre de la Co-
médie humaine, de les classer dans des séries
déterminées, Études de mœurs, études phi-
losophiques, Etudes analytiques, etc., et de
présenter cet amas comme formant un en-
semble, un vaste tableau de la société au
xix« siècle. Mais il est trop évident que tontes
ces œuvres ont été conçues séparément et
qu'elles ne se lient que très-imparfaitement
entre elles. Ce n'est pas un monument, comme
des enthousiastes l'ont répété, mais tout sim-
plement une collection de nouvelles et de ro-
mans quelconques, comme Rétif de la Bre-
tonne, comme Paul de Kock, comme tous les
romanciers de mœurs en auraient pu former
en rassemblant leurs compositions. V. dans ce
Dictionnaire Comédie humains.
Nous avons dit plus haut que la biographie
de Balzac n'offre pas un grand intérêt. En
effet, sa vie, presque entièrement absorbée
par le travail, fut une des plus laborieuses
existences littéraires de notre temps. Il a tra-
vaillé pour ainsi dire jusqu'au dernier jour.
Il n'a pas déposé la plume : elle s'est échap-
pée de ses doigts à demi glacés.
On l'a accusé de mercantilisme littéraire.
Sans être rigoureusement juste, cette accusa-
tion peut être vraie, en ce sens qu'il ne sépa-
rait guère la spéculation de la composition, et
qu'il voyait toujours des millions comme ré-
sultat de telle ou telle de ses productions.
Cependant, cette avidité, si elle est réelle, ne
l'empêchait point, il est juste de le recon-
naître, de remettre vingt fois ses travaux sur
le métier.
Le million était d'ailleurs sa maladie; l'ar-
gent a joué un grand rôle dans tous ses écrits.
Sans cesse, il était obsédé par le rêve d'une
fortune subite et colossale; et, quoiqu'il fût
accablé de dettes, il donnait pour certain qu'un
jour ou l'autre il serait plus riche qu'un nabab.
C'était chez lui une conviction, une manie; il
ne rêvait que tonnes d'or, trésors enfouis ; il
consultait des somnambules, et enfantait sans
cesse de nouveaux projets, plus extravagants
les uns que les autres, et qui devaient tou-
jours indubitablement lui faire conquérir la
toison d'or, objet de ses convoitises. C'est
ainsi que ce grand réaliste, qui n'aimait point
les rêveurs et les postes, passa sa vie à pour-
suivre des chimères. Le sort lui réservait,
comme compensation à tant d'illusions déçues,
une aventure bien romanesque, et dont l'his-
toire de la littérature offre quelques rares
exemples.
Une grande dame polonaise, la comtesse
Eveline de Hanska, qui s'était enthousiasmée
de son génie après la lecture de son beau li-
vre du Médecin de campagne, et qui resta de-
puis en correspondance avec lui , l'épousa
lorsqu'elle fut devenue veuve, en 1848. Mais
à peine était-il entré dans Cette existence
aristocratique, dont le mirage avait si long-
temps enivré son imagination d'artiste, qu il
succomba à une hypertrophie du cœur.
Nous mentionnerons, en terminant, quel-
ques-unes des nombreuses études biographi-
ques et littéraires qui ont été faites sur le cé-
lèbre romancier : M. de Balzac, par Gustave
Desnoiresterres (in-12, Paris, 1851); Balzac,
sa vie et ses œuvres, par M'"" Surville (sa
sœur) (Paris, 1858, in-12); Honoré de Balzac,
par Théophile Gautier (Paris, 1850); Honoré
de Balzac, par Armand Baschet (Paris, 1852);
Balzac ches. lui, par Léon Oozlan (Paris);
M. de Balzac, par Sainte-Beuve (Critiques et
portraits littéraires) (1836); M. de Balzac, par
Eugène Poitou, Bévue des Deux-Mondes (15 dé-
cembre 1850).
Nous venons de relire, d'un seul trait cette
longue biographie, et à ceux qui nous accu-
seraient d'avoir montré une sévérité exces-
sive à l'égard du grand romancier , voici
notre réponse, qui suffira, nous l'espérons, à
notre justification : l'œuvre entière de Balzac
n'a pas fait avancer d'un pas l'humanité dans
le champ du progrès; écrivain dissolvant, il
a été le plus grand ennemi de la démocratie
future, et l'avenir, qui porte dans ses flancs
toutes les idées généreuses, le jugera comme
nous. Au reste, nous ne laisserons pas nos
lecteurs sous l'impression unique de nos pa-
roles, et nous allons, dans un article séparé
qnoique dépendant, les mettre à même de
comparer notre jugement avec celui qu'en ont
porté les principaux critiques contemporains.
BALZAC Jugé par *e» contemporaÎDS. Le
procès que nous venons d'intenter au célèbre
romancier ne sera pas du goût de tout le
monde , et l'on nous reprochera, sans aucun
doute, de n'avoir pas fait une assez large con-
cession aux libertés traditionnelles de l'art.
Qu'on veuille bien noter qu'au moment où
paraissent ces lignes, Balzac est en pleine pos-
session de l'engouement du public, et qu une
fradtion de la littérature courante le prend
pour modèle. Si l'on observe, après cela, que
Balzac a plaidé toute sa vie les doctrines
absolutistes, que nous combattons partout où
elles se rencontrent; si l'on reconnaît en outre
qu'il y a danger évident, imminent peut-être, à
laisser se répandre et se populariser des théo-
ries qui sont la négation des noble3 aspirations
de l'avenir, la réflexion se fera jour ; on regar-
dera mieux l'accusé Balzac, on entrera avec
nous dans son oeuvre colossale, et, comme
nous, on finira par en faire deux parts : la pre-
mière, à laquelle nous, souscrivons volontiers,
qui revient à l'artiste infatigable, au créa-
BAL
BAL
BAL
BAL
139
teur souvent profond, et il faut l'admirer ; la
seconde, que nous repoussons de toutes nos
forces, qui échoit au politique excessif, au
faiseur de systèmes, au philosophe nébuleux,
tour 'à tour matérialiste et mystique, à l'ama-
teur de maladies morales, à l'anatomiste qui,
au Heu de peindre, dissèque, et, par suite, dé-
senchante. Quand un livre comme le_nôtre est
en présence d'un dominateur, que ce domina-
teur brandisse une plume ou un sabre, qu'il
triomphe dans les intrigues compliquées de la
comédie humaine ou qu'il sonne la charge
devant Roeroy , nous avons pour devoir de
l'interroger, de fouiller son âme, de creuser
son cerveau et d'en faire jaillir, si cela se peut,
cette raison suprême, ce but élevé, ce progrès
voulu ou accompli, qui seuls peuvent justifie?'
les moyens. Rien n'eût manqué à la gloire de
Balzac, si Balzac eût associé son génie artisti-
que au génie de la Révolution. Pour n'avoir
pas compris l'esprit moderne, il a chancelé en
plus d'une occasion ; sa plume s'est pesamment
embarrassée dans les terres labourées de Jo-
seph de Maistre et les marécages (lu droit
divin. Chose incroyable 1 lui qui voyait tout,
qui devinait tout, n a pas vu 1 aurore des so-
ciétés futures, n'a pas deviné que l'avenir
reposait sur la démocratie, et c'est grand
dommage," en vérité, pour sa gloire. Ces ré-
serves faites, Balzac n'en reste pas moins une
des plus grandes physionomies littéraires de
ce siècle. II ne nous en coûte pas de le recon-
naître, et pour prouver une fois de plus l'im-
partialité qui préside à toutes nos apprécia-
tions, nous allons demander aux contempo-
rains de Balzac ce qu'ils pensent de ce grand
homme. Notre plume n'est pas une escopette,
et nous ne guettons point l'ennemi au coin d'un
bois, nous l'attendons en champ clos, entouré
de ses féaux, et la lance au poing, monté sur
son cheval de bataille. Allons, Taine; allons,
Janin; allons, Gozlan; allons, Gautier, et vous
Hugo ; et vous, Sainte-Beuve ; et vous, Lamar-
tine, entrez a votre tour dans la lice,vous dont la
plume est aussi noble et aussi brave que l'était
;adia l'épée des Duguescliu, des Crillon et des
Montmorency. C'est, nous pouvons l'avouer,
donner des armes pour nous combattre , mais
c'estdéclarer en même temps que nous n'avons
pas de parti pris, que nous ne prétendons pas
à l'infaillibilité en matière de critique , c est
proclamer surtout que nous n'appartenons à
aucune école, car toute école est absolue.
Nous nous trompons : notre école est celle de
la vérité, et cette école est la plus absolue de
toutes , en même temps qu'elle est la plus
humaine, la plus féconde, ta plus lumineuse.
A notre réquisitoire vont succéder les dépo-
sitions des témoins et les plaidoiries des
avocats. Au lecteur, de faire le résumé des dé-
bats selon les vues, les tendances et les aspira-
tions de son esprit ; mais qu'il approuve ou qu'il
désapprouve notre critique , if nous tiendra
compte de notre bonne foi, et c'est là tout ce
que nous lui demandons.
I. — L'homme. « Son extérieur était aussi
inculte que son génie. C'était la flgure d'un
élément : grosse tête , cheveux épars sur son
collet et sur ses joues comme une crinière que
le ciseau h'émondait jamais, traits obtus,
lèvres épaisses , œil doux , mais de flamme ;
costume qui jurait avec toute élégance , habit
étriqué sur un corps colossal, gilet débraillé,
linge de gros chanvre, bas bleus, souliers
qui creusaient le tapis , apparence d'un éco-
lier en vacances, qui agrandi pendant l'année
et dont la taille fait éclater les vêtements.
Voilà l'homme qui écrivait à lui seul une
bibliothèque de son siècle, le Walter Scott de
la France, non le Walter Scott des paysages
et des aventures , mais, ce qui est bien plus
prodigieux, le Walter Scott des caractères, le
Dante des cercles infinis de la vie humaine ,
le Molière de la comédie lue, moins parfait,
mais aussi créateur et plus fécond que le Mo-
lière de la comédie jouée. — Pourquoi le style
en lui n'égale-t-il pas la conception? la France
aurait deux Molière, et le plus grand ne serait
pas le premier. » (Lamartine, Cours de litté-
rature, Xe entretien, 1856.)
« ... 11 portait son génie si simplement qu'il
ne le sentait pas... Il n'était pas grand, bien
que le rayonnement de son visage et la mobi-
lité de sa stature empêchassent de s'apercevoir
de sa taille ; mais cette taille ondoyait comme
sa pensée ; entre le sol et lui, il semblait y avoir
de la marge; tantôt il se baissait jusqu à terre
comme pour ramasser une gerbe' d'idées,
tantôt il se redressait sur la pointe des pieds
pour suivre le vol de sa pensée jusqu'à l'In-
fini... — Il était gros, épais, carré par la base
et les épaules; le cou, la poitrine, le corps,
les cuisses, les membres puissants ; beaucoup
de l'ampleur de Mirabeau, mais nulle lour-
deur ; il y avait tant d'âme qu'elle portait cela
légèrement, gaiement, comme une enveloppe
souple et nullement comme un fardeau ; ce
joids semblait lui donner de la force, et non
ui en retirer. Ses bras courts gesticulaient
avec aisance, il causait comme un orateur
parle. Sa voix était retentissante de l'énergie
un peu sauvage de ses poumons, mais elle
n'avait ni rudesse, ni ironie, ni colère; ses
jambes, sur lesquelles il se dandinait un peu,
portaient lestement son buste ; ses mains ,
grasses et larges, exprimaient en s'agitant
toute sa pensée. Tel était l'homme dans sa
robuste charpente. Mais en face du visage, on
ne pensait plus à la charpente. Cette parlante
figure, dont on ne pouvait détacher ses regards,
vous charmait et vous fascinait tout entier.
lu
Les cheveux flottaient sur ce front en grandes
boucles ; les yeux noirs perçaient comme des
dards émoussés par la bienveillance , ils en-
traient en confidence dans les vôtres comme
des amis; les joues étaient pleines, roses, d'un
teint fortement coloré; le nez bien modelé,
quoique un peu long; les lèvres découpées
avec grâce, mais amples, relevées par les
coins ; les dents inégales, ébréchées, noircies
par la fumée du cigare ; la tête souvent pen-
chée de côté sur le cou, et se relevant avec
une fierté héroïque dans le discours. Mais le
trait dominantdu visage, plus même que l'in-
telligence, était la bonté communicative. Il
vous ravissait l'esprit quand il parlait ; même
en se taisant, il vous ravissait le cœur. Aucune
passion de haine ou d'envie n'aurait pu être
exprimée par cette physionomie : il lui aurait
été impossible de n'être pas bon. Mais ce
n'était pas une bonté d'indifférence ou d'in-
souciance, comme dans le visage épicurien de
La Fontaine; c'était une bonté aimante,
charmante , intelligente d'elle-même et des
autres , qui inspirait la reconnaissance et
l'épanchement du cœur devant lui, et qui
déliait de ne pas l'aimer... Un enfantillage
réjoui, c'était le caractère de cette figure;
une âme en vacances, quand il laissait la
plume pour s'oublier avec ses amis; il était
impossible de n'être pas gai avec lui,.. Mais
je vis, quelques années plus tard, combien ce
qui était sérieux lui inspirait de gravité, et
combien sa conscience lui inspirait de répul-
sion contre le mal... Son langage ému nous
émut tous... Combien sa jovialité apparente
cachait de sérieuses et difficiles vertus ! »
(Lamartine, Cours de littérature, CVie entre-
tien, 1864.)
« Balzac ne buvajt que de l'eau, mangeait
peu de viande; en revanche, il consommait
des fruits en quantité... Ses lèvres palpi-
taient, ses yeux s'allumaient de bonheur à la
vue d'une pyramide de poires ou de belles
pèches. Il n en restait pas une pour aller ra-
conter la défaite des autres. Il dévorait tout.
II était superbe de pantagruélisme végétal,
sa cravate ôtée, sa chemise ouverte, son cou-
teau à fruits à la main, riant, buvant de l'eau,,
tranchant dans la pulpe d'une poire de
doyenné ; je voudrais ajouter : et causant ;
mais Balzac causait peu; il laissait causer,
riait de loin en loin, en silence, à la manière
sauvage de Bas-de-Cuir, ou bien il éclatait
comme une bombe, si le mot lui plaisait. Il le
lui fallait bien salé : il ne l'était jamais trop...
Il se fondait de bonheur, surtout à l'explosion
d'un calembour bien niais , bien stupide ,
inspiré par ses vins , qui étaient pourtant dé-
licieux. » (Léon Gozlan. Balzac en pantoufles.)
« On le trouvait toujours, chez lui, vêtu d'une
large r.obe de chambre de cachemire blanc
doublée de soie blanche, taillée comme celle
d'un moine, attachée par une cordelière de
soie, la tête couverte de cette calotte dan-
tesque de velours noir adoptée dans sa man-
sarde, qu'il porta toujours depuis et que sa
mère seule-lui faisait. Selon les heures où il
sortait, sa mise était fort négligée ou fort soi-
fnée... Il triomphait de la vulgarité que donne
embonpoint par des manières et des gestes
empreints d'une grâce et d'une distinction na-
tives. » (Mme Surville, sa sœur. Balzac,
d'après sa correspondance.)
« II s'enfermait ordinairement pour six se-
maines ou deux mois, volets et rideaux fer-
més, ne lisant aucune lettre, travaillant par-
fois dix-huit heures par jour à la clarté de
quatre bougies, en robe de chambre de domi-
nicain. » (Balzac, par Werdet, son éditeur.)
« Un jour, dans un dîner, un jeune écrivain
ayant dit devant lui : « Nous autres gens de
» lettres... • Balzac pousse un formidable éclat
de rire et lui crie : « Vous, monsieur, vous
» homme de lettres I quelle prétention, quelle
» folle outrecuidance t Vous, vous comparer à
» nousl Allons doncl Oubliez-vous, monsieur,
» avec qui vous avez l'honneur de siéger?
■ avec les maréchaux de la littérature mo-
» derne. » (Le même.)
« Il avait une statuette de Napoléon dans
sa chambre, et sur le fourreau de l'épée on
lisait ces mots : « Ce qu'il n'a pu achever par
» l'épée , je l'accomplirai par la plume. »
» Signé Honoré de Balzac. ■ (Le même.)
« C'est en 1839 que Balzac demanda à faire
partie de la Société des gens de lettres... 11
apportait à la compagnie une connaissance
profonde, presque diabolique, de la misère
chronique de la profession ; une habileté "rare,
sans égale, à traiter avec les aristocrates de
la librairie ; uni indomptable désir de limiter
leurs déprédations par des lois qu'il avait mé-
ditées sur le mont Sinaï d'une longue expé-
rience personnelle; et, avant toutes choses,
une admirable conviction de la dignité de
l'homme de lettres... Nous donnerons plus
loin un morceau considérable, tout écrit de sa
main, intitulé le Code littéraire... • (Léon
Gozlan. Balzac chez lui, 1862.)
« Balzac fut un homme d'affaires , et un
homme d'affaires endetté. De vingt et un ans
a vingt-cinq, il avait vécu dans un grenier,
occupé à faire des tragédies bu des romans
qu'il trouvait mauvais lui-même, contredit par
■sa famille, recevant d'elle fort peu d'argent,
n'en gagnant guère, menacé à chaque instant
d'être jeté dans quelque profession machinale,
déclaré incapable, dévoré par le désir, de la
gloire et par là conscience de son talent. Pour
devenir indépendant, il se fit spéculateur, édi-
teur d'abord, puis imprimeur, puis fondeur do
caractères. Tout manqua; il vit approcher la
faillite. Après quatre ans d'angoisses, il liquida,
resta chargé de dettes, et écrivit des romans
pour les payer. Ce fut un poids horrible et
qu'il traîna toute sa vie. De 1827 à 1836, il ne
put se soutenir qu'en faisant des billets que
les usuriers escomptaient et renouvelaient
avec grand'peine. Il fallait les amuser, les
fléchir, les séduire, les fasciner. Le malheu-
reux grand homme dut jouer bien des fois sa
comédie de Mercadet avant de l'écrire. Rien
ne servait. Là dette, accrue par les intérêts,
grossissait toujours. Jusqu'à la fin, sa vie fut
précaire et pleine de craintes... Toujours as-
siégé et harcelé, il fit jles prodiges de travail.
Il se levait à minuit, buvait du café et tra-
vaillait d'un trait douze heures de suite; après
quoi il courait à l'imprimerie et corrigeait ses
épreuves en songeant à de nouveaux plans. Il
fonda deux revues et rédigea l'une d'elles
presque seul... Il conçut vingt projets de spé-
culation... Comment payer? comment devenir
riche? Excédé de tracas et de misères, il ima-
ginait un banquier généreux, ami des lettres,
qui lui disait : « Puisez dans ma caisse, ac-
» quittez-vous , soyez libre. » Il s'exaltait,
finissait par croire à son rêve... Un instant
après, retombé sur terre, il courait à son bu-
reau ou chez le prote et abattait de l'ouvrage
comme un bûcheron et comme un géant...
L'argent, partout l'argent, l'argent toujours :
ce fut le persécuteur et le tyran de sa vie ; il
en fut la proie et l'esclave, par besoin, par
honneur, par imagination, par espérance; ce
dominateur et ce bourreau le courba sur son
travail, l'y enchaîna, l'y inspira, le poursuivit
dans son loisir, dans ses réflexions, dans ses
rêves, maîtrisa sa main, forgea sa poésie,
anima ses caractères et répandit sur toute
son oeuvre le ruissellement de ses splendeurs.
Ainsi poursuivi et ainsi instruit, il comprit que
l'argent est le grand ressort de la vie mo-
derne... Il en est mort à cinquante ans, le
sang enflammé par le travail des nuits et l'abus
du café, auquel ses veilles forcées le condam-
naient. Pour publier en vingt ans quatre-
vingt-dix-sept ouvrages si obstinément rema-
niés qu'il raturait chaque fois dix ou douze
épreuves, il fallait un tempérament aussi puis-
sant que son génie.
» Cette jactance qui, dans toutes ses pré-
faces, éclate en traits énormes n'est que mal-
adroite; chacun a la sienne; seulement, par
prudence et bon goût, chacun cache la sienne ;
chacun se glisse poliment et doucement dans
ce salon plein qu'on appelle le monde; Balzac,
en homme gros ej fort, se pousse bruyamment,
marchant sur les pieds des gens, bousculant
les groupes. Ce n'était point insolence, mais
abandon. Au besoin, il se laissait contredire,
il supportait le blâme, il remerciait les con-
seillers sincères. Il riait lui-même de ses van-
teries, et, après un peu de réflexion, on les
tolère ; le seul orgueil odieux est l'orgueil ty-
rannique : et il était bon, enfant même, partant
bon enfant, aussi éloigné que possible de la
morgue et de la raideur, écolier dans ses dé-
lassements, badaud à l'occasion, naïf, capable
de jouer aux petits jeux et de s'y amuser de
tout son cœur. Ses lettres de famille sont vrai-
ment touchantes... • (Taine. Nouveaux essais
de critique, 1865.)
II. — L'écrivain. Ici nous allons suivre l'or-
dre chronologique. « M. de Balzac a un senti-
ment de la vie privée très-profond, très-fin, et
qui va souvent jusqu'à la minutie du détail et
de la superstition ; il sait vous émouvoir et vous
faire palpiter dès l'abord, rien qu'à vous dé-
crire une allée, une salle à manger, un ameu-
blement. 11 devine les mystères de la vie de
province, il les invente parfois ; il méconnaît
le plus souvent et viole ce que ce genre de
vie, avec la poésie qu'elle recèle, a de discret
avant tout, de pudique et de voilé. Les par-
ties moins délicates au moral lui reviennent
mieux. Il aune multitude de remarques rapides
sur les vieilles filles, les vieilles femmes, les
filles disgraciées et contrefaites, les jeunes
femmes étiolées et malades, les amantes sacri-
fiées et dévouées, les célibataires, les avares :
on se demande où il a pu, avec son train d'ima-
gination pétulante, discerner, amasser tout
cela. Il est vrai que M. de Balzac ne procède
pas à coup sûr, et que, dans ses productions
nombreuses, dont quelques-unes nous semblent
presque admirables, touchantes du moins et
délicieuses, ou piquantes et d'un fin comique
d'observation, if y a un pêle-mêle effrayant...
Quelle foule de volumes, quelle nuée de contes,
de romans de toutes sortes, drolatiques, phi-
losophiques, économiques, magnétiques et théo-
sophiques... Il y a quelque chose à goûter dans
chacun, sans doute , mais combien de pertes
et de prolixités ! Dans l'invention d'un .sujet,
comme dans le détail du style, M. de Balzac a
la plume courante, inégale, scabreuse; il va,
il part doucement au pas, il galope à merveille,
et voilà tout d'un coup qu'il s'abat, sauf à se
relever pour retomber encore. La plupart de
ses commencements sont à ravir; mais ses
fins d'histoire dégénèrent ou deviennent exces-
sives. Il y a un moment, un point où, malgré
lui, il s'emporte. Son sang-froid d'observateur
lui échappe; une détente lui part, pour ainsi
dire, au dedans du cerveau et enlève à cent
lieues les conclusions... Le hasard et l'accident
sont pour beaucoup jusque daus les meilleures
productions de M. de Balzac. Il a sa manière,
niais vacillante, inquiète, cherchant souvent à
se retrouver elle-même. n (Sainte-Beuve, 1834.
Portraits contemporains, l.er vol.)
■ M. de Balzac est né depuis (lalïestaura-
tion) en effet, malgré les cinquante romans
qu'il avait publiés d'abord ; nous voudrions ne
pas ajouter qu'il a déjà eu le temps de mourir,
malgré les cinquante autres qu'il s'apprête à
publier encore. Il a tout l'air d'être occupé à
finir, comme il a commencé, par cent volumes
que personne ne lira. On n'aura vu de sa re-
nommée que son milieu, comme le dos de cer-
tains gros poissons de mer. 11 a eu pourtant
son éclair bien flatteur, bien chatoyant, son
moment de sirène : Subdola quurn ridet placidi
pellacia ponti. Ce moment-là ne pouvait venir
' qu'entre deux vagues, dans un intervalle de
mélange et de confusion. Il a saisi à nu la so-
ciété dans un quart d'heure de déshabillé galan
et de surprise; les troubles de la rue avaient
fait éntr'ouvrir l'alcôve, il s'y est glissé ; mais,
side pareils hasards' sont précieux, il ne faut
pas en abuser, on le sent, ni les prolonger outr
mesure, sous peine de faire céder le charme au
dégoût. Or, depuis ce temps-là, cette malheu-
reuse alcôve est restée entr'ouverte, que dis-
je? ouverte à deux battants; on y entre, on en
sort, ou y décrit tout ; ce n'est plus le poëte
dérobant les fins mystères, c'est le docteur in-
discretdes secrètes maladies. ■ (Sainte-Beuve.
Dix ans après en littérature. Bévue des Deux-
Mondes 1840.)
« Nous voici tout à l'heure dans le plus grand
monde, dans ce monde que M. de Balzac a
découvert. Il est à la fois l'inventeur, l'archi-
tecte, le tapissier, la marchande de modes, le
maître de .langueSj la femme de chambre, le
parfumeur, le coilleur, la maîtresse de piano
et l'usurier. Il a fait ce monde tout ce qu'il est.
C'est lui qui l'endort sur des canapés disposés
tout exprès pour le sommeil et pour l'adultère ;
c'est lui qui courbe toutes les femmes sous le
même malheur ; c'est lui qui achète à crédit les
chevaux, les bijoux et les habits de tous ces
beaux fils sans estomac, sans argent, sans
cœur. Il a trouvé le premier ce vernis livide,
cette pâleur de bonne compagnie, qui fait re-
connaître tous ses héros. Il a arrangé dans sa
tête féconde tous ces crimes adorables, toutes
ces trahisons masquées, tous ces viols ingé-
nieux de la pensée etdu corps, quisontla trame
ordinaire de son drame. Le jargon que parle ce
monde à part, et que seul il peut comprendre,
c'est encore une langue mère retrouvée par
M. de Balzac. Ceci nous explique en partie le
succès éphémère de ce romancier, qui règne
encore, à l'heure qu'il est, à Londres et à Saint-
Pétersbourg, comme le plus fidèle représentant
des mœurs et des actions de ce siècle...» (Jules
Janin. Débats, 10 mars 1846.)
« Il n'y a que deux façons de critiquer M. de
Balzac. La plus simple est de lire ses œuvres,
de les comprendre et d'écrire un feuilleton sur
la Comédie humaine. Le second moyen, presque
impossible. à la littérature actuelle, consiste à
s'enfermer pendant six mois, à étudier scrupu-
leusement, dans les moindres détails, comme
l'exigerait l'étude d'une langue ardue, non seu-
lementlsi Comédie humaine, mais toutes les, édi-
tions des romans de M. de Balzac. Ce travail
ne sera pas fait de sitôt. Peut-être dans vingt
ans, dans cinquante ans, quand dix lettrés pa-
tients auront amassé lej principaux matériaux,
un homme d'une grande intelligence profitera-
t-il de ces travaux et les reliera-t-il en un
vaste et grand commentaire. — Nous disons
commentaire, et non pas critique ; car une des
raisons qui rendent la critique impossible, c'est
qu'il faut une intelligence égale à celle de l'ar-
tiste pour l'expliquer à la foule. Or, ces intelli-
gences ne se font jamais critiques, sinon par
hasard. » ( Gérard de Nerval , l'Artiste ,
18 oct, 1846.) ,
« M. de Balzac seul ne doute pas de lui-
même, et, à force de ratures, d'épreuves cha-
marrées , de remaniements et de veilles , il
parvint à se composer un style d'une origina-
lité un peu martelée, mais merveilleusement
propre à rendre sa pensée fine, compliquée,
bourrée de détails , d'observations et d'inci-
dences. Bien qu'il n'ait pas, comme certains
écrivains, la phrase primesautière , M. de
Balzac pose son cachet sur c'.raque ligne qu'il
écrit... » (Théophile Gautier, 30 sept. 1843.)
— « M. de Balzac n'est pas, comme on pourrait
le croire d'après les quatre, voix seulement
qu'il vient d'obtenir à l'Académie, un homme
peu connu et d'un talent médiocre; il a, au
contraire, une réputation européenne, un ta-
lent immense et beaucoup de génie, oui, de
génie, quoiqu'il soit notre, contemporain très-
vivant et très-vivace. Il ne lui manque que
d'être défunt pour se voir juché sur un pié-
douche, à l'état de buste... — Depuis Molière,
personne, à notre avis, n'a mieux soutenu un
caractère, et, depuis Shakspeare, nul n'a en-
voyé dans le monde, pour y vivre de cette vie
sur laquelle le temps ne peut rien, une si pro-
digieuse quantité de personnages, ayant chacun
sa physionomie, son parler, son geste, son tic
ineffaçable. Ces types sont empreints d'une
vitalité si forte, qu ils se confondent avec les
êtres véritables. » (Théophile Gautier, 15 jan-
vier 1849.)
« Le nom de Balzac se mêlera à là trace
lumineuse que notre époque laissera dans
l'avenir... M. de Balzac était un des premiers
parmi las grands; un des plus hauts parmi les
meilleurs... Tous ses livres ne forment qu'un
livre, livre vivant; lumineux, profond, où l'oa
vûLt aller et.venir, et marcher et se mouvoir,
140
BAL
BAL
BAL
BAL
avec je ne sais quoi d'effaré et de terrible,
mêlé au réel, toute notre civilisation contem-
poraine; livre merveilleux que le poëte a inti-
tulé comédie et qu'il aurait pu intituler histoire,
qui prend toutes les formes et tous les styles,
qui dépasse Tacite et qui va jusqu'à Suétone,
qui traverse Beaumarchais et qui va jusqu'à
Rabelais ; livre qui est l'observation et qui est
l'imagination ; qui prodigue le vrai, l'intime, le
bourgeois, le trivial, le matériel, et qui, par
moments, à travers toutes les réalités brusque-
ment et largement déchirées, laisse tout à coup
entrevoir le plus sombre et le plus tragique
idéal. A son insu, qu'il veuille ou non, qu'il y
consente ou non, l'auteur de cette œuvre im-
mense et étrange est de la forte race des
écrivains révolutionnaires. Balzac va droit au
but. I! saisit corps à corps la société moderne;
il arrache à tous quelque chose, aux uns l'il-
lusion, aux autres l'espérance, à ceux-ci un
cri, à ceux-là un masque; il fouille le vice, il
dissèque la passion ; il creuse et sonde l'homme,
l'Ame, le cœur, les entrailles, le cerveau, l'a-
bîme que chacun a en soi. Et, par un droit de
sa libre et vigoureuse nature, par un privilège
des intelligences de notre temps qui, ayant vu
de près les révolutions, aperçoivent mieux la
fin de l'humanité et comprennent mieux la
Providence, Balzac se dégage souriant et se-
rein de ces redoutables études qui produisaient
la mélancolie chez Molière et la misanthropie
chez Rousseau. Voilà ce qu'il a fait parmi
nous. Voilà l'œuvre qu'il nous laisse, œuvre
haute et solide, robuste entassement d'assises
de granit, monument I œuvre du haut de la-
quelle resplendira désormais sa renommée.
Les grands hommes font leur propre piédestal;
l'avenir se charge de la statue... Sa vie a été
courte, mais pleine; plus remplie d'œuvres
que de jours. — Hélas 1 ce travailleur puissant
et jamais fatigué, ce philosophe, ce penseur,
ce poète, ce génie a vécu parmi nous de cette
vie d'orages, do luttes, de querelles, de com-
bats, commune dans tous les temps à tous les
grands hommes. Aujourd'hui, le voici en paix.
Il sort des contestations et des haines ; il entre,
le mém« jour, dans la gloire et dans le tom-
beau. Il va briller désormais au - dessus de
toutes ces nuées qui sont sur nos têtes, parmi
les étoiles de la patrie. « (Victor Hugo, Dis-
cours sur la tombe de Balzac, LE50.)
' • De son vivant, des bizarreries de carac-
tère, des inégalités de talent, des prétentions
trop légitimes à cette fécondité superlative
que d'autres ont dépassée depuis, des preuves
fréquentes d'une absence complète de sens
moral, d'interminables querelles avec les édi-
teurs, les revues , les journaux et les librai-
res, des allures de Ohicuneau littéraire peu
compatibles avec la dignité des lettres , et
aussi, — car il faut tout dire, — un dédain
profond, une antipathie superbe pour ce parti
radical, révolutionnaire, à qui nous laissions
alors le privilège de distribuer à sa guise la
gloire et le ridicule, tout cela, sans rien ôter
à la célébrité bruyante de M. de Balzac, le
maintenait dans une situation mixte, équivo-
que, indéfinie, entre l'hommage et le sarcas-
me , entre l'admiration et le doute , entre
l'aveu de ses facultés éclatantes et le regret
de lui en voir faire un mauvais usage. A pré-
sent, tout est changé : l'homme d'un talent
immense, mais compliqué et inquiétant aux
yeux de ses contemporains, M. de Balzac est
devenu, pour les jeunes gens qui se pressent-
autour de son monument inachevé, un homme
de génie, un révélateur, un maître, un mo-
dèle : il a des commentateurs et des scoliastes,
comme Homère et comme le Dante. Toute
notre petite école de réalistes se prétend ar-
rière-nièce de l'auteur des Parents pauvres,
et c'est en effet, si l'on s'en tient au titre,
l'œuvre qui peut le mieux servir à désigner
sa parenté... — Parmi les nombreux moyens
que l'esprit de l'homme possède pour s'éga-
rer, il en est deux qui sembleraient devoir
s'exclure, et qui pourtant se touchent de bien
plus près qu'on ne pense : le sensualisme et
le mysticisme... Eh bien! c'est à cette double
tendance que répond M. de Balzac; il est
sensuel et il est mystique ; il donne une main
à Swedenborg , l'autre à Cabanis : le même
paquet de plumes lui sert à écrire Séraphita ,
Louis Lambert, la Physiologie du mariage ut
les Contes drolatiques. Génie immodéré et
malsain, il flatte, il chatouille, il surexcite en
nous l'appétit et la rêverie, le côté bestial et
le côté extatique, l'ange et la bète, sans s'oc-
cuper de l'homme, qui est au milieu, et que le
vrai moraliste a soin de tenir également éloi-
gné de ces doux extrêmes... Ce qu'on peut
alléguer de plus favorable à M. de Balzac,
c'est que le sens moral n'existait pas chez
lui, ou, mieux encore, que l'excès de produc-
tion et de travail amenait dans son esprit une
sorte de vertige qui déplaçait et bouleversait
à ses yeux, non-seulement les notions du sim-
ple, du raisonnable etdu vrai dans le domaine
de l'art, mais encore les conditions du bien
et du mal dans le domaine de la conscience.
Cette fascination étrange qu'il exerçait sur
les autres réagissait sur lui-même, et le ren-
dait incapable de discerner où devait s'arrêter
sa plume, soit en matière de morale, soit en
matière de goût. Ceci excuserait tout au plus
ses intentions, sans amoindrir le mal quil a
fait... Si, de cette immoralité générale, nous
passons à une application plus directe, plus
contemporaine , nous trouverons dans les
œuvres de M. de Balzac un aliment, et, pour
ainsi parler, une note correspondante a tous
les vices, à toutes les erreurs particulières à
notre époque. Ce culte du succès, de la for-
tune, de l'or rapidement acquis, du luxe folle-
ment exagéré; ces existences démesurées,
fabuleuses, excessives, où la puissance de
l'homme semble un défi jeté à la puissance
divine, je les rencontre à toutes les pages
— A coup sûr, il serait injuste ou plutôt in-
sensé de refuser à M. de Balzac quelques-unes
des qualités du génie : la patience, la force,
la persévérance, l'intuition pénétrante et pro-
fonde, et surtout la faculté de donner la vie
à tout ce qu'il touche, depuis les personnages
qu'il invente jusqu'aux maisons où il les loge ;
mais il manque d'autres qualités non moins
essentielles : le goût, la proportion, la me-
sure, le naturel, l'art de s'arrêter à ce mo-
ment précis, unique, décisif, où l'effet s'altère
en se grossissant, où la situation se gâte en
se prolongeant, où l'analyse se change en
alchimie , l'observateur en maniaque et le
voyant en visionnaire. On a dit avec raison
qu'il y avait deux hommes en M. de Balzac :
l'un, artiste supérieur, conteur incomparable,
hardi et heureux (rouueur; l'autre, tout à côté,
occupé à pousser au noir le dessin primitif, à
entortiller l'invention originale, à importer
dans le récit et la description, dans la digres-
sion et le dialogue, je ne sais quoi de subtil,
d'embarrassé et de pénible qui sent la retouche
et la surcharge. M. de Balzac est-il vrai? Oui,
mais d'une vérité relative, accidentelle, locale,
qui réside dans le détail plutôt xjue dans
l'ensemble... — Quelle fatigue pour arriver à
faire moins bien en voulant mieux faire, à
tout embrouiller en voulant tout dire? Ce
style est comme un vin qui dépose ; allez au
fond, vous trouvez la lie. » (De Pontmartin,
Causeries littéraires, 1854.)
« M. de Balzac, ce révolté superbe qui a
.voulu être un fondateur, ce Rabelais raffiné
qui a trouvé une femme ià où Rabelais n'avait
trouvé qu'une bouteille, M. de Balzac a' rêvé
le gigantesque, sans toutefois être un archi-
tecte des temps cyclopéens. Aussi, quand il a
voulu bâtir son temple de Salomon, il n'a pas
trouvé assez de marbre ni assez d'or. Pour
sa comédie humaine, il a manqué souvent
d'acteurs, et il lui a fallu se résigner à faire
jouer souvent les comparses. Il est de mode
aujourd'hui d'élever Balzac au niveau des
dominateurs du génie humain , comme Ho-
mère, saint Augustin, Shakspeare et Molière ;
mais, pour l'esprit qui voit juste, que de ro-
chers se sont renversés sur cet Encelade, que
d'escaliers oubliés dans sa tour de Babel
comme en sa maison des Jardies ! — Balzac
était doublé d'une femme, comme Georges
Sand est doublé d'un homme. Il a eu de la
femme les curiosités, il en a eu aussi les con-
tradictions. — Balzac se croyait religieux ,
mais son église, c'était le sabbat, et son prêtre
n'était pas saint Paul , mais Swedenborg ;
sinon Mesmer; son Evangile, c'était le gri-
moire, peut-être celui du pape Honorius (Ho-
norius de Balzac). Il se croyait homme poli-
tique et voulait continuer de Maistre; il
s'imaginait glorifier l'autorité, et il réalisait la
perpétuelle apothéose de la force ; ses héros
se nommaient indifféremment Moïse ou Attila,
Charlemagne ou Tamerlan, Ricci, le général
des Jésuites, ou Robespierre, le profanateur
du sanctuaire, Napoléon ou Vautrin. U His-
toire des Treize, ce chef-d'œuvre, restera
comme le grandiose et monstrueux plaidoyer
de la force personnelle défiant la force sociale.»
Mais ne restera-t-il pas aussi, à côté de la phi-
losophie de Hegel, comme un éloquent codi-
cille à ces testaments de la souveraineté indi-
viduelle signés par Aristophane, par Lucien,
par Rabelais, par Montaigne et par Voltaire?
Il se croyait spiritualiste, et, sublime carabin,
il n'étudiait qu'à l'amphithéâtre. Il n'entrait
dans un salon que' par la cuisine et le cabinet
de toilette. 11 a toujours ignoré cette belle pa-
role de Hemsterhuys : « Ce mùnde n'est pas
une machine, mais un poème. » Il se croyait
peintre de mœurs, et il inventait les mœurs.
Ses femmes, qui vivent d'une vie si puissante,
madame de Langeais ou la Torpille, n'ont
jamais fréquenté que M. de Balzac... — Comme
les grands artistes, il a créé son monde,
monde étrange, qui a consolé et accueilli tous
les dépaysés du monde réel, monde impossible,
qui a plus d'une fois peint 1 autre à son image ;
que de charmantes provinciales ont été après
coup des Eugénie Grandet, des madame de
Mortsauf ou des madame ClaSs! Faut-il rap-
Eeler qu'à Venise, durant tout un hiver, le
eau monde s'est déguisé avec les masques
de la Comédie humaine?... — Ce qui a manqué
à Balzac dans cet enfer de la vie, dont il a
descendu toutes les spirales, c'est la virginité
dans l'amour et l'ingénuité dans la poésie. Il
s'est toujours un peu embarrassé dans les
broussailles du style. Il n'a pas , comme
Dante, rencontré les divins guides qui s'ap-
pellent Béatiix et Virgile. 11 en pleurait lui-
même. Quand il écrivait la Recherche de l'ab-
solu, il était à la recherche de l'idéal; mais
l'idéal, on l'a en soi comme l'amour^ Les
études de chimiste et d'alchimiste, de médecin
et de juriste, n'allument pas la flamme de
Prométhée!.,. » (Arsène Houssaye. Hist.
du quarante et unième fauteuil. 1855. 6° éd.,
1862.1
« L'œuvre de M. de Balzac est celle qui
contient le plus de portraits : c'est un monde
entier, décrit avec la puissante exactitude de
ce grand maître ; cependant on peut affirmer
que les physionomies qui lui ont donné le
plus de mal à décrire, pour lesquelles il s'est
consumé en efforts supérieurs, qu'il acaressées
avec amour, ces physionomies ne sont pas
toujours les plus saillantes. Beaucoup ne sont
visibles qu'à la lecture, pendant cinq mi-
nutes ; la page tournée, elles sont oubliées.
Mais Û reste à l'auteur de la Comédie humaine
une quarantaine de portraits plus connus que
les membres de l'Académie. (ChampfleuRY.
Réalisme. 1857.)
• « Remettre à la scène les Ressources de
Quinola , retirer de la poussière , où le plus
implacable et le plus universel dédain la relé-
guait, cet+e souquenilla de Fontanarès, dont
les beaux esprits de 1842 s'étaient moqués, et
nous demander à nous, qui avons vu passer
tant de grands hommes déchus, tant de talents
exploités, tant d'intelligences flétries par les
puissances de toutes sortes, par les despotis-
mes du fer ou de l'or; nous demander si nous
comprendrions mieux les illusions, le courage,
le martyre d'un inventeur, la tragédie de la
science et de la conscience : c'était une entre-
prise que les habiles traitaient de folie, et qui
avait quatre-vingt-dix-neuf chances pour
échouer, sans doute, mais qui avait une chance
pour réussir : la force de la vérité, et qui a
réussi... — Balzac était, à proprement parler,
un génie de la famille de Fontanarès ; il dé-
couvrait la vapeur trop tôt... — La seule con-
cession que l'on puisse faire aux détracteurs
de ce puissant génie , c'est d'avouer que sa
vue devançait trop sa marche , et que les
procédés d'exécution resteraient longtemps
inférieurs à son idée. Il portait tout un monde
dans sa tête; mais il chancela toujours sous
son fardeau. Jamais il n'eut l'allure libre, dé-
gagée, heureuse. On eût dit qu'il avait l'ivresse
permanente de ses idées; et quand il voulait
se fixer sur une seule , toutes sortaient en
foule et le sollicitaient. De là l'ambition déme-
surée de tout faire tenir dans une phrase, dans
un mot; de là des luttes pour se simplifier,
pour se dégager. Balzac travaillait pour le
compte d'un Balzac futur, qu'il 'entrevoyait
plein de sérénité, ayant fondé le roman mo-
derne, illuminé le théâtre, et porté jusqu'à la
tribune, politique le trop-plein de son cœur. Ce
Balzac idéal et artiste, qui n'apparaît qu'aux
survivants du Balzac travailleur et manou-
vrier de sa gloire, ce Balzac fût venu à coup
sûr. Il avançait, il sortait de l'ébauche, quand
la mort s'est impatientée de ce combat... Et
nous pouvons, en regrettant le plus grand ro-
mancier de l'ère moderne (je n'excepte per-
sonne, ni aucun pays), regretter aussi qu'il ne
nous ait pas été donné de saluer, autrement
que par des espérances et par des regrets,
1 homme qui eût trouvé la formule de l'art
théâtral au xixe siècle. • — Louis Ulbach, le
Temps, 19 octobre 1863.
« Les trois caractères dominants du talent
de Balzac sont la vérité, le pathétique et la
moralité. Il faut y ajouter l'invention drama-
tique, qui le rend en prose égal et souvent
supérieur à Molière. — Je sais qu'à ce mot, un
cri de scandale et de sacrilège va s'élever de
toute la France; mais, sans rien enlever à
l'auteur du Misanthrope de ce que la perfec-
tion de son vers ajoute à l'originalité de son
talent, et en le proclamant, comme tout le
monde, l'incomparable et l'inimitable, mon
enthousiasme pour le grand comique du siècle
de Louis XIV ne me rendra jamais injuste et
ingrat envers un autre homme inférieur en
diction, égal, si ce n'est supérieur, en con-
ception , incomparable aussi en fécondité :
Balzac! Combien de fois, en le lisant et en
déroulant avec lui les miraculeux et inépui-
sables méandres de son invention , ne me
suis-je pas écrié tout bas : La France a deux
Molière , le Molière en vers et le Molière en
prose I... Balzac est, avant tout, le grand géo-
graphe des passions. Je ne sais quel instinct
révélateur et observateur lui a appris que les
lieux et les hommes se tiennent par des rap-
ports secrets ; que tel site est une idée, que
telle muraille est un caractère, et que, pour
bien saisir un portrait, il faut bien peindre un
intérieur. Cette analogie et cette fidélité sont
àses romanseeque le paysage est aux grandes
scènes du drame. Les imbéciles se plaignent
de cette minutie apparente de description ; les
hommes de haute et profonde intelligence
l'admirent. Tout commence chez lui par ce
milieu de ses personnages, préface de l'homme.
C'est même là qu'il déploie le plus de verve.
Voyez le début d'Eugénie Grandet... voilà l'a-
vare I bien autrement conçu que celui de Plau te,
deTérence ou de Molière. La comédie de
caractère va jusqu'au rire dans les caricatures
de ces grands comiques. Chez Balzac, elle va
jusqu'aux larmes. Les uns se moquent ridicu-
lement de l'avare dans le mot fameux : Qu'al-
lait-il faire dans cette galère? l'autre fait
détester le vice et haïr le vicieux. Mais ils
écrivent en vers immortels, et Balzac n'écrit
qu'en prose modelée sur le cœur humain I Je
le répète avec conviction :.il a, dans ses innom-
brables romans, cent fois dépassé en invention
l'incomparable Molière. On ne peut pas le louer
plus haut, ce mot suffirait pour sa gloire... C'é-
tait un homme de la race de Shakspeare, dont
la sève était variée, large et profonde comme
le monde... — On fut longtemps à le juger, il
était trop au-dessus de ses juges. En laissant
de côté ces livres futiles et un peu cyniques,
les Contes drolatiques, écrits dans le commen-
cement de sa vie pour avoir du pain et un
habit, qu'il ne faut pas compter pour des mo-
numents, mais excuser comme des haillons de
misère, son caractère était probe et religieux
au fond... Il aimait les Bourbons et l'aristo-
cratie de la Restauration, par tradition pater-
nelle... Quant à son talent, il est incompa-
rable... Il rentra dans la voie droite de l'abbé
Prévost, et n'aspira qu'à un seul titre, celui
d'historiographe de la nature et de la société...
On dit, je le sais, et je me le suis dit moi-même
en finissant la lecture de ce merveilleux ar-
tiste : Il est parfait, mais il est triste; on sort,
avec dés larmes dans les yeux, de cette lec-
ture. — Balzac est triste, c'est vrai; mais il
est profond. — Est-ce que le monde est gai?
— • Molière est triste, et c'est pourquoi il fut
Molière. « (Lamartine, Cours de littérature,
106, 107 et 108^ entretien, 1S64).
• Balzac , comme Shakspeare , a peint les
scélérats de toute espèce : ceux du monde et
de la Bohême , ceux du bagne et de l'espion-
nage , ceux de la banque et de la politique.
Comme Shakspeare, il a peint les monomanes
de toute espèce : ceux du libertinage et de
l'avarice , ceux de l'ambition et de la science,
ceux de l'art, de l'amour paternel et de l'a-
mour. Souffrez dans l'un ce que vous souffrez
dans l'autre. Nous ne sommes point ici dans
la vie pratique et morale , mais dans la vie
imaginaire et idéale. Leurs personnages sont
des spectacles , non des modèles ; la grandeur
est toujours belle, même dans le malheur et
dans le crime. Personne ne vous propose d'ap-
prouver et de suivre ; on vous demande seu-
lement de regarder etd'admirer. J'aime mieux,
en rase campagne, rencontrer un mouton qu'un
lion ; mais derrière une grille , j'aime mieux
voir un lion qu'un mouton. L'art est justement
cette sorte de grille; en étant la terreur, il
conserve l'intérêt. Désormais, sans souffrance
et sans danger, nous pouvons contempler les
superbes passions, les déchirements, les luttes
gigantesques , tout le tumulte et l'effort de la
nature humaine , soulevée hors d'elle-même
par des combats sans pitié et des désirs sans
frein. Et certes , ainsi contemplée , la force
émeut et entraîne. Cela,nous tire hors de nous-
mêmes ; nous sortons de la vulgarité où nous
traînent la petitesse de nos facultés et la timi-
dité de nos instincts. Notre âme grandit par
spectacle et par contre-coup; nous nous sen-
tons comme devant les lutteurs de Michel-
Ange, statues terribles dont les muscles énor-
mes et tendus menacent d'écraser le peuple
de pygmées qui les regarde; et nous compre-
nons comment les deux puissants artistes se
trouvent enfin dans leur royaume, loin du do-
maine public , dans la patrie de l'art. Shaks-
peare a trouvé des mots plus frappants , des
actions plus effrénées, des cris plus désespé-
rés ; il a plus de verve , plus de folie , plus de
flamme; son génie est plus naturel, plus
abandonné , plus violent ; il invente par in-
stinct, il est poète ; il voit et fait voir par su-
bites illuminations les lointains et les profon-
deurs des choses , comme ces grands éclairs
des nuits méridionales , qui d'un jet soulèvent
et font flamboyer tout l'horizon. Celui - ci
échauffe et allume lentement sa fournaise ; on
souffre de ses efforts; on travaille pénible-
ment avec lui dans ces noirs ateliers fumeux ,
où il prépare, à force de science, les fanaux
multipliés qu'il va planter par milliers, et dont
les lumières entre-croisées eteoncentrées vont
éclairer la campagne. A la fin , tous s'embra-
sent ; le spectateur regarde : il voit moins
vite, moins aisément, moins splendidement
avec Balzac qu'avec Shakspeare , mais les
mêmes choses , aussi loin et aussi avant.,, —
Le signe d'un esprit supérieur, ce sont les vues
d'ensemble. Au fond, elles sont la partie capi-
tale de l'homme; les autres dons ne servent
qu'à préparer ou à manifester celui-là; s'il
manque, ils restent médiocres ; sans une phi-
losophie , le savant n'est qu'un manœuvre et
l'artiste qu'un amuseur. Delà le rang éminent
d'Ampère en physique, de Geoffroy Saint-Hi- .
laire en zoologie, de M. Guizot en histoire.
De là aussi le rang de Balzac dans le roman.
Il avait des idées générales sur tout, tellement
que ses livres en sont encombrés et que leur
beauté en souffre...
— De sa morale natt sa politique. Comme
tous ceux qui ont mauvaise opinion de l'homme,
il est absolutiste... Il abusait du roman comme
Shakspeare du drame, lui imposant plus qu'il
ne peut porter... Balzac, opprimé par un sur-
croît de théories, mettait en romans une poli-
tique, une psychologie, une métaphysique, et
tous les enfants légitimes ou adultérins de la
philosophie. Beaucoup de gens s'en fatiguent,
et rejettent Séraphita et Louis Lambert comme
des rêves creux, pénibles à lire; ils voudraient
une philosophie moins romanesque ou des ro-
mans moins philosophiques. Us ne se trouvent
ni assez instruits ni assez amusés ; ils deman-
dent plus d'intérêt ou plus de preuves. Ils de-
vraient remarquer que ces œuvres achèvent
l'œuvre , comme une fleur termine sa plante ;
que le génie de l'artiste y rencontre son ex-
pression complète et son épanouissement final;
que le reste les prépare, les explique, les sup-
pose et les justifie ; qu'un cerisier doit porter
des cerises , un théoricien des théories, et un
romancier des romans. — On fait des mots
sur tout à Paris , c'est une façon de résumer
des idées pour les rendre portatives; en voici
quelques-uns que j'ai recueillis sur Balzac :
«C'est le musée Dupuytren in-folio. — C'est un
beau champignon d'hôpital. — C'est Molière
médecin. — C'est Saint-Simon peuple. ■ Je
dirai plus simplement : Avec Shakspeare et
Saint-Simon, Balzac est le plus grand maga-
BAL
BAM
BAM
BAM
141
sin de documents que.nous ayons sur la nature
humaine. » (Tain'E. Nouaeaux essais de criti-
que et d'histoire. 1865.
BALZAC (Laure de), femme de lettres et
sœur du célèbre romancier.V. Surville (Mme),
balzan, ANE adj. (bal-zan, a-ne — rad.
balzane). Manég. Noir ou bai avec des bal-
zanes : Cheval balzan. Cavale balzane. Che-
val balzan du pied droit postérieur. Jument
iiALZANK des quatre membres. Le chenal balzan
dont les balzanes s'élèvent jusqu'au jarret ou
au genou est dit chaussé haut.
BALZANE s. f. (bal-za-ne — de Vital, balza,
bordure). Manég. Tache blanche circulaire
au-dessus du sabot d'un cheval : Ce cheval
avait deux balzanes aux jambes. (V. Hugo.)
C'était un-cheval bai brun foncé, qui aoait une
petite balzane à la jambe droite de derrière.
(E. Sue.)
— Encycl. Hippiatr. Les poils blancs des
balzanes sont plus ou moins nombreux et oc-
cupent une étendue plus ou moins considéra-
ble. D'après leur étendue et leur position, ces
poils blancs sont diversement signalés. Ainsi
on dit qu'ils forment quelques poils blancs,
quand ils sont disséminés autour de la cou-
ronne; la trace de balzane, lorsqu'ils sont
réunis en un point; la trace incomplète de
balzane, lorsqu'ils sont un peu plus étendus,
sans cependant embrasser tout le contour de
la couronne ; le principe de balzane, lorsqu'ils
embrassent le contour de la couronne sans la
dépasser en hauteur; la petite balzane, lors-
qu ils arrivent au niveau du boulet ; la grande
balzane, quand ils s'élèvent jusqu'au milieu
du canon , et la balzane haut chaussée, quand
ils arrivent près du genou ou du jarret. La
balzane, quelle que soit son étendue, est dite
dentelée ou bordée, suivant qu'elle présente
des dentelures sur son contour, ou que ce
dernier se confond avec le fond de la robe en
s'y mélangeant; elle est dite mouchetée, truitée
ou herminée,' suivant qu'elle porte des taches
étendues ou des points noirs ou rouges. Quand
on fait le signalement d'un cheval, il importe
de noter exactement le nombre et le lieu des
balzanes. Quand il n'y en a que deux, on dit,
pour abréger, bipède antérieur ou postérieur,^
latérai ou diagonal, droit ou gauche, en pre-
nant toujours le membre antérieur pour point
de départ.
BALZE s. f. (bal-ze). Nàvig. Sorte de cati-
maron ou radeau, dont se servent les Péru-
viens. Ces radeaux sont construits avec des
tronçons d'arbres d'un bois très-léger, tou-
jours en nombre impair, bien roustés en-
semble avec une sorte de liane du pays ; ils
vont aussi à la voile. Il y a des balzes de
lus de vingt mètres'de long sur six ou sept
e large, qui naviguent très-bien le long des
côtes d'une belle nier, il On écrit aussi balsk.
. BALZE (Nicolas), avocat et littérateur, né
à Avignon en 1733, mort en 1792. Il a donné
un Recueil de contes d'un genre un peu libre,
mais pleins de finesse et de piquante origina-
lité ; des odes qui offrent des images brillantes,
mais déparées par de l'emphase et des traits
de mauvais goût. Sa tragédie de Coriolan, im-
primée en 1773, ne fut jamais représentée.
Elle est, dit-on,, fort médiocre, malgré quel-
ques traits heureux.
BALZB (Jean-Etienne-Paul), peintre fran-
çais contemporain, né à Rome en 1815, vint
de bonne heure à. Paris, où il suivit les cours
de l'école des Beaux-Arts. Il débuta au Salon
de 1835 par un tableau représentant le Com-
bat de f<itz-James et de Roderiek Dhu, sujet
tiré de la Dame du lac, de Walter Scott.
M. Ingres, dont il était l'élève, ayant été
nommé directeur de l'école française à Rome,
il l'accompagna en Italie et exécuta, en colla-
boration avec son frère Raymond, des copies
des Loges du Vatican (1835). Ces copies, com-
mandées par le gouvernement français, déco-
rent les deux galeries latérales de l'école des
Beaux-Arts. Le talent avec lequel les deux
frères s'étaient acquittés de cette tâche diffi-
cile leur valut les éloges les plus mérités. En
1840", ils furent chargés de reproduire les
Slanze; leurs copies sont placées depuis plu-
sieurs années au Panthéon, mais elles appar-
tiennent à l'école des Beaux-Arts. D'autres
reproductions de Raphaël ont été faites,
vers 1850, par MM. Paul et Raymond Balze,
dans la bibliothèque de Sainte-Geneviève :
l'Ecole d'Athènes, la Poésie et la Théologie
sont l'œuvre de M. Paul Balze; M. Raymond
a peint la Philosophie, la Justice et l'Etude.
Les deux frères ont fait depuis', en colla-
boration, dans la galerie du Trône au palais
du Sénat, des peintures murales représentant :
les Grandes découvertes scientifiques, agricoles
et industrielles du XfXe siècle (1856). Parmi
les travaux que M. Paul Balze a exécutés
sans le concours de son frère, nous citerons :
les Odalisques, tableau exposé en 1849; la
Mort de Sixte IV, peinture murale dans
l'église de Saint-Rocn, à Paris (1856); le
Couronnement de la Vierge, les Litanies, les
Apôtres, peintures murales, dans l'église de
Saint-Symphorien, à Versailles (1859) ; la La-
pidation de saint Etienne, tableau commandé
par le ministère d'Etat, et exposé en 1861 ; di-
verses autres peintures. murales, entre autres
un Christ apparaissant à saint Pierre, dans l'é-
glise de Puiseaux (Loiret). Après avoir fait de
nombreux travaux d'émail sur cuivre, M. Paul
Balze découvrit un procédé d'émail sur faïence
destiné à la grande décoration extérieure des
1
monuments, et il exécuta en 1863, au moyen
de ce procédé, les compositions suivantes, qui
ornent la façade de l'église de Puiseaux :
Vierge entourée d'une, gloire de- chérubins et
tenant dans ses bras l'enfant Jésus qu'adorent
des anges (fronton) ; Anges jouant de divers
intruments (frise) ; les Quatre éuangélistes (dé-
corations des tourelles). Ces sujets sont peints
sur des carreaux de faïence semblables à ceux
dont on se sert pour les fourneaux de cuisine ;
lorsque quelques-uns de ces carreaux sont
mal venus à la cuisson, on a la facilité de les
remplacer par d'autres, et, en dernier lieu, on
recouvre le tout d'un émail ou vernis trans-
lucide qui pénètre dans les joints des carreaux
de faïence et fait disparaître les sutures. Les
tableaux obtenus par ce procédé sont inalté-
rables. Divers spécimens de cette découverte
ont été exposés au Salon de 1833 et ont valu
à M. Balze une médaille de troisième classe;
l'un de ces spécimens, l'Eternel bénissant le
monde (d'après Raphaël), a été acheté par le
gouvernement et décote actuellement l'un des
murs de la cour principale de l'école des
Beaux-Arts. M. Paul Balze a exposé depuis :
en 1864,1a Vision d'Ezéchiel (copie surfalence,
cent fois plus grande que l'original), et, en
1865, le-Triomphe de Galatée (faïence d'après
la fresque de Kaphaëi); ce dernier ouvrage,
exécuté en collaboration avec M. Raymond
Balze, a été placé dans la cour du Mûrier, à
l'école des Beaux-Arts. On doit encore à
M. Paul Balze les émaux sur lave qui décorent
les tympans de l'église Saint-Augustin, à Paris,
et qui représentent la Foi, l'Espérance et la
Charité. Ces divers travaux révèlent un peintre
consciencieux, savant, qui s'est fortifié par
l'étude assidue des grands modèles, et qui les
reproduit, non pas servilement comme un co-
piste vulgaire, mais en artiste qui sent le beau.
BALZE (Jean-Anto'me-Raymond), peintre
français contemporain, né a Rome en 1818,
vint à Paris et se plaça sous la direction de
M. Ingres, en même temps que Paul Balze,
son frère aîné, qu'il suivit plus lard en Italie
et avec lequel il a exécuté divers travaux
(v. l'article précédent). Il a peint, sans colla-
boration, et exposé : en 1849, le Christ calmant
la tempête (commande du ministère de l'inté-
rieur), Horace à Tibur, Néère ou le Dernier
chant (sujet tiré d'A. Chénier); en 1853,
Sainte Cécile; en 1855, Horace chantant ses
poésies; en 1859, l'Apothéose de saint Louis
(tableau commandé par le ministère d'Etat,
pour la chapelle de l'Ecole militaire), et Un
trait de l'enfance à" Annibal Carrache. M. Ray-
mond Balze a exécuté, en outre, dans l'église
de Saint-Roch, à Paris, une peinture murale
représentant Saint Charles Borromée secourant
les pestiférés. Attaché depuis plusieurs années
à la manufacture de vitraux de Saint-Galmier,
il a fait les cartons d'un grand nombre de ver-
rières pour diverses églises du midi. Quel-
ques-uns de ces cartons (le Crucifiement, la
Résurrection, le Christ montrant ses plaies,
le Mariage de la Vierge, etc.) ont figuré au
salon de 1859.
BALZlilt (Johann), graveur allemand, né à'
Iiukus en 1738, mort en 1799. Elève de Rentz.
Il a gravé et édité, à Lissau et à. Prague, des
eaux-fortes et des aqua-tinta, consistant en
une cinquantaine de feuilles de paysages et
quatre-vingt-douze portraits, parmi lesquels
nous citerons ceux de l'empereur Joseph II,
de l'archiduc Maximilien, de Marie-Thérèse, de
la princesse Elisa-Wilhelmine-Louise de Wur-
temberg, de Frédéric roi de Prusse, du poëte
Johann Czernovieks, du graveur W. Hollar,
des peintres Cari Screta, Wenceslas Reiner,
Ant. Kern ; de Michel-Henri Rentz, peintre et
graveur, etc. Johann Balzer laissa deux fils
qui s'adonnèrent comme lui à la gravure :
Balzer (Antoine), né à Prague en 1771, mort
dans la même ville en 1807 j'élève de Schmutzer,,
de Klengel et de Schulze. On a de lui un Pay-
sage avec animaux, d'après J. Roos ; une pièce
intitulée : Dus Riesengebirge (la montagne des
géants), etc.; — Balzer (Johann-Cari), mort
en 1805. Il a travaillé à Prague, à Venise et
à Londres ; sa pièce la plus connue est le
poïtrait de Fr.-Èdm. Weirotter, d'après Du-
creux ; — Balzer (Grégoire), frère de Johann,
a gravé des sujets de sainteté et des paysages;
— Balzer (Mathias), second frère de Johann,
élève de Rentz, a gravé à l'eau-forte. Un
autre Balzer, que M. Ch. Le Blanc croit fils
d'Antoine, travaillait en 1819; il a gravé, à
cette date, une Sainte Famille, d'après Ra-
phaël.
Balzorine s. f. (bal-zo-ri-ne). Comm.
Etoffe légère, qui se rapproche de l'organdi,
et qui s'emploie comme doublure.
BAA1BA, ville de l'Afrique occidentale, dans
le Congo, située à 225 kil. de la côte, sur la
rivière de Lozé, capitale de la province du
même nom ; territoire très-fertile. Il Province
de la partie S.-O. du Congo, entre les rivières
de Lozé et d'Ambriz , sur les limites septen-
trionales du royaume d'Angola; riches mines
de cuivre, de fer, de plomb, d'argent et d'or,
bois de construction et ivoire; ses habitants
professent le christianisme et obéissent à un
chef sous la suzeraineté du Portugal.
BAMBAGIUOLI (Graziolo), théologien et
poète italien, né à Bologne, mort vers 1345.
Il a composé un poème intitulé Traité des
vertus morales, qui passait pour un des bons
ouvrages de la littérature italienne. On lui
attribue aussi un commentaire sur la Divine
comédie.
BAMBARA, royaume intérieur de l'Afrique
occidentale, au S.-O. du Sahara, compris
approximativement entre 9° et 14° lat. N. et
entre 7» et 12° de long. O.; 2,000,000 d'hab.,
dont les trois quarts sont esclaves. Ce pays,
arrosé par le Niger ou Djoliba et par le
Oulaba, est divisé en deux Etats distincts
et ennemis : le haut Bambara , capitale
Ségo, et le bas Bambara, cap. Djenny. La
plus grande partie du Bambara est fertile et
bien cultivée; les habitants présentent deux
types différents : ceux du nord ont le nez
épaté, les lèvres grosses, les cheveux crépus
et l'air stupide; ceux du sud ont le nez aqui-
lin, les lèvres fines, le teint plus noir que ceux
du nord ; mais, comme ces derniers, ils se ta-
touent la figure et le corps.
bambèle s. f. (ban-bè-le). Ichthyol. Un
des noms vulgaires du véron.
BAMBELLE s. f. (ban-bè-le). Mécan. Syn.
de bielle.
BAMBERG, ville de Bavière, ch.-l. du cercle
de la haute Franeonie (en allem. Ober-Fran-
ken), au N. de Nuremberg, sur la Pregnitz;
24,000 hab. Archevêché, séminaire catholique,
lycée, gymnase, école polytechnique, école de
chirurgie, bibliothèque de 52,000 volumes;
l'une des villes les plus commerçantes de la
Bavière; pépinières renommées, fabrique de
draps, chantiers de construction, navigation
active, vins, brasseries, tabac; point de jonc-
tion des trois chemins de fer de Leipzig,
Francfort et Nuremberg. Bamberg, fondé par
des Saxons au IXe siècle , dut sa première
église à Charlemagne et son nom aux comtes
de Babenberg ; en 1007, l'empereur Henri II
y créa un évêché princier, supprimé en 1S01,
à la paix de Lunéviile, et réuni à la Bavière.
Le dernier prince-évéque, François de Buseck,
fut indemnisé de la perte de sa seigneurie par
une pension de 40,000 florins (env. 100,000 fr.).
Cette ville, située dans une plaine agréable,
possède quelques monuments intéressants. La
■cathédrale, lune des plus belles églises de
l'Allemagne , est remarquable , sinon par la
grandeur de ses proportions, du moins par
l'élégance de sa structure , par la finesse de
ses détails, par la variété de ses ornements.
Fondée en 1004, par l'empereur Henri 'II, elle
fut consacrée en 1012 ; détruite en partie par
un incendie, en 1081, elle a été rebâtie dans
| sa forme actuelle parl'évêque Othon, en 1140.
De 1827 à 1838, elle a été restaurée avec au-
tant de soin que de goût, sous la direction de
M. Heideloif, de Nuremberg. Cette cathédrale,
comprend trois nefs, un seul transsept à l'oc-
cident et deux chœurs formant absides. Dans
le chœur occidental sont des stalles en bois
de chêne d'un travail exquis. La clôture du
chœur oriental est ornée de figures d'apôtres,
remarquables aussi par la délicatesse de l'exé-
cution ; sous ce même cheeur règne une vaste
crypte où les sculpteurs du moyen âge ont
prodigué à l'envi les inventions de leur pieuse
fantaisie. Les ciceroni assurent que l'on compte
plus de quatre cents piliers dans la cathédrale
de Bamberg, et que les chapiteaux offrent une
telle variété de formes et de sujets, qu'on n'en
trouverait pas deux identiquement semblables.
Parmi les curiosités que renferme ce monu-
ment, il faut encore citer les sculptures en
bois de la chapelle de Saint-André, un très-
beau tableau de M. Grùnewald, le Rosaire;
d'intéressantes peintures du commencement
du xnic siècle, récemment mises à découvert;
le sarcophage du pape Clément II, orné de bas-
reliefs de la même époque, et surtout le tom-
beau de saint Henri II et de sa femme sainte
Cuuégonde. Ce tombeau, fait en forme d'autel,
est en marbre blanc; il a été sculpté en 1512,
par Riemenschneider, deWurtzbourg; au som-
met sont placées les statues' des deux époux
couchés cote à.côte, les mains jointes ; des bas-
reliefs, représentant les principales scènes de
la légende du noble couple, décorent les quatre
faces du mausolée. L'extérieur de la cathédrale
de Bamberg est des plus pittoresques; aux
extrémités des collatéraux s'élèvent quatre
tours surmontées de flèches pyramidales. Un
beau porche, soutenu par des colonnes canne-
lées, s'ouvre sur la façade latérale du nord.
\JEg lise Saint-Michel, construite au xn" siè-
cle par l'évêque Othon, à côté d'une abbaye de
bénédictins, fondée par saint Henri et sainte
C'unégonde, s'élève sur une petite colline qui
domine la ville. Cet édifice, souvent restauré
et maladroitement rajeuni, a beaucoup perdu
de sa beauté primitive. .L'abbaye a été trans-
formée en maison de refuge pour les pauvres.
Le Vieux-Château (Altenburg ou Baben-
burg), qui couronne une autre éminence, est
fort ancien. Le roi lombard Bérenger y mourut
prisonnier en 966. Le comte Othon de Wit-
telsbach y égorgea, le 21 janvier 1208, l'empe-
reur Philippe II. Enfin, en 1553, le margrave
Albert de Brandebourg s'en empara et le
livra aux flammes. Hoffmann , l'auteur des
Contes fantastiques, l'a habité de 1810 à 1811.
La Nouvelle Résidence, située en face de la ca-
thédrale, fut bâtie de 1698 àl702,parleprinee-
évêque François de Schœnborn. C'est un pa-
lais à trois étages, qui jouit d'une belle vue.
BAMBERGER (Jean- Pierre), littérateur aile-,
mand, né à Magdebourg en 1722, mort en 1804.
Il a traduit en. allemand l'Histoire du 'com-
merce d'Anderson, ainsi que quelques autres
ouvrages. Il a donné en outre : Anecdotes
biographiques et littéraires sur les écrivains
les plus célèbres de la Grande-Bretagne.
BAMBETOK ou BOMBETOK, ville d'Afrique,
sur la côte N.-O, de Madagascar, avec un port
sur la baie du même nom, dans la province
de Sakara.
BAMBIN, INE s. (ban-bain, ine — ce mot
et ses dérivés bamboche, babiole, bimbetot,
bibelot, bébé, proviennent tous du vieux fran-
çais banbe et honbe, mots qui se rattachent eux-
mêmes à une racine germanique que nous
retrouvons dans l'islandais babe, petit enfant;
babiliur , joujou, chose sans valeur; dans
l'anglais babe, baby, boy, bébé, garçon ; dans
l'allemand bube et bùblein. L'italien, à l'instar
du français, dit également bambolo et bam-
bino, dimiii. de bimbo, bamboccio, bambota,
poupée, etc. Le mot bambin semble offrir des
rapports assez frappants avec le grec bam-
bainô, je bégaye, je prononce des sons inar-
ticulés; $1 nous paraît cependant difficile
qu'on puisse le rattacher a cette racine).
Petit garçon, petite fille : Voilà un gentil
bambin, une charmante bambine. On a bu à la
santé du petit bambin, à plus d'une lieue à la
ronde. (M. de Léo.) En voyant tous nos petits
bambins jouer ensemble, nos cœurs unis les con-
fondent, et nous ne savons plus à laquelle ap-
partient chacun des trois. (J.^J. Rouss.)
Jouissez de votre innocence,
Tandis qu'il en est temps encor,
Chers bambins
Du Cerceau.
— Par ext. et dénigr. Se dit quelquefois
d'une personne qui a passé l'enfance, pour
caractériser un travers, un vice qui est d'un
âge encore plus avancé : On voit souvent fumer
des bambins de dix ans. La libéralité des bam-
bins de vingt ans pour des femmes qu'ils n'ai-
ment pas est encore une des inventions de cette
époque. (E. About.) J'ai été atterré des maxi-
mes de conduite que me citaient des bambins
de seize ans sortant du collège. (H. Beyle.)
Leur esprit et leur éducation ne leur permet-
tent pas de croire qu'une bambine comme toi
soit investie d'un pouvoir surnaturel. (G. Sand.)
— En Italie, Statuette de l'Enfant Jésus
gardée dans un couvent, et que l'on trans-
porte à domicile pour la guerison des ma-
lades, moyennant un prix convenu : Les Ita-
liens appellent bambin (bambino) un petit
Jésus de bois richement habillé ; le couvent qui
a le bonheur d'en être le' propriétaire n'a pas
d'autre patrimoine. (Dupaty.)
— Adjectiv. Très-jeune : Je vous ai vue toute
bambine, n'est-ce pas? (P. Féval.)
Quand nous mourons, vieux ou bambin.
On vend le corps au carabin.
BÉRANGER.
BAMBINI (Giacomo) , peintre italien, né à
Ferrare vers 1590 , mort en IG29. Ce fut lui
qui ouvrit la première académie de nu à Fer-
rare. Il avait eu pour maître Domenico Mona,
qu'il surpassa par sa connaissance du dessin.
BAMBINI (Félix), compositeur italien, né à
Bologne, vers 1742, mort en 1SO0, vint en France
en 1752, avec une troupe de comédiens italiens
que dirigeait son père, et qui se rendit à Paris
pour y chanter sur la scène de l'Académie
royale de musique les œuvres de Jomelli, Per-
golèse et autres célèbres auteurs de l'époque.
Bambini, alors âgé de neuf ans, tenait le cla-
vecin, et composait même quelques airs pour
les rôles secondaires qu'on introduisait dans
les intermèdes. La lutte qui survint alors entre
les partisans de la musique italienne et ceux
de la musique française s'étant terminée par
l'expulsion des chanteurs italiens, Bambini
resta en France , et ses nouveaux maîtres
gâtèrent sans doute son heureux naturel, car
il ne'devint qu'un artiste médiocre. On a de
lui quatre opéras-comiques, plusieurs mor-
ceaux pour piano, et une méthode pour piano,
en collaboration avec Nicolay.
EAMBLA s. m. (ban-bla — contract. de
fiatttffiitoïc/ie,étym.dout.). Ornith. Espèce de
fourmilier, rangée par Linné dans le genre
merle (turdus bambla), caractérisée par une
bande blanche qui traverse les ailes. Cet
oiseau, qui n'est guère plus gros qu'un moi-
neau, habite la Guyane : Le bambla est un
petit oiseau très-rare. (Bull'.)
BAMBOCCIO (Antoine), sculpteur italien,
né à Piperno vers 1368, mort vers 1435. Il
s'est fait une grande réputation par ses mau-
solées, surtout par celui de Ludovico Aldema-
reschi. Il a, en outre, exécuté les ornements
de la grande porte de la cathédsale de Naples,
et donné les dessins de plusieurs des palais de
cette ville. Son style appartient à. l'école de
transition , entre le gothique et le retour à
l'antique. Il a formé de bons élèves.
BAMBOCHADE s. f. ( ban-bo-cha-de — du
peintre Pierre de Laar, surnommé Bamboche,
Bamboccio par les Italiens, à cause de la pe-
titesse de sa taille). Peinture ou dessin repré-
sentant une scène champêtre, populaire et
burlesque : C'est dans la fréquentation du
peuple grossier que Téniers a pris le sujet de
ses bambochabes. (De Bonald.)
— Encycl. Le genre comique n'a pas trouvé
dans les diverses écoles de peinture et de
sculpture des expressions aussi complètes que
dans les littératures. L'antiquité se montra
peu sympathique à la représentation des sujets
de la vie familière. Pline signale comme une
innovation de mauvais goût les peintures co-
miques qu'imagina un certain Ludius, décora-
teur qui vivait du temps d'Auguste. Au moyen
âge, les enlumineurs de manuscrits et les
maîtres de pierre, qui enrichissaient de leurs
142
BAM
BAM
BAM
BAM
charmantes fantaisies les porches et les cha-
piteaux des églises , représentèrent parfois
avec une naïveté délicieuse des scènes popu-
laires, des types grotesques empruntés, â la
société au milieu de laquelle ils vivaient; mais,
le plus souvent, leurs compositions en ce genre
sont mêlées de figures allégoriques et symbo-
liques qui les rendent à peu près incompréhen-
sibles. La grande école italienne, fille de Sa
Renaissance, se voua tout entière à la répré-
sentation des sujets historiques, religieux et
mythologiques : elle dédaigna l'étude des
moeurs, et, lorsqu'il lui arriva d'emprunter
quelques types à la société moderne, des types
de buveurs, de soldats ou de pâtres, par
exemple, elle s'attacha presque toujours à les
ennoblir et en fit de véritables ligures de con-
vention. Le génie italien répugnait si bien à
la représentation des scènes de 1% comédie
humaine que, lorsque le Hollandais Pieter van
Laar s'avisa, vers 1626, d'exposer à Rome des
tableaux de petites proportions représentant
des scènes populaires, telles que joutes, rixes
de paysans, marchés, foires, vendanges, mas-
carades, on ne crut pouvoir mieux faire que
de flétrir les compositions de ce genre d un
nom dérivé de bamboccio (nain difforme, pou-
pée), sobriquet qu'avait valu à Pieter sa taille
rachitique : on les appela bambocciate, dont
nous avons fait bambochades. Les peintres sé-
rieux de l'Italie se plaignirent, dit Lunzi, du
ce qu'on osât avilir 1 art par de pareilles bouf-
fonneries; Salvator Rosa (qui le croirait?)
s'éleva vivement (Sat. 111) contre les grands
qui donnaient place dans leurs galeries à des
tableaux de ce genre. Mais l'habileté avec la-
quelle Pieter van Laar peignait ses paysans
triompha des critiques et des préventions, et
ses ouvrages furent bientôt très-recherchés.
Il travailla pendant longtemps k Rome, et y fit
des élèves et des imitateurs. Le plus estimé de
tous fut Michel-Ange Cerquozzi, que son talent
dans ce genre nouveau pour l'Italie fit sur-
nommer le Michel-Ange des bambochades. L'é-
cole italienne ne compta guère, par la suite,
que Cesare Baglione, Giuseppe Gamburini,
Alessandro Magnasco, Giuseppe Ratti, qui
montrèrent quelque aptitude pour les bambo-
chades. Nulle part ce genre ne fut cultivé avec
plus de succès qu'en Flandre et en Hollande,
d'où il avait été importé en Italie. Il convient
de remarquer, en effet, que Pieter van Laar le
Bamboche, qui lui donna son nom, n'en fut pas
l'inventeur. Avant lui, Quentin Metzys, Lucas
de Leyde, le vieux Breughel et quelques autres
Néerlandais avaient peint, avec une grande
finesse, d'observation et une bonhomie char-
mante, des scènes de la vie rustique, et, lors-
que, après son long séjour à Rome, il revint se
nxer dans son pays natal, il y trouva un grand
nombre d'artistes qui ne lui cédaient ni en ha-
bileté pratique, ni en verve humoristique dans
les compositions analogues. Nommer David
Teniers, Adriaan Ostade,Brauwer, Jan Steen,
Brakenburgh , Jan Miel, c'est nommer les
peintres qui ont représenté avec le plus d'es-
prit, de vérité et de charme comique, les
mœurs de la société néerlandaise. En France,
Callot et Adam Bosse, tous deux dessinateurs
et graveurs, ont exprimé avec verve le côté
plaisant des mœurs de leurs compatriotes. Les
Anglais ont eu Hogarth, Cruikshanck, Wilkie;
les Espagnols nomment Goya ; les écoles con-
temporaines de France, de Belgique, d'Alle-
magne pourraient citer une foule d'artistes par
qui la comédie sociale a été interprétée avec
plus ou moins d'humour ; mais notre intention
n'est pas d'examiner ici le caractère des com-
positions des divers wrtistes dont nous venons
de parler : le nom de bambockade a cessé de-
puis longtemps d'être appliqué aux productions
du genre comique et familier. V. Genre (Pein-
ture de), Caricaturas, Paysanneries.
bamboche s. f. (ban-bo-che — do l'ital.
bamboccio ; grosse poupée). Marionnette de
grande taille.
— Par ext. Enfant : Tout doucement, la
despotique bamboche remarque que tout le
inonde est empressé à la servir. (A. Karr.)
— Par dénier. Personne contrefaite : Quelles
bamboches ! Ce sont de vraies bambochus.
— Pop. Débauche, ripaille : Faire des bam-
boches. Il ne cesse de faire bamboche.
BAMBOCHE s. f. (ban-bo-che — rad. bam-
bou). Tige effilée de bambou : On appelle
bamboches de jeunes tiges de bambou, dont on
fait des cannes légères. (Jussieu.)
BAMOOGIIE (Pieter van Laar ou van Lakr,
surnommé le Bamboccio ou le), peintre hollan-
dais, né à Laar ou Laaren, près de Naarden,
en 1613, mort en 1G73. On lui donne pour maî-
tre un certain Johann del Campo, artiste très-
peu connu. Il vint très-jeune en Italie et se
fixa à Rome, où il lit beaucoup d'études d'a-
près nature et peignit avec succès des scènes
rustiques et populaires, foires, marchés, jeux
et querelles de paysans, haltes de chasseurs,
attaques de brigands, genre de compositions
qui n'avaient point encore été traitées en
Italie, et que l'on appela bambochades, du sur-
nom Bamboccio ou Bamboche, donné k l'artiste
à cause de- la difformité de sa taille. 11 avait,
dit-on, les jambes fort longues, le corps très-
court et la tête enfoncée dans les épaules.
Il rachetait, d'ailleurs, ces imperfections phy-
siques, dont il était le premier h se moquer,
par les qualités de son esprit et surtout par
son inépuisable gaieté. Il était, de plus, ex-
cellent musicien et jouait avec talent du vio-
lon et de la guitare. Son inérile, comme pein-
tre, et sa joyeuse humeur lui valurent l'a-
mitié de plusieurs artistes célèbres , entre
autres de Poussin, de Claude Lorrain et de
Sandrard. Après un long séjour à Rome, il re-
tourna en Hollande, s'arrêta quelque temps à
Amsterdam et alla ensuite s'établir à Harlem,
chez son frère Roelandt. Il soutint dans son
pays la réputation qu'il avait acquise en Italie,
et mourut âgé d'environ soixante ans. Les
biographes racontent diversement sa fin. Voici
ce que rapp< rte Weyerman sur la foi de
Michel Carrée, qui avait connu Nicolas Roes-
traeten, ami du Bamboche : «Lorsque le soleil
de Wouwerman commençait à poindre à l'ho-
rizon, la lune de van Laar dut rentrer ses
cornes (sic)... La manière de celui-ci était
devenue mélancolique ; tandis que celle de
Wouwerman, quoique inférieure sous le rap-
port de l'exécution , avait quelque chose de
fai, de séduisant... Van Laar avait le mal-
eur de faire payer très-cher ses tableaux.
Un brocanteur, Jean de Wet, auquel il n'a-
vait pas voulu céder une toile pour 200 flo-
rins , résolut de s'en venger. Il commanda
à Wouwerman un tableau du même genre,
et, ce tableau terminé, notre marchand le
vanta si bien aux amateurs, qu'il parvint à
leur persuader que le Bamboche n en avait
jamais fait d'aussi bien. Celui-ci en mourut
de dépit. Jean de Wet courut aussitôt à la
maison mortuaire, acheta "pour une . modique
somme les croquis et les dessins de van Laar,
et les revendit à Wouwerman, qui sut mer-
veilleusement tirer parti de ces trésors artis-
tiques. » Wouwerman, àsonlitde mort, ajoute
Weyerman, fit livrer aux flammes ces dessins
et ces croquis, « et nous ne pouvons presque
pas douter que ce ne fût pour détruire les
traces du plagiat commis au préjudice du
pauvre Bamboccio. » Il est à peu près certain
que Wouwerman ne visita pas l'Italie, et ce-
pendant ses tableaux sont remplis de motifs
empruntés à ce pays : il est donc probable
qu'il les aura puisés dans les études de van
Laar. Si l'on en croit Florent Le Comte, fort
suspect d'ailleurs dans ses récits sur les ar-
tistes néerlandais, le Bamboche se serait noyé
dans un puits, poursuivi par le souvenir d'un
crime commis autrefois à Rome. « 11 vivait dans
cette ville, dit cet écrivain, avec des jeunes
gens de son pays qui, en leur qualité de pro-
testants, ne se faisaient aucun scrupule de
manger de la viande en- plein carême; un ec-
clésiastique, après leur avoir adressé souvent
d'inutiles remontrances, finit' par les menacer
de les déférer au saint office. Le Bamboche et
ses amis, échauffés par la boisson, jetèrent le
sermonneur dans le Tibre. » Sandrard, qui,
comme nous l'avons dit, connut a Rome van
Laar, ne parle pas de ce crime et se, borne à
dire que « cet homme pieux fut tiré du trouble
temporel pour passer au repos éternel. » D'au-
tres historiens rapportent que, vers la fin de
sa carrière, ses infirmités ayant beaucoup
augmenté, il devint ausêi morose qu'il était
enjoué dans sa jeunesse, et qu'il mourut d'une
oppression. Le Bamboche avait une façon
originale de travailler. Avant de commencer
un tableau, il restait quelque temps pensif
devant son chevalet, ou Dien il jouait quelques
airs sur son violon, saris parler à personne ;
puis il prenait un crayon , esquissait rapi-
dement et peignait ensuite avec une verve
extraordinaire. « A un remarquable talent de
composition, dit M. Waagen, il joignait un
sentiment très-vif de l'expression et du mou-
vement et un dessin correct. Sa couleur est
généralement d'un ton brun chaud, quelque-
fois très-clair, mais le plus souvent opaque,
et sa touche large et spirituelle. Ses paysages
prouvent qu'il vécut dans l'intimité de Claude
et de Poussin. » Suivant Passeri, « les figures
sont si vives et'si bien accompagnées par le
paysage et les animaux que l'on croirait voir,
d'une fenêtre ouverte; les scènes qu'il a re-
présentées sur la toile. • Les tableaux du
Bamboche sont assez rares, du moins en dehors
de l'Italie. Le musée des Offices, à Florence,
possède son portrait, un Mendiant caressant
un chien, un Maréchal ferrant dans son atelier,
une Blanchisseuse, des Chasseurs arrêtés d la
porte d'une auberge, un Paysage, etc. Le pa-
lais Corsini, dans la même ville, a une Réunion
champêtre, des Bergers qui se reposent, des
Chasseurs et plusieurs paysages. Parmi les
tableaux que Ion voit dans les divers musées
de l'Europe, nous citerons : le Départ de l'hô-
tellerie et les Pâtres, au Louvre; un Charla-
tan; des Paysans italiens se querellant ; des
Paysans buvant, à Cassel; une Bambochade
italienne ; Paysans jouant aux quilles; Reli-
gieux distribuant des aumônes ; Paysan avec un
cheval gris; Vigneron payant ses ouvriers, à
Dresde; Jeux de paysans romains, une des
meilleures toiles du maître, à Vienne; un
Champ de bataille, où des cavaliers dépouil-
lent les morts, à Munich; plusieurs Haltes de
chasseurs, à Saint-Pétersbourg. Rien dans les
musées de Hollande. Le Bamboche s. gravé a
l'eau-forte, d'une pointe vive et spirituelle,
vingt planches, parmi lesquelles une suite de
huit pièces (datées de Rome, 1636, et signées
Petrus di Laer fe.), figurant différents ani-
maux, et une suite de six pièces représen-
tant des chevaux, dontBartsch a critiqué avec
raison le dessin.
BAMBOCHER v. n. ou intr. (ban-bo-ché —
rad. bamboche). Pop. Faire des bamboches,
des débauches, des fredaines.
BAMBOCHEUR,EUSE (ban-bo-cheur, eu-zo
— rad. bambocher). Pop. Personne qui aime
à bambocher, qui a l'habitude de bambocher :
Les bambocheurs passent leur temps au caba-
ret, au café, au bal, criant, fumant, vociférant
dans une atmosphère infecte et hideuse. (G.
Sand.)
— Adjectiv. : Tout Paris voudra voir les
aventures de M. Malmouche, ce bourgeois fa-
cétieux, bamuocheur et prodigue, qui voudrait
bien dépenser en folies ses quarante mille livres
de rente. (Th. Gaut.) Je suis bambocheur,
voilà tout... Quel est le militaire qui n'a pas
fait des siennes? (Th. Leclercq.) L'épouxn&M-
bociieur a étalé son trésor sur la table : une
belle pièce de deux francs et trois gros sous
(Cl. Robert.)
BAMBONNER v. n. ou intr. (ban-bo-né —
du gr. bambainô, je bégaye). Pop. Marmotter,
parler entre ses dents.
BAMBOU s. m. (ban-bou). Bot. Genre de
graminées, qui renferme les plus grands vé-
gétaux de cette famille : Rien de plus mer-
veilleux que les touffes du bambou. On l'enterra
au pied d'une touffe de bambous où elle aimait à
se reposer. (B. deSt-P.)ie bambou est le géant
des graminées. (Clavé.) Les bambous d'une
taille énorme sont un objet de vénération pour
les Malais. (Clavé.) Lorsque le bambou est
jeune, les pousses contiennent vue substance
médullaire fort tendre et très-agréable au
goût. (Dumeril.) On trouve soutient dans les
mines de houille des empreintes de plantes qui
paraissent appartenir au genre bambou. (Do
France. )
L'éléphant aux larges oreilles
Casse les bambous en marchant.
V. Huoo.
Oh! ne regrette plus ton ile si lointaine.
Ses forets de bambous et sa brise africaine
Qui frôle dans les bananiers.
M"c DE Poligny.
— Par extr. Bois de bambou : Un tuyau de
pipe en bambou. Notre table de bambou fut
recouverte d'une nappe luisante comme de la
toilecirée. (H. Berthoud.) il Canne de bambou :
Je lui cassai mon bambou sur les épaules. (***)
Et il partit eu brandissant son implacable
bambou. (L. Reybaud.)
— Hist. Peine du bambou, Châtiment usité,
surtout en Chine, à l'égard de certains cou-
pables.
— Encycl. Le genre bambou présente les
caractères suivants : fleurs disposées sur deux
rangs, en épillets comprimés et multiflores ,
les inférieures ordinairement neutres et avor-
tées, les autres tantôt hermaphrodites, tantôt,
au contraire, mâles avec une seule herma-
phrodite ; la lépicène est formée de deux
écailles concaves et dépourvues d'arête: la
glume se compose de deux paillettes , dont
l'inférieure est concave , allongée , plus ou
moins mucronée au sommet , et dont la supé-
rieure, plus étroite, porte deux nervures sail-
lantes; les étamines, ordinairement au nombre j
de six, sont plus longues que les valves de la |
glume; Uovaire est muni à sa base de trois
paléoles courtes et ciliées dans leur contour;
le style est divisé en deux ou trois branches
terminées par un stigmate plumeux; le fruit
est recouvert par les paillettes de la glume.
Au lieu de former des herbes grêles comme
la plupart des graminées, les bambous ont
l'aspect de véritables arbres, quoique avec un
port tout particulier. « Peu de végétaux, dit
M. Bory de Saint-Vincent, présentent un port
aussi majestueux et en même temps plus mol-
lement léger; leurs racines émettent une foule
de tiges qui, atteignant de 8 a 20 m. de hau-
teur, se développent en gerbe immense. Ces
tiges, cylindriques, polies , luisantes même ,
d'une belle couleur jaunâtre, sont formées de
gros nœuds et produisent, vers 1 m. à 3 m. de
hauteur, des rameaux de même nature, d'autant
plus courts qu'ils approchent de la pointe des
tiges, et qui se chargent d'une multitude de
feuilles en ruban du vert le plus tendre et
d'une extrême mobilité. •
Ce sont les bambous qui contribuent princi-
palement à donner aux paysages équinoxiaux
cet aspect grandiose , mystérieux et étrange
qui a frappé tous les voyageurs. Une sorte de
terreur religieuse , un saisissement inexpli-
cable pénètre l'âme, à mesure qu'on s'avance
sous les ombrages sans fin de ces roseaux
géants. Mais c'est surtout au milieu du silence
ue la nuit que les forêts de bambous sont mer-
veilleuses a voir. Alors la moindre brise qui
s'élève de l'un des points de l'horizon suffit
pour agiter de mille façons cet inconstunt
feuillage et ces longues tiges flexibles, qui
semblent à peine tenir au sol. Aussitôt une
espèce de rumeur sourde et plaintive se fait
entendre de mille points k la fois, et glace
d'effroi le voyageur qui en ignore la cause.
Mais c'est bien autre chose quand survient la
tempête. Dans ces moments, surtout si les
chaumes sont mûrs , on est témoin d'un des
spectacles les plus imposants que la nature
puisse nous offrir, La surface des forêts de-
vient semblable à celle d'une mer en furie.
Les bambous se courbent ou se relèvent au
gré des vents, se heurtent dans tous les sens
avec violence et produisent un bruit effrayant,
auquel nul autre bruit ne ressemble. Souvent
alors, la foudre éclate et allume des incendies
immenses, qui brûlent des semaines et des
mois entiers sans rencontrer d'obstacles. Ces
embrasements sont assez fréquents, et, si l'on
en croit les habitants, le simple frottement des
tiges les unes contre les autres, pendant la
tempête, suffit pour les produire.
Le genre bambusa, tel qu'il vient d'être
caractérisé, ne comprend qu'environ une dou-
zaine d'espèces. Un grand nombre de plantos,
qui autrefois en faisaient partie , forment
aujourd'hui les genres nastus, chusquea, gua-
dua, beesha, dont les caractères ont été sa-
vamment établis par M. Kunt. Parmi les
espèces les plus remarquables du genre bam-
busa , nous citerons seulement le bambusa
arundinacea, ou bambou proprement dit. Le
bambou proprement dit {arundo barnbos de
Linné) est une graminée gigantesque, dont les
chaumes atteignent 20 et 25 m. de haut. Ses
tiges sont simples, mais de leurs nœuds nais-
sent souvent un très-grand nombre de rameaux
verticillés chargés de feuilles, qui forment des
espèces de panicules interrompues et rami-
fiées ; la cavité intérieure des tiges est coupée
de distance en distance par d'épaisses cloisons
ou diaphragmes, formés d'un tissu ligneux à
fibres très-fortes et imprégné d'une grande
proportion de silice. Cette substance s'y accu-
mule même en concrétions très-dures qui por-
tent le nom de tabaschir, et sont célèbres
par les propriétés merveilleuses qu'on leur
attribue.
Les usages du bambou sont nombreux et
variés. En Amérique, on le cultive en haies
immenses, appelées balisages, au pourtour
des grandes exploitations. Ses tiges légères ,
mais élastiques et résistantes, sont employées
pour la mâture, la charpente ; on en fait des
planches, des échelles, des claies, des lattes,
des nattes; en les tronçonnant dans le sens
transversal , on en obtient des vases , des
boîtes , des tambours. Des villages entiers,
en Chine, sont construits en bois de bambou.
Les rameaux et les racines servent à faire
des cannes légères et élégantes, fort recher-
chées en Europe. Ses jeunes pousses sont
regardées en Chine comme un légume très-
esiïmé. A une certaine époque, il découle des
nœuds une liqueur miellée, douce, agréable et
fermentescible, qui sert do boisson dans plu-
sieurs pays.
Les bambous sont originaires des régions
les plus chaudes de l'Asie méridionale-, mais
on les a introduits et on les cultive aujour-
d'hui dans presque tous les pays qui s'étendent
entre les tropiques. Cependant, quelques es-
pèces dépassent cette zone et peuvent vivre
en plein air sous des latitudes assez élevées.
Le bambou roseau, originaire de la Chine, est
cultivé en Algérie, où il s'est naturalisé, et
jusque dans quelques localités bien abritées
de la Provence. Le bambou noir est encore
plus rustique ; il vient très-bien dans le midi
de la France, et même , avec quelques pré-
cautions, sous le climat de Paris. La culture
du bambou est facile; il croît également bien
sur les rives des fleuves, au bord des marais
et dans les lieux secs où d'autres végétaux
ne présentent qu'une maigre végétation. On
le multiplie par la division des souches ou
rhizomes.
— Hist. Le bambou joue, dans la législation
des peuples de l'extrême Orient, un rôle
extrêmement actif. Chez les Cochinchinois ,
comme chez les Chinois, il constitue, avec le
châtiment du bâton, les deux premiers degrés
de la pénalité judiciaire; les trois autres degrés
sont les fers, .l'exil et la mort. Le code anna-
mite, dont la connaissance, si importante pour
l'avenir de notre colonie, a été facilitée par la
traduction de M. Aubaret, entre à ce sujet
dans des détails extrêmement précis, et, d'un
autre côté , très-curieux. Le bambou em-
ployé pour les fautes légères est mince.
Le code en limite même la longueur, qui doit
être de 0 m. 70, et la circonférence de cinq
ou six phans (2 cent.). Comme le dit le texte,
le bambou est surtout destiné à réveiller chez
le coupable des sentiments de repentir, et à
exciter chez lui un salutaire retour sur lui-
même. On administre de dix à cinquante coups,
en passant par les nombres intermédiaires
vingt, trente et quarante coups, suivant la
gravité du délit. Le bâton est employé pour
les cas plus graves; lï est gros, dit laconique-
ment le texte , et, plus bas, il détermine ainsi
les proportions qu'il doit avoir : longueur,
0 m. 80; grosseur, 0 m. 04 c. au plus. On
l'emploie en donnant depuis soixante coups
jusqu'à, cent, en augmentant la dose de dizaine
en dizaine. Pour les femmes, la peine du bâton
est généralement convertie en celle du bam-
bou. Outre les usages qui viennent d'être in-
diqués , le bambou et le bâton s'emploient
encore comme appoint dans les trois peines
supérieures, les fers, l'exil et la mort, afin do
créerdes châtiments mixtes et en proportions
variables. La peine du bambou et du bâton
peut être rachetée suivant un tarif fixe, qui
est donné tout au long dans le code.
BAMBOUC s. m. (ban-bouk).' Bot. Espèce
de palmier dont on extrait une huilo fine,
connue sous le nom de beurre de bambouc.
BAMBOUK, royaume d'Afrique, dans la Sé-
négambie, s'étendant au S. et k l'E. du haut
Sénégal et présentant des limites k peu près
inconnues du côté de l'est. Sol élevé et mon-
tagneux, arrosé par le Sénégal et d'autres
cours d'eau; climat malsain, riche végétation
tropicale, gros bétail en très -grand nombre ,
troupeaux d'éléphants errant dans la plaine,
riches gisements d'or. Les habitants appar-
tiennent à la race mandingue et sont maho-
niétans. Capitale Bambouk; ville principale
Natacho.
BAMBOULA s. m. (ban-bou-ia). Tambour
des nègres d'Haïti : On lui présenta en même
BAN
temps un bamboula et une fiùlc, à son choix.
(Rog. de Beauv.)
— s. f. Danse qu'ils exécutent au son de
cet instrument : Une fille de couleur dansa
devant lui la bamboula. (Rog. de Beauv.)
BAMBOUR s. m. (ban-bour). Entom. Es-
pèce d'abeille plus grande que nos abeilles
ordinaires, qui habite l'Amérique, et dont
le miel passe pour excellent : Les bambours
construisent leurs ruches au sommet des ar-
bres. (Duméril.)
BAMBOUSIER s. m. (ban-bou-zié). Bot.
Syn. de bambusacé.
BAMBUHY, rivière du Brésil, province de
Minas-Geraes ; sort du versant oriental de la
sierra Marcella, et se jette dans le San-Fran-
eisco, après un cours de 100 kil.
BAMBUSACÉ, ÉE adj. (ban-bu-za-sé —
rad. bambou). Bot. Qui ressemble au bambou.
Il On dit aussi Bambuzb.
— s. f. pi. Tribu formée par le professeur
Nées d'Esenbeck dans la famille des grami-
nées, et qui comprend les genres arundinacea,
streptogina , chusquea , mcrostacltyt, nastns ,
bambusa, beœsha, streptocheta.
BAMBUSELLE s. f. (ban-bu-zè-Ie — dim.
de bambou.) Bot. Genre de graminées, syn.
de punie.
BAMFYLDE (François), théologien anglais
non conformiste, mort vers 1684. Il a écrit
plusieurs ouvrages en faveur de l'observation
du sabbat, ainsi qu'un assez grand nombre
d'opuscules sur divers sujets de controverse
et de théologie.
1ÎAMIAN, ville ruinée de l'Afghanistan, à
408 kil. N.-O. de Caboul ; on remarque sur-
tout dans cette ville, appelée jadis la Tlièbes
de l'Orient, ses 12,000 maisons creusées dans
le roc , ses deux statues colossales placées
dans des niches et taillées également dans le
roc, et dont la plus grande a 10 mètres de hau-
teur. Ruinée en 123i, par Gengis-Khan, elle
lut reconstruite, puis abandonnée par ses ha-
bitants.
BAM1E s. m. (ba-mî). Bot. Genre de mal-
vacées, plus connu sous le nom de ketmie. il
On dit aussi bamieh.
BAMLITE s. f. (ba-mli-te — de Bamla, pe-
tit village de Norvège). Miner. Silicate d'a-
lumine anhydre.
— Encycl. La bamlite constitue une variété
bacillaire de la sillimanite. Elle a été décou-
verte par Erdmann. Sa dureté est égale à
ii celle du quartz ; elle est infusible au cha-
lumeau et inattaquable parles acides.. Sa den-
sité est égale à 3,2.
BAMM, place forte, la plus importante du
royaume de Perse, prov. et a 50 kil. N.-O. de
Kerman. — Belles fontaines et jardins magni-
liques; vaste bazar.
BAMMACAIU (Nicolas) , physicien napoli-
tain du xvmc siècle, connu par les ouvrages
suivants : Epislola exhibens tentamen de aère ,
sive de natura mundi corporel (Naples, 1747) ;
Tentamen de vi electrica ejusque phenomenis,
in quo aeris corporibus universis œquilibrium
proponitur (1748). Ce dernier écrit l'engagea
dans une controverse scientifique avec l'abbé
Nollet.
BAMNO, V. Bhamno.
BAMOTH, vallée de Palestine , dans la con-
trée occupée d'abord par les Moabites ; elle
fut traversée par les Israélites avant qu'ils
eussent à combattre les Chananéens.
BAMOTH-BAAL, ville de Palestine, dans la
tribu de Ruben, au delà du Jourdain.
BAMPTON, ville d'Angleterre, comté de
Devon, 35 kil. N. d'Exeter, non loin de l'Exe ;
2,000 hab.; jadis ville importante.
BAMPTON-IN-THE-BUSII, ville d'Angle-
terre, comté et à 15 kil. O. d'Oxford, dans
une plaine, près de la rivière Isis ; 2,515 h«b. ;
fabrique de gante et commerce important
de cuirs.
BAN s. m. (ban — -bannir, banal et ban
dérivent tous trois d'une racine .commune
appartenant aux langues germaniques et
ayant le sens primitif de proclamation, man-
dement, publication, significations à l'aide
desquelles on peut se rendre exactement
compte de la valeur précise des termes ac-
tuels. La forme germanique la plus ancienne
est bann, édit, proclamation; vient ensuite
l'allemand bann, même sens; l'anglo-saxon,
bannan, proclamer ; l'anglais, ban, annonce ;
le danois, bande, condamnation, anathemati-
sation ; le suédois bannor et banna, même sens;
le hollandais, ban. censure, excommunication,
etc. Quelques auteurs rattachent à cette ra-
cine le mot bandit, parce que, dans l'origine,
les bandits étaient des exilés mis hors la loi,
on anglais, outlaw. Dans cette hypothèse,
bandit serait ou composé de ban et de dit
(dire), ou altéré dans la prononciation pour
banni. D'autres philologues préfèrent cher-
cher dans bandit un dérivé du mot bande. On
doit encore rattacher à cette racine les mots
forban, celui qui a été forbanni ; banlieue,
étendue de la juridiction d'un seigneur au
delà de son château ; abandon, donner à ban,
etc.). Féod. Proclamation, notification, pu-
blication officielle et plus ou moins solennelle :
Avant le combat, la justice faisait publier trois
bans. (Montesq.) |] Volonté du seigneur ex-
primée par cette ■ notification : L'aumônier
BAN
d'un roi de France prit possession de la patrie
| d'Annibal, en ces mots : * Je vous dis le ban
! de N.-S.-J.-C. et de Louis, roi de France,
j son sergent. » (Châteaub.) Il Corvée à bras
I que le corvéable devait chaque semaine à
! son sejgneur, du métier qu'il savait faire,
i il Convocation des vassaux directs du roi,
j pour une expédition militaire.- On apubliè un
. ban de guerre, il Corps de la noblesse ainsi
convoquée :
Jamais il ne, levait de ban
Que pour tirer quatre fois l'an
Au blanc. Bérànger.
j — Paranal. Annonce publique par laquelle
les citoyens sont, autorisés à faire certaine
récolte : Ban de vendange, de moisson, de
, fauchaison, de fenaison. Il Roulement de tam-
j bour qui précède une annonce, une procla-
mation.
i — Avertissement donné au prône pour an-
i noncer un projet de mariage, et inviter les
j fidèles à faire connaître les empêchements
qui pourraient s'opposer àcette union : Ban
de mariage. Dispense de bans. La publication
de trois bans a été prescrite par le concile de
Trente, mais on se dispense de deux en payant
un droit à l'évêque. La publication ds& bans
suit les fiançailles. (Châteaub.). Si elle s'ap-
pelait ainsi, pesie ! quel effet cela produirait
dans une pubtication de bans! (Al. Dumas). Il
Annonce faite do la même façon, et dans le
même but, de la prochaine admission d'un ec-
clésiastique à quelqu'un des ordres sacrés.
— Sentence de bannissement hors du ter-
ritoire : Le ban qui l'a mis hors de son pays
semble l'avoir mis ho?s du monde. (Châteaub.).
— Amende : Encourir un ban. Etre con-
damné au ban. Le comte et les envoyés du roi
pouvaient faire payer aux vassaux le ban,
c'est-à-dire une amende. (Montesq.).
— Circonscription territoriale , ressort
d'une autorité : Le ban synodal. Toute l'éten-
due du ban de ce seigneur. Ce bourg est en
dehors de votre dan.
— Ban et arrière-ban, Appel fait, en cas
do guerre, à la totalité des vassaux, y com-
pris ceux qui, ne relevant pas directement
de la couronne, n'étaient convoqués que pour
des raisons exceptionnelles ; vassaux ainsi
convoqués : Convoquer le ban et Barrière-
ban. Le ban et f arrière-ban est un mande-
ment à tous gentilshommes et autres tenant
fief et arrière- fief, de venir à la ^guerre pour
le service du prince. (Trév.) Jean était d la
tète de la grande cohue féodale du ban et de
V arriere-ban, qui faisait bien cinquante mille
hommes. (Michelet). il Se dit aujourd'hui des
deux catégories d'hommes capables de porter
les armes, et susceptibles d'être appelés au
service militaire dans les moments de péril
pour la patrie, les uns en service ordinaire,
les autres dans des cas exceptionnels, il Dans
le langage commun, Convoquer le ban et l'ar-
rière-ban, Faire appel à toutes ses ressources ;
mander toutes les personnes que l'on peut
convoquer : Pour vous payer, j'ai convoqué
i.e ban et l'ariîière-ban de mes débiteurs.
Pour donner de l'éclat au mariage de sa fille,
il A CONVOQUÉ LE BAN ET /'aRRIEHE-BAN de SâS
connaissances. Il Ban sacré ou d'exemption,
Territoire, circonscription à laquelle s'éten-
daient les immunités d'un monastère ou
d'une église, il Ban épiscopal, Amende impo-
sée, condamnation portée parunévêque; ex-
communication. Il Bdn synodal, Juridiction
temporelle d'un synode, il Bans généraux, Pro-
clamation de police applicable à toutes les
saisons de l'année H Petit ban, Amende impo-
sée par les statuts municipaux, n Ban du roi,
Ordre de , garder le silence, signifié par les
juges avant le combat judiciaire, u Ban du
très-fonds, Dans la coutume de Metz, Arrêt
qui, après trois publications, assignait au
créancier d'une rente la possession de l'hé-
ritage assuré et non relevé, tt Ban de ven-
dange , Annonce faite par l'autorité munici-
pale de l'ouverture des vendanges, n Ban de
mars, Annonce municipale qui se faisait au
printemps, pour assigner aux habitants les
corvées a faire, et fixer les amendes à encourir
pour dommages portés à la propriété d'autrui.
Il Ban d'août, Proclamation municipale rela-
tive aux moissons. Il Ban de surveillance, Etat
d'un individu placé sous la surveillance de
la haute police de l'Etat, il Ban à vin ou Ban-
vin, Proclamation municipale qui fixait le
jour où il était permis aux particuliers de
vendre leur vin. u Four, moulin, pressoir d ban,
Four, moulin, pressoir où les habitants
étaient tenus de cuire leur pain, do moudre
leur' grain, de fouler leur vendange. On dit
plus souvent : Four banal, moulin banal,
pressoir banal, n Corner un ban , battre
un ban , Faire une proclamation à son de
trompe, de tambour. Il Donner à ban, Aban-
donner, laisser à la discrétion du public, i:
Procéder à ban, Poursuivre en instance cri-
minelle par cri public, il Garder son ban ,
proprement Rester dans le lieu de son exil,
et, en général, exécuter fidèlement ce qu'on a
été condamné à faire. Signifie, dans le lan-
gage commun, Accomplir des obligations pé-
nibles que l'on a contractées : Serais-je encore
assez malheureux pour vous avoir à mes trousses?
est-ce que je m'ai pas gardé mon ban ? (Le
Sage.) Il Rompre son ban, proprement Sortir
du lieu assigné comme exil, et, en général,
Violer les prescriptions d'une condamnation
juridique, et, dans le langage commun, Se
soustraire à quelque obligation pénible : Je
BAN
viens de rompre mon ban pour quelques mi-
nutes. (Al. Dumas). Il Bupture de ban, Action
de rompre son ban; état juridique de celui
qui l'a rompu : Etre saisi pour rupture de
ban. Etre en rupture de ban. Il Mettre au ban,
Mettre hors la loi. Se disait surtout dans l'em-
pire d'Allemagne : Mettre une ville au ban de
l'Empire. Luther était caché par crainte de
Charles V, qui l'avait mis au ban de l'Empire.
(Boss.) L'Empereur le mit au ban de l Jim-
pire ; il n'en fit que rire. (V. Hugo.) Il Dans le
langage commun, Rendre suspect, mettre en
dehors de : mettre au ban de l'Europe, de la
société des honnêtes gens. Le 27 novembre pa-
rait le décret de Berlin sur le système conti-
nental, décret gigantesque qui met l'Angle-
terre au ban du monde. (Châteaub.) Vous
m'avez jeté vous-même du coté du peuple à
deux reprises, d'abord en refusant mon al-
liance, puis en me mettant au ban de votre
société. (Balz.) 'Le bandit est un être riche-
ment organisé, que ses concitoyens ont mis au
ban de leur société, ou qui s'y est mis lui-même.
(Toussenel.)
— Homonyme. Banc.
— Encycl. Féod. Le San était la convoca-
tion de tous ceux qui possédaient des fiefs
relevant immédiatement du roi, pour qu'ils
prissent les armes à l'effet de le servir. L'ar-
riêre-ban était la convocation de ceux qui
possédaient des arrière-fiefs. L'établissement
du ban doit son origine à la constitution des fiefs,
qui tous devaient le service militaire au roi, pro-
portionnellement à leur valeur et à leur impor-
tance. Ceux qui étaient possédés par les ecclé-
siastiques n'en étaient pas exempts. xVdhéinar
de Monteil, évêque du Puy, commandait un
corps' d'année à la seconde croisade. Cepen-
dant, un capitulaire de C'harJemagiie défendait
aux ecclésiastiques d'aller à la guerre; mais
cette loi n'était pas exécutée, et, jusqu'à Phi-
lippe-Auguste, les abbés continuèrent à ser-
vir. Les ordonnances des rois, ses succes-
seurs , affranchirent absolument tous les
ecclésiastiques du ban et de l'arrière- ban.
Philippe-Auguste ayant organisé un corps de
troupes réglées, continuellement entretenues
pour la défense de l'Etat, la convocation du
ban et de l'arrière-ban n'eut plus lieu que
dans les circonstances tout à fait exception-
nelles. Le dernier ban général fut levé à
l'occasion de la guerre de 1688. Comme il n'y
avait, dans les premiers siècles de la féoda-
lité, que des nobles qui pussent posséder des
fiefs, la convocation du ban et de l'arriére-
ban ne s'adressait alors qu'à la noblesse ;
lorsque les roturiers furent admis à posséder,
ils y furent compris. Ceux qui ne pouvaient
pas marcher payaient la taxe. Il n'y avait
d'exemptés, au ban et à ï 'arrière-ban, que les
ecclésiastiques, les conseillers, notaires et
feudataires de la cour, et les prévôts. Par
arrêt du conseil d'Etat du 12 septembre 1674,
les bourgeois de Paris furent confirmés dans
l'exemption du ban et de Y arrière-ban, qui leur
avait été accordée précédemment, et ce, en
quelque endroit du royaume que fussent situés
leurs fiefs. Les puînés étaient obligés de con-
tribuer aux frais de Y arrière-ban, à propor-
tion de ce qu'ils tenaient.
— Ban de mariage. Cette publication ne
doit pas être confondue avec la formalité ana-
logue qui doit précéder le mariage civil. Le
ban de mariage a lieu dans les deux paroisses
sur le territoire desquelles est situé le domi-
cile de chacun des futurs conjoints. "Voici
quelle en est la forme ordinaire : le curé ou
desservant proclame en chaire, à la messe pa-
roissiale, qu'il y a promesse de mariage entre
deux personnes. Cette publication est répétée
trois dimanches de suite; cependant, on peut
obtenir la dispense d'un ban, ou même de deux
bans, moyennant une certaine somme. La pu-
blication des bans est une des obligations ex-
presses qu'en matière de mariage, le concile
de Trente impose à l'Eglise; mais la loi civile
ne contient à cet égard aucune disposition.
— Ban de vendange. Avant 1789, le ban de
vendange, comme celui de fauchaison et de
moisson, était un droit seigneurial. A ce titre,
il a été aboli par la loi du 28 septembre 1791,
qui a donné à chaque propriétaire le droit de
faire ses récoltes au moment qui lui convien-
drait, pourvu qu'il ne causât pas de dommage
à ses voisins. Cependant, ajoute cette même
loi, dans les pays où le ban de vendange est
en usage, il pourra être fait à Cet égard, cha-
que année, un règlement par le conseil géné-
ral dé la commune; mais seulement pour les
vignes non closes. Cette disposition légale a
sa sanction dans l'article 475 du Code pénal.
Seulement, les maires ayant hérité des attri-
butions qui appartenaient autrefois au conseil
général de la commune, c'est à eux qu'est dé-
volu le droit de. faire cette publication. Voici
quelle en est la forme ordinaire : les maires,
après avoir convoqué les principaux propriétai-
res ou vignerons et pris leur avis, publient,
par voie d'affiches et à son de caisse, l'arrêté
qui fixe le jour de l'ouverture des vendanges.
A partir de ce jour, et tant que les vendanges
ne sont pas terminées, elles ont lieu depuis le
soleil levé jusqu'au soleil couché. Nul ne peut
vendanger à d'autres heures. Dans les com-
munes où les vignobles sont considérables, les
maires les divisent par quartiers et fixent pour
chacun d'eux un jour d'ouverture.. Autrefois,
le ban de vendange avait pour but principal
la perception de la dîme et des droits seigneu-
riaux; aujourd'hui, ce n'est plus qu'une me-
sure de police, ayant pour but de prévenir les
BAN
143
I dégâts et vols qui pourraient être commis
' dans les vignes non closes dont les proprié-
; taires sont absents.
j Nous empruntons à un excellent travail de
j M. Guérin les détails suivants sur le ban de
j vendange : « Selon le président Bouhier, le
ban de vendange s'introduisit pour plusieurs
bonnes raisons (nous soulignons le mot pour
montrer combien nous le trouvons bon ) :
1° afin que personne ne vendangeât avant
que la maturité du raisin eût été bien recon-
nue ; 20 alin que les forains en fussent avertis
et pussent se préparer ; 3° afin que les ven-
dangeurs travaillassent ensemble et tout de
suite en un môme canton, sans quoi ils cau-
seraient du dommage a ceux qui ne vendan-
geraient plus; 4° pour la commodité des déci-
mateurs. A ces raisons données par le savant
commentateur, M. Lavalle en ajoute une autre,
qui nous semble l'emporter sur toutes les pré-
cédentes, à savoir le privilège du seigneur
de précéder d'un jour les vendanges de ses
vassaux, afin d'avoir les vendangeurs à meil-
leur compte.
» En Bourgogne, notamment, ce ban était
d'une extrême importance. Les ducs, les sei-
gneurs, ayant la haute justice, l'inscrivaient
parmi les plus précieux des droits seigneu-
riaux, dont la longue énumération figure en
tète des terriers ou des dénombrements de
leurs domaines. Quand le duc Hugues III in-
stitua la commune de Bizon, vers la fin du
xne siècle, l'abandon qu'il fit aux habitants de
tous ses droits de justice entraîna naturelle-
ment celui du ban de vendange. Mention ex-
presse en fut faite dans la charte. Son fils,
Eudes III, qui érigea la commune de Beaune
en 1503, se borna, dans le principe, à lui céder
la connaissance de l'infraction du ban.
' Au jour fixé, les maires et les échevins
se rendaient de grand matin à l'église Saint-
Etienne, et, a l'issue de la messe, le trompette
de la ville proclamait le ban des vendanges.
Cette coutume fut suivie jusqu'à la Révolu-
tion. Les mêmes pratiques s'observaient à
Dijon, mais avec tout le cérémonial dont les
magistrats aimaient à entourer les actes de la
justice municipale. Chaque année, le lu août,
jour de la Saint-Laurent, au matin, le vicomte
mayeur se rendait en grand appareil à l'église
Saint-Philibert, Après la messe, il prenait
place sous le portail et recevait le serment do
ceux que les jurés-vignerons, ou les seigneurs
ayant cette faculté , lui présentaient pour
exercer les fonctions de viguiers. Ceux-ci
percevaient, au xv« siècle, un denier pour
chaque ouvrée confiée à leur garde.
» Aux approches de la vendange, la mairie
envoyait secrètement ces mêmes jurés con-
stater la maturité du raisin, et, sur leur rap-
port, fixait le ban des vendanges. Ce ban n'ou-
vrait jamais le dimanche, non plus qu'un autre
jour férié. A cet égard, quelque impérieuses
• que fussent les circonstances, la loi religieuse
ne fléchit jamais. Lors de la proclamation du
ban, qui était présidée partout par le maire,
ce magistrat recevait des viguiers unpain, du
vin, une frottée d'ail et du sel, et il faisait
distribuer à l'assistance une immense tarte,
aux acclamations de la foule.
• Mais de ce que la proclamation était faite,
il ne s'ensuivait pas que tout propriétaire eût
le droit de vendanger, même en se confor-
mant au ban . Longtemps une dernière for-
malité fut indispensable. A l'aube de chacun
des jours fixés pour la récolte, le vicomte
mayeur, entouré de ses sergents portant des
torches, se rendait sur la place où étaient
rassemblés les vendangeurs et les charretiers.
Là, il procédait à V abandonnement du ban,
c'est-à-dire que le trompette de la ville, après
avoir sonné trois fois, criait le point du terri-
toire qui devait être vendangé le jour même ;
après quoi, chacun arrêtait les travailleurs et
partait avec eux.
» Chaque arrêté de ban était invariablement
suivi d'une ordoïinance de police, souvent ho-
mologuée par le parlement. Ainsi, par exem-
ple, celui qui vendangeait en dehors du 6a»
risquait une forte amende, l'emprisonnement
de son closier, l'expulsion des vendangeurs et
quelquefois la confiscation de la récolte. Il en
était de même de celui qui louait ses vendan-
geurs avant l'abandonneraentdu ban. Les tra-
vailleurs qui se rendaient coupables du même
délit , ceux qui étaient nantis de plus d'un
couteau étaient emprisonnés et perdaient
leurs journées. Une punition plus grave était
infligée à ceux qui voulaient dépasser le tarif
arrêté à l'avance par les magistrats (ce qui
prouve que l'esprit de coalition remonte au
moins au temps des moissonneurs de Booz).
La vente du raisin en détail demeurait inter-
dite, ainsi que le grappillage, avant l'expi-
ration des quinze jours qui suivaient la ven-
dange. »
Chaque année, à l'époque de la vendange,
surtout dans les pays vignobles, l'esprit anti-
administratif et antiautoritaire qui, en ce siè-
cle d'examen, a pénétré jusque dans nos cam-
pagnes, critique fort l'obligation du ban de
vendange; il ne veut y voir qu'un reste de
féodalité et de moyen âge. Le paysan, dit-il,
doit être maître de sa vigne et couper son
raisin quand cela lui plaît, en verjus, pour
l'envoyer à Paris aux amateurs de cerneaux,
ou dans un état très-avancé, pour en fabri-
quer du Johannisberg. Il se soucie peu de la
protection administrative, et prétend être dans
sa vigne comme le charbonnier dans sa loge :
Mon raisin est à. moi
Tout aussi bien, morbleu ! que la Prusse est au roi;
144
BAN
BAN
DAN
BAN
Contentons- nous d'ajouter que, jusqu'ici, ces
réclamations n'ont eu aucun effet, et qu'au-
jourd'hui encore, dans plusieurs cantons de
la basse Bourgogne, le tambour de ville an-
nonce bruyamment l'ouverture du ban de ven-
dange.
ban s. m. (ban — du hong. isban). Chef
d'un banat : liagolzi épousa Hélène, fille de
Pierre, roi ou ban de Croatie. (St-Sirn.)
BAN s. m. Comm. Mousseline des Indes,
fine et unie.
BAN (confins militaires du), en allemand
Banal-militar-granze, district des Etats au-
trichiens, dans la Croatie militaire, divisé en
deux régiments : le premier a pour chef-lieu
Glina, et le deuxième, Petrinia; 120,000 hab.
BAN DE LA BOCHE, vallée des Vosges, sur
les confins de ta Lorraine et de l'Alsace, a
30 kil. S.-O. de Strasbourg; ancienne princi-
pauté féodale, réunie à la France par le traité
de Westphalie (1848), mais restée presque
étrangère à la civilisation jusqu'à l'époque où
Oberlin tira les habitants de cet état presque
sauvage, à la fin du siècle dernier.
BAN AGE s. m. (ba-na-je — rad. ban). Féoû.
Droit de ban. Syn, de banalité.
BANAGHER, ville d'Irlande, comté de Lon-
donderry, 110 kil. S.-O. de Dublin, sur le
Shannon ; 2,615 hab. — Station militaire ; pont
de dix-neuf arches, défendu par des redoutes.
BANAÏA, un des lieutenants et des conseil-
lers de David, se rendit célèbre par plusieurs
traits de courage. Ainsi il tua, dans un com-
bat singulier, deux des plus vaillants guer-
riers moabites, et assomma un jour un lion
tombé dans une citerne. Il fut un de ceux que
David chargea de mettre Salomo.n en pos-
session du royaume d'Israël , et il reçut de ce
même Salomon l'ordre de tuer Joab.
BANAL, ALE, pi. AUX adj. (ba-nal, a-le —
rad. ban). Food. Se disait des choses assujet-
ties à une redevance au seigneur, pour l'u-
sage public et obligatoire qu'on en faisait :
Pressoir, four banal. Moulins banaux. Y a-t-il
encore quelque part un four ou moulin banal
à supprimer? (Thiers.)
Je poursuis un procès qu'on m'a sottement fait
Pour certain four banal, sis en mon terrhoire.
REONABD.
— Taureau banal, Taureau auquel les habi-
tants d'une seigneurie étaient obligés d'ame-
ner leurs vaches pour les faire couvrir, h
Four banal, Aujourd'hui, grand four établi
par un particulier, et où tous les habitants
du pays peuvent aller cuire leur pain moyen-
nant une faible rétribution.
— Fig. Qui est au service do tout le monde,
qui se prodigue à tous indistinctement :
Un témoin banal. Un ami banal. Un galant
banal. Un cœur banal. Des protestations ba-
nales.
Un louangeur banal
Déplaît en cherchant à. nous plaire.
Deluxe.
Si j'évoque jamais du fond de son journal
Des sophistes du temps l'adulateur banal...
Gilbert.
Il Qui s'adresse, qui appartient à tout le
monde; commun, vulgaire et plat: Civilité
banale. Consolations banales. Idées banales.
Je ne connais rien de plus banal et de plus sot
que celte phrase stéréotypée : II n'a fait que
son devoir. (***) On épuisa les sujets banaux
de conversation. (Brill.-Sav.) Nous avons tous
à la bouche cette phrase banale : Il y a bien
loin d'aujourd'hui à telle époque. (Chatcaub.)
Cette observation fait justice des accusations
banales et folles des écrivains de la réfor-
mation. (Balz.) Les bonnes idées ne devien-
nent banales que fort lentement, et les idées
fausses ne le deviennent jamais. (St-Marc Gir.)
Chose assez banale qu'une causerie d'amou-
reux. (V. Hugo.) Le langage humain n'exprime
de l'âme que la partie la plus banale et la plus
superficielle. (E. de Montaigut.)
J'aime ! et ce mot banal ne rend plus mes pensées,
Car je m'en suis servi pour mes amours passées,
E. AUOlEil.
Les marquis avinés, se croisant dans la fange,
S'accostaient d'une injure ou d'un refrain banal.
A. de Musset.
J'ai vu parfois, au fond d'un théâtre banal,
Qu'enitaimiiait l'orchestre sonore,
Une fée allumer dans un ciel infernal
Une miraculeuse aurore.
Baudelaire.
— Substantiv. Caractère de ce qui est ba-
nal, banalité : Loin d'exclure le vrai, le banal
semble le supposer. (**')
— Antonymes. Original, rare, recherché',
remarquable.
BANAUJUFAR, ville d'Espagne, dans l'île
de Majorque, à. 18 kil. N.-O. de Palma;
5,000 h. Culture de lin, carrières de marbre.
banalement adv. (ba-na-le-man — rad.
banal). D'une façon banale : Parler banale-
ment. Croyez-vous que le vrai savant s'adresse
banalement à l'individu même ? non pas.
(Alex. Dum.)
BANALISER v. a. ou tr. ( ba-na-li-zé —
rad. banal). Néol. Rendre banal, vulgaire:
Notre mode de publication tend tellement à
banaliser la littérature, que l'imprévu a plus
de chances que jamais d'exercer un puissant
attrait. (Journ.)
banalité s. f. (ba-na-li-té — rad. banal).
Féod. Servitude consistant dans l'usage obli-
gatoire et public d'un objet appartenant au
seigneur: La banalité d'un four. La violence
des seigneurs et la pauvreté des .peuples ont
apparemment été la première origine de la ba-
nalité. (Trév.)
— Fig. Caractère de ce qui est banal, vul-
jraire, commun : La banalité de son cœur,
l'impudeur de sa poignée de main, l'ont rendu
inviolable comme un roi constitutionnel. (Balz.)
Il Ce qui est banal en général : La banalité
régnera un jour sur l'incommensurable ennui.
(Feydeau.) La trop grande confiance diminue
le respect ; la banalité nous vaut le mépris.
(Ba!z.) Il Chose ou parole banale : Dire des
banalités. J'apprendrai aussi couramment
qu'un autre le peu de grec, de latin et de chif-
fres dont se compose cette banalité lettrée
qu'on appelle éducation. ( Lamart. ) Finis-
sons-cn avec les banalités que les siècles ont
usées. (E. de Gir.) Quand Philippe de Cham-
paigne eût été plus jaune et cent fois plus hardi,
il n'aurait pu réformer les banalités acadé-
miques, ni faire dominer les idées de simpli-
cité. (Vitet.)
— Encycl. Comme conséquence et garantie
nécessaire du droit féodal de banalité, défense
était faite d'établir, dans le pays soumis à une
banalité, une usine pouvant faire concurrence
à l'exploitation privilégiée. L'Assemblée con-
stituante et la Convention abolirent les bana-
lités ? moins celles gui étaient -librement
établies entre un simple, particulier non
seigneur et une communauté d'habitants.
L'existence de ces banalités conventionnelles
a été confirmée par un grand nombre d'arrêts
de la cour suprême. Aujourd'hui, il est inter-
dit aux communes d'établir des banalités nou-
velles, ou de convertir en banalités conven-
tionnelles celles qui ont été supprimées comme
féodales. Dans les transactions h. intervenir
pour le rachat des banalités, les maires ont
seuls qualité pour agir au nom des communes
intéressées à l'abolition de ces servitudes.
banane s. f. (ba-na-ne). Bot. Fruit du
bananier : Humboldt a remarqué que, partout
où la banane croissait en Amérique, l intelli-
gence de la race montait dans la même pro-
portion. (E. Polletan.) A Caycnne, on regarde
le vin de banane comme salutaire et néces-
saire pour les nègres. (Tessier.)
— Adjectiv. Figue banane, Variété de ba-
nane plus recherchée que la banane com-
mune : Les figues bananes Sont servies sur la
table des colons, tandis que la banane ordi-
naire est la nourriture des nègres. (Boismont.)
— Encycl. V. Bananier.
BANANERIE s. f. (ba-na-ne-rî — rad. ba-
nane). Agric. Plantation de bananiers : Indé-
pendamment de cette cotonnerie, l'habitation
de la Rose possédait une bananerie superbe.
(Rog. de Beauv.) Les bananeries sont établies
de préférence dans les vallées et sur les bords
des cours d'eau. (Boitard.) Fn plantant des
rejets à des époques différentes, on a des ba-
nanes toute l'année, et, une fois que ta bana-
nerie est établie , elle se renouvelle d'elle-
même. (Tessier.)
BANANIER s. m. (ba-na-nié — rad. ba-
nane). Bot. Genre do plantes monocotylé-
dones,type de la famille des musacées ou des
bananiers : Le bananier seul donne à l'homme
de quoi le nourrir, te loger, le meubler, l'ha-
biller et l'ensevelir. (B. de St-P.) Les feuilles
du bananier forment, par leurs courbures, un
berceau charmant, impénétrable au soleil et à i
la pluie. (B. de St-P.) Les fruits du bananier !
sont groupés comme les doigts d'une main. \
(B. de St-P.) Le nègre se rappelle toujours sa
case, sa zagaie, son bananier. (Chateaub.)
Si l'humble bananier accueillit ta venue,
Si jamais tu m'aimas, oh! ne me quitte point!
V. Huao.
— Encycl. Le genre bananier se distingue
par les caractères suivants : régime enveloppé
clans une spathe avant la floraison; périanthe
irrégulier, coloré, à six divisions; étamines au
nombre 4e six, dont une avorte presque tou-
jours, insérées au sommet de l'ovaire ; anthères
surmontées quelquefois d'un appendice coloré
membraneux; ovaire infère, très-grand, tri-
loculaire ; style simple terminé par un stigmate
concave ou a trois lobes ; fruit capsulaire ou
bacciforme. <
A ne considérer que leur port ou leurs dimen-
sions, on prendrait volontiers les bananiers
pour des arbres. En réalité, ce sont de grandes
plantes herbacées, vivaces, dont la tige est
recouverte, ou même uniquement constituée
par les gaines des feuilles, qui sont très-
longues, partent de la base et s emboîtent les
unes dans les autres. Ces feuilles elles-mêmes
atteignent souvent une longueur de 2 mètres
sur 0 m. 50 c. de largeur; elles sont ovales
et traversées dans toute leur longueur par une
grosse côte ou nervure médiane, du laquelle
partent un très-grand nombre de nervures
transversales très-fines et parallèles entre
elles ; dans leur premier âge, ces feuilles sont
roulées en cornet; plus tard, les vents les dé-
chirent profondément en longues lanières. Les
fleurs sont grandes, situées a Faisselle de larges
spathes ou bractées colorées, et disposées en
un long spadice penché. Les fruits sont charnus,
savoureux et réunis en une longue grappe
pendante qui porte le nom de régime. Les ba-
naniers habitent les régions tropicales des
deux continents, où ils croissent surtout dans
les localités abritées, fraîches, humides et om-
bragées. Ils paraissent originaires de l'Asie
méridionale, d'où ils ont passé en Afrique et
en Amérique. On peut les cultiver en plein air
dans le midi de l'Europe, mais dans le centre
et le nord il faut les tenir constamment on
serre chaude. — Dampier et Bernardin de Saint-
Pierre ont appelé le bananier le roi des végé-
taux; peu de plantes, en effet, l'égalent pour
la majesté et l'élégance du port, l'ampleur et
la beauté du feuillage, la richesse de la florai-
son, les qualités du fruit, ou les nombreux
usages de Ses diverses parties. On le multiplie
ordinairement par ses rejetons; et, comme
chaque pied ne fructifie qu'une fois, on a soin
d'échelonner lus plantations de manière. à
avoir du fruit toute l'année.
On compte un assez grand nombre d'espèces
de bananiers ; les plus importantes sont : le ba-
nanier du paradis et le bananier des sages. Le
bananier du paradis ou figuier d'Adam (musa
paradisiaca), est originaire des Indes. Sa hau-
teur varie de trois à six mètres, sa tige est
couronnée par une touffe de huit à douze
feuilles divergentes, au centre desquelles naît
la hampe destinée a porter le régime. Les
fleurs de l'extrémité du régime sont stériles,
celles de la base se changent en fruits longs
de o m. 16 à o m. 25. Cas fruits, appelés ba-
nanes, sont quelquefois au nombre de plus de
cent sur le même régime. Ils doivent être
cueillis avant leur parfaite maturité, c'est-à-
dire, quand leur couleur, verte a l'origine, com-'
menée à prendre une teinte jaunâtre. Sous une
peau un peu rude, ils renferment une chair
molle d'une saveur douce et agréable. On les
mange rarement crus. Communément, on les
fait cuire dans l'eau, avec de la viande salée,
au four ou sous la cendre. Quelquefois on les
pèle et on les coupe en longues tranches qu'on
fait frire comme des beignets. Ainsi préparées,
les bananes sonttrès-suorées, nourrissantes et
d'une facile digestion.
Le bananier des sages (musa sapienlium) s'é-
lève un peu moins que le précédent; sa tige
est maculée de pourpre foncé; ses fleurs sté-
riles tombent après la floraison. Ses fruits,
longs seulement de 0 m. 8 à 0 m. 12, portent
le nom de figues bananes. Ils se mangent crus
ou rôtis sur le gril, sans aucun assaisonnement.
Leur chair est molle, délicate, fraîche, onc-
tueuse et sucrée ; elle est presque entièrement
dépourvue de fibres et de pépins ; sa consis-
tance est celle du beurre frais en hiver, sa
saveur est un mélange de celles de la pomme
reinette et de la poire de bon-chrétien. Cette
espèce de bananier, dont Pline nous a laissé la
description, était déjà cultivée dans l'Inde du
temps d'Alexandre. Ses fruits servaient a la
nourriture des prêtres etdes philosophes, d'où
lui est venu son nom de bananier des sages.
La nature ne renferme peut-être aucun vé-
gétal aussi utile que le bananier. Les Indiens
se servent de ses feuilles pour écrire. On les
emploie à nourrir les animaux, à couvrir les
cases. On en extrait, ainsi que de la tige, des
fibres textiles avec lesquelles on fabrique des
étoffes et du papier. Le bananier textile (musa
textilis), appelé aussi bananier d'Amboine ou.
abaca, est surtout employé à. cet usage. La sève
du bananier est employée en médecine comme
astringente ; ses fruits forment la base de l'ali-
mentation du peuple, et on les sert aussi sur
les tables des derviches. Coupés par tranches
et séchés au soleil, ou convertis en farine, ils
se conservent pendant longtemps et servent
à peu près aux mêmes usages que le manioc.
Cuits au four dans leur peau, puis pelés et
bouillis dans l'eau, ils servent à faire une ti-
sane très-usitée dans les toux tenaces et dans
les inflammations du poumon. On en tire aussi
une boisson alcoolique appelée vin de banane.
En un mot, le bananier peut remplacer, à lui
seul, le blé, la pomme de terre, la betterave,
le chanvre, le lin; ajoutez que sa culture est
. des plus faciles et en même temps très-pro-
ductive. Un hectare de terre planté de bana-
niers donne I84,300kilogr.de substances ali-
mentaires. Ce produit esta celui d'un hectare
de froment comme 133 : 1, et à celui d'un hec-
tare de pommes de terre comme 43 : 1. Intro-
duit de bonne heure en Amérique, il y a donné
lieu à ce proverbe consolant pour l'humanité :
Personne ne meurt de faim en Amérique. Pour-
rions-nous en dire autant dans notre Europe
civilisée?
Tant de services rendus par une seule plante
nous expliquent la vénération dont le bananier
a de tout temps été l'objet. Des peuplades en-
tières le regardent encore comme un arbre
divin, et, en Orient, le peuple considère comme
un sacrilège de lui ravir son fruit avant la ma-
turité. L'arbre lui-même, assure-t-on, prend soin
do punir ce crime : il courbe sa tète et frappe
le ravisseur. Les peuples sauvages du nouveau
monde et les Indiens superstitieux n'ont pas été
les premiers à. attribuer au bananier ces proprié-
tés. Parmi les juifs et les chrétiens, quelques
docteurs ont cru voir en lui l'arbre de la science,
dont le fruit servit au serpent tentateur pour sé-
duire notre mère Eve; ses larges feuilles au-
raient ensuite servi a nos premiers parents
pour couvrir leur nudité, d'où le nom de figuier
d'Adam. L'énorme grappe de raisin que Moïse
aurait reçue de la terre promise n'était autre,
d'après plusieurs érudits, qu'un régime de
bananier.
Bannnicr (le), roman par Frédéric Soulié,
Paris (1843). Sous la forme d'un roman, dans
l'analyse duquel nous n'entrerons pas, le Ila-
nanier renferme un plaidoyer en faveur de
l'esclavage. Le héros est un abolitionniste qui
arrive aux colonies, bien décidé U profiter de
l'influence que pourra lui donner sa position
pour travailler à l'affranchissement desnègre».
Mais a peine a-t-il débarqué qu'il voit toutes
ses vues philanthropiques renversées par les
faits dont il est témoin. Ces nègres, qu'il croyait
si malheureux, arrachés violemment a leur
famille et à leur patrie, exposés aux mauvais
traitements de maîtres capricieux et d'agents
.cruels, sont, au contraire, enchantés de leur
sort, et ne redoutent rien tant que de se voir
rendus à la liberté. S'ils se plaignent parfois,
c'est d'être obligés de travailler ; mais en re-
vanche, ils sont bien nourris, bien logés, com-
blés de bienfaits, et se trouvent, sous tous les
rapports, beaucoup plus heureux que des do-
mestiques libres, ou même que les paysans qui
cultivent nos campagnes. Le tableau que l'au-
teur présente de leur condition est si sédui-
sant que c'est à faire regretter, en vérité, do
n'être pas né nègre, pour aller goûter les dou-
ceurs de cette existence privilégiée.
Heureusement, le Bananier n'a pas, quo .
nous sachions, diminué le nombre des aboli-
tionnistes ; car le sophisme et le paradoxe ont
beau revêtir des formes agréables, ils restent
toujours le sophisme et le paradoxe, et ne sau-
raient empêcher que la liberté ne soit toujours
le plus précieux bien de l'homme. Dans cet ou-
vrage, Frédéric Soulié n'a oublié qu'une seulo
chose, la dignité de l'homme, et l'on aurait
pu dire au charmant conteur : ■ Cuisinier,
votre civet est excellent; il n'y manque quo
le lièvre. » Les animaux qu'on élève pour l'en-
grais ont, eux aussi, une étnblc tenue avec le
plus grand soin; on ne les maltraite point par
la raison que cela pourrait les faire maigrir;
on les excède mémo de nourriture : est-ce à
dire que l'homme ait à envier leur sort? Lo
roman est un genre de littérature qui jouit do
grandes immunités; mais d'où qu'il vienne et
quelque artistement qu'il soit écrit, quand il
fait litière dea principes les plus sacrés sur
lesquels s'appuie la société, il n'a pas même
à nos yeux la valeur d'un conte bleu.
BANANISTE s. ni. (ha-na-ni-ste — rad.
banane). Ornith. Espèce de fauvette, appelée
aussi mi fin, qui habite Saint-Domingue et se
nourrit surtout do bananes ; Outre les bana-
nes, le bananiste se nourrit d'oranges, de ci-
tronelles, d'avocats et même de papayes. (BuiT.)
BANANIVORE adj. (ba-na-ni-vo-re — de
banane, et dulat. uoro, je dévore). Zool. Qui
se nourrit de bananes.
BANARE s. f. (ba-na-re). Bot. Gcnro de
plantes de la famille des bixacées, compre-
nant des arbrisseaux, qui croissent dans l'Amé-
rique équatoriale, surtout à la Guyano.
BANASTE s. f. (ba-na-stc — rad. ôunue).
Nom que l'on donne, en Provence, a une
grande corbeille d'osier : Je prenais plaisir à
voir tes Génoises à l'œil noir, à la figure brunie
par le soleil, descendre des balancelles espa-
gnoles, portant sur la tête des B,\Nf,stBSpleines
d'oranges qu'elles allaient déposer sur te quai.
(M. Chaumolin.)
— Chcm. de fer. Panier dont on se, sert pour
le transport dos torrassements sur des chemins
trop inclinés pour les brouettes : La banaste
pèse, chargée, de 12 À15 kilogr. environ, et les
ouvriers la transportent sur leurs épaules. Au
percement de l'isthme de Suez, on s'est servi de
la BANASTE.
BAN ASTER (Gilbert), poète et musicien
anglais du vme siècle. Il était maître de
chant des enfants de la chapelle du roi, et sa
renommée comme musicien était fort grande,
si l'on en juge par la somme alors énorme de
son traitement (40 marcs d'or par an). On a
de lui un long poërae, le Miracle de saint
Thomas, publié en 14C7.
banat ou bannat s. m. (ba-na — rad.
ban). Nom donné autrefois à plusieurs pro-
vinces limitrophes de la Hongrie et de la Tur-
quie, et aujourd'hui encoro a la Croatie : Il
y a loin de là aux pittoresques bandits du banat
et des frontières. (Th. Gautier.) « Dignité de
ban, ou de gouverneur d'un banat.
— Encycl. On appelle ainsi, dans les Etats au-
trichiens, une province frontière administrée
par un ban. Mais ce mot désigne surtout une des
anciennes provinces de Hongrie dont la capi-
tale était Temeswar. Elle répond aux trois
comitats de Ternes, Torontal et Erassowa, et
aux confins militaires du Banat. Il Banat (con-
fins militaires du), province administrative
des Etats autrichiens (Hongiie), ch.-l. Temes-
war, 200,000 hab. slaves, valaques et grecs.
Le Banat militaire" forme 3 régiments : le
régiment allemand du Banat, oh.-l. Panc-
sova-, lo régiment valaque du Banat, ch.-l,
Karansébec, et le régiment illyrien du Banat,
ch.-l. Karlowitz. Le sol de cette province,
située entre le Danube, la Transylvanie, les
rivières de Maros et de Theiss, est fertile;
mais il a beaucoup de montagnes à l'E. et est
occupé dans l'O. par des marais et des landes.
On en tire principalement de l'eau-de-vie
de prunes, du tabac ; élève de bétail, abeilles
et vers à soie ; vins estimés.
BANATTE s. f. (ba-na-te — rad. banne).
Panier dans lequel les bouchers passent le
suif pour l'épurer.
BANAU (Jean-Baptiste), méd^ln français,
était, avantlaRévofution, médecin des Suisses
du comte d'Artois. Il a publié : Observations
sur les différents moyens propres à combattre
les fièvres putrides et malignes (1778-84); Mé-
moire sur les épidémies du Languedoc (1787);
Histoire naturelle de la peau, et de ses rap-
BAN
ports avec la santé et la beauté du corps
(18OB).
BANAUSE s. m. (ba-nô-ze). Hist. anc. Ar-
tisan ou mercenaire,
BANAVA s. m. (ba-na-va). Bot. Syn. de
munchausie.
BANAWILL-WILL S. m. (ba-na-ouil-ouil).
Ornith. Espèce de grive, qui habite la Nou-
velle-Galles du Sud.
BANBURY, ville d'Angleterre, comté et au
N. d'Oxford, à 101 kilom. de Londres, sur les
bords de la Cherwell et du canal d'Oxford à
Birmingham, ch.-l. de district, 7,300 hab.
Brasseries, fromages et gâteaux vantés par
Shakspeare.
BANC s. m. (ban — Le bancus de la basse
latinité nous fournit la transition nécessaire
pour arriver à la racine germanique qui a
donné naissance au mot banc, et dont voici,
quelques exemples. En ancien haut allemand,
banch, banc; allemand et hollandais banck ;
anglo-saxon benc; danois et suédois bœnck;
irlandais beck. De banc est venu banquet,
primitivement l'orgie faite sur les bancs,
après que les tables sont enlevées; on peut
rattacher à la même racine les mots banque et
banqueroute, dont on verra l'étymologie plus
loin. Les langues néo-latines se sont égale-
ment assimilé ces termes germaniques et
leurs dérivés, ainsi que le prouvent les mots
espagnols suivants : banco, bancarrota, ban-
queté, etc., et les mots italiens banca, ban-
carrota, banchetto, etc.). Siège long pour plu-
sieurs personnes : Un banc de bois, de pierre,
de gason, de verdure, banc d'église, banc
d'école. Il n'était pas d'usage, avant la fin du
xvie siècle, de placer, dans les églises, des
chaises ou bancs en menuiserie pour les fidèles.
(Viollet-le-Duc.) Un banc de pierre, qui ser-
vait de montoir, se trouvait près du porche.
(Balz.) En entrant dans ces palais immenses de
Alonte-Cavallo et du Vatican, le voyageur est
étonné de trouver sur te moindre banc de bois
le nom et tes armes du pape gui l'a fait faire.
(H. Beyle.)
Auprès de ma retraite est un banc de rocher,
Où je puis à mon gré m'asseoir et me coucher.
Lamartine.,
.Voilîi le banc rustique où s'asseyait mon père,
■ La salle où résonnait sa voix maie et sévère.
Lamartine.
Il Siège commun réservé à une catégorie de
personnes dans certaines assemblées : Le banc
des ministres au corps législatif. Lj banc des
évoques dans le parlement anglais. Les bancs
de la noblesse, tes bancs du tiers état, dans les
anciennes assemblées françaises.
A peine sur son banc on distinguait le chantre.
BgiLEAU. ;
— Par ext. Ensemble des individus à qui
certains bancs sont assignés, ou qui occupent
certains bancs : Un banc entier protesta. Le
1UNC des avocats s'est récrié. Je vais punir tout
le premier banc. Un boulet emporta tout un
banc de rameurs.
— Cour ou conseil d'un souverain : On ve-
nait d'étrangler à Constanlinople deux vizirs
du banc, n Vieux en co sens, il Banc d'honneur,
Celui qui est réservé aux élèves qui ont ob-
tenu les premières places : Il lui arrivait de
pleurer au miliewde la classe, quand il n'avait
pas, le' samedi, sa place au banc d'honneur.
(A. de Musset.)
— Sur les bancs, sur les bancs de l'école, A
l'école, au collège, aux cours des facultés :
Etre sur les bancs. Se mettre sur les bancs.
Je suis resté quinze ans suit les bancs. Le père
Bourgoing, étant sur les bancs, faisait retentir
toute la Sorbonne du bruit de spn esprit et de
sa science. (Boss.) Depuis deux ans qu'il est
. sur les bancs, il n'y a pas de candidat qui
ait fait plus de bruit que lui dans les disputes
de l'école. (Mol.)
J'ai langui trop longtemps sur les bancs de l'école.
Etienne.
Jamais docteur armé d'un argument frivole
Ne s'enroua chez eux sur les bancs de l'école.
Boileau.
Il Se mettre sur les bancs, monter sur les bancs,
Se préparer à soutenir une thèse, à répondre,
par allusion h l'ancien usage des candidats de
Sorbonne, de monter sur un banc pour prendre
la parole :
Réponds-moi donc-docteur, et mets-toi sur les bancs.
Boileau.
Il devait, au bout de dix ans,
Mettre son Âne sur les bancs.
' La Fontaine.
Le bonnet de docteur couvre mes cheveux blancs,
Et pour argumenter je monte sur les bancs.
C. Dblavigne.
Il Banc d' œuvre ou de l'œuvre, Nom de la çlace
réservée dans les églises, en vertu du décret
du 30 décembre 1809, aux membres des con-
seils de fabrique et aux deux marguilliers
d'honneur choisis parmi les fonctionnaires
publics domiciliés dans la paroisse : Le banc
d'œuvrk est ordinairement placé devant la
chaire; le curé ou desservant y occupe la place
d'honneur quand il vient assister à la prédica-
tion. Le nom de banc d'œuvre est une abré-
viation de banc des maîtres de l'œuvre, déno-
mination donnée originairement en Italie aux
personnes chargées de veiller à la réparation
et à l'entretien des églises, et que nous nom-
mons fabriciens. (Belèze.) Ces espèces de trônes,
semblables aux bancs d'œuvre dan.$ les égli-
ses, sont devenus des objets de curiosité. (Balz.)
il Banc d'église, Siège" réservé à une famille
dans une église.
BAN
— Féod. Bancs d'église, Bancs autrefois ré-
servés à certaines personnes dans les églises .-
La permission d'avoir un banc dans l'église
pouvait jadis être accordée à vie par les habi-
tants d'une seigneurie consultés à cet effet, et
toute contestation qui en résultait appartenait
au juge royal, à l'exclusion du juge d'église.
Des arrêts jugèrent autrefois que. l'aîné ne
pouvait point empêcher son frère puîné de jouir
conjointement avec lui du banc qui appartenait _
à leur père. I] Droit de banc, Celui que le sei-"
gneur avait de placer un banc dans le lieu le
plus honorable de l'église et même dans le
chœur. V. Droit.
.— Chir. Banc d' Hippocrate , Sorto do lit
ni uni de treuils, qui servait autrefois à re-
mettre les cuisses luxées ou fracturées. L'in-
vention en est due à Hippocrate.
. ■ — Mar. Banc de rameurs, Banc placé en
travers de l'embarcation, et sur lequel s'as-
seyent un ou deux ou plusieurs rameurs : Les
galères avaient vingt-cinq bancs de chaque
côté et les galéasses trente-deux, avec six ou
sept forçats par banc (Trév.) i! Banc de quart,
Banc qui était destiné aux officiers do quart,
et qui se trouvait à l'arrière , en avant du
mât d'artimon. On donne aujourd'hui le même
nom à de petits marchepieds qui servent au
même usage : Nous nous assîmes sur le banc
de quart , regardant descendre le soleil et
monter les vagues. (Lamart.) il Banc d'armu-
rier, Sorte d'armoire, en forme, d'établi, où l'on
serre des armes, des outils et autres objets
usuels, n Banc à salle, Dans les colonies orien-
tales, Magasin où se trouvent à la fois les
amarres du port et l'atelier où se travaille la
garniture des bâtiments.
— Pêch. Banc de poissons, Troupe très-
considérable de poissons de la même espèce :
Un célèbre voyageur a rencontré un banc de
poissons morts flottant sur l'eau, qui avait plus
d'une lieue d'étendue. (H. Cloquet.) Les thons,
les bonites, les maquereaux, tes morues, etc.
se réunissent et voyagent par bancs. (Dandin.)
— Géog. et navig. Elévation de peu de
largeur et d'une grande longueur, qui dépasse
notablement le niveau du soi, au fond de la
mer : Un banc de roches, de sable, de corail.
Le banc de Terre-Neuve. £«si.bancs tes plus
importants sont marqués sur les cartes marines.
(Jal.) Au point où tous les grands fleuves en-
trent dans la mer, il se crée des bancs db
sable, disposés tout autour de leur embouchure..
(Thiers.) n Banc de glace; Grande masse do
glace détachée, qui flotte au-dessus de l'eau
ou y demeure immobile : Les Hollandais,
pécheurs de baleines, donnent aux espaces gelés
des pâles, qui ont plus d'un demi-mille de dia-
mètre, le nom de bancs de glaces. (Gérardin.)
— Géol. Amas de coquillages fossilesou d'une
matière solide homogène , sur une grande
étendue et en grande quantité : Un banc
d'huîtres. Un banc calcaire. Les lits d'argile
se sont formés avant les bancs de pierre cal-
caire. (Buff.) La montagne de Breetenbrunn,
en Saxe, est composée de lits alternatifs de
gneiss et d'amphibolite, entre lesquels on trouve
unBkuc de fer sulfuré magnétique.[BroTigm&Ti.)
— Min. Lit de pierre d'épaisseur à peu près
uniforme, dans les carrières, n Long parallé-
lipipède formé par deux foncées, dans une
carrière d'ardoise, il Banc du ciel, Lit supé-
rieur, celui qu'on réserve, dans une carrière,
pour en former le ciel ou la voûte : Il y a des
carrières où l'on trouve deux bancs de ciel.
(Trév.) n Banc de volée, Lit inférieur, dernier
banc exploité dans une carrière. Il Banc de
cassage} Plate-forme sur laquelle on dépose le
minerai pour le désagréger et le trier.
— Ponts et chauss. Banc de suintement,
Infiltrations qui se produisent sur une cer-
taine étendue dans les talus aquifères des
tranchées : On détermine très-facilement les
bancs de suintement en recouvrant les talus
où on les recherche avec de ta cendre ou du
sable , après une nuit sèche : la -teinte plus
foncée que prend le sable ou la cendre limite
très-bien ce banc.
— Agric. Place que. la charrue n'a pas re-
tournée.
— "Véner. Lit des chiens.
— Jurispr. Grand banc, Banc des présidents
à mortier dans les anciens parlements : On
appelle ce banc le grand banc,' dans le jargon
du palais, pour encenser les mortiSrs qui l oc-
cupent. (St-Sim.) il Banc des baillis et séné-
chaux, Banc où siégeaient les baillis et séné-
chaux royaux des provinces, lorsqu'ils assis-
taient aux audiences de la grand'chambre. n
Banc d'avocat, de procureur, Bureau où un
avocat, un procureur recevait ses clients au
palais : Les anciens règlements du palais vou-
laient que les procureurs se tinssent une demi-
heure à leur banc, entre dix et onze heures.
\i Banc des huissiers, Bureau établi par le
décret du 30 mars 1808 près des cours et tri-
bunaux, _pour le dépôt des pièces et actes que
les huissiers doivent notifier d'avoué à avoué.
Il Banc commun, En Angleterre, seconde cour
de justice, il Cour du banc du roi, de la reine,
En Angleterre, cour souveraine de justice,
autrefois présidée par la souveraine en per-
sonne : Le parlement sédentaire à Paris était
ce que la cour du banc du roi était à Londres.
(Volt.)
— Techn. Etabli de formes très-diverses, et
plus ou moins analogue à un banc destiné a
servir de siège : Banc de menuisier, de tour-
neur, il Table pour étaler les caractères d'im-
primerie, dans les fonderies, u Planche incli-
BAN
née qui porte le rouet des cardeurs. n Table
pour poser les glaces à adoucir, il Siège sur
lequel le maître verrier s'assied pour faire
l'embouchure et la cordelinc. li Madriers qui
portent les cuviers des lessives, dans la pré-
paration du salpêtre, n Endroit clos dans les
salines, où l'on dépose le sel avant de le porter
aux magasins, il Paroi latérale des galeries
d'un four à briques. Il Banc à cric, Etabli
d'orfèvre, il Banc à tirer, Appareils pour tirer
les métaux en fils, il Banc de tréfilerie, Ou-
tillage do tréfilerie. il Banc à river, Appareil
à river les roues d'horlogerie sur leurs pi-
gnons, il Banc à couper, Petit établi qui porte
dos cisailles, n Banc à ourdir, Banc qui porte
la manivelle de l'ourdissoir. I! Banc à embou-
tir, Appareil propre à fabriquer, sans sou-
dure, de très-longs tubes de métal, u Banc
à équarrir ou à arrondir, Etabli de brossier.
il Banc de moulage, dans les fonderies, Banc
sur lequel on exécute le moulage des piôcos
dont les châssis sont maniables, il Banc de
forgeron, Banc sur lequel le marteleur s'assied
pour forger au martinet, n Banc de botteleur,
Etabli sur lequel les forgeurs réunissent les
verges ou barres de fer pour les lier en bottes.
Il Banc des écureurs, Etabli sur lequel, dans
les fabriques de fer-blanc, on blanchit les
feuilles de fer-blanc. || Banc de redressage,
Etabli sur lequel, dans les usines à fer, on
redresse les barres après l'étirage, il Banc
d'épreuve, Assemblage de charpente sur le-
quel sont placées des plaques de fonte can-
nelées, pour recevoir les canons de fusil et de
pistolet que l'on veut éprouver, il Banc de
cuve, Sorte d'étagère autour d'une cuve de
brasseur.
— Typogr. Table pour déposer les feuilles
d'imprimerie, avant ou après l'impression.
— Homonyme. Ban.
— Encycl. Hist. Banc du roi ou de la reine en
Angleterre. L'établissement de la cour du banc
du roi , en Angleterre, remonte à Edouard 1er,
Auparavant , en dehors de la chambre des
lords, existait une cour supérieure de justice,
appelée aula regia , ayant juridiction sur les
affaires litigieuses de toute nature. C'était éga-
lement un conseil de gouvernement ; tous les
grands officiers de la couronne, le lord chan-
celier, le lord haut constable, le lord grand
maréchal, le lord haut trésorier, le lord grand
chambellan, en faisaient partie de droit, et les
barons du parlement pouvaient y prendre
séaWe. Dans l'examen des questions de poli-
tique extérieure ou intérieure, de guerre et de
finance, les débats de Yaula regia étaient di-
rigés par celui des grands dignitaires qui de-
vait avoir la principale responsabilité de la
mise k exécution. Lorsque les délibérations
portaient sur des questions de droit, ou pure-
ment litigieuses, on- adjoignait aux membres
ordinaires de Yaula regia un certain nombre
de légistes appelés justitiarii , et la cour était
présidée par le capitalis justitiarius totius An-
gliœ. A 1 origine , Yaula regia devait toujours
se trouver ou était le roi. De . graves incon-
vénients et des abus manifestes étant résultés
de ce déplacement continuel , une disposition
de la grande Charte fixa la résidence de la
cour et régla la périodicité de ses audiences.
Un acte du règne d'Edouard Ier abolit Yaula
regia et en répartit les attributions judiciaires
entré trois nouvelles cours. Les différends en-
tre particuliers furent dévolus a. la cour des
plaids communs; les litiges en matière d'im-
pôts et de finances, à 1» cour de l'Echiquier.
Toutes les autres questions contentieuses , et
notamment celles où la couronne était partie
ou pouvait être intéressée composèrent les
attributions de la cour du banc du roi, qui re-
çut en même temps juridiction d'appel sur les
décisions des deux autres cours.
La cour du banc du roi fut d'abord présidée
par le souverain. Aujourd'hui encore, les ma-
gistrats pourraient demander la présence de la
personne royale à! leurs délibérations. Mais
devant les inévitables inconvénients pratiques
de cette participation à l'administration de la
justice , les rois y renoncèrent bientôt. Jac-
ques Ier tenta de faire revivre cette préroga-
tive de la royauté. Les magistrats le laissèrent
assister à leurs délibérations , mais ils ne lui
permirent pas d'émettre son opinion.
La cour se compose d'un chief justice et de
quatre juges puisnés; ces magistrats doivent
être choisis parmi ceux des avocats plaidants
qui ont le diplôme de sergent es lois. Ils sont
nommés par la couronne. Une fois revêtus de
leurs fonctions , ils ne peuvent être révoqués
qu'à la suite d'une adresse votée par les deux
chambres. Il est interdit à toute autorité autre
que le parlement de s'occuper des plaintes
relatives a la mauvaise conduite des juges. Ces
garanties , communes du reste à toute la ma-
gistrature anglaise , sont d'origine relative-
ment récente. Avant la révolution de 1688,
les magistrats restaient en fonctions , tant que
cela plaisait au roi , durante bene placito. Le
statut de la douzième année du règne de Guil-
laume III décida que les juges conserveraient
leurs titres tant qu'ils se conduiraient bien,
quamdiu se bene gesserint, et associa le parle-
ment à l'appréciation de cette question déli-
cate. Ces garanties furent de nouveau confir-
mées par le premier statut de George III. Le
préambule de cet acte législatif proclame que
l'indépendance et l'élévation du caractère des
juges sont des conditions essentielles d'une
impartiale administration de la justice et de
la liberté des sujets.
BAN
145
Le traitement des juges, appelé compensa-
tion, est fixé par la loi. Le chief justice reçoit
8,000 liv. (200,000 fr.). Les juges puisnés
5,500 liv. (137,500 fr.). Aucun Etat du conti-
nent ne fait à sa première magistrature des
conditions d'existence aussi larges.
Au civil, en dehors des questions où la cou-
ronne est engagée, la cour du banc du'roi juge
toutes les contestations intéressant les corpo-
rations civiles : sa juridiction d'appel s'étend
à tous les tribunaux inférieurs du royaume^
ceux de Londres et des cinq ports exceptés.
Les contestations portant sur des faits passés
à l'étranger doivent lui être déférées.
Au criminel , la cour est juge de toutes les
affaires que la couronne croit a propos de lui
soumettre, en dehors des accusations de haute
trahison. En pareilles circonstances, la cour
est toujours assistée d'un jury.
En matière civile, ses décisions ne sont pas
souveraines, elles relèvent de la juridiction de
la chambre de l'échiquier (V. échiquier), et
do celle de la chambre des lords. C'est devant
cette dernière autorité que doit être immé-
diatement porté l'appel de toutes les affaires
dans lesquelles la couronne est partie. Toute
introduction d'instance, à moins d'être faite
par la couronne, doit être précédée de la pré-
sentation d'une requête , avec réponse favo-
rable.
— Techn. Banc à tirer. Pour fabriquer un
tuyau en- cuivre, on prend une bande de ce
métal ; on en amincit les bords à la machine
à raboter, à la fraise, au marteau, ou à la lime,
.si le cuivre est très-mince : on cintre au mar-
teau en plaçant le métal dans une rigole semi-
circulaire ou matrice, puis sur un chevalet, de
même diamètre que le tube à obtenir; quand
le tuyau est soudé, on lui dorme sa dimension
exacte, au moyen du banc à tirer.
Cet outil se compose essentiellement d'une
pince qui saisit l'extrémité du tuyau, et d'une
filière, rondelle aeiérée , percée de trous de
diverses grandeurs, à travers lesquels on fait
passer le tube. On place b. l'intérieur du tube
un mandrin de la grosseur qu'il doit acquérir.
La pince est attachée à l'un des maillons d'une
chaîne sans lin, à laquelle un système conve-
nable d'engrenages à manivelle permet de
donner le mouvement; le tube, saisi par la
pince, entraîné dans le mouvement de la
chaîne, passe à travers les trous de plus en
plus petits de la lilière, et acquiert le diamètre
voulu. La pince habituellement employée se
compose d'une plaque métallique percée d'un
trou conique ; le fil à étirer est saisi entre
deux mâchoires semi-coniques qui, placées
dans l'ouverture de la plaque, s y entoncent
d'autant plus et serrent d'autant mieux l'objet
à étirer, que la traction est plus forte.
La filière est formée d'une rondelle aeiérée,
généralement en acier sauvage, consolidée par
une plaque de fer. On employait autrefois uni-
quement l'acier des forges catalanes à la fabri-
cation des filières, ce qui explique le soin avec
lequel l'Angleterre recherche les filières fran-
çaises. On fait aussi, mais principalement pour
obtenirdes objets de forme déterminée, comme
on pourrait en fabriquer au laminoir , des
filières composées de plusieurs pièces d'acier
taillées suivant la forme qu'on veut donner à
la pièce étirée, et assujetties, au. moyen de
fortes vis, dans un châssis métallique. U y
aurait lieu de donner d'amples détails sur les
diamètres des trous de filières, le nombre des
passages pour les fils de fer, d'acier, etc., etc. ;
on les trouvera à l'article tréfilerie, où ils
seront mieux placés.
La vitesse d'étirage varie de 0 m. 02 à 0,03
par seconde , elle peut aller à 0,08 pour les
petits tuyaux de cuivre. Pour les fils de fer,
elle doit' être d'autant plus faible que le lil est
plus dur et plus gros. Plus on augmente la
vitesse, plus on aigrit le fer. Il faut, pendant
l'opération , recuire le fer, d'autant plus qu'il
est plus dur. C'est au moyen du banc à tirer
qu'on peut obtenir des fils d'une ténuité
extrême (On, 00125 de diamètre) pour les
croisements des lunettes. Pour cela, on en-
ferme un fil de platine dans une gaine d'argent.
On étire le tout : les deux métaux, en s'allon-
geant , conservent à peu près la même pro-
portion dans leurs diamètres. On n'a plus qu'à
enlever l'argent au moyen de l'acide azotique
ou du mercure, pour obtenir le fil de platine.
Pour les gros travaux de chaudronnerie, le
banc à tirer.occupe beaucoup de place, puis-
qu'à la longueur du banc il taut ajouter celle
du tube. M. Afazeline en a construit qui n'ont
que la longueur du tuyau : ici le tube est
immobile, et c'est une bague, mobile le long du
tube et d'une vis sans fin qui lui communique
un mouvement de translation, qui produit
l'étirage; seulement, l'appareil est plus com-
pliqué.
Parmi les produits qu'on peut obtenir au
banc à tirer, on peut citer les tubes fermés,
pour manomètres et baromètres Bréguet, qui
ont besoin d'être d'une épaisseur très-réduite,
les tubes pour le moulage des bougies, etc. , etc.
On repousse lé cuivre, comme d habitude, au
balancier, puis, le tube une fois ainsi formé
par emboutissage, on l'allonge au banc à tirer.
Seulement ici, pour ne pas endommager le
fond de la boîte à obtenir, après l'avoir munie
à l'intérieur d'un mandrin du diamètre conve-
nable, on la pousse, au lieu de la tirer, pour la
faire passer à la filière ; on a ainsi un véritable
Jianc à repousser. m
Donc do pierre (le), tableau de M. ErnM
19
146
BAN'
BAN
BAN
BAN
Hébert; salon de 1865. Ce n'est qu'un tout
petit paysage , un recoin de taillis qu'éclaire
un paie soleil d'automne, et où rien autre qu'un
banc de pierre ne fixe l'attention ; mais, avec
quel sentiment de la nature, avec quel charme
Eoétique, avec quel art, en un mot, M. Hé-
ert a su rendre ce simple motif I l'exposi-
tion de 1865 n'avait pas de paysages plus fins,
plus délicats , plus séduisants. Mais laissons
parler Théophile Gautier, qui, k propos de ce
tableau exquis , a écrit un délicieux petit
poème... en prose : « Tout au fond d'un parc,
sur le bord d'une allée où ne passe personne ,
mais dont les amoureux connaissent les dé-
tours, s'allonge un vieux banc de pierre grise,
que la mousse commence à envahir de ses
plaques veloutées. On est aux premiers jours
de 1 automne ; quelques feuilles rouillées jon-
chent le gazon entre les arbres , et le soleil
déjà pâli laisse tonïber de branche en branche
un rayon perdu qui sème des ronds lumineux
dans l'herbe. Il y a dans ce lieu de la solitude,
du silence , de l'oubli et de l'abandon , et le
cœur se sent ému devant ce petit coin de parc
négligé, désert, dont l'âme est partie et qui
retourne doucement k l'état de nature. Le
banc grisâtre, rongé, moussu, semble la pierre
posée sur la fosse d'un amour défunt. Ce re-
coin mystérieux , ce siège rustique ont vu
longtemps venir, k une heure impatiemment
attendue, un couple furtif, la main dans la
main , qui faisait lever, pour s'asseoir à sa
place, «le clair de lune endormi sur le banc, »
et causait, causait jusqu'au chant de l'alouette.
Mais, on le sent, 1 un des deux revient seul, de
loin en loin , au banc de pierre, comme on va
visiter une tombe, et, au lieu d'y jeter une
(leur, il emporte un brin de mousse. Rêves
envolés , illusions perdues , flammes éteintes ,
morceaux de la vie restés aux épines du che-
min , séparations fatales ou volontaires , re-
gards pleins d'amour a jamais fermés, beaux
jours qui ne reviendront pas : tout ce travail
douloureux du temps se trouve exprimé dans
cette page grande comme les deux mains.
L'artiste a chanté là, sous une forme modeste,
mais avec une mélancolie pénétrante, sa tris-
tesse d'Olympia. La note est si vraie , si
juste, si intime, que chacun met sur ce banc
la propre histoire de son cœur. » L'auteur
de la Mal' aria, du Baiser de Judas, etc., a
déployé dans ce tableau les qualités poétiques
quon lui connaissait; de plus, il s'est révélé
paysagiste d'un talent très-remarquabke.
banca s. m. (ban-ka). Bot. Palmier des
Philippines, qui ressemble au dattier.
BANCA ou BANRA, Ile de l'Océanie, dans la
Malaisie, k l'E. de Sumatra, dont elle est sé-
fiarée par le détroit de Banca, dans les Iles de
a Sonde; -47,583 hab.; cap. Minton; cette île
appartient aux Hollandais depuis 1818; les
Anglais, qui la possédaient depuis 1812; l'a-
vaient reçue du sultan de Palembang. Riches
mines d'étain.
BAN CAGE s. m. (ban-ka-je — rad. ban).
Féod. Usité dans cette locution :
Droit de bancage, Nom donné au droit de
banvirj en Touraine. "V. banvin. v
BANCAL, ALE adj. (ban-kal, a-le — de l'al-
lem, bein, jambe, etym. douteuse, qui n'ex-
plique qu'en partie le sens du mot). Qui a
une jambe ou les jambes tortues : Il est
bancal. Elle est née bancale. Il n'a que des
enfants bancals. Il était laid, bancal, et
déjà même assez vieux. (Marmontel.) il Qui
est tortu, en parlant des jambes': Il a. les
deux jambes bancales.
— Par anal, en parlant des choses, Qui a
les pieds tortus ou inégaux :
Alambics contournés en spirales bizarres,
Vieux manuscrits épars sur un fauteuil bancal.
Th. Gautier.
— Substantiv. Personne bancale : Un
bancal. Une bancale. Des bancals.
BANCAL s. m. (ban-kal — rad. bancal,
adj.). Sabre recourbé, se dit par allusion
aux jambes d'un bancal : Les gendarmes sont
armés de bancals.
BANCAL (Catherine Brugnière, femme), un
des auteurs de l'assassinat commis à Rodez,
le 19 mars 1817, sur la personne de Fualdès.
Elle fut condamnée à mort ; mais, en raison de
la sincérité de ses aveux, sa peine fut com-
muée en celle de la détention perpétuelle. Elle
est morte en 1845, dans une maison centrale
du département de l'Hérault. V. Fualdès.
BANCAL DES ISSARTS (Jean-Henri), con-
ventionnel, né en Auvergne en 1750, était
notaire à Clermont-Ferrand lorsque la Révo-
lution vint à éclater. En 1792, le Puy-de-Dôme
l'envoya a la Convention nationale, où il vota
généralement avec la plaine. Il se trouva au
nombre des commissaires que Dumouriez livra
aux Autrichiens, fut échangé, ainsi que ses
collègues , contre la fille de Louis XVI , en
vertu du traité de Bâle (1795) et siégea au
conseil des Cinq-Cents. En 1797, il se retira à
Clermont, où il mourut en 1826. Il était depuis
longtemps tombé dans une dévotion très-ar-
dente, et il apprenait l'hébreu pour pouvoir lire
la Bible dans le texte. Il uvait été longtemps
en correspondance avec Mme Roland. Cette
correspondance, retrouvée dans ses papiers,
a été publiée en 1835 sous le titre suivant :
Lettres autographes de madame Roland adres-
sées à Bancal des Issarts, avec une introduction
de M. Sainte-Beuve.
« an Casse s. f. (ban-ka-se — rad. banc).
Mar. Banc servant à la fois de coffre, de
siège et de lit, et qui était surtout en usage
sur les galères.
BANCBANUS. V. Bank-Ban.
BANCEL (Louis), dominicain et théologien,
né à Valence (Dauphiné),morten 1685. Il rem-
plit avec éclat lachaire de théologie d'Avignon.
Outre divers traités et commentaires sur les
doctrines de saint Thomas, il a laissé en ma-
nuscrit un Traité de ta Chasteté et un Traité
de la vérité de la seule religion catholique
romaine, conservés dans le couvent de son
ordre à Avignon.
BANCEL (de la Drôme), homme politique,
né à Valence (Drôme) en 1823, publia, en 1848,
un Essai sur le crédit hypothécaire, qui fut
remarqué. Nommé représentant du peuple à
l'Assemblée législative ( 1849 ) , il siégea à
la nouvelle Montagne, lutta énergiquement
contre la réaction royaliste et la politique na-
poléonienne, et il développait dans les polémi-
ques passionnées de ce temps un beau talent
de tribune, lorsque le coup d'Etat du 2 dé-
cembre l'exila a Bruxelles , où il professa
avec quelque éclat dans l'université libre.
Lors des deux élections complémentaires de
1864 , k Paris , il fut présenté comme can-
didat, mais ne put faire admettre par l'auto-
rité son serment, qu'il avait envoyé par dé-
pêche télégraphique. Il poursuivit judiciaire-
ment le préfet de police, mais sans obtenir
aucun résultat.
BANCELLE s. f. (ban-sè- le — dim. de
banc). Autref. Banc long et étroit : Une
heure après, messieurs les chasseurs du roi se
pressèrent sur des bancelles, autour de la
grande table de cuisine. (Gér. de Nerv.)
banche s. f. (ban-che). Géol. Nom donné
à des bancs de marne argileuse qui, mouillés
par intervalle par les eaux de la mer, blan-
chissent au contact de l'air, se dessèchent et
prennent la consistance de la pierre.
— Mar. Ecueil formé d'un banc de roches
tendres et unies, non loin des côtes et près
de la surface des eaux, sans être à découvert.
— Constr. Chacun des grands côtés de la
caisse ou moule qui sert à construire les
murs en pisé : Les banchks ont ordinairement
trois mètres de long : elles se composent d'un
assemblage de planches de sapin bien jointes
et maintenues en dehors par quatre traverses
appelées pare-feuilles; une anse de fer, dite
manette, est clouée à la partie supérieure de
chaque banche, pour aider à la mouvoir.
BANCHE s. m. (ban-che). Entom. Genre
d'insectes hyménoptères, de la famille des
ichneumons, dont quelques espèces habitent
l'Europe. La plus commune est lo banche
chasseur.
BANCHÉE s. f. (ban-ché — rad. banche).
Constr. Portion de mur en pisé que l'on fait
en remplissant le moule dans toute sa hau-
teur : On procède par banchées successives,
soit latéralement, soit en les superposant les
unes aux autres.
BANCHEREAC (Richemond), jurisconsulte
et auteur dramatique, né à Saumur, vivait
dans le xviic siècle. Il a composé quelques
tragi-comédies, entre autres : ['Espérance
glorieuse ou Amour et justice (1632) ; les Pas-
sions égarées ou le Roman du temps (1632).
BANCHERO (Angelo), peintre italien, né k
Sestri (Etat de Gênes) vers 1744, mort en 1793.
Il peignit, pour différentes églises de Gênes,
des tableaux d'un bon style et d'une grande
harmonie de couleur. On cite surtout son por-
trait du cardinal Doria.
BANCHI (Séraphin), dominicain, né k Flo-
rence, mort k Paris en 1622. Il dénonça,
en 1593, le projet de Barrière d'assassiner
Henri IV, et refusa l'êvêché d'Angoulême.
Outre divers écrits de piété,- il a donné les
deux factums suivants : Apologie contre les
jugements téméraires de ceux qui ont pensé
servir la religion en faisant assassiner le roi
de France (1596); Histoire prodigieuse d'un
détestable parricide entrepris sur la personne
du roi'j et comme il en fut miraculeusement
garanti (1598).
BANCHIERI (Adrien), compositeur et théo-
ricien, né, suivant toutes probabilités, k Bo-
logne, en 1567, mort en 1634, suivant Mazzu-
clielli. D'abord organiste de Sainte-M'.fie-in-
Règola , k Imola, il se fit moine olivetain et
remplit les fonctions d'organiste au couvent
de Saint-Michel-in-Bosco, près de Bologne. Les
compositions religieuses et profanes de Ban-
cliieri se distinguent par la pureté du style, et
ses ouvrages théoriques dénotent une profonde
instruction.
BANCK (Pierre van der), graveur au burin,
né k Paris en 1649, eut pour maître F. de
Poilly. Après avoir travaillé quelque temps' a
Paris, il se rendit k Londres, où il exécuta un
assez grand nombre d'estampes d'après des
artistes anglais, et où il mourut en 1697. Ses
principaux ouvrages sont : la Vierge et Jésus
au jardin des Oliviers, d'après Séb. Bour-
don ; le Triomphe de Charles II, d'après A.
Veciro ; le portrait de Charles II , d'après
Henri Gascard ; celui de "W. Temple, d'après
P. van der Faes ; celui de James Smith ,
d'après W. Faithorne ; ceux de G. Kneller, du
Comte d'Argyle, de G. Mackensie, de Sam.
"Wood, de la princesse Mary, de la princesse
Anne, etc.
BANCK (Laurent), savant jurisconsulte sué-
dois, né k Norkopingj mort en 1GG2. Il était
professeur à l'université de Franecker, et il a
laissé des traités estimés sur les privilèges des
nobles, les duels, et sur diverses questions de
jurisprudence, de droit ecclésiastique et de
politique.
BANCK(John vander),peintreetgraveurau
burin, fils de Pierre Banck, né en Angleterre
vers 1690, travaillait k Londres et y mourut
en 1739. Son estampe la plus connue est un
portrait de l'amiral Tromp, signé /. de Banc
pinxit.
BANCK (Charles), compositeur allemand, né
k Magdebourg en 1804. Il prit, k Dessau, des
leçons d'harmonie et de composition sous la
direction des frères Schneider, puis partit pour
l'Italie en compagnie du poète C. Alexandèr,
son ami. Après un séjour Je deux ans, il revint
en Allemagne, se fixa k Dresde et rédigea les
articles de critique musicale dans le journal
de cette ville. Ses chansons et lieders, malheu-
reusement inconnus hors de l'Allemagne, sont
empreints d'un sentiment vrai et d'une poéti-
que originalité.
BANCKSIE s. f. Bot. Orthographe vicieuse
du mot banksie.
BANCLOCHE OU BANCLOQUE S. f. (ban-
klo-che, ban-klo-ko — rad. ban et cloche).
Autref. Cloche du beffroi du seigneur, qui
servait à donner touto espèce de signaux,
d'avertissements, de bans, il Beffroi, il Tocsin.
BANCO adj. inv. (ban-ko: — de l'Haï.
banco, banque). Comm. Qualification donnée
aux valeurs invariables des banques, par
opposition aux valeurs courantes qui varient
suivant les fluctuations du change : Deux
cents florins banco. Le florin banco est inva-
riable, au lieu que le florin courant ou de
change ne l'est pas, (Aud.) L'oncle Varlaz,
tout à ses fourrures, ne veillait plus aux marcs
banco. (Balz). La banque de Hambourg fait
des avances sur dépôt de lingots d'argent,
moyennant un schelling banco par marc d'ar-
gent fin, pour chaque période de trois mois.
(V. Block.)
— Jeux. Au lansquenet, et aux autres jeux
de hasard qui en dérivent, faire banco, Tenir
la banque, c'est-à-dire jouer seul contre
tous. On dit plus ordinairement faire ou
TENIR LA BANQUE.
— Encycl. La monnaie banco ou de banque
fut imaginée par les commerçants du moyen
âge, afin d'échapper aux inconvénients du faux
monnayage officiel. Cette monnaie était ima-
ginaire, mais elle n'en avait pas moins une
valeur déterminée et invariable. En effet, elle
représentait un poids convenu d'or ou d'ar-
gent, k un titre également convenu, et servait
de type pour évaluer les monnaies courantes.
Lors donc qu'à une monnaie réelle ou k une
monnaie de compte on ajoutait qu'elle était
banco, cela signifiait que la valeur de cette
monnaie n'était pas celle qu'elle avait dans. le
langage ordinaire, mais bien celle que la
banque lui avait assignée. La distinction de la
monnaie banco et de la monnaie courante ,
donnant parfois lieu k des embarras et k des
complications de plusieurs genres, a été aban-
donnée de nos jours par le commerce de
presque tous les pays. Cependant on se sert
encore k Hambourg d'un marc banco, divisé
en 16 schellings de 16 pfennigs, et qui vaut
1 fr. 87, tandis que le marc courant ne vaut
que 1 fr. 53. En Russie, il y a aussi un rouble
Banco, appelé également rouble papier ou as-
signat de banque, qui vaut environ quatre fois
moins que le rouble argent.
BANCO, personnage historique et l'un des
héros de Macbeth, tragédie de Shakspeare.
V. Banquo.
bancocrate s. m. (ban-ko-kra-te —
rad. bancocratie), Néol. Partisan de la ban-
cocratie.
BANCOCRATIE s. f. (ban-ko-kra-sî, — de
l'ital. banco, banque, et du gr. kratos, puis-
sance). Néol. Autorité, influence et tyrannie
de la banque : La bancocratie menace les
mœurs et les libertés'. (Proudh.) Sous une
forme monarchique, l'essence du gouvernement
de Juillet était la bancocratie. (Proudh.) On
fait des révolutions contre les monarchies, n'en
fera-t-on jamais contre la bancocratie? {E.
de Gir.) .
BANCOCRATIQUE adj. (ban-kc-kra-ti-ke —
rad. bancocratie). Néol. Quiarapport à la ban-
cocratie ou aux bancocrates : Le but de ces
fédérations particulières est de soustraire les
citoyens des Etats contractants à l'exploitation
capitaliste et bancocratique. (Proudh.) Il
serait plus que temps de débarrasser le
pays du régime bancocratique qui le ruine.
(Proudh.)
BANCOR ou BANCHOR, célèbre monastère
d'Irlande , fondé vers le vie siècle, rebâti au
xiio siècle et dont il n'existe plus rien.
BANCOUL s. m. (ban-koul). Bot. Fruit du
bancoulier, appelé aussi noix de bancoul. il On
écrit également bancoule.
bancoulier s. m. (ban-kou-lié — rad.
bancoul). Bot. Genre de plantes de la famille
des euphorbiacées. Syn. a'ateurite.
BANCQ s. m. (bank). Usité seulement dans
l'ancienne locution Banco franc, temps de
franchise pendant lequel le débiteur était
insaisissable dans sa personne et dans ses
biens, et pouvait librement vaquer à ses
affaires et a son commerce.
BANCQUIERV. BANQUIER.
BANCROCHE adj. (han-kro-che — de l 'al -
lcm. bein, jambe, et^de croche, crochu j ou,
d'après d'autres, de bancloche). Qui a les jam-
bes tortues : Une vieille femme bancroche et
édentée. (Balz.)
— Par ext. en parlant des choses, Tortu,
Contourné : Un alphabet en petites capitales
éliques, obèses ou bancroches, d'une riante
difformité. (Ch. Nod.)
— Substantiv. Homme ou femme bancro-
che : Un bancroche. Une bancroche.
BANCROFT (Richard), théologien anglais,
archevêque de Cantorbéry , né vers 1544,
mort en 1610. Il défendit avec beaucoup d'é-
nergie l'Egliso anglicane contre les puri-
tains. Il a laissé des traités fort estimés en
leur temps.
BANCROFT (Edouard), naturaliste anglais,
vivait dans la seconde moitié du xvine siècle.
Il séjourna longtemps en Amérique, et publia,
à son retour : Essai sur l'histoire naturelle de
la Guyane (Londres, 1769), ainsi que plusieurs
autres ouvrages justement estimés.
BANCROFT (George), historien et homme
d'Etat américain, ne k Worcester, Etat de
Massachussetts, le 3 octobre 1800. Les leçons
de son père, le révérend Aaron Bancroft, du
clergé de Massachussetts, développèrent de
bonne heure le caractère grave, humain et
religieux qu'il conserva toujours. Il fit ses
études au collège de Harvard et il les termi-
na, en 1817, d'une façon si brillante que, grâce
k l'intervention d'Everett, il put aller com-
pléter, aux frais de l'Etat, son éducation en
Europe. Arrivé en Allemagne, il resta deux ans
k Gœttingue, où il apprit l'allemand avec Be-
recke, le français et 1 italien avec Artaud et
Bunsen, les langues orientales et l'interpréta-
tion des Ecritures avec Eichhorn, l'histoire
avec Planck et Heeren, les sciences naturelles
avec Blumenbach,et la littérature grecque et
latine avec Dissen, grand admirateur de Pla-
ton. Après avoir reçu le grade de docteur en
philosophie (1820), il se rendit k Berlin, où il
reçut les leçons et vécut dans l'intimité de
Wolf, le célèbre éditeur d'Homère, de
■ Schlêiermacher, de Hegel, de Humboldt. En
1821, il parcourut une partie de l'Europe. A
Paris, il se lia avec Cousin et Benjamin Con-
stant ; k Milan, avec Manzoni ; k Home, avec
le chevalier Bunsen et Niebuhr.
De ristu'^r aux Etats-Unis, en 1822, il fut
aussitôt appelé k professer la littérature grec-
que au collège d'Harvard ; mais peu satisfait
des méthodes pédagogiques qui y étaient em-
ployées, il quitta sa chaire dès l'année sui-
vante et résolut de réformer le système d'é-
ducation américaine. Dans ce but, il fonda k
Northampton une école, appelée Round-Hill-
School, qu'il organisa d'après le système des
universités d'Europe, et ou il s'entoura de pro-
fesseurs allemands distingués. Tout en diri-
geant cette laborieuse entreprise, il collabo-
rait k divers recueils littéraires et publiait, en
1823 sous le titre de Poems, un recueil de
poésies, dans lesquelles il retrace, en un lan-
gage aussi pur que brillant, les impressions
laissées dans son esprit par les merveilles na-
turelles de la Suisse et par la grandeur des
ruines de l'Italie. De 1824 k 1825, il fit pa-
raître une traduction des Traités historiques
d'Heeren et il commença k s'occuper, dès cette
époque, de rassembler les matériaux néces-
saires h sa grande Histoire des Etats-Unis.
Les difficultés de tout genre et les oppositions
contre lesquelles il lui fallut lutter pour ame-
ner k bien sa réforme pédagogique finirent
par le lasser. Il quitta Round- Hill-School pour
aller habiter Springfield, en 1826 ; et, tournant
alors vers les questions politiques toute l'ac-
tivité de sa vive intelligence , il prit place
dans les rangs du parti démocratique.
C'est en 1826 qu'il fit le premier pas dans la
carrière politique, en prononçant, devant les
citoyens de Northampton , un discours dans
lequel il posa carrément ses opinions et exalta
le suffrage universel et la démocratie sans
compromis. En 1830, il fut élu, k son insu,
membre de la cour générale de Massachus-
sets; mais il refusa d'accepter ce siège et il
agit de même, l'année suivante, pour celui de
sénateur de l'Etat.
Sa belle Histoire des Etats-Unis, depuis la
découverte de l'Amérique jusqu'à nos jours,
parut k Boston, en 1834, et classa aussitôt
M. Bancroft au premier rang des écrivains
de son pays. Le président Van Buren l'appela,
en 1838, au poste de receveur des finances k
Boston. L'intelligence et la vigueur avec les-
quelles il remplit ces délicates fonctions lui
valurent les éloges publics, même de ses en-
nemis politiques. A cette époque, il prononçait
fréquemment des discours publics, poursuivait,
avec plus d'activité que jamais, ses travaux
littéraires, et prenait une part active au mou-
vement philosophique créé par quelques-uns
des esprits les plus cultivés de Boston, l'A-
thènes du nouveau monde, et qui fut connu
plus tard sous le nom bizarre de transcendan-
talisme. Porté en 1844, par le parti démocra-
tique, comme candidat k la charge de gouver-
neur de l'Etat de Massachussets, il ne fut point
élu; mais jamais aucun candidat démocrate
n'avait réuni dans cet Etat un aussi grand
nombre de voix. Lorsque Polk fut nommé
président des Etats-Unis, il appela Bancroft
a faire partie du pouvoir et le nomma, en 184,5,
ministre de la marine. Celui-ci signala sa
BAN
courte administration par quelques mesures
excellentes. Il créa par sa propre initiative
l'école navale d'Annapolis: il agrandit l'ob-
servatoire national de Washington et y élargit
le cours des études en créant de nouvelles
chaires. C'est sous son ministère que les Etats-
Unis prirent possession de la Californie, et
c'est encore lui qui, pendant un mois d'intérim
qu'il fit au département de la guerre, donna
1 ordre au général Taylor d'envahir le Texas,
resté depuis à la République.
En 1846, M. Bancroft échangea son porte-
feuille contre l'emploi de -ministre plénipoten-
tiaire dans la Grande-Bretagne. Pendant son
séjour en Angleterre, il entra en relations.avec
les hommes les plus éjninents de ce pays, sur-
tout avec les grands écrivains, et il reçut
en 1849, de l'unive'rsité d'Oxford, le titre de
docteur en droit civil.
Il était déjà membre correspondant de l'In-
stitut de France et de l'Académie royale de
Berlin. Il profita de son séjour en Europe
pour compléter ses recherches sur l'histoire
américaine, et il vint h Paris, où il fut aidé
dans ses travaux préparatoires par MM. Gui-
zot, Mignet, Lamartine et de Tocqueville.
De retour aux Etats-Unis (1849), et rendu
a la vie privée, il vint se fixer à New-York,
où, reprenant avec une nouvelle ardeur ses
travaux favoris, il fit successivement paraître,
de 1852 k 1858, les quatre derniers -volumes
de sa grande Histoire de la Révolution d'A-
mérique, qui en comprend six, et qui complète
son premier ouvrage historique.
M. Bancroft est, dans toute l'acceptation
du terme, un historien philosophe, en suppo-
sant même que ces deux mots ne dussent pas
rester inséparablement unis. Non-seulement
il décrit de la façon la plus pittoresque les
mouvements populaires, mais encore il les
analyse et en révèle la signification morale.
La population première de son pays étant un
composé d'individus venus de différentes par-
ties de l'Europe et ayant apporté avec eux
les idées^et les habitudes résultant de leur
éducation, l'historien a dû faire de nombreuses
incursions dans le domaine de l'histoire euro-
péenne; et les chapitres dans lesquels il
étudie les mouvements politiques et religieux
du vieux monde constituent île précieux ap-
points à la philosophie de l'histoire moderne.
On peut considérer l'œuvre de M. Bancroft
comme un long traité philosophique sur les
progrès de l'idée de liberté dans un pays mar-
qué par la Providence pour son développe-
' ment le plus absolu. Ecrite dans un style
très-élaboré, très-concis, mais d'une grande
élégance, l'Histoire de la révolution améri-
caine de M. Bancroft est considérée à bon
droit comme l'un des plus splendides mo-
numents de la jeune littérature américaine.
Elle a eu de nombreuses éditions et elle a
été traduite en plusieurs langues; la traduc-
tion allemande a déjèt eu au moins quatre
éditions.
M. Bancroft a publié plusieurs de ses dis-
cours publics , et un volume de Mélanges
(1855,- in-8°) , renfermant surtout des essais
historiques et philosophiques et une longue
étude sur la littérature allemande. C'est dans
ce volume que se trouve le magnifique, dis-
cours sur « la nécessité, la réalité et l'avenir
des progrès de la race humaine} » qu'il pro-
nonça devant la Société historique de New-
York, le 3 octobre 1850, cinquantième anni-
versaire de sa fondation.
BANCUDUS s. m. (ban-ku-duss). Bot. Nom
malais de la morinde à feuilles de citronnier.
BANDA s. m. (ban-da). Ichthyol. Genre de
poissons qui se pèchent sur les côtes des îles
de ce nom.
BANDA, ville de l'empire anglo-indien, pré-
sidence et au S.-E. d'Agra, sur la rivière de
Keane, ch.-l. du district sud de Bendelkend,
ville très-florissante. Il Groupe d'Iles del'Océa-
nie, dans la Malaisie, faisantpartie de l'archipel
des Moluques, découvert en 1512 par les Por-
tugais, et appartenant aujourd'hui aux Hollan-
dais , qui ont un résident à Nassau ou Water-
fort, dans l'île Banda-Neira. Terrain volca-
nique, climat insalubre, 6,000 hab. Il Banda
(mer de), nom donné h- la partie de l'océan
Indien comprise entre le groupe des îles
Banda au N. e„t l'Australie au S.
BANDAGE s. m. (ban-da-je — rad. bander).
Action de bander, d'entourer d'une bande :
Bandage d'une plaie. Il Action de bander une
arme quelconque, d'en tendre le ressort : Le
bandage d'un arc, d'une arbalète. Le bandage
d'un pistolet.
— Chir. Appareil avec lequel on bande une
laie, n Appareil qu'on emploie pour contenir
es hernies et les descentes. Il Bandage simple,
Bandage herniaire qui n'a qu'un côté, qui ne
porte qu'une pelote, n Bandage double, Ban-
dage à deux pelotes, il Bandage contentif, Celui
qui empêche une expansion ou un déplace-
ment, n Bandage comprèssif, Celui qui est
destiné à arrêter une hémorragie, u Bandage
unissant ou incarnalif, Celui qui rapproche les
lèvres d'une plaie et en favorise la soudure.
Il Bandage divisif, Celui qui maintient l'écar-
tement .des parties dont on veut empêcher
l'adhérence. Il Bandage expulsif, Celui quL, par
sa pression, provoque l'expulsion des matières
purulentes, il Bandage égalon circulaire, Celui
dont chaque tour de bande recouvre le tour
précédent, n Bandage inégal, Celui dont les
tours ne se superposent pas exactement, il
F<
BAN
Bandage spiral ou rampant, Celui dans lequel
chaque tour de bande ne recouvre qu'une
partie du tour précédent, et qui affecte ainsi
fa forme d'une spirale. Il Bandage renversé,
Celui dans lequel la bande, étant retournée en
un de ses points, est appliquée successivement
par chacune de ses faces, ou même, dans cer-
tains cas, est enroulée en sens contraire de
celui qu'elle avait d'abord.
— Art vétér. Bandes de flanelle dont on
entoure le bas de la jambe des chevaux, après
un travail un peu forcé.
— Agric. Appareil que l'on dispose autour
d'une branche tordue ou incomplètement
brisée, pour amener na soudure des parties
déchirées et conserver la branche.
— Techn. Bande de fer ou d'acier dont on
entoure extérieurement les jantes d'une roue:
On donne aux bandages des roues de wagons
une forme conique permettant aux wagons de
glisser légèrement sur les rails, de franchir
les courbes et de limiter le mouvement de lacet.
Il est posé à chaud en dehors de la roue pro-
prement dite et en serre le pourtour en se re-
froidissant, après quoi on le boulonne. (H.
Ruelle.) u Ensemble des pièces qui servent à '
bander une arme : Il y avait autrefois bien
plus de pièces pour le bandage d'une arquebuse
qu'il n'en faut à présent. (Trév.) || Assemblage
de bandes de fer qu'on emploie à maintenir
les moules, au moment du coulage. Il Bandage
du battant, Appareil de passementier, formé
d'une noix implantée dans un bâton et
percée de quatre trous qui reçoivent les
douJs de deux cordes attachées au châssis du
métier.
— Mag, Morceau de linge ou de parche-
min marqué de caractères cabalistiques, que
l'on portait autrefois pour se piéserver des
maléfices' : Apollonius fut mené devant l'em-
pereur; en entrant on le fouilla, de peur qu'il
ne portât quelque bandage, quelque billet ou
quelque sorte de caractère. (Fleury.)
— Encycl. Chir. Les bandages ne sont pas,
comme leur nom semble l'indiquer, exclusive-
ment formés de bandes de linge, „ou même de
compresses ; il peut encore entrer dans leur
composition plusieurs espèces de pièces de
linge de diverses formes. A cet élément flexible
feuvent s'ajouter aussi des pièces plus rigides ;
ensemble est encore un bandage. C'est dans
ce sens qu'on dit : bandage de Scultet, ban-
dage, dextriné. Cependant on donne quelque-
fois à ces derniers la dénomination d'appareils;
appareil de Scultet, appareil inamovible, etc.
Par une autre extension moins justifiée, on
appelle encore bandages des appareils com-
plexes dans lesquels entrent des parties mé-
talliques qui agissent, non plus par simple ré-
sistance, mais par leur élasticité. Ces bandages
à ressorts sont d'un emploi fréquent en ortho-
Ïiédie. Cette distinction des bandages d'après
eur mode de composition n'est pas la seule
qui soit admise. On a encore fait deux classes
de bandages : ceux qui existent indépendam-
ment de leur emploi immédiat, tels que le sws-
.pettsoir, le bandage herniaire, l'écharpe, et les
iandag'esextemporanés, qui ne sont que le ré-
sultat de l'application de bandes par le chi-
rurgien. On distinguera encore les bandages
d'après leur siège : le monocle, le grand couvre-
chef, Yétrier, etc., désigneront les bandages ap-
pliqués sur un œil, sur la tête, sous la plante du
fiieo, etc. D'après l'usage auquel on les destine,
es bandages prendront encore des noms diffé-,
rents. Us seront simples ou contentifs, lorsqu'ils
serviront à assujettir en place les pièces d'un
pansement, à contenir une hernie ou une luxa-
tion réduite. Les bandages incarnatifs ou unis-
sante servent à rapprocher au contact les tissus
divisés-, les divisifs, à éloigner les chairs qui ne
doivent pas se réunir ; les expulsifs, à exprimer
les liquides contenus dans une cavité, le pus
qui séjourne dans une plaie, par exemple ;
les compressifs servent par compression à
arrêter la circulation en un point donné et à
entraver l'hémorragie en ce point, ou à com-
primer méthodiquement un membre pour y
empêcher l'engorgement. On distingue encore
les bandages préservatifs, lorsqu'ils préservent
certaines parties de l'action de l'air, du frotte-
ment, etc. ; rétentifs, quand ils s'opposent au
déplacement des organes; extensifs, contre-
extensifs, lorsqu'ils servent à produire l'ex-
tension ou la contre-extension, dans les frac-
i. tures des membres principalement, etc.
Cependant la forme propre du bandage est,
jusqu'à un certain point, son caractère essen-
tiel, puisque le bandage existe indépendam-
mentde son application. Cette forme détermine
d'ailleurs nécessairement le mode d'emploi de
/ chacun de ces appareils, et indique souvent le
siège auquel ils sont destinés. La classification
des bandages d'après leur usage ne saurait
être adoptée d'une manière absolue, si l'on
réfléchit que ces appareils peuvent répondre
à la fois à plusieurs indications et être en même
temps contentifs, expulsifs, préservatifs, etc.
Cette raison nous a déterminés à accepter la
classification plus rationnelle exposée par le
professeur Gerdy^ dans son excellent Traité
des bandages, et reproduite par le plus grand
nombre des auteurs qui ont traité de cette
matière. Nous distinguerons trois classes de
bandages: 1° les bandages simples, composés
d'une seule pièce , bande ou mouchoir , etc. ;
20 les bandages composés, formés de plusieurs
pièces associées ; 3° les bandages mécaniques,
de nature complexe et dont les éléments peu-
vent être à la fois des bandes , des coussins,
des attelles , des ressorts , etc. Le tableau
BAN '
suivant nous donne les sous-divisions de ces
trois classes de bandages :
BAN
147
TABLEAU DES BANDAGES.
f
I
circulaire,
oblique . .
roulé on spi-
ral. . . .
fi 1 croj.se.
S \noué.
S < récurrent .
\plein
invaginé
ou
unissant,
incarnatisé.
Liens..
(Disposé en circulaires hori-
' j zontaux.
. | En circulaires obliques.
lEn spires ou doloires, plus
I ou moins espacées.
(Dont les doloires se croisent
( en 8 de chiffre.
SDont les bouts forment un
| nœud.
(Dont les tours de bande vont
( et reviennent sur leurs pas.
(Formé d'une large pièce en-
( tière de linge.
Formé d'une bande perfo-
rée à une extrémité , divi-
sée, a l'autre bout , en au-
tant de parties qu'il y a de
perforations.
\ Attaches de petites dimen-
'( sions.
«
,, (Formés de bandes soudées
m. "M en forme de T, de X, de
encroxx. \ croix> etc.
Larges pièces divisées à leurs
deux extrémités et longitu-
dinalement en un nombre
égal de chefs. La fronde
des anciens avait quelque
analogie de forme avec ce
bandage.
(Ayant la forme d'un petit
) sac large ou allongé, dans
1 lequel se place l'organe
( qu on veut soutenir.
Garnis de cordons, lacets,
I boucles,etc.
/en T,
1 Frondes.
' en bourse ou
suspensoir,
en gaine,
lacé,
à boucles.
Ce tableau nous donne une idée des formes
diverses que peut affecter le bandage, indépen-
damment de son application ; mais à cette con-
naissance préalable le chirurgien doit joindre
l'étude approfondie des divers modes (l'appli-
cation des bandages et des cas auxquels il
convient de préférer les uns aux autres, c'est-
à-dire l'art des bandages ou de la déligation
chirurgicale.
Quoique renfermé dans les pratiques dites
de petite chirurgie, l'art de la déligation chi-
rurgicale n'en est pas moins la partie la plus
importante de la thérapeutique externe, et au-
cune des ressources qu'il offre au chirurgien
ne doit être négligée. Le bandage devra être
disposé de manière à remplir le but auquel il
est destiné, et à ne pas le dépasser ; il devra
conserver pendant un certain temps les avan-
tages qui ont fait rechercher son emploi. Com-
primer trop ou pas assez, tel est le double
écueil à éviter. L application d'un bandage ne
devra produire chez le malade que le moins de
douleur possible; il ne devra en résulter pour la
partie sous-jacente ni meurtrissure ni arrêt de
circulation, hors le cas où le bandage comprèssif
a précisément pour but d'entraver le cours du
sang. U faut cependant qu'il exerce une con-
striction suffisante pour assurer son immobilité,
et qu'il ne puisse ni se trop relâcher ni se trop
déplacer; on doit en éviter l'application chaque
fois que la partie malade, déjà chaude et dou-
loureuse, ne supporterait pas la constriction
ou le poids du pansement. La constriction ne
doit jamais atteindre le degré auquel peuvent
se produire les gangrènes par compression,
accident qui s'est présenté quelquefois comme
résultat des applications défectueuses de ban-
dages contentifs.' A quelque genre qu'ils appar-
tiennent enfin, les bandages n'excluent pas
une certaine élégance, qui ne peut qu'être fa-
vorable à la réussite du traitement, en inspi-
rant au malade une confiance justifiée dans
la capacité du chirurgien. Enumérons main-
tenant les- diverses applications dont les ban-
dages sont susceptibles, en nous conformant,
dans la division de cette étude, aux indications
du tableau précédent.
I. — Bandage* «Impie». Le caractère de
ces bandages est d'être exclusivement com-
posés de bandes, et de s'appliquer extempora-
nément au lieu du pansement. Les exemples
qui suivent seront ftonc une série des combi-
naisons variées auxquelles donne lieu l'appli-
oation des bandes :
îo Bandage circulaire. U se compose d'une
bande roulée circulairement autour d'un mem-
bre, de la tête ou du tronc. Il est ordinaire-
ment contentif, quelquefois comprèssif.
2° Bandage oblique. C'est le même bandage,
lorsque les tours de bande sont dirigés obli-
quement ( par rapport à l'axe de la partie
bandée.
3° Bandage roulé ou spiral. C'est encore
avec une bande à un seul chef libre que l'on
exécute ce bandage. Il est appliqué, le plus
ordinairement, sur la continuité des membres,
comme contentif, et sert à appliquer un topique
sur une plaie ; il est alors composé de tours de
spire plus ou moins lâches et plus ou moins
espacés. En d'autres cas, il est employé comme
comprèssif, et les tours de spire doivent être
plus serrés et plus rapprochés. Il est de règle
aussi que lorsqu'on veut appliquer iin bandage
roulé comprèssif sur un membre, il faut avoir
soin de commencer la compression à l'extré-
mité la plus éloignée, en se rapprochant du
tronc. V. UANDfl.
4l<> Bandage croisé ou en 8 de chiffrb.
Dans ces bandages, les jets de bande s'entre-
croisent en un ou plusieurs points. On les ap-
plique sur diverses parties du corps, mais plu.;
spécialement aux jointures des membres et ;i
quelques parties du tronc. Le chevêtre, bandage
croisé de la tête, était très-souvent employé
autrefois dans les cas de fracture de la mâ-
choire inférieure. Il se compose de jets do
bande du cou au front et du cou au menton, s'en-
tre-croisant avec des jets verticaux du som-
met de la tête au-dessous du menton. Il y a
ainsi croisé de bandes aux tempes de chaque
côté, à la partie latérale droite et gauche du
menton et a la nuque du cou. Une seule bando
suffit à ce bandage compliqué, qui représente
trois cercles en des plans différents. Le croisé
de l'aisselle et du cou embrasse par une boucle
l'aisselle et par l'autre le cou: c'est un S do
chiffre dont les branches se croisent au-dessus
de l'épaule. l,e croisé de l'épaulé à i'm'ssetle est
un autre 8 de chiffre dont une Ijoucie ceint Ut
poitrine sous l'aisselle, et l'autre l'épaule, en
lassant sous l'aisselle opposée. Il est employé
a maintenir les pansements dans les plaies de
l'aisselle et demande une bande de sept a huit
mètres. Le croisé antérieur et le croisé posté-
rieur des épaules sont des bandages en 8 de
chiffre plus réguliers; l'entre-croisement a lieu
en avant et reproduit l'apparence des buffie-
teries d'un militaire, ou en arrière du dos. Il
ramène les épaules en avant ou en arrière et
est applicable à certaines lésions des articu-
lations de l'épaule, aux fractures des côtes et
de l'omoplate. Le quadriga, employé dans les
mêmes cas, n'est qu'un croisé de la poitrine
plus complet. Les croisés d'une et des deux
mamelles sont tout à fait inusités aujourd'hui.
Leur nom indique leur disposition. C'est en-
core un 8 de chiffre dont les boucles embras-
sent, l'une.le cou, l'autre l'aisselle, tandis que
l'entre-croisement s'opère sous le sein et le
relève. Le croisé de la poitrine et du bras est
d'un emploi plus fréquent en chirurgie, dans
les cas de luxations du bras. Ses boucles em-
brassent , l'une la poitrine en _ se dirigeant
obliquement, l'autre le coude ; l'entre-croise-
ment se fait sur l'épaule du côté malade. Le
croisé de l'aine se fait à l'aide d'une bande qui
entoure le bassin d'une part, et d'autre part
la cuisse le long du pli inguinal. C'est un très-
bon bandage contentif des pansements de la
région inguinale. Le croisé de l'avant-bras
forme un 8 de chiffre dont les boucles se réu-
nissent en avant du pli du coude, et qui sert
à maintenir une compresse après la saignée
du bras. Le croisé du genou est fort analogue
par sa forme au précédent; indiquer le lieu de
son application, c'est faire connaître sa dispo-
sition. Le croisé du cou-de-pied sert à la suite
des saignées de la veine saphène près de la
malléole externe ; le point d'entre-croisement
de ce 8 de chiffre répond au cou-de-pied, et
les anneaux, au pied et à la jambe. Ce ban-
dage porte le nom d'étrier lorsqu'on a laissé
pendre au côté externe du pied le chef initial
de la bande, et qu'on croise obliquement ce
chef, soit en passant derrière le talon, soit en
passant vers ta pointe du pied. L'extrémité de
la bande ainsi ramenée vers la jambe est
nouée avec le chef terminal vers la malléole
externe. Une épingle ou quelques points à
l'aiguille valent beaucoup mieux et réussissent
à fixer la bande sans former une saillie in-
commode et inutile, qui empêche de chausser
le pied.
50 Bandages noués. Ceux-^i ne sont plus
employés, etle nœud d'emballeur {bandage noué
de Gerdy), le seul que l'on décrive encore
comme moyen de compression après la sai-
gnée de l'artère temporale, paraît plus dan-
gereux qu'utile. On le pratique avec une
bande roulée k deux globes égaux ; le plein
de la bande, porté sur la partie de la tête op-
posée à la plaie, Sert à faire, en commentant,
deux circulaires horizontaux, puis on croise
les jets des deux globes de la bande à leur
point de rencontre sur la plaie, et, les renver-
sant l'un sur l'autre, en changeant leur direc-
tion, on fait autour de la tête un circulaire
vertical que l'on vient croiser au même point.
Par ces alternatives de jets de bandes succes-
sivement horizontaux et verticaux, on exerce
dans le point où les noues se superposent une
compression assez forte".
6° Bandages récurrents ou capelines. Ils
sont composés avec des bandes à un ou deux
globes et ont ce caractère spécial que les jets
de bande reviennent en quelque sorte sur eux-
mêmes pour composer un bandage en forme
de coiffe ou de calotte ; on s'en sert pour main-
tenir les pièces du pansement autour du moi-
gnon des membres amputés. Dans ce cas, la
bande est à un seul globe. On place d'abord
les jets récurrents à côté l'un de l'autre de
manière à coiffer le moignon, en les mainte-
nant avec une main ; pour terminer le bandage,
le reste de la bande est employé à faire au
collet du moignon des circulaires qui servent
à assujettir définitivement les récurrents. La
capeline de la tète, fort employée autrefois, se
fait de la même façon, mais avec une bande à
deux globes, dont l'un forme les récurrents,
et l'autre les circulaires qui servent a fixer
l'un après l'autre les jets récurrents. La tête
est ainsi recouverte d'une sorte de coiffe
rayonnée,d'un aspect assez agréable. La cape-
line de l'épaule est complètement abandonnée,
7° Bandages pleins. On fait ces sortes de
bandages avec des pièces de linge qu'il est
facile de trouver partout, des mouchoirs, des
148
BAN
BAN
BAN
BAN
serviettes, des cravates, des pièces d'étoffe
carrées, rectangulaires ou triangulaires, etc.
Dès l'année 1826, M. Gerdy avait déjà fait re-
marquer les avantages de cette catégorie de
bandages simples ; Matbias Mayor, chirurgien
de Lausanne, a voulu les substituer à toutes
les autres espèces de bandages, et en a fait
un véritable abus; enfin M. Rigal de Gaillac
s'est proposé d'établir tout un système de dé-
ligation fondé sur un principe analogue à
celui de Mayor. Ces bandages pleins ont, en
effet, un avantage incontestable, la simplicité,
outre qu'on se les procure plus facilement.
Un mouchoir est plus tôt trouvé qu'une longue
bande, et il ne maintiendra pas moins bien les
pièces d'un pansement simple. Mais dès qu'il
faudra exécuter un pansement" un peu moins
simple, quand surtout une constriction devra
être exercée sur un point un peu douloureux,
les nœuds qui servent à fixer les angles des
mouchoirs, les plis qu'ils forment nécessaire-
ment, pourront augmenter ou faire naître la
douleur et empêcheront une pression égale et
uniforme, surtout quand la surface, à revêtir
aura une grande étendue. Le chirurgien doit,
en conséquence^ user et non abuser des ban-
dages pleins, qui présentent k la fois de grands
avantages et de grands inconvénients. Nous
allons faire connaître les principaux.
Le bandage de corpi est formé d'une pièce
de gros linge, souple et demi-usé, de trois
quarts de mètre à un mètre-ou plus de lon-
gueur. Du milieu de l'un des côtés, appelé
bord supérieur, partent des scapulaires, c'est-
à-dire deux bandes qui, fixées obliquement
ensemble à la façon des bretelles, sont desti-
nées à être ramenées d'arrière en avant sur
les épaules, et assujetties de nouveau en avant
du bandage, pour 1 empêcher de glisser et de
descendre. Ce bandage est employé très-fré-
quemment pour recouvrir la poitrine et l'ab-
domen, et sert à soutenir des pièces de panse-
ment, à maintenir les côtes fracturéeSj etc.
La pièce de linge principale est, le plus ordi-
nairement, une serviette. Lorsque ce bandage
est placé sur l'abdomen, on l'assujettit quel-
quefois par des sous-cuisses, pour l'empêcher
de remonter. L'écharpe est une serviette pliée
en triangle et destinée k soutenir le bras, l'a-
vant-bras ou la main, en se nouant derrière
le cou. Cette disposition est généralement trop
connue pour qu il soit utile d'y Insister. La
petite écharpe est une compresse pliée en trois
sur sa longueur et assujettie par ses deux ex-
trémités, appliquées l'une sur l'autre, aux
vêtements au blessé, La boucle ainsi formée
reçoit la main ou le poignet du bras malade.
Le bandeau, la cravate , la mentonnière sont
plus connus et plus souvent employés dans les
plaies du front, du cou ou de la face, dans les
affections des yeux et les luxations de la mâ-
choire inférieure. Le grand couvre-chef, qui a
joui autrefois d'une grande célébrité, est tout
a fait abandonné aujourd'hui : c'est une ser-
viette disposée de manière à faire une capeline
sur la tête. Ce bandage, bien que très-ingé-
nieux, est irrégulier, d'un aspect désagréable
et, comme disent les chirurgiens, hérissé de
godets, lorsque le linge dont on se sert est un
peu épais. La pression qu'il exerce est tou-
jours inégale; cependant il est juste d'avouer
qu'il est doué d'une grande solidité.
8» Bandages unissants ou incarnatifs.
Par -remploi des bandages unissants, on se
propose de réunir et de rapprocher au con-
tact les deux lèvres d'une plaie résultant
d'une coupure accidentelle ou d'une opération
chirurgicale. On les emploie aussi pour rap-
procher certaines parties profondes séparées :
les deux portions de l'os de la rotule fracturée,
l'olécrâne séparé de l'os cubital, le tendon
d'Achille arraché du calcanéum, etc. Les ban-
dages unissants des plaies longitudinales,
c'est-à-dire de celles qui sont parallèles à
l'axe des membres ou du tronc, sont appli-
qués au front, à la lèvre supérieure après l'o-
pération du bec-de-lièvre ; k la poitrine et à
l'abdomen, et enfin aux membres. On les pré-
pare de la manière suivante : on prend la
mesure de la circonférence de la partie du
corps qu'on veut entourer d'un bandage unis-
sant, et on reporte cette mesure sur une
bande dont la largeur est proportionnée à la
plaie. On divise alors l'un des chefs de la
bande en deux ou trois lanières qui doivent
répondre à autant de boutonnières pratiquées
sur l'autre chef, de sorte que, lorsque les
lanières sont passées dans les boutonnières
jusqu'à leur naissance, la boucle qui forme
le plein de la bande est exactement la cir-
conférence de la partie à laquelle on veut
appliquer le bandage. On voit, d'après cette
description, qu'il n'y a qu'à entourer la partie
malade de la bande préparée, et, en tirant sur
les deux chefs, comprimer ou rapprocher la
peau sur laquelle la bande adhère par la pres-
sion. On peut une seconde fois recommencer
cette invagination , mais le plus ordinairement
des circulaires dans le même sens suffisent
pour assurer la solidité du bandage. Ce ban-
dage unissant est simple et facile, ne forme
aucun pli lorsque les boutonnières sont suffi-
samment larges, n'adhère pas à la peau et ne
manque pas de solidité ; aussi serait-il beau-
coup plus employé s'il n'était avantageusement
remplacé par des bandelettes agglutinatives.
Les bandages unissants des plaies en travers
s'appliquent aux plaies et lésions perpendicu-
laires à l'axe des membres et sur ces mêmes
parties. Ils sont plus compliqués. Deux tron-
çons de bandes reçoivent, l'un les bouton-
nières, l'autre les lanières. Ces bandes sont
fixées , l'une d'un côté , l'autre de l'autre
côté de la plaie, à quelque distance de la
lésion, par une bande circulaire. Par-dessus
chacun des circulaires, on remplie à plusieurs
reprises le chef que l'on veut fixer, et on
lut donne ainsi une solidité qui permet une
certaine traction. Les bandes unissantes ainsi
fixées, on passe les lanières dans les bouton-
nières et on tire sur les chefs libres jusqu'à ce
que les lèvres de la plaie soient réunies au
degré voulu. De nouveaux circulaires fixent
les extrémités ainsi entre-croisées des bandes
unissantes, et enfin, c'est encore par des cir-
culaires qu'on achève le pansement, en recou-
vrant le tout du bandage roulé.
9° Liens. On dorme ce nom à de petits ru-
bans , plus ou moins étroits qu'on ne peut
appliquer k titre de bandes, et qui ne forment
jamais un bandage proprement dit. Ils sont
accessoires dans les bandages compliqués et
servent à contenir et fixer les autres pièces
du bandage; tels sont les sous-cuisses; ils
sont aussi quelquefois employés seuls. Le
petit ruban auquel on attache une sonde à
demeure par son extrémité libre est un- lien
qui sert a fixer l'instrument dans la position
'que le chirurgien veut lui voir conserver.
II. — Bandages composés. Ils diffèrent de
ceux que nous venons de décrire en ce qu'ils
ne peuvent être appliqués extemporanément;
ils demandent une préparation plus ou moins
longue. Le linge tin, solide, demi-usé , est
toujours l'élément principal de ces bandages ;
rarement il s'y trouve quelques parties acces-
soires. C'est la forme qu'ils affectent qui sert
à les distinguer, conformément au tableau que
nous avons donné ci-dessus. Nous décrirons
les principaux : ;
1<> Les BANDAGES EN CROIX , EN X ET EN T
sont des bandages à plusieurs chefs, formés de
bandes cousues ensemble et affectant les dis-
positions diverses que leurs dénominations
mêmes tendent à rappeler. Le bandage en T,
le plus employé, est formé d'une première
bande horizontale, sur le milieu de laquelle on
fixe l'extrémité de deux autres bandes dispo-
sées parallèlement. Ce bandage est générale-
ment employé pour les affections de l'anus.
La bande horizontale embrasse le bassin et
les deux autres bandes perpendiculaires à la
première, et qui doivent se trouver en arrière
et sur la ligne médiane, passent au-devant du
périnée et sont ramenées au-devant du scro-
tum ou de chaque côté , pour se fixer .sur
l'abdomen. On les assujettit à la première
bande horizontale.
Les bandages carrés appartiennent au même
type. Ce sont des pièces de linge quadrangu-
laires, auxquelles on fixe deux longues bandes
parallèles. On emploie ces bandages comme
moyens contentifs des pansements dans la ré-
gion de l'aine. La bande du bord supérieur du
carré entoure le bassin ; celle du Dord infé-
rieur entoure la cuisse. Le bandage triangu-
laire se compose d'une pièce de linge taillée
en triangle et d'une bande assez longue pour
faire une fois et demie le tour du bassin,
cousue par son plein k un des côtés de la pièce
triangulaire; une seconde. bande est attachée
par une de ses extrémités à l'angle resté libre
au bandage. Cette seconde bande passe sous le
pli de la cuisse et rejoint en arrière la cein-
ture formée par la première. Ce petit bandage
s'applique également bien dans le traitement
des lésions de l'anus, et il est d'un emploi com-
mode.
2° Frondes. Ces bandages représentent une
fiièce de linge ordinairement plus longue que
arge et partagée, à ses extrémités, par des
entailles plus ou moins profondes , en un cer-
tain nombre de chefs. La fronde du menton est
formée d'une pièce de linge fendue en quatre
chefs. On applique sur le menton le plein du
bandage, et 1 on en dirige les deux chefs su-
périeurs vers la nuque" pour les y croiser et
les ramener autour du front, où on- les fixe.
Les chefs inférieurs embrassent le dessous du
menton et sont conduits verticalement sur la
tête, d'où on les reporte , en les croisant , au-
dessous du menton pour les y attacher. Le
bandage des pauvres ou de Galien est une
fronde à six chefs, que l'on applique comme
moyen contentif sur la tête. C est une pièce
"de linge assez large, dans«tous les sens, pour
faire une fois et demie le tour de la tête ; di-
visée , dans son sens le plus large , en trois
chefs de chaque 'côté. Le bandage, ainsi pré-
paré est posé transversalement sur le sommet
de la tête, de manière que les chefs regardent
de chaque côté en dehors ; on croise sous le
menton les extrémités des chefs moyens, et
on les noue ou on les maintient avec des
épingles, en les croisant de chaque côté. Les
chefs antérieurs sont dirigés horizontalement
vers la nuque, où on les fixe de la .tiême ma-
nière ; les chefs postérieurs sont portés vers
le front. D'autres frondes sont appliquées à
divers pansements ; telles sont les frondes de
l'aisselle, du genou, etc.
3» Les BANDAGES EN GAINE, EN BOURSE,
lacés, bouclés, etc., sont des appareils très-
communément employés, mais dont la forme
varie suivant les indications auxquelles le
chirurgien doit répondre. Nous nous conten-
terons de signaler le suspensoir, petit sac des-
tiné à soutenir les bourses dans des cas d'en-
forgement aigu ou chronique du testicule,
'urétrite ou de varicocèle. Les -gaines ou
bandages vaginiformes sont des bandages pré-
servatifs en forme de fourreau, servant à
maintenir les pièces de pansement sur des or-
ganes étendus en longueur, la verge, les
doigts, les orteils.
40 A la division des bandages lacés et bou-
clés se rapportent les corsets appliqués comme
moyens contentifs dans les fractures de côtes,
les luxations de l'épaule et d'autres lésions
du tronc ou voisines du tronc. Les bas lacés
sont des bandages de même ordre appliqués
aux jambes pour contenir les varices ou faci-
liter la guérison des ulcères variqueux et
d'autres lésions des membres inférieurs. Les
ceintures hypogastriques , que l'on applique
sur le ventre dans les :as de grossesse, de
tumeurs abdominales, de hernies ombilicales,
d'ascite, etc., sont en quelque sorte des cor-
sets abdominaux.
Nous sommes bien éloignés d'avoir énu-
méré toutes les formes possibles que peuvent
affecter les bandages, et tous leurs modes d'ap-
plication ■ nous avons toutefois indiqué ceux
qui sont le plus communément employés dans
la pratique ordinaire. Il se présente, dans
l'exercice de la chirurgie et d'une manière
très - fréquente', des indications inattendues
auxquelles il est impossible de satislaire avec
les bandages connus; c'est ici que tout chi-
rurgien est appelé à créer de nouvelles com-
binaisons et a. faire face aux exigences im-
prévues.
III. — Dnndngcs mécaniques. Ils diffèrent
des précédents en ce qu'il entre dans leur
composition, non-seulement du linge et des
bandes, mais différentes pièces de bois', de
métal, de. cuir, de caoutchouc,. etc. Ils ne sont
jamais instantanés; ils nécessitent une prépa-
ration préalahle, et le plus ordinairement sont
fabriqués à l'avance pour des besoins prévus.
A cette classe appartiennent des appareils de
structure et de nature si diverses, qu'il est
difficile de les diviser avec quelque méthode.
Nous nous contenterons de dénommer et de
décrire ceux qui sont de l'emploi le plus com-
mun dans la pratique chirurgicale.
10 Bandages contentifs des fractures.
A la suite des fractures des parties osseuses,
la conduite du chirurgien est toute tracée en
deux mots : 1» Remettre en rapport direct
les extrémités des fragments (réduction, coap-
tation); 20 maintenir la coaptation par un
bandage contentif. Le bandage doit donc s'op-
poser au déplacement des fragments osseux
et les assujettir dans leur position normale.
En raison de la diversité des organes blessés,
du siège que peut affecter la fracture, des
complications qui peuvent l'accompagner, etc. ,
on a dû nécessairement imaginer un grand
nombre d'appareils de contention ayant pour
but de répondre à toutes les indications qui
peuvent se présenter, ou de rendre plus sim-
ples ou plus efficaces les appareils déjà con-
nus. Les éléments de ces bandages sont très-
nombreux : des bandes, des compresses, des
coussinî de ouate ou de balle d'avoine, de
gi-andes pièces de linge (draps, fanons, porte-
attelles) ; des lattes de bois, de fer-blanc, de
carton, droites et courbes (attelles) ; des tiges
d'osier entourées de paille (vrais fanons) ; des
linges plies et cousus en plusieurs doubles
pqur suppléer aux attelles (faux fanons) ; enfin
des rubans et des lacs; tels sont les maté-
riaux nombreux employés à la confection des
bandages contentifs des fractures.
Bandage roulé spiral. Il ressemble au ban-
dage spiral et n'en diffère que par la présence
des attelles. Ce bandage est suffisant pour
contenir les fragments dans les fractures du
bras et de l'avant-bras, lorsque les fragments
sont assez étendus en longueur. Des coussi-
nets, des compresses pliées, des morceaux de
liège peuvent être associés au bandage de
l'avant-bras et placés dans la gouttière inter-
médiaire aux deux os, pour les éloigner l'un
de l'autre, lorsqu'une double fracture tend à
les rapprocher. Dans tous les cas, la com-
pression du bandage roulé doit commencer à
la main. On peut le rendre inamovible en l'ap-
pliquant enduit de dextrine ou de colle d'a-
midon. 0
Bandage de Seultet. On ne saurait compter
sur l'efficacité du bandage spiral dans les
fractures des membres inférieurs. La néces-
sité de resserrer à chaque instant, dans sa
totalité, une bande qui se relâche très-facile-
ment, et l'impossibilité d'arriver à ce résultat
sans déplacer continuellement les fragments,
firent rejeter l'emploi des bandes simples pour
y substituer celui des appareils à bandelettes.
Le bandage de Seultet est très-complexe et
s'applique aux fractures de la jambe et de la
cuisse. Le membre fracturé repose sur une
série de bandelettes imbriquées, assez longues
pour faire deux fois environ le tour du mem-
bre au point où elles sont placées. La fracture
étant réduite, deux aides opèrent l'extension
et la contre-extension du membre pour s'oppo-
ser au chevauchement des fragments avant
l'achèvement du pansement, et le chirurgien
procède à l'application des bandelettes. Com-
mençant par l'extrémité inférieure de lajambe,
chaque bandelette s'enroule isolément autour
du membre, au point où elle répond; chacune
à son tour ayant décrit le cercle complet, on
a obtenu, sans déranger le membre, un véri-
table bandage aussi serré qu'on peut le dési-
rer et qui a. tout à la fois, l'apparence et la
solidité du bandage spiral. Cette première
application de bandes s'étend jusqu'à l'articu-
lation placée au-dessus du point de la fracture.
De longues attelles de bois, légères, de lar-
geur et de longueur convenables, viennent
alors s'appliquer sur les parties latérales du
membre. Elles sont roulées dans les bords
latéraux d'un drap fanon et approchées de la
jambe à une médiocre distance; l'intervalle
est rempli avec de légers coussins de balle
d'avoine. Il ne reste plus alors qu'à appliquer
sur la face antérieure du membre les attelles
et les coussins que le cas peut exiger ; puis :i
serrer le tout avec des lacs, dont les nœuds
solides s'appliquent sur ces attelles ou ces '
Coussins. Le pied est resté en dehors de l'ap-
pareil et doit être garni à son tour d'un ban-
dage roulé spiral simple, destiné h empêcher
le gonflement. On a compris que toutes les
pièces de cet appareil, préparées et disposées
a l'avance, étaient glissées lestement sous la
jambe malade; de telle sorte que, pendant
toute la durée de l'application du bandage, il
n'y a pas lieu de déranger le membre. Si l'on
juge que la contention des fragments n'est pas
suffisamment assurée par lu. constriction de
l'appareil, on peut ajouter au bandage un des
'appareils à extension continue dont nous par-
lerons tout à l'heure. On voit que les avan-
tages importants de l'appareil âe Seultet ré-
sident dans la faculté que conserve le chirur-
gien de faire et de défaire le bandage, de
surveiller la fracture chaque jour, de panser
facilement les plaies qui peuvent la compli-
quer, etc., sans déranger les fragments, c'est-
à-dire sans occasionner du douleur au malade,
sans compromettre la consolidation.
L'appareil ou bandage à dix-huit chefs est
peu employé. On le prépare avec trois pièces
de linge superposées,'de la hauteur du membre
fracturé et d'une .largeur assez grande pour
en faire. une fois et demie le tour. Chaque
pièce de linge est divisée de chaque côté en
trois chefs, par deux sections transversales
qui n'en atteignent pas le plein ou la partie
centrale, et l'on obtient ainsi dix-huit chefs,
ou neuf à droite et neuf à gauche. L'applica-
tion est la même que pourl'«/)parei7 de Seultet.
.Le bandage à dix-huit chefs a l'avantage de
se déranger moins facilement que celui de
Seultet; mais la constriction qu'il exerce est
plus, irrégulière, et il n'est pas permis de
changer une partie de l'appareil sans enlever
une pièce entière. L'appareil de l'Uôtel-Bieu
n'est qu'un bandage de Seultet dont toutes les
bandelettes sont réunies par une couture lon-
gitudinale. Les bandelettes ne peuvent ainsi
être changées isolément, et ce désavantage a
fait abandonner ce bandage comme le pré-
cédent.
Le bandage de Pott est identique au pré-
cédent.
Les bandages contentifs des fractures, et
ceux qu'on applique après là réduction des
luxations pour s'opposer à la reproduction de
l'accident, sont fréquemment empruntés à la
série des bandages croisés en 8 de chiffre,
simples et doubles. Le bandage ou appareil de
Desault, qui trouve un emploi fréquent dans
les fractures de la claviculern'est qu'un croisé
en g de chiffre, disposé de manière a attirer en
dehors le fragment externe pour empêcher le
chevauchement, et à le mettre en rapport
permanent avec le fragment interne. A ce
bandage, qui ne semblait pas remplir les indi-
cations auxquelles il devait répondre, Boyer
substitua un appareil ingénieux qui porte son
nom, mais qui n'est pas exempt des défauts
qu'on reprochait au premier. Mayor, de Lau-
sanne, y a "substitué une sorte uîécharpe, et
M. Velpeau un bandage élégant, qui n'est
qu'un croisé en 8 de chifire appliqué à l'épaule.
Les fractures des os de petite dimension et
les luxations des articulations de ces mêmes
os demandent des bandages croisés identiques
à ceux dont nous avons parlé plus haut.
Bandages inamovibles. Les pansements fré-
quents ont pour avantage, dans les cas de
fracture, de permettre- au chirurgien de sur-
veiller la position des fragments, et de les re-
placer dès qu'ils se sont écartés de la position
qu'ils doivent conserver. Mais dès qu'un com-
mencement de consolidation s'est opéré, ou si
la fracture est remise dans* des conditions
telles .qu'il est permis de ne pas attendre do
déplacement, il y a avantage à supprimer les
pansements fréquents et à rendre le bandage
contentif immobile, et, pour ainsi dire, sem-
blable à un moule qui emboîte la partie frac-
turée. Tous les bandages dont nous avons
parlé peuvent être rendus inamovibles ; il
suffit de les imprégner d'une substance molle
capabla de durcir par la dessiccation, telle que
la colle de dextrine ou d'amidon, le plâtre
gâché avec de l'eau, du blanc d'œuf, etc.
Nous avons déjà parlé de ces bandages, sous
le nom qui leur est plus communément donné,
d'appareils inamovibles.
Les bandages à extension continue sont aussi
le plus ordinairement des appareils compli-
qués qui ont été décrits en leur lieu. V. Ap-
pareils.
20 Bandages contentifs k plaques. C'est
à ce type que se rapporte le serre-bras, petit
bandage mécanique destiné à assujettir le panr
sèment des vésicatoires et des cautères du
bras. Il est formé d'une plaque de métal .en.
forme de portion de cylindre, qui se continue"
par un de ses bords avec une pièce de tissu
élastique ou de coutil doublé intérieurement
d'une étoffe imperméable. Cet appareil con-
tient le pansement et se ferme sur lui par
l'intermédiaire de boucles, d'agrafes ou do
lacets.
BAN
BAN
BAN
BAN
149
3° Bandages a ressorts. Les bandages
mécaniques dans lesquels on utilise la force
compressive de ressorts en acier sont très-
nombreux. Beaucoup de ces appareils ne mé-
ritent cependant pas le nom de bandages; tels
sont principalement les appareils employés
dans le traitement orthopédique pour le re-
dressement des difformités (v. Orthopédie);
tels sont encore les bandages herniaires ou
brayers, qui sont appliqués à la contention des
hernies de l'abdomen et dont nous nous occu-
perons dans un autre article (v. Brader)
Hernie) ; tels sont enfin les appareils employés
à exercer une compression sur le trajet des
artères ou autour d'un membre, dans ie but
d'arrêter une hémorragie. La dénomination de
bandage ne saurait leur être attribuée que par
une extension mal justifiée ; le nom d'appa-
reils de compression doit, à plus juste titre,
leur être réservé. V. Compression.
— Art vétér. On appelle bandages des mor-
ceaux de flanelle de 4 à 6 m. de longueur, sur
0 m. 10 a 0 m. 15 c. de largeur, munis d'atta-
ches à une extrémité, que l'on applique sur
les membres des chevaux, dans le Dut de
conserver aux. rayons inférieurs de ces mem-
bres toute leur intégrité, et de prolonger, par
conséquent, la durée des services d'animaux
d'un prix élevé. Pour appliquer ces bandages,
on commence par faire deux plis autour du
paturon contre le sabot, et en montant on
contourne le reste en spirale autour du mem-
bre. Chaque pli nouveau doit recouvrir le bord
du précédent jusqu'au genou ou jusqu'au jar-
ret, sans dépasser ces parties, dont les. mouve-
ments seraient gênés par le bandage. La sur-
face recouverte par la bande doit être égale-
ment pressée dans toute son étendue. Pour
que cette pression soit convenable , il faut
qu'on puisse passer le doigt entre la flanelle
et la peau. On fixe la bande sous le genou au
moyen des attaches qu'elle porte. Quand les
jambes sont humides ou froides, on met les
bandes à l'état sec. Alors elles absorbent
l'humidité et conservent la chaleur naturelle.
On enlève ces bandes dès que les membres
sont séchés, et avec les mains on fait une
friction sur les parties. Lès bandes sèches ne
doivent être que médiocrement serrées ; trop
serrées, elles retiennent moins la chaleur. Les
bandages sont plus rarement appliqués à l'état
mouillé. Cependant les Anglais, qui leur ac-
cordent la préférence, disent qu'ils conservent
la chaleur, réduisent ou préviennent les en-
gorgements des membres et combattent l'in-
flammation qui tend à se manifester après de
grandes fatigues. Donc, chez les chevaux
sujets à souffrir des tendons des extrémités,
ces bandages doivent être appliqués après un
travail violent. On plonge les bandes de flanelle
dans l'eau tiède on dans des décoctions émol-
lientes, et l'on en serre les plis, plus qu'à l'état
sec. La chaleur et l'humidité se conservent
assez longtemps pour calmer ou prévenir la
souffrance des membres. Les chevaux qui se
couchent avec les bandages doivent les con- ,
server pendant la nuit; mais il faut que les
bandes restent humides. Un-bandage sec, sur
une jambe en inflammation, ne peut produire
que de fâcheux effets, car il conserve la cha-
leur sans exciter la transpiration, qui fait
disparaître cette inflammation. Rarement, les
jambes de derrière ont besoin de bandages
mouillés. Si l'explication physiologique n'est
pas tout à fait satisfaisante, la règle est sanc-
tionnée par l'expérience, et cela doit suffire.
— Arboric. Toutes les fois que, par suite
d'un accident quelconque, une branche est
tordue ou brisée, sans être entièrement sépa-
rée du tronc, on peut la conserver au moyen
d'un bandage.
On rapproche aussi habilement que possible
les parties l'une contre l'autre, avant qu'elles
aient été flétries par le hâle, et l'on met tout
autour de la plaie une couche épaisse de bouse
de vache sur laquelle on étend quelques chif-
fons. Ce premier bandage est rendu plus solide
par un second, que l'on fait avec des cordes
ou des tiges d osier. Ensuite, afin que les
branches ne soient pas de nouveau ébranlées,
on leur, donne un support. Le plus souvent,
ces précautions suffisent pour assurer la re-
prise, qui se fait plus ou moins rapidement,
selon les saisons.
BANDAGISTE s. m. (ban-da-ji-ste — rad.
bandage). Individu qui tait ou vend des ban-
dages.
— Adjectiv. Qui faitou vend des bandages:
Duvrier, marchand, chirurgien bandagiste.
BANDANAS s. m. (ban-da-na). Comm.
Nom donné, dans l'Inde, à des mouchoirs
rouges à dessins blancs, que l'industrie eu-
ropéenne n'est parvenue à imiter qu'en 1S22.
L'Anglais Monteith, qui réussit alors le pre-
mier à les fabriquer, dut à cette fabrication
une fortune considérable.
BANDARIM ou BANDABINO (Marc), poète
italien, né k Padoue, vivait dans le xvie siè-
cle. Il a laissé des poèmes et des poésies di-
verses : I due primi canti di Mandricardo
innamurato (Venise, 1535) ; YImpresa di Bar-
barosso contra la città di Cattaro, poème
(1543); Sonetii (1547); le duc Giornate...
(1556J, etc.
BANDARRA (Gonzalo), poète et cordonnier
portugais, qui, vers le milieu du xvic siècle,
composa des poésies allégoriques et patrio-
tiques dont le succès fut prodigieux. L'in-
quisition s'en émut et condamna le poète à
figurer comme pénitent dans un auto-da-fé
(1541). 11 mourut à Lisbonne en 1556. Lorsque
le Portugal secoua lejoug de l'Espagne (1640),
les couplets de Bandarra, où la résurrection
de l'indépendance nationale était prophétisée,
acquirent une nouvelle importance et devin-
rent comme une sorte de livre sacré pour les
patriotes portugais. Le marquis de Niza, am-
bassadeur de Jean IV en France, en publia
une édition à Nantes en 1646 avec de curieux
commentaires. On croit que ces poésies ont
été modifiées.
bande s. f. (ban-de — Ce mot dérive de la
racine indo-germanique qui signifia primiti-
vement lien; on allem., binden, attacher.
Cette racine se- retrouve principalement
dans les langues indo - germaniques : en
sanscrit, bend/ion, attachant, ami ; en pehlvi,
bavend , bund , attaché , bande, achevé ; on
zend, beandao, attacher ensemble, réunir ; en
persan, beslen, bend, attacher, attache ; en al-
lemand, band, bande, binden, bund, lien, ruban,
attacher, alliance, etc.). Objet plat, mince,
long et plus ou moins flexible, que l'on ap-
plique sur un autre pour l'assujettir, ou le
fortifier, ou le couvrir en partie : Une bande
de papier, de toile, de cuir, de fer. Coller une
bande. Attacher avec une bande. Lier, en-
tourer d'une bande. Mettre un journal sous
bande. Mettre une bandr sur une affiche, pour
cacher une partie de ce qui estUmprimë et in-
diquer un changement dans le programme.
Consolider un coffre avec une bande de fer.
Mettre des bandes à une roue. Ces longues
bandes de parchemin , coloriées dans les tons
les plus durs, sont des cartes de géographie ou
de navigation. (G. Sand.) L'unique bande de
papier qui ferme ce journal se trouvait mal
posée ; il était évident que le portier l'avait lu.
(H. Beyle). S'il oubliait la bande de son jour-
nal sur une table, au lieu de la jeter, Madame
disait : René, laissez cela; Monsieur ne l'a
pas laissé là sans intention. (Balz.)
L'affiche, en proie aux curieux,
D'une bande traîtresse épouvante les yeux.
C. Delavighe.
— Par ext. Objet étroit et allongé dont la
forme rappelle celle d'une bande: Une bande
de terre, de gazon. Des trois bandes ourégions
qui divisaient devant nous laplaine d'Athènes,
nous traversâmes les deux premières. (Cha-
tcaub.) La bande tranchée par la charrue ne
peut se retourner convenablement qu'autant
qu'elle est un peu plus large que haute. (Math,
de Dombasle.)
— Archit. Membre légèrement saillant et
allongé, qu'on voit dans les architraves, les
chambranles, les impostes, etc. : Le nombre'
des bandes et leur disposition dans les archi-
traves varient suivant les différents ordres.
(Millin.) On les appelle aussi fasces. il Bos-
sage dont on orne quelquefois le nu des co-
lonnes. On en voit au Louvre de, très-nom-
breux exemples. Il Bande lombarde, Pilastre
peu épais qui, dans certaines constructions
romaines, fait saillie sur le nu du mur, sert
de contre- fort, supporte une arcade en plein
cintre, etc.
— Constr. Bandeau au pourtour ou dans
un trumeau de croisée, dans les constructions
en briques, il Bandes de trémie, Barres dp fer
plates que l'on dispose en travers de l'ouver-
ture quadrangulaire ménagée dans la char-
pente d'un plancher, à la place d'un foyer de
"cheminée.
— Astr. Nom donné à des zones qui en-
tourent certaines planètes.
— Mar. Toile goudronnée que l'on applique
sur les coutures d'un navire, il Flanc, coté du
navire : bande du nord, du sud. Les vents
étaient à la bande de l'est. (Villottc.) Si bâ-
bord et tribord ont prévalu dans le vocabulaire
maritime, le mot bande n'a point été rejeté
tout à fait pour cela. (A. J.al.) Il Donner à la
bande ou de la bande, S'incliner sur le côté :
L'arrimage avait été mal fait, et le navire,
conséquemment , donnait de la bande. (Bau-
delaire). Si un vaisseau donne a la bande,
lorsque le temps est beau et que la voilure n'est
pas exagérée, c'est qu'il manque de la stabilité
sans laquelle il est exposé aux plus grands dan-
gers. (A. Jal.) il Mettre à la bande, d la demi-
bande, Incliner plus ou moins un navire sur
le flanc : Quand on veut nettoyer un vaisseau
ou, comme on dit, l'espalmer, on le couche sur
un de ses flancs, on le met à la bande, en pas-
sant des poids d'un côté à l'autre. (A. Jal.) il
Toucher à la bande, Se coucher sur le côté. Il
Passer. à la bande, Garnir les haubans et les
vergues de matelots, pour saluer de la voix.
il Larguer en bande, En parlant d'une ma-
nœuvre, la haler et la lâcher subitement, au
lieu de la filer, il Amener en bande, Amener
promptoment. Il Bande de sabords, Rangée,
file de sabords, il Bande de ris, Renforts de
toile très-étroits, cousus sur les huniers, pour
donner plus de corps aux voiles à l'endroit
où passent les garcettes.
— Pêch. et'chass. Partie longue et étroite
d'un filet : Filet d'oiseleur à une bande, à
deux bandes, ti Espèce d'aile que l'on ajoute
quelquefois à un filet de pèche.
— Mus. Portée de quatre lignes, usitée
dans le plain-chant.
— Typogr. Chacune dos lames de fer poli
sur lesquelles on fait couler le train.
— Métrol. Petit poids d'environ 60 gr., en
usage sur la côte de Guinée, pour pcsor'la
poudre d'or.
— Jeux. Rebord élastique qui entouré le
tapis d'un billard, il Grandes bandes, Celles
qui s'étendent dans la longueur du billard, il
Petites bandes, Celles qui s'étendent dans la
largeur. Il Jouer un trois bandes, un quaire-
bandas. Jouer un coup dans lequel là bille
doit toucher, trois, quatre bandes, avant de
caramboler, il Etre collé à la bande, Etre sous
la bande ou sous bande. Avoir sa bille tout
contre la bande, et, fig., Etre mis dans une
situation difficile, il Au trictrac, Bord de la
table percé de trous : Celui qtii jette les des
doit toujours leur faire toucher la bande de
l'adversaire.
— Art milit. Echarpe, et par ext. Bannière,
l'ccharpe du seigneur servant fréquemment
de bannière aux vassaux.
— Hist. EcharpodiStinctive des membres de
certains ordres, particulièrement des cheva-
liers de la bande, institués par Alphonse XI,
roi de Castille, pour combattre les Maures, et
qui portaient en sautoir, de l'épaule gauche
sous le bras droit, un imban ou bande de soie
rouge.
— Chir. Lanière de linge dont on se sert
pour enrouler certaines parties du corps :
De son flanc déchiré j'ai, d'une large bande,
Fermé, sous un lin pur, la blessure plus grande.
Lamartine;
Il Chef d'une bande, Chacune de ses extrémi-
tés, il Plein d'une bande, La bande entière
sauf les bouts, il Bande perforée, Celle dans
laquelle on a ménagé do petites ouvertures
ou boutonnières, il Bande roulée à un globe,
Bande roulée autour d'un seul chef et formant
un seul cylindre, il Banderoulée d deux globes,
Bande roulée autour de chacun de ses chefs,
et formant des cylindres juxtaposés.
— Anat. Partie allongée, étroite et apla-
tie : bande médullaire , bande ligamenteuse,
bande aponévrotique.
— Pàtiss. Chacun des cordons de pâte qui
se croisent sur un gâteau, n Bande de tour,
Long morceau de pâte dont on entoure une
pièce pour en maintenir les parties.
— Charcut. Bande de cervelas, Six cervelas
attachés bout à bout.
. — Techn. Bandes de selle, Pièces de fer que
l'on cloue aux arçons d'une selle. Il Bande de
garrot, Petite bande à l'arçon de devant, n
Bandes d'une glace, Les deux bords longs, par
opposition aux deux bofds courts, que l'on
appelle têtes : Les bavures des bandes et des
têtes servent à faire du calcin.
— Erpét. Bande blanche, Espèce de tortue
des Indes Orientales, il Bande notre,' Nom vul-.
gaire de la couleuvre d'Esculape.
— Ichthyol. Bande d'argent, Poisson du
genre clupe, de la Guyane.
— Entom. Bande rouge, Espèce de papillon.
Il Bande noire, Autre espèce de papillon.
— Blas. Une des sept pièces honorables du
blason, formée par deux lignes diagonales
qui vont de gauche à droite si l'on regarde
l'écu ; elle figure l'écharpe que le chevalier
portait et qui allait de son épaule droite à
son côté gauche. Sa largeur doit être celle
du tiers de l'écu : Maison d'Alsace : de
gueules à la bande d'or. Néanmoins il peut y
avoir plusieurs bandes sur l'écu; alors leur
largeur est diminuée, et dans ce cas elle est
toujours égale à celle des parties du champ
comprises entre ces bandes, qui changent de
nom et prennent celui de colices en bande.
La bande peut être chargée d'autres pièces
ou meubles, tels que fleurs, étoiles, etc. Fa-
mille de Sarrazih : d'argent, à la bande de
gueules chargée de trois coquilles d'or. Une
bande est d'ailleurs, comme les autres pièces
honorables, susceptible de recevoir un grand
nombre d'attributs caractérisés chacun par
unquajificatif spéoial ; elle peut être banda
accompagnée, bordée, brochante, bretessée, can-
nelée, dentelée, échiquetée, fretlée, fuselée,
losangée, ondée, treillissée, vivrée, etc. Fa-
mille de Cessac; d'argent à une bande de
gueules bordée de sable. Lorsque la bande ne
touche pas le haut de l'écu, elle prend le
nom de bastoigne. Il En bande, se dit des pièces
ou meubles de l'écu qui sont posés, dans le
sens do la bande. Famille de Harenc de la
Condamine : d'azur à trois croissants d'or
posés en bande.
— Encycl. Chir. La bande est l'élément
essentiel des bandages, indispensable au chi-
rurgien dans les pansements les plus simples
comme dans les plus compliqués. C'est ordi-
nairement avec de la toile qu'on fait des
bandes; cependant, on peut remplacer la toile
par le coton, la percale, etc. ; mais la bande
n'a pas «alors une résistance' suffisante. Les
bandes de laine sont trop épaisses, trop exten-
sibles, et échauffent trop inégalement la peau ;
cependant, elles s'appliquent mieux sur les
fiarties. L'élévation du prix de ces bandes est
a cause principale du peu d'emploi qu'on en
fait en France; elles sont plutôt en usage
en Allemagne. 11 faut ajouter que les banaes
de laine se salissent promptement, et ab-
sorbent facilement les miasmes putrides. Les
bandes en caoutchouc s'appliquent très -fa-
cilement; mais, trop sensibles aux varia-
tions de la température, elles ont été aban-
données, ne remplissant pas le but qu'on se
proposait. M. Garriel a voulu faire mettre en
usage les bandes en caoutchouc vulcanisé, qui
ne présentent pas, en effet, l'inconvénient de
se resserrer ou de se dilater par les change-
'ments de température ; mais , outre qu'elles
sont d'un prix élevé, elles ne présentent pas
4-dSwA ld» ATT^intA/var. /iâuiih«nl\ia0 **J* In n/i«/TA n a
toile ou de coton a l'inconvénient grave de se
distendre à la longue, la bande en caoutchouc,
outrepassant le but qu'on se propose, opère
une constriction douloureuse et permanente,
peu désirable dans la plupart des cas.
La bande est toujours d'une longueur très-
considérable par rapport a sa largeur; toute-
fois, une trop grande longueur rendrait l'ap-
plication fatigante pour le malade et difficile
pour l'opérateur. La largeur est un obstacle à
l'application exacte et élégante d'une bande;
aussi verra-t-on toujours les bons chirurgiens
choisir des bandes étroites. La largeur la plus
ordinaire est de trois travers de doigt; mais
elle doit varier selon l'application : ainsi, un
travers de doigt suffit pour les lèvres , les
doigts, etc.; on peut lui en donner quatre
quand on l'applique sur lé" tronc. La longueur
est très-variable, et le maximum arrive à 15 m.
Il est extrêmement rare qu'on atteigne ces
limites.
On prépare les bandes en coupant le linge à
fil droit, condition sans laquelle elles manque-
raient de régularité et s'effileraient d'une ma-
nière fort incommode. 11 est nécessaire de
retrancher les ourlets, et il est bon de surfiler
les bords de la bande. Les bandes d'une grande
longueur , celles de 15 m. par exemple , sont
composées de bandes rapportées qui doivent
êlre cousues ensemble a coutures plates ne
présentant point de saillie.
Dans une bande, les deux extrémités portent
le nom de chefs, le milieu s'appelle le plein.
Cette distinction nous permet de mieux com-
P rendre les principes théoriques qui dirigent-
application des bandes aux pansements. V.
Bandage.
Les bandes sont roulées à un ou deux globes,
c'est-à-dire à un ou d/3ux cylindres. Dans le
premier cas, un des chefs se trouve libre,
l'autre est au centre du rouleau. Dans l'autre,
les deux chefs sont au ceitre des deux rou-
leaux , lesquels sont réunis par la partie
moyenne de la bande, qui est le plein. Pour
rouler une bande, on plie plusieurs fois sur
lui-même un des chefs, de manière à former
un petit cylindre qui va servir d'axe ; cet axe
est saisi à chacune de ses extrémités entre le
f)Ouce et l'index de la main droite ; le plein de
a bande est à cheval sur le bord externe du
doigt indicateur de la main gauche, sur lequel
le pouce le fixe. L'annulaire et le petit doigt
de la même main maintiennent la bande soli-
dement dans la paume de la main gauche.
C'est alors que les deux doigts de la main
droite mettent le cylindre en mouvement ; il
roule sur son axe de droite à gauche, de sorte
que le plein de la bande s'enroule sur le pivot
central, comme là corde sur l'arbre d'un treuil,
jusqu'à ce. que la bande soit épuisée. Pour
rouler la bande à deux globes , chacun des
chefs servira de pivot initial à un cylindre.
Quand un globe a épuisé la moitié de la bande,
on l'arrête pour commencer à former l'autre
globe ; mais, comme ordinairement les globes
ont des diamètres inégaux, le premier empié-
tera plus ou moins sur la portion de la bande
destinée au second. Cette petite manœuvre,
habituelle aux chirurgiens, n'exclut pas un
certain degré d'élégance.
On applique les bandes sèches, ou bien on
les mouille soit avec de l'eau simple, soit
avec une solution médicamenteuse. Les bandes
mouillées sont d'une application plus facile et
plus exacte que les bandes sèches. On imbibe
souvent les bandes d'une colle d'amidon ou de
dextrine. On fait alors adhérer ensemble les
différents tours d'une bande, ce qui finit par
former un bandage d'une seule pièce, princi-
palement employé dans le traitement des frac-
tures. Les règles qui président à l'application
des bandes ont été exposées à .l'article ban-
dage ; nous ne reviendrons pas sur ce sujet.
— Astron. Trois planètes, Mars, Jupiter et
Saturne, présentent, chacune parallèlement à
son équateur, des ceintures linéaires, varia-
bles en largeur, en nombre et en éclat, aux-
quelles les astronomes ont donné le nom de
bandes. Ces bandes tantôt se rapprochent,
tantôt s'éloignent; quelquefois elles se brisent
et forment des taches. On les a attribuées à
la présence de nuages ou de masses fluides, qui
participeraient au mouvement de la planète.
BANDE s. f. (ban-de — de bande, bannière).
Troupe organisée pour combattre sous un
même drapeau : L armée ennemie était com-
posée de ces vieilles bandes wallonnes, ita-
liennes et espagnoles qu'on n'avait pu rompre
jusqu'alors. (Boss.)
Il fout donner un chef a votre illustre bande.
Corneille.
Des trois anciens cantons les bandes héroïques
Forment ce triple corps tout hérissé de piques.
Massoh.
La victoire balança;
Plus d'un guéret s'engraissa
Du sang de plus d'une bande.
La Fontaine.
— Par ext. Troupe mal disciplinée : On ne
s'appelle légion quà la condition de la'hié-
rarchie, de la discipline; autrement on est une
bande. (Saivandy.) Les bandes d'Attila n'ont
pas fait que ravager l'Europe orientale; elles
s'y sont implantées. (Am. Thierry.) il Asso-
ciation armée, organisée dans un but quel-
conque : Une bande de voleurs, de brigands,
de pirates. Les bandes républicaines avaient
passé partout comme une trombe. (J. Sandeau.)
Il trouva dans la cour une bande de sbires
gui l'attendaient. (Lamart.) De toute anti-
quité les bouches de l'Indus ont servi de repaire
150
BAN
BAN
BAN
BAN
il des bandes de pirates. (J. Reynier.) Ail-
leurs les voleurs forment une bande, à Madrid
l'est une corporation. (V. Hugo.) li Troupe
d'hommes ou d'animaux réunie dans un' but
quelconque : Une bande de musiciens, de bu-
veurs, de débauchés. Une bande de loups, d'é-
tourneaux, de canards. Si quelque femme sur-
vient, la bande joyeuse ne peut comprendre
qu'elle ne sacke point rire des choses qu'elle
n'entend point. (La Bruy.) Dans l'hiver, les
chardonnerets s'assemblent par bandes de huit
ou dix. (L.-J. Larcher.) Tout le monde se sou-
vient encore aujourd'hui de ces bandes de ver-
dets qui traquaient les glorieux débris de nos
armées vaincues. (L.-J. Larcher.)
Touta notre bachique bande
Boit un grand verre à sa santé. ç
Chapelle.
Tu serais parmi nous
La seul sage, au milieu d'une bande de fous.
ANDR1EUX.
.... Monsieur, l'on vous demande,
C'est un comédien. — Parbleu ! voici la bande.
— Dites troupe : l'on dit bande d'égyptiens,
Et {andc^oflenseraU tous les comédiens.
Poisson.
— Personnes qui se détachent d'une réu-
nion plus considérable et forment une troupe
à part : Les éclaireurs se divisèrent en deux
bandes. Une bande d'invités s'était séparée de
la compagnie et chuchotait dans un angle.
— Par dénigr. Parti, ligue, clique : // est
de la bande.
— Fam. Faire bande à part, Se mettre à l'é-
cart, isoler ses intérêts des intérêts des au-
tres : Il gagnait de l'argent avec moi, et il a
préféré s'appauvrir en faisant bande a part.
Cet archifou , qui aurait pu être quelque
chose s'il s'était laissé conduire par vous , s'a-
vise de FAIRE BANDE À PART. (Volt.)
— Jurispr. Bande armée, Réunion d'in-
dividus armés et dont le but est de com-
mettre des crimes' contre la sûreté de l'Etat
ou des particuliers, ou d'attenter aux pro-
priétés publiques ou privées , mobilières ou
immobilières : La peine de mort est prononcée
par les articles 96 et suivants du Code pénal
contre les chefs de bandes armées, contre
ceux qui les ont organisées, qui leur ont fourni
des armes ou des subsistances, et contre ceux
qui en ont fait partie, dans certains cas, et
qui encourent au moins la peine de la dépor-
tation. Les pillages commis en bandes sont
punis des travaux à temps.
— Bandes noires, Compagnies d'infanterie
introduites au xvi<s siècle et dont les ensei-
gnes étaient noires : Il y avait des corps d'Al-
lemands amenés au service de la France, sous
le nom de bandes noires, par le duc de Guel-
Ures. (Gén. Bardin.)
— Bande noire, S'est dit sous la-Restaura-
tion, et se dit encore d'un certain nombre
de spéculateurs qui achètent les anciennes
propriétés pour démolir les édifices et en
mettre à profit les matériaux; abattre les
vieux arbres et vendre les terrains en détail :
Sans consulter mon oncle, Octave avait disposé
d'une, terre en faveur de ta bande noire. (Balz.)
Des bandes noires se sont formées pour dé-
molir les châteaux, morceler les grandes fer-
mes, et les vendre par faibles parcelles. (Ch.
Dunin.) il Par anal., Personnes qui cherchent
à détruire quelque chose de respectable : Les
Vandales! ils feraient tout tomber sous leurs
ciseaux destructeurs! C'est la bande noire de
la coiffure. (Mazères.)
— Art milit. anc. Bande d'artillerie, Bat-
terie complète. Il Bande de pied, Compagnio
de fantassins.
— Mus. Se dit depuis quelque temps d'un
corps de musique militaire appelé banda en
Italie, il Grande 6ande ou grand bande, Autref.
Troupe des vingt-quatre violons du roi. Mo-
lière a dit ironiquement en ce sons :
Si, dans le carnaval, vous pouvez espérer
Le bal et la grand'bande, a savoir deux musettes.
Il Bande de l'écurie, Troupe de musiciens du
roi formée d'officiers de l'écurie.
— Hist. Petite bande, Petite troupe choisie
et privilégiée de dames qui accompagnaient
lo roi dans ses parties de plaisir.
— Syn. Baude, compagnie, trotipe. Bande
est moins noble que les deux autres ; on dit
une bande d'histrions, de bohémiens ; de plus,
il ne suppose pas un nombre considérable, il
faut la réunion de plusieurs bandes pour
former une troupe. Compagnie suppose aussi
un nombre assez limité; mais il ajoute à
l'idée de nombre celle d'union, de communauté
dans la vie intime : une compagnie de perdrix
forme comme une petite famille ; il est aussi
plus noble que troupe , et on l'applique quel-
quefois aux acteurs d'un théâtre , quand on
veut les présenter sous un jour très-favorable.
Une troupe est toujours composée de nom-
breux individus, formant une masse consi-
dérable.
— Encycl. Hist. Paris , la ville géante , la
ville'défendue aux voleurs, exerce sur eux ,
par cela même, et aussi par ses richesses, par
ses ressources , et par la facilité plus grande
qu'il y a pour eux de s'y dérober dans la foule,
une attraction magnétique à laquelle les plus
résistants se laissent aller. Aussi, est-ce Paris
que les bandes les plus fameuses ont, de tout
temps, choisi pour asile et pour centre d'action.
De la la bande de Cartouche , avant la Ré-
volution, et, de nos jours, la bande Sauf (lard
et Lcsage (1838) ; la bande Châtelain, Mug, eto.
(18«) -, lu. bande Charpentier et la lande Cour-
voisier (1843); la bande Poulmann (1844); la
bande des Escarpes (même année) ; la bande
des Habits noirs (1845) ; la bande des Porteurs
d'eau et la bande des Endormeurs (1846) ; la
bande Thibert (1847); la bande Nathan (1802-
1852) ; la bande du Café du xixe siècle (1860), etc.
Cependant il y a eu aussi des bandes de pro-
vince, telles que les bandes Mandrin, Poulail-
ler,des Chauffeurs (1755-1800), et, de nos jours,
les ôandesdes Voieurs de diiigenc«s(18i9-lS24);
la bande des Brigands de la Vienne (1834) ; la
bande de l'Auberge aux Tueurs (1835) ; la banda
du Grand creux de Bassat (1837); la bande
Graft (1857) ; la bande Lemaire (1821-1858), etc.
Terribles associations de brigands, dont M. Mo-
reau-Christophe a tracé l'histoire dans son
Monde des Coquins, en terminant son récit
par les observations suivantes :
« Après l'ênumération. de cette longue et
sanglante série de forfaits, on respire, sou-
lagé, comme au sortir d'un long et terrible
cauchemar, quand on songe que, grâce aux
mesures d'énergique prévoyance du gouver-
nement, le cratère qui les vomissait estt en
grande partie, éteint, et qu'il finira par l'être
tout à fait, ou tout au moins par ne plus lancer,
à travers quelques fissures rouvertes, que de
rares et faibles débris de lave, qui pourront
en renouveler le souvenir, sans plus jamais
en renouveler le danger. »
— Hist. Bandes noires. Ce nom fut donné,
dans le principe, à un corps de fantassins
allemands , qui servirent dans "les guerres
d'Italie sous Louis XII, roi de France, et qui
formaient une partie des troupes appelées
! grandes compagnies. Robertson, dans son His-
! toire de Charles-Quint, fait allusion à ces com-
I pagnies (édit. in-4o, 1769, vol. I, p. 113). Le
I nom de Bandes noires fut donné a. ces aven-
turiers , parce qu'après la mort d'un chef
qu'ils aimaient beaucoup , ils avaient pris un
drapeau noir (le P. Daniel, Histoire de la
milice française, in-4°, Paris, 1721,' t. II,
p. 383). Un autre corps de troupes, formé
d'Italiens, prit plus tard le même nom pour
des causes analogues; et le même historien
donne k celles-ci le nom distinctif de Bandes
noires italiennes. Il ajoute que le régiment
français, au service du Piémont, prit aussi ce
nom significatif, après la mort de son colonel,
le comte de Brissac,-en 1569. Les couleurs de
ce régiment étaient noires, avec une- croix
blanche.
On a donné, en France, le nom de bande
noire à une ou plusieurs compagnies de spé-
culateurs, qui, après la Révolution, achetèrent
les vieux cn&teaux , les couvents , les parcs,
les biens d'émigrés, etc. , pour les démolir et
en vendre les matériaux, ou pour en tirer le
parti le plus avantageux; ce nom leur fut
donné par les artistes et par les archéologues,
indignés de voir ainsi disparaître tout ce qui
rappelait de vieux souvenirs. Cependant il
faut reconnaître que, s'il y avait du vanda-
lisme dans ce système de destruction impi-
toyable, il en est quelquefois sorti des résultats
utiles, au point de vue de l'assainissement des
villes et de la division des propriétés.
— Bandes militaires. Au mot aventuriers,
nous avons raconté sommairement l'histoire
des bandes militaires considérées comme un
fléau qui, dans le moyen âge,, étendit ses
ravages sur presque tous les pays de l'Europe,
et nous avons dit à quelle époque et comment
ce fiéau finit par disparaître. Nous ne répé-
terons pas ici ce qui a trouvé sa place ail-
leurs; mais nous y ajouterons quelques détails
sur les bandes militaires , envisagées sous un
point de vue moins défavorable.
Quelques historiens font remonter la déno-
mination de bandes aux premiers siècles de
la milice byzantine, et elle eut alors à peu
Ïirès le sens du mot cohorte chez les Romains ;
a bande n'était qu'une subdivision du drunge
ou de la chiliarchie, elle était divisée elle-
même en décarchies ou décuries. Vers le
xnic siècle, on commença à désigner sous le
nom de bandes certaines compagnies à pied
,qui n'étaient pas convoquées ]>av la voie du
ban ou de 1 arrière-ban , mais qui étaient
formées en grande partie de volontaires et
soldées par le roi ou par les communes. Le
roi Jean donna à quelques bandes le nom de
connestablies ; mais cette nouvelle désigna-
tion fut bientôt abandonnée. Le nombre des
hommes qui composaient une bande a beau-
coup varié ; quelquefois il s'élevait à 200 ;
sous Charles VII, chaque bande avait au moins
500 hommes, et Louis XI forma des bandes
divisées en plusieurs enseignes, dont chacune
comptait 200 soldats. Quand nos rois prenaient
à leur service des troupes étrangères ou des
corps libres, commandés par des chefs qui les
avaient réunis de leur autorité privée, on leur
donnait toujours le nom de bandes, et on les
distinguait soit par la couleur de leurs ensei-
gnes, soit par le théâtre sur lequel on les en-
voyait faire la guerre. C'est ainsi que notre
histoire parle souvent des bandes noires, qui
marchaient sous un drapeau de cette couleur,
et des vieilles bandes du Piémont. Les bandes
noires, employées sous Louis XII, sont quel-
quefois confondues avec les lansquenets ou
avec les compagnies désignées sous le nom
de grandes verges, à cause de la hauteur exces-
sive de leurs drapeaux. François I« créa des
légions qu'il divisait en six bandes, et le corps
des dragons , qui fut créé vers cette époque,
ne fut qu'un nom nouveau donné à l'une de
ces bandes. Sous Henri II , les bandes étaient
encore de 200 hommes; elles perdirent en-
suite de leur importance jusqu'à descendre h
40 hommes, et elles disparurent enfin quand
on forma des régiments. Cependant le nom
de bandes continua quelque temps encore
d'être employé dans un sens général , pour
signifier des troupes de soldats armées et
organisées d'après un système quelconque.
Cela était entré dans les habitudes du langage
militaire, et l'ensemble des ordonnances éta-
blies pour fixer la discipline des armées fut
longtemps désigné sous le nom de police des
bandes.
bande s. f. (ban-de— rad. bander). Mécan.
Tension d'un ressort; quantité dont il est ou
peut être tendu : Le ressort a trop de bande.
BANDÉ, ÉE (ban-dé) part. pass. du v.
Bander. Enveloppé d'une bande : Plaie
bandée. Blessure bandée.
— Couvert d'un bandeau, au propre et au
figuré : Des yeux bandés. Quiconque a les
yeux bandés ne saurait faire de bons choix
que par hasard. (C. de Richelieu,)
Voyantvosyeux bandés, on vous prend pour l'Amour;
Les voyant découverts, on vous prend pour sa mère.
MONTREUIL.
Je dois, les yeux bandés, peser d'un poids égal,
Gomme le prix du bien, l'importanoe du mal.
Rotrou.
— Tendu avec effort : Arc bandé. Arbalète
bandée. Ressort bandé.
— Fig. Dirigé vers un point, appliqué vers
un but d'une manière constante et soutenue :
L'esprit a besoin de se détendre, et ne peut
rester toujours bandé.
— Hist. Se disait, sous le règne de
Charles VI, des partisans de ce roi malheu-
reux parce qu'ils portaient une écharpe ou
bande blanche, en signe de ralliement.
— Blas. Se dit d'un écu dont les bandes sont
en nombre égal aux interstices du champ, de
sorte qu'il est impossible de distinguer les
bandes de ces interstices. Famille Gourdon
de Genouillac : écartelé aux 1 et 4 d'azur à
trois étoiles d'or en pal, aux 2 et 3 bandé
d'or et de gueules de six pièces : Un écu
bandé est toujours de métal et d'émail alternés
de six pièces au moins, de huit au plus, il Se
dit aussi du chef, de la fasce ou du pal, lors-
qu'ils sont divisés en six ou huit espaces égaux
dans le sens de la bande. Famille Chauveron
de La Motte : d'argent au pal bandé d'or et
de sable. Il Bandé, contrebande. Se dit lorsque,
dans un écu parti, coupé, taillé ou tranché,
les bandes se trouvent opposées les unes aux
autres, c'est-à-dire quand la couleur est
«pposée au métal et le métal à la couleur,
BANDEAU s. m. (ban-do — rad. bande).
Bande, ornement de tête dont certaines per-
sonnes se ceignent le front : Se ceindre la tête
d'un bandeau. Ses cheveux étaient ramassés
sous un bandeau d'une blancheur éblouissante.
(Ch. Nod.)
Des bandeaux moyen âge, avec des yeux cernés,
Font de sombres profils d'archanges consternés.
De Banville.
Tous ses traits sont parfaits, sa chevelure noire
S'enroule sur son front comme un bandeau de moire.
M11" DE POLIONY,
— Se dit particulièrement d'un tissu d'étoffe
précieuse dont les rois et les reines se cei-
gnaient le front : Le bandeau ro^ai est sujet
à tomber sur les yeux. Monime essaya de s é-
trangler avec son bandeau.
Et toi, fatal tissu, malheureux diadème,
Bandeau que mille fois j'ai trempé de mes pleurs...
Racine.
... De ce front guerrier les nobles cicatrices
Ne peuvent se couvrir que du bandeau des rois.
Voltaire.
Et de ses pieds on peut voir la poussière
Empreinte encor sur le bandeau des rois.
BÉRANGER.
Mes richesses des rois égalent l'opulence;
Environné d'enfants, soutiens de ma puissance,
11 ne manque à mon front que le bandeau royal.
Racine.
Il Ceindre le bandeau royal, Monter sur le
trône, arriver aux honneurs souverains.
— Se disait aussi d'une pièce de toile fine
que les veuves portaient sur le front pendant
touto la durée de leur deuil : Madame de
Navailles est la dernière femme à qui j'ai vu
conserver le bandeau, qu'autrefois les veuves
portaient toute leur vie. (St-Sim.) il Se dit
encore d'une pièce d'étoffe tout à fait sem-
blable que les religieuses portent sur le front,
après qu'on a coupé leurs cheveux.
Elle ne porte pas une robe de bure,
Son front n'est point voile par des bandeaux de lin ;
Et sous les jours savants d'une riche guipure,
Elle fait ressortir le brillant du satin.
Auo. Humbert.
Que cette vestale a d'appas !
Heureux celui qu'elle aime!
Le bandeau ne lui messied pas,
11 semble un diadème :
Et s'il était deux doigts plus bas,
Ce serait l'Amour même.
(Vers à une jolie religieuse sur son bandeau.)
— Bande ou linge que l'on applique sur les
yeux de quelqu'un pour l'empêcher de voir :
. Une feuille flexible
Sur les yeux de l'un d'eux en bandeau s'appliquait,
Et puis sur le cou se nouait.
Flokian.
Qu'on te mette un bandeau, qu'on l'ûte, tour à tour,
Rien ne peut t'enlaidir, et tu sais toujours plaire.
Le bandeau sur- les yeux, chacun dit : c est l'Amour :
Lève-ton le bandeau, chacun dit : c'est sa mère.
(A une dame qui jouait à colin-maillard.)
— Fig. Cause d'aveuglement de l'esprit ou
du cœur : Combien de fois essaya-t-iî, d'une
main impuissante, d'arracher le bandeau fatal
gui lui couvrait les yeux! (Fléch.) Le bandeau
de la présomption est bien plus épais que celui
de l'Amour. (Mme de Grafngny.)
Le bandeau de l'erreur aveugle tous les yeux.
Voltaire.
Déchirez le bandeau qui recouvre vos yeux.
Lamartine.
Sur mes yeux effrayés quel bandeau se déchire?
V. liuoo.
.... Toujours sur mes yeux ma facile bonté
A remis le bandeau que j'avais écarté.
• Racine.
La main des dieux sur moi si longtemps suspendue
Semble ôter le bandeau qu'ils mettaientsur ma vue.
Voltaire.
— Poét. Emblème que les poètes don-
nent à l'Amour, à la Fortune et a la Justice,
pour signifier l'aveuglement des deux pre-
mières divinités et l'impartialité de la troi-
sième : La justice doit voir sous son bandeau;
ce bandeau doit la rendre impartiale et non
aveugle. (Chatoaub.)
Ûteî a l'Amour son oandeau,
Vous rendrez le repos au monde.
J.-B. Rousseau.
— Cost. Cheveux divisés au milieu du front
et ramenés sur un des côtés de la tête : Une
légère guirlande de diamants ownait ses che-
veux d'un noir doux, séparés en bandeaux sur
un front lisse et pur. (G. Sand.) Ses magnifiques
cheveux noirs étaient séparés en deux bandeaux
sur son front d'Espagnole (Balz.)
— Chir. Bandage circulaire que l'on applique
sur les yeux d'un malade, pour y maintenir
un topique ou pour soustraire l'organe aux
effets de la lumière.
— Archit. Plate-blande saillante, décorée
de moulures ou d'ornements sculptés, qui sert
à marquer le niveau des étages d'un édifice
ou qui se place autour des croisées, des ar-
cades : Le bandeau indique un plancher, un
sol; c'est un repos pour l'œil, c'est l'arase d'une
construction superposée. (Viollet-le-Duc.) Dans
les édifices du commencement du xinc siècle, les
bandeaux passent devant les faisceaux des co-
lonnes et servent de bagues pour maintenir leurs
fûts posés en délit. (Viollet-le-Duc.)
— Techn. Planche étroite et unie qui ter-
mine un lambris sans corniche, il Bande cir-
culaire et saillante sur le corps d'une colonne
de poêle, n Bande d'étoffe couronnant les dra-
peries au-dessus d'une croisée,
— Pêch. Portion de la manche do certains
filets.
— Artill. Pièce de fer appliquée sur la
flasque d'un fût de fusil, à rendroit de la
crosse. Il On dit aussi Molle-bande.
— Epithètes. Riche, superbe, magnifique,
brillant, éclatant, resplendissant, étiocelant,
précieux, sacré, royal, auguste, chaste, virgi-
nal. — Aveugle, épais, sombre, obscur, téné-
breux, noir, funeste, fatal.
— Encycl. Archit. Les architectes don-
'nent le nom de bandeau à une assise de pierre
saillante et horizontale qui pourtourne un
édifice et en marque les différents étages. Les
bandeaux sont dits intérieurs ou extérieurs,
selon la place qu'ils occupent dans une con-
struction; continus ou interrompus, suivant
qu'ils se déroulent sur une façade entière, ou
qu'ils sont coupés par un membre vertical
d'architecture. 11 importe de remarquer, dit
M. Viollet-le-Duc, que le bandeau indique né-
cessairement un plancherj un sol, et que, par
suite, il ne peut être indifféremment placé sur
une façade ou dans un intérieur. On conçoit
que les bandeaux intérieurs n'ont de raison
d'être que dans les monuments ayant des
voûtes assez élevées pour que des construc-
tions accessoires puissent être étagées au de-
dans des murailles d'enceinte. C'est ainsi que,
dans certaines églises, le sol de la galerie
haute ou triforiuin a été souvent indiqué par
un bandeau. Nous devons reconnaître, d'ail-
leurs, qu'il y a un assez grand nombre d'exem-
ples de bandeaux dont la place a été déter-
minée seulement par la fantaisie des archi-
tectes.
Les bandeaux extérieurs paraissent avoir
été destinés, dans le principe ; à empêcher,
par leur saillie , les eaux fluviales de laver
les parements des édifices. Aussi les a-t-on
faits généralement de pierre plus dure que
celle 3e ces parements, et, h partir du xiue
siècle surtout, leurs profils se rapprochèrent
de ceux des larmiers. Pendant la période ro-
mane, ces profils furent d'abord très-simples :
les bandeaux étaient taillés de façon a for-
mer un biseau, un cavet légèrement concave
ou une doucine sous un lit horizontal. Quel-
quefois on les orna de sculptures peu sail-
lantes , telles que dents de scie , billettes ,
damiers, rosaces, enroulements, etc. Comme
spécimens de cette époque, nous citerons les
bandeaux intérieurs des églises de Beaune et
d'Autun, et le bandeau extérieur de la tour
Saint-Romain de la cathédrale de Rouen,
dont la décoration est protégée par un ta-
lus en pierre formant mouchette. Les ban-
deaux furent assez rarement employés dans
l'architecture religieuse ogivale, dont la ten-
dance consistait a exclure les lignes hori-
zontales pour donner le plus de développe-
ment possible aux lignes perpendiculaires.
Les puristes ont vivement critiqué, comme
étant contraire aux principes de cette archi-
tecture, le large bandeau décoré de feuillages
très-saillants, qui, dans l'intérieur de la cathé-
drale d'A miens, accuse la hauteur du triforium.
BAN
passe devant les faisceaux de colonnes et les
coupe vers le milieu de leur hauteur. Tout en
reconnaissant qu'il est difficile de se rendre
compte de l'effet que produirait cet intérieur
dépourvu de cette riche ceinture de feuillages
vigoureusement refouillés , un savant dont
l'opinion doit faire loi en pareille matière ,
M, Viollet-le-Duc, ajoute : « Prenant la chose
pour fort belle, exécutée par des artistes
aussi bons connaisseurs que nous et plus
familiarisés avec, les grands effets, nous- ne
pouvons qu'approuver cette hardiesse de
l'architecte de la nef d'Amiens. » On voit
dans quelques églises du xme siècle,' dans
celle de Semur - en - Auxois par exemple ,
des bandeaux continus qui s'arrondissent en
corbeilles soutenues par de riches culs-de-
lampe, entre les archivoltes du rez-de-chaus-
sée, et servent de points d'appui aux fais-
ceaux de colonnettes de l'étage supérieur. A
la même époque, les bandeaux extérieurs sont
presque toujours de simples moulures avec
larmier; ils n'ont pas d'ornements, à moins
qu'ils ne servent à indiquer le niveau d'un
étage, comme à' la Sainte-Chapelle de Paris,
où un bandeau décoré de feuilles et de cro-
chets sert à marquer le niveau du sol de la
chapelle haute.
A partir de la fin du xiii" siècle, les ban-
deaux n'existent plus dans l'architecture reli-
gieuse ; mais on en trouve, jusgu'àuxve siècle,
de nombreux exemples dans l'architecture
civile, où ils sont parfois très-saillants et riche-
ment décorés. Au xvie siècle, ils deviennent
de véritables entablements, ayant architrave,
frise et corniche , même lorsque l'absence
d'un ordre devrait exclure l'emploi de tous
ces membres. Les architectes de notre temps
emploient encore assez fréquemment des ban-
deaux de ce genre pour marquer les différents
étages des maisons ; mais c'est là une manière
défectueuse qui, nous nous plaisons k le dire,
tend chaque jour à disparaître.
On nomme encore bandeau une plate-
bande unie, faisant saillie autour des portes,
croisées et arcades d'un bâtiment. Cette plate-
bande diffère des chambranles, dont elle
tient lieu, en ce que ceux-ci sont ornés de
moulures, tandis que les bandeaux n'en ont
point, à l'exception quelquefois d'un quart de
rond, d'un talon ou d'une feuillure. Toutefois
sur beaucoup de fenêtres, au palais des Tui-
leries notamment, le bandeau est marqué par
une sorte de piédestal qui a sa base,, son dé
et sa corniche. Quatremère de Quincy dés-
approuve cette manière de faire les ban-
deaux; il dit qu'elle ne sert qu'à multiplier
les parties sans nécessité , et il en trouve
l'effet petit et bizarre. Il désapprouve égale-
ment l'usage assez répandu d'entourer les
fenêtres d'un bandeau sur leurs quatre côtés.
bandée s. f. (ban-dé — rad. ban). Ouver-
verture des vendanges : La bandée est fixée
par un arrêté de l'autorité municipale.
bandege s. m. (ban-dé-je). Sorte de pla-
teau analogue à. nos cabarets, et dont on fait
le même usage en Chine et dans les Indes.
BANDEL (Ernest de), sculpteur allemand,
né en 1800, à Anspaeh (Bavière). Elève de
l'Académie de Munich, il s'est créé une place
à part parmi les statuaires de l'Allemagne.
Toutes ses œuvres, d'un caractère classique,
sont remarquables par le style et par l'exécu-
tion ; plusieurs même sont des chefs-d'œuvre.
Parmi les statues- de cet artiste, aussi con-
sciencieux que fécond, on cite au premier
rang : Mars endormi, qui commença sa répu-
tation en 1820; sa belle statue de la Charité,
à laquelle il travailla pendant dix ans, lors de
son long séjour en Bavière, et qui doit être
classée parmi les morceaux les plus remar-
quables de la statuaire contemporaine ; la
statue en marbre de Thusnelda, femme d'Her-
mann, enchaînée et conduite prisonnière chez
les Romains ; le Génie endormi, qui décore un
tombeau à Berlin; son Christ de grandeur
naturelle, etc. On doit également à Bandel le .
Monument du chevalier Skell dans le jardin
anglais de Munich, celui du peintre Langer et
enhn le monument d'Hermann, le héros na-
tional de l'Allemagne. Ce dernier est l'œuvre
capitale de l'artiste. La statue du grand
homme, coulée en cuivre, n'a pas moins de
treize mètres d'élévation. Elle fut acclamée
par toute l'Allemagne, et des souscriptions
publiques couvrirent aussitôt les frais de ce
travail colossal. Bandel a enfin exécuté un
grand nombre de bustes remarquables, no-
tamment ceux de Maximilien de Bavière, des
artistes Quaglio et Pierre Hess, du sculpteur
Grabbe, de la duchesse Pauline, du prince de
Lippe-Detmold, etc.
bandelette s. f. (ban-de-lè-te — dimin.
de bande). Petite bande : Les daines romaines
se coiffaient avec de petites bandelettes, qui
étaient la marque de la pudeur et de la chas-
teté. (Trév.) Elle avait roulé ses cheveux dé-
noués sous un réseau de bandei.etles d'or et
de pourpre. (G. Sand.) Le cœur d'une vieille
coquette est semblable aux tombeaux d'Egypte,
où gisent des momies entourées de bande-
lettes. (P. Limayrac.)
— Fie. et par allusion aux bandelettes dont
on enveloppait les momies : Cette question, on
s'efforce de l'enterrer sous les bandelettes de
la philanthropie. (Proudh.)
— Antiq. Petites bandes d'étoffe que les
prêtres du paganisme portaient autour du
front, les suppliants entre leurs mains, les
rois autour de leur sceptre, et dont on pa-
BAN
rait les victimes : On a vu, dans l'antiquité,
orner les victimes de fleurs et de bandelettes ;
mais le prêtre qui les immolait ne les insultait
pas. (Lanjuinais.)
— Archit. Ornement dans le genre de la
plate-bande , mais plus étroit encore : Les
filets et les listeaux sont des bandelettes. It
On dit aussi ténie.
— Chir. Petite bande de pansement : Ban-
delette découpée, il Bandelette agglutinative,
Bandelette qu'on enduit de diachylon, pour
qu'elle adhère à la peau.
— Anat. Partie du cerveau de forme demi-
circulaire.
— Tech. Fer de bandelettes, Fer mince et
étroit, qui se vend en bottes.
— Ichthyol. Nom vulgaire de la cépole,
poisson dont la chair se lève par bandes su-
perposées.
— Helminth. Nom vulgaire d'un ténia.
— Bot. Raie ou petite bande colorée il Tige
aplatie en forme de bande.
— Encycl. Hist. Les anciens faisaient grand
usage des bandelettes, qui étaient pour eux à
peu près ce que sont pour nous les rubans,
avec cette différence toutefois que nos rubans
sont souvent tissus de soie, tandis que leurs
bandelettes étaient tissues de la laine la plus
tine. Il y avarf des. bandelettes sacrées, qui
étaient Manches, pourpres ou bleues, selon
leur destination. Elles étaient souvent roulées
autour d'un flocon de laine légèrement tor-
due et portaient alors le nom à'infula. Les
prêtres et les vestales en ornaient leur tête ;
on en mettait aux statues des dieux et des
déesses ; elles servaient à parer les autels et
les victimes. Les poètes, lorsqu'ils portaient
une couronne de laurier ou d olivier, entre-
laçaient des bandelettes entre les feuilles de
cette couronne. Les jeunes filles et les ma-
trones se servaient aussi de bandelettes pour
maintenir les tresses de leurs cheveux , et
elles en laissaient souvent pendre les bouts
par derrière ; ces bandelettes étaient quelque-
fois brodées et même ornées de perles ou
d'autres bijoux. Il était interdit aux femmes
d'affranchis, et à plus forte raison aux femmes
esclaves, d'adopter ce genre de coiffure. En-
fin les suppliants, c'est-à-dire ceux qui se
présentaient devant le peuple ou devant l'em-
pereur pour demander une grâce, tenaient
dans leurs mains des bandelettes en signe de
soumission et pour exciter la pitié.
BANDELLO (Vincent de), dominicain italien,
né à Castel-Nuovo en 1435 , mort en 1506. Il
enseigna avec éclat la théologie et devint
général de son ordre en 1501. 11 fut un des
adversaires les plus ardents du dogme de
l'Immaculée Conception. Il écrivit, entre autres
ouvrages, un traité, devenu fort rare, et qui
souleva de vives polémiques entre les domi-
nicains et les cordeliers. Il a pour titre :
Libellus recollectorius de veritate conceptionis
B. Maria Virginis (Milan, 1475).
BANDELLO (Mathieu), littérateur italien,
dominicain, né dans le Milanais, vers 1480,
enseigna les belles-lettres à la célèbre Lu-
crèce de Gonzague. Forcé de s'expatrier
après la bataille de Pavie, il se réfugia en
France, où Henri II lui donna, en 1550, l'évêché
d'Agen. Il mourut en 1561". On a de lui des
Nouvelles fort libres, dans le goût de Boccace,
fréquemment réimprimées et traduites en
français par Boaistuau et Belleforét (1580). Il
a laissé aussi des poésies qui ont été publiées
à Turin en 1816.
BANDELLONI (Louis), compositeur de mu-
sique et poëte, né à Rome au commencement
de ce siècle. Il a mis en musique les sonnets
de Pétrarque, les octaves du Tasse et divers
épisodes de Dante. Il est estimé surtout
pour ses morceaux de musique religieuse, et
plusieurs de ses messes, motets et psaumes
font partie de la musique du chapitre de
Rome. Comme poëte, il est connu par des
satires contre les vices et les erreurs de son
siècle. Ces satires sont spirituelles et vigou-
reuses ; cependant il n'est pas inutile de faire
remarquer qu'il flagelle, comme de funestes
erreurs, la foi au progrès et à l'affranchisse-
ment des peuples. Sa dernière œuvre est un
poëme didactique, Sulla musica ôdierna, qui
contient, 'dit-on, de piquantes railleries sur
les compositeurs contemporains.
BANDER v. a. ou tr. (ban-dé — rad. bande).
Couvrir, entourer d'une bande : Bander une
blessure. Bander une plaie. Bander un bras
malade.
— Couvrir d'un bandeau, en parlant des
yeux :' Laissez - vous bander les yeux. On
bandb les yeux d un parlementaire' ennemi
qu'on reçoit dans une place de guerre. (Acad.)
J'ai toujours cru que l'on bandait les yeux aux
gens qui pénétraient dans les palais enchantés.
(Alex. Dura.)
Nous allons entrer dans l'enceinte;
Ça, ne me bandez pas les yeux.
BÉRANGER.
— Tendre, replier pour donner du ressort :
Bander un câble, un arc, un ressort. Il banda
cet arc en présence des ambassadeurs. (Boss.)
De son arc toutefois il bande les ressorts.
La Fontaine.
— Bander un tambour, Serrer les cordes
pour tendre la peau.
— Fig, Appliquer constamment et d'une
manière soutenue : Bander son esprit, il User
énergiquement de : L'Europe résistait aux
BAN
deux Etats envahisseurs ; elle bandait contre
eux toutes ses farces, pour employer l' énergique
langue de Sully et de Matthieu. (V. Hugo.) il
Irriter, envenimer : M. de Rheims se permit
tant de brutalités et d'incartades , qu'il banda
entièrement l'assemblée contre lui. (St-Sim.)
Je veux bander contre sa vie
L'ire de la terre et des cieux.
Malherbe.
Ce mot énergique, qui signifie ameuter et,
littéralement, mettre en bandes, a vieilli.
— Mar, Garnir d'une bande, en parlant
d'une voile : On bande les voiles pour les con-
solider.
— Archit. Fermer, en parlanj d'une voûte
ou d'un cintre : On vient de bandera cintre,
la clef est posée.
— Techn. En. terme de bijoutier, Redresser
une moulure sur le banc, il Bander le semplê,
Donner aux ficelles du semple assez de ten-
sion pour prendre librement les cordes que
le lacs amène.
— Pâtiss. Entourer d'une, tiande de pâte,
ou garnir de plusieurs bandes croisées : Ban-
der une tourte.
— Jeux. Bander uneballe, La pousser dans
le filet avec la raquette, il Bander à l'acquit
ou Jouer à bander, Jouer à qui payera les
frais en enlevant la balle. Il Bander les dames,
au trictrac, Les amonceler sur une flèche :
Vous bandez trop vos dames.
— v. n. ou intr. , Etre tendu :. Ce câble
bande à rompre. Le vent faisait bander les
voiles. (Acad.)
— Fauconn. Bander au vent, en parlant du
faucon, Faire la crécerelle en restant sur les
chiens.
— Vqner. Bander sur le trait, en parlant
du limier, Faire effort pour s'élancer du côté
de la reprise.
— Se bander v. pr. Etre, devenir bandé,
se tendre : Voilà un arc qui se bande diffici-
lement. La corde commence à se bander. -Les
muscles s'affermissent, les nerfs se bandent.
(Boss.) La chaleur énervante d'une solitude
sans courant d'air détendait l'arc, qui se ban-
dait toujours. (Balz.)
— Se mettre à soi-même un bandage : Il
eut ta force de se bander lui-même pour ar-
rêter son sang. (Trév.)
— Fig. Se roidir, faire effort pour/résister:
Ces zélés faquins qui excitent le peuple à se
bander contre nous. (Volt.)
Qui voudrait se bander contre une loi si forte?
RÉGNIER.
Il On disait aussi 5e bander les nerfs, dans le
même sens : Pour monter à cette éminence où
la vertu établit son trône , il faut se roidir et
se bander les nerfs avec une incroyable con-
tention. (Boss.) il Ces deux locutions ont vieilli.
— Se bander les yeux, S'aveugler volontai-
rement : Il faut se bander les YEDx pour ne
pas voir une chose si claire.
— Hist. Se disait, sous Charles VI, de ceux
qui passaient dans le parti du duc d'Orléans.
V. Bandé.
BANDERALI (David) ,. artiste lyrique et cé-
lèbre professeur de chant, né à Lodi,en 1780,
mort à Paris en 1849, eut des succès retentis-
sants comme chanteur sous le premier em-
pire. Abandonnant le théâtre pour l'enseigne-
ment, il forma d'illustres élèves dans la classe
de musique vocale qu'il dirigea pendant de
longues années à notre Conservatoire. C'est à
la Restauration que cet important établisse-
ment devait de s'être enrichi de ce maître
distingué. La Restauration allouait 9,000 fr.
d'appointements à Banderali , que la mort
trouva occupant encore sa chaire de profes-
seur.
BANDEREAD s. m. (uan-de-ro — rad.
bande). Cordon qu'on passe en bandoulière
pour porter une trompette.
BANDERET s. m. (ban-de-rè — rad. bande).
Chef de milice du canton de Berne.
banderille s. f. (ban-de-ri-lle ; Il mil. —
rad. bande). Dard orné de bandes de papier
colorié , que les toreros espagnols lancent
contre les taureaux, et qui reste implanté
dans la peau de ces animaux.
BANDERILLERO s. m. (ban-dé-n-llé-ro,
Il mil. —mot'espagn.). -Torero espagnol, qui
est chargé de stimuler les taureaux de
courses en leur lançant des dards garnis de
papier et quelquefois de fusées : Les bande-
rilleros arrivèrent avec leurs flèches garnies
de papier, et bientôt le cou du taureau fut orné
d'une collerette de découpures, que les efforts
qu'il faisait pour s'en délivrer attachaient en-
core plus invinciblement. (Th. Gaut.) Un petit
banderillero, nommé Majaron, piquait les
dards avec beaucoup de bonheur et d'audace,
et quelquefois même il battait un entrechat
avant de se retirer; aussi était-il fort ap-
plaudi. (Th. Gaut.) -
BANDEKMASS1NG. V. BANJERMASSING.
banderole s. f. (ban-de-ro-le — rad.
bande). Pièce d'étoffe longue et étroite, ordi-
nairement divisée vers le bas, et qu'on attache
au haut d'un mât ou d'une hampe, pour ser-
vir d'ornement : Les banderoles des lanciers.
Le bateau était orné de voiles de soie et de
banderoles de gaze d'argent. (G. Sand.)
Zéphire de la toile enfle les plis mouvants,
Et chaque banderole est le jouet des vents.
DEL1U.B.
BAN
151
Les légères banderoles
Se mêlent en voltigeant. V. Hugo.
C'est un ballon; voici la banderole
Et la nacelle, et le navigateur. Béranoer.
Il Bannière pointue et découpée, qui autre-
fois était propre aux bacheliers.
— Pièce de biiffleterie qui porte la giberne.
Il Bretelle d'un fusil.
— Loc. fam. Banderole de Montfaucon,
Vaurien , homme qui mérite d'être pendu,
qui le sera tôt ou tard. Se disait autrefois, à
causa des potences établies à Montfaucon.
— Coinm. Nom donné anciennement à une
planchette de b"is ou de tôle, sur laquelle les
marchands de bois à, brûler et les charbon-
niers étaient obligés d'indiquer le prix de
leur» marchandises : Les banderoles devaient
étreplacées, sous peine d'amende, sur le point
le plus apparent dns chantiers et des bateaux.
— Iconogr. Bande étroite usitée dans les
anciens tableaux, dessins et gravures, et sur
laquelle on inscrivait les paroles que les per-
sonnages de la composition étaient censés
prononcer. Il Cette bande s'appelait aussi
rouleau, parce qu'elle était roulée par une
extrémité.
Banderole, ée adj. (ban-de-ro-lé — rad.
banderole). Zool. Qui est marqué de bandes
transversales tranchant sur le fond.
BANDETTl (Thérèse), improvisatrice ita-
lienne, née à Lucques, en 1763, morte au
commencement de ce siècle. Elle fut d'abord
danseuse au théâtre de Florence, mais suivit
bientôt sa vocation et cultiva la poésie avec
le plus brillant succès. L'Académie des Ar-
cades et autres sociétés littéraires l'admirent
dans leur sein. Elle parcourut la plupart des.
villes d'Itaiie et fut partout accueillie avec
enthousiasme. Elle se distinguait des autres
improvisateurs par la fraîcheur de ses inspi-
rations et son extrême sensibilité. Un jour,
qu'elle avait choisi pour sujet les malheurs de
Marie-Antoinette, elle fut si vivement émue
qu'elle s'évanouit au milieu de son improvi-
sation. On a publié d'elle : Essai sur la poésie
improvisée; la Mort d' Adonis, poème; ta Bos-
munda, drame ; Pétrarque et Laure;aes odes,
des poésies diverses, etc.
BANDEUR s. m. (ban-deur — rad. bander).
Individu qui bande, qui tend quelque chose :
Le bandeur de l'arc, le vainqueur du lion, de-
vait terrasser tous ses rivaux. (Volt.) tl Peu
usité. .
BANDIER adj, m. (ban-dié — rad. ban).
Féod. Banal : Four bandier.
BANDIER s. m. (ban-dié — rad. ban).-
Féod. Garde d'un territoire banal : Etre dé-
noncé par le bandier.
BANDIERA (Benedetto), peintre italien, né
à Pérouse en 1557, mort en 1634. Ses produc-
tions les plus remarquables sont à Pérouse.
On cite particulièrement : les quatre Evangé-
listes , fresque; saint Benoit ; sainte Ursule,
le Couronnement de la Vierge ; la Vierge, l'en-
fant Jésus et saint Jean-Baptiste.
BANDIERA (Alexandre), jésuite et littéra-
teur, né à Sienne en 1699. Il enseigna les belles-
lettres dans diverses maisons de son ordre et
entra ensuite dans les frères servîtes. Il a
donné, de divers auteurs latins, des traductions
italiennes qui ont rendu de grands services dans
l'enseignement. On lui doit en outre : Gerotri-
camerona (1745), imité, quant à la forme, du
Décaméron de Boccace, mais d'un caractère
bien différent. Les interlocuteurs sont deux
jeunes gens pieux qui racontent des traits de
l'histoire sainte. Outre quelques autres écrits,
Bandiera a donné aussi une édition de Boc-
cace purgée de tout ce qui est contraire aux
mœurs (Venise, 1754).
BANDIERA (Jean-Nicolas), oratorien, litté-
rateur, frère du précédent, a laissé, entre
autres ouvrages : De Augustino Dato libriduo
(1733) , c'est une vie d'Augustin Dati extraite
de ses écrits ; Tratlato degli studj délie donne
(1740), où il démontre, peut-être un peu trop
savamment, que les femmes sont aptes à l'é-
tude des arts, des sciences et des lettres.
BANDIERA (Attilio et Emile), patriotes ita-
liens, nés à Venise, le premier en 1817, le
second ' en 1819. Fils du baron Bandiera ,
contre-amiral des forces navales autrichien-
nes, ils avaient pris du service dans la flotte.
Mais l'uniforme étranger leur était odieux.
Dès le second semestre de 1842, Attilio écri-
vait de Smyrne à Mazzini une lettre, signée
d'un nom imaginaire, où il lui révélait ses
sentiments intimes : < Je maintiens que la
justice est la base de tout "droit, d'où j'ai con-
clu, il y a déjà longtemps, que la cause de
l'Italie n'est qu'une dépendance de la cause de
l'humanité. Fondé sur cette vérité incontes-
table, je me console des tristesses et de la
difficulté des temps, en songeant que servir
l'une, c'est servir l'autre... Plus je pense aux
conditions de notre patriej plus je me çer-
suade'que la voie la plus sure pour émanciper
l'Italie de l'état honteux où elle languit à cette
heure est celle des conspirations.» De vagues
projets roulaient dans la tête des deux frères,
qu'unissait le même amour de la liberté. A la
fin de 1843, Attilio écrivait, : ...«Ma pensée
serait de me constituer sur les lieux condot-
tiere d'une bande politique, de me cacher dans
les montagnes, et de combattre là pour notre
cause jusqu'à la mort. L'importance matérielle
d'un tel acte serait, je le sais, assez faible ;
mais bien plus forte serait 1 importance do
152
BAN
l'effet moral » Ce projet aventureux n'eut
Sas de suite, ou du moins l'exécution en fut
ifférée.
Un peu plus tard, les frères Bandiera étaient
parvenus à gagner plusieurs équipages de la
flotte autrichienne, composée en grande par-
tie d'Italiens, et, d'accord avec les sociétés
secrètes de la Jeune Italie et de la Légion ita-
lienne, ils étaient sur le point de tenter une
descente en Sicile k l'aide de la frégate la
Bellone, lorsque, vendus par un traître, ils
durent prendre la fuite. Ils se rejoignirent à
Corfou, où leur mère ne tarda pas à accourir,
poussée à cette démarche, non-seulement par
sa tendresse, mais par les ordres du gouver-
nement autrichien qui voulait à tout prix ra-
mener a lui les Bandiera, alarmé de la fermen-
tation que leur départ avait causée dafls la
flotte ; craignant la contagion de l'exemple, il
leur offrait, leur pardon, et même la réinté-
gration dans leur grade. Mais toutes les sollici-
tations demeurèrent inutiles : les deux jeunes
gens avaient résolu de descendre en Calabre
avec quelques compagnons, malgré la presque
certitude du sort qui les attendait. Voici ce
qu'ils écrivaient, le 1 1 juin 1844, c'est-à-dire
la veille de leur départ de Corfou, à leur ami,
M. Ricciardi,qui les avait adjurés de renoncer
momentanément à leur dessein : >■ Lorsque
vous recevrez cette lettre, nous serons en
Calabre. Les journaux vous annonceront notre
sort. Quel qu'il soit, gardez le souvenir de
vos frères, et appelez surtout les Italiens à
imiter notre exemple. » Ainsi ces jeunes gens
ne se dévouaient a la mort que pour ranimer
dans les cœurs de leurs compatriotes le feu
sacré de la liberté.
Pour subvenir aux frais de leur entreprise ,
•ils vendirent tout ce qui ne leur était pas ab-
solument nécessaire, et, dans la nuit du 12 au
13 juin 1844, ils partirent au nombre de vingt,
parmi lesquels le major Ricciotti, qui s'était ac-
quis un certain renom dans les guerres d'Espa-
gne, et le jeune enseigne de frégate Moro., qui,
à peine âgé de dix-huit ans, avait aussi déserté
la marine autrichienne. Ils abordèrent de nuit
à quelques milles de Crotone. Entrés dans les
bois, ils faisaient une halte lorsqu'un d'entre
eux, le traître Boccheciampe, les quitta tout
à coup et alla donner l'éveil aux autorités.
Quelques heures après, la petite bande, cer-
née et attaquée par des forces considérables ,
était prise après une défense désespérée et
après avoir eu un mort et trois blessés. Con-
duits d'abord à San-Giovanni-in-Fiore , en-
suite à Cosenza , les prisonniers furent jugés
par une commission militaire, qui en con-
. damna quatorze à la peine de mort. Toutefois,
pour cinq d'entre eux, la peine de mort fut
commuée en celle de l'emprisonnement per-
pétuel. Les neuf martyrs , Attilio et Emile
Bandiera, Ricciotti, Moro,Nardi,Berti, Rocca,
Venerucci et Lupatelli furent conduits au
supplice le 9 juillet 1844; ils demandèrent à
commander le feu, en refusant de se laisser
bander les yeux et de se mettre à genoux , et
ils moururent tous en criant : Vive l'Italie!
L'Europe s'émut douloureusement à la nou-
velle de ces exécutions; quant à l'Italie, la
commotion qu'y produisit cet événement ne
fut pas sans influence sur son réveil.
Les regrets du mondr. civilisé vengèrent
ces modernes Curtius des balles bourbon-
niennes, et cette fin si noble et si prématurée
inspira plusieurs postes : en Italie , M. Rie-
ciardi; en France, M. Deschamps et Mm0
Louise Colet.
Mazzini a publié, sur la vie et la mort de
ces nobles victimes, un livre qui se répandit à
grand nombre en Italie : Le martyre des
frères Bandiera et de leurs compagnons.
bandière s. f. (ban-diè-re — vaA. bande).
Bannière. Ce sens a vieilli, il Bannière placée
au sommet d'un mât de navire et sur laquelle
sont brodées les armes du souverain.
— Front , bordure : L'avenue Gabrielle of-
frira bientôt la plus charmante bandière de
palais romains , étrusques, palermitains. (Bu-
soni.) il Inus.
— Art milit. Front de bandière, Ligne de
drapeaux, d'étendards ou d'armes en fais-
ceaux, formée en avant des troupes ou du
camp, ti Front d'une armée en bataille : Les
Samoïèdes n'ont jamais tué personne en front
de BANDiÉRB. (Volt.) Et Ion voit un vigou-
reux alezan rubican,poil de vache, passer fiè-
rement au'grand trot devant le front de ban-
dière du régiment. (A. Gandon.)
— Comm. Sorte de futaine à barres et à
raies.
BAND1MENT s7 m. (ban-di-man — rad.
6a«) . Féod. Publication ou proclamation faite
au nom du seigneur haut justicier,
BA.NDIN s. m. (ban-dain — rad. bande).
Sorte de plate-forme qui servait de lit de
camp sur les galères, il On disait aussi ban-
dinet.
BANDINE s. f. (ban-di-ne). Agric. Nom
vulgaire du sarrasin.
BANDINELLI (Bartolommeo ou Baccio), cé-
lèbre sculpteur italien, naquit à Florence en
1489. Son père, Michel-Agnolo di Viviano,
orfèvre des plus habiles, lui enseigna le des-
sin. Il manifesta, dès son enfance, sa vocation
pour la sculpture. Un jour qu'il se trouvait
dans l'atelier de Girolamo del Brida, ce peintre
lui montrant 'par la fenêtre un énorme amas
de neige, lui dit : » Baccio, si cette neige
était du marbre, n'en ferait-on pas un beau
BAN
géant couché? — Oui, certes, répondit l'en-
fant, et c'est facile à faire. » Aussitôt, s'étant
dépouillé de son manteau, Baccio descendit
dans la rue, réunit plusieurs de ses camara-
des, et, aidé par eux, modela avec la .neige
une figure gigantesque qui causa la plus
grande surprise aux artistes de Florence.
Devenu l'élève du sculpteur Gian-Francesco
Rustichi, il fit de rapides progrès et mérita les
encouragements de Léonard de Vinci, qui
était l'ami de son maître. Il voua dès lors à ce
célèbre peintre le plus vif attachement et
l'admiration la plus enthousiaste. On exposa,
à cette époque, dans une salle du Palais-Vieux,
le fameux carton de la Guerre de Pise, que
Michel-Ange»avait peint en concurrence avec
Léonard,. et qui avait été jugé supérieur à. la
composition de ce dernier. Baccio, comme
tous les jeunes artistes qui travaillaient alors
à Florence, fit plusieurs dessins d'après ce
carton, et il parvint même à surpasser dans
ce travail le Sansovino, le Rosso, Andréa del
Sarto. On prétend qu'afin d'étudier plus à loi-
sir ce chef-d'œuvre, il avait fait faire une
fausse clef de la salle où on l'avait placé. Sa
'passion pour l'art aurait pu excuser, jusqu'à
un certain point, cette, indiscrétion coupable;
mais que penser du crime qu'il commit, si l'on
en croit Vasari, en profitant des troubles oc-
casionnés par la restauration des Médicis, à
Florence, en 1512, pour mettre le carton en
pièces ! On a prétendu que Baccio fut poussé
à cette action infâme, soit par le désir de
priver ses rivaux de ce magnifique modèle;
soit par aifection pour Léonard de Vinci, qui
avait été vaincu par Michel-Ange, soit par la
haine acharnée qu'il ne cessa de porter toute
sa vie au prince de l'école florentine. Il se
croyait appelé a dévenir l'émule de ce maître
illustre, et il ambitionna de l'égaler, de le vain-
cre même dans tous lesgenres. Fier des éloges
qu'il avait obtenus comme dessinateur, il ré-
solut de s'essaver dans la peinture; mais,
aveuglé par son orgueil, il voulut que l'on
crût qu'il avait trouvé, sans aucune aide, toutes
les ressources du métier. Dans cette intention,
il pria son ami Andréa del Sarto de lui faire
son portrait, comptant bien lui dérober les se-
crets de son art. Mais Andréa pénétra son
dessein, et, au lieu d'établir ses tons sur sa
palette, comme à l'ordinaire, il attaqua ses
.couleurs avec tant de hardiesse et de prompti-
tude, qu'il déconcerta complètement Baccio.
Celui-ci se décida alors à demander quelques
leçons à Rosso-, après quoi, il peignit, entre
autres tableaux : Noé ivre devant ses enfants,
et les Patriarches tirés des limbes par le Christ.
Mais ces ouvrages, d'un coloris criard, d'une
exécution sèche et dure, n'ayant pas obtenu
le succès qu'il espérait, il renonça a la palette
et reprit le ciseau. Travailleur infatigable, il
produisit, durant sa longue carrière, une foule
d'œuvres remarquables. Parmi celles que l'on
conserve à Florence, il nous suffira de citer :
à la cathédrale, une statue de saint Pierre et
les bas-reliefs de marbre formant le soubas-
sement du chœur et représentant les Prophè-
tes et les Vertus; devant le Palais-Vieux,
Hercule tuant Cacus, groupe célèbre, et un
Terme femelle, décorant la porte de cet édi-
fice', à l'intérieur, Adam et Eve et plusieurs
Statues représentant divers princes et pontifes
de la famille de Médicis j au palais Pitti,
Bacchus et Orphée; aux Offices, une copie du
Laocoon, destinée à François Ier, mais trou-
vée si belle par Clément VII que ce pape la
garda pour lui et envoya, en échange, quel-
ques antiques au roi de France ; dans- les
jardins Boooli, Apollon, Cérès, la Clémence;
dans le cloître de l'église de Santa-Croce,
Dieu le père bénissant les hommes, statue qui,
avant 1843, décorait le maltre-autel de la ca-
thédrale; dans l'église de l'Annunziata, une
Pietà, dans laquelle l'artiste s'est représenté
lui-même, dit-on, sous les traits de Nicodème.
Cette Pietà fut le dernier ouvrage de Baccio :
il la fit pour la chapelle des Pazzi, où il avait
obtenu d'établir la sépulture de sa famille. La
sculpture terminée, il voulut placer de ses
propres mains les ossements de son père dans
ce tombeau : la fatigue et l'émotion- que lui
causa cette pénible besogne le rendirent ma-
lade, et il mourut peu de jours après, à l'âge
de soixante-douze ans. Les ouvrages de Ban-
dinelli se distinguent par l'ampleur du style
et la force de l'expression; mais les altitudes
manquent généralement de grâce et de sou-
plesse, et 1 exécution dénote plus de savoir
que de goût. Le groupe colossal d'Hercule
tuant Cacus, qui passe pour être son chef-
d'œuvre, a une tournure véritablement gran-
diose-, mais on peut y reprendre une certaine
exagération dans la manière dont les muscles
sont accusés, défaut qui fit dire à Michel-
Ange que le corps d'Hercule ressemblait à un
sac de pommes de pin. Cette épigramme mor-
dante ne fut pas la seule que Ion fit sur ce
groupe; aucun ouvrage n'a peut-être soulevé
3'aussi nombreuses et d'aussi violentes criti-
ques : le jour de l'inauguration (1534), il y eut
une véritable émeute à Florence, et l'on dut
faire plusieurs arrestations par ordre du duc
Alexandre de Médicis, qui protégeait l'artiste.
Par son caractère envieux et hautain, par son
penchant à blâmer et à dénigfer, Baccio s'é-
tait attiré une foule d'ennemis. Il vécut en
mésintelligence avec la plupart des artistes
de son temps. Envoyé par Léon X à Lorette
pour travailler à la .décoration du célèbre
sanctuaire de cette ville, sous la direction du
Sansovino, il ne tarda pas à avoir avec ce
dernier une violente dispute et fut obligé de
BAN
se retirer, laissant inachevé un bas-relief de
la Nativité de la Vierge, que termina Raffaele
da Montelupo. Plus tard, jaloux de la faveur
que Benvenulo Celiini obtenait à la cour des
Médicis, à son retour de France, il ne négligea
aucune occasion de dénigrer son mérite. Ben-
venuto, qui était peu endurant, l'accabla pu-
bliquement d'injures et le menaça plusieurs
fois de son poignard. Baccio se rendit plus que
jamais insupportable par son orgueil, après
qu'il eut été décoré de l'ordre de Saint-Jac-
ques par Charles-Quint, dont il avait repré-
senté le Couronnement par Clément VII. Il eut
la prétention de faire croire qu'il était d'ori-
fine noble et se fit appeler tantôt de Bran-
ini, tantôt de BandiDelli; il finit par adopter
tout à fait ce dernier nom, prétendant qu'il
descendait des Bandinelli de Sienne. La vérité
est, comme Benvenuto CelHni l'a dit malicieu-
sement dans ses Mémoires, qu'il fut le pre- .
mier de sa race; et nous ajouterons avec
Vasari : « On doit oublier ses défauts en faveur
de ses grands talents, qui le placent au nom-
bre des maîtres les plus habiles et les plus di-
gnes de vivre éternellement. »
Le même auteur nous fait assister à une
altercation curieuse qui eut lieu devant le
grand-duc lui-m.ème, et qui prouve jusqu'à
quel point Benvenuto et Bandinelli se détes-
taient mutuellement : « Munis-toi pour l'autre
monde, lui dit Celiini, car je veux t'arracher
de celui-ci. — Préviens-moi donc un jour
d'avance, répliqua Bandinelli, pour que je
puisse me confesser, afin de ne pas mourir
comme un animal de ton espèce. •
Bandinelli (Portraits de). Un portrait au-
thentique de Baccio Bandinelli, exécuté par
cet artiste lui-même, figure dans la célèbre
collection du musée des Offices à Florence.
Il en existe des répétitions ou des copies dans
plusieurs galeries de la même ville. Le Lou-
vre possède deux portraits qui ont été dési-
gnés, pendant assez longtemps, comme étant
ceux du même maître. L'un représente un
sculpteur, coiffé d'une toque noire, appuyant
la main droite sur une tête de marbre et le
bras gauche sur une plinthe de pierre, où se
trouve un ciseau, qu'il montre du doigt. Sur
la foi de Lépicié, on avait cru ce tableau
peint par Bandinelli lui-même ; l'erreur ayant
été reconnue, on a voulu, Sans plus de fon-
dement, que le sculpteur représenté fût Bac-
cio de Montelupo. Cette peinture a été cata-
loguée'depuis parmi les productions des maî-
tres inconnus ; suivant M. Villot, elle paraît
avoir été exécutée de 1520 à 1530, par un ar-
tiste vénitien ou véronais. L'autre portrait,
attribué naguère à Sébastien del Piombo et
actuellement à Angiolo Bronzino, est regardé
à bon droit comme un chef-d'œuvre : le per-
sonnage représenté est un jeune homme vu
de trois quarts, la tête nue et tournée vers la
gauche; il a un justaucorps noir serré à la
taille et tient une petite statue de femme en
bronze. La tête et les mains sont d'un modelé
admirable. Gravé par Pigeot dans le Musée
Filhol.
BANDINGUE s. f. ( ban-dain-ghe). Pêch.
Ligne maintenant un filet qui, placé dans
des eaux basses, serait exposé à se renverser,
au moment du retrait des eaux.
BANDINI (François), chroniqueur et prélat
italien, né à Sienne, mort en 1588. Il a laissé :
Pu II commentarii sut temporis, a Jo. Gobe-
lino compositi et a Franc. Dandina recogniti
(Rome, 1584, in-4<>), avec la continuation de
Jacq. Piccolomini (Francfort, 1614). •
BANDINI (Giovanni), surnommé Dell' Opéra,
sculpteur italien, né à Parme, ou selon quel-
ques auteurs à Castello, en Toscane, florissait
S Florence, dans la seconde moitié duxvro siè-
cle. Parmi les ouvrages qu'il a laissés dans
cette ville, nous citerons : les statues de saint
Philippe et de saint Jacques, dans la cathé-
drale: deux bas-reliefs en marbre représen-
tant, l'un la Présentation et l'autre le Mariage
de la Vierge, dans l'église de Santa-Maria-
Novella ; le buste du Tasse, dans la maison
Batelli; une statue de l'Architecture, pour le
tombeau de Michel-Ange, dans l'église de la
Sainte-Croix.
BANDINI (Salluste), économiste italien, né
à Sienne en 1677, mort en 1760. Vers 1740, il
présenta au gouvernement de la Toscane une
dissertation sur la maremme de Sienne et sur
les moyens de l'assainir. Ce travail, plein de
vues neuves et utiles et de considérations éco-
nomiques, ne fut imprimé qu'en 1775. Mais
l'empereur François I" et son fils, le grand-
duc Léopold, en avaient appliqué les idées les
plus importantes.
BANDINI (Ange-Marie), antiquaire et phi-
lologue, conservateur de la bibliothèque Lau-
rentine de Florence, né dans cette ville en
1726, mort en 1800. Il était ecclésiastique. Il a
laissé peu d'ouvrages étendus, mais un grand
nombre de savantes dissertations publiées, les
unes à part, les autres dans les recueils scien-
tifiques et littéraires. Les principales sont les
suivantes : Spécimen de la littérature flo-
rentine au.xve siècle (1747); Vie et lettres
d'Améric Vespuce (1745) ; Catalogue des ma-
nuscrits grecs-, latins et italiens de la biblio-
thèque Laurentine (1764-1778); Description de
l'obélisque d'Auguste retrouve au Champ de
Mars (Rome, 1750); Vie de Philippe Strozzi
(1756) ; des notices sur des personnages célë-
I bres, des éditions annotées, etc.
I BANDIns s. m. pi. (ban-dain). Mar. Pieds
BAN
qui, placés à la poupe d'un navire, soutien-
nent, avec les grandes consoles, une sorte de
petit banc formé par dehors de petits balus-
1res.
BANDIT s. m. (ban-di,— de l'ital. bàndito,
même sens; formé de bandire, bannir .V. aussi
l'étym. de ban). Individu qui vit de rapino
et se trouve en révolte ouverte contre les
lois du pays : La plupart des repentants du
xvio siècle et du commencement du xviic
avaient été des bandits. (Chateaub.) Un objet
sans valeur, oublié par les bandits, fixa mon
attention. (G. Sand.) En Italie , tes bandits
sont très-nombreux et forment une véritable
société, soumise à une organisation régulière.
(V. Hugo.)
Courir comme un bandit qui n'a ni feu ni lieir.
Boileau.
Mais je vois un bandit qui ne craint plus l'enquête,
A ma bourse, en plein jour, adresser sa requête,
C. DELAVH1NE.
A chaque meurtre, avec recueillement.
Tous les bandits se signaient tristement.
C. Delavione.
Contre qui voudra je parie •
Qu'un bandit en beau velours neuf.
Plaira cent fois mieux & Sylvie
Qu'un savant en vieux drap d'Elbeuf.
Panard.
— Par exagér. Homme misérable, vaga-
bond, sans aveu : La banlieue de la capitale '
est le refuge d'une foule de bandits sans feu
ni lieu, il Mauvais sujet, mauvais drôle :
Quand la mère était à bout, elle appelait son
fils bandit. Il Se dit aussi par plaisanterie, de
quelqu'un qui mène une vie un peu libre :
Ce grand bandit nous amuse toujours avec ses
histoires.
BANDITISME s. m. (ban-di-ti-smo — rad.
bandit). Habitudo de vivre en bandit; métier
de bandit; état d'un pays infesté par des
bandits; se dit surtout en parlant do la
Corse, où cet état est en quelque sorte une
profession , comme le brigandage dans les
Calabres : La guerre, la guerre civilisée, épuise
et totalise toutes les formes du banditisme.
(V. Hugo.) La civilisation ne fera de véritables
progrès en Corse que lorsqu'on sera parvenu à
y détruire complètement le banditisme et la
vendetta. (Cl. Robert.) il Ce mot, si commun
aujourd'hui, est omis.par tous les dictionnai-
res.
BANDOIR s. m. (ban-doir, — rad. bander).
Techn. -Objet qui sert à bander, n Ressort
employé dans un mécanisme, il Roue à ban-
der leoattant d'un métier do rubanior, il Bit-
ton qui entre dans la noix du bandage des
battants, chez les passementiers.
BANDOLINE s. f. (ban-do-li-ne — rad.
bandeau). Dissolution visqueuse, aromatisée,
qui a surtout pour base le mucilage de pépins
de coing ou de graines de psyllium, et dont
les femmes se servent pour maintenir leurs
cheveux lisses : Cette singulière fille faisait
fine taille, et consommait de la rakdolink
pour sa chevelure lissée. (Balz.)
BANDOLS, village de France (Var), arrond.
et à 16 kil. O. de Toulon; 1,847 hab, Petit
port sur la Méditerranée pour le cabotage;
climat très-sain; gelée inconnue; vins es-
timés.
BANDON s. m. (ban-don). Autref. Faculté,
permission, pouvoir : Le roi avait toujours
bandon d'aller parler à la dame du château.
(Complém. de l'Acad.)
— Art milit. anc. Proclamation que l'on
faisait en promenant un drapeau.
— A bandon anc. loc. prov. A volonté, à
profusion : Avoir de l'argent a bandon.
BANDON, rivière d'Irlande, dans le comté
de Cork; prend sa source aux monts Car-
berry et se jette dans l'Atlantique après un
cours de 52 kil. de l'O. à l'E. Il Ville» d'Irlande,
sur la rivière de son nom, comté et à 20 kil.
S.-O. de Cork; 13,000 hab. ; distilleries, com-
merce de grains ; eaux minérales dans les en-
virons.
BANDORE s. f. (ban-do-re). Mus. Espèce
de mandoline en usage en Espagne, et que
les Catalans appellent bandola. n C'est aussi
le nom que les Russes donnent à une sorte
de luth.
bandoulier s. m. (ban-dou-lié — rad.
bande.) Contrebandier des Pyrénéesj bandit :
Des bandoui.iers et des hommes d armes en
déroute infestaient les campagnes. (E. Sue.)
On a vu des Césars, et même des pluB braves,
Qui sortaient d'artisans, de bandouliers, d'esclaves.
Corneille.
Il Vieux mot. que l'on a écrit aussi quel-
quefois bandolier.
— S'est dit des archers des maisons de
ville, des gardes forestiers et autres employés
armés, qui portaient un arc en bandoulière.
BANDOULIÈRE s. f. (ban-dou-liè-re —
rad. bande). Art milit. Bando do cuir, tantôt
unie, tantôt plus ou moins ornée, que l'on
portait anciennement en guise de baudrier,
et qui servait à soutenir une arme ou une
pièce d'équipement : De simples milices qui
n'avaient que des cordes pour bandoulière.
(Volt.) En général, la banderole, le baudrier,
la bretelle, sont ou ont été des bandoulières.
(Gén. Bardin.) il On disait aussi bandoukre.*-
— Porter, mettre, avoir une chose en ban-
doulière, La porter, la mettre, l'avoir der-
rière le dos et en sautoir, au moyen d'une
bretelle, d'une courroie, d'un lien quclcon-
I que : L'ordonnance de service de 1768 voulait
BAN
BAN
BAN
BAN
153
que, dans les places de guerre, pendant la
fermeture des portes, les soldats qui manœu-
vraient le pont-leeis eussent le fusil en ban-
doulière, la bouche dit canon en haut. Autre-
fois , les grenadiers mettaient le fusil en
bandoulière quand ils tiraient l'e'pée pour
combattre à l'arme blanche .• d'où l'expression
à la grenadièro était souvent employée â la
place de l'expression : en bandoulière. Au-
jourd'hui, les dragons portent encore le fusil
en bandoulière, lorsqu'il est chargé, et il en
est de même dans les autres corps de troupes à
cheval dont l'armement est semblable. Le jour
de l'ouverture de ta tranchée, les travailleurs
mettent le fusil en bandoulière, et prennent
d'une main la pelle et la pioche, et, de l'autre,
la fascine à placer. Le règlement de police de
l'infanterie, donné en 1790 , voulait que les
officiers de service eussent l'épée en bandou-
lière. (G6d. Bardin.) L'écharpe militaire
s'est portée tantôt en bandoulière, tantôt en
ceinture (Gén. Bardin.) Le postillon badois
portait en bandoulière un petit cor de chasse.
(V. Hugo.)
— Porter la bandoulière, Etre garde-
chasse, il Donner la bandoulière à quelqu'un,
Le nommer garde-chasse, il Oter la bandoulière
à un garde-chasse, Le révoquer de ses fonc-
tions.
— Mar. Prendre une ancre en bandoulière,
La poser dans une chaloupe pour ia porter là
où l'on veut la mouiller. Lancre se trouvé
en travers, sur le derrière de l'embarcation,
suspendue comme en équilibre, le jas d'un
côte, et les becs de l'autre.
— Ichthyol. Nom donné à divers poissons
du genre chétodon, àcause'de leurs couleurs
vives et disposées par bandes; ils vivent
dans les mers équatoriales : Sept ou huit
bandes transversales brunes, placées sur la
gueue de plusieurs chétodons, ont fait donner
àcespoissons lenom de bandoulières. (Lacép.)
Il Ce nom désigne aussi quelquefois des espè-
ces de labres, vivant dans les mers du Nord.
— Encyc!. Anciennement, le mot bandoulière
désignait, d'une manière générale, l'espèce de
baudrier que les soldats passaient quelquefois
sur l'épaule gauche, le plus souvent sur l'é-
paule droite, et qui était destiné à supporter
un effet d'armement ou d'équipement. Ainsi,
c'est au moyen d'une bandoulière que les ar-
chers du moyen âge portaient 1^ trousse qui
renfermait leurs flèches, et que, plus tard, les
grenadiers portèrent leur sac à grenades, et
les cavaliers le pétrinal et le mousqueton.
Toutefois, a la fin du xvi<* siècle et pendant
une partie du suivant, on donna aussi spé-
cialement le nom de bandoulière à, l'appareil
dont se servaient les fantassins , armés de
mousquets , pour porter leurs munitions. Cet
appareil consistait, comme la bandoulière or-
dinaire, en une bande de cuir ou de buffle ;
mais il était muni d'un certain nombre de
cordons, à chacun desquels était attaché un
étui de bois recouvert de peau et contenant
une charge de poudre. Le soldat le passait
par dessus l'épaule gauche, et, à la partie qui
pendait sur la hanche droite, il attachait un
petit sac pour renfermer les balles, et une
poire ou flasque pour contenir le pulvérin
d'amorce. Cette bandoulière fut modifiée par
la suite, mais sans changerde nom. La giberne,
qui la remplaça, fut même, pendant plusieurs
années, appelée bandoulière. Sous l'ancienne
monarchie, les troupes à cheval de la maison
du roi, les cavaliers de la maréchaussée, les
gardes des princes et divers corps de police
conservèrent la bandoulière primitive jusqu'à
la Révolution, mais cet accessoire du costume
n'était, du moins dans les derniers temps,
qu'un simple ornement, dont la couleur et les
enjolivements servaient, tantôt à distinguer
les compagnies, tantôt à faire connaître Pau-
torité particulière de laquelle relevaient ceux
qui en étaient revêtus. C'est probablement en
souvenir de cet usage que, sous la restau-
ration, les gardes du corps de Louis XVIII
appelaient bandoulière la buffleterie qui sup-
porte la giberne, et que l'on nomme actuelle-
ment banderole. C'est sans doute encore pour
la même raison qu'autrefois l'on donnait aussi
le nom de bandoulière au baudrier des suisses
d'hôtel et d'église, usage qui s'est conservé
jusqu'à, nos jours.
BANDREY s. m. (ban-dré — rad. bander).
Art milit. anc. Sorte de pince avec laquelle
on tendait l'arbalète.
' BANDTKE (Georges-Samuel), historien et
bibliographe polonais, né à Lublin en 17GS,
mort en 1835. II occupa divers emplois dans
l'instruction publique, et obtint, en 1814, la
Elaee de professeur de bibliographie et celle de
ibliothécaire de l'université de Cracovie.
Parmi ses ouvrages, les suivants sont parti-
culièrement cités : Evénements de l'histoire
polonaise (1810); Histoire de l'imprimerie à
Cracovie (1815); Histoire de l'imprimerie en
Pologne (1826, 3 vol.). — Son frère J.-Vincent,
né à Lublin en 1783, mort en 1851, notaire du
royaume de Pologne, professeur de droit à
l'université de Varsovie, a publié plusieurs
ouvrages, parmi lesquels nou&citerons : De stu-
dio juris Polonici (1806); Jus polonicum (1841).
BANDUCCI, orfèvre et graveur italien, tra-
vaillait vers la fin du xvi» siècle. On a de lui
un Saint Jérôme, gravé au burin, d'après Louis
Carrache,
BANDURE s. t. (ban-du-re). Bot. Nom
donné au népenthès de Madagascar,
BANDIJRI (dom Anselme), bénédictin, né à
Ruguse vers 1670, mort à Paris en 1743. Fixé
à Paris vers 1702, il devint bibliothécaire du
duc d'Orléans et membre de l'académie des
Inscriptions. Il a laissé : Imperium orientale
(171 1), ouvrage important sur l'histoire de
Constantinople, et qui fait partie de la collec-
tion byzantine ; Numismata imperatorum ro-
manorum (1718), recueil estimé des médailles
depuis Dèce jusqu'au dernier Paléologue, pré-
cédé d'une bibliographie de la matière. Tanini
a joint à ce recueil an supplément publié à
Rome en 1791. On a prétendu que de la Barre,
membre de l'Académie des inscriptions, avait
eu une part assez importante à la composition
des ouvrages de dom Banduri. On a prétendu
aussi, avec moins de vraisemblance, que ce
savant était le fils naturel du grand-duc de
Toscane, son protecteur. Mais cette assertion
tombe d'elle-même s'il est vrai, comme d'autres
l'affirment, que ce fut D. Bernard de Mont-
faucon qui fit connaître et qui recommanda
Banduri au grand-duc. .
BANDUSIE s. f. (banrdu-zî). Fontaine du
pays sabin, près de laquelle Horace avait une
maison de campagne, et qu'il aimait .à
rappeler.
BANEÇON s. m. (ba-ne-son). Sorte de
panier, de corbeille.
BANÉE ou BANIE s. f. (ba-ué, ba-nî— rad.
ban). Féod. Droit de ban. Syn. de banalité.
BANEL (Pierre) , général français, né à Lec-
toure (Gers) en 1766, mort en 1796. Il se distin-
gua de la manière la plus brillante à l'armée des
Pyrénées jusqu'en 1795, passa à l'armée d'Italie
et fut tué à l'attaque du château de Cossoria.
Son nom est inscrit sur les tables de bronze
de Versailles.
BANER, BANIER ou BANNER (Jean-Gus-
tavson), général suédois, né en 1595, ami et
compagnon d'armes de Gustave-Adolphe, qu'il
accompagna dans ses guerres contre les Po-
lonais et en Allemagne. Il contribua puissam-
ment à la victoire de Leipzig (1631), prit
Magdeboùrg et fut blessé à la bataille de Nu-
remberg. Après la mort de Gustave-Adolphe,
il gagna sur les impériaux et les Saxons réunis
la bataille de Wittstoch (1636), battit encore
les Saxons à Chemnitz (1639), puis Piccolomini,
échoua devant Ratisbonne (1641), et mourut
la même année à Halberstadt. L'armée sué-
doise perdit en lui son meilleur général. Ses
succès et ses talents lui avaient mérité le
surnom de second Gustave.
BANERJEA, orientaliste anglais contempo-
rain , professeur au Bishop's collège, à Calcutta,
auteur d'un ouvrage important, intitulé : Dia-
logues sur la philosophie indoue, y compris le
nyaya, le sankhya, le vedant, suivis d'une dis-
cussion sur l'autorité des Védas. Les critiques
anglais présentent ce livre comme étant écrit
de main de maître ; son auteur, qui est par-
faitement au courant de son sujet, aurait su à
la fois combiner le talent de l'écrivain et celui
du professeur. Dans les pages consacrées aux
origines de la philosophie et de la théologie
indoues, M. Banerjea s'écarte de plusieurs
opinions reçues sur les dates assignées aux
diverses compositions védiques. Les citations
considérables qu'il donne de ces diverses com-
fiositions, à l'appui de ses opinions, rendent son
ivre très-intéressant. La science a déjà classé
M. Banerjea au rang des orientalistes les plus
autorisés.
BANES (Dominique), théologien espagnol,
né à Valladolid en 1527, mort en 1604. Il entra
dans l'ordre des dominicains et professa la
théologie pendant plus de trente-deux ans à
Avita (où il fut pendant huit ans le confesseur
de sainte Thérèse), à Valladolid, à Salamanque
et en d'autres villes de la Péninsule. On a de
lui de nombreux ouvrages de théologie, des
commentaires sur Aristote, sur saint Tho-
mas, etc.
BANEUX, corniste français, né a Paris en
1795,' mort en 1854. Elève de Dauprat pour
le cor, au Conservatoire de Paris, il entra à
l'orchestre du Gymnase dramatique comme
premier cor, et passa de là à l'orchestre de
l'Opéra-Comique, où il fut nommé cor solo en
1837. Baneux exerça les fonctions de profes-
seur de cor au Gymnase militaire, pendant
toute la durée de cette institution.
BANEUX (Mathieu-Gustave), corniste fran-
çais, fils du précédent, né à Paris en 1825. Il
fut admis au Conservatoire en 1836, reçut les
leçons de Dauprat pour le cor, et remporta le
premier prix en 1840. Engagé comme premier
cor al'Opéra-Comique, il fit, pendant plusieurs
années , partie de l'orchestre de ce théâtre,
puis se démit de son emploi et se mit à voyager
pour donner des concerts. Après la mort de
son père, il rentra à l'Opéra-Comique en qua-
lité de cor solo. L'éditeur Richault a publié
de lui des variations pour cor et orchestre,
sur un thème favori à'ï Capuleiti.
BANEZA (la), petite ville d'Espagne, ch.-l.
de juridiction civile, province et à 46 kil. S.-O.
de Léon, sur la rive droite de l'Orbigo; 3,500 h.
BANFF, ville et port d'Ecosse, ch.-l. du
comté de son nom, a l'embouchure du Dove-
ron, à 205 kil. N.-O. d'Edimbourg; 3,000 hab.
Commerce d'exportation de grains, salaisons,
bétail ; ruines d'un ancien château royal, u
Banef (comté de), province administrative
d'Ecosse, comprise entre la mer au N., les
comtés d'Elgin et d'Inverness à l'O., d'Aber-
deen au S. et h l'E.; 50,000 hab.; villes prin-
cipales Banfl", Cullen et Portsoy. Pays mon-
tagneux, excepté sur la côte, mais fertile en
pâturages ; l'élevage du gros bétail et la pêche
font la principale occupation des habitants.
BANFI (Jules), musicien italien, mort vers
1670. Pris en mer par des corsaires tunisiens,
il gagna la faveur du bey par son talent sur
le luth, étudia pendant sa captivité la fortifi-
cation et l'artillerie, obtint dans la suite de
passer en Espagne, où il devint lieutenant
général sans cesser de s'occuper de musique.
On a de lui un traité estimé, \e-Maitre de
guitare (Milan, 1653).
BANFI (Jean, baron de), officier hongrois,
né en 1816, servit avec distinction dans divers
régiments avant 1848, remplit pendant la ré-
volution les fonctions de major dans un des
bataillons de l'armée de Bem, dont il fut un
des officiers les plus audacieux et les plus
habiles, mais fut forcé, par raison de santé, de
résigner son commandement avant la fin de
la guerre de l'indépendance.
BANFIELD (Charles-Thomas), économiste
anglais, né à Londres vers la fin du siècle
dernier. Après avoir fait l'éducation du roi
Louis II, de Bavière, il revint en Angleterre,
où, pendant onze ans, de 1844 à. 1855, il pro-
fessa l'économie politique à l'université de
Cambridge. Il fut nommé secrétaire du conseil
privé de la reine, en 1846, par la recomman-
dation de sir Robert Peel. Outre de nombreux
articles publiés dans le Mining journal (journal
des raines) et dans le Stattstical companion
(annuaire statistique) de M. Weld, il a fait
paraître, sous le titre d'Organisation de l'in-
dustrie, se3 leçons sur l'économie politique.
Cet ouvrage, profondément empreint des idées
libérales et démocratiques, et où l'on trouve
une réfutation de la célèbre doctrine de Mal-
thus, a eu plusieurs éditions en Angleterre, et
a été traduit en français par M. Em. Thomas.
Cette traduction fait partie de la Collection
des économistes contemporains (1851, in-8°).
BANG s. m. (bangh). Bot. Palmier d'A-
frique dont le fruit fournit aux nègres une
sorte de vin rouge,
BANG S. m. OU BANGHE et BANGUE
s. f. (bangh , ban-ghe). Bot. Nom vulgaire
du chanvre de l'Inde, avec lequel on prépare
le haschich (V. chanvre, hascbich.) On rap-
pelle bakka dans quelques localités.
BANG, ville de l'Indoustan, dans l'ancienne
province de Malwah, k 232 kil. N.-E. de Su-
rate, sur un affluent de la Nerbudda ; 5,000 h.
Hauts fourneaux et fonderies ; jadis ville très-
importante. Célèbre par ses temples souter-
rains du culte de Bouddha; ces temples, au
nombre de cinq, sont creusés dans les flancs
d'une montagne , contre-fort des monts Vin-
dhya.
BANG ou BANNG (Jérôme), orfèvre et gra-
veur allemand, né en 1553, mort en 1630. Il a
travaillé à Nuremberg. On a de lui des Motifs
d'ornements, des Amours avec des instruments
de guerre, etc., gravés au burin et au mail-
let.
BANG ou BANGIUS (Thomas), philologue
danois, né dans l'Ile de Fionie en .1600, mort
en 1661. Il professa l'hébreu , puis la théologie
à Copenhague. On a de lui un assez grand
nombre d'ouvrages remplis d'érudition; mais
ce sont pour la plupart des thèses et des pro-
grammes qui n'offrent plus un grand intérêt.
Nous citerons seulement : Exercitationes phi-
lologico-philosophicœ, quibus materia de ortu
et progressu litterarum ex intimis et genuinis
suis principiis pertractatur (1691). Dans cet
ouvrage curieux, l'auteur recherche l'origine
des lettres, des signes astronomiques et des
caractères cabalistiques..
BANG ou BANGIUS (Pierre),' théologien
suédois , né en 1633, mort en 1696, l'année
même où il fut nommé évêque de Wibourg.
Ses principaux ouvrages sont les suivants :
Priscorum Sueo-Gothorum ecclesiœ, seu His-
toria ecclesiastica de priscis Sueo-Gothicœ
terra? colonis (1675); Traité de chronologie
sacrée.
BANG (Niel-Frédéric), philologue danois,
vivait dans la première moitié du xvme siècle.
Il a donné une Grammaire de la langue fran-
çaise, une Grammaire italienne, des traduc-
tions et divers autres écrits.
BANG (Frédéric-Louis), médecin danois, né
dans l'île de Seeland en 1747, mort en 18?0.
Il était médecin de l'hôpital Frédéric, à Co-
penhague, et professeur à l'université. En
1807, lors du bombardement de Copenhague
par les Anglais, sa maison, sa bibliothèque et
ses manuscrits furent incendiés. Il reste de
lui : Selecta diarii nosocomii Fredericiani
Hafniensis ; c'est le recueil des faits cliniques
qu'il a observés dans son hôpital, do 1782 à
1807 ; Praxis medica systematice exposita
(1789), traité de médecine pratique basé sur
vingt mille observations recueillies dans l'ou-
vrage précédent. On a aussi de lui quelques
ouvrages ascétiques.
BANGALORB, ville forte de l'Indoustan,
dans le Maïssour; citadelle avec un beau, pa-
lais de Tippoo-Safeb ; 60,000 hab. Soieries et
tissus de coton très-estimés ; climat d'une dou-
ceur remarquable.
BANGASSI, ville de laSénégambie, capitale
du royaume de Fouladougou, à 212 kil. S.-E.
de Benaoum, par 13° 15' lat. N. et 8° 50' long.
O, ; place forte.
BANGE s. f. (ban-je). Comm. Etoffe que
l'on fabrique en Bourgogne.
— Bot. Palmier des Philippines, qui paraît
être le même que le banca,
BANGEMER s. m. (ban-je-mèr). Comm,
Sorte de camelot façonné.
BANGHE. V. BANG.
BANGI s. m. (ban-ji). Bot. Arbrisseau lac-
tescent, qui croît aux îles Philippines. Ses
fruits sont comestibles, et ses graines véné- •
neuses. Sa place dans la classification n'est
pas encore bien déterminée; on pense toute-
fois qu'il est voisin des strychnus.
BANGIE ou BANGIELLE s. f. (ban-jî, ban-
ji-è-le — de Bang, nom d'homme). Bot. Genre
d'algues, de' la tribu des oscillaires, dont
presque toutes les espèces sont marines.
L'une d'elles, cependant, croit dans les ruis-
seaux de l'Europe.
BANGKOK. V.Bankok.
BANGON s. m. (ban-gon). Art vét. Tu-
meur qui pousse sous la ganache du mouton.
bangonat s. m. (ban-go-na). Ornith. Fau-
vette rousse.
BANGOR, ville d'Angleterre, pays de Galles,
comté et à 15 kil. N.-E. de Caernarvon, sur
la baie de Beaumaris; 7,500 hab. Bains de
mer très-fréquentés; remarquable pont sus-
pendu du Menai, qui unit l'Ile d'Anglesey h. la
Grande-Bretagne; cathédrale ornée d'anciens
monuments et fondée en 525. il Ville d'Irlande,
comté de Down, à 19 kil. N.-E. de Belfast; '
petit port sur le canal du Nord; 9,300 hab.
Pêche active, restes d'une vieille abbaye dé-
truite par les Danois, il Ville des Etats-Unis
d'Amérique (Maine), avec un bon port sur le
Penobscot; 14,500 hab. Grand entrepôt de
bois de charpente, construction de vaisseaux.
BANGUE. V. RANG.
BANIAHBOU s. m. (ba-ni-â-bou). Ornith.
Espèce de grive qui vit en Chine et au Ben-
gale : Les baniahbous de la Chine ont un trait
blanc de chaque côté de la tête. (Buff.)
BANIAN s. m. (ba-ni-an). Membre d'une
classe des Indes orientales : Ce n'est pas grand
chose de bon : un pauvre diable sans asile, un
banian. (Gér. de Nerv.) Des banians de Vi-
sapour tuèrent l'éléphant d'un rajah, sous pré-
texte qu'ils chassaient au tigre. (Ourliac.)
— Comm. Officier de la marine do l'Etat,
qui fait le commerce, contrairement aux rè-
glements.
— Encycl. On appelle banians, dans les
Indes, les marchands qui voyagent à l'étran-
ger dans un but de négoce. Le mot banian est
une altération du terme sanscrit banik ou ba-
nidj, qui signifie littéralement un marchand,
un négociant. La terminaison an nous semble
•être tout simplement celle du pluriel persan.
De très-bonne heure, nous retrouvons les ba-
nians mentionnés dans différentes parties de
l'Orient. Déjà, du temps de Marco-Polo, ainsi
qu'il nous l'apprend lui-même dans son excel-
lente relation de voyage, la grande foire de.
Tébriz était fréquentée par des marchands in-
diens, et de nombreux vaisseaux chargés d'é-
pices et d'aromates se rendaient directement
des Indes à Aden. C'est de la que les mar-
chandises étaient transportées dans la basse
Egypte, à Alexandrie, en passant par la mer
Rouçe, le Nil et le Caire. De très-bonne heure
aussi, ces marchands indiens entrèrent en re- .
lations commerciales avec les côtes orien- *
taies de l'Afrique. Vasco de Gaina les y ren-
contra, en effet, lors de son premier voyage, et
• il est assez vraisemblable que "leurs rensei-
gnements ne contribuèrent pas peu à montrer
aux Portugais la nouvelle route des Indes.
En 1765, il y avait à Chiraz une vingtaine de
marchands indiens, et l'on se proposait d'y
bâtir un autre caravansérail, afin de les y at-
tirer en plus grand nombre. Niebuhr nous ap-
prend qu'on trouve des banians établis au
nord et à l'est d'Astrakhan. Les bariians ne
constituent pas aux Indes, comme on le croit
trop généralement, une caste spéciale, dis-
tincte des autres. Cependant, ils forment si-
non une caste, du moins une classe particu-
lière, et portent un costume très-pittoresque
qui leur imprime un cachet d'individualité In-
contestable. Ils sont, en outre, très-rigoureux
observateurs des prescriptions de leur reli-
gion, qui n'est' pas, comme on l'a cru égale-
ment h tort, une religion à part. Ainsi, même
dans les traversées les plus pénibles, ils re-
fusent absolument de manger de la viande
aussi , les matelots anglais , qui connaissenl
bien cette coutume, ont-ils l'habitude d'appe-
ler plaisamment les jours où on leur fait faire
maigre, banians days (jours des banians).
On a assez justement comparé les banians,
à cause du monopole commercial qu'ils exer-
cent, aux Arméniens de l'Orient et aux juifs
de l'Europe. U faut cependant reconnaître
qu'ils se distinguent de ces deux races âpres
au gain, par une grande probité et même par
une certaine générosité dans leurs transac-
tions commerciales. Actuellement les banians,
qui font surtout le négoce en gros, ont des
relations très-étendues dans l'Asie centrale et
jusqu'aux frontières de la Russie, du Tibet et
de la Chine.
BANIAN s. m. (ba-ni-an). Bot. Espèce de
figuier , qui croît aux Indes orientales , et
qu'on appelle aussi arbrb des banians et fi-
guier des banians : L'homme trouve encore
des appartements entiers de verdure sous tes
20
154
BAN
arcades au figuier des banians. (B. de St-P.)
Il arrive souvent que les oiseaux viennent dé-
poser sur un palmier, le borassus flabellifor-
mis, des graines du figuier des banians;
celles-ci y germent alors, des racines se déve-
loppent, et de nouveaux individus arrivent à
entourer complètement le palmier. (Gouas.)
Les baniara touffus par le brame adorés.
C. DELAVIONS.
, — Encycl, Le banian est le ficus indice de
Linné, de la famille des artocarpées. Il est
répandu dans l'Inde et dans toute l'Océanie.
Cet arbre présente , dans son mode de végé-
tation, des particularités remarquables. Ses
longues branches s'étendent horizontalement ;
il en sort des racines aériennes qui descendent
peu à peu vers le sol, finissent par s'y im-
planter et par produire comme de nouveaux
arbres, de telle sorte qu'un seul sujet peut,
avec le temps, arriver a couvrir une étendue
considérable et à simuler une petite forêt.
A .Nouka-Hiva, l'une des lies Marquises,
M. Jouan a vu, près de la case du roi, un
banian qui se compose de plus de cinquante
troncs différents , de toutes les dimensions,
pressés les uns contre les autres, et dont quel-
ques-uns feraient, k eux seuls, des arbres
respectables. L'ensemble a plus de 30 m. de
tour. A plus de cent pas de l'arbre, on ren-
contre encore ses racines traçantes , sembla-
bles h de grosses branches. Les feuilles sont
alternes, ovales, entières, assez petites , et
les fruits ne dépassent pas le volume d'une
noisette. < Rien, dit M. Jouan , n'est beau k
voir comme ce figuier, au moment où il vient
de renouveler son feuillage; sa cime couvre,
comme un immense parasol d'un beau vert gai,
une étendue de plus Je 300 m. de circonfé-
rence. • Le bois de cet arbre est mou et sans
usage; l'écorce des jeunes plants, soumise
au rouissage et au battage, fournit une étoffe
blanche assez résistante qui, pendant long-
temps a été k peu près le seul vêtement des
insulaires. Les fruits sont recherchés seule-
ment par les oiseaux, notamment par les tour-
terelles. Cet arbre, par son aspect singulier,
a de bonne heure frappé l'imagination des
Indiens ; puis la légende est venue lui donuer
un caractère sacré et le rendre un objet de
vénération publique. Brahma s'est, dit-on,
reposé sous son ombrage. Aussi le banian
ioue-tril dans l'Inde un rôle religieux. 11 orne
les cours des pagodes, et on élève des cha-
pelles sous ses piliers naturels. Souvent même,
dit-on? de pieux personnages établissent leur
domicile au milieu de ses branches.» En Océa-
nie, d'après le même auteur, on, rencontre le
banian dans les lieux de sépultures, dans ceux
où l'on fait des sacrifices humains, et, en gé-
néral, dans tous les endroits dont la redou-
table interdiction du tabou défend l'approche
au vulgaire. C'est peut-être le même arbre,,
ou plus probablement une espèce présentant
un mode de végétation analogue, qui est ap-
pelé dans plusieurs localités figuier maudit ,
parce qu'il croit aux dépens de ses voisins, et
que, si on ne l'arrêtait , il aurait bientôt dé-
'truit les arbres placés autour de lui.
BANIE s. f. V. Banbb.
BAN1EU, général suédois. V. Baner.
BANIER (l'abbé Antoine), savant littéra-
teur, membre de l'Académie des inscriptions,
né a Dalet (Auvergne) en 1673, mort à Paris
en 1741. On a de lui : Explication historique
des Fables, ouvrage important, qu'il refondit
entièrement k une troisième édition, sous ce
titre : la Mythologie et les Fables expliquées
par l'histoire (1738-1740). Il a aussi donné
une traduction médiocre des Métamorphoses
d'Ovide, souvent réimprimée, et une édition
retouchée des Cérémonies et coutumes reli-
gieuses des différents peuples du monde (1741).
Cette édition est moins estimée que celle
d'Amsterdam (1735-1737J, à cause des muti-
lations que Banier a fait subir à l'œuvre de
Bernard, en voulant la rendre plus orthodoxe.
BANIERES, né k Toulouse vers le commen-
cement du xvme siècle, fut successivement
ecclésiastique, avocat, géomètre, soldat, poète
tragique, enfin comédien. On a prétendu qu'a
la suite d'une série d'aventures, il fut passé
par les armes pour avoir quitté son corps sans
permission. Mais cette assertion est fort dou-
teuse. Il adonné quelques tragédies, Bélisaire,
la Mort de Jules César, etc., qui n'ont proba-
blement jamais été imprimées. L'odyssée semi-
burlesque de cet aventureux Gascon a fourni
k M. Alex. Dumas le sujet de son roman
Olympe de Clèves.
BANIM (John), romancier irlandais, né
.en 1800, mort en 1842. Dans ses compositions
énergiques, il a peint avec d'autant plus do
vérité l'asservissement et la misère de sa
patrie, que lui-même vécut et mourut dans
le plus affreux dénùment. Ses principaux ou-
vrages sont : Taies of the O'Sara family
(1825-1827); the Battle of the Boyne, et the
Croppies (1828), scènes de la guerre civile
d'Irlande en 1798; the Denounced (1830), ta-
bleau des persécutions exercées contre les
catholiques ; the Smuggler, etc.
BANISTAN s. m. ( ba - ni - stan ). Pharra.
Racine de Luçon, dans les Philippines, em-
ployée par les Espagnols contre l'asthme et
la fièvre.
BAMSTER (Jean), médecin anglais, né
vers 1553, mort vers 1630. Ses ouvrages ont
été longtemps consultés. Les principaux sont
les suivants : Traité de chirurgie (L575) ; Sis-
BAN
toire anatomique de l'homme (1578); Antidote
chirurgical (1589). — Son parent, Richard
Banister, également médecin, s'occupa spé-
cialement des maladies des yeux.
BANISTER (Jean), violoniste anglais et di-
recteur de la chapelle de Charles II, roi d'An-
gleterre, né dans la paroisse de Saint-Gilles,
près de Londres, en 1630, morten 1676. Il avait,
sous la direction de son père , acquis déjà un
certain talent sur le violon, quand le roi d'An-
gleterre l'envoya en France pour qu'il perfec-j
tionnàt ses études. Nommé, k son retour, mem-
bre de la chapelle royale, il fut bientôt destitué,
pour avoir dit devant le roi que les Français
avaient, sur les violons, plus de talent que les
Anglais. C'est alors qu il fonda chez lui des
réunions musicales et une sorte d'école, qu' il
qualifia superbement d'académie. Banister a
composé un opéra de Circé, représenté k Lon-
dres en 1676, des airs détachés et quelques
morceaux pour le violon. — Un do ses des-
cendants, Henri Banister, se distingua sur lo
violoncelle, et il a composé un livre portant
pour titre : Musique domestique pour le riche,
ou Plaidoyer en faveur des arts et de leurs
progrès (Londres, 1843).
BANISTER (Jean), missionnaire et bota-
niste anglais, mort vers 1689. Il séjourna
longtemps en Amérique, étudia spécialement
la flore de la Virginie, et périt d'une chute en
recherchant des plantes sur des rochers es-
carpés. On a, de ce savant, divers travaux et
mémoires relatifs aux plantes de la Virginie,
dont il avait formé un vaste herbier qui a
passé ensuite dans la collection Hans-Sloane.
Petiver en a publié le catalogue. Houston a
dédié k cet infortuné savant, sous le nom de
Banisteria, un genre de plantes de la famille
des malpighiacées.
BANISTÈRE s. f. (ba-ni-stè-re — de Ba-
nister, botaniste angl.). Bot. Genre de plantes
de la famille des malpighiacées. Il On dit aussi
BANISTERIE.
— Encycl. Le genre banistère renferme plus
de cinquante espèces, arbrisseaux ou lianes,
originaires des régions intertropicales de
l'Amérique. Les feuilles sont opposées, à pé-
tiole ^îul ou très-court, munies souvent, vers
leur base, de deux glandes ou plus, et accom-
pagnées de deux stipules courts et caducs ,
mais très-larges à leur base, au point de former
quelquefois une sorte d'anneau autour de la
branche. Les fleurs roses ou jaunes, plus rare-
ment blanches, sont portées sur des pédicelles
plus ou moins longs, articulés k leur base ; elles
sont en outre munies d'une bractée extérieure,
située au-dessous de l'articulation, et de deux
bractéoles placées un peu au-dessus.
BANISTÉRIE, ÉE adj. (ba-ni-sté-ri-é).
Bot. Qui ressemble à une banistère.
— s. f. pi. Tribu de la famille des malpi-
ghiacées renfermant, d'après de Candolle,
tous les genres à trois styles et à fruit ailé ;
et, d'après de Jussieu, seulement ceux dont
l'aile sert de prolongement à la nervure dor-
sale du carpelle, quel que soit d'ailleurs le
nombre des styles.
BANGKOK. V. BANKOK.
BANITAN s. m. (ba-ni-tan). Bot. Nom sous
lequel on désigne un arbre des Philippines.
BANJERMASSING, BANDERMASSING Ou
BENJERMASSING, ville de la Malaisie, sur
la côte S.-E. de Bornéo, près de l'embou-
chure du fleuve du même nom, ch.-l. de la
résidence hollandaise; 7,000 hab. Commerce
considérable avec la Chine ; diamants, or, fer,
poivre, nids d'hirondelles, etc.
BANJERMASSING, principale rivière de l'île
ùe Bornéo, dans la Malaisie ; elle sort d'un lac
très-étendu, au pied d'une haute montagne,
coule du N. au S., et, après avoir baigné la
vilie de Banjermassing, se jette dans la mer
do Java; cours de 370 kil., navigable presque
•usqu'k sa source.
banjo s. m. (ban-jo). Sorte de guitare à
long manche, en usage parmi les nègres
d'Amérique : Aux premiers sons du banjo,
relevés par des coups frappés en cadence sur
un corps sonore quelconque, les danseurs se
mettent en mouvement. (O. Comettant.) Les
nègres pleurent et rient à la fois au son du
banjo, sorte de guitare à long manche, rendant
des sons graves et mélancoliques, et dont ils
jouent presque tous plus ou moins bien. (O.
Comettant.)
BANJOLÉE s. f. (ban-jo-ié). Bot. Genre
de plantes peu connu, que l'on rapporte, aveu
quelque doute, à la famille des acanthacées.
BANK ALAN, ville de la Malaisie hollandaise,
dans l'Ile Madoura, sur la côte O. de l'île, à
18 kil. N. de l'Ile Sourabaya; cap. d'un petit
Etat du même nom et vice-résidence hollan-
daise ; port très-commerçant.
BANK-BANj chef de parti hongrois, vivait
dans la première moitié du xm« siècle. Il fit
la guerre au roi André II, dont il fit massa-
crer la femme Gertrude. Il fut vaincu et con-
damné à mort. Ces événements ont fourni le
sujet de plusieurs œuvres dramatiques, et no-
tamment du Bank-Ban de Katona, un des
meilleurs drames de la littérature hongroise.
BANKERT (Joseph van Tappen), amiral
hollandais, né à Flessingue vers 1590, mort
en 1647. Issu d'une famille obscure, il s'en-
gagea comme simple matelot, et parvint par
son seul mérite au premier grade de la marine.
Lors de la riche capture des galions espagnols,
BAN
en 1622, il prit part, en qualité de vice-amiral,
au combat qui eut lieu sous les ordres de
Pierre Hein ; puis il seconda puissamment la
tentative faite par la Compagnie des Indes
f>our s'emparer de Fernamboue-. En 1637 , il
ivra un combat opiniâtre k sept vaisseaux
sortis de Dunkerque, et il en prit trois. Après
s'être conduit de la façon la plus brillante
dans deux batailles navales livrées sous les
ordres de l'amiral Tromp, l'une aux Dunker-
quois (1638) , l'autre aux Espagnols (1639).
Bankert fut promu au grade d amiral. Chargé
en 1646 d'aller rétablir le3 affaires de la Com-
pagnie des Indes dans le Brésil, il s'empara
de l'Ile de Tagaripa, battit dans la baie de
Tous-les-Saints la flotte portugaise, à laquelle
il prit cinq vaisseaux, ayant k bord le vice-
roi et l'amiral, et mourut d'une attaque d'apo-
plexie en retournant en Hollande.
BANKERT (Adrien), fils du précédent, né à
Flessingue, mort à Middelbourg en 1684,
suivit la carrière de son père, et ne tarda pas
à se signaler par des actions d'éclat. Nommé
vice -amiral en 1665, et lieutenant - amiral
l'année suivante, il se distingua surtout par
sa brillante conduite dans un combat naval
livré aux Anglais en 1666. Son vaisseau
étant sur le point de couler, il se jeta avec
son équipage dans quelques bateaux, et, atta-
quant alors les Anglais, il parvint à sauver
trois vaisseaux hollandais que ceux-ci avaient
entourés. En 1672, il combattit pendant une
journée entière contre les flottes combinées
de l'Angleterre et de la France. Après avoir
pris part, avec Ruyter, a trois combats livrés,
avec un avantage marqué, contre la flotte
française, il forma, en 1674, de concert avec
Tromp et van Nées, le projet d'une descente
sur la côte de France ; mais cette tentative
avorta et n'eut d'autre résultat que la capture
de dix-neuf bâtiments , échoués près de l'île
Noirmoutier.
RANKES (sir John) , jurisconsulte anglais,
né kKeswick en 1589, mort en 1644. H devint,
sous Charles 1er, président de la cour des
plaids communs et conseiller privé, et de-
meura constamment fidèle k la cause royale
pendant les guerres civiles. Son épouse elle-
même déploya un grand caractère, en résistant
dans son château de Corfe aux parlemen-
taires qui l'assiégeaient, et où elle se maintint
jusqu'à l'arrivée d'un secours. John Bankes à
laissé quelques ouvrages de jurisprudence qui
n'ont pas été imprimés.
BANKES (George), homme politique anglais,
né en 1788^ mort en 1856. Il remplit diverses
fonctions importantes, devint secrétaire du
comité des affaires des Indes , juge, avocat,
général, et représenta longtemps le bourg de
Corfe-castle à la chambre des Communes, où
il siégeait dans les rangs des conservateurs.
Il fut nommé, en 1852, conseiller privé de la
couronne. Il a publié, d'après d'anciennes
chroniques, l'Histoire de Corfe-castle (1853).
BANK-NOTE s. f. ( ban-kno-te — mots angl.
qui signif. littéralement billet de banque).
Nom sous lequel les Anglais désignent leurs
billets de banque : Il tira de sa poche un pa-
quet de bank-notes et les alluma à la bougie.
(Mérimée.)
— Encycl. Sur le continent, on entend par
ce mot, essentiellement anglais, mais importé
dans le langage des affaires, les billets de cir-
culation à vue et au porteur émis par les ban-
ques du Royaume-Uni , telles que là banque
d'Angleterre, les banques de province (Country
Banks) auxquelles 1 acte de 1844 a maintenu
leur privilège d'émission , et les banques d'E-
cosse et d'Irlande , qui , en vertu des actes
de 1845, ont conservé ce privilège.
Afin de lutter contre les contrefaçons des
bank-notes, les banques anglaises ont fait bien
des essais avant de trouver les procédés qui
permettent aux bank-notes de se. présenter au
public sous une forme légère, durable et inac-
cessible à des imitations que le progrès des
sciences physiques et des applications typo-
graphiques ou chalcographiques pourrait cha-
que jour rendre plus faciles.
Les premières planches servant k l'impres-
sion des billets de banque étaient de cuinre ;
mais l'usure de ce métal étant assez rapide ,
on substitua l'acier au cuivre (procédé Perkins
et Heath). On est revenu aujourd'hui à l'em-
ploi du cuivre , grâce aux dépôts électrotypi-
ques que la galvanoplastie permet de faire
sur un moule quelconque , et de multiplier ou
renouveler k l'infini , sans détériorer en rien
le modèle , conservé comme prototype. Le
procédé Perkins , qui fut véritablement une
invention de génie , consistait dans la série
d'opérations suivantes : prendre une forte
planche d'acier, dont la surface supérieure est
adoucie par le recuit; graver sur cette surface
les emblèmes , légendes , etc. ; durcir de nou-
veau cette surface par une trempe convenable ,
et transporter par compression cette gravure
en creux sur la surface convexe d'un cylindre
d'acier non trempé, qui reproduit le dessin en
relief; puis durcir par la trempe ce cylindre ;
et enfin transporter la gravure en saillie sur
un nombre quelconque de planches d'acier
doux, qu'il suffit de durcir ou de tremper pour
les rendre propres k l'impression. Le numé-
rotage des bank-notes a passé par des procé-
dés très-remarquables. En 1809, Bramah dé-
buta dans cette voie par un essai heureux ,
mais incomplet. En 1813, M. John Oldham
inventa pour la banque d'Irlande une machine
dont la progression numérique allait du chiffre
BAN
1 au chiffre 100,000. En 1819, M. Bryan Don-
kin imagina une machine k compter applica-
ble au numérotage des bank-notes, et dont le
jeu dépendait de la marche de roues à pignon,
à rebord extérieur sur lequel des crans étaient
pratiqués; de manière que la première roue
comptait les unités, la seconde indiquait les
dizaines , et ainsi de suite. Mais cette inven-
tion fut considérablement perfectionnée par
M. Thomas Oldham , ingénieur de la banque
d'Angleterre. En 1844, un particulier prit un
brevet d'invention pour l'impression des bank*
notes; cette impression comportait trois opé-
rations ; 1° tirage de deux dessins , l'un régu-
lier, l'autre irrégulier, et gravés sur deux
planches différentes , imprimés l'un avec une
encre visible, l'autre avec une encre secrète;
2° impression de la vignette apparente sur le
papier ainsi préparé. Ce système ne fut pas
adopté par la banque d'Angleterre , et peut-
être à tort. — Les faussaires ont fait aux bil-
lets de cette banque la guerre la plus active.
De 1797 à 1817, on compte 870 poursuites cri-
minelles pour ce genre de méfaits , et sur
les 870 poursuites, il y eut 300 exécutions ca-
pitales. En six années, de 1812 k 1818, plus
de cent mille billets faux furent arrêtés a la
banque ; il y avait des jours où l'on en présen-
tait jusqu'k cent. La Société des Arts , émue
du fait, nomma une commission d'enquête
scientifique , et le Parlement fit de même j
mais des 180 projets ou dessins combinés ,- qui
furent soumis au comité, aucun ne fut pris en
considération. — Jusqu'en 1855, les bank-notes
•furent produites d'après un système de procé-
dés où étaient combinées les inventions de
Perkins, Bramah, Oldham etDonkin. En 1855,
M. Smee , chirurgien de la Banque , proposa
aux administrateurs de remplacer les planches
à taille par des planches d relief, afin d'accé-
lérer l'impression. On fit des essais oui réussi-
rent entre les mains des opérateurs de la ban-
que , et qui ne réussiraient pas moins facile-
ment entre les mains des faussaires. En effet,
l'invention se réduit k prendre un modèle uni-
que de la gravure du billet, ou le modèle do
chaque partie distincte , sur lequel on fait un
moule quelconque (gutta, gélatine, etc.), qui
est employé directement a la production d'un
cliché gaivanoplastique , dont la multiplica-
tion est illimitée. Cette invention bien vulgaire
est des plus malheureuses , qu'elle soit appli-
quée aux billets de banque ou aux timbres-
poste. — h'héliographie, ou gravure chimique
et impression en taille-douco sur plaque aa-
guerrienne, peut porter un coup terrible aux
billets de banque. La gravure électro-dynami-
que est aussi un adversaire redoutable contre
lequel les banques publiques feront sagement
de se prémunir.
Le moyen le plus efficace et le plus -simple
qu'ait encore employé la banque d Angleterre
pour empêcher la contrefaçon de ses bank-
notes , a été d'en maintenir les coupures k un
chiffre assez élevé pour que les porteurs fus-
sent obligés de venir les échanger contre es-
pèces, très-peu de temps après leur émission.
A ce sujet, nous croyons bon de faire connaître
pour la première fois au public français les
explications données dans la commission d'en-
quête de 1857 par M. Weguelin , alors gou-
verneur de la banque d'Angleterre. ■ La ban-
que, dit-il, fait très-souvent jusqu'k huit, neuf
et dix millions de payements en un jour. Une
très-grande partie de ces payements s'effectue
en bank-notes. Toute bank-note qu'on rapporte k
la banque d'Angleterre est annulée, et tous
les « payements se font avec de nouvelles
bank-notes. La moyenne de3 bank-notes ainsi
journellement annulées est d'environ 28,000,
parfois même elle s'élève jusqu'k 40,000.
Les nouvelles bank-notes portent des numé-
ros différents , et c'est lk une grande garan-
tie contre la contrefaçon. La plus grande
partie des bank-notes qui sont en circulation
sont neuves , leurs numéros se suivent; ce
qui est une grande garantie pour les ban-
quiers, qui ont ainsi, avec le numérotage et
la date de l'émission , des moyens presque
certains, en dehors des autres, de s assurer
de la sincérité des bank-notes qui passent
entre leurs mains. ■
La banque d'Angleterre s'est, jusqu'k pré-
sent , depuis la reprise des payements en es-
pèces, refusée k abaisser la coupure de ses
billets au-dessous de 5 livres sterling, parce
que, suivant l'autorité de M. Weguelin, qui, du
reste , ne faisait que répéter en cette cir-
constance tout ce qui, dans les autres enquêtes,
avait déjk été dit par les précédents gouver-
neurs et directeurs delà banque, les opérations
du commerce de détail doivent se faire avec des
espèces métalliques et non avec du papier.
« Labanqued'Angleterre,disaitencoreM. We-
guelin, pendant la dernière guerre, lorsque sa
circulation de petites bank-notes de 1 et 2 livres
était très-considérable, a souvent fait l'expé-
rience qu'avec de telles coupures , il y avait
plus de faux qu'avec des coupures plus fortes.
Cela se conçoit; les bank-notes arrivent alors
entre les mains d'une classe très-différente,
qui n'est pas aussi intelligente, et qui ne sait
pas aussi bien les distinguer. Des bank-notes
de 1 ou £ livres seraient aussi beaucoup plus
difficiles k suivre ; elles ne rentreraient pas
aussi vite entre les mains des banquiers, et par
suite dans les coffres de la banque, que le font
les bank-notes actuelles. » C'est pour ces rai-
sons que la banque a, jusqu'k présent, persisté
k ne pas abaisser le chiffre de ses coupures
au-dessous de 5 livres sterling. Les banques
de province qui ont encore le privilège d'é-
BAN
mission ne peuvent pas non plus abaisser
leurs coupures au-dessous de ce chiffre.
Cette obligation leur a été imposée à la fin
du siècle dernier, en 1777. Auparavant, les
banques de province étaient complètement li-
bres à cet égard, et Mac-Leod, dans son
Dictionnaire d'économie politique , nous ap-
prend, au mot bank -notes, qu'on usait de cette
faculté de faire du papier - monnaie jusqu'au
point d'abaisser a 6 pence (62 centimes) le
chiffre des coupures. A cette époque les bank-
notes de la banque d'Angleterre , qui avaient
commencé par être de 20 livres, étaientencore
de 10 livres, au minimum. L'émission des bank-
notes de 5 livres ne commença qu'en 1795,
ainsi que nous l'apprend Francis dans son His-
toire de la banque d'Angleterre. En Ecosse et
en Irlande, les populations sont tellement fa-
miliarisées avec les bank- notes de l livre
et 2 livres, que la loi n'y a pas touché. Mais la
circulation de ces bank-notes est restreinte à
l'Ecosse et à l'Irlande ; cette restriction date
de 1828, elle fut imposée par la loi, à la sollici-
tation de la banque et malgré les protestations
très-vives des propriétaires fonciers et des
fermiers des comtés limitrophes de l'Ecosse.
« Accoutumés que nous sommes, disait une
pétition , aux avantages de ces petits billets ,
nous voyons avec regret que le Parlement
pense a nous en priver. Les sept huitièmes des
fermages et loyers se payent en monnaie d'E-
cosse, et, depuis soixante-dix ans, personne n'a
rien perdu à ce mode deMpayement. • Malgré
l'appui qu'un homme politique, qui devait plus
tard jouor un assez grand rôle,, sir James
Graham, donna à cette protestation, la cham-
bre n'en vota pas moins, à la majorité de 154
voix contre 45, l'interdiction en Angleterre de
toute transaction monétaire avec ces billets,
sous peine d'une amende de 5 à 10 livres ster-
ling. ■
Les bank-notes étaient en usage en Suède,
en Danemark, à" Hambourg, dans les villes
hanséatiques , et à Amsterdam , avant de l'ê-
tre en Angleterre. Molynes, qui voyagea dans
ces pays au commencement du xviie siècle,
entre , dans son ouvrage intitulé Mercatoria
lex, dans de longs détails sur les bank-notes,
et en recommande l'usage à ses compatriotes.
Cinquante ans se passèrent avant qu on suivit
son conseil. Les premières bank-notes ne fu-
rent guère émises qu'en 1673, et, vingt ans
après seulement, en 1694, le parlement passa
le premier acte relatif aux formalités qui de-
vaient en valider la transmission.
Selon Mac-Leod, c'est en Suède qu'on au-
rait fait, pour la première fois, usage des bank-
notes.
BANKOK ou BANGKOK, ville de l'Indo-
Chine, cap. du royaume de Siam, sur les deux
rives du Meïnam, à 24 fcil. de son embou-
chure dans le golfe de Siam, par 13° 40' lat.
N. et 98° 50' long. E.; 350,000 hab., dont un
tiers Chinois, Birmans ou Arabes, et le reste
Siamois. Aucune route n'aboutit à cette ville ;
mais il s'y fait par eau un commerce im-
mense ; le Meïnam, qui la traverse, a 400 m. de
largeur et assez de profondeur pour que les
gros navires remontent sans difficulté jusqu'à
Bankok. Les principaux articles de son com-
merce sont la laque, l'ivoire, le riz , le coton,
les nids d'hirondelles, l'opium, la soie, les soie-
ries, les nankins , etc. ; c'est surtout avec la
Chine , les possessions anglaises de l'Inde et
les Etats-Unis qu'ont lieu les transactions
commerciales. — Une partie de la ville est
construite sur des radeaux au milieu du fleuve
et forme une ville flottante, occupée surtout
par la population active et commerçante. Ses
constructions les plus remarquables sont : le
palais, résidence du souverain , bâti sur une
île entourée de hautes murailles, et le magni-
fique temple de Bouddha orné, dit-on, de
1,500 statues, dont quelques-unes colossales.
Bankok n'est devenu la capitale du royaume
qu'après la destruction de Yuthia ou Siam par
les Birmans,. en 1766.
BANKS, bourg des Etats-Unis d'Amérique,
dans laPensylvanie, à 15 kil. N.-O. de Mauch-
Chunk; 3,000 hab. — Mines de charbon; cas-
tors assez nombreux aux environs.
BANKS , lie du grand océan Pacifique, sur
la côte occidentale de l'Amérique du Nord,
entre l'île de la Reine-Charlotte et le conti-
nent, par 53» 40' lat. N. et 132» 30' long. O. ;
elle fut découverte, en 1820, par le capitaine
Parry, qui en évalue la longueur à 100 kil., et
la plus grande largeur à 8 kil. Il Nom d'un
groupe d'îles qui fait partie de l'archipel des
Nouvelles-Hébrides, dans l'Océanie ; la plus
grande de ces îles a un périmètre qui ne dé-
passe pas 45 kil.
BAN KS ( détroit de ) , situé en Océanie , entre
la terre de Van-Diémen et la petite lie déserte
qui porte le nom de Cap-Barren, au S.-E. du
détroit de Bass. Il Nom d'un autre détroit des
régions polaires arctiques, entre l'île Melville
et la terre de Banks.
BANKS (presqu'île de), langue de terre de
la Nouvelle-Zélande, sur la côte orientale.
Cette presqu'île, qui s avance dans le Pacifique
à une distance de 80 kil., a été, à tort, regardée
comme une lie par quelques auteurs.
BANKS (terre de), nom d'une lie très-vaste
et encore mal explorée de l'océan Glacial
arctique, dans la partie la plus septentrionale
de l'Amérique du Nord; cette terre, qui n'a
pas moins de 300 kil. du N. au S. et de
180 kil. de l'Û. à l'E, est séparée a l'E. de la
BAN
terre du Prince- Albert par le détroit du Prince-
de-Galles, et au N. de l'Ile Melville par le
détroit de Banks.
BANKS (Jean), poète tragique anglais, flo-
rissait à la fin du xvne siècle. Il a composé
plusieurs tragédies dans le style emphatique
du temps et qui eurent un succès de vogue.
Voici les titres de quelques-unes de ces œuvres
oubliées : les Sois Rivaux (1677) ; la Destruc-
tion de Troie (1679) ; les Reines d'Albion ou la
Mort de Marie, reine d'Ecosse (1684); Cyrus
le Grand (1696), etc.
BANKS ( Jean) , écrivain anglais, né àSun-
ning en 1709, mort en 1751. Il exerça tour à
tour les professions de tisserand, de libraire
et de relieur. Il est surtout connu comme écri-
vain par un Examen critique de la vie d'Oli-
vier Cromwell, ouvrage célèbre en Angleterre,
et qui a été souvent réimprimé.
BANKS (Thomas), sculpteur anglais, né en
1735, mort a Londres en 1805. Il commença en
Angleterre l'étude du dessin et de la sculpture,
et alla se perfectionner en Italie.'Après quel-
ques années de séjour a Rome , il revint dans
son pays, rapportant avec lui une statue de
l'Amour : ce morceau obtint de grands éloges et
futacheté par Catherine II, impératrice de Rus-
sie, qui le fit placer dans les jardins de Tsarkoe-
Selo. De même que John Bacon, Banks traita
avec plus de succès les figures isolées que les
groupes ; ses mausolées de Nelson et du capi-
taine Burgess, dans l'église Saint-Paul, sont des
compositions assez médiocres. On cite, au con-
traire, comme des ouvrages d'une grande pu-
reté de style : une statue de Caractacus, la Chute
d'un Titan (marbre, appartenante l'Académie
royale), Achille pleurant la perte de Briséis
(plâtre, appartenant à la Britishrlnstitution) ,
Thétis consolant Achille (bas-relief en marbre
a la National-Gallery) , Achille mettant son
casque (statuette en terre cuite, Collection de
M. E. H. Corbould). Le mausolée de sir Eyre
Coote, à Westminster , est encore une œuvre
de mérite. Banks avait été reçu membre de
l'Académie royale.
BANKS (sir Joseph), célèbre naturaliste an-
glais, né a Londres en 1743, mort en 1828.
Sa famille était d'origine suédoise, et son aîeul
avait exercé la médecine dans le comté de
Lincoln, où son habileté généralement recon-
nue lui avait permis d'amasser une fortune
considérable. Le jeune Banks étudia d'abord
au collège de Harrow, puis au collège de
Christ, à l'université d'Oxford. Il n'avait pas
encore terminé ses études, lorsque la mort de
son père, en 1761, vint le rendre maître de
lui-même et d'une grande fortune. Au lieu
de se livrer aux dissipations de son âge, il
s'adonna tout entier a 1 étude des sciences na-
turelles et surtout de la botanique. L'histoire
naturelle , qui était restée jusqu'alors fort
négligée, venait d'attirer subitement l'at-
tention, grâce aux travaux de deux savants
illustres, Buffon et Linné. Mais, malgré les
descriptions éloquentes du premier et les in-
génieuses classifications du second, il était
facile de comprendre que, si les bases de la
science étaient posées, on manquait encore
de la plupart des éléments nécessaires pour la
constituer d'une manière définitive. Des milliers
d'êtres organiques ou inorganiques, répandus
dans des contrées étrangères, étaient encore
inconnus, et ce sont ces éléments épars qu'il
importait de trouver, d'observer et de collec-
tionner. C'est ce. que comprit Joseph Banks,
et il résolut de consacrer sa vie et sa fortune
à cette grande œuvre. Après avoir passé deux
ans à étudier les œuvres de Buffon et de
Linné, à herboriser pour se former une collec-
tion aussi complète que possible des plantes
que produit l'Angleterre, à. enrichir sa biblio-
thèque de tous les livres relatifs à sa science
favorite, il profita, en 1763, de l'offre que lui
fit un de ses amis, capitaine de vaisseau, pour
aller visiter les froides régions de Terre-Neuve
et du Labrador. Il en rapporta une foule de
produits différents de ceux que l'Europe con-
naissait, et en enrichit sa collection naissante.
Encouragé par le succès de ce voyage, il de-
manda à faire partie de l'expédition qui fut
envoyée, en 1768, sous le commandement du
célèbre Jacques Cook, dans les mers du Sud.
Cette expédition avait pour but d'observer le
passage de Vénus sur le disque du soleil, et
de poursuivre les découvertes faites dans
cette région par Anson, Byron, Wallis et Car-
teret. Banks proposa de faire servir également
ce voyage au progrès des sciences naturelles,
et, sa demande ayant été accueillie, il consa-
cra une partie de sa fortune à assurer la réus-
site de ses projets. Non-seulement il réunit
tous les instruments et tous les appareils né-
cessaires aux observations physiques et à la
conservation des objets divers qu'il voulait
rapporter, mais encore il fit une provision con-
sidérable d'ustensiles et de produits divers,
destinés à améliorer l'existence des sauvages
qu'il allait visiter. Il prit pour compagnon de
voyage le docteur suédois Solander, élève de
Linné, fit embarquer avec lui deux peintres
'pour dessiner ce qu'il ne pourrait collection-
ner, un secrétaire, et enfin quatre domestiques
qui devaient l'accompagner dans ses excur-
sions. Quand tous ses préparatifs furent ter-
minés, il s'embarqua sur YEndeavour, qui
quitta Plymouth le 26 août 1768. A peine nos
voyageurs eurent-ils gagné le large, qu'ils
voulurent utiliser les instruments dont ils s'é-
taient munis pour explorer les profondeurs de
la mer, et ils en retirèrent des poissons, des
BAN
crustacés, des mollusques, dont plusieurs
étaient encore inconnus des savants. Arrivés
à Madère, ils profitèrent de quelques jours de
relâche pour visiter les curiosités naturelles
de l'île, et recueillir des oiseaux, des insectes,
des minéraux de toute nature. Partout où
s'arrêtait le navire, ils saisissaient toutes les
occasions possibles d'augmenter leur trésor
de richesses naturelles, et quand le navire
était en marche, ils s'occupaient à classer ces
richesses et à en assurer la conservation. A
Rio-Janeiro, dont le gouverneur ne pouvait
comprendre que des hommes pussent entre-
prendre des excursions pénibles au milieu
d'un pays presque désert, sans y être poussés
par quelque dessein perfide, Banks et Solan-
der coururent de graves dangers ; mais rien
ne pouvait arrêter leur désir de travailler
pour la science, et Us rapportèrent une riche
moisson de plantes et ainsectes. Toutes les
îles de la baie de Rio furent visitées, ainsi
que les côtes de la Patagonie, la Terre de
Feu, Otaïti ; partout Banks affronte mille pé-
rils, et partout sa fermeté, son activité mer-
veilleuse surmontent les obstacles; il est venu
pour tout observer, rien ne peut échapper à
son observation. A Otaïti, il veut assister à
une cérémonie funèbre ; mais, pour cela, il
faut se laisser peindre de noir de la tête aux
pieds; il se fait peindre, et la crainte d'être
reconnu malgré ce bizarre déguisement né
l'arrête pas. Il avait appris la langue du
pays ; il avait gagné la bienveillance des sau-
vages en leur, donnant des instruments d'a-
griculture, des graines de plantes comestibles,
et une foule d'autres objets qui leur plaisaient
par leur nouveauté même; leur confiance en
lui était si grande qu'ils le chargeaient quel-
quefois de décider leurs différends, et que,
lorsqu'un vol avait été commis par l'un
d'eux, le voleur, qu'il savait toujours décou-
vrir, n'osait pas refuser de rendre ce qu'il
avait pris. S'il ne fût ainsi rentré en posses-
sion du quart de cercle qui avait été adroite-
ment enlevé par un insulaire, le but principal
de l'expédition, l'observation du passage de
Vénus, aurait été manqué. « Une seule fois,
dit Cuvier dans son Eloge de Banks, il n'osa
se faire rendre justice; mais ce fut lorsque la
reine Obéréa, l'ayant logé trop près d'elle,
lui fit, pendant la nuit, voler tous ses vête-
ments ; et l'on conviendra qu'en pareille occur-
rence il n'eût pas été galant de trop insister
sur son bon droit. »
h'Endeaxour ayant remis à la voile relâcha
à la Nouvelle-Zélande, puis à la Nouvelle-Hol-
lande, dans une baie si abondanta^en végétaux
qu'elle a reçu le nom de Botany-Bay. Sur la côte
de la Nouvelle-Galles du Sud, le navire faillit
être englouti, et cet accident fut surtout fatal à
Banks, qui, pendant l'opération du radoub, per-
dit une partie des richesses si péniblement
amassées. En suivantlacôte nord du continent,
il put heureusement en recueillir de nouvelles
et trouva, entre autres, le kangourou, jus-
qu'alors inconnu des naturalistes. Après avoir
visité la Nouvelle-Guinée, touché à Batavia, où
Banks et Solander faillirent.être victimes d'un
climat meurtrier, côtoyé l'Afrique, doublé le
cap de Bonne-Espérance et mouillé à Sainte-
Hélène, YEndeavour jeta l'ancre dans la Ta-
mise, le 12 juin 1771. Les voyageurs se virent
accueillis par les applaudissements unanimes,
non-seulement de 1 Angleterre, mais de toute
l'Europe. Deux ans après,' Banks voulut ac-
compagner Cook dans un second voyage
d'exploration ; mais celui-ci, soit qu'il ne voulut
point voir encore une fois le naturaliste par-
tager la gloire du navigateur, soit qu'il craignît
de se trouver gêné dans la liberté de ses ma-
nœuvres, accueillit assez mal la proposition et
fit même détruire, sur son navire, les prépara-
tifs que Banks y avait ordonnés. Banks renonça
donc à accompagner Cook ; mais bientôt après,
il nolisait un bâtiment à ses frais et mettait a la
voile en 1772, accompagné de son ami Solan-
der et du docteur suédois Uno de Troïl.
Après avoir visité l'île de StafFa, constaté sa
singulière formation géologique et découvert
sa grotte basaltique, devenue depuis lors si
célèbre, Banks arriva en Islande. Là, il se -
livra d'abord à ses recherches ordinaires, et il
étudia longtemps cette île si remarquable par
ses geisers, ses amas de basalte, ses matières
volcaniques, ses végétaux, etc.; puis les
mœurs, la langue, la religion, la littérature du
pays attirèrent aussi son attention. Il fit plus
encore, il devint pour les Islandais un bienfai-
teur; il attira l'attention du gouvernement da-
nois sur les améliorations qu'on pouvait appor-
ter à leur état social, et, pendant deux famines
qui ravagèrent" cette île, il fit venir, à ses
frais, des cargaisons de blé. De retour en An-
gleterre, après ce voyage qui fut le dernier, il
passa le reste de sa vie à coordonner les ma-
tériaux qu'il avait amassés, à vivre au milieu
des savants et à correspondre avec les hom-
mes les plus célèbres de l'Europe. La prési-
dence de la Société royale de Londres étant
venue à vaquer par suite de la démission de
Pringle, il fut porté au fauteuil (1778), et, mal-
gré une opposition passagère, réélu chaque
année jusqu'à sa mort. Élevé à la dignité de
baronnet en 1781, décoré de l'ordre du Bain
en 1795, il fut, deux ans après, nommé con-
seiller d'État et membre du conseil privé ;
enfin, en 1802, l'Institut dé France tint à hon-
neur de s'associer cet homme éminent. Après
avoir souffert cruellement de la goutte, dans
les dernières années de sa vie , Banks mourut
à l'âge de soixante-dix-sept ans, sans laisser
de postérité. Les servicesque ce g»and homme
BAN
155
de bien a rendus à sa patrie, à l'humanité et
aux sciences sont incalculables. 11 dessécha
les marais du comté de Lincoln, perfectionna
les instruments de labourage, etc. L'Angle-
terre lui doit en partie la propriété de la Nou-
velle-Galles du Sud. Après avoir amélioré le
sort des sauvages, en leur communiquant
quelques-uns de nos arts les plus utiles, il a
introduit en Europe une foule de beaux ar-
bustes qui ornent aujourd'hui nos jardins et
nos promenades. La France lui doit la resti-
tution des papiers concernant le voyage de
La Pérouse et d'Entrecasteaux. Ajoutons en-
fin, comme un des traits les plus saillants de
ce beau caractère, qu'il mit son riche cabinet
d'histoire naturelle et sa bibliothèque, en
quelque sorte, à la disposition du public. C'est
avec une complaisance sans pareille qu'il
communiquait aux savants les trésors scien-
tifiques qu'il avait acquis au prix de tant de
sacrifices et de tant de dangers, et dont
Broussonnet , Goertner, Wahl et tant d'au-
tres naturalistes tirèrent un si grand parti.
En mourant, il a légué an Musée britannique
ses collections et sa riche bibliothèque d'his-
toire naturelle, dont Dryander avait dressé le
Catalogue sous ses yeux (1796-1800). C'est un
monument de bibliographie scientifique qui a
été très-utile aux naturalistes. Les écrits de
Banks consistent en quelques articles et mé-
moires insérés dans les Transactions philoso-
phiques et autres recueils. Il a publié séparé-
ment un Essai sur la grotte de Sta/fa et un
Essai sur les causes des maladies des blés.
Cook a donné le nom de Banks à une lie
située au S.-E. de la Nouvelle-Zélande. De-
puis, ce nom a été également donné à d'autres
terres.
BANKS (Henry), historien politique anglais,
mort en 1835 , 'fut pendant plusieurs années
membre du Parlement et conservateur du
Brîtish-Museum. Il publia, en 1818, une His-
toire civile et constitutionnelle de Morne,
(2 vol. in-8<>).
BANKS (Percival-Weldon), écrivain anglais,
né en 1806, mort en 1850, fut inscrit au bar-
reau anglais le 30 janvier 1835. Il écrivit, sous
le pseudonyme de Morgan Rattler, dans le
Fraser' s Magazine et autres publications pério-
diques.
BANKS (Thomas-Christophe), généalogiste
et antiquaire anglais,né en 1764, mort en 1854,
a publié l'Extinction des baronnies en Angle-
terre (Londres, 3 vol. 1807-1809) ; l'Histoire
des familles de l'ancienne pairie d'Angleterre
(Londres, 1823), et divers ouvrages de généa-
logie.
BANKS (Nathaniel Prentiss), général améri-
cain, né à Waltham (Massachusetts) en 1816.
D'une condition plus que modeste, il dut, au
sortir de l'enfance, entrer dans la fabrique de
coton où travaillaient ses parents. Doué d'une
vive intelligence et d'un profond amour pour
le travail, il s'instruisit tout seul, et si bien, qu'il
put bientôt faire des lectures publiques, et
qu'en 1842 il était, en qualité de rédacteur
propriétaire, à la tête d'un journal. En véri-
table Américain, il se lança aussitôt dans
l'arène politique. Il attira l'attention du prési-
dent Polk, qui lui donna un emploi dans la
douane de Boston, et, en 1849, il fut nommé
membre de la chambre des représentants du
Massachusetts. Appelé, en 185i, à la prési-
dence de cette chambre, il nt preuve d'une
remarquable aptitude à diriger les discussions
parlementaires, et commença à jouer un rôle
politique important. Après avoir siégé dan3
rassemblée chargée de reviser la constitution
de cet État, il fut envoyé, en 1852, au congrès
de3 États-Unis, qui le choisit pour président
(speaker) en 1854. Deux ans après, la con-
fiance de ses concitoyens l'éleva a la première
magistrature de son État natal. A la fin de son
mandat comme gouverneur,' Banks devint
directeur de la compagnie du chemin de fer
central de l'IUinois, compagnie qui a fourni
aux armées américaines trois généraux :
Mac-Clellan, Banks et Burnside.
Lorsque éclata, en 1861, la gaerre de la sé-
cession, Banks se prononça énergiquement en
faveur du maintien de l'Union. Les officiers
manquant à l'armée improvisée par le prési-
dent Lincoln, Banks, à qui ses fonctions ad-
ministratives avaient donné une certaine
entente des affaires militaires, fut nommé
d'emblée major général, grade qui équivaut
à celui de général de division, et il reçut le
commandement du cinquième corps de l'ar-
mée du Potomac. Le 23 mars 1861, il défit à
Winchester le général séparatiste Jackson,
puis il marcha sur Baltimore, qu'il mit en état
de siège et occupa Harper's-Ferry au mois
de juillet suivant. Mis, en 1862, à la tête de l'ar-
mée qui devait opérer dans la Shenandoah, il
déploya une grande activité et remporta d'a-
bord quelques avantages ; mais, ayant été
obligé de se séparer d'une partie de ses forces,
qu'il envoyait au secours de Mac-Dowell ,
son corps d'armée essuya successivement, le
23 et le 24 mai, deux graves échecs à Front-
Royal et à Winchester. Rejeté un instant par
le général Jackson au delà du Potomac, il put
néanmoins faire sa jonction avec les troupes
de Mac-Dowell et de Frémont, et Pope prit le
commandement de toutes ces forces. Le 8 août
suivant, Banks livra avec son corps d'armée,
à Cedar-mountain, un combat sanglant, mais
indécis, contre Jackson. Bientôt après, il pre-
nait une part très-active au conilit formidable
des deux armées, d'abord sur le Rappahan-
156
BAN
BAN
BAN
BAN
noek, du 20 au 23 août, puis entre Warrenton
ut Manassas, où, pour la seconde fois, eut
lieu une bataille de quatre jours, du 27 au
30 août. Les confédérés ayant passé le Po-
tomac, Mac-Clellan reforma une armée pour
couvrir la capitale de l'Union, et Banks fut
chargé de la défense de l'enceinte fortifiée
qui couvre Washington. Après avoir assisté,
. uu mois de septembre, aux batailles d'Ha-
gerstown etd'Antiétam, il fut nommé, en dé-
cembre 1862, commandant de la Louisiane,
et il alla remplacer, â la Nouvelle-Orléans, le
général Butler, de sinistre mémoire.
Le 21 novembre 1863, il s'empara, après un
long et pénible siège, de Port-Hudson, sur le
Mississipi, puis se rendit successivement maître
de Brownsville et du fort Brown.sur le Rio-
Grande. Lorsque le littoral tout entier eut fait
sa soumission, Banks déposa l'épée, et, depuis
lors, il s'est occupé activement de réorganiser,
au profit de l'Union, le gouvernement civil de
la Louisiane.
BANKSIE s. f. (ban-ksi — du nom de
Banks, célèbre naturaliste anglais). Bot.
Genre de la famille des protéacées, compre-
nant une trentaine d'espèces d'arbrisseaux
qui croissent en Australie, et qu'on cultive
dans nos serres : La banksië à feuilles en scie
est un arbuste à fleurs jaunâtres, dont les
fruits réunis forment un cône assez semblable
à celui des pins. (Lemaire.)
BANESIÉES s. f. pi. (ban-ksi-é — rad.
banksie). Bot. Tribu de la famille des protéa-
cées, ayant pour type le genre banksie.
BANKSIEN s. m. (ban-ksi-ain — do Banks,
naturaliste). Ornith. Syn. de calyptorhynque.
BANKS1ENNE adj. f. (ban-ksi-è-ne — du
nom du naturaliste Banks). Ichthyol. Dénomi-
nation spécifique d'uno sorte de raie : La raie
BANK.SIENNE.
BANLIEUE S. f. (ban-lieu — rad. ban et lieue
ressort du ban seigneurial). Territoire qui
entouro une grande ville et qui en dépend :
Les principales anciennes banlieues de Paris
étaient Montmartre, Belleville, Charonne,
Bercy, Montparnasse, Grenelle, Passy, Neuilly
et Batignolles. Les trois derniers rois d'Espa-
yne n'étaient jamais sortis de la banlieue de
Madrid. (St-Sim.) Le paysan toge en ville et
laboure la banlieue. (P.-L. Courier.) Lapopu-
lation de la banlieue de Paris se plaint de
subir les charges de l'annexion sans en avoir
les avantages. (T. Delord.)
— Féod. Etendue de pays soumise à la juri-
diction d'une ville ou d'un seigneur, et dans
laquelle le juge de la ville ou du seigneur
avait le droit de faire les bans ou proclama-
tions reconnues par les chartes ou la coutume :
La banlieue était ainsi appelée parce qu'elle
comprenait ordinairement le terrain gui en-
tourait le chef-lieu de la juridiction jusqu'à
une lieue environ de distance; mais, dans une
foule de localités, elle était ou plus grande ou
plus petite. La banlieue du monastère, du
chapitre. Les routiers . dévastèrent ta ban-
lieue du château. La banlieue de Paris
avait plus de deux lieues aux environs. On
comptait vingt-neuf paroisses dans la ban-
lieue de Rouen.
— Amende encourue par celui qui com-
mettait un délit dans la banlieue.
BAMf, fleuve de l'Irlande septentrionale,
prend sa source dans le comté de Down,
traverse le lac Neagh, qui le divise en haut
Bann et bas Bann, et se jette dans l'océan
Atlantique, à 6 kil. au-dessous de Coleraine,
dans le comté de Londonderry, après un cours
de 105 kil.
BANNAGE s. m. (ba-na-jo — rad. ban).
Féod. Juridiction seigneuriale, étendue du
ban du seigneur.
BANNAKER (Benjamin), astronome améri-
cain, néàMaryland, en 1734, mort en 1S07. Il
était de race nègre et fut longtemps esclave,
étudia seul avec une persévérance opiniâtre
et parvint à acquérir des connaissances pro-
fondes en mathématiques et en astronomie.
Outre des Ephémériaes astronomiques, il a
laissé plusieurs traités, qui ont été publics
depuis.
BANNALECj ch.-l. de cant. (Finistère),
arrond. de Quimperlô ; pop. aggl. 547 hab. —
pop. tôt. 4,313 hab.
BANNARD (ba-nar — rad. ban). Féod.
Garde d'une terre, d'une communauté, établi
pour veiller sur les fruits de la campagne,
sur les pacages et les vaines pâtures des bes-
tiaux. C'était une sorte de mossier qu'on
trouvait, sous le régimo féodal, dans lo
comté de Bourgogne et dans le duché de Lor-
raine.
BANNASSE s. f. (ba-na-ce — rad. banne).
Techn. Civière à transporter les cendres des
salines, il Panier dans lequel on porte le suif
des savonneries. On l'appelle aussi banattb
et bannatte. .
BANNASSON , capitale du royaume nègre
d'Akim, dans la Guinée supérieure, sur la rive
droite de la Bossempra, a. 85 kil. S.-E. de Kou-
massa. Commerce d'ivoire et do poudre d'or.
BANNAT. V, BANAT.
BANNBR1DGE, petite ville et paroisse d'Ir-
lrmde, comté de Dovh, sur le Bann, a 96 kil.
N. do Dublin, 2,000 hab. Commerce de toiles.
BANNE s. f. (ba-ne —du celt. benn, voi-
ture). Grande manne d'osier : La troisième
mule était chargée de bannes neuves. (G.
Sand.)
— Grande toile qu'on étend au-dessus d'un
bateau pour garantir l'équipage et les pas-
sagers, n Grosse toile ou bâche dont on couvre
les marchandises sur les voitures, ou lors-
qu'elles restent déposées en plein air. il Tenta
qu'on dispose au-dessus des portes des bou-
tiques, pour s'y mettre à l'abri du soleil.
L'établissement des bannes au-devant des
maisons est soumis aux règlements de l'au-
torité municipale, en tout ce qui concerne
leur hauteur, leur saillie sur la voie publique,
leur agencement,' etc. — C'est ce qui résulte
de l'art. 3, tit. XI de la loi des 16-24 août 1790,
qui confie « à la vigilance et à l'autorité des
corps municipaux... tout ce qui intéresse la
sûreté et la commodité du passage dans les
rues, quais, places et voies publiques... »
— Tombereau pour transporter du char-
bon, du fumier ou dos déblais.
— Vaisseau de bois pour recueillir lo vin
sous le pressoir.
— Pêch. Flue ou nappe du tramail.
BANNE, comm. du dép. de l'Ardèche, arrond.
de Largentière; pop. aggl. 551 hab. — pop.
tôt. 2091 hab. Houille, vins très-estimés.
BANNEAU s. m, (ba-no — dimin. de banne).
Teclin. Petit tombereau traîné par des
hommes, et particulièrement employé dans
les salines, il On dit aussi benneau. n Petite
banne d'osier, n Tonneau du vinaigrier am-
bulant, n Vaisseau de bois à. mesurer et trans-
porter les grains, les vendanges et certains
fruits.
BANNÉ, ÉE (ba-né) part. pass. du v. Ban-
nor. Couvert d une banne : une voilure ban-
née. Un bateau banne.
BANNÉE s. f. (ba-nô — rad. ban). Féod.
Obligation, corrélative au droit de banalité,
de fréquenter le moulin, le four, lo pressoir
du seigneur, n Droit de banalité, droit pour le
seigneur de faire venir les hommes de sa sei-
gneurie au four banal et autres établisse-
ments banaux. On disait aussi droit de ba-
nalité.
BANNELIER (Jean) , jurisconsulte français,
né à Dijon en 1683, mort en 1766. Avocat, puis
professeur et doyen de la faculté de droit de sa
ville natale, il en était l'oracle pour toutes les
questions judiciaires, et ses décisions faisaient
autorité dans les tribunaux. Son ouvrage le
plus important a pour titre : Observations sur
la coutume de Bourgogne. Une rue de Dijon a
pris le nom de Bannelier.
BANNELLE s. f. (ba-nè-le — dimin. de
■banne). Techn. Panier pour contenir des
bouchons.
BANNER v. a. ou tr. (ba-né — rad, banne,
dans le sens de toile). Couvrir d'une banne,
d'une toile.
BANNER, général suédois. V. Baner.
BANNERESSE s. f. (ba-ne-rè-se — rad.
banneret). Femme d'un banneret.
BANNERET s. m. (ba-ne-rè — rad. ban-
nière). Féod. Seigneur qui comptait un
nombre suffisant de vassaux pour lever une
bannière, sous laquelle ils devaient se ranger
et l'accompagner à. la guerre : La distinction
de ces bannerets consistait à porter une ban-
nière carrée au haut de leur lance. (Lacurne
Ste-Palaye. ) Un des bannerets du Saint-
Empire vint au pied de la muraille lire la
sentence d'excommunication, (V. Hugo.)
— Adjectiv. Chevalier banneret, Celui qui
avait déjà porté bannière dans un combat
antérieur : La maîtresse du logis était femme
ou veuve d'un chevalier banneret. (V. Hugo).
Le duc faisait payer ponctuellement la solde
des chevaliers bannerets qui n'avaient pas
assez de vassaux et d'argent pour lever ban-
nière. (Do Baranto.) Il Baron banneret, Celui
qui s'était illustré par une longue suite d'ex-
ploits comme chevalier banneret.
— Dr. féod. Jugo établi par le seigneur
dans les pays de droit écrit.
— Hist. Chof de quartier dans la ville de
Romo, vers ,1a fin du xiv<s siècle.
— Blas. Vol peint en bannière et placé sur
le cimier.
— Encycl. Nul ne pouvait lever bannière
en bataille s'il n'avait au moins cinquante
hommes d'armes. Le vassal qui avait sous
lui assez d'arrière-vassaux pour former une
compagnie pouvait également lever ban-
nière ; mais il était commandé par le seigneur
dominant. La distinction du banneret consis-
tait à porter une bannière carrée au haut de la
lance, tandis que la bannière des simples cheva-
liers était prolongée en deux cornettes ou
pointes. On faisait un banneret sur le champ
de bataille. Les hérauts d'armes, sur l'ordre
du connétable ou des maréchaux, coupaient
la queue du pennon du gentilhomme, et ce
pennon, devenu bannière, donnait à son pos-
sesseur- le titre de banneret. Les chcvtfiers
bannerets n'apparaissent dans l'histoire que
sous Philippe-Auguste; ils subsistèrent jus-
qu'à la création des compagnies d'ordonnance,
par Charles VIL Tant qu'il exista des banne-
rets, le nombre de la cavalerie dans les ar-
mées s'exprima par celui des escadrons. Le
bmmerot avait un rang supérieur au bache-
lier. On disait autrefois Relever bannière pour
Etre fait banneret , et Relever quelqu'un en
bannière pour le faire banneret. Lorsqu'on
voulait se moquer d'un chevalier banneret, on
l'appelait, par dérision, le chevalier au dra-
peau carré. Le banneret aijait le privilège
d'avoir un cri d'armes, de manger à la table
du roi, de porter la lance, le haubert, la
double cotte de mailles, la cotte d'armes, l'or,
le vair, l'hermine, le velours et l'écarlate. Il
avait le droit de surmonter son château d'une
I girouette carrée, tandis que celle du simple
bachelier était à pointe.
BANNERETTE s. f. (ba-ne-rè-te — rad.
bannière). Petite bannière ou banderole. Il
y avait, aux fenêtres, portes et autres lieux des
maisons, des bannerettës et écussons semés
de fleurs de lis. (A. de la Vigne.) il V. mot.
BANNERIE s. f. (ba-ne-rî — rad. bannier).
Office de bannier, de garde des vignes sei-
gneuriales, dans la Bresso et le Dauphiné.
BAMN'EHMAN (Alexandre), graveur anglais,
né à Cambridge vers 1730, travaillait à Lon-
dres vers 1780. Il a gravé au burin des com-
positions historiques et des portraits, notam-
ment : Joseph interprétant les songes de l'échan-
son et du panelier, d'après Ribera; la Mort
de saint Joseph, d'après Velasquez; Danse
d'enfants , d'après Le Nain ; le portrait de
Simon du Bois; celui de R. White, celui du
major Lambert; et divers portraits d'artistes
pour les Anecdotes de peinture de Walpole.
banneton s. m. (ba-ne-ton — rad. banne).
Pêch. Sorte do coffre percé de petits trous,
Su'on enfonce dans l'eau pour y conserver
es poissons. Il On dit aussi bascule et bou-
tique.
— Techn. .Petit panier sans anses, garni
de toile à l'intérieur, sous lequel on fait lever
le pain rond.
BANNETTE s. f. (ba-nè-te — dim. do
banne, panier) . Petite banne ou panier d'osier.
— Comm. Lot de cuirs mis en vente en-
semble.
BANNETTE s. f. (ba-nè-te — du prov.
banno, corne). Bot. Nom-vulgaire d'une es-
pèce de haricot, ou mieux de dolic, dans le
midi de la France, il On l'appelle aussi habine
et mongette.
BANNI, IE (ba-ni) part. pass. du v. Bannir.
Exilé, expulsé de sa patrie : Les portes de la
prison s'ouvrirent ; nous étions libres, mais
bannis à perpétuité du royaume de Naples.
(Scribe.) Il Expulsé d'un pays quelconque :
Banni de mon pays par le meurtre d'un père,
Banni du monde entier par celui de ma mère.
Voltaire.
— Fig. Retranché, supprimé, écarté, évité:
Si la vertu et la bonne foy étaient bannies du
reste de la terre, elles devraient se retrouver
dans te cœur et dans la bouche des rois. (Le roi
Jean.) De cestui monde seront bannies, foi,
espérance et charité. (Rabel.). Le code de la
lubricité doit être scrupuleusement banni de
l'alcôve conjugale. ( Serrurier. ) La lumière
bannie reviendra au jour des miséricordes.
(Ravignan.) Au ivm» siècle , tous les acces-
soires de l'ancien orchestre sont bannis (Vitet).
Rappelez La vertu par leurs conseils bannie.
Corneille.
Tout cérémonial est banni de ces lieux.
C. d'Harlevillk.
D'ici l'intrigue est à jamais bannie.
BBRANOER,
— Cout. anc. Mis en vento par voie de ban
ou publication : Epave bannie. Domaine
banni.
— s. m. : Misérables bannis, enfants d'Eve,
nous sommes ici relégués bien loin au séjour
des misères. ( Boss, ) Voulez-vous déjouer les
complots, tromper les intrigues, déconcerter
las projets, ouvrez la porte à tous les bannis.
(Chateaub.)
La vertu des bannit n'est souvent qu'artifice.
Corneille.
Sur les pas d'un banni craiçnez-vous de marcher ?
Racine.
BANNIE s. f. (ba-ni — rad. ban). Féod.
Action de publier un ban, do faire une pro-
clamation, une annonce officielle et publique.
Il Droit de bannie, Droit de vérifier une ban-
nie. Il Temps des bannies, Temps de l'année
où il était défendu de conduire le bétail sur
les prairies.
BANNIER s. m. (ba-nié — rad. ban). Féod.
Officier charge de la publication des bans du
seigneur, n Individu soumis à la bannie ou
obligation d'user des établissements banaux :
Les banniers sont obligés de se servir du four
banal. (Trév.).
— Dans la Bresse et le Dauphiné , Garde
des vignes qui dénonçait les maraudeurs et
leur faisait payer l'amende ou ban.
BANNIER, 1ÈRE adj. (ba-nié, iè-re —
rad, ban). S'est dit pour banal : Moulin ban-
nier. Taureau bannier.
BANNIÈRE s. f. (ba-niè-re — Le gothique
nous donne la forme primitive du mot ban-
nière, bandva ou banavo, qui, d'après M. Cho-
vallct, a le sens de signe, d'enseigne, exacte-
ment comme le signum latin. L'isl. a fait de
ce mot baenda ; puis l'ancien haut allcm.
fana et fano, en transformant la douce b en
l'aspirée f, et en supprimant le d final ; l'al-
\cm., fahne; l'angl.-sax., fana. L'espagn. et
l'ital, se rapprochent plus de la forme primi-
tive bandva, en ce qu'ils ont conservé l'articu-
lation dentale, bandera et bandicra. Par îtnc
circonstance curieuse, mais qui se reproduit
fréquemment dans l'histoire des langues,
i plusieurs idiomes germaniques nous ont em-
J prunté à leur tour, et sous leur nouvelle
forme, les termes qu'ils nous avaient prêtés ;
ainsi de bannière, l'angl. a fait banner ;
l'allem. banner et panier — remarquer la mu-
tation du 6 en p — lo holland. banier} etc.).
Etendard qui sert de signe de ralliement
aux troupes : Couvert d'une armure^et la ban-
nière à lamain, il marche à la tête de l'armée.
(De Barante.) Ils avaient sous leurs ordres
tous les cantons rangés autour de leurs ban-
nières. (Alex. Dumas.) Démélrius voulut
qu'on lui présentât l'officier allemand qui
portail la bannière du bataillon contre lequel
s'était brisée la charge impétueuse de ses hus-
sards. (Mérimée.)
— Par anal. Etendard d'une corporation :
Tous les corps de métiers défilèrent, bannière?
en tête. Les voici! c'est superbe à voir : les chefs
des corporations avec leurs bannières, un cor-
tège magnifique, et de la musique. (Scribe.) Il
Etendard dont une paroisse ou une confrérie
se fait précéder, aux processions : La bannière
de la Vierge, de Saint-François. Lorsqu'on le-
vait la sainte hostie, ils se tournaient vers leur
bannière, oïl Jésus-Christ est représenté, et non
vers le saint sacrement pour l'adorer. (Pasc.)
Les processions se battaient les unes contre les
autres, pour l'honneur de leurs bannières.
(Volt.) On regarde la bannière comme un
souvenir du labarum de Constantin. (Bachelet.)
Illustre porte-croix, par qui notre bannière
N'a jamais, en marchant, fait un pas en arrière.
Boileau.
— Fam.- Morceau d'étoffe qu'un tailleur
prélève sur l'habit d'une pratique : Ce tail-
leur avait si bien accoutumé à faire la ban-
nière, qu'il ne se pouvoit garder d'en faire de
toutes sortes de drap et de toutes couleurs.
(Desperriers.)
— Fig, Parti : Cette odieuse bannière, qu'on
essaye de relever aujourd'hui avec une assu-
rance si affligeante, (Portalis.) Marchez sous
la bannière à laquelle se rallient tous les
cœurs honnêtes. (M1"» Necker.) L'esprit de la
liberté, bon et très-louable abstracltvement, a
j été si mal dirigé en application, qu'il a rallié
aux bannières du despotisme ceux mêmes qui
avaient penché pour la liberté. (Fourier.)
' De Racine au combat l'un suivait la bannière.
L'autre avait arboré l'étendard de Molière.
C. Delavjgne,
— Ironiq. La croix et la bannière, Le
comble des cérémonies, des formalités, des
prières : Il faut , pour l'amener ici, la croix
et la bannière. On a encore besoin de la
croix et de la bannière, pour en obtenir.
(Balz.)
— A bannière levée, En hostilité ouverte :
Madame de Soubise fortifiait ainsi son crédit
auprès, de madame de Maintenon, qu'autre-
ment elle eût eue contre elle À bannière levée.
(St-Simon.)
— Prov. Cent ans bannière, cent ans civière,
Après une longue opulence, une longue mi-
sère, la bannière étant autrefois lo privilège
exclusif de certains seigneurs appelés banne-
rets; et la civière un instrument des travaux
les plus abjects, il cintre de pennon bannière,
Monter en grade, parce que le gentilhomme
qu'on faisait banneret coupait son pennon
pour lui donner la forme carrée de la ban-
nière, n Ces deux proverbes ont vieilli.
— Féod. Enseigne de forme carrée que le
chevalier ou seigneur banneret avait droit
de faire porter devant lui, en conduisant ses
vassaux a la guerre : La bannière était car-
rée, de sorte que, quand on faisait un banne-
ret, il suffisait de couper la queue de son pen-
non pour lui donner la forme carrée de la
bannière. (Hancavy.) il Ensemble dos vas-
saux qui marchaient sous la bannière du sei-
gneur, il Fief de bannière, Fief de gentil-
homme banneret. il Dame de grande bannière,
Femme d'un chevalier banneret.
— Cout. anc. Chef dp bannière, Capitaine "
do quartier dans une ville.
— Hist. Bannière de France, Etendard qui
accompagnait le roi do France lorsqu'il allait
à la guerre '■ La bannière de France fut d'a-
bord la chape de Saint-Martin, qui fut ensuite
remplacée par l'oriflamme.
— Mar. Pavillon : L'article 4 du traité de
1G0G portant que les Français qui seront pris
sous quelque bannière que ce soit... (Louis XIV).
Il Pavillon servant de signal, il Bannière de
partance, Pavillon qui appello l'équipage, à
bord pour un prochain départ, n Bannière de
conseil, Pavillon qui appelle les capitaines au
conseil de l'amiral. Il En bannière, Lo bord
libre, et flottant au gré ■ du vent : Pavillon
en bannière. Un coup de vent mit la grande
voile en bannière. Mettre leperroauet en ban-
nière pour faire un signal. Il Pavillon, guidon
en bannière, Pavillon, guidon envergué par
un temps plat, pour être présenté en face
à un navire auquel on veut faire un signal.
— Blas. En bannière, De forme carrée,-
comme les bannières féodales : Armes en
bannière. Ecu en bannière,
— s. f. pi. Recueil d'actes divers enregis-
trés au Châtelet : Les bannières sont des re-
gistres séparés de celui des audiences. (Trév.)
— Encycl. Bannière, drapeau, étendard,
labarum, enseigne, flpfiamme, gonfalon, sont
autant de mots dans lesquels on retrouve la
même idée; tous, ils sont un signe de ralliement
:i une même cause; tous, ils veulent dire fidé-
lité au pays ou au corps auquel on appartient.
BAN
Le drapeau et la bannière se partagent le
monde; la société religieuse marche sons 2a
bannière; la société civile et militaire obéit au
drapeau : ce n'est donc qu'une différence mo-
rale qui existe entre lestleux emblèmes ; mais
cette différence suffit pour séparer deux élé-
ments aujourd'hui parfaitement distincts : le
temporel et le spirituel, la société religieuse
et la société civile, ces deux sociétés dont les
intérêts sont si difficiles à concilier. Car si,
chez nos pères, bannière s'est également dit
des bannières de confrérie et du drapeau des
rois de France allant en guerre, et de l'éten-
dard du seigneur de fief sous lequel se ran-
geaient les vassaux quand il lui plaisait de
guerroyer , aujourd'hui que chaque ordre de
choses reçoit une physionomie nette et accu-
sée, le mot bannière ne signifie plus qu'éten-
dard d'église ; c'est ainsi que la confusion s'en
va de la langue comme des idées.
L'usage d'attacher à une hampe une pièce
d'étoffe ornée d'images, de signes et d'em-
blèmes remonte à la plus haute antiquité;
quelques auteurs prétendent que. les Assy-
riens eurent les premiers la pensée de peindre
des figures sur un étendard : ils choisirent la
colombe en mémoire de celle que Noé lâcha
de l'arche, pour s'assurer si les eaux du dé-
luge s'étaient retirées. Il est certain que les
bannières étaient connues des anciens Hé-
breux, et la Bible désigne sous le nom de dégel
celles qui servirent aux Israélites pendant leur
voyage à travers le désert. (Nombres, i, 52;
il, 2 ; x; U). Il y eut ensuite une bannière par
trois tribus, et les rabbins nous ont débité, à
ce sujet, une foule de légendes fabuleuses et
même puériles. Les tribus de Juda, d'Issa-
char et de Zabulon en avaient une qui re-
présentait un jeune lion (Genèse, xlix, g) ; celle
de Ruben, de Siméon et de Gad représentait
un homme ; celle d'Ephraïm, de Manassé et
de Benjamin, un taureau; celle de Dan, d'A-
zer et de Nephtali , un aigle. Outre les
dégel de tribus, il y avait de petites bannières
ou espèces de guidons, appelées otot, autour
desquelles se groupaient une ou deux famil-
les. Le mot nem, qu'on a traduit par étendard,
désignait un signal particulier qui, exécuté sur
un lieu élevé, avait pour but de rassembler
immédiatement les hommes, en cas d'attaque
subite (Isaïe, v, 26; xi, 12; xii, 3; xvm, 3; lxij,
10 ; Jérémie,iv, 6). Quelques auteurs pensent
que ces signaux devaient consister en feux al-
lumés sur le sommet des montagnes et analo-
gues au pursoi ou phructoi des Grecs. D'autres
auteurs affirment que le nem était une véri-
table bannière, parce que 'ce mot est aussi
employé pour désigner la flamme ou pavillon
d'un mât de navire.
: L'usage des bannières fut adopté successi-
vement par les autres nations, avec un sym-
bole différent pour chacune. Les Perses choi-
sirent le soleil; les Athéniens, la chouette;
les Thébains , le phénix; les Cimbres, le tau-
reau ; les Egyptiens, le dragon ; les Corin-
thiens, un cheval ailé; les Indiens, le coq;
les Ethiopiens, le chien, etc. Quelques peu-
ples remplacèrent les figures d'hommes ou
d'animaux par des lettres initiales ou des
sentences : c'est ainsi que les Messéniens
avaient placé la lettre M sur leur bannière;
les Lacédémoniens, la lettre A ; et chez les
Juifs, les Machabées y avaient écrit les lettres
initiales du verset 2 du chapitre xv de
l'Exode : Quis similis fui in fortibus, Domine?
qui , en caractères hébraïques fournissaient
les quatre initiales M C B I, d'où leur est
venu le nom de Machabées. Les Romains
changèrent souvent l'emblème de leurs en-
seignes : ils y représentèrent tantôt le loup,
tantôt le minotaure, puis le sanglier, et enfin
l'aigle, que les empereurs gardèrent long-
temps. Constantin lui substitua le mono-
gramme grec du Christ, X R, Surmonté d'une
croix : c'était le labarum. Avec le christia-
nisme s'établissant dans le monde et passant
dans les mœurs, non-seulement on s'habitua
à voir quelque chose de sacré dans la bannière,
mais pendant longtemps les nations n'eurent
d'autres drapeaux que des bannières d'églises :
témoin l'oriflamme, que l'on tirait de Saint-
Denis. Aujourd'hui encore, en Italie, la langue,
qui reflète si bien les institutions et les croyan-
ces d'un peuple, la langue, pourtant si riche,
n'a qu'un mot, bandiera, pour traduire ban-
nière et drapeau. Le régime féodal multiplia
singulièrement l'usage des bannières; chaque
chevalier banneret en avait une de forme
carrée, et c'était en l'arborant qu'il rassem-
blait ceux, de ses vassaux qui devaient le
suivre à la guerre; celle du bachelier se ter-
minait en pointe. La bannière de France a
changé de forme et de couleur selon les temps ;
la plus ancienne consistait en une .grande
pièce de toile suspendue à une espèce de mât,
que portait un char à quatre roues. Ce char
portait en outre une chasse ou chape conte-
nant des reliques de saint Martin de Tours,
avec dix chevaliers chargés de la défendre ;
car les principaux efforts de l'ennemi ten-
daient à s'en emparer pour jeter le découra-
gement parmi les soldats. Cette bannière était
bleue et semée de fleurs de lis; elle appar-
tenait à l'abbaye de Saint-Martin, qui était en
la possession de la famille des Capétiens.
Louis VI, devenu avoué de l'abbaye de Saint-
Denis, remplaça cette bannière par l'ori-
flamme, dont nous avons déjà, parlé, et qui
était rouge et fendue par le bas : on la portait
suspendue à une lance dorée. Plus tard, la
bannière fut remplacée par la drapeau : ce fut
le drapeau blanc sous les Bourbons; le dra-
BAN
peau tricolore devint, sous la Révolution, la
bannière nationale ; il fut maintenu sous l'em-
pire et, après avoir cédé la place au drapeau
blanc, depuis 1815 jusqu'en 1830, il a repris
sous Louis-Philippe une place qu'il ne perdra
plus, parce qu'il est le signe glorieux de tous
les progrès que nous devons au grand mouve-
ment de 17S9. '
C'est aujourd'hui dans les processions reli-
gieuses que la bannière, dans le sens actuel
du mot, joue son principal et pour ainsi dire
son unique rôle : les bannières déployées des
paroisses, des confréries et de certaines asso-
ciations sont le plus grand ornement des céré-
monies de ce genre dans les lieux où elles
sont tolérées : il paraît que l'usage de faire
précéder les processions de la bannière n'a
commencé qu'en l'année 1414 , à l'occasion de
la canonisation de saint Roch, en sorte que
l'image de ce saint serait la'première qu'on ait
portée en procession, attachée à une bannière.
• — Alllis. hidt. Bannière de Jènnne Darc.
Lorsque Jeanne Darc se précipitait sur les
ennemis, elle tenait toujours d'une main son
épée, et de l'autre sa bannière. Après avoir
forcé les Anglais à lever le siège d'Orléans,
et les avoir battus partout où elle les avait
rencontrés, elle conduisit Charles VII à Reims
pour le faire sacrer roi de France. La céré-
monie eut lieu le 17 juillet 1420. Jeanne y as-
sista, placée à peu de distance du roi et du
maître-autel, tenant k la main sa bannière
victorieuse.
Pendant le procès de Rouen, ses juges lui
ayant demandé pourquoi cet étendard avait
été porté à l'église de Reims/ plutôt que les
autres; l'héroïne répondit : Il avait été à la
peine, c'était bien raison Qu'il fût à l'honneur.
Cette fière réponse est restée proverbiale,
pour faire entendre que l'on doit partager les
bénéfices d'une entreprise dont on a couru les
dangers. Quelquefois on se contente de faire
allusion à" la bannière de Jeanne Darc, mais
toujours dans le même sens :
« Enfin, le 7 décembre 1353, jour anniver-
saire de l'exécution de l'arrêt du 6 décem-
bre 1815, après trente-huit ans d'incessantes
réclamations, la statue du maréchal Ney fut-
solennellement inaugurée sous le règne de
Napoléon III. Les fils du maréchal, en leur
nom et au nom de leur mère, vinrent me prier
d'y assister avec eux, d'être encore dans cette-
circonstance leur orgaDe et le défenseur de
la mémoire de leur père, comme je l'avais été
de sa personne, et de flétrir encore une fois
l'arrêt dont le monument de leur père devait
être la réparation. J'accédai à leur désir, et
comme j'avais été à la peine, c'était bien raison
que je fusse à l'honneur.» Dupin.
Je sab que c'est la marche ordinaire des
choses humaines, qu'il appartient aux uns de
semer, aux autres de recueillir, et qu'il ne
suffit point, selon le proverbe , d'avoir été à
la peine pour être à l'honneur.
Peévost-Paradol.
« Maintenant que l'administration est vain-
cue et qu'il s'agit de procéder au sacre du
député de l'opposition, le Journal des Débats
n'entend pas que personne lui dispute le pri-
vilège de porter l'oriflamme : Seul U a été à
la peine, seul il doit être à l'honneur. Rési-
gnons-nous donc a assister à la cérémonie,
tout à fait aux derniers rangs. » T. Delord.
BANNIERI (Antoine), chanteur italien , né
à Rome en 1638, mort en 1740, âgé de cent
deux ans. Amené fort jeune a Paris, il ne
tarda pas à exciter l'admiration par une ma-
gnifique voix de soprano, qui faisait oublier
sa laideur et la difformité de sa taille. Anne
d'Autriche, mère de Louis XIV, le prit en
grande affection. Pour prévenir la perte de
sa voix, Bannieri pria un chirurgien de lui
faire l'opération de la castration. Ce chirur-
gien y consentit, sous la foi d'une discrétion
absolue. L'âge de la mue vocale arrivé, on
fut étonné de ce que la voix de Bannieri
croissait en puissance au lieu de décliner. Le
secret de la conservation de son organe fut
connu, et Louis XIV voulut savoir quel était
l'auteur de l'opération pratiquée sur le chan-
teur. « Sire, répondit Bannieri, j'ai donné ma
parole d'honneur de ne point le nommer, et je
supplie Votre Majesté de ne pas m'y contrain-
dre. — Tu fais bien, répondit Louis XIV, car
je le ferais pendre, et c'est ainsi que sera traité
le premier qui s'avisera de commettre pareille
abomination. » Malgré cet incident, Bannieri
conserva les bonnes grâces du roi, qui ne lui
accorda sa retraite que lorsque ce chanteur
eut atteint sa soixante-dixième année.
banniment s. m. (ba-ni-man — rad.
bannir). Prat. anc. Saisie.
BANNIR v. a. ou tr. (ba-nir — rad. ban).
Exiler, expulser de sa patrie .• Adrien rebâtit
Jérusalem, mais il en bannit les Juifs. (Boss.)
Louis XIV a banni trois millions de sujets.
(B. Const.) La loi gui bannit les Bourbons
n'est pas seulement une loi inique, c'est une
loi stupide. (E. de Gir.)
— Par ext. Exclure , éloigner : Bannir
quelqu'un de sa présence, de sa société, de sa,
maison. Les habitants de Sybaris avaient
banni tes coqs, de peur d'en étreéveillés. (Fôn.)
Le beau monde bannit de son sein les malheu-
BAN
reux, comme wi homme de santé vigoureuse
expulse de son corps un principe morbifique.
(Balz.) Nous n'avons plus d'asilet On nous
bannit de la terre que nous avons cultivée et
enrichie! (Scribe.)
Je mourais a tes pieds, si tu m'avais ftannie.
Lamartine.
— Fig. Ecarter, supprimer, repousser :
Borne, en chassant ses rois et en établissant
deux consuls, ne fit que bannir le titre et non
l'autorité royale. (Machiavel.) Je crois qu'il
n'y a rien qu'il faille bannir de la conversa-
tion. (M">e de Sev.) Faut-il donc bannir de
la physique toutes les hypothèses? (Condillac.)
Tu as bien fait de bannir la mélancolie.
(Le Sage.) L'inhumanité seule bannit toute
moralité du cœur de l'homme. (Mme de Staël.)
Combien de vices on ferait disparaître, si l'on
parvenait à bannir l'oisiveté et la misère.'
(Droz.) Bacon se plaint avec raison de ce que
la maniede traiter les causes finales dans la
physique en a chassé et comme banni la re-
cherche des causes physiques. (Flourens.)
Bannissez; bannissez une crainte mortelle.
Corneille.
Ne me bannisses point de votre souvenir.
Corneille.
Et chez moi le travail bannirait la misère.
TJELille.
Je ne saurai; bannir la terreur qui me suit,
C. Delavigne.
Votre image sans cesse est présente il mon âme;
Rien ne peut l'en bannir
Racine.
Bannissez l'amour-propre, et l'âme en léthargie
Perd, dans un froid repos, son active énergie.
Fontanes.
Se bannir, v. pr. S'exiler, s'expatrier:
Pouvez-vous m'ordoriner de me bannir de Rome?
Cornbille.
Confus, persécuté d'un mortel souvenir,
De l'univers entier je voudrais me bannir.
Racine.
Tu dois 1& tous tes soins au bien de ta patrie;
Tu ne t'en, peux bannir que l'orphelin ne crie.
Boubah.
— Par ext. S'exclure, s'éloigner : Je me
suis banni moi-même de leur société.
— Syn. Bannir, «xiler, proaerire. Bannir,
au sens propre , suppose une condamnation
régulière ; il est l'expression d'une peine pro-
noncée contre un coupable. Exiler exprime
simplement l'action de faire sortir d'un pays;
Y exil est souvent un acte arbitraire, quelque-
fois même il peut être volontaire. Proscrire
est plus fort que ses deux synonymes; c'est
l'acte d'un tyran, d'un ennemi qui abuse de sa
puissance pour écraser ceux qui lui font om-
brage; il exprime même quelquefois l'idée
d'une condamnation a mort, sans formes lé-
gales, et par l'unique droit de la force brutale.
BANNIR v. a. ou tr. (ba-nir — rad. ban.)
Autref. Proclamer par un ban : bannir les
vendanges.
— Dr. féod. Saisir : bannir un héritage.
BANNISSABLE adj. {ba-ni-sa-ble, —rad.
bannir). Qui mérite d'être banni, expulsé :
A liez, vous êtes un homme ignare de toute dis-
cipline, bannissable de la république des let-
tres. (Mol.)
BANNISSANT (ba-ni-san) part. prés, du v.
Bannir : Notre siècle, en bannissant les subti-
lités scolastiquès, est revenu au simple et au
vrai. (Chamfort.)
BANNISSEMENT s. m. (ba-ni-se-man —
rad. bannir). Action de bannir; état d'une
personne bannie : Etre condamné à cinq ans
de bannissement. Le bannissement se faisait
autrefois à son de trompe et à cri public, ce
que lui a valu son nom. (Trév.) /( vient de
faire pendre un homme qui méritait le bannis-
sement. (La Bruy.) Le bannissement des jé-
suites ne fut qu'un grand acte de justice natio-
nale. (Bignon.) Bu bannissement des Capets
datera l'ère de l'expulsion des rois. (Chateaub.)
De son bannissement prenez sur vous l'offense.
Racine.
Il Lieu d'exil : Agrippine fit rappeler Sénè-
que de son bannissement. (D'Ablanc.)
— Par ext. Eloigncment forcé : Cet amant
a reçu de sa maîtresse un arrêt de bannisse-
ment. (Trév.)
Ah ! prince, jurez-lui que, toujours trop fidèle.
Gémissant dans mon cœur et plus exilé qu'elle.
Portant jusqu'au tombeau le nom de son amant,
Mon règne ne sera qu'un long bannissement.
Racine.
— Fig. Suppression, action d'écarter, do
retrancher : Le xvue siècle avait condamné à
un bannissement perpétuel une foule de sub-
stantifs et d'adjectifs bien portants que M. Th.
Gautier a fait le serment dé délivrer. (Ed.
Texier.)
— Jurispr. Peine infamante, entraînant la
dégradation civique, et qui consiste dans
l'expulsion du territoire et l'interdiction d'y
rentrer, sous peine d'être puni de la détention.
— Encycl. Hist^ Dans l'antiquité, le ban-
nissement fut plutôt une mesure d'extrême
précaution politique, prise contre des individus
.dont on redoutait l'influence, qu'une peine dé-
crétée par la société pour sa défense. Dans les
républiques grecques ; les grands services ,
l'influence sociale désignaient souvent un ci-
toyen à la jalousie de ses rivaux et à. la suspi-
cion du peuple tout entier. La démocratie
d'Athènes ne pouvait croire qu'après avoir
sauvé l'Etat, Thémislocle pût se résigner à
BAN
157
n'être qu'un simple citoyen; aussi, pour sa
débarrasser des inquiétudes qu'il lui causait,
prononça-t-elle contre lui un décret de ban-
nissement. Les citoyens d'Athènes se servaient
dans ce cas de coquilles, sur lesquelles chacun
d'eux écrivait son vote : de là vient le nom
i'ostracisme donné à cette sentence populaire.
On sait qu'Aristide lui-même fut atteint par
une condamnation de ce genre, et tout le
monde connaît la réponse de ce paysan, qui,
ce sachant pas écrire, l'aurait prié de tracer
sur sa coquille le mot fatal , lorsqu'Aristide
lui demanda quel était son crime. A Syracuse,
la sentence d exil portait le nom de pétalisme,
parce que les votes s'écrivaient sur des feuilles
d'olivier (v. les mots Ostracisme et Péta-
lisme). Quelquefois le bannissement était volon-
taire, et l'on a vu de grands citoyens se l'im-
poser eux-mêmes pour mettre un terme aux
troubles que pouvait causer leur présence.
L'envie et tes soupçons perpétuels auxquels un
homme important setrouvaiten butte, dans ces
petites démocraties, lui rendaient souvent la
patrie insupportable; il s'expatriait alors de lui-
même, et ce bannissement volontaire était quel-
quefois converti, par la volonté populaire, en un
exil perpétuel. Dans d'autres cas, le bannisse-
ment était une sorte de châtiment, que s'impo-
saient des conspirateurs malheureux ou les vic-
times d'une révolution politique, pour épargner
aux vainqueurs, dans ces sortes de luttes, la né-
cessité de mettre à mort des adversaires trop
nombreux. Quelquefois aussi le bannissement
était la seule peine décrétée par le parti vic-
torieux, quand le coupable était protégé par
des services antérieurs, par une grande illus-
tration personnelle, par l'affection ou les pas-
sions d'une partie notable des citoyens, ainsi
que cela se présenta à Rome pour Coriolan.
L'histoire des républiques italiennes est aussi
pleine de bannissements de ce genre. Sous
l'empire romain, le bannissement de Rome, ou
plutôt l'exil, fut le châtiment des postés et
des libellâtes qui s'écartaient de ces témoi-,
gnages de profond respect auxquels les Césars
se croyaient un plein droit : Ovide nous en
fournit un exemple. Alors aussi le bannisse-
ment servait à punir les désordres des mœurs,
qui, en France, pendant les deux derniers
siècles, étaient réprimés par des lettres de
cachet.
Dans le moyen âge, lorsque la police de
l'Etat était encore presque entièrement à or-
ganiser, le bannissement était une peine à la-
quelle, en l'absence de moyens de répression
suffisants, on avait souvent recours, pour se
débarrasser des mendiants et des vagabonds.
Pendant la même période, après avoir dé-
pouillé les juifs et les lombards, les gouver-
nements édictaient aussi contre eux le bannis-
sement. A partir du xvie siècle, le bannisse-
ment, tant au point de vue social qu'au point
de vue politique et international, a commencé,
dans chaque Etat, à faire l'objet d'une législa-
tion régulière. Voici les phases diverses que
cette législation a suivies en France":
Sous l'ancien régime, on bannissait quel-
quefois pour un temps déterminé, et ce temps
était, comme pour les galères et la réclusion,
de trois, cinq, six ou neuf ans; mais ce ban-
nissement à temps n'était applicable que lors-
qu'il s'agissait d exclure un individu du ressort
d'un parlement, d'un bailliage ou d'une géné-
ralité quelconque. Le bannissement hors du
royaume était prononcé à perpétuité. Les
bannis qui rompaient leur ban étaient, pour
ce fait, condamnés aux galères. Quelques
criminalistes, Beccaria entre autres, ont pro-
posé d'appliquer cette peine à tous les délits
sans exception. Celui qui trouble la tranquil-
lité publique, dit Beccaria, qui n'obéit point
aux lois, qui viole les conditions sans les-
quelles la société humaine ne peut se mainte-
nir, doit être exclu de cette société, c'est-à-
dire doit être banni. Le* bannissement ainsi
étendu, et appliqué aux délits de toute nature,
ne serait, comme on l'a fait observer, qu'un
échange de malfaiteurs entre les gouverne-
ments ; il aurait pour effet de déplacer sans
cesse l'écume des sociétés, sans les débarras-
ser des germes vicieux qui les rendent impu-
res. Mais on a pensé qu il n'en serait pas de
même si le bannissement n'était plus appliqué
qu'à la punition des crimes politiques, attendu
qu'un homme peut être mauvais citoyen dans
un pays et ne pas l'être dans un autre, et quo
la présence de l'auteur d'un délit politique n'a
ordinairement qu'un danger local, qui peut
disparaître quand le coupable change de ré-
sidence. Cette opinion est celle des auteurs du
code pénal français, et de ceux de ses com-
mentateurs qui appartiennent à l'époque impé-
riale. Les publicistes et les criminalistes venus
plus tard ont été, en général, d'un avis con-
traire. MM. Livingston,Chauveau,Hélie, Du-
mon se sont prononcés contre le bannissement,
même comme peine applicable seulement aux
crimes d'Etat, parce qu'un factieux trouve
souvent au dehors des moyens de nuire plus
efficaces et plus dangereux que dans sa pa-
trie même. Dans nos Etats modernes, disent-
ils, où la facilité des correspondances fait pour
ainsi dire vivre l'exilé au milieu de son pays,
et où la rivalité des nations, ainsi que la soli-
darité des partis, offre partout à l'exilé des
amis et des auxiliaires, le bannissement en
matière politique est souvent une peine pou
préventive, car il envoie le condamné rejoin-
dre ceux de ses complices qui ont pu s'échap-
per. La peine, en outre, n'est point suffisam-
ment exemplaire, puisque le mal que souffre
le banni se réalise loin des regards de ceux
158
BAN
BAN
BAN
BAN
sur qui il pourrait agir; de plus, la peine est
essentiellement inégale : rigoureuse pourries
uns presque à l'égal de la mort, elle est à peu
près nulle pour ceux qui trouvent dans leurs
ressources personnelles le moyen de vivre
largement partout.
Le code pénal de 1810 prononçait la peine
du bannissement dans un certain nombre de
cas, notablement réduits par la loi du 28 avril
1832 : elle atteint seulement les attentats des
ministres contre la liberté individuelle (art.
115 du C. péri.): les coalitions de fonction-
naires pour résister a l'exécution des lois
(art. 124); les provocations à la révolte de la
part d'ecclésiastiques (art. 205); la censure
du gouvernement dans un écrit pastoral (art.
204) ; la correspondance d'un ministre du culte
avec un prince étranger, sur des matières re-
ligieuses (art. 208).
L'art. 229punitd'une espèce de bannissement
l'outrage et les voies de fait commis contre
un magistrat; il permet d'interdire au con-
damné d'approcher, a une distance fixée, du
lieu de la résidence du magistrat outragé, pen-
dant cinq ans au moins, et dix ans au plus.
L'infraction a cette interdiction est punie du
bannissement.
Le bannissement diffère de la déportation en
ce que le déporté n'est pas expulsé du terri-
toire français, et qu'il est, au contraire, con-
duit sur une terre française extra-continen-
tale, où il est tenu de séjourner.
Les gouvernements étrangers ne sont pas
obligés de recevoir les bannis. Quand aucun
d'eux ne veut donner asile à un banni, tous les
eriminalistes s'accordent a déclarer que le con-
damné doit être détenu jusqu'à l'expiration de
sa peine, ou jusqu'à ce que l'exécution de cette
Eeine soit possible. Sous la restauration , les
annis qui se trouvaient dans ce cas étaient
détenus au fort Pierre-Châtel. En vertu de
l'ordonnance du 2 avril 1817 , le bannissement
emporte défense de rentrer sur le territoire ;
la contravention à cette défense s'appelle
infraction ou rupture de ban; elle est punie,
d'après le code pénal de 1810, revisé en 1332,
de la détention pour un temps au moins égal
fc celui qui restait k courir jusqu'à l'expiration
du bannissement, et qui ne peut excéder le
double de ce temps.
Indépendamment du bannissement judiciaire,
il y a le bannissement politique, qui, à la suite
de nos diverses révolutions, a été souvent in-
fligé, par voie législative ou par simple décret
du pouvoir exécutif, à certaines classes de
personnes. Ainsi, la loi d'amnistie du 12 jan-
vier 1816 excluait du royaume, à perpétuité,
tous les membres de la famille de Napoléon
Bonaparte: il leur était enjoint de sortir du
territoire français, sous peine de mort et de
confiscation des biens; ils ne pouvaient jouir,
en France, d'aucun droit civil, ni y posséder
aucuns biens, titre, pension à eux accordée à
titre gratuit, et ils étaient tenus de vendre,
dans le délai de six mois, les biens de toute
nature qu'ils possédaient à titre onéreux. Cette
môme loi excluait à perpétuité, et dans les
mêmes conditions, ceux des membres de la
Convention nationale désignés sous le nom de
régicides, qui, au mépris de la clémence dont
ils avaient été l'objet, avaient voté pour l'acte
additionnel, ou accepté des fonctions ou em-
plois de l'usurpateur. La loi du 11 septembre
1830 permit à cette dernière classe de bannis
de rentrer en France; mais quant aux biens
dont ils avaient été privés en vertu de cette
loi, la réintégration n'en fut ordonnée que
sous la condition de ne pas porter préjudice
aux droits des tiers.
La loi du 10 avril 1832 interdit & perpétuité
le territoire français à Charles X et à ses
descendants, et renouvela, à l'égard de la
famille Bonaparte, le bannissement prononcé
par la loi du i janvier 1816. Cependant, après
la révolution de février 1848, les membres de
cette famille rentrèrent en France sans être
inquiétés ; quelques-uns furent élus membres
de l'assemblée'Constituante, où leur admission
fut prononcée sans contestation. Un décret
du il octobre 1848 mit les faits d'aceord avec
la loi, en abrogeant l'article de la loi de 1832
relatif au bannissement des Bonaparte. Le
chef de cette famille est devenu, comme on
sait, présidentde la République, puis empereur
des Français.
A la suite du coup d'Etat du 2 décembre
1851, un décret, en date du 4 janvier 1852,
prononça l'exclusion temporaire ou indéfinie
d'un certain nombre de membres de l'assem-
blée législative. Le bannissement judiciaire
fut également prononcé, en novembre 1853,
contre trois des accusés reconnus complices
des attentats dits de l'Hippodrome et de l'Opéra-
Comique. Les effets de ces mesures ont été
depuis longtemps levés, soit par des décisions
particulières, soit par le décret général d'am-
nistie du 15 août 1859.
BANN1TZA (Jean-Pierre), jurisconsulte al-
lemand, né à Aschaffenbourg en 1707, mort
en 1775. Il fut professeur de droit à Vienne,
et remplit les fonctions de conseiller aulique.
On a de lui quelques ouvrages sur la jurispru-
dence criminelle. — Son fils, Joseph -Léon
(1733-1800), professa le droit civil et criminel
a. Inspruck, devint conseiller d'Etat, et publia
quelques travaux estimés sur le droit romain
et sur le droit allemand.
BANNOCKBURN, village d'Ecosse, comté
*t à 4 kil. S.-E. de Stirling: 750 hab. ; manu-
factures de tartans, tapis, châles, etc. Célèbre
par la victoire que Robert Bruce y remporta
sur Edouard II (1314), et par celle de Jac-
ques IV, fils révolté de Jacques III, sur son
père, qui périt dans le combat (1488).
BANNUS (Jean-Albert), compositeur de mu-
sique et jurisconsulte hollandais du xvn' siè-
cle. Il professait le droit à Harlem. On a de
lui un traité qui a eu quatre éditions : Disserta-
tioepistolicade musicœ natura (Harlem, 1635).
banon s. m. (ba-non — rad. ban). Coût,
anc. Droit de pâture après la récolte, sur
toute terre non exceptée par la loi, la cou-
tume ou le privilège. Il Epoque où l'on pou-
vait exercer ce droit.
BANON, ch.-l. de cant. (Basses-Alpes),
arrond. de Forcalquier; pop. aggl. 609 h. —
pop. tôt. 1,260 hab.
ban QUAI S, adj. m. (ban-kè — rad. banc).
Qui fait la pêche au banc de Terre-Neuve.
Se dit d'un navire aussi bien que d'un homme:
■WeAear^BANQUAis. Navire banquais.
— s. m. Homme ou navire qui fait la
pèche au banc de Terre-Neuve : Je tiens ce
récit d'un banquais. Il s'est embarqué sur un
BANQUAIS.
banque s. f. (ban-ke — rad. banc, à cause
des bancs ou comptoirs des anciens chan-
geurs). Branche de commerce dont les prin-
cipales opérations sont de recevoir, conserver
et payer, emprunter et prêter des capitaux
sous la forme do monnaie : Personne n'osait
aller apprendre l'art de la banque et le change
chez maître Cornélius. (Balz.) Celui-ci faisait
la banque y celui-là se donnait au commerce de
la mer. (Montesq.) Sartines était de Lyon, oii
il s'était mêlé de banque. (St-Sim.) La banque
est ta reine de l'industrie comme du négoce.
(Proudh.) Le crédit fonda la banque. (E. Pcl-
letan.) La banque nivela le besoin d argent.
(E. Peltetan.)
— _ Etablissement d'un banquier ou d'une
société de banque : La maison de banque
D"', à Amsterdam, est une des plus considé-
rables de l'Europe. Les banques sont des éta-
blissements formés par des capitalistes pour
mettre en circulation une espèce de papier-
monnaie gui, dans beaucoup de transactions,
peut suppléer le numéraire. (Droz.) Les billets
amis par les banques , en faisant baisser le
taux de l'intérêt, activent le commerce et l'in-
dustrie. (Du Mesnil-Marigny.) Les banques
ne créent pas le crédit, elles lui fournissent
seulement le moyen de s'exercer. (Math, de
Dombasle.) il Etablissement public de crédit
autorisé par une loi, avec charges et privi-
lèges, et placé" sous le contrôle de l'Etat : La
banque de France fut créée en 1803. La banque
d'Angleterre est à la fois banque de prêt et
d'escompte, banque de dépôt et banque de cir-
culation. (L. Faucher.)
Il a besoin d'argent, courez donc à. la Banque.
C. Delavione.
Mon oncle y pourvoira par un bon sur la Banque.
C, Delavione.
Il Succursale de la banque publique centrale :
La Banque de Marseille , de Bordeaux. La
première BANQUB départementale fut créée, à
Jhuen, en 1817. (Proudh.)
— Par ext. Le corps, l'ensemble des ban-
quiers : Orgueilleuse de ses richesses, la banque
défiait ces éclatants généraux et ces grands
officiers de l'Empire, nouvellement gorgés de
croix, de titres et de décorations. (Balz,)
— Banque commerciale, banque de commerce,
Etablissement de crédit qui embrasse les opé-
rations suivantes : dépôts, escomptes, émis-
sions, avances sur valeurs et à découvert, ou
qui se borne à une partie seulement de ces
opérations, n Banque de dépôt et de virement,
Banque commerciale dont les opérations se
bornent à l'acceptation de dépôts et au vire-
ment de comptes. Il Banque d'escompte, Banque
commerciale dont les opérations se bornent
à escompter les effets de commerce avec du
numéraire. Il Banque de circulation, banque
d'émission, Banque commerciale qui joint à
l'acceptation des dépôts et à l'escompte l'é-
mission de billets de banque, soit qu'elle ait
cette faculté en vertu du droit commun, soit
qu'elle la doive à un privilège légal, n Banque
territoriale, banque hypothécaire, Etablisse-
ment de CTédit faisant des avances sur hypo-
thèque de biens-fonds, n Banque agricole ,
Etablissement de crédit qui fait des prêts ou
des avances à l'agriculture, il Banque de spé-
culation, Etablissement dont la principale
opération consiste en achat et vente de titres,
tels que : inscriptions de rentes, actions et
obligations, il Banques populaires, banques d'a-
vances, Banques fondées par des sociétés
coopératives, en vue d'ouvrir des crédits à
découvert aux membres de ces sociétés, u
Banque d'échange, banque du peuple, Plan de
banque imagine par Proudhon pour bannir
la monnaie métallique des échanges et réa-
liser la gratuité du crédit. V. échange, u
Banque rationnellex Plan de banque imaginé
par M. Emile de Girardin, pour arriver a la
diminution graduelle de 1 intérêt de l'argent
ot à son extinction définitive, par une appli-
cation aux billets de commerce du principe
do l'assurance. Il Banque de compensation ,
Plan de banque imaginé pour supprimer l'of-
fice non-seulement de l'or et de l'argent, mais
encore de toutes les valeurs à terme, et ra-
mener toutes les opérations de banque à une
seule, le virement, u Banque régulatrice des
valeurs, Plan de banque imagine pour appli-
quer non-seulement aux métaux précieux et
aux effets de commerce, mais encore à tous
les produits et à toutes les valeurs, l'opéra-
tion du change. Il Banque de crédit direct,
Plan de banque imaginé par M. Coignet pour
substituer au prêt du numéraire le prêt des
Eroduits et des valeurs dont l'emprunteur a
esoin, et dont la possession est le véritable
but qu'il poursuit lorsqu'il emprunte du
numéraire.
— Avoir compte, débit ou crédit en banque
ou à la banque, Avoir un compte ouvert à la
banque, être son débiteur ou son créancier.
Il Ecrire une partie en banque, Faire enregis-
trer, sur les livres de la banque, les opéra-
tions sur valeurs que l'on a en banque, et
qui s'effectuent entre débiteurs et créanciers.
— Imprim. Echéance hebdomadaire ou de
quinzaino du salaire des ouvriers : Jour de
banque. Livre, carnet de banque. A Paris,
la banque a lieu d'après un tarif dressé, par
une commission composée de patrons et d ou-
vriers.
— - Jeux. Le fonds du jeu au quinze, au
vingt et un, au lansquenet, à la roulette, au
baccarat, et autres jeux de hasard, c'est-à-
dire la somme que celui qui tient le jeu a
devant soi pour payer ceux qui gagnent con-
tre lui. il Celui qui tient le jeu : La banque
gagne. La banque perd, l! au jeu du com-
merce, Talon ou cartes qui restent après
qu'on a donné. Il Jeu de cartes appelé aussi
vingt et un : Faire une partie de banque, Il
Tenir la banque, Tenir le jeu en fournissant
l'argent nécessaire. 11 Mettre à la banque,
Jouer seul contre les autres joueurs, jusqu'à
épuisement de la somme qu'on a misé sur le
tapis. Il Faire sauter la banque, Gagner tout
l'argent que celui qui tient le jeu a placé de-
vant lui. Il Fig. Tenir la banque contre quel-
qu'un, Etre son adversaire : Ces gens-là jouent
contre le peuple, mais ils tiennent la banque
contre lui. (Montesq.)
— Encycl. Econ, pol. 1 — Origine et dé-
veloppement DU\ COMMERCE DE BANQUE ; DES
DIVERSES ESPECES DE BANQUE ET DE LEURS
fonctions. Le mot banque est dérivé de l'ita-
lien. Dans les villes italiennes du moyen âge,
chaque changeur de monnaies avait sur la
place publique une table ou banc (banco) où il
effectuait ses payements et ses recettes : de là
le mot banque. De ce même banc est venu
banqueroute ■ lorsque le changeur manquait à
ses engagements, un arrêt de justice ordon-
nait la rupture de son banc en signe de dé-
gradation (banco rotto). On voit que, dans son
acception primitive, le mot banque s'appli-
quait presque exclusivement au commerce qui
consiste à opérer le change des monnaies d or
et d'argent. Ainsi, les premiers banquiers n'é-
taient que des changeurs. » Considérés en rai-
son de leurs fonctions comme les dépositaires
naturels de toutes les espèces courantes qui
se trouvaient quelque part en excédant, ces
changeurs, dit Ch. Coquelin (Dictionnaire de
l'économie politique), attirèrent insensiblement
à eux une bonne partie des fonds provenant de
l'épargne, ainsi que les valeurs flottantes. Les
particuliers allèrent déposer chez eux, pour les
faire valoir, les sommes provenant de leurs
économies, ou dont ils n'avaient pas un emploi
immédiat. Par la même raison, ceux qui dési-
raient emprunter s'adressèrent à eux de pré-
férence ; de sorte que les changeurs devinrent
peu à peu les intermédiaires entre les prêteurs
et les emprunteurs, entre les négociants et les
capitalistes. C'est le fond de ce qui constitue
aujourd'hui le commerce de banque. •
— Origine et développement du commerce de
banque. 11 est intéressant de suivre dans l'his-
toire le développement du commerce de
banque. Le change des monnaies, point de
départ de ce développement, se faisait, dans
l'antiquité, à peu près de la même manière que
dans l'Italie du moyen âge. Les changeurs
grecs et romains se tenaient dans un lieu pu-
blic, assis derrière des tables (Tfoun^m, mensœ)
où ils plaçaient et comptaient leurs monnaies :
de là leurs noms de TpmttÇiwt, mensariij qui, au
point de vue étymologique, sont les équivalents
exacts de notre mot banquier. Au change des
monnaies, ils joignaient le trafic des matières
d'or et d'argent, ainsi que l'industrie de la
fonte et de 1 affinage des métaux précieux. De
plus, ils faisaient des prêts pour un temps plus
ou moins long, et recevaient eux-mêmes en
dépôt, moyennant intérêt, les fonds des parti-
culiers pour les faire valoir à leurs risques et
périls.
Les trapézites d'Athènes jouissaient d'une
telle-réputation de probité qu'on ne leur de-
mandait pas de reçus des fonds qu'on leur
remettait en dépôt, et qu'ils étaient crus sur
parole. Ils recevaient, au contraire, une recon-
naissance (jitçàjpoufoy) de ceux auxquels ils
prêtaient. Ils faisaient aussi des virements poul-
ie compte de leurs déposants. Cette opération,
qui consiste en un échange de créances et de
dettes, soit au moyen d un transfert sur les
livres du banquier, soit au moyen de mandats
sur un débiteur éloigné, économisait déjà
l'usage du numéraire et évitait les mouvements
matériels de fonds.
A Rome, ily avait deux espèces de banquiers,
les argeniarxi et les mensarii. Les argentarii
recevaient des dépôts sans intérêt (depositum,
vacua pecunia) qu des dépôts à intérêt (credi-
tum); ils servaient d'intermédiaires aux ache-
teurs dans les ventes publiques ; en un mot,
ils se livraient à toutes sortes de négociations
pécuniaires pour le compte de leurs clients,
négociations dont ils avaient soin de passer
écriture, comme le prouvent ces locutions
latines : rationem accepti scribere (emprunter
de l'argent); rescribere (rembourser), etc. C'est
sous les portiques qui entouraient le forum
qu'ils exerçaient leur industrie ; aussi appelait-
on as circumforaneum l'argent emprunté chez
un banquier; faire 6ançuerou(e se dit en latin
foro ceaere ou abire. Ajoutons qu'ils devaient
être ingénus, c'est-à-dire nés libres. Les men-
sarii étaient des banquiers d'Etat, dont l'office
consistait à prêter, pour le compte du trésor
public, de l'argent aux citoyens qui offraient
des garanties jugées suffisantes. Ils- avaient
été institués l'an 352 av. J.-C, époque où les
plébéiens, écrasés de dettes, étaient poursuivis
avec tant de dureté et d'acharnement par les
patriciens leurs créanciers, qu'il était devenu
nécessaire pour l'ordre public de leur faciliter
les moyens de libération.
Au moyen âge, le commerce de banque,
monopolisé de Tait par les juifs et les lom-
bards, resta longtemps ce qu'il avait été dans
l'antiquité, c'est-à-dire réduit aux opérations
de change et de prêt. L'invention de la lettre
de change transmissible par voie d'endosse-
mentetfa création des banques de dépôt vinrent
en étendre la sphère d'une manière consi-
dérable. On ne saurait assigner à l'invention
de la lettre de change une date précise.
M. Augier croit que l'origine en est toute
phénicienne, et que c'est la tradition juive qui,
après l'avoir conservée pendant des siècles,
l'a fait reparaître tout à coup vers la fin du
moyen âge. D'après quelques historiens, nous
la devrions aux migrations des Juifs, sans cesse
rançonnés par les princes chrétiens et fqrcés
de cacher ou d'emporter leur fortune pour la
soustraire aux confiscations; c'est par ce
moyen ingénieux qu'ils auraient pu toucher, à
l'étranger, les valeurs laissées en France aux
mains d'amis sûrs. Cette opinion ne reposant
sur aucune donnée précise doit être considérée
comme une simple conjecture. ■ Il est plus
probable, dit M. Batbie, que la lettre de change
avec la clause d ordre naquit naturellement
des besoins du commerce; car, pour le but que
se proposaient les juifs, le3 mandats ou rescrits
tels qu'ils étaient pratiqués dans l'antiquité
auraient suffi. La lettre de change négociable
par endossement s'explique par les progrès du
commerce plus facilement que par des situa-
tions exceptionnelles auxquelles elle n'était
pas indispensable. •
■La création des banques de dépôt remonte
à la fin du xne siècle ; elle est due aux Italiens.
L'importance des opérations commerciales des
villes d'Italie, la variété, tant de poids que de
forme et de titre, des monnaies que les né-
gociants étrangers apportaient pour solder
leurs transactions, faisaient sentir la nécessité
d'une monnaie uniforme. Chaque ville de com-
merce eut, sous la garantie de ses autorités
municipales, et souvent même du prince , un
lieu appelé mont, où chaque négociant dépo-
sait ses espèces et lingots. On en donnait un
reçu au dépositaire. Ces reçus étaient trans-
férables : les négociants pouvaient se trans-
porter leurs crédits par simple mouvement
d'écriture sans déplacement dor ou d'argent;
ils pouvaient également retirer leurs fonds des
banques, mais ils y avaient rarement intérêt,
les entrées égalant au moins les sorties. Les
firemières banques se trouvèrent ainsi être à
a fois des banques de dépôt et de virement.
L'avantage le plus apprécié des banques de
virement consistait dans le titre uniforme
de leur monnaie de banque à une époque où
les monnaies courantes étaient très -nom-
breuses , très-différentes les unes des autres ,
et très-fréquemment altérées. Les banques
paraient à ces inconvénients en adoptant pour
titre uniforme une pièce de monnaie neuve , ou
une quantité déterminée d'or ou d'argent.
Tous les dépôts effectués en lingots ou en
monnaie courante étaient évalués d'après ce
type, et bientôt, à raison de sa commodité,.la
monnaie de banque, tout idéale qu'elle était,
et bien que n'ayant cours nulle autre part que
dans les lieux où était le siège des banques de
virement, avait un prix supérieur à celui de
la monnaie courante. La différence de valeur
entre les deux monnaies constituait l'agio de
banque qui, joint à un droit de commission
très-léger, servait à payer les frais d'admi-
nistration. Les opérations de ces banques peu-
vent se résumer ainsi : change de monnaie ,
acceptation de dépôts, virement de comptes.
Ces banques ne payaient pas d'intérêt. Les
négociants ne croyaient pas payer trop cher
la sécurité et les avantages que leur procu-
raient les dépôts et les virements. '
En même temps, de la lettre de change
naissait l'escompte « Quand l'usage des titres
de crédit se répandit dans le monde, dit Ch.
Coquelin, les changeurs opérèrent naturelle-
ment sur les signes représentatifs des mon-
naies, comme ils opérèrent sur les monnaies
mêmes. Au lieu de prêter seulement sur des
obligations écrites ou verbales, ils commen-
cèrent à escompter, c'est-à-dire à prêter sur
remise de lettres de change ou de billets à
ordre. De plus, ils se chargèrent de la négo-
ciation de ces valeurs, c'est-à-dire qu'ils faci-
litèrent le change et la circulation des titres
de crédit, comme ils avaient facilité jusque-là
le change et la circulation des matières d'or
et d'argent. »
A cette époque de l'histoire du crédit, nous
voyons fonctionner deux espèces de banques :
ies unes, publiques , se bornant aux opérations
BAN
BAN
BAN
BAN
159
que nous avons indiquées plus haut, c'est-
à-dire à l'acceptation de dépôts.et aux vire-
ments de comptes; les autres, privées, se
livrant à l'escompte, conséquence nécessaire
de la lettre de change. Pourquoi cette sépara-
tion longtemps maintenue entre fonctions qu'il
eût été, semole-t-il, si facile et si important
de réunir? Qu'est-ce qui empêchait les banques
de dépôt d'utiliser avec profit pour elles-
mêmes et au grand avantage du public, en
les reversant dans la circulation, les sommes
considérables qui dormaient dans leurs caisses?
Pourquoi abandonnaient-elles l'escompte aux
simples particuliers? Coquelin nous en donne
deux raisons. D'abord il faut remarquer que
partout où existaient ces banques, les dépots
étaient reçus sous l'autorité de la ville ou de
l'Etat, qui s'en rendait caution. Disposer de ces
dépôts, même dans des vues louables et avec
des garanties satisfaisantes, c'eût été k cer-
tains égards violer la foi publique. En second
Heu, les banques de dépôt n'avaient pas été
instituées seulement pour effectuer par des
virements de parties le payement de toutes
les dettes respectives des négociants; elles
avaient eu encore pour objet de créer une
monnaie idéale , inaltérable, qu'on appelait
argent de banque; on voulait éviter l'usage
des monnaies courantes non-seulement comme
dispendieux, mais comme dangereux. Or, on
comprend que si les banques avaient remis
immédiatement en circulation, sous forme de
prêts oud'avances,l'argentqu'elle$ recevaient
a titre de dépôts, cet objet essentiel de leur
institution était manqué.
Mais la séparation des fonctions que rem-
plissaient les banques de dépôt et les banques
d'escompte ne pouvait indéfiniment se prolon-
ger. On «omprit l'intérêt qu'il y avait à les
réunir, et les banques de circulation furent
créées. ■ Les banques de dépôt, dit Blanqui
(Histoire de l'économie politique) n'étaient
qu'un premier essai dans les voies du crédit.
Sans doute, elles donnaient a l'or et à l'argent,
sous la forme de certificats transférables, une
puissance de circulation plus active; mais la
valeur des capitaux monétaires n'était point
augmentée par leur transformation en billets
de crédit. L Europe demeurait avec les seules
ressources de son numéraire, accrues de tout
l'or et l'argent importés d'Amérique, mais in-
suffisantes pour répondre au besoin de pro„-
duction que ce nouvel élément de richesse y
avait provoqué. On avait fait un grand pas ;
il fallut en' faire un plus grand encore, et les
banques de dépôt devinrent des banques de
circulation. Puisque les certificats des pre-
mières étaient acceptés comme monnaie, en
raison de la confiance qu'on avait dans la
garantie des dépôts, pourquoi n'aurait-on pas
poussé cette confiance un peu plus loin, en
augmentant le nombre des billets jusqu'à con-
currence d'une somme plus forte que le mon-
tant des dépôts? Quel inconvénient pouvait-il
en résulter pour les porteurs de ces effets,
certains d'être remboursés en espèces dès
qu'ils en manifesteraient la volonté? Ne voyait-
on pas tous- les jours les billets d'un banquier
circuler, avec tous les privilèges de l'argent,
jusqu'au point de porter intérêt comme la
monnaie même? Il ne s'agissait plus que de
déterminer par des calculs certains quelle se-
rait, sur une masse d'affaires donnée, la quan-
tité de billets qui se présenteraient au rem-
boursement, afin d'avoir toujours en caisse la
somme de numéraire nécessaire pour y faire
face. La moindre économie réalisée sur le
fonds de réserve devenait un bienfait pour le
travail et pouvait servir k alimenter des in-
dustries nouvelles. On était maître d'en dis-
poser, par l'exportation , pour accroître le
capital consacré au commerce étranger. C'est
comme si on eût augmenté d'autant la richesse
générale du pays, et il n'en coûtait que l'im- -
pression ou la gravure des billets au moyen
desquels l'argent était remplacé. »
On doit voir dans la banque de circulation
un développement, une extension tout à la fois
et de la banque de dépôt et de la banque d'es-
compte. Le billet de banque semble avoir une'
double origine ; il se rattache d'une part au
certificat de dépôt, de l'autre à la lettre de
change. Nous verrons plus loin que cette
double origine jette une grande lumière sur
les controverses dont il est l'objet. Le preneur
de billets confie à la banque une somme équi-
valente en espèces métalliques qu'elle garde
dans ses caves ; ainsi sont épargnés les frais
et les dangers des transports de numéraire, le
temps qu'exigent les payements effectifs, l'u-
sure des métaux, tous les embarras de la
circulation métallique : voilà la banque de dé-
pôt. La banque donne des billets en recevant
en gage, non des espèces métalliques, mais
d'autres titres de créance, tels qu effets pu-
blics, lettres de change ou autres, selon les
conditions que lui prescrivent ses statuts; elle
invite le public à recevoir ses billets, en l'as-
surant qu au moyen de son capital, de ses ré-
serves métalliques et surtout des échéances
sagement combinées et solidement garanties
des effets qu'elle escompte, nul des porteurs
de ses billets qui désirerait en obtenir le mon-
tant ne la trouvera jamais en défaut : voilà la
banque de circulation. La banque reçoit des
créances transmissibles (lettres de change,
billets à ordre ) et donne, en échange, du nu-
méraire : voWkl&banque d'escompte. Lu. banque,
en échange de créances à échéance fixe et
& transmissibilité restreinte, donne d'autres
créances à échéance facultative et à trans-
missibilité générale : voilà la banque de cir-
culation.
Arrêtons-nous un moment sur le rapport
qui lie le billet de banque à la lettre de change
et aux différents papiers de commerce établis
sur le modèle de la lettre de change. ■ Le billet
de banque, dit Proudhon, est encore la lettre
de change, mais élevée, pour ainsi dire, à sa
deuxième puissance : cest une lettre de
change dont la souscription est faite pour
valeurs reçues en lettres de change... Ce n'est
qu'une seconde épreuve, qu'une reliration ,
comme on dit dans les imprimeries, du papier
de commerce escompté. » C'est, dirons-nous,
la lettre de change affranchie des obstacles
matériels et moraux qui en restreignent la
circulation. Ces obstacles disparaîtraient si
tous les commerçants se connaissaient entre
eux, s'ils pouvaient toujours au besoin se rap-
procher et s'entendre, s'ils avaient tous, les
uns dans les autres , une confiance égale. Le
rôle de la banque de circulation est précisé-
ment de supprimer ces obstacles. ■ Elle réalise,
dît Rossi, dans le monde industriel, une sorte
d'utopre. Supposez une société ou tous les
producteurs seraient parfaitement sages, par-
faitement honnêtes, habiles, laborieux; où
nul ne concevrait le moindre doute sur la
loyauté et la rigoureuse ponctualité de tous
les autres k remplir leurs engagements ;
qu'arriverait-il dans cette nouvelle Bétique?
Le capital se transmettrait de main en main
avec la plus grande facilité. Jamais la mé-
fiance n'en paralyserait les mouvements ; ja-
mais les détenteurs ne le laisseraient chô-
mer, de crainte de le perdre. Une demande
ne serait pas plus tôt formée qu'elle rencontre-
rait l'offre correspondante, une production
serait pas plus tôt achevée qu'elle pourrait
recommencer ; il suffirait d'un modeste profit
pour donner l'impulsion ; on ne mettrait pas un
prix au soupçon ; on n'évaluerait, pas en écus
la méfiance et la crainte. Eh bien, cette puis-
sance, cette confiance que, dans le monde
réel, les hommes ne trouvent pas en eux-
mêmes , une banque peut les leur donner par
son crédit. Placez dans les mains d'un homme '
quelconque les billets d'une banque solide,
éprouvée, et vous lui donnez cette facilité de
tout obtenir qu'il n'avait pas par lui-même;
il obtiendra, dans la mesure du crédit que la
banque lui a accordé, tout ce que pourrait ob-
tenir le plus connu, le plus riche, le plus es-
timé. En se mettant au lieu et place d'un grand
nombre de personnes, la. banque, aux yeux du
public, éclaircit tout ce qu'il y a de louche
dans les relations commerciales. Au lieu d'a-
voir affaire avec des centaines.et des milliers
de débiteurs, le public n'a affaire qu'à un seul,
la banque. La banque est une sorte d'être col-
lectif qui résume en elle-même toutes ces
têtes; elle répond pour tous les porteurs de
ses billets ; elle paye pour tous. Le public est-il
convaincu de la solidité, de la sagesse , de la
loyauté de la banque, c'est comme s'il con-
naissait la solidité, la sagesse, la loyauté de
tous les porteurs de billets; le capital, dans la
mesure du crédit ouvert par la banque, se
meut facilement, rapidement dans tous les
sens. Encore une fois, dans cette mesure ,
c'est l'utopie réalisée. La banque ne tient pas
lieu, pour l'industrie, de moralité et de sa-
gesse; mais elle en donne, en quelque sorte, un
certificat à ceux qui le méritent et, en s'en
rendant responsable, elle dispense les particu-
liers de tout examen et de toute vérification. »
Il y a dans la forme et la teneur des effets
de commerce, deux circonstances essentielles
qui les empêcheront toujours de devenir d'un
usage général et régulier comme instruments
de circulation : la première , c'est la déter-
mination d'une échéance fixe, qui fait quo
le porteur, s'il a besoin de réaliser avant le
terme, est obligé de négocier ces billets,
parfois avec peine et toujours avec quelque
sacrifice ; la seconde , c'est la nécessité de les
endosser à chaque transfert; car, outre l'in-
convénient matériel qui peut résulter de la
surcharge des endossements, n'est-ce pas
Ïiour chaque endosseur une chose grave que
a responsabilité qu'il accepte, surtout quand
il ne connaît pas les endosseurs précédents ?
« Tout engagement par écrit de payer une
somme, dit très-bien M. Dufaure, a pu deve-
nir un signe du numéraire. Ce signe a acquis
quelques-uns des avantages de la monnaie
circulante lorsque, comme le billet à ordre et
la lettre de change, il a pu être transmis par
la voie facile et prompte de l'endossement.
Mais que d'entraves encore I II ne représente
pas à tout moment , pour le détenteur, la
somme pour laquelle il a été souscrit; elle peut
n'être payable qu'à un terme éloigné. Pour
le réaliser immédiatement, il serait néces-
saire de le céder. Trouvera-t-on quelqu'un qui
soit assez confiant pour l'accepter? On ne le
transmettra qu'en le garantissant de sa signa-
ture; c'est une obligation éventuelle que l'on
contracte soi-même, et sous le poids de la-
quelle, jusqu'au jour de l'échéance, on sentira
son crédit gêné. On n'est pas toujours dis-
posé à révéler la nature de ses affaires par
les signatures qu'on met en circulation. Ces
inconvénients devaient conduire k trouver un
signe de numéraire plus actif encore et plus
commode, qui non-seulement participât, comme
la lettre de change et le billet à ordre, des
qualités du numéraire métallique, puisqu'il n'a
d'autre mérite que de le représenter, mais qui
permît de s'en procurer à tout moment, et qui,
comme la pièce de monnaie, se transmît de
mafn en main, sans avoir besoin d'êtrû garanti,
sans laisser trace de son passage. « Ces deux
caractères du billet de commerce, qui en ren-
dent l'usage pénible et coûteux : échéance
fixe , responsabilités personnelles s'ajoutant
successivement les unes aux autres, dispa-
raissent dans le billet de banque. Le billet de
commerce ne parvient pas à acquérir une
valeur notoire et authentique, malgré les
signatures dont il va se chargeant et les res-
ponsabilités qu'il met en jeu; le billet de
banque obtient cette valeur d'un seul coup
par la signature de la banque , qui efface et
rend inutile toute autre garantie. Le billet de
commerce n'a pas une valeur constante; il
n'atteint toute celle dont il porte le titre que
le jour de son échéance; celle qu'on lui ac-
corde varie selo'n que ce jour est plus ou
moins éloigné. Payable à vue et au porteur,
c'est-à-dire échangeable contre espèces, à la
simple présentation, le billet de banque re-
présente un billet de commerce toujours échu.
Sa nature impersonnelle le rend maniable
comme le numéraire lui-même : on l'accepte
sans examen et sans souci de la solvabilité
de celui qui le transmet; il circule sans traî-
ner après lui les embarras qui résultent des
endossements, des protêts, des recours, etc.;
en un mot, il revêt complètement les attri-
buts de la monnaie métallique. Ilestmême plus
commode que la monnaie, parce qu'il est plus
facile à transporter et plus avantageux pour
compter en peu de temps des sommes considé-
rables. Aussi, tandi3 que le billet de commerce
circule dans un cercle restreint d'industriels
et de commerçants, et pendant un temps li-
mité par le terme de son échéance, le billet
de banque est accepté par tout le monde et
peut circuler indéfiniment; souvent, il ne ren-
tre à la banque que lorsque la vétusté du pa-
pier ne permet plus de s en servir.
De la forme et de la teneur du billet de
banque résultent d'importantes conséquences.
Nous avons dit qu'il représente un effet de
commerce constamment échu ; c'est cette
échéance constante et facultative qui lui per-
met de remplir l'office de la monnaie, de cir-
culer absolument comme la monnaie; mais
précisément, en raison de cette facilité de cir-
culation, ce billet constamment échu n'a pas be-
soin d'être remboursé etnevient presque ja-
mais demander à l'être : si bien qu'en réalité, il
représente pour la banque un billet à échéance
indéfiniment ajournée. La convertibilité dubil-
let de banque en monnaie est un droit, mais
un droit dont le porteur doit avoir très-rare-
ment la fantaisie d'user , parce qu'il trouve
dans ce billet convertible tes mêmes avantages
que dans la monnaie et même des avantages
supérieurs. Il y a là une antinomie curieuse
entre le droit et l'usage du droit, antinomie
qui, dans la pratique et relativement à la ban-
que, fait du droit une sorte de fiction, et de
l'usage du droit un risque à calculer ; antino-
mie qui permet à la ôajiij'ue'de porter ses es-
comptes et les émissions de billets qui rem-
placent les effets escomptés à un chiffre bien
supérieur à .celui des fonds qu'elle possède
dans ses caisses.
— Définition générale du mot banque. Nous
avons montré l'origine et suivi le développe-
ment du commerce de banque; nous avons,
pour ainsi dire , assisté k fa génération des
idées comprises aujourd'hui sous ce mot ban-
que; nous pouvons maintenant résumer ces
idées en une courte définition. « Pris dans son
acception générale, dit M. Gautier (Ency-
clopédie du droit),\a mot banque exprime au-
jourd'hui parmi nous le commerce qui consiste
à effectuer pour le compte d'autrui des re-
cettes et des payements, à acheter et à re-
vendre, soit des monnaies en matière d'or
et d'argent, soit des lettres de change et des
billets a ordre, des effets publics, des actions
d'entreprises industrielles , en un mot, toutes
les obligations dont l'usage du crédit, de la
part des Etats, des associations et des parti-
culiers, amène la création. » « Une banque,
dit M. Courcelle-Seneuil (Dictionnaire du com-
merce), est une entreprise commerciale dont
les seules ou les principales opérations sont
de recevoir, conserver et payer, emprunter
et prêter des capitaux sous la forme de mon •
naie. On donne aussi fréquemment le nom de
banque à des maisons qui s'occupent d'acheter
et de vendre, soit pour leur propre compte,
soit comme commissionnaires au compte d'un
tiers, des titres dans lesquels la propriété est
exprimée en monnaie, comme inscriptions de"
rentes, actions et obligations de sociétés ano-
nymes ou en commandite, etc. ■
— Des diverses espèces de banques. Le com-
merce de banque étant susceptible d'un grand
nombre de combinaisons diverses, il y a natu-
rellement plusieurs sortes de banques, et quel-
quefois les conditions d'existence, aussi bien
que les procédés, varient tellement de l'une à
1 autre qu'on est étonné de voir appliquer la
même dénomination à des institutions si diffé-
rentes. « Comme il est rare , dit Coquelin (Le
Crédit et les banques), qu'un * seul de ces éta-
blissements embrasse à la fois toutes les bran-
ches d'un commerce si étendu, il est difficile
de rencontrer- deux banques, k moins qu'elles
ne soient copiées l'une sur l'autre, dont tous
les procédés soient identiques; ce qui sem-
ble interdire toute pensée d'une classification
rigoureuse et absolue. On peut cependant
admettre quelques divisions générales.. Ainsi,
on a distingué les banques territoriales ou
hypothécaires d'avec les banques commerciales,
et rien n'empêche de s'arrêter è, cette divi-
sion. C'est peut-être la seule vraiment géné-
rique. » Nous distinguerons quatre types prin-
cipaux de banques : les- banques territoriales
ou hypothécaires, les banques de spéculation,
les banques populaires ou banques d'avances et
les banques proprement dites ou commerciales,
tout en faisant remarquer que les banques hy-
pothécaires et les banques populaires ne se
distinguent en réalité des banques commer-
ciales que parce qu'elles se livrent exclusive-
ment à des opérations spéciales, tandis que
les banoues commerciales font des opérations
de plusieurs sortes.
— Banques territoriales ou hypothécaires.
Les banques territoriales ou hypothécaires,
telles qu'elles existent dans plusieurs pays,
sont établies en vue de la propriété fon-
cière ; et leur objet est de procurer des avan-
ces aux propriétaires du sof. Elles émettent
des billets dont la valeur est garantie par une
hypothèque sur les biens-fonds, et qui portent
un intérêt servi au moyen du produit annuel
de ces mômes biens. Voici, en général, leur
manière d'opérer. Tout propriétaire de terres
ayant besoin d'argent pour son exploitation,
peut s'adresser à la banque qui, moyennant
une garantie hypothécaire sur la valeur totale
de ses propriétés, lui remet des billets ordi-
nairement appelés lettres de gage, jusqu'à
concurrence de la moitié ou des deux tiers de
cette valeur. Ces billets sont ensuite mis dans
la circulation, par celui qui les a reçus, sons la
garantie de la banque. Ils ne sont pas rem-
boursables à terme fixe, mais portent un in-
térêt annuel, par exemple de i pour 100. Ce-
Ïiendant, afin d'opérer peu k peu sa libération,
e propriétaire qui a reçu des avances sous
cette forme s'oblige ordinairement à payer
tous les ans à la banque, outre les intérêts,
une annuité de 1 ou 2 pour 100 qui, se multi-
pliant dans la suite par la puissance de l'inté-
rêt composé, amortit insensiblement sa dette.
Lés billets sont au porteur : ils passent ainsi
de main en main et circulent dans le public
de manière à remplir l'office du numéraire.
Quant au rôle de la banque, il est, comme on
le voit, fort simple. Estimer la valeur des
propriétés engagées, déterminer l'étendue du
crédit qu'elle peut accorder à chacun et lui
en remettre le montant en billets au porteur :
voilà sa tâche. Après quoi, il ne lui reste plus
qu'à recevoir tous les ans des propriétaires
1 intérêt des avances qui leur ont été faites et
à le distribuer aux porteurs de ses billets.
— Banques de spéculation. Les banques de
spéculation méritent à peine le nom de ban-
ques. Elles font quelques opérations qui leur
sont communes avec les banques commer-
| ciales, comme de recevoir des dépôts de caisse
i et de payer les dispositions faites sur elles;
I mais ces opérations ne sont qu'accessoires. La
principale, pour ces maisons, consiste en achats
et ventes de titres. Ces achats et ventes ne
diffèrent èii rien au fond des achats et ventes
des autres marchandises ; mais le marché des
titres diffère quelque peu des autres : en pre-
mier lieu, des règlements de bourse et des
usages qui ont force de loi lui donnent une
forme spéciale; en second lieu, la valeur dés
titres, en général, est déterminée par le taux
courant de l'intérêt. La maison qui spécule
sur les achats et ventes doit, comme le fait
observer M. Courcelle-Seneuil, avoir un ea-
Eital propre qui soit le point de départ et la
ase des opérations : celles-ci s'étendront plus
ou moins selon que la banque usera plus ou
moins des achats et ventes à terme. L'espé-
rance de gain est fondée sur des calculs rela-
tifs aux variations des prix courants, par con-
séquent, sur une chose future et incertaine ;
c'est une pure spéculation, c'est-à-dire l'opé-
ration de commerce qui, par sa nature même»
est la plus hasardée. On ne peut honnêtement
spéculer avec les capitaux confiés par un tiers
et dont on est responsable ; c'est pourquoi un
capital propre est absolument indispensable
aux maisons de ce genre. Leurs autres opé-
rations ordinaires sont, pour la plupart, des
opérations de banque comme : 1° d'acheter ou
vendre des titres en qualité de commission-
naires pour le compte d'un tiers ; 2° de recou-
vrer pour les tiers les intérêts et arrérages
des rentes, actions et obligations ou autres
titres et de garder les titres ; 3» de prêter sur
dépôts de titres, notamment par des reports
qui sont des achats au comptant accompagnés
d'une vente à terme. Les dépôts ou prête de
titres, sous la forme de vente au comptant
combinée avec un achat à terme, sont des
opérations également spéciales k ces mai-
sons. La grande différence qui sépare les
banques de spéculation des banques pro-
prement dites ou commerciales , c'est que
les premières travaillent sur des capitaux
fixes, et les secondes sur des capitaux circu-
lants. « En effet, dit très-bien M. Courcelle-
Seneuil, que représente un titre, inscription
de rentes, action ou obligation? Une part de
propriété dans, un capital immobilisé, soit à
jamais, soit à long terme. Bien qu'on donne à
ces titres le nom de valeurs mobilières, bien
que les maisons qui les négocient parlent
sans cesse de la mobilité de leurs opérations,
le détenteur du titre n'est jamais que le co-
Eropriétaire d'un capital parfaitement immo-
ilisé, comme ceux qui sont fournis par les
emprunts, ceux qui ont été employés à la
construction des canaux, des chemins de
fer,etc. Il est vrai que, grâce aux conditions de
cette propriété qui est généralement connue, tt
160
BAN
& l'usage qui lui assigne en tout temps un prix
courant, le porteur du titre trouve toujours
et facilement un acheteur, mais à des condi-
tions très-variables. Et en dernier résultat,
quel que soit le nombre des cessions successi-
ves auxquelles donne lieu un même titre, le
capital dont il exprime la propriété reste fixe
et immobile dans la destination qu'il a reçue
primitivement. Au contraire, les fonds placés
au moyen de l'escompte par le banquier de
commerce représententdes marchandises des-
tinées à une consommation prochaine, et dont
la valeur doit nécessairement être reproduite
en espèces, sous la forme la plus disponible,
sans aucune chance d'accroissement ou de di-
minution autre que celles qui peuvent résul-
ter du changement de la valeur de la mon-
naie elle - même. Les capitaux prêtés par
l'escompte peuvent facilement être rendus,
puisqu'il suttit à l'emprunteur, pour les ren-
dre, de réduire un peu le chiffre de ses opéra-
tions, tandis que les capitaux immobilisés ne
peuvent pas changer d'emploi et être livrés à
la consommation. •
— Banques populaires. Les banques popu-
laires ou banques d'avances sont fondées sur le
principe de la solidarité. Elles sont nées
récemment on Allemagne de cette idée aussi
simplo que juste que les ouvriers peuvent
obtenir crédit, en suppléant au gage réel qui
leur manque par le cautionnement mutuel.
Si l'on peut craindre qu'un ouvrier soit obligé
de faillir à ses engagements par le chômage
ou la maladie, cette appréhension devient très-
fuible, lorsqu'elle se répartit sur un grand
nombre d'associés solidaires. Les banques d'a-
vances donnent des crédits à découvert et ne
font pas de l'escompte, comme la banque ordi-
naire, leur opération principale; ces crédits
à découvert, elles les accordent à des classes
d'emprunteurs auxquelles le crédit d'escompte
même est d'habitude refusé par les banques et
les banquiers ordinaires. La portée caracté-
ristique de ces établissements' se trouve dans
ce fait que les fonds avec lesquels sont faits
les prêts sont fournis directement par les prê-
teurs ou empruntés sur leur garantie commune.
Les patrons de la banque sont ses clients et
vice versa. M. Schulze-Delitzsch, le plus actif
promoteur de Vinstitution des banques popu-
laires, a résumé ainsi les caractères de ces ,
associations : l" Ceux qui demandent du crédit
sont eux-mêmes les soutiens et les maîtres de
l'entreprise créée pour la satisfaction, de ce
besoin ; en d'autres termes, ils sont membres
de l'association qu'ils ont dans ce but fondée
pour eux-mêmes, et, en conséquence, ils par-
ticipent aux pertes ou aux bénéfices de l'affaire.
2° Les relations avec la société et les crédits
qu'elle ouvre sont avant tout traités comme
une a/faire et d'après les règles qui président
aux opérations de banque. Les créanciers de
la société reçoivent des titres et intérêts dé la
caisse sociale; cette dernière en demande
autant aux crédités, et toute subvention est
supprimée. 3» Au moyen des cotisations , les
économies des sociétaires sont accumulées a
la caisse sociale ; les bénéfices ou dividendes
sont proportionnés à la somme des versements,
qui, semblables à des actions, forment le capi-
tal fondamental de la société. i° En outre,
pour la marche des affaires, il est nécessaire
de prendre au dehors de l'argent sous la ga-
rantie solidaire de tous les membres.
Nous devons rappeler en passant que l'idée
du crédit mutuel, st heureusement réalisée en
Allemagne depuis quelques années , a été
émise , pour la première fois et d'une façon-
très-nette, en 1848, par Lamennais, dans le
journal le Peuple constituant. « Quiconque, dit
Lamennais, peut offrir une hypothèque, un
gage réel, trouve aisément un capital corres-
pondant à la valeur du gage, au moyen de la
transaction nommée prêt. Pourquoi le travail-
leur, qui ne possède rien, ne peut-il emprun-
ter le capital qui achèverait de l'affranchir?
Parce qu'il n'a d'autre gage a offrir que son
travail futur, dépourvu de valeur vénale ; et
son travail futur est dépourvu de valeur vé-
nale parce qu'il peut n'être jamais à raison de
la maladie et de la mort possible; car, du
reste, un travail certain est un gage réel, et
le meilleur peutrêtre. Pour que le travail futur
devienne un gage réel, il faut donc qu'il de-
vienne certain, et il le devient par l'associa-
tion. La solidarité de ses membres élimine les
causes d'incertitude qui, en altérant la valeur
du gage, éloignent le prêt. L'association est
donc la première, la plus essentielle condition
du prêt ou du crédit, qui complète et assure
la liberté des travailleurs. »
Nous nous bornerons à ces généralités sur
les trois types de banques dont nous venons de
parler — banques hypothécaires, banques de
spéculation, banques populaires — renvoyant,
pour de plus amples développements, aux mots
Coopération, Crédit foncier, Crédit mobi-
lier. Nous entendons nous occuper ici exclu-
sivement des banques proprement dites ou
commerciales.
— Banques commerciales. L'histoire du dé-
veloppement du commerce de banque nous a
montré trois espèces de banques commerciales :
les banques de dépôt, les banques d'escompte et
les banques de circulation ou d'émission. Les
premières, à vrai dire, appartiennent unique-
ment a l'histoire. L'usage des dépôts s'est con-
servé dans les banques modernes, et même
singulièrement élargi. Mais, dans la pratique
actuelle, il ne constitue plus un système isolé
de celui des escomptes et de celui des émis-
BAN
sions de billets. Reste donc la distinction des
banques d'escompte et des banques d'émission.
Les premières sont fondées et administrées
Far des commerçants ou des capitalistes sous
empire des lois qui régissent le commerce en
généra) ; leurs opérations ne sortent pas du
cercle des transactions privées ; elles n'émet-
tent pas de billets, et n escomptent les effets
de commerce qu'avec du numéraire. Les ban-
ques d'émission ou de circulation, fondées gé-
néralement par des sociétés a responsabilité
limitée, et soumises, dans la plupart des Etats,
h une réglementation spéciale, joignent à l'es-
compte l'émission de billets payables a vue et
au porteur. Suivant les économistes partisans
de la liberté des banques, cette distinction est
fondée sur l'arbitraire des législations et non
sur la nature des choses. L'escompte, disent-
ils, ne se conçoit guère mieux sans l'émission
que l'émission sans l'escompte; ce sont, en
réalité, deux fonctions naturellement unies et
inséparables. L'escompte est la base, la raison
d'être de l'émission ; rémission est le complé-
ment nécessaire de l'escompte ; sans l'émis-
sion, l'escompte a, pour ainsi dire, les ailes
coupées ; il tend à l'émission, il en a besoin
pour vivre, s'étendre, se développer. Une
banque que la loi réduit à n'escompter qu'avec
de l'argent est un organisme arrêté dans son
développement et condamné a rester à l'état
embryonnaire.
— Opérations principales des banques de
commerce. Après la définition et la classifica-
tion des banques se place tout naturellement
l'analyse des opérations variées et étendues
des banques proprement dites ou commerciales.
Cette analyse doit naturellement porter sur
les banques de circulation ou d'émission qui
réunissent toutes les fonctions des simples
banques d'escompte à celles qui leur sont pro-
pres.
Les principales fonctions des banques com-
merciales, arrivées à l'état le plus complet de
développement, sont :
1» De recevoir et garder en dépôt l'argent
des particuliers, à charge de le rendre à toute
réquisition, en se chargeant d'effectuer, pour
le compte des déposants, tous les payements
et tous les recouvrements d'effets de com-
merce, et de suppléer à un grand mouvement
de numéraire et de valeurs au moyen de trans-
ferts, compensations ou virements;
2« D'escompter des effets de commerce en
prenant un intérêt variable selon les temps et
toujours calculé d'après l'éloignement de l'é-
chéance ;
3» D'émettre des billets payables k vue et
au porteur, qu'elles donnent soit en échange
des effets de commerce qu'on leur présente,
soit en payement de toute autre dette qu'elles
contractent," et qui peuvent circuler dans le
public jusqu'à ce qu'il plaise au porteur de les
présenter à la caisse pour les convertir en
argent;
■40 De faire des avances aux particuliers,
soit en billets de banque, soit en argent, moyen-
nant des garanties telles que dépôt de mar-
chandises, particulièrement de matières d'or
ou d'argent, dépôts de titres ou de valeurs
publiques, hypothèques sur des biens-fonds;
5° D'ouvrir à des particuliers ou à des éta-
blissements publics des crédits à découvert
jusqu'à concurrence d'une somme déterminée,
soit après avoir exigé préalablement une cau-
tion, soit sur la seule garantie de la moralité
ou de la solvabilité du crédité.
Entrons dans quelques détails sur chacune
de ces fonctions.
— Virements, compensations et dépôts. A un
fioint de vue générai, on peut dire que toutes
es fonctions des banques de commerce se ré-
duisent à deux grands offices liés l'un à l'autre,
mais distincts : elles sont agents d'échange et
agents de crédit. Dépôts et virements appar-
tiennent au premier de ces offices ; escomptes,
émissions, avances sur valeurs, crédits a dé-
couvert, constituent le second. Le premier et le
plus ancien rôle des banques est d'être agents
d'échange, de rendre les payements économi-
ques en facilitant les compensations. On a vu
plus haut que les premières banques établies en
•Europe étaient des banques de dépôt et de vi-
rement, c'est-à-dire n'avaient pas d'autre fonc-
tion que de garder les fonds qui leur étaient
confiés par Tes commerçants , et d'effectuer,
sans déplacement d'espèces et par simple
transfert ou virement de comptes, les encais-
sements et les payements de ses clients. « Une
banque, dit M. Courcelle-Seneuil, est avant
tout une caisse, et le banquier un caissier qui
reçoit, garde et rembourse les sommes que le
public lui confie... Il est avantageux pour un
particulier de n'avoir besoin ni de tenir une
caisse, ni de se préoccuper des soins qu'occa-
sionne la garde d'un encaisse plus ou moins
considérable. La banque le débarrasse de ce
soin. Elle se charge de recouvrer pour lui les
sommes, exigibles en monnaie, qui lui sont
dues, et de payer pour lui celles qu'il doit a
des tiers... Lorsque le service de caisse d'un
grand nombre de maisons de commerce est
remis à une banque, il se simplifie facilement.
En effet, les uns ont à recevoir les sommes
que les autres ont à payer, et la banque, payant
pour ceux-ci et recevant pour ceux-là, n'a be-
soin de se livrer à aucun déplacement d'espè-
ces : il lui suffit de passer écriture, au compte
de chacun de ses clients, des recettes et des
payements qu'elle fait pour lui, et d'effectuer
'e mouvement des titres qui constatent les
l
BAN
payements et les recettes. On appelle ce que
lait alors la banque un uiVemeiit de parties.
Ainsi, par exemple, Pierre et Paul ont un
banquier commun Jean, et Pierre doit à Paul
1,000 fr. ; Paul remet au banquier le titre, fac-
ture, lettre ou billet qu'il a contre Pierre, et
celui-ci donne ordre, en mémo temps, à son
banquier de payer pour lui cette .somme. Le
compte de Paul est crédité et celui de Pierre
débité de 1,000 fr. Le payement a été effectué
sans que le banquier ait eu à remuer une seule
pièce de monnaie. S'il n'y avait pas eu de
banque, Pierre aurait dû se procurer pour lo
jour de l'échéance, et garder en caisse plus
ou moins longtemps la somme de 1,000 fr.,
que Paul aurait du recevoir, transporter et
garder, lui aussi, plus ou moins longtemps en
caisse. Grâce à la banque et au virement, les
premiers actes et transports d'espèces et leur
garde en caisse ont été épargnés à l'un et à
l'autre commerçant. Tous ceux qui se servent
du même banquier peuvent ainsi faire, et font,
en effet, même à 1 insu les uns des autres,
leurs recettes et payements par des virements
ou avec de médiocres mouvements d'espèces. »
Dans un ouvrage remarquable (Mécanique
de l'échange), M. Cernusehi décrit très-bien
les divers modes de ce qu'il appelle le paye-
ment économique sur place. « La monnaie, dit-
il, est dispendieuse; il faut donc en employer
le moins possible. Dans ce but, on a imaginé
les payements économiques. Une caisse de
dépôt réunit les provisions monétaires d'un
grand nombre de clients et fait pour eux tous
leurs encaissements et tous leurs payements.
Quand le client a un payement à faire, il
fournit un chèque-mandat à vue sur la caisse
de dépôts. Il reçoit lui-même en payement de
ces mêmes chèques-mandats à vue, et il les
verse de suite à la caisse de dépôts. De cette
façon, le client arrive à employer les encais-
sements de chaque jour, tandis qu'auparavant
il lui fallait payer avec de la monnaie prépa- |
rée d'avance. Evidemment, la caisse de dépôts
fait que chaque client a besoin d'une provi-
sion monétaire moins considérable. Si le client
doit payer à quelqu'un qui est client de la
même caisse de dépôts, au lieu de fournir le !
chèque-mandat qui fait payer au dehors, il
fournit un chèque-virement également à vue,
qui fait payer au dedans, c'est-à-dire que le
client ordonne à la caisse de transporter au
compte de l'autre client une portion de son
dépôt. La monnaie change ainsi de proprié-
taire sans changer de place... Chèques-man-
dats, chèques-virements, certificats de dépôt
au porteur sont des procédés qui accélèrent
et qui concentrent les mouvements monétai-
res. Un grand matériel roulant n'est plus né-
cessaire, grâce aux caisses de dépots. Les
chambres de compensation sont fondées dans
le même but : encaisser et payer beaucoup
avec le moins de monnaie possible. En outre
des transactions au comptant, on fait sur les
marchés d'effets publics des contrats à terme;
les titres qu'on achète et qu'on vend seront
livrés et payés à l'expiration de la quinzaine
ou du mois. Pour acheter et pour vendre, on
s'adresse à des agents spéciaux, qui sont ga-
rants des opérations et qui sont réunis en
chambre de compensation. Chaque agent exé-
cute les ordres de ses clients en achetant et
en vendant, quelquefois à ses autres clients,
le plus souvent aux autres agents ses collè-
gues. A l'expiration de la quinzaine ou du
mois, il faut effectuer tous les payements.
C'est aux agents que les clients acheteurs
payent; c'est d'eux que les clients vendeurs
reçoivent le montant des titres négociés. Sou-
vent, le client a opéré avec plusieurs agents.
De l'un, il a acheté; à l'autre, il a vendu. Il
doit donc verser une somme au premier, et il
doit recevoir une somme du second. Le client
qui se trouve dans ce cas, désireux d'écono-
miser les payements, s'acquitte envers l'un au
moyen du payement qui lui est dû par l'autre.
A cet effet, il livre à l'agent, son créancier,
une délégation sur l'agent, son débiteur-, jus-
qu'à concurrence des sommes dues ; le surplus
se règle en argent, et ordinairement par un
mandat ou par un virement sur une caisse de
dépôts. Les agents se réunissent alors en
chambre de compensation. Chacun y arrive
avec les délégations que ses clients viennent
de lui verser en payement, et que les autres
agents doivent payer. Toutes les délégations
se trouvent en présence. Les agents ont tous
ou presque tous à payer ; ils ont tous ou pres-
que tous à recevoir. Tout cela au même
instant, et c'est ce qui les met à même d'éta-
blir une compensation réciproque et générale.
En définitive, chacun ne paye ou ne reçoit
matériellement que la différence entre la
somme de toutes les sommes qu'il aurait à
payer, et la somme de toutes les sommes qu'il
aurait à recevoir. Pour chaque agent , la
chambre de compensation représente pour un
moment tous les autres agents, comme s'ils
n'étaient qu'une seule personne. Toutes les
dettes et toutes les créances se confondent et
s'éteignent mutuellement. 11 ne reste que des
soldes à verser. Ce mode de payement par
compensation prend un grand développement,
si les caisses de dépôts d'une même ville ont
l'habitude de se réunir en chambre de com-
pensation, pour se remettre réciproquement,
ce qui équivaut aux délégations, les mandats
et les virements sur les différentes caisses
que chaque client a pu recevoir en payement
et qu'il a versés à sa caisse de dépôts. « C'est
précisément ce qui se pratique en Angleterre,
BAN
où les banquiers sont, encore plus qu'ail-
leurs, les payeurs et les receveurs des par-
ticuliers. Les' encaissements et les payements
se font au moyen de bons, ou chèques, que
se délivrent réciproquement les divers ban-
quiers. A la fin du jour, la ' liquidation ou
compensation de ces divers bons se fait dans
un local appelé chambre de liquidation (clear-
ing-house), entre les agents de ces diverses
maisons, à l'aide d'un mécanisme administratif
fort simple. M. Babbage évaluait, il y a plu-"
sieurs années, à 2 millions et demi de liv. sterl.
par jour (63 millions de francs) le total moyen
des virements, pour lesquels on faisait usage
seulement de 25,000 livres ou 50,000 fr. en
billets de banque, et de 500 livres en espèces.
Le clearing -house fait pour 30 ou 40 milliards
d'affaires par an, sans numéraire. Le même
procédé est employé par les banques d'Ecosse,
dont les agents se réunissent périodiquement.
Après le payement économique sur place,
le payement économique à distance. « La com-
pensation, dit M, Cernusehi, se fait pour ainsi
dire de la main à la main, entre des sommes
payables au même jour, sur la mémo place ;
mais il n'est pas possible de compenser ainsi
des payements qui ont lieu sur deux places
différentes. De place à place, il no se fait que
des compensations indirectes au moyen de la
traite ou lettre de change. Un commerçant
du midi qui est créancier du1 nord, soit pour
des marchandises expédiées , soit pour un
emprunt qu'il y a négocié, au lieu de fairo
venir l'argent du nord, fait traite sur son dé-
biteur et vend la traite. Qui l'achète? Un
autre commerçant du midi qui se trouve de-
voir au nord, et qui, au lieu d'envoyer de la
monnaie, remet la traite à son créancier du
nord. Ce dernier est ainsi payé chez lui et
justement avec l'argent que son voisin aurait
dû expédier au midi. Deux chaises do poste
qui se rencontrent à moitié relai détellent et
font l'échange des chevaux. On profite de la
rencontre pour abréger réciproquement les
deux courses. La traite ou lettre de change fait
plus qu'abréger, elle supprime en entier les
deux transports de monnaie qu'il aurait fallu
effectuer pour éteindre la dette du nord en-
vers le midi et celle du midi envers le nord,
liais ni le midi ni le nord ne se bornent à
commercer entre eux, ils sont aussi en rela-
tion avec l'orient et avec l'occident. Chaque
point cardinal a ou peut avoir pour créanciers
et pour débiteurs les trois autres points car-
dinaux, exactement comme dans la chambre
de compensation chaque agent a ou peut
avoir pour débiteurs et pour créanciers tous
ses collègues. Peut-on compenser les dettes
et les créances entremêlées de toutes les par-
ties du monde? Oui, et c'est le travail des
banquiers On classe les lettres de change
par devises. Ce qu'on appelle une devise n'est
autre que le nom de la ville qui doit payer.
Chaque devise comprend toutes les lettres de
change qu'on tire, de n'importe quel pays,
sur la ville dont elle porte le nom. Les ban-
quiers échangent entre eux les devises commo
les agents échangent les -délégations. Les
banquiers forment comme une grande cham-
bre de compensation permanente entre tous
les pays. Pour chaque pays, tous les autres
pays n'en font qu'un et, de cette façon, chaque
fiays n'exporte ou n'importe de monnaie que
a différence entre la valeur de toutes les
marchandises ou titres'importés, et la valeur
de toutes les marchandises ou titres exportés.
C'est comme l'agent qui, dans la chambre de
compensation, ne paye qu'un seul solde à
tous ses collègues pris ensemble. »
On voit que la lettre de change sert en
quelque sorte de trait d'union entre les deux
grandes catégories de fonctions de banques,
fonctions qui concernent l'échange, fonctions
qui se rapportent au crédit. Elle apparaît pri-
mitivement, ainsi que l'indique son nom, plu-
tôt comme un moyen de supprimer des trans-
ports de monnaie" par des compensations do
place à place, que comme un mode de moné-
tisation du crédit ; plutôt comme une valeur
actuelle, mais située à distance, et dont le
tiré est-supposé le caissier, que comme une
valeur future, une promesse, une créance.
Les payements de place à place et d'un
pays à l'autre donnant lieu souvent à des
changes de monnaie, et représentant un trans-
port d'espèces, ont pu devenir l'objet non-
seulement d'une commission de recouvrement,
mais d'une spéculation. En effet, lorsqu'à la
suite des opérations de commerce effectuées
entre deux localités éloignées l'une de Vautre,
les payements à faire par l'une à l'autre ne
se balancent pas, la monnaie de la localité
qui doit le solde baisse de valeur relativement
à celle à laquelle le solde est dû- Et comme
un grand nombre de places de commerce se
trouvent en relation d'affaires l'une avec
l'autre, la valeur relative de leur monnaie ou
des lettres tirées sur chaque place varie in-
cessamment de manière à offrir un bénéfice à
qui achète dans la localité dont la monnaio
est en baisse pour vendre dans celle où elle
est en hausse. Cette opération, qui est une
frande source de profits pour les maisons de
anque, porte le nom d'arbitrage.
Dans l'origine, les banques de dépôt gardaient
l'or déposé chez elles sans en faire emploi.
Elles s estimaient dépositaires au sens strict
et juridique du mot : on sait qu'il est écrit
dans tous les codes que le dépositaire doit
non-seulement rendre, mais garder la chose
qu'il a reçue en dépôt. Peu à peu, te sens com-
BAN
BAN
BAN
BAN
161
meccial, économique du mot dépôt, s'est éten-
du ; dépositaire est devenu synonyme de dé-
biteur; déposant, synonyme de créancier.
Aujourd'hui les banques se servent sans scru-
pule des sommes que le public leur confie
comme de leur propre capital ; aujourd'hui
les dépôts sont affaires de crédit, et non plus
seulement affaire d'échange. Cette extension
du crédit au moyen des dépôts a pris, de nos
jours, une importance considérable.
Il y a, pour les banques modernes, deux
manières d opérer relativement aux dépôts :
les unes, comme la banque de France et la
banque d'Angleterre, tout en faisant servir
les dépôts à leurs opérations, ne bonifient
aucun intérêt aux déposants; les autres, telles
aue les banques d'Ecosse, payent pour tout le
temps de la jouissance un intérêt plus ou
moins élevé selon les temps. Dans ce dernier
cas, l'idée de dépôt a complètement disparu ;
il ne s'agit plus que d'un mode particulier de
placement. En acceptant un intérêt, le dépo-
sant se reconnaît créancier ; il autorise la
banque à se servir, à ses risques et périls, de
l'argent qu'il lui confie : il est clair, en effet,
qu'elle ne pourrait lui bonifier un intérêt en
gardant le dépôt intact dans sa caisse. C'est
là, il faut le dire, un mode de placement qui
n'est pas sans périls pour la banque ; car si
elle ne s'oblige pas à garder, elle s'oblige à
rendre à première réquisition. Or, comment
fera-t-elle, s'il arrive par hasard que les dé-
posants poussés ou par la malveillance ou par
quelque terreur panique se présentent en
masse pour le remboursement? Il ne faut pas
oublier qu'en recevant le dépôt pour s'en ser-
vir et le faire valoir, elle laisse en même
temps au déposant la faculté d'agir comme
s'il pouvait le compter au nombre de ses res-
sources actuellement disponibles , de sorte
que le capital, selon la remarque de Carey,
peut être employé deux fois, par la banque
dans les escomptes, et par le déposant au
moyen des chèques. Le dépôt remboursable à
volonté, dans la pratique des banques moder-
nes, présente la même fiction, la même con-
tradiction que le billet payable à vue et au
porteur. En droit, le remboursement est con-
stamment exigible ; en fait, la banque suppose
qu'il ne sera pas exigé avant un temps moyen
qu'il s'agit pour elle de prévoir et de calculer.
Théoriquement, il y a contradiction entre l'exi-
gibilité constante du dépôt, et l'emploi à titre
gratuit ou onéreux de ce dépôt par la banque.
Il est vrai de dire que pratiquement le danger
qu'entraîne l'exigibilité constante paraît de-
voir diminuer lorsque les dépôts ne sont pas
gratuits, parce qu'alors ils sont moins mo-
biles, le dépôt à intérêt se rapprochant aux
yeux du déposant du placement ordinaire.
« L'expérience a prouvé , dit Coquelin , que
ce danger ne se présente que dans des situa-
tions exceptionnelles , et en y réfléchissant
bien, on le comprendra sans peine. Il faut
toujours supposer que la banque opère sur
une grande échelle, et que ses déposants sont
très-nombreuXj car l'opération n est possible
qu'à cette condition. Eh bien, la malveillance,
quelque arme qu'on lui prête, ne peut produire
sur un si grand nombre d'hommes un effet
subit- elle ne peut pas non plus les travailler
dans l'ombre sans que ses machinations s'éven-
tent. Ainsi la banque sera toujours avertie d'a-
vance et assez à temps pour prendre ses mesu-
res. Quant aux conspirations qui peuvent s'our-
dir entre un petit nombre d'hommes,elles seront
toujours impuissantes en raison même de la •
masse des dépôts, et une banque n'aura pas à les
redouter, si elle a soin, comme cela doit être,
de se tenir toujours sur ses gardes. Les pa-
niques ne sont guère plus à craindre ; elles
ne sont jamais ni aussi générales, ni aussi
subites qu'on le suppose : il y a toujours
quelques symptômes qui les précèdent, et
une banque bien constituée et Dien conduite
aura toujours le temps et le pouvoir de les
neutraliser. Il faut songer que l'effroi pu-
blic, quelle qu'en soit la cause, a toujours pour
contre-poids, en pareil cas, l'intérêt parti-
culier, qui défend de retirer ses fonds
d'un lieu où ils rapportent, pour les laisser,
improductifs, et d'autant mieux que, si le re-
trait devenait général, il serait encore plus
difficile de trouver l'emploi de tant de fonds
tout à coup inoccupés Il existe cependant
des circonstances où le danger est manifeste.
Mais quand? C'est surtout lorsque \a.banquene
payant aucun intérêt pour les dépôts confiés
a sa garde, on ne laisse entre ses mains que
des valeurs momentanément oisives, et qui
n'attendent qu'une occasion de placement. Tel
est le cas de la banque de Londres , aussi
bien que celui de la banque de "France
Comme la banque de Londres ne paye au-
cune rétribution pour les dépôts quon lui
confie (et qu'elle emploie cependant fort0uti-
lement pour elle-même dans ses escomptes),
il est clair que ce n'est pas à titre de place-
ment même provisoire que ces fonds lui sont
remis. On ne les laisse jamais entre ses mains
qu'en attendant, qu'en appelant, pour ainsi
dire, une occasion, et parce qu'on suppose
qu'ils sont là bien plus en sûreté qu'ailleurs.
Qu'une telle occasion se présente tout à coup,
par exemple, l'ouverture d'une souscription
pour un chemin de fer, un retrait subit s'o-
père, et la caisse do la banque se vide en un
clin d'œil. Voilà pourquoi on voit souvent en
Angleterre, même dans les temps les plus
prospères, la réserve de la banque s'épuiser
tout à qoup. Il va sans dire que, bien que la
panique n'y soit d'abord pour rien, elle vient
ordinairement s'y mêler après coup pour ag-
graver le mal et pour le propager. »
Pour prévenir les crises qui peuvent naître
de la variation des dépôts, nous ne connais-
sons qu'un remède vraiment efficace; ce re-
mède, qui est indiqué par la nature des choses
et qui a le mérite d'écarter toute fiction, con-
siste à distinguer les dépôts qui sont des opé-
rations de crédit de ceux qui n'en sont pas,'
qui n'en peuvent pas être. On exigerait un
délai variable pour les retraits des premiers
en bonifiant aux déposants un intérêt plus ou
moins élevé, selon que ce délai serait plus ou
moins long. Quant aux dépôts en comptes
courants qui peuvent à chaque instant être
retirés à l'aide de mandats payables au por-
teur, ils seraient entièrement gratuits, par cette
raison bien simple que la banque renoncerait
à les employer; pour eux, le nom de dépôt
deviendrait une vérité.
— Escompte. Escompter, nous l'avons déjà
dit , c'est acheter des effets de commerce.
L|escompte est l'opération la plus importante
de la plupart des banques : sur six milliards et
demi d'affaires, la banque de France a fait
pour cinq milliards d'escomptes en 1861. En
échange des effets de commerce qu'elles es-
comptent ou achètent, les banques donnent
soit des espèces, soit des billets payables à
vue et au porteur. Le principe d'après lequel
les banques opèrent les escomptes, c'est que
chaque affaire doit servir de gage au papier
à la création duquel elle donne lieu. La ga-
rantie personnelle des parties oui ont participé
à cette affaire n'est que subsidiaire. Aussi
écarte-t-on toute valeur dont l'origine révèle
un billet de complaisance. Les effets qui se
présentent à l'escompte se classent d'après le
nombre des signatures qu'ils portent. On es-
compte rarement le billet aune seule signature
souscrit au profit de l'escompteur, parce qu'il
n'a pas son origine dans une opération de
commerce ; acheter un tel billet, c est en réa-
lité faire une avance à découvert. La lettre de
change, non acceptée bien que revêtue d'une
seule signature, est admise à l'escompte lors-
qu'elle suppose une opération préalable et
lorsque le tireur inspire confiance. Mais le
papier dont les maisons, d'escompte s'accom-
modent le mieux est celui qui est revêtu de
deux signatures, par exemple le billet à ordre
endossé qui représente une affaire consommée,
la lettre de change endossée qui représente
deux affaires successives. Les grandes banques
d'émission exigent en outre la garantie d une
troisième signature. Celte mesure de précau-
tion a pour effet de forcer le porteur du billet
à se servir d'un intermédiaire qui fait toujours
payer plus ou moins chèrement son concours.
Elle parait nécessaire dans les villes popu-
leuses, à Paris, par exemple, où la banque ne
connaît réellement que la troisième signa-
ture, qui est ordinairement celle d'un banquier ;
mais elle pourrait être mise de côté dans les
villes de province, où la solvabilité de chaque
négociant est en général bien connue. Voici,
du reste, les raisons produites par Rossi {Rap-
port sur la prorogation du privilège conféré à
la banque de France) en faveur de la règle
des trois signatures : « Le prêt, dit -il, se
combine toujours avec un risque. Pour le ca-
pital prêté on exige un profit; pour le risque,
une prime : l'intérêt résulte de la combinaison
de ces deux éléments ; il y a là deux industries
distinctes qu'on peut cumuler ou séparer.
L'intérêt est variablede sanature ; mais, tandis
qu'il obéit aux" circonstances générales du
marché, la prime varie selon les circonstances
individuelles propres à l'emprunteur. C'est un
commerce aléatoire qui oblige à mesurer les
chances particulières à chaque opération. On"
ne saurait astreindre une grande banque à ce
travail individuel ni lui faire, par contre, per-
cevoir des primes variables plus élevées ou
plus faibles, selon les personnes. Si elle es-
comptait des effets à deux signatures, elle
s'exposerait à des clameurs incessantes, h
d'innombrables plaintes par les nombreux re-
jets qu'elle serait forcée de prononcer. L'assu-
rance que la banque ne saurait tarifer est une
opération distincte de celle du prêt. La banque
fait la seconde et laisse la première au com-
merce ordinaire; ni les assureurs ni les assu-
rés .ne peuvent s'en plaindre. »
Une autre règle que s'imposent les banques,
quand la loi ne la leur impose pas, est de ne
pas trop immobiliser leur capital en escomptant
des effets dont l'échéance dépasserait une cer-
taine limite (90 jours en moyenne). « L'é-
ûhéance ordinaire des effets tirés pour valeurs
produites et réelles, dit Rossi, n excède pas
trois mois; l'expérience a même prouvé que
l'échéance moyenne de ces effets portés h
l'escompte est de deux mois. Il est par là
même évident qu'en admettant à l'escompte
des effets à quatre mois, on entrerait dans le
domaine des circulations fictives ou des spé-
culations ; c'est une mer sans rivage. Aujour-
d'hui, à quelques exceptions près, c'est avec
du papier à trois mois que les opérations com-
merciales se consomment et so liquident. Ad-
mettez à l'escompte les effets à quatre mois,
et les producteurs seront à l'instant même
assaillis de demandes pour obtenir le même
délai. Il y aurait ainsi un ralentissement dans
le mouvement du capital national, et la mesure
produirait des effets contraires aux vues pro-
gressives de ceux qui la provoquent. Enfin, ne
perdons jamais de vue que la rentrée prompte
et régulière des sommes avancées, k tiire
d'escompte, est la garantie fondamentale du
crédit de la banque, de la sûreté de ses opé-
rations, du remboursement incessant de ses
billets. Il lui faut des échéances rapprochées,
sagement et habilement combinées. »
Pour se procurer des ressources quand elle
a épuisé les siennes, une Janoue peut s'adresser
à une autre pour opérer le réescompte des
effets qu'elle a escomptés. C'est, en général,
ce que font les banques privées vis-à-vis des
banques publiques.
La puissance qu'ont les banques d'escompter
les effets de commerce n'est pas illimitée : elle
a pour limite naturelle celle de leur crédit ,
c'est-à-dire de leur faculté d'émission, c'est-
à-dire finalement celle des ressources métal-
liques disponibles qui servent de base à ce
crédit, à cette faculté d'émission. Aux époques
de crises commerciales, quand ces.ressources
s'épuisent, les banques sont bien obligées de
ménager leur crédit et de restreindre leurs
opérations. Dans ce but, elles peuvent élever
le taux de l'escompte; elles peuvent aussi
restreindre directement l'escompte, en rédui-
sant la longueur des échéances ordinaires, en
exigeant un certain nombre de signatures de
maisons notables , en refusant un certain
nombre de bordereaux'; elles peuvent même
suspendre complètement l'escompte, jusqu'à
ce que le recouvrement quotidien des effets
en portefeuille ait ramené l'encaisse à ses
proportions normales. Quels sont, parmi ces
moyens, ceux qui méritent la préférence 7 Les
économistes sont divisés sur ce point : quel-
ques-uns tiennent pdur la fixité de l'escompte
et veulent qu'on recoure à la restriction di-
recte ; les autres , en plus grand nombre ,
voient dans l'élévation du taux de l'escompte
une nécessité économique à laquelle il est chi-
mérique de prétendre soustraire le commerce,
et, en même temps, le meilleur moyen de rap-
peler le numéraire exporté, en l'intéressant à
revenir.
Les premiers font observer que, pendant
vingt-sept ans, de 1820 à 1847, le taux d'es-
compte de la banque de France n'a subi au-
cune variation, qu'il est resté constamment à
4 pour 100, malgré les crises commerciales et
politiques qui se sont produites pendant cette
période ; il ne paraît donc pas que l'élévation
du taux de l'escompte soit, même en temps de
crise, une nécessite absolue. On ne peut sou-
tenir, d'autre part, que ce taux doive néces-
sairement se conformer aux variations de
l'intérêt de l'argent; ce taux, en effet, ne
représente nullement l'intérêt de l'argent, bien
qu il ne soit pas sans influence sur sa déter-
mination ; il représente tout simplement le prix
que met la banque à la transmission du crédit
dont elle jouit, ce qui est tout autre chose que
l'intérêt de l'argent, et peut fort bien com-
porter une fixité que cet intérêt ne comporte
pas. Du reste, l'élévation de l'escompte, à
moins qu'elle ne soit excessive, est un moyen
insuffisant pour rétablir l'équilibre entre la
circulation métallique et la circulation fidu-
ciaire. Le seul moyen vraiment efficace de
réduire cette dernière dans des proportions
sérieuses est de restreindre directement les
escomptes et même de les suspendre, lorsque
la limite relative au minimum d'encaisse obli-
gatoire est atteinte. Ce moyen, assurément,
n'est pas sans inconvénient, et l'on ne peut
méconnaître la gravité des difficultés et des
gênes que, dans Beaucoup de cas, il pourrait
imposer au commerce , a tous ceux qui se
servent habituellement du crédit de la banque;
mais les habitudes du commerce se modifie-
raient en conséquence; la publication hebdo-
madaire des comptes de la banque permettrait
de prévoir, un certain temps à l'avance, les
probabilités de restriction ou de suspension
des escomptes, et l'on aviserait à se pourvoir
autrement. Quels que fussent, d'ailleurs, les
inconvénients inhérents à l'emploi d'un tel
moyen, il en préviendrait de beaucoup plus
graves encore, en assurant constamment la
convertibilité des billets, en empêchant la mon-
naie fiduciaire de prendre une trop grande
place dans la circulation , enfin, en disposant
le commerce à ne plus considérer la source
do cette monnaie comme inépuisable. On pour-
rait, d'ailleurs, obtenir en compensation un
avantage important ; l'élévation de l'escompte
ne pouvant plus être invoquée comme une
nécessité imposée par l'obligation de main-
tenir le niveau relatif de 1 encaisse, l'Etat
pourrait fort bien demander à la banque,
comme une concession raisonnable, un taux
maximum fixe de l'escompte.
Les partisans des libres variations du taux
de l'escompte répondent qu'il faut distinguer
dans ce taux deux éléments : un élément re-
lativement fixe, le loyer du capital, qui dépend
de causes à variations lentes; un élément
beaucoup plus mobile, le prix des instruments'
de circulation, qui dépend du mouvement du
numéraire, lequel est indiqué par les varia-
tions du' change. Si la fixité de l'intérêt de
l'argent dans les placements ordinaires et à
longue échéance est absurde, celle du taux de
l'escompte l'est bien davantage. Il ne faut pas
oublier que les billets de banque doivent être
payés à vue en métal. Derrière ces billets il
faut donc toujours voir l'or, contre lequel ils
sont constamment échangeables. Escompter,
pour une banque de circulation, c'est, en réa-
lité, vendre de l'or. Si l'or est devenu plus
rare, s'il est plus demandé, le simple bon sens
commande de le vendre plus cher, c'est-à-dire
d'élever l'escompte; autrement, la banque ap-
provisionnerait des concurrents à un prix in-
férieur à celui que le change indique comme
le prix du marché. Quand le numéraire s'é-
coule au dehors et menace de devenir rare, il
faut arrêter le mal à son origine, en appliquant
préventivement le remède de la hausse de
l'escompte, ce qui vaut infiniment mieux que
de laisser agir plus tard le remède répressif
d'une liquidation désastreuse. Le taux du
change est le baromètre infaillible que tout
pays, où un crédit développé a multiplié les
engagements à terme, doit consulter attenti-
vement. Il faudra, à l'échéance, être en mesure
de s'acquitter en monnaie métallique, si celle-
ci est exigée, car toutes les obligations sont
invariablement stipulées en monnaie ; le papier
ne peut suppléer à ce besoin que si rien ne
compromet la sécurité de l'échange facultatif
du billet contre de l'or. En dernière analyse,
il faut posséder, en quantité suffisante, l'in-
strument substantiel des échanges et le faire
revenir s'il est parti. La hausse de l'escompte,
décidée à temps, fait refluer le courant mo-
nétaire en produisant un double effet : elle
détermine ceux qui pourraient faire venir de
l'argent du pays qui a pris cette mesure à l'y
laisser- elle engage ceux qui ont des fonds
disponibles à les y envoyer, soit en faisant
tirer sur eux, soit en achetant des traites. En
résumé, la hausse de l'escompte est parfaite-
ment légitime; car l'argent, lorsqu'il est rare,
ne peut se louer bon marché, car le crédit de
la banque vaut alors évidemment davantage,
l'engagement de rembourser à présentation
les billets émis étant devenu bien plus difficile
à remplir. Elle est suffisamment efficace lors-
qu'elle n'est pas trop tardive et qu elle se base
régulièrement sur le taux du change ; car, en
retenant et rappelant le numéraire par l'appât
du bénéfice, elle ne tarde pas à rendre a la
banque sa puissance d'escompter, que la dé-
préciation du change avait entamée. Elle
n'impose au commerce qu'une perte bien lé-
gère, si on la compare à celle dont il est me-
nacé par la baisse des prix. En effet, elle
n'affecte que l'intérêt du capital engagé, tandis
que la baisse des prix frappe le capital lui-
même.Qu'unnégociantaitbesoinde 100,000 fr.,
un supplément d'intérêt de 4' pour 100 payé
pendant six semaines, moyenne des échéances,
le grèvera d'une dépense de 12 pour 100 et lui
fera perdre 500 fr. Que la baisse des prix ne
soit que minime, qu'elle ne dépasse pas
5 pour 100, il faudra qu'il fasse un sacrifice de
5,000 fr., c'est-à-dire un sacrifice décuple pour
réaliser ses marchandises. Le sacrifice mo-
mentané que la hausse de l'escompte impose
au commerçant n'est-il pas bien préférable à
la perspective de voir se fermer la banque aux
bonnes valeurs qu'il a entre les mains et sur
lesquelles il a compté pour faire face à ses
engagements? La cherté du crédit, de l'es-
compte, pour lui, c'est la vie dure, mais c'est
la vie"; la suspension du crédit, de l'escompte,
c'est la mort. Maintenir,. à cette condition, le
bon marché de l'argent est une dérision.
— Avances à découvert, « L'avance à décou-
vert, dit Coquelin, ressemble à l'escompte, en
ce que ce n'est, à vrai dire, qu'un autre moyen
de venir en aide au commerce et de lui fournir
des capitaux ; mais c'est une manière fort
différente quant à la forme, et même, à cer-
tains égards, différente quant au fond. Dans
le cas de l'escompte, il y a toujours une opé-
ration commerciale antérieure, constatée par
la création d'un effet de commerce, et dans
laquelle la banque ne fait qu'intervenir après
coup, tandis que, dans le cas des avances ou
crédits à découvert, cette opération antérieure
n'existe pas. Dans l'escompte, la banque reçoit
un effet de commerce, et donne en échange
de l'argent ou des billets; dans les crédits à
découvert, elle donne de l'argent ou des
billets, et ne reçoit rien. Ajoutons que le crédit
sur effet de commerce est garanti au moins
par deux signatures, tandis que, dans le crédit
a découvert, il n'y a que la garantie pure el
simple du négociant crédité. • Il résulte de
cette comparaison que l'avance à découvert
est pour les banques une opération plus déli-
cate, plus périlleuse que l'escompte, et qu'elle
exige beaucoup plus de précautions. Toute-
fois, elle peut être pratiquée 'très-utilement
dans une certaine mesure. On sait que chaque
négociant est dans l'habitude et la nécessité
de garder constamment en réserve une cer-
taine somme pour les besoins imprévus, par
exemple, pour payer les billets qu'il a mis eu
circulation et qui viendraient à être retournés
faute de payement par le souscripteur, pour
régler les comptes qui viendraient se présen-
ter à l'improviste, etc. C'est une obligation
fâcheuse pour lui, en ce qu'elle le prive con-
stamment d'une partie do ses ressources. Eh
bien, \a.banque, qui le reconnaît solvable,peut,
sans-danger, le dispenser de cette obligation,
en lui ouvrant un crédit au moyen duquel il
puisse disposer sur elle, et à l'instant, jusqu'à
concurrence d'une certaine somme.
Nous n'avons pas besoin de faire remarquer
que les crédits ouverts dans ce but constituent
une opération inverse de celle qui consiste à
recevoir, à titre de dépôt,' en compte courant,
la somme que chaque négociant consacre à su
réserve de caisse. Dans le crédit à découvert,
la banque avance cette somme au négociant;
dans le dépôt en compte courant, le négociant
la distrait de son capital et en fait l'avance à
la banque.
Coquelin pose comme règle générale en '
banque, que les crédits à découvert ue doivent
.21
162
BAN
a:
servir qu'aux besoins accidentels et imprévus.
< En aucun cas, dit-il, la banque ne doit souf-
frir qu'aucun des crédités en fasse la base même
de ses opérations ; autrement la banque tom-
beraitdansla dépendance des crédités, forcée
qu'elle serait, par son intérêt même, de les
soutenir après les avoir élevés, et les crédités
tomberaient dans la dépendance absolue de la
banque, puisque leur existence dépendrait de
sa volonté ou de son caprice : double dépen-
dance, qui serait une source de graves incon-
vénients. » Nous ne croyons pas qu'on doive
être aussi absolu. Qu'une grande banque pu-
blique, qui conduit ses opérations, non a l'aide
de son capital, mais à l'aide de dépôts mobiles
et gratuits, s'interdise les avances à décou-
vert, rien de plus naturel. Sa manière géné-
rale et uniforme de procéder parait incompa-
tible avec le travail individuel que réclame
l'art des placements ; elle ne peut distribuer
son crédit qu'à des conditions et dans des li-
mites invariablement nuées d'avance, etégales
pour tous ceux qui y recourent. Mais ce qui
est un danger évident pour une grande banque
publique d escompte et de circulation, telle
que les banques de France et d'Angleterre,
peut constituer une fonction très-normale de
banques privées, opérant avec leur capital ou
avec des dépôts fixes. On ne voit pas pour-
quoi ces banques s'interdiraient telle ou telle
forme de placement; l'essentiel, pour elles,,
est de bien placer. Lés banques d'Ecosse, qui
bonifient un intérêt à leurs déposants, ouvrent
des crédits à découvert et ne s'en trouvent
pas mal, et l'agriculture écossaise s'en trouve
fort bien.
— Avances sur valeurs. Entre l'escompte
qu'on peut appeler avance sur effets de com-
merce et l'avance à découvert, se place l'a-
vance sur marchandises et sur titres, tels
u'inscriptions de rentes, actions et obligations
e chemins de fer et autres sociétés anonymes,
etc. Ici, le crédité s'engage à payer, à terme
fixe, une somme déterminée et remet, en gage
de l'exécution de sa promesse, des marchan-
dises ou des titres que la banque peut vendre h
l'échéance, en cas de non-payement. Cette opé-
ration{ comme le fait remarquer M. Courcelle-
Seneuil, ressemble beaucoup à l'escompte;
toutefois elle en diffère en ce sens que, par lu
nature même des choses, les marchandises
dont la vente a donné lieu à la création d'un
effet de commerce ayant un consommateur
trouvé, leur prix doit très-probablement être
compté en espèces; tandis qu'il n'existe aucun
motif pour que la marchandise ou le titre dé-
posé en gage trouve naturellement un ache-
teur. La marchandise peut ne pas être ac-
tuellement appelée par la consommation ;
le titre peut également ne pas être demandé,
à sa valeur actuelle, par le capitaliste ; de
telle sorte que titre et marchandise peuvent
se vendre avec perte et tromper la confiance
que le banquier a mise dans ce gage. On
comprend le danger que présentent ces avan-
ces, malgré la précaution qu'ont les banques
de se faire souscrire des engagements aussi
courts que ceux des effets de commerce admis
à l'escompte. Les avances sur hypothèque
sont encore plus dangereuses, parce qu'elles
portent sur un gage de réalisation difficile,
lente et très-susceptible de dépréciation. Les
avances sur connaissements le sont moins,
parce que les marchandises sur lesquelles
elles reposent sont appelées a la consomma-
tion par le mouvement naturel des achats et
ventes.
— Emissions. _ Les banques émettent, en
échange des dépôts qu'on leur fait, des effets
de commerce qu'elles escomptent, et, pour
les autres avances qu'elles peuvent faire, des
billets ou promesses de payer à vue et au
porteur : ces billets, dans lesquels on peut voir
tout à la fois, nous l'avons déjà dit, une ex-
tension des certificats de dépôts et un perfec-
tionnement des effets de commerce , sont
reçus comme espèces dans toutes les transac-
tions, et permettent à la banque d'emprunter
presque gratuitement des capitaux auxquels
elle fait rapporter un intérêt. On a vu plus
haut qu'ils représentent, pour le porteur, des*
effets constamment échus, et, pour la banque,
des effets & échéance indéfiniment ajournée,
qui circulent comme la monnaie parce qu'ils
sont incessamment convertibles en monnaie,
et que, précisément en raison de cette circula-
tion facile et des avantages qu'ils offrent pour
les transports et les comptes, ils retournent
rarement à la banque pour être remboursés.
L'émission des billets de banque soulève un
certain nombre de questions : — En quel
sens le billet de banque mérite-t-il le nom
qu'on lui donne ordinairement de monnaie
fiduciaire? — Cette monnaie fiduciaire tend-
elle à se substituer à la monnaie métallique,
et, comme on dit vulgairement, à la chasser?
. — Quelle est l'influence des coupures des bil-
lets de banque sur leur circulation? — L'é-
mission des billets de banque influe-t-elle sur
les prix? — Y a-t-il une limite naturelle a
l'émission des billets de banque? — Y a-t-il,
entre l'encaisse des banques et leurs émissions,
un rapport qu'on doive considérer comme
normal? Examinons ces diverses questions.
On applique généralement au billet de ban-
que la qualification de monnaie : c'est, dit-on,
de la monnaie fiduciaire. Un grand nombre
d'économistes s élèvent contre cette appella-
tion, qu'ils tiennent pour une métonymie re-
grettable, à cause des conséquences qu'on en
tire. Sans doute, disent-ils, plus l'usage du
BAN
crédit se répand dans un pays, plus celui de
la monnaie devient inutile et rare ; et comme,
de tous les agents du crédit, de tous les titres
qui les représentent, les billets de banque sont
les plus puissants, les plus actifs, les plus
susceptibles d'un usage général et régulier, il
est certain qu'ils contribuent plus encore que
tous les autres à rendre inutile l'emploi de la
monnaie. Mais ce n'est pas à dire pour cela
qu'ils la remplacent. .Us la remplacent si peu
qu'ils n'ont d'autorité et de valeur qu'autant
qu'on peut, avec leur aide, se procurer de
1 argent à volonté. La monnaie est une mar-
chandise. Elle a sa valeur propre et intrinsè-
que, et ce n'est qu'en raison de cette valeur
qu'elle est reçue dans les échanges. Otez à
une monnaie quelque chose de cette valeur
intrinsèque; diminuez, dans une proportion
quelconque, son poids ou son titre, et bientôt,
quel que soit le nom qu'elle porte et de quel-
que sanction qu'elle soit revêtue, elle perdra
dans la circulation, et comme moyeu d'échange,
exactement ce qu'elle aura perdu comme mar-
chandise. Si le caractère d une monnaie et sa
valeur échangeable sont ainsi rigoureusement
déterminés par sa valeur spécifique, comment
concevoir que l'on prétende attribuer ce même
caractère, cette même valeur aux billets de
banque, qui ne sont après tout, et considérés
en eux-mêmes, que des chiffons de papier.
Qu'est-ce qu'un billet de banque? Une obliga-
tion commerciale, et rien de plus. C'est un
titre de créance qu'une banque délivre et
qu'elle doit accepter plus tard. Ce n'est pas
une valeur actuelle, mais un engagement, une
promesse. Promesse, obligation, un peuvliffé-
rente pour la forme, mais exactement la même
quant au fond, que toutes celles qui s'échan-
gent journellement dans les transactions pri-
vées. On ne peut pas dire que l'on bat mon-
naie en émettant des billets de banque. Si ce
langage était exact, il faudrait dire que tous
ceux qui émettent des effets de commerce
battent monnaie; car il n'y a pas de différence
essentielle entre de pareils effets et des billets
de banque. Rien n'empêche absolument de se
servir de cette expression monnaie fiduciaire,
qui est, une manière comme une autre de
s'expliquer en peu de mots ; pourvu qu'il soit
bien entendu qu'elle ne convient pas plus aux
billets de banque qu'à toute autre espèce de
papier transmissible circulant, à diverses con-
ditions, dans le public. Tandis que la monnaie
est acceptée comme un payement effectif,
papier de banque et papier de commerce ne
sont acceptés que comme promesses d'un
payement futur ; tandis que la monnaie éteint
les obligations, papier de banque et papier de
commerce ne font que les renouveler ou tes
déplacer. (Entre le papier de banque et le
papier de commerce, il y a une simple diffé-
rence de degré : parce que le charbon de bois
et le charbon de terre produisent deux sortes
de chaleur, en sont-ils moins l'un et l'autre
des combustibles?) Entre la monnaie métal-
lique et le papier de banque, il y a une diffé-
rence de nature.
Nous croyons, quant à nous, que la déno-
mination de monnaie fiduciaire peut, sans
inconvénient, être maintenue et doit être ré-
servée aux seuls billets de banque. Entre un
titre de crédit constamment échu et un titre
de crédit à échéance fixe, il y a autre chose
qu'une différence de degré. Nous admettons
que le billet de banque n'est, comme le billet
de commerce , qu'une simple promesse de
payer ; mais il y a promesse et promesse. La
promesse exprimée par le billet de banque
n'est pas seulement un peu différente pour la
forme, mais profondément différente quant au
fond de celles qui s'échangent dans les trans-
actions privées. Il est facile de voir que
l'échéance constante et facultative lui donne
un caractère représentatif que ne possèdent
pas les effets de commerce, qu'elle en fait une
représentation actuelle du numéraire, une va-
leur actuelle. En réalité, dans ce singulier
titre de crédit, l'idée de temps, de terme, de
futur, élément essentiel de Vidée de crédit,
est, pour ainsi dire , supprimée. Le billet de
banque peut, sous le rapport des probabilités
de présentation, signifier, pour l'établissement
qui l'émet, engagement à terme, promesse
a'un payement futur; mais, pour celui qui le
cède, c'est bien un payement actuel et effec-
tif, puisqu'il emporte sa libération actuelle et
définitive; pour celui qui l'accepte, c'est l'é-
quivalent d'un payement actuel et effectif,
puisque le payement est réputé actuellement
et à volonté réalisable.
On comprend que la réponse à cette ques-
tion : les billets de banque tendent-ils à se substi-
tuer à la monnaie métallique? doit naturel-
lement dépendre de l'idée qu'on se fait du
billet de banque* Les économistes qui ne voient
pas de différence essentielle entre le billet de
banque et les effets de commerce regardent
comme une hypothèse dépourvue de fonde-
ment cette idée, généralement répandue, que
la monnaie métallique se retire de la circula-
tion dans la même proportion que la monnaie
fiduciaire y entre, a En principe, est-il conce-
vable, dit Coquelin, que les billets, qui ne sont
pas une monnaie, qui ne méritent pas ce nom,
entrent cependant dans la circulation au lieu
et place de la monnaie réelle, qu'ils y remplis-
sent exactement les mêmes fonctions ? En
fait , comment s'opère cette prétendue substi-
tution? Par quels moyens s'exécute -t- elle
dans la pratique? Quels en sont les agents
réels ou apparents? Dans la pratique, les bil-
BAN
lets de banque sont ordinairement, sauf quel-
ques exceptions assez*rares qui ne tirent point
à conséquence , délivrés aux commerçants en
échange de leurs effets. Il semble donc, à en
juger par ce fait apparent, qu'ils aillent dans
la circulation remplacer tout simplement les
effets de commerce. Par quelle étrange et
mystérieuse transformation de substance, ces
billets substitués par te fait à d'autres billets,
se trouvent-ils, sans le savoir, remplacer l'ar-
• gent? Il faut convenir qu'un semblable phéno-
mène demandait quelque explication ; mais
cette explication , on se garde bien de la don-
ner. Que quelques économistes regardent toute
cette théorie comme une des plus belles dé-
monstrations d'Adam Smith , permis à eux ;
mais, malgré mon juste respect pour Smith, il
m'est impossible d'y voir autre chose qu'un
jeu d'esprit, une puérile hypothèse entée sur
Quelques préjugés vulgaires, et imaginée, faute
de mieux, pour tourner des problèmes dont on
n'avait pas la solution Il n'est pas vrai
qu'il y ait, entre la somme des billets émis par
les banques et celle du numéraire qui circule
ou se retire, aucun rapport constant. C'est qu'en
effet, si quelque chose remplace le numéraire
ou le rend inutile, c'est le crédit, lequel s'exerce
par des moyens infiniment variés , et dont les
billets de banque ne sont tout au plus que les
principaux agents. »
Nous allons donner l'explication demandée
par Ch. Coquelin. Et d'abord, écoutons Adam
Smith, dont l'opinion a bien quelque poids,
malgré le dédain avec lequel le passage que
nous venons de citer y fait allusion. « La sub-
stitution du papier à la monnaie d'or et d'ar-
gent est une manière de remplacer un instru-
ment de commerce extrêmement dispendieux
par un autre qui coûte infiniment moins et qui
est quelquefois tout aussi commode. La circu-
lation s'établit ainsi sur une nouvelle roue, qui
coûte bien moins à la fois à fabriquer et à en-
tretenir que l'ancienne. Mais , comment cette
opération sefait-elle?... Lorsque les gens d'un
pays ont assez de confiance dans la fortune,
la probité et la sagesse d'un banquier, pour^e
croire toujours en état d'acquitter comptant
et à vue ses billets et engagements , en quel-
?ue quantité qu'il puisse s'en présenter à la
ois, alors ces billets finissent par avoir le
même cours que la monnaie d'or et d'argent ,
en raison de la certitude qu'on a d'en faire de
l'argent à tout moment. Un banquier prête
aux personnes de sa connaissance ses propres
billets et, jusqu'à concurrence, je suppose, de
100,000 livres. Ces billets faisant partout les
fonctions de l'argent, les emprunteurs lui en
payent le même intérêt que s il leur eût piété
la même somme en argent. C'est cet intérêt
qui est la source de son gain. Quoique sans
cesse il y ait quelques-uns de ses billets qui
lui reviennent pour le payement, il y en a
toujours une partie qui continue de circuler
pendant des mois et des années de suite.
Ainsi, quoiqu'il ait en général des billets en
circulation jusqu'à concurrence de 100,000 li-
vres, cependant souvent 20,000 livres en or et
argent se trouvent faire un fonds suffisant
pour répondre aux demandes qui peuvent
survenir. Par conséquent, au moyen de cette
opération, 20,000 livres en or et argent font
absolument la fonction de 100,000. Les mêmes
échanges peuvent se faire, la même quantité
de choses consommables peut être mise en cir-
culation et être distribuée aux consomma-
teurs auxquels elle doit parvenir Divr le moyen
des billets de ce banquier montant à 100,000 li-
vres, tout comme cela se serait fait avec la
même valeur en monnaie d'or et d'urgent. On
peut donc, de cette manière, faire une écono-
mie de 80,000 livres sur la circulation du pays,
et si, en même temps, différentes opérations
du même genre venaient à s'établir par plu-
sieurs banques et banquiers différents, la tota-
lité de la circulation pourrait ainsi être servie
avec la cinquième partie seulement de l'or et
de l'argent qu'elle aurait exigés sans cela;
Supposons, par exemple, que la masse totale
d'argent circulant dans un pays, à une cer-
taine époque, se monte à 1 million sterling,
somme alors suffisante pour faire circuler Ta
totalité du produit annuel de ses terres et de
son travail. Supposons encore que, quelque
temps après , différentes banques et banquiers
viennent à émettre des billets au porteur jus-
qu'à concurrence d'un million , en conservant
dans leurs différentes caisses 200,000 livres
pour répondre aux demandes qui peuvent sur-
venir : il se trouverait alors dans la circula-
tion 800,000 livres en or et argent et 1 million
de billets de banque^ ou bien 1,800,000 livres,
tant argent que papier. Or, un million seule-
ment suffisait auparavant pour faire circuler
et pour distribuer aux consommateurs tout le
produit annuel des terres et du pays, et ce
produit ne peut pas se trouver augmenté tout
d'un coup par ces opérations. Un million suf-
fira donc tout de même après pour le faire
circuler. La quantité de marchandises qu'il
s'agit de vendre et d'acheter étant la même
qu'auparavant, il ne faudra que la même
quantité d'argent pour toutes les ventes et tous
les achats. Le canal de la circulation, si je
puis me permettre cette expression, restera
firécisément le même qu'auparavant. Un mil—
ion , d'après notre supposition , suffisait à
remplir ce canal. Tout ce qu'on y versera
donc, au delà de cette somme, ne pourra y
prendre son cours, mais sera forcé de déborder.
Use trouve qu'on y a„\ersé 1,800,000 livres ;
donc il y a 800,000 livres. qui vont nécessaire-
ment déborder, cette somme étant l'excédant
BAN
do coque peutempioyer la circulation du pays.
Mais si cette somme ne peut pas trouver a
être employée au dedans , elle est trop pré-
cieuse pour qu'on la tienne oisive. On l'en-
verra donc au dehors pour y chercher cet
emploi profitable qu'elle ne peut trouver au
dedans. Or, le papier ne peut aller hors du pays
parce que, éloigné des banques qui l'ont émis et
du pays où l'on peut recourir à la toi pour s'en
faire payer, il ne serait pas reçu dans les paye-
ments ordinaires. L'or et l'argent seront donc
envoyés au dehors jusqu'à concurrence de
800,000 livres, et le canal de la circulation in-
térieure demeurera rempli avec l million en
papier, au lieu du million en métal qui le
remplissait auparavant. »
Rien de plus opposé, comme on le voit, à
l'opinion de Ch. Coquelin, que celle d'Adam
Smith. Examinons à notre tour. L'auteur du
Crédit et des banques ne conçoit pas, en prin-
cipe, que les billets de banque, qui ne sont pas
une monnaie, entrent cependant dans la cir-
culation au lieu et place de la monnaie réelle,
et qu'ils y remplissent les mêmes fonctions.
C'est un tait certain cependant, et c'est préci-
sément pour cela qu'on est fondé à leur appli-
quer le nom de monnaie fiduciaire. Nous ajou-
tons qu'il n'est rien de plus facile à conce-
voir. Le billet de banque a, comme instru-
ment de circulation, des qualités qui le font
préférer à la monnaie métallique; c'est, pour •
ainsi dire, un billon supérieur que réclamo
surtout le grand commerce. Constamment
échu, la confiance qu'il inspire (de là le mot
fiduciaire) en fait une représentation, un équi-
valent de la monnaie métallique. Tant que
cette confiance existe, il représente de l'argent,
et pour le cédant qu il libère complètement,
et pour l'acceptant qui sait pouvoir le trans-
mettre avec facilité. Comme il représente de
l'argent, il n'y a pas de raison pour qu'on en
demande le remboursement; comme il n'a
pas, en tant qu'instrument de circulation, les
imperfections physiques de l'argent, il y a de
bonnes raisons pour que ce remboursement
ne soit pas demandé. Aussi peut-il rester indé-
finiment dans la circulation, comme s'il n'était
jamais échu, comme s'il ne devait jamais être
remboursé. Le titre de crédit devient signe,
le signe fait oublier la chose signifiée ; la con-
vertibilité constante, en étant toute détermi-
nation précise à l'idée d'échéance, l'éloigné
do l'esprit, la supprime. — Ce n'est pas, dites-
vous, le numéraire que les billets de banque
remplacent, ce sont les effets de commerce.
— Il est très- vrai que c'est ordinairement en
escomptant des effets de commerce, que les
banques émettent leurs billets; toutefois les
émissions ne sont pas limitées par. les es-
comptes ; les billets de banque peuvent être
émis en échange des dépôts, pour des avances
sur valeurs, ou à découvert, en un mot dans
toutes les opérations où les banques ont de
l'argent à donner. D'ailleurs, les effets de
commerce, lorsqu'ils circulent et en tant qu'ils
circulent, ne remplacent-ils pas le numéraire?
Remplacer ce qui remplace le numéraire ,
n'est-ce pas remplacer ce dernier? C'est du
reste ce que Coquelin finit par reconnaître, en
se mettant naïvement en contradiction avec
lui-même.» Si quelque chose, dit-il, remplace
le numéraire, ou le rend inutile, c'est le cré-
dit, dont les billets de banque sont tout au
plus les principaux agents. «Si le crédit rem-
place le numéraire ou le rend inutile, si les
billets de banque sont les principaux agents
du crédit, il doit bien y avoir un certain rap-
port entre la somme. des billets de banque
circulants, et celle de la monnaie métallique,
qui, devenue inutile, se retire de la circula-
tion.
Cette proposition : le crédit remplace le nu-
méraire,a. besoin d'éclaircissements. Les deux
idées de crédit et de circulation s'associent
très-bien dans l'esprit, si bien qu'elles finissent
ordinairement par s'y confondre. En elle-
même, cependant, l'idée de crédit est parfai-
tement distincte et indépendante de celle de
circulation. Les titres de crédit n'ont pas tou-
jours circulé ; c'est la clause à l'ordre et l'en-
dossement qui leur permettent de jouer le
rôle d'instruments de circulation. Dans quelle
mesure? nous l'avons déjà dit : ce sont des
instruments très-imparfaits de circulation que
les effets de commerce ; et c'est en raison de
cette imperfection que la banque est néces-
saire, parce qu'il peut, à chaque instant, de-
venir nécessaire de les faire escompter. Le
billet de banque, au contraire, est un excellent
instrument de circulation ; mais pourquoi ?
précisément parce qu'en revêtant les attributs
de la monnaie, il perd, en quelque sorte, ceux
de titre de crédit. Le billet de commerce,
même lorsqu'il n'a pas besoin de se présenter
à l'escompte, ne remplace le numéraire, ne la
rend inutile que dans un lieu et pour un
temps très-limité : il faut bien que la mon-
naie se trouve à l'échéance et vienne étein-
dre l'obligation. Le billet de banque rem-
place le numéraire partout où la banque in-
spire confiance ; il le remplace pour un temps
illimité, car il n a pas d'échéance déterminée,
ce qui équivaut, dans la pratique, à n'en pas
avoir du tout. Vient un jour aussi, cependant,
où il faut bien que la monnaie réelle se trouve,
soit rappelée, c'est le jour où, commençant à
douter de la banque et de son papier, les por-
teurs se présentent en foule au rembourse-
ment; malheureusement ce jour est celui
d'une crise désastreuse.
Ainsi, Adam Smith a raison : le paj.ier de
BAN
BAN
BAN
BAN
163
banque tend à se substituer à la mon^jue mé-
tallique, à expulser la monnaie métallique du
marché national. Comment s'opère cette ex-
pulsion f- Ici, Adam Smith nous présente sa
métaphore du canal de la circulation, dans le-
quel il entre toujours la même quantité d'u-
nités monétaires soit sous forme métallique,
soit sous forme de papier; les unités monétai-
res de papier s'ajoutant à celles de métal, il y
aura débordement, et ce sont ces dernières
qui déborderont, c'est-à-dire qui s'en iront au
dshors, parce que seules elles y peuvent être
acceptées. Cette explication est plus ingé-
nieuse qu'exacte. D'abord, il n'est pas vrai que
la quantité d'unités monétaires contenues dans
le canal de la circulation soit, pour un pays
donné, une quantité constante ; l'accroisse-
ment de la somme des unités monétaires peut
répondre au besoin d'une plus grande somme
«•de transactions, et en même temps solliciter,
développer ce besoin. Sous ce rapport, les
billets de banque peuvent d'abord être un
auxiliaire précieux de la monnaie métallique,
nouvelles, que J on n avait pas
mander à une balance favorable, a exercé une
heureuse et féconde influence sur le progrès
du commerce et de l'industrie. Mais voilà les
banques devenues des mines d'or; on y puise,
et elles y trouvent leur compte ; cette alchi-
mie nouvelle tente les gouvernements comme
les particuliers ; la somme des unités moné-
taires augmente, augmente toujours; cet ac-
croissement marchant beaucoup plus vite que
le développement de la division du travail, de
la production, de l'échange, la valeur de ces
unités monétaires diminue, les prix des pro-
duits et des services s'élèvent. Dès lors, la
partie des éléments de la circulation qui est
cosmopolite, c'est-à-dire la monnaie métalli-
que , commence à émigrer pour reprendre
son ancienne valeur sur le marché général du
monde. L'or et l'argent sont exportés, non
parce que le canal de la circulation ne peut
contenir plus d'une quotité déterminée d'uni-
tés monétaires, mais parce qu'ils subissent au
dedans une dépréciation qui n'existe pas au
dehors ; non parce qu'ils seraient condamnés
à l'oisiveté, faute d'emploi, s'ils restaient dans
le pays, mais parce qu'ils trouvent sur les
marchés étrangers un emploi plus profitable
que sur le marché national.
On voit, par ce qui précède, que nous ad-
mettons l'influence des émissions de billets de
banque sur les prix des produits et des ser-
vices, et, par suite, sur le mouvement des mé-
taux précieux. Deux économistes anglais
très-distingués, Tooke et Fullarton, ont con-
testé cette influence. ■ En fait et historique-
ment, dans les limites de' mes recherches, dit
Tooke, la hausse ou la baisse des prix a tou-
jours précédé l'accroissement ou la diminution
des émissions de billets ; elle n'a pu être cau-
sée, par conséquent, par cet accroissement ou
cette diminution. » «Tant que les billets de
banque sont remboursables, dit Fullarton, ils
n'exercent aucune influence sur le mouvement
des prix. Les banques ne peuvent étendre leur
circulation que par suite et e_n proportion des
affaires qu'elles font. La somme de leurs émis-
sions est exactement réglée par les affaires
de commerce et les dépenses qui se font dans
leurs localités respectives ; cette somme varie
avec la production et les prix; et les banques
ne peuvent ni porter leur émission au delà
du chiffre fixé par ces affaires et ces dépensés
sans voir leurs billets rentrer aussitôt; ni les
diminuer, sans voir aussitôt le vide qu'ils lais-
sent rempli de quelque autre manière, ■ Ainsi,
suivant les deux auteurs que nous venons de
citer, les émissions de billets ne pouvant aug-
menter qu'à la suite d'une extension de la de-
mande, ne fontpoint elles-mêmes la hausse des
prix, n'encouragent pas les spéculations, ne
peuvent causer aucune crise commerciale.
John Stuart Mill distingue l'état ordinaire,
l'étal de repos des marchés de leur état de
spéculation. Dans le premier cas il pense, à
l'exemple de Tooke et de Fullarton, que « tous
les billets émis par les banques, qui excéde-
raient les besoins du négoce, reviendraient à
leurs caisses ou resteraient sans rien faire
entre les mains des porteurs et ne feraient
point élever les prix. Dans le second, lorsque
les commerçants , en vue d'une prochaine
hausse, sont disposés à user largement de leur
crédit, Mill tient encore pour démontré que,
tant que la spéculation est ascendante et se
restreint aux opérations de marchands àmar-
chands, il est rare que les émissions de billets
augmentent et contribuent, de quelque façon,
que ce soit, à élever les prix. Suivant ses deux
guides, il pense que les achats de spéculation
qui produisent alors la hausse rie sont pas
payés avec des billets de banque, mais au
moyen de mandats e% surtout par de simples
virements. Le fussent-ils, il reconnaît qu'aus-
sitôt que les billets émis pour cet usage l'au-
raient rempli, ils rentreraient aux banques.
Mais il est d'avis tout différent lorsque la spé-
culation s'étend jusqu'aux fabricants, parce
qu'une partie des billets que ces derniers re-
cevront iront aux mains d'ouvriers qui ne
pourront les rendre aux banques sous forme
de dépôts, et qui, s'en servant pour leurs achats
de détail, les feront influer sur les prix. Mill
s'éloigne surtout de l'opinion de Tooke et de
Fullarton lorsqu'il envisage le temps où les
spéculations s'arrêtent. « Si l'on demande ra-
rement du crédit aux banques, dit-il, pour faire
une spéculation, on leur en demande beaucoup
pour soutenir une spéculation qui n'apas réussi,
et la concurrence de ceux qui viennent, en pa-
reil cas, réclamer une part du fonds général du
crédit, rend ceux mêmes qui n'ont pas spéculé
plus dépendants des banquiers auxquels ils de-
mandent des avances. Entre la période où la
spéculation est ascendante et le moment de la
révulsion, il y a un intervalle de plusieurs se-
maines, et quelquefois de plusieurs mois, pen-
dant lequel on lutte contre la baisse. Comme
les cours tendent à baisser, les spéculateurs
ne se soucient pas de vendre en ce moment,
et ils cherchent des fonds pour remplir leurs
engagements ordinaires. A. ce moment, pres-
que toujours la somme des billets de banque
en circulation augmente... Je crois qu'il faut
convenir que cette augmentation tend à faire
durer les prix de spéculation plus qu'ils n'au-
raient duré sans cette circonstance, et, par
conséquent, prolonge et augmente la demande
des .métaux précieux pour l'exportation, trait
caractéristique des temps qui précèdent im-
médiatement les crises commerciales, » .
Nous repoussons et les négatipns péremp-
toirss de Tooke et de Fullarton, et les distinguo
de John Stuart Mill. L'accroissement des billets
de banque, disent les premiers, n'est point la
cause de la hausse des prix; il ne fait que
suivre, comme la hausse des prix, l'accroisse-
ment des affaires et des dépenses, l'accroisse-
ment des effets de commerce, en un mot l'ex-
tension de la demande. Mais depuis quand
sépare-t-on, dans l'analyse des prix, Voffre de
la demande? Est-ce que, par hasard, l'offre
serait purement passive , ta demande seule
active? Les banques ne livrent leurs billets
qu'au commerce qui les sollicite, soit, ' mais
n'ont-elles pas intérêt à mettre et à tenir en
circulation le plus de billets qu'elles peuvent?
Ne peuvent -elles, en ouvrant trop large-
ment la porte à l'escompte, encourager la spé-
culation à multiplier les demandes qu'elle leur
adresse? Les conditions qu'elles mettent à la
transmission de leur crédit ne sont-elles pas,
pour les échanges, des stimulants plus ou
moins énergiques, selon qu'elles sont plus ou
moins faciles ?
John Stuart Mill distingue l'état de repos de
l'état de spéculation du marché, puis l'époque
où la spéculation commence et grandit, et
l'époque où elle cherche à toute force à se
soutenir. Nous ne comprenons pas un état du-
marché où des billets de banque resteraient
oisifs entre les mains des porteurs, ou rentre-
raient, faute d'emploi, dans les caisses de la
banque. Cet état idéal de repos est, on peut
le dire, incompatible avec 1 existence dune
banque d'émission et avec le mouvement
qu'elle imprime aux affaires. C'est le propre
du crédit de solliciter l'esprit d'entreprise,
l'initiative industrielle et commerciale, et de
ne jamais pouvoir satisfaire tous les besoins
qu'il développe. La tendance naturelle des
banques est d'accroître la somme de leurs
émissions, parce que c'est pour elles le moyen
de prêter à intérêt des capitaux dontle-public
leur fait crédit gratuitement. La tendance na-
turelle des négociants et fabricants, c'est de
solliciter sans cesse cet accroissement d'émis-
sions, parce qu'ils ont toujours besoin d'argent
pour développer leur commerce et leur indus-
trie, et que les billets de banque représentent
de l'argent. Enfin, dans l'état normal, c'est-à-
dire tant que les banques inspirent confiance,
la tendance naturelle des billets est de rester
dans la circulation, absolument comme l'argent
qu'ils représentent, Que les billets circulent de
marchands à marchands, ou de marchands à
fabricants, de fabricants à ouvriers, qu'ils
soient émis quand le marché est à l'état do
repos ou quand il est à l'état de spéculation,
quand la spéculation est ascendante ou quand
elle fait effort pour lutter contre la baisse des
cours, l'effet nous semble absolument le même ; ■
il y a toujours accroissement de la somme des
unités monétaires sur le marché, et, si les trans-
actions ne se sont pas développées proportion-
nellement, dépréciation de ces unités moné-
taires, hausse de prix, exportation de la mon-
naie métallique. Nous ne voulons pas dire que
la hausse générale des prix et l'exportation
de numéraire ne reconnaissent pas d'autres
causes, mais, à coup sûr, l'accroissement des
émissions, Yover-emission, si l'on nous permet
ce mot, en est une.
Un certain nombre d'économistes voient
dans les émissions de billets un moyen d'éco-
nomiser le numéraire, qui diffère, par la puis-
sance peut-être, non par la nature, des autres
agents du crédit. Nous ne saurions partager
leur opinion. L'économie de numéraire due
aux virements, aux compensations, aux effets
de commerce circulants, est régulière, cons-
tante; elle laisse au mécanisme de la circula-
tion sa solidité : elle n'altère en rien la mesure
des valeurs ; c est un perfectionnement qui,
une fois acquis, se conserve. L'économie de
numéraire qui est due aux émissions, est su-
jette aux variations les plus extrêmes : à peu
près illimitée dans les périodes d'expansion de
crédit, de plus en plus faible dans les époques
de contraction, nulle pendant les crises. En
amenant une alternative de hausse et de baisse
pour les unités monétaires, pour l'intérêt de
l'argent, pour tous les produits et services, elle
enlève toute sécurité aux transactions, y fait
prédominer l'alea, le hasard, y diminue la part
dé la prévoyance et de la responsabilité.
Mais, dit-on, c'est une vaine inquiétude que
celle que l'on conçoit relativement à l'excès
des émissions; laisses faire, laisses passer.
Les émissions ont pour limite naturelle la res-
ponsabilité des banques. Leur prévoyance leur
défend d'abuser de la confiance du public. Il
est très-vrai qu'elles ont intérêt à tenir en cir-
culation le plus de billets qu'elles peuvent;
elles pourraient peut-être émettre sans limite,
si l'épée de Damoclès de la convertibilité facul-
tative n'était sans cesse suspendue sur leur
tète. Elles s'arrêteront devant la perspective
d'une suspension de payements. C est la, sans
doute, le seul obstacle qui s'oppose au déve-
loppement indéfini de la circulation fiduciaire ;
mais cet obstacle est suffisant pour établir une
limite absolument infranchissable.
La question se trouve, comme on voit, trans-
portée sur le terrain juridique, sur celui de la
responsabilité commerciale en général et de
la responsabilité des banques en particulier.
Elle peut se formuler ainsi ; La responsabilité
des banques peut-elle être organisée de ma-
nière à offrir des garanties suffisantes au pu-
blic, à mettre un obstacle suffisant aux émis-
sions ; en d'autres termes, lequel vaut mieux,
en matière de banque, du régime préventif ou
du régime répressif? Sans entrer ici dans
l'examen de cette question, nous devons noter
l'action énergique d'un intérêt immédiat et
positif, l'action débile d'un intérêt lointain et
négatif, sur la conduite des hommes. On sait
que le premier parle toujours un langage très-
clair, très-facile à entendre, et qui exclut le
doute, tandis que le Second, voilé, en quelque
sorte, par un nuage, n'apparaît que si 1 on lait
effort pour le regarder et laisse dans l'esprit
une place à l'incertitude. Ajoutons que les
grandes banques d'émission sont naturellement
portées à compter, pour échapper à la sanction
de leur imprévoyance, sur ta solidarité de
leurs intérêts avec ceux du public fortement
atteints par cette sanction, et, par suite, à es-
Férer aux jours de crise l'intervention de
Etat, représentant naturel du public. Sollicité
et par les banques et par le public, il est bien
difficile que l'Etat se renferme dans un rôle
d'expectation qui ressemble à l'indifférence;
presque toujours il interviendra à la fin pour
porter remède au mal; ne vaut-il pas mieux,
a-t-on dit, qu'il intervienne dès le commence-
ment pour le prévenir? Toutes les objections
élevées contre le droit commun appliqué aux
banques partent de ces considérations : que le
papier de banque est un agent de crédit essen-
tiellement différent des autres par sa nature
et par le mode de fonctionnement qui résulte
de sa nature; qu'aux époques de confiance, il
tend à s'accroître démesurément, mais ne tarde
pas à diminuer et à disparaître quand l'over-
ernission a commencé à altérer les prix et à
exciter la défiance ; que ces alternatives d'ex-
pansion et de contraction du crédit produisent
dans le pays une sorte de fièvre intermittente
fatale au corps politique ; que le développe-
ment exagéré des émissions et l'exporta-
tion du numéraire, qui en est la conséquence,
constituent un danger public; que 1 intérêt
privé et la responsabilité commerciale des
banques sont impuissants à écarter sérieuse-
ment ce danger. « Si l'intérêt privé, dit Sis-
mondi, veillait pour restreindre la circulation
des billets de banque, le gouvernement pour-
rait s'en reposer sur lui. Ainsi, il n'a aucun
besoin de s'occuperde la circulation des lettres
de change, car celui qui prend ou qui endosse
une lettre de change a toujours les yeux ou-
verts ; il sait qu'il en devient responsable jus-
qu'à entier payement, qu'on pourra toujours
remonter jusqu'à lui tout comme il pourra lui-
même remonter jusqu'au premier qui l'a ac-
ceptée et lui demander compte d'un crédit trop
légèrement accordé. Si toute personne qui re-
çoit et donne un billet de banque était obligée
de l'endosser, on n'aurait plus lieu de craindre
qu'aucune banque usurpât le numéraire public
sans donner de suffisantes garanties; mais
quand le billet est au porteur, celui qui le re-
çoit a un intérêt si fugitif, si dénué de toute
responsabilité a refuser un crédit abusif, que
le public, pour qui cet intérêt est en première
ligne, ne peut pas lui déléguer toute sa vigi-
lance; il doit se tenir en garde par lui-même
ou plutôt par ses représentants liabituels for-
mant le gouvernement Il ne faut pas ou-
blier que le -banquier qui émet des billets
payables à vue et au porteur ne spécule pas
sur ce qui est à lui, mais sur ce qui' est au
public et dont il n'a pas lé droit de s attribuer
clandestinement l'usage. Le crédit que le ban-
quier demande à celui à qui il remet un billet
de banque est si court, que celui avec qui il
traite se donne à peine le temps d'examiner
s'il en est digne. D'ailleurs, le plus souvent,
c'est lui qui demande du crédit au lieu d'en
accorder; car la transaction a cela d'étrange
que chacun s'y présente comme débiteur et songe
surtout à faire recevoir son papier, l'un sa
lettre de change, Vautre son billet de banque,
comme bon. Le preneur du billet, au lieu de
se montrer difficile sur son acceptation, trouve
même son compte à s'en défaire aussitôt qu'il
l'a reçu. Dans une telle transaction, le gou-
vernement, protecteur de la prospérité pu-
blique et appelé en.particulier à garantir pour
l'avantage de tous le numéraire, qui est une
partie de cette propriété, fait bien d'inter-
venir pour veiller au nom d'un public qui ne
veille pas lui-même. C'est ainsi qu'il veille
pour le maintien de la voie publique; car
quoique chacun de ceux, qui la traversent soit
intéresse à ce qu'elle ne soit pas obstruée, le
passager se lutte point avec obstination contre
celui qui en usurpe une partie. Le numéraire
est une voie publique, et celui qui, à l'aide
d'une circulation en papier, l'emprunte pour
l'exporter creuse sous cette voie publique un
souterrain dans lequel elle peut s? abîmer. »
La comparaison par laquelle se termine le
passage qu'on vient de lire, en rappelle une
semblable d'Adam Smith, qui est souvent ré-
pétée, et qui confirme d'une manière ingé-
nieuse, et 1 avantage que procurent les émis-
sions de billets de banque en remplaçant le
numéraire, et le défaut de sécurité qui résulte
Four le pays de cette substitution. « L'or et
argent qui circulent dans un pays, dît Smith,
peuvent se comparer à un grand chemin qui,
tout en servant a faire circuler et conduire au
marché tous les grains et les fourrages du
pays, ne produit pourtant par lui-même ni un
seul grain de ble, ni un seul brin d'herbe. Les
opérations d'une banque sage', en ouvrant en
quelque manière, si j'ose me permettre une
métaphore aussi nardie, une espèce de grand
chemin dans les airs, donnent au pays la faci-
lité de convertir une bonne partie de ses
grandes routes en bons pâturages et en bonnes
terres à blé. Il faut pourtant convenir que si
le commerce et l'industrie d'un pays peuvent
s'élever plus haut à l'aide du papier-monnaie
(Smith emploie le mot papier-monnaie comme
synonyme de papier de banque), néanmoins,
suspendus ainsi, si j'ose dire, sur ces ailes d'I-
care, ils ne sont pas tout à fait aussi assurés
dans leur marche que quand ils portent sur le
terrain solide de l'or et de l'argent. >
— Coupures des billets. La limite assignée à
l'abaissement des coupures des billets de ban-
que exerce une grande influence sur l'emploi
et, par suite, sur l'émission de ces billets. Plus
les coupures sont faibles, plus est grande la
place que les billets prennent dans la circula-
tion, parce qu'ils sont propres à une plus
grande masse de transactions. Au 28 janvier
1864, sur une circulation totale de billets delà
banque de France montant à 802,143,325 fr.
celle des billets de cent francs seulement
était de 211, 899,000. fr. Plus les coupures sont
faibles, plus l'emploi de la monnaie fiduciaire
peut s'étendre et restreindre celui de la mon-
naie métallique, i L'expérience prouve, dit
Ch. Coquelin, et la raison explique que des
coupures trop élevées n'étant pas en rapport
avec les besoins les plus ordinaires de la cir-
culation, ne peuvent passer que dans un très-
petit nombre de main3, et doivent, par consé-
quent, revenir assez promptement à la caisse,
tandis que les coupures plus faibles étant à
la portée d'un plus grand nombre de gens, et
pouvant s'adapter aux besoins de tous les
jours, ont généralement une circulation plus
longue et plus étendue. C'est ainsi qu'en
Ecosse, par exemple, il n'y a guère que les
livres sterling q
restent indéfiniment dans la circulation, les
billets de moins de cinq livres sterling qui
autres étant presque toujours -rapportés à
la caisse fort peu de temps après leur émis-
sion. Pour étendre ses émissions, une banque
n'aurait donc qu'à abaisser le minimum de
ses coupures; elle ferait le contraire si elle
éprouvait le désir ou le besoin de les res-
treindre. »
Une des qualités essentielles qu'une matière
doit présenter pour recevoir l'emploi de mon-
naie, c'est la divisibilité. Donnez la divisibilité
indéfinie au papier de banque, et il tendra à
former non plus seulement un billon supé-
rieur, mais un organisme monétaire complet.
Adam Smith a très-bien analysé l'influence
des petites coupures sur la circulation du
papier de banque : t On peut regarder, dit-il,
la circulation d'un pays comme divisée en
deux branches différentes : la circulation qui
se fait entre commerçants seulement, et la
.circulation entre les commerçants et les con-
sommateurs La circulation des gens de
commerce entre eux, portant sur des ventes
en gros, exige en général une somme bien
plus grosse pour chaque transaction particu-
lière. La circulation entre les commerçants et
les consommateurs, au contraire, portant en
général sur des ventes en détail, n exige fort
souvent que de très-petites sommes : un
schelling ou même un demi-penny étant quel-
quefois tout ce qu'il faut On peut régler
le papier de banque de manière, ou à le res-
treindre presque tout à fait à la seule circula-
tion entre les différents commerçants, ou à
l'étendre à une grande partie de celle qui a
lieu entre les commerçants et les consomma-
teurs. Quand il ne circule pas de billets au-
dessous de la valeur de 10 livres, le papier de
banque se trouve presque absolument restreint
à la circulation entre les commerçants. Quand
un billet de banque d& 10 livres vient dans les
mains d'un consommateur, celui-ci est en gé-
néral obligé de le changer à la première bou-
tique on ilaura occasion d'acheter pour 5 schil-
lings de marchandises, de manière qne souvent
ce oillet revient dans la main d'un commer-
çant avant que le consommateur ait dépensé
la quarantième partie de la somme. Quand il
y a en circulation des billets de très-petites
sommes, le papier-monnaie se répand dans
une grande partie de la circulation entre les
commerçants et les consommateurs Il faut
observer que partout où le papier de banque
est à peu près concentré dans la circulation
de commerçant à commerçant, il y a toujours
abondance d'or et d'argent. Partout où ce
papier se répand dans la circulation du com-
merçant au consommateur, il chasse presque
tout à fait l'or et l'argent dn pays, presque
164
BAN
tontes les affaires du commerce intérieur al-
lant avec du papier. »
On comprend que les économistes qui se
préoccupent des émissions exagérées doivent
nécessairement s'élever contre l'abaissement
indéfini des coupures. 11 importe, disent-ils,
de ne pas laisser descendre les billets de Lan-
gue dans la seconde branche de la circulation,
et, pour cela, d'interdire les billets de faibles
sommes, afin de conserver toujours dans le
pays une masse métallique de monnaie d'ap-
point qui ne puisse être remplacée par le pa-
pier. L'abaissement des coupures au-des-
sous de 100 francs, par exemple, étendrait !a
circulation fiduciaire et restreindrait la circu-
lation métallique dans des proportions dange-
reuses.
Limite légale, limite arbitraire! répondent
ceux qui, voyant dans le billet de banque un
titre de crédit comme un autre, sourient des
alarmes qu'inspirent la sur-émission. Laissez
faire la nature des choses! Il n'y a aucun
danger à permettre aux banques d'abaisser,
autant qu elles le veulent, les coupures de
leurs billets. Les petits billets entreront, il
est vrai, plus avant dans la circulation, et le
numéraire y deviendra d'autant plus rare;
mais qu'importe? ce n'est pas là un inconvé-
nient ni un danger; c'est au contraire un
avantage, puisque la circulation se fait alors
à moins de frais. Mais où s'arrêtera cette di-
vision?— Elle s'arrêtera là où elle cessera
d'être utile. En France, par exemple, si l'on
était à cet égard entièrement libre, il est pro-
bable qu'après quelques essais on n'émettrait
guère de billets de moins de 5 francs, comme
aux Etats-Unis on n'en émet guère de moins
de 1 dollar (5 fr. 41 c), parce que, pour les
billets d'un chiffre inférieur, la dépense excé-
derait le profit.
Nous devons noter que l'opinion du mini-
mum légal des coupures a pour elle l'autorité
d'Adam Smith. Voici comment il justifie cette
restriction, la seule, du reste, qu'il conseille de
mettre à la liberté des banques. « Lorsque les
billets de très-petite somme, dit-il, sont auto-
risés dans la circulation et sont d'un usage
commun, beaucoup de gens du peuple ont
l'envie et la possibilité de se faire banquiers.
Tel particulier dont les billets pour 5 livres, ou
même pour 20 schellings, ne seraient reçus de
personne, viendra à bout de les passer aisé-
ment quand ils seront émis pour une somme
aussi petite que 6 pence; mais les banque-
routes fréquentes qui doivent arriver dans
une classe de banquiers aussi misérables peu-
vent donner lieu a de grands inconvénients,
et quelquefois même causer de très-grandes
calamités parmi beaucoup de pauvres gens qui
ont reçu de tels billets en payement. Il vau-
drait mieux que, dans aucun endroit du
royaume, on ne laissât émettre aucun bil-
let de banque au-dessous de 5 livres sterling...
Mais, pourra-t-on dire, empêcher des parti-
culiers de recevoir en payement les billets
d'un banquier , de quelque somme qu'ils
soient, grande ou petite, quand ils veulent
bien les accepter, ou bien empêcher un ban-
quier d'émettre de pareils billets, quand tous
ses voisins consentent a les recevoir, est une
atteinte manifeste à cette liberté naturelle
que la loi a pour objet principal de protéger
et non pas d'enfreindre. Sans contredit, des
règlements de ce genre peuvent être regar-
dés, à quelques égards, comme une atteinte
a la liberté naturelle ; mais l'exercice de la
liberté naturelle de quelques individus , qui
pourrait compromettre la sûreté générale
de la société, est et doit être restreint par
les lois, dans tout gouvernement possible,
dans le plus libre comme dans le plus des-
potique... En empêchant les banquiers d'é-
mettre aucun billet au porteur au-dessous .
d'une certaine somme, et en les assujet-
tissant à l'obligation d'acquitter ces bil-
lets immédiatement et sans aucune espèce
de condition, a l'instant de la présentation,
on peut, après cela, sans craindre de com-
promettre la sûreté générale, laisser a leur
commerce, à tous autres égard3, la plus grande
liberté possible. ■
—Rapport de l'encaisse et des émissions. On
a souvent discuté sur le rapport que l'on
supposait devoir exister entre l'encaisse des
banques et les émissions. En 1832, Horsley
Palmer, gouverneur de la banque d'Angle-
terre, établit, pour la première fois, la fa-
meuse proportion de un à trois répétée sans
cesse aujourd'hui dès que l'on s'occupe de la
question. Mais cette proportion ne se fonde
sur aucun principe théorique et ne saurait
avoir rien d'absolu. « Sur quoi cette règle
s'appuie-t-elle, dit Ch. CoquelinîOù sont les
calculs qui lui servent de base et les données
qui la confirment? Pourquoi le tiers, plutôt
que le quart ou la moitié? Le fait est qu'il
n'y a entre l'encaisse métallique d'une banque
et le montant des billets en émission aucune
proportion fixe à établir. Cela dépend essen-
tiellement et de l'importance de l'établisse-
ment, et dé l'étendue de son crédit, et du mi-
lieu dans lequel il opère, et de beaucoup d'au-
tres circonstances encore, fort difficiles à ras-
sembler.
Je dis d'abord que cela dépend de l'impor-
tance de l'établissement, et, pour le faire
comprendre, il me suffira d'un exemple pris
dans un cas extrême. Supposons que, la loi
ne mettant aucune restriction à l'émission des
billets à vue et au porteur, un simple parti-
ct!;sr, d'une fortune médiocre, voulût entre-
BAN
prendre, a l'exemple des grandes compagnies,
de f;iire circuler de semblables billets dans le
public. Qn'arriverait-il? on le comprend déjà.
Les billets lancés par lui dans le commerce y
trouveraient à peine quelques preneurs ; tout
au plus seraient-ils reçus dans le petit cercle
de négociants dont il serait particulièrement
connu; partout ailleurs il3 seraient refusés.
Par conséquent, les porteurs n'ayant pas la
facilité de s'en servir régulièrement dans leurs
échanges s'empresseraisat de les rapporter
au bureau d'émission. Ainsi les billets, a peine
émis, se présenteraient au remboursement. Qui
ne voit que, dans un cas pareil, pour échapper
à une faillite inévitable, le créateur des billets
ferait bien de garder en caisse, non pas le
tiers, non pas la moitié, mais la totalité de
leur valeur... Ce n'est pas seulement l'impor-
tance du capital de la banque qu'il faut consi-
dérer, c'est encore le milieu dans lequel elle
opère. Un établissement formé dans une ville
de second ordre devra, toute proportion gar-
dée, conserver un encaisse plus fort que celui
qui siège dans une capitale, parce que sa
clientèle est moindre et le cercle de ses émis-
sions plus borné. Pareillement et par une
raison semblable , celui qui réside dans un
petit Etat a moins de latitude que celui qui
opère dans un Etat plus vaste. La circulation
de ses billets étant moins étendue, ils sont
sujets à des retours plus fréquents et plus
rapides. C'est pourquoi la faculté d'émission
arriverait à son maximum de puissance dans
une banque dont les billets seraient' reçus avec
la même faveur dans tous les pays commer-
çants. D'un autre côté, s'il est vrai, et il n'est
guère permis de le mettre en doute, que les
petites coupures séjournent plus longtemps
dans le public que les coupures plus fortes, il
faut admettre aussi que la proportion change
toutes les fois que le minimum de ces cou-
pures est élevé ou abaissé. C'est grâce a la
faculté dont elles jouissent, par exception,
d'émettre des billets de faible somme, que
les banques d'Ecosse, bien qu'agissant dans
un pays étroit et pauvre, l'emportent de beau-
coup, quant à la facilité de leur émission, sur
les banques anglaises du même genre, qui ont
pourtant, au sein d'un pays plus riche, un
cercle d'action moins circonscrit... Enfin, ce
mot d'encaisse métallique est bien vague. Ce
serait encore un point important de savoir de
quels éléments cette réserve se compose. Si
elle ne consistait que dans une partie des fonds
déposés en compte courant par les particuliers,
on comprend que.ee serait là une ressource
bien précaire, et qu'un encaisse ainsi formé
pourrait ne pas suffire toujours, alors même
qu'en temps ordinaire il excéderait la moitié
de la valeur des billets en émission... Que
peut devenir, en effet, cette réserve quand les
déposants se présentent en masse, ce qui
n'arrive que trop souvent, même sans l'ex-
plosion d'aucune panique, lorsque les dépôts
sont gratuits, par le seul besoin que les pro-
priétaires éprouvent de les utiliser? On
comprend qu'un encaisse métallique com-
posé de valeurs appartenant en propre à la
banque permet des émissions bien plus éten-
dues. ■
Pour juger de la garantie que présentent
les encaisses , il y a trois choses à considérer :
l° Quel est le risque en vue duquel cette ga-
rantie est jugée nécessaire? 2° A qui appar-
tiennent les espèces qui constituent 1 encaisse ?„
3° Quelle est la nature des opérations à l'oc-"
casion desquelles les billets ont été émis?
Le risque peut se diviser en risque ordinaire
et en risque extraordinaire. Le premier est
proportionnel à la durée moyenne de la circu-
lation des billets en temps normal, et, par con-
séquent, dépend , comme l'a dit Ch. Coquelin,
de tout ce qui influe sur cette durée moyenne,
c'est-à-dire du crédit dont jouit la banque,
du marché où ce crédit fait office de monnaie ,
des coupures des billets, etc. Le risque extra-
ordinaire est , en quelque sorte , en raison in-
verse du risque ordinaire ; il résulte de toutes
les crises qui peuvent survenir, et notamment
de celles qui suivent l'expansion du crédit,
l'excès des émissions , la hausse des prix et
l'exportation du numéraire. Ce second risque
Ïiaraît avoir, jusqu'ici, constamment échappé à
a prévoyance des banques. C'est surtout pour
y parer que l'on invoque la fixation légale
d'une proportion minimum de l'encaisse aux
émissions.
Il est évident que la garantie fournie par
tel ou tel chiffre de l'encaisse sera plus forte si
cet encaisse appartient entièrement à la ban-
que, beaucoup plus faible s'il est exclusive-
ment composé de dépôts, à peu près illusoire
si ces dépots sont très-mobiles. Enfin, elle pa-
raîtra d'autant plus efficace que les émissions
seront basées sur des opérations plus pruden-
tes et plus sûres , et que la nature des place-
ments qui leur auront donné naissance offrira
plus de sécurité au public.
Aussi, les économistes qui estiment néces-
saire la fixation légale d'une proportion mini-
mum de l'encaisse aux billets en circulation
professent-ils : 1° Que l'encaisse devrait ap-
partenir en propre à la banque et qu'elle ne
devrait point y comprendre le numéraire mé-
tallique ou les lingots reçus en dépôt , et qui
peuvent être retirés à la volonté des déposants.
2" Que les avances en billets de banque con-
tre dépôt d'effets publics, actions, obligations
de chemins de fer ou autres établissements ,
devraient être interdites aux banques d'émis-
sion.
BAN
I — Cours légal et cours forcé des billets de ban-
! que. Le cours des billets do banque est dit
[ légal lorsqu'ils sont reçus comme espèces par
le Trésor et ne peuvent être refusés par les
citoyens, tant que la banque les rembourse à
présentation. Il est dit forcé lorsque la loi
ordonne de les recevoir en payement, même
lorsque la banoue ne les paye plus à présen-
tation. Nous n'avons pas besoin de faire re-
marquer que le cours légal n'altère pas la
nature des billets de banque, tandis que le
cours forcé l'altère profondément. En cessant
d'être convertible en espèces, le billet de
banque perd son caractère représentatif; il
ne doit plus sa valeur à l'argent qui est der-
rière lui, mais uniquement à l'autorité qui en
impose l'acceptation, comme s'il avait une
valeur intrinsèque. Lorsque les billets d'une
banque ont cours forcé, les émissions n'ont
plus de limites ; elles peuvent aller, sous la
prqssion des besoins qui les déterminent,comme
elles l'ont fait pour les assignats, jusqu'à des
sommes nominales de 40 milliards de francs ;
mais, à mesure qu'elles se multiplient, leur
pouvoir d'acquisition s'affaiblit, et, au bout
d'un certain temps, finit par s'anéantir entière-
ment. V. PAPIER-MONNAIE.
Il estjuste de reconnaître, cependant, qu'ap-
pliquée à titre d'expédient temporaire , la
déclaration du cours forcé peut être une me-
sure justifiable et utile dans les moments des
grandes crises politiques ou industrielles,
lorsque, d'ailleurs, les établissements qui ont
émis les billets offrent de larges et sûres ga-
ranties de solvabilité. Elle constitue alors une
sorte d'atermoiement imposé par ordre supé-
rieur aux créanciers de la banque, c'est-à-dire
aux porteurs de ses billets. C'est un mal, sans
doute, mais qui peut en empêcher de plus
grands, à savoir, les désastres qui résultent
de la liquidation de grandes banques publiques.
On doit remarquer que le cours forcé tempo-
raire ne fait que changer en échéance à
terme l'échéance facultative des billets, tan-
dis que le cours forcé permanent et systéma-
tique supprime toute espèce d'échéance.
— Capital des banques. Un financier, Mol-
lien, ministre du Trésor sous le premier em-
pire, a écrit qu'une banque entourée d'une
grande confiance pourrait suffire à un vaste
courant d'affaires sans aucun capital. Les
économistes admettent généralement que la
chose est vraie en théorie. ■ A la rigueur, dit
M. J." Garnier, une banque pourrait se passer
de capital, en se servant de dépôts et de ses
billets, et en bornant ses opérations à l'es-
compte des bons effets de commerce. • « Un
capital propre, dit M. Courcelle-Seneuil, n'est
utile qu à titre de réserve pour le banquier, et
à titre de cautionnement pour les personnes
qui traitent avec lui. tl faut bien remarquer,
en effet, que, quelque emploi que ce capital
reçoive dans .le commerce de banque, il ne
rapporte jamais que l'intérêt courant, les bé-
néfices du banquier étant fondés soit sur des
commissions ou courtages, soit sur la diffé-
rence qui existe entre le taux de l'intérêt au-
auel il emprunte et le taux de l'intérêt auquel
prête des capitaux; car, si l'on excepte le
commerce'des matières d'or et d'argent et les
arbitrages, il n'est .aucune opération de ban-
que qui admette la spéculation. Cependant la
possession d'un capital propre est utile au ban-
quier pour le préserver des conséquences des
légères erreurs qu'il peut commettre dans le
calcul tout conjectural qu'il fait des rentrées
et des sorties probable d'espèces. Un capital
placé par lui peut ne pas rentrer exactement
a l'échéance ; les ayants compte peuvent ré-
clamer des remboursements plus considérables
qu'il n'avait prévu ; son capital propre lui sert
à faire face a ces exigences exceptionnelles,
et lui permet de conserver le fond de banque
proprement dit, composé des capitaux qui lui
ont été confiés, et toujours libre et roulant. »
Quelles sont les conditions dans lesquelles
une banque a le moins besoin d'un capital pro-
pre, dans lesquelles ce capital peut être le plus
réduit? Ces conditions sont faciles à détermi-
ner : c'est lorsque cette banque joue purement
et simplement le rôle d'intermédiaire entre
prêteurs et emprunteurs, c'est-à-dire : 1° lors-
qu'elle reçoit des dépôts qui, par leur fixité
relative et par l'intérêt bonifié aux déposants,
constituent pour ces derniers de véritables
prêts; 2" lorsque son mode de placement lui
assure la prompte rentrée des capitaux qui lui
ont été confiés , en d'autres termes, lorsque
se bornant à l'escompte, elle s'interdit tous les
autres modes de placement, tels que les avan-
ces sur valeurs et crédits à découvert. Ainsi,
lorsqu'une banque se livre à ces dernières
opérations, et lorsqu'elle ne reçoit que des dé-
pots gratuits et mobiles, elle a besoin d'un ca-
pital élevé qui constitue la garantie et des
porteurs de billets et des déposants.
Au reste, malgré l'autorité de Mollien et de
MM. Garnier et Courcelle-Seneuil , nous nions
qu'une banque d'émission puisse, à la rigueur
et théoriquement, se passer de capital, qu'on
doive voir dans ce capital un surcroît de ga-
rantie nécessité uniquement par des circons-
tances exceptionnelles et imprévues. Si les
billets de banque ne représentaient que des
effets de commerce assurés, des effets de com-
merce d'une valeur notoire et authentique, il
serait vrai de dire qu'à la rigueur ils sont suf-
fisamment garantis par le portefeuille de la
banque. Mais on ouolie qu'entre le billet de
banque et l'effet de commerce il y a cette dif-
férence essentielle que le premier est une va-
BAN .
leur actuelle, tandis que le second n'est qu'une
valeur future. Pour conserver aux billets do
banque leur caractère de valeurs actuelles ,
il faut autre chose que des valeurs de porte-
feuille, des valeurs futures. Donc, le porte-
feuille, si bonnes que soient les valeurs qu'il
renferme, ne saurait offrir au public une ga-
rantie suffisante de la convertibilité constante
et facultative des billets émis. Cette garantie,
le public ne peut la trouver non plus dans un
encaisse formé uniquement de dépôts. Dépôts
et billets constituent le crédit que reçoit la
banque, c'est-à-dire ses dettes ; eiTets.de com-
merce, le crédit qu'elle fait, c'est-à-dire ses
créances. Or, l'exigibilité constante des dé-
pôts et la convertibilité constante des billets
mettent une très-grande inégalité entre le
crédit qu'elle reçoit et celui qu elle fait ; il est
clair qu'avec ses créances elle ne peut être
rigoureusement en mesure de payer ses det-
tes; donc une telle situation, pour être nor-
male, implique la nécessité d'un capital propre.
II. — Histoire et constitution des prin-
cipales banques étrangères. Nous avons
exposé, d'une manière générale et sommaire,
l'origine et le développement du commerce de
banque ; nous avons analysé et discuté, avec
l'étendue que réclamait l'importance du sujet,
les principales fonctions des banques; en un
mot, nous avons considéré les banques d'une
manière abstraite ; nous allons maintenant
faire connaître l'histoire et la constitution des
principales banques établies dans les divers
Etats civilisés, c'est-à-dire, faire succéder à
un chapitre d'économie politique pure un' cha-
pitre d'Histoire et de géographie économiques.
— Banque d'Angleterre. Les opérations de
banque, telles qu'elles existent aujourd'hui en
Angleterre, datent seulement de 1040. A cette
époque, le change des monnaies était encore,
comme leur fabrication, un monopole royal.
•Les négociants en métaux précieux remet-
taient à la monnaie leurs lingots et espèces
étrangères, et les en retiraient sous forme de
monnaie anglaise au fur et à mesure de leurs
besoins. Jusqu'en 1640, la couronne avaitassez
généralement compris qu'il était de son intérêt
. de respecter ces dépôts ; mais, à cette époque,
CharL-s 1" ayant besoin d'argent et ne pou-
vant en obtenir du parlement, s'appropria les
fonds confiés à sa garde, qui s'élevaient alors
à 120,000 livres sterling. Les récriminations
que cet acte souleva furent si vives, que les
deux tiers de cette somme furent restitués à •
l'instant même, et le surplus remboursé avec
intérêt dans le cours de 1 année suivante.
Après une telle violation de la foi publique,
les marchands de métaux précieux s en firent
eux-mêmes les gardiens. A la même époque,
ils se mirent, comme les banquiers de Hollande
et d'Italie, à escompter le papier de com-
merce. Au lieu d'argent, ils donnaient le
plus souvent leurs propres billets, lesquels ,
transmissiblespar voie d'endossement, étaient
payables à présentation. La régularité des
marchands de métaux à remplir leurs enga-
gements fit que, pendant toute la durée des
troubles politiques , les valeurs revêtues de
leurs signatures furent préférées même à
l'argent comptant, et ces capitalistes devin-
rent à la longue les dépositaires des épar-
gnes des commerçants et les receveurs des
rentes des riches. Ce fut aussi à partir de
cette époque qu'ils commencèrent à prendre
le nom de banquiers.
Cronwell comprit à merveille tous les avan-
tages qu'il trouverait ^. vivre en bonne intel-
ligence avec ces gros détenteurs des fortunes
privées. Dans les embarras d'argent que lui
causaient ses fréquents démêlés avec le par-
lement, c'est aux banquiers qu'il avait recours;
il leur escomptait à 8 pour 100 les rentrées de
l'impôt. La régularité et la ponctualité avec
laquelle les avances étaient remboursées à
leur échéance assuraient le crédit du Trésor.
Vers la fin du Protectorat, la confiance qu'in-
spirait le gouvernement aux capitalistes et aux
hommes d'affaires était si grande, qu'ils pen-
sèrent à organiser une grande banque de dé-
pôts et d'émissions pareille à celles qui exis-
taient en Hollande et dans les républiques
italiennes. Un projet fut même soumis au
parlement, mais les événements politiques qui
ramenèrent les Stuarts le firent ajourner.
C'était alors une opinion généralement répan-
due que les banques ne pouvaient exister que
dans les républiques et qu'elles étaient incom-
patibles avec le régime monarchique.
Cependant le nouveau gouvernement hérita
de la bonne situation due à la probité finan-
cière du Protectorat, Les banquiers finirent
par se persuader qu'il ne fallait "pas s'écarter
■d'une ligne de conduite dont l'Etat s'était si
bien trouvé , et ils consentirent à servir la
Restauration comme ils avaient servi le Pro-
tectorat. Ce fut dans leurs caisses que l'on se
procura les millions nécessaires pour licencier
l'armée républicaine. Ces rudes et terribles
soldats, pour lesquels les Stuarts avaient natu-
rellement très-peu de sympathie, consentaient
bien à déposer les armes et à abandonner leurs
casernements ; mais auparavant ils voulaient
recevoir dans son intégralité leur solde, qui
était fort arriérée. Les ministres de Charles II
furent si satisfaits du service que leur rendi-
rent, en cette circonstance, lesbanquiers,qu'ils
déclarèrent que sans eux il n'y avait pas de
gouvernement possible.
Pendant dix ans, le nouveau régime tint,
tant bien que mal, ses engagements. Mais, en
1672, Charles II désespérant d'obtenir du par-
BAN-
BAN
BAN
BAN
165
lement l'argent qui lui était .nécessaire pour
soutenir la guerre de Hollande, s'appropria
les avances des banquiers , lesquelles mon-
taient alors à 33 raillions de francs. En com-
pensation du capital ainsi volé, on offrit un
intérêt de 6 pour 100 qui ne devait être payé
qu'une fois. Ce coup de finance, ainsi que l'ap-
pellent les écrivains du temps, fit de nouveau
rentrer sous terre tous les projets d'établisse-
ment d'une banque nationale. Ces projets ne
devaient reparaître que sous un gouvernement
qui placerait le respect de ses engagements
financiers au premier rang de ses devoirs.
Pendant les six premières années qui sui-
virent la révolution de 1688 , les projets de
banque continuèrent à rencontrer 1 opposition
ardente des financiers et des publicistes, qui
ne croyaient pas à la possibilité de l'existence
de ces établissements dans une monarchie.
Mais, en 1694, les conditions nouvelles du gou-
vernement, en assurant la convocation an-
nuelle du parlement, semblèrent à quelques
capitalistes présenter toutes les garanties dé-
sirables. Une compagnie, à la tête de laquelle
étaient l'Écossais William Patterson et les
frères Godfrey, offrit au gouvernement une
avance de 1,200,000 livres st. (30 millions de
francs), à condition de lui assurer un service
d'intérêt de 8 pour 100, et la permission de
faire des escomptes au moyen de billets au
.porteur, remboursables à vue. L'émission ne
devait pas dépasser le capital avancé au gou-
vernement. Le parlement accepta ces offres,
et c'est de la sanction royale donnée le 27
juillet 1694 à cette proposition , que date la
fondation de la banque d'Angleterre.
Dès les premiers jours de son existence, la
banque eut à se défendre contre tous les finan-
ciers qui n'avaient point été admis à profiter
de son privilège et contre les ennemis du gou-
vernement. Une partie considérable de la pro-
priété territoriale lui était hostile. Dès 1G96,
ces influences réunies furent assez considé-
rables pour obtenir du parlement l'autorisation
de créer une banque territoriale. Ce nouvel
établissement, fondé au capital de 2,3(M,000
livres, lequel capital fut, "ainsi que celui de la
banque d Angleterre , entièrement prêté au
gouvernement, se flattait de réaliser de grands
bénéfices en faisant des prêts hypothécaires
à 3 pour 100. Loin de se prêter un mutuel
concours, les deux banques se firent la guerre.
Dans l'espérance d'entraîner la chute de la
banque d'Angleterre, la banque territoriale lui
fit présenter d'un seul coup 30,000 liv. de billets
à rembourser. Malgré le refus que fit la banque
d'Angleterre de payer ces billets à l'instant
même, son crédit n'en souffrit que fort peu. La
banque territoriale tomba en moins de deux
ans. La banque d'Angleterre se chargea de
sa liquidation, ce qui fut pour elle l'occasion
de doubler son capital et de demander de
nouveaux'priviléges au gouvernement.
Jusqu'alors, tout en étant la plus grande
fabrique de billets au porteur du royaume, la
banque n'en ava.it pas le monopole. Tous les
banquiers avaient la faculté d'en émettre, et
des compagnies financières pouvaient égale-
ment se former dans ce but. En retour des
services qu'elle rendit à l'Etat en prenant à sa
charge le passif de la banque territoriale, et
en dispensant le gouvernement de rendre le
capital de cette restitution, la banque d'An-
gleterre fut récompensée par l'engagement
?ue pritl'Etat de ne créeretnepermèttrequ'on
ormât aucun autre établissement du même
genre pendant toute la durée de sa charte. La
banque , dont l'émission était restreinte au
chiffre même de son capital, fut autorisée à
dépasser cette limite, sous la seule condition
de rembourser ses billets en espèces à présen-
tation. Faute par la banque de satisfaire à cet
engagement, les porteurs de billets étaient
autorisés à en demander le remboursement
immédiat à l'Echiquier.
: Au commencement du xvme siècle, moins
de douze ans après sa fondation , la banque
avait contre elle une partie considérable du
haut commerce. De puissants financiers s'en-
tendirent pour refuser ses billets. Pour sortir
des difficultés que lui causèrent ces hostilités,
la banque eut besoin de tout l'appui dont pou-
vait disposer le gouvernement, et des sacri-
fices durent être imposés à ses actionnaires.
A partir de cette époque, la situation de la
banque se trouva à peu près assurée ; aussi la
grande préoccupation de ses gouverneurs
tut-elle de profiter des embarras financiers de
l'Etat pour prolonger son privilège et conso-
lider son monopole. En 1709, moyennant unB
avance de 2,500,000 livres st., obtenue à l'aide
d'un doublement de capital, et que le gouver-
nement employa à retirer de la circulation
ses bons de l'Echiquier, la banque obtint qu'à
l'avenir les émissions de ces bons ne se fe-
raient qu'après qu'on se serait entendu avec
elle. En vertu du même acte parlementaire,
les opérations de banque furent interdites
aux compagnies composées de plus de six
personnes,- et le privilège fut prolongé jus-
qu'en 1742. En outre, moyennant une avance
gratuite de 100,000 livres , la banque s'as-
sura pour la première fois le droit d'être
avertie un an à l'avance de toutes les modi-
fications que le gouvernement croirait devoir
apporter à l'exercice de ses privilèges. Neuf
ans plus tard, en 1718, elle accepta la conso-
lidation à 5 pour 100 de toutes les sommes qui
lui étaient dues par l'Etat, mais elle se fit au-
toriser a élever à volonté son capital et à ne
pas se soumettre aux dispositions de la loi sur
le taux de l'intérêt; le retrait de son privilège
à l'expiration de sa charte fut en outre subor-
donné au remboursement préalable de ses
avances à l'Etat. De 1717 a 1720, on la vit
rivaliser de folie avec la fameuse compagnie
de la mer du Sud, a propos des chimériques
projets que les directeurs de cette compagnie;
avaient conçus pour liquider la dette flottante
et la dette consolidée. Heureusement pour la
banque d'Angleterre, ce fut la compagnie de
la mer du Sud qui obtint du parlement le pri-
vilège d'entreprendre les opérations qui de-
vaient entraîner sa ruine. Une fois cette ruine
devenue un fait accompli, la banque d'Angle-
terre reprit le rôle qu'elle avait déjà joué lors
de la chute de la banque territoriale. Le gou-
vernement se débarrassa volontiers sur elle
de la tâche ingrate d'amortir les effets de cet
immense désastre ; ce qui lui fournit l'occasion
de doubler de nouveau son capital , qui fut
ainsi porté à près de 9 millions de livres.
En 1722, la banque apporta une modification
grave dans la distribution de ses bénéfices.
Jusqu'alors elle en avait chaque année réparti
l'intégralité. Les oscillations avaient été par-
fois considérables d'une année à l'autre ; elles
avaient varié de 6 à 18 pour 100. Il en résul-
tait de très-graves inconvénients , auxquels
on para par la constitution d'un fonds de ré-
serve. A' partir de cette époque, les actions
se trouvèrent à l'abri de toute dépréciation
considérable.
En 1742, aux approches du renouvellement
de son privilège , le monopole de la banque
souleva des discussions très-vives et très-ani-
mées, en dehors du parlement il est vrai.
Malheureusement pour le public, le gouver-
nement avait alors grand besoin d'argent.
Moyennant un prêt sans intérêtde 1,600,000 liv.
(32 millions) pour six ans , le privilège fut
prolongé jusqu'en 1766. La charte de la banque
rut en outre révisée de façon à rendre vaines
toutes les tentatives qu'on pourrait faire pour
tourner le privilège et créer une concurrence.
Grâce à cet appui que le gouvernement et le
parlement étaient alors intéressés à accorder
a. la banque, près d'un demi-siècle se passa
sans qu'à travers bien des crises politiques et
commerciales, les billets tombassent au-des-
sous du pair. Il fallut la perturbation causée en
1745 par l'entreprise de Charles-Edouard pour
amener une dépréciation momentanée de 10
pour 100, Le haut commerce, qui avait enfin
appris a apprécier les avantages que lui pro-
curait la banque, vint a son secours. 1,600
riches négociants et banquiers s'engagèrent a
soutenir son papier par tous les moyens pos-
sibles. L'année suivante, la banque était assez
bien remise de cette secousse pour procurer
au gouvernement les ressources nécessaires à
la consolidation d'un million sterling de bons
de l'Echiquier, au moyen d'une nouvelle aug-
mentation du capital social, qui fut alors porté
à près de 11 millions de livres sterling.
Les théories qui tendent à remplacer la cir-
culation métallique par une circulation fidu-
ciaire n'étaient pas nées. La banque croyait
qu'il y allait de sa sûreté de n'avoir que d'assez
gros billets. Pendant soixante-quatre ans, ses
plus petites coupures furent de 20 liv. (500 fr.) ;
ce fut seulement à partir de 1759 qu'elle émit
des billets de 15 liv. (375 fr.) et de 10 liv.
(250 fr.). En 1766, elle acheta, comme toujours,
moyennant finances (savoir : un cadeau de
120,000 liv. — 3 millions — et une nouvelle
avance de 1 million sterl. — 25 millions — à
3 pour 100), le renouvellement de son privi-
lège, qui fut prolongé jusqu'en 1787.
Grâce au progrès de la science économique,
le public commençait à sentir que les avan-
tages du monopole étaient largement ba-
lancés par les inconvénients. La circulation
fiduciaire était presque entièrement renfermée
dans Londres. Le reste du pays n'en profitait
en aucune façon. Sans le rempart que le pri-
vilège de la banque trouvait dans l'interdiction
légale des opérations de banque aux sociétés
de plus de six personnes, les grands centres
industriels et commerciaux auraient assuré-
ment vu se créer dans leur sein de puissantes
institutions de crédit. L'initiative individuelle
tenta d'accomplir ce qui était interdit à l'esprit
d'association. De 1770 à 1790, les banques d'é-
mission de province se multiplièrent dans la
f>roportion de douze à quatre cents. C'est avec
e concours de ces établissements que l'An-
gleterre,.qui n'avait pas encore un seul canal,
construisit son réseau de canaux et se mit a
cet égard, en moins de vingt-cinq ans, presque
au niveau de la Hollande. Pour ébranler la
puissance des établissements de crédit qui
avaient permis l'accomplissement de si grandes
œuvres, il fallut la profonde perturbation éco-
nomique produite par le premier choc do la
Révolution française. La grande crise de 1792
compromit le crédit de plus de trois cents
banques sur quatre cents, et amena la suspen-
sion de plus de cent de ces établissements.
Grâce à son privilège, à l'importance des
intérêts qui se sentaient solidaires de sa fortune,
la banque d'Angleterre résista plus longtemps.
Mais les nombreux emprunts émis par le gou-
vernement et les avances considérables, qu'à
moins de s'exposer à laisser protester la signa-
ture du Trésor, la banque fut obligée de faire,
la contraignirent, au commencement de 1797,
à suspendre ses payements en espèces. La
banque d'Angleterre était alors dans la cent
troisième année de son existence. Le monde
commercial comprit très-bien tout ce que cette
situation avait de fortuit et d'accidentel. Au
lieu de se décourager, quatre mille des prin-
cipaux négociants de la Cité s'engagèrent à
soutenir le crédit des billets de banque. Un
acte parlementaire voté d'urgence régla, sur
un nouveau pied, les rapports de la banque
tant avec le publie qu'avec le gouvernement.
Les avances au Trésor, qui, d'un maximum de
150,000 liv. qu'elles avaient atteint pendant la
guerre d'Amérique, s'étaient, depuis le com-
mencement de la guerre avec la France, suc-
cessivement élevées à près de 8 millions sterl.,
furent limitées à 6 millions sterl. ; faculté fut
donnée aux déposants de sommes supérieures
à 500 liv, de réclamer leur remboursement les
trois quarts en espèce;. tout payement fait en
billets de banque avec l'acceptation du créan-
cier fut déclaré irrévocable; le Trésor s'en-
gagea à recevoir ces billets au pair en paye-
ment des impôts, et à acquitter au comptant
par l'intermédiaire de la banque les dépenses
de l'armée et de la marine. L ensemble de ces
mesures eut pour effet de maintenir le crédit
de la banque; le public accepta sans défiance
les nouveaux billets de 2 et de 1 liv., et les
déposants en comptes courants, loin d'user de
la faculté qui leur était laissée, réclamèrent à
peine le seizième de leurs dépôts. Il n'en fallut
pas davantage pour ramener en abondance les
métaux précieux; des voix s'élevèrent alors
dans le parlement pour demander la" reprise
des payements en espèces et signaler les in-
convénients de toute sorte qu'entraînait le
monopole. ,Les directeurs de la banque, qui
avaient fait bon marché du cours forcé, s a-
larmèrent des attaques dirigées contre leur
privilège. Ce privilège avait encore douze ans
a courir; moyennant une avance de 3 millions
de livres (75 millions de francs) sans intérêt
pendant six ans," on obtint une. nouvelle proro-
gation de vingt ans à partir de 1812.
La rupture de la paix d'Amiens ayant écarté
toute espérance de reprise du payement en
espèces, le public, qui jusqu'alors avait assez
bien accepté le cours forcé, commença à s'ef-
frayer des résultats d'une guerre dont per-
sonne ne pouvait prévoir le terme. Les énor-
mes émissions de billets eurent leur effet
ordinaire ; l'argent se cacha, et les'-billets su-
birent une dépréciation. En cette circonstance,
les hommes d'Etat anglais tinrent exactement
le même langage qu'avaient tenu dix ans au-
paravant les hommes d'Etat français dans la
Convention; leurs efforts pour Stimuler les
défaillances de l'esprit public n'eurent pas de
meilleurs résultats qu'en avaient eu les re-
proches d'incivisme et de manque de patrio-
tisme. La chambre des Communes eut beau
déclarer qu'à ses yeux le billet de 1 liv. sterl.
et un souverain avaient une valeur identique,
lord Stanhope eut beau proposer d'assimiler
à des .délits les différences que l'on établissait
entre les guinées et les bank-notes, rien n'y
fit. La dépréciation fut un moment de 7 schef-
lings par livre sterling.
La reprise des pavements en espèces eût
dû, aux termes de la loi, avoir lieu un an après
la conclusion de la paix générale; mais les
conséquences des extravagantes spéculations
qu'enfantèrent successivement le blocus con-
tinental, l'ouverture des ports de l'Amérique
méridionale, enfin la paix générale elle-même,
nécessitèrent la prolongation du cours forcé,
qui ne cessa qu'en 1819. La mesure législative
connue sous le nom d'acte de 1819 n eut pas
pour effet, ainsi que le prétendent même en
Angleterre nombre d'écrivains et d'orateurs
ignorants, de ramener brusquement la valeur
du papier au niveau de celle de l'or. Cet acte
ne rit que sanctionner un état de choses exis-
tant depuis déjà trois années. En 1816, la dif-
férence entre l'or et le papier avait disparu
brusquement, et cela sans intervention du
pouvoir législatif.
Le rétablissement des payements en espèces
entraîna le retrait des billets de moins de
5 liv. sterl. (125 fr.); alors, comme aujourd'hui,
les petites coupures étaient un sujet d'inquié-
tude et de tourment pour la banque. Ne pou-
vant arriver à faire supprimer ces petites
coupures en Irlande et en Ecosse, la banque
n'en voulut à aucun prix en Angleterre, même
dans les localités ou ses billets n'avaient pas
de circulation et étaient à peine connus. Dans
les comtés du nord voisins de l'Ecosse, les
billets de 1 liv. des banques d'émission de ce
pays , bien que dépourvus de la protection
dont ils jouissaient dans les limites de leur
circonscription, s'étaient introduits dans les
transactions privées. Les fermiers les rece-
vaient sans diificulté, et c'était avec ces billets
que se payaient les sept huitièmes des fer-
mages. Cet état de choses durait depuis
soixante-dix ans, à la satisfaction générale; la
banque d'Angleterre, qui voyait d'un mauvais
œil cette circulation différente de la sienne,
en obtint la suppression au grand détriment
des parties intéressées. La répugnance qu'elle
éprouvait pour les petites coupures n'a jamais
été partagée au même degré par les banquiers
de province. Parmi ces derniers, quelques-uns
des plus éminents ont, au contraire, soutenu
que l'absence de ces coupures contribuait
toujours à aggraver les embarras monétaires
amenés par les disettes et les crises indus-
trielles et commerciales. Le parlement a sou-
vent entendu d'éminents orateurs développer
les mêmes idées; mais toujours il s'est trouvt
des majorités considérables pour voter le
maintien du statu quo..
Le caractère complètement pacifique de la
période écoulée entre 1819 et 1832, époque
fixée pour le renouvellement du privilège,
avait permis au gouvernement de ne pas re-
courir aux offres de services toujours usuraires
de la banque., N'ayant rien demandé à cet
établissement depuis la paix, l'Etat se trouvait
à peu près libre de ses mouvements, et, pour
la première fois depuis la fondation de la
banque, on était en puissance de stipuler dans
l'acte de renouvellement du privilège quelque
chose en faveur du public. Les grandes banques
d'escompte et de dépôts (joint Stocks Banks) qui
existent aujourd'hui étaient encore à créer,
mais on n'attendait pour cela qu'un moment
favorable. La banque d'Angleterre, qui entre-
voyait là une rivalité formidable, sollicita des
dispositions législatives pour empêcher la
réalisation" pratique de ces projets : cela lui
fut refusé. L'acte de 1832 se contenta de
maintenir dans son intégrité le privilège d'é-
mission tel qu'il existait alors. Ce privilège
continua d'être refusé aux sociétés de plus de
six personnes fonctionnant à Londres et dans
une circonférence de soixante-cinq milles de
la banque d'Angleterre ; sur les autres opéra-
tions, telles qu escompte et dépôt, l'acte gar-
dait le silence. Tant que la banque rembour-
serait les billets en espèces, le caractère de
monnaie légale restait attaché à ces billets.
Cette innovation, combattue par sir Robert
Peel, souleva une très-vive et très-longue dis-
cussion ; elle fut enfin adoptée par deux cent
quatorze voix contre cent cinquante-six. Le
privilège, maintenu pour dix autres années,
ne pouvait être modifié qu'autant que la banque
en aurait été avertie un an d'avance, et aussi
sous la condition d'un remboursement préa-
lable de la dette du gouvernement. En retour
de ces avantages, la banque s'astreignait à
publier périodiquement son état de situation,
et abandonnait 120,000 liv. (3 millions de
francs) sur les remises qui lui étaient payées
pour le service de la dette publique.
La période de 1832 à 1842, entièrement pa-
cifique comme la précédente, se passa aussi
sans que le gouvernement eût besoin de con-
tracter de nouvelles obligations avec la banque.
Cette période, inaugurée par trois années de
grande prospérité commerciale, fut troublée
en 1836 et 1839 parde grandes crises. On avait
voulu mener à la fois sur une grande échelle
les opérations commerciales , les entreprises
de chemins de fer et les emprunts étrangers.
Les nouveaux établissements de crédit (joint
Stock Banks) avaient prêté à cette frénésie de
spéculation une immense impulsion. Comme
toujours , les ressources s'étaient trouvées
inférieures au but poursuivi ; la crise qui s'en
suivit fut si terrible, que le crédit de la banque
d'Angleterre en fut affecté. Pour se mettre à
l'abri de l'éventualité d'une suspension de
payements, ce puissant établissement dut, en
1838, entrer en arrangement avec la banque
de France et douze des principaux banquiers
de Paris. M. Baring fut l'intermédiaire d'une
négociation dont le but était de mettre, à un
moment donné, 50 millions de capitaux fran-
çais à la disposition de la banque d'Angleterre.
Des arrangements de même nature furent pris
avec Hambourg.
Ces perturbations commerciales et finan-
cières affectèrent profondément les esprits.
Comme toujours- en Angleterre, on crut que
des enquêtes feraient découvrir les causes et
le remède du mal; comme toujours, on vit
dans ces enquêtes chacun des intérêts mis en
jeu s'excuser aux dépens de son voisin. Les
banques par actions (joint Stocks Banks) étaient
incontestablement, parmi les éléments qui
avaient provoqué les deux crises de 1835 et
1839 , celui qui avait donné lieu aux plus
grands excès , aux plus grands scandales.
Nombre de gens croyant que ces scandales et
ces excès étaient inhérents à la nature même
de ces établissements, en demandaient la sup-
pression. La banque d Angleterre se fit l'écho
des mêmes plaintes et des mêmes vœux. Heu-
reusement pour l'Angleterre, l'honorabilité et
l'habileté patentes avec lesquelles quelques-
unes de ces banques étaient conduites, la soli-
dité qu'elles avaient montrée pendant la crise
de 1839, en sauvèrent le principe et conser-
vèrent au pays un des plus puissants ressorts
de sa prospérité actuelle. Ne pouvant encore,
pas plus qu'en 1833, atteindre les joint Stocks
Banks, la banque d'Angleterre essaya de se
débarrasser des banques de province.
En mai 1844, au moment où fut porté au
parlement le bill destiné à renouveler le pri-
vilège, le public, qui, dans les dernières en-
quêtes, avait trouvé plus de confusion que de
lumières, était assez disposé à laisser au gou-
vernement toute la responsabilité des mesures
à prendre. De son côté, le gouvernement, sen-
tant la nécessité d'apporter des réformes, te-
nait à étayer la nouveauté de ses propositions
sur l'autorité, toujours très-respectée, des di-
recteurs de la banque d'Angleterre; il s'en
suivit que la nouvelle législation fut, dans son
esprit comme dans son texte, l'œuvre presque
exclusive de la banque.
Pendant la période précédente, la banque,
aiguillonnée par la concurrence, s'était par-
fois laissée aller à trop favoriser les escomptes,
ce qui, en certaines circonstances, avait abaissé
son encaisse métallique à un niveau compro-
mettant pour sa sécurité. Dès 1841, frappés
des dangers auxquels les avait exposés leur
mode de distribution de crédit, les directeurs
de la banque avaient cru devoir séparer les -
opérations de banque, proprement dites, des
opérations d'émission, et régler leur circula-
166
BAN
tion, tant fiduciaire que métallique, d'après les
mêmes principes que si cette circulation mixte
eût été purement métallique : de la la division
de la banque en deux départements, établie
Ï)ar la nouvelle loi. On avait remarqué que
a quantité de billets demandée par le public
n'avait jamais été au-dessous de 14 millions
de livres. La loi déclara que la banque émet-
trait cette" quantité de billets sur la seule ga-
rantie de la dette du gouvernement, s'élevant
à il millions sterl., et de 3 millions sterl. de
fonds publics déposés, à cet effet, au départe-
ment de l'émission ; tous les autres billets de-
mandés au département de l'émission devaient
y être représentés par des espèces métalli-
ques. Les autres opérations de banque telles
que dépôts, escompte, etc, furent confiées k
un autre département , qui doit y pourvoir
avec les ressources que lui procurent le re-
nouvellement continu de son portefeuille, de
ses dépôts, et la disponibilité de ses placements
en fonds publics. Cette division des opérations
assure, il est vrai, une sécurité complète à la
circulation fiduciaire; mais elle présente l'a-
nomalie suivante : les ressources que, léga-
lement, la banque doit mettre a la disposition
du public, peuvent être épuisées, bien que la
banque ait encore dans ses caveaux de 6 à
8 millions sterl. (150 à 200 millions de francs)
d'espèces métalliques : cela est déjà arrivé
deux fois, et, chaque fois, pour ne pas arrêter
le mouvement commercial, le gouvernement
a dû donner l'autorisation de ne tenir aucun
compte de la loi. Comme le public aurait pu
trouver, dans les banques de province qui sont
autorisées à avoir des comptoirs à Londres,
les ressources qui, a un moment donné, pou-
vaient manquer k la banque d'Angleterre, la
circulation fiduciaire de ces banques fut limi-
tée au chiffre qu'elle avait alors ; et , en com-
pensation des entraves apportées au dévelop-
pement de ces établissements, il fut interdit
d'en établir de nouveaux. En vertu de deux
autres clauses, la banque d'Angleterre put ache-
ter aux banques de province leur droit d'émis- .
sion et , en cas de faillite ou de renonciation
de ces banques à ce droit d'émission, remplacer
par ses propres billets les 2/3 de leur circula-
tion. Cet ensemble de mesures, selon l'aveu
de sir Robert Peel, qui assumalaresponsabilité
de leur présentation au parlement, devait en
moins de dix ans amener la suppression des
banques de province. Sur ce point l'attente des
auteurs du bill de 1844 a encore été déçue.
Les banques de province se sont trouvées avoir
plus de vie qu'on ne le supposait, et la banque
d'Angleterre a depuis longtemps cessé de viser
à leur absorption.
La clause relative au renouvellement du
privilège a un peu mieux répondu au but non
avoué que s'en proposaient ses auteurs. Toutes
les lois précédentes avaient indiqué une époque
fixe pour la mise en discussion du renouvelle-
ment de ce privilège. Ce moment venu, il fallait,
bon gré mal gré, remettre de nouveau la charte
de la banque en question. La disposition qui
porte qu'à partir du 1er août 1855 cette charte
pourra être révisée un an après qu'avertisse-
ment en aura été donné, a jusqu'à présent
admirablement servi au maintien indéfini de
ce monopole, et cela s'explique aisément quand
on songe que, dans tous les pays, les hommes
d'Etat ont une tendance très-prononcée a ne
s'occuper des questions d'affaires qu'autant
qu'ils y sont contraints par les circonstances
du moment. A la suite des crises de 1847, 1848,
1857 et 1858, des enquêtes ont, comme toujours,
été ordonnées. Ces enquêtes, dans lesquelles
on a surtout entendu des gouverneurs et di-
recteurs de la banque, n'ont manifesté de la
Ïiart de ceux-ci aucun désir de voir apporter
a moindre modification à l'acte de 1844, bien
au contraire. Or, s'il est un fait bien acquis,
bien établi, c'est que, sous le régime de cet
acte, les crises commerciales et monétaires ont
été plus fréquentes qu'auparavant, et qu'avec
un encaisse métallique beaucoup plus consi-
dérable, la moyenne du taux de l'escompte a
été, par une anomalie étrange, beaucoup plus
élevée. Bien que l'acte ait aujourd'hui (1866)
vingt-deux ans d'existence, et que les incon-
vénients qu'on lui reproche aient été signalés
dès 1847, le parlement et le gouvernement,
heureux de trouver dans la loi un prétexte
d'ajournement indéfini, ont laissé dans l'ombre
une question qui serait pourtant bien digne
d'être examinée de nouveau.
— Banques de dépôt en Angleterre. On ap-
pelle ainsi les banques qui servent des intérêts
sur leurs dépôts, ainsi que sur le solde dèbi-
' teur de leurs comptes courants. Ces banques,
qui exigent, tant comme fonds de roulement
que comme fon^s de garantie, un capital con-
sidérable, sont par actions. De là le nom de
joint Stocks Banks sous lequel elles sont dési-
gnées en Angleterre. Leur origine est assez
récente.. Elle date, en Angleterre, de 1834,
époque où fut abolie la disposition législative
qui, en 1708, avait interdit, à Londres et dans
un rayonnement de 65 milles, les opérations
de banque aux sociétés composées de plus de
six personnes. En France, le premier essai
n'en a été fait qu'en 1859.
L'établissement de ce système de banques a
été des [ilus laborieux. Le champ d'action que
leur fit d'abord la loi était des plus restreints;
la faculté d'ester en justice ne leur était pas
reconnue, et la question de savoir jusqu'à quel
point la faculté de faire des escomptes s'éten-
dait à l'acceptation des traites, lettres de
change et effets de commerce à échéance de
BAN
moins de six mois, était si peu déterminée
qu'elle devait être, pour la première de ces
banques, l'objet d'un long procès. Bien qu'au-
torisées par la loi, ces sortes de banques
avaient contre elles, en commençant, l'hosti-
lité bien nette et bien déclarée de la banque
d'Angleterre, et l'opinion de presque tous les
potentats financiers, qui déclaraient ce système
banquier bon pour l'Ecosse, mais tout à fait
inapplicable en Angleterre, et surtout à Lon-
dres. « Les habitudes commerciales, disait-on,
ne s'y prêtaient pas ; tous les capitaux qui se
lanceraientdans de pareilles entreprises, même
en les supposanthonnêtement conduites, chose
réputée presque impossible, devaient être in-
failliblement perdus. » Heureusement, il se
.trouvait alors dans le monde financier un
homme de taille à lutter à la fois contre cette
coalition de la malveillance et de l'esprit de
routine, et k sortir victorieux de la lutte. Cet
homme, c'était l'administrateur heureux et
expérimenté d'une grande banque provinciale,
M. William Gilbart. Familiarisé depuis plus
de vingt ans avec toutes les opérations de
banque, depuis les plus grandes jusqu'aux plus
petites, parfaitement au courant des habitudes
et des besoins périodiques d'argent des diver-
ses industries et branches de commerce de
son pays, M. Gilbart possédait à un degré re-
marquable des qualités dont la réunion est
ussez rare. Comme tous les vrais hommes
d'affaires, il savait admirablement exposer en
public, dans" des réunions d'hommes d'Etat,
de financiers, de banquiers, de grands com-
merçants, aussi bien que devant des assem-
blées d'actionnaires et de gens du monde, les
conceptions de son intelligence et les faire
passer dans l'esprit de ses auditeurs. A ce don
de bien parler et d'exposer avec méthode, qui,
même ailleurs qu'en Angleterre, n'est pas rare
chez les hommes de finance, M. Gilbart joi-
gnait une autre qualité, qui, pour être presque
aussi indispensable, se rencontre moins sou-
vent; il savait écrire. Les qualités de sa pa-
role se retrouvent dans son style. Qu'on ouvre,
à n'importe quelle page, un de ses traités de
banque, un de ses pamphlets de finance, ou
qu'on parcoure une de ces longues et minu-
tieuses enquêtes parlementaires dans les-
quelles il eut maintes fois à s'expliquer, pen-
dant des journées entières, devant les plus
hautes autorités financières de son pays, les
uns et les autres de ces documents, qui ap-
partiennent k l'histoire banquière et commer-
ciale de la Grande-Bretagne, ont la même lu-
cidité, la même puissance de communication.
Il ne fallait rien moins qu'un tel homme pour
inaugurer le nouveau système. Le 10 mars
1834, quelques jours aprè3 le vote de l'acte
du parlement, qui permettait la création de
sociétés de banques par actions, M. Gilbart
fondait la première association banquière de
ce genre , la London and Westminster Bank,
sur les bases suivantes : l° le capital, fixé
d'abord à 50,000 liv., et qui devait successive-
ment être porté à 5 millions sterl., était divisé
entre un nombre illimité d'actionnaires, tous
indéfiniment responsables vis-à-vis du public ;
2" une partie du capital souscrit, le cinquième
seulement, était versé; les autres quatre cin-
quièmes restaient entre les mains des action-
naires, à titre de garantie vis-a-vis des tiers ;
3° une allocation d'intérêt d'au moins 2 pour
100 était faite aux dépôts; faculté était laissée
aux déposants de retirer immédiatement tous
les dépots de moins de 1,000 liv. Le retrait de
sommes plus considérables devait être an-
noncé quelques jours d'avance; 4<> tout dépo-
sant avait, comme dans les banques écossaises,
droit à un compte courant, par le fait même
de son dépôt; 5" l'admission au compte cou-
rant devait également avoir lieu au profit do
tous les commerçants qui, faute de dépôts,
consentiraient, moyennant une légère com-
mission, a charger la banque de tous leurs re-
couvrements et du règlement de leurs comp-
tes ; 6» faculté était laissée de transformer
l'excédant créditeur des comptes courants en
dépôt; mais, dans ce cas, les intérêts n'é-
taient dus qu'au bout d'un mois. Faculté était
également laissée de transporter aux comptes
courants tout ou partie du compte des dépôts.
L'impulsion nouvelle que la London and
Westminster Bank devait donner aux affaires
commerciales se trouve là tout entière. Le
mode d'opérations, arrêté dès le premier jour,
s'est trouvé si avantageux, et pour le public
et pour la banque, que trente-deux années se
sont écoulées sans qu'on y ait rien changé.
L'adoption du principe delà responsabilité in-
définie des actionnaires constituait, pour lo
public, une garantie plus sérieuse que cella
que lui présentaient alors les banques particu-
lières. Dans la plupart des nombreuses faillites
de banquiers qui avaient eu lieu auparavant,
il avait été impossible aux créanciers de se
partager la fortune personnelle des faillis les
plus solvables, parce que cette fortune, cause
du crédit qu'avait accordé le public, se trou-
vait, sans qu'on s'en doutât, tout à fait en de-
hors des opérations de banque. La conserva-
tion, entre les mains des actionnaires, de la
plus forte partie de leur souscription avait
pour but de fournir au public un surcroît de
garantie pour ses dépôts.
Les commencements de cette institution de
crédit, comparés à sa puissance actuelle, fu-
rent relativement modestes. Le capital social
n'était d'abord que de 50,000 liv. ; cependant,
il n'entra jamais dans la pensée de ses fonda-
teurs de n'avoir qu'un petit capital, afin de
BAN
pouvoir se distribuer de plus gros dividendes.
Tout en voulant rémunérer largement la con-
fiance de leurs actionnaires, les fondateurs de
la London and Westminster Bank, qui avaient
conscience du rang que devait prendre leur
œuvre parmi les institutions nationales, ne
perdirent jamais de vue les garanties qu'ils
devaient au public. Au fur et à mesure de
l'augmentation de leurs affaires, ils élevèrent
leur capital social, qui fut successivement
porté k 200,000 liv., 600,000 liv., et enfin à
5 millions sterl. Lors de la formation de la
banque, les banquiers de Londres ne servaient
point d'intérêts sur les dépôts -, une pareille
opération leur semblait insensée. En allouant à
ces dépôts un intérêt en proportion avec l'in-
térêt de l'argent à la Bourse et à la banque,
on comptait, non sans raison, attirer une
grande partie de ces dépôts. Là législation
sur les caisses d'épargne, qui fixa k 30 liv.
le maximum des versements, et k 150 liv. le
maximum des dépôts, devait également dé-
lourner vers la nouvelle banque une grande
partie des fonds qui avaient auparavant pris
le chemin de ces caisses. La nouvelle mé-
thode de comptes courants, tout en faisant
profiter les petits commerçants des bienfaits
du crédit, bienfaits qui jusqu'alors avaient été
à peu près réservés aux riches, eut encore
l'immense avantage, pour .une société com-
merciale, de vulgariser la connaissance des
opérations de banque.
Les commencements de cette institution de
crédit furent, avons-nous dit, très-difficiles.
Les administrateurs sollicitèrent du parlement
un acte spécial pour être autorisés a ester en
justice. La banque d'Angleterre protesta. En
dépit de cette opposition, que seconda le gou-
vernement, la chambre des Communes vota
le bill à une majorité considérable. On ne fut
pas aussi heureux à la chambre des lords, ce
dernier appui des vieux privilèges, des mono-
poles condamnés par le temps : le bill n'y ob-
tint pas les honneurs d'une seconde lecture.
On para aux inconvénients, résultant de cette
absence de dispositions législatives formelles,
en obtenant de l'assemblée générale une dé-
cision qui déléguerait à cinq fidéicommissaires
tous les pouvoirs généraux des actionnaires.
Plus libérale que la législation, la jurispru-
dence considéra cette délégation comme con-
férant suffisamment le droit de représenter la
société. Plus tard, le' parlement tint k ne pas
se laisser devancer par les tribunaux, et ac-
corda enfin un droit aussi nécessaire. La London
and Westminster Bank ne fut pas plus heureuse
dans les efforts qu'elle fit pour avoir un compte
ouvert k la banque d'Angleterre, et être ad-
mise au Clearing House; ce compte courant et
cette admission lui furent également refusés.
Cette exclusion du Clearing Bouse, qui devait
également atteindre les autres joint Stocks
Banks (banques par actions), formées sur le
modèle de la London and Westminster Bank,
était une grande entrave. Ces banques étaient
ainsi privées de l'avantage de régler leurs
opérations en chèques, et obligées d avoir une
réserve de billets et d'écus très-considérable.
Cette exclusion s'est prolongée jusqu'en 1855.
Malgré toutes ces entraves, la London and
Westminster Bank prospérait; elle traversait
avec bonheur de grandes crises commerciales
et financières. Les craintes et les préjugés du
monde des affaires, à l'égard des joint Stocks
Banks, allaient en «'amoindrissant, et, devant
ce succès, de nouveaux établissements du
même genre étaient en voie de se former. La
banque d'Angleterre s'alarma; elle fit relire
la charte par ses légistes, qui y découvrirent
qu'il n'était pas bien sûr que les nouveaux
établissements de crédit eussent le droit d'ac-
cepter des traites et effets de commerce ayant
moins de six mois d'échéance. Portée devant
toutes les juridictions, la question y fut d'a-
bord tranchée en faveur de Va London and
Westminster Bank; mais, en dernier ressort, à
la chambre des lords, la banque d'Angleterre
triompha. Ce triomphe ne nuisit pas beaucoup
au vaincu. Les cent cinquante .banques pro-
vinciales, avec lesquelles l'institution de cré-
dit dirigée par M. Gilbart était en relations
d'affaires , inscrivirent sur leurs traites les
mots tirées sans acceptation. Grâce k cette
formule, le procès gagné par la banque d'An-
gleterre restait sans effet. Cette issue du dif-
iérend des deux banques fit disparaître les
raisons qui empêchaient les capitalistes de
suivre la voie si heureusement parcourue par
M. Gilbart. De 1836 à 1839, Londres vit se
former la plupart des grandes sociétés ban-
quières qui, aujourd'hui, sont encore au pre-
mier rang de ses institutions de crédit, telles
que la London joint Stocks Bank, la London and
Westminster Bank, la London Bank, la City
Bank, la London and Country Bank, l'Union
Bank. Ces grands établissements ont établi
de nombreuses succursales et réalisé chaque
année des bénéfices de plus en plus considé-
rables, qui leur permettent de distribuer des
dividendes de 18 k 25 pour 100. La confiance
que leur témoigne le public a été sans cesse en
s'accroissant, ainsi que le témoigne l'élévation
continue du chiffre de leurs dépôts et de leurs
engagements de toute nature. En juin 1865,
ce chiffre, pour quatre de ces établissements
qui avaient alors rendu leurs comptes semes-
triels , était de près de 48 millions sterl. ,
savoir : London and Westminster Bank, 19 mil-
lions 1/8 sterl.; City Bank, près de 5 millions
sterl.; Union Bank, 19 millions sterl.; Bank
of London, 14 millions 1/2 sterling.
'BAN
L'organisation intérieure de ces grandes
sociétés est k peu près la même. Leurs suc-
cursales ont été organisées de manière à ser-
vir avant tout les intérêts des localités où
elles sont placées. On s'est attaché k ce que
leurs opérations eussent un caractère aussi
indépendant, aussi spontané que possible. L'é- *
tablissement principal pèse très-peu sur la li-
berté d'action de leurs administrateurs. La
gestion de ces succursales n'en est pas moins
l'objet d'une très-grande vigilance; leur si-
tuation est mise tous les jours sous les yeux
des chefs de l'établissement principal.
En dehors des services que ces institutions
de crédit rendent au commerce, elles remplis-
sent encore, vis-h-vis des municipalités, des
paroisses et de tous les grands intérêts collec-
tifs, le même rôle que la banque d'Angleterre
remplit vis-k-vis de l'Etat, en encaissant les
revenus et en acquittant les dépenses.
Ces établissements ont eu, en général, la
sagesse de comprendre que les antagonismes
financiers, qui peuvent parfois satisfaire des
vengeances personnelles et de mesquines ran-
cunes, ne produisent, en somme, rien de bon,
et entraînent souvent des ruines. Ce sont les
fondateurs de la London and Westminster Bank,
qui, les premiers, ont donné l'exemple de cet
esprit de concorde et de bonne intelligence.
Au lieu de rencontrer dans cet établissement
cette hostilité dont la banque d'Angleterre
avait poursuivi se3 commencements, les au-
tres institutions y ont toujours trouvé un
appui et un concours sincère et loyal. Les unes
et les antres n'ont eu qu'à s'applaudir de la
nature de leurs relations mutuelles. On a pu
ainsi traverser, plus facilement qu'il n'était
arrivé à la banque d'Angleterre de le faire,
de grandes et formidables crises financières,
monétaires, commerciales, et supporter sans
trop de perte le coup et le contre-coup de dér
sastreuses catastrophes. Ces banques opèrent
à peu près toutes de la même manière, et
toutes en même temps. Le taux de l'intérêt
qu'elles servent sur leurs dépôts est d'environ
une à deux unités au-dessous du taux d'es-
compte de la banque, et c'est avec cette diffé-
rence qu'elles réalisent leurs énormes bé-
néfices.
Ces grandes agglomérations de capitaux
n'ont ni gouverneurs ni présidents permanents.
Leur administration est confiée à douze direc-
teurs, se renouvelant annuellement par quart,
et dont le traitement varie de 4,000 à 6,000 liv.,
ce qui permet de se procurer pour ces fonctions
de réelles capacités. Partout, les employés
signent l'engagement de garder vis-à-vis du
public le secret le plus absolu sur le compte
des clients, et il leur est interdit d'en recevoir
aucune gratification.
— Banques d'Ecosse. Ces banques , fondées
par actions comme les sociétés anonymes,
sont administrées par des conseils d'adminis-
tration composés d'hommes honorables qui
n'ont pas d'intérêt dans l'entreprise. Tout dé-
posant est actionnaire jusqu'à concurrence du
montant de son dépôt. On lui sert un intérêt
de son argent k 3 pour 100. et, par cela
même qu'il a" fait un dépôt, il a droit à un
compte courant. Le crédit qu'on lui fait est
souvent très-supérieur au dépôt, qui peut
quelquefois être au-dessous d'une livre ster-
ling. Le système écossais, ainsi que le faisait
remarquer Blanqui aîné, est le seul qui donne
k un homme le droit de faire valoir son ca-
fiital intellectuel et moral, le seul qui donne k
a probité plus de facultés pour devenir pro-
ductrice. Ces établissements ne sont cepen-
dant exposés à aucun mécompte. Chaquo
banque a un moyen certain de connaître' la
conduite de l'homme à qui elle accorde un
crédit, et cela sans avoir recours k des moyens
odieux, k une inquisition de bas étage. Leurs
livres font leur police. Si un client cesse d'ap-
porter, k certains intervalles, de nouveaux
fonds en dépôt, et qu'il continue de demander, il
est appelé devant le conseil d'administration,
qui lui demande compte de ses irrégularités.
Ces banques rendent aussi les mêmes services
qu'en d autres pays rendent les petits ban-
quiers et les prêteurs k la petite semaine, et
elles sont exemptes de tous les abus qu'en-
gendre l'usure. Elles font aussi le service des
caisses d'épargne, mais avec des avantages que
celles-ci ne peuvent offrir. Dans les caisses
d'épargne, les versements sont périodiques et
limités,' et les retraits sont assujettis k des
formalités gênantes. Les banques d'Ecosse ne
font aucune condition à qui veut économiser.
On peut y déposer et en retirer en tout temps,
sans aucune formalité, ce que l'on veut, ce
dont on a besoin.
Comme banques de dépôts les banques d'E-
cosse ont, les premières^ donné l'exemple de
servir des intérêts. Cet intérêt est ordinaire-
ment de 3 pour 100. Grâce à ce système, tous
les capitaux qui sont momentanément inactifs
arrivent à se concentrer dans ces banques, au
grand profit de la production. L'intérêt que
l'on est obligé de servir oblige les banques
à s'ingénier pour ne pas laisser chômer les
capitaux. Ainsi, tandis que, dans les pays
ou ce système de banques n'existe pas, les
fermiers sont obligés de conserver jusqu'au
moment du payement de leurs fermages
l'argent provenant de leur récolte, conserva-
tion qui est parfois dangereuse pour eux et
toujours sans profit pour les autres, en
Ecosse, les fermiers portent cet argent aux
banques, qui leur en servent un intérêt. Si le
fermier ne trouve pas k vendre avantageuse-
BAN
BAN
Ban
BAN
16-
ment ses produits, la banque lui ouvre un cré-
dit et lui fournit ainsi la facilité de payer im-
médiatement le propriétaire, en attendant et,
parfois, en préparant un mode de vente favo-
rable. Depuis rétablissement de ces banques,
les habitudes de thésaurisation qui existent
encore sur le continent ont disparu de l'E-
cosse, et le pays a changé de face : toute éco-
nomie engendre sur-le-champ un revenu et
peut alimenter' une entreprise grande ou
petite.
Les banques d'Ecosse sont aussi des écoles
de morale. Chaque déposant est obligé de
rester honnête. Les directeurs, qui n'ont pas
d'intérêt dans l'entreprise , ont un contrôle
tout naturel sur la conduite de chaque indi-
vidu inscrit sur les registre». Un client nou-
veau se présente-t-il, avant qu'on escompte
pour ainsi dire sa probité, on s'euquiert sé-
rieusement de sa moralité et de ses antécé-
dents. Dans ce système, la probité seule, que
l'homme le plus pauvre possède s'il le veut,
est un capital qui rapporte. Ces banques ont
résolu depuis longtemps les questions de. cré-
dit foncier et agricole, tant agitées dans les
autres pays. Avec des capitaux modestes, elles
ont transformé un pays qui avait à lutter à la
fois contre les aspérités du sol et celles du cli-
mat. L'Ecosse est aujourd'hui traversée en tous
sens par des routes excellentes, parfaitement
entretenues ; les villages y sont riches, presque
coquets, tandis que dans la plupart des contrées
du continent, et notamment dans les districts
agricoles les plus riches de France, on remar-
que encore tant de malpropreté et de si pi-
toyables chemins vicinaux. Enfin, ces utiles
établissements sont en voie de faciliter la solu-
tion du grand problème qui agite les sociétés
modernes. Alors qu'en France et en Angle-
terre il y a des privilégiés qui achètent le
travail, et des masses de travailleurs qui se
voient forcés d'accepter les conditions que
leur imposent ces privilégiés, il n'en est pas
de même en Ecosse ; l'ouvrier n'y est plus un
paria. Le mécanisme des banques lui fournit
des ressources pour lutter contre les trop
grandes exigences du capital, et l'Ecosse, qui,
lors de l'expédition de Charles-Edouard en
1745, pouvait presque être comparée à la La-,
ponie, est aujourdhui, sous ce rapport, un
modèle que toutes les contrées de l'Europe
devraient imiter.
Une des plus grandes autorités économi-
ques de notre temps, M. Wolowski, expose et
apprécie en ces termes les services rendus par
ces établissements-: « C'est en servant, comme
banques de dépôt, d'intermédiaire au capital,
dont elles aident la formation successive, et
au travail, qu'elles encouragent sous toutes
les formes, que les banques d'Ecosse ont de
tout temps rendu les plus grands services. »
Dans l'émission des billets^ces banques n'ont
jamais vu autre chose que le moyen d'écono-
miser l'instrument métallique des échanges.
Le bon parti qu'elles ont tiré du papier substi-
tué à l'argent provient de ce qu'elles n'ont ja-
mais employé ce papier que dans une quantité
restreinte,' et qu'au lieu de se laisser aller à
créer établissements sur établissements, elles
ont su en borner le nombre et ont eu la saga-
cité de se réunir dans une sorte de confédéra-
tion, où elles se surveillent les unes les au-
tres. « Nées dans des conditions modestes, dit
encore M. Wolowski, guidées par l'esprit d'é-
pargne et de prévoyance, s'étendant peu à
peu, à mesure qu'elles prenaient racine dans
les habitudes de la population, réservées dans
les crédits ouverts, ces banques ont puisé leurs
forces dans les dépôts réunis , c'est-à-dire
dans un capital réellement existant, et non
dans un capital (ictif, créé au moyen du pa-
pier-monnaie. Elles fonctionnent encore, telles
qu'elles étaient lorsqu'Adam Smith leur ac-
cordait une approbation méritée. Leur orga-
nisation repose sur une hiérarchie de petits
comptoirs reliés aux banques mères , aux-
quelles ils se trouvent rattachés de manière
à ne former qu'un petit nombre de groupes
distincts. Chacun de ces comptoirs sert de ré-
servoir aux épargnes du district et fait des .
avances aux clients qui méritent confiance. De
cette manière, l'accumulation constante des
plus faibles réserves sert d'aliment à l'agri-
culture, à l'industrie et au commerce, en fai-
sant fructifier tous les instruments de tra-
vail. »
— Banque d'Autriche. Sa fondation remonte'
à 1703. Depuis sou origine, cet établissement
a été beaucoup plus un instrument de finances
entre les mains du gouvernement qu'une in-
stitution de crédit proprement dit, nien qu'à
toutes les époques il se soit chargé du service
des payements et recettes des négociants,
ait reçu des dépôts et fait des escomptes. Son
principal rôle a toujours été de servir à exé-
cuter les opérations de finances. Ainsi, de
1771 à 1811, époque où cette ban que suspendit
ses payements, ses ressources* furent presque
entièrement consacrées a soutenir -le papier-
monnaie créé par le gouvernement pour les be-
soins de la lutte contre la Révolution française.
Reconstituée en 1816, au capital de 30 millions
de florins, divisés en 50,000 actions de 30 flo-
rins, la banque s'attacha à retirer le papier-mon-
naie et y parvint. Ses émissions, fixées à 5, 10,
15, 25, 50, 100, 500 et 1,000 florins, eurent cours
forcé et jouirent du privilège d'être reçues en
payement des impôts. Son crédit fut, pendant
quelques années , très-grand. Le commerce
préférait ses billets aux. espèces. Ces billets,
dî\ns lf\s ti'nis ou quatre dernières annoq^ qui
précédèrent la révolution de 1848, firent même
prime de 2 pour 100. La situation réelle de la
banque ne justifiait pas la faveur que le public
attachait à sa circulation fiduciaire. A la lon-
gue, ses petites coupures étaient arrivées à se
trouver en quantité aussi considérable que le
papier-monnaie qu'elles avaient remplacé. La
faculté qu'avait alors la banque de tenir secret
le chiffre de sa circulation fiduciaire et celui de
sa réserve métallique fut cause de la longue illu-
sion du public, La révolution de 1848 fit la lu-
mière sur cette situation. Depuis, cette banque
a plus que jamais été un instrument de finance
entre les mains du gouvernement. Son capi-
tal, qui a été plus que doublé, a été presque
exclusivement consacré aux besoins de l'Etat,
surtout pendant et depuis la guerre d'Italie.
A la fin de 1859, son portefeuille commercial
était de 36 millions de florins, et celui de sa
circulation de 46è millions, c'est-à-dire que
jamais la situation d'une banque d'émission
n'avait présenté de différence aussi énorme
entre le crédit qu'elle demande au public et
celui qu'elle lui donne sous forme d'escompte.
Depuis cette époque, la situation s'est à peine
améliorée. Pendant l'année 1865, le porte-
feuille commercial a été-, en moyenne , de
60 millions de florins, tandis que les moyennes
des avances au gouvernement et de sa circu-
lation ont été, l'une et l'autre de 400 millions
de florins.
Le capital actuel de cette banque est de
110,250,000 florins, divisés en 150,000 actions
émises à des taux différents : 50,621 actions,
en 1818, à 1,000 florins* valeur de Vienne et
100 florins de convention en argent; 49,379
actions, en 1853, à 800 florins de convention
en valeur de banque, et 50,000 actions, en
1856, à 700 florins de convention en argent.
Ces actions jouissent d'un intérêt de 3 pour
100, soit de 30 florins par action, valeur de
convention, et, s'il y a lieu, d'un dividende
extraordinaire, payable en janvier. Ce divi-
dende, depuis dix ans, a été, en moyenne,
équivalent au taux de l'intérêt statutaire. On
le comprend dans le cours des actions à la,
bourse. L'intérêt à 3 pour 100 se calcule en
dehors du montant de la négociation; Les der-
niers statuts de la banque, en date de 1841, lui
assurent le privilège d'émission jusqu'en 1890.
Il devra être statué sur la prorogation ou
l'extinction de ce privilège, quatre ans à l'a-
vance, en 1886. Au termes des statuts, la cir-
culation fiduciaire devrait être garantie par
un encaisse métallique du tiers, tant que la
circulation ne dépasse pas 330 millions de
florins, et de moitié jusqu'au maximum de
440 millions de florins. Ces dispositions n'ont
pu toujours être observées. L'encaisse ne re-
présente guère ordinairement que le quart de
la circulation, et cette circulation a souvent
dépassé son maximum. Les dépôts se ressen-
tent de cette situation ; au lieu d'être, comme
en Angleterre et en France , à peu prè3
équivalents au capital social, ils n'en repré-
sentent guère, en moyenne, que les 3/5. En
dehors des escomptes commerciaux et des
avances sur garanties, la banque fait aussi des
avances sur hypothèques. A cet effet, elle
émet des lettres de gage de 1,000 florins, rap-
portant 5 pour îoo et remboursables par tirage
au sort, au mois de juin de chaque année. Ces
opérations n'ont, jusqu'à présent, porté que
sur des chiffres relativement médiocres. L'as-
semblée générale se compose des cent plus
forts actionnaires ; chaque membre n'a qu une
voix. La réunion a lieu à Vienne, au mois de
janvier.
L'administration est entre les mains d'un
gouverneur et de douze directeurs, nommés
par l'empereur sur la proposition de l'assem-
blée. Le siège social est à Vienne. Les vingt-
deux villes de Lintz, Prague, Reichemberg,
Brunn, Olmutz, Pestb, Debreczin, Temeswai-,
Flume, Lemberg, Cracovie, Inspruck, Trieste,
Gratz, Klagenfurth, Laybach, Troppau, Kron-
stadt, Agram, Hermanstadt, Kaschau et Salz-
bourg, ont chacune une succursale.
— Banque de Prusse , fondée en 1765 par
Frédéric IL Cette banque ne mit d'abord en
circulation que des billets de caisse de 100 à
1,000 thalers, sans faire ce qu'on appelle une
émission. Le remboursement des billets de
dépôt fut suspendu pendant le cours de la
guerre avec la France ; il ne fut repris qu'à
partir de 1821 ; jusque-là, on ne fit que le ser-
vice des intérêts. En 1846, cette institution a
été réorganisée. Aux termes de la constitution
nouvelle, elle est autorisée à escompter des
lettres de change et valeurs commerciales, à
faire des prêts sur fonds publics prussiens, à
acquérir les valeurs pour son compte, à ac-
corder du crédit et des prêts sous garantie,
à accepter des dépôts d'espèces en compte
courant, avec ou sans intérêts, enfin à faire
le commerce des métaux précieux. Les es-
comptes ne doivent porter que sur des "valeurs
revêtues de trois signatures, et d'une échéance
de quatre-vingt-dix jours au plus. Ses opéra-
tions de prêts doivent être faites pour trois
mois seulement, et ne descendent jamais au-
dessous de 500 thalers. Ces prêts peuvent être
garantis soit par de l'or ou de l'argent en lin-
gots ou en espèces, soit par des fonds publics
au porteur, soit par des lettres de change
revêtues de signatures solvables et endossées
en blanc, soit par des marchandises en maga-
sin dans l'intérieur de l'Etat, avec déduction
d'un tiers ou de moitié de leur valeur. La
déduction, pour les lettres de change, métaux
précieux et fonds publics au cours du marché.
n'est que de 5 pour 100. L'Etat étant copro-
priétaire d'une partie du capital a droit, par
conséquent, à une partie des bénéfices. La
banque remplit l'office de caisse des dépôts
et consignations; les établissements publics,
les écoles, les églises, les personnes ayant
charge de tutelle , doivent y déposer leurs
fonds improductifs. Un intérêt de 2 1/2 pour
100 est payé par la banque sur les capitaux ;
l'Etat -est en outre garant. Depuis 1855,
l'émission des billets de banque, qui jusque-là
était limitée à 21 millions de thalers, peut être
triple du capital social, lequel est de 15 mil-
lions de thalers, dont 1,876,500 thalers repré-
sentent la copropriété de l'Etat. Les billets,
ou bank-notes, sont acceptés par toutes les
caisses publiques ; mais le public n'est pas lé-
galement obligé de les accepter. La banque
de Prusse, y. compris ses comptoirs, comman-
dites et agences, est à peu près indépendante
de l'administration générale des finances. Ce-
pendant aucun comptoir ne peut être ouvert,
fermé ou limité dans sa circonscription, sans
t'àutorisation du gouvernement. Les opéra-
tions sont surveillées par un conseil composé
de cinq employés supérieurs de l'Etat, qui se
réunissent tous les trois mois. La direction de
la banque est confiée à un président et à un
commissaire royal. Les employés nommés par
le président sont considérés comme employés
de l'Etat ; aucun d'eux ne peut être action-
naire.
Les actionnaires sont représentés par une
assemblée générale, composée des deux cents
d'entre eux qui possèdent le plus grand nom-
bre d'actions. Dans les convocations extraor-
dinaires, trente actionnaires suffisent pourre-
présenter la société. Les actionnaires n'ont
droit qu'à une voix, quel que soit le nombre
de leurs actions. Cette assemblée entend le
rapport annuel, prononce, sur les questions de
son ressort, et délègue, pendant son absence,
ses pouvoirs de vérification à un conseil cen-
tral, composé de quinze membres choisis
parmi les plus forts actionnaires. Ce conseil
exerce un contrôle sur toutes les opérations
de banque par trois de ses membres et trois
suppléants. Chaque année, cinq membres de
ce conseil doivent se retirer, mais ils sont
rééligibles. Le conseil central se réunit au
moins une fois par mois. La présence de sept
de ses membres suffit pour le constituer.
Le président et les directeurs n'y ont pas voix
délibérative. Le conseil examine les comptes
annuels et nomme, de concert avec le prési-
dent, les membres de la direction. C'est sur
son rapport que le président de la banque' dé-
termine les valeurs sur lesquelles des prêts
doivent être accordés, la proportion de ces
prêts, le taux de l'escompte, l'échéance des
billets à escompter. En cas de divergence
entre le conseil central et la direction, le pré-
sident décide. Les comptoirs provinciaux sont
administrés par une direction composée d'au
moins deux employés, placés sous la surveil-
lance d'un commissaire royal nommé sur la
proposition de la direction générale. La cor-
respondance entre la banque et ses comptoirs
est affranchie des droits de poste. La banque
peut, en toute circonstance, faire procéder à
la vente des valeurs qui lui ont été remises en
garantie, sans recourir à aucune procédure.
Les dépots qui lui sont faits sont insaisissa-
bles. La banque de Prusse semble répondre
parfaitement à l'idée que les économistes et
les financiers se font d'une vraie banque d'Etat.
A en juger par ses bilans, le crédit n'y est
pas, comme pour tant d'autres banques, à com-
mencer par les banques de France et d'An-
gleterre; concentré au siège social et maigre-
ment distribué aux succursales ; celles - ci
absorbent , au contraire , les neuf dixièmes
des escomptes.
— Banques allemandes. Il existe encore en
Allemagne d'autres banques d'émission, qui
toutes diffèrent assez entre elles, tant par leur
organisation que par les principes sur les-
quels repose leur circulation. Voici quelques
renseignements sur les plus importants de
ces établissements :
— Banque de Brunswick, fondée en 1853,
au capital de 3 millions de thalers (3 fr. 75),
pour quatre-vingt-dix-neuf ans. La somme des
billets à émettre ne doit pas dépasser le capital
versé; les plus petites coupures sont au moins
de lOthalers. Un quart au moins de cette circu-
lation doit être garanti par un encaisse métalli-
que. L'assemblée générale se compose de pro-
priétaires d'au moins cinq actions. On a une voix
pour cinq à dix actions ; deux voix pour onze
a vingt ; trois voix pour vingt et une à trente-
cinq ; quatre voix pour trente-six à cinquante.
Au delà, on a une voix de plus pour vingt-
cinq actions, sans que le maximum puisse
s'élever au-dessus de vingt-cinq voix..
— Banque de Dessau, fondée en 1847, au
capital de 4 millions de thalers. Son émission
est soumise aux mêmes conditions que celle
de la banque de Brunswick, sauf celle du
minimum des coupures, qui peut être abaissé
à 5 thalers et même à 1 thaler. Les bénéfices
sont soumis à de grandes fluctuations. Tantôt
la banque donne un dividende de 10 pour 100,
tantôt plusieurs années se passent sans qu'on
puisse distribuer même le service des intérêts.
— Banque hypothécaire et d'escompte de
Bavière, fondée en 1S34, au capital de 20 mil-
lions de florins, divisée en 40,000 actions no-
minatives. En dehors des opérations de banque
ordinaires, cette institution peut contracter des
assurances Si*r la vie et contre l'incendie. Les
coupures de son émission varient de 10 à
100 florins. Cette émission ne doit pas dépas-
ser les deux cinquièmes du capital, soit s mil-
lions de. florins, dont 2 millions de florins doi-
vent être représentés p.ar une somme égale
en espèces, et 6 millions par une somme
double d'inscriptions hypothécaires. Cette ban-
que est reliée avec une banque hypothécaire,
une compagnie d'assurances sur la vie et une
compagnie d'assurances' de capitaux pour les
enfants. Son assemblée générale est'composée
des soixante plus forts actionnaires.
— Banque de Hanovre, autorisée en 1856
pour cinquante ans. Capital, 6 millions de
thalers, divisés en 24,000 actions nominatives.
Billets de 10, 20, 50 et 100 thalers, jusqu'à
concurrence du capital versé. Un tiers de
cette émission doit être garanti par des espè-
ces. L'assemblée générale se compose des
propriétaires d'au moins quatre actions. Quel
que soit le nombre de ses actions, un action-
naire ne peut avoir plus de vingt voix.
— Banque de Hambourg, autorisée en 1856.
Capital, 1 million de florins (3 fr. Il), divisé
en 4,000 actions nominatives. En dehors des
opérations ordinaires, cette banque a le privi-
lège de prêter au lombard, c'est-à-dire au
mont-de-piété. Elle émet des effets payables
au porteur et à vue ; aucune règle ne limite
le maximum ou le minimum de ses coupures.
L'assemblée générale se compose de tous les
actionnaires. Une à cinq actions donnent droit
à une voix ; six à dix actions, à deux voix ;
onze à quinze actions, à trois voix ; seize à
vingt-six actions, à quatre voix, sans que le
maximum puisse dépasser sept voix.
— Banque de circulation de l'Allemagne du
sud^ autorisée en 1356. Capital, 20 millions de
florins, divisés en 8,000 actions. Cette institu-
tion est une annexe du crédit mobilier de
Darmstadt. Son émission se compose de billets
de 10 thalers et de 10 florins. Son assemblée
générale se compose des propriétaires d'au
moins vingt actions. Un actionnaire, quel que
soit le chiffre de ses actions, ne peut avoir
plus de vingt voix.
— Banque internationale de Luxembourg ,
autorisée en 1S56; fait les opérations de crédit
de place à place, au moyen de succursales, et
toutes les autres opérations des banques ordi-
naires et des crédits mobiliers. Les opérations
immobilières lui sont interdites; mais une
caisse hypothécaire y est annexée. Son émis-
sion se compose de billets de 25 à 100 fr. ; de
billets de 5 a 100 florins des pays bas ou al-
lemands, et de 10 à 500 thalers, le tout jusqu'à
concurrence de 5 millions de francs. Le capi-
tal est de 10 millions de francs, divisés en
4,000 actions. L'assemblée générale est com-
posée des propriétaires d'au moins vingt ac-
tions nominatives, ayant une voix par vingt
actions, et au maximum vingt voix.
— Banque de Bostock, autorisée en 1850.
Capital social, 1 million de thalers, divisé en
5,000 actions de 200 thalers. Aux opérations
ordinaires de banque, cette institution joint
des prêts sur hypothèques, sur fonds publics,
sur actions hypothécaires , sur actions de
chemins de fer, sur lettres de change, jus-
qu'à 90 pour 100 au cours du jour ; elle sert
des intérêts sur les dépôts; négocie des ef-
fets de commerce à quatre-vingt-dix jours et
à deux signatures. Son émission se compose
de billets au porteur et à vue de 10 , 2o ,
50, 100 et 200 thalers, jusqu'à concurrence du
capital ; un tiers de cette circulation doit être
garanti par un encaisse métallique, et les deux
autres tiers par des effets publics et des lettres
de change. Cette banque peut en outre émet-
tre des obligations. L'assemblée générale se
compose des actionnaires ayant au moins cinq
actions. Cinq à dix actions donnent droit à une
voix ; onze à vingt, à deux voix ; vingt et une à
trente-cinq , à trois voix ; trente-six à cinquante,
à quatre voix ; cinquante et une à soixante-
quinze, à cinq voix ; soixante-seize à cent, à six
voix; cent une à cent vingt-cinq, à sept voix ;
cent vingt-six à cent cinquante, à huit voix;
cent cinquante et une à deux cents, à neuf voix ;
deux cent une à deux cent cinquante et au
delà, à dix voix. Sur les bénéfices nets, prélève-
ment fait des intérêts statutaires fixés a 4 pour
100, 25 pour 100 sont affectés à la réserve,
dont le maximum est fixé à 200,000 thalers ;
5 pour 100 aux dépenses de l'administration;
70 pour 100 aux actionnaires , à titre de di-
vidende. L'état participe aux 70 polir 100
ci-dessus, dans les proportions suivantes, à
partir d'un minimum de l pour 100 du capital
action : 10 pour 100 du surplus si le dividende
dépasse 1 pour 100 ; 15 pour 100 dans le cas
où le dividende serait supérieur à 2 pour 100
et inférieur a 4 pour 100 ; et 20 pour 100 ail
delà de 4 pour 100. La prospérité de cette in
stitution a été sans cesse en croissant. Le re-
venu de ses actions, qui, au début, était do
2 1/4 pour 100, s'est progressivement élevé
à 8 pour 100.
— Banque privée de Cologne, fondée en
1855. Capital, 1 million de thalers, divisé en
2,000 actions nominatives. Billets de 10, 20,
50, 100 et 200 thalers, pouvant s'élever jusqu'à
1 million de thalers. Le maximum des billets
de 10 thalers ne peut dépasser 100,000 thalers.
Cette émission doit être garantie, un tiers en
espèces, un tiers en effets de commerce, un
tiers en effets publics. L'assemblée générale
se compose des propriétaires d au moins cinq
actions. Un actionnaire ne peut, au maximum,
avoir plus de vingt voix.
168
BAN
BAN
BAN
BAN
— Banque privée de la chevalerie prussienne,
fondée en 1833, réorganisée en 1849 et en
1860. Capital, 2 millions de thalers, divisés en
4,000 actions. Opérations de banque ordinaires.
Il lui est interdit de prêter sur immeubles. La
circulation, composée de billets de 10, 20, 500
et 1 ,000 thalers, peut s'élever jusqu'à moitié du
capital, et doit être garantie par un tiers d'es-
pèces en caisse. L'assemblée générale se com-
pose des propriétaires d'au moins quatre ac-
tions. Le maximum des voix que peut possé-
der un actionnaire est limité à quatre. La
moyenne du revenu des actions, depuis 1833,
a été de 6 pour 100.
— Union des caisses de Berlin, société au-
torisée en 1850; sa fondation est l'œuvre de
plusieurs importantes maisons de banque. Ca-
pital, l million de thalers, divisé en 1,000 ac-
tions nominatives.* Cette institution escompte
les effets de commerce à trois signatures et à
quatre-vingt-dix jours, et fait des avances sur
valeurs et marchandises. Son émission, com-
posée de billets de 10, 20, 50, 100 et 200 tha-
lers, ne peut dépasser le capital , et doit
être garantie, 1/3 par des espèces, 1/3 par
le portefeuille. L'assemblée générale se com-
pose de tous les actionnaires. Les voix, varient
suivant le nombre des actions ; une à cinq ac-
tions donnent droit à une voix ; le maximum
de voix que peut posséder chaque actionnaire
est fixé a dix voix. Depuis sa fondation, les
actions de cette banque ont donné un revenu
moyen de 6 pour 100.
— Banque privée de Kœnigsberg. Capital,
1 million de thalers, divisé en 2,000 actions
nominatives. Cette banque a été fondée en
1856 ; son émission se compose de billets de
10, 20, 50, 100 et 200 thalers, jusqu'à concur-
rence du capital. Les billets de 10 thalers ne
doivent figurer dans cette circulation que pour
un dixième. L'assemblée générale est compo-
sée de tous les propriétaires d'au moins cinq
actions. Aucun actionnaire ne peut avoir plus
de vingt voix. Cette institution donne un re-
venu moyen de 5 pour 100.
— Banque de Posen, fondée en 1856. Capital,
1 million <Je thalers, divisé en 2,000 actions
•nominatives. Billets de 10, 20, 50, 100 et 200
thalers, jusqu'à concurrence du capital. Maxi-
mum des billets de 10 thalers, 100,000 thalers;
maximum des billets de 20 thalers, 100,000
thalers; maximum des billets de 50 thalers,
300,000 thalers. L'assemblée générale se com-
pose des propriétaires d'au moins cinq actions.
Le maximum des voix pour un actionnaire
est fixé à dix. La moyenne du revenu est
de 5 pour 100.
— Banque privée de Magdebourg, autorisée
en 1856. Capital, l million de thalers, divisé en .
2,000 actions nominatives. Il lui est interdit
de recevoir des dépôts portant intérêt. Billets
de 10, 20, 50 et 100 thalers, jusqu'à concur-
rence du capital social. Assemblée générale
composée de tou3 les actionnaires ; une voix
par cinq actions ; maximum, vingt voix. Re-
venu moyen, 4 pour 100.
— Banque privée de Dantzig, fondée en
1857, au capital de 1 million de thalers, divisé
en 2,000 actions nominatives. Billets de 50 tha-
lers; revenu moyen des actions, 6 pour 100. La
Prusse, où sont établies ces diverses banques,
s'est défendue d'imiter les autres grands États
du continent, tels que la France, l'Autriche et
la Russie. Elle n'a pas, comme eux, admis le
principe d'unité en matière de banque d'émis-
sion. Les seules obligations qu'elle ait impo-
sées aux établissements de ce genre se sont
bornées à limiter leur circulation a leur capital,
à garantir cette circulation par un encaisse
métallique d'au moins un tiers, et par des
effets de commerce-et des fonds publics pour
les deux autres tiers. Jusqu'à présent, cette
limitation de la circulation fiduciaire a eu pour
résultat de maintenir dans le pays les espèces,
au lieu de les en chasser. Cette circulation
sert encore plus à solder les opérations du
commerce étranger qu'aux opérations du com-
merce intérieur, tant, au dehors, on est sûr de
l'existence de l'encaisse métallique et de la
solidité des valeurs particulières ou publiques
sur lesquelles cette circulation repose.
— Banque de Thuringe, fondée en 1850, au
capital de 3 millions de thalers. Ce capital a
été réduit,' en 1860, à 2 millions de thalers, di-
visés en 10,000 actions nominatives. Les opé-
rations consistent en prêts hypothécaires ,
comptes courants, escompte d'effets de com-
merce, dépôts avec intérêt, émission de billets
de banque de 20 thalers, jusqu'à. concurrence
du capital social et du montant "de l'encaisse
métallique. Tout propriétaire d'au moins cinq
actions a droit d'assister à l'assemblée géné-
rale. Le maximum des voix, pour chaque ac-
tionnaire, est fixé à dix. Revenu moyen ,
3 pour 100.
— Banque de Géra, fondée en 1854, par or-
donnance du prince de Reuss. Les bases en
sont à peu près les mêmes que celles des ban-
ques prussiennes. Le capital autorisé est do
4 millions de thalers. Il n'en a encore été émis
que les 5/8, soit 2,500,000 thalers, représentés
par 12,500 actions nominatives. La banque,
pour arrêter la dépréciation dont ses titres fu-
rent l'objet en 1859 et 1860, en racheta près
de 1,500. Ses opérations ordinaires sont celles
des autres banques allemandes. Son émission
fiduciaire est limitée par le capital, et doit être
garantie par 1 /3 en numéraire et 2/3 en effets
publies. Quant à l'assemblée des actionnaires,
mêmes règles que pour la précédente banque.
Revenu moyen dBs actions, 5 pour 100.
— Banque de Leipzig, autorisée en 1839.
Capital actuel, 3,250,000 thalers, divisés en
13,000 actions nominatives de 250 thalers. Les
opérations consistent à recevoir des dépôts
avec intérêt, à escompter le papier de com-
merce à deux ou trois signatures et à quatre-
vingt-dix jours au plus, à acheter des actions
privilégiées de chemins de fer et de fonds pu-
blics, à prêter sur ces valeurs jusqu'à 90 pour
100 du cours du jour, à prêter sur ses pro-
pres actions jusqu'à concurrence de 2,000 ti-
tres ; enfin, à prêter au pair sur lingots et mon-
naies d'or et d'argent. La banque émet des
billets de 20, 50 et 100 thalers, dont les 2/3
doivent être représentés par des lingots ou
des espèces. L'assemblée générale se compose
de tous les actionnaires. On a une voix pour
une à quatre actions, et dix voix, au plus, au-
dessus de deux cent une actions. Cette banque
est l'une des mieux administrées et des plus
prospères de l'Allemagne. De 1839 à 1856, soi*
revenu s'éleva progressivement de 3,40 à 12,60
pour 100. Depuis 1856, le privilège donné à
une compagnie financière d'établir un crédit
mobilier a quelque peu diminué le chiffre du
revenu, qui s'est néanmoins maintenu à une
moyenne de 6 pour 100.
— Banque de Weimar, fondée en 1853. Ca-
pital, 5 millions de thalers, divisés en actions
nominatives de 100 thalers. Ses opérations
consistent à escompter, tirer et accepter des
effets de commerce ; à faire des avances sur
marchandises et fonds publics, au minimum de
100 thalers; à négocier des fonds publics et à
recevoir des dépôts avec ou sans intérêt.
L'émission peut s'élever jusqu'à concurrence
du-capital social; 1/3 doit être garanti par
des espèces, et 2/3 par des valeurs d'une réa-
lisation facile. La banque doit se charger
gratuitement des opérations de trésorerie du
gouvernement grand-ducal, et lui faire des
avances sans garantie jusqu'à concurrence de
150,000 thalers. La banque peut également
faire des avances sur immeubles pour le ra-
chat des droits seigneuriaux, avances qui sont
remboursables par annuités, intérêt et capital
compris. Elle est autorisée à émettre des
obligations jusqu'à concurrence de ces avan-
ces. Ces obligations, qui rapportent 3 1/2 pour
100, sont remboursables par voie de tirage au
sort. L'assemblée générale se compose des
propriétaires d'au moins dix actions. Dix à
vingt actions donnent droit à une voix ; vingt
et une à quarante, à deux voix ; quarante et
une à soixante, à trois voix ; soixante et une
à quatre-vingts, à quatre voix ; quatre-vingt-
une à cent, à cinq voix. Au delà, chaque
centaine d'actions donne droit à une voix. Le
maximum des voix est limité à vingt-quatre.
Cette banque a été plus prospère dans les pre-
mières années de son existence que dans celles
qui ont suivi. Pendant la première période
quinquennale, le revenu moyen a été de près
de 6 pour 100 ; pendant la seconde, ce revenu
n'a plus été que de 4 pour 100.
— Banque de crédit de l'Allemagne centrale
à Meiningen, fondée en 1856, au capital de
s millions de thalers, divisé en 80,000 actions
nominatives. Aux opérations ordinaires des
banques allemandes, la banque de Meiningen
joint celles des crédits mobiliers. Ainsi, dès
les premiers jours de son existence, en 1856,
elle a commandité plusieurs entreprises indus-
trielles à Vienne, Berlin, Breslau, Meiningen,
Hocheim, a aidé à la constitution de la com-
pagnie d'assurances de Francfort, Providentia.
Plus tard, elle s'est intéressée dans plusieurs
emprunts d'Etat, dé villes et de chemins de
fer, et même dans l'emprunt-loterie du crédit
mobilier autrichien. Elle a le droit d'émettre
des billets de banque de 10 thalers et au-dessus,
jusqu'à concurrence du capital social réalisé,
et sous la garantie d'une représentation de
1/3 en espèces en caisse, et de 2/3 en effets
publics. Les opérations sur hypothèques et
acquisitions de propriétés autres que celles à
son usage lui sont interdites. L'assemblée gé-
nérale se compose des propriétaires d au
moins dix actions, chaque membre a autant de
voix que de fois dix actions, sans pouvoir dé-
passer dix voix. Le revenu moyen, depuis dix
ans, a été de plus de 6 pour 100.
— Banque privée de Gotha, fondée en 1856,
au capital de 4 millions de thalers, divisé en
20,000 actions au porteur, dont 8,500 seule-
ment sont émises. Le minimum des billets au
porteur est fixé à 10 thalers. La circulation
de ces billets doit être garantie, jusqu'à con-
currence de 1/3, par les espèces en caisse, et
ne pas dépasser le montant des valeurs en
portefeuille. L'assemblée générale se compose
des porteurs d'iiu moins cinq actions, le maxi-
mum des voix que chacun peut avoir est fixé
à dix-voix. Le revenu moyen a été , depuis
dix ans, de 4 1/2 pour 100.
— Banque de Brème. Cet établissement,
fondé en 1S56, a absorbé l'ancienne caisse
d'escompte. Son capital, primitivement fixé à
à 2,500,000 thalers, a été porté en 1859 à
4 millions de thalers, divisés en 16,000 actions
de 250 thalers. On y fait toutes les opérations
de banque; la circulation fiduciaire peut s'éle-
ver jusqu'à concurrence du capital versé. La
proportion des petites coupures de 5 thalers
ne doit pas excéder le dixième de ce capital,
et le tiers des billets émis doit toujours avoir
sa représentation en numéraire ou en lingots.
Les uctiona du cette banque se maintiennent
au-dessus du pair, bien que depuis dix ans leur
revenu ait à peine dépassé 5 pour 100. .
— Banque de Francfort , réorganisée en
1854. Capital, 20 millions de florins, divisés en
40,000 actions. De toutes les banques alleman-
des, c'est celle qui a donné le plus d'extension
à la circulation fiduciaire. Cette circulation
peut s'élever jusqu'au triple du capital versé.
Elle doit être représentée par 1/3 en espèces.
Le minimum des billets est de 5 florins. Le
revenu moyen de cette banque, depuis sa réor-
ganisation, a été de 4 pour 100.
— Banque de Lubeck. Capital, 500,000 marcs
courants (l fr. 48), divisés en 1,000 actions no-
minatives. La circulation fiduciaire repose sur
les mêmes principes qu'à Francfort. Elle peut
s'élever jusqu'au triple du capital, à 1,500,000
marcs, et doit être garantie de la même ma-
nière, 1/3 par des espèces métalliques, et les
deux autres tiers par le portefeuille. Les cou-
pures varient de 10 à 200 thalers. Cet établis-
sement n'est pas privilégié.
— Banque de crédit et d'assurances, concur-
rence de la banque de Lubeck. Capital, 3 mil-
lions de thalers, divisés en 15,000 actions. La
circulation, également composée de billets de
1 0 à 200 thalers, repose sur les mêmes prin-
cipes.
— Banque de Wurtemberg. Comme pour les
banques de presque tous les autres Etats monar-
chiques de l'Allemagne, la circulation de cet
établissement doitse renfermer dans les limites
du capital, et être garantie pour 1/3 en numé-
raire et 2/3 en effets de commerce. Le capital
est de 9 millions de florins (2 fr. 15), divisés en
36,000 actions nominatives.
Ainsi qu'on a pu le voir, le capital des ban-
ques allemandes est le plus, ordinairement
divisé en actions nominatives. Les deux excep-
tions les plus remarquables sont celles de
Gotha et de Francfort. Cette division du ca-
pital a été adoptée dans le but de donner
plus de solidité au classement définitif des
titres, et d'empêcher les fluctuations qui s'éta-
blissent sur les valeurs qui ont un grand
nombre de titres flottants. .
— Banque de Hambourg. Cette institution,
qui date de 1619, se distingue des autres ban-
ques en ce qu'elle est la seule banque de vire-
ments qui existe encore dans le monde. Son
but n'est pas de faire des opérations donnant
des bénéfices, mais seulement de faciliter la
circulation des espèces par le transport d'un
compte à l'autre. Chaque bourgeois de Ham-
bourg ayant le droit d avoir un compte ouvert
à la banque, et tous les payements en valeur
de banque se faisant par un simple virement
d'un compte à un autre, la banque représente
pour les négociants, une caisse générale qui
effectue leurs recettes et leurs payements. La
plus petite somme qu'on puisse faire virer
par la banque est fixée à cent marcs de banque
(soit 187 fr. 27). Cependant, à certains jours
que la banque fait connaître d'avance, elle se
charge des payements de sommes plus petites.
Sa commission, pour frais d'administration, est
de 1 pour 100. La banque fait des avances sur
dépôts de lingots d'argent et même de cuivre.
— Banque d'Amsterdam. Cette banque fut
fondée en 1609. La Hollande, comme tous les
pays commerçants, eut des banquiers avant
d'avoir des banques publiques. Là, comme
ailleurs, les banquiers aventuraient dans des
affaires très-hasardeuses les capitaux qui leur
étaient confiés. De là de nombreuses banque-
routes. C'est à la suite d'événements de ce
genre qu'en 1609 fut fondée la banque d'Ams-
terdam, sous la garantie de la ville et l'admi-
nistration du bourgmestre. Les opérations
consistaient en escomptes, comptes courants,
dépôts et change de monnaies. En échange des
dépôts d'espèces, le déposant recevait un
récépissé constatant l'importance du crédit
qui lui était ouvert ; ce crédit, d'une impor-
tance égale à celui des dépôts, était appelé
monnaie de banque. La certitude où était le
public que la monnaie de banque avait sa re-
présentation en espèces métalliques dans les
caves de la banque, donna constamment à cette
monnaie, en raison de sa commodité, une
prime sur les espèces. Dès les premiers jours,
cet agio fut de 9 pour 100. Toutes les traites
au-dessus de 600 guilders devaient être payées
en monnaie de banque. En dehors de ces opé-
rations, \a.banque émettait encore, en échange
des dépôts métalliques, des billets transmissi-
bles moyennant un intérêt de 5 pour îoo.
Ces billets devaient être retournés dans les
trois mois ; s'ils ne l'étaient pas, le dépôt dont
ils étaient la représentation restait acquis à la
banque. La valeur donnée par la banque à ces
billets se rapprochait tellement de la valeur
réelle du dépôt, que très-souvent le dépôt
n'était pas réclamé. Lors de l'invasion de la
Hollande par les Français, en 1672, une pani-
que s'empara des déposants, qui tous récla-
mèrent leur remboursement. La ponctualité
avec laquelle la banque fît face à ces exigen-
ces augmenta encore son crédit. Jusqu'au
dernier moment de son existence, c'est-à-dire
jusqu'en 1794, le public resta convaincu que
tous les billets en circulation avaient leur va-
leur représentée en espèces, jusqu'au dernier
florin, a la banque. Aussi les billets et la mon-
naie de banque conservèrent-ils pendant tout
le xvme siècle un agio qui varia de 3 à 5 pour
100. Le bourgmestre et les magistrats muni-
cipaux chargés de l'administration faisaient
à cet égard, en entrant en fonctions, les ser-
ments le3 plus solennels-. Cependant I.aw, en
1722, "Soupçonnait fort qu'une partie de la ré-
serve métallique était employée en prêts
clandestins. En 1794, lors de la seconde inva-
sion française, on découvrit que 24 millions
de florins avaient été, contrairement aux sta-
tuts, prêtés aux Etats de Frise et de Hollande.
Cette découverte amena, dans la valeur des
billets, une dépréciation momentanée de J6
j pour 100.
— Banque néerlandaise. Cette banque, fon-
dée en 1816, est en grande partie la reconsti-
tution de l'ancienne banque d'Amsterdam. Cet
établissement est complètement indépendant
de l'Etat. Ses statuts lui interdisent toute par-
ticipation aux affaires des sociétés d'industrie
. et de commerce,, et la' possession d'aucune
propriété foncière, sauf le siège social. Son ca-
pital doit être entièrement consacré eux opé-
rations de banque, telles qu'escomptes des
effets commerciaux, avances sur effets pu-
blics, sur biens mobiliers, sur marchandises.
La réserve seule peut être employée en
acquisition de fonds publics. Grâce à cet
emploi du capital, qui ne peut être immobilisé
dans quelque cas que ce soit, l'escompte n'ar-
rive jamais en Hollande au même taux qu'en
France, en Angleterre et en Italie. Au plus fort
des grandes crises monétaires, ce taux n'a pu
dépasser 6 pour 100. Le capital de cette ban-
que est, depuis 1841, de 15 millions de florins,
avec faculté de l'élever au besoin à 20 mil-
lions. En dehors des opérations de banque
proprement dites, cet établissement peut, aux
termes de ses statuts, faire le commerce des
métaux précieux, battre monnaie, recouvrer
les créances de l'Etat en compte courant, ef-
fectuer des payements pour l'Etat et pour les
particuliers jusqu'à concurrence du chiffre
des dépôts, et prêter sur monnaies étrangères
jusqu'à concurrence de leur valeur intrinsè-
que. Depuis 1852, sa réserve, qui, auparavant,
devait être exclusivement employée en fonds
publics, peut également être consacrée en
prêts sur hypothèques et en achat d'actions
des banques. Les billets de cette banque sont
de 25, 40, 60, 80, 100, 200,300,500 et 1,000
florins. H n'y a pas d'assemblée générale or-
dinaire. Les actionnaires sont représentés par
les cinquante principaux d'entre eux, qui
nomment six commissaires propriétaires d'au
moins huit actions, renouvelés annuellement
par tiers et rééligibles. Les opérations sont
publiées tous les mois dans le journal officiel.
La banque est administrée par cinq directeurs
nommés par le roi, sur la présentation d'uno
double liste de candidats présentée par les
directeurs sortants et par les commissaires.
Les-directeurs sortent chaque année à tour de
rôle et sont rééligibles. Le président et le se-
crétaire, également nommés par le roi, sont
inamovibles. Depuis 1856, le revenu des ac-
tions a été, en moyenne, d'environ 10 pour 100.
— Banque nationale de Belgique, fondée en
1850. Capital, 25 millions, divisés en 25,000 ac-
tions de 1,000 fr. Cette banque est chargée
des encaissements de l'Etat. Chaque mois, elle
doit publier un état de situation. Ses opéra-
tions sont les mêmes que celles des banques
privilégiées ; elle émet des billets au porteur
et à vue de 20, 50, 100, 500 et 1,000 fr., émis-
sions qui ne peuvent dépasser le triple de
l'encaisse métallique, sans autorisation du gou-
vernement. Elle tient deux assemblées géné-
rales par an. Tous les propriétaires d'au moins
10 actions ont droit d'y assister; 10 actions
donnent droit à une voix. Le maximum est li-
mité à dix voix. Lorsque, après distribution des
intérêts statutaires, fixés à 5 pour 100, le divi-
dende à distribuer dépasse 6 pour 100, 1/3 du
surplus. est mis à la réserve , et 1/6 revient à
l'Etat. Cette institution a une succursale à
Anvers et des comptoirs à Gand, Charleroi,
Liège, Tournay, Bruges, Nainur, Arlon, Alost,
Dinant, Marche, Nivelle, Huy, Saint-Nicolas,
Verviers, Hasselt, Louvain,Termonde,Turn-
hout, Grammont, Neufchâteau, Philippeville,
Renais, Courtray, Matines, Ostende. A sa
tête se trouve un gouverneur nommé par le
roi, six directeurs et sept censeurs nommés
par les actionnaires. Le revenu des actions de
cette institution s'est accru progressivement,
d'année en année, de 4 pour 100 à 12 pour
100. Avant 1850, la Société générale de Bel-
gique possédait la faculté démission, qui lui .
fut retirée lorsqu'on créa la banque natio-
nale.
— Banque de Liège, fondée en 1835 et réor-
* ganisée en 1857. Cette banque est autorisée à
prêter, sur hypothèques ou sur garanties suf-
fisantes, des sommes remboursables par an-
nuités, à recevoir des fonds en dépôt et a établir
une caisse d'épargne. L'escompte du papier
de commerce lui est interdit. Elle peut émettre
des billets au porteur, payables à vue, de 25,
50, 100, 500 et 1000 fr. et des obligations à
terme portant intérêt ; le tout jusqu'à concur-
rence de son aétif social. Son assemblée gé-
nérale se compose des propriétaires d'au moins
5 actions, qui donnent droit aune voix ; 15 ac-
tions donnent droit à deux voix ; 25 actions, h
trois voix ; 40 actions et au delà, à quatre voix.
Le revenu des actions a été sans cesse en s'ac-
croissant : il était de moins de 1 pour 100, iî
y a trente ans ; il est aujourd'hui de plus
de 12 pour 100. En dehors des banques d'émis-
sion, la Belgique a encore d'autres institutions
de crédit sur lesquelles nous reviendrons aux
mots Crédit, Crédit foncier, Crédit mobi-
lier, Chemins de fer, Escompte.
— Banque nationale de Copenhague, fondée
en 1818, pour continuer les opérations de la
BAN
banque du royaume, qui avait été créée cinq
ans auparavant, en 1813. Le capital de cette
institution fut obtenu au moyen d'un impôt
spécial sur la propriété foncière. Tous les
propriétaires de biens immeubles dont la coti-
sation atteignait au moins 100 rixdalers, furent
appelés à former le capital de cette banque,
qui s'élève aujourd'hui à 13,461,700 rixdalers
(soit 38,298,075 fr.); il est divisé en 134,617
actions de 100 rixdalers (284 fr. 50). Le nou-
vel établissement s'engagea à contribuer à la
consolidation du système monétaire , à rame-
ner et maintenir au pair les billets de l'an-
cienne banque du royaume par des rachats suc-
cessifs, à payer et amortir les dettes de cette
banque, enfin à favoriser le commerce par
l'escompte, les dépôts et les avances. Cette
banque est autorisée à émettre des billets au
porteur dont la somme est fixée à la moitié et
demie de son capital, c'est-à-dire à 20 mil-
lions de rixdalers. Jusqu'en 1S44,' elle ne pu-
bliait pas d'états de situation; depuis celte
époque, le revenu de ses actions a été en
moyenne de 7 pour 100.
— Banque de Suisse. Dans ce petit pays, il
n'y a pas moins de dix-huit banques d'émis-
sion. Assurément, si la concurrence, en pa-
reille matière, était aussi dangereuse que le
prétendent les financiers et les hommes d'Etat
du' privilège, ces inconvénients feraient de
-temps en temps du bruit. Or, rien n'est plus'
rare que la catastrophe d'une banque. Rien
do moins uniforme que la constitution, l'orga-
nisation , l'administration de ces établisse-
ments ; tout cela varie de canton à canton.
— Banque d'Argooie. Cette banque a été
autorisée en 1854 pour une durée illimitée. Le
capital est de 2 millions, divisé en 10,000 ac-
tions nominatives de 200 fr. Le canton d'Ar-
govie a souscrit la moitié du capital , l'autre
moitié a été émise par souscription publique.
Les opérations sont celles des banques ordi-
naires. L'émission se compose de billets de
20, 50, 100 et 500 fr. Dans l'assemblée géné-
rale, l'Etat a une voix par 20 actions; les
actionnaires , une vois de 1 à 2 actions , sans
que le maximum puisse dépasser vingt voix.
Le dividende statutaire a été fixé à 4 pour 100;
mais la gestion a été si bonne et si heureuse,
que le premier dividende, en 1854, s'est élevé
à 7 pour 100. Depuis cette époque , le chiffre ,
d'année en année, s'est accru et s'élève au-
jourd'hui à plus de 20 pour 100.
— Banque de BÛle, constituée au capital de
4 millions en 1845. Ses actions sont de 5,000 fr.
Les opérations de cette banque n'embrassent
que la ville ; ce sont celles des banqties ordi-
naires. Son émission, composée de billets de
100 fr. et de 500 fr., est limitée au triple de
l'en'caisse métallique. Les bénéfices de cette
banque ont, depuis dix ans, été en moyenne
de 7 à 8 pour 100.
— Banque cantonale de Berne, fondée en
1833. Celte banque constitue un des revenus
de l'Etat. Le capital, de 3 millions, a été fourni
par le canton, qui, naturellement, s'attribue
tous les bénéfices. L'émission, composée de
billets de- 20, 30 et 100 fr., est des 2/3 du
capital social.
. — Banque des Grisons, autorisée en 1852
pour une durée illimitée. Capital, 1 million, di-
visé en 2,000 actions. Opérations de banque
ordinaires, émission de Juillets de 50, 100 et
500 fr. Tout actionnaire a droit d'assister à
l'assemblée générale; mais les voix ne se
comptent qu'à partir de 4 actions. Le maxi-
mum des voix est fixé à dix.
— Banque cantonale de Fribourg, autorisée
en 1850 pour une durée illimitée. Capital, 3 mil-
lions, divisés en 2,000 actions do 500 fr. Le sur-
plus a été fourni par lé canton qui, à ce titre,
participe pour 1/3 à la composition du conseil
d'administration et de surveillance. En dehors
des opérations de banque ordinaires, cet éta-
blissement prête à six mois, sur billets de deux
signatures, ainsi que sur titres, nantissements,
produits de l'agriculture et de l'industrie , et
sur marchandises. Son émission se compose
de billets de 5, 10, 20, 100 et 500 fr. Les béné-
fices ont toujours été en s'accroissant. Ils se
sont élevés, de 4,57 pour 100, à une moyenne
de plus de 7 pour 100.
— Banque de Genève, autorisée en 1848.
Capital, 3 millions, dont moitié fournie par le
canton et moitié par les actionnaires. Opéra-
tions ordinaires, émissions de billets de 20,
100, 500 et 1,000 fr. L'assemblée générale se
compose des fondateurs, censeurs et proprié-
taires de 2 actions ; chaque membre n'a
qu'une voix. Les bénéfices moyens sont de
6 pour 100.
— Banque de commerce de Genève, autorisée
en 1845 pour trente ans. Cet établissement
partage, avec le précédent, le privilège de
l'émission. Les coupures sont de 1,000, 500,
100 et 20 fr., garanties par un encaisse mé-
tallique triple de la circulation. Il fait l'es-
compte à deux signatures et sert des intérêts
sur dépôts, opérations que s'interdit la banque
de Genève; ses bénéfices sont un peu plus
considérables. En moyenne , ils s'élèvent à
8 pour 100. Tout porteur de 3 actions a droit
de faire partie de l'assemblée générale; le
maximum des voix est limité à cinq.
— Banque de Glaris, autorisée en 1852 pour
une durée illimitée. Opérations de banque or-
dinaires; émission de billets de 10, 20, 50 et
100 fr., lesquels doivent être garantis par 1/3
en espèces métalliques. Tout actionnaire est,
u.
BAN
de droit, membre de l'assemblée générale. Bé-
néfices moyens, 6 pour 100.
La banque de Lucerne est constituée au
capital de 1 million, sur les mêmes principes
et donne les mêmes bénéfices.
— Banque cantonale neuchâteloise. Elle a
l'Etat pour actionnaire du quart de son ca-
pital; elle est chargée de ses encaissements.
Ses billets ne peuvent dépasser le double du
capital. Les banques de Soleure, de Vaud, du
"Valais, sont constituées sur des principes à
peu près semblables. Participation de l'Etat,
émission de petites coupures , escomptes à
deux signatures; et toutes donnent à peu près
les mêmes bénéfices.
— Banques italiennes. De très-bonne heure,
dans le moyen âge, l'Italie, dit Mac Leod, eut
des manieurs d'argent, changeurs ou préteurs ;
mais ce n'étaient pas là des banquiers pro-
prement dits; les vraies opérations de banque,
celles qui sont basées sur le crédit, commen-
cèrent a Florence, dans la première partie du
xn= siècle. L'importance commerciale à la-
quelle parvint Florence fut,- en grande partie,
due à ses banquiers. Dès. le xivc siècle, les
noms des Bardi, des Acciajuoli, des Perruzzi,
des Petti et des Médicis, avaient une réputa-
tion européenne. En 1345, les Bardi et les Per-
ruzzi, qui étaient les plus grands capitalistes
d'Italie, firent faillite par suite de l'impossi-
bilité où les rois d'Angleterre et des Deux-
Siciles se trouvèrent de remplir leurs engage-
ments. Edouard III devait aux Bardi 000,000
florins d'or : sa guerre avec la France l'em-
pêcha de les payer ; et le roi de Sicile leur
devait 100,000 florins d'or. LesPerruzzi étaient
créanciers d'Edouard III pour" 600,000 florins
d'or et du roi de Sicile pour 100,000 florins.
Les dépôts particuliers de cette dernière
banque s'élevaient à 350,000 florins d'or. La
chute de ces deux grands piliers du crédit
commercial entraîna celle d'un grand nombre
d'établissements de moindre importance. Ja-
mais Florence, dit un de ses historiens, Villoni,
n'eut à déplorer autant de ruines et de dés-
ordres. Cependant cette grande cité se re-
leva peu après de ses désastres : dans le siècle
suivant, de 1530 à 1533, ses soixante-seize
principaux banquiers prêtèrent à l'Etat
4,865,000 florins d'or. A cette époque Flo-
rence avait, dit-on, plus de quatre-vingts
banquiers, mais pas de banque publioue.
— Banque de Savoie. Cet établissement,
fondé en 1851 pour trente ans, au capital de
4 millions, divisés en 4,000 actions nominati-
ves de 1,000 fr. chacune, faisant l'escompte
des effets de commerce a deux signatures,
les payements et recouvrements tant à l'inté-
rieur qu'à l'étranger, les prêts sur titres in-
dustriels, sur métaux précieux et sur soie. Il
avait le privilège d'émettre des billets de l ,000,
500, 250, 100, 50 et 20 francs au porteur et à
vue, jusqu'à concurrence du triple de son en-
caisse. L émission des billets de 20 fr. devait
se restreindre à 1 million. En 185G, une autre
loi avait attribué à la banque de Savoie, au
même titre qu'à la banque nationale de Pié-
mont, le droit détablir des succursales dans
tous les Etats dépendant de la couronne do
Sardaigne, et d'augmenter indéfiniment son
capital sans l'autorisation du gouvernement.
Au moment de l'annexion de la Savoie à la
France, cette banque n'avait pas encore usé
de son droit. Aux termes des conventions in-
tervenues, à propos de l'annexion, entre l'em-
pire français et le royaume d'Italie, les sociétés
commerciales existant dans les provinces an-
nexées devaient conserver l'entier exercice'
de tous les droits et privilèges dont elles
jouissaient antérieurement. Il s'ensuivait que
la banque de Savoie possédait le privilège
d'émettre des billets en Savoie et le droit
d'établir des succursales partout ailleurs. Mais
l'exercice de ce privilège et de ce droit se
conciliant difficilement asec les privilèges et
les droits de la banque de France, le gouver-
nement intervint et manifesta le désir que
toute difficulté fût prévenue par la fusion de
la banque de Savoie avec la banque de France.
Ce désir ne put être rempli. La banque de
France consentait tout au plus à racheter les
actions de la banque de Savoie au pair. Celle-
ci, de son côté, prétendait à l'échange, action
pour action, avec les actions de la banque de
France, cotées alors 3,000 fr. A cette époque,
la banque de France se préoccupait fort peu
de l'étendue des droits dont la banque de Sa-
voie pourrait un jour se prévaloir. Elle allait
même jusqu'à faire bon marché de son propre
privilège. « Quelque favorable, disait-elle, que
soit l'unité des banques et l'uniformité du pa-
pier de circulation, il n'est pas interdit de
transiger avec ce principe et d'y admettre des
exceptions commandées par la nature des
choses. » La commission nommée par le mi-
nistre des finances pour régler cette question
proposa un moyen terme, consistant à faire
racheter par la banque de France, moyennant
1,200,000 fr., le droit de circulation fiduciaire
appartenant à la banque de Savoie, et de lais-
ser à celle-ci l'exercice facultatif de tous les
autres droits résultant de ses statuts. La ban-
que de France n'adhéra pas davantage à cette
combinaison. Devant ce refus de transaction,
la.banquede Savoie, se sentant envahie chaque
jour par la banque de France, pensa à étendre
le champ de ses opérations et à augmenter
son capital. En septembre 1861, son conseil
d'administration doutait si peu du droit qu'il
croyait avoir d'augmenter indéfiniment son
BAN
capital et le nombre de ses succursales, qu'il
disait à ses actionnaires réunis en assemblée
générale : n Que l'on se figure tout ce qu'offre
de ressources un établissement de banque
pouvant abaisser jusqu'à 20 fr. la plus petite
coupure de son billet, développant sa cir-
culation sur toute la France, établissant des
comptoirs sur ses principales places, escomp-
tant les effets, faisant des avances sur dépôts
d'effets publics, d'obligations municipales et
même de certaines espèces de marchandises,
et que l'on suppute, par la pensée, quelle ex-
tension peut recevoir une institution pa-
reille. Un privilège égal à celui de la banque
de France, plus étendu sous certains rapports,
est un instrument trop puissant pour que ceux
qui le possèdent ne parviennent pas à en ob-
tenir de grands résultats. » En comprenant
ainsi l'étendue de son droit, la banque de Sa-
voie avait pour elle l'autorité de M. Dufaure ;
appelé à délibérer sur ce sujet, le célèbre
jurisconsulte s'était exprimé ainsi : « Du mo-
ment Où la Savoie est incorporée à la France,
les individus qui habitent son territoire ne per-
dent pas leur condition civile, pour en attendre
une nouvelle de la libéralité du gouvernement
français. Il en est de même des êtres collectifs
qui se sont formés soit par le consentement
libre de ceux qui les composent, comme les
associations ordinaires, soit avec l'autorisation
de la puissance publique, comme les sociétés
anonymes, à moins qu'il n'y ait dans leur
manière d'être quelque chose de contraire à
l'ordre public des Français... Si les statuts de
la banque de Savoie ne sont pas conformes à
ceux de la banque de France, ils ne blessent
du moins aucune de nos lois d'ordre public ;
aucune ne dit qu'une société anonyme, créée
pour émettre des billets au porteur et à vue,
ne peut être autorisée que pour un temps res-
treint, et qu'elle doit avoir un capital limité ;
et quant aux plus faibles coupures, nos lois
ont pu les fixer successivement pour la banque
de France à 500, à 200 et à 100 fr. sans qu'on
puisse en induire que la loi sarde, qui les
abaisse à 50 et même à 20 fr., soit contraire
à notre ordre public. Les lois successives qui
ont réglé le sort de la banque de France ren-
ferment les conditions du contrat spécial in-
tervenu entre la France et ce grand établisse-
ment, mais ne contiennent aucune disposition
générale prohibitive devant laquelle doive
tomber la législation différente d'un pays an-
nexé, a Cette opinion est d'autant plus remar-
quable qu'elle émane d'un homme qui, en
1840, fut le rapporteur de la loi qui prorogea
et consolida le privilège do la banque de
France, et qui, en outre, a été le conseil judi-
ciaire de ce grand établissement et a plaidé
ses affaires les plus importantes. Afin de mieux
atteindre son but, la banque de Savoie s'en-
tendit avec les chefs du Crédit mobilier fran-
çais, et, le 4 octobre 1863, l'assemblée générale
des actionnaires, à la majorité de 593 voix
Sbntre 38, adoptait la proposition d'élever le
capital de 4 millions à 40 millions. Moyennant
une prime de 1, §00, 000 fr., M. Emile Péreire
devenait souscripteur des 36,000 nouvelles
actions. Le receveur général, qui faisait fonc-
tions de commissaire du gouvernement, pro-
testa contre toute exécution à donner à ces
conventions avant la ratification de l'autorité
supérieure. Appuyée par le Crédit mobilier, la
banque lutta pendant un an pour obtenir du
gouvernement la reconnaissance de ce qu'elle
regardait comme son droit. La question fut
même portée au sénat par voie de pétition;
les intérêts de la banque de Savoie y furent
soutenus par M. Michel Chevalier, l'un des
administrateurs du Crédit mobilier; ceux de
la banque de France, par M. Hubert Delisle et
par le ministre d'Etat, M. Rouher. La pétition
de la banque de Savoie fut repoussée par
l'ordre du jour. Dans l'intervalle, le président
du conseil du Crédit mobilier, M. Isaac Pé-
reire, intervint dans la polémique qui s'enga-
gea à ce sujet dans la presse financière, tant
pour défendre la banque de Savoie, que pour
répondre à certaines préoccupations de l'opi-
nion publique. A en croire M. Péreire, l'éta-
blissement de cette banque n'aurait rien
changé à l'organisation de la banque de France,
qui serait restée ce qu'elle est, l'institution de
crédit modératrice et conservatrice, rôle aussi
nécessaire dans l'ordre financier que dans
l'ordre politique. La nouvelle institution devait
être l'expression progressive des besoins du
commerce, de l'industrie et des travailleurs ;
elle devait représenter, sous la forme élective,
l'élément progressif, sans que son mode de
formation fût exclusif des garanties indispen-
sables de stabilité et d'aptitude morale et in-
tellectuelle. Afin d'atteindre ce but, les admi-
nistrateurs devaient être choisis dans des ca-
tégories déterminées, et l'on devait ainsi
obtenir une élection à deux degrés. Comme
tous les conseils d'administration, celui de la
banque de Savoie devait être composé de
quinze membres : deux devaient être pris
parmi les membres de la direction et de la
commission de surveillance de la caisse des
dépôts et consignations ; six parmi les admi-
nistrateurs des six grandes compagnies de
chemins de fer, un dans chaque compagnie;
deux parmi les receveurs généraux; deux
parmi les administrateurs du Crédit mobilier ;
deux parmi les administrateurs du Crédit
foncier j un parmi les administrateurs du
Comptoir d'escompte ; un parmi les adminis-
trateurs du Crédit industriel; et deux enfin
parmi les présidents anciens ou en exerT
cice du tribunal de commerce de la Seine,
BAN
169
Selon M. Isaac Péreire, la situation poli-
tique devait tout autant profiter que l'état
économique du pays, des opérations de la nou-
velle banque. Organisée pour -satisfaire des
besoins différents de ceux auxquels s'appli-
quent exclusivement les opérations de la ban-
que de France, la nouvelle institution de cré-
dit devait réunir les fonds épars sur tous les
points du territoire par la distribution natu-
relle des travailleurs. En abaissant sa mon-
naie fiduciaire à de petites coupures et en
mettant en valeur le trop-plein de la richesse
métallique répandue dans toutes les parties du
territoire, on espérait que la nouvelle banque
abaisserait et maintiendrait l'escompte à 3 pour
100. L'escompte à ce taux était présenté comme
la condition essentielle des améliorations éco-
nomiques réclamées par les besoins du pays,
savoir : la construction du troisième et du
quatrième réseau des chemins de fer, qui,
devant être d'un très-maigre produit, ne pou-
vait être menée à fin qu'avec des capitaux
qui ne chargeraient les travaux que d'un fai-
ble intérêt; la mise à la portée des petits ate-
liers, des artisans, des négociants de tout or-
dre, des bienfaits du crédit, qui ne pouvait
avoir lieu qu'autant qu'on escompterait les
billets à deux signatures, sans intermédiaire,
et à un taux d'intérêt réduit. Avec une banque
d'émission pouvant disposer' de capitaux à
bon marché , on se faisait fort de taire des
avances aux communes rurales," d'y créditer
les travailleurs de la terre et de" détruire l'u-
sure dans les campagnes. Enfin, on aurait pu
favoriser, sur une immense échelle, les sociétés
coopératrices qui sont destinées à transformer
d'une manière si heureuse la condition du grand
nombre. Enfin, le 14 novembre 1864, la banque
de Savoie signa un traité de renonciation à son
privilège d'émission, moyennant une somme
de 4 millions et l'établissement de deux suc-
cursales, l'une à Annecy, l'autre à Chambëry.
Un décret du 8 avril 1805 a autorisé la créa-
tion de ces deux succursales. L'une et l'autre,
pendant leur premier exercice, ayant eu à
taire face à leurs frais de premier établisse-
ment, n'ont pu les couvrir par les bénéfices de
leurs opérations. En 1865, l'ensemble de ces
opérations s'est élevé à 11,667,705 fr., dont
5,693,299 d'escomptes. Dans les dernières an-
nées de son existence, la banque de Savoie fai-
sait, par semestre, une moyenne de 15 millions
d'escomptes, c'est-à-dire rendait au crédit com-
mercial, sous ce seul rapport, cinq fois plus
de services que ne lui rend et ne peut lui
rendre la banque de France. Cette lutte entre
les deux banques n'aura cependant pas été sans
profit pour le public. Elle aura d'abord eu pour
résultat d'amener la banque de France, qui
laissait dormir depuis six ou sept ans la fa-
culté d'émettre des billets de 50 fr., à user de
cette faculté; en second lieu, elle aura amené
l'enquête sur les banques et les institutions de
crédit, enquête dont il sortira inévitablement
quelque chose.
— Banque de Venise. Une erreur très-ac-
créditse fait remonter à 1171 la fondation de
la banque de Venise. Ce qu'il y a de vrai à
cet égard, c'est qu'en 1171 la république de
Venise, qui souffrait d'un grand désordre fi-
nancier, résultat de ses guerres avec les deux
empires d'Orient et d'Occident, se tira d'affaire
en imposant à ses sujets un emprunt forcé
dont elle promit de payer l'intérêt à raison do
4 pour 100, Les titres représentant cette dette
furent déclarés transmissibles, et, en 1173, on
créa une commission qui fut spécialement
chargée de suivre les opérations de transfert
et de veiller au service des intérêts. A la
longue, le lieu où opérait la chambre des em-
prunts , caméra dei impretti , fut appelé
banque, bien que les opérations de cette insti-
tution fussent complètement étrangères aux
opérations de banque proprement dites. —
Les premiers banquiers de Venise furent
deux juifs auxquels le sénat, en 1400, concéda
la permission de faire la banque. Leurs pro-
fits encouragèrent un grand nombre de nobles
à les imiter. Cet exemple n'eut pas le succès
ju'on en avait attendu; il y eut de nombreuses
uillit.es. Le sénat, pour remédier à ces dés-
astres, défendit les opérations commerciales
aux nobles et organisa, en 1337, la banque de
Venise. Voici comment, en 1678, le docteur
Lewis, dans son pamphlet intitulé : Modèle
d'une grande banque ou Large Model for a
Bank, s'exprime sur cet établissement : «La
banque de Venise, dit-il, est d'origine ré-
cente; c'est la malhonnêteté des banquiers qui
lui a donné naissance. Les banquiers de Ve-
nise faisaient exactement les mêmes opéra-
tions que les nôtres. Ils prenaient Ji intérêt
l'argent des particuliers et s'efforçaient à faire
rendre à cet argent un intérêt supérieur à
celui qu'ils servaient. Pour cela, ils prêtaient
leur argent à des gens insolvables ou l'aven-
turaient dans des affaires désespérées, ainsi .
que l'ont fait nos banquiers. Puis, lorsque le
résultat de ces opérations ne répondait point
à leur attente , ces banquiers ramassaient le
plus d'argent qu'ils pouvaient et se sauvaient
a l'étranger, ainsi que le font les nôtres. Lea
créanciers perdaient leur argent et la société-
son commerce, c'est-à-dire que les choses se.
passaient exactement comme elles se passent
i ;i. L'Etat, voulant apporter un remède à ce
fâcheux état de choses, a créé une banque pu-
blique au capital de s millions de ducats. Ce
capital est suffisant pour les besoins du com-
merce : la banque est administrée par des
fonctionnaires nommés par l'Etat; ses pre,-<
22
l
170
BAN
lïiières opérations, qui consistaient en comptes
courants et en escomptes, se faisaient avec
des espèces ; la guerre contre les Turcs ayant
forcé le gouvernement de dépenser toutes ses
espèces à l'étranger, le capital de la banque a
été successivement remplacé par du papier.
Aujourd'hui, le crédit sur lequel reposa ce
papier est tout à fait imaginaire, parce que
la banque ne possède plus les ressources né-
cessaires pour en opérer le remboursement
immédiat, si ce remboursement était demandé ;
cependant ce papier est parfaitement ac-
cepté par le commerce , il fait même une
prime de 20 pour 100 sur les espèces. Les
marchands préfèrent aux espèces le papier de
crédit comme étant plus facile à garder, à
porter et à faire circuler; les espèces restent
monnaielégale. »Les époques du payementdes
dépenses publiques amenant de grandes per-
turbations dans les changes , décidèrent, en
15S7, le gouvernement à organiser la banque
de Venise. Les négociants furent invités à
déposer leurs fonds entre les mains des com-
missaires de la dette publique. En retour de
ces dépôts, la banque ouvrait sur ces bons
un crédit égal a celui des espèces qu'elle avait
dans ses caisses. Les déposants pouvaient à
■volonté exiger le remboursement de leurs dé-
pôts ou transférer les titres constatant ces
dépôts. La monnaie de banque conserva ainsi
sa supériorité sur la monnaie en' espèces. La
prime s'éleva à 9 pour 100. Tant que la banque
de Venise se contenta d'être une simple banque
de dépôt, cet état de choses se maintint;
mais la banque ne put résister à la tentation
d'utiliser ses espèces. Les opérations qu'elle
fit à diverses reprises avec le trésor public
lui furent fatales, et trois fois, en 1691, en 1719
et en 1739, elle fut obligée de suspendre ses
payements. En une autre circonstance , le
crédit des billets de la banque eut fort à
souffrir des résultats d'une émission extraor-
dinaire faite au profit exclusif du gouverne-
ment. Ses billets tombèrent a 20 pour 100 au-
dessous des espèces métalliques. On remédia
à cette dépréciation en créant un fonds de
rachat de cette émission. Cette opération eut
pour effet de ramener le cours au pair. Cette
banque fut détruite par les Français, en 1797.
— Banque de Naples. Dès le commencement
du xvic siècle, il y avait une quarantaine de
banquiers à. Naples. Comme garantie de leurs
opérations, qui ne devaient pas s'étendre au
delà des limites du royaume, ils étaient
obligés de déposer 4,000 ducats entre les
mains du gouvernement. Ces précautions ,
imaginées pour empêcher des désastres, n'eu-
rent pas le résultat qu'on en attendait. Il y
eut de fréquentes faillites, et les désastres
causés par ces faillites furent très-considéra-
bles. En 1575, le gouvernement imagina,
comme remède, d'instituer une banque pu- ■
blique. Ce fut la première banque publique
d'Italie. Son établissement est antérieur de
douze ans à l'établissement de la banque de
Venise et de cent ans à celui de la banque de
Gênes, bien qu'une erreur, répétée par presque
tous les livres sur la matière , fasse remonter
la fondation de chacune de ces deux banques
à une époque beaucoup plus antérieure. Cette
banque provoqua bientôt la fondation de plu-
sieurs autres établissements de crédit , tels que
la banque du Peuple, fondée en 1589; la banque
du Saint-Esprit, fondée en 1591 ; la banque de
Saint-E loy, fondée en 1596 ; la banque de Saint-
Jacques, fondée en 1597 ; la banque des Pauvres,
fondée en 1600, et la banque du Saint-Sauveur
en 1640. Toutes ces banques s'appuyaient sur
une plus ou moins grande agglomération de
capitaux. Les banques privées ne purent sup-
porter leur concurrence, et dès 1604 elles
avaient cessé d'exister.
En 1808, toutes ces banques furent dissoutes
par un décret royal du 9 décembre qui les
remplaça par la banque des Deux-Siciles.
Elles laissaient un déficit de 500,000 ducats,
dont la nouvelle banque se chargea. Aux opé-
rations d'escompte et de dépôts, cette banque
joignit des prêts sur gages dans les înonts-
de-piété , des avances sur rentes et au Tré-
sor. Elle n'émet point de billets de banque,
mais seulement, comme la banque de Hom-
bourg, des billets à ordre sur dépôts (fedi di
credito), remboursables sur la demande du
porteur. Ces biiiets, qui participent de la na-
ture des warrants, forment une grande partie
de la monnaie de circulation de Naples. Le
gouvernement des Deux-Siciles faisait une
grande partie de ses payements en billets à
ordre de la banque. Le gouvernement actuel
se servait encore de cette banque pour le ser-
vice de trésorerie, et la faisait administrer
par des délégués. Cette banque ne publiait
point de compte rendu. Elle devra liquider
ses opérations lorsque la banque nationale
italienne entrera en fonctions à Naples.
— Banque de Gênes ou de Saint-Georges. A
Gênes, la dette publique et la nécessité où se
trouvèrent les porteurs de cette dette d'en
négocier les titres, amenèrent la création de
la banque. En 1396, la dette publique se com-
posait d'un grand nombre d'emprunts ; des
impôts spéciaux étaient affectés au service
des intérêts de ces emprunts, sous la surveil-
lance d'autant de commissions spéciales. Sous
l'administration du doge Antoniotto Adorno et
de Jean Le Maingre, maréchal de France et
gouverneur de la République au nom du roi de
France, Charles VI, il fut résolu de fondre tou-
tes les dettes en une seule. On ouvrit un grand
livre sur lequel furent inscrits les noms de
BAN
tous les créanciers de l'Etat. Les titres de
ceux-ci furent divisés en parts de 100 livres
chacune. Ces parts étaient transmissibles.
L'Etat se reconnut débiteur, envers les por-
teurs, d'un intérêt de 8 pour 100, qui fut
successivement réduit à 7 et a 6 pour 100.
L'administration de cette dette fut confiée à
une commission composée de huit des ci-
toyens les plus estimés de l'Etat. Les porteurs
de titres se formèrent quelques années plus
tard, en 1407, en une compagnie qui prit le
nom de compagnie de Saint-Georges. Ce nom
était celui de l'édifice public assigné à ses ad-
ministrateurs. La compagnie acquit peu k peu
de grands privilèges et une grande puis-
sance; elle futchargée du recouvrement du
revenu de l'Etat et investie de la faculté
de faire et d'appliquer, en matière d'impôts,
des règlements civils et criminels. En moins
d'un demi-siècle , la compagnie, par suite de
l'impuissance où était le gouvernement de lui
rembourser les avances en argent qu'il en
avait reçues, se faisait céder le port de Péra,
sur le Bosphore , les colonies de l'archipel
grec et l'île de Corse. Ces concessions, qui
taisaient de la compagnie une véritable puis-
sance politique, lui imposèrent des charges
très-considérables. Mais, au moyen âge, la
papauté était la ressource des financiers aussi
bien que des souverains. A deux reprises , en
1456 et 1479, la compagnie paya ses créan-
ciers en monnaie de bulles pontificales, c'est-
à-dire que la cour de Rome l'autorisa à sus-
pendre ses payements et à ne rembourser
ensuite qu'une partie de ses dettes. Pendant
une soixantaine d'années, la compagnie trouva
son bénéfice a augmenter ses possessions ter-
ritoriales. Ainsi, de 1479 à 1502, elle acquit les
petites propriétés de Serravalle, de Castel-
nuovo, d'Ortonovo et de San Stefano. De 1512
à 1515, elle se fit céder, à défaut de payement
des sommes qui lui étaient dues par la répu-
blique, les châteaux et territoires de Pievo del
Pieco, de Vintimille et de Levante « En
somme, dit Machiavel, la compagnie, qui était
riche et bien administrée, était toujours en
état de faire des avances à la république , qui
avait toujours besoin d'argent. La république
céda d'abord ses douanes et ses autres impôts,
puis ses meilleurs territoires et châteaux. La
compagnie était représentée, dans les divers
conseils politiques de l'Etat, par des députés
ne relevant en rien de l'Etat. La domination
de la compagnie était de beaucoup préférée à
celle de la république, parce que son admi-
nistration était bonne et régulière, tandis que
celle de la république était despotique et dés-
ordonnée. La compagnie n'intervenait que
peu ou point dans les luttes politiques ; mais
elle était assez forte pour obliger le vain-
queur à respecter ses lois. Elle présentait
alors un spectacle bien extraordinaire, tout
à fait en dehors des conceptions des philo-
sophes et des politiques, celui de l'existenceh
dans le même Etat et parmi les mêmes ci-
toyens, de la liberté etde la tyrannie, de la jus-
tice et delà licence, de l'ordre et du désordre.
Elle conservait soigneusement ce qu'il y
avait de bon dans les anciennes coutumes. Les
vœux des meilleurs citoyens étaient qu'elle
pût devenir maîtresse de tout le domaine ter-
ritorial de la république. » La réalisation de
cette perspective eût, au dire de Machiavel,
rendu Gênes plus illustre que Venise. Cepen-
dant la compagnie découvrit que le cumul du
fouvernement politique avec les opérations
nancières était ruineux. En 1562, elle céda
toutes ses possessions territoriales à la répu-
blique, qui, en retour et comme compensation
de ses dettes, lui céda les douanes et les pro-
fits de soixante-seize autres taxes. Jusqu'alors,
la compagnie de Saint-Georges était plutôt
une ferme générale des finances qu'une banque.
En 1575, elle se fit autoriser comme banque,
ses billets, divisés en coupures variant de
1,000 à 100 livres, furent déclarés seule
monnaie légale et admis à ce titre en paye-
ment des taxes. Ses opérations, en tant que '
banque, consistaient en escomptes, avances
sur lingots , comptes courants et recou-
vrement des billets des commerçants. Sa cir-
culation fiduciaire, comme celle des autres
banques d'émission de cette époque, reposait
sur le principe que chaque billet devait être
garanti par une même valeur correspondante
en espèces dans ses caveaux. On ne s'écar-
tait jamais de ce principe. Au commencement
du xviiiu siècle, cette banque était très-riche.
Les plus riches négociants et particuliers de
la république et du reste de l'Italie y avaient
des dépôts. En 1746, les Autrichiens, s'étant
emparés de Gènes, ne respectèrent pas les
dépôts de cette banque. En 1750, Gênes ayant
recouvré sa liberté et son indépendance, se
bâta de reconstituer sa banque. La république
se reconnut débitrice et garante de toute l'an-
cienne dette, que l'on divisa en actions de
200 livres transmissibles. Des ressources spé-
ciales ayant été affectées au rachat, par série,
de ces titres^ leur valeur dépassa bientôt le
pair. L'invasion française, en 1797, mit fin à
l'existence de cette banque. La circulation des
billets fut défendue. Les intérêts de la dette
publique, dont les billets étaient la repré-
sentation, furent, après réduction, mis a la
charge du budget de l'Etat. En 1816, un
décret royal fit disparaître tout ce qui restait
de la banque de Saint-Georges, en ordonnant
la réunion de ses attributions et des fonds lui
appartenant encore au Trésor public. Ainsi,
cette célèbre institution , dont l'origine re-
montait au commencement du xve siècle,
BAN
s'éteignit dans la liquidation des dettes
l'Empire français. L histoire de cette banr
de
- - banque
a été écrite tout récemment par le prince
Adam Wiszniewski.
— Banque nationale italienne. La banque
d'Italie a été constituée en août 1863 par la
fusion de la banque nationale de Turin avec
la banque de Toscane. Les actions de la pre-
mière de ces banques ont été admises pour
40 millions , celles de la seconde pour 10
millions. Les propriétaires des actions nou-
velles ont souscrit une action nouvelle pour
deux anciennes, ensemble 25,000, et les 25,000
autres ont été émises par souscription publi-
que. L'assemblée générale se compose de
tous les actionnaires qui sont propriétaires
de 20 actions nominatives depuis trois mois
au moins. Vingt actions donnent droit à une
voix, et on a une autra voix par cinquante
actions de plus. Le maximum de ces voix ne
peut pas dépasser cinq. Le siège social est
fixé à Gênes, à Turin et à Milan, malgré la
translation du chef-lieu du royaume à Flo-
rence. Ses attributions sont celles de toutes
les banques en général ; de plus elle fait toutes
les opérations que les banques de Turinj de
Parme, des Légations, de Toscane, de Sienne,
d'Arrezzo, de Pise, de Livourne, de Lucques,
et la caisse d'escompte de Florence, absor-
bées par elle, avaient coutume de faire ; elle
escompte des lettres de change et des effets de
commerce payables à Paris, Lyon, Marseille,
Genève ; fait des avances sur dépôts de lettres
de change payables à l'étranger, sur dépôts de
soies grèges et d'organsins ; elle prête , de
plus, à l'imitation de l'ancienne banque de Tos-
cane, sur livrets de la caisse d'épargne. Le
cinquième de son capital peut être placé en
fonds publics de l'Etat etdes villes de Gènes,
Milan, Florence; son émission se compose de
billets de 20, 50, 100, 250, 500, 1000 livres. Le
maximum de la circulation et des comptes
courants créditeurs doit se tenir dans les li-
mites du triple de l'encaisse métallique. Le
maximum des billets de 20 liv. est limité à
8 millions de francs.
— Banque de l'Etat pontifical. Cette ban-
que, autorisée par décret du 31 avril 1851, a
remplacé l'ancienne banque de Rome , fondée
en 1834 avec un capital de 10 millions d'écus
romains. En 1848, par suite de ses avances
excessives à l'Etat, elle fut obligée de sus-
pendre ses payements. Elle fait toutes opéra-
tions de banque ordinaires, à l'intérêt maximum
de 6 pour 100. Elle fait aussi des avances sur
denrées et marchandises, et peut employer
partie de son capital en prêts aux agricul-
teurs pour améliorations agricoles. La durée
de ces prêts ne peut pas excéder un an. C'est
aussi , et par-dessus tout , un instrument de
trésorerie. De toutes les banques d'émission,
c'est celle dont les coupures descendent le
plus bas. Ses billets sont de 100, 50, 20, 10, 5
et 1 scudi. Aux termes des statuts, l'émission
devrait se renfermer dans certaines limites en
effets et valeurs possédés par la banque et être
garantie en outre par un tiers en numéraire;
mais ces proportions ont été de beaucoup dé-
passées, et il a fallu donner cours forcé aux
billets de cette banque comme papier du gou-
vernement. Le capital est de 2 millions d'écus
romains, divisés en 10,000 actions de 200 scudi,
divisibles elles-mêmes en demi-actions de 100
scudi. On n'a pu en placer que moins de la
moitié. Les actionnaires ont 69 pour 100 des
bénéfices nets. Lorsque ces 69 pour 100 re-
présentent plus de 5 pour 100 du capital, il
est prélevé dessus 20 pour 100 pour le gou-
verneur et 12 pour 100 pour le sous-gouver-
neur. Cette banque , à raison des opérations
aventureuses que le régime pontifical lui im-
pose, a donné à ses actionnaires des intérêts
supérieurs à ceux des autres banques d'Italie.
— Banque d'Espagne. Cette institution a
été organisée en 1849 pour prendre la succes-
sion de la banque de San Fernando , qui elle-
même avait accepté l'incorporation de la
banque d'Isabelle II. Cette banque n'avait
fait que succéder à la banque de San Carlos,
fondée en 1785 par le banquier français
Cabarrus. La banque actuelle est consti-
tuée au capital dé 120 millions de réaux (un
peu moins de 32 millions de francs), divisés
en 6,000 actions de 2,000 réaux (526 fr. ).
Elle a la faculté d'émettre des billets de
banque jusqu'à concurrence de la moitié de
son capital. Le tiers de cette émission doit
être garanti par dés espèces ou des lingots. Ces
billets ne peuvent être inférieurs à 500 réaux
(132 fr.) La banque a droit d'établir des suc-
cursales dans le royaume. Jusqu'à présent,
elle n'a usé de cette faculté que pour en éta-
blir à Valence et à Alicante. Elle peut faire
des opérations d'escompte, de prèt; de comptes
courants, d'encaissement de dépots et toute
espèce de traités avec le gouvernement, sans j
pourtant se mettre à découvert. Elle ne peut ,
faire d'avances sur ses propres actions ni né-
gocier des fonds publics. Un décret de 1862,
portant approbation de la révision de ses sta- |
tuts, l'a autorisée à faire des achats et des !
ventes d'or et d'argent. Les lettres de change I
qu'elle est autorisée à négocier doivent être '
revêtues de trois signatures solvables et n'a- i
voir que quatre-vingt-dix jours à courir, avec
faculté de renouvellement. Les garanties d'a-
vances ne doivent être reçues que pour les
quatre cinquièmes de leur valeur. Ce décret
stipule enfin que le bilan doit être établi à la
fin de chaque semestre. L'assemblée générale
BAN
se compose des cent cinquante plus forts ac-.
tionnnaires, qui ont chacun une voix. 1,B.banqiie
est administrée par un gouverneur et deux
sous-gouverneurs nommés par l'Etat, douze
conseillers et un censeur nommés par les action-
naires représentés par l'assemblée générale.
Cette banque a été, jusqu'à présent, beaucoup
plus un instrument de finances, un moyen dû
trésorerie, qu'une institution de crédit commer-
cial. C'est avec le gouvernement que se passent
la plupart de ses opérations. Très-souvent les
sommes consacrées au commerce, pendant
tout un exercice, ne représentent pas les huit
dixièmes de celles mises à la disposition de
l'Etat. Si ce mode d'administration laisse à
désirer, commercialement parlant, il est assez
profitable pour les actionnaires; il leur pro-
cure des' dividendes qui, en moins de dix ans,
se sont progressivement élevés de 6 à 28 pour
100. Il y a encore en Espagne deux autres
banques d'émission.
— Banque de Barcelone. Cette banque est
très-ancienne ; l'origine en remonte au moyen
âge. Les dépôts qui y étaient faits étaient ga-
rantis par la municipalité. Cette banque a été
réorganisée à plusieurs reprises. La dernière
modification de ses statuts date de iS45. Ses
opérations consistent en escompte d'effets de
commerce à trois signatures et k quatre mois
d'échéance au plus, en avances sur dépôts
et fonds publics, en dépôts et comptes cou-
rants. Son assemblée générale se compose des
actionnaires ayant plus de 5 actions. Aucun
d'eux ne peut avoir plus do vingt voix. La
•banque doit 1 pour 100 de ses bénéfices aux éta-
blissements de bienfaisance de la ville et du
district de Barcelone. Depuis 1825, le revenu
moyen de ses actions a dépassé 12 pour 100.
Ce revenu s'est parfois élevé à 16, 18, 19 et
25 pour 100. Cette énorme prime, prélevée
par le capital, indique suffisamment combien
sont grands, dans ce pays, et les besoins de
capitaux et les dangers que ces capitaux ont
à courir. Le capital de cette institution est de
80 millions de réaux, divises en 40,000 actions.
— Banque de Cadix. Cette banque fut
constituée en 1847, au capital de 100 mil-
lions de réaux, lequel fut réduit de moitié
en 1851. Les actions sont nominatives; un
tiers d'entre elles peut être converti en ac-
tions au porteur, mais celles-ci n'ont pas
voix délibérative dans les assemblées géné-
rales. Pour faire partie de l'assemblée géné-
rale, il faut être porteur, depuis trois mois au
moins, de 40 actions nominatives. Un action-
naire ne peut avoir au maximum que cinq
voix. Les revenus des actions de cette banque
sont soumis à plus de fluctuations que ceux de
la banque d'Espagne et de la banque de Barce-
lone. En douze ans, ils ont varié de 3 pour 100
à plus de 51 pour 100. En élaguant ces deux
exercices, qui sont ceux de 1848 et 1800, on
trouve une moyenne de 8 pour 100. — Les
coupures de cette banque varient de 100 à
4,000 réaux; celles de la banque de Barce-
lone varient de 100 k 2,000 réaux. La circula-
tion des deux banques doit être garantie par un
tiers d'espèces métalliques, et le chiffre de cette
circulation ne doit pas dépasser le capital.
— Banque de Bussie. En 1859 et 1800, les
banques qui existaient en Russie ont été dis-
soutes et remplacées par la banque de l'Etat.
L'ukase de création permet à cette banque les
opérations suivantes : Escompte de lettres de
change russes et étrangères ; escompte de va-
leurs à terme du gouvernement et de papiers
publies à intérêts; achat et vente d'or et d'ar-
gent; recouvrement pour compte de tiers de
lettres de change; encaissement des dépôts
donnés en garde ou en compte courant ; conces-
sions de prêts; achat et vente pour le compte
de tiers de billots de banque à 5 pour 100, et
d'autres fonds publics; achat et vente, pour
son propre compte, de fonds publics. Un ca-
pital de fondation de 15 millions do roubles,
pris sur les capitaux des banques d'emprunt et
de commerce, et, de plus, 1 million do roubles,
comme capital de réserve, sont attribués à
cette institution. Toutes ses opérations sont
déterminées par le ministre des finances. C'est
principalement un instrument de trésorerie; à
ce titre, elle est spécialement chargée du ser-
vice des intérêts et amortissement du capital
des dépôts confiés aux établissements de cré-
dit, que l'Etat a transformés en prêts à long
terme à son profit; du payement des coupons
sur les billets de banque portant intérêt k 5
pour 100; de l'opération du tirage et du rem-
boursement annuel de ces billets ; de l'échange
des billets de crédit vieux contre de nouveaux,
et de l'échange de ces billets contre du numé-
raire. Cette institution rend très-peu de ser-
vices au commerce proprement dit. C'est à
peine si, dans ses bilans, qui se chiffrent par
12 à 1,500 millions de roubles, les avances de
toutes sortes faites au commerce représentent
20 millions de roubles.
— Banque de Grèce. Cette banque, consti-
tuée en 1841, escompte des lettres de change
à S pour 100 au maximum ; prête sur hypo-
thèques, dépôts d'or et d'argent, jusqu'à con-
currence des 3/4 de son capital, qui est do
5 millions de drachmes (90 a). Sur ces opé-
rations, elle est autorisée à prélever un inté-
rêt supérieur de 2 pour 100 à celui des es-
comptes et avances sur comptes courants. Lo
chiffre de ses avances et de ses dépôts ne doit
pas dépasser le montant du capital social.
Cette banque émet des billets de 25, 100 et
500 drachmes, dont 1/3 doit être représenté
BAN
BAN
BAN
BAN
171
en espèces métalliques, ainsi que des lettres
de change de 100 drachmes au moins et de
1,000 drachmes au plus. Les porteurs d'ac-
tions au porteur et les porteurs d'actions no-
minatives ne sont pas traités de la même fa-
çon , en ce qui concerne la représentation
dans l'assemblée générale. Les premiers doi-
vent être porteurs de 10 actions pour avoir
une voix, tandis que les seconds peuvent n'en
avoir que 5. Le maximum des voix pour les
uns et les autres est fixé à dix. Au mois de
janvier 1863, cette banque avait une réserve
de près de .la moitié de son capital social.
Cette réserve sert à compléter le dividende,
lorsque le revenu des actions est de moins de
3 1/2 pour 100 ; mais cette éventualité se réa-
lise rarement: le dividende atteint parfois
jusqu'à 12 pour 100.
— Banque ottomane. La fondation de cette
banque est toute récente. Le Divan en a con-
cédé le privilège, le 4 février 1863, aux seize
capitalistes anglais et français suivants : Wil-
liam Clay, Dupré-Grenfell, Lachlan-Mackin-
sloshhate, William Richard-Drake, Isaac Pé-
reire, président du conseil d'administration du
Crédit mobilier de Paris ; Emile Péreire, ad-
ministrateur du Crédit mobilier espagnol; Eu-
gène Péreire ; à Hottinguer, Fould, Mallet,
Pilles-Will, Sellière, Stem, Mussard, en leur
qualité de chefs des maisons de banque de ce
nom et à MM. Eugène Péreire, de Galliera
et Biesta, en leur nom personnel. La banque,
bien que placée entre les mains de concession-
naires étrangers, est tenue de se conformer,
dans ses opérations , aux lois générales de
l'empire ottoman. Le contrôle du gouverne-
ment sur ces opérations s'exerce par l'inter-
médiaire d'un haut commissaire, qui, tout en
veillant à !a juste exécution des statuts, ne
peut cependant s'ingérer dans l'administration.
Les opérations financières de cette banque
avec le trésor sont contrôlées par un inspec-
teur spécial. Le capital est de 67,500,000 fr.,
divisé en 135,000 actions. La durée du privi-
lège est de trente ans, à partir de la consti-
tution définitive. Un an avant l'expiration de
ce délai, si le gouvernement a l'intention de
ne plus renouveler le privilège, la banque de-
vra en être avertie. Le gouvernement devra,
de plus, rembourser intégralement, en capital
et intérêts, toutes les sommes dont il sera re-
devable. Une pareille disposition équivaut au
renouvellement indéfini du privilège. Le siège
de la banque est à Constantinople ; mais elle
peut, avec l'autorisation du gouvernement,
établir autant de succursales et d'agences
qu'elle le juge convenable. L'administration
de Constantinople se compose d'une direction
de deux à trois membres et d'un conseil d'ad-
ministration de trois membres, qui, les uns et
les autres, sont nommés par les fondateurs.
Les opérations que cette institution s'est ré-
servé de faire consistent en émission de billets
au porteur remboursables à présentation, et
dont le maximum ne devra jamais dépas-
ser le triple du numéraire en caisse ; en
escompte d'effets de commerce et engage-
ments à ordre revêtus de trois signatures, et à
échéance de quatre-vingt-dix jours au plus ;
en encaissement à Constantinople et dans les
succursales des revenus de l'empire; en ser-
vice des intérêts des diverses dettes, tant ex-
térieures qu'intérieures de l'empire ; en sou-
missions, d'emprunts et avances au Trésor; en
avances sur métaux précieux, valeurs et mar-
chandises. Jusqu'à présent, de toutes les opé-
rations, celle qui a eu le moins d'existence
pratique, c'est 1 émission des billets au porteur.
Le maximum de ces billets, au lieu d'atteindre
le triple du numéraire en caisse, n'a guère
dépassé 300,000 fr., tandis que l'encaisse s'est
parfois élevé à 12 millions de francs. Ces
billets sont en langue turque; le minimum de
leurs coupures est fixé provisoirement à 200
Eiastres. Afin de favoriser l'émission de ces
illets, le gouvernement s'est engagé à n'é-
mettre aucune espèce de papier-monnaie pen-
dant la durée de la concession, et à ne con-
céder ce privilège d'émission à aucun autre
établissement. De son côté , la banque s'est
engagée à aider le gouvernement à retirer
l'ancien papier-monnaie.
— Banques américaines. Avant la guerre
civile qui a trop longtemps ensanglanté les
Etats-Unis d'Amérique, on croyait assez gé-
néralement en Europe que la liberté des ban-
ques était illimitée dans cette puissante répu-
blique, et que la liberté de Dattre monnaie
avec du papier y était exercée sans frein ni
mesure. C'était une erreur. Il est vrai que l'é-
mission du papier fiduciaire n'y constituait
pas un monopole exclusif. On pouvait, sans
beaucoup d'obstacles, fonder des compagnies
• de banque faisant l'escompte et pouvant émet-
tre des billets. Aussi, au moment où éclatait
cette guerre fratricide, en mars 1861, les ta-
bleaux présentés au Congrès mentionnaient
l'existence de 1,656 banques, au capital nomi-
nal de près de 2 milliards 200 millions de dol-
lars (environ 11 milliards de francs), sans
compter 750 maisons particulières, souvent
aussi puissantes que des compagnies. La régle-
mentation légale de ces établissements n'était
pas dans les attributions du Congrès; elleva-
riaitd'Etat à Etat, et, fait très-remarquable, les
Etats où l'indépendance des banques était
presque complète, comme dans le Rhode-Is-
îand, étaient ceux où se produisait le moins
d'abus. Dans les Etats du Sud, la réglementa-
tion était, au contraire, compliquée et oppres-
sive. Là, aussi bien qu'en Europe, l'autorité
croyait devoir substituer ses propres lumière
à la vigilance des intérêts privés. '
Parmi tous ces divers systèmes, celui qu'a
vait adopté l'Etat de New-York était de beau-
Coup supérieur aux autres. En 1838, lors de la
crise qui amena la suspension de payement
ou la faillite de 450 banques sur 9.00, le peuple
de New-York, réuni spontanément en con-
vention , introduisit dans la constitution la
modification suivante : « Il sera pourvu, disait
la résolution prise en cette circonstance, à
l'enregistrement de tous les billets émis dans
la circulation comme monnaie ; on exigera des
garanties solides pour la convertibilité de ces
billets en espèces. Dans le cas où une banque
viendrait à suspendre ses payements, les por-
teurs de billets devaient être admis à exercer
leur droit par privilège. » Par suite de ces
mesures, le billet de banque se trouvait être
non une promesse de payer, mais une monnaie
effective. Sans atteindre la liberté des ban-
ques, on arrivait à constituer une sorte d'unité
pour le papier-monnaie. La fabrication des
billets était placée, comme le droit de battre
monnaie, dans les attributions de l'Etat. Le
contrôleur des finances, assisté par un surin-
tendant des banques, doit faire graver sous
ses yeux des planches correspondantes aux
différentes coupures autorisées; il surveille
les tirages, et les divers billets, contresignés
par lui, sont numérotés et enregistrés dans
ses bureaux. Les compagnies, n'ayant pas le
droit <le créer leur papier de circulation, se
procurent les billets fabriqués par l'Etat, en
déposant, à titre de garantie, des effets publics
dans une proportion déterminée par les règle-
ments. A 1 origine, on acceptait comme contre-
valeurs des titres de rente sur les divers Etats
ou villes de l'Union; quelque temps avant la
crise, on ne recevait plus eu nantissement que
les titres de la dette fédérale ou de l'Etat de
New-York. Ces titres étaient capitalisés à un
taux de nature à assurer le remboursement
du billet, même en cas de vente forcée. Les
créances Hypothécaires étaient aussi accep-
tées, mais pour la moitié seulement des billets
délivrés. Cette acceptation était en outre sou-
mise à certaines précautions.
Toute compagnie, quel que fût le nombre
de ses membres, et même tout individu isolé,
pouvait constituer une banque en justifiant
d'un capital réalisable de 500,000 fr. au mini-
mum. Il suffisait alors d'adresser au contrô-
leur des banques une requête indiquant ie
nom et le siège de la nouvelle banque, le dé-
compte du fonds social, le nombre des actions
à émettre, les noms et adresses des action-
naires, le nombre des actions prises et les
versements faits sur chacune d'elles. L'action-
naire fondateur se reconnaissait responsable
jusqu'à concurrence de deux fois la valeur de
la souscription. Le capital social pouvait être
augmenté indéfiniment , mais il ne pouvait
être réduit, à moins de liquidation. Une fois
la faculté d'émettre des billets à vue et au
porteur acquise au moyen de l'accomplisse-
ment de ces formalités, chaque banque rece-
vait de l'Etat les billets dont elle avait besoin
contre dépôt de valeurs acceptées. Si ces pa-
piers n'étaient pas convertis en monnaie lé-
gale à la première réquisition , le porteur
transmettait le billet protesté au contrôleur
des banques. Celui-ci sommait lu compagnie
de payer et, si le payement n'avait pas lieu
dans les dix jours, le contrôleur vendait, à la
Bourse ou aux enchères, les fonds publics ou
les titres déposés entre ses mains, et en appli-
quait le produit au remboursement des billets
en souffrance. Les banques étaient en outre
obligées de conserver en espèces au moins le
huitième de leur capital réalisé.
Quant à la distribution du crédit, elle n'était
l'objet d'aucune réglementation. Aucune pré-
caution légale n'était prise quant à la solida-
rité des valeurs escomptées et au terme des
crédits accordés ; les banques pouvaient donc
se jeter dans des aventures en ouvrant des
crédits à découvert, et en faisant des avances
sur des titres d'une réalisation difficile. « La
loi, dit une des autorités chargées de son exé-
cution, le surintendant des banques Cook, ne
se préoccupe que de la sûreté à donner au
porteur du billet. ».On croyait ainsi avoir
créé' un papier dont la solidité égalait celle
des espèces métalliques. Mais, dans la prati-
que, il advint que ce système poussa à la
multiplication des banques bien au delà des
besoins et des ressources. Ainsi, dans l'Etat
de Massachussetts , qui comptait moins de
1,300,000 habitants, il existait 180 banques,
constituées au capital de 336 millions de
francs, tandis qu'en France le fonds social de
la banque d'émission, destiné à desservir les
besoins d'une nation de 38 millions d'âmes, est
de 200 millions de francs. A cette époque, les
dettes publiques, tant des Etats-Unis que de
chaque Etat en particulier, composaient pour
ainsi dire de véritables germes de banques.
Les petits capitalistes , qui forment partout
ailleurs la clientèle des caisses d'épargne, tels
que les femmes veuves, les petits marchands,
les petits employés, les matelots, les ouvriers,
les domestiques, employaient souvent leurs
fonds disponibles en achats de fonds publics,
afin de pouvoir organiser une banque, comme
■ moyen de tirer meilleur parti de leur argent.
C'est de tels éléments qu'était composée, à
Philadelphie , à Boston et à New-York, la
masse des actionnaires des principales ban-
ques. Le jour des grands besoins venu, ce
publia n'a pas marchandé à ses mandataires
le pouvoir qu'ils ont assumé de mettre tout
son avoir à l'entière disposition de l'Etat. Les
rapport des banques américaines avec le gou-
vernement fédéral pendant ces quatre années
en ont bouleversé les anciennes conditions.
L'opinion publique s'est prononcée en faveur
d'un système de banques nationales. Un acte du
congrès, en date du 3 juin 1864, a organisé ce
système. En voici les principales dispositions :
La direction et la surveillance des banques d'é-
mission sont devenues l'une des grandes attri-
butions de l'Etat. Cette direction et cette sur-
veillance sont confiées à un haut fonctionnaire,
appelé contrôleur de la circulation (comptroler
ofthecurrency) , placé sous les ordres directs du .
secrétaire du trésor, et nommé, sur la présen-
tation de ce ministre, par le président. Le sé-
nat ratifie cette nomination. Comme il est
d'une extrême importance qu'une administra-
tion pareille soit systématique , la loi y a
pourvu en décidant que les fonctions du con-
trôle de la circulation dureraient cinq ans,
c'est-à-dire un an de plus que celles du prési-
dent et des membres du cabinet. Le droit de
révocation a été maintenu à son égard ; mais,
s'il en est fait usage, les raisons de cette ré-
vocation doivent être communiquées au sénat.
Ce fonctionnaire a un traitement de 5,000 dol-
lars (25,000 fr.); il est assisté par un sous-
contrôleur ou contrôleur-adjoint, nommé par
le secrétaire du trésor. Comme garantie de sa
gestion, il est tenu de fournir un cautionne-
ment personnel de 150,000 dollars et deux cau-
tions pour la même somme. Le contrôleur-
adjoint est également obligé de fournir caution,
mais dans des proportions trois fois moindres.
L'un et l'autre doivent affirmer par serment
qu'ils n'ont aucun intérêt dans les banques
dont ils sont chargés de surveiller l'admi-
nistration. Voilà pour l'Etat.
En raison de l'importance d'une banque d'é-
mission, la loi n'a pas cru que ce fussent là
des opérations susceptibles d'être conduites
par une seule personne ; aussi l'acte du
Congrès a-t-il fixé à cinq personnes au moins
le nombre des associés nécessaires pour con-
stituer une banque et celui des membres du
conseil d'administration. Du reste, les banques
sont de grosses entreprises nécessitant un ca-
pital considérable, qui ne peut être fourni que
par une réunion assez nombreuse d'action-
naires. Les banques sont tenues de faire con-
naître les noms et résidences de leurs action-
naires, ainsi que le nombre des actions possé-
dées par chacun d'eux. Le capital est fixé, au
minimum, à 150,000 dollars. Dans les villes de
nlus de 50,000 habitants, ce capital ne peut pas
être moindre de 200,000 dollars. Dans les lieux
dont la population est inférieure à 6,000 âmes,
l'établissement d'une banque d'émission doit
être approuvé par le secrétaire du trésor. Les
banques ne peuvent faire d'autres opérations
que celles qui sont autorisées par les statuts,
c'est-à-dire escompter et négocier des billets
à ordre, des traites, des lettres de change,
accepter des dépôts, faire des avances sur
fonds publics et émettre des billets au por-
teur. Les opérations autres que celles-là doi-
vent être autorisées. Toute société de banque
ueut se dissoudre,- mais cette dissolution doit
être prononcée par une assemblée générale,
composée d'actionnaires possédant les deux
tiers du capital. L'assemblée générale, ainsi
composée , procède à la nomination de son
conseil d'administration (board of directors).
Les membres du conseil d'administration nom-
ment eux-mêmes leur président, leur vice-
président et le caissier. Ce conseil ne peut
jamais être composé de moins de cinq mem-
bres. Chaque membre doit être citoyen des
Etats-tlnis, et les trois quarts des membres
doivent avoir résidé dans l'Etat, territoire ou
district où la banque est établie, une année au
moins avant l'élection ; tous doivent prendre
l'engagement d'y résider pendant toute la
durée de leurs fonctions. Chaque directeur
doit avoir au moins 10 actions; avant d'entrer
en fonctions, il affirme sous serment qu'il est
réellement propriétaire du chiffre d actions
prescrit par la loi, que ces actions sont libres
de tout engagement et le resteront pendant
toute la durée de ses fonctions. Il prête éga-
lement serment, non-seulement d'administrer
honnêtement et soigneusement les affaires de
la banque et de ne violer aucune des disposi-
tions de la loi, mais aussi de veiller à ce que
ces dispositions ne soient pas violées par les
autres. Ce serment, fait par écrit, est trans-
mis au contrôleur de la circulation. Les va-
cances qui se produisent dans le conseil d'ad-
ministration sont provisoirement remplies par
des actionnaires que désigne le conseil ; mais
ces nominations doivent être ratifiées par
l'assemblée générale. Chaque actionnaire fait
partie de l'assemblée générale, et y a droit à
autant de voix qu'il a d'actions ; il peut se
faire représenter par procuration ; mais cette
procuration ne peut être donnée à aucune
personne employée par la banque. Un action-
naire n'a droit de vote qu'autant que les ver-
sements appelés sur les actions qu'il possède
sont effectués. Les actions doivent être de
100 dollars (535 fr.) au minimum. En cas de
faillite de la banque, les actionnaires sont res-
ponsables vis-à-vis des tiers jusqu'à concur-
rence du montant de leurs actions, et, en outre,
d'une autre somme équivalente au montant de
ces actions évaluées au pair. Les actionnaires
des sociétés de banque ayant un capital de
plus de 5 millions de dollars et une réserve
proportionnée à l'importance de ce capital, ne
sont responsables que jusqu'à concurrence du
montant de leurs actions. Le contrôleur de la
circulation peut ordonner la clôture de toute
banque qu'il suppose se livrer à des opérations
autres que celles qui sont autorisées par la
loi. Le capital d'une banque ne peut être aug-
menté ou réduit qu'en vertu d'une délibération
votée par les actionnaires possédant les deux
tiers du capital. Toutefois, laréduction ne peut
jamais descendre au-dessous du minimum légal
ou de Ja garantie légale affectée à la circula-
tion des billets.
Avant de commencer ses opérations, une
banque doit avoir réalisé au moins la moitié
de son capital ; l'autre moitié doit être réali-
sée par versements d'au moins 10 pour 100.
La réalisation de ces versements doit être
attestée par serment écrit des membres du con-
seil d'administration et du caissier principal. La
banque doit également déposer entre les mains
du trésorier- des Etats-Unis une quantité de
titres de la dette de ces mêmes Etats équiva-
lente à au moins le tiers de son capital. En
échange de ces titres, le trésorier des Etats-
Unis remetà la banque une quantité équivalente
de billets au porteur en blanc de l , 2, 3, 5, 10, 20,
50, 100 et 500 dollars. Ces bons portent qu'ils
sont garantis par les bons des Etats-Unis et
remboursables à présentation par la banque qui
les a émis. Les bons au-dessous de 5 dollars
ne doivent pas former plus du sixième de l'é-
mission. Après la reprise des payements en
espèces, les bons au-dessous de ce chiffre de-
vront être retirés de la circulation. Ces billets
sont reçus en payement des taxes intérieures
et des ventes de terres publiques ; ils ne sont
pas reçus en payement des droits de douane.
Le gouvernement des Etats-Unis peut effec-
tuer, avec ces billets, les payements de toutes
ses dettes et services, sauf celui des intérêts
et du rachat de la dette publique. Les billets
usés ou mutilés sont transmis au contrôleur
de la circulation, qui en remet d'autres en
échange. Les billets, ainsi mis hors d'usage,
sont brûlés en présence d'une commission
de quatre personnes désignées , la première
par le secrétaire du trésor, la seconde par le
contrôleur de la circulation, la troisième par
le trésorier des Etats-Unis, la quatrième par la
banque. Les banques peuvent disposer comme
bon leur semble des intérêts que le trésor leur
sert sur leurs fonds publics. Les biens immeu-
bles, qu'en cas de fafllite de ses débiteurs, une
banque peut être amenée à posséder, doivent
être vendus au mieux de leurs intérêts, aussi
vite que possible. Dans aucun cas, ce délaine
peut excéder cinq ans. Les opérations autres
que l'escompte du papier commercial, dans
lesquelles une banque engage son capital, ne
peuvent excéder le dixième du capital versé.
L'intérêt que les banques sont autorisées à
prélever ne peut en aucun cas dépasser 7 pour
100. Leur encaisse doit représenter au moins
25 pour 100 de leur circulation et de leurs dé-
pôts. Lorsque l'émission tombe à 15 pour 100
au-dessous de ce chiffre, les banques doivent
s'interdire toute espèce d'opérations d'avances
ou d'escomptes, sauf les achats de lettres do
change payables à vue, à moins que leurs en-
gagements ne soient balancés par des comptes
créditeurs sur les associations de banques au-
torisées dans les villes de Saint-Louis, Louis-
ville, Chicago, Détroit, Milwankie, Nouvelle-
Orléans , Cincinnati, Cleveland, Petersburg,
Baltimore, Philadelphie, Boston, New-York,
Albany, Leavenworth, San Francisco, Wash-
ington.- Lorsque , par une cause ou par une
autre, les billets d'une banque tombent au-
dessous du pair, le contrôleur de la trésorerie
doit inviter la banque à prendre des mesures
pour ramener immédiatement le cours du
pair ou retirer son émission. Chaque banque
doit, tous les trois mois, envoyer un état de
situation au contrôleur de la circulation, qui
le fait publier. Les banques ne peuvent pas
faire d'avances sur leurs actions ; il ne leur
est pas permis d'avoir d'autres dettes que
leurs billets au porteur^ leurs dépôts et les
traites tirées sur ces dépôts. Il leur est égale-
ment interdit d'emprunter de l'argent en don-
nant leurs billets en nantissement. Elles ne
doivent distribuer de dividendes que sur les
bénéfices nets. Les dettes en souffrance de-
puis six mois doivent être passées en profits
et pertes. Enfin, toute opération sur les billets
des autres banques tombés au-dessous du pair
et déclarés, à ce titre, non renouvelables dans
les caisses publiques leur sont interdites, et
le maximum des billets qu'elles peuvent mettre
en circulation est limité à 300 millions de dol-
lars. Ce nouveau système de banque, conçu
par le secrétaire du trésor Chase, parait avoir
pleinement réussi , bien que les prédictions
d'un sort contraire ne lui aient pas fait dé-
faut. Dans le rapport présenté au Congrès le
4 décembre 1865 , le nouveau secrétaire du
trésor, M. Mac-Culloch, constate qu'au 31 oc-
tobre précédent, 1,601 banques s'étaient orga-
nisées d'après ce système. Sur ce nombre,
679 banques étaient dès établissements nou-
veaux, et 922 des banques déjà existantes.
Dans ce rapport, la disposition dont est armée
l'autorité publique, vis-à-vis des banques qui
laissent tomber leurs émissions au-dessous du
pair, est justifiée en ces termes : « Il est de la
plus haute importance que les banquiers sa-
chent que leurs billets ne sont pas de l'argent,
mais des promesses de payer, et plus les le-
çons , en cas de non - payement de leurs
billets, seront promptes et efficaces, mieux
cela vaudra pour les actionnaires et le oou-
172
BAN
BAN
BAN
BAN
Fn
veau système. Ce système a été conçu non-
seulement dans le but de fournir au public
une circulation fiduciaire sérieuse, mais aussi
pour donner à cette circulation une valeur
uniforme ; et il n'est pas probable que ce but
soit atteint, à moins que les banques, soit vo-
lontairement, soit par force, ne maintiennent
leur circulation au pair sur les principaux
marchés monétaires du pays. L'établisse-
meDt du nouveau système de banques natio-
nales est une des grandes compensations du
fléau de la guerre ; c'est un des grands accom-
plissements de cette remarquable période. En
deux ans et demi, depuis l'organisation de la
première banque nationale, tout l'ancien sys-
tème de banque, réglé dans chaque Etat par
la législation locale , a été remplacé, et le
peuple des Etats-Unis est pourvu d'une cireu-
ation fiduciaire qui porte le sceau du dépar-
tement de la trésorerie, comme garantie de
sa solvabilité. 11 ne reste maintenant qu'a
assurer le remboursement de cette" circulation,
non-seulement par les banques qui l'ont émise,
mais par les banques de tous les grands cen-
tres commerciaux, pour que le nouveau sys-
tème soit un bienfait presque inconcevable
pour le pays. »
— Banque du Benqah. Capital, 30 millions
de roupies (2 fr. 38) , divisés en actions de l ,000
et 5,000 roupies. Cet établissement escompte
des valeurs à trois mois, fait des avances sur
dépots de valeurs et de marchandises, ouvre
des comptes courants avec chèques. Ses opé-
rations avec le gouvernement, en tant qu'a-
vances, sont limitées à 750,000 roupies. Son
émision, composée de coupures diverses, re-
pose sur deux garanties , sur un encaisse
métallique égal au tiers des billets en circula-
tion et sur un cautionnement de 2 millions de
roupies. Le conseil d'administration de cet éta-
blissement est nommé par le gouvernement.
— Banque de Bombay, fondée en 1839. Ca-
pital, 5,223,000 roupies, divisés en 5,225actions
cle 1,000 roupies. Comme la banque du Ben-
gale, cet établissement fait des opérations do
prêts, d'escompte, de dépôt et des émissions
de billets. Sa circulation est a la fois garantie
par un encaisse métallique du tiers, et, pour
tes deux autres tiers, par des fonds indiens.
— Banque do Madras, fondée en 1838. Ca-
pital, 6 millions de roupies. Aux opérations de
banque ordinaires, cet établissement joint des
prêts sur hypothèque, des avances sur nan-
tissement. Ses émissions doivent être garan-
ties par le tiers de la circulation en espèces
métalliques, et aussi par des fonds puolics.
Dans les colonies australiennes, les banques
d'émission doivent également limiter leur cir-
cula'tion au triple de leur circulation métalli-
que. Les banques de Maurice et des Antilles
font aussi des avances sur récoltes, comme
les banques françaises coloniales.
111. — Des banques un France, L'institution
des banques de circulation en France ne date,
comme établissement régulier et définitif, que
du commencement de ce siècle. Déjà, cepen-
dant, deux tentatives avaient été faites sous
l'ancien régime, pour doter notre pays de
cette institution, lune en 1716, dans la banque
de Law; l'autre en 1776, dans la caisse d es-
compte.
— Banque royale ou banque de Lava. H y
avait vingt-deux ans que la banque d'Angle-
terre fonctionnait a Londres, lorsque, en 1710,
le duc d'Orléans, régent de France pendant
la minorité de Louis XV, accueillit la propo-
sition de l'Ecossais Law, de fonder une banque
à Paris. Le gouvernement était alors accablé
sous le poids de ses dettes et à bout de res-
sources. Le projet de Law apparut comme un
moyen de libération, a Dans cotte seule pen-
sée, dit Ch. Coquelin, il y avait déjà un germe
funeste qui devait, en se développant, en-
traîner la ruine de l'institution quon allait
fonder. C'était, à vrai dire, la même pensée
qui avait présidé à la banque de Londres. Seu-
lement, le gouvernement français était beau-
coup plus irrémédiablement obéré, en 17 1G,
que ne l'avait été le gouvernement anglais
en 1G94. Il était donc naturel qu'il attendit et
exigeât davantage de l'institution qu'il autori-
sait. De plus, il n'y avait pas à Paris, comme
à Londres, un parlement vigoureux, capable
d'arrêter le pouvoir sur la pente fatale où il
allait se mettre. •
La banque de Law fut autorisée par un édit
du 1 mai 1116, et se constitua au capital do
G millions, divisé en 1,200 actions de 5,000 liv.
tournois. Ses attributions essentielles furent
à peu près les mêmes que celles de la banque
de Londres. Elles consistèrent à escpmpter les
effets de commerce, à recevoir en dépôt les
fonds de caisse des négociants, et à effectuer
leurs payements et leurs recettes par des vi-
rements de parties ; enfin, à émettre des billets
au porteur et à vue. On ajouta à l'acte d'insti-
tution cette clause rassurante, que les billets
seraient remboursés en écus du même poids
et du même titre que ceux qui avaient cours
à la date de l'édit : disposition bien nécessaire
à. une époque où les dernières altérations de
monnaie étaient encore trop récentes pour être
sorties des mémoires.
Malgré le faible- capital avec lequel cette
banque était fondée, elle réussit d'abord au
delà de toute espérance. Ses billets entrèrent
facilement dans la circulation, et ses escomptes
s'étendirent, à la grande satisfaction du com-
merce français, qui n'avait pas encore trouvé
cette impulsion. Mais un succès de ce genre
ne répondait ni aux vastes projets du fonda-
teur, ni à l'espoir qu'avait conçu le régent de
faire servir l'institution à l'extinction des
dettes de l'Etat. On s'occupa d'abord d'étendre
dans les provinces la circulation des billets,
qui n'avait guère, jusque-là, dépassé le rayon
de Paris. Dans ce but, un édit du 18 avril 1717
ordonna que les billets fussent reçus dans
toutes les caisses publiques en payement de
l'impôt, et que les agents dépositaires des re-
venus publics les échangeassent, à la volonté
des porteurs, contre des espèces. Grâce a ces
mesures, la circulation s'étendit si bien qu'elle
atteignit bientôt le chiffre de oo millions, c'est-
à-dire dix fois le capital effectif de la banque.
On ne s'arrêta pas là. Un édit du mois d'août
1717 donna pour annexe à la banque une so-
ciété par actions, qui, créée sons le nom de
Compagnie des Indes occidentales, fut investie
de la souveraineté de la Louisiane, et du pri-
vilège exclusif de faire non-seulement le com-
merce de cette contrée, mais encore celui des
pelleteries du Canada. La totalité du capital
de la banque (6 millions) fut placée dans les
actions de cette compagnie. Le 4 décembre
1718, la banque de Law fut déclarée banque
royale. Son capital fut remboursé aux action-
naires par l'Etat, qui en fit son affaire propre,
d'après ce principe de Law quï/ appartient à
l'Etat de donner, et non de recevoir crédit.
Bientôt, on accorda à l'institution de nouveaux
privilèges. La compagnie des Indes occiden-
tales fit entrer dans son domaine les pays si-
tués au delà du cap de Bonne-Espérance,
ainsi que le Sénégal, et prit le nom de Com-
pagnie des Indes. En même temps, on lui
donna le monopole de la refonte et de la fa-
brication des monnaies, celui du tabac, le bail
des fermes, et même le soin d'encourager la
pêche et les manufactures. Il ne s'agissait
plus, dès lors, d'une simple banque de circu-
lation, mais d'un ensemble de spéculations
financières dans lesquelles la banque primitive
était, pour ainsi dire, absorbée, et dont elle
ne constituait plus qu'un élément. On sait que
cet ensemble de spéculations reçut des con-
temporains le nom de système (v. ce mot). Au
bout de quatre années, c'est-à-dire en 1720,
la banque de Law et le système dont elle fai-
sait partie croulaient après avoir bouleversé
les fortunes et l'Etat.
— Caisse d'escompte. La désastreuse liqui-
dation du système avait créé contre les ban-
ques de telles préventions que plus d'un
demi-siècle s'écoula avant que la pensée de
fonder une grande institution de crédit osât
se formuler. En 1776, le gouvernement accepta
les offres qui lui furent faites, d'autoriser la
création d'une caisse d'escompte, avec pri-
vilège d'émission fiduciaire pendant quinze ans,
dont les opérations devaient consister à es-
compter le papier de commerce à un taux d'in-
térêt ne pouvant, en aucun cas, excéder 4 pour
100; à faire le commerce des matières d'or et
-d'argent, et à se charger, sans aucune commis-
sion, des recettes et payements des particu-
liers. En dehors de ces opérations, la compa-
gnie s'engageait formellement à ne contracter
aucun emprunt à intérêt, aucun engagement
non payable à vue, et à s'interdire toute es-
pèce d actes de commerce.
L'autorisation fut concédée, mais à condi-
tion que Sa Majesté serait suppliée d'accepter,
à titre de prêt, 10 des 15 millions dont devait
se composer le capital social. En échange, le
trésor royal devait délivrer 13 millions de
quittances payables en treize ans, par semes-
tre. Cette combinaison ne fut pas du tout du
goût du public ; il fallut la révoquer et rendre
aux concessionnaires 2 millions versés en à
compte, avant de pouvoir constituer la com-
pagnie. En 1779, un arrêt du conseil autorisa,
en temps de guerre, l'élévation de l'intérêt à
4 1/2 pour 100. Le gouvernement, qui, dès le
début de cette institution, avait voulu s'en
approprier le capital en en exigeant l'immo-
bilisation dans ses caisses, arriva aux mêmes
fins par la voie des emprunts, auxquels bon
gré mal gré les administrateurs durent se sou-
mettre.
A cette époque, les institutions de crédit ne
publiaient pas, comme de nos jours, de Tjilans
périodiques. On craignait que le public ne
s'alarmât outre mesure des disproportions
qui, parfois, pourraient exister entre l'encaisse
et la circulation. C'est notamment ce qui
arriva en 1783. Le bruit s'étant répandu que,
pour faire face à 35 millions de billets, l'insti-
tution avait seulement 5 millions d'espèces, il
s'ensuivit une panique qui, en moins de qua-
rante-huit heures, réduisit à 138,000 fr. la ré-
serve métallique. Le gouvernement dut inter-
venir et ordonner le cours forcé des billets.
La panique cessa bientôt , et deux mois
après la caisse pouvait faire une nouvelle
émission de 1,000 actions de 3,000 fr., qui fu-
rent entièrement souscrites par ses action-
naires. Les énormes dividendes qu'on avait
distribués aux actionnaires avaient provoqué
des spéculations démesurées ; on y mit un
frein en soumettant à l'approbation du conseil
d'Etat l'exécution des délibérations relatives
à la fixation des dividendes.
En 1787, la caisse, dont le capital s'élevait
alors à 18 millions , partagée en 6,000 actions
de 3,000 fr., transforma et augmenta ce capi-
tal en l'élevant à 100 millions de francs, divisés
en 25,000 actions de 4,000 fr. 70 millions furent
prêtés au gouvernement, moyennant un intérêt
de 5 pour 100. L'escompte resta fixé à 4 pour
100 pour les effets h soixante iours ; il fut
porté à i 1/2 pour les effets de soixante à
cent vingt'jours, et à 5 pour 100 pour ceux de
cent vingt à cent quatre-vingts jours. En re-
tour des 70 millions qui lui étaient prêtés,
l'Etat prorogeait de trente ans le privilège
d'émission des billets au porteur.
Cette imm.obilisat.ion des sept dixièmes du
capital entre les mains de l'Etat fut présentée au
public comme une garantie du remboursement
des billets au porteur; mais le public ne crut
pas à la valeur de cette garantie ; à la moindre
crise politique ou commerciale, on le voyait
se précipiter aux guichets. Ne pouvant rem- i
bourser ses 70 millions, le gouvernement dé-
créta de nouveau le cours forcé. Dans l'espé- j
rance d'être dégagée de son association avec
l'Etat, la caisse fit de nouveaux sacrifices
d'argent; mais l'Etat n'eut garde de la libérer
de ses attaches. Après les sacrifices de numé- •
raire, la caisse se vit demander le sacrifice de
son crédit. Une fois ce crédit épuisé, l'asso-
ciation de l'établissement avec l'État fut
rompue par un décret de la Convention, qui en
ordonnait la suppression et la liquidation. ,
— Banque de Franceg son histoire. « La
Révolution, dit M. Courcelle-Seneuil, avnit
laissé la France sous le régime de la liberté
des banques, et aucune disposition législative
ne gênait, vers la fin du dernier siècle, l'émis-
sion des billets à vue et au porteur. Aussi, dès
que la catastrophe des assignats et des man-
dats territoriaux fut un fait accompli, dès que
le gouvernement cessa d'émettre du papier-
monnaie, le crédit privé reparut. En 1796, une
association de banquiers, formée sous le nom
de Caisse des comptes courants, s'établit pour
faire à Paris toutes les opérations de banque
dont le commerce aurait besoin. L'intérêt
courant était alors à 9 pour 100 sur la place
de Paris : la caisse des comptes courants créa
des billets à vue et au porteur, dont l'émission
lui permit de l'abaisser à 6 pour 100. Deux ans
plus, tard fut fondée, par une association de
négociants, la Caisse d'escompte du commerce,
et successivement plusieurs compagnies s'éta-
blirent, qui toutes émettaient dos billets à vue
et au porteur. » M. Courcelle-Seneuil fait re-
marquer que, dans cette courte mais difficile
f)ériode des dernières années du xvine siècle,
es banques libres rendirent de grands servi-
ces au commerce parisien, sans donner lieu à
aucun abus, sans provoquer aucune plainte.
Le gouvernement issu du 18 brumaire ne
pouvait laisser aucune force collective en
dehors de son action ; il voulut avoir sa banque,
comme le gouvernement anglais avait la
sienne ; c'était le moyen de donner au com-
merce l'attache de l'Etat et de solidariser les
intérêts de l'un et de l'autre. Quelques ban-
quiers se réunirent, encouragés par le pre-
mier consul et soutenus par le conseiller
d'Etat Cretet, et la banque de France fut
fondée. Elle se constitua au capital de 30 mil-
lions, divisé en 30,000 actions de 1,000 fr.
chacune. Le gouvernement lui confia aussitôt
son compte courant, et acheta 5,000 de ses
actions avec le cautionnement des receveurs
généraux.
A cette première phase de son existence, la
banque était administrée par quinze régents
et trois censeurs nommés par les deux cents
plus forts actionnaires. Les opérations de-
vaient consister à tenir des comptes courants,
faire des recouvrements, émettre des billets à
vue et escompter du papier a trois signatures.
La liste des premiers actionnaires est cu-
rieuse à constater. On y voit figurer les noms
du premier consul, des membres de sa famille,
de ses collègues, cre ses ministres, à côté des
noms des sommités banqnières de l'époque,
des Fould, des Fulchiron, des Mallet, des
Perrée, des Périer, des Perregaux.
Le gouvernement avait chargé la banque
du recouvrement do la loterie et du payement
des rentes. La banque avançait les fonds aux
rentiers, et le Trésor l'en couvrait par des
obligations à trois mois sur les contributions.
Aux yeux d'une génération de commerçants
qui avait assisté à toutes les phases de l'exis-
tence si troublée de la caisse d'escompte, ces
opérations étaient l'indice d'une association
plus étroite avec l'Etat, et, à ce titre, elles
inspiraient une certaine inquiétude. Les admi-
nistrateurs de la banque, qui ne voyaient
point les choses si en noir, crurent néanmoins
devoir s'en expliquer dès la première assem-
blée générale. « La banque, disait son prési-
dent, n'est nullement gouvernementale; elle
est libre par sa création, qui n'appartient qu'à
des individus, indépendante par ses statuts,
affranchie des conditions qu'aurait pu lui im-
poser un contrat passé avec le gouvernement
ou un acte législatif; elle existe sous la pro-
tection des lois générales et par la seule
volonté collective de ses actionnaires. • On
avouait néanmoins ■ qu'à la vérité, les rela-
tions avec le gouvernement étaiant suscepti-
bles de prendre une grande étendue. »
Au bout de sept mois, malgré sa fusion avec
la caisse des comptes courants, qui avait eu
lieu dès l'origine, la banque n'avait encore
placé que 7,447 actions, réparties entre trois
cent soixante-un actionnaires. Dans son pre-
mier rapport, elle avouait qu'elle était beau-
coup plus riche en confiance qu'en capitaux.
Le placement complet du capital social exi-
gea trois ans. Néanmoins, la gestion fut à la
lois si habile et si heureuse, que pendant
ce temps la banque put avancer 1,356 mil-
lions au commerce, 272 millions au gouverne-
ment, avec une circulation moyenne de 30 à
35 millions, un encaisse moyen de 12 millions,
et des comptes courants, dont le maximum ne
dépassa pas 22 millions, et qui même descen-
dirent à 3 millions. Pendant les trois premiers
exercices, les actionnaires touchèrent 10 et
11 pour 100 de bénéfice, OS fr. en 1800, 105 fr.
en 1801 et 102 fr. en 1802. Langoureuse pru-
dence que la banque apporta dans l'exécution
littérale de ses statuts ne contribua pas peu à
ces résultats.
En matière de comptes courants, sa sévé-
rité fut si grande et si minutieuse, que les plus
faibles différences dans les mandats tirés sur
la banque et les sommes disponibles pour
leur payement suffisaient pour les faire reje-
ter. Tout papier reposant sur des affaires qui
n'étaient pas complètement connues, ou qui
portaient des signatures par trop multipliées,
était systématiquement rejeté. Elle veilla sur-
tout avec un soin extrême à la composition de
son conseil de régence; les esprits aventureux,
les enrichis du jour au lendemain en furent
soigneusement exclus.
La banque s'est, du reste, perpétuellement
conformée à la recommandation contenue à ce
sujet dans son troisième rapport. « Il est, y
est-il dit, et il sera toujours de la plus haute-
importance de faire porter les nouveaux choix
sur des négociants opérant moins en banque
qu'en marchandises, de rechercher non ceux
qui font le plus d'affaires, mais ceux qui les
lont le mieux au gré de l'opinion publique. »
Dès cette époque, la banque était en butte
à une accusation qui, depuis, s'est retrouvée
dans toutes les critiques et toutes les attaques
dont elle a été l'objet : celle de se montrer,
dans ses escomptes, plus favorable à ses ré-
gents et à ses actionnaires qu'à la masse des
commerçants. Loin de protester comme elle
le fit plus tard , elle reconnaissait le fait et
cherchait seulement à le justifier : les cen-
seurs trouvaient fort naturelle cette partialité
en favenr des actionnaires ; mais les réclama-
tions du public furent un peu mieux accueillies
par le gouvernement.
Jusqu'alors, des établissementslibres avaient
pu fonctionner à côté de la banque nouvelle
et lui faire concurrence; mais l'origine et le
nom de cette dernière les condamnaient à être
absorbés et a disparaître : une loi, promulguée
le 24 germinal an XI (H avril 1803), confisqua
leurs droits au profit de la banque de France,
à laquelle fut conféré, pour quinze ans, le
privilège exclusif d'émettre des billets à vue
et au porteur. En retour de ce privilège, la
banque dut consentir au retrait des avantages
particuliers qu'elle avait jusqu'alors réservés
a ses actionnaires , augmenter son capital de
30 à 45 millions, réduire son dividende à 0 pour
100 et affecter le surplus à une réserve qui de-
vait être convertie en rentes 5 pour 100. Cette
loi modifiait en outre considérablement le ré-
gime intérieur. Au conseil général, composé
des quinze régents et des censeurs, on adjoi-
gnit un conseil d'escompte, composé de douze
négociants pris parmi les actionnaires et nom-
més par les censeurs.
• Trois ans plus tard, la loi du 24 août 1800
apporta des modifications bien autrement pro-
fondes. Elle éleva le capital de 45 à 90 mil-
lions, réduisit de sept à cinq le nombre des
régents qui devaient être choisis parmi les
manufacturiers, fabricants ou commerçants;
imposa à l'assemblée générale l'obligation de
prendre trois des régents parmi les receveurs
généraux des finances, enfin, transporta la
direction des affaires de la banque et la con-
fection du tableau des escomptes du comité
central des trois régents institués par la loi
du 14 avril 1803 à un gouverneur et à deux
sous-gouverneurs nommés par l'Empereur.
Toute l'administration passait entre les mains
du gouverneur, l'exécution des décisions du
conseil de régence devait être soumise à son
visa. La banque avïiit été consultée sur les
modifications apportées à sa constitution pre-
mière par la loi du 14 avril 1803. S'il faut en
croire le rapport fait en 1815 à l'assemblée
générale, les dispositions bien autrement gra-
ves, introduites par la loi du 24 avril 180S,
n'arrivèrent à la connaissance des régents
que par la mise en fliscussion du projet au
conseil d'Etat.
En vertu de ces mêmes lois et du décret du
16 janvier 1808, la banque devait ouvrir des
succursales dans les départements. Elle en
ouvrit seulement deux, une à Lyon et l'autre
à Lille, qui ne firent pas leurs frais. Elle fut.
en outre, .obligée de prêter 40 millions à l'Etat
sur les 54 millions que lui fournit l'émission à
1,200 fr. de ses 45,000 nouvelles actions. Le
surplus fut assez médiocrement utilisé.
En 1814, lors de Ventrée des alliés à Paris, .
elle suspendit momentanément ses opérations,-'
Par ordre de son gouverneur provisoire,
M. Laffitte, qui avait succédé aux pouvoirs du
gouverneur impérial, les portes des caves
contenant la réserve métallique furent mu-
rées, l'émission brûlée et annulée, les plan-
ches, presses et clichés brisés, afin que l'en-
nemi ne pût fabriquer de la monnaie sous le
couvert de la banque.
Pendant les cinq années eue se prolongea
le gouvernement provisoire de M. Laffitte, la
banque ne cessa de demander la révision de
la loi de 1806, qu'elle qualifiait de fatale, de
désastreuse. Dans tous ses rapports, elle de-
mandait que l'administration de ses intérêts
fût rendue à ses régents, qu'on lui permît do
nommer elle:même sou gouverneur ot ses
BAN
BAN
BAN
BAN
173
sous-gouverneurs, si l'on tenait à maintenir
ces fonctionnaires. Tout ce que la banque en-
tendait concéder au gouvernement dans l'ad-
ministration de ses affaires, c'était le droit de
surveillance. Aussi proposait-elle de se dé-
mettre en sa faveur du droit de nommer les
trois censeurs. Ces prétentions furent sur le
point de se traduire en faits. Divers projets de
loi conçus selon les vœux de la banque fu-
rent soumis aux chambres; mais les fréquents
changements de ministère qui signalèrent la
période de 1815 à 1820 les firent ajourner.
On arriva ainsi jusqu'en 1820. Pendant ce
laps de temps, le gouvernement nouveau
avait pu apprécier la valeur des avantages
pratiques que mettait entre ses mains !a légis-
lation dont on lui demandait le retrait. Aussi
fut-elle purement et simplement maintenue.
Afin de donner à cette décision un caractère
significatif, le gouverneur définitif nommé
par M. de Villèle à la place du gouverneur
provisoire fut l'un des principaux auteurs de
la législation sur la banque, Gaudin, duc de
Gaete, l'ancien ministre des finances de l'Em-
pire. Les seules concessions qu'obtint la ban-
que furent de fermer ses succursales, d'ajour-
ner indéfiniment la pensée d'en établir, pensée
qu'elle qualifiait de nébuleuse, et enfin, de
répartir une portion de sa réserve. Mais quant
au prélèvement à faire sur ses bénéfices pour
former une réserve, à l'emploi de cette ré-
serve en rentes, M. de Villèle maintint intactes
les dispositions de la loi de 1806.
La banque, qui, sous l'Empire, s'était vue
obligée de renouveler sans cesse l'avance de
40 millions qu'elle avait dû faire, s'abstint,
autant que possible, pendant les premières
années de la Restauration, d'opérations avec
le Trésor. Elle y revint plus tard, escompta
les bons royaux, fit des avances sur la. refonte
des monnaies, se chargea du payement des
rentes; mais son action ne rayonnait pas au
delà de la capitale. Elle laissa le gouverne-
ment user de la faculté d'autoriser des banques
départementales. Devant le succès de ces éta-
blissements, la banque se rappela qu'elle avait
aussi le droit d'ouvrir des succursales. Afin
d'en user avec le plus de profit possible, elle
fit insérer dans la loi du 30 juin 1840, relative
& la prorogation de son privilège, une disposi-
tion en vertu de laquelle l'établissement des
banques départementales, qui, jusque-là, avait
pu être autorisé par ordonnance royale, le
serait à l'avenir par une loi. Il y avait à
cette époque neuf banques départementales.
Depuis, il ne s'en créa plus. Entre l'intervalle
de cette loi et la suppression des banques dé-
partementales, en 1848, la banque avait établi
quatorze succursales. L'existence de ces neuf
établissements rivaux, dont une révolution
nécessita l'absorption, n'avait pas été sans
utilité, et le chiffre de leurs escomptes S'était
élevé à une somme importante.
En 1834 et en 1842, la banque a obtenu des
modifications considérables relativement à la
formation de la réserve et à l'emploi de ses
bénéfices, qui, maintenant, sont presque entiè-
rement distribués à ses actionnaires.
Les régents, les censeurs et les membres
du comité d'escompte de la banque forment
assurément un personnel des plus respecta-
■ blés. La banque a rendu de très-grands ser-
vices ; cependant, de l'aveu même de ses par-
tisans les plus énergiques, de M. Thicrs entre
autres, elle n'a pas rendu au crédit tous les
services qu'on est en droit d'attendre d'un
établissement constitué avec un pareil ensem-
ble de ressources et de privilèges. Quant aux
divers progrès que l'extension des affaires a
amenés dans le système de circulation fidu-
ciaire, elle n'en a jamais pris l'initiative. En
1846, elle résista tant qu'elle put aux coupures
de 200 fr. Il fallut la révolution de 1848 pour
lui imposer les billets de 100 fr. ; enfin, elle a
laissé dormir pendant sept ans la faculté d'é-
mettre des coupures de 50 fr. qu'elle tient de la
loi de 1857.
A ses primitives opérations statutaires, es-
comptes d'effets de commerce, escomptes
d'effets publics à échéance déterminée et in-
déterminée, avances sur lingots, avances sur
rentes, comptes courants et recouvrements
gratuits, la banque a ajouté, depuis 1852, les
avances sur actions et obligations de chemins
de fer et sur les obligations du Crédit foncier.
Pendant quelques années, de 1858 à 1862, elle
s'est même chargée de l'émission des obliga-
tions de chemins de fer. Les services que la
banque de France a rendus soit au crédit pu-
blic, soit à l'Etat, sous tous les régimes qui
ont succédé au premier empire, lui ont tou-
jours rapporté des avantages considérables.
Le gouvernement de Juillet lui rendit la
disposition de la réserve. En retour du con-
cours qu'elle prêta au gouvernement provi-
soire, elle obtint la suppression des banques
départementales et le cours forcé de ses bil-
lets. Les avances qu'en 1S52 elle consentit à
faire sur valeurs de chemins de fer, et la pro-
longation qu'elle accorda au gouvernement
pour le remboursement des avances faites en
1848, lui valurent une prorogation de privilège
de douze ans. En 1857, son adhésion au dou-
blement de son capital, qui, de 92,500,000 fr.
fut porté à 182 millions; son consentement à
l'immobilisation en rentes des 100 millions de
francs appelés pour cette opération, lui ont
encore valu une autre prorogation de privi-
lège de trente ans, et la liberté d'élever au-
dessus de 6 pour 100 le taux de l'intérêt com-
mercial. Grâce h ces avantages, les actions de
la banque, bien que doublées, valent aujour-
d'hui (janvier 1806) 3,500 fr., c'est-à-dire en-
viron 500 fr. de moins seulement que ce
qu'elles valaient à la veille de la loi qui a fait
a ses actionnaires un aussi beau pont d'or.
— Succursales. En vertu d'une des disposi-
tions de la loi du 11 juin 1857, la banque de
France est tenue d'avoir, dans un intervalle
de dix ans, des succursales dans chaque dé-
partement. Au 1er janvier 1865, trente-cinq
départements attendaient encore l'exécution
de cette prescription légale.
Votée au milieu de l'indifférence du public,
et en moins d'une séance, la loi du 11 juin
1857 a tout à coup, dans le cours de 1863 et
1864, éveillé l'attention des financiers, des
commerçants et des publicistes. A tort ou à
raison, on lui imputait une part plus ou moins
grande dans les crises commerciales, moné-
taires et financières qui ont signalé ces deux
années. A l'exemple de ce qui se pratique en
pareille circonstance en Angleterre, on a de-
mandé une enquête. Solennellement refusée en
plein sénat par le ministre d'Etat, M. Routier,
qui déclara qvi'une telle mesure compromet-
trait la solidité de la banque, cette enquête a
enfin été ordonnée sur les sollicitations de la
banque elle-même et confiée aux membres du
conseil général des manufactures, du com-
merce et de l'industrie; elle devra s'étendre à
toutes les autres institutions de crédit.
— Situation actuelle de la Banque de France.
Voici , en chiffres ronds , d'après le dernier
compte rendu , celui de 1864 , quelle est la
situation actuelle de cet établissement : En
1864 la masse de ses opérations, tant à Paris
que dans les succursales, s'est élevée à 7,909
millions de fr,, 367 millions de plus qu'en 1863.
Les escomptes y représentent un chiffre de
6,550 millions de fr., dont 2,982 millions de fr.
pour Paris et 3,568 millions de fr. pour les
succursales. La moyenne de la somme des
effets escomptés a été de 1,291 fr. à Paris et
de 1,477 fr. dans les succursales. En 1863
cette moyenne, tant à Paris qu'en province,
avait été un peu moins forte. Les avances sur
effets publics, valeurs de chemins de fer et
obligations du Crédit foncier, ne présentent
pas la même augmentation progressive que
les avances faites au commerce. Ces opéra-
tions, qui sont grandement influencées par les
événements financiers , tels que conversions
de rentes ou emprunts publics , présentent
d'une année à l'autre des fluctuations consi-
dérables. En 1864 leur chiffre s'est élevé à
423 millions, ce chiffre avait été de 999 mil-
lions en 1863 et de 1,303 millions en 1862.
De toutes les opérations de la banque, il
n'en est pas de plus fructueuse que l'escompte.
En 1864, ses bénéfices bruts se sont élevés à
près de 58 millions. Dans ce chiffre, les es-
comptes figuraient pour près de 43 millions,
les arrérages de valeurs appartenant à la
banque pour près de 7 millions, les avances
Sur titres pour 5 millions et demi ; les autres
opérations que la banque est autorisée à faire
composaient le surplus. Malgré une augmen-
tation de plus d'un demi-million dans- ses dé-
penses d'administration, un prélèvement pour
l'agrandissement de l'établissement central et
l'amortissement des immeubles des succur-
sales, supérieur de près de 6 millions à celui
de l'année précédente, la banque a pu encore
pendant cette même année 1864, où les béné-
fices du commerce et les revenus de l'Etat ont
si considérablement diminué, distribuer à ses
actionnaires un dividende de 36,500,000 fr.,
c'est-à-dire supérieur de près de 6,500,000 fr.
à celui de l'année 1863. Grâceà son privilège,
la fortune de ses actionnaires n'a, comme on
le voit, presque rien à redouter des crises qui,
de temps à autre, viennent si fâcheusement
peser sur la fortune publique et privée.
Le classement des succursales, qui se fait
tous les ans d'après l'importance de leurs
opérations, a été établi pour 1864 dans l'ordre
suivant : 1 Marseille, 2 Lille, 3 le Havre,
4 Lyon , 5 Bordeaux , 6 Rouen , 7 Nantes,
8 Saint-Quentin, 9 Valenciennes , 10 Stras-
bourg, il Mulhouse, 12 Besançon, 13 Mont-
pellier, 14 Nîmes, 15 Toulouse, 16 Saint-
Etienne, 17 Reims, 18 Caen, 19 Orléans,
20 Angoulême, 21 Amiens, 22 le Mans, 23 An-
gers, 24 Dijon, 25 Nancy, 26 Toulon, 27 Troyes,
28 Avignon, 29 Clermont-Ferrand, 30 Limoges,
31 Bar-le-Duc, 32 Grenoble, 33 Arras, 34 Dun-
kerque, 35 Metz, 3G Rennes, 37 Bayonne,
■38 Sedan, 39 Tours, 40 La Rochelle, 41 Saint-
Lô, 42 Nevers , 43 Laval, 44 Carcassonne,
45 Agen, 46 Poitiers, 47 Chalon-sur-Saône,
48 Nice, 49 Chàteauroux, 50 Brest, 51 Anno-
nay, 52 Bastia, 53 Fiers. Ce classement peut
être considéré comme indiquant assez exacte-
ment l'importance relative de chaque succur-
sale. D'une année à l'autre, le rang qu'occupent
les succursales varie à peine d'une ou deux
unités , de trois au plus. Nous devons faire
remarquer que la succursale de Chalon-sur-
Saône, dont l'établissement date seulement de
1863, est arrivée en moins de deux exercices
à monter de six degrés et à tripler le chiffre
de ses opérations.
Les tableaux annexés, suivant l'usage, au
rapport qui établit ce classement, permettaient
de constater les phénomènes suivants :
Le chiffre des comptes courants, qui, à Paris,,
dépasse en moyenne l'encaisse de moitié, ne
forme dans les succursales que le sixième de
l'encaisse. Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes,
le Havre ont, à elles seules, les trois quarts de
ces comptes courants; au Havre seulement
leur chiffre est supérieur à celui de l'encaisse.
A Paris , où la banque concentre la plus
grande partie de sa circulation fiduciaire,! en-
caisse métallique est, en moyenne, de moins
du tiers du portefeuille dans les succursales,
où la banque fait plutôt désirer sa circulation
fiduciaire qu'elle ne la prodigue. En 1861, il
n'existait encore entre la moyenne de l'en-
caisse métallique et celle du portefeuille qu'une
différence d'un dixième ; depuis, cette diffé
rence est devenue plus considérable ; néan-
moins, la moyenne de l'encaisse métallique
représente encore plus de la moitié de celle du
portefeuille. Pendant les quatre dernières
années, de 1861 à 1804, la moyenne de cet
encaisse a été supérieure à celle du porte-
feuille dans les quatorze succursales de Bas-
tia, Bayonne, Brest, Chalon-sur-Saône, Chà-
teauroux , Fiers , Nice , Orléans , Poitiers ,
Rennes, La Rochelle, Strasbourg et Tours.
11 y a quelques années, la banque faisait
connaître le chiffre moyen de la circulation de
chaque succursale. Depuis 1859 ce renseigne-
ment a été supprimé.
Un document qui montre combien le crédit
de la banque, déjà si cher et si difficile à Paris,
l'est encore plus en province, c'est le tableau
de la moyenne des escomptes. Ainsi que nous
l'avons oit plus haut, cette moyenne pendant
l'exercice 1864 a été, à Paris, de 1,291 fr. et
dans les succursales de 1,477 fr. Mais ce der-
nier chiffre n'est que la moyenne des cinquante-
trois succursales; cette moyenne a varié de
891 fr. à 6,496 fr. pour les effets sur Paris ; de
353 fr. à 8,074 fr. pour les effets sur place, et
de 580 fr. à 5,482 fr. pour les effets sur suc-
cursales.
Depuis 1863, la moyenne delà circulation a
atteint le chiffre de 800 millions. Les coupures
de 1,000 fr. y figurent pour plus de moitié,
celles de 500 fr. pour moins d'un huitième,
celles de 200 fr. pour environ le vingtième,
celles de 100 fr. pour environ un quart. Quant
aux billets de 50 fr.,dont la loi de 1857 sur le
renouvellement du privilège a autorisé la
création , la banque, ainsi que "nous l'avons
déjà dit, les a fait attendre pendant sept ans.
Les défiances que suscitait, en 1847,1a création
des billets de 200 fr. et de 100 fr. se sont re-
nouvelées. Aussi est-ce avec une extrême
parcimonie que l'émission s'en est faite. Un an
après leur création, ces coupures ne compo-
saient guère que le trentième de la circulation.
Les 182,500 actions dont se compose le ca-
pital de la Banque étaient réparties, à la date
du 31 décembre 1864, entre 14,367, actionnaires
dont 7,913 résidaient à Paris et S, 454 en pro-
vince. Les actionnaires de Paris possédaient
125,454 actions, et ceux de province 57,046.
Depuis le renouvellement du privilège de la
banque, en même temps qu'à Paris le nombre
des actionnaires augmente et que le chiffre de
leurs actions diminue, il y a, en province, aug-
mentation tant dans le nombre des actionnaires
que dans celui des actions. En 1857, le nombre
des actions placées en province était de 46,548 ;
depuis il s'est progressivement élevé jusqu'à
57,046. Pendant la même période de 1857 à
1864, ie chiffre des actions placées à Paris
s'est abaissé de 136,264 à 125,454.
— Banques départementales. La loi du 24 ger-
minal an XI , en conférant à la banque de
France le privilège d'émettre des billets à vue
et au porteur, avait réservé au gouvernement
le droit d'en établir, avec un privilège sembla-
ble, dans les départements. Lîarticle 31 de cette
loi porte : « Aucune banque ne pourra se for-
mer dans les départements sans l'autorisation
du gouvernement, qui peut leur en accorder le
privilège, et les émissions de ses billets ne
pourront excéder la somme qu'il aura déter-
minée. Il ne pourra en être fabriqué ailleurs
qu'à Paris. «Tant que dura l'Empire, Cet article
resta une lettre morte. Il reprit vie avec le
gouvernement' parlementaire ; trois banques
départementales furent instituées par ordon-
nance royale sous la Restauration : l'une à
Rouen (1817), et les deux autres à Nantes et à
Bordeaux (1818). Le gouvernement de Juillet
autorisa successivement l'établissement des
banques de Lyon et de Marseille (1835), de
Lille (1836), du Havre (1837), de Toulon et
d'Orléans (1838).
Malheureusement ces neufs banques furent
soigneusement isolées par leurs statuts ; il leur
était interdit de faire aucune opération hors
de la ville où elles étaient établies , de payer
réciproquement leurs billets , d'étendre le rayon
de leurs comptes courants, même avec élec-
tion de domicile par le négociant au siège de
l'établissement , d'escompter les effets à deux
signatures même garantis par le dépôt de leurs
propres actions , de payer aucun intérêt pour
les dépôts, etc. Il faut noter que les comptoirs
de la banque de France avaient sur les ban-
ques départementales l'immense avantage de
pouvoir correspondre entre eux et avec la
banque mère, et, par conséquent, de pouvoir
escompter le papier de toutes les maisons do-
miciliées soit à Paris, soit dans les villes où
la banque de France avait des succursales.
Cependant, malgré les entraves qu'on leur
avait imposées, malgré les conditions défavo-
rables dans lesquelles elles étaient condamnées
à vivre, les banques départementales rendaient
plus de services au commerce que les comptoirs
de la banque de France, parce qu'elles se prê-
taient mieux que ces derniers aux besoins et
aux habitudes particulières des localités. H ne
faut pas oublier qu'en 1847, elles avaient porté
leurs escomptes a 850 millions, et leurs billets
de circulation à 90 millions.
On a dit que, sous le gouvernement de Juillet,
la tendance générale était à l'unité de banque.
Cette tendance, assurément, était celle de bon
nombre d'esprits ; elle avait sa source dans les
traditions de la centralisation impériale ; mais '
il est juste de dire qu'elle rencontrait, dans les
institutions parlementaires, un obstacle puis-
sant. La loi du 30 juin 1840, en renouvelant le
privilège de la banque de France, avait consa-
cré l'existence des banques départementales ,
en ordonnant qu'elles seraient, a l'avenir, con-
stituées et prorogées par une loi. En 1842, une
loi spéciale renouvela le privilège de la banque
de Rouen; et en 1848, au moment où éclata la
révolution de Février, la Chambre des députés
discutait un autre projet de loi portant renou-
vellement du privilège de la banque, de Bor-
deaux. « C'est surtout dans la discussion de ce
projet de loi , dit M. Léon de Lavergne , qu'il
faut chercher le dernier mot du gouverne-
ment parlementaire sur la question des banques
départementales. » Après un rapport 'des plus
remarquables de M. Clapier, député de Mar-
seille , et une discussion générale de trois
jours, ce projet de loi, dont une révolution
seule devait empêcher l'adoption, consacra le
principe de la pluralité. Quoique le principe
contraire ait triomphé, les arguments qu'on
fit valoir en faveur de la pluralité ont encore
conservé toute leur force. En ce qui concer-
nait le sujet spécial de la discussion, l'exposé
des motifs reconnaissait que la banque de
Bordeaux se recommandait par vingt -sept
années d'une gestion aussi honorable pour
elle que profitable aux intérêts du commerce-
local. Au milieu des crises commerciales les
plus difficiles , cette banque s'était fait un de-
voir de maintenir les escomptes au taux le
plus bas possible, d'augmenter les négocia-,
fions tout en restant dans les limites de la
prudence, de faire venir à grands frais du
numéraire sur la place afin d'y maintenir la
confiance par une abondante circulation d'es-
pèces. «Grâce à une telle gestion, notre ville,
disait à son tour la chambre de Commerce, ne
s'est pas aperçue de la crise terrible (1847)
qui vient de se faire sentir, non-seulement en
France , mais à l'étranger. ■ Les autres ban-
ques pouvaient revendiquer le même tribut do
reconnaissance. Pendant cette même crise, la
banque de Lyon, notamment, avait maintenu
les escomptes à 3 1/2 et même 3 pour 100. Le
système de l'unité trouva dans cette discussion
un redoutable adversaire dans le rapporteur
de la loi: « C'est, disait M. Clapier, une pensée
qui ne manque ni d'éclat, ni de grandeur, que
de vouloir constituer en France un vaste éta-
blissement de crédit destiné à couvrir de ses
rameaux le pays tout entier. Cette pensée
flatte à première vue ce goût de centralisation
et d'unité dont l'influence a longtemps dominé
tous les esprits, et qui, pour n'être plus au-
jourd'hui aussi exclusif et aussi absolu, n'en
forme pas moins le trait distinctif de nos insti-
tutions. Cependant, examiné de près, soumis à
une rigoureuse analyse, ce système ne réalise
pas tous les avantages que pourrait faire sup-
poser un coup d'ceil superficiel. Au point de
vue politique, il peut n'être pas convenable
d'élever à côté du gouvernement une vaste et
puissante institution dont les ramifications et
les employés couvrent la France entière, et
qui, devenant l'arbitre souverain du crédit, et,
parle crédit, de toutes les fortunes industrielles
et commerciales, finirait par acquérir une in-
fluence excessive. Au point de vue commercial,
les départements auraient peut-être un juste
sujet d'alarmes à voir le sort de leur com-
merce et de leur industrie lié tout entier à
Celui d'un seul établissement; à se sentir con-
damnés à subir la solidarité de ses fautes et
le contre-coup de ses embarras. Au point do
vue administratif, il n'est pas bon de renforcer
le système de centralisation qui enlace tout ce
pays, dont les exagérations nuisent à la juste
répartition du bien-être et du mouvement so-
cial, et qui, à force de faire refluer au cœur
tout ce que le" pays renferme de force et de
vie, doit finir par enlever aux extrémités toute
force et toute énergie. » Dans le cours de
cette discussion , la cause des banques dépar-
tementales fut énergiquement soutenue par
Léon Faucher. « L'établissement de ces ban-
ques, disait cet économiste, a rendu de grands
services au pays. Ces banques ont eu le
Courage de fonder des institutions de crédit
dans des villes où les premiers efforts de la
banque de France avaient échoué. Elles ont
groupé les forces locales et ont commencé le
réveil de l'esprit d'association hors de la ca-
pitale. Je crois que nous leur devons une vé-
ritable reconnaissance, et quand je songe aux
services passés, je me pénètre plus que ja-
mais de la conviction qu il y aurait de l'ingra-
titude à les détruire. Ce n'est pas leur sup-
pression que je demande, c'est leur transfor- "
mation. »
Personne n'a, mieux que M. Léon Faucher,
fait ressortir la vraie cause d'infériorité des
comptoirs de la banque de France vis-à-vis
des banques départementales. « Ces comp-
toirs, dit-il, n'ont pas de racines dans les lo-
calités qu'ils desservent, ils n'y sont pas nés :
ce sont de véritables colonies de la métro-
pole; ils ne disposent pas de l'influence que
pourrait leur apporter le commerce local;
c'est ce qui est, je le crois sans difficulté, une
des principales causes de leur infériorité par
174
BAN
rapport à la circulation des banques départe-
mentales. » Aussi M. Faucher concluait-il a
l'établissement d'un système qui aurait fait de
ces banques une sorte 3e confédération.
Rappelons maintenant dans quelles circon-
stances les banques départementales furent
supprimées. Quand éclata la révolution de Fé-
vrier, la banque de France ne put rembourser
ses billets, et le gouvernement provisoire dé-
crétale cours forcé, le 15 mars. Dix jours après,
un second décret donna aussi le cours forcé
aux billets des banques locales, mais seulement
dans ta circonscription du département où cha-
cune avait son siège. Cette mesure, inspirée par
l'esprit qui, sous le gouvernement précédent,
avait maintenu l'isolement de ces banques,
amena, une situation intolérable. Il en résultait
que, si l'on avait à recevoir à Rouen et à payer
a Paris , on était payé à Rouen en billets de
la banque locale qu on ne pouvait pas refuser
et qui n avaient point cours à Paris. Toutes
les affaires de place a place s'arrêtèrent. En
présence de cette difficulté, qu'il était facile
de'prévoir, le gouvernement provisoire tran-
cha la question, au lieu de la dénouer, et, par
un nouveau décret en date du 27 avril, il sup-
prima les banques locales et lep réunit à la
banque de France. « Ce fut là, dit M. Léonce
de Lavergne, un acte révolutionnaire accom-
pli sans examen, sans discussion, sans con-
trôle, uniquement par le bon plaisir du gou-
vernement provisoire. Rien n'était plus facile
que d'y échapper, en décrétant le cours forcé,
puisqu'on y était, pour les billets de toutes les
banques dans la France entière. L'émission
des banques départementales étant stricte-
ment limitée, comme celle de la banque cen-
trale, par le décret qui instituait le cours forcé,
il n'y avait aucun motif pour favoriser les unes
aux dépens des autres. Si, dans la crise uni-
verselle, certains billets présentaient plus de
garanties, c'étaient ceux des banques locales,
qui n'en avaient émis que pour 00 millions ,
tandis que la banque centrale en avait pour
350 millions. »
— Banques de dépôt en France. Le premier
essai d'introduction en France de ces banques
date de la fondation de la Société du Crédit
industriel, en 1859. Plus tard sont venus la
Société des dépots et comptes courants, la So-
ciété générale pour favoriser et développer le
commerce et l'industrie, et le Crédit lyonnais.
Leur capital de souscription, dont une partie
seulement est versée, représente 260 millions.
Les deux premières de ces sociétés, Constituées
l'une et 1 autre au capital de GO millions, font
les mêmes opérations , c'est-à-dire des es-
comptes d'effets de commerce et d'engage-
ments à échéance fixe, résultat de transactions
commerciales et industrielles ; des avances sur
rentes, actions ou obligations de compagnies
anonymes; des avances aux sociétés anonymes,
en commandite ou en nom collectif, ou a de
simples commerçants, moyennant sûretés don-
nées par voie de privilège ou d'hypothèque;
des payements et recouvrements moyennant
couverture préalable, des souscriptions ou em-
prunts publics, des acceptations, jusqu'à con-
currence de une fois et demie leur capital et
leur réserve de dépôts moyennant intérêts,
enfin acceptation en dépôt, moyennant droit
de garde, de toutes espèces de titres et de va-
leurs. La principale différence qui existe entre
la société de Crédit industriel et la société des
dépôts et comptes courants , c'est que ses
opérations d'avances sur titres et d'avances
aux sociétés ne doivent pas dépasser une
quantité déterminée de son capital réalisé et
de sa réserve. De plus, sa participation aux
emprunts étrangers ou au placement de va-
leurs étrangères doit être approuvée par le
ministre des finances. Les services rendus
par ces deux institutions sont réels, bien que
lort au-dessous de ce qu'en avaient espéré et
leurs fondateurs et le public. Les escomptes
forment la plus grosse partie de leurs affaires •
mais c'est à la grande industrie et à la spécu-
lation aventureuse que ces escomptes profitent,
et nullement au petit et au moyen commerce.
Ainsi, tandis quêtes économistes fontencoreun
reproche à la banque de France de ce que la
moyenne de ses escomptes n'est pas encore
descendue au-dessous de l JlOO fr., la moyenne
des escomptes du Crédit industriel et de la So-
ciété des dépôts et comptes courants est encore
de 8 à 9000 fr. pour la première de ces sociétés
et de 12,000 fr. pour la seconde. Les comptes
de dépôts et comptes courants présentent une
situation plus satisfaisante : si, au lieu de s'é-
lever à 100 millions comme on l'espérait au mo-
ment de la rédaction des statuts, la moyenne
de ces dépôts, après plusieurs années d'exis-
tence, oscille entre 20 et 25 millions ; si, d'un
exercice à l'autre, l'augmentation du chiffre
de ces dépôts et comptes courants n'est pas
continue, il est néanmoins satisfaisant de voir
que le nombre des personnes qui se sont fami-
liarisées avec ces sortes d'opérations a été
sans cesse en s'accroissant. Voici, pour la So-
ciété du crédit industriel, quelle a été la pro-
gression du nombre des déposants : En 1S59,
429; en 1860, 944; en 1861, 1,315; en 1802,
2,420; en 1863, 2 937; en 1864, 4,557. La masse
des dépôts, qui, la première année, ne s'était
élevée qu'à moins de 6 millions, a atteint en
1863 le chiffre de 166 millions. L'exercice sui-
vant l'a vu retomber à 150 millions ; ces dépôts
qui, par leur nature, attirent seulement les
capitaux inoccupés et indécis dont les déten-
teurs veulent conserver la disponibilité sans
en perdre le revenu, rencontrent dans la loi
BAN
même de leur existence une entrave à leur
développement. Les sociétés sont, de par leurs
statuts, obligées de convertir ces dépôts en
valeurs à courte échéance et d'une négociation
immédiatement réalisable; or, ce que statu-
tairement les sociétés doivent faire, les capi-
talistes peuvent lé faire aussi bien et s'épar-
gner ainsi les frais de commission et de
placement. En six ans, la masse des comptes
courants par chèques s'est élevée de moins de
200 millions à près de 1,600 millions. Ce chiffre
est sans doute tien au-dessous de celui
qu'atteignent à Londres ces sortes d'opéra-
tions , mais ce n'en est pas moins l'indice
d'un véritable progrès. Déjà le petit commerce
de détail parisien commence à se familiariser
avec le mécanisme financier et banquier du
Crédit industriel et de la Caisse des dépôts et
comptes courants, il perd l'habitude d'immobi-
liser en valeurs d'une négociation difficile les
sommes qu'il ne remploie pas en marchan-
dises, et il est plus exact dans ses règlements
avec le commerce de gros.
La banque de dépôt française la plus ingé-
nieuse dans ses combinaisons d'intérêts sur
les espèces qui lui sont confiées, c'est assuré-
ment celle qui fut fondée à Lyon dans le se-
cond semestre de 1863 sous le nom de Crédit
lyonnais. Avec un capital de 20 millions, cette
société, en moins de deux ans d'existence, a su
attirer dans ses caisses des dépôts d'espèces
plus considérables que les autres banques do
dépôt, qui cependant présentent au public la
double garantie de l'anonymat et d'un capital
social trois fois et six fois plus fort. En moyenne,
les dépôts de la succursale de la banque de
France à Lyon sont, depuis plusieurs années,
de 10 millions; en 1864 cette moyenne est
tombée à moins de 7 millions. Les dépôts du
Crédit lyonnais convergent vers 40 millions,
tant sont grands les avantages que cet établis-
sement offre aux capitaux de toute nature.
Là, le déposant a toutes les facilités imagina-
bles. Il lui est facultatif de fixer lui-même
l'époque de son remboursement, de verser
telle somme que bon lui semble, de la retirer
suivant ses convenances sans avis préalable
et sans commission, au moyen de la présen-
tation d'un bon ou d'un chèque. 11 y a une
différence de 1 pour 100 entre l'intérêt alloué
sur les dépôts exigibles à volonté et les dépôts
à échéance fixe. Dans la fixation de cet intérêt,
le Crédit lyonnais s'est plutôt rapproché des
banques de dépôt anglaises. Entre l'intérêt
qu'il sert et le taux de l'escompte à la banque
de France , la différence est seulement de
1 1/2 à 2 pour 100. Ce système lui a procuré
en dépôts deux fois plus de ressources que
son propre capital, ressources dont il consacre
une partie en avances sur les valeurs indus-
trielles, qui, auparavant, étaient à peu près
sans crédit. La gestion de cet établissement,
qui fait des opérations à découvert, a été si
heureuse en 1864, qu'il n'a subi aucune perte,
bien que ses seuls escomptes se soient élevés
à 394 millions, tandis que, pendant le mémo
exercice, les escomptes de la succursale de la
banque de France, à Lyon, n'ont été que de
254 millions. Les actions de ces banques font,
en France et en Angleterre, une prime consi-
dérable, mais les primes françaises sont beau-
coup au-dessous des primes anglaises ; tandis
que celles-ci varient du triple au quintuple de
la somme versée lors du prix d'émission, cette
prime en France varie seulement de 25 à 50
pour 100. En 1859, lorsque M. Gilbart, le pre-
mier organisateur de ces puissantes et fruc-
tueuses machines à distribuer le crédit, se
retira de la présidence de la London and
Westminster liante, les actionnaires lui votè-
rent une pension de 1,500 liv. Cette récom-
pense fut considérée par le public comme un
véritable acte de justice nationale.
— Banques coloniales (France). Les lois du
30 août 1849 et du 11 juillet 1851 ont autorisé
la fondation de banques d'émission dans les
colonies de la Guadeloupe, de la Martinique,
de la Réunion et de la Guyane. Un décret
postérieur, du 11 décembre 1851, a autorisé la
fondation d'un établissement semblable au
Sénégal. Le capital de chacune des banques
de la Martinique, de la Guadeloupe et de la
Réunion est de 3 millions de fr., celui de la
banque de Guyane de 700,000 fr., celui de la
banque du Sénégal de 230,000 fr. Dans toutes
le capital est divisé en actions de 500 fr.
Pour les quatre premières de ces banques, le
capital a été formé au moyen du prélèvement
d'un huitième sur l'indemnité coloniale accor-
dée à la suite de l'émancipation des noirs.
Chacune de ces banques est autorisée , à
l'exclusion de tous autres établissements, à
émettre dans la colonie où elle est instituée
des billets au porteur de 500, 100 et de 25 fr.
Ces billets sont remboursables à vue ; ils sont
reçus comme monnaie légale dans l'étendue
de chaque colonie, tant par les caisses publi-
ques que par les particuliers. Le montant cu-
mulé des billets en circulation ou en comptes
couran!s,et des autres dettes de la banque, ne
peut excéder le triple du capital social réalisé.
Le montant des billets en circulation ne peut,
en aucun cas, excéder le triple de l'encaisse
métallique. Aucune opposition n'est admise sur
les fonds qui leur sont déposés. Ces banques
font des prêts sur nantissements de récoltes,
par voie d'engagement ou de cession de ces
récoltes ; ces nantissements sont déposés dans
les entrepôts de douane. C'est spécialement"
pour faire des prêts aux planteurs sur la ga-
rantie de leurs récoltes que ces banques ont
.BAN
été fondées. Les propriétaires qui veulent
emprunter à ces banques sur cession de leur
récolte pendante, doivent faire connaître leur
intention par écrit un mois à l'avance. Les
créanciers ayant hypothèque sur l'immeuble
ou privilège sur la récolte, ou qui sont porteurs
de titres exécutoires peuvent s opposer au prêt.
A défaut de remboursement, à l'échéance, des
sommes prêtées, les banques sont autorisées,
huitaine après simple mise en demeure, à faire
vendre aux enchères publiques, nonobstant
toute espèce d'opposition, le gage quel qu'il
soit, marchandises, matières d'or ou d'argent,
récoltes dont elles sont nanties. Les sous-
cripteurs, accepteurs, endosseurs ou donneurs
I d'aval des effets souscrits en faveur de ces
banques ou qui leur sont négociés, sont justi-
ciables, en raison de ces engagements, des tri-
bunaux de commerce.
Leurs actions sont nominatives. Leurs opé-
rations consistent en escomptes de lettres de
change et effets à ordre, tels que traites du
Trésor ou sur le Trésor, les ministères et les
caisses publiques; en escomptes des obliga-
tions négociables ou non négociables , ga-
ranties soit par des récépissés de marchan-
dises déposées dans les magasins publics, soit
par des cessions de récoltes pendantes, soit
par des transferts de rente ou de dépôts de
matières d'or ou d'argent; en recouvrements et
payements moyennant provision préalable pour
le compte des particuliers ou pour celui des
établissements publics ; en acceptations de dé-
pôts, de titres , lingots ou monnaies d'or et
d'argent moyennant droit de garde; enfin, en
émission de billets payables à vue au porteur
et de traites ou mandats. Les effets présentés
à l'escompte de ces banques doivent être re-
vêtus de deux signatures au moins, émanées
de personnes notoirement solvables et domi-
ciliées dans la colonie ; l'échéance ne doit pas
dépasser quatre-vingt-dix jours. Il leur est
recommandé de refuser l'escompte aux effets
de circulation créés illusoirement entre les
signataires sans cause ni valeur réelle. Ces
banques sont représentées dans la métropole
par une agence centrale, le chef est nommé
par le gouvernement. Les directeurs de ces
banques sont nommés par l'empereur. Avant
d'entrer en fonctions, ils doivent justifier de
la propriété d'un certain nombre d'actions.
Une commission de surveillance de ces ban-
ques, composée de sept membres, savoir : d'un
conseiller d'Etat président, élu par le conseil
d'Etat en assemblée générale, de deux mem-
bres désignés par le ministre des colonies, de
deux membres désignés par le ministre des
finances et de deux membres élus par le con-
seil général de la banque de France, est char-
gée de surveiller toutes les opérations de ces
banques et de faire au gouvernement un rap-
port annuel sur leur gestion. Voici, d'après
le dernier rapport, publié le 13 novembre 1863,
quelle était leur situation à la fin de l'exercice
1864. Les banques ont la faculté de remplacer
par des souscriptions volontaires le capital
social formé à l'origine par des inscriptions
de rentes sur l'Etat. Ce capital est toujours
intégralement représenté de ta même manière.
Les banques de la Martinique, de la Guade-
loupe, de la Réunion, ont constitué une ré-
serve dépassant le tiers de leur capital so-
cial. La banque de Guyane n'a pas de réserve ;
celle de la banque du Sénégal est insigni-
fiante, moins de 30,000 fr. L'ensemble de
leurs escomptes s'est élevé à environ 70 mil-
lions, savoir : 22 millions pour la Martinique,
25 millions pour la Guadeloupe, près de 19 mil-
lions pour la Réunion, près de 3 millions pour
la Guyane, un demi-million seulement pour le
Sénégal. Le chiffre des opérations de la banque
de la Martinique est considéré par la commis-
sion de surveillance comme étant beaucoup
trop considérable. Dans la pensée primitive
de la fondation de ces banques, l'escompte des
valeurs commerciales devait être la moindre
de leurs opérations. En pratique, il en a été
tout autrement. Ces escomptes du papier com-
mercial forment les dix douzièmes des avan-
ces, tandis que les prêts sur récoltes , but
principal de ces banques, composent seule-
ment un peu plus du douzième. Le surplus
se répartit entre les avances sur actions de
ces banques, nantissements de marchandises
et de métaux précieux. Ces banques ont,
avec la métropole, des opérations de change
d'importance un peu plus considérable que
celle de leurs escomptes. En 1864 ces opé-
rations, dont le Comptoir d'escompte de Paris
est l'intermédiaire, se sont élevées à 92 mil-
lions, soit environ 38 millions pour la Marti-
nique, 39 millions pour la Guadeloupe, 3 mil-
lions pour la Réunion et 12 millions pour la
Guyane. Le Sénégal n'y participe pas. Leurs
comptes courants ont une importance à peu
près semblable ; le chiffre s'en est élevé à en-
viron 91 millions se répartissant ainsi : Mar-
tinique, 36 millions; Guadeloupe, 52 millions;
Réunion, 128,000 fr.; Guyane, moins de 2 mil-
lions. Ce genre d'opérations ne se faisait pas
encore au Sénégal.
Ces banques ont assurément rendu d'impor-
tants services aux colonies ; mais ces services
sont bien moins considérables et, en grande
partie, d'une nature autre que ceux qu'on en
attendait. La production coloniale et le com-
merce colonial ont toujours payé le loyer de
l'argent au moins 6 pour 100, et parfois même
plus de 10 pour 100. C'est, en grande partie,
pour parer à l'insuffisance des ressources de
ces banques, et notamment aux ressources
qu'elles peuvent affecter à la production agri-
BAN
cole, que s'est fondé en 1864 le Crédit foncier
colonial. Quant aux actionnaires, leur part est
assez belle. Dans ce même exercice, le divi-
dende a été de 7 pour 100 pour les banques de
la Martinique et du Sénégal, de près de
11 pour 100 pour la Guadeloupe, de 12 pour 100
pour la Réunion et de 21 pour 100 pour la
Guyane. Depuis 1860, le Comptoir d'escompte
est le grand intermédiaire de ces établisse-
ments.
— Enquête de la banque de France. L'en-
quête sollicitée par la banque de France a été
confiée au conseil supérieur du commerce.
Voici le questionnaire soumis par le ministre
des finances à ce conseil :
1. Quelles ont été les causes de la crise
monétaire de 1863-1864?
2. Quelles analogies et quelles différences
cette crise a-t-elle présentées avec les crises
antérieures ?
3. Les crises monétaires tendent-elles à de-
venir plus fréquentes? tendent-elles à devenir
plus générales?
4. Quelles sont, dans un pays, les causes
régulatrices du taux de l'intérêt?
5. Quelles sont les causes qui ont agi de-
puis dix ans sur le cours des métaux précieux?
6. Quelles sont les causes qui ont pu, ré-
cemment, réduire la disponibilité des capitaux ?
"t. Y a-t-il eu ralentissement dans la for-
mation des épargnes, ou mauvaise direction
donnée à ces épargnes ?
S. Y a-t-il eu insuffisance des capitaux ou
excès d'entreprises?
9. La constitution do plusieurs sociétés de
crédit, sous forme de sociétés anonymes,
a-t-elle exercé de l'influence sur les embarras
monétaires?
10. L'existence et l'organisation de ces so-
ciétés sont-elles de nature à éloigner ou à rap-
procher les causes de crises?
11. Quelle influence a exercée sur le mar-
ché intérieur la participation des capitaux
français aux entreprises étrangères?
12. .Quels avantages et quels inconvénients
présente la cote à la bourse de Paris des va-
leurs étrangères et des emprunts étrangers?
13. Quel a été, depuis dix ans, le mouvement'
d'entrée et de sortie des métaux précieux?
Y a-t-il des indications qui permettent de com-
pléter les renseignements recueillis par l'ad-
ministration des douanes?
14. Le déplacement du numéraire a-t-il lieu
dans de fortes proportions?
15. Quelles opérations donnent lieu à ce
déplacement? Exerce-t-il une influence sen-
sible sur les transactions et sur le loyer de
l'argent? Existe-t-il des moyens de détruire
ou de limiter cette action ?
16. Quelle est l'utilité de la monnaie fidu-
ciaire?
17. Le rôle de cette monnaie tend-il à deve-
nir plus important?
18. Est-ce par les émissions de billets au
porteur et à v.ue, ou .à l'aide des compensa-
tions par virements, comptes courants, chè-
ques, etc., que le crédit tend à se développer?
19. L'emploi de la monnaie fiduciaire peut-il
prendre un développement indéfini? Sinon,
dans quelles limites doit-il être renfermé?
20. A quelles conditions l'emploi de la mon-
naie fiduciaire est-il sans inconvénients?
21. La convertibilité constante des billets
est-elle indispensable?
22. L'unité du billet de banque en favorise-
t-elle la circulation?
23. Quels sont les inconvénients et les
avantages de la pluralité des banques, soit
générales, soit à circonscription limitée?
24. La banque de France satisfait-elle à
toutes les conditions à exiger d'une banque
d'émission? sinon, quelles modifications se-
raient désirables dans son organisation ?
25. Quels avantages ou quelle infériorité
présente l'organisation de la banque de France,
relativement à l'organisation et au régime des
banques soit d'émission, soit de dépôt, des
autres pays, notamment des banques d'Angle-
terre, des Etats-Unis, de HamDourg et de
Hollande?
26. Y a-t-il intérêt ou inconvénient à séparer
le département de l'émission et celui de l'es-
compte ?
27. Le cours légal, tel qu'il existe en An-
gleterre, s'il était attribué aux billets do la
banque de France, aurait-il pour effet d'en
mieux assurer la circulation?
28. Quel nombre de signatures une banque
doit-elle exiger pour sa sécurité ?
29. L'émission des billets doit-elle être limi-
tée? Convient-il de proportionner l'émission
à l'encaisse ou au capital? ,
30. A quel niveau doit être maintenu l'en-
caisse de la banque pour assurer la converti-
bilité des billets?
31. Quelles sont les causes qui tendent à
diminuer ou à augmenter l'encaisse, et quels
sont les moyens a employer pour en mainte-
nir le niveau?
32. Quel est le rôle et quelle est la destina-
tion du capital de la banque ? Le capital doit-il
être accru? Quels seraient les effets de cet
accroissement?
33. La banque devrait-elle aliéner, en tota-
lité ou en partie, les rentes qu'elle possède?
Quels seraient les effets de cette aliénation ?
BAN
34. Le capital des banques d'émission doit-il,
en généra], être un capital de garantie, ou
peut-il être employé utilement dans les affaires
de la banque?
35. Quels sont, pour les banques d'émission
et spécialement pour la banque de France, les
avantages et les inconvénients des avances
sur dépôt?
36. L'élévation de l'escompte, est-elle le
seul moyen efficace de maintenir ou de resti-
tuer l'encaisse?
' 37. Est-il possible de prévenir les variations
de l'escompte ou de les renfermer dans de
certaines limites?
38. Est-il possible d'imposer à une banque
privilégiée un taux fixe d escompte, ou même
un maximum?
39. Quels sont les avantages et les incon-
vénients des petites coupures, notamment au
point de vue de la conservation de l'encaisse ?
40. Quel est celui des moyens suivants de
défendre l'encaisse qui présente le moins d'in-
convénients pour le commerce : élever le taux
de l'escompte, refuser un certain nombre de
bordereaux, graduer le taux de l'escompte
d'après les échéances?
41. Le développement actuel des relations
internationales entraîne-t-il une certaine so-
lidarité entre les encaisses de toutes les ban-
ques d'émission?
42. Quelles sont les conséquences de cette
solidarité? Est-il possible de la faire cesser ou
de la restreindre ?
L'enquête de la banque de France, commen-
cée le 28 octobre 1865, se prolongera, selon
toute probabilité, pendant une grande partie
de l'année 1866. Les sommités de la banque,
des établissements de crédit, de la haute in-
dustrie, de l'économie politique ont déjà été
entendues. Plusieurs chambres de commerce
ont déjà envoyé des mémoires. Le Moniteur a
publié un résumé des principales dépositions.
Nous en donnerons ici les points essentiels.
En général, on s'est accordé à assigner pour
cause à la crise monétaire de 1863-1864 l'expor-
tation du numéraire destiné à payer les, achats
de soie, de coton et autres marchandises que la
guerre d'Amérique avait obligé de demander
à l'extrême Orient; les souscriptions aux em-
prunts étrangers ; les grands travaux entre-
pris en France -, le renouvellement du matériel
industriel ; la mobilisation de la fortune publi-
que, qui a fait émettre dans la circulation de
vraies richesses, mais des richesses en dispro-
portion avec le numéraire du pays. Sur ces
points cependant, il y a eu quelques divergen-
ces. Selon M. Pinard, directeur du Comptoir
d'escompte, l'a sortie d'espèces occasionnée
par les achats de coton aurait été la cause dé-
terminante de la crise. M. Victor Bonnet a
au contraire soutenu que ces achats, repré-
sentant tout au plus 300 millions de numéraire,
ne seraient pas 1 élément le plus sérieux de cette
crise. Les vraies causes, a-t-il dit, devraient
en être cherchées dans ces immobilisations ou
emplois improductifs de capitaux, qui, en dix
an3, de 1855 à 1864, ont absorbé 20 milliards,
somme qui, selon lui, dépasse de 6 à 7 mil-
liards les épargnes faites pendant cette pé-
riode. Selon deux banquiers, MM. Tenrô et
André, on ne saurait trouver que des pallia-
tifs et non des remèdes radicaux pour parer
aux crises. M. James de Rothschild a prétendu
qu'en réalité cette crise de 1863 et 1804, dont
on parlait tant, n'avait pas existé. M.Péreire,
un peu moins optimiste, a admis l'existence de
cette crise et en a fait remonter la cause uni-
quement à l'élévation non justifiée de l'es-
compte et à l'immobilisation du capital de la
banque de France. Le billet de banque, a-t-il
dit, étant inconnu dans les villages, il a fallu
solder en espèces métalliques les achats de
produits, denrées fraîches, denrées récoltées,
faits par les grandes villes aux 'populations
rurales, et l'or de la banque, qui était en trop
petite quantité pour la masse des opérations,
s'est trouvé éparpillé dans les moindres com-
munes. A côté de ces appréciations, il est bon de
signaler celles de M. Horn : selon cet écono-
miste distingué, les crises ne sonkque le ré-
sultat de l'accroissement des relations de
peuple à peuple, et tendent à devenir plus gé-
nérales et plus fréquentes. Lescrises actuelles,
dit M. Horn, proviennent en outre de ce
qu'avant 1848 l'esprit d'entreprise n'était pas
aussi éveillé qu'il t'a été depuis. Des épargnes
s'étaient accumulées dans le bahut du paysan
et dans le coffre du bourgeois. Tout d'un
coup, par suite du progrès économique, des
expositions universelles, de la liberté commer-
ciale, les capitaux retenus depuis vingt ans se
sont jetés sur le marché et ont fourni à toutes
les demandes, et se sont engagés, non pas
d'une manière improductive, mais lentement
reproductive. Les crises actuelles proviennent
donc, selon M. Horn, de ce que les épargnes
du passé sont presque toutes immobilisées, et
que l'on en est réduit aux épargnes de l'année
précédente.
En provoquant l'enquête, la banque de
France avait accusé les sociétés anonymes
d'être elles-mêmes les causes principales de
la perturbation dont elles se plaignaient. Sur
ce point, voici quels ont été les principaux té-
moignages recueillis : les sociétés anonymes,
a dit la chambre de Commerce de Paris, ont
été de précieux agents de l'accroissement de
la fortune publique. Quelques-unes d'entre
elles ont peut-être tenté imprudemment cer-
taines alluires ; mais ces essais malheureux
BAN
sont la conséquence de la liberté, qui seule
peut engendrer la richesse. C'est au public
qu'il appartient de savoir distinguer les entre-
prises qui méritent sa confiance. Ces sociétés
peuvent tout k la fois rapprocher les crises,
en engageant la fortune du pays dans de
mauvaises affaires, et diminuer leur retour en
organisant mieux le crédit et en rendant moins
nécessaire l'emploi de la monnaie fiduciaire.
Leur vulgarisation présente un intérêt de pre-
mier ordre. Le déplacement de métaux pré-
cieux qui s'opère à l'intérieur serait moins
considérable, si ces sociétés étaient plus ré-
pandues et si le compte courant, ce puissant
agent de la circulation, était plus en usage.
M. Pinard, directeur du Comptoir d'es-
compte, a, à ce sujet, établi une distinction :
dans son opinion, les sociétés de crédit pro-
prement dites, c'est-à-dire les établissements
recueillant du capital pour le déverser ensuite
dans la consommation, ne peuvent qu'aider,
que faciliter, le mouvement des opérations
commerciales; au contraire, les sociétés qui
disposent d'un capital pour l'engager dans des
opérations qui leur sont propres peuvent, en
absorbant une partie du numéraire disponible,
contribuer, dans une certaine mesure, à faire
naître des embarras financiers. M. Henri Cer-
nuschi a émis l'avis qu'il serait à souhaiter que
ces sociétés de crédit fussent, en général, con-
stituées dans la forme des sociétés à responsa-
bilité limitée. La forme de l'anonymat donnant
toujours une attache gouvernementale, il im-
porterait d'affranchir la puissance publique de
cette sorte de solidarité. Tout en admettant
que ces sociétés ont, en général, produit
d'heureuses conséquences, un ancien banquier,
député au Corps législatif, M. de Saint-Paul,
a néanmoins déclaré que certaines de ces so-
ciétés avaient eu le tort de donner le signal du
départdescapitauxàl'étranger. Deux milliards
d'espèces métalliques avaient été ainsi expor-
tés sans espoir de retour. Sur ces. 2 milliards,
plus de 700 millions de perte étaient déjà
constatés. A ces désastres matériels s'ajou-
tait une calamité morale. Pour placer en
France de pareilles valeurs, il avait fallu
surexciter le goût du jeu et appeler à la Bourse
toutes les petites épargnes ; les plus sages
avaient succombé; ceux qui avaient résisté
aux provocations du jeu avaient cédé à l'appât
de forts revenus, tant il faut être intelligent,
remarque M. de Saint-Paul, pour savoir pré-
férer 4 pour 100 d'intérêt à 8 pour 100. Selon
une appréciation plus optimiste de M. Vitu,
les 6 à 7 milliards de capitaux français em-
ployés à des souscriptions d'emprunts ou d'en-
treprises étrangères auraient augmenté le
revenu national de plus de 400 millions. L'opi-
nion émise à ce sujet par le banquier Bischoffs-
heim est assez curieuse. La création des so-
ciétés de crédit, dont les actions ont donné lieu
à des bénéfices inouïs, a fait naître la soif du
gain, et tout le monde a voulu réaliser des
primes. Les capitaux ont été ainsi détournés
de leur emploi ordinaire de l'industrie, de
l'agriculture, de toutes les choses dans les-
quelles ils fonctionneraient sérieusement et
non par envie déjouer. A côté, de ce mal, les
sociétés de crédit ont produit du bien; mais si
on avait à recommencer, il vaudrait mieux
n'avoir ni ce bien ni ce mal. A ce sujet,
M. d'Audiffret, président du conseil d'adminis-
tration du Crédit industriel, a fait remarquer
que les sociétés anonymes n'ont exercé (t'in-
fluence fâcheuse sur les embarras monétaires
que lorsque les statuts organiques n'ont pas
été respectés, ou lorsque les dispositions de
ces statuts ont manqué de prévoyance. A ses
yeux, les caisses de dépôt, dont la mission se
borne à recueillir les fonds libres de l'épargne
et à les rendre à la circulation par l'escompte
d'un bon papier à courte échéance, sont des
établissements très-utiles pour abaisser le
Loyer des capitaux et répandre l'usage des
chèques. Les délégués de la société ano-
nyme des dépôts et comptes courants, MM. Do-
non et Sébastien Neufville, ont aussi établi
une distinction entre les sociétés auxquelles
la faculté de spéculer est accordée et celles
auxquelles toute spéculation est interdite. Les
sociétés de crédit, ont-ils dit, qui peuvent
acheter et vendre des titres sont une cause
incessante de ruine ; elles jettent un trouble
permanent dans les affaires. Un particulier
qui spécule est retenu par la crainte de perdre
sa fortune, de compromettre son nom, de rui-
ner sa famille. Il n a que des moyens limités.
Une société anonyme qui se livre au jeu est
irresponsable ; tous les capitaux sont à sa dis-
position; elle peut accaparer les titres, les
marchandises et les vendre au prix qu'elle
veut. Elle surfait ainsi la valeur de toutes
choses. Si c'est sur une marchandise qu'elle
opère, le consommateur est victime. Si c'est
sur des titres, un jour arrive où la hausse fac-
tice s'arrête; la débâcle survient, et l'ache-
teur est ruiné. Au contraire, les sociétés de
crédit qui n'ont pas la faculté d'acheter et de
vendre pour leur compte offrent de notables
avantages, soit comme caisses d'escompte,
soit comme caisses de prêt; elles servent à la
constitution et au développement d'entreprises
industrielles. Ellesrendent de grands services
et ne présentent jamais ces périls qui agissent
sur la généralité des affaires. M. Garnier Pa-
ges avait aussi en vue les premières de ces
sociétés lorsqu'il a dit : A côté des crises
vraies, il y a aussi les crises que la spécula-
tion fait naître. Quand il y a des maisons plus
puissantes que la banque disposant d'un capi-
tal supérieur à celui de cet établissement, ces
BAN
maisons sont maîtresses de la situation. Elles
ont la faculté de faire une crise métallique à
chaque instant. Elles peuvent forcer la banque
à vider ses caves et lui dire ensuite : Voila de
l'argent, nous l'avons pris; nous allons main-
tenant vous le vendre.
La participation des fonds français aux en-
treprises étrangères, signalée comme une des
causes les plus sérieuses des crises, a été re-
connue comme ayant en effet l'inconvénient
de faire sortir momentanément, de France,
une masse considérable do monnaie; mais
cette participation a, ainsi que l'a fait remar-
quer la chambre de Commerce , l'immense
avantage de donner aux capitaux français un
intérêt supérieur à celui qu'ils auraient trouvé
dans des affaires nationales, d'établir à la
Bourse de Paris un large marché qui attire
les capitaux étrangers, et de préparer cette
solidarité de relations qui est une des lois de
l'avenir. C'est en prêtant aux entreprises et
aux gouvernements étrangers, a fait remar-
quer la même autorité, que les Anglais ont
fait de leur pays le premier marché des capi-
taux du monde; aussi en a-t-on conclu qu'il
importait de maintenir à la Bourse de Paris la
cote des valeurs des autres pays, et qu'en la
supprimant, on priverait la France du rôle
d'expansion qu'elle tend à prendre. M. Pinard,
directeur du Comptoir d'escompte, a reconnu
qu'il y avait là des avantages et des inconvé-
nients, mais encore plus d'avantages que
d'inconvénients. Cette cote, à la Bourse de
Paris, dit-il, rend les marchés étrangers plus
solidaires les uns des autres ; elle augmente
les transactions; elle multiplie les lettres de
change sous forme de fonds publics ; lorsqu'un
solde doit se faire entre deux nations, faute
d'argent on emploie les fonds publics, c'est
donc une monnaie de plus qui vient se jeter
dans la balance. L'inconvénient se manifeste
quand c'est un pays étranger qui a besoin
d'argent ; ce pays peut verser sur notre mar-
ché une certaine quantité de valeurs en les
avilissant lui-même, et alors ce sont des mil-
lions qu'il faut retirer en espèces. La liberté,
en ce qui concerne l'admission des valeurs
étrangères à la Bourse de Paris, est le meil-
leur parti à prendre. Toutefois, cette liberté
doit être réglementée dans une certaine me-
sure. D'autres autorités, M. James de Roths-
child en tête, ont repoussé toute espèce de
réglementation. La France, a-t-il dit, ne doit
pas se renfermer en elle-même. Si l'on prenait
la résolution de repousser toutes les valeurs
étrangères, on se condamnerait à un état d'iso-
lement des plus regrettables. D'ailleurs, les
opérations de la France avec l'étranger ne sont
pas soldées en totalité avec du numéraire. Elles
sont soldées dans une plus forte proportion avec
des marchandises ; et il est à remarquer, en
outre, que dans un espace de temps assez court,
certaines valeurs étrangères reviennent aux
regnicoles. Cette circonstance a été constatée
pour des emprunts faits par l'ancien gouver-
nement deS DeuX-Siciles et par le gouverne-
ment espagnol. Les cinq sixièmes des porteurs
de titres de ces emprunts étaient, après un
court délai, des Italiens ou des Espagnols. Il
n'y a donc, a conclu M. de Rothschild, aucun
inconvénient à laisser coter les valeurs étran-
gères. Plus on accordera de liberté aux capi-
talistes, plus on facilitera les affaires. Les
agents de change, selon lui, devraient être
obligés d'inscrire à la cote toutes les valeurs
négociées sans distinction. Selon M. de Saint-
Paul, la cote à terme devrait être refusée à
toute valeur étrangère quelconque, et la cote
au comptant aux valeurs ne présentant aucune
condition de sûreté pour le public. M.Garnier-
Pagès, au contraire,' a émis l'opinion qu'une
entière liberté en cette matière était la seule
condition de faire de la Bourse de Paris un
vaste marché. M. Bischoffsheim a été encore
plus explicite. Il est désirable, a-t-il dit, que
cette cote soit tout à fait libre. Il ne faut pas
que l'admission officielle d'une valeur à la
Bourse soit considérée par le public comme
préjugeant le mérite de 1 entreprise à laquelle
telle action ou telle obligation se rattache.
Cette cote, a fait remarquer M. Vitu, rédacteur
financier du Constitutionnel, est indispensable.
Refuser de coter ces valeurs, a-t-il dit, c'est
nuire à ceux de nos nationaux qui ont placé
leur argent dans les emprunts ou dans les en-
treprises des autres pays ; c'est les mettre à
la merci des changeurs, des banquiers d'un
ordre secondaire, qui font payer très-cher les
services qu'ils rendent; c'est surtout déprécier
le cours de ces titres. La libre négociation
à la Bourse des actions ou obligations de
toutes les nations est un fait qu'il faut non-
seulement subir, mais qu'il faut considérer
comme une des conditions de la liberté des
échanges: Entraver en France la négociation
de ces valeurs, c'est, par voie indirecte, inter-
dire aux nationaux de les prendre en paye-
ment, et par conséquent gêner singulièrement
le commerce avec l'extérieur.
Sur la question de la pluralité des banques
d'émission, le partage des opinions a été re-
marquable. La chambre de Commerce de Paris
s'est prononcée en faveur du maintien du pri-
vilège actuel de la banque de France. A ses
yeux, la question de la pluralité des banques
ne saurait être regardée que comme une ques-
tion de théorie ; aussi est-ce seulement sous
ce point de vue qu'elle l'a examinée. Dans son
opinion, la multiplicité des banques indépen-
dantes aurait pour effet de créer entre elles
une concurrence qui diminuerait la valeur des
BAN
175
titres escomptés, et qui rendrait essentielle-
ment variable la valeur du billet. Le système
des circonscriptions limitées, a-t-ellë dit, a été
condamné par l'expérience. Son seul avantage
serait peut-être d'éviter l'intervention de l'E-
tat, et de laisser à chaque banque son carac-
tère essentiellement commercial. Cette ré-
forme entrainerait-elle la diminution de l'in-
térêt et le renouvellement des crises? La
chambre de Commerce en doute; car'c'est
d'Angleterre et des Etats-Unis, où existe la
pluralité des banques, que viennent les com-
mencements de crise. Le système de la plura-
lité, a dit de son côté M. Pinard, présente plus
d'inconvénients que d'avantages ; si les ban-
ques multiples suivent fidèlement les principes
de la banque de France, si elles exigent les
trois signatures, si elles n'émettent de billets
qu'avec des conditions complètes de sécurité,
elles rendront exactement les mêmes services
que les succursales de la banque de France ;
si, au contraire, elles amènent, par la concur-
rence, un abaissement du taux de l'escompte,
cet abaissement courra risque d'être exces-
sif et de pousser le crédit en dehors des limites
raisonnables.
La circulation du papier fiduciaire,- a dit
M. Sylvestre de la Ferriète, en sa qualité de
syndic des courtiers de Paris, est favorisée par
l'unité d'émission. Dans certaines parties re-
culées de l'empire, le billet de banque est ad-
mis, concurremment avec le numéraire, seu-
lement depuis peu d'années ; que serait-ce s'il
y avait multiplicité de billets provenant de
banques différentes? Quand on pense que le
simple changement par la banque de la vi-
gnette noire des billets en une vignette bleue
a jeté l'inquiétude dans quelques départe-
ments ! Le public, a dit M. Bonnet, ne pren-
drait pas aussi bien les billets de plusieurs
banques que ceux d'une banque unique ; le
rayonnement des billets de chaque banque ne
s'étendrait guère au delà de sa circonscrip-
tion. Si l'une des banques venait à subir un
échec, cet échec réagirait immédiatement sur
les autres, et les demandes de remboursement
afflueraient toutes à la fois. Selon M. Durand,
banquier et régent de la banque de France,
cette banque présente tout à la fois les avan-
tages des systèmes de l'unité et de la plura-
lité. Elle peut établir des succursales autant
que les besoins du commerce le réclameront.
Dans les temps d'abondance, a-t-il dit, la con-
currence des banques d'émission ferait certai-
nement baisser le taux de l'intérêt; chacune
de ces banques serait à la poursuite des affai-
res et des clients. Mais la cherté venant à se
déclarer, la concurrence contribuerait néces-
sairement à augmenter le prix de l'argent
dans des proportions considérables; les ban-
ques, ayant à se pourvoir d'espèces, se met-
traient à rechercher du numéraire, comme, en
temps de bon marché, elles avaient recherché
des clients. Dans l'état actuel des idées, selon
M. Vitu, la multiplicité des billets réduirait la
circulation. Les moeurs françaises n'ayant
été familiarisées qu'avec le système d'une
émission unique, la brusque suppression de ce
qui existe et la proclamation de la liberté des
banques serait une mesure regrettable. Les
besoins généraux de l'escompte risqueraient
de ne pas obtenir tout d'abord pleine satisfac-
tion ; il'se passerait un certain temps avant la
constitution d'organes capables d'y pourvoir.
Une banque unique a cependant des inconvé-
nients. Le meilleur moyen d'y remédier, c'est
de favoriser d'une manière particulière la
création de caisses de dépôt. Selon M. Gouin,
les banques multiples ont encore bien d'autres
inconvénients. Le papier émis par chacune
d'elles ne pourrait inspirer la même confiance,
et, de cette diversité de billets différemment
appréciée, naîtrait nécessairement une circu-
lation fiduciaire très-difficile. Toutes ces ban-
ques n'escompteraient pas au même taux.
Cette concurrence serait sans avantage ; car,
dès qu'une banque mettrait son escompte à
meilleur marché que les autres, chacun s'em-
presserait de lui porter ses effets, et, par cet
accroissementd'affaires, en disproportion avec
ses ressources, on forcerait cette banque a éle-
ver l'escompte; on nuirait à son crédit. Le
maintien d'une banque unique, possédant ex-
clusivement la faculté d'émettre des billets,
peut seul augmenter le crédit public et donner
un développement plus considérable à la cir-
-culation fiduciaire. M. de Rothschild verrait,
dans l'adoption de la pluralité des banques, un
véritable malheur. La France, dit-il, est dans
une bonne situation ; il n'est pas de pays au
monde où les affaires soient plus solidement
établies, où les faillites soient moins nom-
breuses. On a établi des succursales partout
où la nécessité s'en faisait sentir; il n'est nul
besoin d'entrer dans une nouvelle voie, quand
rien ne justifie un changement. M. Emile Pé-
reire ne s'est pas associé à ces éloges sur la
bonne administration de la circulation fidu-
ciaire. Le gouvernement., a-t-il dit, devrait
faire à la banque un devoir de convertir ses
billets dans les succursales aussi bien, qu'à
Paris. Il a mis en lumière ce fait, qu'actuelle-
ment certaines succursales refusent d'échan-
ger contre des espèces métalliques les billets
qu'on leur présente, sous prétexte que ces
billets n'ont pas été émis par elles. C'est là,
a-t-il fait remarquer, il faut l'avouer, un sin-
gulier encouragement donné k la circulation
fiduciaire. Ce même fait a été signalé par les
administrateurs de la caisse des dépôts et
comptes courants.
Tout en se prononçant contre le système de
176
BAN
la pluralité des banques d'émission , comme
pouvant conduire au désordre, le marquis
d'Audiffret, dont l'autorité en ces matières,
comme ancien président de chambre à la cour
des comptes, rapporteur des lois de finances
à l'ancienne Chambre des pairs et au Sénat,
et président du conseil d'administration du
Crédit industriel, ne saurait être contestée, a
soutenu et développé l'opinion que le mono-
pole d'une seule banque ne pouvait pas satis-
faire partout et toujours à bon marché les be-
soins de la circulation de la France entière.
Mais, a-t-il ajouté, entre ces deux points ex-
trêmes, le monopole et la liWté absolue, il y
a un terme moyen auquel on pourrait recou-
rir. Au commencement du siècle, a-t-il rap-
pelé, on s'était bien gardé de concentrer dans
un seul établissement toute la sphère d'action
du crédit. 11 est très-préjudjciable à l'univer-
salité des grands intérêts de faire inévitable-
ment subir à chacune des places de nos dé-
partements les fatales circonstances défavo-
rables qui troublent fortuitement la circulation
de la banque unique et centrale de Paris. Il a-
proclamé la nécessité d'affranchir les négo-
ciants et les banquiers des villes et ports d'une .
tutelle dont la dépendance onéreuse n'a pu
se justifier que parja gravité des événements
de 1848. Pour atteindre à ce résultat, on de-
vrait borner la puissance auxiliaire du crédit
et des capitaux de la banque do France à
soutenir, par une simple commandite, les
associations locales du commerce des pro-
vinces. La banque se ferait représenter au-
près de chacun de ces établissements spé-
ciaux et exercerait un contrôle sur la régu-
larité des opérations et sur l'observation des
statuts. Cette surveillance supérieure procu-
rerait assez de sécurité relativement à la
Conduite des affaires do ces comptoirs pour
que la banque leur accordât le privilège de
1 émission de son billet unique, en renfermant
ce privilège dans une proportion bien calculée
avec les fonds de garantie et dans une limite
infranchissable ; ces banques particulières ,
commanditées par le commerce local et par la
banque de France, différeraient des anciennes
banques départementales, et les cours- de fluc-
tuations des cours de leurs billets seraient
évités ; on réussirait à conjurer l'élévation du
taux de l'escompte, que déjà les maisons par-
ticulières parviennent dès à présent à modé-
rer, par leurs efforts mutuels, au maximum
de 5 pour 100, lorsque le taux de la capitale
s'élève inopinément à 9 pour 100. La cause
de la liberté a trouvé son champion dans
M. Horn. Cet économiste ne s'est pas dissimulé
qu'en France, avec notre culte pour la cen-
tralisation, des billets émanant de banques pro-
vinciales ou locales auraient peut-être de la
peine à se frayer un chemin ; mais, selon tui,
cette tendance pourrait être modifiée parce
qu'elle n'est pas dans la nature des, choses.
Des billets émis par des banques provinciales
arriveraient, selon M. Horn, h avoir une cir-
culation assez générale, si on prenait le moyen
adopté en Ecosse, en Prusse et en Suisse,
d'obliger ces diverses banques à échanger
mutuellement leurs billets. M. Horn a fait re-
marquer que les reproches formulés si sou-
vent contre la liberté des banques se rédui-
sent au fond h la possibilité de l'abus; mais,
ajoute -t-il, abstraction faite de tout mouve-
ment fiduciaire, l'abus pour la lettre de change
est tout aussi possible, et dans les pays où existe
la liberté des banques d'émission, ces établisse-
ments n'ont jamais fait supporter à leurs
clients autant de pertes qu'en ont causé
les banquiers, les commerçants, enfin, ceux
qui n'émettent pas de billets. Les désastres
ui ont eu lieu dans les pays où. la pluralité
les banques existe ont été grandement exa-
gérés, et ont généralement pour cause, non
les excès d'émission, mais plutôt l'abus des dé-
pôts. Dans le système développé par M. Horn,
des banques lfbres, sagement administrées,
offrent une sécurité beaucoup plus grande que
les billets d'une banque unique, sécurité d'au-
tant plus assurée qu il y a une surveillance et
un contrôle mutuels. A l'appui de son alléga-
tion, M. Horn est entré dans des détails sur
* mécanisme des banques d'émission prus-
siennes, qui existent à coté de la banque d'Etat.
Pour apprécier, a-t-il dit, la sécurité de la
circulation, il faut se préoccuper beaucoup
moins du rapport entre l'encaisse et l'émission
que des moyens que possède une banque dans-
un moment critique pour faire rentrer sa cir-
culation , et éviter que le public , saisi de
crainte, vienne l'assaillir avec des demandes
de remboursement auxquelles elle serait hors
d'état de satisfaire. En Prusse, où il existe
huit banques particulières , lorsqu'une crise
survient, chaque banque cherche à faire ren-
trer ses billets avant que le publie les lui rap-
porte. Le Cassen Verein de Berlin, qui est la
première de ces banques libres, par le seul
mouvement de ses affaires et de ses escomp-
tes, fait revenir a elle tous ses billets en six
jours ; à la moindre méfiance, elle n'escompte
plus, et en six jours, par les échéances seules
de son portefeuille, tous ses engagements à
vue sont réintégrés ; de sorte que le public n'a
pas la moindre prise sur elle. Pour les autres
banques libres, la rentrée varie de dix-sept a
vingt-cinq jours. La banque royale, au con-
traire, aurait, en pareille occurrence, besoin do
deux mois pour opérer le retrait de ses billets
par cette même voie, c'est-à-dire en cessant
les escomptes. Dans le système de M. Horn,
les banques multiples, loin d'accroître la cir-
culation, la diminueraient probablement. Le
ï
BAN
billet de banque, fait-il observer, est un instru-
ment d'échange essentiellement transitoire ;
il est le représentant plus ou moins légitime
des capitaux inactifs. Or, la pluralité des ban-
ques ferait décroître dans une large mesure la
masse des capitaux dormants. Le besoin du
billet de banque diminuerait donc d'autant. La
liberté des banques répartirait mieux la circu-
lation ; au lieu d'être concentrée sur tel ou tel
point du pays, et de laisser le tiers du pays
en dehors de son mouvement, la circulation
fiduciaire arriverait à remplacer les capitaux
disséminés sur la surface du pays et à dé-
truire la disparité qui existe actuellement
entre l'offre et la demande d'espèces.
La question de l'emploi du capital en rentes
a été encore plus controversée. Ce mode de
placement, selon la chambre de commerce,
répond à un intérêt de premier ordre. Assu-
rément, le portefeuille de l'escompte inspire
une grande sécurité; mais il vaut mieux en-
core donner à. la monnaie fiduciaire une dou-
ble caution, en prévision d'une double cause
de risques , les risques commerciaux et les
risques politiques. La transformation de ces
rentes en capital de roulement aurait inévita-
blement pour effet d'alourdir l'escompte, alin
de pouvoir servir des intérêts convenables
aux actionnaires. Selon M. Bonnet, cette ré-
serve de rentes empêche le public de s'alar-
mer lorsque l'escompte descend au-dessous de
300 millions. Selon M. Gouin, le capital d'une
banque d'émission est essentiellement un ca-
pital de garantie, qui, devant être placé en
valeur très-solides, ne peut être mieux em-
ployé qu'en rentes sur 1 Etat; ces rerites ser-
vent à garantir non-seulement les affaires de
la banque contre des pertes, mais elles peu-
vent encore accidentellement venir au secours
du commerce. A ce sujet, M. Gouin a rappelé
qu'en 1847, lors de la disette de grains qui fit
sortir de France des sommes si considérables,
la banque, en vendant ses rentes à l'empereur
de Russie, avait pu se procurer du numé-
raire. C'est avec ses billets et non avec son
capital, a-t-il dit, que la banque doit faire ses
affaires ; aussi faut-il qu'elle cherche U assu-
rer autant que possible la circulation de son
papier d'émission. Cette immobilisation a ren-
contré de rudes adversaires dans MM. Horn
et Emile Péreire. Si ce capital n'était p:s im-
mobilisé, a dit M. Péreire, la banque pourrait
escompter davantage et prendre des lettres
de change sur l'étranger. Elle se créerait ainsi
une sauvegarde confie les demandes d'argent,
car, quand on a des lettres de change, on a
de l'or. Pour empêcher la sortie de l'or, on
n'aurait pas besoin d'envoyer ces lettres de
change à l'étranger; il suffirait de les négo-
cier à Paris, sur la place où elles seraient
payables. On ferait en outre baisser le prix
du change. M. Péreire convient que de telles
opérations épuiseraient bien vite cette réserve
de 200 millions, et voici comment il répond à
l'objection. S'il en est ainsi, la banque n'aura
qu'à élever son capital au niveau dès affaires.
Sou encaisse peut être considéré comme le
matériel d'une compagnie de chemin de fer.
En retour du privilège qui lui a été concédé,
et dont elle doit subir les conséquences, si
elle veut le conserver, la banque est soumise
à l'obligation de rendre certains services au
public, notamment de maintenir la fixité du
taux de l'intérêt ; et il faut qu'elle soit pourvue
du matériel nécessaire h. cette obligation. Se-
lon M. Horn, lorsqu'on fonde une banque, c'est
afin do procurer au 'commerce des capitaux
qui ne sont pas employés directement par
leurs propriétaires. Or, soustraire ces capi-
taux à ces fonctions en les plaçant en rentes
sur l'Etat, c'est manquer au but qu'on se pro-
posait d'atteindre. M. Horn ne trouve pas que
l'emploi en rentes soit une vraie garantie. Il
soutient que, si ce capital était affecté à l'es-
compte, la sécurité serait infiniment augmen-
tée. La banque, dit-il, a augmenté son capital
de 100 millions en 1857. Ces 100 millions sont
représentés, dans les bilans, par des titres do
rentes portés à 75 fr., prix d'achat. Or, la
rente ne valant plus 'que 00 fr., ce capital de
garantie a perdu en réalité 12 ou 14 millions.
Est-il vraisemblable qu'en employant ce capi-
tal en escomptes, on eût éprouvé une pareille
perte? M, Horn fait également remarquer
qu'en temps de crise politique, la réalisation
de ces rentes serait tout simplement impossi-
ble, tandis qu'en 1848, malgré une révolution,
les pertes éprouvées sur le portefeuille furent
insignifiantes.
A l'exception de M. Péreire, personne n'a eu
la pensée d'imposer un maximum d'escompte.
L'expédient d'éviter, en temps de crise, l'élé-
vation du taux de l'escompte en refusant cer-
tains bordereaux, et en graduant le taux do
l'escompte d'après la durée des échéances, a
été repoussé par tout le monde comme une
mesure aussi injuste que funeste. Tout en re-
connaissant que la banque devait être laissée
libre de procéder à la reconstitution de son
encaisse par une surélévation de l'escompte,
il a été suggéré, quand l'escompte est au-
dessus de 6 pour 100, d'affecter les bénéfices
réalisés à une disposition particulière, afin,
dit la chambre de Commerce de Paris, qu'on
ne puisse supposer à la banque le désir d aug-
menter le taux de l'intérêt pour accroître ses
dividendes. Entre autres améliorations à ap-
porter dans l'organisation, M. Pinard a sug-
géré la suppression de tout compte créditeur
direct qui n'a pas sa rentrée assurée à une
époque déterminée, comme les prêts sur va-
BAN
leurs et placements en rentes; selon M. Pi-
nard , la banque devraH également faire le
commerce des métaux précieux, en prenant
toujours les métaux à un tarif déterminé,
comme le fait la banque d'Angleterre ; les
expéditeurs seraient certains de trouver tou-
jours un acheteur, et Paris disputerait peut-
être à Londres la concentration des méfaux
précieux. A ce sujet, M. Roy, membre du co-
mité consultatif des arts et manufactures, a
demandé qu'au lieu de prendre 1/2 pour 100
de droit de garde sur les lingots, la banque
imitât l'exemple de la banque d'Angleterre,
qui, on échange des lingots qu'on lui apporte,
donne des billets, moyennant le payement des
frais de monnayage de ces lingots. La banque
d'Angleterre fait aussi entrer ces lingots dans
son actif, tandis que la banque de France n'en
estque dépositaire, et doit toujours être prête
à les rendre aux déposants. Selon M. Sylves-
tre de la Ferrière, ce serait un immense ser-
vice rendu à la Franco et a l'Angleterre, si,
par une convention internationale, on pouvait
arriver à assimiler les statuts des deux ban-
ques. Ces deux établissements ne seraient plus
ainsi obligés d'agir l'un contre l'autre, et l'a-
nalogie de leurs statuts aurait peut-être pour
effet de prévenir les variations du taux de
l'intérêt entre ces deux banques, ou de renfer-
mer ces variations dans de certaines limites.
Les banquiers, comme les vrais économistes,
MM. Tenré, Pinard, Donon, comme M. Horn
et M. Cernuschi, ont été, en général, d'accord
pour soutenir que la banque de France de-
vrait redevenir une banque d'escompte pure
et simple , cesser d'employer en avances sur
actions et obligations de chemins de fer une
partie de ses ressources, qui, la plupart du
temps, sont consenties à des spéculateurs. Il
faudrait, a-t-on dit, une banque spéciale pour
prêter sur ces valeurs, comme on a reconnu
qu'il était nécessaire d'avoir un Crédit foncier
pour prêter, sur hypothèques.
Le maintien de la garantie des trois signa-
tures a été recommandé par la majorité des
témoins entendus, et par la plupart des mé-
moires des chambres de Commerce envoyés
en réponse au questionnaire. La création d'un
portefeuille sur l'étranger, proposée par M. Pé-
reire, par la chambre de Commerce de Paris,
par le directeur du Comptoir d'escompte, dans
une certaine mesure, a été repoussée par le
reste de la haute banque et par les écono-
mistes. M. de Rothschild a fait remarquer que
ce serait la plus regrettable des innovations,
et que les banques du pays dont on aurait du
papier seraient inquiètes et se tiendraient con-
stamment en méfiance a l'égard de la banque
de France, et qu'au contraire, il y avait tout à
gagner à maintenir une union aussi parfaite
que possible entre les grands établissements.
Les petites coupures, blâmées comme dange-
reuses par quelques membres de la haute ban-
que, ont été défendues par M. Pinard, qui, en
vertu de son expérience de directeur du Comp-
toir d'escompte, a déclaré qu'en temps de crise,
ces coupures venaient moins vite au rembour-
sement que les grosses. Les délégués de la
caisse des dépôts et comptes courants ont
tenu le même langage. Les chambres de Com-
merce ont réclamé pour qu'à l'avenir les mem-
bres du conseil de régence fussent choisis en
plus grand nombre parmi les commerçants et
les manufacturiers que parmi les banquiers.
Combattue par M. Péreire, cette proposition
a été appuyée par M. Horn, qui a démontré
que la banque agirait sagement en modifiant
son conseil, dont la composition ne répond
plus aux exigences du monde commercial, et
en augmentant le nombre des actionnaires
admis aux assemblées générales. À l'origine,
a dit M. Horn, la banque comptait trois cents
actionnaires. Il pouvait dès lors paraître suffi-
sant de composer les assemblées générales des
deux cents plus forts actionnaires ; mais au-
jourd'hui le nombre des porteurs d'actions
étant de quatorze mille et même davantage,
une représentation plus large pourrait être
accordée sans nuire aux intérêts de l'établis-
sement, tout en donnant une satisfaction plus
légitime aux porteurs d'actions et au public.
Sauf les régents de la banque et M. de Roth-
schild, toutes les personnes entendues ont été
d'accord pour que le gouvernement usât de la
faculté dont il est investi, à partir da 1867,
d'obliger la banque à établir des succursales
dans tous les départements. Tels sont, jusqu'à
présent, les résultats généraux de cette en-
quête , qui n'est pas encore arrivée à son
terme.
IV. — Exasien d'ës principes généraux
QUI DOIVENT PRÉSIDKR À LA CONSTITUTION DES
banquks. Après avoir fait connaître l'histoire
et la constitution des principales banques du
monde, il nous resterait à examiner les prin-
cipes généraux sur lesquels doit être basé le
régime légal des banques-. Nous renvoyons,
pour cet examen, au mot crédit. C'est à ce
mot que seront exposés etdiscutés les systèmes
produits sur cette question difficile, depuis le
système de la liberté des banques, jusqu'à celui
des banques d'Etat, depuis le système qui re-
pousse la monnaie fiduciaire sous le nom d'or
suppose, jusqu'à celui qui entend supprimer la
royauté économique de l'or et de l'argent
( banque d'échange de Proudhon , banque ra-
tionnelle de M. Emile de Girardin).
V. — Bibliographie. Parmi les nombreux
ouvrages écrits sur les banques, nous citerons :
Le trésor du commerçant , ou moyen sûr,
facile, prompt et efficace pour favoriser d'une
BAN
manière incroyable les progrès du commerce, la
multiplication des richesses, etc., en remplaçant
la monnaie par des billets de circulation, par
W. Potter (Londres, 1659).
Moyen pour arriver à la suppression de tous
les impôts et pour obtenir un revenu sans taxes,
en créant des banques pour l'encouragement du
commerce, par Francis Cradocke (Londres,
1660).
Projet pour l'établissement d'une banque ,
d'une chambre d'escompte et d'un mont-de-pic te ,
par Balthazar Gerbier (Paris, 1673).
Projet d'une grande banque , proposé au roi
et au parlement, dans lequel on démontre com-
ment le capital d'une banque peut être obtenu
sans beaucoup de charge et employé sans risque,
tout en permettant une vaste émission de billets
de crédit, par Mathieu Lewis (Londres, 1078).
Courte explication sur l'établissement pro-
jeté de la banque d'Angleterre , par Michel
Godfrey (Londres, 1694).
Projet d'une banque nationale ayant pour
garanties soit des terres, soit le dépôt de toutes
auti-cs sûretés, par Robert Murray (Londres,
1695). -
Plusieurs assertions prouvées en faveur de
la création d'une autre espèce de monnaie que
celle de l'or, par John Asgill (Londres, 1006).
Considérations sur la monnaie et le com-
merce, suivies d'une proposition pour procurer
à la nation toute la monnaiedont elle peut avoir
besoin, par Jean La-w (Edimbourg, 1705).
De la banque d'Espagne, dite de Saint-
Charles, par le comte de Mirabeau ( Paris ,
1785).
De la caisse d'escompte, par le comte de
Mirabeau (Paris, 1785).
Banque nationale , par Caritat, marquis do
Condorcet (Paris, 1789).
Banque nationale, précédée de l'examen des
principales banques publiques de l'Europe et
de la caisse d'escompte, par Gaudot (Amster-
dam et Paris, 1789).
Œuvres de Jean Law, contenant les principes
sur le numéraire, le commerce, le crédit et les
banques, traduit de l'angolais avec des notes,
par M. de Sénovert (Paris, 1790).
Plan de banque nationale immobilière,
dédié a la nation, par Mengin (Paris, La Vil-
letfe, 1790).
Observations sur l'établissement de la banque
d'Angleterre et sur le papier de circulation ,
par sir Francis Baring (Londres, 1797).
Recherches sur la nature et les effets du pa-
pier de crédit de la Grande-Bretagne, par
Henri Thornton (Londres, 1802)
Réflexions sur les effets des suspensions de
payement des billets de banque, par lord King
(Londres, 1803).
Observations sur l'état de la circulation mo-
nétaire en Irlande, et sur le cours du change
entre Dublin et Londres, par Henry Parnell
(Dublin, 1804).
Essai sur le pri/icipe des échanges dans le
commerce , et particulièrement de l'échange
entre la Grande-Bretagne et l'Irlande, avec
des recherches sur les résultats pratiques des
suspensions de payement des billets de banque,-
John Leslie Poster (Londres, 1804).
Considérations sur l'institution des princi-
pales banques de l'Europe, et principalement
sur celle de France, par de Montbrison(l80ô).
Théorie des banques d'escompte, par le comtq
G. Garnier (Paris, 1806).
Sur la banque de France, les causes de la
crise qu'elle a éprouvée, les tristes effets qui en
sont résultés, et les moyens d'en prévenir le
retour, avec une théorie des banques, par Du-
pont de Nemours (Paris, 1800).
' Des différentes banques de l'Europe, par Ca-
lenge (Paris, 1806).
Le haut prix des lingots prouve la déprécia-
tion des billets de banque, par David Kicardo
(Londres, 1810).
Recherches sur les effets produits sur la cir-
culation monétaire nationale et sur le taux du
change par le bill de suspension des payements
de la banque, expliquant la cause du haut prix
des lingots, par Robert Mushet, attaché à
l'hôtel des Monnaies (Londres, 1810).
Rapport du comité de la chambre des Com-
munes sur le haut prix des lingots d'or (Lon-
dres, 1810).
Projet d'une banque nationale, ou moyen de
tirer la France de la crise actuelle, par Ma-
thieu d'Agoult, ancien évêque de Pamiers
(Paris, 1815).'
Propositions pour un agent de la circulation
sûr et économique, avec des observations sur
les bénéfices de la banque d'Angleterre, par
David Ricardo (Londres, 1816).
Des banques et de leur influence pour faci-
liter la circulation des capitaux, faire baisser
le trop haut prix de l'intérêt, et des mesures à
adopter pour que l'agriculture, l'industrie et
le commerce de la France et des divers Etats
jouissent de l'avantage de tels établissements,
par Sabatier, ancien administrateur du dépar-
tement de la Seine (Paris, 1817).
Le papier contre l'or, ou histoire et mystères
de la banque d'Angleterre, par William Cobbet
(Londres, 1821).
De l'état actuel de la banque de France, et
de la nécessité d'en modifier le régime et de
diminuer son capital, par Costaz (Paris, 1826).
Essai pour expliquer, d'après les faits, le
BAN
BAN
BAN
BAN
177
résultat des émissions de la banque d'Angle-
lerre relativement à ses propres intérêts , au
crédit public et aux autres banques du pays ,
par Robert Mushet (Londres, 1820).
Observation sur le papier-monnaie, les ban-
ques, l'excès de la spéculation, etc. , par sir
Henry Parnell (Londres, 1827).
Traité pratique des banques , contenant un
exposé des banques de Londres et de la pro-
vince, des banques par actions, etc., par James
William Gilbart (Londres, 1827).
Lettre à lord Granville sur l'effet attribué à
la reprise des payements en espèces, relative-
ment à la valeur de l'instrument de circulation,
par Thomas Tooke (Londres, 1829).
Esquisse historique de la banque d'Angle-
terre, avec un examen de la question relative
à la -prolongation des privilèges exclusifs de
cet établissement , par Mac-Culloch (Londres,
1831).
Histoire et principes des banques, par J. \V.
Gilbart (Londres, 1835).
Histoire des banques d'Irlande, parle même
(Londres, 1836).
Des causes et des conséquences de la disette
du numéraire sur le marché, avec un exposé de
l'action exercée par la banque d'Angleterre,
depuis le 1"" octobre 1835 jusqu'au 27 décem-
bre 1830, par Horsley'Par' 1er (Londres, 1837).
Considérations sur la circulation et le sys-
tème des banques des Etats-Unis, pàV Albert
Gallatin (Philadelphie, 1831).
Courte histoire du papier-monnaie et des
banques des Etats-Unis, etc., par William
Gouge (Philadelphie, 1833).
Du crédit, de la circulation et des banques,
par Eléazar Nord (New- York, 1834).
Lettre à lord Melbourne sur les causes de la
dernière crise monétaire et sur la réforme de
la banque, par le colonel Torrens (Londres,
1837).
Histoire des banques en Amérique, avec des
recherches pour déterminer jusqu'à quel point
les institutions américaines relatives aux ban-
ques sont adaptées à l'Angleterre, suivie d'une
revue sur les causes de la dernière crise moné-
taire, par J. \V. Gilbart (Londres, 1837).
Le système de crédit de la France, de là
Grande-Bretagne et des Etats-Unis, par Carey
(Philadelphie, 1838).
Des banques départementales en France, de
leur influence sûr les progrès de l'industrie,
des obstacles qui s'opposent à leur établisse-
ment, et des mesures à prendre pour en favo-
riser la propagation, par M. d'Esterno (Paris,
1838).
Remarques sur quelques erreurs dominantes
relativement à la circulation et aux banques,
par Warde Norman (Londres, 1838).
Des banques et des institutions de crédit en
Amérique et en Europe, par M. Gautier, sous-
gouverneur de la banque de France (Paris,
1830, tirage a part du tome II de l'Encyclo-
pédie du droit).
La théorie de la monnaie et des banques
analysée, par G. Tucker (Boston, 1839).
Défense des banques par actions' et des émis-
sions des banques provinciales, par Samuel
Boiley, de Sheffield (Londres, 1840).
Des banques , de leurs opérations et du pa-
pzerdecirçulation,i>a.rUMveth (Boston, 1840).
Le crédit et la banque, contenant tin exposé
de la constitution des banques américaines,
écossaises, anglaises, françaises, par M. Cour-
celle-Seneuil (Paris, 1840).
Démarques sur le gouvernement de la circu-
lation, sur la condition et la conduite de la
banque d'Angleterre, et sur celle des banquiers
de la province pendant l'année 1839, par Sa-
muel Jones Loyd (Londres, 1840).
Réponses aux questions suivantes: Qu'est-ce
gui constitue la circulation? Quelles sont les
causes de ses fluctuations et quel en est le
remède? par Carey (Philadelphie, 1840).
( La circulation et la province, par Hubbard,
l'un des directeurs de la banque d'Angleterre
(Londres, 1S43).
Recherches sur le principe de la circulation,
la connexion de celle-ci avec les prix et la con-
venance d'établir une séparation entre la faculté
d'émission et les opérations de banque, par
Thomas Tooko (Londres, 1844).
Discours de sir Robert Peel, prononcés à la
chambre des Communes le G et le 20 mai 1844,
sur le renouvellement de la charte de la banque
d'Angleterre, et sur l'état de la législation
relativement à la circulation et aux banques
(Londres, 1844).
Recherches sur les effets pratiques des dispo-
sitions proposées pour le renouvellement de la
charte de la banque d'Angleterre, et la régu-
larisation de la circulation, par le colonel
Torrens (Londres, 1844).
Réflexions sur la séparation des divers dé-
partements de la banque d'Angleterre, par
S. J. Loyd (Londres, 1844).
De la régularisation des valeurs de circula-
lion, et des effets pratiques du dernier acte de
renouvellement de la charte de la banque, par
J. Fullarton (Londres, 1844).
Des banques en France, leur mission, leur
isolement actuel , moyen de les coordonner dans
leur intérêt, celui du Trésor et du pays, par
Louis de Noiron (Paris, 1847).
Du crédit et de la circulation, par A. Ciesz-
kowski, Paris, 1847).
Le capital, la circulation et le système des
banques, par J. "\Vilson (Londres, 184").
Ou crédit et des banques, par Ch. Coquelin
(Paris, 1849).
Résumé de la question sociale ; banque d'é-
change, par P.-J. Proudhon (Paris, 1848).
Organisation du crédit et de la circulation,
et solution du problème social, par P.-J. Prou-
dhon (Paris, 1848).
Le sol et la haute banque, ou les intérêts de
la classe moyenne, par Paul Coq (Paris, 1850).
Le gouvernement et la circulation, par Henry
Middleton (New- York, 1850).
Traité théorique et pratique des opérations
de banque, par M. Courcelle-Seneuil (Paris,
1853).
De la monnaie, du crédit et de l'impôt ,■ par
M. G. Dupuynode (Paris, 1853).
De la réforme des banques, par M. Darimon
(Paris, 1856).
La monnaie de banque, ou l'espèce et le porte-
feuille, par M. Paul Coq (Paris, 1S57).
Du crédit populaire, pur M. Batbie (Paris,
1SG3).
De la monnaie de papier et des banques
d'émission, par M. A. d'Eichtthal (Paris, 1864).
La question des banques , par M. Volowski
(Paris, 1864).
Les principes de la constitution des banques
et de l'organisation du crédit , par M. Isaac
Péreire (Paris, 18C4).
Les banques d'émission ou d'escompte , par
M. Maurice Aubry (Paris, 18G4);
La diffusion du crédit et les banques popu-
laires, par Luigi Luzzati (Padoue, 1863).
Les banques populaires; par Francesco Vi-
gano (Milan, 1863).
La banque de France et les banques dépar-
tementales , par M. Léonce de Lavergne
(Paris, 1864).
Mécanique de l'échange, par M. Cernuschi
(Paris, 1S64).
-£e crédit et les finances, par M. Victor
Bonnet (Paris, 1865).
Encore la question des banques, par M. Et.
Duran (Paris, 18G5).
Etude sur la circulation monétaire, la ban-
que et le crédit, par M. Coullet (Paris, îsGô).
Le marché monétaire et ses crises depuis
cinquante ans, par M. E. de Laveleye (Paris,
1805).
Extraits des enquêtes parlementaires an-
glaises sur les questions de banque, de circu-
lation monétaire et de crédit, par MM. Coullet
et Juglar (traduit et publié par ordre du gou-
verneur et du conseil de régence de la banque
de France).
Banque de France (hôtel de la), situé à
Paris, rue de La Vrillière, n° l". Ce vaste
hôtel où se presse le commerce parisien et
qui est maintenant divisé en sombres bureaux,
fut construit en 1620, sur les dessins de Fran-
çois Mansart, pour le secrétaire d'Etat Ray-
mond Phélipeaux de La Vrillière. En 1701,
M. Rouillé l'acheta. Il prit, en 1713, le nom
d'hôtel de Toulouse, lorsqu'il fut acquis, puis
agrandi par le comte de Toulouse. Fils légi-
timé de Louis XIV et de M»1<: de Montespan,
amiral de France à cinq ans, le comte de Tou-
louse l'ouvrit à toute la société galante de
l'époque. Son fils, le duc de Penthièvre, l'ha-
bitait avec la princesse de Lamballe, lors-
que éclata la Révolution. L'élégant bâtiment
avait reçu successivement Gluck , Rameau,
Adrienne Lecouvreur, la Pompadour, Lully,
Mlle Favard, MU° Clairon, et le sentimental
capitaine de dragons Florian, devenu le con-
vive aimé du duc de Penthièvre, à qui ses fa-
bles sont dédiées. Une célébrité d'un tout autre
genre devait y passer plus tard : Marie Cap-
pelle, nièce de Garât. Devenue propriété natio-
nale, cette splendide demeure servit à l'impri-
merie du gouvernement. Par décret impérial
du 6 mars 1808, la régie de l'enregistrement
et du domaine fut autorisée à céder « l'hôtel
de Toulouse et ses dépendances » à la Banque
de France, moyennant le versement par cette
dernière, à la caisse d'amortissement, d'une
somme de 2 millions de francs. En 1812, la
Banque de France quitta l'hôtel Massiac, situé
place des Victoires, au coin de la rue des
Fossés-Montmartre, et vint loger ses bureaux
à l'hôtel de Toulouse, qui depuis lors a subi
plusieurs restaurations importantes , sans
compter les diverses modifications apportées
au moment de l'installation aux dispositions
extérieures.
En ce moment encore, on travaille à des
constructions nouvelles qui vont agrandir et
transformer l'ancien hôtel de Toulouse , de-
venu la Banque de France. Le rez-de-chaus-
sée comprendra, pour les garçons de recette,
une salle spacieuse qui remplacera la salle
actuelle, beaucoup trop étroite aux jours d'é-
chéance. L'administration centrale occupera
tout le premier étage. Les caves surtout, cet
arsenal fantastique où le dieu Plutus a emma-
gasiné ses plus formidables munitions, vont
se trouver profondément modifiées par des
travaux souterrains qu'il ne sera donné qu'à
un bien petit nombre de curieux de pouvoir
visiter et connaître en détail.
— Administration de la Banque. L'adminis-
tration supérieure de la Banque est confiée à
quinze régents, trois censeurs et un gouver-
neur.' C'est de 1806 que date la nomination
des gouverneurs, fonctionnaires représentant |
l'Etat. Napoléon disait à ce sujet devant lo
conseil d'État : • Je distingue dans la Banque
trois pouvoirs : celui de deux cents action-
naires qui composent le comité; celui du con-
seil, composé des régents et autres ;. celui du
gouverneur et de ses deux suppléants. Je
consens à ce que le. chef de la Banque soit
appelé gouverneur, si cela peut lui faire plai-
sir, car tes titres ne me coûtent rien. Je con-
sens également à ce que son traitement soit
aussi élevé qu'on voudra, puisque c'est la
Banque qui doit payer; on peut le fixer, si
l'on veut, à 60,000 fr. Quant k la proposition
d'exiger que le gouvernement soit hors des
affaires , je pense que , quelque parti qu'on
prenne, on empêchera difficilement les chefs
de la Banque d'abuser de la connaissance
qu'ils auront des opérations du gouvernement
et du mouvement des fonds. Ainsi, dans la
dernière crise de la Banque, après que le con-
seil des régents eut décidé d'acheter des pias-
tres, plusieurs régents sortirent, tirent acheter
des piastres pour leur compte, et les reven-
dirent deux neures après à la Banque, avec
un gros' bénéfice. »
Gouverneurs. Les premiers gouverneurs fu-
rent MM. Cretet et Jaubert, qui administrè-
rent la Banque durant le premier Empire.
Jacques Laffitte (le seul gouverneur que les
actionnaires aient nommé) devint, en 1814,
gouverneur provisoire; à sa retraite, en 1819,
Gaudin, duc de Gaete, lui succéda. C'est de
ce dernier gouverneur, très-versé dans les
matières financières, mais incapable d'occuper
la tribune, tant son organe était faible, que
Manuel disait : « Avant 1 extinction de la dette,
Gandin nous offre une extinction de voix...
C'est toujours cela de gagné. » Le comte d'Ar-
gout succéda au duc de GaSte en 1834 ; à sa
retraite, 1856, il a été remplacé par le comte
de Germiny, auquel succéda M. Vuitry, au-
jourd'hui président du conseil d'Etat. Le gou-
verneur actuel (1860) est M. Rouland séna-
teur, ancien ministre de l'instruction publique.
Sous-gouverneurs. Ils sont deux : l'un a la
surveillance du portefeuille, la direction de
l'intérieur; l'autre est chargé des relations
avec l'Etat, des transactions avec le Trésor,
des traités avec les grandes compagnies.
Régents. Les quinze régents sont nommés
par 1 assemblée des actionnaires, dont ils re-
présentent les intérêts.
Censeurs. Les censeurs de la Banque infor-
ment leconseil de surveillance, séparé, con-
trairement a ce qui a lieu dans les institutions
privées, du conseil d'administration. Leur sur-
veillance s'étend sur les opérations de Paris
et des succursales, sur le taux de l'escompte,
si variable depuis quelques années, sur les
effets publics et titres de chemins de fer, sur
les réserves métalliques et la circulation'des
billets, sur la fixation et la répartition des di-
videndes.
Secrétaires généraux. Ce sont les chefs d'é-
tat-major de cette armée financière, dont les
opérations ont pour témoins les ombres des
grands seigneurs et des grands artistes qui
planent souriantes et railleuses en ce lieu d é-
chéance éternelle. Ils sont deux, Le premier,
particulièrement attaché aux sous-gouver-
ceure, est le personnage -important et bien
connu du commerce parisien ; le second est
plus spécialement chargé du mécanisme ad-
ministratif; il a sous ses ordres leTcinq cent
vingt-cinq employés de la Banque.
Le conseil d'escompte complète l'administra-
tion et se compose des douze notables com-
merçants, actionnaires de la Banque, désignés
pour examiner les valeurs présentées à la
négociation.
— La galerie dorée de la Banque. Il existe
a la Banque, au milieu de ses guichets som-
bres, une pièce splendide qu'on appelle la ga-
lerie dorée. C'est là que les gentilhommes de
Louis XYI jouaient le reversi; c'est là que
les actionnaires de la Banque se réunissent en
assemblée générale. Le duc de Penthièvre
affectionnait la galerie dorée, vaste comme
une salle de bal, enrichie de sculptures sur
bois, rappelant, par ses ornements de chasse,
la qualité de grand veneur de son ancien pro-
priétaire. C'est dans cette galerie que s'est
tenue une assemblée générale restée célèbre,
et dans laquelle M. Mirés a tenté de révolu-
tionner, mais vainement, le pacifique parle-
ment des écus.
— Le billet de banque, comment on te fait,
comment on l'émet, comment on le détruit. La
gravure du billet de banque est confiée à un
artiste éminent, qui fait son travail dans un
local dépendant de l'hôtel, 11 est pour ainsi
dire gardé à vue. Le sujet destiné à la gra-
vure est peint d'abord en un immense tableau,
puis réduit, par la photographie, avant d'être
confié au burin. Le papier est fabriqué par la
papeterie du Marais ; la pâte se fait et le vé-
lin s'obtient devant un commissaire spécial
qui compte les feuilles, emporte les planches
représentant le filigrane et donne quittance.
Ce papier est composé de deux feuilles super-
posées, de pâtes différentes; la face interne
est de chiffon pur ; l'externe, de pâte verte,
o'estrà-dire obtenue directement de chanvre
vierge et, par conséquent, très-résistante,
malgré son extrême minceur. Les filigranes
ont trois tons distincts : gris, blanc, ombré.
l/impression a lieu dans l'enceinte même de
la Banque, par le moyen d'une presse à bras.
On glace les billets avec un vernis particulier,
destiné à empêcher toute tentative de report
sur pierre. Le même vernis , frotté sur un
billet, enlève les retouches frauduleuses.
Depuis 1815, les billets de banque s'émet-
tent en suivant l'ordre alphabétique. D'abord
A — 1 jusqu'à 999 999, et ainsi de suite, quelle
que soit la valeur que le billet représente.
Quand on aura épuisé le Z, on prendra la
marque A à rebours, en mettant le numéro
avant la lettre, 1 — A, par exemple, co qm
constituera un alphabet nouveau , suffisant
pour un demi-siècle. On en est à la lettre M.
En 18G3, la Banque a mis en circulation de
nouveaux billets perfectionnés. Imprimés en
bleu, ils portent deux images distinctes, l'une
au recto , l'autre au verso. Les précédents
billets avaient une vignette uniforme ; les deux
faces correspondaient exactement, comme si
la première impression eût traversé le papier.
Les contrefacteurs seuls connaissaient le mys-
tère des deux impressions. Les billets de ban-
que ont été entièrement renouvelés depuis
1 année 1814. A ce moment d'invasion étran-
gère, et dans la crainte que nos amis les enne-
mis ne fabriquassent eux-mêmes des valeurs,
"les anciennes planches furent brisées. Les
modèles établis ont subi depuis lors diverses
variations. M. Delarue, expert lithographe,
possède la seule collection de billets de ban-
que qui existe, et à laquelle se trouve joint
1 album des contrefaçons, curieux spécimens
dus à des artistes ingénieux dont on a récom-
pensé le talent par les galères.
Les billets usés, lacérés, souillés, sont brû-
lés et remplacés par d'autres, qui prennent un
numéro nouveau à la suite de 1 alphabet com-
mencé. Cette opération se fait en présence
des censeurs, et procès-verbal en est dressé.
On a brûlé, comme lacérés, en 1861, pour
299,427,300 fr. de billets, c'est-à-dire 421,026
billets de moins qu'en 1860. Cette diminution
a été attribuée à la disposition qui interdit
d'insérer des valeurs dans une lettre non
chargée, confiée à la poste.
— Billets faux. Là Banque a eu récemment
un procès qu'elle a gagné. Elle se refusait à
payer un billet faux. La jurisprudence lui a
donné raison; mais l'esprit pratique lui a
donné tort.
Rappelons qu'il a été essayé, il y a quel-
ques années, des contrefaçons-prospectus des
billets de banque. Les bons pour cent dents,
d'un praticien fameux ; les bons pour cent
franges, du teinturier Fortier ; les venez nous
voir cinq cents fois, de Robert-Houdin, etc.,
distribués sur la voie publique, ont servi, dans
des mains coupables, à tromper plus d'un
trop confiant boutiquier. Ils ont été prohibés.
Seul, le Gymnase fut autorisé à faire des bons
de la Banque du Gymnase pour cent représen-
tations.
— L'esprit de la Banque. En France, l'es-
prit se glisse partout : il s'est glissé même à
la Banque. Ainsi, elle appelle le billet de com-
plaisance qui n'a pas pour objet le solde d'une
opération cerf-volant, c'est-à-dire papier lancé
au moyen d'une ficelle commerciale, et nour-
risson le négociant gêné à qui son banquier a
avancé d'assez fortes sommes, et qui ne de-
mande souvent que du temps pour rétablir ses
affaires.
Enfin, disons, pour terminer, que la Banque,
à défaut de cabinet noir, a des fiches chargées
de signes mystérieux indiquant le plus ou
moins de solidité de ceux qui opèrent avec
elle. Des traits au crayon de diverses nuances
indiquent, à première vue, parmi ses justicia-
bles, les purs, les aventureux, les demi-crédits,
ceux qui ont de l'avenir, ceux qui n'ont pas
toujours été exacts, les irréguliers ou insolva-
bles. Ces derniers sont marqués de noir, en
signe de deuil.
— Caves de la Banque, vastes constructions
souterraines où la Banque de France met des
valeurs en sûreté. Elles font partie de l'hôtel
qui précède, et rien n'a été oublié pour les
protéger contre toute attaque. La mine elle-
même serait impuissante contre les épaisses
murailles qui les enveloppent, et où le granit,
le fer et le ciment le plus dur sont combinés
avec une merveilleuse habileté. Quant à leurs
dispositions intérieures et à la manière dont
on y descend, voici des informations qui ne
peuvent manquer d'intéresser nds lecteurs :
Dès qu'on a descendu les premières mar-
ches qui conduisent a l'entrée des caves, on
se trouve devant une porte en fer à trois
clefs, dont l'une est dans les mains du gou-
verneur, une autre dans celles du caissier,
et la troisième dans les mains d'un censeur :
cette porte du jardin des Hespérides ne peut
'donc être ouverte que par la coopération de
ces trois fonctionnaires.
Cette porte une fois ouverte, on aperçoit la
caisse du service ordinaire, qui suffit pour les
opérations courantes de chaque jour. Cette
caisse est un meuble terrible. Tout y est
matière à secrets, et si vous n'êtes pas au
courant de son mécanisme, il suffit que vous
la touchiez pour entendre tout un carillon de
sonneries étourdissantes.
Après ce premier comparti,ment,-une autre
porte, qui ne s'ouvre, bien entendu, qu'en pré-
sence des trois graves personnages désignés
plus haut, donne entrée dans la serre.
La serre est un emplacement circulaire où
l'on enferme, dans des compartiments séparés,
les titres, les obligations, les traités impor-
tants, les dépôts et les pierres précieuses ;
car on sait que la Banque, indépendamment
23
178
BAN
BAN
BAN
BAN
de sos avances sur dépôts de titres, reçoit
encore, comme dépôt volontaire, des titres,
des effets publics, nationaux et étrangers,
actions, contrats et obligations de toute
espèce, lingots, monnaies d'or et d'argent,
diamants et autres valeurs, moyennant un
droit d'un huitième pour cent par chaque pé-
riode de six mois. Ce service, a une très-
grande importance depuis que la fortune de
la France a multiplié des titres qu'on n'aime
pas a conserver chez soi.
C'est là que le duc de Brunswick déposait
son admirable collection de diamants, quand
ii allait en voyage; c'est là que la grande
loterie du Lingot d'or avait déposé son gros
lingot véritable de 400,000 fr:, dont le fac-
similé, en plâtre doré, était déposé au passade
Jouffroy pour affriander les naïfs; c'est làenhn
que Mll(i Mars, qui avait été plusieurs fois
volée, déposait aussi ses magnifiques diamants,
ce qui lui valut, de la part d un poète du temps,
le madrigal suivant :
Célimene, est-il vrai que, de peur d'un larcin,
Vous ayez, avec prévoyance,
Confie" les joyaux de votre riche écrin
Aux solides caveaux de la Banque de Franco?
Quand vous serres ainsi diamants et bijoux.
L'esprit de prudence vous manque...
11 faudrait, pour garder le plus brillant de tous,
Aller vous loger à la Banque! ! !
Mais continuons, car nous ne sommes pas
au bout. Après la serre, viennent enfin les
caves. Leur entrée est cachée par une porte
toute bardée de fer et dissimulée dans un mur.
Cette porte, comme toutes les autres, est à
secret et à combinaisons, et tourne sur elle-
même à la façon des portes italiennes.
Cette porte ouverte , on se trouve de-
vant une sorte de puits garni d'un escalier
en spirale, très-étroit et praticable seulement
pour une personne d'un embonpoint modéré.
Notez que cet escalier est encore fermé par
trois portes de fer, fermées chacune de trois
clefs et ne s'ouvrant par conséquent que pour
les trois dragons du trésor. .
Que de précautions! dira-t-on. Oui, sans
doute; mais ces dispositions compliquées per-
mettent, en cas d'alarme, de combler l'escalier
de service avec de l'argile ou de la terre
battue, opération qui mettrait certainement
les caves à l'abri de toute attaque pendant
vingt-quatre heures au moins. Notez enfin
qu'a ces précautions il faut encore en joindre
une dernière. Les caves sont construites de
tello façon qu'en cas d'incendie, d'attaque, de
guerre civile, elles peuvent être inondées en
un instant; et si l'eau venait à manquer, elles
pourraient être infectées par des évaporations
méphitiques qui ne permettraient a personne
d'en approcher sans être aussitôt asphyxié.
Enfin, nous sommes à Ventrée des caves
proprement dites; descendons. L'escalier a
quarante-trois marches. Au bout, on arrive
devant une dernière porte massive, à trois
clefs comme les précédentes, et quand on l'a
ouverte, on est dans les caves 1
Ce temple du dieu lingot a un développe-
ment de 420 m. de longueur. On peut y en-
gouffrer tout le numéraire du monde 1 Midas
et Crésus s'y pâmeraient d'aise. Les historiens
rapportent qu un esclave nubien, placé en sen-
tinelle à la porte de la reine Cléoputre, s'écria
un jour, en voyant passer la Vénus africaine :
o Une nuit et mourir 1 » Il l'obtint, cette nuit,
et le lendemain, aux premières lueurs du jour,
son cadavre était précipité dans le Nil, dont les
flots se brisaient contre les murs du palais.
Grandet aurait donné sa vie pour passer une
nuit dans les caves de la banque 1
De chaque côté s'élèvent de hautes boîtes
en fer, dont le couvercle a des anses et se
trouve doublé de plomb. Cette doublure de
plomb est encore un raffinement de précau-
tions. Au besoin , ce plomb peut servir à
sceller les boîtes rapidement.
Les caisses portent des inscriptions; sur
l'une, on lit : lingots d'Amérique, 1861, 3 mil-
lions. Sur une autre : pièces de 20 fr. frappées
en 1859, 2 millions. Sur une troisième : écus de
5 fr., années 1857 et 1859, 800,000 fr. Ainsi de
suite de tous côtés jusqu'au bout.
L'employé chargé de retirer et de déposer
les rouleaux monte à l'aide d'une échelle à la
surface des boîtes, et plonge et replonge ses
mains dans ces boîtes fortunées, dont chacune
contient un trésor qui eût fait mourir de joie
Harpagon.
Au retour, les mêmes précautions minutieu-
ses sont prises pour la fermeture des portes,
et une fois dehors, après avoir vu de près ces
amas de richesses qui excitent de si ardentes
convoitises, il ne faut pas leur jeter, comme
on le fait bien souvent, l'anathème, car le ca-
pital s'est fait de nos jours le plus actif comme
le plus hardi des travailleurs.
BANQUE s. f. (ban-ke — rad. banc). Autref.
Théâtre de bateleur.
— Par ext. Troupe do bateleurs.
— Argot. Mensonge, hâblerie : Apprends
donc, maladroit, que, pour que le public donne
dans nos banques, il faut que nous ayons l'air
d'y donner nous-mêmes, (E. Suc.) Il Faire la
banque, Faire du charlatanisme.
— Techn. Banc qui porte les bobines à
ourdir. Il Banc sur lequel s'assied l'ouvrier en
peignes, il Plateau qui fait partie du métier
dans les manufactures de soie, et qui sert à
retenir le tenant de l'ensuple de devant, li
Billot qui porte la meule à aiguiser les
épingles.
BANQUE, ÉE (ban-ké — rad. banc), part,
pass. du v. Banquer. Mar. Employé pour la
pêche au banc de Terre-Neuve : Namre ban-
que, h Engagé sur un banc ou bas-fond :
Chaloupe banquée.
BANQUER v, n. ou int. (ban-ké — rad.
banc). Mar. En parlant d'un navire, aborder
le banc de Terre-Neuve ou tout autre, pour y
fairo la pêche.
BANQUEREAU s. m. (ban-ke-ro — dimin.
de banc). Mar. Petit banc ou bas-fond : Nous
donnâmes sur un banquereau. il Se dit surtout
de deux petits bancs voisins du grand banc
de Terre-Neuve.
BANQUERIE s. f. (ban-ke-ri — rad, ban-
quier). Par dénigr. Etat de banquier, il Peu
usité.
BANQUEROUTE s. f. (ban-ke-rou-to — de
l'ital. banco, banc, et rotto, rompu, rad. lat.
ruptus, môme sens, à cause de l'ancien usage
de rompre le banc ou comptoir du banque-
routier). Cessation de payement d'un com-
merçant ou d'une maison de commerce, qui
est ou se prétend insolvable : Faire banque-
route. Samuel Bernard culbuta Lyon par sa
banqueroute énorme, dont la cascade produisit
les plus terribles effets. (St-Sim.) On voit tous
les jours de riches marchands, après avoir fait
banqueroute, se retirer dans une terre qu'ils
achètent aux dépens de leurs créanciers. ( Le
Sage.) Mon émerveillement dure toujours, que
le fils de Samuel nous ait fait brusquement ban-
queroute six mois après avoir p?-i's notre ar-
gent, et quil ait trouvé le secret de fricasser huit
millions obscurément et' sans plaisir. (Volt.)
Les banqueroutes servent la fortune sans faire
perdre l'honneur, et voilà ce qu'il importe de
détruire. (Napol. 1er.) Il y a fait matériel de
banqueroute quand le négociant fait perdre
ses créanciers , quelle que soit d ailleurs la
cause de cet événement. (Napol. 1er.) L'Amé-
rique a fait de la hideuse banqueroute un
simple procédé de commerce. (Cuv.-Fleury.)
On est triste après une passion, comme après
une banqueroute. (Limayrac.) Je ne méprise
pas les banqueroutes, croyez-le bien, mais les
banqueroutes qui enrichissent, et non celles
qui ruinent. (Alex. Dum.) Le prince de lïoltati-
Guéménée fit, en 1782, une banqueroute de
trente-trois millions de livres. (L.-J. Larcher.)
Que de pleurs sur ce seuil jonchil de banqueroutes !
Ponsakd.
— Particul. Déclaration expresse ou im-
plicite par laquelle un Etat lait connaître
qu'il ne payera pas tout ou partie de sa dette :
Aujourd'hui, la banqueroute, la hideuse ban-
queroute est là ; elle menace de consumer vous,
vos propriétés, votre honneur, et vous délibérez !
(Mirab.) La banqueroute de Lato bouleversa
presque toutes les fortunes. (Lacretelle.) Une
banqueroute d'Etat est une chose nécessaire
une fois tous les siècles, pour empêcher les par-
ticuliers d'être trop riches et l'Etat trop pau-
vre. (L'abbé Terray, contrôleur général sous
Louis XV.)
— Fig. "Violation d'un engagement; sup-
pression injusteou désagréable d'unavantage
quelconque : On fait assez souvent banque-
route, dans le monde, aux étroites obligations
d'une ancienne amitié. (La Rochef.) Je ne veux
pas, mon citer ami , vous faire banqueroute
d'argent ni d'amitié, ni même de réponses,
quoique les lettres soient ce qui me coûte le plus.
(J.-J . Rouss.) L'amour est un commerce orageux
qui finit toujours par une banqueroute, et c'est
la personne à qui on fait banqueroute qui est
déshonorée. (Chamfort.) L'Angleterre est ré-
putée pour trafiquer de tout ; que ne se met-
elle à vendre de la liberté? on la lui achèterait
bien cher, et sans lui faire banqueroute. (Na-
pol. Ier.) L'amitié ignore les banqueroutes du
sentiment et les faillites du plaisir. (Balz.)
IJingratitude est une banqueroute fraudu-
leuse. (Lemonnicr.) Le suicide est une banque-
route frauduleuse. (Proudh.)
Je. fais, par cet hymen, banquei-oute à tous autres.
COKMEILLE.
Gardez de faire aux Sgard» Èaiîjueroufe.
La Fontaine.
Ai-je tort quand je dis que l'argent de retour
Vous fait faire toujours banqueroute à l'amour?
RegnArd.
11 est certains devoirs, pourtant, envers le monde,
Qu'on ne peut négliger 6ans que tout se confonde.
Je crois que les laisser tout à fait de ootd,
C'est faire banqueroute a la société, B. Auoier.
— Jurispr. Banqueroute simple, Banque-
route occasionnée par l'incapacité, l'impru-
dence, ou aussi la mauvaise chance, il Banque-
route frauduleuse, Banqueroute avec détour-
nement d'actif et indication d'un passif
imaginaire.
— Syn. Banqueroute , faillite. Ces deux
mots désignent la cessation du commerce par
suite du non-payement des billets souscrits ou
des dettes. Mais la banqueroute est plus ou
moins coupable; simple, elle provient de l'im-
prudence, de la négligence ; frauduleuse, elle
suppose la mauvaise foi. Une faillite, au con-
traire, peut être amenée par une suite de
malheurs ; elle ne suppose pas l'envie de frus-
trer les créanciers, et il arrive souvent que le
failli se relève en faisant honneur plus tard à
tous ses engagements. Le banqueroutier tombe
sous le coup de la loi pénale ; le failli ne peut
être poursuivi que devant la juridiction com-
merciale : telle est la différence que nos lois
actuelles établissent entre ces deux mots.
Mais il faut dire que l'emploi vulgaire du pre-
mier l'étend à tous les cas où un marchand
manque à ses engagements par une cause
quelconque, tandis que faillite reste un terme
tout spécial, presque étranger au langage
commun a toutes les classes.
— Encycl. Législ. L'attention du législa-
teur a été appelée en France sur les banque-
routes dès que le développement du commerce,
la multiplicité des relations et l'importance des
affaires eurent fait sentir la nécessité de me-
sures sévères, propres à prévenir les abus scan-
daleux qu'entraînait la négligence ou la mau-
vaise foi de certains débiteurs. Charles VIII,
en H90, et Louis XII, en 1512, empruntèrent
au droit commercial italien des dispositions
répressives contre ces fraudes et ces abus.
Une ordonnance du 10 octobre 1536 punit les
banqueroutiers d'amende honorable, d'exposi-
tion au carcan et pilori, et de peines corpo-
relles laissées à l'arbitraire du juge. En jan-
vier 1560, la peine de mort fut portée contre
eux, et cette disposition rigoureuse fut main-
tenue • par les ordonnances de mai 1579,
mai 1609, janvier 1629, et enfin par celle de
mars 1673. Le code de commerce, rendu exé-
cutoire le l" janvier 1808, définit les divers
cas de banqueroute et renvoya, pour les peines,
au code pénal. La loi du 28 mai 1838, qui a
modifié le régime des faillites, est le dernier
document législatif sur la matière qui nous
occupe.
On distingue aujourd'hui deux sortes de
banqueroute : la banqueroute simple et la ban-
queroute frauduleuse. Toute faillite est néces-
sairement réputée banqueroute simple : l° si
le failli s'est livré à des dépenses excessives
pour sa position ; 2° s'il a perdu do fortes
sommes clans des opérations fictives ou fon-
dées sur le pur hasard ; 3° si, pour continuer
plus longtemps son commerce, il a fait des
emprunts ruineux ou acheté des marchandises
pour les revendre au-dessous du cours ; 4° si,
après avoir suspendu ses payements, il a voulu
favoriser un de ses créanciers au préjudice de
tous les autres. Les tribunaux ont encore la
faculté de déclarer qu'il y a banqueroute simple
dans six autres cas, qui peuvent néanmoins
paraître quelquefois excusables : 1° si des en-
gagements trop considérables ont été con-
tractés pour le compte d'autrui ; 2o si, dans une
faillite précédente, les obligations du concordat
n'ont pas été exécutées ; 3° si le failli est marié
sous le régime dotal ou séparé de biens, et s'il
a tenu cette circonstance secrète; *° s'il n'a
pas rempli l'obligation de déclarer sa faillite
au greffe dans les délais et dans les formes
exigés par la loi ; 5° s'il ne s'est pas présenté
Îiersonnellement devant la justice ou devant
es syndics, et en temps utile; 6° si ses écri-
tures sont tenues d'une manière irrégulière ou
incomplète, quoiqu'on n'y trouve aucune trace
de fraude proprement dite. La banqueroute
simple est punie d'un emprisonnement d'un
mois à deux ans; en cas de circonstances
atténuantes, cet emprisonnement peut être
réduit même au-dessous de six jours. Quant à
la banqueroute frauduleuse, elle se définit par
son nom même; elle est une des formes les
plus hideuses du vol; nous avons déjà dit
qu'en France elle a été longtemps punie de
mort; mais le code pénal, actuellement en vi-
gueur, ne prononce plus contre ce crime que
la peine des travaux forcés, depuis cinq jus-
qu'à vingt ans, ou, s'il y a des circonstances
atténuantes, la réclusion ou l'emprisonnement
de deux à cinq ans. La tentative de banque-
route simple n'est soumise à aucune peine ;
celle de banqueroute frauduleuse est punie
comme l'acte même. D'après les traités con-
clus avec les nations étrangères, les banque-
routiers frauduleux sont soumis à l'extradition,
et ils ne peuvent plus aller vivre fastueuse-
ment au dehors, aux dépens de ceux qu'ils ont
lâchement dépouillés. Enfin, la loi a pris toutes
les précautions nécessaires pour que les frais
de l'action criminelle , lorsqu'elle émane du
ministère public, ne soient jamais pris sur le
dividende a partager entre les créanciers; le
trésor public conserve toujours son recours
contre la personne du condamné, mais il ne
l'exerce qu'après l'entière exécution des con-
ditions fixées par le concordat ou par le règle-
ment définitif. Lorsque la poursuite criminelle
a lieu à la requête des syndics agissant au
nom de la masse des créanciers, ou a la re-
quête de quelques-uns de ces derniers, les
frais, en cas d'acquittement, sont supportés
par la masse ou par les plaignants individuels ;
mais, en cas de condamnation, ils restent à, la
charge du trésor, sauf son recours.
Nous ferons connaître toutes les formalités
qu'entraîne la suspension de payements d'un
commerçant au mot Faillite, parce que c'est
toujours de ce nom que se servent nos lois de
commerce et de procédure.
— Banqueroute publique, La tendance à
dépenser plus que son revenu et à se jeter
dans des entreprises hors de proportion avec
ses ressources, qui conduit les individus à la
gêne, a l'obligation de chercher des ressources
dans des expédients ruineux, puis enfin à l'in-
solvabilité , se retrouve également chez les
gouvernements. En général, les banqueroutes
des Etats sont le résultat d'une accumulation
d'emprunts, au service ou au remboursement
desquels on n'a pas su pourvoir. Les emprunts,
qui sont ordinairement des sujets de préoccu-
pation pour les individus les moins prévoyants
quand ils ne sont pas encore devenus malhon-
nêtes, ne causent presque jamais d'inquiétuck-
aux hommes d'Etat. Lorsque, soit par eux-
mêmes, s'oit par suite de l'égarement de l'opi-
nion publique, les gouvernements sont entraî-
nés à faire la guerre ou a entreprendre sur une
grande échelle des travaux improductifs, leur
unique souci est de savoir comment ils déci-
deront les capitaux disponibles à venir dans
leur caisse. Quant au remboursement ou même
au simple service des intérêts, c'est à l'avenir
qu'on en laisse plus ou moins la charge. La.
perspective d'une insolvabilité complète est
envisagée avec beaucoup de calme : si cette
insolvabilité se réalise, eh bien, on dira qu'on
n'a pas d'argent. Cet aveu, objet de honte et
de confusion pour les simples particuliers,
coûte fort peu aux gouvernements. On sait à
merveille qu'il n'y a pas d'action possible
contre l'Etat, et on agit sans crainte. Des in-
stitutions libres, même en les supposant par-
faites, ne suffisent pas toujours pour préser-
ver les nations des événements qui les con-
duisent à la banqueroute.
La première banqueroute régulière dont
l'histoire fasse mention est celle que fit le
sénat romain après la première guerre pu-
nique. Il s'avisa de payer les dettes de l'Etat
en réduisant l'as de douze onces à six onces.
Ce mode de libération par voie d'altération de
monnaie a été tn 3- souvent pratiqué; au
moyen âge l'usage en était très-fréquent. Un
de nos rois, Philippe le Bel, s'est fait en ce
genre une triste célébrité. Dès 1295, dit M. de
Nervo, Philippe altérait la monnaie, et il ne
s'en cachait point, car il promettait d'indem-
niser plus tard ceux auxquels il reconnaissait
causer dommage. En attendant cette répara-
tion, qui n'arriva jamais, il continua d'émet-
tre de la monnaie altérée pendant sept ans
consécutifs. En Orient, où les gouvernements
sont loin d'avoir les ressources que le crédit
met à la disposition des Etats européens, l'al-
tération des monnaies est, après le refus brutal
de reconnaître ses dettes, la forme la plus or-
dinaire sous laquelle se traduit la banqueroute.
Ainsi, on a remboursé en écus à 40 pour 100
d'alliage des emprunts faits en écus dont l'al-
liage était quatre fois moindre. L'altération
des monnaies a de graves inconvénients. Les
créanciers de l'Etat ne sont pas seuls à être
froissés dans leurs intérêts. La monnaie alté-
rée étant d'un usage forcé, sert à payer les
dettes des individus comme celles de l'Etat,
et il en résulte que, lorsque celui-ei s'avise de
recourir à ce moyen de banqueroute, tous les
créanciers se trouvent en même temps frau-
dés par leurs débiteurs. Les désordres de
toute sorte qu'engendrait cette fraude for-
cèrent enfin les gouvernements à y renoncer,
quelque peu scrupuleux qu'ils se montrassent
d'ailleurs.
Aux altérations de monnaie succédèrent les
emprunts faits aux juifs et aux lombards. On
empruntait tant qu'on pouvait; puis, le mo-
ment de régler venu, l'Etat intentait des pro-
cès en prévarication à ses créanciers, excitait
contre eux les passions d'une multitude aveugle
et ignorante, confisquait leurs biens, puis les
chassait. Les ministres du xvi« et du xvue siè-
cle, même les plus renommés, traitèrent par-
fois d'une façon un peu sommaire les créan-
ciers de l'Etat. Sous Sully et Colbert, plus
d'une fourniture, plus d'une avance de fonds
furent réglées par des lettres de cachet et des
envois aux galères. Le cardinal de Richelieu
posait en principe que l'Etat devait faire
attendre autant que possible ses créanciers,
puis procéder tous les dix ans à la révision
non-seulement des dettes dont il était chargé,
mais encore des sommes qu'il avait acquittées.
Cette mauvaise foi de l'Etat provoquait celle
de ses créanciers. Sully, le grand Sully, donna
le premier l'exemple d'une réduction des
rentes ; mais ce ne fut pas une banqueroute
dans la vraie signification du mot, car ce mi-
nistre conserva les rentes qui étaient légiti-
mement constituées. La réduction ne porta
que sur celles dont l'origine fut reconnue irré-
gulière ou qui parurent exagérées ; ses suspen-
sions du service des intérêts se justifient
beaucoup moins. Il est juste de dire qu'en
agissant ainsi les hommes d'Etat du xvue sLècle
froissaient très-pou l'opinion publique. Le re-
tranchement d'un quartier de rente, ainsi que
nous l'apprend le fameux vers do Boilcau,
faisait rire ceux qui n'en étaient pas l'objet.
En ces sortes de matières, la morale des hon-
nêtes gens était alors très-large. Cela n'a rien
de bien étonnant : les jésuites dirigeaient les
consciences des grands et de la plus grande
partie des classes éclairées.
Les gros prêteurs et fournisseurs, les Mon-
dors enfin, étaient peut-être pires que leurs
émules d'aujourd'hui. L'histoire n'a pas tou-
j ours été très-équitable en assimilant a des actes
de banqueroute les restitutions énormes que
l'ancien régime leur imposa au moyen des
chambres de justice. Ces mesures, sans doute,
n'étaient pas exemptes d'arbitraire ; mais tout
n'y était pas à blâmer. La chambre de justice
instituée en 1 661, à l'instigation de Colbert, est
assez bien justifiée par le préambule même de
l'édit. Cette chambre devait rechercher tous
ceux qui, profitant de la mauvaise adminis-
tration des finances de l'Etat, avaient, par des
voies illégitimes, conquis des fortunes subites,
fait des acquisitions immenses et donné l'exem-
ple scandaleux d'un luxe offensant pour les
mœurs et l'honnêteté publiques. Les encou-
ragements aux dénonciations, stipulés par l'é-
dit et évalués au dixième des amendes à pro-
BAN
noncer, étaient sans doute très-regrettables ;
mais il n'y avait guère d'autre moyen d'arriver
au but qu'on se proposait. Il n'y avait assuré-
ment rien que de parfaitement avouable dans
la mesure qui assujettissait tous les compta-
bles, tous les fermiers du roi ou leurs associés,
en exercice depuis 1635, à fournir un état des
biens dont ils avaient hérité, des acquisitions
par eux faites et des sommes données à leurs
enfants soit en mariage, soit pour payer les
charges achetées par eux. Nous n'en dirons
pas autant du momtoire publié dans toutes les
églises de Paris pendant trois dimanches con-
sécutifs, qui invitait les fidèles ayant connais-
sance de délits commis depuis 1635, sur faits
de finances, à en donner immédiatement avis
aux procureurs généraux, sous peine d'ex-
communication. Nos mœurs, fort heureuse-
ment, ne comportent plus cet emploi du pou-
voir de l'Eglise au grand profit du bras séculier.
Cependant l'histoire nous apprend que les
personnes contre lesquelles ces mesures étaient
dirigées ne méritaient guère d'être traitées
avec plus d'indulgence. A la première nouvelle
de l'édit, quelques-uns des plus coupables se
réfugièrent à l'étranger. Les sommes que la
chambre de justice rit restituer s'élevèrent à
110 millions. Une autre chambre de justice,
instituée en 1684 à. la demande de Lepelletier.
successeur de Colbert dans son poste de con-
trôleur général des finances, fit aussi resti-
tuer quelques millions par divers traitants,
financiers et fournisseurs.
Le règne du grand roi devait, comme on le
sait, se liquider par une banqueroute. Ce fut
la Régence qui en prit la responsabilité , et
voici par quelles mesures financières elle dé-
buta.
Les rentes, autres que celles qui avaient été
créées sur l'hôtel de ville, furent réduites du
denier 12 au denier 20. Les rentes viagères
émises de 1714 a 1715, dont le capital avait
été fourni moitié en argent et moitié en papier,
furent réduites de moitié; celles qui avaient
été constituées en papier seulement furent
réduites des trois quarts. La refonte des mon-
naies fournit en outre un moyen de recette
tout aussi peu régulier. On avait un numé-
raire circulant de 1 milliard environ, on le
convertit en l milliard 200 millions; mais les
frais de l'opération absorbèrent la plus grande
partie des bénéfices, qui, au lieu d'être de
200 millions, ne furent que de 72 millions. Les
engagements de l'Etat, c'est-à-dire toutes les
dettes représentées par des ordonnances, des
assignations, des obligations, et enfin par ce
qu'on appelait les billets d'Etat, furent traités
d'une façon encore plus radicale. Il y en avait
pour près de 597 millions; près de 297 millions
furent rayés, comme faisant double emploi.
Quant aux 300 millions restant, le conseil des
finances, dans une déclaration du l" avril 171G,
avoua naïvement que la Régence, usant du
droit naturel à tout débiteur de vérifier sa
dette et d'en discuter le chiffre, la réduisait à
250 millions. Quant à la chambre de justice,
qui examina les comptes de 4,410 gens d'af-
faires, fournisseurs, comptables, etc., elle fit
rentrer 220 millions.
La Régence devait, par ses propres étour-
deries en finances, occasionner une banque-
route touchant à plus d'intérêts encore que
celle par laquelle se terminait la liquidation
du grand règne. Le 4 décembre 1718, Law
avait obtenu la conversion de la banque de
commerce en banque royale. L'année suivante ,
il obtenait pour la compagnie de la Louisiane,
transformée en compagnie des Indes, le mo-
nopole du commerce avec Madagascar, la
mer Rouge, le Mongol, Siam, la Chine, le
Japon, le Sénégal, les îles de France et de
Bourbon. Encouragé par ce succès, Law en-
treprit le vaste et téméraire projet qui con-
sistait à réunir toutes les fermes de l'Etat à
la compagnie et a rembourser ainsi la dette
publique. Cette dette était alors de 1,600 mil-
lions. Pour en opérer le remboursement, la
compagnie devait émettre des actions repré-
sentant la même somme, en verser le montant
au trésor, qui lui servirait un intérêt de 3 p. 100 ,
soit 48 millions par an. Le transport des fermes
générales devait donner 16 millions à la compa-
gnie, ce qui, ajouté aux 48 millions servis par
le trésor, assurait déjà 4 pour loo aux action-
naires. D'autres profits commerciaux étaient
de nature à élever cet intérêt a 5 pour 100.
Cette combinaison causa d'abord une satis-
faction générale. Le gouvernement n'avait
plus à payer que 48 millions au lieu de 80; les
actionnaires se -voyaient assurés de toucher
un intérêt de 4 pour 100 sur des actions dont
le capital pouvait devenir quadruple ou quin-
tuple; enfin, la compagnie, pour solder son
bail de fermes s'élevant à 52 millions , n'en
avait, par suite de son traité avec l'Etat, que
4 à débourser. Le projet ayant été accepté,
Law avait appelé tous les porteurs de rentes
au trésor, leur avait fait remettre un récépissé
do leur créance liquidée, que la compagnie
des Indes acquittait a l'instant même partie en
argent, partie en billets de la banque royale,
nouvellement émis. En très-peu de temps, il y
eut pour plus de 1 milliard de souscriptions,
lesquelles devaient être acquittées en dix
termes mensuels. L'agio fit monter ce milliard
à neuf milliards. Cette hausse n'était que
fictive. Les réalisations des agioteurs, qui
croyaient plus sûr de convertir leurs actions
en terres et en matières d'or et d'argent, ne
tardèrent pas à causer une baisse considérable
malgré tous les expédients- auxquels Law,
devenu contrôleur général des finances, eut
BAN
recours, notamment l'élévation du marc d'ar-
gent de C0 à 80 livres, ce qui, en portant la
valeur du numéraire de 1,200 millions à 1,600
millions, constituait un vol manifeste. Les
émissions de billets, frauduleusement portées
après de 4 milliards, furent impuissantes pour
soutenir le cours des actions; ces billets eux-
mêmes devaient perdre les neuf dixièmes de
leur valeur. Il fallut qu'après bien des efforts
tyranniques pour en maintenir le cours , le
gouvernement, se mettant d'accord avec les
faits, déclarât que les billets n'avaient plus
qu'une valeur conventionnelle. Quant a la
dette publique , Law, qui l'avait trouvée à
1,600 millions, l'avait portée, à l'aide de titres
frauduleux , à 2 milliards 222 millions. La
liquidation des frères Paris en annula 522 mil-
lions. En somme, le résultat du système de
Law fut de créer, tant en actions qu'en billets
et en titres de rentes, une valeur illusoire de
10 a 12 milliards.
Après la banqueroute de Law, vint, en 1769,
celle de l'abbé Terray. Un écrivain financier
en renom, M. le baron de Nervo, dans son
livre intitulé Finances françaises, explique
très-bien en quoi consista cette banqueroute ;
nous le citons en le résumant : En 1769, le
désordre financier était à son comble. On avait
dévoré par avance toute l'année 1770 et deux
mois de 1771, en tout 322 millions. Le déficit de
1769 était de 61 millions, ce qui portait l'arriéré
à 383 millions. En outre, les intérêts de la dette
exigible atteignaient 110 millions, pour un ca-
pital de 2,300 millions. Dans cette situation,
personne ne voulait du ministère des finances,
Maupeou offrit ce ministère à l'abbé Terray,
qui l'-accepta. Terray était alors conseiller au
parlement, où il était considéré comme l'un
des meilleurs et des plus laborieux magistrats
de cette compagnie. C'était lui qui était ordi-
nairement chargé de l'étude et du rapport des
lois et ordonnances ayant trait aux impôts. En
homme qui ose tout, Terray résolut et accom-
plit les mesures suivantes : 1° les opérations
de la caisse d'amortissement suspendues pen-
dant huit ans, et ses fonds appliqués aux dé-
penses courantes, 18 millions par an; 2" les
assignations sur le trésor ajournées, elles se
montaient à 80 millions par an ; 3° les billets
des receveurs généraux et des fermiers géné-
raux, qui montaient à 200 millions de francs,
astreints à une conversion forcée, à 4 pour 100 ;
4" la moitié des rentes échues déclarée acquise
au trésor; 5° les rentes viagères considéra-
blement réduites; 6° les rentes tontines con-
verties en rentes viagères; 7° une taxe de
6 millions, établie sur les anoblis depuis cin-
quante ans ; 8° un emprunt forcé de 28 millions
sur les titulaires d'offices ; 9° un emprunt fa-
cultatif de 160 millions; 10» un emprunt forcé
de 25 millions sur les receveurs généraux;
11° 26 millions obtenus du clergé; 12° 4 mil-
lions obtenus de l'ordre du Saint-Esprit;
130 li millions obtenus des pays d'Etat ; 14" les
cautionnements des receveurs généraux aug-
mentés; 15° la révocation de tous droits, do-
maines et rentes antérieurement cédés à la
Bretagne, î la Flandre et à la ville de Paris;
16° enfin, pour couronner l'oauvre, la violation
de tous les dépôts judiciaires, dont on remplaça
les espèces par des effets du trésor qui per-
daient 80 pour 100. Après cette énumération,
•M. de Nervo ajoute : ■ Tels fureut, dès son
entrée au ministère, les actfts scandaleux de
l'abbé Terray ; il se procura ainsi, en argent
comptant, une somme de 100 millions, diminua
la dépense au budget d'environ 34 millions, et,
par des droits nouveaux, augmenta la recette
d'une vingtaine de millions. Il avait gagné
dès le premier jour, disait-il, 154 millions. Les
gagner ainsi, c'était les avoir volés. • En lisant
cette énumération, et en y retrouvant bon
nombre de mesures qui, de nos jours, sont en-
trées dans notre pratique financière, telles que
la suspension de l'amortissement, les conver-
sions forcées , les réductions de rentes , les
élévations de cautionnement, on est tenté de
se montrer indulgent pour l'abbé Terray;
nombre de ministres des finances ont, de nos
jours, proposé et fait accepter des mesures
pareilles, sans que personne se soit avisé de
les traiter de banqueroutiers. Très-probable-
ment, parmi ces mesures, qui soulevèrent à
très-juste titre la réprobation publique, plu-
sieurs lui procurèrent très-peu d'avantages.
Linguet, qui se fit plus tard le panégyriste de
Terray, pourrait bien ne pas s'être trop écarté
de la vérité quand il a dit que le tort de ce
ministre ne fut pas d'avoir pris de l'argent
partout où il y en avait, mais d'en avoir de-
mandé à des gens qui n'étaient pas accoutumés
à en donner, notamment au clergé et à la
noblesse.
Jusqu'à cette époque, les banqueroutes (celle
de Law exceptée, dont le caractère fut tout
spécial) n'avaient guère été désastreuses que
pour les capitalistes qui avaient fait des avan-
ces à l'Etat, les fournisseurs de l'Etat et les
personnes qui avaient accepté les billets de
ces fournisseurs. C'était, en somme, un cercle
assez restreint ; la masse de la nation ne s'en
ressentait pas. En réduisant les rentes et re-
tenant la moitié du service des intérêts', les
mesures financières de Terray agrandirent le
cercle des désastres. Néanmoins, cette ban-
queroute ne pesa que sur une très-petite partie
de la nation, et elle n'a rien de comparable avec
les deux grandes banqueroutes des temps mo-
dernes, celle de l'an VI, connue financièrement
sous le nom de liquidation Ramel, et celle que
fit l'Autriche en 1811, par la patente impériale
BAN
du 20 février. La banqueroute française de
l'an VI fut une des conséquences de la dépré-
ciation des assignats. Voici dans quelles con-
ditions elle s'accomplit. Le budget de l'an VI
portait les recettes à 61 G millions. Il n'était
pas possible de s'adresser à l'impôt pour aug-
menter ces ressources. Afin de mettre le bud-
get en équilibre, il fallait réduire la dépense
à la même somme. Le service de la dette s'é-
levait, à lui seul, à 258 millions. En en payant
l'intégralité, la dépense eût de beaucoup dé-
passé les ressources de l'Etat. On proposa de
n'en payer que le tiers, c'est-à-dire 85 millions.
De cette manière, les services de l'Etat étaient
ramenés au niveau des ressources. Mais, pour
se renfermer dans ces bornes, il fallait prendre
un parti décisif à l'égard de la dette. Le service
des intérêts n'avait jamais pu s'en faire exac-
tement. On avait payé un quart en numéraire
et trois quarts en bons sur les biens nationaux.
On crut donc devoir, dans l'intérêt commun
de l'Etat et des créanciers, au lieu de conti-
nuer a servir une partie de la dette en numé-
raire et le reste en bons sur les biens natio-
naux, en rembourser le capital avec ces mêmes
biens. On voulait en conserver un tiers seu-
lement, lequel devait s'appeler tiers consolidé
et demeurer sur le grand-livre, aveu qualité de
rente perpétuelle. Les deux autres tiers de-
vaient être remboursés au capital de vingt
fois la rente et en bons recevaoles en paye-
ment des biens nationaux. Il est vrai que ces
bons tombaient dans le commerce à moins du
sixième de leur valeur, et que, pour ceux qui
ne voulaient pas acheter des terres, c'était une
véritable banqueroute. M. Thiers constate que,
malgré le calme et la docilité des conseils de-
puis le 18 fructidor, cette mesure y excita une
vive opposition. M. de Nervo s'est, de nos
jours, associé aux reproches adressés par la
minorité des conseils à cette mesure rigou-
reuse ; anotre sens, le jugement qu'en a porté
M. Thiers nous parait beaucoup plus équita-
ble. « Cette mesure, dit-il, était inévitable. La
République faisait ici comme elle avait tou-
jours fait : tous les engagements au-dessus de
ses forces, elle les avait remplis avec des
terres, au prix où elles étaient tombées. C'est
en assignats qu'elle avait acquitté les anciennes
charges ainsi que toutes les dépenses de la
Révolution, et c'est avec des terres qu'elle
avait acquitté les assignats. C'est en assignats ,
c'est-à-dire encore avec des terres, qu'elle
avait servi les intérêts de la dette , et c'est
avec des terres qu'elle finissait par en acquitter
le capital lui-même. En un mot, elle donnait
ce qu'elle possédait. On n'avait pas autrement
liquidé la dette des Etats-Unis. Les créanciers
avaient reçu, pour tout payement, les rives du
Mississipi. Les mesures de cette nature cau-
sent, comme les révolutions, beaucoup de frois-
sements particuliers ; mais il faut savoir les
subir quand elles sont devenues inévitables. »
(Histoire de la Révolution française, vol. IX.)
En Autriche, la lutte contre la Révolution
française avait obligé le gouvernement à
battre monnaie de toutes les façons. En 1811,
on était eu présence d'une dette de 700 mil-
lions de florins et d'un papier-monnaie d'en-
viron un milliard. La dépréciation était telle,
qu'on donnait 1,500 florins en papier pour un
florin en argent. En somme, la banqueroute
existait de fait lorsque la patente impériale du
20 février 1811 vint la régulariser. Le papier-
monnaie fut retiré : le gouvernement se ré-
serva d'en mettre un nouveau en circulation,
lequel ne devait pas excéder le cinquième du
papier retiré, et les intérêts de la dette con-
solidée furent abaissés de moitié. La guerre
obligea encore le gouvernement autrichien à
recourir à de nouvelles émissions. Le mal de-
vint plus grand qu'auparavant. On a cherché
à le pallier plus ou moins en constituant, eu
1819, la banque nationale d'Autriche. Les
événements de 1848 sont venus arrêter cet
établissement dans la poursuite de son oeuvre.
Ses propres billets ont encore besoin du cours
forcé pour se maintenir.
L'Espagne et la plupart des républiques
hispano-américaines, qui sont entrées depuis
longtemps dans la voie de la banqueroute par
la répudiation de quelques-unes de leurs de ttes,
peuvent s'apercevoir que les bénéfices mo-
mentanés qu'une banqueroute peut procurer à
un Etat ne sont rien, comparés aux préjudices.
Les grands marchés financiers du monde sont
fermés à la négociation de leurs valeurs. Les
emprunts que ces contrées sont obligées de
contracter ont des intérêts énormes à servir,
et ne peuvent se faire qu'en consentant à des
garanties qui sont presque une abdication du
droit de souveraineté; tel est, par exemple,-
l'abandon de tout ou partie de leur revenu
douanier.
Quelques Etats de l'Amérique du Nord ont
aussi , dans un moment d'erreur , adopté la
doctrine de la répudiation des dettes publiques,
notamment le Mississipi et la Pensylvanie. Le
crédit et la prospérité matérielle de ces deux
Etats n'ont pas tardé à s'en ressentir. L'un et
l'autre sont, depuis longtemps, revenus à une
intelligence plus exacte de leurs intérêts.
BANQUEROOTIER, 1ÈRE s. (ban-ke-rou-
tié, iè-re — rad. banqueroute). Personne qui
a fait une banqueroute : Les banqueroutiers
étaient astreints autrefois à porter un bonnet
vert. Avignon était le refuge de tous les ban-
queroutiers et de tous les contrebandiers.
(Volt.) Dans un pays où tout le monde cherche
à paraître, beaucoup de gens doivent croire et
croient en effet qu'il vaut mieux être banq.uk-.
BAN
179
routier que de n'être rien. (Chamfort.) Je dé-
sira qu'on donne le nom de banqueroutier à
tout négociant qui fait perdre ses créanciers.
(Napol. le. ) Le voleur de grand chemin est
préférable au banqueroutier. (Balz.)
Combien en a-t-on vus, banqitcrnuticrs parfaits,
Vivre du revenu des crimes qu'ils ont faits ?
BOURSAULT.
— Adj. Qui a fait banqueroute, ou qui fait
des banqueroutes : Serions-nous cette nation
à qui les0€nnemis mêmes accordent la fierté de
l'honneur, si les étrangers pouvaient nous flé-
trir du titre de -nation banquerovjtiere? (Mi-
rab.) Les peuples survivent à de grandes ca-
tastrophes, mais les gouvernements banque-
routiers peuvent disparaître dans l'incendie
des révolutions. (Droz.)
BANQUET, s. m. (ban-kè — rad. banc.)
Festin solennel et somptueux : Un splendide
banquet. Le banquet nuptial. Le banquet
royal. La ville de Paris a donné nn grand
banquet. Toute assemblée de gentilshommes,
fût-ce pour une chasse ou un banquet, passait
pour tin complot. (Mérimée.) Au moyen âge,
on dînait à neuf heures du matin, et l'on sou-
pait à cinq heures du soir ; on était assis à
table sur des banques ou bancs, tantôt élevés,
tantôt assez bas, et la table montait ou des-
cendait en proportion ; de banc est venu le mot
banquet. (Chateaub.)
. , . . . . Les déesses des morts
Sont du dieu des banquets les compagnes cruelles.
Lesieucier.
Allons, que ce beau jour, levé sur une fête.
Dans un joyeux banquet finisse dignement.
A. de Musset.
Je voudrais qu'à cet âge
On sortit de la vie ainsi que d'un banquet,
Remerciant son hûte, et qu'on fit Bon paquet.
La Fontaine.
— Particulièrem. Repas donné à un grand
nombre de convives, dans un but politique :
Un banquet national. Les banquets réfor-
mistes. Les banquets civiques. Les repas sont
devenus un moyen de gouvernement, et h sort
des peuples s'est décidé dans un banquet. ("**)
C'est la peur de la réforme électorale qui a
servi de nappe aux banquets réformistes. (E.
de Gir.)
— Banquet royal, Repas d'étiquette quo le
roi, sa famille et les princes du sang pre-
naient en public.
— Fig, Ensemble des ressources propres à
satisfaire un besoin, à donner un plaisir, au-
quel on est porté par une sorte d'appétit na-
turel : Au- grand banquet de la nature, il n'y
a point de couvert mis pour celui gui n'a ni
revenu ni salaire. (Malthus.) Dans ce grand
banquet de la nature, l'abondance du lende-
main est égale à laprofusion de la veille. (Buff.)
Il y a place pour tout le monde au banquet de
la vie. (Gén. Foy.) En France, le uanQUEt
offert à l'appétit du savoir est splendide.
(Mme Romieu.) Je crois fermement qu'un jour
il n'y aura plus de parias au banquet de la
vie. (Blanqui.)
Au banquet de la vie, infortuné convive,
J'apparus un jour et je meurs.
Gilbert.
Au banquet de la vie a, peine commencé,
Un instant seulement, mes lèvres ont pressé
La coupe en mes mains eucor pleine.
A. ClIÉMEU.
Oui, c'est la vie : après le jour la nuit livide;
Aprùa tout, le réveil, infernal ou divin. ;
Autour du grand banquet siège une foule avide;
Mais bien des convies laissent leur place vide
Et se lèvent avant la fin.
V. Huao.
«Victor Hugo a compris, sous lo nom de
banquet, l'ensemble des plaisirs que l'homme
goûte et des douleurs qui l'accablent sur la
terre :
La vie est chère h l'homme entre les dons du ciel ;
Nous bénissons toujours le Dieu qui noua wmvie
Au banquet d'absinthe et de- miel.
V. Hugo.
— - Loc. fam. Banquet de diables, Repas où
il n'y a pas de sel. Le diable passe pour avoir
une grande répugnance pour lo sel, symbole
de pureté et de conservation, et^ l'Eglise a
soin d'en introduire dans l'eau bénite, dont
une des principales vertus est de chasser les
démons.
— Féod. Repas qu'un vassal était tenu de
donner à son seigneur une ou deux fois l'an.
— Ascét. Jouissance intérieure, il Le ban-
quet de l'Agneau, des élus, Les joies du ciel:
Il Le banquet sacré, La communion : Enfin, je
suis parvenu au banquet sacré. (Boss.)
— Myth. Banquet des dieux, Repas que
prenaient ensemble tous les dieux de lO-
lympe.
— Manég. La petite branche de la bride,
au-dessous do l'œil.
— Epithètes. Somptueux , splendide , ma-
gnifique, superbe, pompeux, brillant, coûteux,
ruineux, Tiche, abondant, gai, riant, joyeux,
princier, royal, solennel, céleste, divin, saint,
sacré, nuptial, affreux, horrible, détestable,
exécrable, sanglant. .
— Allas, littér. Au banque! de la vîo, in-
fortuné conviio... Vers emprunté aux stro-
phes si touchantes que le poète Gilbert com-
posa a l'hôpital, dans un moment lucide, huit
jours avant sa mort : ■
Au banquet de la vie, infortuné convive,
J'apparus un jour et je meurs;
Je meurs, et sur la tombe, où lentement j'arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.
180
BAN
BAN
BAN
BAN
Dans l'application, ce vers exprime le regret
amer de la vie, que l'on quitte à la fleur de
l'âge; mais très-souvent aussi il s'emploie sur
le ton de la plaisanterie :
« Voyons, dit le fiancé, ce dîner en guise
d'adieu à la vie de garçon est-il bien néces-
saire? — Aussi nécessaire que tes choses
inutiles; et je ne sais que celles-là qui vail-
lent la peine d'être faites. — Voilà qui est pé-
remptoire. — S'il te faut des raisons bêtes,
je te dirai que ces choses-là sont dans la tra-
dition, et, comme dit le poète :
Au banquet de la vie, infortuné convive,
Apparais encore une fois et meurs,
c'est-à-dire marie-toi. En bonnes mœurs pa-
risiennes, il faut toujours dire adieu au passé. »
A. Achakd.
BANQUET MAÇONNIQUE. Repas fait en
commun par les francs-maçons, à certaines
époques de l'année, et selon les formes sym-
boliques dont le sens n'est révélé et expliqué
que par l'initiation. On fait remonter l'origine
de ces repas à la plus haute antiquité. Nous
ne nous arrêterons pas à ce que disent sur ce
sujet des écrivains spéciaux, dont l'érudition
complaisante n'est pas toujours heureuse ; nous |
nous réservons d'ailleurs d'établir d'une façon
générale, à l'article fbanc-maçonniïrie, co que
l'on doit penser de l'ancienneté réelle ou sup-
posée d'une des institutions qui mettent le plus
en évidence le dogme de la fraternité humaine.
Donc, sans évoquer ici le souvenir des Egyp-
tiens et des Grecs, comme il est d'usage de le
faire en pareille matière, entrons de plain-pied
dans notre sujet par la description pure et
simple d'une cérémonie, ou, si l'on aime mieux,
d'une coutume qui a pour but d'entretenir et
d'étendre la fraternité parmi les membres de la
famille maçonnique. De la sorte, nous serons
sûrs de parler en connaissance de cause.
Laissons, au même coup, l'imagination du lec-
teur se représenter, si bon lui semble, par
amour des comparaisons historiques ou de la
légende, cette statue d'Ammon portée jadis
chaque année aux confins do l'Egypte et de
l'Ethiopie pour le festin sacré des hiérophantes,
ou bien encore ces agapes en commun des
gymnosophistes de l'Ile de Méroe, fréquemment
cités par les historiens de la maçonnerie. On
peut, d'ailleurs, retrouver, à toutes les époques,
ta trace de ces repas en commun , et nous
n'apprendrons rien à personne en rappelant
que le baiser de paix que les f rancsTinaçons se
donnent à la fin de leurs banquets, en formant
ce qu'ils appellent la c/iaine d'union, se donnait
aussi aux agapes que les premiers chrétiens
faisaient dans les églises, agapes renouvelées
et imitées du paganisme, si l'on en croit Fauste
le Manichéen.
Les loges maçonniques ont, chaque année,
deux banquets obligatoires pour la célébration
des fêtes de l'Ordre: le premier au solstice
d'hiver, le second au solstice d'été. Les deux
banquets doivent avoir lieu rigoureusement
aux jours de tenue, ou séance, les plus proches
du 24 juin et du 27 décembre. Ils se font dans
le local ordinaire des réunions maçonniques,
au premier degré, celui d'apprenti, afin que
tous les frères puissent y participer. Avant
d'aller plus loin, expliquons le sens de quelques
termes employés par les francs-maçons. Les
diverses occupations auxquelles ils se livrent
dans la loge se nomment travaux; ouvrir ou
fermer les travaux, c'est ouvrir ou fermer la
séance ou tenue ; les travaux pendant lo banquet
s'appellent tenue de table. Une loge est un
atelier. Les petits marteaux de bois ou d'ivoire
que les premiers chefs de la loge tiennent à
la main, et qui leur servent à ouvrir et à
fermer la séance, sont dos maillets; le maillot
est l'emblème de la force soumise à l'intelli-
gence. Ces quelques renseignements donnés,
entrons dans la salle consacrée aux banquets,
éloignée de toute communication avec le de-
hors. Sa forme est un carré long; au milieu
se trouve, disposée en fer à cheval, une seule
table. Le sommet de cette table désigne l'O-
rient, c'est la place du vénérable ou président ;
les extrémités désignent l'Occident, et sont
occupées par le premier et le second surveillant;
l'orateur, le secrétaire et les autres officiers
conservent, aux côtés du vénérable, le rang
qu'ils occupent d'ordinaire en loge ; le maître
des cérémonies et le grand expert sont assis
dans le demi-cercle intérieur; tous les autres
frères sont rangés à leur gré, mais avec ordre.
Le vénérable a appelé à sa droite et à sa
gauche quelques frères étrangers à la loge,
Ï irésidents ou dignitaires, qui viennent apporter
eur concours sympathique à cette réunion do
• famille. Tout ce qui figure sur la table est
fiosé sur des lignes parallèles. La première
igné, en partant de l'intérieur, est pour les
bougies; la deuxième est pour les plats; la
troisième est pour les bouteilles ; la quatrième
est celle des verres, et la cinquième, enfin, est
celle des assiettes. La table se nomme, comme
la loge, atelier; la nappe, voile; la serviette,
drapeau; le plat, plateau; l'assiette, tuile; la
cuillère, truelle; la fourchette, pioche; le cou-
teau, glaive; la bouteille, barrique; le verre,
canon ; les lumières, étoiles ; les chaises, stalles ;
les mets en général, matériaux ; le rjo.m, pierre
brute ; le vin, poudre forte; l'eau, poudre faible ;
les liqueurs, poudre fulminante ; le sel, sable;
le poivre, ciment ou sable jaune ; enfin , manger,
c'est mastiquer ; boire, c'est tirer unecanonnée ;
découper, c'est dégrossir. On ne doit pas em-
ployer d'autres expressions durant tout le
repas. Cependant le vénérable se lève, invite
ses frères au banquet symbolique, et, frappant
un coup de son maillet, dit : « Debout et à
l'ordre, mes frères I » Les assistants se lèvent
aussitôt et se mettent à l'ordre par le signe
que les maçons seuls doivent connaître; le
vénérable leur adresse alors une courte allo-
cution, dans laquelle il les invite à la concorde
et à la tempérance. Prenant une coupe, il la
remplit de vin, boit quelques gouttes et la fait
circuler. Chaque frère y trempe ses lèvres à
son tour, après quoi, et quand sur son invi-
tation tout le monde est assis, le vénérable
permet la récréation, et le dîner est servi. Le
premier service étant terminé, le vénérable
donne un coup de maillet que les surveillants
répètent, et porte la première santé d'obligation,
qui est celle du chef de l'Etat et de sa famille.
Les santés se tirent de la manière suivante :
lorsque le vénérable a ordonné de charger et.
aligner, c'est-à-dire de remplir les verres et
de les tenir prêts , et que tout est disposé,
un coup de maillet fait lever tous les frères;
ils jettent la serviette sur le bras gauche ci
se mettent à l'ordre. Après l'annonce faite de
la santé que l'on va. tirer, le vénérable com-
mande l'exercice comme suit : > La main
droite au glaive! Haut le glaive! Salut du
glaive I Passons !e glaive à la main gauche!
La main droite aux armes! Haut les armes!
En joue I Feu ! (On boit en ti'ois temps.) L'arme
au repos ! En avant les armes ! Signalons nos
armes I (Toits les frères décrivent avec le verre,
par trois fois, rapidement, mais distinctement,
un triangle dont la base est sur la poitrine.) Po-
sons nos armes, un , deux , trois! {On pose les
verres sur la table avec ensemble et d'un seul
coup.) « Le glaive à la main droite! Haut le
glaive ! Salut du glaive ! Le glaive au repos ! ■
Cet exercice, dont le sens et la portée ne peu-
vent être bien appréciés que par des initiés, est
suivi de la triple batterie du grade d'apprenti,
et le vivat ou le housé est trois fois répété.
« Reprenons nos places, mes frères, » dit le
vénérable; et le repas continue. Six santés
d'obligation sont encore successivement por-
tées : Celle du grand maître de l'ordre, de son
conseil et de tous les présidents des ateliers
de la correspondance ; celle du président de
l'atelier (elle est portée par le premier sur-
veillant) ; celle des surveillants (elle est portée
par le vénérable); celle des of liciers de la loge
et des nouveaux initiés; celle des visiteurs;
enfin celle de tous les maçons répandus sur la
surface du globe. Pour cette dernière, l'atelier
forme la chaîne d'union, à laquelle les frères
servants sont admis. Former !a chaîne d'u-
nion, c'est se réunir en cercle au milieu du
temple, et se tenir par la main. Les frères se
donnent alors le baiser de paix, et se commu-
niquent à voix basse et deux à deux le mot de
semestre, que l'autorité centrale maçonnique
envoie tous les six mois aux loges de la cor-
respondance, afin de les distinguer des loges
irrégulières, et d'en éloigner les faux maçons.
Le mot de semestre est indépendant du mot.
sacré ;\\ n'est donné qu'aux membres actifs de
l'atelier.
Les santés que les maçons ont coutume de
porter dans leurs banquets offrent à leurs ora-
teurs des occasions naturelles de développer
les pensées les plus nobles, les plus généreuses,
les plus fraternelles. Si la tradition enchaîne
lés maçons h des signes et à des emblèmes,
qui ont d'ailleurs pour objet de lui assurer les
avantages de l'association, elle ne l'enchaîne
pas, on le sait, à une morale particulière,
œuvre étroite d'un groupe religieux ou d'une
secte philosophique quelconque. A travers le
rituel qu'elle a reçu pour guide en se formant,
la loge peut faire librement circuler l'idée
moderne, et employer ainsi d'anciens et poé-
tiques symboles à répandre la parole nouvelle.
C'est dire que la rapide esquisse que nous ve-
nons de tracer d'un banquet maçonnique pour-
rait, au besoin, prendre les proportions d'un
vaste tableau, intéressant, instructif et varié
selon que nous pénétrerions dans telle ou telle
loge dirigée par des hommes à vues larges et
fécondes, comme il s'en trouve aujourd'hui
dans las divers Orients. Ces hommes-là n'ou-
blient jamais que la franc-maçonnerie est une
institution essentiellement progressive ; ils
veulent qu'une sève toujours nouvelle ra-
jeunisse le vieux tronc; en ouvriers bien in-
spirés, ils élaguent sagement les rameaux que
le temps a desséchés, et ne conservent du
symbolisme que ce qui est vivant et éternel.
Ils savent que ce qui n'impose plus le respect
inspire leridicule, et travaillent en conséquence
.à bannir (put ce qui est suranné. D'autres, au
contraire, rivés à la routine, suivent avec une
opiniâtreté fatale des errements d'un autre
âge. Nous disons cela, non pas seulement à
propos des banquets maçonniques, mais aussi
pour toutes les autres cérémonies en usage
parmi les initiés, et dont nous aurons à parler
dans le cours de ce dictionnaire. Chacune
d'elles a un but élevé ; mais trop souvent des
détails puérils viennent occuper 1 esprit, et l'em-
pêcher de profiter de l'enseignement qui devait
jaillir tout naturellement de la circonstance.
Voilà un article sorti de la plume d'un franc-
maçon; est-il besoin de le dire? Il sent son
initié à dix lieues à la ronde. Certainement, la
franc-maçonnerie est démocratiquement or-
ganisée: le dogme de la solidarité universelle
s'y révèle dans ses moindres pratiques, et c'est
à ce titre que le Grand Dictionnaire doit à
l'institution maçonnique une fraternelle poi-
gnée de main. Mais nous entendons les fils des
croisés nous dire : « Nous ne reconnaissons
plus là l'esprit humoristique, les allures indé-
pendantes de votre œuvre. Eh quoi ! ces agapes
ultra-fantaisistes ne font sortir de son car-
quois aucun trait railleur! Quelle est donc ici
la force mystérieuse qui comprime le jet de sa
malice ordinaire, et le condamne ainsi au sup-
plice de Thésée : Sedct, œiernumque sedebit
infelix TAescus?! A cette question insidieuse,
nous répondrons en imitant la circonspection
de maître renard dans l'anire du lion :
Or çii, lui dit le sire,
Que sens-tu? dis-le-moi, parle sans déguiser.
L'autre aussitôt de s'excuser,
Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
Sans odorat. Bref, il s'en tire.
BANQUETS CIVIQUES. On a donné parti-
culièrement ce nom , pendant notre grande
Révolution, à ces fameux repas publics qui se
faisaient en pleine rue, et qui pouvaient bien
être, pour quelques lettrés, une imitation des
coutumes Spartiates, comme on l'a répété à
satiété, mais où la masse des citoyens, on le
croira sans peine , se portait sans aucune
préoccupation classique, spontanément, avec
cet enthousiasme, avec ce besoin d'expansion
fraternelle que les luttes terribles de la Ter-
reur purent a peine attiédir, et qui étaient un
des caractères les plus originaux de cotte
forte génération. Il ne faudrait pas juger ces
agapes révolutionnaires, où chacun apportait
son repas domestique, succulent ou grossier,
cela importait peu, il ne faudrait pas les juger
avec les préventions de notre temps et d'après
quelques croquis de fantaisie, charbonnés par
certains écrivains de parti, qui trouvent 'plus
commode de faire l'histoire que de l'étudier.
Ces banquets n'étaient point des saturnales,
comme se l'imaginent encore quelques per-
sonnes naïves. Ils étaient un peu bruyants, un
peu tumultueux, comme toutes les réunions
nombreuses, mais généralement convenables
et décents; et ils notaient pas plus choquants
que ne le sont ces grands repas d'orphéonis-
tes, de gardes nationaux, ou de corporations
ouvrières, que nous voyons tous les jours sous
nos yeux ; ils l'étaient infiniment moins que
ces avilissantes distributions de vivres jetés à
la tête du peuple, comme à des animaux dans
un cirque, et qui se pratiquaient encore sous
la Restauration. C'étaient des réunions de
quartier, auxquelles assistaient les citoyens
de toutes les classes, ouvriers, commerçants,
propriétaires, magistrats, militaires, fonction-
naires publics, etc., confondus, avec leurs fa-
milles, aux mêmes tables, et célébrant les vic-
toires de nos armées, la délivrance du terri-
toire national, la grandeur de la République
et les bienfaits de la Révolution. Nous par-
lons ici de ces repas sectionnaires qui eurent
lieu, en messidor an II, dans tout Paris; ce
sont ceux qu'on a le plus particulièrement en
vue quand on rappelle les banquets en plein
air. Mais, dès le début de la Révolution s'é-
tait établi l'usage des repas publics, qui se
renouvelaient à toutes les fêtes et dans cer-
taines circonstances mémorables, non-seule-
ment à Paris, mais dans toute la France, et
par l'initiative des citoyens. Usage touchant,
d'ailleurs, où se retrouvent, au muieu des effu-
sions du patriotisme et de l'enthousiasme, des
idées de fraternelle égalité, la vieille cordia-"
lité de notre race et son large esprit de socia-
bilité. Quelques jours après la prise de la
Bastille, le marquis de Villette, homme fort
modéré, mais partisan chaleureux et sincère
de la Révolution, écrivait dans la Chronique :
« J'aimerais que l'on instituât une fête na-
tionale au jour qui fait l'époque de notre ré-
surrection (au m juillet). Pour une révolution
qui n'a point d'exemple, il faut un appareil
d'un genre nouveau.
» Je voudrais que tous les bourgeois de la
bonne ville de Paris fissent dresser leurs ta-
bles en public et prissent leur repas devant
leurs maisons. Le riche et le pauvre seraient
unis, et tous les rangs confondus. Les rues
ornées de tapisseries, jonchées de fleurs , il
serait défendu d'y cheminer en voiture ou à
cheval. La capitale, d'un bout à l'autre, ne
formerait qu'une immense famille: on verrait
un million de personnes assises a la même
table; les toasts seraient portés au son do
toutes les cloches, au bruit de cent coups de
canon, des salves de la mousqueterio , au
même instant, dans tous les quartiers de Paris :
ce jour-là, la nation tiendrait son grand cou-
vert. » (Chronique, 18 juillet 1789.)
Ce tableau charmant, tracé à l'avance par
un homme de cœur et d'esprit, cette commu-
nion civique de toute la France pour solen-
niser l'un des plus grands jours de notre his-
toire, nos pères en ont été souvent les acteurs
et les témoins dans ces belles fêtes où s'épan-
chait en manifestations d'ardente sympathie
la grande âme de la nation ; où la vieillesse, le
malheur et la faiblesse étaient honorés; où
les magistrats, les maires, les représentants
du peuple, les officiers municipaux, servaient
publiquement, à des tables frugales, les vieil-
lards, les pauvres, et jusqu'à ces infortunés
traités si durement par l'ancien régime, les
enfants trouvés des hôpitaux, que la Révolu-
tion, avec une tendresse maternelle, a relevés
de leur abjection, comme tant d'autres classes
de citoyens qui l'ont depuis longtemps oublié.
Ces repas publics, comme nous l'avons dit,
s'organisaient le plus souvent à la suite des
fêtes nationales, et se renouvelèrent fréquem-
ment dans le cours de la Révolution. Parfois
aussi, à la nouvelle d'une victoire de nos ar-
mées, les citoyens d'une commune se réunis-
saient spontanément et improvisaient un ban-
quet patriotique Sur la place publique ou dans
leur église. Citons encore le banquet civique
offert aux fédérés des départements, et qui
eut lieu sur les ruines de la Bastille, le soir
du 20 juillet 1792. Tout le faubourg Saint-An-
toine y prit part. On a prétendu que quelques
hommes politiques avaient eu, un moment,
l'intention de tirer parti de cette réunion pour
marcher sur les Tuileries. Cela n'a rien d'in-
vraisemblable : le divorce de la France et de
la royauté était depuis longtemps consommé.
Mais, comme on le sait, le terrible choc n'eut
lieu que quinze jours plus tard.
Quant aux banquets sectionnaires, dont nous
avons dit un mot ci-dessus, ce sont ceux qui
ont laissé dans la population parisienne les
souvenirs les plus vifs. Ils commencèrent vers
le 15 messidor an 1!, c'est-à-dire dans les pre-
miers jours de juillet 170-1, et durèrent une
quinzaine de jours environ : ce fut une véri-
table campagne. Tout Paris soupa dans les
rues. Chaque section fit son repas fraternel ;
quelques-unes même en firent deux, à peu do
jours d'intervalle. Des tables étaient dressées
devant les maisons et ornées de fleurs et
d'emblèmes patriotiques ; chaque rue était
comme une longue salle do festin, où, riches
et pauvres, toutes les familles étaient frater-
nellement mêlées. On voyait sur les tables
l'argenterie et les cristaux à côté de la vais-
selle grossière des plus humbles ménages.
Quand le quai des Orfèvres lit son banquet,
la longue file de tables recouvertes de linge
blanc offrait, dit-on, un spectacle splendide
par la multiplicité des pièces d'argenterie et
l'abondance des fleurs. Si l'on ignorait la date
do ces fêtes, qui se douterait jamais qu'on fût
alors sous la Terreur? Les toasts et les chants
patriotiques prolongaient assez tard ces réu-
nions, mais sans autre inconvénient, dans les
belles soirées de cette saison, que d'empêcher
pour quelques heures la circulation des voi-
tures dans la section. Il n'y eut d'ailleurs au-
cun désordre. Un long rapport de Barère, du
28 messidor, nous apprend que les comités du
gouvernement^ tout en rendant justice au bon
esprit des sections et à l'ordre qui présidait à
leurs banquets, n'étaient point favorables à
ces grandes manifestations publiques. Ces
fêtes appartiennent donc tout entières à l'ini-
tiative de la population parisienne. Une sec-
tion commença; toutes les autres suivirent, à
tour de rôle, avec un redoublement d'enthou-
siasme et d'entrain.
Après la révolution de Février 1848, on eut
l'idée de renouveler les agapes fraternelles.
Le 2 avril, deux cent cinquante délégués des
clubs se réunirent dans un banquet, sur la
place du Chàtclet. Cet exemple fut suivi par
un certain nombre de villes. A Marseille, no-
tamment, un repas public de cette nature réu-
nit dos milliers de personnes, sous la prési-
dence de M. Emile Olivier, alors commissaire
de la république pour les Bouches-du-Rhône.
Il y eut aussi, à Paris, un projet de banquet il
25 centimes, dit le banquet du Père Duchène,
parce que ce journal l'avait proposé. Il devait
avoir lieu àVincennes, et l'on prétendait qu'il
avait pour but de délivrer les prisonniers du
15 mai, enfermés dans la forteresse. De nom-
breuses souscriptions avaient déjà été re-
cueillies ; mais, sur ces entrefuites, éclatèrent
les terribles journées de Juin qui emportè-
rent dans le môme naufrage le banquet et ses
organisateurs.
Mais si les banquets en plein air ne furent
point renouvelés, il y eut, pendant toute la
durée de la seconde république , un grand
nombre de banquets politiques qui se tenaient
dans des locaux plus ou moins vastes, et qui
réunissaient les adhérents de te! ou tel parti.
Les discours qu'on y prononçait étaient un
moyen de propagande. Il y eut même le ban-
quet des femmes socialistes.
BANQUET DES GARDES DU COUPS. V. OC-
TOBRE 1789 (journées des 5 et G).
BANQUET DE MAÇON. Banquet offert à
Lamartine en 1847, après la publication do
son Histoire des Girondins. Le potite-orateur
y prononça des paroles véritablement prophé-
tiques sur la chute possible du gouvernement
do Juillet.
BANQUETS RÉFORMISTES. Le gouverne
ment de Louis-Philippe et la majorité minis-
térielle de la Chambre des députés, en re-
poussant, dans la session de 1847, la réforme
électorale, qui était dans les vœux et dans les
besoins du pays, et dont le projet avait été
présenté par M. Duvergierde Hauranne, puis
la proposition de réforme parlementaire pré-
sentée par M. de Rémusat, déterminèrent
cette fameuse agitation des banquets, qui bien-
tôt allait emporter la monarchie de Juillet.
L'opposition de la gauche et du centre gau-
che , convaincue qu'il n'y avait plus rien à
espérer d'un gouvernement qui repoussait
obstinément tous les progrès et dont la poli-
tique rétrograde avait été énergiquement ca-
ractérisée par l'exclamation fameuse de M. Des-
mousseaux de Givré : liieu! rien! rien! réso-
lut d'en appeler du gouvernement au pays.
Des réunions eurent heu, composées de toutes
les nuances de l'opposition libérale et démo-
cratique. On posa les bases d'une alliance
loyale, où chacun fit ses réserves précises,
mais en s'accordant pour marcher tous dans
BAN
la voie des réformes, du progrès et de îa dé-
mocratie. Les hommes considérables des di-
vers partis progressistes figuraient dans ces
réunions, ou se rencontrèrent MM. Odilon
Barrot, Duvergier de Hauranne, G. de Beau-
mont, L. de Molleville, Thiers, Carnot, Gar-
, nier-Pagès, Pagnerre , Reeurt, Abbatucci,
[lavin , de Lasteyrie , de Tocqueville, Du-
t'aure, etc. En outre, des comités d'électeurs,
de journalistes et d'autres citoyens se formè-
rent de toutes parts et centralisèrent leur ac -
tion. Le but commun était la réforme électo-
rale et parlementaire ; les moyens d'action, le
pétitionnement et des banquets organisés à
Paris et dans les départements , destinés à
donner au mouvement réformiste la vitalité,
l'ensemble et l'énergie. Il est à peine néces-
saire de rappeler les divergences de principes
qui différenciaient, sans les séparer, les parti-
sans de la réforme. C'est ainsi que les répu-
blicains allaient jusqu'au suffrage universel,
tandis que les opposants dynastiques se- con-
tentaient de l'adjonction des capacités. Mais
cela ne nuisait pas à l'ensemble du mouve-
ment, et l'accord de toutes ces nuances sur la
nécessité de l'extension du suffrage montrait
assez que le système du pays légal avait fait
son temps, et que la France ne voulait plus
être gouvernée exclusivement par une oligar-
chie de grands propriétaires, régime con-
damné non-seulement par le droit, mais en-
core par les honteuses corruptions électorales
des derniers temps.
Ce fut M. Pagnerre qui fit adopter l'idée
des banquets politiques, dont M. Guizot à Li-
zieux , M. Lacave-Laplagne à Mirande , et
M. Duchàtel à Mirambeau, avaient, par leur
exemple, démontré la valeur et prouvé la lé-
gitimité. Chose piquante, en effet, ces réu-
nions, dont le gouvernement va bientôt con-
tester la légalité, avaient été inaugurées par
les membres les plus rétrogrades du. cabinet.
Le premier banquet eut lieu à Paris, sous la
présidence de M. d\; Lasteyrie, le a juillet 1847,
dans l'établissement du Château- -Bouge, nom
désormais historique. Douze cents personnes
y assistèrent, parmi lesquelles quatre-vingt-
six députés et un grand nombre d'électeurs,
de journalistes, de gardes nationaux, d'étu-
diants, de juges au tribunal de commerce, de
négociants, etc. M. Ledru-Rollin, qui avait
peu de confiance dans l'alliance avec la gau-
che dynastique, s'abstint de prendre part à
cette imposante manifestation, par un respec-
table scrupule de conscience et d'opinion. .
La réunion, cependant, eut un grand carac-
tère. Une foule immense l'entourait, en la
protégeant de son adhésion enthousiaste. De
nombreux, toasts furent portés :.à la souverai-
neté nationale, par le vénérable M. de Lastey-
rie; à la Hévolution de 1830, par M. Recurt ;
<i la réforme électorale et parlementaire, par .
M. Pagnerre, etc. « Chose digne de remarque,
dit M. Gamier-Pagès, ce n'est point des mains
républicaines que le système reçut ses plus
cruelles blessures. Les républicains avaient
surtout fait appel aux principes. La lutte des
dynastiques, plus voisine, s'échappa en pa-
roles d'amertume contre la politique délétère
;t personnelle qui emportait la royauté vers
des abîmes. »
M. Odilon Barrot, surtout, fut extrêmement
vif. Il sera curieux de voir bientôt tous ces
opposants dynastiques, si ardents pendant la
lutte , commencer les premiers la réaction
contre la république de Février, qu'ils avaient
tant contribué à amener.
Le retentissement de ce banquet fut im-
mense, et les discours, reproduits par les jour-
naux, passionnèrent l'opinion publique dans
le pays entier. L'agitation gagna rapidement
les départements. Bientôt eurent lieu : le ban-
quet de Colmar, présidé, chose grave, par
M. Rossée , premier président de la cour
royale ; celui de Strasbourg, présidé par M. de
Liechtenberger, bâtonnier de l'ordre des avo-
cats et conseiller municipal ; celui de Sois-
sons; celui de Saint-Quentin, auquel assis-
taient le maire et les adjoints, des conseillers
généraux et municipaux, de nombreux dépu-
tés, de grands industriels, les maires de plu-
sieurs villes , des officiers supérieurs de la
garde nationale, etc. Partout, d ai leurs, l'élite
de la bourgeoisie, des avocats, des magistrats,
des professeurs, des propriétaires, des fonc-
tionnaires publics, s'associaient aux hommes
politiques dans ces grandes manifestations.
La réforme était- bien réellement dans les
vœux de la France entière ; l'impopularité du
gouvernement de Louis-Philippe augmentait
de jour en jour, et il devint de plus en plus
visible que son obstination réactionnaire allait
amener sa chute. On put se convaincre alors
que le fond de la France était démocratique ;
car les affaires de la Révolution étaient pré-
cisément faites par la classe qui possédait les
grands instruments du pouvoir, la richesse,
les droits politiques et l'éducation. Le peuple
suivait le mouvement d'enthousiasme, et avec
le vague instinct qu'il s'agissait, au fond, de
son émancipation intellectuelle et sociale.
■ Compiègne, Orléans, Meaux, Coulommiers, la
Charité, Loudéac, Cosne, Melun, Chartres, etc.
eurent tour a. tour leur banquet pour la ré-
forme ; et ces manifestations , qui n'étaient
pas sans analogie avec les pronunciamentos
des villes espagnoles, se multiplièrent encore
sous l'impression des hontes et des scandales
qui marquèrent la fin de ce règne.
Jusqu'alors, aucun dissentiment ne s'était
élevé. Mais voici qu'à Cosne, les organisa-
BAN
teurs du banquet, pour bien marquer qu'ils
agissaient dans les limites constitutionnelles,
demandèrent qu'un toast fût porté au roi. Un
jeune magistrat, M. Gambon, qui fut depuis
représentant du peuple, protesta contre cette
exigence et se retira. Le ministère le fit sus-
pendre de ses fonctions de juge, par la cour
de cassation. D'autres faits de la même na-
ture ne tardèrent pas à se produire. Les quel-
ques dissidents de l'opinion radicale, qui d'a-
bord s'étaient tenus à l'écart dans la crainte
que ce corcert avec les dynastiques n'impli-
quât pour eux une sorte d'adhésion à la mo-
narchie, avaient cependant été bientôt entraî-
nés dans le mouvement. MM. Ledru-Rollin et
Flocon parurent au banquet de Lille ; leur
présence causa quelque ombrage à M. Odilon
Barrot, qui demanda alors qu on ajoutât au
toast à la réforme la formule suivante, dont
on comprend la portée : comme moyen d'assu-
rer la pureté et la sincérité des institutions de
Juillet. Les commissaires refusèrent ; M. Odi-
lon Barrot se retira. Malgré ces difficultés, le
mouvement ne se ralentissait point, et Cas-
tres, Lyon, Valence, Béthune, Valenciennes,
Montargis, Arras, Amiens, Saint-Germain,
Châteaudun,Condom,Rochechouart venaient,
tour à tour, prendre leur rang dans cette revue
des forces de la grande armée réformiste.
Autres symptômes : plusieurs conseils géné-
raux, notamment celui du département de la
Seine, se prononcèrent en faveur de la ré-
forme, et le ministère fut vaincu dans plu-
sieurs élections partielles ; à Rochefort , un
aide de camp du roi, M. Dumas, ne fut pas
réélu ; Dijon, Chalon-sur-Saône, eurent leurs
banquets exclusivement démocratiques, et les
souvenirs de l'ancienne République furent
hardiment évoqués par MM. Ledru-Rollin,
Baune, Louis Blanc, Etienne Arago, etc. C'é-
tait la nuance la plus tranchée du parti radi-
cal. Les radicaux parlementaires, MM. Gar-
nier-Pagès, Pagnerre, etc., appuyés par le
National, comme le groupe ci-dessus l'était
par la Réforme , répugnaient moins à une
alliance avec la gauche dynastique. Toute-
fois , ils s'abstenaient de prendre part aux
banquets où était porté le toast au roi ou aux
institutions de Juillet. Il est inutile d'énumé-
rer ici toutes les villes qui furent tour à tour
le théâtre de ces grandes agapes politiques,
ainsi que tous les hommes considérâmes qui 3'
prirent part. Le pays tout entier s'était pro-
noncé; et l'on peut dire qu'à la fin de cette
fameuse campagne des banquets, le gouverne-
ment et le pays légal étaient condamnés par
la France elle-même.
Le ministère, qui avait eu d'abord la pensée
d'interdire ces réunions, s'était senti impuis-
sant en présence d'aussi éclatantes manifes-
tations, et il avait fléchi. Mais, au début de la
session de 1848, il manifesta l'intention d'em-
pêcher le banquet du X1I>-' arrondissement de
Paris, qui devait couronner tous les autres;
l'initiative de ce banquet avait été prise par des
chefs de la garde nationale, des députés, des
conseillers municipaux , etc. , et il était patronné
par le comité central et les comités pailemen-
taires. Ce banquet du XII" arrondissement,
qui n'a pas eu lieu, est le plus célèbre dans
l'histoire de ce temps. D'un côté, le gouver-
nement annonçait, dans un langage insultant,
.qu'il s'opposerait par la force à ce qu'il eût
lieu; de l'autre, les électeurs, les comités, les
députés, les citoyens, invoquant le principe
constitutionnel du droit de réunion , conti-
nuaient à l'organiser. Il devenait évident qu'un
choc terrible allait se produire, et que les
coups de fusil allaient remplacer le bruit des
verres et des discours. On sait que la révolu-
tion de Février sortit de cette situation, et
qu'elle commença le jour même qui avait été
fixé pour le banquet. V. Révolution de Fé-
vrier.
Cette histoire des banquets fut close par un
mot bien connu de'Lamartine.
Le 24 février, au moment ou le gouverne-
ment provisoire se rendait à l'Hôtel de ville,
après sa nomination, le cortège s'arrêta de-
vant la caserne du quai d'Orsay. Les dragons,
pour fraterniser avec le peuple, offrirent un
verre de vin à Lamartine, qui l'éleva en pré-
sence de tous et, avant de le boire, s'écria en
souriant : « Mes amis, c'est le banquet! »
Les rires éclatèrent avec les applaudisse-
ments. Ce fameux banquet avait été, en effet,
la pierre d'achoppement de la monarchie de
Juillet. Le ministère était deux fois vaincu :
par les armes et par l'esprit.
BANQUET DU XI|c ARRONDISSEMENT.
V. Banquets réformistes et Février 181S
(révolution du 24),
Bunquei do Platon (le). Dans cet immortel
dialogue, Platon suppose qu'un certain Aga-
thon célèbre, au moyen d'un banquet, une
victoire poétique qu'il a remportée. Chacun
des convives, Phèdre, Pausanias , Aristo-
phane , expose ses principes sur l'amour. 11
en résulte une discussion ingénieuse , pro-
fonde, poétique, d'où Platon l'ait ressortir la
spiritualité de l'amour, dont le véritable objet
est la vertu. Chacun décrit tour à tour ce
Sentiment selon ses idées, son tempérament,
son caractère. Socrate , sommé de parler à
son tour, raconte une conversation qu'il a
eue jadis avec une femme de Mantinée, nom-
mée Diotime : artifice fort simple, qui permet
à Platon do faire passer sans invraisem-
blance, par la bouche de son maître, les idées
qui lui sont personnelles et auxquelles Se-
BAN
crate n'avait certes songé de sa vie, et d'exha-
ler, pour ainsi dire, le souffle lyrique de son
âme.
Dans ce magnifique discours, Diotime en-
seigne à Socrate l'origine de l'amour, et lui
raconte le mythe de Pbros et Penia, diverse-
ment expliqué par les commentateurs. EÏLe
lui démontre successivement comment l'objet
de l'amour est la beauté, mais la beauté mo-
rale, la sagesse, la vertu, la gloire, l'immor-
talité ; enfin, la beauté souveraine, innée, ab-
solue. « Le vrai chemin de l'amour, dit-elle,
c'est de commencer par les beautés d'ici-bas,
et, les yeux attachés sur la beauté suprême,
de s'y élever sans cesse en passant par tous
les degrés de l'échelle, des beaux corps aux
beaux sentiments, des beaux sentiments aux
belles connaissances, jusqu'à ce que, de con-
naissances en connaissances, on arrive à la
connaissance par excellence, qui n'a d'autre
objet que le beau lui-même, et qu'on finisse
par le connaître tel qu'il est en soi.
» Supposons un homme qui contemplerait
la beauté pure, simple, sans mélange, non
chargée de chairs, ni de couleurs humaines,
ni de toutes les autres vanités périssables, en
un mot, la beauté divine, la beauté une, la
beauté absolue; pensez-vous que ce lui serait
une vie misérable, d'avoir les regards tournés
de ce côté, de contempler, de posséder un tel
objet? Ne croyez-vous pas, au contraire, que
cet homme, qui perçoit le beau par l'organe
auquel le beau est perceptible, sera seul ca-
pable, ici-bas, d'engendrer, non pas des fan-
tômes de vertu, puisqu'il ne s'attache pas à
des fantômes, mais des vertus véritables, car
c'est à la vérité qu'il s'attache? Or, c'est à
celui qui enfante et nourrit la véritable vertu
qu'il appartient d'être aimé de Dieu; et, si
quelque homme mérite d'être immortel, c'est
celui-là entre tous. »
Telle est la doctrine platonicienne sur l'a-
mour.
La fin du dialogue est consacrée 'presque
tout entière au panégyrique de Socrate, au
tableau de sa vie comme homme, comme ci-
toyen et comme instituteur de la jeunesse.
Rien ne saurait donner l'idée de cette admi-
rable apologie, aussi piquante et aussi origi-
nale dans la terme que satisfaisante et com-
plète au fond ; c'est le frivole Alcibiade qui
s'est chargé de tracer le portrait de son
maître.
Il vient d'entrer dans la salle du festin, avec
quelques joyeux compagnons, dans l'équipage
d'un homme qui a fait bombance ailleurs. Il
est ivre ; et il débite, avec la verve et la vé-
rité du vin, tout ce qu'il sait de Socrate, tout
ce qu'il a vu de lui, tout ce qu'il a contre lui
sur le cœur. Voici quelques traits du début de
sa bouffonne et sérieuse harangue : « Je sou-
tiens que Socrate ressemble tout à fait à ces
Silènes qu'on voit exposés dans les ateliers
des statuaires, et que les artistes représen-
tent avec des pipeaux ou une flûte à la main :
séparez les deux pièces dont ces Silènes se
composent, et vous verrez dedans la figure
sainte de quelque divinité. Je soutiens ensuite
qu'il ressemble au satyre Marsyas. Quant à
l'extérieur, toi-même, Socrate, tu ne pourrais
contester l'exactitude de mes comparaisons ;
et, quant au reste, elles ne sont pas moins
justes. En voici la preuve : Es-tu, oui ou non,
un railleur effronté? Si tu le nies, je produi-
rai des témoins. N'es-tu pas anssi un joueur
de flûte, et bien plus merveilleux que Mar-
syas ? Il charmait les hommes parla puissance
des sons que sa bouche tirait des instru-
ments... La seule différence qu'il y ait entre
toi et lui, c'est que, sans instruments et sim-
plement par tes discours, tu produis les mêmes
effets. » Suit le tableau des prestiges de cet
homme divin, et le récit de ses relations avec
Alcibiade, à Athènes, à l'expédition militaire
de Protidée et à la déroute de Délium. Puis le
harangueur revient à sa première idée , et
compare, non plus Socrate, mais les discours
de Socrate, aux Silènes qui s'ouvrent : « Mal-
gré le désir qu'on a d'entendre parler Socrate,
ce qu'il dit paraît, au premier abord, parfai-
tement grotesque. Les mots et les expres-
sions que revêt extérieurement sa pensée sont
comme la peau d'un satyre. Il vous parle
d'ânes bâtés, de forgerons, de cordonniers, de
corroyeurs, et on lé voit disant toujours les
mêmes choses dans les mêmes termes : de
sorte qu'il n'est pas d'ignorant "ni de sot qui
ne soit prêt à se moquer de ses paroles. Mais,
qu'on ouvre ses discours , qu'on pénètre à
l'intérieur, et l'on trouvera d'abord qu'eux
seuls ont du sens; ensuite, qu'ils sont tout
divins, qu'ils renferment en foule de saintes
images de vertu, et presque tous les prin-
cipes, je me trompe, tous les principes sur
lesquels doit fixer son esprit quiconque aspire
à devenir homme de bien. »
Suivant Wieland , le Banquet est un ou-
vrage de luxe poétique , auquel toutes les
Muses ont pris part, et dans lequel Platon a
l'épandu, comme de la corne d'Am al thée, toutes
les richesses de son imagination, de son es-
prit, de son sel attique, de son éloquence et
de son talent pour la composition; ouvrage
travaillé, poli et perfectionné à la lueur de la
lampe nocturne, et par lequel Platon a voulu
nous montrer qu'il dépendait de lui d'être, à
son choix, le premier parmi les orateurs, les
poètes ou les sophistes de son temps.
Il existe bien des traductions françaises du
divin philosophe. Racine a traduit le Banquet,
BAN
181
pour complaire à M"" de Rochechouart , qui
a achevé l'ouvrage commencé par son illustre
ami. La meilleure est celle de M. Victor
Cousin.
C'est surtout en lisant le Banquet que l'on
trouve justes ces mots de Mme de Beauhar-
nais ■ « Je vois dans Platon l'esprit d'un sage,
le génie d'un poète, la morale d'un ange et
le cœur d'une femme. ■»
L'influence de ce dialogue a été immense en
tout temps. Ce sont les idées sur l'amour qu'on
y trouve développées qui ont donné nais-
sance à cette locution si connue de l'amour
platonique, pour parler de l'amour épuré, dé-
gagé de tout désir physique. Le Banquet
offre le type de cet amour mystique , enthou-
siaste et chevaleresque, qui a surtout fleuri
dans les temps modernes. Si cet amour est né
surtout des idées chrétiennes et guerrières du
moyen âge, il doit beaucoup aussi au Banquet
de Platon, car c'est là qu'il a trouvé sa théo-
rie. Il n'était qu'un sentiment : la lecture de
ce dialogue l'a éclairé sur sa propre- nature ;
il est devenu une science, qui, a son tour, s'est
répandue et accréditée à l'aide du sentiment.
Jl est curieux d'étudier par quelles gradations
l'auteur arrive à le définir. Phèdre, le premier
interlocuteur, proclame l'amour une source
d'héroïsme, parce qu'il inspire la honte du
pial et l'émulation du bien. A côté de cet
amour, Agathorî en chante un autre dans un
hymne digne d'Anacréon : l'amour tel qu'il est
dans l'Olympe païen; mais il idéalise la divi-
nité, tout en lui conservant une réalité char-
mante, par un heureux mélange du langage
des sens et du langage de l'âme. « L'amour,
dit-il, plane et se repose sur tout ce qu'il y a
de plus tendre; car c'est dans les âmes des
dieux et des hommes qu'il fait sa demeure, et'
encore il ne s'arrête que dans les cœurs ten-
dres. Or, s'il ne touche jamais de son pied, de
son aile ou du reste de son corps, que la par-
tie la,plus délicate des êtres les plus délicats,
ne faut-il pas qu'il soit doué lui-même de la
délicatesse la plus exquise? Amour et laideur
sont en guerre partout et toujours. Jamais
l'amour ne se fixe dans rien de flétri, corps ou
âme; mais, où il trouve des fleurs et des par-
fums, c'est là qu'il se plaît, qu'il s'arrête, n
Puis, passant à l'objet de l'amour, à la beauté,
Platon l'examine dans les chefs-d'œuvre de la
statuaire antique; il s'applique à faire sortir
l'idée de la forme. « 11 fait, dit M. Saint-Marc
Girardin, entrevoir, dans les marbres de Phi-
dias et de Praxitèle, l'idée divine qui y était
captive, et ressortir la splendeur de la beauté
morale dans la splendeur de la beauté maté-
rielle. »
Le travail du génie de Platon, pour aller
du beau au bon , apparaît surtout dans la
transformation morale qu'il fait subir à l'idée
de cet amour grec, si bieu caractérisé par ce
vers du chaste Racine :
Dans quels égarements l'amour jetn la Grèce !
Cet amour, étrange en ses égarements, Pla-
ton le purifie. Il prend tous ses instincts gros-
siers pour les spiritualiser. L'objet de l'amour
même, la génération, il la transforme en la loi
de perpétuité de la nature humaine : « C'est
par là que l'humanité dure et s'immortalise
sur la terre, effaçant les vieillards qui tom-
bent sous les jeunes gens qui fleurissent. » Ne
soyons donc plus étonnés si tous les êtres
attachent tant de prix à leurs rejetons, puis-
que l'ardeur de l'amour, dont chacun est tour-
menté sans cesse, a pour but l'immortalité. Ce
désir, comme le soutient Socrate, c'est la
beauté qui l'excite, mais la beauté des senti-
ments et des idées, dont la perception conduit
à l'idée suprême du beau; la beauté du corps
n'est que le premier degré de l'échelle de
beauté, La beauté de l'ame est tout; celle
des formes,' rien.
Tels sont les dogmes de cette religion nou-
velle de l'amour et de la beauté immatérielle,
révélés dans le Banquet de Platon, dogmes
sympathiques à la philosophie et au christia-
nisme, trop purs pour convenir au polythéisme.
L'arrivée d'Alcibiade ivre dans la salle du
festin nous semble même l'emblème du paga-
nisme étouffant la voix de la philosophie.
L'influence de cet amour platonique a sur-
tout brillé dans trois grandes phases : la pre-
mière avec les pères de l'Eglise, la seconde
avec Dante et Pétrarque , la troisième , en
Italie, avec les platoniciens du xvc siècle et
les Médicis. En France, dans le grand siècle,
on en retrouve un reflet dans les œuvres re-
ligieuses, surtout chez Fénelon. La grande
différence entre le système de Platon et celui
des chrétiens, c'est que ces'derniers dédai-
gnent l'amour terrestre comme une entrave à
l'amour du beau suprême, tandis que le disci-
ple de Socrate l'honore comme un achemine-
ment vers cet amour. L'idée de Platon, pure,
mais un peu vague, est plus faite pour les be-
soins de l'imagination que pour ceux du cœur;
dans le christianisme, l'idée du beau, devenu
l'amour de Dieu, s'adresse plus au cœur qu'à
l'esprit.
Le Banquet est supérieur au Gorgias et au
Protagoras par le coloris des portraits, et à
tous les autres dialogues de Platon par le
mouvement, la progression des idées, la va-
riété des tons, l'harmonie poétique et morale,
la souplesse du style, où le comique, le gra-
cieux, le grotesque et le sublime s'enlacent
et se fondent sans effort dans une gamme in-
finie, où l'intelligence se repose, où l'imagi-
nation se complaît, comme dans le mirage
d'un monde immatériel.
182
BAN
BAN
BAN
BAN
Une œuvre si importante appelle des éclair-
sissements que nous empruntons aux plus sa-
vants éditeurs et commentateurs.
Pourquoi voit-on Aristophane dans la com-
pagnie des amis intimes de Socrate? C'est que
l'auteur des Nuées n'était pas l'adversaire per-
sonnel du philosophe, dont il poursuivait les
doctrines de ses traits comiques, comme con-
traires aux maximes et au culte professés par
l'Etat. Socrate était un révolutionnaire au
premier chef, et sa gloire devant la postérité
est fondée sur ce titre de culpabilité. Remar-
quons que les Nuées furent jouées vingt-trois
ans avant l'accusation; cette comédie con-
courut néanmoins à la condamnation du réno-
vateur. Socrate, proclamant dans la nature
une Providence supérieure, et, dans l'homme
même , un intermédiaire unique (la con-
science), Socrate était coupable d'impiété aux
yeux des prêtres du paganisme, habiles à
vivre des tributs de l'autel.
Examiné par rapport aux autres dialogues
de Platon, le Banquet offrirait le sujet d'une
étude intéressante. Dans le discours d'Aristo-
phane, l'amour est le désir de trouver sa moitié,
son semblable; dans celui d'Eryximaque, c'est
la tendance à l'harmonie qui résulte de3 con-
trastes. Ces deux aperçus sont traités dialec-
tiquement dans le Lysis. Socrate et Diotime
affirment nettement que l'objet de l'amour
n'est ni le contraire ni le semblable, mais le
bon, le bien, conclusion du Lysis. Entre les
deux dialogues, on peut établir des concor-
dances encore plus marquées. On note aussi
des réminiscences du Philèbe, du Phédan, du
Jilénon, du Phèdre, etc.
Proclus et les Alexandrins en général incli-
nent à croire que le fond des idées platoni-
ciennes a été puisé dans la doctrine pythago-
ricienne et les traditions orphiques. M. Victor
Cousin partage ce sentiment.
Le Banquet de Platon rappelle à l'esprit,
avec le Banquet de Xénophon^ tous les autres
ouvrages qui portaient ce titre dans l'anti-
quité, et dont. la plupart ont péri : par exem-
ple , celui d'Aristote et ceux d'Epicure , du
médecin Héraclide de Tarente, etc.
Quant au style, le même écrivain l'apprécie
de la manière suivante : « On ne saurait croire
à quel point la langue de Platon réfléchit celle
des poètes. Plus on le lit attentivement, plus
on y découvre ou des portions de vers, que
ses contemporains rapportaient aisément à
leur auteur, ou des expressions isolées, em-
pruntées à quelques poëtes : c'est surtout
Homère dont sa diction est toute pénétrée. »
La date du Banquet est à peu près établie
vers l'an 383 av. J.-C, par une allusion a la
séparation des Arcadiens et des Lacédémo-
niens, qui eut lieu vers cette année.
Banquet de Xcuophon (lu). Xénophon a
fait aussi un Banquet, dont Socrate est égale-
ment le personnage principal, et où l'on traite
de même la question de l'amour ; mais les con-
vives ne sont plus ceux du Banquet de Platon.
On dîne chez Callias, lils d'Hipponicus. Il a
voulu célébrer, par un festin avec ses amis,
Critobule, Hermogène, Antisthène, Charmide,
la victoire que vient de remporter au pancrace
le jeune Autolycus, fils de Lycon, qu'il affec-
tionne vivement. En chemin, il a rencontré
Socrate et l'a décidé , par ses instances , à
venir prendre part à la tète.
Ce Banquet n'a pas l'importance de celui de
Platon. Il y a entre les deux ouvrages toute
la . distance qui sépare les deux écrivains.
Mais on aurait tort d'établir, sur la compa-
raison des deux Banquets, la base d'un juge-
ment définitif sur ces deux grands hommes.
Platon, traitant du beau et de l'amour, est
dans son élément; Xénophon, plus historien
que philosophe, n'est ici qu'à moitié dans le
sien. Quand, de nos jours, Corneille et Racine
entrent en lutte sur le sujet de Bérénice, Ra-
cine triomphe aisément parce qu'il ne s'agit
guère ici que d'une idylle mélancolique ; Cor-
neille a l'air d'Hercule filant aux pieds d'Om-
phale.
Des deux Banquets, quel est le premier en
date? La critique n'est point encore fixée sur
ce point. Mais qu'importe? Même après le
Banquet de Platon, le Banquet de Xénophon a
son intérêt et son prix. Xénophon n'est point
un philosophe. Tant mieux; il ne substituera
pas aux idées de Socrate un système et une
théorie à lui ; il ne transformera pas son maî-
tre à sa guise, en mêlant sa personnalité à la
sienne ; U ne rapportera pas ce qu'il désirerait
qu'eût dit Socrate, mais ce que Socrate a dû
dire réellement, ou au moins il y fera peu de
changements. Socrate , entre les mains de
Platon et de Xénophon , ressemble un peu
il Y Homme de La Fontaine , entre ses deux
maltresses. Platon lui enlève ses cheveux
noirs, je veux dire sa jeunesse, sa gaieté, ses
faiblesses humaines, pour en faire 1 idéal qu'il
a conçu du sage irréprochable , à cheveux
blancs ; Xénophon lui déroberait plus volon-
tiers quelques cheveux gris, pour lui mieux
conserver la physionomie gaie et originale
qu'il a connue et qu'il a aimée. J'aime mieux
la manière de Xénophon, et Ykomme entre
deux dges était sans doute de mon avis.
Ainsi, Platon nous fait plus admirer So-
crate; Xénophon nous le fait davantage aimer.
L'un lui donne sans doute plus d'imagination
et d'esprit; l'autre, plus de bonhomie et de
bonté. On se défie du génie de Platon, qui,
étant à la fois philosophe et poète, nous fait
un Socrate poète et philosophe. Ces deux fa-
cultés, qui d'ordinaire s'excluent, ne se ren-
contrent point à ce degré dans deux hommes
en un même siècle. Xénophon, homme de bon
sons et d'imagination tempérée, semble plus
rapproché de Socrato et mieux fait pour le
comprendre. Les petites faiblesses que son
héros avoue, comme celle d'aimer le bon vin,
et de s'être senti mordre au cœur par le baiser
d'un jeune adolescent, achèvent de nous le
peindre tel qu'il a dû être. On sait que ce sage,
si bien préservé par sa haute raison des pas-
sions dégradantes, présentait aux Lavaters de
son temps les signes manifestes de tous les
vices. Les aveux de Socrate n'ont donc rien
qui nous surprenne, et nous aimons à trouver,
dans le portrait que Critobule fait de notre
héros, ses yeux a fleur de tête,, son regard de
taureau, son nez camus, ses lèvres épaisses,
sa bouche énorme, enfin, tout le masque des
Silènes. Dans les dialogues de Platon, Socrate
est toujours en scène et comme sur un pié-
destal, ayant le premier et le dernier mot sur
toutes choses, et dominant le cours de la con-
versation. Ici, Socrate écoute, laisse l'entre-
tien errer librement sur toutes sortes de su-
jets, sait se taire, quand il voit que d'autres
ont à dire des choses sensées et intéressantes,
et attend, pour intervenir, que la conversation
dégénère ou qu'il y ait une erreur grave à
redresser. Nous reconnaissons le disputeur
plaisant et avisé, habitué à frapper l'esprit
par quelque paradoxe étrange, quand il dé-
clare à ses convives que le métier qu'il pré-
fère est celui d'entremetteur. Exclamations et
rires. Il s'explique : il est l'entremetteur des
hommes, pour les rendre agréables les uns
aux autres. N'est-ce pas aussi une heureuse
plaisanterie, que cette prétention de Socrate
à disputer le prix de la Deauté à Critobule, ce
scrutin secret improvisé entre les convives,
et la défaite prévue de notre philosophe à l'u-
nanimité? Mais un trait qui peint le bon-
homme d'après nature, c'est sa réponse à
Antisthène, qui croit le trouver en défaut, et
lui demande pourquoi il ne donne pas à sa
femme Xantippe, la plus acariâtre des fem-
mes , l'éducation qu'il préconise et recom-
mande si bien aux autres maris : « C'est que
je vois que ceux qui veulent devenir bons
écuyers se procurent les chevaux les plus
fougueux, persuadés que, s'ils les domptent,
ils viendront facilement a bout des autres. De
même, moi qui veux apprendre à vivre en
société avec les hommes, j'ai pris Xantippe,
convaincu que, si je la supportais, je m'accom-
moderais facilement des autres caractères. »
Tel est le principal mérite du Banquet de
Xénophon : il nous montre Socrate au naturel.
Nous le voyons à table, au milieu de joyeux
compères, riant, plaisantant, chantant, entre-
tenant la bonne humeur par ses paradoxes et
ses saillies; tantôt fou, mais toujours décent;
tantôt sage, mais jamais guindé. Que si parfois
les convives échauffés vont un peu loin , il
laisse faire, et dit comme Rabelais : « Ce sont
propos de table. » Si le divertissement que
viennent donner les danseurs syracusains, si
surtout la représentation un peu trop lascive
des Amours de Bacclius et d'Ariane, qui ter-
mine le banquet nous semblent des scènes un
Eeu risquées en présence de Socrate, n'ou-
lions pas que nous sommes en Grèce, dans
la patrie des Muses et des Grâces, et qu'entre
des Grecs disputant sur l'amour et de graves
Romains discourant sur la vieillesse, il ne
peut y avoir rien de commun.
Un autre intérêt que nous offre le Banquet
de Xénophon, ce sont les notions que nous y
trouvons sur cette étrange aberration de l'a-
mour chez les Grecs ; je veux parler de la
pédérastie. A Rome, ce ne fut jamais qu'un
vice; à Sodome, une infamie; en Grèce, a en-
tendre Xénophon, c'est parfois une noble pas-
sion qui inspire des vertus : « Il me semble,
Callias, que tu as des actions de grâces à ren-
dre aux dieux qui t'ont mis au cœur ton amour
pour Autolycus, pour un jeune homme qui,
loin de languir dans les plaisirs et de s'oublier
dans la mollesse, fait preuve, aux yeux de
tous, de vigueur; de patience et de sagesse...
Si donc tu veux lui plaire, tu devras chercher
à être habile comme Thémistocle , savant
comme Périclès, sage comme Solon. » Ainsi
parle Socrate, et l'on voit que les Grecs ont
eu aussi leur chevalerie, puisque Callias est
prêt à faire, pour Autolycus, ce qu'au moyen
âge un chevalier faisait pour la dame de ses
pensées. C'est, d'ailleurs, le même amour pur,
désintéressé, platonique ; c'est Vénus Uranie.
« Je sais, Callias, que tu n'as d'entretien
avec ton jeune ami qu'en présence de son
père. » Certes, on voit, par ce que dit Xéno-
phon lui-même, que cet amour a eu ses éga-
rements, et, à côté de Vénus Uranie-, U y avait
la Vénus Pandème ; mais de quoi n'abuse-t-on
pas? L'amour de l'homme pour l'homme, in-
spiré par la beauté physique, se conçoit aisé-
ment chez les Grecs, amants passionnés de la
forme ; mais, si ce sentiment s'inspire de la
beauté morale, s'il s'enflamme en présence
des trois dons réunis de la jeunesse, de la
grâce et de la vertu, ne devient-il pas dès
lors une belle et noble passion? Rien ne nous
donne une idée plus juste de cette espèce de
religion des Grecs pour le beau uni à la vertu,
que cette scène muette de respect et d'admi-
ration, au moment où Autolycus apparaît au
milieu du festin : « Un simple coup d'œil jeté
sur le groupe eût fait comprendre que la
beauté a de soi quelque chose de royal, sur-
tout quand elle s unit, comme dans Autolycus,
I à la pudeur et à la modestie. Telle qu'une lu-
| mière qui, brillant soudain dans la nuit, fixe
, tous les regards, ainsi la beauté d'Autolycus
j attirait sur lui tous les yeux. Des convives
fini le contemplaient, il n en était aucun dont
I 1 âme ne fût émue : les uns étaient silencieux,
les autres faisaient quelque geste... » Voilà
l'enthousiasme, voilà le feu sacré 1 Et, en vé-
rité, nous aurions bien mauvaise grâce à nous
plaindre d'un culte qui nous a valu les chefs-
d'œuvre immortels de la statuaire et de la
peinture antiques.
Banquet dos sept «nées (le), ouvrage phi-
losophique attribué à Plutarque. Diodes, un
des convives, raconte à un ami ce qui s'est
passé au banquet que Périandre, de Corinthe,
a donné aux autres sages et à quelques per-
sonnages distingués , Esope , Eumétis, dite
Cléobuline, Anacharsis, etc. Car, malgré le
titre, les convives sont au nombre de dix-sept;
on peut même y ajouter le frère de Périan-
dre, Gorgias, qui arrive à la fin du banquet.
Le repas, qui avait été préparé hors de la
ville, près du temple de Vénus, étant achevé, et
les libations d'usage faites , Viloxène donne
lecture d'une lettre du roi d'Egypte, qui propo-
sait une énigme à Bias, et ce philosophe offre
une solution qui réunit tous les suffrages. Chi-
lon ouvre alors l'avis d'envoyer à ce prince,
pour prémices du banquet, des maximes utiles
au gouvernement de son royaume. Chacun
des sept sages fournit la sienne, et y exprime
son sentiment sur ce qui fait la véritable gran-
deur des rois. Viloxène rapporte alors les
questions posées par Amasis au roi d'Egypte,
et les réponses de ce dernier, que Thaïes rem-
place par des solutions plus conformes à l'es-
prit philosophique. Après une courte digres-
sion sur l'usage de proposer des énigmes, qui
était de la plus haute antiquité, chacun des
sept sages donne son avis sur le gouverne-
ment populaire et l'administration domestique.
Ils examinent, à cette occasion, quelle quan-
tité de biens est nécessaire pour fonder une
maison honnête. En admettant, à cet égard,
une inégalité que les lois elles-mêmes auto-
risent, ils veulent que la frugalité et la mo-
destie soient la règle adoptée. En fait de me-
sures économiques, ils posent la question de
savoir si le souverain bien de l'homme, dans
cette vie, ne serait pas de pouvoir se passer
absolument de nourriture , ou du moins de
n'en prendre que très-peu. C'est le sentiment
de Solon, que Cléodème combat en faisant
ressortir tous les avantages que la table pro-
cure, les jouissances douces et agréables qui
en sont le fruit, l'union qu'elle établit entre
les hommes, et même l'influence qu'elle exerce
sur les progrès des arts les plus utiles. Solon
soutient son opinion, et parle avec beaucoup
de force contre l'usage des viandes, insistant
sur les misères et les incommodités auxquelles
le besoin de nourriture assujettit l'homme.
Comme il achevait son plaidoyer, entre Gor-
gias, frère de Périandre, qui raconte aux con-
vives l'aventure d'Arion sauvé par un dau-
hin. Ce récit en amène plusieurs autres ana-
ogues , et notamment l'histoire d'Hésiode,
dont le cadavre, que ses ennemis avaient jeté
dans la mer, fut porté à terre par des dau-
phins. L'inclination de ce poisson pour l'homme
et son goût pour la musique deviennent l'ob-
jet d'une dissertation, que terminent des ré-
flexions générales sur la Providence et sur le
pouvoir qu'a la divinité de mouvoir à son gré
les volontés des hommes.
Cet entretien est rempli de réflexions mo-
rales excellentes ; mais l'auteur ne se montre
pas toujours critique judicieux. Les transi-
tions, moins nécessaires, il est vrai, dans une
conversation que dans un livre ou un discours
suivi , ne sont pas toutefois assez bien mé-
nagées. Les questions traitées présentent sou-
vent un cachet d'originalité presque excentri-
que. Le style est correct, mais inégal ; parfois
dur, raboteux. Il ressemble à une langue bar-
bare grécisée, et qui n'a pu réussir à se nuan-
cer de ce vernis d'atticisme qui distingue les
grands écrivains d'Athènes.
Bouquet des sophistes (le), entretien pu-
blié par Athénée , au commencement du
me siècle. Le titre de cet ouvrage , fermé
de deux mots grecs , deipnon (repas) et so-
phistes (sage ou savant), signifie Banquet
des savants. L'auteur, l'Egyptien Athénée de
Naucratis, surnommé le Varron des Grecs, a
choisi le cadre d'une espèce de réunion de
savants rassemblés par Laurentius, riche Ro-
main, pour discuter sur des matières scienti-
fiques. Vingt et un interlocuteurs sont en pré-
sence : médecins , jurisconsultes , poètes ,
grammairiens, sophistes, musiciens; tous les
arts sont représentés. Il est question des pré-
paratifs d'une fête et de tout ce qui peut 1 em-
bellir : mets, vins, vases, jeux, parfums, cou-
ronnes de fleurs, et mille autre choses qui se
rapportent aux antiquités, à la botanique, h.
la médecine, a l'histoire, aux sciences natu-
relles, à l'éloquence, à la poésie, à la philo-
logie, aux mœurs et aux usages des Grecs.
En un'mot, c'est un guide à travers la vie do-
mestique en Grèce.
Cet ouvrage est un trésor d'érudition on
tout genre ; on y trouve une variété surpre-
nante de faits, de détails de mœurs et de ci-
tations, sans lesquels on ignorerait beaucoup
de choses curieuses de l'antiquité. Il compre-
nait quinze livres; il nous manque les deux
premiers, une partie du troisième et presque
tout le dernier. Athénée nous a conservé, par
la bouche de ses convives, au nombre des-
Pc
quels se trouvent Galien et Ulpien, un grand
nombre de passages d'écrivains , dont les
noms, sans lui, nous seraient inconnus. Il cite
sept cents auteurs; plus de deux mille titres
d'ouvrages et huit cents pièces de théâtre ap-
partenant à la comédie moyenne. L'histoire
naturelle occupe une large place dans le Ban-
quet des sophistes; on y trouve la description
du seringat, sous le nom de phitadelphus coro-
narius ; aussi, les botanistes reconnaissants
ont-ils dédié àT auteur le genre Athenœa. A la
fin, on peut lire un recueil des chansons que
chantaient les savants de l'époque. On y re-
marque la belle ode d'Aristote À la Vertu.
Dans cet entretien, il est fait mention d'un
autre ouvrage d'Athénée, qui ne nous est pas
parvenu, sur les rois de Syrie.
Le style est assez correct, assez pur ; mais
l'auteur n'a pas su choisir; il a entassé tout
ce qu'il savait; on désirerait une plus grande
dose de discernement, de goût et de critique.
Plusieurs auteurs ont fait de notables em-
prunts à Athénée; Elien, entre autres, a tiré
du Banquet des sophistes la presque totalité
de ses histoires. Athénée, comme Varron et
Aulu-Gelle, nous fait connaître l'antiquité par
un côté presque ignoré, en nous la montrant
dans la vie et les mœurs domestiques; à ce
point de vue, son ouvrage est très-précieux
pour les savants.
Banquet de Julien (LE), Connu aUSSl SOUS
le titre de Banquet des Césars, satire com-
posée par l'empereur Julien contre tous ses
prédécesseurs, est, sans contredit, le chef-
d'œuvre de cet écrivain remarquable. Les
maîtres du monde romain y sont jugés avec
finesse, malice, et parfois quelque peu d'à-
creté. Ce livre offre un puissant intérêt sous
le triple point de vue politique, moral et litté-
raire. En politique, c'est la glorification du
système adopté par l'auteur couronné — et,
comme le dit La Fontaine, cette faiblesse est
commune auxrois ; — en morale, c'est l'établis-
sement du règne de l'Evangile, moins l'idée
de Dieu; en littérature, c'est le monument le
plus remarquable de l'époque. Envisagé sous
une quatrième face, au point de vue histori-
que, le Banquet des Césars présente une va-
leur réelle ; car les personnages y sont traités
avec équité, et la postérité a confirmé presque
tous les jugements de Julien. L'analyse de
l'œuvre les fera connaître à nos lecteurs.
Le jour des saturnales, les dieux, réunis
dans un joyeux banquet, se constituent en
tribunal, pour accorder la palme divine au
plus digne des souverains qui aient gouverné
Rome. Mercure introduit les candidats, et Si-
lène, bouffon accusateur de la céleste Compa-
gnie , les persifle l'un après, l'autre par ses
railleries. Le défilé commence ; César ouvre
la marche. «Prends garde, Jupiter, s'écrie Si-
lène, que cet ambitieux ne t'arrache le sceptre
de la main et la couronne de la tête, tant a
été démesurée la passion qui l'animait pour la
souveraineté du monde!... » Et Jupiter trouve,
en effet, que la tête de ce mortel ne ressemble'
pas mal a. la sienne. La série des empereurs
se présente, après César, dans l'ordre chro-
nologique : 1° Auguste, le caméléon, tantôt
pâlissant, tantôt rougissant, tantôt morne, tan-
tôt gai à l'excès : « Que de ridicules visages
prend cette bête fauve, dit Silène ; de quels
prodigieux malheurs nous menace-t-elle? »
2" Tibère, beau, sévère par devant; portant sur
le dos la lèpre, fruit de ses débauches. 3° Ca-
ligula, le maniaque, cet horrible et détestable
monstre, duquel tous les dieux détournent les
yeux et que les Furies précipitent immédiate-
ment dans les enfers. 4" Claude, le bouffon de
théâtre, aux abois, sans Pallas, Narcisse et
Messaline. 5° Néron entre, une lyre à la main,
et la tête ceinte de lauriers : « Cet infâme a
voulu être mon singe, mais sans imiter mes
vertus, » s'écrie Apollon, et il le précipite dans
le Cocyte. Plusieurs autres prétendants, d'o-
rigine moins illustre succèdent à Néron :
Vindex, Galba, Othon, Vitellius. « D'où vien-
nent, demande Silène, ces hommes de fange,
cette abjecte race d'empereurs? » Vespasien,
suivi de son fils Titus, accourt pour éteindre
le feu mis aux temples. «Chassez cet avare de
l'Egypte, avec son débauché de fils, » s'écrio
Jupiter. Domitien est enchaîné auprès du tau-
reau de Phalaris, et fait place à Nerva, dont
la présence suggère à Silène cette réflexion :
o Vous autres dieux, vous laissez quinze ans
un monstre sur le trône, et ce vieillard, affa-
ble et juste, n'a pas régné un an !» A l'entréo
de Trajan, Silène recommande de veiller sur
celui qui verse à boire aux immortels. Vien-
nent ensuite Antonin le débonnaire , Marc-
Antonin, Lûcius-Vérus, Commode, couché à
terre comme un lâche, et que Silène laisse so
vautrer, ne jugeant pas qu'il vaille la peine
qu'on lui décoche un trait. Pendant ce temps,
Adrien cherche son favori Antinous, qui n'est
pas dans l'Olympe. On ne passe en revue que
pour la forme Pertinax et Sévère, âme farou-
che qui ne connut jamais ta pitié. Gôta est
admis dans l'Olympe; Caracalla, précipita
dans les enfers. Puis viennent Macrin, qui
assassine dans l'ombre; Héliogabale, le dé-
bauché cruel et crapuleux ; Alexandre , le
Syrien, le rival de Vespasien en cupidité; Va-
lérien et Gallien, Aurèlien, suivi des images
effroyables dont la peur terrifie les criminels,
et Valérius Probus. Carus tente de forcer la
consigne ; mais il est repoussé par Némésis,
pour livrer passage à Dioclétien, aux deux
Maximiens et à Constance. Silène n'a rien à
reprocher à Marc-Aurèle ; mais il laisse à la
BAN
BAN
BAN
BAN
183
porte Constantin, impie, meurtrier de ses col-
latéraux et de ses enfants, ennemi des dieux,
qui a cru faire disparaître , avec quelques
ablutions, les crimes de sa vie et les tachas
de son corps. Julien ne ménage pas ce tyran
hypocrite, efféminé et sanguinaire, dont les
soldats ont massacré sa famille, et oublie un
peu trop qu'il a attaché son nom a une des
plus mémorables révolutions de l'ordre social.
A ce moment, Hercule implore pour qu'on
laisse entrer Alexandre le Grand. César ni
les autres empereurs ne se lèvent à son ap-
proche, et Silène demande à Romulus s'il a
peur que ses descendants ne puissent disputer
la palme au héros grec. La rougeur de Romu-
lus répond pour lui.
Mercure appelle enfin les concurrents admis
à l'épreuve définitive : Jules César, Auguste
et Trajan. Sur l'observation de Saturne, qui
trouve étrange qu'on n'admette que des guer-
riers et pas un sage, on fait venir Marc-Au-
rèle. Bacchus réclame alors en faveur des
voluptueux, et on lui permet d'introduire Con-
stantin. La discussion s'ouvre entre ces rivaux .
Jules César a la parole le premier, et pré-
tend modestement que le plus fabuleux ex-
ploit d'Alexandre ne saurait entrer en compa-
raison avec le moindre de ses actes, et que sa
supériorité sur le farouche Macédonien s'ap-
puie sur ses habitudes de clémence. « Tu n'as
essayé tes armes, répond Alexandre, que pour
les tourner plus tard contre ta patrie et tes
frères, préférant la gloire de régner à celle
d'être équitable, et tu n'as élevé ton trône que
sur les débris de la République romaine. » Au-
guste, plus habile, ne veut rabaisser les ac-
tions de personne ; le récit 'de sa vie suffira
pour le louer. « A dix-sept ans , maître du
monde, j'ai remporté des victoires, battu les
ennemis de Rome, relevé le gouvernement et
purifié le monde. » — n Quant a moi, dit Tra-
jan, jo me suis montré plus clément que mes
prédécesseurs ; je n'ai jamais attaqué per-
sonne que pour venger une offense, et je pro-
fesse une souveraine révérence pour la vertu. s
Un prix de douceur lui est décerné. La courte
harangue de Marc-Aurèle obtient un grand
succès. Constantin, qui n'a d'autres titres à
présenter que la défaite d'un lâche et celle
d'un vieillard, est interrompu par les reproches
de Silène, qui lui rappelle que ses conquêtes
ne sont que des conquêtes galantes.
Silène résume alors le débat; il blâme
Alexandre de ses colères, de son ivrognerie
et du meurtre de Clitus. A César, il objecte la
hains des Romains et leur ressentiment légi-
time, en dépit de la douceur do parade qu'il
affectait, en excellent comédien, Ç/OUr mieux
jouer sa farce. A Auguste, qui se vante d'a-
voir eu l'habileté de bien régner, il rappelle
qu'à son propre compte, Denys le tyran ré-
gnait bien et justement; mais qu'il avait eu le
bon esprit de ne pas chercher a se déifier. 11
reproche à Trajan de s'être laissé vaincre par
les plus infâmes voluptés. Pour en finir, et
décider en connaissance de cause, Jupiter de-
mande aux trois plus redoutables concurrents,
Alexandre, César et Marc-Aurèle, le but qu'ils
se sont proposé pendant leur vie. « Vaincre le
monde, répond Alexandre. — Etre le premier,
repart César. — Imiter les dieux, dit Marc-
Aurèle. — Et qu'est-ce qu'imiter les dieux?
demande Silène. — S'oublier soi-même, tra-
vailler pour les autres, avoir le moins de be-
soins pour soi; faire le plus grand bien possi-
ble aux hommes. » La palme lui est accordée,
jugement digne des dieux comme de l'élève
de Marc-Aurèle. Mercure termine le prononcé
du jugement par ces mots : « Allez où il vous
plaira, pour vivre sous la tutelle d'un dieu. ■
Alexandre choisit Hercule pour patron; Au-
guste, Apollon; Marc-Aurèle, Jupiter.et Sa-
turne. Mars et Vénus recueillent César. Tra-
jan se -joint à Alexandre. Constantin se jette
dans les bras de la Mollesse et y retrouve son
fils. La justice éternelle et vengeresse avait
ordonné contre lui des supplices épouvanta-
bles; mais Jupiter les adoucit en laveur de
Claude et de Constance. Pour clore la séance,
Mercure se tourne vers Julien et lui dit : a Je
veux que tu reconnaisses le soleil pour ton
père. »
Le Banquet des Césars est une des plus re-
marquables et des plus originales productions
du génie antique. Dans ce tableau des vertus,
des travers et des vices des empereurs, les
figures sont tracées de main de maître, avec
une finesse de touche et une variété de cou-
leurs admirables. » Ecrivain plein de grâce et
de naturel, dit M. Vacherot, Julien laisse ra-,
renient échapper des traits de mauvais goût
ou des mouvements déclamatoires. Il a plus
d'esprit que d'imagination, plus de vivacité
que d'éloquence, plus de finesse que d'éléva-
tion et de grandeur. Aucun auteur du temps
ne peut lui être comparé pour la simplicité de
la composition, pour la clarté et l'élégance du
style. » — « Aucun écrivain, ajoute M. Feillet,
pas même Tacite, n'a stigmatisé les maîtres
du monde en des termes plus énergiques que
ceux dont Julien s'est servi dans le Banquet
des Ce'sars. »
Banquet (le), en italien, 11 Convito, ouvrage
de Dante, publié à Florence, en 1490. C'est
une sorte do traité philosophique resté ina-
chevé. L'auteur comptait donner (il était alors
en exil et dans un âge avancé) un commen-
taire sur quatorze de ses Ctmzoni ou Odes ;
mais il n'exécuta son dessein que sur trois
seulement. Le titre choisi signifie que le livre
est une nourriture pour l'ignorance. Esprit
scolastique, Dante suit la méthode en honneur
dans les écoles du moyen âge. Il étale avec
complaisance les connaissances étendues qu'il
possède en philosophie, en astronomie et dans
les autres sciences cultivées de son temps. Il
commence par inviter les hommes aux études
spéculatives , nourriture céleste de l'intelli-
gence. « Heureux, dit-il, le petit nombre qui
s'assied à la table où l'on mange le pain clés
anges ; et malheureux ceux qui ont, avec les
animaux, une nourriture commune 1 Mais ceux
qui sont admis à la table choisie ne voient
point sans pitié le commun des hommes paî-
tre, comme de vils troupeaux, l'herbe et le
gland ; et ils sont toujours disposés à leur faire
part de leurs richesses. Pour moi, qui ne m'as-
,sieds point à cette table, et qui fuis la pâture
vulgaire, je ramasse, aux pieds de ceux qui y
sont assis, ce qu'ils laissent tomber. Je con-
nais la vie misérable que mènent ceux que j'ai
laissés derrière moi ; et, sans m'oubiier moi-
même, j'ai préparé pour eux un banquet géné-
ral de tout~ce que j'ai pu recueillir ainsi. »
Continuant cette même figure, il explique les
dispositions qu'il faut apporter à son banquet,
et dit quels sont les quatorze mets qu'il se pro-
pose d'y servir. Si le repas n'est pas aussi
splendide que pourraient le désirer les convi-
ves, ce n'est point sa volonté qu'ils doivent en
accuser, mais sa faiblesse. S'il vient à parler
de ses propres ouvrages, c'est qu'il veut se
relever aux yeux des nommes de l'état d'a-
baissement où on l'a plongé. Il s'écrie avec
douleur : «Ah! plût au régulateur de l'uni-
vers que ce qui fait mon excuse n'eût jamais
existé, que l'on ne se fût pas rendu si coupa-
ble envers moi, et que je n'eusse pas souffert
injustement la peine de l'exil et de la pau-
vreté! Il a plu aux citoyens de Florence, de
cette belle et célèbre fille de Rome, de me
j*ter hors de son sein, où je suis né, où j'ai
été nourri toute ma vie, ou, enfin, si elle le
permet, je désire de tout mon cœur aller re-
poser mon âme fatiguée et finir le peu de
temps qui m'est accordé. Dans tous les pays
où l'on parle notre langue, je me suis présenté
errant, presque réduit à la mendicité, mon-
trant, malgré moi, les plaies que me fait la
fortune, et qu'on a souvent l'injustice d'impu-
ter à celui qui les reçoit. J'étais véritablement
comme un vaisseau sans voiles, sans gouver-
nail, jeté dans des ports, des golfes et sur des
rivages divers par le vent rigoureux de la dou-
leur et de la pauvreté. Je me suis montré aux
yeux de beaucoup d'hommes, a qui peut-être
un peu de renommée avait donné une tout
autre idée de moi; et le spectacle que je leur ai
offert a non-seulement avili ma personne, mais
peut-être rabaissé le prix de mes ouvrages...
C'est pourquoi je veux relever ceux-ci, autant
que je pourrai, par les pensées et par le style,
pour leur donner plus de poids et d'autorité. »
Dante explique ensuite pourquoi il a fait cet
écrit, non en latin, mais eu langue vulgaire,
et il donne de très-bonnes raisons de sa pré-
férence et de son attachement pour cette lan-
gue,'à laquelle il croit avoir tant d'obligation,
mais qui est encore bien plus redevable à l'im-
mortel poëte.
C'est après ce long préambule que Dante
passe au texte et au commentaire de ses Can-
zoni. La broderie couvre ici toute l'étoffe ; elle
la pénètre, la dépasse, et finit par la faire
disparaître aux regards. Ainsi, la troisième
Canzone a sept strophes de vingt vers ; elle
traîne à sa suite un commentaire de cent pages
et plus. Le poete-critique entreprend d'inter-
préter et le sens littéral et le sens allégorique
de chaque pièce, de chaque vers et presque
de chaque mot. Ses nombreux commentateurs
n'ont pas procédé différemment ; ils n'ont fait
qu'adopter cette méthode. Avant de s'engager
dans ces prolixes explications, Dante prédit
positivement, quoique d'une manière figurée,
la gloire à laquelle était sur le point de s'éle-
ver la langue italienne, encore si près de sa
naissance ; la langue latine n'était déjà plus
parlée. « Telle est, dit-il, la nourriture solide
dont des milliers, d'hommes vont se rassasier,
et que je vais leur servir en abondance ; ou
plutôt tel est le nouveau jour, ie nouveau so-
leil qui s'élèvera, dès que 1» p aleil accoutumé
sera parvenu à son déclin fl rendra la lu-
mière à ceux qui sont dans i&s ténèbres, parce
que l'ancien soleil ne luit plus pour eux. »
Dante déclare que ses Canzoni (qui traitent
de l'amour et de la vertu) ont un sens réel, un
sens moral, et un sens allégorique ou spirituel,
et que la dame dont il s'éprit, après la mort de
Béatrix, dépeinte dans la VUa Nuova, est la
très-noble dame dont s'éprit Pythagore, la
fille de l'empereur de l'univers, la philosophie,
personnifiée dans ses nouvelles .Canzoni. Il
Fasse en revue divers points de la science de
époque : l'ordre terrestre, l'ordre civil, l'ordre
céleste; la triple nature humaine (végétative,
animale et sensitive) ; les correspondances
entre les cieux et les sciences ; les vertus et
les quatre âges de la vie. Il proclame l'immor-
talité de l'âme, le néant des richesses corrup-
trices, l'égalité des hommes, dont les mérites
font la seule noblesse.
Le Banquet, œuvre fatigante par la prolixité
de ses gloses, vit d'un souffle inspirateur qui
ranime toute cette vieille érudition scolasti-
que, tirée indistinctement des docteurs païens,
catholiques et musulmans. On y trouve de
belles démonstrations, un style mâle et une
pensée virile.
Banquet des dieux (le), tableau de Van
Balen ; musée du Louvre. Au bord de la mer,
a l'entrée d'une grotte décorée de coquillages,
Saturne, Apollon, Neptune et Mars sont assis
à une table chargée de mets. Déjeunes nym-
phes servent les dieux; celle-ci apporte des
fruits, celle-là un homard. Un Amour présente
une coupe à Mars, un autre traîne un gros
poisson. Au deuxième plan, une table est cou-
verte de pièces d'orfèvrerie. A gauche, sur
les flots, des néréides et des tritons jouant de
la conque marine entourent le char d'Amphi-
trite. Ce tableau, signé H, V. Balen, a été
gravé sur bois dans l'Histoire des peintres.Vn
autre Banquet des dieux du même artiste, et
une composition analogue peinte par Adrien
Van Stalbent, figurent dans la galerie de
Dresde. Le musée royal de Madrid possède
un tableau sur le même sujet, signé des lettres
D. C., que l'on croit être les initiales du nom
de David Colyns, qui fut le maître de Salomon
Koning. La composition diffère peu de celle
que nous venons de décrire; la table est
dressée au bord de la mer et à l'entrée d'une
grotte; les dieux Neptune, Jupiter, Vulcain et
Mercure sont servis par des nymphes et des
Amours; Hébé verse l'ambroisie; les divinités
marines forment un concert. — Nous devons
citer encore le Banquet des dieux, de Jean
Rottenharaer, qui est au musée d'Angers, et
que M. Clément de Ris regarde « comme un
morceau de la plus belle qualité de cet ar-
tiste. » La peinture est d'une irréprochable
conservation. Les personnages, d'un coloris
brillant mais sec, se détachent, au milieu de
mille accessoires , sur un fond de paysage
d'un vert intense. On compte quarante figures
environ sur différents plans. Ce tableau, qui
n'a guère que 0 m. 33 cent, de haut sur 45
de large, a fait partie de la collection Blondel
de Gagny. Pendant son séjour à Augsbourg,
en 1595, Rottenhamer avait peint pour l'em-
pereur Rodolphe un autre Banquet des dieux,
de grandes dimensions, qui passait pour être
le meilleur de ses ouvrages : nous ignorons
ce que cette peinture est devenue.
Banquet de Térée, tableau de Rubens; mu-
sée royal de Madrid. La fable raconte que
Térée, roi de Thrace, après avoir épousé
Progné, fit violence à Philomèle, sa belle-
sœur, et lui arracha ensuite la langue pour
la contraindre au silence. Progné, instruite
néanmoins de ce double crime, égorgea Itys,
le fils qu'elle avait eu de Térée, et donna à
manger à ce dernier une partie du corps de
l'innocente victime. Le repas terminé, elle
montra au roi, en présence de Philomèle, la
tête de l'enfant. C'est ce dernier épisode qu'a
représenté Rubens. « La femme, tenant la
tête ensanglantée, dit M. Lavice, est trop
jolie, trop blonde , trop flamande pour un tel
rôle. Elle et sa sœur crient avec une joie s'au-
vage. Térée, saisissant son épée, jette à son
tour un cri de rage. Tout cela est horrible.
C'est un de ces drames dont un peintre déli-
cat ne voudrait pas salir sa toile. » Inutile
d'ajouter que l'exécution du tableau offre cette
vigueur de touche, cette puissance de couleur
qui sont le partage du grand maître flamand.
Banquet de la garde civique d'Amsterdam,
célèbre tableau de Bartholomeus van der
Helst, au musée d'Amsterdam. Cette peinture,
regardée comme un des plus beaux chefs-
d'œuvre de l'école hollandaise, représente les
arquebusiers et les arbalétriers de la garde
civique, fêtant, par un repas, la conclusion du
fameux traité de Westphalie ou paix de Mun-
ster, qui mit fin à la guerre de Trente ans et
consacra l'indépendance des Provinces-Unies
(1648). La scène se passe dans une vaste salle,
percée, au fond, d'une arcade et d'une fenêtre
entr'ouverte, par laquelle on aperçoit des ar-
bres et des maisons. La table du banquet est
dressée -dans la largeur du tableau. Au coin
droit est assis le capitaine de la compagnie, le
gros Jan Wits ou Witsen, tourné de trois
quarts, vêtu de noir, avec une cuirasse et une.
ceinture bleue, et coiffé d'un grand chapeau
noir, à plumes blanches. De la main gauche,
il tient, appuyé sur sa cuisse, un énorme ha-
nap d'argent, dont l'anse est formée par une
figure équestre de saint Georges, patron des
arquebusiers ; de la main droite, il serre la
main de son lieutenant, Joanues van Wave-
r.en, assis près de lui, et placé presque de pro-
fil. Le lieutenant est très-richement costumé:
il a un pourpoint et des hauts-de-chausses
gris perle, ouvragés d'or, une écharpe bleue,
des bas verts, des bottes à chaudron et un
chapeau noir, à plumes brunes. Derrière ces
deux personnages sont trois hommes debout,
dont un tient à la main un chapeau gris, à
Elûmes tricolores] un quatrième porte une
allebarde; au second plan, arrive une ser-
vante, apportant un pâté. A l'autre angle de
la table, sur la gauche du tableau, quelques
convives assis boivent ; plusieurs hommes de-
bout sont armés d'arquebuses. Entre ces deux
groupes et en deçà de la table est assis le
porte-drapeau, Jacob Banning, la tête de face,
les jambes croisées, la main droite tenant un
chapeau noir, à plumes blanches ; la gauche,
un drapeau, dont le haut se perd dans le ca-
dre. Devant ce personnage se trouve un tam-
bour, sur lequel est placé un papier, où sont
écrits quatre vers du poëte Jan Vos, dont voici
la traduction : » Le sang répugne à Bellone,
et Mars maudit le bruit du bronze destruc-
teur. L'épée aime le fourreau. C'est pourquoi
le brave Wits présente au noble van Wave-
ren la coupe de la paix, pour fêter l'alliance
perpétuelle. » A gauche de Banning est. assis
un personnage qui a un pourpoint jaune-ci-
tron, des hauts-de-chausses gris, bordés d'or,
des bas rouges, des bottes molles, et qui tient
à pleine main le manche d'un jambon ; il se
retourne pour recevoir un hanap , orné de
magnifiques sculptures, que lui présente res-
pectueusement un homme debout, vêtu d'un
pourpoint de soie noire, tailladé de jaune, avec
une large fraise, une ceinture rouge et des
bas jaunes. De l'autre côté de la table sont
assis plusieurs autres personnages , celui-ci
pelant un citron, celui-là découpant un pou-
let, etc. En tout, vingt-quatre figures de gran-
deur naturelle, en pied, et dont les noms sont
inscrits au bas du tableau. La toile n'a pas
moins de 5 m. 38 de large sur 2 ni. 27 de haut.
Elle est signée en gros caractères: Bartholo-
meus van aer Helst fecit, Ao 1648.
Cette vaste composition jouit d'une très-
grande réputation en Hollande ; un ancien
catalogue du musée d'Amsterdam (1835) n'hé-
site pas à l'appeler « le plus excellent de tous
les tableaux hollandais. » Suivant le célèbre
peintre anglais Reynolds, » c'est peut-être le
plus beau tableau à portraits qui ait jamais
existé. » M. Duchesne aîné n'est pas moins
élogieux : « Dans ce chef-d'œuvre de l'école
hollandaise, dit-il, composition, couleur, har-
monie, expression, tout est beau, tout est par-
fait. » Dernièrement , M. Maxime Du Camp
(Voyage en Hollande) a beaucoup rabaissé
les mérites de ce tableau ; il a été jusqu'à dire
que c'était une première toile... de troisième
ou de quatrième ordre. Un de nos plus savants
critiques d'art, M. Bûrger, qui a fait une étude
! approfondie des maîtres hollandais , a porté
j sur l'œuvre de van der Helst un jugement
plus équitable : « Plusieurs des têtes de ce
tableau, dit-il, sont prodigieuses de vie, prin-
cipalement celles de l'écnanson à bas jaunes,
du porte-drapeau, du peleur de citron, etc.
Les mains, les étoffes, les décorations diver-
ses, tout est exécuté avec une correction scru-
puleuse, qui ne sacrifie aucun détail, mais
aussi avec une largeur et une justesse de tou-
che, avec une abondance de pâte, qui sauvent
de la minutie cette éclatante peinture; trop
éclatante pourtant, il faut le dire, et sans
parti pris d'ombres et de contrastes, qui, en
concentrant la lumière sur certains points
principaux, assurent l'unité de l'effet. La lu-
mière, presque égale d'un bout de la toile à
l'autre, divise trop l'attention. L'œil saute
d'une figure à un costume, admire un instant,
s'égare, se fatigue et ne transmet à l'esprit
qu'une impression multiple ; chaque morceau,
.peint à la perfection, est bien instructif pour
les artistes ; mais l'ensemble ne vous saisit
point, comme la poétique peinture de Rem-
brandt (la Ronde de nuit), qui est en face. 11
est très-curieux de passer quelques heures
entre ces deux chefs-d'œuvre, qui se sont tou-
jours disputé la palme de la grande école hol-
landaise et ont souvent excité des fanatismes
exclusifs. • Le Banquet provient, comme la
Bondé, de l'ancien hôtel de ville d'Amster-
dam, où il ornait la grande chambre du con-
seil de guerre. Un artiste hollandais, M. Kai-
ser, a publié récemment une grande gravure,
très - correcte et très - habile , de ce chef-
d'œuvre.
Banquet dessinées, tableau de Téniers; mu-
sée royal de Madrid, Rien de plus grotesque,
de plus divertissant que cette réunion de ba-
bouins en goguette. Les uns mangent avec un
entrain qui fait plaisir à voir, et se donnent
des airs de véritables gastronomes ; d'autres
boivent ou fument. Des serviteurs s'agitent
autour de la table du festin. Les trois buveurs
attablés adroite, surtout celui qui a une pipo
passée à sa ceinture, sont impayables. Tous
ces singes sont costumés à la mode hollan-
daise, mais ils conservent, sous leurs vête-
ments, les allures et les attitudes de leur es-
pèce. ■ Comme tout cela est croqué ! dit M. La-
vice, et quelle bonne plaisanterie ! Car j'ima-
gine que l'auteur a voulu dire : Des singes
qui ont vu et se souviennent peuvent se
trouver à la hauteur de certains hommes dont
l'âme est descendue dans l'abdomen; ils l'em-
porteront même sur eux en sagesse, dès qu'ils
reprendront leur posture à quatre pattes ,
leurs gambades et leurs habitudes de tempé-
rance, u
BANQUETANT (ban-kc-tan) part. prés, du
v. Banqueter.' Les petits s'en vont gaiement par
le chemin, banquetant à toutes les auberges,
tant que dure leur joie, ou plutôt leur argent.
(Balz.)
banquetant, ante, adj. et s. (ban-kc-
tan, an-tc — rad. banqueter). Néol. Coin:,
celle qui banquette, qui prend part à un re-
pas de plaisir : Les cris des mourants et les
chants bachiques des banquetants devaient se
couvrir et s'entendre à la fois. (E. Sue.) Il Inus.
BANQUETER v. n. ou int. (ban-ke-lê —
rad. banquet. — Double le t devant une syl-
labe muette : Je banquette ; tu banquetteras ;
nous banquetterions). Prendre part à un re-
pas somptueux ou abondant : JVe dites pas
cela au père Crevel, qui, sachez-le bien, a
trop souvent banqueté dam des parties car-
rées avec votre scélérat de mari. (Balz.) Ou
avait, cependant, bien banqueté à Vatu\(Aîox.
Dumas.) Les cochers, riches d'un salaire ex-
traordinaire, banquetaient, rigolaient comme
des seigneurs. (E. Sue.)
banqueteur s. m. (ban-ke-teur — rad.
banqueter). Individu qui banquette habituel-
lement : Eh bien ! ces banqueteuks ont joué
avec ta poudre. (E. Sue.)
184
BAN
BANQUETTES, f. (ban-kè-to — rad. banc).
En général, banc rembourré sans dossier:
Les banquettes du parterre, d'une voiture,
d'une salle de bal. Les banquettes étaient
convenablement rembourrées. (Alex. Dura..)
Une jeune fille escalada le marchepied, et s'as-
sit sur la banquette du fond de la voiture.
(H. Berthoud.)
— Particulièrem. Impériale d'une voituro
publique : Monter sur la banquette de l'om-
nibus. Que faire sur la banquette d'une dili-
gence, d moins que l'on ne regarde? (V. Hugo.)
— Par cxt. Personnes qui occupent une
banquette : La banquette interpellait l'in-
térieur, qui se plaignait de la rotonde. Dites à
la Chambre des députés que l'argent ne signifie
rien, et vous verrez s'élancer toutes les ban-
quettes. (Balz.)
— Théâtr. Jouer devant les banquettes,
Jouer devant. une salle à peu près vide:
Faute d'interprètes suffisants, l'ancien réper-
toire tombait en désuétude et se jouait devant
les banquettes. (Th. Gaut.) il Autrefois, Bancs
qui garnissaient les deux côtés do la scène,
et qui étaient réservés à des spectateurs de
distinction : C'est à Lekain et au comte de
Lauraguais qu'on doit la suppression des ban-
quettes.
— Techn. Nom donné à dos bandes de 1er
fjue l'on place du côté du laiterol des foyers
à la catalane, pour soutenir une portion du
minerai et du combustible, et faciliter l'affi-
naue ou le chauffage. Il Petite planche sur
laquelle l'ouvrier est assis, dans les manu-
factures do soie.
— Ponts et chauss. Masse de terre prove-
nant d'un excédant des déblais sur les rem-
blais, que l'on établit on dehors et le long de
la tranchée d'où on l'a extraite, quand elle
est trop considérable pour qu'on puisse la
transporter ailleurs avec économie : La ban-
quette prend le nom de cavalier lorsqu'elle a
une grande hauteur, il Espace horizontal con-
servé dans les talus des tranchées ou des rem-
blais pour donner plus de stabilité à ces talus.
Il Petite voie pour les piétons, qui borde une
rue, un grand chemin, un chemin de fer : Les
banquettes des voies ferrées ont généralement
50 centimètres de largeur. || Banquette de ha-
lage, Chemin établi le long des canaux avec un
surhaussement qui permet aux moteurs ani-
més de haler les bateaux circulant sur ces
canaux. La largeur des banquettes de halago
varie de 4 à 6 mètres. Il Uanquette de contre-
halage, Banquette moins large établie sur la
rive opposée, et qui ne sert qu'aux piétons. '
il Banquette de sûreté, Parapet en terre, de
0 m. 25 à 0 m. 50 c. de hauteur, que l'on
établit de chaque côté des routes en remblai
ou à flanc de coteau, du côté do la vallée,
pour empêcher les voitures de s'y précipiter,
— Fortif. Sorte de marche horizontale,
établie à i m. 30 c. environ en contre-bas de
la crête intérieure du parapetd'un ouvrage do
fortification, et sur laquelle les fusiliers mon-
tent pour tirer. Il Talus de banquette, Rampe
légère, par laquelle on monte du terre-plein
à la banquette.
— Archit. Appui en pierre d'une fenêtre.
Il Menuiserie qui recouvre cet appui en avant
et par-dessus, il Tablette en saillie ou formée
par l'épaisseur du mur, qui est placée devant
les trous d'un pigeonnier et sur laquelle les
pigeons se posent avant d'entrer ou de sortir.
— Hortic. Palissade à hauteur d'appui,
t entre les arbres d'une contre-allée.
— Manég, Banquette irlandaise, Ravin ou
fossé situé entre deux monticules, que les
chevaux doivent franchir dans les courses au
clocher : Murs en pierre, banquette irlan-
daise, rivières, haies simples ou doubles, bar-
' rières fixes, complètent la série des différents
obstacles à franchir, au nombre d'une vingtaine,
dont quelques-uns nous ont paru formidables.
(L. Bertrand.)
— Encycl. Les places dites banquettes d'im-
périale, des voitures publiques, avaient été
affranchies, par l'art. 68 de la loi du 9 ven-
tôse an VI, de l'impôt du dixième du prix des
places, auquel ces voitures sont assujetties.
Mais la loi de finances du 25 mars 1817 doit
être considérée comme ayant aboli cette fran-
chise, et lés- places d'impériale sont mainte-
nant, comme toutes autres places, soumises à
l'impôt du dixième de leur prix, au profit de
l'administration des contributions indirectes.
C'est ce qu'après quelque hésitation, la cour
do cassation a décidé, par un arrêt solennel
du 10 janvier 1829.
Dans l'antiquité, il n'est nullement fait
mention de banquettes dans les théâtres ou
les cirques ; lorsque les Romains, à l'imitation
des Grecs, firent construire un grand nombre
de cirques, ils négligèrent complètement de
donner aux spectateurs les moyens de s'as-
seoir. Ce défaut de confortable était bien
excusable, lorsqu'on songe que certains cir-
ques pouvaient contenir cent cinquante à deux
cent mille spectateurs; aussi, dit un auteur
ancien, ceux des assistants qui voulaient être
assis pendant le spectacle se faisaient faire
eux-mêmes des sièges plus ou moins com-
modes, selon leurs facultés, et les faisaient
placer au lieu où ils voulaient s'asseoir. Cette
nécessité d'emporter un banc ou une chaise
avec soi devait offrir quelques inconvénients ;
aussi, Tarquin le Superbe fit-il garnir de ban-
quettes de bois le cirque qu'il avait tracé, en-
tre le mont Aventin et le mont Palatin. Mais
BAN
bientôt on s'aperçut que ces banquettes n'é-
taient pas assez solides pour supporter la
grande quantité de gens qui s'asseyaient des-
sus, et on les remplaça par de simples gradins
en briques, sur lesquels les spectateurs pla-
çaient des coussins. A la brique démocratique
succéda le marbre du patricien, et les gradins
de marbre devinrent le complément obligé
dos cirques. Ces gradins étaient séparés de
l'arène, non-seulement par de forts barreaux,
mais encore par un large fossé rempli d'eau
— mais de banquettes point, — et ce genre de
sièges ne fit son apparition au théâtre qu'au
moyen âge, et, qui le croirait? non pas dans
la salle, mais sur le théâtre. Sur le devant de
la scène et du côté des spectateurs, des ri-
deaux formaient une espèce de niche où l'ac-
teur ou l'actrice entrait lorsque devait s'ac-
complir une scène que l'on ne voulait pas
exposer à la vue des spectateurs? telle que
celle de l'incarnation de notre Seigneur, de
l'accouchement de la Vierge, etc.; enfin, der-
rière cette niche, au lieu de coulisses, se trou-
vaient des banquettes sur lesquelles les ac-
teurs s'asseyaient lorsqu'ils avaient fini leur
scène. Une fois assis, on les supposait ab-
sents, et ils étaient censés ne voir et n'entendre
rien de ce qui se passait, quoiqu'ils restassent
sous les yeux des spectatenrs. L'habitude que
l'on avait de les voir ainsi faisait que l'illusion
était la même, et cette habitude s'introduisit,
des théâtres mobiles élevés pour !a repré-
sentation des mystères, sur ceux qui furent
consacrés à la représentation des chefs-d'œu-
vre de la scène française. Pendant toute la
durée du xvns et de la première moitié du
xvm' siècle, des banquettes sur lesquelles les
acteurs s'asseyaient furent placées en tra-
vers et de chaque côté de la scène ; puis,
quand les acteurs se retirèrent dans les cou-
lisses, ce fut au tour des gens de qualité de
s'asseoir sur les banquettes et d'y faire montre
de leur bonne mine, tout en s entretenant à
haute voix de leurs petites affaires. A la pre-
mière représentation de Sémiramis, la scène
était tellement encombrée parles spectateurs
des banquettes, que les acteurs pouvaient à
peine se mouvoir dans l'enceinte rétréc.ie
qu'on voulait bien leur laisser occuper ; lors-
qu'ils en furent à l'endroit de la pièce où le
tombeau de Ninus s'ouvre pour l'apparition
de l'ombre, le régisseur, placé dans la cou-
lisse, s'écria d'une voix sonore : Place 'à
l'ombre, messieurs,*place à V ombre, s'il vous
plaît!
C'est à Lekain qu'on doit la suppression des
banquettes : « Un véritable service rendu par
Lekain à l'art dramatique fut la suppression
des banquettes de théâtre. » (Mémoires sur
Lekain.)
Pendant les premières années du xrxc siècle,
nombre de théâtres étaient dépourvus de
banquettes au parterre, et le public s'y tenait
debout. « Le parterre est certainement une des
places les plus commodes depuis qu'on y a mis
clés banquettes , » dit l'auteur du Code théâ-
tral de 1829. Certes, ce fut une excellente
mesure que celle qui permettait à chacun d'é-
couter sans fatigue- le spectacle, et les direc-
teurs comprirent que c'était diminuer la tur-
bulence habituelle du parterre que de le bien
asseoir. Il était tout naturel de prévoir qu'il
serait mieux disposé en faveur du spectacle,
en se trouvant commodément assis, qu'en res-
tant pendant plusieurs heures sur ses jambes.
Cependant il arriva que les banquettes de la
Comédie-Française furent brisées parunefoulo
en délire... mais c'était l'enthousiasme qui ex-
citait ce tapage. Ecoutez Jérôme Paturot :
« Je vous ai parlé tout à l'heure de la pre-
mière représentation à'Hernani. C'est là que
nous fûmes beaux! jamais bataille rangée ne
fut conduite avec plus d'ensemble, enlevée
avec plus de vigueur. Il fallait voir nos che-
velures, elles nous donnaient l'aspect d'un
troupeau de lions. Montés sur un pareil dia-
pason, nous aurions pu commettre un crime;
le ciel ne le voulut pas. Mais la pièce! Comme
elle fut accueillie ! quels cris! quels bravos I
quels trépignements, monsieur 1 les banquettes
de la Comédie-Française en gardèrent trois
ans le souvenir. Dans l'état d'effervescence où
nous étions , on doit nous savoir quelque gré
de ce que nous n'avons pas démoli la salle. »
•Sous la Restauration et pendant les pre-
mières années du règne de Louis-Philippe, les
loges des théâtres étaient garnies de ban-
quettes, au lieu d'être meublées de fauteuils;
aussi, J. Rousseau se plaignait de cet inconvé-
nient en ces termes : « Vous vous faites ou-
vrir une loge vide, vous vous placez à la pre-
mière banquette, et vous attendez patiemment
que la toile se lève, eu lorgnant les jolies
femmes qui, petit a petit, apparaissent dans la
salle. En effet, toutes les loges s'emplissent;
seul, vous occupez toute la capacité de la vô-
tre. On va lever le rideau, deux daines arrivent
dans votre loge, vous vous serrez un peu, et
vous avez un voisinage qui pourra charmer
les entr' actes. Un instant après, un monsieur
entre avec sa femme , et, comme vous n'êtes
pas malappris, vous vous empressez de céder
votre place à la retardataire. Après tout ,
l'on voit et l'on entend aussi bien sur la se-
conde banquette que sur la première. Oui;
mais ces trois dames ont des chapeaux ornés
de plumes et de fleurs, qui établissent, entre
vous et le théâtre, un rideau de verdure...
C'est tout au plus si , de temps en temps ,
vous pouvez saisir à la volée le profil d un
acteur ou le sommet des cheveux d'une ac-
trice. »
T
ii
BAN
L'inconvénient signalé n'existe plus; les
banquettes ont disparu des loges oour faire
place à des fauteuils disposés en amphithéâ-
tre ; et, exilées également do l'orchestre, elles
n'existent plus au théâtre qu'au parterre et
aux galeries supérieures , où vont s'asseoir
ceux que la modicité de leur bourse empêche
lie se prélasser dans les stalles. Quant aux
chapeaux des dames, ils sont devenus si pe-
tits, si imperceptibles, en cet an de grâce 1866,
qu'ils ont cessé d'être un obstacle pour la vue
de la scène.
BANQUIER s. m. (ban-kiô , rad. banque).
Celui qui fait la banque ; propriétaire ou di-
recteur d'une maison de banque : Les ban-
quiers sont comme les dentistes, il ne faut
pas s'en faire des ennemis ; qui sait si demain'
on n'en aura pas besoin? (Laboulaye.) Les ban-
quiers sont une transition du nouvel ordre
social, qu'il faut soigneusement étudier et
mettre à profit. (E. de Gir.) La seule diplo-
matie utile maintenant, ce ne sont pas les
chancelleries qui la font, ce sont les banquiers.
(E, de Gir.) ll.faut qu'un banquier soit fas-
tueux; les splendeurs du luxe, les séductions
de la vanité conviennent à sa profession péril-
■ leuse et brillante. (M"»s E. de Gir.) C'est de
l'usure cela, seigneur banquier, ou je ne m'y
connais pas. (Alex. Dum.)
La femme du banquier, dorée et triomphante,
Coupe orgueilleusement la duchesse indigente.
Régnas».
De grand matin, chez un banquier fameux -
Certains voleurs avaient su s'introduire;
Quel coup pour eux! Besoin n'est de déduire
Combien d'avance ils s'estimaient heureux.
Au coffre-fort vole toute la bande ;
Mais le banquier les avait prévenus,
Et la nuit même, avec tous ses ecus,
Le drôle était parti pour la Hollande.
ANDKIEUX.
— Jeux. Joueur qui tient contre tous les
autres : Il ne me restait plus qu'à voler ; je me
fais banquier de pharaon. (Beaumarch.)
— Admin. occlés. Banquier expéditionnaire
en cour de Borne, Individu qui se chargeait
de l'obtention des bulles et dispenses de la
cour do Rome, et de la transmission des
droits payés dans ce but.
— Antonymes. Au jeu : Croupier, ponte.
— Encycl. Admin. ecclés. Les fonctions des
banquiers expéditionnaires consistaient dans
la transmission de toutes les bulles, dispenses
et autres actes qui émanaient soit de la cour
de Rome, soit de la légation d'Avignon. L'ar-
ticle 5 de l'édit de juin 1550 portait que le»
banquiers et tous autres s'entremettant pour
l'expédition des actes de Rome et d'Avignon
seraient obligés de prêter serment devant le
juge ordinaire du lieu, de tenir un registre de
leurs opérations, et de fournir un cautionne-
ment de 1,000 écus, soit 6,000 francs. Un rè-
glement enregistré par le parlement de Paris
le 10 février 1G19 renferme des dispositions à
peu près semblables. Les banquiers expédi-
tionnaires devaient être laïques, n'avoir pas
moins de vingt-cinq ans et ne dépendre d'an -
cun ecclésiastique. Ils ne pouvaient ni pos-
séder ni exercer en même temps la charge do
banquier, de contrôleur ou de notaire. L'exer-
cice simultané de ces fonctions par un père
et son fils, par un beau-père^et son gendre,
par un oncle et son neveu, par des cousins ou
des frères habitant le même lieu , constituait
encore un cumul interdit par la loi. Leurs pri-
vilèges étaient que seuls, et à l'exclusion de
toutes autres personnes, ils avaient le droit
de solliciter 1 expédition des actes que l'on
avait à demander à Rome.
Banquier et sa fciuuio (le), tableau de
Quentin Matsys; musée du Louvre. "V. Avares.
BANQUIER s. m. (ban-kié — rad. banc).
Navig. Nom donné aux navires qui vont
faire la pèche de la morue sur lo banc
de Terre-Neuve, sans prendre connaissance
de terre, et qui, se tenant sur les sondes du
banc, salent la morue au fur et à mesure de
sa pèche. La morue ebargée par ces navires
est apportée, en termes do marine, en frais
sel, sous le nom de morue fraîche ou morue
verte; les principaux ports à banquiers sont
Dieppe, Fêcamp, Sain t-Valery-on-Caux. G ran-
ville, Saint-Malo, Saint-Briouc et Bayonnc.
Il On écrit aussi bancquier, orthographe qui
est plus conforme à l'étymologie.
BANQUIER, ÈRE adj. (ban-kié, è-ro — rad.
banque). Néol. Qui concerne, qui a rapport
aux banquiers ou à la banque : Serait-il
vrai qu'une conspiration existe dans notre
pays, pour nous vendre à l'aristocratie ban-
quikkk de l'Europe? (Proudh.)
BANQUIÈRE s. f. (ban-kiè-re — rad.
banquier). Femme d'un banquier : En lui
parlant de la reine, elle l'appelait quelquefois
notre grosse banquikre. (Tall. des Réaux.)
Le monde qui fréquente ces beaux magasins de
lingerie, ce sont les dames de la haute société,
des banquières et des marquises. (Scribe.)
Pour l'impertinence, les banquikrus d'aujour-
d'hui n'ont rien à envier aux marquises de
l'ancien régime. (Balz.)
— Mar,. Planche employée au revêtement
intérieur de la membrure d'un navire, il On
dit aussi vaigre.
banquise s. f. (ban-ki-ze — c'est-à-diro
banc de glace — dos mots banlc, ice, empruntés
au langage Scandinave). Terme do géographie
physique, créé par Dumont d'Urvilio pour
BAN
de grands amas de glace qui, arrêtant ou
gênant la navigation, dérobent aux explora-
teurs la connaissance des mers polaires. Les
bords de la banquise sont ordinairement bien
dessinés et taillés à pic, comme une muraille;
mais quelquefois ils sont brisés, morcelés, et
forment de petits canaux peu profonds ou de
petites criques. (Dumont d'Urville.) La ban-
quise fut brisée en une minute sur un espace
de plusieurs milles ; elle craqua, tonna, comme
cent pièces de canon. (Michelet.) Les vagues se.
hérissaient blanchâtres, comme les banquises
polaires qui enchaînent cet intrépide marin aux
limites de l'univers glacé. (Méry.) Les navires
qui vont d la pèche à Terre-Neuve trouvent des
banquises par lesquelles ils sont arrêtés des
semaines entières. (A. Jul.)
— Encycl. Les grands amas de glaces qui
portent le nom de banquises , semblables à do
vastes îles flottantes, s étendent sur une ligne
immense, ferment le passage aux navires et les
retiennent parfois captifs pendant des mois
entiers. Les navires employés à la pèche de la
baleine dans les mers polaires , obligés qu'ils
sont de s'aventurer dans les glaces , visent à
s'établir dans les clairières, c'est-à-dire dans
les endroits où les glaces sont agglomérées
sans faire masse et peuvent être plus ou moins
facilement séparées. Lorsque l'abaissement de
la température arrive à rendre les banquises
inébranlables, l'équipage s'y établit comme à
terre , y fait la cuisine et s'y livre même par-
fois à la chasse des ours blancs. La formation
des banquises dans l'hémisphère boréal a lieu
de septembre à juin, le long de la côte orien-
tale du l'Amérique, vers le cercle polaire, de-
puis le N. de Terre-Neuve jusqu'au milieu du
détroit de Davis; les deux côtes du Groenland
jusqu'au S. du cap Farewell sont entourées
d'une barrière de glaces fixes , qui s'étendent
vers le N., à l'O. do l'Islande , jusque vers
le 74c degré de lat., bordent les rivages de
l'Ile Beeren et viennent se souder aux rivages
méridionaux de la Nouvelle-Zemble. Pendant
les deux mois de l'été polaire (juillet et août),
la banquise se rompt dans beaucoup d'en-
droits, sous la double influence des rayons so-
laires et du Gulf Streaim, dont les Hot3 sont
réchauffés par leur passage dans les mers tro-
picales. C'est pendant cette courte saison que
les navigateurs Hudson et Baffin, auxviio siè-
cle, et de nos jours, Franklin, Parry,Kane, etc.,
ont pu s'élever jusqu'à. 77°, 80» et même 8a<*
de lat., et entrevoir une mer libre au delà
du Groenland et du Spitzberg.
Dans l'hémisphère austral, les banquises s'é-
paississent surtout d'avril à novembre, et c'est
en janvier et en février qu'on peut pénétrer
le plus avant dans les mers australes ; do
plus, on rencontre ces èaitû/utses a, des latitudes
beaucoup moins élevées ; cela tient d'abord à
la température beaucoup plus basse de l'hé-
misphère austral, ensuite à leur libre circu-
lation dans une mer qui ne renferme pas,
comme l'hémisphère boréal, un labyrinthe de
terres et d'îles. Ainsi, Cook fut arrêté en 1775
par les banquises, au 00°; Bransfield en 1820,
au 65«; Baleny, Dumont d'Urville et Wilkes
en 1840, vers 67° de lat. S. et 165" de long. E.
En se dirigeant vers l'un ou l'autre pôle , la
navigateur trouve les mêmes dangers parmi
les banquises : brumes impénétrables, furieux
ouragans de neige , étroits passages où le na-
vire peut se briser à chaque instant. Nous no
saurions mieux* faire, pour donner une idée
complète d'un de ces écueils des régions po-
laires, que d'emprunter la belle et poétique
description qu'en fait M. Xavier Marmier,
. dans la préface de ses Lettres sur l'Islande :
' La banquise n'est point , comme on se lo
figure généralement, une'mer de glace unie,
compacte ; c'estun amas de blocs gigantesques
chassés par la tempête, emportés par le cou-
rant, qui flottent comme les vagues, s'agglo-
mèrent, s'attachent l'un à l'autre et quelquefois
se disjoignent. A une certaine distance, on ne
distingue pas, il est vrai, leurs aspérités, et
toutes ces lignes échancrées, tortueuses, irré-
guliëres , apparaissent comme une surface
plate et continue ; mais, a mesure qu'on en
approche, ces glaces se dessinent sous les for-
mes les plus élégantes et les plus variées. Les
unes projettent dans les airs leurs pics aigus,
comme des flèches do cathédrales; d'autres
sont arrondies comme une tour , crénelées
comme un rempart; celle-ci ouvre ses flancs
aux flots impétueux qui la fatiguent, elle se
creuse , se mine , s'élargit comme une voûte
et ressemble à une arche de pont; celle-là se
dresse fièrement au milieu des autres commo
un palais de roi ; elle a ses murailles de granit,
sa colonnade, sa terrasse italienne, et le soleil
qui la colore la rend éblouissante comme un
de ces temples d'or où demeuraient les dieux
Scandinaves. Souvent aussi , au milieu de cet
océan désert , sous ce rude ciel du nord , on
retrouve des formes de végétation empruntées
à d'autres climats. On aperçoit des plantes qui
semblent se balancer sur leur tige, des arbres
qui penchent vers les vagues leur feuillage ,
et des animaux qui dorment sur leur lit de
glace. Quelquefois les Européens ont vu, dans
cette nature fantastique , l'image des lieux
qu'ils venaient de quitter. Des maisons con-
struites symétriquement, alignées comme dans
une rue, leur apparaissaient de loin. Des bancs
à dossier semblaient les appeler à prendre du
repos, des tables se dressaient devant eux.
Ni' les bouteilles au long cou, ni les verres, ni
la nappe effrangée , rien n'y manquait. Mais
un instant après, l'image trompeuse disparais-
BAN
sait comme par enchantement , et une autre
image venait la remplacer.
» Ce qui ajoutait encore à l'effet produit par
tantde points de vue bizarres, c'est l'admirable
couleur de ces glaces, c'est le bleu. transpa-
rent, le bleu limpide et velouté qui les revêt.
A côté de ces tons de couleur si purs, si lu-
mineux, l'azur du ciel paraissait pâle, et l'é-
meraude de la mer était terne.
» Mais, pour ceux qui devaient la franchir,
cette banquise avait un aspect effrayant ; de
loin, le regard du matelot contemplait ces rem-
parts de glace élevés l'un derrière l'autre
comme des chaînes de montagnes. On n'en-
trevoyait pas un espace libre, pas un chemin ;
seulement, de temps à autre, une gorge étroite
comme un défilé; c'était là qu'il fallait s'enga-
fer, c'était là qu'il fallait faire manœuvrer le
âtiment. »
Après ladescription du romancier voyageur,
donnons celle du marin, et le lecteur sera sans
doute fort embarrassé pour savoir à qui dé-
cerner la palme : « Sévère et grandiose au
delà de toute expression , tout en élevant l'i-
magination, le spectacle qu'offre une banquise
remplit le cœur d'un sentiment d'épouvante
involontaire. Nulle part l'homme n'éprouve
plus vivement le sentimentdeson impuissance.
C'est un monde nouveau dont l'image se dé-
ploie à ses regards; mais un monde inerte,
lugubre et silencieux , où tout le menace de
l'anéantissement de ses facultés. Là, s'il avait
le malheur de rester abandonné à lui-même,
nulle ressource , nulle consolation , nulle étin-
celle d'espérance ne pourraient adoucir ses der-
niers moments , et il devrait s'appliquer la
fameuse inscription de la porte de l'enfer de
Dante : Lasciate ogni speranza , sot ch'entrate
(laissez toute espérance , vous qui pénétrez
dans ces lieux). Les bords de la banquise sont
ordinairement bien dessinés et taillés à pic
comme une muraille; mais quelquefois ils sont
brisés, morcelés , et forment de petits canaux
peu profonds ou de petites criques dans les-
quelles des embarcations pourraient naviguer,
mais non des corvettes. Alors les glaces voi-
sines, agitées et travaillées par les lames, sont
dans un mouvement perpétuel , qui , à la lon-
gue, amène leur destruction. La teinte habi-
tuelle de ces glaces est grisâtre , par l'effet
d'une brume presque permanente; mais s'il
arrive que cette brume disparaisse et que les
rayons du soleil puissent éclairer la scène,
alors il en résulte des effets de mirage vrai-
ment merveilleux. On dirait une grande cité
se montrant au milieu des frimas, avec ses
maisons , ses palais , ses fortifications et ses
clochers. Quelquefois même, on croirait avoir
sous les yeux un joli village avec ses châ-
teaux , ses arbres et ses riants bocages , sau-
poudrés d'une neige légère. Le silence le plus
profond règne au milieu de ces plaines gla-
cées , et la vie n'y est plus représentée que
par quelques pétrels voltigeant sans bruit, ou
Ear des baleines dont le souffle sourd et lugu-
re vient seul rompre, par intervalles, cette
désolante monotonie. »
BANQUISTE s. m. (ban-ki-ste — rad, ban-
que). Pop. Charlatan, bateleur : Vieux ban-
quiste! il s'y connaît. (E. Suo.)
— Par anal. Faiseur, homme à promesses
mensongères ; Le nouvel exploiteur est une
espèce de hanquiste, nommé Vernouiliel. (E.
Augior.)
BANQUO, thane ou gouverneur royal de
Loehaber, dans le nord de l'Ecosse, sous le
règne de Duncan, vivait dans le xie siècle.
De concert avec Macbeth, cousin du roi, il
dompta une terrible révolte dont sa province
était le théâtre, combattit ensuite les Danois,
et montra autant de fidélité que de dévoue-
ment envers Duncan. Mais lorsque Macbeth
assassina ce prince pour s'emparer du trône,
il resta le témoin muet du meurtre et de l'usur-
pation (1040). Dans la suite, il devint lui-
même suspect au meurtrier, qui le fit égorger
dans un repas (vers 1050). Son fils Fléanchus
échappa seul aux assassins et se réfugia dans
1g pays de Galles. On sait que cet épisode
tragique de l'histoire d'Ecosse a fourni à
Shakspeare le sujet de la scène terrible où
Macbeth, déchiré de remords et frappé de
vertige, au moment de s'asseoir au milieu de
ses grands vassaux rassemblés pour le festin
royal, recule épouvanté en voyant ou en
croyant voir sa place occupée par le spectre
de Banquo. V. l'article suivant, où nous con-
sidérons Banque-, moins comme personnage
historique que comme un des héros du fameux
drame de Shakspeare.
Banquo ou Bauco , l'un des personnages
de Macbeth, tragédie de Shakspeare. Banquo
traverse, avec son ami Macbeth, une lande
déserte. Tout à coup trois sorcières, sortant
du milieu des bruyères, prédisent à Macbeth
qu'il sera roi, et à Banquo que ses enfants por-
teront la couronne. Macbeth devient roi en
effet par le meurtre de Duncan, et, pour ren-
dre vaine la prédiction des sorcières en ce
qui concerne Banquo, il le fait assassiner;
mais le fils de ce dernier échappe à sa haine
ambitieuse. C'est alors que, dans un banquet
offert par Macbeth à toute sa cour, l'ombre
de Banquo, visible pour lui seul, lui apparaît,
à différentes reprises, au milieu du repas, et
le glace de terreur.
La littérature s'est emparée de cette dra-
matique apparition , qui est une éloquente
personnification du remords, et y fait de fré-
quentes allusions :
BAN
« Il a pu être de mode, pendant un temps,
de rire de ce qu'on appelle le problème social,
et, il faut le dire, quelques-unes des solutions
proposées ne justifiaient que trop cette hila-
rité railleuse. Mais, quant au problème lui-
même, il n'a certes rien de risible ; c'est
l'ombre de Banquo au banquet de Macbeth ;
seulement, ce n'est pas une ombre muette, car
d'une voix formidable, elle crie à la société
épouvantée : « Une solution ou la mortl »
Fréd. Bastiat.
, «Tout à coup, la porte du salon s'ouvrit, et
Laure entra fièrement, suivie du marquis de
La Rochelandier. A cette brusque apparition,
Gaspard comprit que la statue du commandeur
et l'ombre de Banquo n'étaient que des jeux
d'enfant; il resta foudroyé sur place.»
J. Sandeau.
« Le reflet est l'ennemi capital de M. Ingres,
parce qu'il lui crée de grands embarras. Le
vieux maître s'entendrait bien mieux avec la
nature, si elle était grise. Chaque fois qu'il
entreprend un tableau, le reflet, comme le
spectre de Banquo, se présente devant lui. »
Edmond About.
o Jadis, poursuivi par le spectre de ses vic-
times, comme Macbeth par l'ombre de Banquo,
Polichinelle était enlevé parole diable — juste
châtiment de tant de forfaits ; — mais cette
dernière trace de l'influence shakspearienne
a disparu. A la honte de la morale, son suc-
cesseur Guignol reste debout dans son triom-
phe, et il pousse même l'impudence jusqu'à
débiter une foule de petits mots pour rire, sur
le cadavre de son ami. » Vict. Fournel.
BANSE s. f. (ban-se — de l'allein. banse,
corbeille). Grande manne carrée, pour le
transport des marchandises.
BANSHEE, fée ou génie qui, dans la croyance
des Irlandais et des Ecossais, s'attache à une
famille, et apparaît avant la mort de chacun
de ses membres,
B AN STEAD, village et paroisse d'Angleterre,
comté de Surrey, à 19 kil. S.-O. de Londres ;
1,000 hab. Dans les landes de Banstead se
tiennent annuellement les célèbres courses
d'Epsom.
BANSWARRA, ville de l'Indoustan> ch.-l.
d'une principauté, dans la province de Guzzc-
rat (Bombay) ; 35,000 hab. Soumise à la pro-
tection des Anglais.
BANTAJAM s. m. (ban-ta-jamm), Mamm.
Nom que l'on donne, à Bornéo, au nasique
musqué.
bantam s. m. (ban-tamm — de Bantam,
nom géogr.) Ornith. Nom d'une variété de
coq et de poule, de l'île de Java.
— Encycl. Les pontes de Bantam, vulgaire-
ment désignées sous le nom de petites poules
anglaises, sont des poules très-précieuses, qui
sont de la grosseur des perdrix. Elles sont
basses sur pattes et traînent souvent leurs
ailes à terre. Leur allure est gracieuse et
hardie. Ces poules pondent beaucoup, sont
bonnes couveuses ; mais leurs œufs ne pèsent
que de 25 à 30 grammes, et elles ne peuvent
en couver plus de sept; elles sont douces, fa-
milières ; leur chair est excellente. Le croise-
ment et l'éducation les ont profondément
modifiées. Les unes sont pattues, ou ont des
pattes emplumées; les autres ont les pattes
mies. Il y a des poules de Bantam jaunes,
grises, blanches, noires, etc. On fait couver
les œufs de faisans et de perdrix par les cou-
veuses de cette race.
BANTAM, ville de l'île de Java, sur la côte
occidentale de l'île, à 85 kil. O. de Batavia;
autrefois, ville considérable, bien peuplée et
capitale de l'ancien royaume de son nom ; au-
jourd'hui , dépeuplée et en ruine , depuis la
fondation de Batavia. Les habitants se sont
retirés, en grande partie, à Céram, et Batavia
a hérité de sa prospérité commerciale. C'est
à Bantam que les Hollandais établirent, en
1602, leur première factorerie dans l'île de
Java. Il Résidence ou province hollandaise de
l'île de Java, comprenant la partie occidentale
de Pile ; elle touche, à l'E., à la province de
Batavia, et mesure une longueur de 155 kil. Ce
pays fait le commerce du camphre et des épi-
ces : le poivre qu'on y récolte paraît être le
meilleur de tous ceux que produit la grande
île de Java. Les poules d'Inde y abondent et
atteignent une taille extraordinaire. Le Ban-
tam eut autrefois des rois qui prirent une part
asse^ active aux luttes intestines qui remplis-
sent la plus grande partie de l'histoire de
Java. En 1497, les Européens commencèrent
à fréquenter les parages de Java, et les Por-
tugais établirent des factoreries à Bantam. La
puissance de cette nation dans ce pays dura
près d'un siècle, et, en 1596, lorsque les Hol-
landais, commandés par Hautman, parurent
pour la première fois à Bantam, le Portugal
avait une flotte dans le port de cette capitale.
Le sultan de Bantam tourna ses armes contre
l'ennemi nouveau qui envahissait ses Etats;
les Hollandais se retirèrent, mais, quatre ans
après, ils fondaient un établissement à Bantam,
etl'année suivante ils obtenaient l'autorisation
d'y établir une factorerie. Peu à peu leur pré-
pondérance s'étendit, et aujourd'hui, le sultan
de Bantam n'est plus qu'une sorte de fonction-
BAN
naire payé par les Hollandais. Il administre la
justice criminelle aux naturels seulement; les
Chinois et les autres habitants de l'île sont
soumis à injustice hollandaise.
BANTI (Brigitte-Géorgie Bandi, dite la),
célèbre cantatrice italienne, née à Créma en
1757, morte à Bologne en 1806, chantait à
Paris dans les cafés et dans les rues, lorsque,
en 177S, le directeur de l'Opéra, Devismes,la
remarqua par hasard, en se promenant sur le
boulevard du Temple. Après avoir entendu
trois fois seulement un air de Sacchini, la pe-
tite musicienne ambulante le dit à merveille.
Devismes l'engagea sur-le-champ et la fit
débuter. A partir de ce moment, elle fit les
délices des villes capitales de l'Europe et
fournit une des plus brillantes carrières dra-
matiques. Chose remarquable, la Banti, que
l'on a surnommée la virtuose du xvwe siècle,
ne connaissait pas même les notes de la mu-
sique, et c'est de la nature seule qu'elle tenait
ses avantages. » Son intelligence, dit Castil-
Blaze, était si merveilleuse, qu'il suffisait de
lui chanter deux fois un air, un duo, un trio,
pour qu'elle exécutât sa partie admirable-
ment ; elle savait à propos renoncer aux bro-
deries dictées par l'auteur, afin d'en substituer
d'autres, qu'elle improvisait à ravir. Sa mé-
moire était imperturbable à l'égard du texte
de sa partie, on pouvait s'y fier ; le dessin
musical était fidèlement rendu ; pas une note
douteuse; au contraire, toujours une observa-
tion exacte des temps, des entrées et des si-
lences. Le meilleur mus'icien n'eût pas mieux
fait, en ayant sa partie sous les yeux. La
Banti se trompait quelquefois, cependant; elle
se trompait quand elle chantait seule ; chose
singulière, car les routiniers ne vont jamais si
bien que quand ils sont libres de leurs actions. «
En 1799, la Banti vint à Londres et y débuta
par le rôle de Polifonte, dans la Mérope de
Nasolini; M"" Billington y jouait celui de
Mérope. La réunion de ces deux beaux ta-
lents produisit un effet jusque-là sans exemple.
La Banti mourut' encore jeune, victime des
excès dont elle avait contracté l'habitude
dans sa jeunesse de bohémienne, et légua
son larynx à l'académie de Bologne. Celarynx,
d'une ampleur extraordinaire et phénoménale,
est déposé dans un bocal, et figure parmi les
curiosités du musée de la ville. La Banti ne
pouvait léguer autre chose que son larynx ;
elle mourut dans un état presque complet
d'indigence, après avoir msangê, nous de-
vrions dire bu, des sommes immenses. A
Nuples, elle avait fait entendre un air accom-
Eagné par deux cors : ce fut un des plus
eaux succès de la cantatrice et de ses dignes
concertants. Cette célèbre artiste, dont la voix
n'a eu de comparable pour la splendeur que
cetîe de Mme Catalant, a brillé surtout dans
Mitridate, de Nasolini. Lors de ses débuts à
notre Académie de musique , où les Italiens
alternaient alors leurs représentations avec'
celles de l'Opéra français, elle avait chanté
avec un succès prodigieux l'air de bravoure
de la Didotie abbandonata, de Sacchini, écrit
pour la Gabrielli.
BANTlALE.s. f. (ban-si-a-lo). Bot. Nom
donné à deux plantes parasites, croissant
dans la Malaisie, dont l'une, la bantiale noire,
paraît être une espèce do gui, et l'autre, la
bantiale rouge, une orchidée du genre épi-
dendre : Des fourmis se creusent des galeries
dans les feuilles des bantiales. (D'Orbi-
gny.)
BANTBY, ville maritime d'Irlande, comté et
à G8 kil. S.-O. de Cork, à 203 kil. S.-O. de
Dublin, sur l'Atlantique, au fond de la vaste
baie de son nom, qui, selon les habitants du
pays, pourrait abriter tous les navires de
l'Europe; 4,276 hab. Bien que son port soit
vaste, sûr et commode, son commerce est
presque nul. La ville se compose de deux
rues conduisant à la baie, et contenant l'église
paroissiale, la chapelle catholique romaine et
le couventicule pour les méthodistes. On re-
marque, dans les environs de Bantry, plusieurs
jolies résidences, dont la plus belle est Sea-
court, au comte de Bantry ; on voit, dans le
parc, qui est fort beau, les ruines d'un cou-
vent et du cimetière. Il La baie de Bantry,
profonde, sûre, protégée par les montagnes
qui l'entourent, limitée au S. par le cap Mizon,
et au N. par l'île de Dursey, mesure 33 kil. de
long sur 8 kil. de large ; elle est très-commo-
dément située pour l'entrée des vaisseaux de
toutes les grandeurs, et exempte d'écueils. A la
tète de la baie, fermée en partie par l'île de
Bear, se trouvent deux ports : celui du S., en
i face de la ville de Bantry, se nomme port de
Bantry; l'autre, au N., se nomme port de
Glengarif ; il est petit, et l'entrée en est très-
étroite. En 1689, un combat naval eut lieu
près de l'entrée de cette baie, entre la flotte
française qui portait Jacques IJ et les forces
britanniques. Quand, en 1796, la France pro-
jetait l'invasion de la Grande-Bretagne, la baie
de Bantry fut fixée comme rendez-vous, et
plusieurs vaisseaux y jetèrent l'ancre le 52 dé-
cembre; mais le général Hoche, commandant
en chef, n'arrivant pas avec le reste des for-
ces, le commandant de l'escadre jugea pru-
dent de s'éloigner des côtes d'Irlande.
BANULAC s. m. (ba-nu-lak). Bot. Arbris-
seau des Philippines, qui appartient à la
famille des rubiacées.
BANOS s. m. (ba-nuss). Astron. L'un des
chiens do la constellation d'Actéon,
BAN
185
BANVARD s. m. (ban-var — rad. ban).
Féod. Garde d'un territoire banal,
BANVILLE (Théodore dis), poète français,
né à Paris en 1820. M. de Banville est un des
derniers et des plus brillants disciples de
l'école littéraire de 1S30 ; venu à la suite des
Victor Hugo, des Alfred de Musset, des Théo-
philo Gautier, il les a pris pour modèles, et,
comme eux, passionné avant tout pour la
forme, amoureux des couleurs et des images,
il s'est montré leur digne élève. Ses premiers
essais remontent à 1842, époque à laquelle
il fit paraître un premier volume de vers, les
Cariatides, qui appela sur lui l'attention de la
critique et des lettres. Bientôt après, en 1840,
un second volume paraissait sous le titre de
les Stalactites, et assignait sa place à M. de
Banville dans la poésie contemporaine. De
1850 à 1852 il rédigea le feuilleton dramatique
du journal le Pouvoir, et montra qu'il savait
manier avec autant d'habileté la prose que les
vers; d'autres articles, préfaces, notices et
feuilletons n'ont fait, depuis, que prouver son
égal talent dans les deux genres. Toutefois,
que M. de Banville écrive en prose ou en
vers, il est impossible de voir autre chose en
lui qu'un poète; ses contes, pleins d'humour,
et de finesse, ses morceaux de critique litté-
raire ou artistique , ses nombreuses pages,
égarées dans presque tous les journaux de
son temps, attestent à chaque ligne l'âme et
l'imagination du poSte. Cependant, jusqu'en
1857, le nom de M. de Banville n'était guère
sorti d'un cercle encore bien limité de lec-
teurs. Ce fut alors qu'il publia les Odes funam-
bulesques, où il s'était efforcé de fixer la langue
comique du xixo siècle. Incertain de l'accueil
qui serait fait à une tentative si hardie, l'au-
teur s'était abrité sous le pseudonyme de
Bracquemond; mais le succès lui fit bientôt
reprendre son nom, qui, dès lors, acquit une
notoriété qu'il s'est conservée jusqu'à ce jour.
Depuis 1857, M. de Banville s'est plusieurs
fois essayé au théâtre, sans jamais y réussir
brillamment, mais sans jamais non plus y
échouer. En 1858, il fut nommé chevalier de
la Légion d'honneur, et obtint du ministère une
pension annuelle de 1,200 francs, à titre d'en-
couragement littéraire. » Voilà, dit M. Sainte-
Beuve en parlant de M. de Banville, voilà un
poète, un des premiers élèves des maîtres, un
de ceux qui, venus tard et des derniers par
l'âge, ont eu l'enthousiasme des commence-
ments; qui ont gardé le scrupule de la forme ;
qui savent, pour l'avoir appris à forte école,
le métier des vers; qui les font de main d'ou-
vrier, c'est-à-dire de bonne main ; qui y don-
nent de la trempe, du ressort; qui savent
composer, ciseler, peindre. Je ne prétends
garantir ni adopter toutes les applications
qu'il a faites de son talent; mais il est un
procédé, un art général, non-seulement une
main-d'œuvre, mais un feu sincère, qui se fait
reconnaître dans tout l'ensemble, et qui in-
spire de l'estime. Ce poète, à travers tous les
caprices de son imagination et de sa muse, ne
s'est jamais relâché sur de certains points; il
a gardé, au milieu de ses autres licences, la
précision du bien faire, et, comme il dit,
l'amour du vert laurier... Il procède de Hugo
et d'André Chénier. Comme ce dernier, il a sa
Camille ; il la chante, et a des tons de Pro-
perce dans l'ardeur de ses peintures. Il alléc-
tionnel'art grec, la sculpture, etnousenrend,
dans ses rhythmes , des copies et parfois
presque des moulages. C'est d'une grande ha-
bileté, avec quelque excès peut-être ; mais, en
poésie, on peut lancer et perdre bien des (lè-
ches : il suffit, pour l'honneur de l'artiste, que
quelques-unes donnent en plein dans le but et
fassent résonner tout l'arbre prophétique, le
chêne de Dodone, en s'y entonçant. M. de
Banville a eu quelques-uns de ces coups heu-
reux, où se reconnaît un archer vainqueur
Et c est ainsi qu'au déclin d'une école, et
quand, dès longtemps, on a pu la croire finis-
sante ; quand, de ce côté, la Prairie des Muses
semble tout entière fauchée et moissonnée,
des talents inégaux, mais distingués et vail-
lants, trouvent encore moyen d en tirer des
regains heureux et de produire quelques piè-
ces presque parfaites, qui iraient s'ajouter
a tant d'autres dans la corbeille — si un jour
on s'avisait de la dresser, — dans la couronne,
— si un jour on s'avisait de la tresser, — d'une
anthologie française de ce siècle. »
On a de M.Théodore de Banville : les Caria-
tides (1842); les Stalactites (1846); les Na-
tions, opéra-ballet en un acte (Opéra, 1851);
la Muse des chansons, prologue dédié à
M"e Fix (1851); le Feuilleton d'Aristophane,
comédie en deux actes, en vers, en collabora-
tion avec M. Philoxène Boyer (1852); les Folies
nouvelles, prologue en vers, récité à l'ouver-
ture du théâtre de ce nom (1854); les Pau-
vres saltimbanques, roman (1853); la Vie d'une
comédienne, roman (l85f ) ; le Beau Léandre,
comédie en un acte, en vers, en collaboration
avec M. Siraudin (185G) ; Odes funambulesques
(1857) (v. Odes) ; le Cousin du roi, comédie en
un acte, en vers, en collaboration avec M. Phi-
loxène Boyer (1857); Fsquisses parisiennes,
scènes de la vie (1859) ; les Fourberies de JVc-
rine, comédie en un acte, en vers (1864)
(v. Fourberies) ; Diane au bois, comédie en
un acte, en vers (1864) (v. Diane) ; la Pomme,
comédie en. un acte, en vers (1865) (v. Pommu).
En outre, M. de Banville a collaboré à un
grand nombre de journaux, revues et recueils,
narrai lesquels il faut citer : la Bévue de Paris,
a. Revue contemporaine, le Figaro, etc., etc.
21
Fa
186
BAO
BAO
BAO
BAP
De 1860 k 1861, il.a fait le feuilleton dramati-
que du journal le Boulevard; et, pendant les
premiers mois de 18G5, il a fourni à la Presse
une série de chroniques hebdomadaires, dont
plusieurs ont été fort remarquées.
Pour finir comme nous avons commencé, et
cela sans intention de critique, cor la poésie
limée a encore des partisans dans ce siècle de
prose , ajoutons que M. de Banville est au-
jourd'hui un des littérateurs les plus originaux
du groupe des fantaisistes, et que, préoccupé
surtout de la forme, jle la couleur, de l'éclat
et de la sonorité du style, il oiselle levers
comme une pièce d'orfèvrerie, toutes qualités
qui nuisent à l'abondance ; mais quel char-
mant défaut, a notre époque de littérature
facile, où tout se badigeonne à la toise, et où,
en une semaine, un chroniqueur bien né tire
de son écritoire des lignes qui, rangées à la
Aie les unes des autres, iraient, comme dit
ï'ctit-Jean, de Paris à Pontoisel
BANVIN s. m. (ban-vin — rad. ban et vin).
Fêod. Droit qu'avaient les seigneurs, de faire
leurs vendanges et do vendre tous les vins do
leurs crus avant leurs vassaux. Le ban-à-vin
était la publication du moment où les ven-
danges et la vente du vin des particuliers
"pouvaient commencer, il Dans le droit mo-
derne, le mot ban de vendange a remplacé lo
mot banvin.
BANYA (Felso-), ville de Hongrie, district
de Szatmar, à 55 kil. E. de Nagy-Karoly;
4.G34 hab. Tribunal des mines; exploitation
de mines d'or, de cuivre, de plomb, fonderies,
I! Banya (Nagy-), ville de Hongrie, district de
Szatmar, à 48 kil. E. de Nagy-Karoly ; 5,000 h.
Administration supérieure des mines; mon-
naie royale, mines d'or, d'argent, de cuivre
et de plomb ; fabrication active de poterie.
BANYULS-SUR-MER, comm. du dép. des
Pyrénées-Orientales, arrond. de Céret; pop.
aggl. 1,C29 hab. — pop, tôt. 2,G37 hab. Aux
environs, sont les vignobles qui fournissent les
vins dits do Grenache et de liancio. En 1793,
ce village fut le théâtre d'un fait d'armes qui
rappelle les temps héroïques de la Grèce :
une poignée de paysans de cette commune,
aidés par les femmes et les vieillards, tint en
échec 4,000 Espagnols ou col de Banyuls, une
des clefs de la France, et, malgré les somma-
tions de l'ennemi, tous ces héros perdirent la
vie au champ d'honneur ou furent faits pri-
sonniers. « Nous sommes Fronçais, avaient-ils
répondu a la sommation des Espagnols, et
nous devons mourir pour l'honneur et l'indé-
pendance de la France 1 » Le 5 juin 1794, la
Convention, qui se connaissait en héroïsme,
décréta que les habitants de Banyuls-sur-
Mer avaient bien mérité de la patrie, et or-
donna qu'une pyramide serait élevée sur la
place de cette commune, avec cette inscrip-
tion : « Ici, 4,000 Espagnols déposèrent les
armes devant les républicains, et rendirent à
la valeur ce qu'ils tenaient de la trahison. »
BANZA s. m. (ban-za), Sorte de guitare,
en usage chez les nègres : Elle répondait à
ces préludes de l'orage par le son maigre et
monotone du banza. (Gér. de Nerv.)
— Chacune des divisions des peuplades
nègres d'Afrique : Chaque peuplade, divisée
par banzas, par Icraals, etc., était soumise à
un damel ou roi. (P. Chevalier.) Il Résidence
du premier chef, au Congo.
BANZER (Marc), médecin allemand, né à
Augsbourg en 1592, mort en 1664. Il professa
la médecine b, Wittcmberg et publia divers
ouvrages, parmi lesquels nous citerons les
suivants : Fabrica receptarum, id est metho-
dus brevis,perspicua et facilis, in qua quœ sud
remediorum composilorum formai... (Vienne,
1622) ; Controversiarummedico-miscellanearum
décades II I (Leipzig, 1649).
BANZO (Antonio), graveur italien, travail-
lait à. Rome en 1810. Il a gravé, sur les des-
sins de Silv. Bossi : Saint Pierre en prison,
Y Ecole d'Athènes, le Miracle de Bolsena, \ In-
cendie du Borgho, l'Adoration des rois d'après
Raphaël, et six planches pour le recueil des
œuvres de Canova.
BAO , ancienne province de VIndo-Chine,
tributaire du Tonquin, fait aujourd'hui par'ie
du royaume d'Annam. Quelques géographes
écrivent Lao.
baobab s. m. (ba-o-babb). Bot. Genre de
plantes de la famille des sterculiacées, suivant
quelques botanistes, et des bombiaeées, sui-
vant d'autres, ne comprenant qu'une espèce,
qui croit au Sénégal et qui constitue un ar-
bre de dimensions gigantesques : L'homme
trouve une citerne dans le trou caverneux du
baobab. (B. de St-P.) Le baobab, ce géant de
la végétation, repose sur un tronc de cent pieds
de circonférence. (Salvandy.) Le baobab est le
plus grand arbre du monde. (A. Karr.) Le
fruit au baobab est un objet de commerce.
(Clavé.) il On écrit aussi quelquefois baobad
et BOABAD.
— Encycl. La baobab se distingue par les
caractères suivants : calice coriace, cyathi-
forme, profondément quinquélide ; pétales ova-
les et un peu arrondis ; êtamines nombreuses,
révolutées, monadelphes, soudées jusque vers
leur milieu; anthères mobiles et rêniformes ;
style ascendant , très-long ; stigmate pelté ,
rayonnant; péricarpe gros, ligneux, indé-
hiscent ; loges polyspermes; graines rénifor-
mes, très-dures.
Ce genre ne comprend qu'une espèce, le
baobab ou adansonia digitata, qui croît dans
le Soudan, au Darfour, en Abyssinie et sur
les côtes occidentales de l'Afrique, depuis les
îles du Cap-Vert jusque dans le Congo.
Le baobab a été regardé pendant longtemps
comme le géant, ou mieux comme le colosse
du règne végétal ; mais, dans ces dernières
années, il 0 été détrôné par la découverte des
gigantesques conifères de la Californie appe-
lés séquoia, arbres mammouths ou Wellingtonia
gigantea. V. Arbre.
Le baobab, dont la plus grande hauteur ne
paraît pas dépasser 9 à 10 m., acquiert des
dimensions bien plus grandes en largeur.
Son tronc atteint jusqu'à 30 m. de circonfé-
rence. Cette masse énorme est couronnée de
branches non moins gigantesques, longues de
20 à 25 m. et aussi grosses que les plus grands
arbres de nos forêts.
Le poids de ces branches les fait incliner de
telle sorte, que leur extrémité va toucher le
sol et que l'arbre entier figure une vaste cou-
pole de verdure. Les racines ont des dimen-
sions analogues, et rampent au loin sur le sol
comme des serpents monstrueux. Leurécorce
est couleur de rouille, tandis que l'écorce de
la tige et des grosses branches est cendrée, et
celle des rameaux verdâtre. Les feuilles sont
digitées, à folioles pétiolulées, coriaces, rap-
§ elant par leur forme celles du marronnier
'Inde. Les fleurs sont très-grandes, et remar-
quables par leur calice verdâtre à la face in-
terne, leur corolle blanche et leurs anthères
rougeàtres ; elles présentent quelque ressem-
blance avec celles de la rose trémière. Les
fruits, connus sous le nom de pain de singe,'
sont ovoïdes, de la grosseur d'une orange, et
renferment une pulpe acidulé, dans laquelle
sont disséminées les graines.
Le baobab est employé à de nombreux usa-
ges. L'écorce et les feuilles des jeunes ra-
meaux, qui renferment beaucoup de mucilage,
servent a faire des tisanes adoucissantes. Ces
mêmes feuilles, séchées à l'ombre, sont en-
suite réduites en une poudre que les nègres
nomment lalo, et qu'ils mêlent à leurs ali-
ments. La pulpe du fruit est assez agréable
quand elle a été édulcorée. Le suc sert à faire
une boisson très-renommée contre les fièvres
putrides. Quand le fruit est gâté, on l'utilise
encore pour faire du savon. « C'est dans
l'énorme tronc du baobab, dit M. Clavé, que
les indigènes du Sénégal mettent les corps de
leurs guiriots, sorte de poètes-musiciens qui
président aux fêtes que donne le roi du
pays, et qui, regardés comme sorciers, se
font respecter et craindre pendant leur vie,
mais sont maudits après leur mort et privés
de la sépulture commune. On creuse des
chambres dans le tronc du baobab; on y sus-
pend les cadavres de ces malheureux, qui,
sans aucune préparation, s'y dessèchent et
s'y conservent à l'état de véritables momies. »
Ce qui frappe le plus dans le baobab, c'est
moins encore sa grosseur que sa. longévité.
Dans les pays où il' croît naturellement, il
porte un nom qui signifie arbre de mille ans;
mais, contrairement à ce qui a lieu ordinaire-
ment, ce nom même ne donne pas une idée
suffisante de la durée de son existence ; car,
d'après les calculs d'Adanson, le baobab n'exi-
ferait pas moins de six mille ans pour attein-
re son complet développement. Un végétal
qui se distingue par des particularités si ex-
traordinaires ne pouvait manquer d'être l'objet
de la vénération des pexiplades ignorantes et
superstitieuses qui s'abritent sous son ombre.
Aussi, les indigènes du Sénégal lui rendent-ils
une espèce de culte.
Le baobab croît dans les régions les plus
chaudes de l'Afrique ; il préfère les terrains
sablonneux. On a pu le naturaliser dans quel-
ques contrées de l'Amérique méridionale ;
mais, cultivé dans les serres, il n'atteint que
de faibles proportions.
BAODAN,roi d'Irlande vers l'an 565. Attaqué
par Colman, fils de Dernod, il se réfugia dans
le monastère dirigé par Colomban, le futur
apôtre des Pietés. Mais Colman vint le saisir
au pied même des autels, et le fit massacrer à
la porte du monastère. Alors Colomban, indi-
gné d'une pareille violation de tous les droits
de la religion et de l'hospitalité, courut en de-
mander vengeance chez les tribus voisines, et
Colman fut mis à mort. Baodan eut pour suc-
cesseur Aodh ou Hugues II.
BAOUR (F.), graveur français, travaillait à
Toulouse vers la fin du xvn« siècle. Il a gravé
quelques portraits, entre autres celui de P.
Goudelin, d'après un buste de Marc Arcis ;
celui de l'historien Ferréol de Lafage; celui
du président J. de Caulet.
BAOUR-LORMIAN (Pierre-Marie-François-
Louis), poëte et auteur dramatique français,
né à Toulouse le 24 mars 1770, mort à. Paris
le 18 décembre 1854. Il était fils d'un impri-
meur-libraire, et débuta dans la carrière des
lettres par des satires assez piquantes contre
les membres de l'Athénée de sa ville natale.
Après avoir publié à Toulouse, en 1795, une
traduction très-pâle de la Jérusalem délivrée du
Tasse, Baour-Lormian fit preuve de talent et
de patriotisme dans son Hommage aux armées
françaises, imprimé en 1797. Le jeune poète
vint alors à Paris retremper son imagination
à la source qui inspire et grandit les favoris
d'Apollon. Mal conseillé d'abord, il commença
avec Lebrun et Chônier une guerre d'épi-
grammes où il n'eut pas toujours l'avantage.
Il lança, en 1799, contre les hommes du pou-
voir et les membres de l'Institut, un pamphlet
intitulé : Trois mots. Cette satire, adressée à
Despaze, poète incisif que Chénier avait déjà
combattu, obtint un succès qui n'était pas dû
seulement aux circonstances, et fonda la ré-
putation de son auteur. Baour-Lormian fit
paraître, on 1801, les Poésies galliqucs. Cette
imitation brillante des légendes calédoniennes,
écrite dans le goût un peu nuageux de l'épo-
que, lui attira la faveur du public et celle du
premier consul, dont on sait la passion p*our
les poésies ossianiques. En revanche, il n'est
rien de plus platement banal que le soi-disant
poème intitulé : Le Rétablissement du culte.
Le Recueil de poésies diverses, imprimé en
1S03, et VAminte, traduit de l'italien, sont
au-dessous du médiocre.
Baour-Lormian fut plus heureux au théâtre.
Omasis, tragédie en cinq actes et' en vers,
représentée à la Comédie-Française, le 13 Sep-
tembre 1806, obtint du succès. L'histoir% de
Joseph y était tracée avec une simplicité qui
ne manquait pas de grandeur. La pureté et le
naturel du style, son expression surtout, rappe-
laient un peu Racine. Talma, Damas, Baptiste
aîné et mademoiselle Mars aidèrent au succès
de la pièce. Le rôle de Benjamin était le pre-
mier rôle travesti confié à mademoiselle Mars,
qui y parut plus adorable que jamais, La
magie de la diction de la grande artiste et les
grâces de sa personne excitèrent l'admiration
générale; Omasis fut placé, dans le concours
des prix décennaux, après les Templiers, tra-
gédie de Raynouard, et il méritait cette fa-
veur. Mahomet II, tragédie en cinq actes et
en vers, représentée à la Comédie- Française,
le 9 mars 1810, obtint à grand'peine un succès
d'estime. Le poème des Fêles de l'hymen,
composé en 1810, à l'occasion du mariage de
Napoléon et de Marie-Louise , et suivi du
Chant nuptial, ne mérite pas qu'on s'y arrête.
V Atlantide ou le Géant de la montagne bleue,
Rustan ou les Vœux , et huit Songes en prose,
publiés en 1312, n'excitèrent ni critique ni
éloge. En revanche, l'opéra en cinq actes,
intitulé : la Jérusalem délivrée , obtint un
grand nombre de représentations à l'Acadé-
mie impériale do musique, où il fut représenté
le 15 septembre 1812- On joua au même théâ-
tre, le 31 janvier 1814, Yûri/lamme, opéra en
un acte, fait en société avec Etienne, musique
de Méhul, Paër, Berton et Kreutzer. Cette
pièce de circonstance respirait le plus che-
valeresque patriotisme. Elle fut accueillie
avec enthousiasme, et la recette des six pre-
mières soirées s'éleva à la somme de 65 mille
francs. La onzième et dernière représentation
eut lieu (on en comprendra la raison) le 15
mars 1814. L'Oriflamme réussit de même à
Rouen et dans la plupart des grandes villes
de province. Baour-Lormian entra' a, l'Aca-
démie française en 1815; il remplaça le che-
valier de Boufflers. C'est vers cette époque
qu'il refit complètement sa traduction de la
Jérusalem délivrée, d'après les conseils de
■ Delille. Ce pauvre poème, corrigé plusieurs
fois par Baour-Lormian et mis sous différents
formats, attira h son auteur cette épigramme
de Lebrun :
Ci-gît le Tasse de Toulouse ,
Qui mourut in-quarto, puis remourut in-douze
Et qui, ressuscité par un effort nouveau,
Vient de mourir in-octavo.
Les Veillées poétiques et morales ont une
certaine valeur , ainsi que les fragments
d'Young et d'Hervey, que l'auteur y a joints:
mais les Contes d'un philosophe grec (1822)
sont à peu près illisibles — nous devrions dire
illisables , mais notre langue ne le permet
pas. On en peut dire autant de Durante ou la
Ligue en province, roman historique. Pour ré-
veiller l'attention, Baour-Lormian pub]ia; en
1825, le Retour à la religion, poème, suivi du
San a de Charles X, et chacun s'étonna avec
raison de voir le chantre de l'empire s'abaisser
et se faire le courtisan volontaire de tous les
régimes. La même année, parut le Classique et
le Romantique, dialogue, et Encore un mot,
seconde satire. On était à l'époque des luttes
littéraires qui passionnèrent si vivement les
esprits. Or, le poète défendait la mauvaise
cause, celle qui, en toutes choses, a horreur
du progrès, même modéré. Il ne joignait guère,
d'ailleurs, l'exemple au précepte, et il eut con-
tre lui les rieurs des deux partis. La jeunesse
l'affubla du sobriquet de balourd-dormant. Cet
échec fut sensible à l'auteur, qui ne se risqua
que beaucoup plus tard a rentrer en lice. La
traduction du livre de Job, où la couleur bi-
blique est heureusement reproduite, réunit
tous les suffrages. C'est peut-être la meil-
leure œuvre de Baour-Lormian, qui, devenu
aveugle, avait abandonné les idées frivoles
Ï>our s'attacher à. celles qui donnent a l'homme
e courage à défaut du bonheur. M. Nisard
prononça, en 1854, l'oraison funèbre du poète,
auquel l'Académie française rendit un hon-
neur qui n'avait encore été le partage que de
Suard et de Delille. Elle décréta que le nom
de Baour-Lormian serait inscrit d'office sur
sa feuille de présence.
Les dernières années du poîite s'écoulèrent
dans un état voisin de la misère, et M. de
Lamartine, qui lutte aujourd'hui lui-même si
vaillamment contre l'infortune, alla généreu-
sement au secours du vieux barde, qui fut
malheureux jusqu'aprè» sa mort, car les épi-
grammes continuèrent à pleuvoir sur lui, même
lorsqu'il eut disparu de la scène. Nous cite-
rons seulement la suivante, sortie de la plume
de M. Nestor Roqueplan ;
Ne me demandez pas si c'est Baour qu'on trouve
Dans ce sombre caveau ;
On le sait, au besoin de b.lillcr qu'on éprouve
En passant près de son tombeau.
BAPAUME s. m. (ba-pô-mo). Vieille ex-
pression, usitée seulement dans la locution
suivante : Navire en bapaumg, Navire hors
d'état de faire route, de gouverner, à cause
du calme ou par suite d'avaries.
BAPAEME, ville de France, ch.-l. de cant.
(Pas-de-Calais), arrond. et à 22 kil. S.-E.
d'Arras, près de la source de la Sensée. Pop.
aggl. 3,003 hab. — pop. tôt. 3, 149. Fabriques do
mousselines et de batistes; anciennes fortifi-
cations détruites en 1847. Cette ville doit à sa
situation sur la frontière les nombreuses vi-
cissitudes qu'elle a subies : prise et saccagée
par Louis XI, elle fut restaurée par Charles-
Quint, assiégée et prise encore par Fran-
çois Ier, et enfin par La Meilleraye, en 1C1I,
sur les Espagnols; cédée définitivement à la
France, en 1659, par le traité des Pyrénées.
BAPHIER s. m. (ba-fié — du gr. bafé, tein-
ture). Bot. Arbre de la famillo des légumi-
neuses, qui croit à Sierra-Lcone et dont lo
bois sert à la teinture.
BAPH1CS, jurisconsulte purement imagi-
naire, dont 1 existence repose uniquement sur
une méprise très-singulière. Dans une scolie
sur les Basiliques, où il est question de la lex
Fabia (nomos Phabios), le copiste ayant écrit
Baphiou, on s'est empressé de faire de ce per-
sonnage ainsi inventé un commentateur de ce
recueil de lois. On a lieu de s'étonner que la
Nouvelle Biographie de Didot se soit crue
obligée de lui consacrer un article. Il y a
cependant longtemps que M. Montreuil (His-
toire du droit byzantin, Paris, 1843-184G, t. III,
p. 247) a signalé cette bévue. Baphius peut
aller retrouver certain jurisconsulte Tipucittis,
qui est une réalité du même genre. Ces sortes
de biographies sont tout bénéfice pour l'histo-
rien, qui peut lâcher la bride a son humeur
caustique, sans craindre les réclamations des
descendants,
BAPHOMET, que l'on écrit aussi BAFOMET,
BAFFOMET, BAHOMET, BAIIUMET;etc.Nom
d'une idole qu'on dit avoir été adorée par la
secte des gnostiques et par les templiers. Le
traité le plus curieux qui ait été écrit sur
cette matière est celui que M. de Hummer a
composé en latin et fait paraître sous le titre
de Mystère du Baphomet révélé, ou les frères
de la milice du temple, convaincus par leurs
propres monuments de partager l'apostasie,
l'idolâtrie, l'impureté des gnostiques. Cette
dissertation a été analysée tout au long et
discutée par Raynouard, dans deux articles
du Journal des Savants. Mais, avant d'arriver
à l'exposé de cette théorie de M. do llammer,
il est bon de mentionner la première opinion
qu'il avait eue sur l'ôtymologie du mot Ba-
phomet, opinion qu'il a modifiée par la suite,
comme on le verra tout à- l'heure. Il voulait
voir dans Baphomet la transcription d'un mot
qu'il dit arabe, Bahoumid, et ayant le sens do
veau. Dans cotte hypothèse, il raisonne ainsi :
Ce serait perdre le temps que de répéter tout
Ce qui a été dit du culte rendu au bœuf Apis
en Egypte, renouvelé chez les Israélites dans
l'adoration du veau d'or, et conservé jusqu'à
ce jour dans les rites mystérieux des Di'tises.
On lit, dans l'histoire des templiers, que Ba-
humed (pour Baphomet) était une de leurs for-
mules occultes et mystérieuses, dont ils Se ser-
vaient en adressant leurs hommages il l'idole
d'un veau dans leurs assemblées secrètes. On
a proposé différentes étymologies et interpré-
tations de ce mot; mais aucune n'est aussi
satisfaisante que celle-ci, qui prouve que les
templiers avaient quelque connaissance des
hiéroglyphes, connaissance qu'ils avaient pro-
bablement acquise en Syrie.
Tel n'est pas l'avis du célèbre arabisant
Silvestre de Saey, qui pense que le mot Ba-
phomet est simplement la transcription du
nom du prophète arabe Mahomet (Moham-
med). Si l'ou veut prendre, dit-il, la peine de
consulter le glossaire de Ducange, on y verra
qu'au lieu de Mahomeria, Mahumeria, Macho-
meria, noms qui désignaient une mosquée, un
temple consacré au culte musulman, plusieurs
chroniqueurs anciens écrivent Bafumaria ;
que Mahomet lui-même est nommé, par Ray-
mond d'Agiles, Bahumet; enfin que Mafu-
maria (et par conséquent Bafumaria) se prend
pour une idole de Mahomet, non sans doute
que les musulmans rendissent aucun culte à
une figure de leur prophète, mais parce que
les Occidentaux, jugeant du culte des musul-
mans par celui des chrétiens de leur temps,
croyaient que les mosquées étaient consacrées
à Mahomet et qu'on y révérait son image.
Enfin, il faut observer qu'aujourd'hui même
Mahomet se nomme en portugais Mafttma.
Ajoutons que le mot Yallah, qui, suivant plu-
sieurs dépositions, accompagnait l'hommage
rendu à la tête désignée sous le nom de Ba-
fumet, est véritablement arabe et signifie : O
Dieu ! et que le continuateur de Guillaume de
Tyr, dans les aveux qu'il met dans la bouche
du prince de Toulouse et du Florentin Noffa,
leur fait dire , Templarios omnes , abjurata
christiana religione, Mahumetum colère (que
les templiers, après avoir abjuré la religion
chrétienne, adoraient Mahomet). Si l'on adopte
cette conjecture, ajoute Silvestre de Saey,
BAP
que je crois infiniment vraisemblable, la res-
semblance fortuite que l'on aperçoit entre Ba-
hcumid et linfumet ne laissera plus lieu à
établir aucune conséquence importante. Nous
ferons encore remarquer avec M. Miinter, a
titre de détail caractéristique, que les figures
ou têtes enchantées employées par les sor-
ciers dans l'exercice de leur art, lesquelles
étaient réputées animées par le diable, s'appe-
laient des tètes de Mahomet, et venaient en
partie de l'Orient, en partie de l'Espagne.
Dans sa dissertation insérée dans les Mines
de l'Orient, M. de Hamraer étudie de nouveau,
et à fond, cette divinité mystérieuse, désignée
sous le nom de Baphomet. On trouve, dit-il,
dans la procédure suivie contre l'ordre du
Temple que les chevaliers adoraient une idole
en forme de Baphomet. En décomposant ce
mot, on a Bapho et meti ; baphê, en grec, signi-
fie teinture (immersion) et par extension bap-
tême; météos signifie de l'esprit; le Baphomet
des templiers était donc le baptême de l'es-
prit, le baptême gnostique, qui ne se faisait
pas par l'eau de la rédemption, mais qui était
une lustratîon spirituelle par le feu ; Bapho-
met signifie donc l'illumination de l'esprit.
Comme les gnostiques avaient fourni aux
templiers les idées et les images baphomôti-
ques, le nom de mêlé, métis, a du être vénéré
chez les templiers. Les gnostiques étaient,
on le sait, accusés de vices inràmes : le métis
était représenté sous des formes symboli-
ques, principalement sous celle des serpents
et d'une croix tronquée ayant la forme de la
lettre grecque -t. M. de Hammer, qui essaye
d'appuyer cette théorie sur l'examen d'une
série de monuments, entre, à propos de ces
symboles, dans des détails que la langue fran-
çaise, ainsi que le dit Raynouard, n a pas le
privilège de reproduire comme d'autres lan-
gues. Développant, ajoute Raynouard, ces
diverses accusations, M. de Hammer soutient
qu'il est prouvé, par la procédure, que les
templiers adoraient des ligures baphométi-
ques, et il produit des médailles qui offrent
ces figures prétendues, et surtout quelques-
unes où l'on trouve le mèté avec la croix
tronquée , et d'autres qui représentent un
temple avec la légende sanctissima guinosis,
c'est-à-dire gnosis. Il indique aussi des vases
gnostiques et des calices, et, en les attribuant
aux templiers , il avance que le roman du
Saiitt-Graal, ou sainte coupe, est un roman
symbolique qui cache et prouve à la fois
I apostasie, la doctrine gnostique des tem-
pliers. Raynouard, après avoir ainsi exposé
fa théorie du savant allemand, commence par
combattre l'étymologie de Bap/wmet donnée
par M. de Hammer. Il se range à l'avis de
Silvestre de Sacy et reconnaît tout simple-
ment dans Baphomet le nom de Mahomet, et
il apporte de nouvelles preuves militant en
faveur de cette théorie.
Les idoles qu'on a désignées, à tort ou à
raison, sous le nom de Baphomet, étaient des
représentations humaines, réunissant les attri-
buts des deux sexes.
BAFHOBHIZE s. f. (ba-fo-ri-ze — du gr.
baphé, teinture ; rhiza, racine). Bot. Syn,
ù'orcanetle ou buglose tinctoriale.
BAPST (Michel), médecin et naturaliste al-
lemand, né à Rochlitz en 1540, mort en 1G03.
II était pasteur à Mohorn. Il a publié, en latin
et en allemand, divers traités sur la médecine
et l'histoire naturelle, sur l'utilité de la graisse
et de la moelle dans le corps de l'homme, sur
les propriétés (prétendues) du genévrier, etc.
Ces ouvrages sont eaticremont oubliés au-
jourd'hui.
BAPTE s. f. (ba-pte — du gr. baptô, je
teins). Entom. Genre d'insectes lépidoptères
nocturnes , voisin des phalènes géomètres.
Syn. de corycie.
BAPTÊME, s. m. (ba-tô-mo — du gr. bap-
tisma, môme sens — rad. baptizà, je lave, je
baptise). Sacrement qui efface le péché ori-
ginel et fait chrétien, au moyen de certaines
Saroles prononcées par le prêtre et d'un peu
'eau versée sur la tête du néophyte : Bcce-
voir, administrer le baptême. On dit que le
baptême nous nettoie, parce qu'il efface le pé-
ché que nous apportons annaissant. (Boss.) La
raison se développe peu à peu, et la foi infusée
par le baptême en fait de même. (Boss.) La
baptême est un pacte et un traité solennel, par
lequel nous engageons notre foi à Dieu. (Boss.)
Nous sommes enrôlés par le saint baptême
dans une milice spirituelle. (Boss.) Godrun et
les autres capitaines païens jurèrent, sur un
bracelet consacré à leurs dieux^ de recevoir fi-
dèlement le baptême. (Ara. Thierry.) Le bap-
tême n'est que le symbole ; l'amour de Dieu et
des hommes, voilà ta loi. (A. Martin.) Lama-
lièra nécessaire du sacrement de baptême est
l'eau naturelle. (Card. Gousset.) Le baptême,
dans les premiers siècles de l'Eglise, bien qu'il
fût ouvert à tous, conservait néanmoins les ca-
ractères d'une initiation. (Renan.) Le bap-
tême était une cérémonie ordinaire de l'intro-
duction des prosélytes dans le sein de la reli-
gion juive. (Renan.) "■ '
— Baptême par immersion, Baptême conféré
en plongeant le catéchumène dans l'eau :
Dans les premiers siècles de l'Eglise, on con-
férait^ le baptême par immersion. (Acad.) [|
Baptême par infusion, Baptême conféré en
répandant de l'eau sur le catéchumène .- Dans
tout l'Occident, on ne donne plus le baptême
que par infusion. (Trév.) il Baptême par as-
persion, Baptême conféré en jetant de l'eau
BAP
sur les catéchumènes : Quoique communément
on donnât, dans les premiers siècles, le bap-
tême par immersion, cependant on reconnais-
sait que cela n'était point nécessaire, et qu'on
pouvait donner le baptême par aspersion.
(Trôv.) n Baptême d'eau, Baptême conféré par
la méthode ordinaire, au moyen de l'eau :
Le baptême d'eau est le premier des sept sa-
crements institués par Notre Seigneur-Jésus-
Christ. (Card. Gousset.) |] Baptême de sang,
Le martyre, parce qu'il tient lieu d'up vé-
ritable baptême : Le baptême de sang puri-
fie l'âme de ses péchés, il supplée au baptême
d'eau chez ceux qui sont dans l'impossibilité
de le recevoir. (Card. Gousset.) n Baptême de
feu ou de désir, Baptême suppléé par un dé-
sir ardent d'être baptisé, lorsqu'on se trouve
dans l'impossibilité de recevoir le baptême
d'eau.
— Effet du baptême, grâce que le baptême
confère ; Qui a conservé son innocence? Qui de
nous a son baptême entier. (Boss.) Il Foi chré-
tienne, Pratique de la religion chrétienne :
Plusieurs Indiens, nouvellement convertis, ou-
blièrent insensiblement leur baptême et re-
tournèrent à leurs anciennes superstitions. (P.
Bouhours.)
— Nom de baptême , Prénom qu'on donne
au néophyte au moment de son baptême, (v.
Nom), n Fig. Nom synonyme d'un autre nom :
Quelqu'un disait que la Providence était le
nom de baptême du hasard; quelque dévot
dira que le hasard est le sobriquet de la
Providence. (Cliamfort.)
— Par ext. Fête et cérémonies dont on ac-
compagne ordinairement le baptême: Oh!
je préfère les baptêmes, et, pour ma part,
j'aime mieux être marraine dix fois que ma-
riée-une seule. (Scribe.) Il Suite des personnes
invitées à un baptême : A travers les carreaux
du fond, on voit passer le baptême, qui vient
de la droite et entre à gauche. (Scribe.)
— Par anal. Nom donné à certaines béné-
dictions solennelles : Le baptême d'une cloche,
d'un navire. Avant la Révolution, un vaisseau
achevé recevait /<? baptême la veilled'étre lancé
à l'eau, sous le nom qu'on lui donnait sur son
chantier. (/Willaumez.)
— Fig. Consécration, régénération; initia-
tion : Le repentir est'un nouveau baptême. (A.
d'Houdetot.) On gagnait du premier coup, à
ce baptême de fer, le respect d'autrui, qui est
la conséquence dmrespectdesoi-même.{D\iclos.)
Ces soldats ont reçu, le baptême du feu dans
les batailles; ils sont tous les mêmes à mes
yeux. (Napol. Ier.) Les jeunes peintres cou-
raient en Italie chercher leur brevet de maî-
trise, leur baptême d'artistes. (Vitût.) Une
révolution est un baptême de larmes et de
sang. (Boiste.) Verses l'instruction sur la tête
du peuple ; vous lui devez ce baptême. (Lhcr-
minier.) Le baptême du malheur a bien assez
purifié nos âmes. (G.Sand.) Vous m' avez donné
votre nom ; noire mariaqe a été pour moi un
autre baptême, le baptême de la~rcdemplion.
(A. Houssaye.) D'où vient, encore une fois, que
le baptême de la civilisation n'a pas eu pour
tous la même efficacité? (Proudh.) L.es larmes,
ces fleurs du repentir, seront comme un bap-
tême céleste d'où sortira votre nature purifiée.
(Balz.) L'intelligence est la première eau du
baptême qui prépare toute rédemption. (E.
Pûlletan.)
C'est l'airain du canon qui sonna vos baptêmes.
Barthélémy.
— Mar. Baptême de la ligne, du tropique,
.Aspersion d'eau de mer qu'on fait subir, avec
des cérémonies burlesques, aux personnes
qui passent la ligne ou le tropique du Cancer
pour la première fois : Les navigateurs s'af-
franchissent maintenant du baptême du tro-
pique. (Lcgcndre.) Le baptême du tropique ne
dispense pas de celui de la ligne. (Bachelct.)
— Encycl. I. — Doctrine catholique sur
le baptême. Le baptême est défini par les
théologiens catholiques : un sacrement de la
loi nouvelle, qui opère la régénération spiri-
tuelle des hommes, par l'ablution avec l'eau, ac-
compagnée de l'invocation de la très-sainte Tri-
nité (Sacramentum novœ legis quo homines spiri-
tualiterregeneranturper ablutionem aquce,cum
expressa sanctissimœ Trinitatis invocatione).
Les théologiens catholiques traitent successi-
vement : 10 de l'existence du baptême, comme
sacrement; 2<> de la. matière du baptême; 30 de
sa forme; 4° du ministre du baptême, c'est-à-
dire des personnes qui peuvent validement
l'administrer ; 50 du sujet du baptême, c'est-à-
dire des personnes qui sont capables de le
recevoir; 6° de ses effets; 7" de la nécessité
du baptême; S0 du sort éternel de ceux qui
meurent sans avoir été baptisés.
— De l'existence du baptême comme sacre-
ment. L'Eglise professe que le baptême est un
sacrement de la loi nouvelle et qu'il a été,
ainsi que tous les sacrements, institué par
Jésus-Christ. <■ Si quelqu'un, dit le concile de
Trente, prétend que les sacrements de la loi
nouvelle n'ont pas été tous institués par Jésus-
Christ Notre Seigneur, ou qu'il y en a plus ou
moins que sept, savoir : le baptême, la confir-
mation, l'eucharistie, la pénitence, l'extrême-
onction, l'ordre et le mariage ; ou aussi que
quelqu'un de ces sept n'est pas véritablement
et proprement sacrement : qu'il soit ana-
thème. » A quelle époque précise le baptême
a-t-il été institué? Rien dans l'Ecriture, ni
dans la tradition, ni dans les définitions de
l'Eglise ne détermine clairement cette époque.
Il est probable, disent les uns, que le sacre-
BAP
ment de baptême fut institué lorsque Jésus
voulut être baptisé lui-même dans le Jourdain.
Les autres veulent que ce soit après la résur-
rection du Sauveur, lorsqu'il dit aux apôtres:
n Allez et enseignez toutes les nations, les
baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit (Euntes doecte omnes gentes, baptisan-
tes eos in nomine \Patris, et Filii, et Spirilles
sancii). D'autres croient que" le baptême fut
institué avant la Passion, lorsque Jésus en-
seigna à Nicodème la nécessité pour l'homme
d'être régénéré par l'eau et le Saint-Esprit,
Ils se fondent sur ces paroles de l'Evangile
de Jean : « Après cela, Jésus vint en Judée,
suivi de ses disciples, et il y séjournait avec
eux, et il y baptisait (Post nœc'venit Jésus et
discipuli ejus in terram Judœam, et illic de-
morabatur cum eis, et baptizabat). »
— De la matière du baptême. L'Eglise en-
seigne que l'eau naturelle est la seule matière
avec laquelle on puisse baptiser validement.
Elle s'appuie sur ces paroles de Jésus dans
l'Evangile de Jean : » Si quelqu'un n'est pas
régénéré par l'eau et par le Saint-Esprit,
il ne peut pas entrer dans le royaume de
Dieu (Nisi quis renatus fuerit ex aqua, etc). »
Toute autre liqueur, soit artificielle, soit na-
turelle, ne peut être employée pour baptiser:
ainsi l'a décidé le concile de Trente. <i Si
quelqu'un, dit ce concile, prétend que l'eau
vraie et naturelle n'est pas nécessaire dans
l'administration du baptême, et pour cela dé-
tourne à quelque métaphore ces paroles de
Notre Seigneur Jésus-Christ: Nisi quis rena-
tus fuerit ex aqua, etc. ; qu'il soit anathème. »
Le mot naturel est pris ici dans dans son
acception vulgaire ; il s'agit, disent les théo-
logiens, de toute eau de fontaine, de puits,
de mer, de rivière, de lac, d'étang, de citerne,
de pluie ; il n'est pas nécessaire que l'eau dont
on fait usage soit distillée, ni qu'elle soit
froide, ni qu'elle soit potable, ni qu'elle soit
bénite : Non refert, ditAI. Bouvier, frigida sit
an calida, potabilis vel non potabilis, benedicla
vel profana.
L eau naturelle est ce que les théologiens
appellentlamatière éloignée du baptême (male-
ria remola) ; la matière prochaine du sacre-
mont, materia proxima, est l'application que
l'on fait de cette eau, c'est-à-dire l'ablution.
L'ablution est nécessaire, essentielle; mais le
mode de l'ablution ne l'est pas. Trois modes
d'ablution baptismale ont été mis en usage
dans l'Eglise, et sont également valides : l'in-
fusion de l'eau sur le baptisé, l'aspersion du
baptisé avec de l'eau et l'immersion du bap-
tisé dans l'eau. Les théologiens font, relati-
vement aux modes par infusion et par asper-
sion, les observations suivantes : l° Il faut
que l'eau soit versée en quantité suffisante
pour couler sur la partie du corps qu'elle
touche ; autrement il n'y aurait pas ablution,
lavage. (L'a requiritur aquœ quantitas ut rê-
vera fluat, alioquin lotio non esset) ; 2° Il faut
qu'elle touche immédiatement la peau [Curan-
dum est ut aqua pcllem baptizandi tangat);
3° Il importe que l'ablution baptismale soit
faite sur la tète, parce que, la tête étant
réputée le principal siège de l'Urne, le baptême
appliqué à une autre partie du corps est
considéré comme douteux par certains doc-
teurs (Cum caput kabeatur ut principalis sedes
animas, plures arbitrantur baptismum in aliud
membrum applicatum esse dubium).
— De la forme du baptême. Les paroles par
lesquelles le baptême est administré consti-
tuent ce que la théologie appelle la forme de
co sacrement. Ces paroles sont : Je te bap-
tise au nom du Pore, du Fils, et du Saint-
Esprit (Ego te baptizo in nomïns l'alris, et
Filii, et Spiritus sanr.li). Dans l'Eglise grec-
que, le prêtre dit : Est baptisé lcserviteur do
Dieu, au nom du Père, amen, et du Fils,
amen , et du Saint-Esprit , amen , et tou-
jours , et dans les siècles des siècles, amen.
(Baplizatur servus Dei in nomine Palris, etc.).
Les deux formes sont également légitimes;
le pape Eugène IV le déclare formellement
dans la bulle Exultale Domino. Ce qui con-
stitue la forme du baptême, c'est l'invo-
cation explicite des trois personnes de la
Trinité, accompagnant l'acte de l'ablution;
c'est de plus l'expression formelle de cet acte ;
il n'est pas nécessaire que cette expression
soit enfermée dans une formule déterminée et
invariable ; mais d'après le plus grand nombre
de théologiens, elle ne saurait faire défaut,
être sous-entendue. Le pape Alexandre VII a
condamné, en 1G90, la proposition suivante :
Le baptême a quelquefois eu valeur, conféré
sous cette forme, Au nom du Père, etc., avec
omission de ces paroles, Je te baptise ( Valuit
aliquando baptismus sub hac forma collatus :
In nomine Patris, etc., pretermissis istis, Ego
te baptizo). M. l'abbé Le Noir fait remarquer
cependant que cette condamnation n'exprime
qu'une opinion théologique, et qu'on peut, sans
sortir du cercle de la foi, comme l'ont fait au
xiic siècle Pierre Le Chantre, Hugues de Saint-
Victor, Etienne, évoque deTournay, etc., con-
tester lanécessité,pour la validité dnbaptême,
de l'emploi du verbe baptiser ou de ses syno-
nymes. Il ne parait pas non plus que le bap-
tême doive être absolument tenu pour nul,
lorsque les trois personnes de la Trinité
n'ont pas été explicitement invoquées. Beau-
coup de scolastiques, parmi lesquels Cajetan
et le pape Adrien VI, ont pensé que le baptême
qui serait administré sous cette forme abrégée,
Je te baptise au nom de la sainte Trinité, ou
Je te baptise au nom de Jésus-Christ, serait
valide.
BAP
187
— Du ministre du baptême. «Il est prouvé
par les Actes des apôtres, dit l'abbé Bergier
{Dictionnaire de théologie), et par les Epitres
de saint Paul, que les apôtres baptisaient
ceux qui croyaient en Jésus-Christ, mais
qu'ils préféraient à cette fonction celle d'an-
noncer l'Evangile. 11 y a donc lieu de penser
qu'ils se déchargèrent de ce soin sur les dia-
cres ou sur les laïques. Aussi, selon la prati-
que de l'Eglise, il a été établi que les éveques
et les prêtres sont les ministres ordinaires de
ce sacrement; mais que, dans le cas de néces-
sité, il peut être administré par toutes sortes
de personnes, même par des femmes. » Ainsi
toute personne peut conférer validement le
baptême, aune condition toutefois, c'est qu'elle
apporte dans cet acte l'intention de faire ce
que fait l'Eglise. Le ministre ordinaire du
baptême est le prêtre, dit le pape Eugène IV
dans la bulle Exultate Domino; mais dans le
cas do nécessité, non-seulement la prêtre ou
le diacre, mais même un laïque ou une femme,
bien plus, un hérétique, un païen, peut bapti-
ser, pourvu qu'il observe la forme de l'Eglise
et qu'il ait l'intention de faire ce que fait l'E-
glise (In causa autem necessitalis , non solum
sacei'dos vel diaconus, sed atiam laïeus et
rnulier, imo etiam paganus et hœreticus bapti-
zare potest, dummodo formam servet Ecclesia',
et facere intendat quod facit Ecclesia).
Cette question de l'intention dans le ministre
du baptême a soulevé de vives controverses :
suffit-il que cette intention soit extérieure ,
c'est-à-dire qu'elle porte uniquement sur l'acte
extérieur, ou faut-il de plus qu'elle soit inté-
rieure , c'est-à-dire que lo baptisant com-
prenne et veuille' ce que comprend et veut
l'Eglise dans le sacrement du baptême? Il y a
des autorités, de hautes autorités pour l'une
et l'autre opinion. « Il n'est pas nécessaire,
dit le pape Innocent IV, pour que le baptême
soit valide, que le baptisant entende co que
veut et ce que fait l'fighse, ni mémo qu'il
sache ou croie que l'Eglise existe. 1 Le bap-
tême n'est pas valide , dit le pope Alexan-
dre VII, si celui qui le confère, tout en obser-
vant les rites extérieurs et la forme du sacre-
ment, prend la résolution de ne pas s'associer
intérieurement à ce que fait l'Eglise. » Nous
devons dire quo la nécessité dé l'intention
intérieure ne paraît guère compatible avec la
validité du baptême conféré par les héréti-
ques, les incrédules, les infidèles, en ce qu'elle
fait dépendre, dans une assez grande mesure,
l'efiicacité du sacrement do celui qui l'admi-
nistre.
Cependant la doctrine de la validité du
baptême des hérétiques , bien qu'elle ait été,
au 1110 siècle, vivement combattue par saint
Cyprien, a prévalu dans l'Eglise. Le pape
Etienne soutint contre Cyprien qu'il ne fallait
pas rebaptiser les hérétiques qui se convertis-
saient, lorsqu'ils avaient reçu lo baptême dans
la forme nécessaire, c'est-à-dire avec invoca-
tion de la Trinité, et qu'on devait se contenter
de. leur imposer les mains, comme cela se fai-
sait à l'égard des pénitents. « On ne doit pas
s'enquérir, dit-il dans un décret, quel est celui
qui a baptisé , parce que celui qui a été bap-
tisé a pu obtenir la grâce par l'invocation do
la Trinité. Le nom du Christ vaut tellement
que quiconque est baptisé, en quelque lieu
que ce soit, au nom du Christ, obtient aussitôt
la grâce du Christ. Nous suivons cette prati-
que que nous avons reçue des apôtres. » La
décision du pape Etienne fut élevée à la
dignité d'article de foi par lo concile de
Trente. « Si quelqu'un, dit ce concile, prétend
que le baptême qui est donné, même par les
hérétiques, au nom du Père, du Fils et de
l'Esprit saint, avec l'intention de faire ce que
fait l'Eglise, n'est pas le vrai baptême; qu'il
soit anathème. »
— Du sujet du baptême. « Il est évident, dit
l'abbé Bergier, que ceux qui reçurent lo bap-
tême de la main do Jésus-Christ et des apôtres
étaient des adultes, et qu'avant de le leur
donner, Jésus-Christ et les apôtres exigeaient
d'eux la foi. » Mais les adultes étaient-ils
seuls capables de recevoir le baptême? Cette
question ne devait pas tarder à diviser et à
passionner les esprits. Les uns pensaient que
la foi est nécessaire à l'efiicacité du baptême,
ce qui en excluait les enfants; telle était l'opi-
nion de Tertullien ; les autres alléguaient, d'une
part, la nécessité du baptême pour le salut, et
de l'autre , la mission du Christ venu pour
sauver et faire renaître en Dieu tous les hom-
mes, sans acception d'âge. Cette dernière
opinion prévalut, et l'usage s'introduisit de
très - bonne heure dans l'Eglise de baptiser
les enfants. Origène nous apprend que cet
usage était, de son temps, général en Egypte;
il le justifie par la tradition apostolique; il
y puise même un argument en faveur de sa
théorie de la préexistence des âmes, de même
que plus tard saint Augustin y trouva une
preuve du péché originel. Ce fut ce dernier
qui formula la théorie catholique du bap-
tême des enfants. A l'objection tirée de la
nécessité de la foi pour l'efficacité du baptême,
il répondit que la foi des parents et des par-
rains, ou plutôt la foi de toute l'Eglise, tient
lieu au nouveau-né de celle qu'il ne peut
avoir. Cette théorie fut acceptée par les déci-
sions dogmatiques. Ecoutez le concile de
Trente : « Si quelqu'un nie que le mérite du
Christ Jésus soit appliqué par le sacrement
de baptême régulièrement conféré , dans la
forme de l'Eglise, tant aux adultes qu'aux
enfants; qu'il soit anathème. — Si quelqu'ua
188
BAP
BAP
BAP
BAP
dit que personne ne doit être baptisé, si ce n'est
à l'âge ou le Christ fut baptisé, ou à l'article
même de la mort; qu'il soit anathème. — Si
quelqu'un dit que les enfants, par cela qu'ils
n'ont pas la foi en acte après le baptême reçu,
ne doivent pas être réputés au nombre des
fidèles , et pour cette raison doivent être re-
baptisés quand ils sont parvenus à l'âge de
discrétion ; ou qu'il vaut mieux ne pas les bap-
tiser que de les baptiser dans la foi générale
de l'Eglise, sans qu'ils croient par un acte
propre ; qu'il soit anathème. »
— Des effets du baptême. Les effets attri-
bués au baptême par la doctrine catholique
sont de trois sortes : 1° l'effacement du péché
originel; 2« la rémission des péchés actuels;
3° l'impression dans l'âme du baptisé d'un
caractère surnaturel indélébile. L'Eglise ca-
tholique nous enseigne : — Que le baptême est
la porte de la vie surnaturelle de l'âme, et des
autres sacrements; — Que, bien administré à
l'enfant, il efface pour toujours en lui le péché
originelle fait chrétien et enfant de l'Eglise;
— Que par le baptême sont remis, avec le
péché originel, tous les péchés actuels; —
Que par le baptême est remise non-seulement
la peine éternelle, mais aussi toute la peine
temporelle que lo sujet peut mériter; d'où
cette conséquence, que l'on ne doit imposerai]
baptisé aucune satisfaction ; — Que trois sa-
crements, le baptême , la confirmation et l'or-
dre impriment dans l'âme un caractère spiri-
tuel Indélébile, qui ne permet pas de les réi-
térer;— Que tous ceux qui sont baptisés,
enfants ou adultes, sont lavés au même degré
de la tache originelle et reçoivent le même
caractère, mais que la grâce est plus ou moins
grande dans les adultes selon les dispositions;
— Qu'il est faux que tous les péchés commis
après lo baptême soient ou remis ou rendus
véniels par le seul souvenir et la seule foi du
baptême reçu ; — Qu'il est faux que le baptême,
une fois reçu validement, doive être réitéré à
celui qui a renié la foi chrétienne, quand il
se convertit; — Que le baptême no fait point
mourir au péché jusqu'au point d'enlever la
concupiscence ; — Que, si le baptême est reçu
validement, mais avec de mauvaises disposi-
tions, par un sujet adulte, les effets du sacre-
ment revivent lorsque les mauvaises dispo-
sitions viennent à cesser.
— De la nécessité du baptême. La nécessité
du baptême résulte logiquement des effets que
l'Eglise catholique lui attribue; le sacrement
qui efface le péché originel doit être évidem-
ment réputé nécessaire pour faire participer
ù la rédemption. Plusieurs textes du Nouveau
Testament peuvent être invoqués en faveur
de cotte nécessité. «Prêchez l'Evangile a toute
créature, dit Jésus-Christ dans l'Evangile do
Marc; celui qui croira et sera baptisé sera
sauvé, celui qui ne croira pas sera condamné.»
Saint Paul nous enseigne o que Dieu nous a
sauvés par le bain de la régénération et le re-
nouvellement du Saint-Esprit. » Le concile
de Trente, après avoir décidé qu'Adam a trans-
mis à tout le genre humain, non-seulement la
nécessité de souffrir et de mourir, mais encore
le péché, qui est la mort de l'âme, enseigne
que ce péché ne peut être effacé que par les
mérites de Jésus-Christ, et que ces mérites
nous sont appliqués par le baptême ; que, de-
puis la promulgation de l'Evangile, l'homme
ne peut pas passer de l'état de péché à l'état
de grâce sans le baptême, ou sans le désir de
le recevoir; en conséquence, il dit anathème a
quiconque soutient que ce sacrement n'est pas
nécessaire au salut : « Si quelqu'un, dit-il,
prétend que le baptême est libre, c'est-à-dire
n'est pas nécessaire au salut; qu'il soit ana-
thème. (Siquis dixerit baptismum liberum esse,
hoc est non necessarium ad salutem, anathema
sit.)
Il faut remarquer que le concile de Trente
déclare que l'homme ne peut pas passer de
l'état du péché à l'état de grâce sans le bap-
tême ou sans le désir de le recevoir ; en effet
l'on a toujours cru dans l'Eglise que la foi
jointe au désir du baptême peut 'tenir lieu de
ce sacrement, lorsqu il y a impossibilité de le
recevoir. On n'a jamais douté du salut des
catéchumènes morts sans avoir pu obtenir
cette grâce. On a jugé encore que le martyre
opérait le même effet U l'égard de ceux qui
mouraient pour Jésus-Christ: c'est dans cette
croyance que l'Eglise rend un culte aux
saints Innocents. De la la distinction faite
par les théologiens de trois espèces de bap-
têmes, savoir : le baptême de désir (baptismus
flaminis), le baptême de sang ou le mariyre
(baptismus sanguinis),et le baptême d'eau (bap-
tismus aquee).
— Du sort des enfants morts sans baptême.
V. PÉCHÉ ORIGINEL.
II. — Doctrines de diverses sectes chré-
tiennes sur le baptême. Le baptême a été
rejeté par plusieurs sectes hérétiques des pre-
miers siècles, telles que les marcosi ens, les va-
lentiniens,les quintiliens,(\\x\ pensaienttous que
la grâce, étant un don spirituel, ne pouvaitêtre
communiquée ni exprimée par des signes sen-
sibles. Les séleuciens et les hermiens chan-
geaient la matière du sacrement ; ils ne vou-
laient pas qu'on le donnât avec de l'eau ; ils em-
ployaient le feu, sous prétexte que saint Jean-
Baptiste avait assuré que le Christ baptiserait
ses disciples dans le feu. D'autres en altéraient
la forme. Ménandre baptisait en son propre
nom ; les éluséens invoquaient les démons; les
montanistes joignaient le nom deMontan,leur
chef, et de Priscille, leur prophètes-^, aux noms
du Père et du Fils. Les sabelliens, les disciples
de Paul de Samosate, les ewwmiens, et quelques
autres hérétiques qui repoussaient la Trinité,
ne baptisaient point au nom des trois personnes
divines.
Au moyen âge, nous voyons un grand nombre
de sectes, manichéens, cathares, patarins, bul-
gares, albigeois, s'attaquer au baptême de l'E-
glise ; c'était, disaient-ils, un simple baptême
d'eau pure, incapable de communiquer le Saint-
Esprit au néophyte,. et par conséquent fort
inférieur au sacrement de l'imposition des
mains, appelé par eux le baptême spirituel.
Aussi rebaptisaient-ils les catholiques qui em-
brassaient leurs doctrines, en invoquant sur
eux le Saint-Esprit, en psalmodiant l'oraison
dominicale, et en leur imposant les mains. Les
pétrobrusiens, les henriciens et les vaudois re-
jetaient le baptême des enfants comme inutile,
les enfants ne pouvant avoir la foi requise.
Les béguins, les lollards et d'autres mystiques
n'admettaient aucun sacrement, parce que,
selon eux , les sacrements étaient bons pour des
enfants, et non pour des adultes en religion.
Wiclef, Jean Huss enseignèrent que le baptême,
au moins celui des enfants, n'est point abso-
lument nécessaire au salut.
Nous arrivons à la grande révolution reli-
gieuse du xvie siècle, au protestantisme. Lu-
ther accepta, après quelques vacillations dans
ses opinions, la théorie augustinienne du bap-
tême, telle qu'elle avait été modifiée par saint
Thomas d'Aquin. Saint Augustin soutenait
que la foi est indispensable pour jouir des
bienfaits attachés au baptême, mais que cette
foi , qui ne peut exister chez le nouveau-né,
peut être suppléée par celle des parents et
des parrains , ou plutôt par celle de toute
l'Eglise. Saint Thomas fit un pas de plus, il
prétendit que l'efficacité du baptême dépend
de la foi des enfants eux-mêmes, et non d'une
foi étrangère. Luther admit cette idée d'une
foi qui sommeilla dans l'enfant. « On m'oppo-
sera, dit-il, qu'il faut croire pour être baptisé et
sauvé, et que le nouvoau-nô ne saurait avoir
de foi personnelle. Mais cela ne me touche en
rien. Comment, en effet, prouver que le nou-
veau-né n'a pas la foi? Est-ce parce que, privé
de la parole, il ne peut exprimer cette foi?
Mais, à ce compte, que devient notre foi à
nous-mêmes lorsque nous dormons. Est-ce
que Dieu ne peut conserver la foi dans le eccur
pendant le temps de l'enfance, qui n'est qu'un
sommeil continuel? (Annon potest Deus toto
infanliœ tempore, ceu continua sofno, (idem
in illis servare?) Et si Dieu peut conserver
la iifi dans le cœur lorsqu'elle y est entrée,
pourquoi ne pourrait-il pas l'y susciter en
vertu de la foi et des prières de ceux qui
viennent présenter l'enfant au baptême? Les
luthériens professent donc que le baptême tire
toute son efficacité des paroles sacramentelles,
qu'il est nécessaire au salut, et qu'il faut bap-
tiser les enfants, chez qui l'ablution baptismale
opère, par le Saint-Esprit, quelque chose d'a-
nalogue a la foi et à 1 amour.
. A l'exemple des sectes mystiques du moyen
âge, les anabaptistes, qui se croyaient appelés à
réformer plus profondément l'Kglise et se van-
taient de révé'ations particulières, rejetaient
le baptême des petits enfants comme inutile,
parce que, disaient-ils, sans la foi le baptême
est nul, et que la foi des parrains ne saurait
tenir lieu à l'enfant de celle qu'il ne peut avoir.
Les calvinistes en-eignaient que les enfants
des chrétiens prédestinés au salut sont sanc-
tifiés dès le sein de leur mère. Calvin déclare
formellement dans ses Institutions que le bap-
tême des enfants n'a pas pour but de les rendre
enfants de Dieu, mais qu'il doit être considéré
simplement comme un signe extérieur et so-
lennel d'admission dans l'Eglise. (Unde se-
quitur non ideo baptizari fidelium liberos ,
ut filii Dei tune primum fiant, qui ante alieni
fuerint ab Ecclesia, sed solemni potius signo
ideo recipi in Ecclesiam, quia promissionis be-
neficio jam ante ad Christi corpus pertinebant.)
Partant d'un tout autre principe que celui
de la prédestination absolue, les sociniens
étaient arrivés, par une route fort différente, au
même but que Calvin. Ils n'attachaient aucune
vertu régénératrice au baptême, dans lequel ils
ne voyaient qu'un symbole. Ils l'ont cependant
conservé comme un rite innocent. Les armé-
niens partagent leur sentiment et rejettent
surtout la doctrine augustinienne de la dam-
nation des enfants morts sans baptême; car,
disent-ils, ce n'est pas la faute de ces enfants,
s'ils n'ont pas été baptisés. Le réformateur
Zwingle n'admettait pas non plus que les en-
fants morts sans baptême fussent exclus du
salut : Infantes christianorum sine baptismo
decedentes salvari credimus, a-t-il écrit. Les
quakers, de leur côté, à l'exemple des mys-
tiques du moyen âge, nient l'utilité du baptême
d'eau, parce qu'ils ne l'envisagent que comme
un symbole du baptême intérieur ou spirituel,
lequel consiste dans la régénération opérée
par la lumière de l'Esprit. Nous devons dire,
en terminant, que, sous l'influence croissante
du rationalisme et du naturalisme, les idées se
sont considérablement modifiées sur le sacre-
ment de baptême, dans l'Eglise luthérienne.
Beaucoup de théologiens luthériens nient la
nécessité du baptême pour les enfants de pa-
rents chrétiens. « Les supranaturalistes eux-
mêmes, dit M. Haag (Histoire des dogmes chré-
tiens) ont compris qu'un sacrement qui procure
la félicité céleste sans la foi était en contra-
diction directe avec ce principe du protestan-
tisme : la foi seule sauve. Or, qui pourrait
aujourd'hui soutenirsérieusementqu'un enfant
venant de naître a la foi justifiante, au sens
protestant, c'est-à-dire cette foi qui exige un
assentiment complet aux promesses de Dieu,
et la ferme persuasion que nos péchés nous
sont remis à cause du Christ? »
III. — Le baptême considéré au point de
VUE DK LA CRITIQUE RATIONALISTE. Voltiuro
montre dans le baptême une institution humaine
qui n'appartient pas en propre au christianisme
et qui remonte bien au delà. L'origine lui en
fiaro.lt trbs-naturelle ; le baptême est, suivant
ui, né de la tendance spontanée de l'esprit
humain à donner un sens moral à des mofs
dont la signification primitive était purement
physique, et par suite une portée, une valeur
morale aux actes exprimés par ces mots. « Le
baptême, dit-il (Dictionnaire philosophique),
l'immersion dans l'eau, l'aspersion, la purifi-
cation par l'eau, est de la plus haute antiquité.
Etre propre, c'est être pur devant les dieux.
Nul prêtre n'osa jamais approcher des autels
avec une souillure sur son corps. La pente
naturelle à transporter à l'âme ce qui appar-
tient an corps fit croire aisément que les lus-
trations, les ablutions étaient les taches de
l'âme comme elles ôtent celles des vêtements,
et en lavant son corps on crut laver son âme.
De là cette ancienne coutume de se baigner
dans le Gange, dont les eaux étaient réputées
sacrées ; de là les lustrations si fréquentes
chez tous les peuples. Les nations orientales
qui habitent des pays chauds furent les plus
religieusement attachées à ces coutumes
Il y avait de grandes cuves dans les souter-
rains des temples d'Egypte, pour les prêtres et
pour les initiés. » Voltaire n'oublie pas de
rappeler à ce sujet ce distique d'Ovide :
Ah! nimium faciles, qui trislia crimina ccedis
Fluminca tolli passe pvtatis aqua!
« Le vieux Boudie^ ajoute-t-il,à l'âge de quatre-
vingts ans, traduisit comiquement ces deux
vers :
C'est une drôle de maxime
Qu'une lessive efface un crime. •
L'auteur du Dictionnaire philosophique ra-
conte ensuite, à sa manière, l'histoire du bap-
tême chrétien :
• On était obligé de se baigner chez les
Juifs quand on avait touché un animal impur,
quand on avait touché un mort, et dans beau-
coup d'autres occasions. Lorsque les Juifs
recevaient parmi eux un étranger converti à
leur religion, ils le baptisaient après l'avoir
circoncis, et, si c'était une femme, elle était
simplement baptisée, c'est-à-dire plongée dans
l'eau en présence de trois témoins. Cette im-
mersion était réputée donner à la personne
baptisée uno nouvelle naissance, une nouvelle
vie ; elle- devenait à la fois juive et pure ; les
enfants nés avant ce baptême n'avaient point
de portion dans l'héritage de leurs frères qui
naissaient après eux. d'un père et d'une mère
ainsi régénérés : de sorte que chez les Juifs
être baptisé et renaître étaient la même chose,
et cette idée est demeurée attachée au baptême
jusqu'à nos jours : ainsi, lorsque Jean !e Pré-
curseur se mit à baptiser dans le Jourdain, il
ne fit que suivre un usage immémorial. Les
prêtres de la loi ne lui demandèrent pas compte
de ce baptême comme d'une nouveauté, mais
ils l'accusèrent de s'arroger un droit qui n'ap-
partenait qu'à eux, comme les prêtres catho-
liques romains seraient en droit de se plaindre
qu'un laïque s'ingérât de dire la messe. Jean
taisait une chose légale, mais il ne la faisait
pas légalement. Jean voulut avoir des disci-
Eles, et il en eut. Il fut chef de secte dans lo
as peuple, et c'est ce qui lui coûta la vie. Il
parait même que Jésus fut d'abord au rang do
ses disciples, puisqu'il fut baptisé par lui dans
le Jourdain, et que Jean lui envoya des gens
de son parti quelque temps avant sa mort
A l'égard de Jésus, il reçut le baptême, mais
ne le conféra à personne. Cet usage ayant été
longtemps un accessoire de la religion judaïque
reçut une nouvelle dignité, un nouveau prix
de notre Sauveur même ; il devint le principal
rite et le sceau du christianisme..... Il parait
certain que les apôtres baptisaient au seul
nom de Jésus-Christ. Jamais les Actes des
apôtres ne font mention d'aucune personne
baptisée au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit : c'est ce qui peut faire croire que
l'auteur des Actes des apôtres ne connaissait
pas l'Evangile de Matthieu, dans lequel il est
dit : « Allez, enseignez toutes les nations, et
baptisez-les au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit. » La- religion chrétienne n'avait
pas encore reçu sa forme : le symbole même
?[U'on appelle le symbole des apôtres ne fut
ait qu'après eux, et c'est de quoi personne ne
doute. On voit, par l'épître de Paul aux Corin-
thiens,une coutume fort singulière qui s'intro-
duisit alors, c'est qu'on baptisait les morts :
* S'il n'y a point de résurrection, dit saint
Paul, que feront ceux qui reçoivent le baptême
pour les morts? » C'est ici un point de fait. Ou
l'on baptisait les morts mêmes, ou l'on rece-
vait le baptême en leur nom, comme on a reçu
depuis des indulgences pour délivrer du pur-
gatoire les âmes de ses amis et de ses parents.
Saint Epiphane et saint Chrysostôme nous
apprennent que, dans quelques sociétés chré-
tiennes, on mettait un vivant sous le lit d'un
mort; le vivant répondait oui; alors on prenait
le mort et on le plongeait dans une cuve. Cette
coutume fut bientôt condamnée-, mais saint
Paul, qui y fait allusion, ne la condamne pas;
ou contraire, il s'en sert comme d'un argu-
ment invincible qui prouve là résurrection
On ne baptisa d'aDord que les adultes ; souvent
même on attendait jusqu'à cinquante ans et
jusqu'à sa dernière maladie, afin do porter
dans l'autre monde la vertu tout entière d'un
baptême encore récent..... Les Grecs conser-
vèrent toujours le baptême par immersion.
Les Latins, vers la lin du viiio siècle, ayant
étendu leur religion dans les Gaules et la
Germanie, et voyant que l'immersion pouvait
faire périr les enfants dans les pays froids,
substituèrent la simple aspersion ; ce qui les fit
souventanathématiser par l'Eglise grecque
Dès le iie siècle, on commença à baptiser les
enfants ; il était naturel que les chrétiens dé-
sirassent que leurs enfants, qui auraient été
damnés sans ce sacrement, on fussent pourvus.
On conclut enfin qu'il fallait le leur adminis-
trer au bout de huit jours, parce que, chez les
Juifs, c'était à cet âge qu'ils étaient circoncis.
L'Eglise grecque est encore dans cet usage.
Ceux qui mouraient dans la première semaine
étaient damnés, selon les Pères de l'Eglise les
plus rigoureux. Mais Pierre Chrysologue, au
v= siècle, imagina les limbes, espèce d'enfer
mitigé, et proprement bord d'enfer, faubourg
d'enfer, où vont les petits enfants morts sans
baptême, et où les patriarches restaient avant
la descente de Jésus-Christ aux enfers. Do
sorte que l'opinion que Jésus-Christ était des-
cendu aux limbes et non aux enfers a prévalu
depuis Il a été agité si un chrétien, dans
les déserts d'Arabie, pouvait être baptisé avec
du sable : on a répondu que non ; on a décidé
qu'il fallait de l'eau pure, que cependant on
pouvait se servir d'eau bourbeuse. On voit ai-
sément que toute cette discipline a dépendu
de la prudence des premiers pasteurs qui l'ont
établie Les anabaptistes ont cru qu'il ne
fallait baptiser personne qu'en connaissance
de cause : o Vous faites promettre, disent-ils,
qu'on sera de la société chrétienne; mais un
enfant ne peut s'engager à rien. » Les
quakers ne font point usage du baptême; ils
se fondent sur ce que Jésus-Christ no baptisa
aucun de ses disciples, et ils se piquent de
n'être chrétiens que comme on l'était du temps
de Jésus-Christ; ce qui met entre eux et les
autres communions une prodigieuse diffé-
rence.
Cette histoire du baptême, écrite avec uno
légèreté de ton irritante pour la piété, a été,
dans ses points principaux, confirmée par la
critique du xixe siècle. Il est certain que toutes
les religions ont eu dans leurs rites quelque
chose uanalogue au baptême. Tortullien nous
apprend que ceux qui célébraient les jeux Apol-
linalros et Eleusiniens étaient obligés de se
baptiser, c'est-à-dire de prendre un bain, afin
de se régénérer et d'obtenir l'impunité de
leurs crimes.
Longtemps avant que les premières lueurs du
christianisme eussent pénétré dans le Nord, le
baptême, sous' la forme d'une ablution avec de
l'eau, était en usage chez les peuples Scandi-
naves. La première partie de 1 Edda, la partie
poétique, la plus ancienne, met dans la bouche
même d'Odin, le Dieu suprême, ces paroles
significatives : « Si je veux qu'un homme ne
périsse jamais dans les combats, je l'arrose
avec de l'eau lorsqu'il vient de naître. ■ La
chronique de Snorro Sturleson nous donne
des exemples de cette coutume mise en prati-
que. Ainsi il nous raconte qu'un seigneur nor-
végien qui vivait sous Harald aux beaux
cheveux, versa de l'eau sur la tête d'un en-
fant qui venait de naître, et l'appela Hàquin,
du nom de son père. Le roi Harald lui-même
avait été baptisé de cette façon, et la même
cérémonie eut lieu à la naissance d'OlausFry-
geson, un autre roi danois. Les Livoniens pra-
tiquaient la même coutume, qui, d'ailleurs, ne
ftouvait être inconnue des Germains, puisque
e pape Grégoire III, dans une lettre adressée
à Bouiface, l'apôtre du christianisme en Alle-
magne, lui prescrit tout ce qu'il doit faire pour
ménager les usages déjà existants et les con-
cilier avec le nouveau cérémonial. Il est vrai-
semblable que tous ces peuples, en lavant ainsi
le corps des enfants, voulaient détruire l'effet
des conjurations et des maléfices que de mau-
vais génies pouvaient employer pour jeter un
sort sur ces existences naissantes.
Les Hébreux avaient un grand nombre do
baptêmes ou purifications; quelquefois, ils se
lavaient le corps tout entier; d'autres fois,
lorsqu'ils revenaient de la place publique, par
exemple, ils se lavaient les bras depuis lo
coude jusqu'aux extrémités de la main. A côté
de ces purifications, on trouvo chez les Juifs
une cérémonie d'initiation appelée baptême
des prosélytes : « Celui qui veut se faire Juif,
dit un rabbin célèbre, on le circoncit, et, quand
il est guéri, on le baigne tout entier dans l'eau
en présence des trois rabbins qui l'ont exa-
miné. » Par ces cérémonies, le prosélyte est
incorporé à la nation juive, et, comme tel;
astremt à toutes les observances de la loi
mosaïque. Il y avait une autre espèce de pro-
sélytes qu'on appelait prosélytes de la porte ;
on les baptisait sans les circoncire , aussi
n'étaient-ils point réputés Juifs; on n'exigeait
d'eux qu'une chose, l'observation des pré-
ceptes des noachides. Les premiers s'appe-
laient prosélytes de justice; la circoncision,
jointe au baptême, en faisait de3 hommes
nouveaux; ceux qui, jusque-là, étaient leurs
parents, cessaient de l'être après cette céré-
monie d'initiation et d'incorporation.
Comme nous le voyons, l'immersion était une
cérémonie familière aux Juifs. Mais saint Jean,
BAP
le précurseur- de Jésus, lui donna en Judée
une importance qu'elle n'avait jamais eue; de
là son nom de Baptiste. De temps en temps,
il allait sur les bords du Jourdain, et des foules
considérables accouraient vers lui pour se
faire baptiser. Bientôt il devint un des nommes
les plus influents de la Judée; son succès lit
naître des imitateurs, et bientôt il s'éleva dans
le pays du Jourdain un grand nombre de
Baptistes. Selon M. Renan, le baptême n'était
pour Jean qu'un signe destiné a faire impres-
sion, et a préparer les esprits à quelque grand
mouvement. La pénitence, dont le baptême
était la figure, l'aumône, l'amendement dos
mœurs, étaient pour Jean les grands moyens de
préparation aux événements prochains. Nous
voyons dans les livres des prophètes que Dieu
exige de son peuple, s'il veut rentrer en grâce,
un bain et des ablutions ; de plus, c'était une
opinion universelle parmi les Juifs, que le
Messie et son règne arriveraient seulement
lorsque les Juifs feraient pénitence; une ablu-
tion, image symbolique de résipiscence et do
pardon des péchés, devait donc précéder l'ar-
rivée du Messie. Il était tout naturel que la
Siénitence fût une condition essentielle du
laptcme de Jean. Aux anciennes ablutions
judaïques, qui avaient une vertu purifiante,
indépendante du sentiment intérieur , Jean
opposa son baptême, qui devait être le signe
extérieur d'un changement moral, d'une épu-
ration de l'âme. « Jean, dit l'historien Josèphe,
était un homme zélé, qui exhorta les Juifs à
s'unir par un baptême dans l'exercice de la
vertu, dans la justice mutuelle et dans la piété
envers Dieu. Ce baptême serait agréable à
Dieu, s'ils n'y recouraient point pour effacer
des taches isolées, mais pour sanctifier tout le
corps, après avoir d'abord purifié leur âme
par la justice. » Ce qui paraît appartenir en
propre à Jean, d'après ce passage, c'est la
substitution d'un baptême unique, symbole
d'une rénovation morale absolue, aux ablu-
tions réitérées qui répondaient aux diverses
souillures. |
Jésus a-t-il été baptisé par Jean? La criti- ,
que admet ce fait du baptême de Jésus, mal-
gré tes circonstances légendaires dont il a été
entouré. « Il est très-vrai, dit Strauss, qu'un
siècle plus tard encore, les Juifs attendaient
EHe, qui devait, suivant le prophète Màlachic,
précéder le Messie et l'introduire dans le
monde, en lui conférant l'onction. Mais il ne
suit point de là que toute l'histoire du bap-
tême ait été imaginée tout exprès pour ré-
pondre à cette croyance juive. Le fait du bap-
tême est vraisemblable, et nous ne saurions,
dès lors, nous résigner à repousser une don-
née qui nous permet de rattacher l'apparition
et l'œuvre de Jésus à un antécédent histori-
que. » L'attraction exercée sur Jésus par la
réputation de Jean s'explique, suivant Strauss,
très-naturellement; comme celles de Jean,
les aspirations de Jésus allaient au delà de
la religion existante ; comme Jean, Jésus
' ne voyait de salut que dans la rénovation
morale. Rien d'étonnant donc à ce qu'il se
soit soumis à la cérémonie de l'immersion
dans les eaux du Jourdain , qui était le
symbole de la confession des péchés , et
que Jean imposait à tous ceux qui venaient à
lui. Les évangélistes, en donnant une autre
signification au baptême de Jésus, ont obéi à
des scrupules dogmatiques. Le baptême de
pénitence, appliqué à Jésus, perd tout sens j
rationnel, si l'on admet l'impeccabilité absolue ;
de Jésus ; mais il se conçoit très-bien, si l'on
abandonne cette hypothèse, historiquement
inadmissible. Le meilleur et le plus pur des
hommes n'est-il pas toujours prêt à s accuser
de plus d'une faute de négligence ou de pré-
cipitation? Et puis, à mesure que le sens moral
s'élève, il se raffine aussi et perçoit les trou-
bles les plus légers de la conscience et les
moindres déviations de l'idéal.
Mais voici une difficulté. D'après le Nou-
veau Testament, le baptême de Jean était un
baptême au nom de celai qui doit venir (tt; tov
tp^9[tsvov) ; car, en s'y soumettant, on promettait
de se préparer avec foi à l'arrivée du Messie.
Or, si Jésus avait la con victio d'être lui-même
celui qui devait venir, comment pouvait-il se
laisser baptiser, et faire croire par là que lui
aussi en attendait un autre? Il parait naturel
d'admettre, pour résoudre cette difficulté, que,
lorsque Jésus vint auprès de Jean-Baptiste
pour se faire baptiser, il n'avait pas encore
décidément la conviction d'être le Messie.
Du baptême de Jésus par Jean sommes-nous
fondés à induire, avec Voltaire, que le premier
a" été quoique temps le disciple du second ?
Cette hypothèse, selon Strauss et Renan , n'a
rien que de vraisemblable. » Le silence des
Evangiles, à cet égard, dit Strauss, ne prouve
rien ; l'intérêt dogmatique ne leur permettait
pas de placer Jésus dans un rapport de subor-
dination, même transitoire, envers Jean. Jésus
n'était lié ni par des devoirs privés, ni par
des devoirs publics; il est dès lors probaole
qu'il ne s'est point pressé de quitter l'homme
remarquable et imposant en qui se trouvait
une pensée si voisine de la sienne. Dans les
données de l'observation naturelle et humaine,
dont nous ne devons pas nous écarter, nous
admettrons qu'indépendamment d'une forte
incitation morale, Jésus a pu devoir à Jean
plus d'un enseignement utile à sa mission fu-
ture. Mais en même temps, il se sera rendu
compte de ce qui, dans le Baptiste, lui était
moins sympathique, et d'un dissentiment ca-
pital, non peut-être quant au but, mais cer-
tainement quant aux moyens. •
BAP
Jésus -Christ a-t-il baptisé lui-même?
Les apôtres baptisaient-ils au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit? — Ici encore, la
critique rationaliste du xix<s siècle se pro-
nonce à peu près dans le même sens que Vol-
taire. Elle attribue aux derniers remaniements
subis par nos textes la formule précise du
baptême chrétien : Au nom du Père, du Fils
et du Saint-Esprit. Strauss fait remarquer
que le passage de Matthieu où se trouve
cette formule est le seul du Nouveau Tes-
tament où elle soit employée à désigner le
baptême; que, dans les Epîtres apostoli-
ques et aussi dans les Actes des apôtres, le
baptême est exprimé par ces mots : Baptiser
en Jésus-Christ ou au nom du Seigneur Jésus;
que cette triple relation à Dieu, à Jésus et à
1 Esprit ne se trouve que dans les écrivains
ecclésiastiques tels que Justin; qu'en outre la
formule de Matthieu ressemble tellement au
rituel de l'Eglise qu'il n'y a aucune invrai-
semblance à admettre qu elle ait passé de ce
rituel dans l'Evangile pour y être attribuée à
Jésus. » Peut-être Jésus, ajoute le critique
allemand, avait-il fait connaître que sa. vo-
lonté était qu'on introduisît le baptême; et,
soit que les apôtres, comme le dit le quatrième
Evangile, eussent baptisé dès le vivant de Jé-
sus, soit qu'ils n'eussent fait de cette céré-
monie le signe de l'admission dans la nouvelle
société messianique qu'après la mort de Jésus,
dans tous les cas il était complètement dans
l'esprit de la légende d'attribuer au Christ ,
comme dernière volonté et au moment du
dernier adieu, l'ordre de baptiser ainsi que
celui d'aller dans toutes les parties du monde.»
Maintenant, à quelque époque précise, et
de quelque manière que lo baptême chrétien
ait été institué, il reste à la critique indépen-
dante à rechercher le véritable sens qu'avait
ce rite à son origine, c'est-à-dire pour les
chrétiens de la primitive Eglise. M. Pierre
Leroux (art. Baptême de V Encyclopédie nou-
velle) a émis cette opinion, que catholiques et
protestants méconnaissent également l'idée
qui a présidé à l'institution du baptême. D'a-
près lui, l'intelligence du christianisme a été
s' affaiblissant de plus en plus; les diverses
Eglises chrétiennes ont perdu le sens des
mots qu'elles emploient; la philosophie hu-
manitaire et trinitaire de M. Pierre Leroux
vient leur expliquer leurs propres traditions
et leur donner la clef perdue de leurs mystè-
res. Voltaire, à leur suite, s'est trompé, en
prenant le baptême pour un simple emblème
de purification. Le baptême est tout autre
chose que cela. Si les chrétiens n'avaient
voulu représenter par le baptême que la puri-
fication spirituelle, pourquoi auraient-ils fait
de ce sacrement quelque chose de particulier
et de tout à fait unique? Pourquoi n'auraient-
ils pas conservé des ablutions et des purifica-
tions plus fréquentes? Pourquoi cet emblème
n'aurait-il pas été joint comme un accompa-
gnement nécessaire au sacrement de péni-
tence, qui est véritablement le sacrement
particulier de la purification de 1 ame? Mais,
dit-on, le baptême avait pour but d'effacer le
péché originel, de faire les hommes chrétiens,
enfants de Dieu et de l'Eglise ; par consé-
quent, un seul baptême, une seule purification
suffisait. L'eau baptismale lavait le péché ori-
ginel ; l'homme ainsi purifié une fois était
débarrassé de la souillure natale. La raison
do l'institution du baptême était donc toujours
l'idée de laver et de purifier. M. Pierre Le-
roux répond que l'idée du péché originel ne
se montre en aucune façon, dans l'Evangile,
comme la raison de l'institution du baptême.
Le Christ, par ces paroles : Allez, enseignez
toutes les nations, baptisez-les au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit, n'a rien dit qui
eût trait au péché originel; dans son inten-
tion, il s'agissait de convertir les nations à
une doctrine , la doctrine de la Trinité ; et,
aux yeux de Jésus, le baptême n'est que le
signe de la foi à la Trinité.
Ouvrez l'Evangile de la Trinité par excel-
lence, l'Evangile de saint Jean; il parle
d'un certain docteur Nicodème, qui vint un
jour trouver Jésus, et Jésus lui dit : » Si
quelqu'un ne renaît, Une peut voir le royaume
de Dieu. » Nicodème s'étonne de ces paro-
les. « Comment, dit -il, un homme peut-il
rentrer dans le sein de sa mère? » Et Jésus
répondit : « En vérité, nul ne peut .entrer dans
le royaume de Dieu, à moins de renaître de
i'eau et de l'Esprit saint. » On est né une pre-
mière fois, mais on est né de la chair ; il s'agit
de naître de l'Esprit, en passant par l'eau.
Jésus lui-même reçut de Jean ce baptême de
l'Esprit, car l'Evangile raconte qu'au mo-
ment du baptême de Jésus, le Saint-Esprit
descendit en forme de colombe sur le baptisé.
Ici l'eau, conformément aux paroles que Jésus
adresse à Nicodème, représente le sein ma-
ternel où. l'on demeure enseveli jusqu'à la
naissance; cette naissance se fait par l'Esprit.
Saint Paul lui-même, qui a jeté le premier
dans le christianisme la semence de toute la
doctrine du péché originel, ne considère point
le baptême comme une ablution du péché origi-
nel, mais comme la représentation, l'expression
de lamortjde la sépulture et de la résurrection
de Jésus-Christ. Selon cet apôtre, le baptisé re-
nonce à la vie des sens et entre dans une espèce
de mort à toutes les choses de ce monde; cou-
vert de l'eau comme d'un tombeau, il participe à
lasépulturedu Christ; enfin, le souffle mysté-
rieux de l'Esprit lui donne une vie nouvelle, et
il ressuscite à l'instar du Christ. C'est pour
BAP
cela que le nouveau baptisé est appelé
régénéré.
Donc, ce qui constitue le baptême chrétien,
c'est l'illumination de l'Esprit, c'est la renais-
sance spirituelle. Les philosophes chrétiens
avaient si bien cette idée, qu ils ont vu une
analogie entre le chapitre de la Genèse sur la
création du monde et les textes de l'Evangile
sur le baptême, qui est la création de l'homme
spirituel; là, la terre sort des eaux sous le
souffle de l'esprit de Dieu ; ici, l'homme, en
naissant à une vie nouvelle, sort des eaux et
reçoit l'esprit de Dieu. La colombe qui descend
sur Jésus se rattache aux traditions orien-
tales; cet oiseau a toujours été regardé, en
Asie et chez les Grecs, comme le symbole du
monde sortant des eaux; symbole qui se re-
trouve également dans le mythe de Vénus et
dans celui de l'arche de Noé. « L'eau, dit Ter-
tullien , fut, à l'origine des choses, le siège
de l'Esprit saint , l'eau fut le premier des
éléments où se manifesta la vie ; est-il donc
surprenant que l'eau se retrouve dans le bap-
tême pour donner la vie? »
» Pour nous résumer , dit Pierre Leroux en
terminant, le baptême, tel qu'il est institué dans
l'Evangile, est, suivant nous, une initiation à
la doctrine de la Trinité. Cette doctrine de la
Trinité constitue l'entrée de la vie intellec-
tuelle. Le baptême est le sceau mis à celui
qui comprend cette doctrine, etqui se régénère
ainsi spirituellement En nous écartant ainsi
de l'idée vulgaire que l'on se forme àabaptéme,
où l'on ne voit en général qu'une ablution ou
une purification mystique , nous nous retrou-
vons abonder dans le sens des théologiens,
qui ont assez prouvé la différence essentielle
qui existe entre le baptême des Juifs, le baptême
de pénitence institué par saint Jean et le bap-
tême tout spirituel de Jésus-Christ Le bap-
tême a éprouvé le plus grand des changements ;
car, au lieu que dans l'antiquité chrétienne,
il était l'initiation de l'homme tait, il estdevenu,
dans l'Eglise du moyen âge, une cérémonie
tout à fait inintellectuelle opérée sur l'enfant
qui vient de naître. Le baptême chrétien des
premiers siècles était donc, pour ainsi dire, au
fond , tout le contraire du baptême chrétien du
moyen âge, que l'on assimile pourtant complè-
tement avec lui. Dans le premier cas, en eifet,
l'acte de renaissance s'opérait dans l'âme du
baptisé par une véritable intelligence; dans
le second cas , cet acte est censé s'opérer en
nous, à notre insu et d'une manière tout à fait
mystique. Est-il étonnant qu'il y ait eu, à plu-
sieurs époques , des sectes nombreuses qui
aient revendiqué , par une controverse ar-
dente et redoutable, ce qu'elles appelaient le
véritable baptême, le baptême de l'intelligence
et par l'intelligence? La nécessité de com-
prendre et d'être régénéré par l'intelligence
était tellement sentie et reconnue dans les pre-
miers siècles du christianisme, que le baptême,
loin d'avoir été institué pour les enfants , ne
fut pendant longtemps donné aux enfants que
par une sorte d abus et de dérogation. Si 1 on
trouve dans quelques Pères, tels que saint
Irénéè, Origèue 'et saint Cyprien, des traces
du baptême accordé aux jeunes enfants, on
trouve dans d'autres Pères la condamnation
formelle de cet usage. » Quelle nécessité , dit
Tertullien , y a-t-il , dans un âge innocent, de
se hâter de racheter ses péchés? Quid festinat
innocens mtas ad remissionem peccatorum? «
Certes, dans l'esprit de ce Père, la doctrine du
péché originel est au moins fort peu arrêtée ,
puisqu'il voit tant d'innocence là où saint Au-
gustin , deux siècles plus tard , ne verra que
corruption et péché- Ce que Tertullien voit
donc avant tout dans le baptême , ce n'est pas
une détersion de ce péché originel, qu'il nio
presque positivement, mais une illumination
de l'esprit, et une initiation qu'il est impossible
de recevoir dans les premières années de la
vie. ■
Une dernière question nous resterait à
examiner : Quelle est, devant la raison et la
conscience , la valeur objective du baptême?
La réponse à cette question dépend nécessai-
rement de l'idée que la raison et la conscience
se font du péché originel, de la rémission des
péchés et de la grâce (v. péché, rémission,
grâce). Bornons-nous à dire ici, avec Kant,
que le rationalisme repousse tous les moyens
de grâce comme opposés aussi bien à l'idée
qu'au sentiment de la moralité, et que le bap-
tême, en tant qu'on le suppose agir ex opère
operato, c'est-à-dire exercer dans l'ordre
moral une sorte d'action magique, n'est, aux
yeux de tout penseur affranchi du surnatura-
lisme, qu'une superstition dangereuse. V. Sa-
crement.
— Baptême des dauphins ou enfants de
France. Ces baptêmes avaient lieu, sous l'an-
cienne monarchie, à la cathédrale, mais quel-
quefois aussi les cérémonies s'accomplissaient
soit dans le palais de Saint-Germain, soit dans
celui de Fontainebleau. Voici l'ordre qui était
suivi :
Un échafaud était dressé dans la grande
cour du palais, et sur cet échafaud s'élevait un
autel. La chambre du dauphin était tapissée
et ornée d'un lit de parade, avec couverture
d'hermine traînante et un grand dais au-des-
sus ; un manteau royal de toile d'argent, fourré
d'hermine, était étendu sur le pied de ce lit.
Il y avait, en outre, deux tables surmontées de
dais pour mettre les honneurs, qui étaient de
deux sortes : ceux des compères , le bassin,
l'aiguière et la serviette; ceux de l'enfant, ie
cierge , le chrémeau et la salière. Cinq prin-
BAP
180
cesses du sang étaient chargées du service de
l'enfant : deux découvraient le lit, une levait
l'enfant, la quatrième le démaillotait, et la
cinquième donnait les honneurs aux princes.
Quand tout était disposé, on allait chercher
le parrain et la marraine, et le cortège se
mettait en marche ; les gentilshommes servants
venaient les premiers, ensuite les tambours
et les trompettes, les ordinaires avec chacun
un flambeau de cire à la main, une compagnie
de cent gentilshommes, les hautbois, les hé-
rauts et rois d'armes, les chevaliers de l'ordre,
tenant chacun un flambeau à la main et leur
collier en forme. Six princes portaient : l'un le
cierge, un autre le chrémeau , un troisième
la salière, un quatrième le bassin, un cinquième
l'aiguière, et enfin le sixième la serviette sur
un coussin de drap d'or. Un gentilhomme por-
tait la queue du manteau royal de l'enfant.
Un prince du sang portait le dauphin ; il était
accompagné d'une princesse et d'un ambassa-
deur étranger, ou de quelque autre grand
personnage ; quelques pas en arrière, venaient
vingt jeunes seigneurs avec la cape et le
bonnet, tous couverts de broderies d or et de
pierreries , tenant chacun un flambeau à la
main; puis marchaient le cardinal légat, le
parrain et la marraine, ensuite les princesses
dans leur grand costume de cérémonie, et
enfin les capitaines des gardes, qui fermaient
la marche.
La cuve baptismale, fabriquée en 897, élait
en cuivre rouge, émaillé de plaques d'argent;
on la conservait habituellement dans la cha-
pelle du château de Vincennes. A mesure que
le cortège arrivait sur la plate-forme, le maître
des cérémonies devait faire prendre les hon-
neurs et faire entrer les princesses dans une
chambre de repos. Le baptême était administré
par un cardinal assisté de douze archevêques
et évoques ; comme ce sacrement n'était, d or-
dinaire, conféré aux dauphins et enfants royaux
que lorsqu'ils avaient atteint l'âge de quatre
ou cinq ans, ils répondaient eux-mêmes. Le
baptême achevé et les honneurs servis au
dauphin, ceux qui avaient porté les honneurs
du parrain et de la marraine donnaient l'eau à
ceux-ci pour qu'ils se lavassent les mains ; les
trompettes et les clairons sonnaient des fan-
fares, et les hérauts d'armes criaient ; a Vive
monseigneur le dauphin. Largesse, largesse ! n
Ce que répétait toute l'assistance. Un festin
royal terminait cette cérémonie.
— Bu baptême chez les musulmans. Mahomet,
dans le Coran, parle du baptême, du baptême
spirituel, bien entendu, en ces termes : « C'est
là le baptême do Dieu ; et qui peut mieux don-
ner le baptême que Dieu? C'est lui que nous
adorons. » (Coran, sourate II, verset 132.) Le
mot dont se sert Mahomet, sebgka (de la racine
sabag, plonger) signifie littéralement la même
chose que notre mot baptême. Ce mot, dans la
bouche de Mahomet, n a pas peu embarrassé
les commentateurs musulmans. Ils le consi-
dèrent généralement comme signifiant la reli-
gion que Dieu établit pour les hommes, et
dont les marques subsistent dans l'homme,
de même que les traces de l'eau sur les vête-
ments du baptisé. Mais, comme le fait très-
judicieusement remarquer M. Kasimirki, cette
interprétation est loin d'être satisfaisante, et
il reste toujours singulier que le fondateur de
l'islamisme se soit servi, dans cette circon-
stance, d'un mot qui désigne une cérémnie
complètement identique à celle du baptême,
tel qu'il se pratiquait au commencement du
christianisme.
— Baptême maçonnique, plus exactement et
plus ordinairement appelé protectorat ou adop-
tion, cérémonie entourée de formes symboli-
ques, par laquelle une loge de francs-maçons
prend l'engagement formel de surveiller l'en-
fant d'un de ses membres actifs ou honoraires,
u de le protéger et guider dans la bonne for-
tune, ou de lui venir en aide dans les jours
malheureux. » Adopter l'enfant d'un maçon,
c'est lui assurer une famille en cas de malheur,
lui préparer les ressources de l'amitié et de la
solidarité pour l'avenir ; c'est, en même temps,
imposer à ses pères adoptifs, qui sont tous les
membresde laloge,àses parrains, la condition
de lui donner le bon exemple , le devoir de le
conduire dans le chemin de l'honneur, de la
justice, de la probité et de toutes les vertus.
L'enfant proposé à l'adoption doit être âgé de
moins de sept ans; il prend le nom de lowton
ou louveteau, qui est celui par lequel on dé-
signe tout fils de maçon (les filles sont des
louvetonnes). A l'âge de seize ans, le louveteau
qui a été l'objet du protectorat de la loge peut
recevoir le grade d'apprenti, mais par suite
d'une délibération toute spéciale de celle-ci,
préalablement soumise à la sanction de l'au-
torité dogmatique. S'il venait à mourir avant
son initiation à ce grade, le frère, nremier
surveillant en exercice, accompagné de deux
maîtres, assisterait à ses funérailles. Mais
voyons comment s'obtient et comment se
donne le baptême, ou adoption maçonnique.*
Le franc-maçon qui désire faire adopter son
enfant en dépose la demande par écrit, dans le
sac des propositions de la loge dont il est '
membre. Le vénérable ou président donne
lecture de cette demande, et propose à ses
frères de vouloir bien reconnaître le louveteau
dont il est question comme un de leurs enfants.
Si la proposition est agréée , la loge nomme
trois commissaires chargés de se rendre près
de la mère de l'enfant, de lui apprendre la
demande faite pour ce dernier, de s'ussurer
de son consentement et de lui faire alors con-
190
BAP
3
naître le jour iixé et l'heure à laquelle l'enfant
devra être conduit au local maçonnique, ac-
compagné de son présentateur. Ce jour-là est
une fête de famille pour la loge, qui, pour plus
de solennité, convoque les loges sœurs avec
lesquelles elle entretient des rapports affec-
tueux; H est rare que plusieurs enfants ne
soient pas adoptés dans une même séance.
Frappons les coups mystérieux h la porte du
temple où va avoir lieu un protectorat maçon-
nique. La loge travaille au premier degré
symbolique, en la forme accoutumée. L'expert
placé à l'extérieur examine nos titres maçon-
niques, reconnaît nos signes, paroles et attou-
chements, reçoit le mot de passe et nous intro-
duit par les pas mystérieux dans la logo où
déjà tous les frères sont réunis. Prenons place,
et assistons aux diverses cérémonies dont se
compose l'adoption des enfants des maçons.
Tous les membres de la loge se tiennent de-
bout, la main droite sur la poitrine, la main
gauche enlaçant l'épaule de son voisin de
gauche. Au centre de l'enceinte est placé
l'autel d'adoption, chargé des diverses pro-
ductions de la terre : fruits, fleurs, blé, vin, etc.
Le vénérable, après avoir annoncé qu'il va
être procédé à la cérémonie d'adoption du fils
du frère N..., se dirige vers cet autel, et, dans
une invocation fervente, il demande au grand
Architecte de l'univers de répandre tous les
dons de sa bonté sur le jeune enfant présenté
à l'adoption. Une musique harmonieuse se fait
entendre et accompagne le vénérable jusqu'à
son siège, où il va se rasseoir. Soudain, l'a porte
du temple résonne sous des coups précipités.
Le gardien du temple s'informe, et annonce
qu'un jeune enfant, fils d'un frère, accompagné
de son père et de son parrain, se présente
pour solliciter l'adoption maçonnique. Les
frères, premier et second surveillants, inter-
rogés par le vénérable Sur l'opportunité de
conférer cette adoption, exposent successive-
ment quelques principes de pure morale qui,
désignant le but philosophique de la franc-
maçonnerie, tendent à faire ouvrir l'asile de
cette institution civilisatrice au jeune enfant
Frôsenté,dont il corjvientd'éclairer l'esprit par
instruction, de moraliser le cœur par l'exem-
ple, et de guider L'âme vers le bien par les
conseils d'une douce persuasion. Le vénérable
ordonne d'introduire le néophyte qui, les yeux
bandés, soutenu par son père et son parrain,
apparaît sur le seuil de la loge, où le vénérable
et les maîtres des cérémonies viennent le re-
cevoir. Le vénérable, lui ôtant le bandeau,
signe de l'aveuglement intellectuel, appelle
sur son intelligence les clartés de la raison et
de la science, puis il le conduit à l'autel. Alors,
le maître des cérémonies remet au père le
ciseau, le maillet et la pierre brute, et le vé-
nérable dit : « Mon frère, ce. louveteau que la
nature confie à vos tendres soins, à votre sol-
licitude intelligente, doit faire un jour la con-
solation ou le tourment de votre' vie, la joie
ou la honte de l'humanité, selon la direction
que vous saurez imprimer à ses facultés nais-
santes. La pierre que vous tenez est informe,
sans utilité apparente, et cependant, qu'on la
confie au ciseau d'un Phidias ou d'un Michel-
Ange.; et l'artiste en fera sortir un chef-
d'œuvre; mon frère, appuyez le ciseau sur
cette pierre brute, et, avec le maillet, frappez
les coups mystérieux au bruit desquels s'ouvre
la porte du temple. — Les trois coups mysté-
rieux que vous venez de frapper, mon frère,
symbolisent le travail que vous impose l'édu-
cation de votre fils ; son intelligence, encore
endormie, est comme la pierre brute que, dans
sa forme primitive, le passant foule dédai-
gneusement aux pieds, tandis qu'il l'admirera
façonnée par les mains d'un habile ouvrier ;
livré sans défense aux funestes impressions
du vice, votre louveteau serait bientôt le rebut
de l'espèce humaine, tandis qu'il en sera
l'honneur^ si vous avez soin de former son
corps h la tempérance, do diriger son cœur
vers l'amour du bien, et d'éclairer son intelli-
gence du flambeau de la vérité. « Le père de
l'enfant, la main gauche sur le livre de la loi
et sur le glaive, jure d'enseigner à son enfant
ses devoirs envers Dieu et sa patrie ; promet
de lui faire bien comprendre que tout être qui
souffre a des droits sacrés sur lui, qu'il doit
édifier par son exemple, aimer son prochain,
prendre part à la félicité d'autrui; de lui ap-
prendre a pardonner à son ennemi, à ne se
venger que par des bienfaits, à pratiquer
toutes les vertus; de le diriger, afin que des
mœurs chastes et sévères soient ses. compa-
gnes inséparables , que son âme soit pure ,
droite et vraie. Le vénérable dit : « Je reçois
votre serment, au nom de l'ordre; puisse 'le
sublime Architecte du monde -*ous donner la
force et les lumières nécessaires pour l'ac-
complir i » Il montre ensuite à. l'enfant l'é-
querre, le compas, le niveau et la truelle,
outils symboliques « d'origine immortelle et
d'une précision immuable, dont la construction
se confond dans les plans éternels de la na-
ture. » Après quelques courtes explications,
le vénérable remet au parrain du louveteau le
fil à plomb; le parrain le tient perpendiculai-
rement sur le cœur de l'enfant; le premier
surveillant le touche, et dit au louveteau :
« Que la loi d'attraction, qui fait tendre ce fil
vers le centre de la terre, gouverne tes actions
et les fasse tendre incessamment vers la jus-
tice et la bonté, attributs par excellence du
sublime Architecte des mondes, et les deux
points qui rapprochent le plus 1 homme de la
perfection. » Le premier surveillant, tenant
de la main droite un côté du niveau, que le
BAP
parrain soutient de l'autre côté, ajoute : « Ap-
prends que tous les hommes sont égaux et que
la justice est basée sur la grande loi de la
réciprocité. Ne prends jamais une résolution
vis-a-vis d'un homme , ton semblable et ton
égal, sans te demander à toi-même si tu es
véritablement prêt à lui donner de grand cœur
ce que tu te prépares à exiger de lui. » Le
vénérable et le parrain élèvent alors au-dessus
de l'enfant une équerre, et le premier dit :
« Que la raison et la conscience se réunissent,
comme les deux côtés de cet instrument, dans
le jugement que tu porteras des actions des
autres, dans la recherche incessante de la
justice et de la vérité. » — Les deux surveil-
lants et le parrain, portant chacun un flam-
beau, se dirigent vers l'angle sud-est du
temple, où est placé un candélabre; le père
tient son louveteau dans ses bras et les suit,
accompagné du vénérable, qui dit, en s'adres-
sant à l'atelier : « Mes frères, promettez-moi
que vous donnerez tous à cet enfant l'exemple
de la droiture, de l'empire sur vous-mêmes et
d'une austère moralité, d Les frères répondent,
debout, la maîn gauche levée en voûte d'a-
doption, la main droite sur le cœur : o Nous
le jurons! » Le vénérable prend le flambeau
du premier surveillant, allume la bougie du
candélabre et se dirige vers l'angle sud-ouest;
arrivé là, il s'adresse de nouveau à la loge :
« Promettez-moi, mes frères, que vous ferez
tous vos efforts pour empêcher que ce louve-
teau ne tombe dans l'abîme de 1 imposture et
de l'erreur. » Les frères répondent : « Nous
le jurons! » Le vénérable, enfin, suivi du par-
rain, des deux surveillants etde l'enfant porté
par son père, après avoir éclairé le deuxième
candélabre, se rend auprès de celui qui est
placé au nord-ouest et dit encore : « Promet-
tez-moi, mes frères, que vous inspirerez à ce
louveteau l'amour de ses semblables, le senti-
ment" de la bienveillance et de la fraternité
universelle ; promettez-moi que vous lui inspi-
rerez le désir de travailler sans relâche au
bien de l'humanité. » Les frères répondent :
« Nous le jurons I » Le vénérable allume la
bougie du troisième candélabre et revient à
l'autel, où s'accomplit la cérémonie de la con-
sécration maçonnique. Recourant aux allégo-
ries traditionnelles, il dit au néophyte, en tou-
chant ses paupières : « Puissent tes faibles
yeux découvrir la voie du bien, pour y guider
tes destinées ! 'En touchant ses oreilles : « Puis-
sent tes oreilles n'écouter que les conseils de
la sagesse 1 que jamais la voix de l'infortune
ne les trouve insensibles; ferme-les toujours
aux séductions du vice, aux sophismes de Ter-
reur, aux suggestions de l'injustice. » En tou-
chant ses lèvres : « Puisse ta bouche ne jamais
proférer le mensonge, l'injure, la calomnie!
que tes lèvres s'ouvrent pour proclamer hau-
tement la vérité, que ta voix retentisse hardi-
ment pour la défense du malheur et de l'inno-
cence contre l'oppression, qu'elle porte la
consolation et la paix dans le cœur de tes
semblables et la terreur dans l'âme d"u mé-
chant. » En touchant ses mains, purifiées par
l'eau lustrale : « Puissent _tes mains rester
toujours pures du sang du duel impie et des
guerres fratricides causées par le fanatisme
religieux ou politique 1 » Sur l'invitation du
vénérable, le parrain fait goûter au néophyte :
lo le vin, qui donne la vigueur, emblème do
force intellectuelle et morale; 2» le miel, mets
savoureux, emblème de la bonté, qui adoucit
les mœurs et maintient l'union des familles et
des sociétés ; 3° les fruits, produits de la terre
fécondée par le travail, emblème du labeur
incessant imposé à l'homme par la nature. Lo
vénérable, après avoir rompu et donné uu
néophyte et a son parrain le pain de la fra-
ternité symbolique, leur dit : » Puisse cette
communion fraternelle vous lier à jamais par
une indissoluble et généreuse solidarité I s —
i Et vous, parrain, au nom de ce jeune enfant ;
sur ce glaive , signe de l'honneur ; sur ces
statuts, base fondamentale de Tordre, jurez de
tout faire pour que le néophyte reste toujours
fidèle à la loi maçonnique, loi de travail, de
moralisation et de progrès indéfini ! • Le par-
rain répond : « Je le jurel » Le vénérable,
s'adressant à la loge, ajoute : « Mes frères,
fuissent les vœux que nous venons de former,
es engagements que nous avons pris, contri-
buer à rendre ce louveteau heureux et digne
de s'asseoir au banquet des élus de la vérité I •
Frappant trois coups de son- maillet : « A la
gloire du grand Architecte de l'univers, au
nom et sous les auspices du (suprême conseil,
ou Grand Orient de France, selon le rite) et
en vertu des pouvoirs que je tiens de nos frères,
je proclame le louveteau N..., enfant adoptif
de la Resp.-. Loge de..., à l'Orient de..., vous
invitant à le reconnaître comme tel et à lui
prêter aide et protection partout où besoin
sera. ■ Après cette proclamation, couverte par
une triple batterie maçonnique, en signe d'adhé-
sion, le vénérable , qui a regagné son siège
présidentiel, dit : « En place, mes frères. »
Les assistants une fois assis, la parole est
donnée au frère orateur, qui prononce un
discours de circonstance. Après ce discours,
le vénérable frappe un coup de maillet et dit :
« Mes frères, nous venons d'adopter cet en-
fant, nous avons promis de faire germer dans
cette jeune âme les principes de toutes les
vertus ; c'est une noble tâche à laquelle aucun
de nous ne faillira. » Il procède alors à la sus-
pension des travaux, suivant le rituel, et ter-
mine en ces termes : • Retirez-vous en paix, mes
frères, et emportez les voeux ardents que nous
formons pour la prospérité de tous ceux qui
BAP
I Tous touchent par les liens du sang et de
I l'amitié. Puissent les principes que nous ve-
I nons de manifester servir a rendre heureux
l'enfant que nous avons adopté ! »
Telles sont les diverses cérémonies dont se
compose l'adoption d'un enfant de franc-ma-
çon ; elles varient, au besoin , dans la forme, et
sont sujettes à divers développements. Les pra-
tiques rituelles ne représentent, en beaucoup
d'occasions, dans la maçonnerie, que le cadre
doré dont on entoure une œuvre d'art. Ainsi
surtout du protectorat. Que Ton examine
maintenant avec impartialité les maximes et
les préceptes rappelés plus haut, que Ton
songe aux magnifiques enseignements qui
peuvent, selon la circonstance ou le degré de
perfection maçonnique de la loge, s'adapter à
ce cadre doré, s'y fixer d'une manière frap-
pante et compréhensible aux plus ignorants,
aux plus humbles, aux plus petits, et a quelque
école, quelque philosophie, .quelque morale que
Ton appartienne, on se sentira pris de sympa-
thie pour une institution qui n'a besoin que
d'être approfondio et mieux connue pour être
favorablement appréciée de tous ceux que
n'aveuglent pas les préjugés ou les préven-
tions. Ajoutons que, depuis longtemps déjà,
grâce aux efforts de membres éclairés , les
maçons convient à leurs fêtes de famille les
profanes. L'adoption au protectorat leur offre
uno occasion dont ils manquent rarement de
profiter, pour admettre dans le temple les per-
sonnes étrangères à la maçonnerie. Ces per-
sonnes voient ainsi de près des hommes dignes
d'estime que Ton se plaît, dans de certaines
régions, à représenter sous les couleurs les
plus odieuses; elles demeurent convaincues
que, si les maçons abritent leur indépendance
sous des pratiques en apparence mystérieuses,
co n'est que pour accomplir le bien plus sûre-
ment, plus efficacement. Le rôle de la franc-
maçonnerie a été si souvent travesti, que ceux
qui la connaissent aiment à lavoir profiter de
toutes les circonstances où il lui est permis de
se montrer sous son véritable jour, dans sa
mission civilisatrice , bienfaisante et morali-
satrice.
— Baptême du tropique, baptême de la
liane. On sait combien il en a coûté à l'homme
pour dompter les flots et conquérir l'incom-
mensurable domaine de l'Océan , combien de
victimes a dévorées ce minotaure, combien
de hardis aventuriers a terrassés ce sphinx
avant de trouver son Œdipe et son Thésée,
avant de courber le dos comme un cheval do-
cile et d'obéir à l'éperon du hardi cavalier !
Aujourd'hui encore, alors que la noble bête se
souvient de son état de liberté et qu'elle rugit
avec colère, l'homme est trop souvent la vic-
time de ses velléités d'indépendance. Quelle
n'a pas dû être l'émotion de celui qui, le pre-
mier, s'est confié à un frêle esquif! Sur sa
tète le firmament, sous ses pieds des abîmes
sans fond, devant lui une immensité sans li-
mites ; et, pour triompher de tout cela, une
simple planche battue des flots et des vents !
Et ce devait être bien autre chose quand on
arrivait dans des parages, dans des déserts
inconnus, autrement à redouter que ceux du
Sahara. On voyait sur sa tête d'autres étoiles,
devant soi un nouvel horizon. La Grande
Ourse se couchait sous les flots et la Croix du
Sud planait éclatante sur le navire. De là, ces
appréhensions mystérieuses qui s'emparent
du cœur de l'homme le plus intrépide. Camoons,
qui avait été navigateur avant de devenir
poiite, a peint admirablement ces grandes
émotions dans son fameux épisode du Cap des
Tempêtes.
Ces préliminaires étaient indispensables ,
avant d'arriver à ce carnaval de la mer, à
cette cérémonie burlesque qu'on appelle bap-
tême de la liane ou baptême du tropique. Et
d'abord, a-t-ii toujours été burlesque, ce bap-
tême, administré par la Ligne ou par le bon-
homme Tropique? nous ne le pensons pas.
L'homme se familiarise avec tous les élé-
ments ; il tremble, puis il dansedevant l'arche.
Rien, dans l'histoire de la marine, ne permet
d'assigner une origine précise au baptême du
tropique. Toutefois, on admet généralement
que cette cérémonie ne remonte pas au delà
du xv« siècle, c'est-a-dire n'est pas antérieure
aux grandes découvertes des Portugais en
Afrique. Les premiers navigateurs qui, pen-
dant ce siècle, osèrent s'aventurer sous la
zone torride, jusqu'alors réputée inhabitable,
se voyant entrer dans un nouveau monde,
imaginèrent de célébrer cet événement par
une espèce de baptême, comme s'ils recom-
mençaient une existence nouvelle. Depuis
cette époque, les matelots de tous les pays ont
perpétué un usage qui rompt momentanément
la monotonie de la traversée, et est pour eux
une source de profit. En outre, ils ont trans-
formé en saturnale une cérémonie qui, dans le
principe, pouvait avoir un caractère essentiel-
lement religieux.
« Sur nos navires, dit un écrivain maritime,
le baptême tropical est surtout une petite spé-
culation des marins de l'équipage, tolérée par
les officiers, et qui a pour Dut d'obtenir des
passagers quelques gratifications, que leur ar-
rache la peur de ce baptême fantasmagorique.
Ajoutons que le commandant du navire est
placé, par la tradition, dans l'obligation d'ac-
corder une sorte de congé à son équipage, de
lui faire mesurer quelques rations de vin, de
suspendre les travaux secondaires et de dé-
tendre un peu la ligne do démarcation que
trace la discipline. Le matelot ajoute à tout
BAP
ce qui lui est permis la liberté. de faire tout
ce qu'on ne lui défend pas, et cette folie
trouve une explication naturelle, au milieu
des jours monotones qui, dans ces latitudes
accablantes, se suivent et se ressemblent.
Comme les marins s'en occupent quelque
temps a l'avance, et qu'elle laisse des souve-
nirs qui survivent quelques jours , cette fête
est une halte pour leur imagination, trop inoc-
cupée entre le départ et l'arrivée au port. La
tempête ne les distrait guère ! Toutes les tem-
pêtes se ressemblent; la première qu'on a vue
condamne les autres au plagiat, à perpétuité. ■
Tout Européen qui passe, pour la première
fois, le tropique du Cancer, est obligé de se
soumettre à la fameuse cérémonie ; aucune
puissance ne peut l'en dispenser, du moins
absolument. On approche donc du 23c degré
2S' de latitude N. Tout le monde est dans
l'attente; les matelots novices et les pas-
sagers ne sont pas sans inquiétude , car ils
savent que l'un d'eux sera impitoyablement
borné , à la grande joie do tous les autres.
C'est un illustre aveugle qui va nous guidor
à travers les méandres de cette cérémonie
burlesque , célébrée à plusieurs mille lieues
de nous. « Dès la veille , dit M. Jacques
Arago dans son Voyage autour du monde ,
un bruit inaccoutumé, retentissant dans la
batterie, nous disait que les héros de la fête
savaient les us et coutumes des anciens. Les ca-
ronades résonnaient sous les coups précipités
des marteaux, qui façonnaient avec de la tôle
les chaînes des diables, la couronne du mo-
narque, son sceptre et son glaive sans four-
reau. Les inatelots-poëtes (et ils le sont tous
plus ou moins) improvisaient des refrains
joyeux et gaillards ; les images grivoises
étaient bannies avec mépris comme ayant des
délicatesses incomprises par eux. La poétique
d'un équipage en goguette a un délire à part,
une énergie exceptionnelle, sautant à pieds
joints sur toutes les convenances, dédaignant
les périphrases, appelant sans grimacer cha-
que chose par son nom, et traitant l'enfer et
le ciel, Dieu et le diable avec la même indiffé-
rence et la même brutalité. Cependant l'heure
est venue, la batterie est déserte, le pont se
peuple, les visages sont gais et rayonnants.
Tout à. coup, les fouets sifllent, les trompettes
sonnent; et, de la grande hune, descend un
luron botté, éperonnô, s'avançant avec gra-
vité vers le banc de quart et demandant d'un
ton impérieux le chef de l'expédition. Qu'il
m'accoste sur-le-champ ! ajoute-t-il ; j'ai affaire
à lui, ou plutôt il a affaire à moi.
» Notre commandant, humble et soumis, se
présente bientôt, revêtu de son grand uni-
forme.
» Que voulez-vous? dit-il au courrier. —
Te parler. — J'écoute. — Que viens-tu faire
dans les parages du roi de la Ligne? — Des
observations astronomiques. — Bêtise ! — Et
compter les oscillations du pendule, pour dé-
terminer l'aplatissement de la terre dans tou-
tes ses régions. — Que c'est plat! — Etudier
aussi les mœurs des peuples. — On s'en bat
Tœil, des mœurs à étudier! Qu'est-ce que
peut te rapporter tout cela? — De la gloire. —
Et la gloire donne-t-elle du vin, du rhum, do
Teau-de-vie. — Non, pas toujours. — Alors
je me fiche de ta gloire, comme d'une vieille
chique! Au surplus, c'est votre affaire à vous
tous, pékins de Tétat-major, qui vous dorlotez
dans vos cabines quand nous sommes trempés
comme des canards. Mais il s'agit d'autre
chose en ce moment : maître Fouquc, roi do
la Ligne, t'écrit; je suis son courrier; sais-tu
lire? — Un peu, mon neveu. — Tiens, j'at-
tends ta réponse. L'épître était ainsi conçue :
« Capitaine, je veux bien que ta coquille de
» noix aille de l'avant, si toi et ton piètre
» état-major consentez à vous soumettre aux
» lois de mon empire. Y consentez-vous?
» Largue tes voiles, hisse tes bonnettes et file
» tes douze nœuds. Si tu n'y consens pas, pa-
» ravire lof pour lof, et navigue à la bouline.
» Signé Fouque, second maître d'équipage,
>> roi de la Ligne. » — Je connais mon devoir,
répond le capitaine ; dès ce moment, je suis
le sujet du roi, ton souverain. — A la bonne
heure I Sais-tu marcher la tête en bas, les
pieds en haut? — J'apprendrai. — Rien n'est
plus facile quand on n a pas de jupons. As-tu
mangé du phoque et du pingouin? Pas encore.
— Tu en mangeras, je t'en réponds ; aiguise
tes dents, et après cela, si le vent t'est favo-
rable, si aucune roche ne t'arrête en route,
si ton navire ne sombre pas au large et si tu
ne crèves pas, tu reverras ton pays ; c'est
moi qui te le dis. — Je vous remercie de
vos prédictions. — Ce n'est pas encore tout;
il fait bien chaud. — Ah ! c'est juste,- j'ou-
bliais ; voici une carafe d'eau filtrée pour
l'ambassadeur. — Tu te fiches de moi. —
Alors, du vin. — Merci! aujourd'hui, je ne
bois que ce qui grise. — Voici une bouteille
de rhum. — C'est mieux; mais on boite avec
une seule jambe, et il m'en faut deux. — Les
voici. — C'est faire les choses en vrai gabier ;
tu arriveras. Adieu, à bientôt.
» Les fanfares recommencent; le courrier
remonte triomphant vers la hune où l'attend
le roi, entouré des meilleurs matelots ; et, tandis
que l'équipage impatient et joyeux se rue sur
le pont, le nez au vent et l'oreille aux écoutes,
maître Fouque fait tomber sur lui un déluge
d'eau salée, faibles préludes des ablutions
plus complètes qui auront lieu le lendemain.
Pour nous, gens à privilèges, placés au gail-
lard d'arrière, nous reçûmes sur les épaules
BAP
une violente grêle do lié de Turquie et de pois
chiches, qui, sans nous blesser, nous força à
îa retraite. Mais le grand jour est arrive, et
la batterie enjolivée montre par les écoutilles
la mascarade la plus grotesque, la plus bizarre,
la plus hideuse que jamais l'imagination de
Cahot ait pu buriner. Les peaux de deux mou-
tons écorchés la veille servent à vêtir le
souverain; son front est paré d'une couronne,
et son cou desséché est orné d'un double rang
de pommes de terre, taillées u facettes. Son
épouse, le plus laid des matelots de l'équipage,
voile ses appâts sous des jupes fabriquées à
l'aide de cinq ou six mouchoirs de couleurs
différentes. Deux melons inégaux, que convoi-
tent les yeux amoureux de l'époux monarque,
embellissent sa poitrine velue et ridée. Le
chapeau tricorne de l'aumônier coiffe le chef
du notaire, deux ânes portent le roi: leur rôle
a. été vivement disputé, et on ne l'a obtenu
qu'après avoir donné des preuves éclatantes
de hautes capacités et d'entêtement. Lucifer,
avec son bec fourchu , ses cornes aiguës et
traînant de longues chaînes, est vigoureuse-
ment fustigé par une badine de 1 m. de long
et de 0 m. 06 de diamètre. Il feint de vouloir
s'échapper ; mais, épouvanté par l'eau sacrée
dont l'inonde le prêtre, choisi parmi les moins
sobres des matelots, il ronge ses fers, fait en-
tendre d'horribles mugissements et pousse
du pied la tille du monarque, qui se jette sur
le sein de sa mère et le mord avec voracité.
Huit soldats armés ferment le cortège, qui
prend des bancs, des tabourets ou des fau-
teuils, selon la dignité de chaque personnage.
— Vous avez donc froid, demande-t-on h
Sa Majesté la Ligne, qui grelotte. — Hélas i
non, répond le contre -maître , j'étouffe au
contraire sous cette épaisse fourrure; mais
l'usage veutque je tremble et que je frissonne;
et mes gens sont tenus de m'imiter en tous
points, sous peine d'être privés de leurs em-
plois. C'est bête, j'en conviens; mais ainsi
l'ont ordonné nos anciens , qui apparemment
étaient plus frileux que nous. — Cependant le
trône est occupé, les grands dignitaires pren-
nent gravement leur place autour d'une énorme
baille de combat, sur le bord de laquelle est
adaptée une planche à bascule, où doit s'as-
seoir le patient. La liste de tout l'équipage est
entre les mains du notaire, qui se lève et lit
à haute voix les noms et prénoms de chacun.
Le premier appelé est le commandant. —
Votre navire a-t-il déjà eu l'honneur de visi-
ter notre royaume ? lui dit le monarque. —
Non. — En ce cas, grenadiers, à vos fonc-
tions!-.. A ces mots, quatre soldats armés de
haches s'élancent sur le gaillard d'avant et
font mine de vouloir abattre la poulaine, à
coups redoublés. Doux pièces d'or tombées
dans un bassin placé sur une table arrêtent
l'ardeur des assaillants, qui reprennent leur
poste d'un air satisfait : ce diable de métal
fait partout des prodiges. L'état-major est
appelé nominativement, et chacun, à tour de
rofe, se place a califourchon sur la planche a
bascule qui domine l'énorme baille à demi-
pleine d'eau salée. Là, on doit répondre d'une
înanière positive, et sans hésiter, à. la formule
suivante et sacramentelle lue à haute voix
par le notaire ; > Dans quelque circonstance
d que vous vous trouviez, jurez devant Sa
» Majesté la Ligne de ne. jamais faire la cour
» à la femme légitime d'un marin. » Le patient
doit répondre : « Je le jure ! » sous peine d'im-
mersion, et jeter dans le bassin quelques piè-
ces d'argent réservées, pour ta première re-
lâche, à un gala général, où les rangs et les
grades seront confondus. La décence (car
il en faut même dans les choses les moins sé-
rieuses), la décence ne permettait pas qu'au-
cun patient reçût l'ablution totale ; on se con-
tentait d'ouvrir une des manches de son habit
et d'y infiltrer quelques gouttes d'eau, en pro-
nonçant les paroles d'usage : «Je te baptise. »
Mai^ quand vint le tour des matelots, nul ne ■
fut épargné. Plongés dans la baille, ils ne
parvenaient à en sortir qu'après les efforts
es plus inouïs, les contorsions tes plus gro-
tesques; et les jurons énergiques frappaient
les airs, et les éclats de rire se mêlaient aux
jurons, et les bons mots de cabaret se croi-
saient sans que pas un martyr eût osé se
fâcher. C'était une joie bruyante, tumultueuse,
une joie de matelots en délire, qui oublient que
la et la, sous leurs pieds et sur leur tète, il y a
une mer et un ciel dont le caprice et le cour-
roux peuvent les broyer et les engloutir aujour-
d'hui ou demain. Hélas t ces heures sont si
courtes, â bord, que je ne vis pas sans un vif
regret l'horizon se charger de nuages, et la
cérémonie près d'être close par une bourrasque
ou une tempête. Mais un incident inattendu
devait varier encore les émotions de la jour-
née. Un nom, prononcé plusieurs fois, reste
sans réponse; on se questionne,_ on s'émeut,
on s'agite, on fouille de tous côtés dans les
hunes, sous les câbles ; on descend dans la
batterie, et l'on apprend enfin qu'un profane,
fier de son état de cuisinier, est décidé, à tout
prix , à s'affranchir de la règle commune.
Tout le monde â la batterie !... crie^ une voix
formidable, et la batterie est aussitôt envahie
par les écoutilles et les sabords. — Sur le
pont, sur le pont! à cheval, à la bascule!
point de grâce! point de merci) Que la noyade
soit complète, erie-t-on de toutes parts.
» C'estalorsqu'on voit apparaître le cuisinier
du navire : le bonnet blanc de l'ordre couvre
sa tête enluminée, et défond son front hérissé
dos plumes de ses innocentes victimes. Un
tablier de couleur équivoque se relève avec
E
BAP
grâce sur son épaule, et drape à la grecque le
guerrier poursuivi; sa bouche est cadencée
à la Minerve et annonce l'indignation; dans
ses yeux règne la soif des combats. Il tient
en main une broche aiguë et rougie , où
est encore empalé un étique dindon, qui, la
tête vers les ennemis de son bourreau, semble
leur dire de se défier du traître et de craindre
un. sort pareil au sien. En vain les tuyaux
dos pompes dirigés sur l'indiscipliné l'inondent
d'une eau amère, qui se joint aux sauces qu'il
avait préparées, sans les rendre plus mauvai-
ses ; en vain les menaces éclatent de toutes
parts : ferme comme un rocher au milieu des
ilôts mutinés, ses yeux n'en dardent pas moins
de vives étincelles ; sur les deux coins baissés
de sa bouche, on lit toujours 1 indignation qui
le maîtrise... « Il me faut des victimes, s'éerie-
» t-il à la lin, d'une voix tonnante, et fussiez-
» vous vingt fois plus nombreux, vous ne
a viendriez pas à bout de me soumettre aux
» lois honteuses qu'il vous a plu de créer, et
y dont ma fierté veut m'affranchir. Non, je
» n'aurais pas salué le chapeau de Gessler, ou
» le cheval de Caligula; non, je ne serai pas
» baptisé. De quel droit venez-vous attaquer
» clans ses foyers un homme dont tous les mo-
» inents sont consacrés au bonheur des hom-
u u <s, qui réjouit leurs palais, qui brûle tou-
» juins pour eux d'un feu qui semblait devoir
u le mettre a l'abri d'une attaque aussi inat-
» tendue, d'un affront aussi sanglant... Oh ! je
» ne vous crains- pas; non, je ne serai pas
» baptisé. » Il dit et plante dans le bordage sa
broche aiguË. En avant les pompes, dit un des
assistants de sa voix rauque et caverneuse;
en avant les pompes! Et mille jets rapides
inondent de l'avant et de l'arrière l'intrépide
cuisinier, dont les sauces grandissent sans
devenir plus mauvaises. Celui-ci reste cloué
à son poste d'honneur, pareil au roc battu par
la tempête; et il sort, sinon vainqueur, du
moins invaincu , de cette lutte acharnée à
laquelle un grain violent, pesant sur le navire,
vient mettre un terme. »
Voici une autre version, qui se distingue de
la première par plus de mouvement et de
couleur locale.
La veille du jour de la fête, un coup de
sifflet retentit à la tombée de la nuit. A ce
bruit, un homme descend du haut de la mâ-
ture , vêtu d'un frac bleuâtre , galonné de
bandes de papier sur toutes les coutures ,
botté, éperonné, fouet en main, la nuque en-
jolivée d'une queue d'étoupes, une immense
cocarde au chapeau : c'est le courrier du bon-
homme Tropique. On l'entoure à distance res-
pectueuse, parce que la corde de son fouet
décrit un cercle qu'il serait dangereux de
vouloir rétrécir. Il marche, et s'avance vers
le commandant , qui , prévenu de l'arrivée,
par des régions inconnues, d'un courrier qui
le demande, a aussitôt quitté sa chambre, et
s'est venu placer sur le gaillard d'arrière. Le
messager céleste incline son fouet devant lui,
puis, au milieu d'un profond silence, récite,
non sans s'embrouiller plus d'une fois, un dis-
cours dans le genre de celui-ci :
« Mon commandant, je viens d'ousque vous
savez peut-être, vous annoncer que mou maî-
tre, le vénérable sultan des Trois-Piques et
de la Ligne, a reluqué tout à l'heure votre
navire par le trou d'un nuage usé, et qu'il se
bichonne présentement pour s'affaler dessus,
demain, à l'heure de sa commodité et de la
vôtre. En attendant, j'ai le tuyau du cou sin-
gulièrement râpé par la commission que je
viens de vous transmettre. Je ne serais pus
fâché de l'humecter à votre santé, avec ce
tas de mateluches qui sont là à rire en des-
sous. »
Le commandant répond mille politesses
pour le puissant dominateur des régions tro-
picales, puis, après avoir exprimé le plaisir
qu'il aura à recevoir un si grand personnage
avec toute sa suite, il fait distribuer une ra-
sade d'eau-de-vie à chaque assistant.
'Le lendemain matin, pendant que les pas-
sagers et les matelots novices sont retenus,
sous divers prétextes , dans les chambres
basses, tout se prépare sur le pont pour la
cérémonie. On dresse le long du grand mât
un échafaudage de barriques vides, étayées et
surmontées de planches. Cet échafaudage est
censé représenter un autel. On l'abrite au
moyen d'une tente bien légère, et l'on met en
réquisition, pour l'orner, toutes les ressources
du bord, pavillons, armes, tableaux, curio-
sités naturelles, objets de toute forme, de
toute nature et de tout usage. Sur le devant,
une cuve haute et large, sur laquelle s'étend
une planche d'une médiocre longueur , est
enveloppée mystérieusement dans un immense
pavillon dont les plis nombreux en déguisent
presque la forme : c'est la cuve baptismale
de la liturgie matelotesque. On distingue en-
core, sur un des coins de l'autel, plusieurs
ustensiles d'un usage effrayant, tels qu'un
énorme rasoir peint avec des couleurs trom-
peuses, des tenailles, une scie, une hache et
son billot, et, avec eux, une férule de cuir,
une assiette pleine de farine, un pot de noir
de fumée, etc.
C'est à midi que la fête doit s'ouvrir, A
peine l'officier de quart a-t-il crié aux timo-
niers : » Attrape huit! sonnez midi! » que la
grosse cloche de l'avant et la clochette de
l'arrière s'ébranlent à toute volée, et portent
leurs assourdissantes sonorités dans les par-
ties les plus profondes du navire. En même
temps, le maître d'équipage fait entendre le
BAP
cri de :«Tout le monde en haut! » qu'il répète
par trois fois, d'une voix à réveiller un mort.
A ces sons de cloche, à ces cris, chacun se
rend sur le pont, et s'y place conformément
au programme arrêté : le commandant, avec
son état-major, en face de l'autel ; les passa-
gers et les matelots qui passent , pour la
première fois, le tropique, tout près de la
cuve, où des gendarmes improvisés les gar-
dent à vue, afin d'empêcher toute tentative
d'évasion. Quant aux simples spectateurs, ils
se groupent ou se hissent partout où ils peu-
vent.
BAP
191
Bientôt la fête commence. Une foudroyante
détonation de fusils et de pierriers, accom-
pagnée de cris étranges et d'une pluie de ha-
ricots tombant des hunes, annonce l'arrivée
du bonhomme Tropique , qui sort, suivi d'un !
brillant entourage, d'une vaste tente dressée i
derrière l'autel. En tête du cortège marchent ',
deux gendarmes, ornés d'immenses mousta- |
ches, qui exécutent avec leurs grands sabres
de merveilleux moulinets pour élargir, au-
tant que possible, le cercle des curieux. Der-
rière eux s'avance un char triomphal , formé
d'un affût de ennon, brillamment pavoisé, et
traîné par deux animaux d'un aspect indes-
criptible. Sur ce char trône une jeune femme
parée comme une reine. Un petit panier d'o-
sier, surmonté de découpures de carton doré,
couronne son auguste front. Ses joues sont
largement barbouillées d'ocre. D'énormes
boucles de copeaux encadrent sa figure de
leurs blonds anneaux. Enfin, à sa ceinture,
qui peut à peine soutenir des appas d'une
grosseur formidable, est suspendu un nourris-
son, qu'elle allaite avec les démonstrations de
la plus vive tendresse. Cette reine du Tro-
pique n'est autre chose qu'un des jeunes no-
vices, ou un mousse. Quant au nourrisson,
c'est un paquet de chiffons habilement modelé.
Immédiatement après le char, on aperçoit un
vieillard dont la barbe roussàtre, faite de
tout ce que l'étoupe du bord a présenté de
plus convenable, atteste la vénérable anti-
quité. Il est presque entièrement perdu dans
lès peaux de mouton qui le couvrent, en guise
de vêtement royal, et sur lesquelles s'étalent
des décorations impossibles. Comme sa royale
épouse, il a le visage richement enluminé; de
plus, il tient à la main, pour appuyer sa marche
chancelante, une longue perche façonnée en
trident. A la suite du roi et de la reine vien-
nent, en s'agitant de toutes les façons, les
seigneurs et dames de la cour, les uns cha-
marrés de tous les cordons ou rubans qu'ils
ont pu se procurer; les autres, noircis de gou-
dron; ceux-ci, saupoudrés de toutes les plumes
que le maître coq a mises de côté pour la
circonstance ; ceux-là, chargés de chaînes de
cuisine, qu'ils secouent en rugissant, à la ma-
nière des diables de théâtre.
Le cortège ayant pris place dans l'enceinte
formée par les spectateurs, le père la Ligne
lève solennellement la main droite ; un coup
de sifflet répond à ce signe, et il n'en faut pas
davantage pour qu'un silence religieux rem-
place aussitôt le tapage le, plus assourdissant.
Le dieu marche alors gravement jusqu'à l'en-
droit où se trouve l'état-major, et, après avoir,
à plusieurs reprises, passé la main dans sa
barbe , il prononce lentement ces paroles :
« Où est le commandant? » Celui-ci se détache
un peu du groupe et se montre. « Oh! c'est
vous; vous êtes un vieil enfant de l'Océan, et,
plus d'une fois déjà, vous avez traversé les
régions où s'étend ma puissance... Soyez le
bienvenu; moi, mon épouse, mes officiers,
toute ma cour enfin, sommes à vos ordres,
mon commandant. » — « En effet, vénérable
vieillard, il y a fort longtemps que j'ai reçu
les saints baptêmes de V eqv.ate.vr et des tropi-
ques; aussi, n'aurai-je à vous demander vos
bontés que pour quelques-uns de mes compa-
gnons de voyage. » — « C'est bien , mon se-
crétaire va les enregistrer sur le grand livre;
ils déposeront entre ses mains les serments
d'usage, pendant quoi je vais me recueillir un
instant pour leur adresser un discours que j'ai
coutume de faire, lorsque, comme ceux que
vous m'avez amenés, les voyageurs sont des
personnages de distinction. »
Cela dit, le dieu, se blottissant sous ses
peaux de mouton, relit un chiffon de papier
sur lequel est écrite l'improvisation que la
rhétorique d'un aspirant lui a préparée. Pen-
dant ce temps, les diables recommencent leur
vacarme ; mais bientôt un coup de sifflet fait
tout rentrer dans le silence. Alors, le bon-
homme Tropique, étendant les bras, débite,
avec toute la majesté dont il est capable, une
harangue facétieuse dans laquelle il ne man-
que pas de décrire aux néophytes les tour-
ments auxquels, par ses ordres, on va les
soumettre, et il la termine aux trépignements
de joie et aux interpellations de l'équipage ,
mis en belle humeur par les bévues de toute
sorte dont il n'a pas manqué d'enrichir le
chef-d'œuvre du jeune officier. Quand il n'a
plus rien à dire, il va s'asseoir, avec la reine,
sur un trône; puis, les aimables personnages
qui composent sa cour s'ètant rangés à
droite et a gauche, les gendarmes vont
chercher, une à une, les personnes qui doi-
vent être baptisées et les amènent sur la
cuve mystérieuse. Il faut employer la force
pour plusieurs, car la harangue du bonhomme
Tropique est loin de les avoir rassurées. Ce-
pendant, la plupart en sont quittes pour de
légers simulacres, grâce aux gros pourboires
qu'elles ont eu soin de donner à leurs gar-
diens. On se contente de les faire asseoir sur
la sellette sacrée, et, pour toute aspersion
baptismale, on leur' verse un peu d'eau pure,
quelquefois même d'eau de Cologne, soit dans
le cou ou dans la poitrine, soit dans la manche
de l'habit. Mais les choses se passent tout
autrement à l'égard de celui que sa mauvaise
étoile a fait choisir pour servir de jouet à
l'équipage, et il y a toujours une victime de
ce genre : sans cela la fête n'existerait, pour
ainsi dire, pas. Cédons ici la parole à M. Louis
Desnoyers, qui, dans ses Aventures de Itobert-
Robert, a parfaitement décrit le baptême tro-
pical.
« Lavenette avait été choisi pour victime. Ce
fut en vain qu'il se lamenta, qu'il appela à la
garde, qu'il demanda positivement qu on le ra-
menât en France ; ce fut en vain que, de son
côté, Robert- Robert intercéda pour lui; ce
fut en vain que ce dernier proposa d'acheter,
à tout prix, 1 indulgence des marins pour son
vieux compagnon : les marins s'obstinèrent à
garder la proie que les licences du jour adju-
geaient, sans réserve, à leurs impitoyables
mystifications. U y avait deux mois et plus
qu'ils couvaient des yeux Lavenette.
» Le moment venu , ils n'eussent pas re-
noncé, pour les mines du Pérou, à un plaisir
si longtemps prémédité. Le malheureux eut
donc à subir toutes les épreuves connues et
beaucoup d'autres.
« On commença par l'asseoir sur la planche
qui recouvrait la grande cuve... Lavenette
voulut se débattre, mais la main pesante de
deux gendarmes s'appuya sur chacune de ses
épaules et le cloua sur son siège. Deux autres
gendarmes le tenaient fortement, celui-ci par
la tête, celui-là par les jambes, de telle sorte
qu'il lui devint impossible de faire le moindre
mouvement. La grimace seule lui resta pos-
sible, et l'infortuné ne s'en lit pas faute.
u Le premier exécuteur s'approche de lui,
et, pointant perpendiculairement "un clou
énorme au-dessus de sa tête, fit mine de l'en-
foncer à grands coups de marteau. Lavenette
poussa un cri d'épouvante; mais il en fut
quitte pour la peur. C'était un clou de mie de
pain, saupoudré de limaille de fer.
» Le second exécuteur s'approcha , bran-
dissant les terribles tenailles ; mais, sous pré-
texte de lui extraire les ongles des pieds, il se
contenta bénignement d'arracher ses pan-
toufles.
» Le troisième exécuteur s'approcha, ayant
en main la redoutable scie et se mit en devoir
de lui couper les quatre membres ; mais il
renversa l'instrumeilt sens dessus dessous, et
ne fit que lui râper un peu rudement le dos et
les jointures des bras, au moyen de la corde
qui produit la tension de la lame.
» Le quatrième exécuteur s'approcha, te-
nant par l'anse un vieux pot ou flottait un
détestable mélange de sauce, de sel, de poi-
vre, de bouillon, d'eau-de-vie, de gingembre,
de cirage à l'œuf, de tout ce que la cuisine et
la toilette du navire avaient pu fournir d'in-
grédients. Il trempa dans cet exécrable
liquide un vieux balai, dont il se servit en-
suite , comme d'une savonnette , pour bar-
bouiller la figure du victime.
« Le cinquième exécuteur, faisant office de
perruquier, s'avança à son tour, armé du gi-
gantesque rasoir, et, tandis qu'un aide pinçait
burlesquement et soulevait le long nez de
Lavenette, comme cela se pratique en pareil
cas, l'artiste en racla en tous sens, et à vingt
reprises, l'ôpidermo facial de sa pratique for-
cée, quoique véritablement on n'y remarquât
pas plus de barbe que sous la semelle d'un
escarpin.
» Le sixième exécuteur parut alors, ayant
pour insigne un grand rabat de sacristain. Il
portait gravement une férule de basane, frot-
tée de blanc. d'Espagne d'un côté, et de noir
de fumée de l'autre. Il l'approcha des lèvres
de Lavenette, puis de sa joue droite, puis de
sa joue gauche; et il se retira, le laissant ba-
digeonné de noir et de blanc comme un vieux
pan de muraille.
» On conçoit qu'après de pareilles scènes,
Lavenette avait besoin d'un vaste bain. On ne
tarda pas à le lui offrir. La planchette sur la-
quelle il était assis fut brusquement retirée
d'entre la cuve et sa personne. U tomba subi-
tement, comme une masse de plomb, dans ce
petit océan de vieille sauce et de noir d'ivoire,
où il disparut tout entier, moins la tête, car
on avait eu la philanthropie de lui passer au-
tour du cou un énorme collier de liège, afin
de la lui maintenir, autant que possible, à la
surface.
» Mais aussitôt le tube d'une pompe fou-
lante fut placé dans la cuve et en fît jaillir le
contenu en flots jaunâtres qui retombèrent
de tous côtés sur la tête du patient...
» Enfin, le froid torrentd'innombrables seaux
d'eau lui tomba en même temps sur la tête, de
la hune du grand mât, où la malignité des
marins les avait tenus en réserve pour com-
pléter le singulier baptême.»
La scène qui précède est la partie capi-
tale de la fête. Aussi les matelots la font-ils
durer autant qu'ils peuvent, et ce n'est que,
fatigués de rire et de noyer le pauvre diable,
qu'ils consentent à y mettre fin. A ce moment
commence, à coups de seaux d'eau, un véri-
table combat, qui ne tarde pas à confondre
dans un même baptême général les nouveaux
embarqués et les vieux marins, La journée
192
BAP
BAP
BAP
BAP
le
se termine par une distribution extraordi- '
naire de vivres et de vin à l'équipage, précé- j
dêe et suivie de jeux et de danses.
Comme on le voit, le baptême du tropique
est le carnaval des gens de mer. On le re-
nouvelle quelquefois au passage de la ligne ;
mais, en général, on ne le célèbre qu'une t'ois,
tantôt sous le tropique , tantôt sous l'équa-
tcur, suivant les circonstances de la naviga-
tion. Nous parlerons plus loin d'un tableau où
M. Biard a représenté ces cérémonies bur-
lesques avec son talent ordinaire.
Maintenant, le baptême du tropique est-il
une cérémonie qu'il serait bon de supprimer
de nos mœurs duxixe siècle? La question est
plus facile à poser qu'à résoudre. Oui, s'il s'y
mêlait de ces scènes brutales qui ne sont pas
toujours incompatibles avec la sévérité de la
discipline militaire ; non, si tout se passe dans
les bornes d'une agréable plaisanterie.
Prenons en commisération ces pauvres ma-
rins qui jouissent chaque jour, en se levant et
en se coucliant, de la contemplation des char-
mes d'Amphitrite, laquelle, pour variante, n'a
que quelques tempêtes h. leur disposition. Cela
est beau, mais c'est monotone. On finit par
s'accoutumer à ces choses comme un mari aux
bourrasques de sa femme, et réciproquement;
souffrons donc qu'il soit mêlé un peu de plai-
sant au sévère. C'était l'avis de Boileau; c'é-
tait aussi celui du ministre de la marine, M. de
Castries, qui répondit en ces termes a des pas-
sagers qui lui avaient écrit pour se plaindre
d'avoir été traités comme ce pauvre Toussaint
Lavenette :
« J'ai reçu,messieurs, vos lettres du 24 juin
dernier, relativement aux excès qui se sont
produits à bord de la Claudia, capitaine Piaurï.
Tout en regrettant cet événement, je ne pense
pas qu'il puisse donner lieu à une loi générale
pour l'abolition d'un usage qui existe depuis
longtemps chez toutes les nations de l'Europe ;
c'est même un amusement qui entretient la
gaieté et, conséquemment, la santé des équi-
pages et qui ne peut tirer à conséquence
orsqu'on n'en abuse pas. •
Si maintenant, à propos de réformes, nous
passons do la marine à l'armée de terre, nous
trouvons un autre abus qui est autrement
dangereux; car du comique on tombe dans le
tragique. 11 s'agit de ce sabre et de cette baïon-
nette dont est décoré le liane gauche de nos
militaires dans nos rues et dans nos prome-
nades publiques. Il y a là une anomalie contre
laquelle le Grand Dictionnaire ne cessera de
réclamer, Est-ce du soldat français que nous
nous défions? non : avec les deux poings que
dame Nature a chevillés au bout des bras de
chacun de nous, à la vigueur près, un homme
en vaut un autre. C'est l'homme ivre, c'est la
brute seule que nous redoutons. Et, pour
prouver que nous sommes sincère, nous de-
mandons qu'un simple article du règlement
défende a tout militaire portant des armes
d'entrer chez le marchand de vin ou le débi-
tant de liqueurs; nous nous contenterons de
cette demi-mesure. Réclamerons-nous cela
également à l'égard des chefs? loin de nous
une telle pensée. On n'a pas d'exemple d'un
militaire gradé, abusant de son arme ; et l'on
en a vu plusieurs briser leur épôe au milieu
d'une rixe... C'est qu'une instruction, autre que
celle du maniement des armes, a passé par là.
Baptême (traité du), par Tertullien. a Heu-
reux sacrement que celui de notre baptême I
Quel effet ne produit-il pas? Il efface la tache
de nos péchés passés, il nous rend enfants de
Pieu, et nous ouvre l'entrée à la vie éternelle. »
C'estainsi que débute cetouvrage. Unefemme,
Quintille, s était élevée dans Carthage contre
la vertu du baptême, niant que l'eau fût douée
de la propriété de laver les fautes et de mé-
riter le ciel. Tertullien répond à ces attaques,
en montrant que le caractère essentiel des
ouvrages divins, c'est la simplicité de la ma-
tière dont Dieu fait usage, et la magnificence
des effets qu'il y attache. N'est-il pas étrange,
dira-t-on, qu'avec un peu d'eau la mort puisse
être détruite? L'étrange est ici précisément
un motif de croire. Dieu n'a-t-il pas choisi
des hommes simples, selon le monde, pour con-
fondre la sagesse du monde; et ce qui est très-
difficile aux hommes n'est-il pas très-facile à
Dieu? Du reste, il n'est ni ridicule, ni impos-
sible que l'homme soit régénéré par l'eau;
rien d'étonnant à ce que cette matière ait été
élevée a une si haute dignité. Lorsque tout
n'était qu'un chaos affreux, lorsque la terre
était sans ornement, les cieux sans beauté,
l'esprit de Dieu, dit l'Ecriture, était porté sur
les eaux. C'est par le moyen des eaux que
Dieu procéda à l'arrangement des différentes
parties de l'univers. C'est l'eau qui la première
produisit ce qui a vie. Dans la formation même
de l'homme, Dieu employa Veau pour achever
co sublime ouvrage. La terre est, à la vérité,
la matière dont 1 homme fut fait; mais cette
terre n'eût pas été suffisamment disposée pour
cet ouvrage, si elle n'avait été humide et dé-
trempée. Que ne pourrait-on pas dire de la
vertu et de la fécondité de l'eau? Quels bien-
faits le monde n'en reçoit-il pas? De toute
cette histoire de l'eau, du grand rôle qu'elle
joue dans la nature, Tertullien se eroit fondé
à conclure qu'elle a dû être aussi employée
dans les sacrements pour nous procurer une
vie surnaturelle; il voit là une espèce de
préjugé en faveur du baptême, et se plaît à
rattacher la vertu sanctificatrice de l'eau bap-
tismale h cette ancienne prérogative des eaux,
d'avoir porté le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit,
dit-il, descend de nouveau, et vient sanctifier
l'eau par sa présence, et lui communiquer une
vertu médicinale.
Mais voici, en faveur du baptême, un autre
témoignage. Les Gentils eux-mêmes ont cou-
tume d'initier, par une espèce de baptême, leurs
néophytes à certains mystères de la déesse
Isis ou du dieu Mithra. Lorsqu'ils font des
lustrations expiatoires, on voit leurs prêtres
porter l'eau de toutes parts : bourgades, mai-
sons, temples, villes entières, tout est arrosé.
Ceux qui célèbrent les jeux Apollinaires et
Eleusiniens Se font plonger dans l'eau, pour
être purifiés des taches honteuses qui souillent
leurs âmes. Si ces aveugles Gentils sont per-
suadés que l'eau, par sa vertu naturelle, peut
effacer leurs crimes, combien sera-t-il plus
vrai de dire qu'elle peut produire le même effet
par l'autorité d'un Dieu, qui est le créateur des
éléments et de toutes leurs propriétés? Le bap-
tême chrétien, c'est l'œuvre divine; le baptême
païen, c'est la contrefaçon du démon; l'une
doit faire comprendre l'autre.
Que l'on considère enfin l'estime spéciale
que Jésus-Christ fait de l'eau. Il semble que
cet élément l'accompagne toujours. D'abord il
est baptisé lui-même dans les eaux du Jour-
dain. Le premier essai qu'il fait de son souve-
rain pouvoir, c'est lorsqu'il change l'eau en
vin, aux noces de Cana. Lorsqu'il enseigne le
peuple, il invite tous ceux qui ont soif à venir
boire de cotte eau éternelle, qui n'est autre
que lui. Ailleurs, il déclare qu'un verre d'eau
donné pour l'amour de lui est une œuvre de
charité qui ne sera point sans récompense. Il
se délasse aux eaux du puits de Jacob ; il
marche sur les eaux ; il verse de l'eau dans
un bassin pour laver les pieds de ses disciples.
Lorsqu'il est condamné à mort, l'eau intervient
encore à cette condamnation, puisque Pilate
se lave les mains en l'abandonnant à la fureur
des Juifs; enfin, lorsqu'il est blessé à mort, il
sort de l'eau de son côté.
Quelles sont les objections que l'on oppose
au baptême? On dit : Jésus-Christ n'a pus
baptisé. Mais il est facile de comprendre que
l'efficacité du baptême étant fondée sur la
passion et la résurrection du Seigneur, l'ins-
titution du baptême devait suivre et non pré-
céder cette passion et cette résurrection. On
ajoute : les apôtres n'ont pas été baptisés.
Mais la grâce de leur vocation, et le privilège
d'avoir été les amis inséparables de Jésus-
Christ ont pu leur tenir lieu de baptême : nous
n'avons pas à demander si les apôtres ont dû
recevoir le baptême pour être sauvés, mais si
le baptême est nécessaire à notre salut. Abra-
ham, dit-on encore, a pu, par la foi seule, de-
venir agréable à Dieu; si la foi suffit, le bap-
tême n'est donc pas nécessaire. Mais les lois
postérieures prévalent sur celles qui ont pré-
cédé. Si la foi nue a pu suffire avant la pas-
sion et la résurrection de Jésus-Christ, une
telle foi ne suffit plus aujourd'hui; le baptême
est devenu le sceau nécessaire de la foi nou-
velle, c'est-à-dire de la foi à la naissance, à
la passion et à la résurrection de Jésus-Christ.
Le Seigneur n'a-t-il pas dit formellement :
» Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-
les au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit. »"
Après cette argumentation en faveur du
baptême, Tertullien s'occupe de la discipline
qu il convient d'observer dans l'administration
de ce sacrement. Le droit d'administrer le bap-
tême, dit-il, appartient d'abord à l'évêque.
Les. prêtres et tes diacres le peuvent aussi
conférer, mais avec la permission de l'évêque,
afin que la subordination et la paix soient
maintenues dans l'Eglise. La nécessité donne
ce droit même aux laïques, « car, lorsqu'il ne
se trouve ni évèque, ni prêtre, ni diacre, nul
ne doit receler le don du Seigneur; le baptême
étant un des biens que Dieu distribue a tous
les hommes sans exception, tous peuvent aussi
le communiquer. » Il semble que, d'après ces
paroles, les femmes doivent avoir, comme les
nommes, le droit de baptiser, puisqu'elles sont
baptisées comme les hommes. Tertullien, ce-
pendant, paraît leur refuser ce droit d'une
manière absolue. « L'insolence de certaines
femmes, dit-il, qui ont usurpé le droit d'ensei-
gner, les portera-t-elle à s'arroger encore celui
débaptiser? J'ai de la peine h le croire, à
moins qu'il ne paraisse quelque nouveau mons-
tre aussi hardi que le premier (allusion à
Quintille, qu'ailleurs il traite de vipère). Que
si quelques-unes de ces femmes téméraires,
qui lisent sans aucun discernement les écrits
de saint Paul, osent justifier leur prétention
par l'exemple de Thècle, à laquelle, dit-on,
cet apôtre donna le pouvoir d'enseigner et de
baptiser, qu'elles sachent que le livre duquel
elles s'autorisent n'est point de saint Paul,
mais d'un prêtre d'Asie, qui le composa sous
le nom de saint Paul. Ce prêtre ayant été
ensuite convaincu, par sa confession même,
qu'il avait composé cet ouvrage, fut chassé
et déposé. En effet, y a-t-il la moindre appa-
rence que saint Paul accorde aux femmes le
pouvoir d'enseigner et de baptiser, lui qui
leur donne à peine la permission de se faire
instruire publiquement? » On voit, par ce pas-
sage, que Tertullien est un défenseur, et un
défenseur très-peu galant, des prérogatives
masculines.
L'ouvrage se termine par l'examen des con-
ditions dans lesquelles le baptême doit être
administré. L'auteur blâme la facilité avec
laquelle on accorde ce sacrement ; il combat
fortement le baptême des enfants, et ne parait
nullement se préoccuper du péché originel.
« Eu égard à 1 état, à la disposition et à l'âge,
dit-il, il vaut mieux différer le baptême, sur-
tout s'il s'agit des petits enfants. (Pro cujus-
que personœ conditions ac dispositione, etiam
œlate,cunctatio baptismi utilior est, prœcipue
tamen circa parvulos)... Il est vrai que Notre-
Seigneur a dit, au sujet des enfants : « Ne les
empêchez pas de venir àmoi.» Qu'ils viennent
donc, mais lorsqu'ils seront plus avancés en
âge; qu'ils viennent lorsqu'ils seront en état
d'être instruits et de connaître leurs engage-
ments. (Ait quidem. Dominus : nolite illos pro-
hibere ad me venire. Ventant eryo dum ado-
tescunl, veniant dum discunt, dum quo veniant
docentur.) Qu'ils commencent par savoir Jé-
sus-Christ, avant de devenir chrétiens (Fiant
christiani, cum Christum nasse potuerint).
Pourquoi tant presser de recourir a la rémis-
sion des péchés un âge encore innocent. (Quid
festinat innoeens cetas ad remissionem pecca-
torum?) On doit remarquer la curieuse diffé-
rence qui existe entre le raisonnement de
Tertullien et celui de saint Augustin, relative-
ment au baptême des enfants. Les enfants
sont innocents, dit le premier; donc ils n'ont
pas besoin de la rémission des péchés, donc
ils n'ont pas besoin de baptême. (Quid festinat
innoeens œtas ad remissionem peccatorum?)
On baptise les enfants, dit saint Augustin,
pour les incorporer à l'Eglise, c'est-à-dire les
unir au corps et aux membres du Christ; d'iic
ils ne sont pas innocents, donc ils seraient
damnés sans le baptême. (Quoniam nihil agitur
aliud, cum parvuli baplizantur, nisi ut incar-
porentur Ecclesiœ, id est, Christi corpori mem-
brisque socientur, manifestum est,eos ad dam-
nationem,nisi hoceis collatum fuerit, pertinere.)
BapiSmc «îeJéBui-Chriai (Représentations
diverses nu). Le baptême de Jésus par saint
Jean est l'un des épisodes de la vie du Messie
qui ont été le plus fréquemment représentés
par les artistes. On en a fait, dès les pre-
miers temps de l'art chrétien, le sujet or-
dinaire de la décoration des baptistères; et
aujourd'hui encore, cette même scène est
peinte ou sculptée dans la plupart des cha-
pelles où sont placés les fonts baptismaux.
Une des plus anciennes représentations du
baptême du Christ est une peinture des cata-
combes, publiée par Bottan et Buonarotti, et
que l'on croit être du vie siècle. On y voit
Jésus plongé dans le Jourdain jusqu'à la cein-
ture, et la colombe vole au-dessus de sa tête ;
Jean est sur le rivage et verse l'eau sur la
tête du Fils de Dieu. Ce groupe principal est
accompagné de scènes allégoriques : Moïse
faisant sortir l'eau du rocher, et la Multiplica-
tion des pains. M. Martigny pense que ce
dernier sujet pourrait bien figurer ici la mul-
tiplication des enfants de Dieu par le bap-
tême. Une mosaïque du iv« siècle, servant
de décoration à l'abside de Santa-Maria-in-
Cosmedin, de Ravenne, offre, à côté de Jésus,
un personnage assis, qui a près de lui un vase
penché, et qui tient à la main un roseau :
Cette figure n'est autre que la personnification
du Jourdain, d'après le type antique. La même
personnification se retrouve dans un diptyque
de Milan, du ive ou du vo siècle : Un jeune
homme, tenant d'une main un roseau, appuie
l'autre main sur la tête de Jésus, plongé dans
l'eau jusqu'aux genoux. Nous croyons que
M. Martigny se trompe en voyant dans ce
jeune homme le précurseur administrant le
baptême par immersion. Cette façon de per-
sonnifier le Jourdain et de le substituer à saint
Jean se conserva jusqu'au X" siècle. M. Waa-
gen en a signalé un exemple dans un splendide
évangéliairc de la bibliothèque de l'université
de Prague (Manuel de l'histoire de la peinture,
I, p. 15). Un très-ancien bas-relief de l'église
de Monza représente une colombe, qui tient
dans son bec un vase d'où l'eau s'échappe et
se répand sur la tête de Jésus. Saint Jean est
placé à droite du Messie, dont un ange , à
gauche, porte la tunique. Jusqu'au xive siècle,
les artistes représentèrent presque toujours
Jésus recevant le baptême par simple immer-
sion. Cette scène figure dans le beau retable
de Semitecolo, que l'on conserve dans la ga-
lerie de l'Académie des beaux-arts, à Venise :
le Christ, plongé dans le fleuve jusqu'aux
épaules, élève une main hors de l'eau et
montre trois doigts, afin d'indiquer, dit Za-
notti, que le baptême doit être administré au
nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; Jean,
placé à gauche, sur la rive, appuie la main
sur la tête de Jésus; trois anges, à droite,
portent les vêtements du divin néophyte.
Cette peinture intéressante a été gravée par
A. Viviani. Parmi les innombrables représenta-
tions du baptême de Jésus-Christ, exécutées
par les artistes modernes, il nous suffira de
citer les peintures de Raphaël (v. ci-après) ;
de Francia (v. ci-après) ; de l'Albane (v. ci-
après); d'Andréa Verocchio (galerie de l'Aca-
démie des beaux-arts de Florence); de Tad-
deo Gaddi (National Galle'ry); du Tintoret
(église de Saint-Silvestre, à Venise); de Paul
Véronèse (musée royal de Madrid , palais
Pitti, à Florence, collection Baring, à Londres,
gravées par W. Kilian) ; de Jacques Bassan
(palais Guadagni, à Florence) ; de Carie Ma-
ratte (peinture de l'église de Sainte-Marie-
des- Anges, à Rome , reproduite en mosaïque
à Saint-Pierre, gravée par B. Farjat) ; de
Gaudenzio Ferrari (église de Sainte-Marie-
près-Saint-Celse , à Milan); de Nicolas Ap-
piano, élève du Vinci (musée Brera, à
Milan) ; de Paris Borddne (v. ci-après) ; du
Carlo Urbino (v. ci-après); de Lorenzo di
Credi (église de Suint- Dominique, à Fiesolc) ;
de Filippo Tarchiani (église de la Madonna
dei Ricci , à Florence) ; d'Antonio Franchi
(église de San Frediano, à Florence) ; de Sal-
vator Rosa (palais Guadagni , à Florence) ;
d'Annibal Carrache (gravée par Augustin
Carrache, Ch. Audran, Marie Horthemels);
de Fr. Salviati (gravée par Cornelis Cort);
de Giulio Clovio (gravée par Cornelis Cort) ;
de Pompeo Aquilano (gravée par Augustin
Carrache et Orazio de Sanctis) ; de Gio-Bat-
tista Mercati (gravée par lui-même) ; de Soli-
mena (gravée par J.-J. Muid) ; d'Horebouf
iv. ci-après); de Rogier van der Weyden
musée de Berlin) ; do Schoreel (v. ci-après) ;
de Rubens (v. ci-après) ; de van Balen (muséo
de Louvain) ; de Vicente Carducci (musée
royal de Madrid); de Navarrete el Mudo
(musée royal de Madrid); de Juan Car-
reno de Miranda (Ermitage, à Saint- lJé-
tersbourg); de Martin Freminet (gravée par
Gauchard) ; de Poussin (v. ci-après) ; de Mi-
gnard (tableau de l'église Saint-Eustache, à
Paris, gravé par Scotin, Bazin, etc.); d'Ant.
Coypel (gravée par lui-même et par J. Au-
dran); deTrémolière (gravée par A. Gusman);
de Regnault ( gravée par Sotain); de G.-C.
Guérin (église de Saint-Jean et Saint-Fran-
çois, à Paris), etc. Le Baptême de Jésus-Christ
a été représenté d'une façon originale par
plusieurs graveurs, notamment par Maso Fi-
niguerra, Badalocchio, le Bolognèse, le Bis-
caino, Marc-Angclodel Moro, Lucasde Leyde,
Martin Schon, MathiasKager,Bergmûller,etc.
Le même sujet a été souvent employé à la
décoration des vitraux , des vases , des béni-
tiers, des chaires, des stalles d'église, des
reliquaires, des ornements sacerdotaux, etc.
Parmi les objets fort divers sur lesquels nous
avons vu cette scène représentée, au musée
de Cluny, nous citerons une boîte en ivoire
(n° 39) richement travaillée, ouvrage très-
précieux du xi« siècle, dont la. destination n'a
pu être parfaitement expliquée, mais que l'on
croit avoir été un reliquaire ; un moule h. ou-
blies, en fer gravé, du xiii° siècle (n° 2481);
une poire à poudre en corne de cerf, du
xvi" siècle; un groupe en ambre (n° 17C6), do
la même époque, formant bénitier avec enca-
drement de lapis-lazuli et monture en ébène;
trois plats de faïence (n"s 1222, 1223 et 1230)
do l'école de Bernard Palissy ; un vitrail
suisse (n<> 916), do 16S0. Le trésor impérial de
Vienne renferme une magnifique chasuble
ayant fait partie des, ornements sacerdotaux
qui servirent, dit-on, aux offices solennels
qui furent célébrés à l'occasion de l'institution
de l'ordre de la Toison d'or par Philippe le
Bon : le Baptême du Christ figure parmi les
scènes religieuses qui sont brodées sur cette
chasuble, et que l'on croit avoir été exécutées
d'après les cartons du célèbre Jan van Eyck.
Nous allons décrire , par ordre chronolo-
gique d'artistes, les baptêmes du Christ les
plus remarquables :
Doptfimo du Chrix , tableau de Francesco
Francia ; galerie d'Hampton-Court. Le Christ,
un peu plus petit que nature, se tient debout,
de face, les pieds posés sur l'eau du Jourdain,
qui reflète la colombe mystique planant au
ciel dans une gloire radieuse. Il joint les
mains et a pour tout vêtement une ceinture
bleue. Le précurseur, agenouillé, prend do
l'eau avec une écuelle de bois. Derrière lui
sont deux anges et, au second plan, quatre
personnages qui viennent d'être baptisés et
dont l'un se rhabille. Le paysage qui sert de
fond est fort beau. Ce tableau, qui a 1 m. C5 do
haut sur 1 m. 15 de large, est signé : Francia
aurifex. Il a fait partie des Trésors d'art du
l'Angleterre, exposés à Manchester en 1S57.
— A cette même exposition, figurait un autre
Baptême du Christ, de Francia, provenant do
la collection de M. Labouchère. La composi-
tion est assez différente de celle du tableau
précédent, et les personnages n'ont pas plus
de 0 m. 30 de haut. Saint Jean verse do -
l'eau sut la tête du Christ, qui est entré à mi-
jambe dans le Jourdain. Des anges ayant do
grandes ailes et de grandes draperies, et deux
ommes coiffés de turbans sont les témoins du
baptême. Au fond, dans un paysage riche et
lumineux , deux cavaliers microscopiques en-
trent sous une porte en arc de triomphe. « Ce
petit bijou , dit M. Bùrger, n'est pas moins
admirable que les chefs-d'œuvre du Pérugin :
c'est le même sentiment tendre et distingué ,
la même élégance de dessin, le même éclat et
la même harmonie de couleur.»
Baptême dti Ciirist, tableau de Gérard Ho-
rebout, galerie de l'académie de Bruges. Le
groupe du Christ baptisé par saint Jean oc-
cupe le premier plan d un magnifique paysage ;
d'autres figures, de petites proportions, sont
disséminées dans le fond. Deux volets accom-
pagnent cette composition, avec laquelle ils
Forment un triptyque ; sur les faces intérieures
de ces volets, le donateur du tableau et sa
famille sont représentés avec leurs saints pa-
trons; sur les faces extérieures, la Vierge et
l'enfant Jésus, avec une femme et sa fille age-
nouillées dans l'altitude de l'adoration. Cette
belle œuvre, qui a subi malheureusement des
nettoyages exagérés, a été attribuée par er-
reur a Memling ; le savant docteur Waagen
l'a restituée à Gérard Horebout, artiste d'un
grand talent, qui florissait vers le commence-
ment du xvic siècle, et dont les ouvrages ont,
d'ailleurs,' une grande ressemblance avec
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193
ceux, do Memling. Les personnages princi-
paux, ne sont pas irréprochables, sous !e rap-
port du colons et du dessin ; ils sont hors de
proportion avec les objets qui les entourent;
mais les têtes ne manquent pas de noblesse.
Ce qui est surtout admirable, dans la compo-
sition centrale, c'est le paysage. Suivant
MM. Crowe et Cavalcaselle , « les arrière-
plans sont peints avec une telle vivacité de
ton et de couleur, que la froideur des ligures
du premier plan et les fautes de composition
et de dessin ne frappent pas, au premier coup
d'cei!. Le lointain manque d'air, mais ceci peut
être le résultat du nettoyage; sous tous les
autres rapports, rien n'est plus parfait que
l'exécution de cette partie du tableau. Le pay-
sage de l'avant- plan est également fort beau :
les arbres sont vigoureusement peints et d'un
fini admirable, sans que cela nuise à l'eifet de
l'ensemble. Chacun de ces arbres conserve
son caractère distinct de forme et de feuil-
lage, et l'eau réfléchit les objets environnants
avec une grande vérité de perspective et une
parfaite harmonie. » Fierlants a publié une
belle photographie de ce tableau.
Bnpiîmo <iu Cinisi, peinture de Raphaël,
faisant partie des Loges, au Vatican. Le Christ,
ayant une ceinture pour tout vêtement, baisse
la tête et joint les mains. Il a les pieds dans
le Jourdain, Jean, entièrement drapé et de-
bout sur la rive droite, verse l'eau avec une
espèce de tasse. Derrière lui sont deux anges
agenouillés, et qui tiennent les vêtements du
Christ. Deux autres anges, suspendus en l'air,
contemplent avec respect la cérémonie sainte.
Derrière Jésus, à gauche, quatre néophytes
se dépouillent de leurs vêtements. Cette com-
position a été plusieurs fois gravée, notam-
ment par P. Aquila.
Baptême du Ciiriai, tableau de Jean Seho-
reel (van Schoorl), musée de Rotterdam. Ce
tableau, qui n'a pas moins de 2 m. 13 de haut
sur 1 m. 44 de large, est un des rares ouvra-
ges du peintre célèbre qui introduisit le pre-
mier, en Hollande, le style italien. Il est peint
sur bois, signé en toutes lettres et daté de
1525. Van Mander en fait le plus grand éloge,
et dit qu'il fut exécuté à Harlem, pour Simon
Saan, commandeur de l'ordre de Saint-Jean.
Cette grande composition a été malheureuse-
ment restaurée de telle façon, qu'on a peine à
reconnaître le caractère primitif de l'œuvre :
« Il faut maintenant, dit M. Biirger, deviner
ce qu'elle fut autrefois , comme tournure et
surtout comme exécution ; car, si les lignes
générales y sont encore, à peu près, la cou-
leur et la touche de l'habile praticien n'y sont
plus. » D'après van Mander, on y admirait de
charmantes femmes au doux visage, peintes
dans la manière de Raphaël et levant les
yeux vers le Saint-Esprit, qui descendait sous
la ligure d'une colombe' puis, dans le loin-
tain, un paysage et des figures nues.
Baptême de Jésus-Christ, tableau de Sal-
viati, galerie de l'Académie des beaux-arts de
Venise. Au milieu du Jourdain, qui coule en-
tre deux rives très- rapprochées , se tient
Jésus; il a les bras croisés sur la poitrine et
se penche modestement vers Jean-Baptiste.
Celui-ci, vêtu d'une peau de mouton et d'une
espèce de manteau rouge, verse l'eau avec
une tasse. Il a le genou droit sur un rocher,
et tient à la main un bâton terminé en croix.
A gauche, sur la rive opposée, deux anges
sont debout, chargés des vêtements du Christ.
Plus en avant, du même côté, la vierge Marie
et sainte Catherine d'Alexandrie sont age-
nouillées, la première regardant le ciel, la se-
conde contemplant Jésus; l'artiste les a sans
doute placées là. toutes deux sur la demande
des donateurs du tableau, ainsi que cela se
pratiquait souvent aux xivf,xve et xvie siè-
cles. Dans le ciel, on voit la colombe planant
au-dessus de Jésus, et Dieu le Père, entouré
de cinq anges. Ce tableau, dont la composi-
tion est très-habile, n'a pas le coloris brillant
de certaines œuvres de Salviati. Zauotto , qui
en a publié une gravure dans sa Pinacoteca,
pense qu'il a été exécuté peu de temps après
que l'auteur fut venu se fixer à Venise.
Bnptêiuc de Jésus-Christ OU Institution du
Baptême, tableau de Paul Véronèse, musée
Brera, à Milan. Au premier plan, Jésus, à ge-
noux sur une pierre, les pieds dans le Jour-
dain, bénit l'eau que lui présente saint Jean-
Baptiste. Divers personnages assistent à cette
scène. Plus loin, à droite, Satan, déguisé en
capucin, présente à Jésus un morceau de
pain, espérant lui faire rompre son jeûne de
quarante jours. Le paysage qui se déroule
dans le fond se termine par la ville de Jéru-
salem. M. Lavice (Musées d'Italie) vante le
dessin et la belle perspective de . ce tableau ;
mais il ajoute que certaines parties ont un
peu noirci. '
Baptême de Jésus-Christ, peint -par Ru-
beus, sur la face extérieure de l'un des trip-
tyques de V Adoration des Mages, a l'église de
Saint-Jean, de Malines. Jésus, vu de.face, les
pieds dans le Jourdain, les mains ramenant
une draperie vers le milieu du corps, baisse
modestement le front. Le Précurseur, placé
derrière lui, sur le rivage, verse l'eau avec
une petite coupe. Un gros arbre occupe en
partie le fond du tableau. Au ciel, plane la
colombe. Cette peinture a été gravée par
J.-L. Krafft, en 1765. Une composition dis-
tincte de la précédente a été gravée par Pan-
neels, en 1030, et par Lommelin : Jean, vêtu
d'une tunique et ayant un manteau sur le
bras, est à droite, sur le rivage; il appuie la
main gauche sur son cœur. Jésus a à peu
près la même attitude que dans le tableau de
Malines. La rivière est bordée d'arbres et de
roseaux.
Dnptûnio île Jcsus-Cbrist, tableau de l'Al-
bane, à la pinacothèque de Bologne. Les per-
sonnages sont de grandeur naturelle, ce' qui
se rencontre rarement dons l'œuvre du maître
gracieux qui a mérité d'être appelé l'Anacréon
de la peinture. Jésus, les pieds dans l'eau,
s'incline pour recevoir le baptême; une dou-
ceur, une bonté vraiment céleste rayonne
sur son visage. Saint Jean, tenant de la main
gauche un roseau surmonté d'une croix , se
penche respectueusement pour verser l'eau
baptismale sur le front du Messie. Au-dessus
de la coupe dont il se sert, voltige la divine
colombe, qui semble vouloir s'y désaltérer.
Deux anges assistent Jésus; l'un lui enlève
son manteau, l'autre prépare un linge blanc
pour l'essuyer ou le couvrir. Au ciel, Dieu le
Père apparaît,. entouré d'anges en adoration,
de chérubins qui folâtrent sur les nuées; il
ouvre les bras et semble dire, en montrant
Jésus : « Voilà mon fils bien-aimé, Hic est fi-
lius meus dilectus! ■ (Saint Matthieu.) Cette
figure du Père est belle et imposante. La com-
position tout entière a de la noblesse et de la
gravité. L'exécution ne manque pas de vi-
gueur. • Le bras du Christ, replié sur la
poitrine, estd'un bon raccourci etbien éclairé, »
dit M. Lavice. Le paysage montagneux qui
sert de fond a de la profondeur. Ce tableau,
qui a près de 3 m. 50 de haut sur 2 m.
de large, a été gravé a"l'eau-forte par Mitelli ;
au burin, par V. Rosaspina. II en existe une
répétition ou une copie au musée de l'Ermi-
tage, à Saint-Pétersbourg. Une réduction de
ce même ouvrage, cataloguée sous le nom de
l'Albane, a été payée récemment 1,050 fr., à
la vente de la galerie d'Espagnac.
Baptême do Jésus-Christ (Le), tableau de
Nicolas Poussin, faisant partie de la série cé-
lèbre dans laquelle le peintre des Andelys a
représenté les sept sacrements; galerie de
Bridgewater (Angleterre), Au centre de la
composition , le Christ , ayant un genou dans
l'eau , appuie la main droite sur sa poitrine et
baisse humblement la tête. Il a le milieu du
corps entouré d'une large ceinture, dont une
extrémité est ramenée sur l'épaule gaucho.
Debout, près de lui, dans le lit même du Jour-.
dain, le Précurseur verse l'eau baptismale
avec une espèce de patère ; il est enveloppé
d'une ample draperie, qui laisse à découvert
les jambes, l'épaule et le bras droit. A gauche
du groupe principal , sur la rive, quatre per-
sonnages qui viennent d'être baptisés repren-
nent leurs vêtements. A droite, plusieurs
néophytes demi-nus attendent que leur tour
soit venu de recevoir l'ablution qui doit les
régénérer. De jeunes hommes, des femmes ,
dès enfants contemplent, les uns avec sur-
prise, les' autres avec admiration, la colombe
céleste planant au-dessus de l'Homme-Dieu,
qui se courbe sous la main de Jean-Baptiste.
Un magnifique paysage, comme Poussin' seul
sait les peindre , sert de cadre à cette scène.
De l'autre côté du fleuve, des montagnes s'é-
lèvent en amphithéâtre ; leurs sommets sont
couronnés de ruines imposantes , et leurs
flancs tapissés de verdure ; d'élégantes fabri-
ques sont bâties près du rivage, et de petites
figures, d'une tournure charmante, apparais-
sent çà et là dans un lointain délicieux. Cette
œuvre magistrale a été gravée par Benoît
Audran, Bertaux et Aliamet, etc.
BnptCmc do Jésu»-Ciàrî»t, peinture murale
de M. Henri Delaborde, chapelle des fonts
baptismaux de l'église Sainte-Clotilde, à Paris.
Jésus est- debout, les bras croisés sur la poi-
trine, la tête inclinée, les pieds dans l'eau;
ses hanches sont entourées d'une draperie
blanche, nouée par devant; ses cheveux sont
roux. Le Précurseur, placé sur la rive,' a une
partie du corps couverte par une peau de mou-
ton, et sur son bras gauche est jeté un grand
manteau brun qui descend jusqu'à terre; il
tient d'une main sa croix de roseau et, de l'au-
tre main, il verse sur la tète de Jésus l'eau
contenue dans une coquille ; sa chevelure in-
culte, son teint hâlé et qui contraste avec la
blancheur du corps de l'Homme-Dieu ,. ses
formes robustes, mais amaigries par le jeûne,
tout en lui annonce l'austère pénitent. Un
paysage sévère encadre la scène. Nous re-
connaîtrons volontiers que M. Delaborde a
fait preuve de sentiment religieux et même
de style dans cette composition ; malheureu-
sement, l'exécution n'est pas à la hauteur de
l'idée : le dessin de certaines parties est fai-
ble, le modelé insuffisant, le coloris pâle et
monotone.
Bapitme d« l'eunuque (Le), tableau de Ni-
colas Bertin , église de Saint-Germain-des-
Prés, à Paris. Les Actes des Apôtres (vnr,
86) rapportent que ■ l'ange du Seigneur dit à
Philippe : Levez -vous et allez du côté du
midi, sur la route de Jérusalem à Gaza ; c'est
celle qui est déserte. Philippe se mit en che-
min aussitôt, et vit un Ethiopien, eunuque
jouissant d'une grande autorité auprès de Can-
dace, reine d'Ethiopie, et son surintendant,
qui était venu pour adorer à Jérusalem et s'en
retournait, assis dans son chariot et lisant
le prophète Isaïe. Alors l'Esprit dit à Phi-
lippe : Approchez- vous et joignez ce cha-
riot. Philippe étant accouru, et entendant l'eu-
nuque qui lisait le prophète tsale : Pensez-
vous, lui dit-il, comprendre ce que vous lisez?
— Et comment le pourrais-je, répondit l'eu-
nuque, si personne ne me l'explique? Et il
pria Philippe de monter et de s'asseoir auprès
de lui. Or, l'endroit de l'Ecriture qu'il lisait
était celui - ci : Il a été mené à la mort
comme une brebis ; et, de même que l'agneau,
muet devant celui qui le tond, il n'a pas ou-
vert la bouche. Par cette humiliation, la sen-
tence portée contre lui a été rendue nulle.
Qui pourra expliquer son origine, vu qu'il
sera exterminé-clé dessus la terre? L'eunuque,
prenant la parole, dit à Philippe : Dites-moi,
je vous prie; de qui le prophète dit-il cela?
Est-ce de soi-même ou de quelque autre?
Là-dessus Philippe se mit à parler, et, com-
mençant par ces paroles de 1 Ecriture, il lui
annonça Jésus. En continuant leur chemin,
ils vinrent à un lieu où il y avait de l'eau, et
l'eunuque dit : Voilà de l'eau : qu'est-ce qui
empêche que je ne reçoive le baptême? —
Rien n'en empêche, dit Philippe, si vous croyez
de tout votre cœur. A quoi il répondit : Je
crois que Jésus-Christ est le Fils de Dieu. Au
même temps, il fit arrêter le chariot, et Phi-
lippe étant descendu dans l'eau avec l'eunu-
que le baptisa.. Mais dès qu'ils furent hors
de l'eau, l'Esprit du Seigneur enleva Philippe,
et l'eunuque ne le vit plus. Celui-ci continua
son chemin avec joie. ■ Le tableau de Nicolas
Bertin représente l'apôtre Philippe , debout,
les yeux levés au ciel, versant l'eau baptis-
male sur la tète de l'Ethiopien, dont les mains
sont croisées sur sa poitrkie. A droite, un
guerrier tenant un bouclier parle à un vieil-
lard ; un autre soldat est armé d'un arc. Plus
loin, un serviteur de l'eunuque , portant un
parasol et monté sur un chameau, est arrêté
près d'un groupe de palmiers. Dans le fond,
des cavaliers et d'autres chameaux chargés
défilent au pied de hautes montagnes. Cette
peinture a été gravée par Madeleine Cochin.
Le Louvre en possède une esquisse terminée,
qui se voyait autrefois dans la sacristie de
Sain t-Germain-d es-Prés,
Baptême de l'eunuque , peinture murale
de Théodore Chassériau (1853); chapelle des
fonts baptismaux de l'église Saint-Roch, à
Paris. L apôtre et l'eunuque sont descendus
dans l'eau, qui leur monte jusqu'à mi-jambes.
L'eunuque, jeune et bel Ethiopien, au torse
bronzé, a pour tout vêtement une espèce de
pagne d'étoffe jaune et verte, qui tombe jus-
qu'aux genoux; ses bras, ornés de bracelets
d'or, sont étendus, et ses yeux, où se lit plus
de curiosité naïve que de foi, sont levés vers
le ciel. L'apôtre, relevant d'une main le pan
de sa robe grise, verse de Vautre main sur la
tête du néophyte l'eau contenue dans une co-
quille ; c'est un homme blond, à la taille haute,
au visage coloré, et dont les traits reflètent
médiocrement l'enthousiasme de l'apostolat. Il
regarde aussi le ciel, et semble écouter ce que
lui dit à l'oreille un ange dont on ne voit dis-
tinctement que la tête, accompagnée d'une
grande aile bleue et surmontée d'une draperie
rouge, indécise et flottante : cette draperie
n'est autre que la robe dé l'ange, et l'ange,
c'est l'Esprit du Seigneur qui conduisit Phi-
lipppe vers l'eunuque et l'enleva après le
baptême. A gauche, sur le rivage, le char de
l'Ethiopien est arrêté ; un jeune esclave demi-
nu est placé, au premier plan, à la tète des
chevaux, dont il tient la bride. Ces chevaux,
au nombre de deux, ont des têtières dorées
qui cachent en partie les oreilles et le col.
Trois femmes occupent le char : deux d'entre
elles ont le type et le costume égyptiens ; la
troisième est une Ethiopienne du plus beau
noir; elle tient à la main un lourd parasol, qui
ressemble assez bien à un énorme champignon.
Ces femmes regardent curieusement la scène
du premier plan. L'attelage, resserré entre le
bord de l'eau et un groupe de trois palmiers,
vient trop en avant et écrase un peu les per-
sonnages principaux. Du reste, les types, les
costumes et les divers accessoires sont rendus
avec beaucoup d'exactitude. Après avoir rendu
justice à cette science de la couleur historique,
M. Eugène Louduu a cru devoir faire les ré-
serves suivantes : > Si des costumes je re-
monte aux visages; si, sous ces vêtements
bariolés, je cherche l'âme, le sentiment qui
anime les personnages, je trouve M. Chassé-
riau moins savant. Il faut être juste : il a songé
à rendre le sentiment religieux et a fait un
effort; il a voulu comprendre cette scène de
foi si vive et en même temps si naïve ; et c'est
cet effort même qui montre clairement sa fai-
blesse et son impuissance. Ce qui était véri-
tablement en lui, au fond de son esprit, de ses
habitudes et de ses études, le matériel du
sujet, il l'a exprimé sans peine; ensemble et
détails étaient au bout de son pinceau aussitôt
que dans sa pensée; mais quand il a fallu être
religieux, comme le sentiment chrétien était
en dehors de lui, il a été obligé de se tendre
pour le saisir; il s'est mis à sa poursuite avec
une volonté violente ; il ne l'a pas atteint :-on
n'a pas le sentiment chrétien en une heure. Il
ne peut tromper personne ■■ il a beau se dé-
guiser, prendre une posture humble et une
physionomie béate, on le reconnaît tout de
suite. Le peintre des chevaux et des esclaves
enrubanés, c'est le vrai Chassériau ; le peintre
du saint et de l'ange, c'est un faux Chassé-
riau... Je vois bien des hommes, un eunuque,
des Orientaux, non un apôtre. Ici, rien de
haut, de concentré, d'inspiré ; nous avons un
tableau d'histoire, nous n'avons pas un tableau
religieux. » Il n'est que trop vrai que l'inspi-
ration chrétienne a fait défaut à. l'artiste; sa
composition plaît justement par ce qu'elle a de
profane, par ce groupe de femmes a l'attitude
nonchalante_et quelque peu voluptueuse, par
la bizarrerie" exotique des types et des cos-
tumes. L'exécution rappelle, d'ailleurs, la ma-
nière turbulente d'Eugène .Delacroix , dont
Chassériau a été le plus fidèle disciple.
Baptême de l'eunuque, peinture murale
de M. Roger; chapelle des fonts baptismaux
de Notre-Dame-de-Lorette, à Paris. Cette
fieinture n'a ni la richesse de détails, ni le co-
oris éclatant de celle de M. Chassériau ; mais
la pensée chrétienne y est à la fois plus naïve-
ment et plus fortement exprimée. Saint Phi-
lippe a bien l'air inspiré, ardent, convaincu,
qui convient à l'apôtre ; l'eunuque laisse voir
1 émotion, la joie qu'il éprouve à recevoir le
baptême ; l'ange, debout derrière eux, a une
attitude calme et une physionomie sereine.
Plusieurs autres peintres ont représenté le
baptême de l'eunuque. Sébastien Bourdon en
a fait le sujet d'une de ses meilleures estampes.
Baptême de Constantin (REPRÉSENTATIONS
du). Une ancienne tradition, complètement
erronée, veut que Constantin le Grand ait été
baptisé à Rome par le pape saint Sylvestre.
Cette cérémonie était figurée dans une mo-
saïque qui décorait l'ancienne façade de Saint-
Jean-de-Latran, et qui a été publiée par Ciam-
pini (Sacr. œdif., tab. II, fig. iv) : l'empereur
avait la tète nimbée et recevait le baptême
par infusion et par immersion tout à la fois.
Le baptême de Constantin a été représenté
par plusieurs artistes modernes, notamment
par Francesco Penni, élève de Raphaël, dar.s
une des salles du Vatican. Pierre Pugct, qui
n'était pas seulement un grand sculpteur,
mais encore un peintre de mérite, a fait, sur
ce même sujet, un tableau que possède au-
jourd'hui le musée de Marseille. V. Con-
stantin.
Baptême de Clovïs (Le), tableau de M. Gi-
goux, salon de 1844. Le baptême du roi des
Francs est l'un des épisodes les plus mémora-
hies de notre histoire nationale ; et les paroles
suivantes, adressées par saint Rémi au néo-
phyte, sont 'devenues célèbres : « Courbe la
tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé
et brûle ce que tu as adoré. ■ Le tableau dans
lequel M. Gigoux a retracé cette scène pré-
sente quelques figures habilement peintes,
une jeune fille drapée de blanc, une femme
(la reine Clotilde) vêtue d'une robe rouge et
parée de joyaux étincelants ; un guerrier
coiffé d'un casque et enveloppé d'un large
manteau bleu : les étoffes sont traitées avec
une magie de couleur presque vénitienne.
Malheureusement, la figure principale, Ûlovis
courbant la tête devant saint Rémi, n'a point
la tournure historique du glorieux Sicambre.
0 Ses jambes grossières et lourdes, a dit
M. Thoré, ses bras rouges et sans accent, les
attaches arrondies, les mains communes, en-
lèvent sa figure historique au premier héros de
notre tradition nationale. Chaque type, cepen-
dant, doit avoir sa beauté spéciale, dont l'art
est l'interprète. Clovis nous apparaît toujours
comme une grande figure pleine d'élan, de
force, de conviction et d'audace. Ces barbares
E rédestinés ont, dans nos annales, une allure si
rusque, si franche, si imprévue; ils vont au-
devant de la civilisation et de la lumière, sans
savoir où ils vont; mais rien ne saurait les
retarder. C'est cette marque d'une fatalité
salutaire qui n'est point écrite au front du
Clovis de M. Gigoux. ■ Ce tableau , com-
mandé à l'artiste par le ministère de l'inté-
rieur, appartient à l'Etat. — La cathédrale de
Reims possède une peinture, sur le même su-
jet, exécutée par M. Abel de Pujol, et exposée
en 1824; on y remarque des qualités et des
défauts diamétralement opposés à ceux de
l'œuvre de M. Gigoux : plus de noblesse dans
les types, plus de fermeté dans le dessin,
moins de verve dans l'exécution, moins d'é-
clat surtout dans la couleur.
Baptême de Claris, scuplture en haut-relief,
de M. Guillaume; église de Sainte-Clotilde, à
Paris, pourtour du chœur. Ûlovis, vu seule-
ment jusqu'à mi-corps et entièrement nu, est
debout dans une cuve baptismale de forme
ronde, sur laquelle l'artiste a représente* l'épi-
sode de la bataille de Tolbiac. Le roi franc a
la longue chevelure qui distingue les princes
de sa race ; il appuie la main droite sur le
rebord de la cuve et soutient son menton avec
fa main gauche ; ii baisse la tête et ressemble
bien plus à un penseur, à un sage, qu'à un
chef de barbares. Le guerrier, dont Grégoire
de Tours-, Frédégaire et les autres chroni-
queurs nous ont laissé le portrait, dut conser-
ver, jusque dans son humilité volontaire, sa
fierté et sa rudesse natives. .M. Guillaume a
donc eu tort, selon nous, de lui donner la phy-
sionomie recueillie, la tournure et l'attitude
d'un homme d'église. Les autres personnages
sont mieux compris; saint Rémi, qui^tTune
main, fait courber la tête du Sicambre, et, de
l'autre main, reçoit la sainte ampoule apportée
du ciel par une colombe, est un beau vieillard,
à l'air grave et inspiré ; derrière lui se tien-
nent deux charmants enfants, l'un portant la
couronne et l'habit du roi, l'autre se penchant
curieusement pour voir ce prince. Mais la plus
belle figure de cette composition est certaine-
ment celle de sainte Clotilde, qui , debout der-
rière Clovis, et joignant pieusement les mains,
regarde avec ravissement la colombe mysté-
rieuse. La foi , la douceur, rayonnent sur son
25 .
194
BAP
BAP
BAP
BAP
noble et gracieux visage, qui, comme celui de
saint Rémi, se détache sur un nimbe. M. Guil-
laume a montré, dans cet ouvrage, comment
on peut approcher de la simplicité naïve de
l'art gothique, sans tomber dans le grotesque.
Ses figures ont des formes sveltes et élancées;
elles n'en sont pas moins d'un dessin très-
correct et très-savant. Les draperies, surtout
celles de sainte Clotilde, se distinguent par
leur légèreté et leur élégance.
Baptduo de Clovis , peinture murale de
M. Pils; église de Sainte-Clotilde, à Paris.
Clovis, retenant d'une main une draperie blan-
che qui cache sa nudité et appuyant l'autre
main sur sa poitrine, est debout dans une
cuve de forme hexagonale, au milieu de la
composition. A gauche , sainte Clotilde , en
robe jaune et manteau bleu, est à genoux;
elle écarte les bras et adresse au ciel une fer-
vente pière. A droite, saint Rémi, vêtu d'une
magnilique chasuble rouge et tenant dans la
main gauche sa crosse épiscopale , lève la
main droite pour recevoir la sainte ampoule
qu'apporte la colombe. Il est suivi d'un clerc
qui porte une croix, et d'un enfant de chœur
qui tient le livre des Evangiles ouvert. Des
guerriers, des évêques occupent le fond de la
composition. M. Pils est un de nos meilleurs
peintres de batailles ; il possède la science de
l'arrangement, de la mise eu scène; il a de
l'énergie et une liberté d'allures qui convien-
nent aux sujets dramatiques; mais toutes ces
qualités, il faut bien le dire, ne sont guère de
mise dans la peinture religieuse, qui réclame,
avant tout, de la simplicité, de la gravité, et
je ne sais quoi de mesuré et de solennel. Dans
le tableau qui nous occupe , nous apercevons
des personnages groupés d'une façon très-
pittoresque ; nous y cherchons vainement l'i-
dée chrétienne, le sentiment religieux. Le co-
loris do M. Pils laisse aussi à désirer : il a
plus de vivacité , plus d'éclat que n'en com-
porte la peinture murale.
DapiCnno de Clovis, peinture murale de
M. Henri Delaborde ; chapelle des fonts bap-
tismaux de l'église Sainte-Clotilde, à Pans.
Clovis est agenouillé , à droite, au premier
plan; il a les mains jointes, le torse nu, le
bas du corps couvert par une draperie bleue;
ses cheveux roux, tressés, tombent sur ses
épaules; saint Rémi, debout à gauche, lève
la main droite pour bénir le néophyte, et ap-
puie l'autre main sur une haute vasque baptis-
male, derrière laquelle se tient sainte Clotilde
en prière. Cette composition ne manque pas
d'originalité ; les types , les costumes , les ac-
cessoires ont bien les caractères et la couleur
de l'époque. Un critique, M. de Calonne, a
môme prétendu que l'érudition avait complè-
tement étouffé l'inspiration de l'artiste. « Que
m'importe, a-t-il dit, que M. Delaborde, pein-
tre laborieux du reste , écrivain estimable et
consciencieux , donne à Clovis des chaussures
historiques, que saint Rémi porte un costume
scrupuleusement exact, et que la reine Clotilde
offre un modèle accompli des modes de son
temps, si, malgré cela, ou à cause de cela,
M. Delaborde n'a communiqué ni la vie a ses
personnages , ni le naturel à leurs gestes , ni
l'expression juste à leurs traits... La peinture
monumentale n'a pas pour mission de dessiner
des planches de costumes et de mobilier pour
l'archéologie , mais de représenter les hommes
dans leurs grandes actions , dans les grands
mouvements de leurs passions et de leurs sen-
timents. »
Un tableau de Puget, représentant le Bap-
tême de Clovis, figure au musée de Marseille ,
où il fait pendant au Baptême de Constantin,
cité plus haut. Parmi les représentations les
plus anciennes et les plus intéressantes de
cette scène, nous devons mentionner celle qui
figure sur un reliquaire en ivoire du musée
de Cluny (no 395) provenant de la ville de
Reims. V. Clovis.
Diiptûmu soutt in Ligne, tableau de M. F.
Biard, Salon de 1834. M. Biard, que l'on pour-
rait appeler le Cham de la peinture, a beau-
coup voyagé, beaucoup vu, beaucoup ob-
servé; il a rapporté, des nombreux pays qu'il
a parcourus, une foule de croquis pris sur na-
ture, dont il a su faire des tableaux très-di-
vertissants. De toutes les scènes humoristi-
ques qu'il a exposées et auxquelles il a dû sa
réputation, une des plus intéressantes est le
Baptême sous la Ligne, qui a figuré au Salon
de 1834. Nous ne décrirons pas ce tableau, qui
reproduit, d'ailleurs fort exactement, les bouf-
fonneries nautiques dont nous avons essayé
de donner une idée dans l'article précédent.
11 nous suffira de dire qu'on y trouve des ex-
pressions fort comiques, des détails d'un bur-
lesque achevé. L'exécution est moins satis-
faisante : la perspective est mal observée;
l'air et la lumière font défaut; le coloris est
terne et lourd. '
BAPÏES, prêtres de la déesse Cotytto, ainsi
nommés parce qu'ils se baignaient et se puri-
fiaient avant la célébration de leurs mystères.
BAPTEURE s. f. (ba-tu-re — d'une fausse
forme baptre, attribuée au mot battre) Coût,
anc. Droits et salaire de ceux qui battaient le
blé : Dans la Bresse, la bapteure se payait
en blê.
baptisant (ba-ti-zan) part. prés, du v.
Baptiser : Allez, instruisez toutes les nations,
les baptisant au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit. (Evang.)
liaptisant son chagrin du nom de pi£te\
BOILEAU,
BAPTISÉ, ÉE (ba-ti-zé) part. pass. du v.
Baptiser. Qui a reçu le baptême : Le monde
n'est rempli que de païens baptisés qui se
croient des chrétiens. (Rigault.) La mère désire
que son en faut soit baptisé le plus promptement
possible. (Scribe.) Les Grecs nous appellent des
chiens mal baptisés; ils aiment l'empereur de
Russie, parce qu'il est un chien bien baptisé.
(E. About.) Ces oiseaux-là sont plus heureux
hue des êtres baptisés. (E. Souvestre.) La
Madeleine est un temple, païen d'origine et de
forme, élevé à la gloire , mais, baptisé catho-
lique et devenu une paroisse, (Vitet.) L'abbé de
Cosnac ayant été nommé à l'éoêché de Valence
vint trouver l'archevêque de Paris, afin de
prendre jour pour son sacre. « Etes-vous prêtre,
lui demanda l'archevêque? — Non, dit l'abbé.
— Vous êtes donc diacre? — Encore moins. —
C'est-à-dire que vous n'êtes que sous-diacre.
— Point du tout. — Je n'ose pas vous interroger
davantage ; j'appréhende que vous ne soyez pas
baptisé.... Ce qu'il y avait de certain, c'est
que l'abbé de Cosnac n'avait pas même la ton-
sure. (***)
— Par ext. Bénit avec un cérémonial qui
porte le nom impropre de baptême : Vaisseau
baptisé. C£oc/«? iîaptisée. Le bâtiment est iiap-
tisé sous le nom de Lycurgue. (L. Vcuillol.)
— Fam. A qui l'on a donné un certain nom
ou une certaine dénomination : Un drame
emphatique, baptisé du nom de tragédie. Un
chien baptisé d'un nom ridicule. Il fut étonné,
en voyant la médiocrité de la demeure baptisée
emphatiquement du nom de château. (Alex.
Dura.)
— Pop. Mêlé d'eau, en parlant d'une boisson :
Vin baptisé. On paye une tasse de lait 25 cent,
quand il est baptise, 50 cent, quand il est an-
hydre, disent les chimistes. (Balz.)
— Substantiv. Personne qui a reçu le bap-
tême. Tant que le baptisé conservera la foi, il
ne fera le mal qu'à moitié. (Proudh.)
baptiser v. a. ou tr. (ba-ti-zé — du gr.
baptisa, fa mouille, je baptise). Faire chrétien
par le baptême : On ne pourrait baptiser les
enfants des infidèles malgré leurs parents, sans
méconnaître le droit que la nature donne aux
pères et mères. (Card. Gousset.) On sait que les
Grecs baptisent par immersion. (E. About.)
Il Absol. : On baptise avec de l'eau au nom
du Père, du Fils et du Saint-Esprit. (Acad.)
Toute personne peut et doit même baptiser
dans le cas de nécessité. (Card. Gousset.)
— Baptiser sous condition, Prononcer les
paroles sacramentelles, en exprimant l'inten-
tion de ne pas baptiser si le catéchumène
n'est pas capable du baptême : On peut bap-
tiser sous condition tout monstre qui sort du
sein de la femme. (Debreyne.)
— Par anal. Bénir, en parlant d'une cloche
on d'un navire.
— Par ext., et à cause de l'usage de donner
un nom au baptême, Nommer, appeler, dé-
corer d'un nom : Il a modestement baptisé son
cheval du nom de Bucéphale. Personne n'a tant
donné à l'extérieur que lui : il a baptisé sa
maison hôtel. (Tall. des Réaux.) Ce sont là des
mots décisifs qui nomment, et, si j'ose dire, qui
baptisent le tiers état. (Ste-Bcuve.) // faudra
bien que je baptise mes acteurs et mes scènes
de noms qui aient quelque fime en a, en i ou
en o. (G. Sand.)
Tout beau, l'ami ; ceci passe sottise,
Me direz-vous, et ta plume baptise
De noms trop doux gens de tel acabit.
J.-B. Rousseau.
— Fam. Mêler d'eau, en parlant d'une bois-
son : Baptiser du lait, du vin. Qui baptise un
enfant lui donne un nom; qui baptise son vin
lui âte le sien. (Petit-Senn.) Vous aviez une
cave bien garnie, mais où vos coquins de laquais
baptisaient le vin à plaisir. (G. Sand.) il As-
perger d'eau , en parlant d'une personne :
Attends, que je te baptise.
— Prov. C'est un enfant bien difficile à
baptiser. C'est une affaire bien difficile à con-
clure : Le mariage des Coislin n'est pas encore
fait ; c'est un enfant bien difficile à baptiser.
(Mme de Léo.)
— Féod. Baptiser un héraut, un poursuivant,
Leur verser sur la tète une coupe de vin, et
leur imposer un nouveau nom.
— Prat. anc. Dénommer, énoncer, déclarer.
Il Baptiser son appel, Déclarer devant quels
juges on entend porter ses griefs, n Baptiser
possession contraire, S'attribuer contradictoi-
rement la possession d'un bien revendiqué
par un autre.
— Antonyme. Débaptiser,
baptiseur s. m. (ba-ti-zeur — rad. bap-
tiser). Individu qui baptise, qui fait profession
de baptiser : Jean le baptiseur avait déjà été
condamné au supplice. (Volt.) Inusité.
BAPTISIE s. f. (ba-pti-zî — du gr. baptisis,
teinture, action de teindre). Bot. Genre do !a
famille des légumineuses, tribu des sophorées,
comprenant environ quinze espèces, apparte-
nant toutes à l'Amérique du Nord. Ce sont
des plantes vivaces, propres à la teinture, et
dont plusieurs sont cultivées dans nos jardins
d'agrément.
BAPTISMAL, ALE adj. (ba-ti-smal, a-le —
rad. baptiser). Du baptême, qui sert au bap-
tême : Eau baptismale. Le baptême se fait par
immersion lorsqu'on plonge le corps dans l eau
baptismale. (Card. Gousset.) Un fichu de
i.rosse mousseline lui servait de voile baptismal.
(G. Sand.) C'est le baptême primitif, un fleuve
sert de cuve baptismale. (Th. Gaut.) Les curés
allaient autrefois chercher l'eau baptismale à
l'église métropolitaine et la portaient proces-
sionnellement dans leurs églises respectives.
(L'abbé Martigny.) Les vasques ou cuves bap-
tismales eurent quelquefois la forme d'un
tombeau. (L'abbé Martigny.) il Qui résulte du
baptême, qui est conféré par le baptême. :
Grâce baptismale, innocence baptismale. Il Se
dit quelquefois par exagération : M. deNoail-
les porta au siège de Chûlons-sur-Marne son
innocence baptismale. (St-Simon.)
— Fonts baptismaux, Sorte de bassin où l'on
baptise : Il doit y avoir des fonts baptismaux
dans toutes les églises où l'on administre le sa-
crement de baptême. (Card. Gousset.) Il Eglise,
chapelle où ces fonts sont établis. Syn. de
baptistère. V. ce mot.
— Bobe baptismale, Robe blanche que lo
néophyte portait autrefois pendant huit jours,
après avoir reçu le baptême, il Dans le langage
des écrivains ecclésiastiques, innocence que
donne le baptême : Déchirer, souiller sa robe
baptismale. Conserver sa robe baptismale.
BAPTISME s. m. (ba-ti-sme — du gr. bap-
lismos, action de mouiller, baptême). Doctrine
d'une sec.te des Etats-Unis : Aux Etats-Unis,
le baptisme est bon pour les nègres; le catho-
licisme et d'autres sectes chrétiennes suffisent
au petit marchand, au citoyen obscur; mais
quand celui-ci est parvenu à se tirer de la foule,
il se fait épiscopalien , sans autre motif que
d'être de la religion des gens de bon ion.
(E. Regnauît.) V. Baptistes.
BAPT1ST (Jacob), graveur hollandais, vi-
vait à Amsterdam vers 1700. Il a gravé au
burin :1e Meurtre d'Abel, d'après G. Hoet ; la
Vue d'Angra (île de Terceira) , la Vue d'Os-
tende, deux Vues de l'île de Sainte-Hélène,
et divers portraits, entre autres celui de Roger
do Rabutm.
BÀPTISTA. V. Battista.
BAPTISTAIRE adj. (ba-ti-stè-re — du gr.
baptisa, je mouille, je baptise). Relatif à l'acte
qui certifie le baptême. Il Registre baptistaire,
Registre qui contient ces actes. Il Extrait bap-
tistaire, Extrait d'acte de baptême : Il faut,
avant toutes choses, avoir votre extrait bap-
tistaire en bonne forme. (Le Sage.)
— s. m. Extrait baptistaire, Registre bap-
tistaire : On ne peut se marier à l'église
sans exhiber son baptistaire. Crébillon étant
allé un jour présenter ses devoirs au roi, le sou-
verain le reçut avec bonté et lui dit, dans le
courant de la conversation : a Crébillon, vous
avez plus de quatre-vingts ans? — Sire, mon
baptistaire peut bien les avoir, mais je ne les
aperçois pas. •
N'allez pas, de vos mains fouillant les bajitistaires.
Effacer les blasons qu'ils firent & leurs pères.
Satiriques.
Une vieille coquette a beau se contrefaire,
Bans son œil qui s'enfonce on lit son baptistaire.
Sanlecque.
— Par ext. Date de la naissance : Elle veut
paraître jeune, mais je sais par cœur son bap-
tistaire. (Dancourt.)
— Eglise ou chapelle qui contient les fonts
baptismaux : On confond aujourd'hui les bap-
tistaires avec les fonts baptismaux, qui ne sont
proprement que le réservoir qui contient l'eau
de baptême. (Millin.) il Dans ce sens, on écrit
plus ordinairement baptistère. V. ce mot.
BAPTISTE s. m. (ba-ti-ste — du nom do
saint Jeari- Baptiste). Nom qu'on donne quel-
quefois aux gilles et aux niais, dans les pa-
rades des saltimbanques.
— Loc. pop. Etre tranquille comme Baptiste,
Etre dans un état de tranquillité parfaite,
d'insouciance absolue.
BAPTISTE, nom familier sous lequel on dé-
signe quelquefois le musicien Jean-Baptiste
Lulli. Ce nom lui avait été donné par ses ca-
marades quand il était dans les cuisines de
Mlle de Montpensier, et il le conserva quand
il fut passé, de marmiton, homme de génie.
BAPTISTE ANET, dit Baptiste, musicien
français qui fiorissait au commencement du
xviii» siècle. Il passait pour le plus habile vio-
loniste de son temps. Il reçut, pendant quatre
ans, des leçons de Corelli et vint, vers 1700,
à Paris, ou il excita un enthousiasme indi-
cible. Présenté à Louis XIV, il eut l'honneur
de jouer devant ce roi, qui, après avoir en-
tendu l'artiste, fit venir un des violons de sa
musique et demanda à ce dernier un air du
Cadmus de Lulli; l'air fini tant bien que mal,
le roi dit à Baptiste : Je ne saurais que vous
dire, monsieur; voilà mon goût à moi. Baptiste
comprit que Paris ni la France ne pouvaient
lui offrir une position convenable , et il passa
aussitôt en Pologne, où il mourut chef de la
musique du roi.
BAPTISTE (Louis-Albert-Fréderic), compo-
siteur et violoniste allemand, né à Attingen
(Souabe) en 1700. Il a donné des solos de vio-
lon et de violoncelle , des sonates , des con-
certos, et autres compositions qui eurent un
brillant succès en leur temps et dont la plu-
part ont été publiées.
BAPTISTE (Jean-Baptiste Renard, dit), offi-
cier français dont le nom mérite une place
dans l'histoire, par le service qu'il rendit a son
pays à la bataille de Jemmapes. Il était alors
simple domestique de Dumouriez. Le centro
de 1 armée venait d'être rompu par des esca-
drons autrichiens, qui débusquèrent inopiné-:
ment d'un bois. Par une heureuse inspiration,
Baptiste se jette au-devant des troupes qui
ployaient, les rallie, se dit porteur d'ordres de
son général, fait avancer sept escadrons dont
la marche était embarrassée, charge a leur
tête, ou du moins dans leurs rangs, et contri-
bue ainsi, par son initiative hardie et son mou-
vement rapide, à rétablir le combat, qui, dès
lors, ne resta plus incertain. La Convention le
récompensa par le grade de capitaine. Ce
jeune homme se signala encore par plusieurs
traits de courage ; mais il se montra bientôt
plus attaché à son maître qu'à sa patrie, sui-
vit Dumouriez dans sa défection et s'établit
ensuite à Hambourg, comme professeur de
langue française.
BAPTISTE l'Ancien (Joseph-François An-
selme, dit) , acteur français et chef d'une
grande famille dramatique, joua en province
les premiers comiques, et, plus tard, retiré du
théâtre, demeura attaché comme violon à
l'orchestre de la Comédie-Française. Il avait
épousé, à Bordeaux , où il était fort goûté,
Marie Bourdais, artiste du théâtre de cette
ville, très-applaudie dans l'emploi des reines,
qu'elle quitta pour celui des duègnes lors-
qu'elle parut à Paris sur le théâtre de la Ré-
publique. De ce mariage sont nés Baptiste aîné
et Baptiste cadet. Marie Bourdais appartenait
à une famille de comédiens : un Bourdais, son
frère, joua bous l'empire les valets, à la Porte-
Saint-Martin ; un autre Bourdais alla on Rus-
sie jouer les financiers ; la célèbre Mme Dor-
val était une Bourdais. Les talents de Baptiste
l'Ancien et ceux de sa femme furent connus
et appréciés de Lelcain et même de Voltaire,
dans une tournée qu'ils firent a Genève.
BAPTISTE aîné (Nicolas Anselme, dit), ac-
teur français, né à Bordeaux le 18 juin 1761,
mort à Batignolles le 28 novembre 1835, fils
du précédent. Après avoir joué les jeunes
premiers et les premiers rôles à Bordeaux et
a Rouen, il vint en 1791 à Paris, et parut sur
un nouveau théâtre dit du Marais, établi sous
les auspices de Beaumarchais; là, il se fit un
nom et créa le rôle du comte Almaviva dans
la Mère coupable. Ses succès dans le Glorieux,
dans Robert, chef de brigands, déterminèrent
les directeurs du Théâtre-Français ou théâtre
de la République à se l'attacher. Ses débuts
dans la Coquette corrigée, Nanine, V Homme sin-
gulier, \a.Métromanie, le firent remarquer par-
ticulièrement ; il se distinguait, en eifet, par
une grande intelligence de lu scène, une dic-
tion pure, un bon ton et une vérité qui fu-
rent célébrés par les critiques du temps. Sa
mère et sa femme, qui jouaient à ses côtés, se
firent également applaudir. Baptiste aîné avait
pris l'emploi des pères nobles. Il était grand,
ses gestes et ses manières étaient distingués;
quoique sa prononciation fût un peu nasale,
il disait avec pureté, justesse, élégance. Le
Philosophe sans le savoir, l'Enfant prodigue,
le Dissipateur, le Père de famille, les Deux
frères, les Quatre âges, Orgueil et Vanité, la
Manie des grandeurs, l'Agiotage, Chacun de
son côté, lui fournirent ses plus beaux rôles et
ses principales créations. Comme secrétaire
du Théâtre-Français, il se lit aimer par la
douceur de son caractère et ses manières
affables. Comme professeur de déclamation
au Conservatoire, il a formé des élèves
qui lui ont fait le plus grand honneur : à
la Comédie-Française, Mme Desmousseaux,
sa fille, et Desmoussaux , mari de celle-ci,
Mlle Demerson, Cartigny ; à l'Opéra, Adolphe
Nourrit et Levasseur; a l'Opéra-Coinique ,
Ponchard et sa femme, M"1» Boullanger, Fé-
réol, son neveu ; au Gymnase, Perlet. Bap-
tiste aîné prit sa retraite le 1er avril 1828,
après trente-sept années d'honorables ser-
vices.
Un fils de Baptiste aîné, frère cadet de
Mme Desmousseaux ,ldébuta à la Comédie-Fran-
çaise en 1844, dans les Raisonneurs, et il
mourut en 1848. Féréol, son neveu,, a joué
les comiques au théâtre de l'Opéra-Comique.
BAPTISTE cadet (Paul-Eustaehe Anselme,
dit), acteur français , né à Grenoble le 8 juin
1765, mort à Paris le 31 mai 1839, frère du
précédent. Après avoir joué en province les
amoureux, il débuta, en même temps que son
frère, au théâtre du Marais dans les seconds
comiques et les grimes. Peu de temps après,
il passa au théâtre Montansier (Palais-Royal),
où il attira tout Paris par la façon originale
dont il joua les niais. Une farce de Desforges,
le Sourd, ou l'Auberge pleine, obtint, grâce à
lui, une popularité extraordinaire; il y avait
puisé et créé ce type des jocrisses, dans lequel
Brunet devait conquérir plus tard sa célé-
brité comique. L'interminable succès de cette
pièce, au milieu des plus grandes chaleurs de
l'été, fut cause de la chute totale des che-
veux de l'acteur en vogue. De là salle Mon-
tansierj où Mlle Mars, encore enfant, jouait
à ses cotés, Baptiste cadet alla avec sa pièce
au théâtre de la République et y débutai en
1792, dans l'Amour et l intérêt; son frère
l'y avait précédé. De là, il émigra au théâtre
Feydeau, d'où il retourna à celui de la Ré-
publique, devenu Théâtre-Français pour y
tenir l'emploi des comiques. Dans le Sourd,
les Etourdis (le créancier), l'Avocat Patelin
(Agnelet) , V Intrigue épistolaire (l'huissier) ,
les Fourberies de Scapin (Argan), le Mariage
de Figaro (Brid'oison) , il se montra comé-
dien hors ligne. Niais sans bêtise, malicieux
sans grimace, toujours simple et naturel, il
apportait, jusque dans les rôles les plus plai-
BAP
sants, les plus comiques, une grâce et une
distinction qui faisaient fie lui une caricature
fine et piquante, mais non la charge des per-
sonnages dont il prenait le nom et copiait les
ridicules. Sociétaire de la Comédie-Française
dès l'origine de la réunion des troupes, il prit
sa retraite fort tard. Une fois seulement, il
reparut sur la scène : ce fut au théâtre Ven-
taaour, dans une représentation au bénéfice
de Féréol, son parent; mais l'excellent comé-
dien avait survécu à son immense réputation,
et ses anciens admirateurs, en le retrouvant
cassé et sans voix, ne reconnurent plus le
Brid'oison qui les avait tant fait rire. Il mou-
rut quelques années après.
Terminons l'historique de cette dynastie des
Baptiste par une anecdote. Dans le temps
que les Baptiste formaient à eux seuls la moi-
tié de la troupe du théâtre de la rue Riche-
lieu, un étranger, qui assistait à une repré-
sentation , demanda à son voisin le nom de
l'acteur qui remplissait le premier rôle — « C'est
Baptiste aîné. — Et l'amoureuse? — C'est
M"<-' Baptiste. — Et cet acteur qui se grime
si bien? — C'est Baptiste cadet. — Et l'actrice
qui représente la mère? — C'est Mme Baptiste.
— Mais, dit le curieux impatienté, c'est donc
une pièce de batiste qu'on nous donne là! »
BAPTISTÈRE s. m. (ba-ti-stè-re — gr.
baplistêrion, même sens). Petit édifice qu'on
bâtissait autrefois près des cathédrales, pour
y conférer le baptême : Le baptistère de Pise.
Le baptistère de Florence. L'église de Sainl-
Germain-l'Auxerrois fut d'abord un b aptistèrk.
Trois portes de bronze, recouvertes de figures
en bas-relief, servent d'entrée au baptistèrk
de Florence. (Vitet.) Le baptistère était fermé
durant te carême, la porte en était scellée du
sceau de l'évéque, et on ne l'ouvrait que le jeudi
saint. (Lunier.) Le baptistère de Constantin
est une petite église octogone, qui s'élèoe à
quelques pas de la façade latérale de Saint-
Jean de Latran. (II. Beyle.)
— Chapelle consacrée au môme usage, dans
Jcs églises paroissiales, fl Urne servant aux
baptêmes : Ce fut à qui s'extasierait devant
les aiguières, les urnes, les buires, les co/frets,
las baptistères. (L. Reybaud.)
— Liturg, Livre qui contient les prières et
cérémonies du baptême, il Fête de l'Epiphanie,
clicz les Arméniens.
— Antiq. Baignoire , bassin dans lequel
plusieurs personnes pouvaient se plonger et
mémo nager à la fois.
— Encycl. A l'exemple de Jésus-Christ, qui
s'était fait baptiser par saint Jean dans le
Jourdain, les premiers chrétiens recevaient le
baptême dans les rivières, dans les lacs, dans
les fontaines, au bord de la mer, partout où
l'on trouvait de l'eau. On montre encore au-
jourd'hui dans la prison Mamertine, à Rome,
le puits miraculeux, où, selon une ancienne
tradition, saint Pierre et saint Paul baptisèrent
leurs geôliers Processus et Martinianus. A
l'époque des persécutions, on établit des bap-
tistères dans les catacombes, tantôt en utili-
sant les sources 'naturelles que renfermaient
ces cimetières souterrains, tantôt en creusant
des puits, tantôt en construisant des espèces
de citernes où l'on faisait arriver l'eau par
des conduits. Plusieurs de ces baptistères pri-
mitifs existent encore. «Le plus remarquable,
dit M. l'abbé. Martigny, est celui du cimetière
de Saint-Pontien; la crypte qui le renferme
est décorée de peintures dont là principaie
représente Notre-Seigneur baptisé par saint
Jean. On y voit une croix gemmée et fleurie
dont la traverse porte, au-dessus deux candé-
labres allumés, au-dessous l'alpha et l'oméga
suspendus par des chaînettes. Le pied de cette
croix baigne dans la vasque, pour indiquer que
c'est la croix du Sauveur qui communique à
l'eau la vertu d'effacer le péché. »
Dès que le christianisme triomphant put cé-
lébrer ses cérémonies au grand .lour, on con-
struisit des baptistères isolés, édifices plus ou
inoins spacieux que les Grecs appelèrent phô-
tisteria (lieux d'illumination), et les Latins
baptisteria, baptisterii templa, ecclesiœ, basi-
licœ ou domus, ecclesiœ ou domus baptismales,
aula baptismalis. Ces diverses désignations
supposent presque toutes une construction in-
dépendante de l'église proprement dite, Sup-
position que confirment d'ailleurs les témoi-
gnages d'une foule d'écrivains ecclésiastiques.
(V. Te Dictionnaire des antiquités chrétiennes,
par M. l'abbé Martigny, et le Glossaire de Du-
cange, au mot Baptisterium.) La libre entrée
des basiliques ne pouvant être accordée aux
catéchumènes, d'après les rites de la primitive
Eglise, il était nécessaire de placer le bap-
tistère en dehors de l'enceinte sacrée ; mais,
d'autre part, il n'eu devait être séparé que
par une faible distance, afin de faire voir, dit
Duranti (De ritibus Ecclesiœ, I, io), que le
baptême est la porte qui introduit l'homme
dans l'Eglise de Dieu.
Les baptistères des premiers siècles étaient
ordinairement faits en forme de tour, comme
nous l'apprend saint Paulin (ep. xn, ad Sever.)
et comme nous le montre un bas-relief d'une
très-haute antiquité qui décore un sarcophage
du Vatican publié par Bottari (pi. xxxiv).
Le baptistère qui est figuré dans ce bas-relief,
à côté d'une basilique chrétienne, est un édifice
rond ayant en hauteur plus du double de son
diamètre ; il est percé d une porte latine très-
élevée, qu'accompagnent des voiles ou rideaux,
et près de laquelle une fenêtre rectangulaire
es*, nratiquée à hauteur d'homme ; d autres
BAP
fenêtres cintrées s'ouvrent dans la partie su-
périeure de la construction, immédiatement
au-dessous de la corniche ; le toit est en forme
de dôme, et est surmonté d'un labarum (un P
au milieu d'un X, monogramme du Christ).
Les murs sont simplement décorés de. bos-
sages. Qn pense que les deux baptistères que
Constantin fit construire à Rome avaient pri-
mitivement la forme de celui que nous venons
de décrire ; mais l'ornementation en était beau-
coup plus riche. Le baptistère de Saint-Jean
de Latran, où la tradition romaine veut que
Constantin ait été baptisé par le pape saint
Sylvestre, était décoré avec un luxe extraor-
dinaire. Suivant Anastase le Bibliothécaire, la
cuve baptismale était recouverte, à l'intérieur
et à l'extérieur, de lames d'argent du poids de
trois mille huit livres ; au centre de ce bassin
s'élevait une colonne de porphyre, qui suppor-
tait une phiala d'or, où l'on faisait brûler, le
jour de Pâques, deux cents livres de parfums.
Sept cerfs d'argent, pesant quatre-vingts livres
chacun, et un agneau d'or du poids de trente
livres, répandaient l'eau dans la cuve. A la
droite de l'agneau était une statue du Christ
en argent, pesant cent soixante-dix livres, et
à la gauche une statue du Précurseur, égale-
ment en argent. Parmi les autres présents que
Constantin avait faits à ce baptistère, on re-
marquait un encensoir d'or, orné de quarante-
deux pierres précieuses et pesant dix livres.
Cet édifice, qui a été agrandi par le pape
saint Hilaire, et restauré plus tard par Gré-
goire XIII, Clément VIII, Urbain VIII et In-
nocent X, è.st entouré des huit plus belles
colonnes de porphyre que l'on connaisse : elles
soutiennent un ordre plus petit qui porte le
toit. Le porche est formé aussi de deux co-
lonnes de porphyre, richement ornées de bases
et de chapiteaux composites. La cuve baptis-
male, la même, dit-on, qui servit au baptême
de Constantin, est une urne antique de basalte.
L'autre baptistère construit par cet empereur
est celui de Sainte-Constance, près de la basi-
lique de Sainte-Agnès hors des murs.
Dans le principe, le baptême s'administrait
le plus souvent par immersion; de là, la né-
cessité de bâtir les baptistères dans des lieux
abondamment pourvus d'eau et d'y établir
des cuves profondes qui reçurent le nom de
piscina, natatorium, twetorium, lavacrum, la-
brurn, conçha, aloeum. Ces cuves étaient à
fleur de terre ; elles étaient ordinairement
entourées de sept degrés, destinés, suivant
quelques archéologues , à rappeler les sept
dons du Saint-Esprit : trois de ces degrés,
placés à droite, servaient à descendre dans la
piscine ; trois autres, à gauche, servaient à en
sortir; le septième, au milieu, était probable-
ment réservé au prêtre qui administrait le sa-
crement. On donna d'abord aux cuves, comme
aux baptistères, la forme ronde; mais, par la
suite, cette forme, qui avait le tort de rappeler
colle des piscines profanes, fut abandonnée :
on construisit les bassins et les édifices qui
les enveloppaient tantôt sur un plan polygo-
nal et à pans réguliers, tantôt, mais plus rare-
ment, sur le plan de la croix. Les baptistères do
Sainte-Thècle de Milan, de Saint-Zénon de Vé-
rone, de Saint-Jean-Baptiste de Florence, de
Saint-Sauveur d'Aix en Provence, de Fréjus,
de Bologne, de Crémone, de Padoue, de Vol-
terra, sont octogones; ceux de Sienne et
d'Aquilée sont hexagones; celui de Canossa
est dodécagone ; celui de Bari, dans la Pouille,
qui date du iv« siècle, est rond à l'extérieur
et offre intérieurement douze pans, que déco-
raient jadis les statues des douze apôtres;
celui de Parme, commencé en 1196 par Bene-
detto Antelami, et terminé en 1260, a huit
faces à l'extérieur et seize à l'intérieur; celui
de Nocera de Pagani, converti en église sous
le vocable de Sainte-Marie-Majeure, est rond
à l'extérieur, octogone à l'intérieur, et renferme
une grande vasque circulaire dans laquelle on
descend par trois marches. Les autres bap-
tistères les plus remarquables sont : en Ita-
lie, ceux de Ravenne (vi« siècle), de Pise
(xn« siècle), de Pistoja, de Torcello (près de
Venise), de Sainte-Eestituta de Naples, de
Verceil ; en France, de SainWean de Poitiers
(vue siècle), de Saint-Front dePérigueux, etc.
Nous renvoyons, pour la description de la plu-
part de ces monuments, aux articles consacrés
aux villes qui les possèdent.
Les baptistères étaient ordinairement divisés
en deux parties, afin que les deux sexes s'y
trouvassent séparés ; quelques villes possé-
daient même deux baptistères distincts. Il est
probable que, dans les endroits où il n'y avait
qu'un seul édifice de ce genre, établi sans di-
visions , les catéchumènes des deux sexes
n'étaient point admis en même temps dans le
baptistère. Nous voyons cependant, dans le
bas-relief d'un sarcophage publié par Ciam-
pini, qu'Agilulphe, roi des Lombards, et sa
femme Théodelinde, à qui on attribue la fon-
dation du baptistère de Florence, furent bap-
tisés dans la même vasque.
« Dès les premiers siècles, dit M. l'abbé
Martigny, les baptistères furent invariable-
ment dédiés à saint Jean-Baptiste, si bien
qu'ils en reçurent le nom spécial de Ecclesiœ
sancti Joannis in fonte ou ad fontes. Les autels
qui se trouvaient dans ces édifices étaient
aussi consacrés sous le vocable du Précurseur,
et les reliques qu'on y plaçait étaient les
siennes. On y voyait communément son image
ou sa statue, et une inscription était gravée,
soit sur les degrés des fonts, soit sur le pour-
tour de la vasque baptismale, soit enfin sur
BAP
les murailles, indiquant que le baptistère était
placé sous le patronage de saint Jean-Bap-
tiste. Ajoutons que les peintures, les mosaï-
ques, les .bas-reliefs dont ces édifices étaient
décorés , représentaient le plus souvent le
baptême du Christ dans le Jourdain et les
autres actes du Précurseur. Diverses images
allégoriques ornaient encore les baptistères ;
les principales étaient: l'Agneau pascal; des
cerfs altérés , symbole des catéchumènes
avides de boire aux sources de l'eau de la
grâce ; des poissons, dont le nom grec I^Ouî
est formé par les initiales des mots :
Iijcro'jç Xp '.<noç, €)eou u'-oç, 2ti>T7]p ;
Jésus Christ, de Dieu Aïs, Sauveur;
la colombe, figure du Saint-Esprit descendant
sur la tête de Jésus au baptême du Jourdain.
Ce dernier emblème, fait ordinairement d'or
ou d'argent, était suspendu au-dessus de la
piscine. Quelques auteurs pensent qu'on y
renfermait le saint-chrême et l'huile des caté-
chumènes.
Il n'y avait primitivement qu'un seul bap-
tistère par diocèse ou par ville épiscopale. La
principale raison en estque les éveques avaient
seuls le droit de baptiser ; et, comme l'admi-
nistration de ce sacrement n'avait lieu qu'à
certains jours de l'année, on dut construire
dans quelques villes des baptistères très-spa-
cieux, pour contenir la foule des néophytes.
On en fit même d'assez vastes pour que des
conciles aient pu. s'y tenir. Ce fut au vi« siècle
seulement que le droit de baptiser fut concédé
aux églises paroissiales (conciles d'Auxerre
[577] et de Meaux). Il n'y eut pas d'inconvé-
nient, dès lors, à restreindre les proportions des
baptistères, et surtout celles des cuves baptis-
males. L'Italie conserva plus longtemps que
le Nord l'usage du baptême par immersion, et,
pour cette cause, on y éleva encore, jusqu'au
xn* siècle, des baptistères isolés. Dans'les pays
où la rigueur du climat' fît substituer le bap-
tême par infusion au baptême par immersion,
la cuve baptismale, réduite à de petites dimen-
sions, fut placée d'abord dans le narthex de
l'église, et un peu plus tard dans une chapelle
du bas-côté gauche, qui fut dédiée à saint
Jean-Baptiste et prit le nom de fonts baptis-
maux. V. ce mot.
Nous avons dit que les baptistères servirent
quelquefois aux réunions des conciles. Les
évèques y administrèrent, à certaines époques,
le sacrement de l'ordre (Synod. rom., 853,
eh. xl). On en lit aussi des lieux d'asile, et on
y enterra parfois de hauts personnages. C'est
ainsi que le baptistère construit par Constantin
près de l'église de Sainte-Agnès hors des murs
reçut les restes de sainte Constance. Mais le
concile d'Auxerre, tenu en 577, proscrivit ce
dernier usage.
BAPTISTES, nom donné aux partisans du
baptisme. Ce n'est qu'au commencement du
xvne siècle que les baptistes apparaissent
dans l'histoire ; à cette époque, furent fondées
leurs premières communautés. Dès l'an 1630,
ils se divisèrent en deux sectes, celle des par-
licular ou antinomian baptists, qui resta fidèle
aux doctrines de Calvin, et celle des uniuersal
ou arminian baptists. En 1671, une troisième
branche fut détachée par un certain Francis
ïtampfield,qui substitua la célébration du sa-
medi, comme jour de repos, à celle du diman-
che. C'est cette innovation qui valut à la
nouvelle secte le nom de sabbatariens. Le
nombre de ses partisans est aujourd'hui peu
considérable ; on ne trouve plus de sabbata-
riens que dans l'Amérique du Nord.
Originaires de l'Angleterre, où ils obtinrent
en 1689 la liberté de conscience et les mêmes
droits que les autres sectes participantes, les
baptistes ne tardèrent pas à se répandre dans
l'Amérique du Nord, où leur nombre atteignait
déjà en 1842 le chiffre de six millions d'âmes.
Le nombre des croyants ne se partage pas
également entre les trois sectes : la plus
grande partie appartient à celle desparticular
baptists, plus connus en France sous le nom
de baptistes étroits, parce que leur religion
est plus sévère et leur doctrine plus rigoureuse.
Au commencement de ce siècle, ils ont intro-
duit le chant dans le culte.
Les baptistes étaient inconnus en France
avant l'année 1840, où un certain Villard
fut chargé par une société américaine d'éta-
blir leurs croyances dans notre pays. Il choisit,
comme points principaux de la nouvelle mis-
sion qu'il venait organiser, les villes de Chauny
(Aisne), Lafère (Aisne) et Denain (Nord) où
fut installée l'école de théologie qui plus tard
(1850 ou 51) a été transférée à Paris. '
La nouvelle secte n'a pas prospéré parmi
nous ; on attribue généralement son insuccès
à un règlement sévère émané de M. Villard
(1849) , excluant impitoyablement quiconque
violerait le repos du dimanche, ou se marie-
rait avec une personne n'appartenant pas à
la communion. Les baptistes français sont
aujourd'hui peu nombreux.
Sans admettre les autres doctrines plus ou
moins subversives des anabaptistes, les bap-
tistes admettent comme eux la nullité du bap-
tême des enfants, et la nécessité du baptême
des adultes. Ils s'appuient sur ce que saint
Jean ne baptisait que les grandes personnes,
et comme il les baptisait dans les eaux du
Jourdain, ils soutiennent qu'à son exemple il
faut pratiquer le baptême par immersion, ce
qu'ils font en plongeant par trois fois le corps
entier dans les eaux d'une rivière ou, comme
cela se pratique généralement, au moins en
BAQ
195
France, dans une baignoire. La cérémonie du
baptême se célèbre ordinairement à Pâques ou
à quelque autre grande fête religieuse ; elle
est précédée d'un examen subi par chaque
candidat, et après lequel les membres de l'E-
glise, en ayant délibéré, proclament presque
toujours l'admission. Le nouveau baptisio
contracte, par le fait seul de'son baptême, le
devoir rigoureux de ne communier qu'avec
des protestants de son Eglise. Pour ceux qui,
avant d'entrer dans la secte, auraient déjà
été baptisés par un prêtre catholique ou un
ministre protestant, un baptême ne suffit pas,
ils sont baptisés deux fois. Les affaires reli-
gieuses sont traitées dans des assemblées où
tous les membres ont voix délibérative, même
les femmes, et les décisions sont prises à la
majorité.
BAPTIST1N ou BÀTTISTIN (Jean-Baptiste,
àitStuck), compositeur demusiqueetvirtuose,
né à Florence vers 1677, mort à Paris vers 1755.
Le premier, il fit connaître en France le violon-
celle, instrument dont il jouait avec une grande
perfection. Louis XIV lui fit une pension. 11 a
composé des cantates, qui eurent alors beau-
coup de réputation, et trois opéras, dontvoici
les titres : Méléagre (1703) ; Slanto la fée(i'll),
et Polydore (1720).
BAQUENAS s. m. (ba-ko-nâ.) Autrcf. Tem-
pête , orage , ouragan, il Tumulte , tapage,
grand bruit.
baquet s. m. (ba-kè — dim. do bac, ba-
teau). Sorte de seau de bois, plus grand que
les soaux ordinaires : Remplir, vider un ba-
quet. Mettre de l'eau dans un baquet.
— Techn. Boîte dans laquelle les mar-
breurs mettent leur eau gommée et les ma-
tières colorantes avec lesquelles ils imitent
les couleurs et les nuances irrégulières du
marbre, sur la tranche des livres et des feuil-
les de papier isolées, il Sorte d'auge que les re-
lieurs et doreurs remplissent de cendre
chaude pour faire sécher la dorure, u Cuvette
carrée de pierre ou de fonte, dans laquelle
l'imprimeur couche les formes pour les laver :
elle est percée à l'un de ses coins d'un trou
qui se bouche avec une bonde de bois, et
qui sert à faire écouler la lessive après le
lavage, il Caisse dans laquelle lo graveur à
l'eau-forte place la planche métallique, quand
il emploie le procédé dit de l'eau-forte à
couler, il Civière sans bras du carrier, pour
transporter le moellon.
— Hortic. Petit cuvier en bois dans lequel
on sème des graines.
— Magnét. Cuve circulaire de bois de
chêne, pleine d'eau et surmontée de tiges
métalliques, dont Mesmer se servait pour
faire ses expériences de magnétisme animal :
Lo baquet est le nom sous lequel le mesmé-
risme est resté dans l'imagination populaire.
(L. Figuier.) Le mesmérisme, en effet, n'est
rien sans le baquet. Le mesmérisme sans ba-
quet, ce serait la noblesse sans blason, lapoésie
sansimages, la rhétorique sans figures, ladiplo-
maiie sans protocoles, la géométrie sans axio-
mes, la médecine sans clinique, et la religion
sans dogmes. (L. Figuier.) Vous eussiez d'a-
bord pu croire à une expérience de physique,
au baquet de Mesmer, à, un comité savant.
(Ad. Paul.)
— Encycl. Ce fut dans les derniers mois de
1778 que Mesmer imagina son fameux baquet.
Il se trouvait alors à l'apogée de sa célébrité,
et chaque jour voyait augmenter la clientèle
que de prétendues guérisons lui avaient faite.
Ne pouvant plus magnétiser ses malades indi-
viduellement, il eut l'idée de les distribuer en
groupes de dix à quinze personnes, auxquelles
il administrait collectivement des passes salu-
taires. Dès ce moment, l'affluence ■ devint
énorme à ses séances, et ne pouvait trouver
place qui voulait autour du merveilleux ba-
quet. Il fallait se faire inscrire longtemps d'a-
vance, et bientôt vint la mode de retenir le
baquet pour une soirée, absolument comme on
retient aujourd'hui unelogeàl'Opéra. Qu'était-
ce donc que ce baquet?
Au milieu d'une salle, éclairée par un demi-
jour, se trouvait une cuve en bois de chêne,
haute d'environ 0 m. 50, et ayant un diamètre
do près de deux mètres. Cette cuve était fermée
par un couvercle, en sorte que, vue extérieu-
rement, elle avait l'apparence d'une table
circulaire. Elle était remplie d'eau jusqu'àtme
certaine hauteur, et contenait, au fond, un mé-
lange de limaille de fer et de verre pilé. Sur
ces substances étaient couchées des bouteilles
pleines d'eau , qui , rangées symétriquement
autour de la caisse, avaient leurs goulots
tournés vers le centre de celle-ci ; d autres
bouteilles également pleines d'eau, mais dis-
posées en sens inverse, partaient du centre et
rayonnaient Vers la circonférence. Quelque-
fois, pour modifier les effets attendus, on
supprimait l'eau, ou bien on superposait plu-
sieurs rangs de bouteilles ; mais, dans ce dernier
cas? il fallait toujours, c'était une condition
indispensable, que les bouteilles de chaque rang
fussent disposées avec symétrie, les goulots
des unes rayonnant du centre, et ceux des
autres convergeant delà circonférence. Enfin,
le couvercle était percé de trous par lesquels
sortaient un égal nombre de tiges de fer, dont
une des extrémités plongeait dans l'eau, tandis
que l'autre, terminée en pointe, se recourbait
et était destinée à être saisie par les malades.
Maintenant, que faisait-on du baquet ? Les
patients, assis autour, et chacun tenant une des
tiges, dont il appliquait la pointe sur la partie
196
BAQ
BAQ
BAR
BAR
malade, attendaient patiemment l'agent mys-
térieux c^ni devait les guérir. En effet, Mesmer
prétendait que la cuve était le réservoir où
venait s'accumuler le magnétisme animal, la
panacée par excellence, pour, de là, pénétrer
dans le corps des malades et y apporter la
santé. Mais d'où venait ce fluide? c'est ce que
Mesmer no put jamais expliquer d'une manière
bien nette. Quoiqu'il en soit, afin d'en faciliter
l'action , les malades communiquaient entre
eux au moyen d'une, longue corde, qui, partant
du baquet, leur entourait le corps sans le
serrer. Quelquefois aussi, ils formaient eux-
mêmes une seconde chaîne conductrice, en se
tenant mutuellement le pouce. De plus, pour
qu'ils pussent entièrement participera la com-
munion magnétique, Mesmer les soumettait à
des passes et à des attouchements. Il appuyait
aussi, sur la partie de leur corps qui était ou
passait pour être le siège du mal, une baguette
de fer qu'il tenait à la main et qui, entre autres
propriétés, possédait celle de concentrer le
fluide dans sa pointe et d'en rendre ainsi les
émanations plus puissantes. Enfin, un harmo-
nica était placé dans un des coins de la salle,
et l'opérateur y faisait jouer différents airs sur
des mouvements variés.
Les effets produits sur les malades rangés
autour du baquet étaient des plus variables. Les
uns, et c'était ordinairement le cas de ceux
qu'on magnétisait pour la première fois , n'é-
prouvaient rien ; chez les autres, l'action ma-
gnétique se manifestait par des éclats de
rire, des bâillements, des frissons ou des sueurs.
Enfin, ceux, qui avaient déjà plus ou moins
ressenti les influences du baquet étaient agi-
tés par des convulsions, qui auraient quelque-
lois jusqu'à trois heures, et qui toujours é'taient
d'une violence extrême. Ces convulsions, que
Mesmer appelait des crises, étaient un peu
longues à s'établir; mais, dès qu'un patient en
avait une, les autres l'imitaient successivement.
Les femmes y étaient beaucoup plus sujettes
que les hommes. Elles commençaient par des
gémissements douloureux , accompagnés de
pleurs et entrecoupés de hoquets effrayants.
Bientôt la respiration participait du raie, la
face prenait un aspect cadavérique : la mort
par suffocation paraissait prochaine. Tout à
coup, par une sorte de réaction suprême, les
malades se ranimaient, et alors, au milieu d'é-
clats de rire immodérés, on les voyait se jeter
à terre, sa relever, comme pousses par un res-
sort, se poursuivre, se repousser, enfin, se li-
vrer, ainsi que des énergumènes, aux mouve-
ments les plus singuliers et les plus divers. A
ce moment, Mesmer saisissait les plus furieux
à bras-le-corps et les emportait dans une pièce
voisine, dite la salle des crises ou Venfer des con-
vulsions, dont les murs et le parquet, soigneu-
sement matelassés et capitonnés, leur permet-
taient de se livrer à leurs ébats, sans pouvoir
se blesser. Les crises étaient suivies d'un état
de langueur et de rêverie, qui ne disparaissait
qu'an bout de plusieurs heures. Quant aux
effets curatifs résultant du traitement, les uns
déclaraient n'avoir éprouvé aucun soulage-
ment, tandis que les autres, et c'était toujours
les sujets les plus nerveux, ceux qui avaient
passé par la salle des crises, affirmaient que,
grâce au bienfaisant baquet, leurs maladies
avaient disparu comme par enchantement,
Mesmer expérimenta d'abord le baquet dans
un hôtel de la place Vendôme. Il y avait monté
quatre appareils : trois pour les riches, où il
opérait lui-même, et le quatrième pour les
pauvres, où il se faisait remplacer par son
valet. Mais bientôt l'afffuence devint si grande,
qu'il se vit obligé de transporter son établisse-
ment dans le quartier Montmartre , à l'hôtel
Bullion, dont il lit une clinique des plus somp-
tueuses. Enfin, voulant mettre sa panacée à la
portée de ceux des indigents qui ne pouvaient
trouver place autour de son baquet des pauvres,
il disposa de ses propres mains, sur le boule-
vard, à l'extrémité de la rue de Boncly, un
arbre qui pût en tenir lieu, et l'on vit des mil-
liers de malades venir s'attacher à cet arbre
et en attendre, avec une foi stupide, la gué-
îison de leurs maux.
Cependant, les succès de Mesmer finirent
par lui créer des concurrents. Une foule d'a-
mateurs, croyant avoir deviné son secret ou
s'en rapportant à des indiscrétions de valets,
60 mirent à magnétiser et trouvèrent des cha-
lands. D'autres, moins ambitieux, se conten-
tèrent d'avoir chez eux de petits baquets pour
leur usage personnel. La manie des baquets
<tevint alors aussi générale que l'est devenue
de nos jours celle des tables tournantes. Cette
lièvre dura jusqu'en 1785; mais, dans les der-
niers temps, sauf quelques fanatiques on ne
croyait plus au baquet. Un revirement des plus
complets s'était fait à ce sujet dans l'opi-
nion publique. Aussi Mesmer quitta-t-il la
France au milieu de l'indignation générale,
oubliant, dit-on, d'emporter son baquet, mais
non la somme énorme que ses jongleries lui
avaient procurée. Cette circonstance ne passa
pas inaperçue, et ce fut pour y faire allusion
<jn'on lança, d'une fenêtre des Tuileries, une
(ligure aérostatique, appelée le Vendangeur,
<at dont la tête était chargée d'une espèce de
-cuviWj sur lequel on lisait, en lettres couleur
^e feu, les mots : Adieu, baquet, vendanges
sont faites. V. Magnétisme animal,
PAQUETAGE s. m. (ba-ke-ta-je — rad.
baqueter.) Action de banqueter.
caqueter v. a. ou tr. (ba-ke-té — rad.
baquet — double le t devant une syllabe
muette : Je baguette; tu baquelteras. Ilortic.
Puiser dans un baquet, au moyen d'une pelle
ou d'une écope : baqueter de l'eau, il V. mot.
baquettes s. f. pi. (ba-kè-te.) Tenailles
à tirer les fils métalliques à la filière.
Baquetures s. f. pi. (ba-ke-tu-rc —
rad. baquet.) Vin recueilli dans un baquet
placé au-dessous des bouteilles à remplir .-
Mettre les daquktures en bouteilles.
BÀQU1 ABD-EL-BAQUI, célèbre poète lyri-
rique turc, né l'an 903 de l'hégire. Il était fils
d'un muezzin de la mosquée du sultan Moham-
med , à Constantinople , et il abandonna la
profession de sellier pour s'adonner tout en-
tier à l'étude. Il parcourut une carrière bril-
lante, malgré l'opposition de quelques envieux,
et mourut l'an 1599 de notre ère, après avoir
occupé trois fois la charge de grand juge de
I Roumélie. Outre son divan, qui est fort es-
I timé, il a laissé une traduction de VAlmevahib
| eddiniè, légende sur le prophète, écrite par le
| cheik Kastelani, qu'il intitula Maalim alia-
kin. Il a aussi traduit un autre ouvrage ,
| Fazaïli djihad (des avantages de la guerre
sainte), et écrit une Histoire de La Mecque.
« Les chefs - d'oeuvre des anciens poètes
font briller le miroir du cœur, dit Nabi Effendi
dans ses conseils à son fils : parmi les Turcs,
distingue Baqui et Néfi. »
Baquier s. m. (ba-kié.) Comm. Coton
grossier de Smyrne.
BAQUOIS s. m. (ba-koi.) Bot. Genre do
plantes monocotylédones, type de la famille
des pandanées : Le baquois odorant abonde
dans l'Inde, d'où il a été apporté en Egypte.
(Thiébaut do Bemeaud.)
— Encycl. Les baquois sont de grands vé-
gétaux dont le port rappelle à la fois celui
du palmier et de l'ananas, ce dernier élevé à
de grandes proportions. Ils ont reçu des bo-
tanistes le nom générique de pandanus , qui a
lui-même donné son nom à la famille des pan-
danées. Ils parviennent rarement à la taille
d'un arbre, et présentent, à un très-haut degré,
le curieux phénomène de racines aériennes
naissant sur la tige et descendant vers le sol
comme des cordes. Parfois même la tige, qui
va en diminuant de grosseur du sommet vers
la base , est tellement grêle quand elle arrive
au niveau du sol , que le végétal est comme
porté en Vair par ses racines. On comprend
qu'alors il peut difficilement se soutenir. Dans
les massifs , les baquois se servent d'appui ré-
ciproque , tandis que ceux qui sont cultivés à
l'état isolé dans nos serres , doivent être sou-
tenus artificiellement. Les feuilles , longues ,
étroites , roides , sont souvent disposées en
spirale à la partie supérieure de la tige ou
stipe. Les fleurs sont dioïques , les mâles et
les femelles se trouvant placées sur des pieds
différents. Les fruits sont des drupes fibreux,
pyramidaux , formant par leur réunion une
sorte de cône analogue , du moins comme as-
pect extérieur, à celui des pins. Les fleurs sont
très-odorantes.
Les baquois habitent les Indes, l'Arabie, les
îles de la mer du Sud. L'espèce la plus remar-
quable est le baquois comestible (pandanus
edulis), qui croît à Madagascar. L'odeur de
ses fleurs est un peu forte , et ses fruits sont
alimentaires. Cette espèce paraît présenter plu-
sieurs variétés , parmi lesquelles on cite sur-
tout le baquois humble (pandanus humilis), qui
habite les Moluques ; on mange ses bourgeons
terminaux , comme ceux de l'arec ou chou-
palmiste.
Le baquois odorant (pandanus odoratissinvus)
est très-remarquable par ses racines aériennes,
qui le soutiennent au-dessus du sol comme au-
tant û'arcs-boutants. C'est l'espèce dont les
fleurs sont les plus odorantes et les plus re-
cherchées, soit pour la parure des femmes,
soitpour l'ornement des habitations. C'est aussi
celle dont on emploie le plus fréquemment les
feuilles , séchées et fendues , pour faire des
nattes grossières sur lesquelles on fait sécher
!e café ; on en fabrique aussi des sacs très-so-
lides, qui servent à emballer le café, le sucre
et d'autres denrées de l'Inde.
Ces espèces, de même que le baquois saunage
(pandanus syloestris) et quelques autres , sont
souvent cultivées dans nos serres chaudes,
qu'elles contribuent à orner.
BAQUOUC s. m. (ba-kouk). Ornith. Nom
vulgaire de la bergeronnette lavandière.
BAQUOY (Maurice), graveur français, né
vers 1C80, mort en 1747. Il a travaillé à Paris
de 1710 à 1740. 11 a gravé au burin divers su-
jets pour des livres, entre autres un frontis-
pice, d'après Séb. Leclerc, pour une Histoire
romaine ; deux vignettes d'après les dessins de
P. Boucher, pour l'Histoire de France du P.
Daniel; trois planches pour l'Histoire de l'ab-
baye de Saint-Germain des Prés de D. Bouil-
lait; une Vite de la. fontaine de l'Obélisque du
parc de Versailles, etc.
BAQUOY (Jean-Charles), graveur français,
fils du précédent, né à Paris en 1721, mort
en 1777. 11 a gravé au burin et à l'eau-forte
un grand nombre de planches , de vignettes,
de culs-de-lampe pour divers ouvrages, no-
tamment : soixante-neuf planches d oiseaux,
d'après P. Sonnerat, et de quadrupèdes, d'a-
près J. de Sève, pour l'Histoire naturelle de
Buffon (Paris, Imprimerie royale, in-4°);
deux planches pour un Traité des feux d'arti-
fice (in-S°, 1747); des vignettes pour les Aven-
tures de Télémaque, d'après A. Humblot, pour
les Fables de La Fontaine, d'après J.-B. Ou-
dry (4 vol. petit in-foL, 1755); pour les Contes
de La Fontaine ; pour la Peinture, poème do
Lemierre, d'après Cochin ; pour les Saisons,
de Thompson (Paris, l~t>0, petit in-8") ; etc.
On lui doit aussi plusieurs estampes déta-
chées : les Baigneuses et les Laveuses, d'après
J. Vernet ; la Ruine, d'après Watteau; Erato,
d'après F. Boucher; la Prairie, d'après P.
Potter; le Coup de Vétrier, d'après P. Wou-
verman ; le Contrat de mariage, d'après J.
Steen; le Christ en croix, d'après C. Bloe-
maert; une Allégorie sur le mariage du Dau-
phin (Louis XV), d'après J. de Sève; divers
sujets de genre, d'après J.-B. Bénard ; un
Combat naval, d'après P.-D. Martin ; quelques
portraits, entre autres celui de don Henriquc,
infant de Portugal ; une Vue de la Bourse de
Nantes, etc. Il signait : C. Baquoy.
BAQUOY (Pierre-Charles), graveur fran-
çais, fils et élève du précédent, né à Paris en
1759, mort en 1829. Il a été, pendant quatorze
ans, professeur de dessin au collège de La
Marche. Comme son père et "son aïeul, il a
gravé au burin une foule de planches et de
vignettes pour des livres; entre autres, pour
les Œuvres de Voltaire (édition de Beaumar-
chais, 1ÏS4-1789) ; pour la Chaumière indienne
et Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-
Pierre ; pour les Œuvres de Gessner, d'après
Le Barbier; pour les Œuvres de Dclille ;
pour le Musée français (savoir Saint Jean-
Baptiste et Jésus, d'après le Guide; la Àlort
d'Adonis, d'après Poussin; la Maladie d'An-
tiochus, d'après Gérard de Lairesse ; Diane,
d'après l'antique); pour le Journal des Dames
et des Modes (publié par de la Mésangère).
Ses principales estampes détachées sont : la
Vierge au linge, d'après Raphaël ; Saint Ger-
vais et saint Protais, d'après Le Sueur; Saint
Vincent de Paul, Frédéric et Voltaire, d'après
Monsiau; une copie de la Sainte Geneviève,
gravée par Baléehou; divers portraits, parmi
lesquels celui de Lekain , d'après J.-B. Le
Noir; de Fénelon, d'après Ev. Fragonard;
de J.-J. Rousseau, d'après Bertaux, 1777. Il
signait P. Baquoy ou P. B. — Deux de ses
filles, Angélique-Rosalie-Àdèle Baquoy, née
à Paris en 17J6, et Louise-Sébastienne-Hen-
riette Baquoy, née à Paris en 1792, ont suivi
la même carrière : la première a gravé des
vignettes, d'après A. Devéria, pour une édi-
tion des Œuvres de Gresset; la seconde, YF-
vanouissement de la Vierge, d'après Annibal
Carrache; Cyparisse, d'après Albrier; 4 vi-
gnettes pour le Musée J'il/iol; i vignettes',
d'après Chasselat, pour les Œuvras de Vol-
taire, etc.
bar ou bars s. m. (bar). Ichthyol. Genre de
poissons acanthoptérygiens, voisin des por-
ches : Le bars est un poisson de mer très-
recherché. (A. Richard.)
— Blas. Poisson que l'on représente légè-
rement courbé, de profil et posé en pal :
Famille Marchins: d'argent, au bar de gueules.
— Encycl. Les bars appartiennent à l'ordre
des poissons acanthoptérygiens et à la famille
des percoïdes. Longtemps confondus avec les
perches, ils s'en distinguent par des opercules
écailleux, terminés par deux épines. Le bar
commun (perça labrax de Linné, labrax lupus
de Cuvier), appelé aussi loup, loup de mer,
loubine , lubin, etc., est un grand poisson,
dont la taille dépasse souvent un mètre. Son
dos est d'un noir bleuâtre, piqueté de noir ; le
ventre, d'un blanc glacé de bleuâtre, taché de
bleu; son corps est oblong et couvert d'écail-
lés dures et rudes au toucher, de moyenne
grandeur, serrées entre elles et adhérant for-
tement à la peau. Les petits sont appelés lu-
passoiis. Le bar habite les mers et les fleuves
de l'Europe méridionale. Il se tient ordinaire-
ment dans la mer; mais, à l'approche du prin-
temps, il cherche à remonter dans les eaux
douces, et pénètre en grandes troupes dans
les étangs , pour y frayer. Dans le mois de
septembre , il se dirige de nouveau vers la
mer. Les anciens estimaient beaucoup ce pois-
son ; ils lui avaient donné le nom do lupus ,
loup , à cause de sa voracité. D'après Pline ,
les meilleurs loups étaient ceux qu'on avait
pris dans le Tibre , entre les ponts ; les gour-
mets de Rome se vantaient morne de recon-
naître , au goût , si un loup marin avait été
péché en pleine mer, ou à l'embouchure du
Tibre, ou entre les ponts. Horace, dans une
de ses satires, tourne en ridicule ce puéril
raffinement. Aujourd'hui, on préfère avec rai-
son les burs péchés en pleine mer; ceux qu'on
pêche dans les fleuves , surtout dans les eaux
vaseuses, sont les moins recherchés. En gé-
néral, la qualité diminue à mesure que le pois-
son s'éloigne de la mer. On pêche le bar au
moyen d'un filet en nappe, dont le milieu forme
une espèce de poche, et que l'on tend vertica-
lement sur trois perches disposées en trian-
gle , dont deux maintiennent le filet par les
extrémités et la troisième parle milieu; on
oppose l'ouverture du filet au courant de l'eau.
BAR. Philol. Mot persan qui signifie pays
et qui entre dans la composition dos noms
d'un certain nombre do contrées, telles quo
Lndoubar, le pays des Indous (l'Inde); Zenzi-
bar, le pays des Zènghs, dont nous avons fait
Zanguebar, sur la côte orientale de l'Afrique;
Malabar, pays des Malais; Houdbar, pays de
rivières etc.. Il Mot syriaque qui signifie fils,
et qui, ainsi que ben en arabe et en hébreu,
entre dans la composition d'un grand nombre
de noms propres. Barkefa , fils de Céphas ;
Buricsu, /ils de Jésus; Barkokeb ou Bar-
kokba, fils do l'étoile, chef do la révolte juivo
sous l'empereur Adrien, et dont, après sa
défaite, on changea le nom en celui de Bar-
colchéba, le fils du mensonge, l'imposteur,
etc. h Dans les langues germaniques, suffixe
qui, joint à un radical, sert généralement à
formor des adjectifs indiquant la production.
Il joue à peu près le même rôle quo la ter-
minaison ger en latin (do gerere) dans ara»" -
ner, claviger, etc., ou, plus exactement, que
la terminaison fer, dans lucifer, fructifer,
etc. Ainsi on dit, en allemand par exemple,
fruchtbar, qui porte des fruits (comparez
fructifer); trinkbar, potable; eszbar, comesti-
ble, etc. Cette racine bar est identique à1 la
racine fer; elles dérivent toutes deux d'un
radical commun, ayant lo sens de porter, et
quo l'on retrouve sous plusieurs formes déri-
vées dans lo latin ferre et lo grec pherù, dans
l'allemand buiren, employé dans gebaêren,
enfanter; qeburt, naissance, portée, otc. ; et
sous une de ses formes primitives dans lo
persan burden , porter(imporatif ber) , a aurden,
apporter, etc.
bar ou bard s. m. (bar — Ce mot, dont
on retrouve la racine dans l'anglais, le saxon,
l'allemand, le hollandais, le danois, le sué-
dois, lo gothique et l'islandais, vient du
tudesque baran, bareent porter. Il désignait,
primitivement une civiero dont ou se servait
autrefois sur les ports pour décharger les
bateaux, d'où sont venus les mots bardeur,
débarder, débardeur, etc.). Civière dont on
so sert pour transporter des matériaux dans
les chantiers de construction.
— Bar à pots, Civière de verrier, dans
laquello on transporte les pots ou creusets
pour la fonte du verre.
BAR s, m. (bar — du gr, barus, lourd).
Mélrol. Nom que l'on avait donné, dans le
premier projet do système métrique, à un
poids do 1,000 kilo, il Poids do 198 kilo, envi-
ron, usité sur la côte de Coromandel. Il On
dit aussi bahar dans ce dernier sens. ■
BAR (le), ch.-l. de cant. (Alpes-Maritimes),
arrond. de Grasse; pop. aggl. 1,265 hab. —
pop. tôt. 1,629.
BAR, rivière de France (Ardennes), affluent
gauche de la Meuse près de Donchéry, prend
sa source près du village de Busancy; cours
05 kil., navigable et se continuant avec le
canal des Ardennes. Il Ville de l'Indoustan an-
glais, présidence du Bengale, à 32 kil. N.-E.
de Bahar, sur la rive droite du G ange; 20,000 h.
— Commerce important, il Bar (comté de).
V. Barrois.
BAR, ville de Pologne, située en Podolie,
à 70 k. N. de Mohilew, sur la Row, 3,000 hab.
Anciennement on l'appelait Row, mais en 1540
elle reçut le nom de Bar, qui lui fut donné par
la reine Sforzia, femme du roi Sigismond l",
en souvenir de la ville de Bari, en Italie, où
cette princesse était née. Cette ville subit dif-
férents changements entre les années 1452
et 17G8, dans les guerres contre les Tatars,
les Turcs, les Moscovites ; mais son titre à la
célébrité est dû k la formation de la confédé-
ration qui commença le 29 février 1708, et
ne se termina qu'en 1771.
Les abus et les tyrannies des Moscovites
devinrent tels, que 1 évèque Krasinski, lesPu-
laski , les Potoki et plusieurs autres illustres
citoyens durent recourir aux armes pour ex-
pulser leurs .ennemis. Les Polonais luttèrent
près de cinq ans. Dans ce laps de temps, la
Turquie, embrassant la cause de la Pologne,
soutint contre la Russie une longue guerre ,
et la Franco, empêchée par l'Angleterre et
par l'Autriche, ne put pas porter un se-
cours eflicace aux Polonais. L'Autriche, qui
d'abord avait favorisé les projets des confé-
dérés, fut la première à les abandonner, et
s'unit aux Moscovites et aux Prussiens pour
accomplir, .en 1772, le premier démembre-
ment de lo Pologne, dont les funestes consé-
quences pèsent encore (lS6G) sur l'Europe
entière.
Les péripéties de cette lutte polonaise sont
pleines d'intérêt; mais il n'est pas possible de
les relater ici , parce que l'espace nous man-
que : nous nous bornons donc à citer le remar-
quable passage suivant, que J.-J. Rousseau
consacra à cette confédération dans son ou-
vrage sur la Pologne, écrit en 1772 : « Il est
certain que la confédération de Bar a sauvé
la patrie expirante. Il faut graver cette grande
époque en caractères sacrés dans tous les
coeurs polonais. Je voudrais qu'on érigeât un
monument à sa mémoire, qu'on y mît les,
noms de tous les confédérés, même de ceux'
qui, dans la suite, auraient pu trahir la cause
commune ; une si grande action doit effacer
les fautes de toute la vie ; qu'on instituât une
solennité périodique pour la célébrer tous les
dix ans, avec une pompe non brillante et fri-
vole, mais simple, îière et républicaine ; qu'on
y fît dignement, mais sans emphase, l'éloge
de ces vertueux citoyens qui ont eu l'honneur
de souffrir pour la patrie dans les fers de
l'ennemi; qu'on accordât même à leurs fa-
milles quelque privilège honorifique, qui rap-
pelât toujours ce beau souvenir aux yeux du
public. Je ne voudrais pas pourtant qu'on se
permit, dans ces solennités, aucune invective
contre les Russes, ni même qu'on en parlât.
Ce serait trop les honorer. Ce silence, le sou-
venir de leur barbarie et l'éloge de ceux qui
leur ont résisté, diront d'eux tout ce qu'il en
faut dire; vous devez trop les mépriser pour
les haïr. >
BAR
BAR
BAR
BAR
197
BAR (François db), savant bénédictin, né à
Seizencourt, prés de Saint-Quentin, en 1538,
mort en 1606. Il était très-versé dans l'histoire
ecclésiastique des Pays-Bas, et Baronius no
dédaignait pas de le consulter pour la rédac-
tion de ses Annales. Ses ouvrages , souvent
cités , n'ont jamais été publiés. Conservés
manuscrits dans l'abbaye d'Anchin , dont il
était grand prieur, ils ont été transportés, à
l'époque de la. Révolution, à la bibliothèque
do Douai. Les principaux sont les suivants :
Epistolœ; Cosmographia ; Clironicon (jusqu'en
1573; cette chronique avait été commencée
par Jean Tobœnf ou Dobceuf) ; Compendivm
Annalitcm ecelcsiasticarum Cœsaris Baronii ;
Historia archiepheopatus Cameracencis et
cœnobiorum ejus; Historia episcopatus A treba-
tensis et cœnobiorum Artcsice ; Historia episco-
patus Tomacensis ; Historia episcopatus Audo-
marensis et Gandensis; Historia monastica, etc.
BAR (Louis de), théologien, né à Sens, mort
en 1G17. Il fut attaché à plusieurs cardinaux
et remplit à Rome de hautes fonctions ecclé-
siastiques. On connaît principalement de lui
l'ouvrage suivant : Ex quatuor Evangelistarum
textu confecta narratio (1617).
BAR (Nicolas de), peintre, originaire du
Barrois, descendait, dit-on, de la famille de
Jeanne Darc. II florissait au xviic siècle et
passa une grande partie de sa vie à Rome. Il
a peint un grand nombre de Vierges, ainsi
qu url Saint Sigebert, qui est à Nancy. Son
fils, né à Rome, prit le nom de Du Lys, ac-
cordé à ses ancêtres par Charles VII, vint se
fixer en Lorraine, en 1710, et mourut en 1732.
11 a fait beaucoup de tableaux d'église, qui sont
d'une couleur un peu sombre.
BAR (Bonaventure de), peintre français, né
en 1700, mort en 1720. On n'a aucun rensei-
gnement biographique sur cet artiste, que quel-
ques auteurs appellent à tort Desbarres et que
1 on a qualifié de peintre dans le goût des
modes du temps. On sait seulement qu'il fut
reçu à l'Académie, comme peintre de genre,
en 1727. Le Louvre possède le tableau qu'il
peignit pour sa réception : c'est une Fête
champêtre, qui, selon d'Argenville, ne serait
autre que la Foire de Bezon.
BAR (Jean de), érudit, bénédictin de Saint-
Maur, né à Reims en 1700, mort en 1765. 11
travailla à plusieurs ouvrages importants et
publia, conjointement avec François Pradier et
Nicolas Jalabert, VEtat présent de la France
(Paris, 1719, 6 vol. in-12). Après la mort de Dan-
tine, son compagnon d études, il mit en ordre
ses papiers et y trouva les matériaux d'une
nouvelle édition des Psaumes avec des notes
tirées de l'Ecriture et des Pères, traduction
faite sur l'hébreu et qui parut pour la première
fois en 173S.
BAR (Georges-Louis, baron de), littérateur,
né en Westphalie vers 1701, mort en 1767. Il
a cultivé la poésie française avec plus de suc-
cès, dit-on, que les autres littérateurs alle-
mands qui s'en sont occupés, ce qui ne signifie
point, d'ailleurs, que ses essais poétiques
soient des chefs - d œuvre. Peu connus en
France lors de leur apparition, ils sont depuis
longtemps oubliés partout. Ils se composent
d'épîtres, de rêveries poétiques, de poëmes,
de mélanges, etc.
BAR (Jean-Etienne), conventionnel, né h
Anneville (Manche) en 1748, mort en 1801,
Avocat à Thionville, il fut envoyé h. la Con-
vention par le département de la Moselle,
siégea à la montagne, vota la mort du roi sans
appel ni sursis, et fut ensuite envoyé en mis-
sion a l'armée du Nord. Après le 9 thermidor,
il obtint la cassation du jugement de la com-
mission militaire de Rociiefort, qui avait con-
damné à mort le représentant Duclozeaux. Il
siégea ensuite avix Anciens, où il continua à
soutenir la cause de la république, et devint,
sous le Consulat, président du tribunal civil
de Thionville.
BAR (Jacques-Charles), dessinateur et gra-
veur français, travaillait a Paris vers 1800. Il
a gravé, à l'eau-forte et au lavis, un très-grand
nombre de pièces pour le Recueil de tous les
costumes des ordres religieux et militaires
(Paris, 1778-179S, 56 livr. formant C vol.);
diverses planches pour les Mascarades monas-
tiques, de Giac.-Carlo Rabelli; etc.
BAR (Adrien-Aimé-Fleury de), généra! et
sénateur français, né à Thiais en 1783, mort
en 18C1. Engagé comme simple volontaire, il
gagna ses premiers grades sur le champ de
bataille. Grièvement blessé a Bautzen, il resta
prisonnier jusqu'en 1814. A Waterloo, il fut
blessé au bras gauche. En 1S23, il lit la guerre
d'Espagne comme lieutenant-colonel et obtint
le grade de colonel en 1830. Nommé maréchal
de camp en 1S37, il prit une part glorieuse à
nés combats d'Algérie, et le maréchal Bu-
geaud lui fit obtenir le grade de lieutenant
général. Plusieurs fois il eut à remplir, par
intérim, les fonctions de gouverneur. Mis à la
retraite en 1S-1S, il devint colonel de la troi-
sième légion de la garde nationale de Paris,
s et, en 1849, il fut élu représentant à la Légis-
lative où il vota avec la majorité réaction-
naire. En 1852, il fut promu!à la dignité de
sénateur et à celle de grand officier de la Lé-
gion d'honneur.
BAR (Mme Clémentine db), peintre français
contemporain, née vers 1814, a débuté au salon
de 1834 par divers portraits. Deux tableaux
d'elle, Esther en prière et l'Aumône de sainte
Pc
Elisabeth, furent remarqués au Salon de 1S41,
et lui valurent d'être attachée comme profes-
seur à la maison royale de Saint-Denis. En
1843, elle a obtenu une médaille de 3e classe,
pour une toile représentant Sainte Perpétue
dans sa prison. Elle a exposé depuis (1844 à
1849) des portraits, des tableaux de genre et
de religion.
BAR (Alexandre de), peintre et graveur de
paysages contemporain, né à Montreuil-sur-
Mer en 1S21 ; élève de M. Alexis de Fontenay.
Il a pris part à presque toutes les expositions
qui ont eu lieu depuis 1345. Ses paysages re-
résentent ordinairement des vues prises dans
es Alpes, dans les Pyrénées, en Dauphtné, en
Savoie, en Touraine, en Sardaigne, en Egypte.
Ils se distinguent, en général, par la précision
des détails, la netteté de la touche, la limpi-
dité et la profondeur de la perspective aérienne.
Mais l'artiste n'a pas toujours su éviter la sé-
cheresse qui est, pour ainsi dire, le défaut de
ses qualités. Comme graveur, il a publié, dans
le Journal des artistes, dans l'Artiste, et en
pièces détachées, des eaux- fortes traitées
avec goût et d'un sentiment très-poétique. Son
meilleur ouvrage en ce genre est la série
d'estampes dans lesquelles il a interprété,
strophe par strophe, l'admirable élégie du Lac,
de Lamartine, On ne pouvait mieux se péné-
trer des idées du grand poète.
BAR-L.E-DUC ou BAR-SUR-ORNAIN, ville
de France, ch.-l. du départ, de la Meuse, à
254 kil. E. de Paris, sur le chemin de fer do
Paris a Strasbourg, et sur un coteau dont le
f)ied est arrosé par l'Ornain et par le canal de
a Marne au Rhin, jadis cap. du Barrois ; pop.
aggl. 14,020 hab. — pop. tôt. 14,912; l'arrond.
a 8 cantons, 128 communes et 80,668 hab.
Tribunaux de lre instance et de commerce,
lycée, bibliothèque, commerce de vins, tein-
tureries, confitures de groseilles renommées,
tissus et filatures de coton. L'origine de cette
ville remonte au xo siècle; Frédéric 1er, duc
de Mosellane, en commença la fondation en
faisant bâtir en ce lieu un château qu'il nomma
Barrum ou Barra. Comme monuments, Bar
n'offre de remarquable que les églises de
Saint-Etienne et Notre-Dame. Patrie du duc
de Guise, surnommé le Balafré, des maréchaux
Oudinot et Exelmans. •
BAR -SUR- AUBE, ville de France, ch.-l.
d'arrond. (Aube), a 53 kil. E. de Troyes, et à
221 kil. S.-E. de Paris, sur la rive droite de
l'Aube; pop. aggl. 4,583 hab. — pop. tôt.
4,727 hab. ; l'arrond. a 4 cantons, 88 com-
munes, 43,710 hab. Tribunal de lre instance.
— Marchés considérables de céréales, vins
estimés. Agréablement située au pied de la
montagne Sainte-Germaine, où l'on remarque
les ivestiges d'un camp occupé par Attda,
Bar-sur-Aube a de belles promenades et pos-
sède deux églises assez remarquables : l'église
Saint-Pierre , édifice très-ancien , et l'église
Saint-Maclou. Le 24 janvier 1814,1e maréchal
Mortier y battit les Autrichiens.
BAR-SUR-SEINE, ville de France, ch.-l.
d'arrond. (Aube), à 30 kil. S.-E. de Troyes et
201 kil. S.-E. de Paris, sur la rive gauche de
la Seine; pop. aggl. 2,595 hab. — pop. tôt.
2,770 hab. ; l'arrond. a5 cantons, 25 communes,
49,909 hab. Tribunal de 1™ instance, fabrique
d'eaux-de-vie, récolte et commerce de vins,
chanvre, laines, bois, etc. — Cette petite ville,
propre, bien bâtie et très-ancienne, eut beau-
coup à souffrir pendant les guerres religieuses
et les troubles de la Ligue. Le 2 mars 1814,
les Français, commandés par Macdonald^re-
poussèrent les Autrichiens conduits par le
prince de Wurtemberg. — Le comté de Bar-
sur-Seine était possédé, au commencement du
xis siècle, par Renaud, comte de Bar-sur-Seino
et de Tonnerre, dont la fille puînée, Eustache,
épousa Gautier, comte de Brienne, et lui porta
on dot le comté de Bar. Milon, fils puîné de
ce Gautier, fut la souche des comtes do
Bar-sur-Seine, qui s'est éteinte au milieu du
xme siècle.
BARA (Jérôme), généalogiste, né à Paris,
vivait au xvie siècle. On connaît de lui : Le
Blason des armoiries , auquel est montré, l'a
manière de laquelle les anciens et modernes ont
usé en icelles (Lyon, 1511, 1581, in-4», et
Paris, 1628).
BAKABÂ ou BARABIN, ou mieux, en russe,
BARABINSKAÏA-STEP, vaste contrée de la
Russie asiatique, dans les gouvernements de
Tobolsk et de Tomsk ; ce steppe immense ,
marécageux et couvert d'une multitude de
lacs salés ou saumâtres, s'étend entre l'Obi et
l'Irtysche, sur une longueur de plus de 500 kil.,
depuis l'Altaï, qui le borne au sud. Quelques
parties de ce vaste territoire sont boisées,
d'autres offrent un sol fertile ; depuis 1767, le
gouvernement russe, à l'aide de colonies com-
posées de paysans et d'exilés, opère le des-
sèchement des marais et livre graduellement
de vastes portions à la culture.
BAKABALLI ou BARABALLO, poète italien,
né à Gaete , vivait au commencement du
xvie siècle. Il se mettait modestement au-dessus
de Pétrarque, et allait de ville en ville, impro-
visant partout des vers pitoyables qui n'avaient
ni mesure ni sens. Le pape Léon X amusa sa
cour fastueuse et désœuvrée en accordant
ironiquement a cet insensé d'être couronné au
Capitole comme le chantre de Laure. Au jour
fixé pour la cérémonie, on fit monter Bara!>»Jli
sur un éléphant, dressé sans doute à ce ma-
nège, et qui, sur la route, jeta le triomphateur
à terre, à la grande hilarité des Romains. Cette
cruelle mystification dut sans doute guérir
Baraballi de ses rêves de gloire. Il survécut
à sa culbute, mais on ne dit point qu'il ait am-
bitionné de nouveau les lauriers du Capitole.
BARABAN, peintre d'oiseaux. V. Barraban.
BABABAS (Nicolas) , peintre hongrois, né
en 1810. Ses parents le destinaient à la car-
rière ecclésiastique ; mais, entraîné par une
Vocation irrésistible, il trouva le moyen d'aller
à Vienne, où il obtint une bourse à l'académie
des beaux-arts, et où la protection et les con-
seils du paysagiste Marko lui furent très-
utiles. Ensuite, il parcourut la Valachie et la
Moldavie en peignant des portraits, et gagna
assez d'argent pour entreprendre le voyage
de Rome. A son retour, il se fixa quelque
temps à Pesth et s'y fit une grande réputa-
tion, qui lui ouvrit les portes de l'académie de
cette ville. On cite, parmi ses portraits les plus
remarquables , ceux des palatins Joseph et
Etienne, du baron de Vesselenyi, de l'évêque
Pyrker, de Georgey, de Klapka. Il a aussi
composé plusieurs tableaux d'histoire. ,
BARABBAS, Juif qui, lorsque Jésus fut con-
duit devant Pilate, se trouvait détenu dans
les prisons pour crime de sédition et de meur-
tre. Lorsque Pilate proposa aux Juifs de
choisir entre Jésus et Barabbas, pour que l'un
d'eux fût délivré à l'occasion de la tête de
Pàque, ce peuple aveugle préféra le meurtrier
à l'innocent, et Barabbas échappa ainsi au
supplice. Le mot Barabbas a. passé dans la
langue comme synonyme de personne d'une
figure rébarbative, a'uu aspect sauvage <,t
méchant, comme les peintres représentent
Barabbas : C'est un Barabbas, une figure de
Barabbas.
BABABE, architecte et graveur français, né
à Rouen, travaillait à Paris et à Versailles
vers 1780. Il a gravé à l'eau-forte six planches
pour un Recueil de plusieurs parties d'archi-
tecture (in-40, publ. par Dumont) ; des têtes
d'étude, d'après Du Rameau et. Le Barbier, etc.
Une de ses planches est signée Barnabe.
BARABINO ou BAURABRINO (Simone),
peintre italien, né vers la (in du xvt<-' siècle,
à Polcevera, près de Gênes, vint étudier dans
cette dernière ville sous la direction de Ber-
nardo Castello, et acquit en peu de temps une
si grande habileté, qu'il excita la jalousie do
son maître et fut obligé de le quitter. Un de
ses premiers tableaux, Saint Diego rendant la
vie à un enfant, qu'il peignit pour l'église de
l'Annonciation del Guastato, a reçu les plus
grands éloges de Soprani, pour l'unité de la
composition et la finesse du dessin. Malgré
tout son mérite, Barabino eut peu do succès
parmi ses compatriotes ; il se décida à aller
chercher fortune à Milan, où- il selixa, et exé-
cuta un grand nombre de peintures à l'huile
et à fresque, dans les églises et les palais.
Les meilleurs ouvrages qu'il ait laissés dans
cette ville sont: une Vierge entourée de saints,
dans l'église de Saint-André ; l'Ange gardien,
à Sainte-Marie di Castello ; le Mariage de la
Vierge, dans l'église des moines de Saint-
Ulrich, etc. « La couleur de ces tableaux, dit
Lanzi, est vraie, et le dessin des tètes an-
nonce un bon peintre naturaliste. Le nu est
bien entendu ; les contours sont pleins de pré-
cision. » Ayant eu la malheureuse idée d'aban-
donner la peinture pour se livrer au commerce,
Barabino se ruina et mourut en prison pour
dettes.
BARABINO (Carlo); architecte italien, né à
Gênes, vers la fin du siècle dernier. C'est sur
ses plans et sous sa direction qu'a été con-
struit dans cette ville le théâtre Carlo-Felice
(1827), l'un des plus beaux édi/ioes de ce genre
que possède l'Italie. Gênes lui doit encore ,
entre autres constructions, la façade en style
néo-grec de l'église de Saint-Cyr.
BARAC,juge d'Israël, vivait dans le xuiesiè-
cleav. J.-C. Ilfutchoisi par Dieu pour affran-
chir les Hébreux de la servitude de Jabin, roi
de Chanaan ; mais -il ne voulut partir qu'ac-
compagné de la prophétesse Déborah. Il vain-
quit avec elle le général ennemi Sisara, m;iis
n'eut point la gloire de tuer ce dernier, en
punition, suivant l'Ecriture, de ce qu'il avait
désobéi à Dieu par son refus de partir seul.
BARAC-HAGER , premier sultan cara-ca-
thaïte, dans la première moitié du xinc siècle.
Il régna onze ans sur la province du Kerman,
après avoir vaincu Ruzeni , qui en était gou-
verneur. 11 eut son fils aîné pour successeur.
BARACAN s. m. (ba-ra-kan.) Comm. Etoffe
de laine plus souvent appelée bouracan.
baracaque s. m. (ba-ra-ka-ke). Relig.
Membre d'une secto religieuse du Japon.
BABACHIAS, père du prophète Zacharie.
Fils de Mêsezabel, il fut un de ceux qui revin-
rent de la captivité etqui rebâtirent Jérusalem.
BARACHOIS s. m. (ba-ra-choi). Mar. Nom
que l'on donne, dans les Indes, à de petits
enfoncements qui se trouvent sur les côtes.
Il Enceinte servant d'abri pou sûr , formée
de bancs à fleur d'eau avec une ou plusieurs
passes. 11 Partie d'une rade où l'on peut s'iso-
ler et se radouber.
BARACOOTO s. m. (ba-ra-ko-o-to) . Ichthyol.
Poisson des Antilles, encore peu connu.
UARADAS, s. m. (ba-ra-dd.) Hortic. Grand
œillet rouge brun.
BARADINE s. f. (ba-ra- di-ne.) Agric.
Fossé pour l'écoulement des eaux, établi sur
une colline.
BARAGA (F.), missionnaire contemporain,
né en Illyrie , s'est consacré à la prédication
de l'Evangile parmi les Indiens de l'Amérique
du Nord, et il a même composé des écrits de
piété en idiome ottawanien. On lui doit un
Abrégé de l'histoire des Indiens de l'Amérique
septentrionale (Paris, Ï837, in-12, traduit de
l'allemand).
BARAGNI s. m. (ba-ra-gni,#n mil.) Garde-
fou adapté à une planche servant de pont
pour le passage d'un ruisseau.
baragouin s. m. (ba-ra-gouain — ducelt.
bara, pain; gwin, vin; mots qui, exprimant
les premiers besoins de l'homme, devaient
être souvent entendus par les' Francs chez
les peuples conquis. Comme ils n'en compri-
rent pas tout d'abord la signification, les
vainqueurs les francisèrent pour en faire le
synonyme, l'équivalent de langage inintelli-
gible.) Langage corrompu et incompréhen-
sible : Je ne puis rien comprendre à ce bara-
gouin. (Mol.) J'ai congédié assez rudement ce
marchand de baragouin. (V. Hugo.)
Fourvu qu'on soit morgant, qu'on bride sa moustache,
Qu'on frise ses cheveux.qu'on porte un grand panache,
Qu'on parle baragouin et qu'on suive le vent,
Eu ce temps d'aujourd'hui l'on n'est que trop savant.
RÉGNIER.
— Abusiv. Langue qu'on ne comprend pas:
Elle changea d'idée , en devinant que les
mauvaises paroles dites en baragouin d'An- "
vergne s'adressaient à elle. (G. Sand.) Toutes
les têtes s'avancèrent pour écouter le chanteur
qui, dans son baragouin italien, continua
ainsi... (Scribe.)
II faut réprimander la noblesse «e France,
Qui, sans avoir dessein d'aller jamais bien loin,
Des pays étrangers apprend le ùaraijouin.
BoURSAULT.
— Syn.. Baragouin, argot, jargon, paloin,
•V. Argot.
BARAGOUINAGE s. m. (ba-ra-goui-na-jc
— rad. baragouin.) Façon de parler obs-
cure, embarrassée, ressemblant à du bara-
gouin ; Quel baragouinage me faites-vous là.'
A travers les voiles du dernier sommeil, leurs
baragouinages ressemblent aux gazouillements
du malin, aux disputes des hirondelles. (Balz.)
Il Quelquefois syn. do baragouin ; Un Suisse
réduit, dans son baragouinage, presque tout
à l'infinitif. (Du Cerceau.)
baragouinant (ba-ra-goui-nan) part,
prés, du v. Baragouiner : Le colère Biscaycn
menaçait en baragouinant d'exterminer jus-
qu'à sa maîtresse, si on ne le laissait faire.
(Cervantes.)
baragouiné, ÉE (ba-ra-goui-nq) part. pass.
du v. Baragouiner : Un discours b/ragouinë.
BARAGOUINER v. n. ou intr. (ba-ra-goui-
né — rad. baragouin.) Parler d'une façon
presque inintelligible ,- Nous baragouinions
de part et d'autre à qui mieux mieux. (V.
Hugo.) Il Embrouiller son langage : A quoi
bon tant baragouiner? (Mol.)
— Abusiv. Parler une langue que les autres
n'entendent point : Des Allemands baragoui-
naient entre eux.
— V. activ. ou tr. Dire, parler, exprimer
de travers : Baragouiner, de l'anglais. Bara-
gouiner de la politique. Madame aime assez
celte tante, elle baragouine de l'allemand
avec elle. (M:nc de Sôv.) Je ne me souviens ja-
mais comment diantre ils baragouinent ce
nom-là. (Mol.) Les héroïnes de l'Astrée bara-
gouinent beaucoup de phrases aussi espagnoles
que celles de Corneille. (Ph. Chaslcs.) 11 Pro-
férer d'une manière obscure, embarrassée :
Nous, avons sur le dos un procureur du roi qui
parle morale ^baragouine desbëtises sur l'ad-
ministration, (Balz.)
BARAGOUINEUR. EUSE S. (ba-ra-goui-
neur, eu-ze — rad. baragouin.) Personne qui
baragouine : Deux baragouineuses me sont
venues accuser de les avoir épousées toutes
deux. (Mol.) Ils sont une douzaine de bara-
gouineurs à jouer cartes et dés. (Hamilt.)
BABAGUEY-D'HILLIERS (Louis), général,
né à Paris en 1764, mort à Berlin en décem-
bre 1812. Il était lieutenant au régiment d'Al-
sace, lorsqu'il donna sa démission, en 1791,
pour ne point servir la Révolution. Toutefois,
il changea bientôt de sentiment, reprit du ser-
vice et devint successivement aide de camp
des généraux Crillon, Labourdonnaye etCus-
tine. Ce dernier faillit l'entraîner dans sa
chute. Arrêté comme son général, traduit un
an plus tard au tribunal révolutionnaire, Ba-
raguey-d'Hilliers fut acquitté , mais ne fut
remis en activité qu'en 1795. Employé dans
l'armée de l'intérieur, ensuite à l'armée d'Ita-
lie, il s'empara de Bergame par une surprise
heureuse, puis de Venise, dont Bonaparte lui
donna le commandement, qu'il gardajusqu'au
moment où cette malheureuse ville fut livrée
à l'Autriche. Appelé à faire partie de l'expé-
dition d'Egypte, il fut chargé, après la prise
de Malte, do ramener en France une partie
des richesses conquises dans cette île. Pris
en mer par les Anglais, avec sa précieuse
cargaison, il demeura plusieurs mois prison-
nier, et fut encore une fois destitué. Réintégré
Eeu de temps après , il joua un rôle actif et
rillant dans les campagnes d'Allemagne et
d'Espagne, commanda en 1812 une division,
de la grande armée, et partit de Smolensk
pour aller uu-devant de l'empereur et pro-
198
BAR
BAR
BAR
BAR
têger sa retraite ; mais il tomba au milieu de
plusieurs corps ennemis et fut obligé de capi-
tuler. C'était un des bons généraux et l'un
des plus anciens de l'armée. Néanmoins, Na-
poléon le traita fort durement, le suspendit
et ordonna une enquête sur sa conduite. Pé-
nétré de douleur, le malheureux, général tomba
malade en se rendant en France et vint
expirer à Berlin. Barbier lui attribue les Mé-
moires posthumes de Custine, rédigés par un
de ses aides de camp (Hambourg et Francfort).
BARAGUÉY-D'HILLIERS (Achille, comte),
maréchal de France, fils du précédent, né
à Paris en 1795. Il fut soldat dès l'enfance,
eut le poignet gauche emporté par un boulet,
à la bataille de Leipzig, se rallia d'enthou-
siasme aux Bourbons restaurés, entra dans la
garde royale, fit partie de l'expédition d'Alger,
en 1830, et gagna les épaulettes de colonel.
Nommé par le gouvernement de Louis-Phi-
lippe commandant en second de l'école de
Saint-Cyr (1832), il y réprima un mouvement
républicain, commanda de 1836 à 1840 l'Ecole
polytechnique , fut ensuite envoyé en Algérie,
où il eut le duc d'Aumale sous ses ordres.
Lieutenant général en 1843 et chargé du com-
mandement de Constantine, il fut mis en dispo-
nibilité l'année suivante, à la suite de quelques
revers. Les Arabes l'avaient surnommé le
Père du bras, par allusion à son honorable
mutilation. Lors de la révolution de Février,
il était depuis peu de temps inspecteur général
d'infanterie; le gouvernement provisoire lui
confia le commandement militaire de Besan-
çon, et il fut élu par le Doubs représentant à
la Constituante , puis à la Législative , où il
vota avec la droite sur toutes les questions
importantes. Toutefois, il s'en sépara pour se
rapprocher de l'Elysée, remplaça le général
d'flautpoul à Rome, puis le général Cnangar-
nier dans le commandement de l'armée de
Paris, poste qu'il conserva six mois. 11 appuya
le coup d'Etat du 2 décembre. Lors de la
guerre contre la Russie, il reçut le commande- ■
ment du corps expéditionnaire de la Baltique,
et s'empara de la forteresse de Bomarsund.
Ce succès brillant lui valut le bâton de maré-
chal et un siège au Sénat, dont il devint l'un
des vice-présidents. Depuis, il a pris une part
active et brillante à la campagne d Italie(l859),
où il a gagné la bataille de Marignan.
BARAHONA Y SOTO (Louis de), poëte
espagnol, né a Lucène (Andalousie), florissait
à fa fin du xvrs siècle. Il avait donné une tra-
duction d'Ovide, aujourd'hui perdue, une con-
tinuation du Rolanà de l'Arioste, dont la pre-
mière partie est intitulée Larmes d' Angélique ;
des satires et églogues; des épltres, etc. Cer-
vantes fait le plus grand éloge de ce poëte,
et, dans son Don Quichotte, quand le curé jette
tous les livres du chevalier par la fenêtre,
non-seulement il fait grâce aux Larmes d'An-
gélique, mais il en parle avec le plus vif en-
thousiasme.
BARAILLE s. f. (ba-ra-llo; II. mil.). Pop.
Querelle, dispute : Chercher baraille.
1JARA1LON ou BARAILLON (Jean-Fran-
çois), médecin et conventionnel, né en 1743,
mort à Chambon en 1816. Comme médecin,
il se fit connaître par des mémoires et des
dissertations qui lui valurent cinq médail-
les de l'académie de Montpellier. Comme
homme politique, il se montra partisan zélé de
toutes les réformes, mais ennemi des moyens
extrêmes. Les questions relatives à l'ensei-
gnement public lui fournirent l'occasion de
prononcer plusieurs discours, où il développa
des idées neuves, dont quelques-unes sont
peut-être pleines de vérité. Il iit partie du
conseil des Anciens, et, après le 18 brumaire,
il siôga au corps législatif, dont il fut élu pré-
sident en 1801. Rendu à la vie privée en 180G,
il retourna à Chambon, où il reprit l'exercice
de la médecine, tout en se livrant à des études
archéologiques qui le mirent à même de pu-
blier un ouvrage important , sous le titre do
Recherches sur les peuples cambiovicenses.
BARA1TCH ou BERAYTCH, ville de l'in-
doustan. dans l'ancien roy. d'Aoude ou Oude,
à 100 kil. N.-O. d'Oude, et 80 kil. N.-E. de
Luchnow. Grande ville , ch.-l. d'un district
arrosé par le Cograh et le Rapty, et annexé
aux possessions anglaises en 185G.
BARAK1BA, célèbre docteur juif, nommé
aussi Akiba-ben-Joseph, et, par abréviation,
Alciba tout court, qui vivait à la fin du i« et
au commencement du ne siècle de notre ère.
11 était le disciple et le successeur du rabbin
connu sous le nom de Oamaliel, et comptait
au nombre des plus fameux docteurs de la
Mischnah. Il joua un rôle actif dans la grande
insurrection juive à la tête de laquelle se trou-
vait le Fils de l'Etoile, Barcochebas. Les
Romains, après la prise de Béthar, mirent un
grand nombre de Juifs à mort, et Barakiua
fut condamné à être écorché vif. Il fut en-
terré à Tibériade, où son tombeau attira plus
tard, de tous les points de la Judée, une af-
fluence considérable de pieux visiteurs. On
lui attribue la composition du célèbre livre
Sepher Jesirah, qui contient les principes fon-
damentaux de la doctrine cabalistique. Cet
ouvrage a été publié, avec une traduction la-
tine, à Amsterdam (1642-1644), et Frédéric de
Meyer en a donné, a Francfort, une version
allemande (1832).
BARAL s. m. (ba-ral). Petit baril, en Pro-
vence et dans le Languedoc, il Mesure de
capacité, autrefois usitée dans les mêmes pays.
BARALIPTON (ba-ra-li-pton). Log. Terme
barbare et purement mnémotechnique, forgé
et usité dans les écoles du moyen âge pour
designer un syllogisme dont les prémisses
étaient générales et affirmatives, et la con-
clusion particulière et affirmative. Voici au
moyen de quel système ingénieux un seul
mot en disait si long : A figurait une propo-
sition générale et affirmative ; E, une propo-
sition générale et négative ; /, une proposi-
tion particulière et affirmative; O, une pro-
position particulière et négative. De là les
deux vers techniques :
Assert; A, negat E, verum generalitcr ambo;
Asserit I, negat O, sed particulariter ambo.
Ainsi_, le syllogisme, en baralipton, pouvait
être indiqué par A AI. Mais, pour aider la
mémoire ," on imagina de forger, avec ces
voyelles, des mots qui eussent au moins l'air
de signifier quelque chose, tels que barbara,
celarent, barali-pton, etc. Puis, pour qu'on
les retînt mieux encore, on en fit quatre
vers :
Bkrbkrk, cEJArEnf, DA.rU, f ErlO, oÀrAIIpton,
CA(En(Ej, dAbllU, fAwEsmO, /VEsIiOmorum,
CEsArE, cAmEsIrEs, [EstlnO, bArOcO, dArAptl.
FElAplOn, dlsAmls, dAtlsï, bOcArdO, fErlsOn.
En tout, dix-neuf syllogismes concluants sur
les soixante-quatre combinaisons possibles
avec les quatre voyelles A , E , I , O. — On
voit, d'ailleurs, que les syllabes pion et mo-
rum sont là pour la mesure.
— Argumenter en baralipton, Tirer une
proposition particulière affirmative de deux
prémisses générales affirmatives : Dix heures
par jour, il dispute en baralipton. (H. Taine.)
Il Voici un exemple d'argument en bara-
lipton :
BA Tout mal doit être craint;
RA Toute passion violente est un mal;
LI Donc, ce qu'il faut craindre, c'est une passion
violente.
— Encycl. Il est difficile d'assigner une date
à l'invention de ce jargon scolastique, ou d'en
découvrir l'inventeur. Les savants du moyen
âge étaient modestes, et étudiaient ad majo-
rent Dei gloriam. Mais l'emploi de ce système
dans les écoles doit remonter à l'époque où lu
logique d'Aristote pénétra en France. C'est
une inspiration de ce grand génie de l'analyse ;
elle domina tout le moyen âge,, et nous la
voyons encore en honneur au xvnc siècle,
dans la Logique de Port-Royal. Mais alors on
commence à s'en moquer. Le grand Amauld
s'en plaint dans sa préface : « On n'a pas cru
devoir s'arrêter au dégoût de quelques per-
sonnes... qui font des railleries assez froides
sur baroco et baralipton... » Plus tard, Mo-
lière, le grand moqueur, se raille en passant
do ce langage grotesque : « — Le docteur
Pancrace : Je vous prouverai on toute ren-
contrent par arguments in barbara, que vous
n'êtes qu'une pécore... »
Aujourd'hui , ces termes cabalistiques no
sont plus guère l'objet que d'une curiosité ar-
chéologique, et le système tout entier est taxé
de baroque, du mot baroco, qu'il nous a fourni
lui-même. Mais ce n'est point le seul bénéfice
qu'en ait retiré la langue française. On recon-
naît généralement qu'il y avait là une analyse
subtile et profonde de l'opération de l'enten-
dement, une rude et forte discipline de la rai-
son, et que le génie français doit bien quelque
chose de sa netteté, de sa force, de sa sou-
plesse, a ce système, qui ne mérite guère
moins que Socrate le titre d'accoucheur des
esprits.
barallo r s. m. (ba-ra-lo). Hist. relig.
Membre d'une petite secte chrétienne qui
prit ■naissance à Bologne, et qui admettait
la communauté des biens et des femmes, n On
dit aussi baralotte.
BARALOU s. m. (ba-ra-lou). Bot. Nom vul-
gaire du balisier, il On l'appelle aussi u.\-
ROULOU.
BARALT (Rafaël-Maria), publiciste hispano-
américain, né, au commencement du siècle, h
Maracaïbo (Venezuela), a composé et fait im-
primer en France, avec le concours de M. Ra-
mon Diaz , un Précis de l'histoire de Vene-
zuela, depuis le xv> siècle jusqu'à l'année 1837
(Resumen de la historia de Venezuela, Paris,
1841, 3 vol.). Cet ouvrage offre, dit-on, beau-
coup d'intérêt; mais, à 1 exception de quelques
exemplaires, l'édition entière a été transpor-
tée en .Amérique. Depuis, ce publiciste s'est
fixé à Madrid, où il a été attaché à la rédac-
tion du journal démocratique el Clamor pu-
blico. -
baram s. m. (ba-ramm — nom de localité).
Miner. Usité dans la locution pierre de Ba-
ram, Pierre ollaire dont les Egyptiens se ser-
vent pour faire certaines poteries économi-
ques, et même des marmites propres à cuire
les aliments.
BARAMARECA s. m. (ba-ra-ma-re-ka). Bot.
Sorte do plante qui croit au Malabar.
BARANDAGE s. m. (ba-ran-da-je — rad.
barander). Pêche prohibée, faite au moyen
d'un filet qui traverse complètement ou barre
une rivière.
— Encycl. La pê*che au barandage se fait
comme il suit : Après avoir tendu un large
filet en travers d'une rivière, on bat l'eau pour
effrayer le poisson et le pousser du côté où
est l'engin. Ce résultat obtenu, on replie le
filet en demi-cercle sur un des bords, et l'on
f>rend, à l'épervier ou de toute autre manière,
e butin qui s'y trouve emprisonné. La pêche
au barandage étant des plus destructives est
prohibée par la loi.
barander v. n. ou tr. (ba-ran-dé — rad.
barrer). Pêch. Faire la pêche prohibée dite
barandage.
BARANGE s. f. (ba-ran-je — de barrer).
Techn. Mur établi dans le fourneau d'uno
saline.
BARANOFF (Nicolas de), peintre russe
contemporain, sourd et muet, né dans l'Es-
thonie en 1810, montra de bonne heure des
dispositions naturelles et une passion ardente
pour la peinture. En 1859, il fut envoyé, comme
pensionnaire du czar, à l'Académie des beaux-
arts de Berlin, où il se forma sous la direc-
tion de Wach. Il peignit, pour la czarine, di-
vers tableaux qui furent très-goûtés à Saint-
Pétersbourg, entre autres un Héraut d'armes,
un Chasseur auquel une jeune fille offre à
boire, et un autre Chasseur écoutant le chant
de deux jeunes filles.
BARANOV (Alexandre- Andrevitch), gouver-
neur des possessions russes en Amérique,
mort en 1810. Livré de bonne heure au com-
merce, il passa une partie de sa vie au milieu
des aventures de la mer et dans les luttes de la
colonisation, passa en Amérique dès 1790, aug-
menta les possessions russes au nord-ouest de
cette partie du monde, fonda des factoreries,
des colonies, et établit des rapports commer-
ciaux avec les Etats-Unis, la Californie, Can-
ton, Manille, etc. Il fut anobli par le gou-
vernement russe.
BARANOVITII (Lazare), théologien et poète
russe, mort en 1C93. Il était archevêque de
Tchernigov, et il défendit énergiquement l'E-
glise gréco-russe contre les attaques des jé-
suites polonais. On a aussi de lui un poëme
sur les Vicissitudes de la vie humaine (1678)
et quelques autres écrits.
BARANOW, bourg de l'empire d'Autriche,
dans la Gallicie, sur la Yistule, à 62 kil. N.-E.
de Tarnow; 1,000 hab. Vieux château con-
struit par Etienne Bathory ; défaite des Polo-
nais, en 1050, par Charles-Gustave, roi de
Suède, il Nom de deux autres villages polo-
nais, situés, l'un sur la Wieprz, 1,350 hab.,
dans le district de Lublin ; l'autre, dans le
district de Mazovie.
BARANOWSK1 ou BARANOVIIJS (Albert),
théologien polonais, mort en 1615, fut succes-
sivement êvêque de Przeinisl et de Wladisla's
et archevêque de Gnesen. Il a laissé plusieurs
ouvrages de théologie et de discipline ecclé-
siastique, la plupart relatifs aux diocèses qu'il
a administrés. ^
BARANTE (Claude-Ignace Brugiere de),
littérateur, né à Riom (Auvergne) en 1670,
mort en 1745. Il étudia le droit à Paris, où il
vécut dans la société de Le Sage, Furetière
et autres écrivains, et retourna ensuite dans
sa ville natale, où il conquit une place bril-
lante au barreau. Il a donné quelques comé-
dies pour la scène italienne, une traduction
d'Apulée, un Recueil des plus belles épigrammes
des poètes français, depuis Marot (1698), ainsi
que divers autres écrits.
BARANTE (Claude-Ignace Brugiere baron
de), littérateur et magistrat, petit-fils du pré-
cédent, né a Riom en 1755, mort en 1814. 11
remplit, dans sa province, quelques fonctions
de magistrature , fut nommé , en 1800, pré-
fère Carcassonne, puis do Genève, et rem-
placé, dans ce dernier poste, en 1810, sans
doute parce qu'il n'avait pas assez de ce zèle
sans bornes qu'exigeait Napoléon. 11 adonné :
iiUroductïon d l'étude des langues (1791); Elé-
ments de géographie (1790), plusieurs fois
réimprimés ; Essai sur le département de
l'Aude (1S02) ; Examen du principe fondamen-
tal des Maximes, en tête d'une édition des
Maximes de La Rochefoucauld ; des articles
dans la Biographie Michaud; des morceaux
dans divers recueils, etc.
BARANTE (Amable-Guilbiume Prosper Bru-
gière, baron de), historien, publiciste et homme
d'Etat, fils du précédent, né à Riom en 1782,
mort en 1800. Il fut auditeur au conseil d'E-
tat (1800), chargé de missions diplomatiques,
préfet de la Vendée, puis de Nantes, con-
seiller d'Etat au retour des Bourbons, qu'il
accueillit avec enthousiasme, député, direc-
teur des contributions indirectes, commissaire
du roi à la chambre des députés, enfin, pair
de France et ambassadeur. Comme homme
politique, il figura avec quelque éclat, sous la
restauration, dans les rangs do la minorité
royaliste qui acceptait quelques-uns des prin-
cipes de la Révolution, et qui formait la nuance
la plus pâle du parti libéral. Le gouvernement
de Juillet, auquel il se rallia dès la première
heure, le compta constamment au nombre dos
ministériels les plus intraitables et les plus
zélés, et lui donna l'ambassade de Saint-Péters-
bourg. Comme historien, M. de Barante a ob-
tenu un des plus brillants succès de l'école
historique moderne, par son Histoire des ducs
de Bourgogne, qui lui ouvrit les portes de
l'Académie. Appliquant à la lettre le précepte
de Quintilien : Scribitur ad narrandum, non ad
probandum, il extrait son récit des chroniques
contemporaines, des documents originaux ; il
décrit, il narre, il ne discute ni ne conclut; il
î.e songe pas à faire résulter telle opinion pré-
cise du tableau des événements et des mœurs,
et se contente d'exposer les faits, laissant au
lecteur la liberté de ses appréciations. Ce sys-
tème purement descriptif, et qui était une réac-
tion contre l'école philosophique du dernier
siècle, a eu de nombreux imitateurs, mais qui
se sont souvent égarés sur les pas du maître.
Lui-même en sentait les imperfections, et il
ne l'a pas toujours rigoureusement appliqué,
fort heureusement pour son œuvre; car il est
certain que l'idéal d'une telle méthode serait
l'absence de souffle moral et l'indilférence
absolue. Le sujet de cette histoire était, au
reste , heureusement choisi ; elle offre tout
l'intérêt d'un poème épique et abonde en
peintures pittoresques, en épisodes dramati-
ques. Il faut ajouter qu'elle est basée sur une
grande quantité de documents, qui, peu étu-
diés jusque-là, donnaient au récit tout l'attrait
de l'inconnu : cent quarante-trois mémoires
et chroniques imprimés, près de cent quatre-
vingts manuscrits , ornés de vignettes , qui
permettaient h l'historien do se pénétrer des
usages et des mœurs du temps , tels furent
les matériaux de ce beau et solide travail, qui
plaça son auteur au rang des historiens les
plus éminents, au-dessous cependant des Sis-
mondi, des Guizot et des Augustin Thierry.
M. de Barante a encore publié un assez grand
nombre d'opuscules politiques, un J'oMenit de
la littérature française au xvmc siècle (1808),
ouvrage inférieur à celui de Chénier, très-
légèrement écrit, et conçu dans cet esprit do
réaction politique et religieuse, mis en vogue
par Chateaubriand; des articles dans la' Bio-
graphie universelle de Michaud, des notices,
quelques traductions et divers autres écrits.
C'est aussi lui qui a rédigé les Mémoires de
jl/me de La Rochejacquelein, sur les notes do
cette dame. La révolution de Février rejeta
définitivement dans le camp du passé l'ingé-
nieux et brillant historien des ducs de Bour-
gogne, qui appartenait d'ailleurs à une géné-
ration dont le libéralisme aristocratique n'était
pas sans analogie avec le torysme anglais. Sa
répugnance pour la démocratie se manifesta
dans divers écrits politiques , surtout dans
son Histoire de la Convention nationale (1851-
1853), et dans celle du Directoire (1855). qui
sont loin d'avoir ajouté à sa réputation. Chose
remarquable, il se garda bien d'appliquer ici
son fameux précepte : Ecrire pour raconter,
non pour prouver. Ces morceaux, d'un mé-
diocre'intérêt d'ailleurs, sont, en effet, non
de simples et calmes narrations, mais des
thèses de contre-révolution, des plaidoyers
de parti, empreints de la plus aigre partialité,
et qui, en outre, fourmillent d'erreurs et pas-
seraient pour de fort plates compilations, s'ils
n'étaient pas signés d un nom aussi respecté.
BARANYA, comitat des Etats autrichiens,
royaume de Hongrie, çrovince d'CEdenbourg,
90 kil. de long sur 65 kil.de large; 207,000 h.;
ch.-l. Tunfkirchon. Ce comitat, qui comprend
le territoire voisin du confluent de la Bravo
et du Danube, offre de vastes marécages le
long de ces deux rivières; mais, dans les au-
tres parties, il est très-fertile en céréales, lin,
chanvre, tabac et vins.
BARANZANE ou BARANZANO (Jean -An-
toine, surnommé Rcdemptus), savant piémon-
tais, né à Serravallo en 1590, mort h Montargis
en 1622. Il entra dans l'ordre des barnabites,
qui le chargèrent, fort jeune, de professer la
philosophie dans leur collège d Annecy. Il
protesta, l'un des premiers, contre la fausseté
des systèmes qui dominaient dans les écoles
sous le nom et l'autorité d'Aristote. Il se mit
en rapport avec les savants les plus illustres
de l'époque, et notamment avec Bacon. En-
voyé en France pour y fonder des maisons do
son ordre, il réussit à obtenir les autorisa-
tions nécessaires, et mourut à trente-trois ans,
dans le couvent établi par ses soins à Mon-
targis. Ses principaux ouvrages sont : lira-
noscopia, seu de cœlo ; Novœ opiniones phy
sicœ; Campus phy sicus, etc.
BARAQUE s. f. (ba-ra-ke — bas. lat. ba-
raca, môme sens). Hutte ou logement provi-
soire, établi dans un camp pour abriter les
soldats : En rentrant dans nos baraques, nous
désirions tous une bataille. (Etienne.)
— Par anal. Hutte qui sert d'abri aux pê-
cheurs. 11 Construction en planches servant à
abriter dos ouvriers ou des outils : Combien
de temps encore nous faudra-t-il subir les
échafaudages, les baraques et les échoppes?
(Vitet.) Au milieu de la place de Strasbourg'
s'élève une baraque en bois, d'où sortira,
dit-on, un monument pour Kléber. (V. Hugo.)
Il Abri ou boutique de planches, on plein vent :
Une baraque de savetier. La baraque d'un
saltimbanque. Les baraques de la foira. Sans
la baraque des marionnettes, j'étais probable-
ment pris et pendu. (G. Sand.) Je restai deux
heures dans la baraque roulante de ce saltim-
banque. (P. Féval.)
— Par ext. Maison miscraolc, mal bâtie :
Quelle pitoyable baraque.' Heureusement le
vent la démolira.Quand on approche, le pres-
tige s'évanouit ; les palais ne sont plus que des
baraques vermoulues, (Th. Gaut.)
Maintenant, dans votre haramte, 1
Si la misère vous attaque,
Allez réclamer quelque appui....
Chacun vous tournera casaque :
Voilà les omis d'aujourd'hui.
BltAZIER.
— Fig. Demeure provisoire : Le corps est
la baraque oti notre existence est campée. (J.
Joubert.)
Par dénigr. Etablissement qui traite niai
BAR
BAR
BAR
BAR
199
ses employés ou sert mal ses clients; maison,
administration mal dirigée : Qui pourrait
vivre dans une pareille baraque? J'entrai
dans une auberge ; c'était le diable, bien sûr,
qui m'avait amené dans cette baraque où l'on
ne pouvait ni boire ni manger. (Champfleury.)
Le ministre et le chef de division sont exi-
geants pour lui, et le piocheur menace de
quitter la baraque. (Balz.) Je suis dans une
vraie baraque, chez des avaricieux qui me
coupent le pain. (M. de St-Hil.)
— Argot de collège. Armoire où les éco-
liers enferment leurs papiers et leurs livres :
Outre ces causes de corruption, il se trouvait
dans nos salles d'éivdes des baraques où cha-
cun mettait son butin. (Balz.)
BARAQUÉ, ÉE (ba-ra-ké) part. pass. du v.
Baraqucr : Des troupes baraquées. L'aspect
d'un camp baraqué n'est pas aussi pittoresque
que celui d'un camp sous la tente. (Mellot.)
BARAQUEMENT s. m. (ba-ra-ke-man —
rad. baraquer.) Art ou action de baraquer,
d'établir des troupes sous des baraques :
Depuis le xviic siècle, le baraquement s'est
bien perfectionné. (Walsh.) Le baraquement
des troupes en campagne ne devrait avoir lieu
que quand les circonstances ne permettent pas
de loger les soldats autrement. {Gén. Bardin.)
il Matériel servant à baraquer un corps de
troupes : L'armée abandonna les bagages et le
baraquement.
BARAQUER v. n. ou intr. (ba-ra-ké — rad.
baraque^) Art milit. S'établir sous des bara-
ques : Les troupes vont baraquer.
— v. a. ou tr. Etablir sous des baraques ,-
Baraquer les soldats.
Se baraquer v. pr. So construire des bara-
ques, s'établir sous des baraques : Les soldats
n'eurent pas le temps de se baraquer. (Acad.)
BARAQUETTE s. f. (ba-ra-kè-te.) Mar. Sorte
de poulie composée de deux ou trois rouets
établis les uns au-dessous des autres, dans la
même caisse.
— Pathol. Nom vulgairo d'une épidémie
catarrhale qui sévit en 1761.
BARAQUILLE s. f. (ba-ra-ki-lle,z;, mouill.)
Art culin. Pâté de viandes hachées.
UARAKDJ AN , nom d'une des principales
routes de Perse, qui conduit de Merw à Mad-
jan. 11 est probable que ce nom, défiguré par
les Arabes, est l'abréviation du mot persan
Burader-djan (l'âme du frère). Plusieurs sa-
vants arabes ont porté le nom de Barardjan ;
on cite, entre autres, Abou-Mohammed-Kacem
ben Mohammed-Barardjan, iitian célèbre par
son savoir. Il On dit aussi Berardjan.
baras s. m. (ba-râss). Nom donné par les
Arabes à une espèce de lèpre.
BARAS (Marie-Marc-Antoine) , économiste
français, né à Toulouse en 1764, mort en 1794.
Il fut d'abord avocat au parlement de Tou-
louse, mais il renonça au barreau pour se
livrer à l'étude de l'économie politique. Ayant
fait un voyage à Paris, il entra en relations
avec Condorcet , Bailly et Rabaut - Saint -
Etienne. En 1701, élu membre du conseil mu-
nicipal de Toulouse, il se montra plein de zèle
pour les améliorations réelles , mais ennemi
de tous les excès. Cette modération lui fut
fatale ; dénoncé comme fédéraliste, il fut ap-
pelé à Paris devant le tribunal révolutionnaire
et condamné à mort. On a de lui un traité
d'Arithmétique politique (Paris, 1790, in-S°);
un Eloge du docteur Priée (Toulouse, 1791),
in-4°; et un Tableau de l'instruction publique
en Europe, 2 vol. in-8°, très-rares.
BARASSA , dame provençale d'une noble
maison, dont le nom a été assez triste-
ment immortalisé par une de ces anecdotes
scandaleuses que Brantôme , en ses Dames
galantes, raconte avec tant de sans-gêne , La
Fontaine en ses Contes avec tant de finesse.
Sans avoir la finesse de l'un et, à défaut de
finesse, le sans-gêne de l'autre, essayons de rap-
porter le fait que rappelle le nom de Barassa.
Gasbert, troubadour limousin du commen-
cement du xmc siècle , et duquel on a un
poème sous ce titre : Las Bausias d'amour
(les joies de l'amour), était amoureux de Ba-
rassa; mais il n'était ni prince, ni comte, pas
même chevalier, et il n'était pas encore le
poëte applaudi de toutes parts et qu'on fêtait,
oubliant sa roture. La très-noble et hautaine
damoiselle refusa ses hommages.
Cependant Gasbert composa en l'honneur
de celle qu'il aimait des tensons si pleins d'a-
mour ardent et timide à la fois, des tensons
si jolis, que sa réputation de poëte peu à peu
se fit jour, grandit, et que la cruelle dont le
nom était dans toutes les bouches lui fit dire
que i lorsqu'il aurait été fait chevalier, elle
serait fort contente de l'épouser. »
Gasbert écrivit tant de beaux vers, que Sa-
vari, son maître, le fit mettre à genoux et le
frappa trois fois du plat de sou épée, en pro-
nonçant la formule consacrée. Le poète che-
valier, court alors et bien vite vers sa belle,
qui l'accueille avec joie et accepte sa main.
A quelque temps de là, Savari était envoyé
en Espagne comme ambassadeur et emmenait
avec lui Gasbert, son serviteur. Barassa, res-
tée seule et désolée, pleurait, lorsque survint
un chevalier normand qui la consola, et la
consola si bien qu'il lui fît oublier son poète,
son époux, obtint ses plus douces faveurs, en-
fin la conduisit à Arles, où bientôt il l'aban-
donna déshonorée et misérable.
Il y avait longtemps de cela. Gasbert revint
enfin et, passant à Arles , alla loger dans une
maison, lieu assez mal famé , étant fréquenté
parles gens d'armes. La nuit venue, il rentra
en son appartement et, dans son lit, ainsi
qu'il l'avait commandé à l'hôtesse, trouva une
fille folle, folle de son corps dont elle faisait
trafic... C'était Barassa.
A quelques jours de là, l'infidèle épouse
pleurait et priait dans la cellule d'un couvent
d'Avignon, où bientôt après elle mourait re-
pentante et en odeur de sainteté.
Quant à Gasbert, oneques on ne l'entendit
chanter depuis, quelque prière qu'on lui fit ;
toujours éloigné de ses compagnons d'armes ,
seul, triste, abattu, sans vie en apparence, on
ne le revoyait, comme autrefois, plein d'ar-
deur que pour affronter follement la mort
dans toutes les occasions que, fréquemment
alors, lui offrait la guerre civile; un jour même,
dans une rencontre entre les Marseillais ré-
voltés et les troupes de Charles I", comte
d'Anjou et de Provence, on le crut un instant
perdu pour toujours. Il n'en était rien, la mort
semblait ne vouloir pas de lui.
Alors Gasbert déposa l'épée du soldat ,
comme il avait déjà renoncé à la vielle et à
la mallette du troubadour, et alla frapper à
la porte du monastère de Pignan (Hérault),
où il mourut en 1263.
BARAT s. m. (ba-ra. — Les langues néo-
celtiques ont conservé presque intacte cette
ancienne racine, comme on peut le voir par
les quelques exemples ci-contre : en breton
èara d,tromperie, trahison ; en gallois, bradwr,
un trompeur, bradu, trahir, brad, trahison ;
en écossais et en irlandais brath, fourberie,
etc.). Ane. dr. Dol, fraude, tromperie ; d'où
baraterie. Ce vice a été personnifié dans le
Chemin de pauvreté et de richesse de Jean
Bruyant, notaire au Chàtelet, composé on
1342 et cité dans le Ménagier de Paris (Paris,
1S47, 2 vol. in-so).
Es vois un homme à moi venir
Qui bien semblait estre advocas
Qui parler sceut en tous cas
Coiffe et habit fourré portait
Et richement se déportait
Preudhomme semblait et sans riot
Clerc et valet avec lui ot
Le maître fut Bavai nommés.
Et ce ne fut pas mesnommés.
(Tome II, p. 24.)
Il Brevet d'interprète délivré, dans les Etats
du Levant, par tes agents diplomatiques à
des indigènes qui font le service de drogmans
auprès des consulats et des ambassades. Les
drogmans investis du barat ont des insignes et
un costume particuliers. De plus, par une fic-
tion de droit, ils relèvent, pendant le temps
que durent leurs fonctions, do la juridiction
du pays auquel ils sont attachés. Le barat
est deveuu une sorte de'cliarge que le titu-
laire peut vendre en faisant agréer son ac-
quéreur. Les barats de France et d'Angleterre
sont les plus recherchés.
BARAT (Nicolas), orientaliste français, né à
Bourges vers le milieu du xvn<= siècle, mort
en 1706. Elève de Richard Simon, il fut le
collaborateur du père Thomasam pour son
Glossarium universale hebraicum, dont il pu-
blia plus tard une nouvelle édition. Il aida
aussi de ses lumières J.-B. Duhamel pour son
impression de la Bible (Paris, 1706, in-fol.). Il
était entré comme élève à l'Académie des in-
scriptions et belles-lettres, et, après sa mort,
son éloge fut prononcé par l'abbé Paul Talle-
mant. 11 laissa un ouvrage qui fut publié en
1714, à Amsterdam, sous le titre de Nouvelle
bibliothèque choisie,
BARATA (Lorenzo), dessinateur et graveur
italien, travaillait à Rome vers 1G29 et fut
nommé à cette époque professeur au collège
des peintres à Utrecht. M. Ch. Blanc lui at-
'tribue une suite de dix Vues de monuments
antiques de Rome, que Heinecken croit avoir
été exécutés par Alexandre Baratta.
BARATARIA (île de), Ile imaginaire dont
Sancho Pança, écuyer de don Quichotte, ob-
tint le gouvernement, et où il éprouva, sous
une forme ultra comique, tous les désagré-
ments attachés à la puissance. Les écrivains
font de fréquentes allusions à la royauté éphé-
mère et pacifique de Sancho, aux déboires que
lui valut cette royauté d'un jour et surtout à
sa manière de rendre la justice, fonction qu'il
sut remplir avec une bonhomie doublée de
finesse. Nous allons remettre sous les yeux de
nos lecteurs les trois faces sous lesquelles se
manifesta ce gouvernement. Ces détails un
peu longs nous exposent, nous le savons, aux
reproches de la critique ; on ne manquera pas
de nous accuser de prolixité, comme s'il pou-
vait y avoir jamais de la prolixité dans un
travail encyclopédique qui a placé ces deux
mots en tête de son programme : Tout dire.
« Le duc dit à Sancho de se tenir prêt à
partir pour son île , où ses nouveaux sujets
l'attendaient comme on attend la rosée du
mois de mai. — Monseigneur, répondit Sancho
en faisant une profonde révérence, mes sujets,
ainsi que Votre Altesse, sont assurément beau-
coup trop polis ; mais je ne vous cacherai point
que depuis que du haut du ciel j'ai vu la terre
au-dessous de moi plus petite qu'un grain de
moutarde , je ne me soucie plus autant de
devenir gouverneur. Qu'est-ce, en effet, je
vous le demanderque de commander dans un
petit coin d'un grain de moutarde ? Cela vaut-il
la peine de s'en tourmenter ou d'en être fier?
Le plus sage est de s'en tenir à l'état où la
fortune nous a placés; d'y mener une vie
obscure , irréprochable , tranquille , sans se
mêler de gouverner quelques douzaines de
ces petits hommes, qui de près ne sont pas
grand'chose, et d'un peu loin ne sont rien du
tout. — Comment, Sancho! reprit le duc, vous
parlez en vrai philosophe, et vous me prouvez
chaque jour davantage que vous serez un
excellent gouverneur. Au surplus, j'acquitte
ma parole : je vous ai promis une île; elle est
prête. Vous la trouverez belle et bien condi-
tionnée ; c'est à vous de voir si vous la voulez.
— Oh I puisqu'elle est là, monseigneur, et
qu'elle me vient de vous, je ne la refuserai
point, quand ce ne serait que pour prouver
que je m'entends en gouvernement tout aussi
bien et peut-être mieux que tant de bavards
qui en parlent. — Soyez donc prêt demain
matin à vous rendre dans vos Etats. Ce soir
on doit vous apporter les nouveaux habits et
les autres choses nécessaires à votre dignité.
— Comment sont-ils faits ces nouveaux ha-
bits? On aura beau m'habiller de toutes les
façons, je n'en serai pas moins Sancho Pança.
— Sans doute; mais vous savez bien que des
marques extérieures distinguent les diverses
professions : un magistrat n'est pas mis comme
un soldat, un soldat ne l'est point comme un
prêtre. Vous, Sancho, qui devez être à la fgis
et militaire et lettré, vous aurez un vêtement
qui tiendra de l'un et de l'autre. — Je crois
vous avoir dit, monseigneur, que je n'étais
pas un grand lettré, puisque je n'ai jamais su
lire; mais beaucoup de gouverneurs ne l'ont
guère su plus que moi. Quant à mes qualités
militaires, je me bats fort bien lorsque je suis
le plus fort. Voilà tout ce que je peux vous
offrir. ■>
( Ici arrive don Quichotte , qui fait asseoir
Sancho à ses côtés et lui donne des conseils
pour gouverner sagement son royaume.)
i Surtout , corrige - toi de ton habitude de
mêler à tes discours cette foule de proverbes
qui, le plus souvent, sont hors de propos : ce
n'est pas, je te l'ai déjà dit, qu'un proverbe
court et bien appliqué n'ait quelquefois de la
grâce ; mais en les accumulant tu leur êtes
tout leur mérite.
» — Pour ce dernier article, monsieur, inter-
rompit l'écuyer, le bon Dieu seul peut y mettre
ordre. J'ai la tête pleine de proverbes : aussitôt
que je veux parler ils se pressent tous sur mes
lèvres, et quelquefois les meilleurs ne sortent
pas les premiers. Cependant je vous promets
d'y prendre garde. Un bon averti en vautdeux.
Quand la maison est bien fournie, le souper est
bientôt prêt. Il y a du remède à tout, hors à
la mort. Tant vaut l'homme tant vaut la terre.
Il n'est rien tel que d'être le maître. -Quand on
commande et qu'on tient le bâton, il est aisé
de faire ce qu'on veut. L'on n'a qu'à se frotter
à moi, l'on y laissera sa laine. Les sottises des
riches sont des sentences. Il ne faut qu'avoir
du miel, les mouches viennent bientôt. Ma
grand'mère disait souvent : Tu vaux autant
que tu possèdes...
» — Satan puisse-t-il t'emporter ! s'écria don
Quichotte en colère; depuis que je t'ai recom-
mandé de ne plus dire de proverbes, tu en
inventes, je crois, de nouveaux. »
Enfin Sancho, revêtu d'une sïmarre et d'un
manteau mordoré avec la toque pareille, part
pour son île, monté sur un beau mulet suivi
de son âne chéri.
Ici, Cervantes prend la parole et adresse
une invocation à sa muse :
« O toi qui sur un char de flamme parcours
sans cesse les deux hémisphères; flambeau
sacré de l'univers, éternel ornement des cieux,
père immortel de la nature, dieu de Clirysa, de
Sminthe et de Délos , puissant bienfaiteur du
monde, à qui les hommes ont du la salutaire
médecine , la poésie enchanteresse , viens
échauffer mon faible génie du feu divin de
tes rayons ; viens me prêter ta lyre d'or ,
et célébrer avec moi les hauts faits , les
grandes merveilles du gouvernement de San-
cho Pança. «
« Un bourg à peu près de mille maisons, qui
appartenait au duc, composait le puissant Etat
ou Sancho devait donner des lots. On lui dit
que ce bourg s'appelait l'île de Barataria. Aux
portes de sa capitale, Sancho trouva les prin-
cipaux du peuple, qui venaient au-devant de
lui. Les cloches sonnèrent; tous les habitants
témoignèrent une grande joie; notre écuyer
fut porté en triomphe à la paroisse, où il rendit
grâces à Dieu, après quoi les clefs de la ville
lui furent remises, et des crieurs publics le
proclamèrent gouverneur perpétuel de l'île de
Barataria. Le bon Sancho reçut tous ces hon-
neurs en silence, d'un air grave, sans paraître
trop surpris , et tous les habitants étaient
étonnés de la mine, de la barbe épaisse, de la
taille courte et ronde de celui qu'on leur avait
choisi pour maître.
» Au sortir de l'église, Sancho, conduit à la
salle de justice, fut installé sur un siège de
velours, sous un magnifique dais. L'intendant
du duc, qui faisait l'office de maître des céré-
monies, lui dit avec respect : — Seigneur, une
coutume antique et révérée prescrit au nou-
veau gouverneur qui prend possession de cette
île de commencer par juger deux ou trois
causes un peu difficiles, afin que son peuple,
témoin de sa sagesse, se réjouisse d'avance
de la félicité dont il doit jouir : Votre Sei-
gneurie ne refusera point sans doute de se
soumettre à cet usage.
» Sancho , satisfait de lui-même , écoutait
avec complaisance les justes éloges qu'on lui
prodiguait, quand une femme éplorée arrive,
tenant à la gorge un jeune berger, et criant :
— Vengeance ! vengeance ! ce scélérat que
vous voyez m'a trouvée seule au milieu des
champs j il s'est prévalu de sa force pour
m'enlever le bien le plus cher, le plus précieux
à une honnête fille, le bien qu'à travers mille
périls j'avais, avec tant de peine, conservé
depuis plus de vingt ans, et que j'étais loin de
garder pour un pareil misérable*. Justice,
justice , seigneur gouverneur ! — Je vais vous
la rendre , répondit Sancho ; mais c'est au
jeune homme à parler. — Hélas 1 seigneur,
reprit celui-ci, je n'ai pas grand'chose à dire.
Je suis un malheureux porcher; ce matin
j'étais venu vendre au marché quatre cochons,
sauf votre respect, que j'ai même donnés pour
moins qu'ils ne valaient. En retournant à mon
village, j'ai rencontré cette brave femme, qui
m'a dit bonjour d'un air amical. Amicalement,
j'ai répondu bonjour, et nous nous sommes
mis à causer ensemble. Le diable, qui se mêle
de tout, s'est mêlé de notre conversation;
mais je vous assure , et je suis tout prêt à
l'affirmer par serment, que cette bonne dame
n'a point trouvé mauvais que le diable s'en
mêlât. Elle est à présent bien méchante , elle
était alors douce comme un mouton.
» — Cela n'est pas vrait interrompt la femme
en criant ; je me suis longtemps défendue, je
n'ai cédé qu'à la force, et je demande, selon
les lois, des dommages et intérêts. — Cela est
juste , reprit le gouverneur. Jeune homme ,
vous avez sur vous de l'argent? — Hélas 1
seigneur, j'ai vingt ducats, prix des cochons
que j'ai vendus; les yoilà dans une bourse.
— Donnez cette bourse à la plaignante, et ne
vous arrêtez plus une autre fois à causer
amicalement. La femme aussitôt pritlabourse,
donna mille bénédictions à l'excellent gou-
verneur qui venait au secours des filles mal-
heureuses, lui fit une douzaine de révérences,
et s'en alla toute consolée. Dès qu'elle fut hors
de la porte , Sancho dit au berger qui pleu-
rait : — Mon ami, cours après ta bourse; elle
est à toi si tu la reprends. Le jeune homme ne
se le fait pas répéter; il part comme un trait,
et les spectateurs ne peuvent deviner encore
quelle est l'intention du gouverneur.
» Au bout de quelques instants, on voit re-
venir la plaignante, échevelée, les yeux en
feu, les bras levés, tenant sa bourse dans son
sein, et menaçant d'un air furieux celui qui
cherchait à s'en emparer. — Qu'est-ce donc?
s'écria Sancho. — C'est ce voleur, répondit la
femme, qui, malgré votre jugement, en plein
jour, devant tout le monde, veut me reprendre
cette bourse ; mais pour en venir à bout il en
faudrait bien quatre comme lui. Ah ! qu'il ne
connaît guère celle qu'il attaque ! Allez, allez,
petit garçon, mes poings sont plus forts que
tes vôtres. — Ma toi, je l'avoue , dit le jeune
homme essoufflé,. je renonce à mon entre-
f irise ainsi qu'à mes pauvres ducats. — Val-
ante fille 1 s'écria alors Sancho, rendez cette
bourse à cet homme : si vous aviez défendu
votre honneur comme vous défendez votre
argent, rien ne vous serait arrivé. Sortez tout
à l'heure, effrontée ! et si vous osez jamais
reparaître dans mon île, je vous ferai donner
deux cents coups de bâton. L'admiration qu'on
avait déjà pour la sagesse du gouverneur fut
portée à son comble par ce trait.
» De la salle de justice , Sancho fut con-
duit au palais qui devait être sa demeure.
Là , dans une vaste salle , était dressée uno
grande table , couverte d'excellents mets.
Notre gouverneur, qui mourait de faim, so
hâta de remplir son assiette ; mais à peine
il portait à sa bouche le premier morceau,
qu'un grand personnage noir placé au bout
de la table baissa sa baguette, et sur-le-champ
l'assiette et le plat furent emportés. Le maître
d'hôtel diligent vient présenter un autre
mets : le gouverneur veut en goûter ; la ba-
guette arrive avant lui , le mets disparaît
comme l'autre. Surpris et peu satisfait de cette
promptitude à dégarnir la table , Sancho de-
mande à l'homme à la baguette si la coutume
du pays est de dîner comme l'on joue à
passe-passe. — Non, seigneur, répond le grand
personnage : j'ai l'honneur d'être le médecin
des gouverneurs de cette île ; cette place, qui
me fait jouir de fort gros appointements, me
prescrit le soin d'étudier le tempérament, la
complexion de monseigneur, afin de lui faire
éviter tout ce qui pourrait être nuisible à sa
précieuse santé. Pour cela, j'assiste toujours
a ses repas, et je ne lui laisse manger que les
choses qui lui conviennent. Le premier plat
dont Votre Seigneurie a goûté était un aliment
froid, que son estomac aurait eu de la peine à
digérer; le second, au contraire, était chaud,
provoquant trop à la soif, risquant d'enflammer
les entrailles et d'absorber 1 humide radical si
nécessaire à la vie.
» — C'est à merveille, reprit Sancho; mais,
par exemple, ces perdrix rôties ne peuvent
que me faire du bien ; je vais en manger une
ou deux, sans courir le plus petit danger.
— Non, assurément, monseigneur, et je vous
défends d'y toucher. — Pourquoi cela, s'il vous
plaît? — Parce que notre maître Hippocrate a
dit expressément dans ses Aphorismes : Omnis
saturatio mala, perdicis autem pessima; ce qui
signifie que la perdrix est le plus mauvais de3
aliments. — Cela étant, monsieur le docteur,
200
BAR
BAR
BAR
BAR
faites-moi le plaisir de bien regarder tout ce
qui est sur la table, de marquer une bonne fois
ce qui est salutaire, ce qui est nuisible, et puis
de me laisser manger à mon aise; car, de
quelque façon que ce 'soit, je vous avertis
qu'il faut que je dîne, et je ne suis pas gou-
verneur pour le plaisir de mourir de faim.
— Votre Seigneurie a raison; je vais lui indi-
quer les aliments qu'elle pourra se permettre.
Ces lapereaux ne valent rien, parce que c'est
un gibier lourd ; ce veau ne vous est-pas meil-
leur, parce que ce n'est pas une viande faite;
ces ragoûts sont détestables , à cause des
épices; ce rôti, s'il n'était pas lardé, pourrait
vous être permis , mais comme le voilà c'est
impossible. — Mais, monsieur le docteur, cette
oille que je vois fumer au bout de la table et
dont je sens d'ici le parfum , cette oille est
composée de toutes sortes de viandes ; il est
impossible que dans le nombre je n'en trouve
pas quelqu'une qui me convienne. Portez-moi
cette oille, maître d'hôtel. — Je le lui défends
sur sa tête. Juste ciel ! qu'osez-vous deman-
der? Rien n'est plus malsain, rien n'est plus
"funeste qu'une oille; il faut laisser ce mets
grossier aux chanoines; leurs estomacs peu-
vent s'en accommoder, mais celui d'un gou-
verneur demande des aliments plus légers.
Votre seigneurie doit fort bien dîner avec un
peu de conserve de coings ou quelque autre
confiture, et, si elle sent une grande faim, elle
peut y joindre un ou deux biscuits.
» A ces mots Sancho se renversa sur le
dossier de son fauteuil , et toisant le médecin
depuis les pieds jusqu'à la tête : — Monsieur le
docteur, dit-il, comment vous nommez-vous ,
s'il vous plaît? — Je m'appelle, répondit-il, le
docteur Pedro Recio de Aguero ; je suis né
dans le village de Tirtea de Fuera, qui est
entre Caroque et Almodovar del Campo, sur
la droite , et j'ai pris le bonnet de docteur dans
l'université d'Ossone. — Eh bienl s'écria San-
cho avec des yeux brûlants de colère, mon-
sieur le docteur Pedro Recio de Aguero, natif
de Tirtea de Fuera, qui avez pris le bonnet à
Ossone, sortez tout à l'heure de ma présence ,
sinon je jure Dieu que je vous fais pendre,
vous et tous les médecins que je trouverai
dans mon île ; sortez, dis-je, peste des humains
et fléau des gouverneurs, ou je vous étrille si
bien, que jamais lapin ou perdrix ne risquera
de vous faire du mal. Que l'on me donne à
manger, je l'ai bien gagné ce matin.
» Le docteur tout tremblant s'enfuit. San-
cho, remis à peine de sa fureur, allait com-
mencer à dîner, lorsqu'on entendit le bruit
d'un courrier. Le maître d'hôtel , regardant
par la fenêtre, s'écria : — Voici sûrement des
nouvelles importantes, car c'est de la part de
monseigneur le duc. » Le courrier, couvert de
poussière, vint présenter un paquet à Sancho, '
oui le remit a l'intendant, et s'en fit lire
1 adresse. Elle portait : « A don Sancho Pança,
» gouverneur de l'île de Barataria , pour être
» remise en ses mains ou dans celles de son
» secrétaire. » — « Qui est mon secrétaire? de-
manda Sancho. — C'est moi, seigneur répondit
un jeune homme avec un accent biscayen.
— Ahl ah! c'est la première fois qu'on a pris
des secrétaires dans votre pays. Lisez cette
lettre, si vous pouvez, et rendez-m'en compte.
» Le Biscayen, après l'avoir lue, demanda à
parler seul à monsieur le gouverneur. Tout le
monde se retira, excepté l'intendant, et le
secrétaire fit lecture de la lettre, qui s expri-
mait en ces termes :
« Je viens d'être averti, seigneur don San-
■ cho, que mes ennemis et les vôtres doivent
» venir vous attaquer pendant la nuit. Tenez-
» vous prêt à les recevoir. Je sais de plus, par
» des espions fidèles, que quatre assassins dé-
» guises sont entrés dans votre ville; ils en
» veulent a vos jours. Examinez avec soin
» tous ceux qui vous approcheront, et surtout
» ne mangez rien de ce qu'on vous présentera.
» Je me prépare à vous secourir; mais j'espère
» tout de votre valeur et de votre prudence.
» Votre ami, le duc. »
» — Monsieur l'intendant, s'écria Sancho
lorsqu'il eut entendu cette lettre, la première
chose que nous avons à faire c'est de mettre
dans un cul de basse-fosse le docteur Pedro
Recio ; car si quelqu'un en veut à mes jours,
ce ne peut être que lui, qui voulait me faire
mourir de faim. — Seigneur, répondit l'inten-
dant, l'avis que nous venons de recevoir mé-
rite la plus sérieuse attention. J'ose supplier
Votre Seigneurie de ne toucher à aucun des
mets qui sont sur sa table, attendu que je ne
puis répondre des personnes qui les ont ap-
prêtés. — A la bonne heure ! reprit tristement
Sancho ; mais faites-moi donc apporter du pain
bis avec quelques livres de raisin : ce serait
bien le diable si on les avait empoisonnés. De
façon ou d'autre, il faut que je mange; les
gouverneurs ne peuvent vivre d'air, surtout
quand ils sont à la veille de livrer des batailles.
Quant a vous, mon secrétaire, répondez à
monsieur le duc que je ferai de point en point
tout ce qu'il me recommande ; ajoutez des
baise-mains un peu galants pour madame la
duchesse, en la priant de ne pas oublier d'en-
voyer à ma femme Thérèse ma lettre avec
mon paquet. Dites aussi quelque chose pour
monseigneur don Quichotte, afin qu'il voie que
je ne suis pas un ingrat , et arrangez le tout
d'un bon style, comme un Biscayen que vous
êtes. Allons î continua-t-il en soupirant, qu'on
desserve cette belle table, et qu'on m'apporte
mes raisins, puisque les coquins qui m'en
veulent me réduisent à ce triste dîner.
» Dans ce moment, un page vint dire qu'un
laboureur demandait à être introduit pour une
affaire pressante. — Courage 1 s'écria Sancho,
je n'aurai pas le temps de manger même du
pain. Est-ce là l'heure de venir me parler
d'affaire pressante? Pense-t-on que les gou-
verneurs soient de fer? Ah ! pour peu que ceci
dure, je n'y pourrai résister. Faites entrer ce
laboureur, et prenez garde que ce ne soit un
espion. » Le page assura qu'il avait au contraire
la mine du meilleur des hommes, et qu'il pré-
venait en sa faveur. Sur cette assurance on
l'introduisit, et le bon paysan, d'un air niais,
demanda d'abord lequel de ces deux messieurs
était monsieur le gouverneur. L'intendant lui
montra Sancho, devant lequel il su mit à ge-
noux, en le priant de lui donner sa main à
baiser. Sancho ne le voulut point, lui com-
manda de se lever et de dire promptement
son alfaire. — J'aurai bientôt fini, reprit le
paysan, pour peu que votre seigneurie daigne
m'éeouter.
» — Il faut d'abord qu'elle sache que je suis
laboureur, natif du village de Miguel Turra,
qui n'est qu'à deux lieues de Ciudad-Réal.
Vous connaissez peut-être ce pays-là? — Oui,
répondit Sancho; c'est à côté de chez nous.
Mais abrégeons, je vous prie, et ne recom-
mençons pasl'histoirede Tirtea Fuera. — Deux
mots suffiront, continua le paysan. Dans ma
jeunesse, je me suis marié, par la miséricorde
de Dieu, en face de la sainte Eglise catholique
et romaine, avec une brave et digne femme;
j'en ai eu deux garçons, dont le cadet sera
bientôt bachelier, et l'aîné ne tardera pas à
recevoir ses licences. Depuis quelques années,
je suis comme qui dirait veuf, par la perte que
j'ai faite de ma femme, à qui un mauvais mé-
decin donna mal k propos une médecine dans
le temps où elle était grosse : elle en mourut.
Ce qui l'empêcha d'accoucher à son terme. Si
elle était accouchée et qu'elle m'eût donné
encore un garçon, je l'aurais fait étudier pour
être docteur, afin qu'étant docteur il n'eût pu
porter envie à ses deux frères le bachelier et
le licencié. Mais c'est une affaire finie , à
laquelle il ne faut plus penser.
» — Je vous conseille même de n'en plus
parler, interrompit Sancho. Jusqu'à présent, de
tout ce que vous avez dit je ne peux conclure
autre chose, sinon que vous êtes veuf depuis
que votre femme est morte. Tâchez de finir;
voilà l'heure de dormir,
» — Monseigneur a très-bien entendu ce
que je voulais lui dire, reprit le laboureur; je
n'ai presque rien à ajouter. Mon fils cadet,
j'entends celui qui doit être bachelier, est de-
venu amoureux d'une fille de notre village,
qui s'appelle Claire Perlerine, fille d'André
Perlerin, le plus riche fermier du pays. Tous
ceux de cette famille, de temps immémorial,
se sont appelés Perlerin) sans que l'on sache
trop pourquoi; car on prétend que ce n'est
pas leur nom. Bien est-il vrai que cette Claire
Perlerine, dont mon fils est amoureux, est une
perle d'Orient, tant elle est belle et charmante ;
la rose du matin n'est pas aussi fraîche, aussi
fleurie que cette Claire Perlerine, quand on la
regarde du côté droit; du côté gauche elle est
moins bien, parce que la petite vérole lui a
couturé la joue, et lui a fait perdre un œil;
avec cela plusieurs fluxions lui ont enlevé la
moitié de ses dents, et un petit goitre qui s'est
formé sous son menton la force de pencher sa
tête sur une épaule ; mais, comme je vous l'ai
dit, elle est parfaite du côté droit, et c'est par
ce côté-là que mon fils le bachelier l'a vue.
Monseigneur pardonne ces petits détails. Je
chéris déjà Claire Perlerine comme ma future
belle-fille , et vous n'ignorez point que les
pères aiment à parler de leurs enfants.
» — Oui, je le sais, reprit Sancho ; mais les
gouverneurs aiment à dîner, et j'attends pour
commencer que vous ayez fini l'histoire des
Perlerins et Perlerines. — Elle va finir, mon-
seigneur. Or donc, mon fils le bachelier a eu
le bonheur de se faire aimer de la belle Claire
Perlerine. Depuis longtemps cette charmante
personne aurait donné sa main à mon fils, si
une petite incommodité qu'elle a dès l'enfance
ne l'empêchait de remuer les bras. Elle est ce
que nous appelons nouée, et ne peut se lever
de son siège. Cela ne fait rien à mon fils, qui
est un garçon fort doux , fort aimable, malgré
le malheur qu'il a d'être possédé , ce qui, deux
ou trois fois par jour, le fait écumer comme
un furieux , se déchirer le visage et briser
tout ce qui est autour de lui. Ce pauvre en-
fant, qui n'en est pas moins un ange pour la
bonté, voudrait épouser sa maîtresse Claire
Perlerine; mais le père de Claire Perlerine
ne veut pas consentir au mariage de ces deux
amants si intéressants. Je viens vous prier,
monseigneur, de me donner une lettre pour ce
père, Hlans laquelle vous lui ordonnerez de
marier sa fille à mon fils. Voilà le sujet qui
m'amène aux pieds de Votre Seigneurie. —
Est-ce tout? avez-vous fini? — Ah! monsei-
gneurl si j'osais je vous demanderais encore
une petite grâce ; mais j'ai peur d'être indis-
cret, et d'abuser de vos moments. — Osez,
osez, ne craignez rien; je ne suis ici que pour
vous entendre. — Eh bien , monseigneur,
puisque vous le voulez, je ne vous cacherai
point que je souhaiterais beaucoup qu'en fa-
veur de ce mariage, Votre Seigneurie eût la
bonté de donner s. mon fils le bachelier un
petit présent de noces, quand ce ne serait que
cinq ou six cents ducats ; cela l'aiderait à se
mettre en ménage, et ferait qu'il dépendrait
moins de la mauvaise humeur de son beau-
père, parce que vous savez que pour être heu-
reux il faut être indépendant. — Est-ce !à tout
ce que vous demandez, mon ami? Voyez s'il
n'est rien qui vous tente encore ; parlez avec
assurance, et qu'une mauvaise honte ne vous
retienne point. — Monseigneur, vous êtes bien
bon ; mais en vérité c'est tout,
» A ces paroles, Sancho se leva, saisit la
première chaise qui lui tomba sous la main, et
courant au laboureur, qui se hâta de s'enfuir :
— Misérable 1 s'écria-t-il, il faut que je t'as-
somme tout à l'heure pour t'apprendre avenir
me demander six cents ducats. A-t-on jamais
vu pareille insolence! Six cents ducats! Mais
où en sommes-nous, sainte Marie! Il 'semble
que mon île soit le rendez-vous des fous de
tous les pays. Qu'on ne laisse plus entrer qui
que ce soit, au moins jusqu'à ce que j'aie fini
mon pain. »
Survient l'intendant, qui dit à Sancho :
— Onze heures viennent de sonner : il est
temps que Votre Seigneurie commence la
ronde.
» Sancho sortit aussitôt, sa baguette de juge
à la main, suivi de son secrétaire, de l'inten-
dant, de l'historiographe qui tenait registre
de ses actions, et d'une troupe d'archers. A
peu de distance du palais, il entendit un bruit
d'épées dans une petite rue : la garde y courut
par son ordre, et ramena deux hommes qu'on
avait surpris se battant. — Pourquoi vous
battez-vous? leur dit Sancho d'une voix sé-
vère ; n'avez -vous pas un gouverneur qui
saura vous rendre justice? — Seigneur, ré-
pondit un des deux hommes, Votre Excellence
approuvera sans doute ma délicatesse sur le
point d'honneur. Ce gentillhomme avec qui
j'ai querelle sort d'une maison de jeu, où il
vient de gagner plus de mille réaux. Dieu et
moi nous savons comment : j'étais témoin;
j'ai jugé en sa faveur tous les coups au moins
douteux. Lorsqu'il a été dans la rue, je suis
venu loyalement lui demander une marque de
sa juste reconnaissance; ce fripon n'a pas eu
honte de me présenter quatre réaux. Il me
connaît cependant; il saitqueje suis un homme
d'honneur, qui n'ai pas d'autre métier que de
passer ma vie dans les maisons de jeu à dé-
cider les coups difficiles. Indigné d'un procédé
si offensant, j'ai mis l'épée à la main pour lui
donner une leçon de politesse et de probité.
a — Qu'avez-vous à répondre? demanda le
gouverneur à celui dont on parlait. — Rien
du tout, reprit celui-ci ; tout ce qu'a dit cet
homme est exact, excepté que ce que j'ai
gagné m'appartient légitimement, et la preuve
certaine que je n'avais nul besoin de ses dé-
cisions , cest que je n'ai voulu et no veux
lui donner que quatre réaux. — Vous lui en
donnerez cent tout à l'heure, interrompit San-
cho; mais il n'en profitera guère, car je les
confisque pour les pauvres ;. ensuite vous
payerez une amende de deux cents autres
réaux, qui seront pour les prisonniers ; après
quoi, vous et cet homme d'honneur, qui n'a
d'autre métier que de décider les coups de jeu,
vous serez conduits par quatre archers hors
de mon île; et si vous avez l'audace d'y
remettre les pieds, je vous ferai jouer en-
semble une partie de triomphe à une potence
de huit pieds de haut. Vous entendez? J'ai dit ;
qu'on exécute ma sentence.
» Les trois cents réaux furent payés sur-le-
-champ ; l'intendant se chargea fidèlement de
leur distribution, et quatre archers conduisi-
rent les deux joueurs hors de la ville. A l'in-
stant même , une autre patrouille amenait un
jeune garçon, qui s'était enfui dès qu'il avait vu
paraître la garde', et lui avait donné beaucoup
de peine avant de se laisser attraper. — Pour-
quoi vous enfuir? demanda Sancho. — Pour
n'être pas pris, répond le jeune homme. — Je le
crois; mais ou alliez-vous à l'heure qu'il est?
— Toujours devant moi, monseigneur. — Tou-
jours devant vous; c'est fort bien répondre.
Vous aviez un but, un dessein; quel était-il?
s'il vous plaît? — De prendre 1 air. — Ah ! de
prendre lair; je comprends. Mais où vouliez-
vous prendre l'air? — Là où il souffle. — C'est
juste. Vous me paraissez gai, mon ami ; j'aime
beaucoup les gens de cette humeur, et je me
fais toujours un plaisir de leur donner un
logement, pour peu que je m'aperçoive qu'ils
n'en ont pas. Imaginez donc que c'est moi#qui
suis l'air, et que je souffle d'un côté qui vous
mène droit en prison. Allez-y passer la nuit;
nous verrons demain si le vent a changé.
» Après plusieurs autres rencontres où le
gouverneur fit briller autant d'esprit que de
sens, il arriva près d'un corps de garde placé
à l'entrée d'un pont. Les soldats se mirent
sous les armes, et quatre officiers de justico
vinrent au-devant de Sancho, conduisant un
homme avec eux. — Seigneur gouverneur, dit
un des officiers, vous arrivez fort à propos
pour nous tirer d'un grand embarras ; il ne
faut pas moins que toute votre sagacité pour
le cas difficile qui se présente. — Parlez, ré-
pondit Sancho, ma sagacité fera de son mieux.
— Monseigneur, voici le fait; nous supplions
Votre Excellence de nous donner un peu d'at-
tention : par une ancienne loi de cette île, tout
homme qui vient après la retraite sonnée pour
passer ce pont est obligé de nous déclarer,
sous la foi du serment, où il va; s'il dit la
vérité, nous le laissons passer sans obstacle;
s'il fait le moindre mensonge, il est pendu
sur-le-champ à une potence dressée à 1 autre
bout de ce pont. Cette loi est connue de tous
les habitants de votre île. Tout à l'heure,
l'homme que voici s'est présenté pour passer ;
nous l'avons interrogé suivant l'usage ; il a
levé la main et nous a répondu qu'il allait se
faire pendre à cette potence. Si nous le pen-
dons en effet, il a dit vrai et ne mérite pas
la mort ; si nous le laissons passer, il a menti
et la loi veut qu'il soit pendu. Nous ne savons
ce que nous devons faire, et nous avons re-
cours aux lumières supérieures que tout le
monde vous connaît.
» — Diable! répondit Sancho en se grattant
la tête, ceci ne me paraît pas aisé. Répétez-
moi, je vous prie, ce que vous venez de dire.
L'officier de justice recommença presque dans
les mêmes termes. Sancho garda quelque temps
le silence, ferma les yeux, se frotta les maits.
— Voilà, reprit-il, un singulier homme ; il au-
rait dû prendre un autre chemin. Mais écou-
tez : quelle que soit notre décision, nous
manquerons toujours à la loi ; s'il est pendu,
nous sommes en faute, puisqu'il aura dit la
vérité ; s'il n'est pas pendu, nous sommes en-
core en faute, puisqu'il nous aura menti. Noui
n'avons donc que le choix de deux fautes.
Qu'on laisse passer cet homme ; que la loi dorme
pour aujourd'hui.
» L'intendant et toute la suite du gouver-
neur donnèrent de grands éloges à la clémence
de Sancho. Il fut reconduit à son palais après
avoir fini sa ronde, et s'alla reposer dans un
excellent lit des fatigues de sa journée.
» Rien n'est stable dans ce monde : le temps,
qui jamais ne s'arrête, vole en détruisant snns
cesse. L'été remplace le printemps; l'automne,
l'été; l'hiver, l'automne. Tout passe, tout se
renouvelle, excepté la vie humaine, qui passe,
hélas! sans se renouveler. Accablé de lassi-
tude, n'en pouvant plus, rassasié, non de
bonne chère, mais de procès, Sancho se pré-
parait à profiter du calme do la nuit pour
prendre un moment de repos, et commençait
a livrer au sommeil ses paupières affaissées,
lorsque tout à coup il est réveillé par des
clameurs , le son des cloches et l'épouvan-
table bruit qu'il entend dans toute la ville. Il
lève la tête, s'assied sur son lit, écoute atten-
tivement: le bruit redouble, et les trompettes,
les tambours, les divers instruments de guerre
se mêlent aux voix différentes, aux cris per- ,
çants de terreur, aux coups redoublés des
tocsins. Surpris, troublé, saisi de frayeur, il
se jette à bas, chausse ses pantoufles et, sans
se donner le temps de se vêtir, il court à la
porte de sa chambre. A l'instant même, arri-
vent en courant une vingtaine de personnes,
l'épés à la main , portant des flambeaux et
criant de toutes leurs forces : — Aux armes,
aux armes, seigneur gouverneur! les ennemis
sont dans l'île; nous sommes perdus; nous
n'avons d'espoir que dans votre seule vail-
lance.
» A ces paroles , Sancho interdit , regarda
en silence ceux qui lui parlaient. — Annez-
vous donc, lui dit un d'entre eux, armez-vous,
seigneur, ou c'est fait de vous et de votre
gouvernement. — J'aurai beau m'armer, ré-
pondit-il, il n'en sera ni plus ni moins. Je
n'entends pas grand'chose aux armes : cette
affaire-ci regarde mon maître ; c'est h lui qu'il
faut la laisser. Je vous réponds qu'en un tour
de main il vous aura fait place nette ; mais,
quant à moi, je vous le répète, les batailles
ne sont pas mon fort. — Qu'osez-vous dire,
seigneur? Vous êtes notre capitaine, notre
chef, notre général. Nous vous apportons des
armes offensives et défensives; hâtez-vous
de vous en servir , et que chacun ici fasse son
devoir, vous en marchant à notre tète, nous
eu mourant pour vous défendre. — A la bonne
heure, messieurs ! armez-moi donc, puisque
vous le voulez.
» Aussitôt, sur la chemise du malheureux
gouverneur on applique deux larges boucliers,
Fun par devant, l'autre par derrière; on les
attache ensemble avec des liens, en faisant
passer ses bras par les vides des deux bou-
cliers. Ainsi serré comme entre deux étaux,
Sancho se trouve pris jusqu'aux genoux, qu'il
n'a pas même la liberté de ployer ; il demeure
fixe, immobile, debout et droit comme un
fuseau. On lui met une lance à la main, sur
laquelle il appuie le poids de son corps , et
tous alors, avec de grands cris, lui disent : —
Venez, guidez-nous, nous sommes sûrs de la
victoire. Allons, marchez, digne héros! —
Eh! comment voulez-vous que je marche?
répond le triste gouverneur; je ne peux pas
remuer les jambes , tant vous m'avez bien
emboîté entre ces planches qui m'étouffent!
N'espérez pas que j'aille avec vous si vous no
prenez la peine de me porter. Vous me pose-
rez ensuite au poste qu il vous plaira; je vous
réponds bien d y rester. — Ah I seigneur gou-
verneur, ce ne sont pas ces boucliers qui vous
empêchent de marcher; rien ne peut arrêter
un nomme courageux. Mais le temps se perd,
le péril croît,l'ennemi s'avance; allons, laites
un effort.
» Sancho, piqué de ces reproches, voulut
tenter de se remuer. Au premier mouvement
qu'il fit, il perdit son aplomb, et tomba pur
terre. Là, il resta comme la tortue ensevelie
dans sa profonde écaille ou comme un bateau
jeté sur le sable où il demeure engravé. Sans
pitié pour lui, les mauvais plaisants qui l'en-
vironnaient ne font pas semblant de l'avoir vu
tomber; ils éteignent les flambeaux, redou-
blent leurs cris, vont, viennent, courent, se
précipitent les uns sur les autres, en faisant
retentir le bruit des épées sur les casques, sur
les écus. A chaque coup, Sancho tremblant,
Sancho suant à grosses gouttes, retirait sa
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le
tête sous ses boucliers, se ramassait, se fai-
sait petit autant q^:l lui était possible, et re-
commandait son âme à Dieu. Ce fut bien pis
lorsqu'un des combattants s'avisa de monter
debout sur le pauvre gouverneur, et de là,
comme d'un poste élevé, se mit à commander
l'armée en criant : — Marchez ici; les enne-
mis viennent par là; courez vite de ce côté;
renforcez ce corps de garde ; fermez cette
porte ; palissadez ce passage ; apportez des
grenades, de la poix-, de l'huile bouillante;
barricadez les rues; courage, amis, tout va
bien 1 — Ce n'est pas pour moi que tout va
bien, disait en lui-même le pauvre Sancho, qui
écoutait et portait le babillard commandant.
Oh 1 si le bon Dieu me faisait la grâce de
donner cette île aux ennemis, je l'en remercie-
rais de bon cœur! »
» A l'instant même, il entend crier : — Vic-
toire! victoire I ils ont pris la fuite. Levez-
vous, seigneur gouverneur, venez jouir dé
votre triomphe, venez partager les dépouilles
que nous devons au puissant effort de votre
bras invincible. — Si vous voulez que je me
lève, répond Sancho, d'une voix dolente, il
faut d'abord que vous me leviez. » On le mit
alors sur ses pieds. « Je suis bien aise, re-
prit-il, que les ennemis soient battus; je ne
leur ai pas fait grand mal, et j'abandonne ma
part des dépouilles pour un petit doigt de vin,
si quelqu'un de vous a la charité de me le
donner. » On courut lui chercher du vin, on le
délivra des deux boucliers, et, ruisselant de
sueur, on le porta sur son lit où il fut quelque
temps à reprendre ses sens. Enfin, ayant re-
trouvé un peu de force, il demanda quelle
heure il était; «on lui dit que l'aurore allait
paraître. Sans répondre, il se leva, s'habilla
entament, dans un grand silence, s'en alla
droit à l'écurie, suivi de toute sa cour. Là,
s'approchant de son âne , il lui prit la tête
dans ses deux mains, il lui donna un baiser
sur ie front, et 'fixant sur lui des yeux pleins
de larmes : « Mon ami, dit-il, mon vieux ca-
marade, toi qui ne t'es jamais plaint de par-
tager ma misère tant que je ne t'ai pas quitté,
tant que, satisfait de mon sort, je ne pensais
qu'à te nourrir ou à raccommoder ton bât,
mes heures, mes jours, mes années étaient
heureuses; depuis que la vanité, l'ambition,
le sot orgueil ont pris ta place dans mon
cœur, je n ai senti que des peines, des chagrins
et des maux cuisants. »
«Endisantces mots, et sans prendre garde à
personne, il s'en alla chercher le bât, revint
le mettre sur l'âne, l'y attacha, monta dessus,
et , regardant l'intendant , le secrétaire , le
maître d'hôtel, le docteur Pedro Reoio, qui
l'environnaient : — Messieurs, dit-il, laissez-
moi passer, laissez-moi retourner à mon an-
cienne vie, à mon ancienne liberté, sans la-
quelle il n'est point de bonheur. Je ne suis
point né, je le sens, pour gouverner ou défen-
dre des lies. Je m'entends mieux à labourer, à
bêcher, à tailler la vigne qu'à faire des or-
donnances et à livrer des batailles. Saint
Pierre n'est bien qu'à Rome ; chacun n'est
bien que dans son état. La baguette de gou-
verneur pèse plus à ma main que la faucille
ou le hoyau. J'aime mieux me nourrir de pain
bis que d'attendre la permission d'un imperti-
nent médecin pour manger des mets délicats ;
j'aime mieux dormir à l'ombre d'un chêne que
de ne pas fermer l'œil sous des rideaux de
satin. Pauvreté, paix et liberté, voilà les seuls
biens de ce monde. Adieu, messieurs, je vous
salue. Nu je vins, nu je m'en vas; j'entrai
dans le gouvernement sans avoir un sou dans
ma poche, j'en sors sans avoir une maille. Je
souhaite que tous les gouverneurs puissent
en dire autant. Serviteur, messieurs, laissez-
moi partir : il est temps que j'aille me faire
panser , car j'ai les côtes brisées, grâce à
messieurs les ennefnis, qui n'ont pas cessé
depuis hier au soir de se promener sur mon
corps. »
(Ici, je demande pardon au grand Cervantes
d'avoir un peu dérangé son immortel récit;
niais c'était pour le besoin de la cause, et
puisque cet épisode exhale un léger parfum
do politique, je réclame le bénéfice de cet
axiome bien connu : la fin justifie les moyens).
n Ouf! va dire la Critique ; cinq cents lignes
à l'île de.Baratarial Ah! monsieur Larousse,
Le plus Sancho des deux n'est pas celui qu'on pense. »
A votre aise, belle dame j mais, moi, je
crois que ces petites excursions ne déplai-
sent pas à mes lecteurs ; ajoutons , toutefois,
pour être franc, que si ces fidèles amis ne
partageaient pas mon opinion, je serais bien
capable de suivre seul la route pour les char-
mes que j'y trouve. « lie chat ne nous caresse
pas, a dit Butfon ; il se caresse à nous. »
Du reste, j'ai un illustre complice", un com-
plice dont personne ne contestera l'autorité.
Napoléon 1er, qui, en littérature, raffolait des
belles et surtout des bonnes choses, aimait à
relire ce passage de Don Quichotte, et il s'en
fit plusieurs fois l'application : « Mon cher
Caulaincourt, s'écriait-il un jour qu'il était sur
le point de partir pour l'île d'Elbe, César peut
redevenir citoyen, mais sa femme peut diffi-
l'îlement se passer d'être l'épouse de César.
Marie-Louise aurait encore trouvé à Flo-
rence un reste de la splendeur dont elle
était entourée à Paris; elle n'aurait eu que le
canal Piombino à traverser pour me vendre
visite ; ma prison aurait été comme enclavée
dans ses Etats; à ces conditions, j'aurais pu
espérer de la voir ; j'aurais même pu aller la
visiter, et quand on aurait reconnu que j'avais
renoncé au monde, que, nouveau Sancho, je
ne sonyeais plus qu'au bonheur de mon île, on
m'aurait permis ces petits voyages; j'aurais
retrouvé le bonheur dont je n'ai guère joui,
même au milieu de tout l'éclat de ma gloire. »
Terminons par cette allusion d'un charmant
esprit :
« M. de G aille-Fontaine, pris au piège, dut
accepter les fonctions administratives qui lui
étaient infligées. Au demeurant, comme il
avait l'esprit naturellement droit et conciliant,
et qu'il était aimé et respecté dans le pays, où
tout le monde, le connaissait, il devint bientôt
le meilleur des inaires, et gouverna la com-
mune d'Amboise, comme Sancho Pança son
île de Darataria. • A. Achaiîd.
Le mot Barataria, qui est passé dans toutes
les langues, et qui les a enrichies d'un pi-
quant proverbe, ne figure dans aucun dic-
tionnaire.
DARATARIA, île des Etats-Unis, Louisiane,
dans le golfe du Mexique, à l'entrée du golfe
de son nom, et à 90 kil. deBalize; port fortifié
et commode pour les petits bâtiments. —
Dans la baie de Barataria se jettent les eaux
d'un grand lac de même nom, formé par le
Mississipi.
BARATE s. f. (ba-ra-te). Mar. Grosse sangle
qu'on dispose en croix , pour soutenir les
basses voiles contre un coup de vent.
BARATEAU (Emile), chansonnier français,
né à Bordeaux en 1792, mort en 1870. 11 fut
d'abord secrétaire de M, de Martignac,.puis
vint faire son droit à Paris et collabora
à divers recueils littéraires. En 1820, il publia
sous le titre de Georginc, un roman qui conte-
nait une romance que Romagnesi mit en mu-
sique, et qui obtint dans les suions une très-
grande vogue. Divers compositeurs recher-
chèrent alors les romances du jeune auteur ,
qui, son droit fini, retourna dans sa ville na-
tale auprès de son ancien patron. Il l'accom-
pagna en Espagne en 1823 , devint chef de
cabinet, lors de'son ministère, et, à sa chute,
fut nommé inspecteur des hospices du royaume.
1830 lui enleva cette place, mais le dédomma-
gea au moyen d'une pension. M. Barateau se
consacra dès lors tout entier à la publication
de petits vers et de romances pour les édi-
teurs de musique. On iui doit plus de trois
mille pièces, et son portefeuille, dit-on, en
contient environ huit cents qui n'ont pas vu
le jour. Cette fécondité explique suffisamment
la médiocrité de la plupart des productions de
ce' chansonnier. Quelques-unes ont joui ce-
pendant d'une vogue extraordinaire; Jenny
l'ouvrière, entre autres, a fait son tour du"
monde. Cette même Jenny l'ouvrière a fourni
le sujet d'un drame qui a eu de nombreuses
représentations. Outre quelques romans insé-
rés dans desjournaux, M. Barateau a encore
publié deux recueils do poésies : Bagatelles
(1831) et Bigarrures (1833) ; les Pigeons blancs,
fantaisie, et quelques opuscules du même
genre. En un mot, M. Barateau est le plus
fécond des paroliers, pour employer l'expres-
sion un peu dédaigneuse des musiciens, et nul
n'a fourni plus de refrains aux générations
contemporaines ni plus d'aliment aux pianos
et aux orgues de Barbarie.
BARATELLA (Antoine-Lauregio), poète la-
tin moderne, né près de Padoue, mort en 1448.
Il enseigna la rhétorique à Feltre et composa,
dit-on, près de soixante mille vers latins. On
n'a jamais rien imprimé de lui. Ses poèmes et
poésies ont des titres fort bizarres : Palifodia,
Lavandula, Echaton, Cribralura, etc. Ses ma-
nuscrits , quelques-uns du moins , sont con-
servés dans diverses bibliothèques d'Italie.
BARATER v. a. ou tr. (ba-ra-té). Trom-
per. V. mot.
BARATERIE OU BARATTERIE S. f. (ba-ra-
te-rî — rad. barat). Dr. commerc. Préjudice
volontaire porté par celui qui commande un
navire, ou par toute personne faisant partie
de l'équipage, aux armateurs, chargeurs, pro-
priétaires ou assureurs : Le naufrage ou
éciwuement volontaire constitue le fait de
baraterie, qualifié crime capital. (Dict, do la
Convcrs.). La baraterie soit isolée, soit de
complicité, est justiciable des tribunaux crimi-
nels et entraîne dans certains cas la peine de
mort. (J. Lecomte.)
— Fig. Volcrie impudente : Mais ceci est
un des moindres malheurs que cause à la litté-
rature française l'ignoble baraterie de la
contrefaçon. (Balz.)
— Encycl. Dr. pén. Les faits de baraterie
peuvent n'entraîner qu'une responsabilité ci-
vile ; mais, dans certains cas, ils rentrent sous
l'application des lois pénales. Il importe en
conséquence de distinguer de la baraterie or-
dinaire le crime qui porte ce nom. L'ordon-
nance d'août 168L (titre II, art. 35 et 36)
édicta des peines sévères, et même celle de
mort, contre le maître qui fait fausse route,
qui altère ou fait confisquer les marchandises
dont il est chargé, ou qui livre aux ennemis,
échoue ou détruit le navire dont il a le coin-
mandement. Le code pénal n'atteint pas
directement les faits criminels de baraterie ;
mais plusieurs de ses dispositions peuvent
être appliquées aux capitaines, lorsque les
actes dont ils se rendent coupables ne sont
pas prévus par une loi spéciale. Lu loi du
10 avril 1825, qui définit et punit plusieurs cas
de baraterie, a été complétée et modifiée par
le décret du 24 mars 1852.
La peine de mort est portée contre tout in-
dividu chargé de la direction d'un navire, qui,
en faisant volontairement échouer ou périr
ce navire, a causé un homicide : s'il n'y a que
des blessures, la peine est celle des travaux
forcés à temps ; le fait seul de l'échouement
ou de la destruction du navire est puni de dix
à vingt ans de travaux forcés, et du maximum
si le coupable était chargé de la conduite du
navire. Cette dernière peine est aussi appli-
quée au capitaine ou patron qui détourne à
son profit le navire qui lui est confié ; il en-
court les travaux forcés h temps s'il fait vo-
lontairement fausse route ou détruit ou jette
à la mer, sans nécessité, tout ou partie du
chargement, et a la réclusion dans les cas
prévus par l'art. 236 du code de commerce,
ou s'il vend, hors les circonstances indiquées
en l'art. 237 du même code, le navire qui lui
est confié, ou s'il débarque des marchandises
contrairement à la loi.
Les prévenus du crime de baraterie sont
poursuivis devant les cours d'assises.
Nous ne pouvons énumérer ici tous les
actes qui peuvent constituer contre le capi-
taine ou patron d'un navire la prévention de
baraterie: les lois spéciales et la jurispru-
' dence des tribunaux compétents sont entrées
à cet égard dans des détails tellement minu-
tieux , que nous devons forcément renvoyer
nos lecteurs aux nombreux- ouvrages qui ont
été publiés sur cette matière. Nous citerons
seulement, pour montrer avec quel soin méti-
culeux on a cherché à garantir les intérêts
3ue peuvent compromettre les moindres fautes
es capitaines ou patrons, l'article suivant du
Consulat de la mer : « Si quelques effets sont
endommagés par les souris, parce qu'il n'y a
point de chats à bord, le patron doit réparer
le dommage. » Il est vrai que le tribunal de
commerce du Havre, par une décision du
27 juin 1837, a déclaré qu'aucune loi n'oblige
les capitaines à embarquer des chats sur les
navires qu'ils commandent ; mais la jurispru-
dence a souvent varié sur ce point, et plu-
sieurs auteurs persistent à regarder comme
un cas de baraterie civile le préjudice résul-
tant du fait de n'avoir pas pris de chats à bord
pour détruire les souris et les rats. Voir les
mots Capitaine et Marine marchande.
BARATEUR, TERESSE s. (ba-ra-teur, te-
rè-se). Trompeur, trompeuse. V. mot.
BARATHRE, gouffre de l'Attiqne, où les
Athéniens précipitaient les criminels. Les pa-
rois en étaient revêtues de lames de fer qui
déchiraient les corps dans leur chute. Un
prêtre de Cybèle y ayant été précipité, et son
supplice ayant été suivi d'une grande séche-
resse, l'oracle consulté ordonna de combler
le gouffre, ce qui fut exécuté.
Ce nom de Barathre était devenu proverbial
pour désigner toute espèce de gouffre. Horace
l'applique au ventre d un gourmand :
Pcrnicies et tempestas baraihrumque macelli,
Quidquid quœsicrat veniri donabat avaro.
Les écrivains ecclésiastiques font quelque-
fois de ce mot le synonyme de l'enfer.
BARATIER (François), littérateur, né à Ro-
mans (Dauphiné) en IG82, mort en 1751. Il
quitta la France lors de la révocation de l'édit
de Nantes et devint dans la suite pasteur do
l'église française à Magdebourg. On a de lui :
Curieuse relation au sujet d'un enfant précoce
(son fils) (1728) ; Fables et histoires possibles
(1723).
BARATIER (Jean-Philippe), jeune homme
remarquable par l'étonnante précocité de ses
facultés intellectuelles. Il naquit en 1721, à
Sclrwabaeh, dans le margraviat d'Anspach.
Son père, qui était pasteur de l'Eglise réfor-
mée, lui apprit à écrire et à parler latin, fran-
çais et allemand avant la fin de sa quatrième
année. A sept ans, il savait le grec et l'hé-
breu. Deux ans après, il composa un diction-
naire hébreu des mots les plus difficiles. A
treize ans , il traduisit de l'hébreu en français
l'Itinéraire de Benjamin, et, l'année suivante,
il fut reçu magister à l'université de Halle. Il
publia, vers le même temps, plusieurs disserta-
tions savantes dans la Bibliothèque germa-
nique. S'étant ensuite procuré des livres de
mathématiques et d'astronomie, il ne lui fallut
que quelques mois pour acquérir ces nouvelles
connaissances, et il envoya à l'Académie de
Paris des travaux qui lui méritèrent des en-
couragements. Le roi de Prusse, à qui il fut
présenté, lui fit un don d'argent pour qu'il put
se procurer des instruments, et nomma son
père pasteur à Halle. Mais l'excès de travail,
et peut-être aussi le développement trop ra-
pide du jeune Baratier, amenèrent une mala-
die de langueur, dont il mourut à l'âge de dix-
neuf ans.
BARATON, épigrammatiste français, né
très-probablement dans l'Orléanais, vers le
milieu du xvn' siècle , mort très-apparem-
ment à Paris, de 1720 à 1730.
On ne sait absolument rien sur sa vie, et le3
renseignements par lesquels nous venons de
débuter ne prouvent qu'une chose : c'est que
le Grand Dictionnaire veut procéder avec mé-
thode. Baraton est-il né dans l'Orléanais?
rien ne le prouve; descendait-il du ménétrier
Martin Baraton ou de Baraton, grand échanson
de France? aucun document ne l'atteste;
vint-il au monde vers 1650, mourut-il en 1725Ï
voilà ce que la science biographique ignorera
toujours; mais, comme un homme qui a laissé
des épigrammes charmantes a dû nécessaire-
ment exister, et que cette existence implique
qu'il est né quelque part, mort en quelque
endroit et à une certaine époque, qu'il avait
indubitablement des ascendants ; en cette con-
sidération, on nous pardonnera les conjec-
tures hasardées plus haut. Ce fait historique
n'a pas heureusement la même importance
que le coup d'arquebuse de Charles IX, le
verre de sang de Ml'c de Sombreuil et tant
d'autres problèmes dont la solution fera long-
temps encore le désespoir des Thierry, des
Henri Martin et des Michelet.
Nous allons donner quelques échantillons
des petits vers satiriques et badins que la
muse gauloise a inspirés à Baraton, et qui
montrent que ce poète était de l'école du che-
valier de Oailly. Commençons par une épi-
gramme célèbre, décochée à la magistrature.
Ce modeste sixain est cité fréquemment, sur-
tout dans le prétoire, et nous avons vu les
plus fins anecdotiers se mettre martel en tête
et feuilleter tous les anciens recueils pour en
découvrir l'auteur :
Huissiers, qu'on fasse silence!
Dit, en tenant audience,
Un président de Baugé.
C'est un bruit a tête fendre;
Nous avons déjà jugé
Dix causes sans les entendre.
Voici, en cinq vers, une épigrumme à deux
pointes :
Dans un couvent se confiner,
Dans l'hymen aller s'enfourner,
Se jeter dans un précipice,
Sont trois choses, disait Sulpice,
Qu'il faut faire sans raisonner.
Passons à une boutade où, à défaut de cha-
rité, on trouvera de l'esprit :
Est-il, disaHLubin , gens qui soient plus heureux
' Que sont les prêtres et les moines ,
Ces gros abbés, ces gras chanoines?
Les peines sont pour nous, et les plaisirs pour eux.
Le sort malin me tyrannise,
Je suis toujours infortuné.
Quand je devrais être damné,
Je vais me faire homme d'Eglise.
Trait contre la superstition :
Autrefois tin Romain s'en vint, fort affligé.
Raconter à Calon que, la nuit précédente,
Son soulier des souris avait été rongé,
Chose qui lui semblait tout à fait effrayante.
• Mon ami, dit Caton, reprenez vos esprits;
Cet accident en soi n'a rien d'épouvantable ;
Mais si votre soulier eût rongé les souris.
C'aurait été sans doute un prodige effroyable. »
Prompte repartie :
Dans le doigt d'une dame, un marquis cordon bleu
Vit un gros diamant brillant et plein de feu;
11 était avare, et son âme
.N'était sensible qu'au profit :
. J'aimerais mieux, dit-il, la bague que la dame. ■
Il parlait assez haut, la dame l'entendit;
Elle eut une riposte prête :
• Et moi, j'aimerais mieux le licou que la bête. *
Ces spirituelles anecdotes, si gauloises et si
facilement rimées, se trouvent dans la collec-
tion de Bruzen de la Martmiére, imprimée à
Amsterdam, en 1720.
BARATROM et APOL1N, idoles des Sar-
rasins.
BARATTA (Alessandro), dessinateur et gra-
veur italien, travaillait a Naples de 1627 à
1632. On lui doit deux estampes représentant
des Cavalcades qui eurent lieu dans cette ville,
et composées chacune de six pièces, se réu-
nissant et formant frise.
BARATTA (Francesco), sculpteur italien, né
à Massa di Carrara, mort en 1066. Elève de
l'Algarde et du Bernin, il se conforma surtout
au style de ce dernier et produisit, entre au-
tres ouvrages : une statue colossale repré-
sentant le fleuve de la Plata, sous la figure
d'un Maure, pour la fontaine de la place de Ra-
venne ; les statues à' Hercule, à' Achetons, etc.
11 mourut à Rome, victime de son intempé-
rance et de l'abus du tabac.
BARATTA (Pierre), sculpteur italien, né à
Venise, florissait dans la seconde moitié du
xviic siècle. L'église Saint-Jean et Saint-Paul,
à Venise, possède de lui une statue colossale
assez remarquable. On voit aussi, au musée
de Dresde, quelques-unes de ses œuvres, mais
qui sont d'une exécution médiocre.
BARATTA (Jean) , sculpteur italien, né à
Carrare, mort dans cette ville en 1735, à un
âge avancé. Il se forma à Florence, sous Sag-
gini, et plus tard sous Soldani Benzi. 11 tra-
vailla dans cette ville, à Gênes, à Sarzânne, à
Turin, à Carrare, etc. On cite, au nombre de
ses meilleurs ouvrages, les statues de l'ar-
change Raphaél et du jeune l'obie, qui sont
dans l'église du Saint-Esprit, à Florence, et
dont on attribue le dessin au prince Ferdi-
nand , fils de Côme III. A Gênes , il a exécuté
les statues de Marcello Duraszo et à'ignacc
Bona, dans le grand hôpital; celles de Bendi-
nello et à'Ottaviano Saoli, dans la salle du
grand Conseil ; celles de Cléapâlre et d'Ar-
témise , dans le' palais Durazzo (aujourd'hui
Palais-Royal), etc.
BARATTA (Eumène), sculpteur italien cou-
26
202
BAR
temporain, de la famille du précédent, né à
Carrare en 1825, a étudié à l'académie de Mo-
dène et a remporté, en 1842, le grand prix de
Rome. II a exposé a Paris, en 1855, une sta-
tue de marbre connue sous le nom de : Inno-
cente endormie.
BARATTA (Francisco), peintre italien, con-
temporain, né à Gênes en 1805. Un de ses
meilleurs tableaux représente : Jacques de
Yerragine, épisode tiré de l'histoire des Guelfes
et des Gibelins.
BARATTA (Antoine), habile graveur italien,
né à Florence vers 1727. V. Baratti , nom
sous lequel il est plus généralement connu.
BARATTAGE s. m. (ba-ra-ta-je — rad. ba-
ratter). Préparation que le lait subit dans la
baratte.
— Encycl. Deux questions intéressantes ont
été soulevées à propos du barattage. On s'est
demandé, en premier lieu, si l'introduction de
l'air dans la baratte avait. pour effet de hâter
la formation du beurre et d'épuiser le lait d'une
manière plus complète. Les agronomes ont été
longtemps partagés à ce sujet. Suivant Thaer,
la partie grasse du lait ou la crème prend la
nature du beurre par l'action de l'air et par
l'absorption du gaz oxygène. » C'est pourquoi,
il faut que l'air ait une libre entrée et soit re-
nouvelé aussi souvent que cela se peut, dans
les vases où la crème est mise en mouvement.
II est démontré par des expériences directes
que l'oxygène est en cela le principe le plus
actif, puisque l'on a trouvé que le beurre pa-
raissait d'autant plus vite que l'air était plus
chargé de ce gaz, et qu'en revanche, lorsqu'il
n'y en avait pas, il ne se formait point de
beurre. » De nouvelles expériences faites en
1855, à l'occasion de l'Exposition universelle,
semblent confirmer ce que dit ici le célèbre
directeur de l'institut agricole de Mœglin.
Un autre point important était de savoir
quelle devait être la température du lait ou de
la crème soumise au barattage. Cette question
a été définitivement résolue pat M. Banal,
conformément aux résultats de nombreuses
expériences faites par lui en 1855 et en 1861.
D'après ces observations, la température la
plus convenable pour l'extraction du beurre,
quand on opère sur le lait, est comprise entre
18» et 20" centigrades. Quand on opère sur la
crème , la température peut varier de 14°
à po« centigrades. L'expérience a prouvé
qu'on ne pouvait dépasser ces limites sans de
notables inconvénients. Ainsi, à l2o; il a fallu
dix fois plus de temps qu'à 20° pour obtenir
le même résultat, et à 30°, la formation du
beurre s'est effectuée d'une manière très-
incomplète.
Baratte s. f. (ba-ra-te — du bas bret.
baraz baquet). Econ. dom. Vaisseau dans
lequel on bat lo lait et le plus souvent la
crème, pour en extraire le beurre : La ba-
ratte flamande se compose d'une barrique, de
quatre ailes en bois, et porte une ouverture
assez grande.
— Encycl. Une bonne baratte doit satisfaire
aux conditions suivantes : l» pouvoir être ai-
sément nettovée; 2° présenter des moyens
prompts et sûrs de séparer le beurre sans
nuire à sa quantité ni à sa qualité; 30 être
d'un emploi commode; 4° être solide, d'un
prix modéré et peu coûteuse à entretenir;
50 permettre un écoulement facile du petit-lait
et l'enlèvement aisé du beurre; 6» enlin, offrir
le moyen d'élever ou d'abaisser, suivant le be-
soin, la température de la crème ou du lait
qu'on emploie. L'instrument le plus simple et
le plus anciennement employé pour battre la
crème est la main. Aujourd'hui encore, dans
quelques-uns do nos départements du centre,
beaucoup de ménagères ne peuventse résoudre
à en employer d'autre. Cependant, le battage,
ainsi effectué, est h la fois très-pénible et très-
imparfait. Pendant l'été principalement, lors-
que la chaleur de la main vient se joindre à
celle de l'atmosphère, c'est une opération dont
la longueur peut lasser la patience des bras
les plus robustes. C'est pourquoi, partout où
l'agriculture a été en progrès, on a cherché
à substituer un mouvement mécanique à l'ac-
tion des bras.
Comme la plupart des instruments employés
en agriculture, la baratte a subi, avec le temps,
de nombreuses modifications. A l'origine, ce
n'était qu'une espèce de baquet de bois, un peu
moins large que profond, dans lequel la crème
était battue au moyen d'une petite palette en
bois de hêtre, ou d'une tige de houx bien pelée
et armée de quelques-unes de ses branches
coupées a 0 m. 02 ou 0 m. 03 au-dessus de l'ais-
selle. Tel est encore le procédé suivi dans
quelques localités du centre et du midi de la
France. Partout ailleurs, on se sert depuis
longtemps de la baratte ordinaire, qui consiste
en un vase de tonnellerie, haut de 0 m. 80,
large à*sa base de 0 m. 25, et de 0 m. 15 au
sommet, dans lequel se meut de haut en bas
et de bas en haut un disque fixé à l'extrémité
d'un manche de bois. Cette baratte exige assez
de temps pour extraire le beurre; mais sa
simplicité et la modicité de son prix la mettent
à la portée de tous les ménages. Pendant
longtemps, on n'avait fabriqué que des barattes
en bois ; depuis quelques années, on en fabrique
également en fer ou en tôle, qui joignent à une
grande solidité l'avantage >de pouvoir être
plus facilement nettoyées. Malheureusement,
leur prix élevé les met hors de la portée du
plus grand nombre des cultivateurs. Nous
BAR
allons passer rapidement en revue les meil-
leures barattes inventées jusqu'à ce jour.
— Barattes de bois. La plus simple est la
baratte circulaire, qui se compose d'un tonneau
traversé par un axe muni d'une ailette percée
de trous. Cet axe repose, à hauteur conve-
nable, sur les deux montants d'un chevalet, et
sert à imprimer au tonneau un mouvement
uniforme de rotation, pendant lequel la crème
vient battre contre l'ailette. La baratte circu-
laire est particulièrement employée dans le
Poitou et la Touraine; elle a de l'analogie
avec la serène, dont on fait usage en Norman-
die. — Dans la baratte de, M. Paul-François, la
crème est agitée par un batteur à ailettes re-
courbées dans le même sens. Une manivelle ,
adaptée à un engrenage, donne au batteur une
rotation assez rapide pour extraire le beurre
en vingt minutes. Cet instrument convient aux
petites exploitations. — La baratte Claes con-
siste en une caisse de bois dont le fond a la
forme d'une surface semi-cylindrique. Dans
cette caisse se meut un batteur carré, portant
sur chacune de ses faces une rangée de dents
en bois, qui passent entre les dents d'un râ-
teau fixé à l'une des parois latérales. — La ba-
ratte Bernier se compose d'une caisse en bois
dans laquelle se trouve un volant à palettes,
que l'on met en mouvement au moyen d'une
manivelle. Un compartiment spécial renferme
une espècede bouteille en métal, dont le gou-
lot correspond à un entonnoir pratiqué dans
le couvercle. On introduit, par cet entonnoir,
de l'eau chaude ou froide dans le récipient, de
manière à amener le liquide à la température
voulue.
— Barattes de métal. La baratte centrifuge
ou verticale du major Sterjnsvard est un
instrument construit en fer-blanc, qui peut
servir pour de grandes quantités de beurre. Il
se compose d'un cylindre vertical, plongeant
dans un bain-marie où l'on met de l'eau iroide
ou chaude, selon la saison. Le mouvement est
communiqué au batteur par une roue dentée,
engrenant avec un pignon fixé a l'extrémité
d'un axe creux, portant trois ailettes verticales
percées de trous. Ces trois ailettes tournent
dans le corps du cylindre, où sont implantées,
suivant des plans diamétraux, trois ailettes
semblables. Uno turbine, placée à l'extrémité
de l'axe, aspire pendant la rotation l'air exté-
rieur et donne naissance a un courant assez
fort de bas en haut. — La baratte Lavoisy,
perfectionnée par Lucien Chariot, se compose
d'un cylindre de fer-blanc, plongeant dans un
bain-marie, et dont l'axe porte une double
rangée de palettes en bois, espacées à 0 m. 06.
A la manivelle est fixée une roue dentée, qui
peut engrener avec. deux roues de dimensions
différentes, de manière a augmenter ou dimi-
nuer, à volonté, la vitesse de la rotation. —
La baratte horizontale de Girard est un demi-
cylindre dans lequel se meut un batteur à ai-
lettes. Une manivelle, fixée à une roue dentée
qui engrèneavec un pignon placé à l'extrémité
de l'axe, met le batteur en mouvement. Une
lame métallique, fixée en dedans du cylindre,
fait l'office de contre-batteur. — La baratte
de M. Seiguette est une caisse dont la plus
grande dimension est placée dans le sens ho-
rizontal, et traversé^ par un double piston
percé de trous qui ne se correspondent pas;
une espèce de roue excentrique communique
à ce double piston un mouvement très-rapide,
et trois ou quatre minutes suffisent pour ex-
traire le beurre du lait. — M. Houdaille a in-
venté une petite baratte de verre, qui est plu-
tôt un objet de curiosité qu'un instrument
véritablement utile, et qui sert à faire du
beurre sur table, pour le manger à l'instant
même.
BARATTÉ s. m. (ba-ra-té — rad. baratter).
Econ. rur. Babeurre, dans certaines contrées :
Il y a des pays où le babeurre se nomme
baratté. (Tessier.)
BARATTÉ, ÉE (ba-ra-té) part. pass. du v.
Baratter : De la crème barattée.
BARATTER v. a. ou tr. (ba-ra-té — rad.
baratte). Econ. rur. Battre dans la baratte,
en parlant de la crème ou du lait destiné à
la confection du beurre : Baratter de la
crème.
Se baratter, v. pr. Etre baratté : La crème
se baratte par des procédés divers.
BARATTI (Jacquesl , voyageur italien du
xvne siècle, visita l'Abyssinie en 1G55, et écri-
vit sur ce pays une Description qui a été tra-
duite en allemand (Nuremberg, 1676) et en
anglais (Londres, 1670).
BARATTI (Antoine), peintre et graveur au
burin, né à Florence vers 1727. Comme pein-
tre, il n'a laissé aucune œuvre remarquable.
Il a gravé un Saint Joseph, d'après le Guide ;
le Martyre de sainte Ursule, d'après Carpac-
cio: quelques portraits; des planches pour la
traduction italienne du Dictionnaire mytholo-
gique, de Declaustre (Venise, 1755), pour le
Recueil d'estampes , d'après les meilleurs ta-
bleaux du cabinet du marquis de Gerini, etc.
BARATT1ERI (Barthélemi) , jurisconsulte
italien, né a Plaisance, vivait dans le xvie siè-
cle, fut conseiller du duc de Milan et profes-
seur de droit a Milan et à Pavie. Il a laissé
un ouvrage intitulé De Feudis (1542). J
BAIUTTIERI (Jean-Baptiste), ingénieur
italien, vivait dans le xvne siècle , a laissé un
traité d'Architecture hydraulique, en huit 1
livres (Plaisance, 1650, 1GG3 et 1G99). |
BAR
BARATTIERI fie comte Charles), physicien
italien, né à Plaisance vers 1738, mort en
1800. A la suite de longs voyages en Alle-
magne, en France et en Angleterre, il se livra
entièrement à des expériences de physique
dont les résultats sont consignés dans les
. Opuscoli scelti, de Milan. Bien que partisan de
Newton, il n'adopta point son système sur
l'optique, et il développa ses propres idées
dans un mémoire intitulé : Congiettura sulla
superfluita délia materia colorata, 0 de' co-
lori nella luce et del supposto intrinseco suo
splendore.
BARATYNSKI (Jewgenij- Abram) , poëte
russe , né vers le commencement de ce
siècle. Il fut élevé à, l'école des pages de
Saint-Pétersbourg, et il passa huit ans sous
le rude climat de la Finlande, avec le grade
d^officier. Libéré du service, il se retira tan-
tôt à Moscou, tantôt dans un domaine qu'il
possédait auprès de cette ville. Ses deux prin-
cipaux poëmes ont pour titre : Eda et la
Bohémienne ; les connaisseurs lo considèrent
comme le rival de Pouschkine. Il mourut en
Italie, au mois de septembre 1844.
BARAX ou BARAZE (Cyprien), jésuite fran-
çais, missionnaire, mort en 1702. Il alla prê-
cher l'Evangile dans l'Amérique méridionale,
chez les Moxes, vécut vingt-sept ans parmi ces
sauvages, adoucit leurs mœurs, détruisit leurs
coutumes barbares, leur enseigna les rudi-
ments des arts ; passa ensuite chez d'autres
peuplades, et. après tant d'années de cet ad-
mirable apostolat, trouva le martyre chez les
Baures, qui le tuèrent à coups de flèche et
de hache.
BARBA (Pompée délia), médecin et philo-
sophe italieD, né à Pescia (Toscane), mort en
1582. 11 était membre de l'académie de Flo-
rence , et devint dans la suite médecin de
Pie IV. Il a laissé des discours philosophiques
et divers autres opuscules empreints des doc-
trines platoniciennes, telles qu'on les interpré-
tait alors en Italie. Il avait aussi commencé
une traduction de Pline, qui est demeurée ina-
chevée. — Son frère, Simon, a donné aussi
quelques écrits et dissertations académiques.
BARBA (Alvarez-Aionzo), prêtre et minéra-
logiste espagnol, vivait dans le xviic siècle.
On connaît de lui YArte de los metalles, traité
publié à Madrid en 1640 (réimpr. en 1720) et
fort remarquable pour le temps. Il a été tra-
duit en français par Ch. Hautin de Villars
(1730), et par Lenglet-Dufresnoy (sous le
pseudonyme de Grosford), qui publia sa tra-
duction sous le titre suivant ■ Métallurgie ou
l'art de tirer et de purifier les métaux (Paris,
1751, 2 vol. in-12).
- BARBA (Jean), jurisconsulte et évèque ita-
lien, né à Naples, mort en 1749. Il repré-
senta le gouvernement de Naples parmi les
douze avocats consistoriaux, et détermina le
pape Clément XII à instituer la congrégation
des études projetée par Sixte V.
BARBA (Gustave), libraire-éditeur, né à Pa-
ris vers 1805. Il a publié beaucoup de romans
contemporains, et il fut, en même temps que
Bry, un des créateurs des livraisons illustrées
à 20 centimes, qui eurent une vogue si lucra-
tive, à partir de 1848.
BARBABIN (F.), dessinateur et graveur
français , travaillait au commencement du
xvm'= siècle. Il a gravé à l'eau-forte des pay-
sages, dans la manière de Genoels. Une de
ses planches : la Double Cascade, est datée
de 1710.
BARBACANE OU BARBACANNE S. f. (bar-
ba-ka-ne — de l'ar. bar-bab-khaneh, galerie
pour protéger une porte). Fortif., Meurtrière :
ouverture par laquelle les soldats peuvent
tirer à couvert ou surveiller la campagne.
Des pierrailles remplissaient les sarbacanes
des tours. (Th. Gaut.) 11 Autrefois, ouvrage
détaché et percé de meurtrières, qui était,
le plus souvent, joint à la place par un che-
min couvert ou défendu par un double rang
de palissades ou de murs crénelés. 11 Ouvrage
de fortification construit en charpenté et
clayonnago ou en maçonnerie, au-devant
d'une porte, pour la couvrir. 11 Tour d'une
place forte, sur laquelle se tenait la senti-
nelle chargée de surveiller les dehors, il Front
d'un ouvrage terminé par deux tours.
— Archit. Ouverture, généralement hante
et étroite, pratiquée dans un mur de sou-
tènement, pour l'écoulement des eaux : Des
plantes pariétaires sortaient par touffes abon-
dantes et variées entre les barbacanes de la
muraille. (Balz.) il Tuyau de fonte qui rejette
les eaux infiltrées derrière les murs de sou-
tènement ou dans les voûtes des ponts. (I Fe-
nêtre longue et étroite, pratiquée dans un
mur d'égliso, particulièrement dans celui
d'une crypte. H Ouverture pratiquée dans une
porte de cave.
BARBACENA (Felisberto - Caldeira Bhant,
marquis de), maréchal et sénateur brésilien,
né à Sabora en 1772, mort à Rio-Janeiro en
1842. Déjà célèbre par ses services dans la
marine et dans l'armée de terre du Portugal,
avant le démembrement de la monarchie, il
fut choisi par le prince-régent, récemment
proclamé empereur, pour négocier avec la
mère patrie l'indépendance du Brésil. L'habile
diplomate s'acquitta avec succès de sa mis-
sion et signa le traité de Rio-Janeiro (1823),
qui consacrait la séparation des couronnes du
Portugal et du Brésil. Ce fut lui qui fut en-
BAR
suite chargé do conduire en Europe la jeune
dona Maria, fille de don Pedro, et de faire
valoir ses droits. Appelé deux fois au minis-
tère des finances, il a opéré beaucoup d'amé-
liorations dans l'agriculture et l'industrie. Le
Brésil lui doit notamment l'importation de la
première machine et du premier bateau à va-
peur.
BARBACÉNIE s. f. ( bar-ba-sé-nî — do
Barbacena, n. pr,). Bot. Genre do plantes
monocotylédones, de la famille des hèmodo-
racées.
— Encycl. Les barbaccnies,à\iM. A.Richard,
sont des plantes d'un port tout particulier, qui
rappelle en petit celui des yuccas. Leur tige
est simple ou rameuse, ne portant des feuilles
qu'à l'extrémité de ses rameaux, tout le reste
de son étendue étant couvert des cicatrices
ou des vestiges des feuilles anciennes. Ces
feuilles sont dures, étroites, r.àdes, souvent
carénées ; les hampes ou pédoncules sont soli-
taires ou groupés au sommet de la tige ou de
ses ramifications. Les fleurs sont grandes,
souvent de couleur vive, verte, jaune ou
rouge. Le calice est tubuleux, adhérent à sa
base avec l'ovaire infère ; il est ordinairement
un peu dilaté dans sa partie supérieure, dé-
coupée en six lobes égaux ; à l'extérieur, il est
souvent recouvert de papilles glandulaires.
Les étamines, au nombre de six, sont insé-
rées à la base des divisions calicinales ;
leurs filets sont un peu plans et bifurques au
sommet; l'ovaire est ovoïde, à trois loges po-
lyspermes. Le style est triangulaire et porte, à
son sommet, un stigmate à trois côtes. Le fruit
est une capsule un peu triangulaire, recou-
verte par le tube calicinal, qui finit par s'en sé-
parer à l'époque de sa maturité complète. Elle
est à trois loges, qui contiennent chacune un
grand nombre de graines anguleuses et dres-
sées.
Le genre barbacënie comprend aujourd'hui
une quinzaine d'espèces. Ce sont de jolis ar-
bustes, qui croissent dans les parties monta-
gneuses du Brésil. Ils sont encore peu connus.
Vandelli est le premier qui ait déterminé leurs
caractères botaniques ; le professeur Martins
en a décrit et dessiné avec beaucoup de soin
six espèces nouvelles.
BARBACOAS, ville de l'Amérique du Sud,
dans la république de la Nouvelle-Grenade,
province de Cauca, à 180 kil. S.-O. de Po-
payan, au confluent du Telembi etdu Guaxi.
— Riche exploitation d'or.
BARBACOLE s. m. (bar-ba-ko-lo— du nom
de Barbacole, ancien personnage de parades;
du lat. barba, barbe, et colo, jo cultive). Fa m.
Maître d'école, magister.
Humains, il vous faudrait encore, à soixante ans,
Renvoyer chez les barbacoles.
La Fontaine.
— Jeux. Jeu de cartes, appelé aussi hocca
ou bassette. On écrit également barbacolle.
BARBACOU s.m. (bar-ba-kou— contract. do
barbu et coucou, comme ayant des analogies
avec ces deux genres). Ornith. Genre d'oi-.
seaux grimpeurs, do la famille des barbus,
renfermant sept espèces, qui vivent dans
l'Amérique du Sud. Les barbacous sont des
oiseaux sédentaires et solitaires, à moeurs in-
dolentes et inactives (Lafresn.).
— Encycl. Placés d'abord dans la famille
des coucous, les barbacous se rapprochent
bien davantage des barbus, tant par leurs
caractères que par leurs mœurs. Ils ont le bec
lisse et sans échancrure, fendu jusque sous
les yeux ; les mandibules courbées et poin-
tues, garnies, à la base, de soies touffues et
divergentes, qui cachent les narines ; le plu-
mage abondant, soyeux, ébouriffé, a barbes
désunies et imitant un duvet grossier. Les
sept espèces qui composent ce genre habitent
l'Amérique du Sud ; leur genre de vie est so-
litaire et tranquille. Les barbacous habitent la
lisière des forêts ou le voisinage des eaux, et
nichent dans de simples trous. On les appelle
aUSSi MONASES.
BARBACOV1 (François-Vigidro) , juriscon-
sulte et polygraphe italien, né en 1730 a Tajo,
village de Trentin (Tyrol italien), mort à
Vienne en 1825. Il devint avocat , professeur
de droit à Trente , conseiller aulique,'et se lit
connaître par divers ouvrages sur le droit ro-
main et le droit canonique. En 1784, il fut
chargé par Joseph II de la réforme du code
du Trentin; ce travail, accompli en deux ans,
lui valut, en 1790, lo titre de comte du Saint-
Empire, et, en 1792, celui de chancelier de la
principauté de Trente. Retiré à Vienne, en 1796,
lors de l'invasion française, il ne rentra à
Trente qu'en 1816, et s'y consacra à la cor-
rection de ses ouvrages. On a de lui : deux
ouvrages enlatin, l'un sur la Afesure des peines,
l'autre sur les Peines pécuniaires ; divers opus-
cules en italien, sur la Science de la législa-
tion; plusieurs ouvrages de politique; des
considérations pour servir à l'histoire des
guerres et du régne de François Iet, empereur
d'Autriche; deux volumes de Mémoires histo-
riques sur la cité et le territoire de Trente,
deux volumes de Réflexions ou maximes mo-
rales, politiques et littéraires; enfin, un Ré-
sumé de l'histoire littéraire d'Italie (Compen-
dio délia storia letteraria d'Italia), œuvre
posthume.
BARBADE (barbadoes), île des petites-
Antilles, par 620 long. O. et 13° lat. N.; su-
perficie, 27,000 hect.j 135,000 hnb., dont 84,C00
BAR
BAR
BAR
BAR
203
nègres émancipés; eh.-l. Bridgatown ; pro-
ductions principales : sucre, coton ot indigo;
sol peu élevé, climat très-sain. Découverte et
possédée d'abord par les Portugais, cette île,
siège actuel du gouvernement des Iles-du-Vent
et des Iles-sous-le-Vent , appartient, depuis
1624, à l'Angleterre, qui en tire un revenu an-
nuel dé 1,500,000 fr.
BARBAD1LLO (Alphonse-Jérôme de Salas),
poète dramatique et romancier espagnol, né
a Madrid vers 1E80, mort en 1630. Ami de
Cervantes, il a écrit des poemes^des nouvelles,
et des comédies où il raille, avec autant de
verve que d'esprit, les ridicules et les vices de
son temps. Ses productions les plus connues
sont les suivantes : La Ingeniosa Helena (1612),
histoire agitée d'une courtisane ; El Caballero
puntual (1014); Bimas castellanas (1618), con-
sistant surtout en sonnets et épigrammes; la
Sabia flora Malsabidiila (1621); El subtil
Cordovez Pedro de Urdemalas (1620) ; Los
triumphos de la beata soror Juana de la Crus
(1621); Don Diego de Noche (1623), histoire
semi-burlesque des infortunes amoureuses d'un
cavalier espagnol ; El Caballero descortes
(1621); Coronas del Parnaso (1625), etc.
BARBADORO (Barthélomi) , helléniste et
littérateur italien, né à Florence, vivait dans
le xvie siècle. Il fut un de ceux qui contri-
buèrent a faire revivre l'étude de la littérature
antique. Il découvrit deux tragédies, l'Electre,
d'Euripide, et l'Agamemnon, d'Eschyle, pu-
bliées par Victorius, la première en 1545, et la
deuxième en 1557.
BARBA6IA, nom donné à une contrée mon-
tagneuse du centre de la Sardaigne, située à
J'É. du Tirso et comprenant plusieurs paroisses,
entre autres Belvi, Soulo, etc.
BARBAGLI (Jérôme), jurisconsulte et auteur
dramatique italien, professeur de droit civil a
Sienne, puis auditeur de rote à Gênes, mort
en 1586. On connaît surtout sa comédie la
Pellegrina, représentée à Florence en 15S9.
— Son frère, Scipion Barbagli, créé chevalier
et comte palatin par l'empereur Rodolphe II,
mort en 1612, fut un littérateur assez distingué.
Il a laissé des discours, des poèmes et des
traductions.
BARBAJAN s. m. (bar-ba-jan). Ornith. Nom
vulgaire du chat-huant.
BABBAJOU ou BARBAJOUE s. m. (bar-ba-
jou — du lat. barba, barbe ; Jovis, de Jupiter).
Nom vulgaire de la joubarbe des toits.
BARBALE s. f. (bar-ba-le). Moll. Syn. de
barbelle.
BARBALKO BEZERRA (Augustin), voyageur
brésilien, né à Saint-Paul, mort vers 1667. Il
fut nommé, par Alphonse VI, administrateur
,des mines du Brésil (1664), organisa une expé-
dition pour aller a la découverte des fameuses
mines d'émeraudes depuis longtemps signa-
lées , explora vainement les vastes forêts
d'Espirito-Santo, et mourut de fièvres malignes,
au milieu de ces dangereuses solitudes. Son
voyage eut quelques résultats utiles pour la
géographie.
BARBALISSUS ou BARBARISSUS, ville forte
de l'empire romain, dans la Syrie, sur l'Eu-
phrate, au N. de Palmyre, dans la province
appelée Euphratésienne. Cette ville, recon-
struite par J ustinien, porte aujourd'hui le nom
de Baies ou Balis, et elle a perdu toute son im-
portance.
BARBAN s. m. (bar-ban). Entom. Espèce
de thrips qui cause, à Nice, de grands ravages
dans les plantations d'oliviers dont il attaque
les fruits.
BARBANÇOIS (Charles Hélton, marquises),
agronome distingué, né en 1760, au château de
Villegongis, près de Châteauroux, mort en
1S22, introduisit le premier en France les mé-
rinos d'Espagne, et obtint, en 1809, le prix pro-
fiosé par la société d'agriculture de Paris pour
e meilleur mode d'irrigation. Il a laissé un
grand nombre d'ouvrages : Mémoires sur les
moyens d'améliorer les laines et d'augmenter
les produits des bêtes à laine dans le départe-
ment de l'Indre (Châteauroux, 1804); Petit
traité sur les parties les plus importantes de
l'agriculture en France (Paris, 1S12); Des
droits et des devoirs des députés (1818) ; Prin-
cipes généraux d'instruction (1820) ; les Majo-
rais dans la Charte; des articles dans les
recueils d'agriculture, etc. — Son fils, Charles-
Eusèbe-Guillaume Hélion, marquis de Bar-
BaNçois, né vers 1780, lit partie du sénat vers
la fin du premier empire, fut nommé repré-
sentant h l'Assemblée législative de 1S49 ,
appuya la politique de l'Elysée et entra au
nouveau sénat en 1852.
barbançon s. m. (bar-ban-son — nom de
lieu). Techn. et miner. Marbre belge d'un
fond noir plus ou moins moucheté, qui se tire
de la commune de Barbançon, dans le Hainaut.
Dans le commerce, on le désigne vulgairement
sous le nom de petit antique.
BARBANÇON (Marie de), héroïne française
du xvje siècle, fille de Michel de Barbançon,
seigneur de Cani, épousa Jean de Barret, sei-
gneur de Neuvy. Demeurée veuve, elle fut
attaquée dans son château de Bénégon, en
Berry, par Montaré, lieutenant du roi, se dé-
fendit héroïquement à la tête d'une petite
troupe, et ne se rendit que contrainte par lo
manque de vivres (1569). Le roi, informé de
sa bravoure, la renvoya sans rançon et la fit.
iclublir dans son château.
BARBANEGRE (le baron Joseph), général
français, né à Pôntacq (Basses-Pyrénées) en
1772, mort à Paris en 1830. Il servit d'abord
dans la marine, puis entra comme capitaine
dans le corps des volontaires de son départe-
ment. Il était colonel du 48e de ligne, lorsqu'il
se distingua par un beau fait d'armes à la jour-
née d'Austerlitz. Général de brigade en 1809,
il prit part aux batailles de Ratisbonne et de
Wagram. Placé à l'arrière-garde dans la re-
traite de Russie, en 1812, il fut blessé et se
renferma avec les débris de sa troupe dans la
place de Stettin. Forcé de se rendre, il fut
conduit en Russie comme prisonnier de guerre.
Pendant l'es Cent-Jours il fut chargé de dé-
fendre Huningue, et, après une longue résis-
tance, il fut admis à sortir avec les honneurs
de la guerre. On accusa plus tard Barbanègre
d'avoir manqué aux usages de !a guerre en
faisant bombarder inutilement la ville de Bâle ;
mais une commission d'enquête, chargée d'exa-
miner sa conduite, déclara, à l'unanimité, qu'il
n'avait mérité aucun reproche. — Son frère
Jean, colonel de cavalerie, fut atteint d'un
boulet de canon sur le champ de bataille d'Iéna.
Napoléon, qui avait une haute idée de sa bra-
voure, fit transporter ses restes à Paris, où
un monument lui fut élevé au Gros-Caillou.
BARBANSON (Jean-Pierre), homme poli-
tique belge, né à Bruxelles en 1797. C'est un
des avocats les plus brillants du barreau de
Bruxelles. Lors de la révolution belge, il fit
partie du comité provisoire du département de
la justice, fut nommé député au congrès, ré-
digea le rapport sur la forme de gouvernement
à adopter, et fait partie du conseil provincial
de Brabant depuis 1838.
BARBANTANE. V. Puget.
Barbara (bar-ba-ra). Mot de l'ancienne
scolastique, désignant un syllogisme dont les
prémisses et la conclusion sont également
générales et affirmatives : Barbara, celarent,
Darii, ferio, baraliptan. (Mol.) Il Baisonner en
barbara, Tirer, de deux prémisses générales
affirmatives, une conclusion également gé-
nérale et affirmative.
— Encycl. La philosophie de l'école avait
fait une étude très-approfondie , très-minu-
tieuse du syllogisme, et elle avait déterminé
rigoureusement toutes les formes sous les-
quelles cet argument peut se présenter, pour
les ramener a des règles générales qui per-
missent de reconnaître s'il avait une valeur
réellement probante. On admettait, pour le
syllogisme, quatre figures, dont la dernière
était ordinairement ramenée à la première et
qui étaient déterminées par la place qu'occu-
pait le terme moyen dans chacune des deux
prémisses; chaque figure avait ensuite plu-
sieurs modes, selon la nature de chacune des
trois propositions dont l'ensemble forme le
syllogisme. On était convenu d'employer les
voyelles A, E, I, O pour représenter les di-
verses natures de propositions : A, E signi-
fiaient des propositions universelles, affirma-
tives pour A, négatives pour E; I, O signifiaient
des propositions particulières, affirmatives
pour /, négatives pour O. Afin de fixer ces
conventions dans la mémoire, on les avait
exprimées clairement dans les deux vers
suivants :
Asserit A, negat E, verum generalitcr arnbo;
AssErit I, neyat O, sed pariiculariter ainbo.
Toutes les figures et les modes du syllogisme
étaient figurés mnémoniquement dans quatre
vers hexamètres dont les mots n'ont aucun
sens comme mots, mais représentent chacun
un mode particulier de l'une des figures, par
la valeur attribuée aux voyelles et aux prin-
cipales consonnes. Voici ces quatre vers, qui
n'ont pas peu contribué à jeter du ridicule sur
la philosophie scolastique, et qui, pourtant,
supposent chez leur auteur une grande saga-
cité et un esprit de méthode vraiment prodi-
gieux :
Barbara, celarent, Darii, Ferio; Baraliptan,
Calentes, Dabitis, Fapesmo, Fresisonwntm ;
Cesare, Camestres, Festino, Baroco; Qarapli,
Felapton, Disamis, Dalisi, Bocàrdo, Fresison.
Quand nous serons au mot syllogisme, nous
expliquerons plus au long la valeur de tous
ces mots; ici, nous ne devons nous occuper
que du premier barbara. Par la position qu'il
occupe, on voit qu'il représente un syllogisme
de la première figure, c'est-à-dire où le terme
moyen est sujet dans la majeure et attribut
dans la mineure; cette propriété lui est com-
mune avec les trois mots suivants. On voit en
outre qu'il s'agit du premier mode de cette
figure, c'est-à-dire que, dans le syllogisme repré-
senté , les trois propositions sont universelles
affirmatives, puisque le mot renferme trois
fois la voyelle A. Quant à la consonne initiale
B, qui reparaît dans les mots baraliptan, ba-
roco et bocardo , elle signifie que les trois
formes de syllogisme représentées par les trois
dernières peuvent être ramenées a la forme
barbara, soit directement, soit en raisonnant
ab absurdo.
Voici un exemple d'argument eh barbara :
«Tous les animaux ont des instincts; or les
hommes sont des animaux ; donc les hommes
ont des instincts. » Le moyen terme est celui
qui n'est pas compris dans la conclusion et qui
ne sert qu'à mettre en comparaison les deux
autres termes j c'est donc animaux. Or, il est
manifeste que animaux figure comme sujet
dans la majeure, et comme attribut dans la
mineure; l'argument appartient donc à la
première figure. Il est manifeste également
que les trois propositions sont universelles :
on parle de tous les animaux dans la première,
de tous les hommes dans les deux autres ; c'est
donc le premier mode de la première figure.
En résumé, il serait ridicule de dire aujour-
d'hui qu'on va faire un raisonnement en bar-
bara; mais il n'en est pas moins vrai qu'on
raisonne ainsi tous les jours, et, si la connais-
sance du mot ne présente pas une grande
utilité, on pourrait dire qu'il y a dans les
sciences naturelles, tant cultivées aujourd'hui,
une foule de mots presque aussi barbares, dont
l'utilité n'est peut-être pas beaucoup plus
grande.
BARBARA ( Louis - Charles ) , littérateur
français, né à Orléans en 1822, mort en 186G.
j Ses premiers travaux ont paru dans la Bévue
i de Paris, en 1S54. Il a donné dans le Tournai
I pour tous des nouvelles, publiées ensuite en
l volume sous le titre de : les Orages de la vie.
:I1 a donné, en collaboration avec MM. Deslys
et Decourcelles, un drame tiré d'un publica-
tion antérieure , V Assassinat du Pont-Bouge, et
plusieurs volumes de romans et de nouvelles.
Bariiiiru Rndzitvill, tragédie polonaise de
Felinsky, publiée dansl'édition deses œuvres
complètes (1816-1821 et 1825). Cette pièce est
tirée de l'histoire de Pologne. A la fin du règne
de Sigismond 1er, Sigismond-Auguste, son fils
unique, épousa secrètement la jeune et belle
Barbara, fille de Georges Radziwill, grand
général du duché de Lithuanie. Devenu roi de
Pologne, ce prince conduisit sa femme à Cra-
covie, dans l'intention delà faire couronner;
il éprouva une grande résistance de la part de
lanoblesse, qui prétextaitqu'en épousantune
de ses sujettes il dégradait l'autorité royale,
mais qui , au fond , craignait que de telles
alliances avec des familles puissantes ne de-
vinssent funestes à la liberté publique. Le sujet
de la tragédie est aussi simple qu intéressant.
Le roi assemble son conseil et prépare les
moyens de triompher de la résistance de la
diète ; la reine mère, issue de la famille des
Sforce, ducs de Milan, avait un motif parti-
culier pour s'opposer au couronnement : elle
craignait de perdre le grand crédit qu'elle
avait eu pendant la vie de Sigismond 1er, et
qu'elle voulait conserver sous le règne de son
fils. Elle annonce qu'elle saura arrêter les
prétentions de la princesse, fort inquiète déjà,
mais qui, aimant son époux autant qu'elle en
est aimée , rentrerait volontiers dans la re-
traite, pour ne pas compromettre la gloire ni
l'autorité du roi. Celui-ci persiste noblement
dans ses projets ; la reine mère essaye en vain
de l'en détourner, et n'ayant rien obtenu, elle
prépare ses moyens secrets de vengeance.
Elle tâche d'intimider la princesse en lui pei-
gnant les dangers auxquels elle est exposée,
ainsi que son époux et la nation entière; elle
la décide à se retirer en Italie, pour prévenir
les plus grands malheurs. L'espoir de sauver
le roi séduit la jeune femme; un faux avis
annonce que le roi lui-même, par des motifs de
bien public, consent à la séparation. La prin -
cesse, se croyant délaissée, s'abandonne au
désespoir et ne veut plus s'éloigner ; elle croit
que son mari l'a sacrifiée.à la reine mère, qui,
irritée de ce nouvel obstacle et du mauvais
résultat de son artifice, ne peut plus reculer
sa vengeance. Mais le roi arrive, dément tout
ce qui a été raconté, et promet de repousser
la demande des nonces, qui bientôt se présen-
tent devant lui, et se déclarent contre le cou-
ronnement projeté. Le roi répond avec dignité ;
quelques grands, forment le projet d'éclater
contre le roi et de prendre les armes ; un d'eux
menace et insulte le roi, qui veut le faire ar-
rêter. On représente au prince que la loi ne le
permet pas, et il n'insiste point; mais il prend
des mesures contre la révolte. Sa mère tache
de l'intimider; il ne fléchit point. Les deux
armées sont en présence ; le roi, à qui un fidèle
sujet fait des remontrances, les écoute avec
intérêt : sa femme vient se jeter à ses pieds;
elle ne veut point être la cause de la guerre
civile. « J'irai, dit-elle, moi-même me jeter
sur les lances des combattants pour t' épargner
un crime, pour m'épargner la honte. Je veux,
je veux mourir; tu ne me laisses que cette
unique voie ; je veux mourir, car je ne puis
plus vivre pour toi. Qui! moi, je pourrais
presser contre mon sein un bras qui se serait
trempé dans le sang polonais ! Non, non, autant
je t'adore, autant je te haïrais ; j'aime le père
du peuple, je déteste le tyran. » — Le roi con-
sent à ce que la diète prononce; la diète l'in-
vite à se mettre au gouvernail de l'Etat, et
il déclare qu'il se soumet à la décision qu'elle
rendra. La révolte s'apaise : cependant le roi
vient bientôt annoncer k la princesse que le
sénat s'est prononcé contre eux ; mais soudain
le bonheur succède à leur désespoir, quand un
nonce leur apprend que la diète a révoqué son
premier décret; et qu'elle approuve le mariage
du roi. Celui-ci s'empresse de pardonner aux
révoltés. Tout à coup il est instruit du péril de
sa femme, empoisonnée par ordre de la reine
mère : il est au comble de la douleur; il
est auprès de la princesse, qui expire en lui
disant : ' Toi, vis, sauve la race des pères de
la Pologne, qui est prête à s'éteindre... Pré-
serve cette terre... des malheurs... de la
chute... » Le roi s'écrie : t Elle expire... et je
dois vivre, et vivre sans mon épouse I O Po-
logne 1 quel douloureux sacrifice exiges-tu de
moi! »
Barbara Badziwill passe pour la meilleure
tragédie polonaise. Elle respire cet amour de
la patrie qui devait animer son auteur, l'ami
de Rosciuszko. Les caractères en sont bien
tracés et bien soutenus, l'intérêt est habi-
lement ménagé. Deux scènes importantes sont
fondées sur le même ressort : en premier lieu,
la méprise résultant d'un avis qui est ensuite
reconnu faux ; en second lieu, le décret qui est
plus tard révoqué. Ce double emploi est peut-
être le seul défaut qu'on puisse reprocher à la
contexture de la pièce. La tragédie de Felinsky,
qui est pour le moins aussi célèbre que celle
de Vancla, par Niemcewicz, a été traduite en
français, et fait partie de la collection des
chefs-d'œuvre du théâtre étranger.
BARBARALEXIS OU BARBARALEXIE s. t.
(bar-ba-ra-lèk-siss, si). V. Barbarolexie.
BARBARAM (Louis), dessinateur et graveur
français, vivait vers 1050. Il était religieux
de l'ordre des prémontrés, et devint, comme
il l'a écrit lui-même sur son Plan de la cé-
lèbre et royale abbaye de Saint-Jean des Vignes
de Soissons, chanoine régulier de Saint-Martin
de Laon et prieur-curé de Missy. Outre cette
curieuse estampe, on a de lui des planches
représentant le plan et la vue perspective de
l'archimonastère de Prémontré.
BARBARANO (François), théologien italien,
de l'ordre des capucins, né à Vicence, mort
en 1656. On a de lui une Histoire ecclésiastique
de la ville et du diocèse de Vicence, ainsi que
quelques ouvrages de théologie.
BARBARASSE s. f. (bar-ba-ra-se). Mar.
Bosse exclusivement destinée à de grosses
amarres, et dont on se sert dans les mauvais
temps.
BARBARE adj. (bar-ba-re — du latin bar-
barus, formé lui-même du gr. barbaros, même
sens. Ces mots dérivent du sanscrit barbara,
sot stupide, formé-paria réduplication de la
syllabe barh, hurler ; de barbare est venu
berbère. La plupart des peuples ont des ter-
mes génériques analogues, à l'aide desquels
ils désignent d'une manière universelle les
hommes qui ne sont pas de leur race. Ainsi,
pour les Arabes, le mot adjemi joue le même
rôle que le mot barbare chez les anciens ; il
signifie à la fois un Persan et un étranger
quelconque. Les Allemands employaient et
emploient encore le mot waëlsch, wclche,
pour désigner les barbares par rapport à
eux, et aujourd'hui spécialement les Ita-
liens. Les Slaves désignent à leur tour les
Allemands sous le surnom collectif de nie-
miec , ceux qui ne parlent pas, les muets).
Etranger, dans, le langage dos Grecs et des
Romains ; se dit particulièrement des peuples
qui envahirent successivement l'empire ro-
main,, et finirent par en amener la chute :
Les peuples barbares qui conquirent l'empire
romain ne balancèrent pas un moment à em-
brasser le christianisme. (Montesq.)
, r ..... Ça peuple barbare
Sous notre discipline est devenu romain.
Corneille.
Il Qui a rapport, qui est propre aux nations
barbares : Les lois barbares modifièrent les
lois romaines. Les coutumes barbares se per-
dirent rapidement. L'Angleterre conserve avec
un respect religieux des lois absurdes et des cou-
tumes barbares. (DeBonald.) L'empire des vo-
lontés et la lutte des forces individuelles,
c'est là le grand fait de la société barbare.
(Guizot.)
— Sauvage, non civilisé : Une peuplade
barbare. Une nation barbare. C'est plus la po-
litesse des mœurs que celle des manières qui
doit nous distinguer des peuples barbares.
(Montesq.) On se figure que les anciens Gaulois
étaient barbares ; c'est une grande erreur ; ce
furent les barbares qui leur apportèrent la
barbarie. (Napol. 1er.) Le mot barbare est pour
nous à peu près synonyme de sauvage. (P. do
Rémusat.) Peuple barbare, qui ne cannait
même pas le plaisir de tisonner. (Laboulaye.)
— Par ext. Inhumain, cruel : Homme bar-
bare. Cœur barbare. Main barbare. Plaisir
barbare. Ces tuteurs barbares qui dépouil-
lent eux-mêmes leurs pupilles. (Mass.) Lorsque
les enfants sont barbares envers les bêtes in-
nocentes, ils ne tardent pas à le devenir avec
les hommes. (B. de St-P.) Bien n'est si bar-
bare que la vanité. (M'»e de Staël.) Richelieu
ne se contentait pas d'être barbare ; il érigeait
sa barbarie en doctrine. (Bignon.) Marius fut
un plébéien barbare qui ne sut qu'égorger gros-
sièrement ses ennemis. (Bignon.) Il y a quel-
que chose de barbare et d'impie à instruire ici
le procès d'unhomme qui n'est pas encore des-
cendu dans la tombe. (G. Sand.)
Barbare! c'est donc là cet heureux sacrifice
Que vos mains préparaient avec tant d'artifice!
Racine,
Aussi barbare époux qu'impitoyable père,
Venez, ei vous l'osez, la ravir a sa mère.
Racine.
Enfin, pour arrêter cette lutte barbare,
De nouveau Ton s'efforce, on crie, on les sépare.
Boileau.
Rien n'est sacré pour moi quand le courroux m'égare ;
Malheur a qui me force à devenir barbare.
D. Belloi,
— Inculte, grossier, sans règle, sans goût :
/.angue barbare. Mot barbare. Expression
barbare. Style barbare. Musique barbare.
Tertullien est le Bossuet africain et barbare.
(Chateaub.) Les langues romanes ne sont ni
faciles ni barbares, et méritent toute l'atten-
tion qu'on leur donne. (E. Littré.) Les lin-
204
BAR
BAR
BAR
BAR
autstes ont été surpris de trouver dans les
langues réputées barbares une grande richesse
de formes. (Renan.) Les sculpteurs fatiguèrent
nos yeux, pendant un siècle, de contorsions
barbares et de poses maniérées. (Vitet.)
D'un seul nom quelquefois le son dur et bizarre
Rend un poème entier ou burlesque ou barbare.
IÏ01LEAU,
il S'est dit pour gothique, à une époque où
le gothique était universellement regardé
comme un genre de décadence et do barbarie :
Architecture barbare. Ecriture barbare, h
Où les hommes ont des habitudes cruel-
les, inhumaines : Une contrée barbare.
Moi, que j'aille crier dans ce pays barbare.
Où l'on voit tous les jours l'innocence aux abois !
Boileau.
Il Où les hommes sont incultes , grossiers ,
peu civilisés :
, , . Dans un lieu que je croyais barbare.
Quelle savante main a bâti ce palais?
Corneille.
— Substantiv. Etranger, par rapport aux
Grecs et aux Romains : Les barbares firent
pleuvoir des flèches sur tes radeaux. (Vau-
gelas.) Home devint la proie des barbares.
(Boss.) L'invasion des barbares, en détruisant
l'Italie, obscurcit l'univers entier. (M»>c do
Staël.) D'une mer à l'autre, la main sacrilège
des barbares venus de l'Orient promène l'in-
cendie. (Chatcaub.) Depuis Commode, tous les
empereurs payèrent tribut aux barbares.
(Peyrat.) Des essaims de barbares venus du
Nord se précipitèrent sur l'empire romain.
(Chateaub.) Les Grecs et les Romains confon-
dirent sous le nom de barbarksïoks les peuples
gui n'étaient ni Romains ni Grecs. (P. do Ré-
musat.)
Songe! qu'une barbare en son sein l'a porté.
11AC1NE.
— Individu sauvage, grossier, peu civilisé :
Nous nous ferons toujours gloire d'être igno-
rants et barbares , mais justes, humains et
fidèles. (Fén.) Les Ilusses, à peu d'exceptions
près, ne sont encore que des barbares bien
habillés. (DeCustine.) Dans la progression des
lumières croissantes, nous paraîtrons nous-
mêmes des barbares à nos arrière-neveux.
(Chatcaub.) Les honnêtes gens, chez les bar-
bares , sont tous ceux qui vivent sans rien
/atre. (Toussonel.)
— Personne cruelle : Vousêtes un barbare!
Quoi, madame, un barbare osera m 'insulter!
Racine.
— Personne grossière, sans goût, insensi-
ble- aux délicatesses do l'art. Ces barbares
ont brûlé les tableaux et mutilé les statues!
Daignez au port accueillir un barbare;
Vierges d'ALhène, encouragez ma voix.
BÉRAKGEa.
— s. m. Le barbare, Le genre barbare, la
barbarie, en fait d'art et de littérature :
Hors du vrai par l'ennui les esprits égarés
Tombent dans le barbare, et les choses frivoles
Parlent plus haut au cœur que les chants inspirés,
A. Barbier..
— Antonymes. Civilisé, poli, policé.
— Encycl. Les Grecs désignaient sous le
nom de barbares tous les peuples qui parlaient
une langue différente de la leur. Les races
même intimement liées à la leur par des
liens de parenté linguistique et ethnographi-
que étaient confondues sans scrupule parmi
les barbares. « Le Grec, dit Max Miiller, qui a
donné sur cette question d'intéressants détails,
regardait comme un privilège de parler grec,
et même des dialectes étroitement apparentés
au sien étaient traités par lui de purs jargons.
11 faut du temps avant que les nommes con-
çoivent l'idée qu'il est possible de s'exprimer
autrement que dans la langue de leur enfance :
les Polonais appelaient les Allemands, leurs
voisins, Niemiec (niemy signifiant muet), tout
à fuit comme tes Grecs appelaient les barbares
aglossoi, c'est-à-dire ceux qui n'ont point de
langue. LcsTurcsappliquaientaux Autrichiens
le nom polonais de Niemiec. Dès le temps do
Constantin Porphyrogénète , Nemet-.oi était,
en grec, le nom usité pour la race allemande
des Bavarois; aujourd hui encore, les Arabes
appellent un Allemand Nemsatoi. On suppose
que le nom que donnaient les Germains à leurs
voisins les Celtes, walh en ancien haut alle-
mand, wealh en anglo-saxon, d'où dérivent
l'anglais welsh et le français gaulois, est iden-
tique au mot sanscrit mlechchha, et que ce
mot signifie une personne qui parle d'une
manière indistincte. Or, il est aujourd'hui à
peu près certain qu'il faut rapprocher du san-
scrit mlechchha le nom de peuple Belutch, que
l'on a donné dans l'Inde aux tribus qui occu-
pent la frontière occidentale au sud de l'Af-
ghanistan (avec 1» terminaison persane istan,
lielutchistan, le pays des lieluteks). ■>
• Les Grecs, ajoute M. Max Mûller , réu-
nirent, il est vrai, quatre de leurs propres
dialectes avec assez de précision ; mais ils
appliquèrent si généralement cette dénomina-
tion de barbares aux autres langues moins
étroitement apparentées au grec (les dialectes
des Pélasgos, des Cariens, des Macédoniens,
des Thraces et des Illyriens), qu'il est presque
impossible de faire servir à une classification
scientifique les renseignements que nous four-
nissent les écrivains de l'antiquité sur ces
idiomes qu'ils appellent barbares. Il est vrai
que Platon, dans le Cratyle, laisse entendre
que les Grecs avaient peut-être reçu leurs
mots des barbares, puisque ces derniers
étaient plus anciens que les Grecs; mais il ne
pouvait voir lui-même toute la portée de cette
remarque. Il fait seulement observer que cer-
tains mots, tels que les noms du feu, de l'eau
et du chien, étaient identiques en phrygien et
en grec, et il suppose que. les Grecs les
avaient empruntés aux Phrygiens ; mais l'idée
que la langue des Grecs et celle des barbares
pouvaient avoir une source commune ne s'est
jamais présentée à son esprit. »
Les Romains, en tout ce qui concernait les
sciences , n'étaient que les imitateurs des
Grecs. Après avoir été appelés barbares eux-
mêmes, ils s'habituèrent bientôt à donner le
même nom à toutes les autres nations, excepté,
bien entendu , aux Grecs leurs maîtres. Or,
barbare est une de ces épithètes d'application
facile qui, sous l'apparence de tout dire, ne
disent en réalité absolument rien, et ce terme
fut prodigué autant que celui à'hérélique au
moyen âge. Si les Romains n'avaient pas reçu
tout fait ce nom commode de barbare, ils au-
raient traité leurs voisins, les Celtes et les
Germains, avec plus d'égards et de sympathie;
en tout cas, ils les auraient considérés avec
plus d'attention, et, s'ils l'avaient fait, ils au-
raient découvert que, malgré les différences
apparentes, ces barbares étaient pour eux,
après tout, d'assez proches parents. La langue
de César ressemblait autant à celle des bar-
bares qu'il combattait en Gaule et en Germa-
nie, qu'à la langue d'Homère.
• Du reste, comme le fait fort judicieusement
remarquer M. Max Millier, il est dans l'habi-
tude de tous les peuples d'envelopper dans
une réprobation commune toutes les autres
nations, et cette réprobation se traduit par
des appellations génériques plus ou moins
péjoratives. C'est ainsi que, pour les Indous,
tout homme qui n'était pas né deux fois, c'est-
à-dire qui n'était pas de haute caste, était un
mlechchha; pour les Juifs, les incirconcis
étaient des gentils ; pour les musulmans, tous
ceux qui ne croyaient pas en Mahomet étaient
des /ciafirs, incrédules, ou des ghiaours, infi-
dèles, adorateurs du feu, etc.. »
Si maintenant nous interrogeons, avec M. Pic-
tet, sur cette intéressante question , les ori-
gines aryenes» ou indo-européennes, c'est-à-
dire les' grandes archives de notre race, nous
trouvons des faits extrêmement intéressants
et tout à fait caractéristiques. « On sait, dit le
savant linguiste que nous venons de nommer,
que le mot barbaros nous a été transmis par
les Grecs, et qu'il se trouve déjà dans Homère ;
mais on le voit aussi chez les Indiens, avec
les mêmes acceptions, sous les formes de
barbara, varbara et varvara. On ne saurait
admettre qu'il y ait eu transmission d'un peu-
ple à l'autre, parce que le terme sanscrit se
retrouve, non-seulement dans le Mahâbh ârata,
mais dans le Itikpratiçàkhya, ou traité de
prononciation et de récitation annexé au Ilig'
vêda, et qui date d'une époque encore plus
ancienne. Il faut donc remonter à la source
aryene commune. Le sanscrit varvara, outre
le sens de barbare et d'homme des castes dé-
gradées, a aussi celui de cheveux laineux et
crépus comme ceux des nègres. C'est ce qui
a conduit Benfey à en conclure que ce nom
était donné par les Aryas à quelque race
noire analogue aux Papous et aux Africains,
et ce qui le lui fait rattacher à la racine hvar,
curvum esse. Cette dérivation, qui supprime
k initial, est considérée avec raison par Lassen
comme peu admissible, et il ajoute que rien
ne porte à croire que les Aryas primitifs aient
jamais été en contact avec les races du type
nègre. Ce terme, suivant lui, s'applique plus
spécialement au langage , ainsi que 1 indique
l'épithète de barbarophdnoi, barbare loquentes,
que donne Homère aux Cariens. Kuhn appuie
cette manière de voir, en ce qui concerne
le sanscrit.
L'emploi du mot barbare chez les anciens,
pour désigner une langue étrangère, incom-
préhensible, peut être mis en évidence par
plusieurs exemples. Ainsi, dans les Oiseaux
d'Aristophane , la huppe dit que les oiseaux
étaient des barbaroi avant qu'elle leur eût ap-
pris à parler. D'après Hérodote, les Egyptiens
traitaient de barbares tous les peuples qui ne
parlaient pas la même langue qu'eux. Strabon
appelle les Cariens barbaroglossoi, à cause de
leur mauvaise prononciation du grec. Enfin,
Ovide, exilé parmi les Gètes, s'écrie : « Barbarus
hic ego sum quia non intelligor illis (je passe
pour un barbare ici, parce que je ne parviens
a me faire comprendre de personne). « Il paraît
donc certain que le sens de grossier, d igno-
rant, d'inculte, qui s'attachait au nom de bar-
bare, n'est que secondaire, et provient de ce
que les Grecs se considéraient comme les
plus civilisés des hommes. Il en était de même
chez les Indiens, où le mot mlechchha, du
verbe mlechehh (parler confusément, bre-
douiller); désignait à la fois un idiome inintel-
ligible et un barbare, c'est-à-dire un homme
qui ne parlait pas le sanscrit.
Ceci ne peut laisser aucun doute sur l'ori-
gine imitative du mot aryen barbara. Ce n'était,
comme mlechchha, qu'une onomatopée, et on le
traduisait parfaitement par bredouilleur. Ce
qui le prouve mieux encore, c'est qu'en san-
scrit barbara, varvara désigne le bruit confus
des armes; varvari, une abeille bourdonnante ;
et barnara, un fou, un idiot au parler inintel-
ligible. D'autres analogies sont le grec borbo-
ruzeïn, gronder; le lithuanien burbuloti, bour-
donner , faire glouglou , etc. , etc... Cette
onomatopée se retrouve aussi dans l'arabe
barbarat, murmure de colère ;* barbàr, irrité,
grommelant; balbûl , balbalàt , confusion,
comme celle des langues à Babel; bulbulâ,
bruit des chameaux d'une caravane, etc. |
« Il résulte de tout cela, ajoute M. A. Pictet,
que le sens de cheveux crépus, et aussi celui
de ver, qu'a le sanscrit varvara , n'est qu'une
extension matérielle de la notion de confusion,
d'embrouillement, appliquée d'abord aux sons, !
et qu'on ne saurait admettre la conjecture, j
ingénieuse d'ailleurs, de Benfey, sur l'exis- j
tence d'une race à cheveux laineux en contact :
avec les Aryens. ■ |
Avant de passer à la partie purement his- i
torique, signalons une particularité qui so
présente sous un aspect excessivement eu- '
rieux. Les nations désignées par les Grecs
sous le nom générique de barbares, et qui
souvent comprenaient des peuples extrême-
ment civilisés, semblent s'être beaucoup plus
préoccupées que les Grecs et les Romains de
l'étude des monuments littéraires et particu- ;
lièrement des idiomes étrangers.' Ainsi Max |
Mùllcr nous apprend que les barbares avaient,
en général, beaucoup plus de facilité pour ap-
prendre les langues étrangères que les deux
grands peuples représentant l'antiquité clas-
sique. Peu de temps, dit-il, après la conquête
macédonienne, nous trouvons Bérose à Baby-
lone, Ménandre à Tyr, et Manéthon en Egypte,
compilant, d'après les documents originaux ,
les annales de leurs patries respectives. Ils
écrivaient en grec et pour les Grecs; mais la
langue maternelle de Bérose était le babylo-
nien ; celle de Ménandre, le phénicien, et cello
de Manéthon, l'égyptien. Bérose savait lire
les documents cunéiformes de la Babylonie
aussi couramment que Manéthon lisait les pa-
pyrus d'Egypte. C'est un fait fort significatif
que de voir paraître en même temps ces trois j
hommes, barbares de tangue et de naissance, '
qui désiraient sauver de l'oubli l'histoire do
leurs pays en la confiant à la garde de leurs
conquérants. Mais ce qui n'est pas moins si-
gnificatif, ce qui n'est nullement à l'honneur
de ces conquérants grecs et macédoniens,
c'est le peu de cas qu'ils semblent avoir fait
de ces écrits, qui sont tous perdus et ne nous
sont connus que par des fragments; pourtant,
il n'est guère douteux que l'ouvrage de Bérose
n'eut été d'un secours inestimable pour l'étude
des inscriptions cunéiformes et de l'histoire
de Babylone, et que celui de Manéthon, s'il
nous était parvenu dans son intégrité, ne nous
eût épargné bien des volumes de polémique
sur la chronologie égyptienne. Toutefois, la
publication presque simultanée de ces trois
écrits nous montre que, peu de temps après
l'époque des conquêtes d'Alexandre dans
l'Orient, la langue grecque était étudiée et
cultivée par des écrivains d'origine barbare;
mais nous chercherions en vain un Grec de ce
temps-là qui ait composé des ouvrages en
langues étrangères.
— Hist. Les Grecs, justement fiers de leur
civilisation, prodiguaient avec mépris le nom
de barbares à toutes les nations de la terre.;
il n'y avait pour eux que deux sortes d'hom-
mes : les Hellènes et les barbares; les pre-
miers, nés pour dominer; les autres, pour
être subjugués. La servitude était le signe
distinctif du barbare , par opposition au Grec
libre. C'était la théorie des philosophes, des
orateurs, des hommes d'Etat, des poètes et du
peuple tout entier. Cette race, éprise d'elle-
même , confondait dans son dédain et sous
une même appellation : Perses, Romains^ Car-
thaginois, Thraces, Asiatiques, etc.
Quand les Romains eurent conquis la Grèce,
ils empruntèrent aux vaincus ce terme de
barbares. Le nord de l'Afrique fut pour eux
le pays de la barbarie. Suétone désigne les
Gaulois sous le nom de demi- barbares. Quand
la Gaule fut tout à fait incorporée, les limites
de la barbarie furent portées au Rhin. Enfin,
on finit par considérer tous les pays situés au
delà des frontières de l'empire romain comme
la patrie des barbares. Quand ces peuples
eurent envahi l'empire, l'épithète de barbare
cessa d'être flétrissante, et on la trouve dans
certains actes publics avec la signification de
vainqueur, de propriétaire du sol. Les Franks
l'appliquèrent à leur tour aux Germains; la
loi saliquë distingue les Franks et les bar-
bares.
Dans- son sens historique, ce nom désigne
particulièrement les hordes de toute race qui
inondèrent l'empire romain dans les premiers
siècles de l'ère chrétienne : "Vandales, Huns,
Goths, Alains, Burgundes, Avares, Hérules,
Gépides, Suèves, etc. M. Araédée Thierry les
classe en trois grandes races ou familles de
peuples : les Germains ou Teutons, les Slaves
et les Finnois. Ces derniers se rattachaient,
par le type et les langues, à l'Asie septen-
trionale ; les deux autres, aux races indo-eu-
ropéennes. Sans entrer ici dans l'examen de
ces questions d'ethnographie, nous donnerons
un aperçu des principales irruptions des bar-
bares dans les contrées qui composaient l'em-
pire romain.
Invasions des barbares. En réalité, le mou-
vement qui précipitait les tribus de la Germa-
nie et du Nord sur les provinces de l'empire
commence avec l'expédition des Cimbres et
des Teutons, qui envahirent la Gaule (an 113
av. J.-C), la dévastèrent, écrasèrent plu-
sieurs armées romaines, et furent enfin exter-
minés par Marius, près d'Aix (lûî av. J.-C.),
et par Marius et Catulus dans les plaines de
Verceil (loi av. J.-C). Un demi-siècle plus
tard, Arioviste et les Suèves envahirent la
Gaule et furent repoussés par César. Sous
Auguste, Rome attaque à son tour la Germa-
nie, dont l'indépendance, fut sauvée par Ar-
minius, le héros national. Les guerres de
Trajan contre les Daces, celles de Marc-Au-
rèle contre les Marcomans, ainsi qu'un grand
nombre d'autres actions partielles , furent
comme les préludes des grandes luttes entre
l'empire et le monde- barbare. Enfin, pendant
le me siècle de l'ère chrétienne, les peuples
de la Germanie s'organisent pour une guerro
d'envahissement et forment des confédéra-
tions particulières. En 256, les Francs pas-
sent une première fois le Rhin; puis viennent
les Burgundes et les Vandales, qui brûlent
soixante-dix villes en Gaule et sont refoulés
par Aurélien et Probus. En 310, Constantin
arrête une nouvelle invasion des Franks, qui,
sous Constance, parvinrent à s'établir dans
les Belgiques. Julien délivre encore la Gaule,
et Valentinien fortifie la ligne du Rhin ; mais
cette digue- n'arrêta pas longtemps le flot
montant de la barbarie.
Invasion de 407. Des tribus innombrables de
Quades, de Vandales, de Sarmates, d' Alains,
de Gépides, d'Hérules, de Saxons, de Burgun-
des, d Alemans franchissent le Rhin et dévas-
tent la Gaule jusqu'aux Pyrénées. Les Alains,
les Suèves et les Vandales pénètrent en Espa-
gne; les Alemans s'établissent entre le Rhin
et la Gaule, les Bourguignons dans la vallûo
du Rhône.
Invasion des Wisigoths (-112). Ataulfe, roi
des Wisigoths après Alaric, amène à son tour
ses hordes dans les Gaules, s'empare dos"
provinces méridionales, mais passe ensuite en
Espagne comme auxiliaire de l'empire contre
les autres barbares. En 418, Honorius concède
aux Wisigoths, en récompense de leurs ser-
vices, l'Aquitaine et Toulouse.
Invasion des Francs (-138). Ils passent en-
core une fois le Rhin, et, sous la conduite de
Clodion , se rendent maîtres des pays entre
le Rhin et la Somme, malgré la résistance
d'Aétius.
D'autres hordes de barbares s'étaient alors
également fixées en diverses parties de la
Gaule; mais les établissements les plus con-
sidérables sont ceux que nous venons d'é-
numérer.
Invasion des Huns (451). Attila dirige à son
tour une formidable armée contre les Gaules.
Nous avons rapporté, à l'article consacré au
terrible Fléau de Dieu, comment les Huns et
leurs auxiliaires furent vaincus aux champs
catalauniques par Aétius. Nous ne renouvel-
lerons' point ces détails, et nous renvoyons le
lecteur à l'article Attila.
Vers 481, nous trouvons la Gaule ainsi par-
tagée : au nord , les Francs Saliens et les
Francs Ripuaires ; à l'est, les Alemans, dans
les contrées que nous nommons aujourd'hui
Lorraine et Alsace ; dans la vallée du Rhône
(sauf la Provence), les Bourguignons; au sud,
les Wisigoths; à l'ouest, la Confédération
armoricaine. Les possessions de Syagrius,
c'est-à-dire quelques cités sur l'Oise, la Marne
et la Seine, étaient le dernier vestige de la
domination romaine. On sait que lés Francs,
avec Clovis et ses successeurs, s'emparèrent
successivement de toutes ces contrées, et fini-
rent par arrêter le flot des invasions germa-
niques.
Après cet aperçu des invasions des barbares
dans notre pays, il nous reste à dire un mot
de leur action sur les autres provinces de
l'empire.
Les peuples de race gothique, continuelle-
ment en lutte contre les Romains, s'étaient
établis, les uns en Espagne, les autres dans
la Dacie, la Mésie, la Thiace, et sur les rives
du Danube. En 402 et 408, les Wisigoths, sous
la conduite d'Alaric, avaient saccagé la Grèce,
s'étaient jetés deux fois sur l'Italie; puis,
comme nous l'avons dit plus haut, avaient
envahi, avec Ataulfe, la Gaule et l'Espagne
(412), et fondé un empire dont les Francs ar-
rêtèrent chez nous les progrès, mais qui ne
tomba en Espagne que trois siècles plus tard,
sous les coups des Arabes. L'empire gothique
du Danube fut dissous par les Huns d'Attila,
qui forma de toutes les hordes qu'il avait
vaincues une sorte d'empire barbare, qu'il
voulait précipiter sur le monde romain, mais
qui fut démembré après sa mort. Les Van-
dales, que nous avons vus pénétrer en Espagne
en407, avaient été conduits en Afrique, en 429,
par Genséric, qui fonda, de sou côté, un em-
pire vandale sur la côte septei-trionale, com-
battit continuellement les Romains et vint"
piller Rome en 455. La domination vandale fut
■ détruite en 533 par Bélisaire, général de Jus-
: tinien.
I En 476, Odoacre, roi des Hérules, établit sa
domination en Italie et détruit l'empire romain
, d'Occident. En 488, Théodoric, roi des Ostro-
i goths, envahit à son tour l'Italie et y fonde
une nouvelle monarchie barbare, Jui fut ren-
! versée en 554 par Narsès, mais bientôt rem-
j placée par la domination des Lombards.
| L'empire d'Orient subsista de longs siècles
! encore, mais constamment en lutte contre
d'autres barbares dont nous n'avons pas à
nous occuper ici, non plus que des invasions
des Avares, des Hongrois, des Sarrasins, des
Normands, etc.
BAR
BAR
BAR
BAR
205
Les invasions barbares ont détruit l'ancien
monde païen et préparé l'ère de la féodalité.
Suivant l'école historique dont les théories
sont encore officielles dans l'enseignement, les
barbares ont apporté avec eux le germe de
la plupart des institutions modernes, et notam-
ment le sentiment de l'indépendance indivi-
duelle et l'usage des assemblées d'hommes
libres délibérant sur les affaires publiques.
Sous leur domination, dit-on encore, l'escla-
vage domestique disparut peu à peu et fut
remplacé par le servage. Enfin, ils apportaient
une âme vierge à l'Eglise, et la religion du
Christ dut aux hommes du Nord sa forte unité
et sa poésie mystique. On sait qu'au xvm= siè-
cle on pensait, au contraire, que tous ces
mouvements de peuples et la destruction de
l'empire romain n'avaient eu d'autres résul-
tats que de plonger l'Europe dans les ténèbres
de la barbarie, jusqu'à l'époque de la Renais-
sance. De nouvelles théories s'élaborent au-
jourd'hui, mais ne sont encore qu'à l'état
d'ébauches.
Pour les mœurs, la religion, l'origine de
toutes ces races d'hommes qui ont submergé
la société romaine, voyez les articles spéciaux
qui leur sont consacrés.
EARBARÉE s. f. (bar-ba-ré — de barbe, nom
de sainte). Bot. Genre de crucifères, dont une
espèce porto le nom ù'herbe de Sainte-Barbe :
Une variété de la barbarée vulgaire, à fleurs
double, est très recherchée comme plante de
parterre.
— Encycl. Les barbarëes forment, dans le
groupe djs crucifères siliqueuses, un petit
genre caractérisé surtout par ses sépales lâ-
ches et sa silique tétragone. La barbarée com-
mune (barbarea vulgaris de Brown, erysimum
barbarea de Linné ) , appelée vulgairement
herbe de Sainte-Barbe, herbe aux charpentiers,
rondotte, julienne jaune, vélar, etc., est une
plante bisannuelle ou vivace, qui croît abon-
damment dans les lieux humides, au bord des
ruisseaux et des fossés; elle est plus com-
mune dans le nord de l'Europe que dans le
midi. Elle possède la saveur amère et un peu
acre du cresson et de la roquette, et on l'em-
ploie comme assaisonnement; dans certains
pays, on mange ses jeunes pousses en salade.
En médecine, elle est réputée dépurative et
antiscorbutique; on l'a surtout préconisée, à
l'intérieur, comn\e vulnéraire ; de là le nom
d'herbe aux charpentiers, qu'on lui donne dans
les campagnes, où cette plante jouit encore
d'une grande vogue. Ses fleurs abondantes,
d'un beau jaune d'or, l'ont fait introduire dans
les jardins d'agrément; elle y a donné nais-
sance à une variété à fleurs doubles, désignée
sous le nom populaire de girarde, et qui pro-
duit, dès le mois de mai, un très-bel effet,
surtout si on a soin de couper les rameaux dé-
fleuris et d'arroser copieusement le pied, afin
de prolonger la floraison.
La barbarée précoce (barbarea prœcox), vul-
gairement cressonnette ou roquette des Dignes,
a les mêmes propriétés et sert aux mêmes
usages ; sa saveur se rapproche encore da-
vantage de celle du cresson.
BAHBAMELLl (Giorgio), célèbre peintre
italien, plus connu sous le nom de Giorgione.
V. ce mot.
BARBAREMENT adv. (bar-ba-re-man —
rad. barbare). D'une façon barbare : Traiter
quelqu'un baRdaRëmeNt. Les Turcs ne traitent
pas toujours les chrétiens aussi barbaremknt
que nous nous le figurons. (Volt.) Il D'une façon
opposée au bon goût : Ecrire barbaremekt.
Les plantes sont généralement affublées par les
botanistes de noms barbariîment latins ou
grecs. (H. Berthoud.) Les chevaux en métal de
Corinthe, emportés par les Vénitiens, placent
sur la porte de Saint-Marc. Les images des
dieux et des déesses, barbarbment fondues, se
sont éparpillées en pièces de billon. (Th. Gaut.)
BARBARESQUE adj. (bar-ba-rè-ske — rad.
Barbarie). Qui appartient, qui a rapport à la
contrée africaine autrefois appelée Barbarie :
Peuple BARBARESQUE. Etats barbaresques.
Flotte BARBAR10SQUE. La tribu barbaresquis
des Harouârah quitta les environs de T{inis
peu de temps après la conquête de l'Egypte
par Sélim.
— s. m. Mamrn, Espèce d'écureuil, qui ha-
bite la Barbarie, et dont les mœurs sont
semblables à celles de nos écureuils d'Eu-
rope.
— s. f. Bot. Syn. de barbarine.
— s. m. pi. Les peuples barbaresques : Les
Barbaresques ne sont pas de mauvais soldats.
Ce navire a été pris par les Barbaresques.
Barbari (bar-ba-ri). Log. Mot technique
qui désigne un syllogisme dont les prémisses
sont générales et affirmatives, la conclusion
particulière et affirmative, il Argumenter en
\arbari, Tirer une conclusion particulière
Iffirmative de deux prémisses générales afâr-
natives. — C'est le syn. de baralipton. V. ce
mot.
BARBARICAIRE s. m. (bar-ba-ri-kè-re
— rad. Barbarie). Autref. Nom donné à des
soldats étrangers, enrôlés dans l'armée by-
zantine, qui portaient des casques peints de
couleurs variées.
— Techn. Ouvrier en tapisserie qui em-
ployait des fils d'or et de soies de diverses
couleurs.
BARBARIE s. f. (bar-ba-ri — rad. barbare).
Etat de ce qui est barbare, défaut de civili-
sation : Il rétablit les arts parmi -les peuples
où la barbarie les avait fait oublier. (Boss.)
Nous sortons à peine de la barbarie , dans
laquelle nous avons encore une jambe enfoncée
jusqu'au genou. (Volt.) 7,a barbarie e^ra/tse tous
les hommes. (Turgot.) L'extrême civilisation
apprivoise les passions : en les rendant peut-être
plus abjectes et plus corruptives, elle leur ôte
du moins cette féroce impétuosité qui distingue
la barbarie. (J. deMaistre.) Lespcuples les plus
civilisés sont aussi voisins de la barbarie que le
fer le plus poli l'est de la rouille, (Rivarol.)
C'est par le droit de propriété que Dieu a ci-
vilisé le monde, et mené l'homme du désert à
la cité, de l'ignorance au savoir, de la barba-
rie à ta civilisation. (Thiers.) L'existence du
soldat est, après la peine de mort, la trace la
plus douloxtreuse de barbarie qui subsista
parmi les hommes. (A. de Vigny.) La barba-
rie des Turcs tient, en grande partie, à l'état
d'abrutissement moral des belles Géorgiennes.
(H. Beylc.) La barbarie d'un peuple en déca-
dence a quelque chose de subtil et de contourné.
(Villemain.) Le caractère dominant de la bar-
barie, c'est l'indépendance de l'individu, la
prédominance de l'individualité. (Guizot.) Si
la civilisation n'éternise pas les nations, la
barbarie ne les fait pas vivre. (St-Marc-Gi-
rard.) A regarder au fond du monde païen,
c'est une grande et infernale barbarie. (L.
Veuiilot.) Plus les populations sont engagées
dans les liens de la barbarie, plus le frac-
tionnement est considérable. ( Maury. ) Au
xie siècle, la race saxonne avait fait un pas
hors de la barbarie, moi» ce n'était qu'un pas.
(H. Taine.) Tout pays où il n'est pas permis
de penser et d'écrire ses pensées doit tomber
dans la stupidité, la superstition et la barba-
rie. (De Jaucourt.)
— Cruauté, inhumanité : Frapper quel-
qu'un avec une barbarie révoltante. N'y a-t-il
pas barbarie à tenir dans l'incertitude, tou-
jours suspendu sur l'abîme, celui qui, avant de
naître, est adjugé à l'abîme, lui est dû, lui ap-
partient? (Michelot.) Un acte de barbarie
n'en autorise pas un autre. (St-Marc-Gir.)
Tour à tour la victoire, auprès d'eux en furie,
A poussi le courroux jusqu'à la barbarie.
Corbeille.
Enfin, de ma maison le perfide oppresseur,
Qui devait jusqu'à moi pousser sa barbarie,
Jéhu, le fier Jéhu tremble dans Samarie.
Racine.
Il Action cruelle, barbare : Tout ce qu'on ra-
conte des peuples les plus saiivages n'approche
pas des barbaries commises dans cette guerre.
Les remords te suivront, comme autant de Furies;
Tu croiras les calmer par d'autres barbaries.
Racine.
— Grossièreté, défaut de règle ou de goût :
La barbarie d'une langue. La barbarie du
goût. C'est Corneille qui tira le théâtre de l'a-
vilissement et de la barbarie. (Volt.) Que di-
raient les Despréaux, IcsJlacine, s'ils voyaient
les barbaries de nos jours? (Volt.) On vit
bientôt les Romains retomber dans la bar-
barie, d'où tant d'auteurs fameux les avaient
tirés. (Mass.) La délicatesse de la femme est
le plus puissant ennemi de la barbarie de
l'homme'. (A. Martin.)
— Syn. Barbarie, cruauté, férocité, inhu-
manité. La barbarie tient à l'état des mœurs,
elle a pour cause le défaut de civilisation ou
une civilisation incomplète. La cruauté est une
disposition du caractère, elle se pialt à verser
le sang, à faire couler les larmes. La férocité
est une cruauté furieuse, qui s'exalte par la
vue des souffrances et par les cris des victimes.
L'inhumanité ne peut se dire que des hommes ;
c'est l'état d'une âme qui reste insensible aux
souffrances des autres, qui ne veut pas les
soulager ou qui se plaît même à les faire naître.
On dirait : l'inhumanité du mauvais riche, la
férocité du tigre; la cruauté de Néron, la bar-
barie des anthropophages.
— Antonymes. Civilisation, politesse; con-
naissances, lumières, progrès.
— Anecdotes. Un des divertissements ordi-
naires de Moussey Ismael, roi de Maroc, était,
chaque fois qu'if montait à cheval, de tirer
son sabre et de couper la tête à l'esclave qui
lui avait tenu l'étrier.
Deux consuls entre lesquels était assis
Caligula, le voyant éclater de rire, lui en
demandèrent la raison : « Je ris, dit le monstre,
parce que je songe qu'à l'instant même je puis
vous faire égorger tous deux. »
*
Le mot suivant de Tibère donnera une idée
exacte du raffinement de barbarie que le tyran
apportait dans ses vengeances. Il faisait
souffrir les plus cruels tourments à un de ses
ennemis, qui lui demandait pour toute grâce
une prompte mort : ■ Une prompte mort! re-
partit le monstre, sommes-nous donc réconci-
liés? »
*
» •
Un des grands plaisirs du roi Charles ÏX
était de montrer son adresse à abattre d'un
Seul coup la tête des ânes et des cochons qu'il
rencontrait dans son chemin, en allant à la
chasse. Un jour, Lansac, un de ses favoris,
l'ayant trouvé l'épée à la main contre son
mulet, lui dit gravement : « Quel différend est
donc survenu entre Sa Majesté très-chrétienne
et son mulet? •
| Tout jeune, l'empereur Domitien préludait à
| ces caprices de cruauté qui devaient épou-
: vanter l'empire. Il s'enfermait chaque jour,
| pendant une heure, clans sa chambre et s'amu-
1 sait à tuer des mouches avec un poinçon d'or,
; ce qui donna occasion àVibius Priseus, à qui
' on demandait s'il n'y avait personne avec
l'empereur, de répondre : « Non , pas même
une mouche. » Cette plaisanterie coûta la vie
à celui qui l'avait hasardée.
#
» »
Le 8 octobre 1559, le roi Philippe II arrivant
à Valladolid, les inquisiteurs de cette ville,
pour le recevoir d'une manière conforme à son
caractère, lui donnèrent le spectacle d'un auto-
da-fé. La première victime qui monta sur l'é-
chafaud fut don Carlos de Seso, gentilhomme
italien, soupçonné d'avoir embrassé la doctrine
de Luther. Lorsqu'il sentit que la flamme attei-
gnait ses pieds nus, il tourna tristement ses
regards vers le roi. A cette plainte muette,
Philippe répondit froidement : • Je livrerais
mon propre fils s'il était hérétique, et, si l'on
manquait de bois pour le brûler, j'en appor-
terais moi-même. »
Ce même prince, voyant à ses pieds son fils,
qu'il avait condamné k mort, implorer sa clé-
mence, le regarda durement; et, comme le
jeune prince lui représentait, pour réveiller
sa tendresse paternelle, qu'il allait verser son
propre sang. « Je le sais, lui répondit le bar-
bare monarque; mais, quand j'ai du mauvais
sang, je ne balance pas à donner mon bras au
chirurgien pour le faire sortir. »
Mahomet II avait cultivé lui-même une
planche de melons, (jue le soleil semblait avoir
distingués en les mûrissant longtemps avant
les autres. Le sultan les avait recommandés
au jardinier du sérail et les visitait chaque
jour, ce qui n'empêcha pas un page, qui aimait
passionnément le melon, d'en cueillir quatre
et de les manger. Le sultan, informé du larcin,
qui était commis depuis quelques heures, entra
dans une violente colère, fit amener tous les
pages, qui seuls avaient l'entrée des jardins,
et ordonna au coupable de se nommer. Per-
sonne ne se déclarant, le barbare despote
commanda d'ouvrir successivement le ventre
de tous les pages, jusqu'à ce qu'on eût dé-
couvert le coupable. On trouva les melons à
demi digérés dans le ventre du quatorzième.
*
Gentil Bellini, peintre vénitien, fut appelé à
Constantlnople par ce même Mahomet II, pour
lequel il peignit une Décollation de saint Jean-
Baptiste. Le sultan, tout en rendant justice au
talent de l'artiste, releva néanmoins un défaut
dans le tableau, c'est qu'on ne remarquait au-
cune contraction dans les muscles de la figure,
ce qui arrive toujours quand un homme meurt
décapité. Pour justifier son sentiment, le sultan
appela un esclave, auquel il fit voler la tète
d'un coup de son cimeterre, et montra au
peintre la crispation des lèvres aux deux coins
de la bouche, Bellini convint de la vérité de
l'observation; mais il fut tellement épouvanté
de cette manière de faire de la critique, qu'il
s'empressa de quitter Constantinople, malgré
les faveurs que lui prodigua Mahomet pour le
retenir.
BARBARIE ou ÉTATS BARBARESQUES ,
dénomination géographique par laquelle on
désigne communément la vaste contrée de
l'Afrique septentrionale, qui s'étend du cap
Noun, à l'O., sur l'Atlantique, au cap El-
Mellah , à l'É. , sur la Méditerranée , entre
cette mer, au N., et le grand désert de Sahara,
au S. ; par H» de long, occident, et 24° de
long, orient., et entre 26° et 37» 37' de lat.
N. Plus grande longueur, 3,500 kil. de l'E. à
l'O. ; plus grande largeur, 000 kil. Superficie
évaluée à 20,000 myriumèt. carrés, renfermant
une population d'environ 10 millions d'hab.
Les Romains avaient donné aux. contrées com-
prises dans ces limites les noms de provinces
d'Afrique, de Numidieet de Mauritanie. Quant
au nom de Barbarie, c'est une corruption de
celui d'Arâh-el-Berber (terre des Berbers),
qu'on trouve dans les géographes arabes, et
principalement dans Ecirisy. Ce serait donc
Berbérie qu'il faudrait dire, au lieu de Barba-
rie; car ce n'estpointparcequeles habitants de
ces contrées sont barbares que nous donnons
à leur pays le nom de Barbarie, c'est parce
que ces régions sont habitées, du moins en
grande partie, par des Berbères. Les géo-
graphes du xvc et du xvic siècle nommaient
Mauritanie cette partie de l'Afrique, qui, de
nos jours, est appelée par les habitants de
l'Egypte Maghreb, c'est-à-dire terre du cou-
chant. Le. Barbarie ou M aghreb comprend , dans
sa vaste étendue, l'empire de Maroc, l'Algérie,
les régences de Tunis et de Tripoli, et de nom-
breuses tribus indépendantes qui habitent les
oasis du Sahara. Bien que nous consacrions,
dans le Dictionnaire, un article spécial à chacun
de ces Etats, nous devons nous arrêter ici à
quelques considérations générales touchant la
géographie et surtout l'ethnographie des Etats
barbaresques.
Baignée sur une vaste étendue par l'Océan
et la Méditerranée, entrecoupée par des mon-
tagnes et quelques déserts sablonneux, sans
rivières navigables, et sans lacs, la Barbarie
n'a, dans sa partie septentrionale et centrale,
aucun des caractères du continent africain.
Elle ressemble beaucoup plus au midi de l'Eu-
rope, à l'Italie et à l'Espagne, mais avec un
sol plus fécond et des productions plus variées.
Là croissent, en effet, et mieux qu'en aucun
lieu du monde, toutes les céréales, et autres
végétaux propres à la nourriture de l'homme
et des animaux domestiques , les arbres qui
donnent de beaux ombrages ou servent aux
constructions, les plantes médicinales et d'a-
grément. Les plaines sont couvertes de mois-
sons et de pâturages abondants; le genêt à
haute tige, les différentes espèces de cistus,
les résédas odorants, les sumacs, les bruyères,
les aloès, les agaves, les euphorbes et les cac-
tus, qui supportent la chaleur et la sécheresse,
ornent les anfractuosités des rochers et four-
nissent aux chèvres qui les habitent une nour-
riture et un ombrage salutaires. Rarement le
dur et stérile granit couronne les cimes élevées ;
la forme arrondie et verdoyante de presque
toutes les montagnes atteste partout la pré-
sence du calcaire. Les lias, les schistes, les
brèches coquijlières, les gneiss , les marnes
rouges, les travertins y composent le sol des
monts, qui renferment de beaux marbres et
abondent en mines de plomb, de cuivre, de
fer et d'antimoine, qu'il serait facile d'exploiter.
Le règne animal n'est pas moins riche en
Barbarie que les deux autres : l'abondance des
mûriers blancs permet d'y élever une grande
quantité de vers à soie; les mouches à miel y
donnent tant de cire que les luminaires qu'on
en formait ont reçu en Europe le nom de bougies,
de la ville d'où on les exportait. Les oiseaux
de basse-cour, et toutes sortes de gibier y
abondent, Les chèvres du Maroc, les chevaux
du Tell (partie de la Barbarie comprise entre
la Méditerranée et la chaîne de l'Atlas), les
autruches, les lions, les panthères, les chacals,
les gazelles, etc. du Sahara complètent la
faune de cette vaste contrée.
Quant à la population, formée de peuples de
différentes races, elle se compose surtout de
Berbers, race autrefois compacte et souve-
raine, aujourd'hui ôparseetdéshéritée. Fille de
la terre africaine, en ce sens du moins que les
plus vieilles traditions, que les monuments les
plus anciens nous les montrent dans les mêmes
lieux et qu'on ne lui connaît point d'origine
étrangère, la race berbère a primitivement
couvert toute cette zone extérieure du conti-
nent qui se développe en un arc immense,
depuis la mer des Indes et la mer Rouge jus-
qu aux colonnes d'Hercule et à l'Atlantique.
Mais, à l'exception de l'Egypte, dont les obs-
cures origines ne projettent aucune clarté sur
les temps antiques, elle ne se constitua nulle
part en corps politique régulier et perma-
nents. Comme les populations éternellement
nomades de la haute Asie, elle resta partout
enchaînée à la vie pastorale. Aussi voit-on,
d'époque en époque, ses éléments, plutôt juxta-
posés que cimentés par des rapports intimes,
se désagréger, se déplacer, parfois se perdre
et disparaître sous la pression des invasions
étrangères. Ce sont d'abord les Carthaginois ;
après les Carthaginois, les Romains ; après les
Romains, les Grecs de Byzance; après les
Byzantins, les Vandales; puis ce sont les
Arabes, et plus tard les Turcs Ottomans, dont
la domination barbare s'est affaissée devant le
drapeau de la France. De toutes ces domina-
tions successives, antérieures à 1830, une seule,
la domination arabe, a laissé dans le pays, à
côté des aborigènes , un second élément de
population dans des proportions considérables.
C'est vers le milieu du xr= siècle, quatre cents
ans après la première apparition des musul-
mans dans l'Afrique romaine et leur première
prise de possession, qu'un nouveau flot de tribus
arabes déborda sur le Maghreb, extermina ou
refoula une grande partie des Berbers de la
côte, s'empara des plaines et des plus riches
vallées, et y forma la souche des trois millions
d'Arabes que l'on y compte aujourd'hui. C'est
de cette époque que date la distribution des
Berbers telle que nous la voyons aujourd'hui.
Nous ne parlons pas des tribus les plus orien-
tales, de celles qui demeuraient entre la basse
Egypte et ce vaste enfoncement de la côte afri-
caine qu'on nomme les Syrtes : celles-là ont
complètement disparu, exterminées ou re-
foulées dans les profondeurs du désert; des
tribus arabes ont pris leur place. Nous nous bor-
nons à la région comprise entre les Syrtes et
l'Atlantique, à la Barbarie. C'est dans ce vaste
espace que sont disséminés les débris de ce
qui fut autrefois la nation berbère. Elle y forme
trois groupes principaux (si l'on peut appliquer
ce terme a une telle dissémination), distingués
par des noms différents, d'après Ibn-Khaldoun,
l'historien de la race berbère : les Berbers
du Maroc sont désignés sous l'appellation col-
lective de Chellouh ; ceux de l'Atlas algérien
sous le nom de Kabyles, ou plus correctement
Kébaïls : les Berbers du désert sont appelés
Touaregs. Ce dernier nom, dit M. Henri Du-
veyrier, à qui nous empruntons quelques détails
sur la Barbarie, est la forme plurielle du nom,
dont le singulier est Targhi. Chacun de ces
groupes berbers se partage en plusieurs tribus,
qui seront énumérées aux articles Chellouh,
Kabyles, Touàrkg.
Les Berbers furent convertis au christia-
nisme au temps de la domination romaine, et,
aujourd'hui encore.les Touaregs gardent, à leur
insu, dans nombre de traits particuliers de leurs
habitudes domestiques, la trace des idées chré-
tiennes. Ils appellent Dieu Mési, et un bon
génie Anyélous. Ils adoptèrent la loi musulmane
après la conquête arabe du vu» siècle, et mu-
206
BAR
sulmans ils sont restés comme tous les no-
mades du désert. Mais leur religion n'est ni
gênante ni rigide. Ils prient peu, et ne s'as-
treignent ni aux. jeûnes ni aux ablutions; ils
n'ont guère de musulman que le titre.
barbarie-muscat s. f. (bar-ba-rî-mu-
ska). Hortic. L'une des variétés de pommes
qui entrent dans la fabrication du cidre dit
des cinq pommes.
BARBARIGO (Augustin), doge de Venise, de
1486 a 1501. Sous son administration', le
royaume de Chypre fut réuni aux Etats de
Venise, par la cession de la reine, qui était
de la maison vénitienne de Cornaro, et qui
reçut pour dédommagement une pension de
8,000 ducats. L'invasion de l'Italie par Char-
les VIII entraîna ensuite Venise dans une
guerre continentale, pendant que les Turcs
lui enlevaient ses provinces grecques.
BARBARIGO (Grégoire), cardinal, né à
Venise en 1625, mort en 1697. Evêque de
Bergame en 1G57, il mérita par sa charité le
surnom de nouveau Charles Borromèe} et fut
ensuite appelé au siège de Padoue, ou il in-
stitua un séminaire, qu'il dota et pourvut de
professeurs pour les langues orientales. On a
de lui vingt-cinq lettres adressées à Maglia-
becchi.
BARBARIGO (Jean-François), savant car-
dinal, neveu du précédent, né à Venise en
1058, mort en 1730. Il avait été deux fois am-
bassadeur à la cour de Louis XIV, entra dans
les ordres et devint cardinal et évêqua de
Vérone, puis de Padoue. Il aimait et proté-
geait les lettres, lit imprimer à ses frais un
grand nombre d'éditions, et exécuter un ma-
gnifique ouvrage orné de portraits et consacré
à retracer l'histoire de ses ancêtres.
BARBARIN s. m. (bar-ba-rain — rad. Bar-
barie, nom géogr.). Métrol. Monnaie des
Arabes d'Espagne, gui s'introduisit en France
sous les Carlovingiens. il Monnaie frappée à
Limoges depuis le commencement du xue siè-
cle jusqu'à la fin du xtn", et qui était ainsi
nommée parce qu'elle portait pour type la
figure barbue et vue de face de saint Martial,
patron de la principale abbaye de la ville.
— Ichthyol. Nom vulgaire de quelques pois-
sons de différents genres, dont les mâchoires
sont garnies de barbillons, et qui s'appli-
que particulièrement à une espèce de silure
et aux petits barbeaux.
barbarine s. f. (bar-ba-ri-ne — rad.
barbe). Bot. Nom vulgaire d'une variété de
courge : En général, le fruit des barbariniss
est plus gros que celui de la cougourdette.
(V. do Bomare.) Il On dit aussi barbaresque.
BARBARISANT (bar-ba-ri-zan) part,
prés, du v. Barbariser : L'invasion progres-
sive des spiritueux et des narcotiques se fait
invinciblement, avec des résultats divers, selon
les populations, ici obscurcissant l'esprit, là
barbarisant sans retour. (Michelet.)
BARBARISÉ, ÉE (bar-ba- ri-zé) part,
pass. du v. Barbariser : Peuple barbarisé.
BARBARISER v. a. ou tr. (bar-ba-ri-zé
— rad. barbare). Néol. Rendre barbare :
L'usage des narcotiques barbarisé les Chinois.
Des espèces les plus douces l'homme a fait d'hor-
ribles carnages, les a ensauvagées et barbari-
sées pour toujours. (Michelet.)
— Jeter dans un état de barbarie, dans
une extrûme grossièreté de mœurs : Les
barbares et leurs dieux ne parlaient pas, hur-
laient ou soufflaient dans ces instruments gui
brouillaient la pensée et barbarisaient l'âme.
(Micholot.) H Rendre grossier, inculte, sans
goût :
Barlariser son style, empenner Bon génie,
Et, comme ses lecteurs, lîouer la prosodie.
VlENNET.
— v. n. ou intr. Parler d'uue façon bar-
bare; faire des barbarismes : Le collège est
une maison où l'on barbarisé huit ou dix ans
durant.
barbarisme s. m. (bar-ba-ri-sme —
rad. oarfcare). Gramm. Expression vicieuse,
ou tour étranger à la langue : Il n'a manqué
à Molière que d'éviter le jargon et le barba-
risme. (La Bruy.) Il est des barbarismes et
des solécismes qu'il est moins fâcheux de con-
server qu'il ne léserait de les effacer. (Littré.)
Grâce à de nombreux barbarismes, les rab-
bins ont réussi à se former un vocabulaire
assez complet. (Renan.) En latin , tout ce
qui n'est pas grammaticalement régulier est
décidément barbarisme. (Renan.)
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme.
Boileau.
— Barbarisme de mot, ou simplement bar-
barisme. Emploi d'un mot altéré dans sa
forme ou n'appartenant pas à la langue : Un
barbarisme heureux reste dans une langue,
sans la défigurer; des solécismes ne s'y éta-
blissent jamais sans la détruire. (Chatcaub)
Le mot déesse serait en hébreu le plus horrible
barbarisme. (Renan.) il Barbarisme de phrase,
ou simplement barbarisme, Manière de parler
opposée aux règles de la grammaire.
— Par anal. Faute contre les règles ou le
goût : Ce morceau de musique est plein de
BARBARISMES.
— Fig. Incongruité, chose réprouvée par
la règle ou le goût : Des incongruités de
bonne chère et des barbarismes de bon goût.
(Mol.) Pour sortir d'embarras, il se permet,
avec les personnes qui l'aiment, des barbaris-
BAR
mes de conscience enterrés da?is les mystères
de la vie privée. (Balz.)
— Encycl. Il est assez difficile d'établir uno
distinction bien tranchée entre les fautes de
langage qui constituent un barbarisme pro-
prement dit et celles qu'on doit comprendre
parmi les solécismes. A ne consulter que l'é-
tymologie, ces deux mots devraient être par-
faitement synonymes, puisque les barbares
étaient pour les Latins ce que les habitants de
Soli, ville de Cilicie, étaient pour les Grecs,
c'est-à-dire des étrangers qui parlaient mal,
parée qu'ils lie connaissaient pas bien la lan-
gue. Cependant, l'usage n'a point admis cette
synonymie parfaite : il y a des fautes qui sont
des barbarismes, il y en a d'autres qui sont
des solécismes; mais il y en a aussi pour les-
quelles il est assez difficile de dire quel est
celui de ces deux mots qui convient le mieux.
Tout le monde est d'accord pour ranger parmi
les barbarismes : 1° un changement de quel-
que importance apporté par ignorance dans la
forme d'un mot, lorsque cette forme est fixée
depuis longtemps dans la langue, comme lors-
qu on dit rébarbaratif au lieu de rébarbatif,
coutumace pour contumace, pierre de lierre
pour pierre de liais, il véquit pour il vécut, je
revêtis (au présent) pour je revêts; 2° l'emploi
d'un mot pour un autre ayant avec le premier
quelque ressemblance de forme seulement,
comme corps aux pieds pour cor, il a recou-
vert la vue pour il a recouvré ; 3° l'emploi
irréfléchi de certains dérivés que l'usage n ad-
met point, tels que élogier de éloge, boitation
de boiter, au lieu de claudication, etc. ; 4° tout
mot pris dans un sens que les bons diction-
naires n'admettent pas, comme conséquent
pour considérable, ou boyaux pour entrailles,
dans la phrase : Vous avez pour moi des boyaux
de père. Tout le monde s'accorde aussi à don-
ner le nom do solécisme aux fautes suivantes :
1" un présent du subjonctif, quand la syntaxe
demande l'imparfait : Je craignais qu'il ne
m'entende, pour qu'il ne nl'enlendit ; 2° le sin-
gulier ou le pluriel, quand la syntaxe demande
un autre nombre : Le plaisir et la douleur se
succède, au lieu de se succèdent ; les fleurs le
plus belles, pour les plus belles; 3" un genre
employé pour l'autre, quand cette faute ré-
sulte, non d'une erreur commise sur un mot
unique, mais de l'ensemble même des mots
qui constituent la phrase : Un père ou unemère
se montrerait plus indulgent, au lieu de indul-
gente. On peut dire, d'une manière générale,
que les fautes de construction sont toujours
des solécismes, si Von entend par la celles qui
consistent uniquement dans de faux rapports
établis entre plusieurs mots d'une phrase, con-
trairement aux régies de syntaxe proprement
dites; mais nous allons voir bientôt que ce
principe lui-même ne suffit pas encore pour
décider tous les cas douteux.
Le dictionnaire de l'Académie compte parmi
les barbarismes l'emploi d'un auxiliaire pour
un autre, dans les temps composés de certains
verbes : je m'en ai douté, pour je m'en suis
douté, par exemple. C'est un barbarisme, en
effet, si l'on considère ai douté comme équi-
valent à un mot unique; mais, si l'on y voit
deux mots distincts, ce serait plutôt un solé-
cisme, puisque c'est la syntaxe qui commande
d'employer l'auxiliaire être dans les temps
composés des verbes pronominaux, et puis-
qu'il n'y a là qu'un faux rapport établi entre
1 auxiliaire et le participe. Dumarsais cite la
phrase : Il arriva auparavant midi , comme con-
tenant un barbarisme, et pourtant encore on
pourrait n'y voir qu'un solécisme , puisque
c'est une règle de syntaxe qui défend de pla-
cer un substantif, comme complément, immé-
diatement après un adverbe; on pourrait dire,
pour concilier les deux opinions, qu'il y a bar-
barisme, si celui qui parle ainsi s'imagine que
auparavant veut dire avant, mais qu'il y a so-
lécisme, s'il croit seulement qu'il n'est pas dé-
fendu de donner un complément direct à un
adverbe, distinction, d'ailleurs, qui serait plus
subtile qu'importante. Le même Dumarsais
compte encore parmi les barbarismes cette
phrase tout anglaise de construction ; Est
pas le roi allé à la chasse? pour le roi n'est-il
pas allé à la chasse? Il est certain que l'An-
glais qui parle ainsi se montre barbare, c'est-
à-dire étranger au génie de notre langue;
mais, au fond, son ignorance porte ici sur la
construction seule, et non sur les mots : il y'
aurait donc de bonnes raisons pour qualifier
sa faute de solécisme. Comment, enfin, de-
vra-t-on qualifier ces fautes si communes dans
la classe populaire : d'excellentes légumes, une
éclair brillante, une belle paraphe, un senti-
nelle endormi, etc.? On pourrait encore iei re-
courir à la même distinction subtile que nous
avons déjà faite : ce sont des solécismes, si
l'on considère ensemble le substantif et l'ad-
jectif, pour examiner comment ils sont unis;
ce sont des barbarismes, si l'on arrête son
attention sur le substantif seul, pour constater
qu'il est mal connu dans sa nature propre,
telle qu'elle est fixée dans la langue.
Nous avons dit que, pour qu'il y ait barba-
risme quand on apporte un changement dans
la forme des mots, il faut que cela soit fait
par ignorance. Personne, en effet, n'oserait
dire que Voltaire faisait un barbarisme quand
il écrivait Français au lieu de François, j avais
au lieu de j'avois; ni que Celui qui, le premier,
a proposé d'écrire abime pour abyme, porte-
feuille pour porte-feuilles, ait fait acte de bar-
barie. En général, toute forme nouvelle pro-
posée sciemment, dans le but de régulariser
BAR
ou d'enrichir la langue, est un néologisme, et
no doit pas être réputée pour une faute do
langue. Ce n'est pas à dire que tous les néo-
logismes doivent être admis ; mais, s'il y en a
de blâmables, ce sont des erreurs qui ne doi-
vent jamais être confondues avec les barba-
rismes. Enfin, nous avons dit aussi que le chan-
gement dans la forme des mots devait avoir
quelque importance, et par là nous avons
voulu faire entendre qu'il ne fallait pas con-
fondre avec les barbarismes les simples fautes
d'orthographe : ainsi, celui qui écrit ce dernier
mot sans h, celui qui met mosïeu pour Mon-
sieur, ceur pour coeur, trajëdie pour tragé-
die, etc., n'est point précisément un barbare
pour la langue ; il aurait seulement besoin de
retourner à l'école et de s'asseoir quelque
temps sur les bancs.
Voltaire distinguait des barbarismes de mots
et des barbarismes de phrases; mais les fautes
qu'il comprenait sous cette dernière dénomi-
nation sont généralement rangées aujourd'hui
parmi les solécismes.
Tout ce que nous venons de dire sur les
mots barbarisme et solécisme est passablement
embrouillé, nous en convenons franchement.
C'est ce que Voltaire appellerait avec raison
de la métaphysique. Notre tort est d'avoir
voulu donner un résumé de toutes les opi-
nions, qui sont, il faut l'avouer, singulière-
ment contradictoires. Aussi éprouvons-nous,
en terminant, le besoin de résumer, en quel-
ques lignes,.ce qui n'a nullement été dit plus
haut. Nous serions désespéré d'entendre les
lecteurs du Grand Dictionnaire nous dire ,
comme le dindon de la fable :
Je vois bien quelque chose,
Mais je ne sais pour quelle cause
Je ne distingue pas très-bien.
Essayons donc d'éclairer la lanterne. Il y a
solécisme lorsque, dans une phrase, un mot
n'est pas assujetti à un autre selon les lois de
la concordance et celles du régime ; il y a bar-
barisme toutes les fois qu'un mot présente
quelque chose de vicieux par lui-même, soit
dans sa structure, dans sa forme, dans les
sons qui le constituent, soit dans l'idée prin-
cipale ou les idées accessoires qu'on y atta-
che ; mais c'est toujours indépendamment des
relations que ce mot peut avoir avec tout
autre mot contenu dans la phrase. D'après
cette distinction, c'est avec raison que l'Aca-
démie définit le solécisme « faute contre la
syntaxe, » et le barbarisme « faute de langage
qui consiste soit à se servir de mots forgés ou
altérés, soit à donner aux mots un sens diffé-
rent de celui qu'ils ont reçu de l'usage. »
Comme exemples de barbarismes, nous cite-
rons : ormoire, brelue, colidor, darte, ferlaté,
poturon, caneçon, nentille, gisier, ruelle de
«eau, trémontane, f 'arguant , pipie , secoupe,
Montparnasse , ourgandi , tutoyer, clérinetlc,
verlope, décesser, embrouillamini , rétamer,
ràpproprier, raiguiser, géane , enclinte, per-
due, maline, bouillu, sentu, levier, Saint-Sup-
plice, etc., etc., pour armoire, berlue, corridor,
dartre , frelaté , potiron , caleçon , lentille ,
gésier, rouelle de veau, tramontane, fainéant,
pépie, soucoupe, Montparnasse, organdi, tu-
toyer, clarinette, varlope, cesser, brouillamini,
étamer, approprier, aiguiser, géante, encline,
percluse, maligne, bouilli, senti, évier, Saint-
Sulpice, etc., etc. Toutes ces fautes relèvent
du dictionnaire, et n'ont aucun rapport avec
la syntaxe.
Comme exemples de solécismes, nous cite-
rons : Il a davantage d'esprit que de jugement.
Vers les midi, vers les minuit. Il cherche à
plaire et à se faire aimer de sa cousine. Il fau-
drait qu'il parte, etc., pour : Il a plus d'esprit
que de jugement. Vers midi , vers minuit. Il
cherche à plaire à sa cousine et à s'en faire
aimer. Il faudrait qu'il partit, etc. Tous les
vices de langage qni sont en dehors de ces
catégories distinctes s'appellent fautes, impro-
priétés de termes, etc.
BARBARIUM, nom latin d'un promontoire
de la Lusitanie, auj., cap Espichel.
BARBARO (François), magistrat et littéra-
teur italien, né à Venise en 1398, mort en
1454. Dès l'âge de dix-huit ans, il avait acquis
une connaissance parfaite de la langue latine
et de la langue grecque, et il prononça, à
Padoue, des discours latins qui obtinrent l'ad-
miration générale. En 1424, il complimenta en
langue grecque l'empereur Paléologue, qui fut
charmé de l'éloquence avec laquelle il savait
manier cette langue. Son savoir et son mérite
le firent nommer successivement podestat de
Trévise, de Vicence, de Vérone, et lui firent
confier d'importantes missions diplomatiques.
Comme capitaine de Brescia, charge qu'il
exerça pendant trois ans, il soutint avec grand
courage un siège fameux contre Piccinino,
général du duc de Milan. Enfin, après avoir
exercé plusieurs autres emplois honorables, il
fut nommé procurateur de Saint-Marc. Quelle
que fût sa renommée comme orateur, on ra-
conte néanmoins qu'il lui arriva un jour de se
trouver réduit au silence dans une occasion
très-importante : il devait haranguer Philippe,
duc de Milan, et après avoir prononcé les
mots : Magnum est nomen Hum , princeps
maxime, in universa terra, la mémoire fui
manqua tout à coup, et il resta court. On a de
lui : De re uxoria, ouvrage qui fut traduit en
français par Martin Du Pin ; Francisa Barbari
et ahorum ad ipsum epistolœ; enfin, une His-
toire du siège de Brescia, publiée en latin sous
le pseudonyme d'Evangelista Manelmo.
BAR
BARBARO (ErmOLao I"), savant italien , qui
a souvent été confondu avec le suivant, et qui
appartenait à une famille noble de Venise. Il tut
élevé avec soin, et eut pour précepteur le cé-
lèbre Guarini, de Vérone, sous lequel il fit de
rapides progrès. Il entra ensuite dans les or-
dres, passa par les divers grades ecclésiasti-
ques, reçut le titre de protonotairo apostoli-
que, fut ordonné prêtre, et, jeune encore, fut
nommé à l'évêcbé de Trévise, poste qu'il con-
serva pendant dix ans. De là, il passa au siège
épiscopal de Vérone. Son entrée en fonctions
fut signalée parle discours d'un jurisconsulte,
Georges de Lazise ; Ermolao y fit une réponse
dans laquelle il donne sur lui-même quelques
détails biographiques, tout en jouant sur le
nom de sa famille, Barbaro. Ce discours, avec
la réponse, qui sont encore inédits, se trou-
vent dans un manuscrit de la Bibliothèque
impériale de Paris. Ermolao mourut en 1471,
comme le prouve son épitaphe, rapportée par
Ughelli. Indépendamment de sa réponse à
George do Lazise, on trouve, dans les biblio-
thèques, d'autres ouvrages de lui, qui n'ont pas
encore été imprimés.
BARBARO (Ermolao II), de la même famille
que le précédent, naquit à Venise en 1454.11
eut pour précepteur le célèbre Matthieu Bosso,
chanoine régulier de Latran. Il avait à peino
huit ans, lorsque son père l'envoya à Rome,
où il étudia pendant dix ans sous Pomponius
Lœtus. Au bout de ce temps, il composa un
Traité sur le célibat, traité qui n'a pas encore
été imprimé. De retour dans sa patrie, il fut
envoyé à Padoue pour y achever bas études.
C'est là qu'il fit, à l'âge de dix-neuf uns, sa
traduction de la Paraphrase de Thémistius sur
Aristote : cette traduction ne parut que sept
ans plus tard. En 1477, nommé à la chaire do
philosophie dans l'université de Padoue, il y
rit, au milieu d'un grand concours d'auditeurs,
des leçons sur la morale d' Aristote. Revenu,
en 1479, à Venise, il y continua ses travaux
sur le célèbre philosophe grec et sur d'autres
écrivains. Il s'y trouvait encore en 1482, épo-
que à laquelle il copia, dans l'espace de trente-
sept jours, le célèbre manuscrit d'Athénée,
d'où proviennent tous les autres. Cette copio
est conservée aujourd'hui dans la Bibliothèque
impériale de Paris, et a servi à Lefebvre do
Villebrune pour son édition d'Athénée. Quel-
ques années après, la peste, obligea Ermolao
de se retirer à Padoue, où il entreprit l'explica-
tion des poètes et des orateurs grecs. Nommé,
en i486, pour aller, en qualité d'ambassadeur
extraordinaire, complimenter l'empereur Fré-
déric III et Maximilien d'Autriche, qui venait
d'être élu roi des Romains, il prononça, à
Bruges, un discours qui lui fit beaucoup d'hon-
neur, et le nouvel empereur lui donna le titre
de chevalier. La manière distinguée dont il
s'était acquitté de cette mission le fit choisir
plus tard pour aller en ambassade à la cour
de Ludovic Sforce, duc de Milan, ou son aïeul
et son père avaient été avec la même qualité.
II revint ensuite à Venise, et, au bout d'un
an, il fut nommé ambassadeur ordinaire de la
République auprès du pape Innocent VIII. Ce
dernier le nomma patriarche d'Aquilée, dignité
que Barbaro eut l'imprudence d'accepter, sans
en avoir préalablement obtenu l'assentiment
du sénat de Venise. Il fut proscrit, et on con-
fisqua ses biens. En outre , il lui fut enjoint
d'avoir a renoncer à ce patriarcat ; autrement
son père, qui était alors procurateur de Saint-
Marc, serait également privé do ses biens et
de toutes ses dignités. Cette menace effraya
Ermolao, qui se hâta do résigner entre les
mains du pape la dignité qui lui avait été con-
férée, et il resta à Rome, où il chercha des
consolations dans l'étude et le travail. Il mou-
rut de la peste, le 14 juin 1495, dans une mai-
son de campagne des environs. Il n'était âgé
que de trente-neuf ans. Il a composé un grand
nombre d'ouvrages, tous écrits en latin, sui-
vant la mode adoptée par les savants du
xve siècle, et dont plusieurs sont inédits. On
en trouvera le catalogue dans les Mémoires
de Niceron (t. XIV, p. 20 et suiv.). Le princi-
pal, intitulé Castigationes Plinianœ, a été im-
primé à Rome en 1492. Trithème prétend qu'il
avait composé près de douze mille vers. On
n'en a rien imprimé, à l'exception d'une épi-
gramme en quatre vers sur la mort de Rodol-
phe Agricola. Quant à ses lettres, on en con-
serve un certain nombre à la bibliothèquo
Laurentine de Florence, lettres d'après les-
quelles on voit qu'il était en correspondance
avec les hommes les plus célèbres de l'épo-
que : Ange Politien , Pic de la Mirandolc et
Marsile Ficin.
BARBARO (Josaphat), voyageur et diplo-
mate vénitien, mort en 1494. Il se livra d'a-
bord au commerce, et fit un voyage à Tana,
aujourd'hui Azof. La république de Venise la
nomma ensuite son agent consulaire en Tar-
tarie, ou il resta seize ans. Plus tard, il alla
en Perse pour diriger Ussun-Cassan dans la
guerre contre les Turcs. Il publia ensuite une
relation fort curieuse de tous ses voyages, et
Aide Manuce l'a imprimée dans une coHection
qui est assez rare aujourd'hui.
BARBARO (DaDiel), prélat italien, né à Ve-
nise en 1513, mort en 1570. Il fut chargé, en
1548, d'une ambassade auprès d'Edouard VI,
roi d'Angleterre. En 1550, le pape Jules III lo
nomma coadiuteur du patriarche d'Aquilée,
et dès lors il prit le titre de patriarche élu
d'Aquilée; mais il mourut avant le titulaire.
Jean Grimani. Il était mathématicien, philo-
BAR
sophe, littérateur, antiquaire et théologien. On
a de lui : Exquisitœ in Porphyrium commen-
tationes ; I dieci libri dell' architettura di
M. Vitruvio, tradotti e commentati ; Dell' elo-
quenza dialogo; la Pratlica délia perspettiva,
opéra molto utile a' pittori, scullori e archi-
tetti.
BARBAROLEXIE s. f. (tiar-ba-ro-lè-ksî —
du gr. barbaros, barbare, et lexis, élocution).
Rhet. Emploi d un mot étranger à la langue ;
barbarisme : C'est encore une barbarolexie
qu'un mot formé d'un autre contrairement aux
règles de la langue française. (B. Jullien.) il
On dit aussi barbaralexie et barbaralexis.
BÀItBAROSSA (Paul-Emile), poète mystique
italien, né à Trapani, mort en 1614. On a de
lui des poésies italiennes et latines, ainsi que
d'autres écrits : l'Echelle de Jacob; la Cou-
ronne de Minerve; des chants spirituels, des
rimes, etc.
Barbarou s. m. (bar-ba-rou). Hortic.
Syn. de barbera.
BARBAROUX ( Charles- Jean-Marie ) , .con-
ventionnel, né à Marseille en 1767, était avocat
dans cette ville lorsque la Révolution éclata.
Il en embrassa les principes avec enthou-
siasme, et fut envoyé, en 1792, comme man-
dataire particulier de la ville de Marseille au-
près de 1 assemblée législative. Pendant son sé-
jour à Paris, il se lia étroitement avec Roland,
joua un rôle actif dans la révolution du 10 août
et fut élu membre de la Convention par son
département. Il n'avait alors que vingt-cinq
ans, et il se jeta, avec la fougue de son âge et
de^sQïr'pays, dans le parti des girondins ;'pour-
^-S'uïvit de ses accusations Robespierre, Marat,
les montagnards et la Commune de Paris: flé-
trit les auteurs des massacres de septembre;
vota la mort de Louis XVI, mais en deman-
dant l'appel au peuple, et fut proscrit, avec
son parti, après le 31 mai. Il avait été secré-
taire de la Convention et membre du comité
de constitution et du comité de Salut public,
à la création duquel il s'était opposé, ainsi
qu'à celle du tribunal révolutionnaire. Arrêté
un moment, il parvint à s'échapper, se rendit
dans le Calvados, où il organisa, avec ses
collègues, une insurrection fédéraliste, presque
aussitôt réprimée; alors il se réfugia d'abord à
Bordeaux, puis dans un souterrain à Saint-
Emilien. Obligé de quitter cet asile, et se
voyant poursuivi, il se tira deux coups de pis-
tolet, mais conserva encore assez de vie pour
être décapité à Bordeaux, le 25 juin 1794. Il
n'avait que vingt-sept ans. Ses Mémoires ont
été publiés par son tils, dans la collection des
frères Beaudoin (1822).
Jeune, beau, éloquent et courageux, Bar-
baroux a toujours excité un vif intérêt, aug-
menté encore par sa destinée tragique. Son
intimité avec Mme Roland n'a pas échappé à
la malignité publique. On trouve, en effet,
dans les Mémoires de cette dame, un brillant
portrait qui a paru inspiré par un sentiment
plus tendre que l'amitié et la confraternité po-
litique. Voici un passage de ce croquis, où,
d'ailleurs, le modèle est un peu idéalisé.
« Barbaroux,dont les peintres ne dédaigne-
raient pas de prendre les traits pour une tète
d'Antinous, actif, laborieux, franc et brave,
avec toute la vivacité d'un jeune Marseillais,
était destiné à devenir un homme de mérite
et un citoyen aussi utile qu'éclairé. Amoureux
de l'indépendance, lier de la Révolution, déjà
nourri de connaissances, capable d'une longue
attention avec l'habitude de s'appliquer, sen-
sible k, la gloire; c'est un de ces sujets qu'un
grand politique voudrait s'attacher, et qui de-
vaient fleurir avec éclat dans une république
heureuse. Mais qui oserait prévoir jusqu'à
quel point l'injustice prématurée, la proscrip-
tion, le malheur, peuvent comprimer une telle
âme et flétrir ses belles qualités? Les succès
modérés auraient soutenu Barbaroux dans la
carrière, parce qu'il aime la réputation et qu'il
a toutes les facultés nécessaires pour s'en
faire une très-honorable. Mais l'amour du
plaisir est à côté; s'il prend une fois la place
de la gloire, à la suite du dépit des obstacles
ou du dégoût des revers , il affaissera une
trempe excellente et lui fera trahir sa noble
destination... »
Comme on le voit, ce passage n'a rien de
décisif. Outre qu'il contient quelques réserves,
il y règne un ton tranquille qui ne s'accorde
Îtas avec les enthousiasmes du cœur. D'ail-
eurs, tous les girondins sont aussi bien traités
par Mmc Roland, du moins tous ceux qui for-
maient son cercle et subissaient son influence ;
de même que tous leurs adversaires sont re-
présentés sous des traits horribles. La muse
de la Gironde était femme; elle était artiste
et scribe; elle était sectaire ; de là son exclu-
sivisme et sa partialité. D'ailleurs , aucun
doute n'est plus possible sur ce problème de
sa vie intime : le voile est aujourd'hui dé-
chiré ; des documents récemment découverts
nous donnent la preuve irrécusable qu'elle
aimait ailleurs. V. Buzot, et Roland (Mm°).
Pendant son séjour à Caen, Barbaroux avait-
vu Charlotte Corday, qui s'était enflammée au
contact des girondins proscrits, et qui vrai-
semblablement n'avait pas été insensible à la
beauté de l'Antinous du parti, comme le prouve
la lettre qu'elle lui écrivit la veille de sa mort.
Mais il est extrêmement probable que lui-
même ne se douta point au sentiment qu'il
avait, suivant toutes les apparences, inspiré à
cette femme extraordinaire. Quant a d^s ex-
BAR
citations directes de sa part, ou de celle de ses
amis, au meurtre de Marat, il n'est pas néces-
saire de réfuter cette vieille assertion, qui est
tout simplement absurde et ne repose sur au-
cun fondement. V. Corday.
BARBAROUX (Charles-Oger), magistrat et
littérateur, fils du conventionnel, né à Mar-
seille en 1792. Il fut d'abord avocat à Nîmes,
concourut à diverses publications, remplit,
après 1S30, les fonctions de procureur géné-
ral à Pondichéry, puis à l'Ile Bourbon, enfin à
Alger en 1848. A cette époque, il fut élu re-
présentant à la Constituante par l'île de la
Réunion, et appelé au conseil d'Etat par l'as-
semblée. L'empereur l'a nommé sénateur en
1858. Il a publié les Mémoires de son .père,
échappés à la destruction, et il a lui-même
donné plusieurs écrits : Résumé de l'histoire
des Etats-Unis (1824); Voyage de Lafayette
en Amérique; Mémoires dun sergent. Il est
commandeur de la Légion d'honneur.
BARBARY (Jacques de), nommé aussi Fran-
çois Babylone, peintre et graveur du xvio siè-
cle, dont l'origine est incertaine. Ses estampes
sont très-recherchées; on n'en connaît qu un
petit nombre, qui sont répandues dans quelques
collections publiques de l'Allemagne. Les plus
remarquables sont : une Sainte Famille; un
Saint Jérôme; une Sainte Catherine ; Mars et
Vénus; le Triton et la Sirène. Barbary est
généralement connu sous le nom de Maître
au caducée.
barbasse s. f. (bar-ba-se — augment. de
barbe). Pop. Grande barbe inculte : Quelle
BARBASSE !
BARBASTELLE s, f. (bar-ba-stè-le — du
lat. barba, barbe; Stella, étoile). Mamm.
Groupe de chauves-souris, formant une sec-
tion du genre oreillard.
BARBASTRO, ville d'Espagne, capitainerie
d'Aragon, intendance et à 52 kil. S.-O. de
Huesca, près de la Cinça, ch.-l. de partido
judiciale (juridiction civile), siège d'un évèché,
7,500 habitants, belle cathédrale, théâtre d'un
combat sanglant entre les carlistes et les trou-
pes de la reine , le 27 juin 1837.
BARBATA, un des surnoms de Vénus , que
les Romains représentaient quelquefois avec
une barbe; on ne sait point, d'une manière
Certaine, les raisons de cette singularité.
Les anciens donnaient aussi quelquefois ce
surnom à la Fortune.
BARBATELLI (Bernardin), peintre italien.
V. Poccictti.
BARBATO (Marc), poète italien, né à Sul-
mone, dans le royaume de Naples , mort
en 1362. Il n'est guère connu que par 1 amitié
qui l'unissait à Pétrarque, qui lui adressa un
grand nombre de ses lettres latines. Il paraît
que l'on conserve, dans sa ville natale, un
volume .manuscrit de ses poésies.
BARBATO ( Pétrone ) , poëte italien du
xvre siècle, né à Foligno, mort en 1554. Il
fut, après Trissino, un des premiers à em-
ployer les vers non rimes ou sciolti.
BARBATO (Barthélemi), poëte et critique
italien, né à Padoue, vivait dans le xvit» siè-
cle. Il a laissé des poésies et une édition de
la Jérusalem délivrée, avec une Vie du Tasse
et des Commentaires (Padoue, 1G28).
BARBATO (Jérôme), médecin italien, vivait
à la fin du xvne siècle. C'est lui qui découvrit
le sérum du sang. Cette découverte ayant été
d'abord attribuée à Thomas Willis, Andrioli
prouva q'.ie la priorité appartenait it Barbato.
On a de Jérôme Barbato les ouvrages sui-
vants : De Arthritide libri duo (Venise, 16S5,
in-4°) ; Dissertatio elegantissima de sanguine
et ejus sera (Pavie, IG67, in-12, et Layda,
1736, in-8°),!e plus curieux de ses ouvrages,
où il raconte les détails de sa découverte;
Oissert.atio anatomica de formalione, organi-
sations, conceptu et nutritione fœtus in utero
(Padoue, 1670, in-12).
barbatule s. m. (bar-ba-tu-le). Ichthyol.
Ancien nom du barbeau.
BARBATUS, un des surnoms de Bacchus.
BARBATUS (Horace), consul romain, joua
un rôle actif dans la révolution qui éclata à
propos de la mort de Virginie, et qui eut pour
résultat l'abolition du décemvirat. Elu consul
avec Publicola (449 av, J,-C.), il confirma,
avec son collègue, la victoire du peuple et ses
libertés nouvelles, parles lois Valeriœ Horatiœ.
Il remporta ensuite une victoire décisive sur
les Sabins.
BARBAUDE s. f. (bar-bo-de). Espèce de
corvoise ou bière ancienne.
BARBAUDIER s. m. (bar-bo-dié). Fabri-
cant de barbaude.
BARBAULD (Anna-Lœtitia), femme de let-
tres anglaise, née dans le village de Kilworth-
Harcourt, du comté de Leicester , en 1743,
morte en 1825. Fille du docteur Aikin, ministre
protestant et maître d'école, elle épousa M. Ro-
chemont Barbauld , issu d'une famille de pro-
testants français et directeur lui-même d'une
école particulière, à la prospérité de laquelle
elle contribua beaucoup par ses leçons. Dès
l'âge le plus tendre, elle avait composé beau-
coup de pièces de poésie, qu'un de ses frères
publia sous le titre de Miscellaneous pièces, et
qui eurent beaucoup de succès. Plus tard, elle
composa des livres destinés à l'instruction de
la jeunesse, des articles politiques et religieux,
des poésies pleines d'enthousiasme et d'idées
BAR
élevées, et donna une édition des meilleurs ro-
manciers anglais en 50 volumes, avec une in-
troduction et des notices biographiques où elle
fit preuve de beaucoup de goût. Son dernier
poème , intitulé Eighteen hundred and eleven,
mil huit cent onze,lui attira des critiques pas-
sionnées, parce qu'elle y prédisait à l'Angle-
terre des malheurs qui ne se sont pas réalisés;
Mme Barbauld fut tellement sensible à ces cri-
tiques et en conçut un chagrin si profond,
qu'elle prit, -dès lors, la résolution de ne plus
écrire.
BARBACLT (Jean), graveur, peintre et des-
sinateur, célèbre dans son temps, puis oublié
des biographes jusqu'au jour où M. Dussieux,
à qui les annales de l'art national doivent bien
d'autres découvertes intéressantes, lui a con-
sacré une courte notice dans les Artistes fran-
çais à l'étranger. Nous ne pouvons faire mieux
que de reproduire les traits essentiels de cette
notice, complétée depuis par M. Paul Mantz
dans la Chronique des beaux-arts. Jean Bar-
bault naquit en Fiance vers 1705; on ignore
dans quelle ville. Il fut pensionnaire du roi à
Rome, par la faveur sans doute du surinten-
dant des bâtiments royaux, car son nom ne
figure point sur la liste des lauréats de l'Aca-
démie. Sa vie entière se passa à Rome, et dans
une situation honorée. Il paraît avoir été l'ami
et vraisemblablement le maître de Subleyras,
dont il a gravé l'œuvre capitale, le Martyre
de saint Pierre. Barbault s adonna tout spé-
cialement à l'étude des ruines de Rome, qu'il
grava à l'eau-forte et publia sous ce titre :
Les plus beaux monuments de Rome ancienne
(2 vol. in-f°, Rome, 1761), ouvrage qui lui
assure une place fort estimable parmi les
peintres graveurs du dernier siècle. Sa pointe
a la touche , l'esprit de son pinceau , plus
préoccupé de l'effet pittoresque que de la
vérité archéologique. En cela, Barbault nous
paraît avoir ouvert la voie à Hubert Ro-
bert, qui y trouva, lui aussi, une réputation
trop grande alors , aujourd'hui trop déchue
peut-être. Après la mort de Barbault, arrivéo
en 1765, suivant le catalogue du célèbre ama-
teur Paignon Dijonval, des graveurs inexpé-
rimentés publièrent, d'après ses nombreux
dessins, les deux ouvrages suivants : Monu-
ments anciens de l'Italie (in-fo, 1770), et An-
ciens bas-reliefs et fragments égyptiens, grecs,
romains , étrusques , etc. (1783). Le crayon
presque toujours fin et spirituel du maître y
est rendu presque méconnaissable. Comme
peintre, notre artiste a laissé une série d'Etudes
d'après nature, devenues assez rares, et dont
la plupart ont dû lui servir de modèles pour
les figurines dont il étoffait ses vues de Rome.
M.Léon Gaucherel vient de graver à l'eau-
forte douze de ces études, sous ce titre -.Douze
costumes d'Italie, d'après les peintures inédites
de Barbault. Mais l'œuvre capitale de son
pinceau est au musée de Besançon; elle re-
présente la Mascarade exécutée à Rome par
les artistes français, en 1761, à l'occasion de
l'arrivée de M. de Marigny, surintendant des
bâtiments royaux. C'est une esquisse formant
une frise de 0 m. 40 de hauteur, sur 4 m. de
long, libre d'exécution, gaie comme couleur,
et rappelant, quoique d'assez loin, les person-
nages de Panini ou les fêtes vénitiennes de
Guardi. Voilà, un peu résumés, les seuls faits
connus touchant Jean Barbault et ses œuvres.
C'est un petit maître de plus, venant grossir la
liste de ces peintres du dernier siècle, à la
touche leste, spirituelle et si éminemment
française.
BARBAULT (Antoine-François), chirurgien,
né à Paris en 1705, mort en 1784. Il fut reçu
maître en chirurgie à Saint-Côme, et se livra
exclusivement à l'enseignement et à la prati-
que des accouchements. On a de lui divers
ouvrages, entre autres : Cours d'accouchement
en faveur des étudiants, des sages-femmes et
des aspirants à cet art (Paris, 1776).
BARBAULT-BOYEB (P. -F), homme de cou-
leur, publiciste, prit part à l'insurrection des
noirs de Saint-Domingue en 1732, et fut en-
voyé par les colons pour accuser devant le
conseil des cinq cents la conduite de Santho-
nax et des autres commissaires du gouverne-
ment. Dans la suite, il fut attaché m Rédacteur,
journal officiel du Directoire, et employé au
ministère des relations extérieures. On a de
lui quelques ouvrages de littérature et de poli-
tique, aujourd'hui sans aucun intérêt,
^BARBAZAN, village de France (Haute-Ga-
ronne), arrond. et a 12 kil. S.-O. de Saint-
Gaudens, canton de Saint-Bertrand-de-Com-
minges ; 550 hab. Eaux minérales sulfatées,
calcaires, ferrugineuses, connues depuis long-
temps. Elles émergent par trois sources;
température, 9<>, e centigrades.
BARBAZAN (Armand-Guilhem de) , général
des armées des rois Charles VI et Charles VII,
dont il fut l'un des plus vaillants capitaines ;
né dans le pays de Bigorre, vers la fin du
xivc siècle. Ce héros trop peu connu, surnommé
par Charles VU le chevalier sans reproche, dé-
fendit Corbeil contre le duc de Bourgogne
(1417), Melun contre les Anglais (1420), qui le
retinrent pendant huit ans prisonnier (il fut
délivré parLaHire),et sur lesquels il remporta
la victoire mémorablede laCroisette, en Cham-
pagne (1430). Envoyé en Lorraine au secours
de René d'Anjou, il succomba des suites de
plusieurs blessures qu'il reçut à la bataille de
Bulgneville, livrée par le prince contre son
avis (1432). Il fut, par ordre de Charles VII,
BAR
207
£
enterré à Saint-Denis, avec le mémo cérémo-
nial que les rois de France.
BARBAZAN (Etienne), érudit et littérateur,
né à Saint- Fargeau en 1G96, mort en 1770, se
livra à l'étude des auteurs français du xne au
xvic siècle, et publia, entre autres ouvrages
estimés : Contes et fabliaux des anciens poètes
français des xne, xiub, xive et xvo siècles (175C),
et l'Ordène de chevalerie (1759). La biblio-
thèque de l'Arsenal possède de lui, en manu-
scrit, un Glossaire de la langue française, dont
la première partie » malheureusement été
perdue.
BARBAZZA (le comte André), poète et litté-
rateur italien, né en 1582, mort en 1656. Il
était chambellan du cardinal de Gonzague.
On a de lui quelques poésies, divers écrits de
controverse littéraire et des comédies pasto-
rales, l'Amoureuse constance , Armidore, etc.
BARBAZZA (Antonio-Giuseppe), peintre et
graveur à l'eau-forte, né à Rome en 1722, tra-
vailla en Italie et en Espagne. Heineken dit
qu'il fut reçu de l'académie de Bologne et
qu'il alla en Espagne en 1771. 11 a gravé des
planches pour l'édition de Virgile publiée par
Monaldini, et pour WHistoirc ecclésiastique du
P. Bianchini, des têtes d'études et une cari-
cature : Assemblée de musiciens.
BARBAZZA (Francesco), graveur italien,
travaillait à Rome vers. 1780, suivant M. Ch.
Le Blanc. Il était probablement fils du précé-
dent, d'après lequel il a gravé un portrait. On
lui doit plusieurs vues de monuments de Rome,
d'après Fr. Panini, entre autres celles de la
façade de l'église du Gesù, de l'intérieur do
Saint-Jean-de-Latran, de l'intérieur de Sainte-
Marie-Majeure, de l'intérieur et de l'extérieur
de Saint-Paul, de la chapelle Sixtine, de la
place Colonna, de la bibliothèque du Vatican.
barbe s. f. (bar-be — lat. barba, môme
sens). Ensemble des poils qui poussent sur
les joues et au bas du visage de l'homme :
Une barbe grise. Couper, laisser croître sa
barbe. Peigner sa barbe. Sa barbe blanche
tombait sur sa poitrine ; son visage n'avait
rien de difforme. (Fôn.) Je me voyais de la
barbe au menton, et je mourais d'envie de por-
ter l'épée. (Le Sage.) Le serment le plus sacré
ju'on puisse exiger d'un Asiatique est de
'.e faire jurer sur sa barbe. (B. de St P.) La
plupart des Francs ne laissaient croître leur
barbe qu'au-dessus de la bouche, afin de don-
ner à leurs lèvres plus de ressemblance avec le
mufle des dogues et des loups. (Chateaub.) La
plus grande avanie que l'on puisse faire à un
J'urc est celle de le prendre par la barbe.
(Chateaub.) La malpropreté de leurs longues
barbes rendait ces soldats encore plus hideux.
(Balz.)
Défaites-vous de cette barbe énorme,
Andeieux.
Sa barbe à flots épais descend sur sa poitrine.
IJELILLE,
Sa barbe et ses cheveux sont blanchis par les ans.
Delaviqne,
Holà, ho ! descendez, que l'on ne vous le dise,
Jeune homme qui menez laquais fi barbe grise.
^ La Fontaine.
Ils n'apprenaient cette leçon
Qu'ayant de la barbe au menton.
La Fostaine.
A ces mots, essuyant sa barbe limoneuse,
Il prend d'un vieux guerrier la figure poudreuse.
Boileau.
D'un poil déjà blanchi mélangeant sa noirceur,
Sa barbe étale aux yeux son inculte épaisseur.
Delille.
Ce grand front chauve et cette ftar&c épaisse,
Que toua les jours argenté la vieillesse.
Malfilatek.
Les tritons ont montré leur face monstrueuse,
Et tordent a deux mains leur barbe limoneuse.
A. Baubier.
Pour posséder la sagesse suprême.
S'il faut avoir force barbe au menton,
Un bouc barbu pourra, par cela même,
Nous tenir lieu du sublime Platon.
(Anthologie grecque.)
— Par ext. Personne qui porte do la barbe:
Elle se marie à une jeune barbe. Me voilà
déjà barbe grise et bientôt barbe blanche.
Allez, grande barbe, pédant hérissé de grec,
vous perdez le respect qui m'est dû. (Fcn.)
Peut-être y a-t-il là-dessous un rendez-vous
avec quelqueBARBE de bouc.' (Balz.) Est-ce ainsi
qu'une barbe grise se conduit? (E. Sue.)
Toujours la barbe grise aime la tête blonde.
• -V. Iluao.
— Barbe de bouc, Barbe pointue qu'on ne
laisse pousser qu'au menton.
— Faire la barbe, Couper la barbe : M. le
Prince fit faire hier sa barbe. (Mme deSév.)
Selon Sterne, les idées d'un auteur qui s'est
fait la barbe diffèrent de celles qu'il avait
auparavant. (Balz.) Il Loc. fam. Faire la barbe
à quelqu'un, En triompher, se moquer de lui :
je ne connais en Europe aucunministre ni plé-
nipotentiaire qui soit capable de faire la barbe
À ce capucin, quoiqu'il y ait belle prise. (Card.
de Richelieu.) Bien ne rendra triste-un Fran-
çais ; il ira au bout du monde et en reviendra,
comme Figaro, faisant la barbe A tout le
monde. (H. Beylo.)
— Donner l'étrenne de sa barbe à quelqu'un ,
L'embrasser ou se laisser embrasser immé-
diatement après avoir été rasé. Il Avoir de la
barbe au menton, Avoir atteint l'âge viril,
ou bien appartenir au sexe masculin : Vous
commanderez quand vous aurez de la barbe
au menton. Catherine était une maitresse
208
BAR
BAR
BAR
BAR
femme. ; elle était digne d'Avom de la barde
au menton. (Napol. I«.) [| Jour de barbe, Jour
où l'on se rase, où l'on se fait raser :
Il est de certains jours de barbe, où, par ma foi,
Vous ne paraissez pas plus malade que moi.
Beonaed.
Il Dans sa barbe, En cachette, en soi-même :
II grommelait dans sa barbe. Un homme
comme lui doit rire dans sa barbe, quand il
tovche cinq ou six traitements. (P.-L. Courier.)
Il A la barbe de, En présence, au su, au vu
et en dépit do : // s'est moqué de nous À notre
barbe. La vieille Mademoiselle était au dé-
sespoir que ses sœurs cadettes, si gueuses au
prix d'elle, se mariassent X sa barbe. (L'abbé
de Choisy.) Une des plus vives jouissances du
braconnier est de braconner À la barbe des
gendarmes. (TOussenel.) Un seul, ancien marin,
avait eu l'adresse de s'évader en perçant la
voûte de son cachot et gagnant la forêt de
Monteck, à la barbe de la maréchaussée.
(Mary Lafon.)
. , Je m'en vais être homme à ta barbe des gens.
Molière.
Mais sois un peu toi-même, à la barbe des gens.
Et tu plairas Bientôt, même aux moins indulgents.
E. Auqleu.
La belle adore
Un cavalier sans barbe et sans moustache encore,
Et reçoit tous les soirs, maigre les envieux,
Le jeune amant sans barbe à la barbe des vieux.
V. Huoo.
— Prov. Faire barbe de paille à quelqu'un.
Se moquer de lui, ne pas lui rendre ce qui
lui est dû. ••
L'on trompa son prochain, la médisance eut lieu,
Et l'hypocrite fil barbe de paille a Dieu.
RÉGNIER,.
Ce proverbe a pour origine la supercherie
dont usaient certains paysans, qui payaient
la dîme du curé en gerbes do paille, au lieu
do donner dos gerbes de blé. Barbe aurait été
introduit par corruption du mot jarbe ou
gerbe.
A barbe rousse et noirs cheveux
Ne te ne, si tu ne veux.
Proverbe peu sérieux, fait pour se moquer
de la défiance qu'inspirent à certaines per-
sonnes les barbes rousses et les cheveux noirs.
Il Barbe bien étuvée , barbe à demi rasée , Af-
faire bien préparée, affaire à moitié faite.
— Par anal. Ensemblcdes poils qui poussent
sous la mâchoire inférieure ou près du nez
de certains mammifères : Barbe de bouc, de
chèvre, de chat, de phoque, de singe. A son
front orné de deux croissants, à sa barbe an-
tique et limoneuse, vous le prendriez pour le
dieu du fleuve. (Chateaub.)
Par ma barbe ! dit l'autre, il est bon, et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
La Fontaine.
Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence
Autant de jugement que de barbe au menton.
Tu n'aurais pas à la légère
Descendu dans ce puits. . .
La Foutaike.
— Appendice qui pousse sous la mâchoire
inférieure de certains animaux et qui a une
ressemblance plus ou moins éloignée avec la
barbe de l'homme, il JJarbe de coq, Morceau
de chair qui pend sous la mandibule infé-
rieure des coqs. Il Barbe de poisson, Sorte de
cartilage, qui sort de nageoire aux soles et
autres poissons analogues.
— Nom donné à, divers objets qui offrent
quelque ressemblance avec la barbe ou un
bouquet do poils, comme dans les définitions
suivantes : Bavures, filaments que l'on remar-
que sur les bords de certains objets , après
qu'on les a coupés : Les batsbes d'une pièce de mé-
tal, d'une feuille de papier, u Division filamen-
teuse de l'extrémité d'un fanon de baleine:
L'Esquimau va prendre des peaux de loups ma-
rins, il les étend avec des n.wiBES de baleine, il
en forme un long canot, n Moisissures qui se
produisent dans certaines substances alimen-
taires : Ce pain, ces fruits, ce fromage ont de
la barbe. Le pâtissier aura beaucoup de bon-
heur si ses perdrix sont arrivées sans barbes,
par le temps pourri que nous essuyons de-
puis un mois. (Volt.) Bans cette chambre se
trouvaient... des coquillages, des poissons qui
avaient de la barbe et dont les puanteurs
faillirent m' asphyxier. (Balz.) il Filaments im-
plantés de chaque côté d'une plume d'oiseau :
Les barbes d'une plume. Les barbes de
plumes sont hérissées de petits filaments, les
uns roulés et les autres droits.
— Bot. Arête ou filet qu'on remarque sur
certaines fleurs ou certains fruits, il Dans les
graminées, Prolongement filiforme, roide et
coriace, naissant brusquement sur le dos ou
au sommet des valves de la glumo, ou quel-
quefois simple prolongement d'une des ner-
vures : La barbe est tantôt longue comme
dans Forge, tantôt courte comme dans certains
froments; elle est droite dans le seigle; tor-
due en spirale à sa base dans l'avoine. L'orge
éventail a l'épi court et les barbes étalées
(Math, de Dombasle.) il Selon H. Cassini, Ap-
pendices des poils qui composent l'aigrette
dans le plus grand nombre des genres de la
famille des synanthérées : Cassini distingue
les barbes, les barbelles, les barbellules. Il
Barbe de bouc, Nom vulgaire du salsifis sau-
vage et de plusieurs champignons du genre
clavaire, notamment de la cliivaire corail, u
Barbe de chèvre., Nom vulgaire de deux es-
pèces de spirôe (spirca aruncus et ulmaria)
et d'une espèce de clavaire corail : La pe-
tite barbe du çnîivRE est la rcinr des prés.
(V. do Bomare. ) il Barbe de chêne, Nom
vulgairo d'une espèce do spirée. Il Barbe
de Dieu, Nom donné aux graminées du genre
andropogon ou barbon, à cause de l'arête
longue et tortillée dont leur fleur est
munie, il Barbe de Jupiter, Nom vulgairo
d'une espèce d'anthyllide, de la joubarbe des
toits et du fustet. n Barbe de moine, Nom
vulgaire de la cuscute d'Europe, il Barbe de
renard, Nom vulgaire du tragacanthe ou as-
tragale adragant. n Barbe de vieillard. Nom
donné aux géropogons, genre de la famille
des composées, tribu des chi'coracées, à cause
dos poils qui garnissent leur réceptacle, n
Barbe espagnole, Nom vulgaire d'une bromé-
liacée, la ti'llandsie usnéoïde. H Barbe de capu-
cin, Nom vulgairo de la chicorée étiolée, qu'on
mange en salade, de lanigellede Damas et dos
usnées ou lichens barbus qui végètent sur les
vieux arbres. Pour obtenir la salade ainsi
nommée, on établit, dès les premières ge-
lées, dans une cave, une couche de terre et
do fumier sur laquelle on pose des racines de
chicorée sauvage ; on recouvre le tout d'une
couche, de quelques centimètres d'épaisseur;
de cette couche sortent bientôt do longues
feuilles étiolées et sans couleur , que l'on
coupe dès qu'elles sont suffisamment dévelop-
pées. Quelques amateurs se contentent do
mettre les pieds de chicorée dans un tonneau
percé de nombreux petits trous; les feuilles
ne tardent pas à sortir, blanches et ten-
dres, par les ouvertures, et quand elles sont
suffisamment longues, on fait au tonneau
une sorte de barbe, dont le produit fournit
une salade recherchée de beaucoup de per-
sonnes.
On raconte, au sujet de cette chicorée étio-
lée, une anecdote qui met en relief, d'une
manière piquante, l'intelligence dont dame
censure a toujours fait preuve en France. —
» Prenez un homme d'esprit, dit M. Th. Muret,
dans son ouvrage l'Histoire par le théâtre ;
faites-lui endosser les fonctions de censeur,
et, préoccupé par la crainte étroite de laisser
passer un mot à double entente, une idée
suspecte, cet homme d'esprit deviendra...
quelque chose de tout opposé, dans l'exercice
do ses attributions. » 11 n'est pas un gouver-
nement qui ait échappé à cotte loi générale,
et si l'Empire se montra rigoureux envers
la liberté, la Restauration eut les scrupules
les plus étranges. Au point de vue de la reli-
gion, surtout, la censure avait, à l'ombre du
drapeau blanc, de singuliers raffinements, ou,
si l'on aime mieux, de plaisantes naïvetés.
Telle fut, dans un vaudeville, la proscription
do la salade, alors fort à la mode, de barbe de
capucin. Le censeur écrivit gravement, en
marge du manuscrit : choisir une autre salade.
On pourrait croire que c'est là une invention
facétieuse ; mais lo fait est authentique ;
M. Mureten a eu la confirmation do la bouche
do Coupart, qui était, lorsque la chose arriva,
chef du bureau des théâtres. On s'est bien et
longtemps moqué de cette salade, que la cen-
sure trouvait sans doute trop amère , à une
époque où les capucinades de la cour de
Charles X révoltaient les esprits sensés ;
néanmoins, il s'est trouvé récemment un
écrivain qui a proclamé la chose fort natu-
relle. « Lhistoiro est plaisante, dit sérieu-
sement M. Hallays-Dabot dans son Histoire
de la censure en France ; mais, si minutieuse
que soit cette coupure (minutieuse est bien
honnête!), nous avouerons ne l'avoir jamais
trouvée aussi ridicule qu'on se plaît à le
dire. » Le même écrivain ajoute: » ...deman-
dons-nous si l'auteur était aussi innocent
que l'on veut bien le dire de toute pensée
hostile, en citant la barbe de capucin comme
étant la salade à la mode... » N'omettons pas
de faire remarquer que c'est un censeur qui
appuie ici la proscription do cette barbe sub-
versive , qu'on ne digérera jamais dans le
pays do Voltaire et de Beaumarchais; non
jamais, M. Prudhommc lui-même vînt-il
nous jurer, sur la tête do son épouse, que
cette 'salade, doucement purgative, est ca-
pable d'inspirer les plus grands crimes ot de
renverser le trône et l'autel.
— Ichthyol. Nom vulgaire d'une espèce de
syngnathe. '
— Entom. Poils qui garnissent lo front et
entourent la base de la trompe, chez certains
diptères.
— Cost. Barbes, Certaines pièces de toile ou
de dentelle, que les dames portaient jadis à
leurs coiffures :
. . . Nos dames reprennent vile
Les barbes et le caraco. Blranueii.
Il Franges qu'on portait au loup ou masque :
Les barbes du loup.
— Art vétér. Petites excroissances qui
viennent au palais et sous la langue du che-
val et du bœuf, et qui les empêchent do man-
ger. On les appelle aussi barbillons.
— Manôg. Chez le cheval, Point de réunion
dos deux branches du maxillaire situé on I
arrière de la houppe du menton, recouvert
seulement par la peau, et recevant directe-
ment l'action do la gourmette, qui doit être
plus ou moins large, suivant que la barbe
est plus ou moins sensible : Le degré de sen-
sibilité de la barbe est dû à la disposition de
la branche maxillaire, contre laquelle la gour-
mette comprime lapeau. Il est facile de con-
cevoir que la surface osseuse tranchante cau-
sera plus de douleur pendant l'action du mors
que si elle était arrondie. On est quelquefois ,
obligé d'ajouter à la gourmette, même forte-
ment élargie, un feutre qui en adoucit l'action
sur la barbe.
— Jeux. Faire la barbe à milord, Nom
d'une pénitence qui est quelquefois imposée
aux hommes dans les petits jeux. Le pénitent,
que l'on appelle milord, s'assied sur un fau-
teuil, au milieu de la société, et prie une
dame de venir se placer sur ses genoux.
Celle-ci accourt aussitôt, s'incline auprès do
milord comme si elle était assise, puis, ap-
pelle un autre monsieur, à qui elle laisse
prendre un baiser, et revient à sa place.
Quelquefois, on fait la barbe au patient d'une
autre manière : chaque joueur choisit une
dame, l'assied sur les genoux de milord,
l'embrasse et la ramène à sa place.
— Astr. Barbe d'une comète. Appendice lu-
mineux qu'on voit parfois à la partie anté-
rieure d'une comète, à l'opposito de la queue.
— Mar. Partie du bordage d'avant qui
entre dans le bas de la rablurc, à l'endroit
où l'étrave s'assemble avec la quille, n Courbe
qui, dans les petits navires, tient lieu de dau-
phin, u Barbe d'organeau , Dans le Levant,
Bosse de bout, n Barbe de bitons, Dans les
mêmes pays, serre-bosso. Il Etre en barbe,
Etre mouillé à l'avant et à peu de distance
d'un autre navire : Nous étions en barbe du
vaisseau anglais. Il Appeler , venir en barbe,
En parlant des câbles, Travailler ensemble.
— Fûrtif. et Artill. Batterie en barbe,
Tirer en barbe. Syn. de Batterie à barbette,
Tirer à barbette. Ne se dit plus, (V. Bar-
bette.) il Pointer en barbe, Pointer par-dessus
le parapet, et non par les embrasures.
— Techn. Bois qui dépasse l'arasement in-
térieur d'une traverse. 11 Chacune des parties
saillantes do la queue du pêne, sur lesquelles
agit le panneton de la clef.
— Epithètes. Epaisse, touffue, longue, né-
gligée , hérissée , inculte , sale , poudreuse,
limoneuse, légère, claire, jeune, naissante,
blonde , cotonneuse , brune , noire , rousse ,
grisonnante , argentée , blanche , vénérable ,
magnifique, flottante, ondoyante.
— Encycl. Hist. La barbe est l'apanage du
sexe fort; elle peut être considérée comme
l'ornement naturel d'un visage viril ; elle
donne une expression particulière à la phy-
sionomie de l'homme ; elle accroît ou diminuo
les proportions du visage, en rétrécit ou
élargit l'ovale, et contribue puissamment à
imprimer une certaine majesté à la face hu-
maine ; enfin, elle est favorable au développe-
ment de la beauté des lignes, en jetant des
teintes sur les joues et sur la lèvre supé-
rieure, et en protégeant la peau par ses om-
bres soyeuses. Aussi voyons-nous la barbe en
honneur chez les différents peuples de l'anti-
quité, et les dieux du paganisme primitif tou-
jours représentés avec une barbe majestueuse.
Lu manière de porter cet ornement du vi-
sage humain a considérablement varié suivant
les temps et les lieux ; et les érudits n'ont pas
épargné leurs peines, malgré la futilité du sujet,
pour retrouver la trace des nombreuses modi-
fications qu'elle a subies. Hotoman écrivit un
traité spécialement consacré à la barbe, sous
le titre- de Pôgônias (nniWIAS). Il fut pu-
blié pour la première fois à Leyde, en 1586,
et, à cause de son extrême rareté , réimprimé
plus tard par Pitiscus dans son Lexicon. L'ou-
vrage le plus ancien dans lequel cette ma-
tière soit traitée est probablement le Léviti-
que , où le législateur des Hébreux ( xix, 27)
dit : '« Tu ne couperas pas les pointes de ta
barbe. » En général , les nations de l'Orient
avaient conservé l'usage de laisser croître la
barbe. Les Hébreux lui donnaient différentes
formes en la taillant. Ils en prenaient grand
soin, l'oignaient de substances odorantes, et la
considéraient comme un des plus beaux orne-
ments de l'homme (Ezéchiel, v, l), et comme
la marque de sa puissance et de sa Virilité.
Aussi était-ce faire à quelqu'un un affront
sanglant que de lui raser la barbe. Il fallait un
grand deuil, une grande calamité, pour que
les hommes laissassent inculte et coupassent
même leur barbe, en signe d'affliction. Il est
curieux de remarquer que, dans ces circon-
stances, les Romains avaient une coutume
exactement opposée , ils laissaient croître leur
barbe (Tite-Live, xxvn, 3-1). On constate
l'existence d'habitudes à peu près identiques
à celles des Juifs, chez les peuples de l'Orient
moderne, et principalement chez les nations
musulmanes.
Les anciens philosophes de l'Inde, appelés
gymnosophistes , étaient fort soigneux de leurs
longues barbes, représentation symbolique de
leur sagesse. Les Assyriens s enorgueillis-
saient également de la longueur de cet appen-
dice, et saint Chrysostome nous apprend que
les rois de Perse portaient leur barbe tressée
avec des fils d'or. Les figures des bas-reliefs
assyriens sont ordinairement pourvues de
barbes, et quelques-unes, celles de Persépolis,
par exemple, sont travaillées avec un soin
minutieux. Aaron Hill, dans sa description de
l'empire ottoman, établit la distinction sui-
vante entre les Perses et les Turcs : « Les
Persans ne se rasent jamais la lèvre supé-
rieure, et ils coupent la barbe sur leur menton,
suivant les formes variées que peut leur Sug-
gérer leur fantaisie. Los Turcs, au contraire,
laissent croître en liberté leur barbe , dont ils
ont le pins grand soin, et considèrent la perte
de cet ornement comme une marque d'escla-
vago et de servilité. Ainsi, les esclaves du
sérail sont rasés, en signe de servitude, i
Athénée , d'après le traité de Chrysippe —
De honesto et voluptata — fait la remarque que
les Grecs portèrent la barbe jusqu'au temps
d'Alexandre, « Le premier qui osa couper sa
barbe à Athènes, dit le même auteur, fut pour
cette raison surnommé mçota, le rasé. » Plu-
toxque, dans sa Vie de Thésée, rapporte, d'une
manière incidente, qu'Alexandre fit couper la
barbe des soldats macédoniens pour que, dans
le combat, les ennemis ne pussent les saisir
par cet appendice. Les Grecs continuèrent à
se raser jusqu'au temps de Justinien, sous
lequel les longues barbes revinrent à la mode,
et elles furent portées jusqu'à la prise de Con-
stantinoplepar lesTurcs,enl453. Les philoso-
phes grecs avaient fait, de la longueur de leur
barbe, une sorte d'enseigne qui indiquait à tous
la profession qu'ils cultivaient. Lucien, à ce
propos, se moque avec infiniment d'esprit de
ces hommes dont toute la sagesse était ren-
fermée dans leur barbe. Varron (De Ile rustica),
et Pline ( Histoire naturelle) , disent que les
Romains ne commencèrent à se couper la
barbe qu'a partir de l'an de Rome 454, où Pu-
blius" Ticinius Menas ramena des barbiers do
Sicile. Les sénateurs romains se montraient si
orgueilleux de leur barbe, que, lors do la prise
de Rome par les Gaulois, le sénateur Papirius
préféra mourir plutôt que de laisser impunie
l'insulte faite à sa barbe. Scipion l'Africain,
ajoute Pline, fut le premier, a Rome, qui se
rasa chaque jour. Le jour où un jeune Romain
se coupait pour la première fois la barbe
était considéré comme le premier jour de sa
virilité, et fêté avec autant d'éclat que celui
do sa naissance ; on renfermait dans-uhe\boule
creuse les vestiges de cette première barbe^ek.^
on les consacrait a quelque divinité : Juvénal,
Stace, Martial et d'autres auteurs anciens
font allusion, dans leurs écrits, a. ces usages
divers.
Adrien fut le premier des empereurs qui
porta de la barbe, » pour cacher, dit Plu-
tarque, les cicatrices dont son visage était
couvert. » Il fut imité par ses successeurs, s'il
faut en croire Pancirolle , dans ses Faits mé-
morables. D'autre part, Rasche, dans son. Dic-
tionnaire de numismatique, rappelle diverses
occasions dans, lesquelles on vit Auguste porter
la barbe, principalement lorsqu'il prit le deuil
de la mort de Jules César. Il ajoute que des
médailles frappées à. Aria vers cette époquo
(l'an de Rome 710), représentaient la ligure
d'Auguste avec une barbe. Dion Cassius rap-
porte qu'Auguste ne la fit disparaître que dix-
sept ans après. Antonin le Pieux et Mure-
Aurèle sont représentés barbus, comme do
véritables philosophes, bien que l'on ait con-
servé des médailles ot des bas-reliefs où ce
dernier empereur est représenté jeune et im-
berbe. Les souverains de l'Afrique portaient
également la barbe, comme semblent l'indi-
quer les médailles de Juba.
Les anciens Bretons, s'il faut s'en rapporter
à César (De liello gallico), ne portaient que la
moustache. Il est probable qu'il n'a entendu
parler que desBretons, habitants du comté do
Kent, ou de ceux des tribus qui les avoisinaient.
Strabon parle également des barbes des habi-
tants des Cnssitérides ou îles Sorlingues. Ta-
cite, en parlant dos Cattes, antique peuple de
la Germanie, dit qu'à partir de l'âge viril ils
laissaient croître leurs cheveux et leur barbe.
A leur arrivée en Bretagne, les Anglo-Saxons
portaient la barbe. Dans les missels anglo-
saxons, saint Dunstan est représenté portant
barbe et moustaches ; et, sur le grand sceau
d'Angleterre, Edouard lo Confesseur est éga-
lement pourvu de moustaches et d'une barbe
en pointe.
Chez les Spartiates , la perte de la barbe
était infligée a ceux des guerriers qui avaient
lui dans un combat, et les druides rasaient
leurs victimes humaines avant de les immoler
dans leurs barbares sacrifices; les Indiens
Îmnissaient également les grands criminels en
es rasant, et les Cretois coupaient la barba
aux voleurs et aux incendiaires. Bref, nous
voyons l'histoire ancienne nous montrer par-
tout la barbe honorée et soigneusement cul-
tivée: mais les plus fanatiques admirateurs
de la barbe furent, sans contredit, les Tartares,
qui firent de longues et sanglantes guerres
aux Persans et aux Chinois , parce que ces
deux peuples trouvaient bon, au lieu de porter,
ainsi qu'eux, la moustache retroussée, de la
laisser pendre.
Les peuples du Nord se montrèrent moins
constamment attachés au culte de la barbe
que les Orientaux, bien que quelques-uns y
attachassent un grand prix, puisqu en Russie
on vit le czar Pierre le Grand risquer de perdra
son trône, pour avoir voulu contraindre le3
Russes à couper leur barbe.
En France, la barbe joue aussi un grand rôlo
dans l'histoire, et nons voyons celui qui passe
pour le premier de ses rois, Pharamonû, porter
subarbe toutentière, ainsi que tous les Francs.
Clodion n'était pas seulement un roi chevelu,
mais un roi barbu, avec cette différence quo
ses cheveux étaient beaucoup plus longs quo
sa barbe, puisque les chroniques nous ap-
prennent qu'il taillait sa barbe, et, par contre,
laissait croître ses moustaches, de façon ît
donner à son visage une expression sévère.
Cette mode dura jusqu'à Clovis, qui ramena
l'usage des barbes longues. On sait que le
héros de Tolbiac envoya des ambassadeurs
au roi Alaric, pour le prier de venir lui toucher
la barbe, comme signe do l'alliance qu'il dési-
BAR
BAR
BAR
BAR
209
ralt contracter avec lui, et que, loin de se
rendre à l'invitation du monarque français, le
roi des Wisigoths prit, au contraire, les am-
bassadeurs par la barbe et la leur tira tant et
si bien que ceux-ci revinrent, tout penauds
du mauvais succès de leur mission, se plaindre
à Clovis de l'insulte qu'ils avaient reçue, in-
sulfe odieuse qui ne pouvait se réparer que
par l'effusion du sang; le roi, indigné de cette
violence, convoqua ses barons, et tous jurè-
rent, par leur barbe, de venger l'affront fait
aux ambassadeurs, en châtiant les Wisigoths
d'une manière exemplaire : on sait qu'ils tin-
rent parole.
Vers le commencement du vie siècle, une
nouvelle manière de porter la barbe fut intro-
duite à la cour de France ; celle du menton
fut taillée en pointe, et les favoris encadrèrent
le visage. Cela dura jusqu'au vine siècle, et
cette barbe pointue prit une telle importance
dans les ornements de l'homme, qu'on vit
bientôt des enthousiastes friser leur barbe, la
parfumer, et entremêler à ses poils des tresses
d'or et des perles. Ce luxe singulier fut le
caprice d'un moment, et l'on on revint a la
barbe naturelle, qui resta longtemps l'orne-
ment indispensable de tous les visages chez
les hommes libres, à moins qu'ils ne voulus-
sent embrasser i'état ecclésiastique, auquel
cas l'évêque avait le droit de les faire raser,
afin de se conformer aux prescriptions de la
cour de Rome,, qui ordonnait que les prêtres
fussent tonsifrés et rasés, contrairement au
patriarche d*è Constantinoplo , chef du clergé
grec, qui voulait qu'a l'imitation des succes-
seurs ae/saint Pierre, les prêtres portassent
de In/iarbe. Une lutte bien longue et fertile
eîi incidents, où le comique se mêle aux plus
graves questions théologiques, s'éleva à propos
de cette divergence entre l'Eglise grecque et
l'Eglise romaine, et elle dura jusqu'au xvie siè-
cle. On vit des Pères de l'Eglise défendre avec
chaleur et véhémence la majesté de la barbe,
dit l'auteur de V Hygiène vestimentaire, et le
concile de Cartbage déclarer indignes ceux de
ses adhérents qui oseraient la couper. Saint
Clément d'Alexandrie, saint Cyprien, saint
Chrysostome, saint Epiphane, saint Jérôme,
Saint Ambroise et le Savant Sidonius, évèque
de Clermont, parlèrent en faveur de la barbe.
Cette vénération pour la barbe dura , dit
Brunon, jusqu'au pontificat de Léon IX, qui
lança plusieurs décrets pour la proscrire. Vint
ensuite le pape Grégoire VII, ce terrible per-
sécuteur des tètes couronnées, qui se déclara
l'ennemi le plus acharné des mentons barbus,
et leur fit une guerre à outrance. Les foudres
de l'Eglise atteignirent aussi les moustaches,
et les récalcitrants furent réduits à les porter
très-minces. Pierre Benoit, évèque de Saint-
Malo, eut beaucoup de peine a vaincre l'obsti-
nation des ecclésiastiques de son diocèse ; il
fut obligé, en 1370, par des statuts synodaux,
de proscrire la moustache et la touffe du
menton. Insensiblement, le clergé français
s'habitua à se raser entièrement le visage, et
l'on put admirer librement les mentons à triple
étage de ses chanoines dodus et de ses moines
béats.
Un écrivain du vn« siècle , parlant de la
corruption des prêtres, se plaignait de ce
qu'on ne pouvait plus les distinguer d'avec les
laïques que par leur manque de barbe au
menton. Cependant, peu à peu les laïques se
rapprochèrent, a leur tour, du clergé et prirent
l'habitude de se raser, en conservant toute-
fois les moustaches , auxquelles on joignait
quelquefois encore une touffe de l.arbe en
pointe. Dès lors, toute la vénération qu'on
avait eue si longtemps pour la barbe se reporta
sur les moustaches, comme le prouve la lettre
suivante, adressée par le fameux Jean de
Castro aux magistrats de la ville de Goa :
* Seigneurs magistrats, juges et peuple de la
très-noble et toujours royale ville de Goa, je
vous ai écrit ces jours passés, par Simon
Alvarez , les nouvelles de la victoire que
Notre-Seigneur m'a accordée sur les capi-
taines du roi de Cambaye ; je ne vous ai rien
dit des peines et des grands besoins dans
lesquels je me trouvais , maintenant il est
nécessaire de ne vous rien dissimuler. La forte-
resse de Dieu est renversée de fond en comble,
il faut la rebâtir, sans qu'on puisse profiter
d'un seul pan de mur. De plus, les lansquenets
se mutinent pour avoir leur paye. Je vous
demande donc que vous vouliez bien me prêter
20,000 pardaos. Je vous promets comme che-
valier, et je vous jure sur les saints Evangiles,
de vous les rendre avant un an, lors même
qu'il rue surviendrait de nouvelles peines et
des besoins plus grands encore que ceux qui
m'assiègent aujourd'hui. J'ai fait déterrer don
Pernand, mon fils, que les Maures ont tué
dans cette forteresse, où il combattait pour le
service de Dieu et du roi notre maître. Je vou-
lais vous envoyer ses ossements pour gage ;
mais ils se sont trouvés dans un tel état, qu'on
ne pouvait encore les tirer de terre. Il ne me
restait donc que mes propres moustaches, et
je vous les envoie par Diego Rodriguez dé
Azevedo. » Et, ainsi qu'il l'écrivait, l'honnête
Jean de Castro coupa et envoya, non-seule-
ment ses moustaches, mais sa tarie tout en-
tière, ainsi que le fait savoir un rapport par
M. le baron E. de Septenville, dans son livre
Découvertes et Conquêtes du Portugal. '
Les espions -qui furent envoyés par Harold
pour lui rendre compte des forces et de la si-
tuation de Guillaume le Conquérant, revin-
rent à lui en disant qu'il semblait que l'ar-
V.
mée de son ennemi ne fût composée que de
prêtres, car ses soldats ne portaient pas un
poil au menton ; et l'un des traits de tyrannie
qui furent le plus reprochés au duc de Nor-
mandie, c'est l'ordre qu'il donna aux vaincus
de se raser entièrement la barbe et même la
lèvre supérieure. Dans les plus hautes classes
de la société anglaise du moyen âge, la barbe
fut généralement conservée pendant plusieurs
siècles comme le prouvent les sépulcres des
rois et des nobles, sur lesquels on avait sculpté
l'image du défunt.
Aussi fut-ce une grande punition pour
Henri \zr, roi d'Angleterre, de se livrer à un
barbier par l'ordre de Serlo, archevêque de
Sens; c'est Orderic Vital qui rapporte le fait.
Pareille chose arriva au roi de France Louis
le Jeune, pour avoir fait brûler trois cents
bourgeois de Vitry dans une église, et l'on
trouva la pénitence sévère. Cependant le
triomphe de la barbe, en France, remonte à
l'époque de la Renaissance, où l'exemple des
grands et nobles artistes de cette époque, qui
professèrent une sorte de culte pour cet orne-
ment du visage humain, fut suivi des grands
seigneurs et des souverains de leur temps.
Mais reprenons l'ordre chronologique dont
cette digression nous a un peu éloigné et par-
lons des longues barbes qui ont donné leur
nom aux Lombards. Eginhard, le secrétaire
de Charlemagne, nous apprend ce que nous
savions déjà, que les rois de France de la race
mérovingienne avaient le plus grand soin de
leur barbe, et qu'ils la portaient fort longue ; à
l'avènement de Charlemagne, la barbe dimi-
nua de volume, elle fut supprimée au menton,
et Charles le Chauve, qui avait de bonnes
raisons pour imposer à ses sujets la mode des
cheveux courts, remit en vogue les longues
moustaches qui furent portées à la chinoise.
Mais on sentit bientôt 1 incommodité de cette
mode, et les moustaches, perdant leurs bouts
pendants, se retroussèrent en pointe de cha-
que côté de la lèvre. Charles le Simple coupa
ses moustaches et reprit la barbe au menton.
Pendant les xe et xi<-' siècles, la barbe conti-
nua à orner les visages masculins. Sous Louis
le Gros les moustaches tentèrent de reparaître,
mais ce ne fut qu'une innovation de courte
durée, et la barbe longue prévalut. Louis VII
aussi la portait longue d'abord, et qui eût pré-
dit que le jour où il la coupa, il léguait à la
France trois cents ans de guerre, dans les-
quelles devaient périr six millions d'hommes?
Le fait est pourtant exact.
Louis VII venait de prendre pour épouse
Eléonore de Guyenne , qui lui apportait en
dot trois des plus belles et des plus riches
provinces de France. Malheureusement la
nature n'avait pas été prodigue de ses dons
envers le roi Louis, qui passait pour être im-
puissant. Aussi, loin de rechercher la société
de la belle princesse qu'il avait épousée, il la
fuyait, et la jeune reine, toute chagrine, sup-
portait cependant assez patiemment cet aban-
don, lorsque le roi, cédant aux obsessions de
l'archevêque qui avait une grande influence
sur son esprit, s'avisa de raser sa barbe et de
couper ses cheveux. Lorsqu'il se présenta en
cet état devant sa femme, elle lui déclara tout
net que, si jusqu'alors elle avait consenti à
supporter sans se plaindre l'humiliant dédain de
son époux, elle ne pouvait continuer à vivre
avec un homme n'ayant pas de barbe au men-
ton. Le roi prétendit qu'il ne seyait pas à sa.
femme de plaisanter sur d'aussi graves ma-;
tières ; bret, la querelle s'envenima et Eléo-
nore de Guyenne divorça en 1152; six se-
maines après, elle portait au duc de Norman-
die, qui devint roi d'Angleterre, la Gascogne,
le Poitou et la Saintonge en dot, ce qui amena
les journées de Crécy, de Poitiers, d'Azin-
court, etc.
Pendant près de deux siècles, il fut de bon
goût de raser son menton, mais, vers 1340,
quelques seigneurs de la cour se montrè-
rent devant le monarque , avec toute leur
barbe, Philippe de Valois les laissa faire;
mais la mode nouvelle dura peu, et les bar-
biers eurent a raser la cour, la ville et la prê-
trise jusqu'au moment où, grâce à l'initiative
de quelques papes guerriers , qui jugèrent
convenable de laisser croître leur barbe, un
mouvement réactionnaire se produisit, et l'E-
glise, à la têto de laquelle se trouvait Jules II,
arbora le règne de la barbe. Ce fut à qui,
parmi la gent porte-soutane, aurait le menton
le mieux garni. Toutefois la cour tenait bon,
et lorsque François I«r monta Sur le trône de
France, le menton du monarque était soigneu-
sement rasé. Ce fut une aventure fâcheuse
pour lui, qui l'obligea à faire revenir la mode
des longues barbes. La cour était à Romoran-
tin ; François I« festinait joyeusement, en
compagnie de Cossé,de Tavannes,de Brissac,
de Montluc et d'autres bons vivants , lorsqu'à
la suite du repas, alors que les têtes étaient
échauffées par le vin d'Orléans, le roi pro-
posa à ses convives d'aller assiéger à coups
de boules de neige son capitaine des gardes,
le comte de Montgommery, qui traitait dans
son hôtel de la rue de la Pierre. La proposi-
tion fut accueillie avec empressement , et
bientôt, le roi, donnant l'exemple, fit voler en
éclats les vitres de l'hôtel Montgommery.
Brusquement interrompu dans ses plaisirs par
cette attaque inattendue, Montgommery, qui
supposait avoir affaire à des pages avinés,
saisit un tison enflammé dans la cheminée, et
le lança au hasard sur les trouble-fétes. Mal-
heureusement ce fut le roi qui reçut le pro-
jectile en plein visage, et il en résulta à la
lèvre royale une, cicatrice que la barbe seule
pouvait dissimuler. A partir de ce jour, la
barbe longue eut droit de cité parte ut, et les
moustaches se relevèrent gracieusement de
chaque côté de la bouche. Mais il arriva qu'un
jour François Ier eut besoin d'argent, et il
obtint du pape un bref qui l'autorisait à lever
un impôt sur la barbe des prêtres, ce qui
causa une certaine rivalité entre le clergé
riche, qui avait le moyen de porter la barbe,
et le clergé pauvre obligé de s'en priver. En
1553, un édit spécial défendit aux membres
du barreau de plaider avec la barbe, et, en
1561, une décision de la Sorbonne en priva
définitivement les clercs. Les prêtres perdirent
donc le droit de la porter. Après une lutte de
plusieurs siècles, après des discussions sans
nombre, des décrétâtes, des bulles, des ca-
nons, des fulminations , des anathèmes, la
barbe fut à jamais interdite au clergé romain,
et tous les prêtres se virent condamnés à être
rasés et tondus.
Henri III se rasait les joues et ne portait
que les moustaches et la mouche; tous les
seigneurs l'imitèrent, pour reprendre bientôt
la barbe sous le règne du Béarnais, qui lui
assigna une forme carrée; mais ce revire-
ment ne fut que momentané et limité à la
France. En Angleterre, la barbe fut abolie
sous Charles Ier.
Sous Louis XIII, la barbe du menton fut
rasée, à l'exception d'un petit bouquet de poils
qu'on appela une royale, et la moustache élé-
gamment relevée fut à l'ordre du jour. Seul,
le duc de Sully s'obstinait à conserver sa
barbe, ce qui lui attira de nombreux quolibets
de la part des courtisans. Aussi, perdant pa-
tience, dit-il un jour au roi en leur présence :
« Sire, quand votre père de glorieuse mé-
moire me faisait l'honneur de me consulter
sur quelque affaire importante, la première
chose qu'il faisait, c'était de chasser tous les
bouffons et tous les sauteurs de la cour. »
Sous Louis XIV, la royale fut réduite à sa
plus simple expression : une mouche, et c'é-
tait tout. Au règne suivant, à l'époque où la-
poudre était dans toute sa splendeur, on es-
saya de poudrer la barbe, mais cette mode,
que les vieux protégeaient, ne put s'implanter
par la raison toute simple que la poudre re-
fusait absolument d'adhérer à la barbe, sans
cesse en contact avec les corps étrangers , et
on s'accoutuma à voir par exception, les offi-
ciers, les gardes françaises, conserver leurs
moustaches brunes ou blondes , contrastant
avec la blancheur immaculée de leur perru-
que poudrée. Mais tout le reste de la nation
avait le visage glabre, et le rasoir continua à
fonctionner universellement pendant le règne
de Louis XVI et sous la République. L'Em-
pire lui-même ne toléra la moustache que sur
le visage des soldats d'élite, et un pékin eût
été fort mal avisé de surmonter sa lèvre du
moindre poil; c'était un privilège réservé aux
vainqueurs d'Austerlitz ou de Marengo. La.
Restauration respecta ce principe, et la mou-
stache ne fut permise qu'aux militaires ; quant
à la barbe elle était l'apanage exclusif des
sapeurs. Ce ne fut qu'après la révolution de
1830, et surtout à dater do l'institution de la
garde nationale, que tous les Français purent
se donner le plaisir de porter la moustache,
la royale, l'impériale, la mouche. Seuls, les
prêtres, à l'exception des membres de quel-
ques ordres monastiques ; les avocats , les
notaires, les comédiens et les gens de service,
continuent à ne point porter de barbe, et bien
que le gouvernement ait eu le bon esprit de
donner à chacun la liberté de se laisser pous-
ser du poil sur la ligure, si bon lui semble,
en général, les fonctionnaires ont le visage
glabre, et un reste de vieux préjugé fait que,
dans le monde, on est encore porté à consi-
dérer comme un libre penseur, tout au moins
comme un artiste, tout homme qui porte la
barbe longue, et il est de tradition, au théâtre
et dans les romans, qu'il n'y a que los guiche-
tiers, les chefs de brigands et les démocrates
qui portent une barbe qui leur descend jusque
sur la poitrine.
' Qui de nous ne se rappelle pas avec une
douce émotion le plaisir ineffable que nous
avons éprouvé lorsque nous avons gravement
procédé à cette opération si délicate qu'on
appelle la première barbe! innocent subterfuge
que l'adolescent emploie pour se prouver à lui-
même qu'il peut être désormais classé parmi
los hommes : il a de la barbe.'
On connaît cette plaisanterie d'un perru-
quier à l'égard d'un lycéen : celui-ci, heureux
de voir ou de croire qu'il voyait poindre sur
son menton un duvet accusateur de son sexe,
s'en va fièrement chez le frater pour se faire
raser. Le rusé Figaro l'invite à s'asseoir, lui.
met au cou une serviette d'une éclatante
blancheur et lui enduit le visage d'une mousse
odorante qui fait tressaillir d'aise le jeune
homme; cependant, après cette opération du
savonnage, le coiffeur vaque à ses affaires et
semble ne plus songer à son client.
— Eh bien, fait celui-ci impatienté, qu'at-
tendez-vous donc pour me raser ?
— J'attends que la barbe pousse!
Le trait était sanglant, et si le lycéen non
barbiste n'avait pas été en présence d'un ad-
versaire aussi bien avisé, l'affaire aurait eu
des suites.
Voici, en peu de mots, quelle est aujour-
d'hui la distribution géographique de la barbe,
envisagée comme ornement du visage. En
Europe, portent principalement la barbe : les
Turcs, les paysans russes, les popes ou prê-
tres du rite grec, les juifs allemands, polonais
et italiens; en Asie, les populations mahomé-
tanes et les Thibétains; en Afrique, les popu-
lations mahométanes et barbares et les juifs
maures; et, dans les autres parties du monde,
tous les peuples sauvages à qui la nature n'a
pas refusé cet appendice filiforme.
Les barbes noires appartiennent aux indi-
fènes des nations du Midi et de l'Orient; les
arbes blondes se rencontrent plus particu-
lièrement dans le Nord et l'Occident ; mais
souvent la nature se plaît à produire de nom-
breuses exceptions, quand, toutefois, ce n'est
pas l'art ou 1 industrie qui métamorphose en
un noir de jais la nuance rousse de la barbe
d'un Alsacien, ou les reflets argentins de celle
d'un vieux beau, qui ne peut se décider à
laisser voir son âge sur sa physionomie.
Les Persans, qui ont le culte de la barbe, la
teignent, non « pour réparer des ans l'irrépa-
rable outrage, » mais"%>our obéir à un usage
général; ils se servent pour cela d'une poudre
très-fine provenant de la feuille de l'indigo
séchée et pulvérisée, qu'ils laissent infuser
dans l'eau jusqu'à ce qu'elle prenne la con-
sistance d'une pâte liquide.
En France, les cosmétiques, les pommades
et les eaux pour teindre la barbe forment une
branche de commerce très-lucrative, et toutes
ces préparations vantées par des prospectus
pompeux , sont réputées infaillibles, ce qui
n'empêche pas chaque nouvel inventeur de
prétendre que lui seul possède le secret de la
merveilleuse composition qui doit teindre à la
minute la barbe en toute couleur, au choix du
consommateur.
Par exception aux lois naturelles de la
création, certaines femmes sont pourvues de
l'appendice facial réservé au sexe fort. En
1655, on voyait à Augsbourg une femme de
vingt-deux ans , possesseur d'une barbe qui
descendait jusqu'à la ceinture. De nos jours,
il n'est guère de fête champêtre qui ne puisse
offrir aux curieux le spectacle d'une femme à
barbe; celle qui se montra à Paris, en 1774 ,
est restée jusqu'ici la reine des femmes bar-
bues : cette femme phénoménale possédait
une barbe à faire le désespoir d'un vieux sa-
peur, et en outre elle avait tout le visago
couvert de poils si épais qu'on la nommait la
tète d'ours.
Il y en avait une à la dernière foire de
Saint-Cloud, qui avait une barbe longue d'en-
viron vingt centimètres : elle inspira à un
chansonnier une chanson bouffonne qui fit ,
pendant l'hiver de 1865, les délices des admi-
rateurs de la fumeuse Thérésa; ils se sou-
viendront longtemps des applaudissements
frénétiques qu'elle obtint en chantant la Femme
à barbe.
Le £7 octobre 183S, alors que nous n'avions
pas encore de barbe, nous lisions dans un
feuilleton du journal la Presse un très-spiri-
rituel article sur le sujet qui nous occupe ici.
Nous allons donner en entier cette charmante
Pogonoloyie qui a pour auteur un très-spiri-
tuel auteur, le savant et très-grave M. Quitard,
que le Grand Dictionnaire cite toujours avec
plaisir. Cette délicieuse fantaisie ne fait nulle-
ment double emploi avec les détails qui pré-
cèdent; s'il en eût été autrement, c'est notre
article que nous aurions supprimé. D'ailleurs
un dictionnaire est un livre de recherphes,
partant do renseignements, et quand on veut
que le lecteur trouve tout, il ne faut pas
craindre de s'exposer à quelques redites.
Mieux vaut lire trois fois la même chose dans
une encyclopédie universelle que de no point
l'y trouver du tout.
• Plusieurs savants , qui ont écrit do beaux
et bons traités sur la barbe , en font remonter
l'origine au sixième jour de la création. Ce ne
fut point l'homme enfant que Dieu voulut faire.
Adam, en sortant de ses mains, eut une grande
barbe suspendue au menton, et il lui fut expres-
sément recommandé , ainsi qu'à toute sa des-
cendance masculine , de conserver avec soin
ce glorieux attribut de la virilité , par ce pré-
cepte transmis de patriarche en patriarche et
consigné depuis dans le Lévitique : Non rade-
tis barbam. Il est même à remarquer que co.
fut le seul des commandements divins que les
hommes ne transgressèrent point avant le dé-
luge; car dans lénumération des crimes qui
amenèrent ce grand cataclysme , il n'est pas
question qu'ils se soient jamais fait raser.
Quoi qu'il en soit , Noé et ses fils étaient pro-
digieusement barbus lorsqu'ils sortirent de l'ar-
che, et les peuples qui naquirent d'eux mirent
longtemps leur gloire à leur ressembler. Les
Assyriens renoncèrent les premiers à cette
noble coutume ; mais qu'on ne s'imagine point
que ce fut de gaieté de cœur : leur reine Sê—
miramis les y força. Il entrait dans sa politi-
que, disent quelques historiens, de se déguiser
en homme, afin de passer pour un homme aux
yeux de ses sujets peu disposés à obéir à une
femme ; et comme son déguisement pouvait
être aisément trahi par l'absence de la barbe ,
car on n'en avait point encore inventé de pos-
tiche, elle voulut effacer cette marque carac-
téristique qui empêchait de confondre les
mentons des deux sexes, et elle fit tomber, en
un jour, sous le fer de la. tyrannie toutes lea
barbes de ses Etats.
■ C'est ainsi que s'opéra, par la volonté d'un©
reine ambitieuse, cette étrange révolution qui
27
210
BAR
devait changer la face de tous les peuples;
elle s'étendit rapidement de l'Assyrie jusqu'en
Egypte, où elle trouva de puissants promoteurs
parmi les prêtres. Ces prêtres novateurs in-
troduisirent dans les temples de nouvelles ef-
figies de dieux représentés chauves et rasés,
et ils fascinèrent tellement les esprits par la
superstition, que chaque Egyptien s'empressa
de se débarrasser, non-seulement du poil du
menton, mais de celui de tout le corps, comme
d'une superfluité impure. Dès lors une loi re-
ligieuse assujettit la nation à une tonte géné-
rale , à l'instar d'un troupeau de moutons. Il
faut pourtant observer qu'une pareille loi ne
devint rigoureusement obligatoire que dans les
circonstances où l'on était en deuil de la mort
du bœuf Apis. Dans les autres cas, on pouvait
rester velu en toute sûreté de conscience. 11
suffisait d'avoir la précaution de se couper de
très-près la barbe, qu'il n'était pas permis de
laisser pousser deux jours de suite, excepté
lorsqu'un nouvel Apis avait paru.
» Mais pendant que les Egyptiens traitaient
la barba avec tant de mépris, le ciel, sans
cesse attentif à placer le bien à côté du mal,
appela chez eux tes Israélites qui savaient ap-
précier ce qu'elle valait. Ce peuple , quoique
esclave de l'autre , ne cessa point de porter la
barbe en présence de ses oppresseurs ; il est
certain que sa persévérance a cet égard con-
tribua beaucoup dans la suite à le soustraire
à sa captivité ; car, je vous le demande, Moïse
et Aaron auraient-ils pu opérer sa délivrance
s'ils eussent été blancs- becs? Non, non;
croyons-en le témoignage d'un docte rabbin
qui nous assure que le Seigneur avait commu-
niqué une vertu divine à leurs barbes, comme
il attacha plus tard une force miraculeuse fa
la chevelure de Samson , et ne nous étonnons
plus, après cela, qu'Israël, malgré l'inconstance
de son caractère , ait toujours considéré la
barbe, soit comme un gage de salut, soit comme
un objet de religieuse vénération , et qu'il ait
entrepris une guerre exterminatrice pour en
venger l'honneur outragé. David mit à feu et
a sang le pays des Ammonites qui avaient eu
l'insolence de couper la moitié de la barbe à ses
ambassadeurs. Jugez de ce qu'eût fait le roi
dans son indignation , s'ils eussent poussé le
sacrilège jusqu'à la leur couper tout entière.
» C'était alors l'époque brillante de la barbe.
Quel éclat elle répandit dans le Jourdain jus-
qu'aux bords de l'Eurotasl Nommerait-on une
gloire qui ait été séparée de la sienne? La
barbe obtint des Grecs enthousiastes les hon-
neurs de l'apothéose. Elle flotta majestueuse-
ment sur la poitrine de leurs dieux, comme un
attribut de la puissance céleste. Elle s'arrondit
avec grâce autour du menton de Vénus, ado-
rée dans l'Ile de Chypre sous le nom de Vénus
barbue; elle fut consacrée à la miséricorde,
en mémoire de l'usage des suppliants qui pres-
saient dans leurs mains pieuses la iarbz de
ceux dont ils cherchaient a émouvoir la com-
passion ; ello figura dans plusieurs lois au
même titre que les choses saintes et inviola-
bles; elle para les héros, plus redoutables
avec elle, d'un lustre non moins beau que ce-
lui des trophées ; elle devint même une déco-
ration glorieuse décernée aux veuves argien-
nes qui, sous la conduite de la noble Télésilla,
avaient vengé le meurtre de leurs maris , en
chassant de leur ville les armées réunies des
deux rois de Sparte, Démarate et Cléomène.
Le décret rendu à ce sujet établissait que ces
veuves, en se remariant, auraient le droit de
porter une barbe feinte au menton, quand elles
entreraient dans la couche nuptiale. Ce décret,
cité par Plutarque, est assurément un des plus
remarquables qui aient jamais été faits. Il suf-
livait seul pour prouver combien les Grecs
étaient plus sages que nous dans le choix des
insignes qu'ils accordaient à la valeur. Ces in-
signes, ils les prenaient parmi les attributs de
la virilité, tandis que nous allons les chercher
parmi les ornements des femmes. Nous n'of-
frons que des rubans à nos héros ; ils donnaient
des barbes à leurs héroïnes.
» Parcourez les fastes de la Grèce, vous n'y
trouverez point d'événement célèbre où la barbe
n'ait été mêlée. On pourrait démontrer que
l'inlluence de la barbe fut une des premières
causes de la civilisation, des beaux-arts et de
la philosophie , qui jetèrent tant da splendeur
sur cette contrée favorisée du ciel. La barbe,
compagne inséparable des législateurs et des
sages, relevait admirablement leur dignité et
leur prêtait cet ascendant qui subjuguait les
hommes ; la barbe se jouait parmi les cordes
de la lyre des portes jaloux de chanter ses
louanges; la barbe était le signe caractéristi-
que des philosophes , dont le mérite se mesu-
rait sur la longueur. Y eut-il jamais sous le
soleil rien de plus magnifique et de plus res-
pectable que les barbes de Minos , de Nestor,
de Musée, d'Homère, de Lycurgue, de Pytha-
gore, de Thaïes, de Solon, dAnacréon, de
Miltiade, d'Aristide, de ïhémistocle, de Pé-
riclès , d'Hippocrate , de Socrate, de Pla-
ton, etc., etc.? On disait avec raison : Tant
vaut la barbe, tant vaut l'homme; et il est à
remarquer que, pendant le temps où cet adage
fut en honneur, la Grèce occupa le premier
rang parmi les nations. On peut même croire
qu'elle n'en aurait point été dépossédée, si elle
n'eût pas adopté la sotte coutume de se raser.
Ce qu il y a d incontestable , c'est que son as-
servissement par les Macédoniens date de cette
innovation , introduite , à ce que dit Athénée ,
par un mauvais' citoyen dont le nom s'est perdu
dans le sobriquet flétrissant de korsès, qui
BAR
signifie tondu ou rasé Réfléchissez à cet
événement, peuples de la terre, et gardez-vous
bien de faire repasser vos rasoirs 1 1 1
» Oui, c'est un fait digne de la plus sérieuse
considération, quela barbe se montra constam-
ment auprès du berceau des empires, et le ra-
soir auprès de leur tombeau. L'histoire univer-
selle, qui offre tant de contradictions sur d'au-
tres points, n'a jamais varié sur celui-ci. Je
pourrais en rapporter mille preuves irréfraga-
bles , mais il serait trop long de les chercher
au milieu des matières diverses qu'elle em-
brasse, matières dont la totalité, suivant l'abbé
Langlet , ne formerait pas moins de trente
mille volumes de mille pages chacun. Je prierai
mes bénévoles lecteurs de m'en croire sur pa-
role, et je me bornerai à leur citer l'exemple
des Romains. Ce grand peuple portait la barbe
lorsqu'il expulsa les Tarquins, et l'on sait que,
dans la suite, les sénateurs aimèrent mieux se
faire massacrer sur leurs chaises curules que
de la laisser profaner par les mains des Gau-
lois. L'attachement qu'elle inspirait, accru par
un trait si sublime, dura quatre siècles et demi.
Ce ne fut que vers l'an de Rome 454 , que des
barbiers pénétrèrent dans cette ville , arrivés
do Sicile , à la suite de Ticinus Menas. Des
barbiers! quel cortège pour un consul 1 les
ombres héroïques des vieux Romains en fré-
mirent d'indignation dans leurs sépulcres, mais
leurs enfants dégénérés applaudirent à la
nouveauté insensée, et livrèrent avec empres-
sement l'honneur de leurs mentons au tran-
chant du rasoir. Cependant, afin de détourner
le courroux des dieux barbus de l'Olympe,
qu'une telle conduite ne pouvait manquer d'ir-
riter, ils eurent soin de leur consacrer les"
Ïioils abattus. Cet acte religieux du dépôt de
a barbe , fut renouvelé depuis par tous ceux
qui se firent raser pour la première fois, et
chacun se piqua d'y joindre autant de luxe et
de magnificence que son rang le lui permet-
tait. Les historiens nous apprennent que Né-
ron , en pareille circonstance , monta les cent
degrés de la colline sacrée, à l'instar d'un
triomphateur, pour aller déposer au Capitule ,
sur l'autel de Jupiter, les premiers poils de sa
barbe, enfermés dans un vase d'or, orné de
perles du plus grand prix. Espérait-on com-
penser la perte de la barbe par un appareil
pompeux? Il eût été bien plus avantageux de
la conserver au menton que de la faire figurer
auprès des dépouilles opimes. C'est ce que
pensèrent plusieurs empereurs , et ils s'efior-
cèrent de la rétablir. Les plus célèbres de ces
réformateurs furent Adrien et Julien , surtout
ce dernier, qui signala son avènement au trôno
en chassant mille barbiers du palais impérial,
et qui accabla les misopogons (ennemis de la
barbe) des traits de la satire. L'empire alors
brilla d'un reflet de son. antique splendeur ;
mais, hélas 1 ce n'était que l'éclat d un flam-
beau près de s'éteindre. Les misopogoiiS et les
barbiers reparurent, et, peu de tems après, les
soldats du Nord, qui portaient de longues bar-
bes, vinrent soumettre les Romains rasés.
Tantes molis erat romanam radere getUem!
» Les Francs , qu'on vit s'élever parmi ces
conquérants et fonder une monarchie qui ne
tarda pas à dominer sur les autres, les Francs,
passionnés d'abord pourles seules moustaches,
comprirent bientôt que ce relief incompret ne
pouvait suffire à leur tiguro martiale. Ils lais-
sèrent croître leur barbe , et avec elle crut
leur pouvoir. Elle devint chez eux, aussi bien
que la chevelure, un attribut de la liberté , et
il n'y eut presque point de relations sociales
ni d affaires importantes où elle ne fût appelée
à jouer un rôle. S'ugissait-il, par exemple,
d'attacher à des contrats de vente ou de do-
nation un caractère spécial de validité, les
vendeurs ou les donateurs offraient trois ou
quatre poils de leur barbe , qui étaient insérés
dans les sceaux des titres remis aux acqué-
reurs ou aux donataires. Voulait-on témoigner
des égards ou de l'affection à quelqu'un, s'en-
gager à le protéger, le recevoir en adoption,
lui accorder une investiture ; tous ces actes se
confirmaient par l'attouchement de la barbe,
qui les rendait plus sacrés. Les traités politi-
ques même étaient sanctionnés par ce moyen.
Aimoin rapporte que Clovis, voulant conclure.
une alliance avec Alaric, roi des Wisigoths,
lui envoya des ambassadeurs pour le prier
de venir toucher sa barbe. On croit que cet
attouchement se faisait tantôt avec les mains
et tantôt avec des ciseaux; mais , en ce cas,
le fer n'avait pas une action destructive. Il ne
tranchait que l'extrémité des poils pour leur
donner une forme régulière. Celui qui était
chargé de cette opération , où l'on retrouve
quelques traits de ressemblance avec la céré-
monie du dépôt de la barbe, alors en usage
chez plusieurs peuples chrétiens, prenait le
titre et les obligations de parrain ou père adop-
tif. Il se faisait suppléer quelquefois par un
prêtre qui récitait des prières dont les formu-
les existent dans le Sacramentaire de saint
Grégoire. Les poils coupés étaient enveloppés
dans de la cire sur laquelle on imprimait l'i-
mage du Christ, et ils étaient remis ensuite au
parrain qui les déposait dans un lieu consacré,
comme une dépouille vouée à Dieu, Cette des-
tination religieuse des rognures de la barbe
était bien préférable à celle que les Grecs, les
Romains et les Lombards du même temps don-
naient à la barbe entière , en l'envoyant en
présent, lorsqu'ils voulaient offrir des gages
Êrécieux d'estime et de dévouement, que Paul
'iacre appelle les assurances d'une amitié in-
violable. Les Francs tenaient trop à leur barbe
BAR
pour en faire cadeau à un homme , quel qu'il
tut ; d'ailleurs c'était pour eux une espèce d'in-
famie d'avoir la barbe tout a fait coupée, et la
peine la plus terrible que Dagobert put infliger
a Sadragré'sil , duc d'Aquitaine , après l'avoir
fait fustiger, l'ut de ne pas lui laisser un poil
au menton.
» Il existait alors une indissoluble union en-
tre le diadème et la barbe, et l'on sait que la
première formalité pour opérer la déchéance
des rois consistait à leur raser la tête et le vi-
sage. Charlemagne eut grand soin d'ordonner,
dans ses Capitulaires, qu'aucun de ses descen-
dants ne fût exposé à cet outrage régicide, et
certes une telle précaution était très-digne du
grand homme qui faisait trembler tout l'Occi-
dent devant sa barbe , surtout lorsqu'il jurait
par sa barbe et par saint Denis. Les paladins
qui , sous son règne , se signalèrent par tant
d'exploits, attachaient la plus grande gloire à
conserver intact le poil de leur menton , et à
couper celui des mentons de leurs adversaires.
Un de ces paladins portait sur ses épaules,
comme un trophée, un manteau tissu de ce
poil moissonné par son glaive; un autre cou-
chait sur un lit d'honneur dont les matelas en
étaient garnis, et cela était mille fois plus beau
que de reposer sur des lauriers. Mais on dou-
tera peut-être de la vérité de ces deux traits,
parce qu'ils ne sont consignés que dans des
livres de chevalerie. Et, quand même il auraient
été imaginés à plaisir, ce que je suis bien loin
de penser , ils serviraient du moins à prouver
de quelle haute considération la barbe jouissait
en ces temps héroïques. Ses honneurs et ses
prérogatives se maintinrent jusqu'au xn° siè-
cle. 11 faut dire pourtant que, dans cet in-
tervalle, la manière de la porter subit diverses
modifications. Tantôt on la façonna en trian-
gle , tantôt en losange et tantôt en trapèze ,
selon les lois de la plus exacte géométrie;
quelquefois on l'arrangea de telle sorte que la
lace humaine eut l'apparence de celle d'un
bouc. On lui donna aussi la forme d'un héris-
son ; dans ce dernier cas, elle était confondue
avec les moustaches et taillée pour faire une
bordure circulaire à la bouche. Enfin, on l'a-
moindrit considérablement, afin qu'elle échap-
pât aux bulles d'interdiction lancées contre elle
par le pape Grégoire VII. Cet implacable en-
nemi de toutes les puissances de la terre ne
pouvait ménager la barbe; mais devait -il être
égaré par la haine qu'il lui portait jusqu'à de-
venir l'imitateur du plus grand adversaire de
la papauté, de Photius, patriarche de Constan-
tinople, qui s'était séparé de l'Eglise romaine,
et avait excommunié la barbe du pape Nico-
las 1er? Quel étrange spectacle que celui d'un
pontife prenant pour modèle un eunuque schis-
matique ! Cependant ses violentes persécutions
n'eurent pas tout leur effet. Les ecclésiastiques
qui , par état , renonçaient aux pompes du
monde, furent les seuls qui se firent raser en-
tièrement. Un archevêque de Rouen trouva
mauvais que les séculiers, malgré les défenses
de Grégoire, conservassent un privilège que
n'avait plus le clergé. Il fulmina des mande-
ments contre ce reste de barbe, et ordonna de
l'abolir sous peine d'excommunication. Les
dévots obéirent; les autres furent indignés :
on se disputa, on s'arma des deux côtés, et l'on
vit naître une guerre civile de la barbe. Enfin,
Louis VII, dit le Jeune, docile aux volontés sa-
cerdotales, se fit raser publiquement par Pierre
Lombard, évêque de Paris, malgré les repré-
sentations d'Eléonore, sa femme, qui s'écria,
dans son dépit, qu'elle avait cru épouser un
roi, et qu'elle n'avait épousé qu'un moine. Les
courtisans, toujours singes du prince, imiteront
Louis , et l'on n'aperçut plus que des mentons
pelés. C'est alors que commença à se former
une corporation de barbiers qui choisirent,
dans la suite , saint Louis pour leur patron,
sans doute à cause de la faveur spéciale que
ce monarque avait accordée à son barbier La-
brosse, indigne parvenu, qui fut pendu sous le
successeur de son maître.
» Une des plus belles actions de Philippe de
Valois fut de restaurer la barbe. Sous son
règne, on poussa le luxe jusqu'à la parfumer,
à l'orner de paillettes d'or et à la galonner,
c'est-à-dire à y suspendre des glands dorés
nommés galands, ce qui , d'après certain éty-
mologiste dont je cite l'opinion sans l'adopter,
pourrait bien avoir introduit le terme de ga-
lanterie, car, dit-il, les dames se montraient
jalouses de caresser des barbes si bien arran-
i gées. Ce noble usage cessa dans le siècle sui-
! vant. Les barbiers redevinrent nombreux et
j puissants. On sait la grande fortune d'Olivier
I le Daim, barbier de Louis XI; on sait aussi
1 comment il expia son élévation. Ce misérable
; fut pendu comme l'avait été Labrosse, et tous
les deux l'avaient bien mérité.
» François Ier, qui aspirait à tous les genres
de gloire , n'oublia pas celle de la barbe, hon-
teusement négligée après Philippe de. Valois.
Les détracteurs de ce roi chevalier ont pré-
tendu qu'il ne laissait croître la sienne que
pour regagner en poils ce qu'il avait perdu en
j cheveux, depuis qu'un tison lancé d'une fenê-
! tre par le capitaine de Lorge, comte de Mont-
gommery, lui avait endommagé le crâne ; mais
il est certain qu'il agit ainsi par un autre mo-
tif. Il sentait toute la valeur de la barbe, et,
! ce qui le prouve sans réplique , c'est qu'il lit
- vendre le droit de la porter. Une ordonnance,
rendue par lui, en 1533, envoyait ramer sur
les galères les bohémiens , les vilains, et tous
1 ceux qui oseraient la porter sans y être auto-
I risés et sans payer la redevance imposée. Il
BAR
est vrai que la barbe dont il est question n'é-
tait pas une barbe roturière. Elle était une pré-
rogative du costume de cour, et elle équivalait
à un titre de noblesse.
• Sous Henri IV, on vit paraître des barbes
de toutes les espèces. Il y en avait de façon-
nées en toupet, en éventail, en feuille d'arti-
chaut, en queue d'hirondelle. Mais aucune d'el-
les ne valait la barbe grise du bon Béarnais
sur laquelle lèvent de l adversité avait soufflé.
O la plus vénérable des barbes! maudite soit
la langue qui ne proférera pas tes louanges !
» Quel dommage qu'un aussi grand roi que
Louis XIV n'ait pas eu pour la barbe les mêmes
égards que pour la perruque! C'est un des
plus grands reproches qu'on puisse lui adres-
ser.
» Tel fut le sort de la barbe chez les princi-
pales nations. Il serait trop long de raconter
celui qu'elle éprouva chez les autres. Je dirai
cependant qu'aucun peuple n'eut jamais pour
elle un plus grand amour que les Espagnols et
les Portugais. C'était une passion qui conser-
vait quelquefois sa force après le trépas. Je
n'exagère point. Voici ce que don Sébastien de
Cobarruvias raconte à ce sujet : < Cid Rai-
» Dios, gentilhomme castillan étant mort, un
» juif, qui le haïssait, se glissa furtivementdans
» la chambre où le corps reposait sur un lit de
» parade; il se mettait déjà en posture de lui ti-
» rer la barbe, lorsque le corps se leva soudain,
» et dégainant à moitié son épée qui se trouvait
» près de lui, causa une telle f'ri^your au juif
» qu'il s'enfuit comme s'il eût eu cit^q cents dia-
» Mes à ses trousses. Le corps se reluit ensuite
» sur le lit comme auparavant. »
» La barbe avait alors autant de prix que
l'or et les diamants. Un moyen sûr de se pro'-
• curer de l'argent était d'emprunter sur sa barba
ou sur ses moustaches, comme fit le grand
Albukerque. Un telle hypothèque offerte aux
Fréteurs les plus intraitables faisait sur eux
effet d'un talisman. Oh I pourquoi sa vertu
n'est-elle plus la même aujourd'hui? Ces mau-
dits barbiers ont tout gâté. Ce sont eux sans
doute qui , pour engager tout le monde à se
faire raser, ont inventé le dicton : Prêter sur
la barbe d'un capucin , c'est-à-dire prêter sans
garantie; mais les barbiers passeront, je l'es-
père, et la barbe restera. Déjà son règne a re-
commencé parmi nous, et ce qui présage qu'il
sera glorieux , c'est qu il a été ramené par la
jeune France. Honneur à ces incomparables
jeunes gens qui ont si bien préludé à la res-
tauration de la barbe par la guerre contre les
perruques I quelle gloire pour eux d'être bar-
fcus dans un siècle où les barbons n'ont point
de barbe/
u Mais ce n'est point assez. La réforme
qu'ils ont faite en appelle une autre. Le cos-
tume actuel ne saurait convenir à la majesté
de la barbe. Ils doivent le supprimer. Puissent-
ils adopter celui de ces héros du moyen âge
dont nous admirons les portraits dans ces pré-
cieuses tapisseries qui décoraient jadis les
lambris des palais des rois et des châteaux
des grands seigneurs! Ohî qu'il me tarde do
voir luire ce jour heureux ou les habits étri-
qués des fas'hionables seront remplaccspar
les magnifiques vêtements de Geoffroi le
Barbu et de Baudoin à la belle barbe.' »
— Bibliographie. Outre les ouvrages cités
dans le cours de cet article, on peut encore
consulter sur cette matière : Le Blason des
barbes de maintenant (sans date, in-s°) ; Eno-
poqonérythrêe, ou Louange des barbes rouges,
par Pierre l'Eguillard (C'aen, sans date, in-12) ;
la Nobilila delV arte de barbieri, de Domeni-
cho Burchiello (Florence, 1552, in-S«) ; Dialo-
gus de barba et coma, Ant. llitman (Anvers,
158C, in-8°) ; Eloge de la barbe de Jean Book-
îiian ; Pogonologie ou Discours facétieux des
barbes, par Regnault d'Orléans (Rennes, 1589,
in-8°); Physiologia barbœ humanœ, M. A.
Ulmus (Bononiœ, 1603, in-fol.) ; le Guidon des
barbiers, par Gui Saulnier, médecin de Lyon
(xviie siècle); Béni sperati barba defensa
(Leipzig et Dresde, 1690, in-12) ;De barba liber
singularis, F. -G. Pagenatecher (1715, in-8«);
Barbalogie ou Dissertation sur la barbe, par
J. Vanetti (Reveredo, 1759); la Pogonotomic
ou Y Art d'apprendre à se raser soi-même, par
J.-F. Perret, coutelier à Paris (U60, in-12);
Mémoire pour servir à l'histoire de la barbe
de l'homme, par Dom Aug. Fange (Liège,
Broncart, 1775, in-8»k Pogonologie ou His-
toire philosophique de la barbe, par J.-A. Du-
laure (Constantinople et Paris, Lejay, 1706,
in-12 de 210 pages avec fig.); la Pogonotomie
ou l'Art d'apprendre à se raser soi-même, par
le sieur Dusuel (Paris, 1789, in-12). voir en
outre le tome IV, page 405, de la seconde sé-
rie du recueil intitulé : The repcrlory of arts,
manufactures and agriculture, etc.
— Anecdotes. Un vieillard interrogé pour-
quoi il portait sa barbe si longue, répondit :
« C'est afin que je ne fasse rien qui sait in-
digne d'elle. »
+ *
Diogène portait une très-belle barbe. Ayant
rencontré un jour un Athénien qui venait de
couper la.sienne, il lui dit en colère : « Crois-
tu donc que la nature se soit trompée et
qu'elle t'ait fait homme plutôt que femme? »
*
Un prédicateur célèbre, Jean-Pierre-Ca-
mus, évêque de Belley, chaque fois qu'il mon-
tait en chaire, divisait sa ùarôe en autant de
tresses qu'ily avait de points à son sermon et
BAR
BAR
BAR
BAR
SU
défaisait «ne tresse à mesure qu'un point
était terminé.
■*
♦ +
Lorsque ie chancelier Thomas Morus, sur
le point d'être décapité, eut placé sa tête. sur
le oillot pour recevoir le coup mortel, il s'a-
perçut que sa.ba.rbe était engagée sous le men-
ton: il la dégagea et dit à l'exécuteur : «Ma
barbe n'a pas commis de trahison, il n'est pas
juste qu'elle soit coupée. >
*
* *
Le -Ménagiana,. après avoir recherché pour-
quoi le menton de la femme est privé de
barbe, en donne l'explication suivante :
Sais-tu pourquoi, cher camarade,
Le beau sexe n'est point barbu ?
Babillard comme il est, on n'aurait jamais pu
Le raser sans estafilade.
Un jésuite se trouvant en société vit entrer
un jeune homme qui avait la barbe et les che-
veux d'un blond très-ardent. Il se pencha à
l'oreille d'un de ses voisins et lui dit, assez
haut cependant pour être entendu : a II est
roux comme Judas. — J'ignore, répliqua sur-
le-champ le jeune homme, si Judas était
roux, mais ce que je sais fort bien, c'est qu'il
était de la compagnie de Jésus. »
Le vieux maréchal de Lesdiguières se prépa-
rait à faire J:é siège d'une des plus fortes places
du Piémont. Un jeune officier, qui connaissait
son Jij^Dire sur le bout du doigt, crut devoir
fais-o observer au vieux guerrier que l'entre-
prise était chanceuse , car BarberoUsse lui-
même avait échoué dans cette ville, o Eh
bien, reprit gaiement le maréchal, si Barbe-
rousse n'a pas pu la prendre, Barbegrise la
prendra. « Et il tint parole.
*
* »
Le comte de Soissons portait une longue
barbe rousse dont il se montrait très-fier. Un
jour qu'il était à sa maison de campagne où
Henri IV était venu pour une partie de chasse,
il demanda plaisamment à son jardinier, qui
était complètement imberbe, pourquoi il n'a-
vait point de barbe. Le jardinier lui répondit
que le bon Dieu faisant la distribution des
barbes, il s'était présenté quand il n'en restait'
plus que de rousses à donner, et qu'il avait
préféré n'en point avoir du tout que d'en por-
ter une de cette couleur.
-*
A la mort du pape Eugène IV, le conclave
se réunit, et tous les suffrages allaient se por-
ter sur Bessarion, patriarche de Constanti-
nople, prélat aussi remarquable par ses vertus
que par ses talents. En outre, ces qualités
étaient rehaussées par une barbe qui lui des-
cendait jusqu'à .la ceinture. En l'apercevant,
Alain , breton d'origine et doyen du sacré
collège, leva les cietix vers le ciel, secoua la
poussière de ses pieds, déchira ses vêtements
et s'écria : o Quoi t cette barbe de bouc serait
pape! il n'a point encore été tondu, et il se-
rait à notre tête ! à la tête de nous tous dont
la barbe est si courte !... » Il n'en fallut pas
davantage pour ravir à cet homme vertueux
toutes les voix du conclave.
Une petite historiette, racontée par Paul
Joves, dans l'éloge de Francesio Filelso, mon-
tre jusqu'à quel point, jadis, les savants étaient
jaloux de leuE barbe. Il était question de la
quantité ou de l'accent d'une syllabe grecque
entre un Italien et un professeur grec de nais-
sance, nommé Timotnée; l'un soutenait que
la dernière syllabe d'un mot étant brève, il
fallait un accent circonflexe sur sa pénultième ;
l'autre prétendait que l'accent devait être
■aigu, parce que la dernière était longue. On
gage , l'un sa barbe , l'autre une certaine
somme : le pauvre Timothée perdit, et quel-
que offre qu il fît pour racheter sa barbe, l'im-
pitoyable Filelso la lui fit couper et la garda
chez lui comme un monument éternel de sa
victoire, in familia eruditœ victoriœ trophœum
remansit. Il pouvait se vanter d'avoir fait la
barbe à son homme.
+
* »
Guillaume Duprat, revenant du concile de
Trente, allait prendre possession de î'évêehé
de Clermont ; la cérémonie avait été remise
au saint jour de Pâques. 11 se présente porteur
d'une barbe qui eût fait honneur au vénérable
Priam, une barbe descendant h flots d'argent
jusqu'à, la ceinture ; que rencontra-t-il soifs le
porche de son église métropolitaine î le doyen
du chapitre, escorté de deux acolytes, et bran-
dissant d'immenses ciseaux. Le péril était
imminent, la résistance impossible ; mais Guil-
laume Duprat n'était point homme à faire à
l'ambition le sacrifice de son indépendance.
Au moment où l'orgue et la foule entonnaient
les hymnes pieux, au moment où le trio par-
ricide étendait les bras, il lui jette son sur-
plis et prend la fuite jusque dans sa demeure,
î Je sauve ma barbe, s écria-t-il, et j'aban-
donne mon évêché. » Mais il devait payer cher
cet amour de sa barbe; le chagrin le prit, il
tomba malade, et la fièvre l'emporta en quel-
ques jours, ce qui donna lieu à l'épitaphe sui-
vante :
De ce prélat tel fut le sort,
Que sa barbe causa sa mort
Un grave magistrat avait réuni .un jour h, s;»
table quelques amis; son lils, jeune enfant de
six ans, s'apprêtait à s'asseoir près de lui :
« Que fais-tu là? lui dit le père, tu n'as pas
encore la barbe assez longue pour dîner avec
nous ; retire-toi bien vite. » L'enfant se retira
tout confus et s'en alla conter sa peine à sa
mère. Celle-ci, pour le consoler, lui lit dresser
une petite table sur laquelle elle eut soin de
faire servir force gâteaux et confitures. Pen-
dant que l'enfant mangeait, un gros chat, com-
mensal habituel du logis, osa porter sur le
petit dîner une patte audacieuse. Indigné d'une
telle familiarité, l'enfant frappa avec sa four-
chette la tête de l'insolent et lui dit : n Va-t'en,
va-t'en manger avec papa ; ta barbe est assez
longue. »
Ce trait de naïve espièglerie dérida le front
de la grave compagnie, et il fut décidé à l'u-
nanimité qu'à l'avenir l'enfant aurait toujours
sa place dans les grandes cérémonies.
— Allas, littér. Du tùté de la barbe eut in
toute-puissance. Allusion a un vers de Molière
dans l'Ecole des femmes, acte III, scène n.
Par mesure d« précaution, Arnolphe, qui se
croit sur le point d'épouser Agnès, lui trace à
l'avance les devoirs de la femme mariée :
Le mariage, Agnès, n'est pas un badinage :
A d'austères devoirs ie rang de femme engage;
Et vous n'y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n'est là que pour la dépendance :
Du cùlé de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :
L'une est moitié suprême, et l'autre subalterne ;
L'une en tout est soumise a l'autre qui gouverne ;
Et ce que le soldat, dans son devoir instruit,
Montre d'obéissance au chef qui le. conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
A son supérieur le moindre petit frère,
N'approche point encor de la docilité,
Et de l'obéissance, et de l'humilité,
Et du profond respect où la femme doit être,
Pour son mari, son chef, son seigneur et son maître.
Ce vers, si comique dans la bouche d'Ar-
nolphe est l'objet de fréquentes applications :
« Ma belle-mère et ma femme ont plusieurs
fois deviné la solution des questions que vous
avez posées, tandis que j'avais, je le confesse,
commis de gros solécismes dans mes explica-
tions. Je voudrais avoir une revanche qui me
rendrait l'ascendant naturel qu'un mari doit
avoir dans son ménage ; du coté de Ta gram-
maire est la toute-puissance , je le vois ; je
souhaiterais une belle victoire grammaticale. »
Lettre à F. Génin, Récréations philologiques,
» La barbe a-t-elle pour mission de garantir
la bouche? Sentinelle vigilante, est-elle placée
autour de cette ouverture comme les cils au-
tour des yeux? Mais alors pourquoi ce privi-
lège réservé à l'homme et non à la femme ? .
Pourquoi l'homme même n'est-il appelé à en
jouir qu'à une certaine époque de la vie ? La
nature a-t-elle voulu plutôt donner à l'homme
un signe visible de sa force , et consacrer
ainsi ce vers célèbre :
» Du côté de la barbe est la toute-puissance ? ■
(Dictionnaire de la Conversation.)
■ Du côté de la barbe est la toute-puissance.
> Voilà une plaisante raison pour que j'aie
un maître! quoi! parce qu'un homme a le
menton couvert d'un vilain poil rude, qu'il est
obligé de tondre de fort près, et que mon
menton est né rasé , il faudra que je lui
obéisse très-humblement? Je sais bien, qu'en
général, les hommes ont les muscles plus forts
que les nôtres, et qu'ils peuvent donner un
coup de poing mieux appliqué : j'ai bien peur
que ce ne soit là l'origine de leur supério-
rité. » Voltaire.
BARBE s. m. (bar-be — rad. Barbarie,
contrée africaine). Cheval originaire des pays
barbaresques : Les chevaux turcs ne sont ja-
mais si bien proportionnés que les barbes. (Bùff.)
Son (1er barbe écumeux hennit en cheminant.
Desmarets.
— Adjectiv : Un cheval barbe. Une cavale
BARBE.
Ici le coursier barbe est errant dans vos bois.
Deullk.
— Encycl. Descendant a la fois des chevaux
arabes et numides, le barbe participe aux qua-
lités des deux races. A la taille et à la lé-
gèreté de l'ancienne race numide, il joint le
poitrail admirable et les membres d'acier qui
caractérisent l'arabe. Le barbe reproduit les
principaux caractères du type arabe, mais il
s'en distingue par son paturon plus long, sa
tète un peu busquée, et ses formes plus ar-
rondies , plus gracieuses. Les chevaux de
cette race sont infatigables, on connait
l'axiome : Le cheval barbe meurt et ne vieillit
pas.
La véritable race barbe est très-rare au-
jourd'hui. Il serait cependant important de la
conserver, et des croisements avec nos races
du midi et du centre ne pourraient avoir que
de bons résultats. La race anglaise doit une
partie de ses qualités au croisement avec des
chevaux barbes. Le fameux Godolphin, l'un
des étalons qui ont le plus contribué a la
création du type anglais actuel, était, dit-on,
un cheval barbe. La formation de la race des
chevaux barbes date de la première invasion
de l'Afrique parles Arabes, vers l'an 700 après
J.-C. Introduite en Europe pendant le moyen
âge, d'abord par les Maures d'Espagne, en-
suite par les croisés, elle était estimée pour
sa vigueur autant que pour sa vitesse. Le
coursier barbe a souvent joué un rôle dans les
légendes et dans les anciennes ballades.
BARBE s. m. (bar-be). Hist. Docteur des
Vaudois, ainsi nommé de la longueur de sa
barbe : Leclerc, cardeur de laine..... n'était
sans doute ni barbe chez les Vaudois, ni prêtre
catholique. (Fén.) Il est bien certain qu'il n'y
avait ni Vaudois ni barbes en l'an 1120, puis-
que Valdo n'est venu qu'en 1160. (Boss.)
BARBE (SAINTE-) s. f. Mar. Chambre de
l'entrc-pont dans laquelle se trouve la soute
aux poudres : Faire sauter la sainte-barbe.
— Bot. Herbede Sainte-Barbe ^om vulgaire
de la barbarée.
BARBE (Sainte), vierge et martyre, décapi-
tée, pour la foi à Nicomédie vers 235. Son
père, qui était païen, fut son propre bourreau ;
mais à peine avait-il porté le dernier coup
qu'il tomba frappé de la foudre ; c'est pour-
quoi sainte Barbe est invoquée dans les temps
d'orage. Les canonniersont choisi sain te Barbe
pour patronne (4 décembre) sans doute parce
que les canons sont appelés la foudre de la
guerre, allusion au coup vengeur qui frappa
le bourreau de cette martyre. La fête de
sainte Barbe, malgré l'affaiblissement des
croyances religieuses, est toujours solennisée
avec éclat par les canonniers des armées de
terre et de mer, les mineurs, les carriers, et
toutes les corporations qui emploient ou qui
fabriquent la poudre et les matières inflam-
mables.
Bai-iie (sainte), tableau de Jean van Eyck
(hauteur 0 m. 32, largeur 0 m. 19); musée
d'Anvers. La sainte, chastement drapée dans
une longue robe à plis anguleux, est assise au
milieu d'un riche paysage ; elle tient une palme
dans la main droite et lit un livre dont elle
tourne les pages d'un air pensif. Derrière elle,
s'élève une tour gothique en construction, et
de nombreuses figurines s'agitent dans le fond
du paysage. Ce petit tableau, signé Jokannes de
Eyckrne fecit, 1437, offre un intérêt particulier,
en ce qu'il montre comment travaillait Jean
van Eyck. Quoique exécuté avec la pointe de
la brosse, il ressemble, à s'y méprendre, k un
dessin fait à la plume sur un fond légèrement
teinté. « Le ciel seul est colorié , disent
MM. Crowe et Cavalcaselle. Le- dessin de
chaque partie est achevé et complet; aucun
détail n est omis. La robe et tous ses plis,
les figures qui travaillent a la tour dans
le fond, les massifs d'arbres et de feuillage
sont minutieusement représentés, et prouvent
avec quel soin et quelle correction les anciens
artistes, comme van Eyck, dessinaient leurs
compositions, n'abandonnant rien au hasard,
après que les contours avaient été exécutés. »
Les célèbres imprimeurs Enschende, de Har-
lem, à qui cette peinture a appartenu, la firent
graver, en 1769, par Cornélius van Noorde.
Elle passa ensuite successivement dans les
collections van Ploos d'Amstel, Oyen et van
Ertborn. Elle a été gravée par van Noorde,
comme représentant sainte Ursule, et le doc-
teur Waagen lui a conservé cette désignation.
Le titre que nous avons donné est celui qui
figure dans le catalogue du musée d'Anvers,
et dans le livre de MM. Crowe et Cavalcaselle.
BARBE (Collège SAINTE-), a Paris,prèsdu
. Panthéon. Tous les historiens de Paris ont
répété, après Félibien (Histoire de la ville de
Paris, publiée en 1725, tom. II, p, 1047), que
Sainte-Barbe doit sa fondation à un professeur
de droit canon, nommé Jean Hubert, lequel
prit à cens, de l'abbaye de Sainte-Geneviève,
une maison avec un terrain, située dans la rue
de Reims, en face du collège de Reims. Mais
le nom de Sainte-Barbe ne se rencontre ni du
vivant de Jean Hubert ni pendant les pre-
mières années qui suivirent sa mort, et, comme
le prouve très-bien M. Jules Quicherat, dans
son excellente Histoire de Sainte-Barbe (3 vol.
in-s° 1860, libr. Hachette), Sainte-Barbe fut
fondée., en 1460, par Geoffroy Lenormant, un
des prêtres professeurs qui eurent le plus de
vogue du temps de Charles VU. II dirigeait la
section de grammaire au collège de Navarre,
où son frère puîné, Jean Lenormant, avait une
position encore plus éminente, comme prin-
cipal et régent des artiens, c'est-à-dire direc-
teur de la section de philosophie et'en même
temps professeur dans cette section.
Geoffroy Lenormant fonda Sainte-Barbe,
non pas commepédagogie, mais comme collège,
en y instituant des classes, en y mettant des
professeurs qui devaient, sous sa direction,
appliquer les méthodes, répéter les leçons qui
avaient fait le succès des deux frères. De do-
tation, il s'en passa. Il s'en rapporta à ça raison,
qui lui disait que l'avenir d'un collège a sa ga-
rantie, moins dans les richesses qu'il possède,
que dans la bonne discipline et l'excellence de
1 enseignement. Ce régime fut le premier trait
par lequel se distingua une maison dont le
destin était de garder toujours un caractère à
part, entre les autres établissements de l'uni-
versité.
Le nom qu'elle reçut fut encore une singu-
larité. Il n'était pas d'usage à Paris que le»
collèges fussent placés sous l'invocation des
saintes ; tous portaient le nom de leur fonda-
teur ou celui du pays dont ils recevaient les
boursiers. L'asile que Geoffroy Lenormant ou-
vrit aux études devant abriter la jeunesse de
fous les pays, il n'eut pas à lui donner le nom
de tel ou tel lieu; il fut assez modeste aussi
pour ne pas vouloir qu'il portât son propre nom.
Et puis, ajoute M. Quicherat « Barbe, c'est-à-
dire Barbara, dans sa forme latine et univer-
sitaire, n'était pas seulement le nom d'une
sainte, ce fut aussi le terme qui, dans le lan-
gage des écoles, signifiait l'argument élémen-
taire, le syllogisme articulé par majeure, mi-
neure et conséquence, sur des généralités
positives. L'exposition de la logique commen-
çait par la définition de barbara, et la plupart
des grandes vérités morales se résolvaient en
barbara. N'y aurait-il pas là, à cause de la
double entente, un motif pour notre fondateur
d'avoir préféré le vocable de Sainte-Barbe?
Ces sortes de considérations, que nous taxe-
rions de puérilités, étaient fort dans le goût
de l'époque. Si Geoffroy Lenormant n'y songea
point, il y a à parier que l'allégorie fut relevée
par d'autres, et que plus d'un tireur d'horos-
cope prédit les hautes destinées de l'enseigne-
ment des arts qu'on inaugurait sous l'invocation
de Barbara. 0
La première année de l'existence de Sainte-
Barbe vit mourir Charles VII, et revenir de
l'exil, pour lui succéder, le redoutable Louis X l.
Paris fut le théâtre de cérémonies tour à tour
tristes et joyeuses, où le nouveau collège eut
l'occasion de montrer sa bannière en public.
Ses élèves formèrent une compagnie de plus
dans l'interminable défilé de l'armée scolas-
tique. On les appela dès lors les Barbarains ,
Barbarini et quelquefois Barbaristce. C'est de
cette dernière forme que dériva plus tard l'ap-
pellation toute française de Barbistes.
Nous empruntons à l'histoire de M. Quicherat
la liste des principaux, supérieurs et direc-
teurs qui ont gouverné Sainte-Barbe, sous les
divers régimes par lesquels elle a passé depuis
son origine.
La maison fut d'abord un établissementlibre,
appartenant soit au principal qui la gouver-
nait, soit à des particuliers qui en confiaient
la direction à un principal de leur choix,
agréé par l'Université.
Voici les principaux qui se succédèrent
dans cette première période :
14G0. Lenormant (Geoffroy).
1465. Lenormant (Jean).
1474. Lemaistre (Martin).
1482. Lenormant (Jean), de nouveau.
1483. Bonet (Etienne).
1497. De Fontenay (Pierre).
1511. Pelin (Antoine).
1517. Morel (Mathurin),
1520. De Gouréa (Jacques) l'ancien.
1530. De Gouréa (André).
1534. De Gouréa (Jacques) le jeune.
1540. De Gouréa (Jacques) l'ancien, de nou-
veau.
1548. De la Halle (Jacques).
1550. Phélippeaux (Jean).
1553. Dugast (Robert).
En 1556, Robert Dugast, propriétaire de
Sainte-Barbe depuis 1512, et principal depuis
1553, donna au collège une existence indépen-
dante, en lui constituant une dotation. Trois
dignitaires et quatre boursiers devaient être
entretenus à perpétuité , au moyen de cette
dotation, qui comprenait le fonds même de
Sainte-Barbe, des maisons dans la rue d'Ecosse,
au faubourg Saint-Marceau et à Vitry-sur-
Seine.etde plus une rente sur l'Hôtel de Ville.
Les principaux qui dirigèrent la maison sous
ce nouveau régime, et tant que le plein exer-
cice y fut maintenu, sont :
1556. Certain (Robert).
1568. Le Marchand (Nicolas).
1569. De Tremblay (Antoine),
1585. Dinet (Pierre).
Les troubles de la Ligua amenèrent la dis-
persion des élèves et la clôture de la maison,
en 1589. Depuis la réorganisation de l'univer-
sité par Henri IV, jusqu'à la fin du xvii» siècle,
le collège se trouve réduit a la fondation
Dugast, sous la direction successive de :
1595. De Gazil (Raoul).
1596. Le Chappelier (Nicolas).
1607. Gaultier (François).
1G29. Berthould (Henri).
1644. Berthould (Jean).
En 1G91, un docteur de Sorbonne, qui ne
tarde pas a devenir principal du Plessis ,
Thomas Durieux , loue une partie des bâti-
ments affectés à la dotation de Sainte-Barbe,
rue des Chiens et rue de Reims, et y établit la
communauté de Sainte-Barbe.
Les bâtiments de Sainte-Barbe sont alors
occupés simultanément par le collège Sainte-
Barbe, réduit à trois dignitaires et quatre
boursiers, et par la communauté de Sainte-
Barbe, qui compte bientôt de nombreux élèves :
PHINCIPADX DU COLLÈGE
ayant droit de police sur la communauté.
1691. Berthould (Jean).
1693. Delaroche (Louis).
1719. Menassier (Simon).
212
BAR
1727. Menassier (François).
1731. Menassier (Simon), de nouveau.
1732. Delamaison (Jacques).
supérieurs de la communauté.
1691. Durieux (Thomas).
1718. Besoigne (Jérôme).
1722. Roussel (Jean-Baptiste).
1727. Lenglet (François).
] Ï32. Gaillande (Noël).
1 J45. Machet (L.-A.) et Parquet (Ni.).
•1748. Machet (L.-A.) et Ducrocq (A.-M.).
1749. Ducrocq (Adrien-Maurice).
1754. Thiébault.
1757. Seconds (Jean-Joseph).
En 1764, le collège Sainte- Barbe est trans-
porté au collège Louis-le-Grand avec sa dota-
tion, qui est employée tout entière à l'entretien
de huit boursiers, après l'extinction des digni-
taires en exercice. La communauté de Sainte-
Barbe occupe alors la totalité des bâtiments
du collège.
GRANDS-MAÎTRES DU LOUIS-LE-GRAND
spécialement chargés des affaires de Sainte-
Barbe.
1764. Fourneau (Gui-Antoine).
17... Gardin du Mesnil.
17... Bérardier (Denis).
1791. Champagne (Jean-François).
SUPÉRIEURS DE LA COMMUNAUTÉ.
1704. Seconds (Jean-Joseph).
1773. Baduel (Antoine).
1791. Filleul, principal constitutionnel.
1791. Licenciement de la communauté.
L'an 'VU (1798), 'Victor de Larmeau, sous-
directeur du Prytanée, loue les bâtiments de
Sainte-Barbe et reconstitue le collège sous le
nom de Collège des sciences et arts, ci-devant
Collège Sainte-Barbe, et bientôt après : Col-
lège Sainte-Barbe. Les Directeurs du collège,
dans cette dernière période de son histoire,
sont :
1798. De Lanneau (Victor) et Miellé.
1801. De Lanneau (Victor).
1S14. De Lanneau (Victor) et Mouzard.
1816. De Lanneau (Victor) et Adam.
1819. De Lanneau (Victor et Adolphe).
1823. De Lanneau (Adolphe).
1838. Labrouste (Alexandre).
1866. Dubief (Louis).
Victor de Lanneau était entré, jeune encore,
dans l'ordre des théatins, avait été professeur
au collège de Tulle, puis vicaire épiscopal à
Auturi (1791), avait quitté l'habit ecclésiasti-
que, était devenu maire d'Autun et député
suppléant à l'assemblée législative. Il fut un
excellent instituteur et un homme de bien.
Le premier acte de sa direction fut d'écrire,
sous le titre de règlement, un véritable De
offifiiis, un traité des devoirs par lesquels il
entendait enchaîner tout le monde dans sa
maison, et lui le premier, car le chapitre qui
concerne le directeur n'est pas celui qui con-
tient }es obligations les moins nombreuses. Il
retoucha plusieurs fois ce travail, pour l'ac-
commoder aux. métamorphoses incessantes
dont la politique affecta l'ordre social, et, par
suite, l'éducation publique, dans les premières
années de notre siècle. En sachant discerner,
dans l'héritage du passé, les choses qui
avaient fait leur temps de celles qui consti-
tuent le fonds immuable de la sagesse humaine,
le restaurateur de Sainte-Barbe mérita de
passer, aux yeux de ses contemporains, pour
l'homme qui comprenait le mieux l'organisa-
tion d'un collège. Cet hommage lui fut rendu
par François de Neufchateau, par Fourcroy,
par Frochot, par Lacépède, lorsqu'ils venaient
présider les exercices publics de la maison ;
par M. de Fontanes, lorsqu'il faisait, pour son
instruction de grand-maître, une étude parti-
culière du règlement dont nous venons do
parler ; par l'abbé Sicard , lorsqu'il vantait,
comme « un monument de la connaissance la
plus parfaite de toutes les parties qui regar-
dent la conduite des jeunes gens, » des instruc-
tions que M. de Lanneau lui avait tracées, sur
sa demande, pour l'Institut des sourds-muets ;
Îar MM. Massin, Goubaux, Guyet de Fernex,
ubé, Dufau et tant d'autres instituteurs re-
nommés, qui, eux aussi, empruntèrent d'utiles
dispositions au code de Sainte-Barbe, ou se
guidèrent par les conseils de son chef; enfln,
Sar le dernier oratorien placé à la tête de
uilly, le vénérable Père Miel, qui, ne sachant
encore en quelles mains il remettrait cette
maison, pensa plus d'une fois à M. do Lan-
neau, et dit avec l'expression du regret :
■ Voilà l'homme qu'il nous faudrait pour con-
tinuer notre œuvre. »
Son cœur brûlait d'une charité ardente, et,
dès le commencement, il fit sortir de son ad-
ministration une source de bienfaits d'autant
plus méritoires, qu'ils restèrent, le plus sou-
vent, un secret entre le bienfaiteur et l'obligé.
On peut dire que la plus grande partie do ses
bénéfices s'en alla en bonne3 oeuvres, par le
nopibre d'élèves gratuits qu'il entretint dans
sa maison. Les aveux de la reconnaissance
ont appris cela dans la suite. Plusieurs furent
exprimés sur sa tombe. Nous répéterons un
mot plein de délicatesse divulgué , à ce mo-
ment suprême, par l'honorable M. Bellaigue,
BAR
qui fut Réputé de l'Yonne en 1830. M. Bellai-
gue était élève de Sainte-Barbe en l'an XII,
lorsqu'il perdit son père, dont la profession
faisait toute la fortune. Le correspondant de
la famille étant venu exposer à M. de Lan-
neau la situation de l'orphelin et l'impossibi-
lité de le laisser dans la maison, il reçut pour
réponse ces propres paroles : » Je vois au
contraire- l'impossibilité qu'il en sorte. » On
raconte un trait pareil au sujet de quatre
frères dont le père avait fait faillite. M. de
Lanneau répondit à. la personne qui venait
pour les retirer, « qu'il entendait garder dans
sa maison des enfants qui y avaient toujours
donné le bon exemple. » Tout bon sujet deve-
nait ainsi, pour le directeur de Sainte- Barbe,
un fils d'adoption, dont il ne consentait plus à
se séparer.
Aujourd'hui, on conserve religieusement au
collège le buste de Victor de Lanneau; c'est
le génie du lieu. Cette image vénérée est
transportée tous les ans dans le salon où se
tient le banquet des aneiens élèves, et, pour
toutes les cérémonies que le collège tient hors
de ses murs, on la fait également voyager.
C'est la doctrine du gouvernement barbiste
que là où est le buste de Victor de Lanneau,
là est Sainte-Barbe : touchante tradition, qui
ne fait qu'un et de l'œuvre et du fondateur, et
qui enseignera, dans le temps à venir, que la
Sainte-Barbe moderne est fondée sur l'amour
dont une jeunesse généreuse s'enflamma pour
un homme de bien.
C'est, en effet, cet amour des barbistes pour
leur ancien maître, qui créa cette vaste asso-
ciation amicale par laquelle sont unis entre
eux tous les anciens élèves de Sainte-Barbe,
et qui donna aussi au collège sa forme, son
organisation, sa prospérité actuelle.
— Association amicale des anciens bar-
bistes. En 1816, les anciens élèves de Victor
de Lanneau, indignés des injustes persécu-
tions qui étaient venues troubler la vieillesse
de cet homme de bien, se réunirent spontané-
ment pour protester contre d'odieuses calom-
nies, et donner à leur maître vénéré un témoi-
gnage public de gratitude, de sympathie et de
respectueux dévouement. En se retrouvant
dans un premier banquet fraternel, la grande
famille se compta, se comprit et résolut de
fonder, entre les barbistes de toutes les épo-
ques et de tous les pays, une association dont
le but unique serait de continuer, au delà des
murs du collège, les amitiés qui s'y sont for-
mées, et de maintenir de touchantes et étroites
relations d'affection et d'assistance. Durant les
premières années, les réunions finissaient par
des collectes en faveur de quelques barbistes
malheureux ; en 1820 , pour régulariser ces
bonnes œuvres, on a arrêté des statuts qui
sont devenus la constitution même de l'asso-
ciation , modèle de tant d'autres du même
genre.
Alexandre Bixio, mort récemment (décem-
bre 1865), entra dans le gouvernement de
l'association amicale à la fin de 1832. Main-
tenu depuis 1832 jusqu'à sa mort, par une suite
non interrompue de réélections, il ne cessa
Sas d'être delà partie laborieuse du comité,
e celle à qui arrive la confidence de toutes
les infortunes, et qui s'occupe de les soulager.
Il ne cessa pas non plus de travailler à éten-
dre le cercle de l'assistance fraternelle, en
recrutant autant de souscripteurs qu'il pou-
vait découvrir d'anciens barbistes. Il acquit
proinptement l'ascendant exercé par ceux qui
apportent avec eux le mouvement d'où résulte
la vie. Il fut considéré par tous comme l'âme
de l'association.
Sous cette vive et énergique impulsion, le
nombre des membres, qui n'était encore que de
900 en 1851, s'accrut rapidement dans ces der-
nières années, et l'association compte aujour-
d'hui plus de 3,000 membres, dont 1674 sous-
cripteurs et 1403 fondateurs. Les recettes
s'améliorèrent dans la même proportion. Le
comité, qui n'avait reçu que 8,000 fr. par an
jusqu'en I851,a reçu, en 1862, 50,074 fr.; en
1803, 81,898 fr.; en 1864, 118,503 fr. L'associa-
tion possède actuellement 10,000 fr. de rente,
représentant un capital de 3GO.O0O fr.
Voici les principaux articles des statuts :
• 1" Il existe, depuis 1820, entre les anciens
élèves du collège Sai«ïe-.Z?ar6e, une association
fondée sur leur amitié mutuelle. Son nom est
Association amicale des anciens Barbistes. —
Son siège est au collège Sainte-Barbe, place
du Panthéon, à Paris.
» 2« L'objet unique de l'association est d'éta-
blir entre tous les anciens barbistes un centre
commun de relations amicales, et de venir en
aide aux camarades malheureux.
» 3° Tout ancien barbiste peut devenir mem-
bre de l'association, en versant un capital de
240 fr., une fois payé, ou une cotisation an-
nuelle de 12 fr. Dans le premier cas, il est
fondateur de l'association, son nom est inscrit
à perpétuité dans les annuaires, et son verse-
ment est converti en inscriptions de rentes sur
l'Etat qui ne peuvent jamais être aliénées. —
Dans le second cas, il est souscripteur annuel,
et son nom est inscrit sur la liste des souscrip-
teurs de chacune des années pour lesquelles
il verse sa cotisation. — Tout ancien barbiste
qui, outre le capital de fondateur (240 fr.),
verse une somme au moins égale, devient do-
nateur; son nom est inscrit à perpétuité dans
les annuaires sur la liste des fondateurs et sur
la liste des donateurs, et son don est converti
BAR
en inscriptions de rentes sur l'Etat, qui ne
peuvent jamais être aliénées.
» 4° Pour avoir recours à l'association, il
n'est pas nécessaire d'en être membre ; il suf-
fit d'être ancien barbiste. — L'association peut,
dans certains cas, venir en aide aux enfants,
aux mères, aux pères, aux veuves, aux sœur.i
et aux frères d'anciens barbistes.
» 5" L'assemblée générale des membres de
l'association se réunit le 4 décembre de cha-
que année-, elle nomme le comité, elle entend
et elle approuve, s'il y a lieu, les comptes an-
nuels des recettes et dépenses.
» 6° Le comité est composé : 1° de vingt
membres élus tous les deux ans par l'assem-
blée générale du 4 décembre ; 2° de membres
à vie (on obtient ce titre après dix élections,
c'est-à-dire après vingt ans d'exercice). Le
comité représente et administre l'association ;
il nomme ses présidents, ses secrétaires et son
trésorier.
» 70 Le trésorier ne peut disposer des fonds
que sur un mandat signé par sept au moins
des membres du comité. Il dresse, chaque an-
née, la liste des fondateurs, la liste des dona-
teurs, la liste des souscripteurs, ainsi que les
comptes des recettes et des dépenses, sans y
énoncer le nom des camarades secourus. Ces
comptes, s'ils sont approuvés par le comité,
sont soumis à l'approbation de 1 assemblée gé-
nérale du 4 décembre, puis imprimés et adres-
sés, au plus tard en février, à tous les mem-
bres de l'association, n
Le comité qui administre l'association se
compose actuellement de MM. le général
comte Christian Dumas ; Agathon Prévost,
agent général de la Caisse d'épargne; Ed-
mond Kellermann, duc de Valmy, ancien dé-
puté ; le baron Edmond Rknouard de BuS-
sière, ancien pair et ambassadeur (tous quatre
membres à vie, après dix élections); Antonin
Bellaigue, avocat à la cour de cassation ;
Constant Benoist, avoué au tribunal de la
Seine ; Joseph Bertrand, de l'Académie des
sciences ; Eugène Besson, professeur à Sainte-
Barbe; Alfred Coulon, avoué au tribunal de
la Seine; Dicvinck, ancien député ; A. Donon,
banquier, consul général de Turquie ; Ganne-
ron, agent de charge ; Charles Godart, sous-
directeur de l'école préparatoire de Sainte-
Barbe; Jozon, notaire- Clovis Lamarre,
sous-préfet des études à Sainte-Barbe ; Désiré
Laverdant; Albert Liouville, avocat; Paul
Lefevre, juge au tribunal de la Seine ; An-
toine MongiS, conseiller à la cour impériale ;
Gustave • Servois , archiviste paléographe ;
Jules Brochu, général de division. — Bureau
du comité : président, Joseph Bertrand;
vice-président, Antonin Bellaigue ; trésorier,
Ganneron ; secrétaire, Eugène Besson ; secré-
taires-adjoints, Clovis Lamarre et Albert
Liouville.
— Organisation actuelle du collège.
Ce fut un bon mouvement qui donna nais-
sance à l'association amicale des anciens bar-
bistes ; ce fut aussi un bon sentiment qui créa
la société actuelle des actionnaires de Sainte-
Barbe.
Les événements et les vicissitudes de 1814
et de 1815 avaient eu, pour Victor de Lanneau
et pour son institution, de fâcheuses consé-
quences. Il avait lutté néanmoins contre la
mauvaise fortune, soutenu surtout par le res-
pect et l'attachement de ses élèves anciens
et nouveaux, et le collège était resté toujours
à la hauteur de sa renommée, et par le nom-
bre des écoliers, et par l'éclat des succès
universitaires. Mais, après la crise financière
de 1831, Victor de Lanneau étant décédé, et
M. Adolphe de Lanneau, son fils, lui ayant
succédé dans la direction de rétablissement,
les anciens élèves crurent que le moment était
venu pour eux de donner un témoignage so-
lennel de leurs sentiments de reconnaissance
pour le père, d'attachement pour le iils, en
venant se grouper autour de ce dernier, et en
apportant les fonds nécessaires pour préserver
d une catastrophe la maison de Sainte-Barbe
et la famille do son fondateur. Ce concours,
loyalement offert, loyalement accepté, sauva
le collège, lui rendit une nouvelle vie, lui as-
sura une nouvelle gloire.
On peut dire que la société dont il s'agit est
l'application, à une entreprise généreuse et
utile , de l'esprit d'association compris dans
toute sa pureté et sa féconde libéralité.
Les fondateurs la présentèrent avec con-
fiance à leurs anciens camarades ; ils s'adres-
sèrent à eux et à eux seuls, parce que, grâce
à cette sympathie qui existe entre eux, l'admi-
nistration du collège, concentrée entre les bar-
bistes, devait rester fidèle à la pensée de sa
fondation, conserver cette unité de vues et de
principes qui doit en perpétuer le succès et en
assurer les bienfaits.
C'est dans cet esprit que les statuts ont été
arrêtés comme il suit : ... Art. 2. L'objet de
la société est de conserver et de régir l'in-
stitution connue sous le nom de collège
.Sainte-Barbe. Son but est de donner à cette
institution, sous le rapport du bien-être des
enfants, de la moralité, de l'éducation et de
la supériorité des études, tous les dévelop-
pements dont elle peut encore être suscep-
tible. — Art. 5. Le capital de la société, fixé
d'abord à 52,000 fr., a été porté par ordon-
nance du 18 juin 1843 à 600,000 fr., et, par or-
donnance du 20 septembre 1845, à un million.
— Art. 6. Le fonds social est divisé en deux
BAR
mille actions de cinq cents francs, nomina-
tives et indivisibles. Et dans le but de con-
server autant que possible à l'association l'es-
prit qui a présidé à sa formation, les personnes
appartenant ou ayant appartenu à l'une des
trois catégories ci- après -indiquées ont été
seules admises à souscrire les actions, savoir :
élèves de Sainte-Barbe ; parents ou alliés d'é-
lèves de Sainte-Barbe, en ligne directe ou col-
latérale, jusqu'au deuxième degré inclusive-
ment; professeurs ou fonctionnaires de l'in-
stitution depuis six années au moins.— Art. 9.
La société est administrée par un conseil com-
posé de quinze, membres au moins, de vingt
et un au plus, qui seront nommés par l'assem-
blée générale. Les membres du conseil doi-
vent être anciens élèves de Sainte-Barbe.
— Art. 13. Le conseil est renouvelé tpus les
deux ans par tiers. Les membres sortants
peuvent être réélus. Sont nommés membres
du conseil d'administration, pour en exercor
les fonctions jusqu'à la première assemblée
générale : MM. Baudelocque, ancien notaire ;
Bayard, homme de lettres ; Bki.LaiGue, an-
cien député ; Bérenger, juge de paix ; Ber-
nard, député; Alexandre Bixio; Christokle,
négociant; Christian Dumas ; H. Ganneron,
député de Paris; Eugène Labiy; Lëclurcq;
Louis le Mercier, député ; Louveau; Ch. Pa-
ravey, maître des requêtes au conseil d'Etat ;
Agathon Prévost ; Eugène Scribe, de l'Aca-
démie française; V atout , député; Va vin,
député de Paris. — Art. 14. M/ Adolphe do
Lanneau, ancien directeur de Sainte- Barbe,
fils aîné du fondateur de l'établissement, est
nommé président honoraire du Conseil. —
Art. 17. Le directeur actuel est M. Pierre-Vic-
tor-Alexandre Labrouste, ancien élève' <te
Sainte-Barbe.
M, Labrouste avait été un des élèves les
plus remarquables du collège ; il s'y ètuit dis-
tingué, non pas seulement par les études qu'il
y avait faites, mais encore par les qualités de
son caractère, par un ensemble de douceur et
d'affabilité qui se traduisait dans son abord et
son accueil, dans son regard et son langage,
et qui inspirait à ses camarades la plus ami-
cale confiance. Victor de Lanneau, en rendant
le jeune écolier à son père, à la fin de ses
études, lui écrivait : « Nous allons donc perdre
l'honneur et l'exemple du collège 1 » M. La-
brouste n'a pas démenti l'éloge que faisait de
'lui son ancien maître, et dans la double car-
rière qu'il a parcourue, il n'a pas cessé d'ho-
norer ses fonctions et de servir à tous d'exem-
ple et de modèle.
Il obtint une dispense pour être avoué à
vingt-quatre ans. Il exerça cette charge pen-
dant seize ans, et en sortit plus pauvre qu'il
n'y était entré, n'en tirant d autres avantages
que d'y faire l'apprentissage de la bienfai-
sance, qu'il devait exercer sur une grande
échelle comme directeur de Sainte-Barbe. Ses
anciens amis racontent qu'après s'être donné
bien du mal pour une affaire difficile, quand
son client ne pouvait pas s'acquitter envers
lui, M. Labrouste, non seulement ne réclamait
pas d'honoraires, mais souvent même payait
de sa bourse les frais de la procédure; et
quand on lui en faisait reproche : « Qui vou-
lez-vous qui les paye, répondait-il, si je ne lo
fais pas ? »
Nommé, en 1830, suppléant de juge de paix
à Paris, le ministre garde des sceaux, lui of-
frit bientôt de le présenter à la nomination du
roi comme juge de paix titulaire. Il déclara
ne pouvoir accepter, et on ne pouvait s'expli-
quer son refus. Pressé par un de ses anciens
camarades, M. Labrouste, dans un moment
d'expansion, lui en fit connaître la cause : «Je
ne suis pas assez riche, dit-il. Tu ne sais donc
pas que la plupart de ceux qui viennent de-
vant les justices de paix sont des malheu-
reux ? Je les ai vus, ils ont besoin d'être se-
courus, mes émoluments n'y pourraient jamais
suffire. »
Il consentit à accepter, en 183S, la direc-
tion du collège auquel il consacrait déjà de-
puis sept ans, comme secrétaire du conseil de
surveillance, l'intelligence et le dévoùmcnt
qui devaient rendre de si grands services à
Sainte-Barbe. Ce fut lui qui fonda, en 1840,
la société actuelle dont nous venons do
parler.
Continuant l'œuvre de Victor de Lanneau,
il imprima au collège une impulsion extraor-
dinaire, et l'on vit, sous son administration, le
nombre des élèves s'élever de 130 à 1,250. Il
avait pris part à la fondation de cette Ecole
préparatoire dont Sainte-Barbe est fière à si
juste titre. Il ne fut pas moins bien inspiré
quand, pour répondre à la tendre sollicitude
des mères de famille, il créa, à Fontenay-aux-
Roses , cette pépinière de Sainte-Barbe des
Champs, qui servit bientôt de modèle à d'autres
établissements du même genre, et qu'imita
tout d'abord le lycée Louis-le-Grand, en fon-
dant \epetit collège de Vanves, devenu depuis
peu lycée du prince impérial.
La modestie de M. Labrouste le portait
continuellement à vouloir s'effacer, et elle lo
grandisait encore. Ses collaborateurs et ses
élèves se rappellent ce qu'il disait à un mi-
nistre, ancien Barbiste, venant le décorer à
une distribution de prix : < Si je devais par-
tager ce ruban avec tous ceux dont le mérito
me le fait obtenir, à peine en resterait-il un
fil à ma boutonnière. » — Sa supériorité était
admise par tout le monde, parce qu'elle était
aussi douce que réelle. Les chefs d'institution
BAR
réunis le choisirent pour leur président. Le
conseil impérial de l'instruction publique l'ap-
pela dans son sein, et sa parole y fut toujours
écoutée avec attention, parce qu'elle fut tou-
jours sensée et honnête.
C'est dans son cœur que M. Labrouste
puisait sa principale force, pour être aimé de
ses élèves comme le père le plus tendre, et
pour être chéri de ses collaborateurs comme
le frère le plus affectueux. Il y avait dans
toute sa personne ce je ne sais quoi qui at-
tire par la bienveillance, et qui impose le res-
pect par la dignité. On comprenait que c'était
bien là le chef du collège Sainte-Barbe, et
l'âme de cette association amicale, qui repose
sur le sentiment barbiste.
A sa mort (18" février 1866), les membres
du conseil répondirent à ses dernières pensées,
en lui donnant pour successeur M. Louis
Dubief, inspecteur de l'Académie de Paris,
ancien élève lauréat de Sainte-Barbe, docteur
es lettres, chargé de la direction de l'instruc-
tion publique à la préfecture de la Seine.
La nomination du conseil a été ratifiée par
l'assemblée générale des actionnaires du
1C mars 1866. Si. Dubief a déjà donné des cages
de sa capacité dans les fonctions administra-
tives qu'il a remplies ; de plus, il est imbu
depuis son enfance des sentiments barbistes :
il saura maintenir intactes toutes les saines
traditions de Sainte-Barbe.
Actuellement, Sainte-Barbe compte 1,230 élè-
ves internes, répartis en trois divisions bien
distinctes.:'' 1° Y Ecole Préparatoire ;2°\<xmai-
sbn classique de Paris, dtvisée elle-même en
grflpd' collège et moyen collège; 3° le petit
^-^cùllége ou Sainte-Barbe-des-Champs.
1° L 'Ecole préparatoire compte 275 élèves;
elle a pour directeur des études M. Blanchet,
et pour sotts-direcreur des études M. Godart,
ancien barbiste. Elle fait recevoir chaque an-
née un grand nombre de ses élèves dans les
grandes écoles de l'Etat. Voici le total de ces
admissions pour les trois dernières années :
Ecole centrale des arts et manufactures 89
Ecole forestière 37
Ecole militaire . ., , Cl
Ecole des mines (élèves externes) 33
Ecole navale 25
Ecole normale supérieure 21
Ecole polytechnique 72
Total des élèves de l'Ecole préparatoire de
Sainte-Barbe reçus aux grandes écoles de l'E-
tat, dans les trois dernières années : 335.
2o La maison classique de Paris compte
E30 élèves ; elle a pour préfet des études
M. Molliard, agrégé des classes supérieures,
ancien barbiste, et pour sous-préfet des études
M. Lamarre, docteur es lettres, ancien bar-
biste. Sur les 530 élèves, 330 suivent unique-
ment les cours intérieurs de Sainte-Barbe, et
les 200 autres, tout en profitant des leçons de
l'intérieur, assistent en qualité d'externes aux
classes du lycée Louis-le-Grand. Ces 200 élè-
ves, chargés de représenter Sainle-Barbeduns
le concours universitaire, ont obtenu, l'année
dernière (août, 18G5), 10 prix et 29 accessits
au concours général, et 153 prix, 326 accessits
au lycée, en tout 51S nominations.
3° Sainte-Barbe-des-Champs compte 425 élè-
ves; elle a pour directeur des études M. Gué-
rard. On va à Fontenay-aux-Roses par curio-
sité, pour voir l'infirmerie du collège, ses
dortoirs, sa salle de bains, son parc magnifi-
que ; on admire les distributions ingénieuses
de ces diverses parties et le luxe qui y règne.
Ces choses sont l'ouvrage des deux habiles
architectes, à qui est due la reconstruction do
la maison de Paris, les deux frères de M. La-
brouste. Elles répondent au goût du jour;
elles enchantent ceux qui ne jugent que par
les yeux ; mais ce n'est pas tant de cela que
Sainte-Barbe-des-Champs se glorifie, que du
bon ordre dont elle a été un modèle depuis sa
fondation. Elle sait que, si elle mérite d'être
louée, c'est parce que tout est réglé chez elle
de manière à obtenir le développement pro-
mis par les conditions de sérénité et de salu-
brité où sont placés à la fois les esprits et les
corps; sa récompense est dans les résultats
qu'elle a obtenus dès l'origine.
Ces trois grandes divisions de Sainte -
Barbe sont placées toutes trois sous la haute
direction de M. Dubief, aidé de son con-
seil d'administration. Ce conseil se compose
actuellement de MM. Dbvinck, membre du
conseil municipal de Paris, (président); Jo-
seph Bertrand, membre de 1 Institut, (vice-
président) ; Châtelain , notaire honoraire ,
(trésorier) ; Ganneron, agent de change, (se-
crétaire) ; Eugène Ba yard, maître des requê-
tes -, Bellaiguë fils, avocat à la cour de cas-
sation; Danyad, médecin; le baron De Bus-
sierre; Gabriel Dehagnin, banquier; Armand
Donon, banquier, consul général de Turquie;
le général comte Christian Dumas; De Prêt;
Eugène De Lanneau ; Jooss, ancien avoué ;
Eugène Lamy, conseiller à la Cour de cassa-
tion ; Mongis, conseiller à la Cour impériale
de Paris; Charles Paravey, ancien conseiller
d'Etat ; Agathon Prévost, agent général da
la Caisse d'épargne; J. Quicherat, professeur
à l'école des Chartes; Rigault, avocat; le gé-
néral de division Trochu ; Adolphe De Lan-
keau, (président honoraire) ; Bellaiguë, père,
ancien député ; Lodvead, ancien juge de paix
a Paris.
BAR
Ces renseignements, est- il besoin de le
dire, ont été pris à la source même : un des
employés les plus jeunes et les plus distingués
du collège de Sainte-Barbe nous les a com-
muniqués avec une aménité et une complai-
sance dont nous io remercions sincèrement.
Maintenant, passons la plume au Grand Die-
tionnaire , qui va terminer ce long article en
donnant à cette noble maison une fraternelle
et respectueuse poignée de main.
A certaines époques, mais surtout au prin-
temps , quand le bourgeon sort de la branche,
quand la chrysalide devient papillon et que
le ver blanc se métamorphose en hanneton, il
se produit, dans un certain nombre de pension-
nats et de lycées de Paris, de petites velléités
d'indépendance, sur lesquelles le quos ego du
maître de pension n'exerce pas toujours le
même empire que celui de Neptune ; mais ces
bouillonnements se produisent surtout à l'épo-
que de nos bouleversements politiques ; les
jeunes collégiens jouent aux révolutionnaires
comme nos petites filles jouent à la maman,
et ces révoltes prouvent que des fils bien
élevés doivent toujours marcher sur les traces
de leurs pères. Ici , les modernes Spartaeus
ne se. proposent pas précisément la prise de
Rome ; ils demandent un changement de ré-
gime... dans les -choses du réfectoire, dans
le gouvernement des haricots. Eh bien , l'an-,
tique maison de Sainte- Barbe se ressent
rarement du contre-coup de ces bourrasques.
On voit peu de tempêtes dans ce verre d'eau...
et d'abondance. C'est parce que les élèves sa-
vent que Sainte-Barbe est une noble maison;
n'entre pas qui veut dans ce temple, dont
Homère et Virgile sont les deux grands dieux ;
il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus ; on y
fait plus souvent queue qu'au théâtre de l'O-
déon , et le portier dit à quiconque soulève le
marteau : Montrez-moi patte blanche, c'est-à-
dire, avez-vous pris un numéro d'inscription?
n'auriez-vous pas été mis eL disponibilité par
quelque autre établissement, où vous ne con-
couriez pas pour le prix de sagesse? apparte-
nez-vous à une famille bien tentée? etc., etc.
Au moment même où nous écrivons ces li-
gnes, éclate sur notre tête, comme une bombe,
la nouvelle d'une révolte qui vient de se pro-
duire à l'école préparatoire do Sainte-Barbe.
Faut-il donc bilfer cet article et bouleverser
toute notre mise en pages? Ma foi non , mon
siège est fait; ce qui est écrit est écrit; et,
aux susceptibles qui ne trouveraient pas ces
deux axiomes suffisamment péremptoires, je
répondrai par ce troisième : l'exception con-
firme la règle au lieu de. la détruire.
BARBE ou BAHBÉ, famille d'organistes
ayant tous exercé leur profession à Anvers.
BARBE RAEZIWILL, reine de Pologne, fillo
de George Radziwill, castellan de Wilna, in-
spira une vive passion au jeune Sigismond
(Auguste) , qui l'épousa secrètement , et ne
déclara son mariage qu'après la mort de son
père, en montant lui-même sur le trône (1548).
La noblesse polonaise reprocha au nouveau
roi d'avoir, par cette union, privé la Pologne
d'une alliance avantageuse , mais finit par
consentir au couronnement. La reine mourut
peu de temps après (1550). On prétendit qu'elle
avait été empûisonnée.V. Barbara Radziwill.
BARDE (le père Philippe), prêtre de la con-
grégation des doctrinaires, né à Londres en
1723, de parents français, mort en 1792. 11
professa longtemps la rhétorique au collège
de Ghaumont et se lit chérir de ses élèves. Il
était à Paris au moment des massacres de
septembre, et n'échappa à la mort que par les
soins d'un de ses anciens élèves, Bouche-
seiche, maître de pension, et de Manuel, qui
avait été son collègue à Chaumont, On rap-
porte que, craignant de compromettre son
hôte, qui était un de ses anciens élèves, il
sortit furtivement de chez lui et fut arrêté
fiar des agents de police, qui le conduisirent à
a Commune. Manuel, qui en était le procu-
reur, lui remit, avec l'argent nécessaire pour
son voyage, un passe-port où se trouvait con-
signée cette singulière annotation : Honnête
homme, quoique prêtre. On a de lui des fables
et diverses poésies, ainsi qu'un Manuel des
rhétoriciens, plusieurs fois réimprimé.
BARBÉ, ÉE adj. (bar-bé — rad. barbe).
Bot. Muni de barbes. Il Poils barbés, Ceux qui
émettent des ramifications flexueuses et ca-
pillaires, comme dans les cirses.
— Blas. Se dit du coq, des dauphins et des
comètes, quand leur barbe ou leur chevelure
est d'un autre émail que le corps : Famille
Boucherai : d'azur, au coq d'or becqué, mem-
bre et barbé de gueules, il Se dit aussi, en
parlant de la rose, au lieu de pointé. Il Se
dit également pour frangé : Visage d'argent
(blanc), bardé de sable (à barbe noire).
BARBÉ (Jean -Baptiste), graveur au burin ,
né à Anvers vers 1585, fiorissait pendant la
première moitié du xvu» siècle. On croit qu'il
apprit la gravure à l'école des Wiericx;
M. Charles Blanc pense qu'il fut plutôt
élève de C. de Mallery. Il alla en Italie, et re-
vint ensuite à Anvers, où il mourut. Ses prin-
cipales estampes sont : l'Adoration des rois,
la Fuite en Egypte, Jésus amené devant Pilate,
et la Présentation au peuple, d'après Martin
de Vos ; la Vierge à l'oiseau, d'après Frans
Francken ; une Sainte Famille, et Jésus re-
commandant la Vierge à saint Jean, d'après
Rubens; Saint Antoine de Padoue et Saint
Bernardin, d'après P. de Jode ; la Vie et les
miracles du père Gabriel Marie, de l'ordre
BAR
des Frères Mineurs, suite de vingt-six plan-
ches, d'après Abraham van Diepenbeck; plu-
sieurs autres sujets de sainteté, et quelques
portraits ; en tout, cent vingt pièces, suivant
le catalogue de M. Ch. Blanc.
BARBEAU s. m. (bar-bo — lat. barbellus ,
même sens; formé de barba, barbe, à cause
des barbes de ce poisson). Ichthyol. Pois-
son du genre cyprin, très-commun dans les
étangs et les rivières. On en trouve des indi-
vidus qui ont jusqu'à un mètre de longueur:
Les barbeaux du Bhàne sont surtout estimés.
Les œufs de barbeaux sont fortement purga-
tifs. La forme du corps du barbeau est oblon-
gue. (V. de Bomare.) Par l'allongement de sa
tête, le barbeau a quelque analogie avec le
brochet. (Daudin.)
— Barbeau de mer, Rouget.
— Agric. L'une des nombreuses pièces dont
se compose la charrue usitée dans la Brie.
— Bot. Nom vulgaire de plusieurs espèces
de centaurées, et particulièrement du bluct:
Les barbeaux fleurissent plus vite parmi les
blés qu'en bordures dans tes jardins. (B. de
St-P.) On donne le nom de barbeau jaune à
quelques centaurées à fleurs dorées, celui de
barbeau musqué à la centaurée musquée. {Gué-
rin.)
— Adj. De couleur du barbeau ou bluet :
Il portait un habit bleu barbeau. (Balz.)
— Encycl. Les barbeaux forment un sous-
genre du genre cyprin, famille des cyprinoïdes,
ordre des malacoptérygiens abdominaux, d'a-
près la classification de Cuvier. Le barbeau
est caractérisé principalement par la brièveté
de ses nageoires dorsales et caudales, et par
les quatre barbillons ou filaments qu'il porte à
la mâchoire supérieure. Une forte épine rem-
place le deuxième et le troisième rayon de sa
nageoire dorsale. C'est un poisson d'eau
douce ; on le trouve surtout, en Europe, dans
les contrées orientales voisines de la mer
Caspienne, dans le Nil, au nord de l'Atlas et
dans la péninsule de l'Inde. On en connaît
aujourd'hui plus de soixante espèces, parmi
lesquelles nous ne citerons que le barbeau
commun (cyprinus barbus de Linné).
Le barbeau commun est plus long et moins
comprimé que la carpe. Ses couleurs sont
aussi riches que variées : d'un gris olivâtre
pâle sur le dos, avec des reflets dorés peu
brillants, parfois avec des tons bleu d'acier,
il prend insensiblement des teintes d'un blanc
argenté jaunâtre , devenant sous la poitrine
et la gorge d'un blanc mat, avec des reflets un
peu nacrés. La nageoire dorsale est grise,
plus ou moins olivâtre, avec quelques points
bruns un peu effacés entre les rayons ; la na-
feoire pectorale est pâle, et la caudale bordée
e teintes rembrunies. Ce poisson habite
l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique et la
France. Il est assez rare en Italie, où l'on trouve
cependant plusieurs autres espèces du même
genre; en Angleterre et en Allemagne, il est
si commun que le pêcheur le moins adroit
peut en prendre, en une heure, des quantités
prodigieuses. Le barbeau aime les eaux claires
et courantes ; dans les eaux stagnantes, su
chair devient molle et insipide. On le mange
souvent, quand il est très-jeune, confondu
avec le goujon; un peu plus grand , il est peu
agréable pour l'alimentation, à cause de la
quantité d'arêtes dont sa chair est hérissée.
On s'accorde généralement à dire que ses
œufs sont dangereux à l'époque du frai, et
qu'ils causent des maux de ventre ou des vo-
missements, qui sont parfois accompagnés de
symptômes alarmants. Le barbeau se tient
d'ordinaire sous les pierres et les roches; mais
sa voracité donne au pêcheur mille moyens
de l'attirer dans ses filets. Les meilleurs ap-
pâts sont les petits poissons, les hachis, les
insectes, surtout la chenille du saule; enfin
un petit sac dans lequel est renfermée une
pâte composée de fromage, de jaunes d'œufs
et d'une parcelle de camphre. Le lin mis à
rouir dans les rivières est aussi un appât
puissant pour les barbeaux, qui se rassemblent
en foule aux environs. La grandeur de ce
poisson est très-variable : dans les petites
rivières, il a rarement plus de 35 ou 40 centi-
mètres; dans la Seine, aux environs de Paris,
il ne dépasse guère 75 centimètres; mais dans
l'Elbe, il atteint fréquemment jusqu'à l m. 60,
et Cuvier prétend qu'on en a vu qui avaient
3 m. de long. Lorsqu'il atteint ces dimensions
extraordinaires, sa chair est très-estimée.
BARBEAU DE LA BRUYÈRE (Jean-Louis),
littérateur et géographe français, né à Paris
en 1710, mort en 1781. Après avoir pris l'ha-
bit ecclésiastique, il alla passer une quinzaine
d'années en Hollande, d'où il rapporta diverses
cartes peu connues en France. Il communiqua
ces cartes à Banche, qui le garda longtemps
chez lui et aux ouvrages duquel il eut grande
part. En 1750, il publia une Mappemonde
historique, où la géographie, la chronologie
et l'histoire universelle se trouvaient simulta-
nément exposées. On lui doit, en outre, une
traduction de la Description de l'empire rus-
sien de Strahlemberg, et des éditions de plu-
sieurs ouvrages utiles, tels que les Mémoires
pour servir à l'histoire de Port-Royal, de la
mère Angélique- les Tablettes chronologiques
de Lenglet Dufresnoy ; la Géographie mo-
derne, de Nicolle de La Croix, etc.
BARBEAU DUBARRAN. V. Dubarran.
BARBE-BLEUE. Les dieux s'en vontl Na-
guère encore, on frissonnait d'épouvante de-
BAR
213
vant cette terrible figure des Contes de Per-
rault. Chacun se sentait bien près d'avouer,
comme le bon La Fontaine, que si Peau d'âne
lui était conté, il y prendrait «un plaisir ex-
trême. » Aujourd'hui que toutes nos montres
et toutes nos pendules se règlent sur le cadran
delà Bourse, il parait que notre éducation est
meilleure et que la naïveté de nos pères nous '
inspire un salutaire dédain. Sitôt qu'un jeune
Athénien du nouveau Paris a atteint sa
seizième année, un cousin — si ce n'est une
cousine — lui persuade qu'il est grand temps
de confier son menton au rasoir expérimenté
d'un artiste en renom; il jette sur ses épaules
l'élégant par-dessus qui est pour lui la robe
virile ; il lui révèle les mots sacrés de l'argot
des salons suspects, lui enseigne à saluer ces
dames en sautillant, à porter le corps en avant
et la canne à l'arrière-droite ; il le sacre che-
valier... du pince-nez, en lui passant au cou
le lorgnon qui ne devra plus quitter ses yeux ;
puis, il le promène un peu partout et le con-
duit, sur le soir, aux Bouffes, afin de l'initier à
la saine littérature. Bonheur suprême ! source
de félicités ! Les jambes de mademoiselle Trois
Etoiles lui disent le cas qu'il faut faire du grec
et du latin ; le bredouillement de l'acteur en
vogue lui fait connaître un français bien plus
réjouissantque celui de Pascal ou de Corneille.
Il est en mesure, après huit jours de ce régime,
de traiter Homère de crétin sur l'autel de la
Belle Hélène, et d'accabler de son dédain tout
ce qui n'est pas épatant comme la musique et
le style de Bu qui s'avance, -il jure par Orphée
aux enfers que les dieux de l'Olympe ne sont
que de vieux casques; et, comme il lui plaît
de voir cascader la vertu, il entend qu'à l'ave-
nir les princesses de tragédie n'essayent plus
de la lui faire à l'oseille. Il y a assez long-
temps, entend-il dire de tous cotés, que la
solennelle histoire fait sa Sophie; il procla-
mera par-dessus les toits qu'il n'y a de vrai,
de beau, de grand que l'immortel calembour.
Après cela, ne lui parlez point des figures si
diverses qui, depuis quatre mille ans, ont pris
place dans le ciel étoile de la poésie et de la
légende. Si vous l'entretenez des personnages
immortalisés par les grands écrivains, il s'é-
criera que ces personnages n'ont de valeur à
présent que parce qu'ils se prêtent merveil-
leusement à la parodie, dont notre siècle est
très-friand. Ah ! quel éclat de rire formidable
retentirait de la Madeleine à la Bastille pour
saluer le bonhomme crédule, l'arriéré Cas-
sandre, le ridicule Géronte, qui oserait, à
l'heure qu'il est, prendre «un plaisir extrême»
à s'entendre conter Peau d'âne! Il n'y a plus
guère que les lycéens en deçà de leur deuxième
qui il soit per
images dés féeries d'autrefois. Passé cet âge,
il est de bon goût de rire des apologues, de
ne plus croire aux princes Charmant et aux
fées Urgèle. Vient le moment où les seuls
contes qui enchantent sont ceux de quelque
dame du Lac à huit ressorts, en même temps
que les seuls comptes qui épouvantent sont
ceux du tailleur ou du bottier. Cela explique
pourquoi elles sont flottantes dans l'imagina-
tion, mal connues et souvent calomniées ces
physionomies barbues ou non barbues que la
légende, sous la figure d'une mère ou d'une
nourrice, a dressées autour de notre enfance
pour calmer nos premières dents. Bercés avec
tous ces contes ingénieux dont notre jeune
esprit ne pouvait saisir que les traits saillants,
persuadés qu'ils lie sont bons qu'à endormir
nos chagrins naissants, l'âge d'homme arrivé,
nous croirions déchoir si nous lisions avec des
yeux d'homme ce que nous avons écouté avec
des oreilles d'enfant. Qui de nous n'a su par
cœur telle fable de La Fontaine ■ et ne l'a
jamais lue? si l'on entend par ce mot lire se
pénétrer du sens et de la portée d'une œuvre.
Ainsi des Contes de Perrault, en général, et
de Barbe-Bleue, en particulier. Il n'est per-
sonne qui ne prétende connaître exactement
ce héros dont la tradition a fait un ter-
rible sire, l'épouvantail des filles à marier,
le Croquemitaine des marmots indisciplina-
bles. Or, la tradition est tout simplement à
côté de la vérité, et, s'il faut l'avouer, il se-
rait temps de reviser attentivement les pièces
du procès, c'est-à-dire le conte de Perrault,
avant de se prononcer sur le cas de M. de
Barbe-Bleue. Au fond, qu'était-ce quece brave
seigneur à qui l'on ne peut guère reprocher
que d'avoir occis une demi-douzaine de fem-
mes curieuses ? Un brave homme, un voisin
irréprochable, un amphitryon généreux, un
mari confiant. Voué au bleu par le narrateur,
il n'en garde pas moins, malgré sa barbe
effroyable, ses yeux à fleur de tête et son
large coutelas, il n'en garde pas moins un lien
de parenté avec feu Gribouille et le moderne
Calino. Ecoutez : « 11 était une fois un homme
qui avait de belles maisons à la ville et à la
campagne, de la vaisselle d'or et d'argent, des
meubles en broderie et des carrosses dorés ;
mais, par malheur, cet homme avait la barbe
bleue Ainsi, tout le reproche qu'on puisse
faire a notre héros , c'est d'avoir la uarho
bleue; c'est là un reproche qui n'est pas sé-
rieux : autant vaudrait reprocher à Mayeux
le grain de beauté qui orne son épaule, ou à un
académicien d'être chauve. Supposez cepen-
dant que l'idée lui soit venue, à cet homme
pour le moins millionnaire, de faire tomber
sous le rasoir ses favoris et ses moustaches...
Aussitôt cesse l'épouvante causée par uno
couleur fatale, et nous n'avons plus devant
214
BAR
les yeux qu'un seigneur considéré de toutes
les mères et aimé à coup sûr de toutes les
jeunes filles, qui, loin d avoir peur de son
poil indigo, l'excèdent dès lors de leurs œilla-
des assassines ; nous n'avons plus qu'un galant
personnage, un peu plus enclin qu'il ne fau-
drait à l'inconstance, courant avec succès de
' la brune à la blonde, prenant maîtresse au
lieu de prendre femme, se défaisant de la
seconde avec moins d'hésitation que de la
première, et donnant largement carrière à
son intempérance amoureuse, sans crainte de
se brouiller avec M. le lieutenant de police.
C'est ainsi qu'il existe, à l'heure même où
s'écrivent ces lignes, bon nombre de Barbes-
Bleues au menton lisse qui n'auront jamais, que
je sache, le sort de l'infortuné châtelain ni sa
réputation scélérate. Mais poursuivons l'his-
toire de messire Barbe-Bleue. Après plusieurs
veuvages auxquels il avait mis la main, dit-
on, il voulut reprendre femme. Un carnaval
de huit jours et huit nuits accompagna ses
fiançailles nouvelles, dont le simple récit fait
venir l'eau à la bouche et la bonne humeur au
coin des lèvres : « Ce n'étaient que promena-
des, que parties de chasse et de pêche, que
danses et festins, que collations. On ne dor-
mait point, et l'on passait toute la nuit à se
faire des malices les uns aux autres... » Il est
évident que ce programme champêtre n'est
pas d'un rustre, encore moins d'un ogre à
grossiers appétits : il est d'un délicat, d'un
bel esprit, et sent son parfait gentilhomme.
Tout au contraire, après avoir entendu le
conteur, dont l'ingénuité pourtant vous sé-
duit, on entre en défiance de la sincérité, de
la pureté d'intentions de la jeune fiancée, qui,
non moins enchantée de la vaisselle plate dont
dispose son futur époux que des m aîices qu'on
se fait toute la nuit les uns aux autres, s'em-
presse de donner son consentement à. une
union qui, jusque-là, n'avait pas été de son
goût, une Parisienne de l'an 1866 n'eût pas
fait autrement. Il n'en est pas moins vrai que
le seigneur châtelain dut être frappé du chan-
gement subit opéré chez la petite dame par
la vue de ses carrosses dorés. Peut-être fut-
il amené à rire jaune dans sa barbe bleue, en
reconnaissant chez sa septième moitié un
goût trop prononcé pour les parties de cam-
pagne, les coulis d'écrevisses et les malices
plus haut citées. Perrault, qui cherche avec
une partialité évidente à couvrir de son .encre
la plus noire la jaquette abricot de l'honnête
M. Barbe-Bleue, Perrault sautant de la signa-
ture du contrat à la remise de la clef du cabi-
net mystérieux, glisse sur le véritable motif
qui fait entreprendre à son héros le voyage
que vous savez ; mais nous savons à quoi nous
en tenir sur ces absences prétextées d'ordi-
naire par les maris menacés du Minotaure.
N'ont- ils pas tous, même les plus sages,
comme Bartholo, cette rage d'apprendre « ce
qu'on craint toujours de savoir? » En simulant
un départ forcé, Barbe-Bleue faisait d'ailleurs
preuve d'un caractère facile et débonnaire ;
s'il eût été d'humeur moins conciliante, il se
serait borné à imiter Othello, qui, au premier
soupçon, met la tête de Desdémone en capilo-
tade sous l'oreiller conjugal. Barbe-Bleue s'é-
loigne prudemment, lui; remarquez la diffé-
rence, et comme il est mieux élevé que le
More de Shakspeare. Notez, néanmoins, que
les femmes admireront toujours Othello, tan-
dis qu'il n'est pas de fillette qui ne détourne
les yeux avec épouvante du sieur de Barbe-
Bleue. Celui-ci avait pourtant une excuse à
apporter à ces quelques cadavres sans tête
rangés dans son cabmet : une passion insur-
montable pour la serrurerie. Que demandait-
il à ses femmes? Rien que de bien ordinaire :
ne point tacher de rouille une simple clef,
qui, une fois trempée dans le sang, en garde
obstinémentla souillure; mais il comptait sans
la curiosité féminine, cette curiosité sui ge-
neris qui perdit notre première mère et qui
perdra notre dernière fille. Sur six femmes, il
ne s'en trouva pas une seule qui respectât ses
exigences d'artiste; et, comme il allait, de son
grand coutelas, interrompre le dialogue de sa
nouvelle épouse avec sœur Anne, et punir la
désobéissance de Mme Barbe-Bleue, septième
du nom, voilà que ses deux beaux-frères, l'un
dragon, l'autre mousquetaire, surviennent et
le tuent comme un chien. Pauvre Barbe-Bleuet
■ Sa femme, poursuit le conte, demeura maî-
tresse de tous ses biens. Elle en employa une
partie à marier sa sœur avec un jeune gentil-
homme dont elle était aimée depuis longtemps ;
une autre partie, à acheter des charges de
capitaine à ses deux frères ; et le reste, à se
marier à un fort honnête homme... » Peut-on,
je vous le demande, apporter plus de bonho-
mie à narrer une aussi lugubre affaire , et mettre
plus d'effronterie à répartir en famille le prix
du sang? « Chaque complice, dit M. Jouvin,
chaque complice a son rôle dans ce guet-
apens, où se laissa prendre la candeur de
l'infortuné M. de Barbe-Bleue : la sœur fai-
sait le guet pour donner le signal aux meur-
triers; les frères, l'arme au poing, se tenaient
dans la forêt prochaine; la femme, jouant à
l'échevelée devant son miroir, attendait pour
descendre que les assassins fussent à la porte,
que s'apprêtait à leur ouvrir, sans doute, l'a-
mant de madame. Puis, sans remords, sans
vergogne, nous voyons Anne, le dragon, le
mousquetaire, la veuve, le remplaçant du
mari, hériter de l'homme qu'ils assassinent,
et, après en avoir hérité, le calomnier avec
la plume de Perrault! Et l'on appelle cette
tragédie de l'adultère un conte... et un conte
BAR
d'enfant encore I Et la justice de la postérité
hésite à faire, pour l'honnête M. Barbe-Bleue,
ce que l'éloquence de Voltaire a tenté avec
tant de succès pour l'innocence de Calas ! »
Hélas! nous voudrions pouvoir laver la mé-
moire de Barbe-Bleue, la blanchir, la rendre
nette; cela serait, jusqu'à un certain point,
faisable pour la Barbe-Bleue de Perrault,
mais cela est impossible dès que l'on songo
que derrière le conte se dresse l'histoire. Or,
1 histoire, avec son inexorable fidélité et ses
tons crus, projette jusqu'ànous dans les flaques
de sang qui la noient une hideuse silhouette
de monstre féodal dont Perrault n'a esquissé
que l'innocente et bénigne parodie, parodie
d'où devait jaillir plus tard 1 extravagante et
burlesque figure du sire de Franc-Boisy. Ex-
pliquons-nous.
On a voulu établir l'identité du personnage
« si méchant et si cruel » mis en scène par
Perrault, et qui, disons-le en passant, serait
aussi, au dire de quelques écrivains, le héros
de la romance picarde du Comte Ory, dont
Scribe et Rossini ont fait un opéra. On a
beaucoup cherché; et comme il s'agissait d'a-
bord, pour les commentateurs, de contestera
Perrault l'invention de son récit, les annales
du moyen âge, les traditions de province, les
légendes et les féeries de nos pères ont été
fouillées, analysées et rapprochées. Walke-
naër a apporté dans ce travail ingrat une pa-
tience merveilleuse. Des peintures à fresque
datant du xine siècle, retrouvées, il y a quel-
ques années, dans une chapelle du Morbihan,
et représentant la légende de sainte Trophime,
ont paru se rapporter à l'histoire de Barbe-
Bleue. On y voit cette sainte, fille d'un duc
de Vannes, épouser un seigneur breton ; un
second compartiment nous montre le même
seigneur, prêt à quitter son château, et remet-
tant a sa femme une petite clef. Les peintures
qui suivent représentent la sainte au moment
où elle pénètre dans un cabinet où sept fem-
mes sont pendues; puis l'interrogatoire que
lui fait subir son mari, qui la regarde d'un air
menaçant; on la voit ensuite en prières, ap-
pelant sa sœur, qui se tient à une fenêtre-
dans le dernier tableau, l'époux barbare pend
sa femme; mais les frères de la victime ac-
courent avec saint Gildas, qui ressuscite la
sainte. Cette légende est encore vivante dans
la mémoire du paysan breton. Le manoir du
farouche seigneur était situé, si l'on en croit
la tradition, sur le mont Castanes, qui s'en-
tr'ouvrit, à la voix de saint Gildas, pour en-
gloutir le maître et l'habitation, et qui est
resté stérile depuis lors. A côté de cette lé-
gende, il en est d'autres fort répandues dans
toute la partie sud du pays de Bretagne, et
dont le sire Gilles de Laval, baron de Retz,
est le héros. Nous ne les rapporterons pas
toutes; mais nous dirons seulement que ce
baron de Retz, par ses cruautés, a laissé un
long souvenir dans la mémoire du peuple, et
que c'est son histoire fort adoucie, comme on
en jugera bientôt, qui a fourni la matière du
conte de Perrault. Pour l'honneur de la fa-
mille ou du pays, on a substitué à son nom,
dit M. Michelet, celui du partisan anglais
Blue Barb. Le baron de Retz, ou plutôt Barbe-
Bleue, inspirait au peuple une terreur que le
conte lui-même, malgré sa bonhomie, a con-
tribué à entretenir. Qu'était-ce donc que ce
vilain sire ? un grand seigneur de la maison de
Laval , qui tenait à celle des Montfort, de la
lignée des ducs de Bretagne. Sa fortune était
immense. Né en 1396, il se signala par sa bra-
voure dans toutes les guerres du règne de Char-
les VII, et notammentau siège d'Orléans ; mais
c'est moins à ses mérites comme homme de
guerre qu'à ses crimes qu'il doit l'affreuse célé-
brité attachée à son nom. Dès son jeune âge, il
montra, au dire du bénédictin D. Lobineau, ce
qu'il devait être plus tard ; mais, ajoute ce chro-
niqueur, il avait su inspirer à tous une terreur
telle qu'il fallut un hasard pour que la vérité
se fît jour, et que le coupable fût puni. Gilles
de Retz dépensait follement ses revenus, qui
étaient énormes, et s'endettait même pour en-
tretenir un train de maison considérable. En
1456, il passa au service du roi de France,
et, trois ans plus tard, il contribuait à secou-
rir Orléans, aux côtés de Jeanne Darc. Au
sacre du roi, il figurait parmi les quatre sei-
gneurs de haute lignée, chargés d'apporter
la sainte ampoule de l'abbaye de SaintrRemi
à la cathédrale. A l'issue même de la cérémo-
nie, il fut promu au grade de maréchal de
France. En 1433, il commandait, avec le ma-
réchal de Rieux, l'avant-garde de l'armée
française, placée sous les ordres du connétable
de Richemont. Il vivait donc redouté des pe-
tits, mais entouré en haut lieu de la considé-
ration que lui attiraient sa bravoure et sa
naissance, quand soudain tout ce bel échafau-
dage s'écroula pendant une visite diocésaine
de l'évêque de Nantes, cousin et chancelier du
duc de Bretagne. « L'accusation était étrange,
dit M. Michelet (Histoire de France, tome V).
Une vieille femme, qu'on appelait la Meffraie,
parcourait les campagnes, les landes-, elle
approchait des petits enfants qui gardaient les
bètes ou qui mendiaient ; elle les nattait et les
caressait, mais toujours en se tenant le visage
à moitié caché d'une étamine noire ; elle les
attirait jusqu'au château du sire de Retz, et
on ne les revoyait plus... Tant que les victi-
mes furent des enfant3 de paysans, qu'on
pouvait croire égarés, ou encore de pauvres
petites créatures, comme délaissées de leur
famille, il n'y eut aucune plainte; mais, la
hardiesse croissant, on en vint aux enfants
BAR'
des villes. Dans la grande ville ro.ême, à
Nantes, dans une famille établie et connue, la
femme d'un peintre ayant confié son jeune
frère aux gens de Retz, qui le demandaient pour
le faire enfant de chœur à la chapelle du châ-
teau, le petit ne reparut jamais. » Le duc de
Bretagne accueillit l'accusation ; il est permis
de croire qu'il fut d'autant plus ravi de frap-
per sur les Laval, que le roi venait d'ériger la
baronnie des Laval en comté (1431), et que
les Laval, issus des Montfort, avaient formé
une opposition toute française, qui aboutit a
livrer la Bretagne au roi en 1488. L'évêque,
de son côté, avait à se venger du sire de
Retz, qui avait forcé à main armée une de
ses églises. Un tribunal fut formé dudit évo-
que, chancelier de Bretagne; du vicaire de
l'inquisition, messire Jean Blouyn ; de Jean
Prigent, évêque de Saint-Brieuc ; de Pierre
de 1 Hospitul, grand juge du duché; et de Jac-
ques de Pencoëtdic, officiai de l'évêché. Retz,
qui eût pu fuir, se crut trop fort pour rien
craindre et se laissa prendre. « Ce Gilles de
Retz, dit M. Michelet, était un très-grand
seigneur, riche de famille, riche de son ma-
riage dans -la maison de Thouars, et qui, de
plus, avait hérité de son aïeul naturel, Jean de
Craon, seigneur de la Suze, de Chanlocé et
d'Ingrande. CesbaronsdesMarches,du Maine,
de Bretagne et de Poitou, toujours nageant
entre le roi et le duc, étaient, comme les Mar-
ches, entre deux juridictions, entre deux
droits, c'est-à-dire hors du droit. . . Retz semblait
fait pour gagner la confiance. C'était, dit-on,
un seigneur <■ de bon entendement, belle per-
» sonne et bonne façon, ■ lettré de plus, et
appréciant fort ceux qui parlaient avec élé-
gance la langue latine... Malgré ses dé-
mêlés avec l'évêque, il passait pour dévot; or,
une dévotion alors fort en vogue , c'était
d'avoir une riche chapelle et beaucoup d'en-
fants de chœur, qu'on élevait à grands frais ;
à cette époque, la musique d'église prenait
l'essor en Flandre, avec les encouragements
des ducs de Bourgogne. Retz avait, tout
comme un prince, une nombreuse musique,
une grande troupe d'enfants de chœur dont
il se faisait suivre partout. » Il récusa ses
juges. Mais il n'était pas facile de récuser une
foule de témoins, « pauvres gens, pères ou
mères affligés, qui venaient à Ta file, pleurant
et sanglotant, » raconter avec détail comment
leurs enfants leur avaient été ravis. Retz ne
put nier longtemps, et se mettant à pleurer,
il fit sa confession. Telle était cette confession,
que ceux qui la reçurent frémirent d'appren-
dre tant de choses inouïes. ■ Ni les Néron de
l'empire, ni les tyrans de la Lombardie, dit
Michelet, n'auraient eu rien à mettre en com-
paraison ; il eût fallu ajouter tout ce que re-
couvrit la mer Morte , et par-dessus encore
les sacrifices de ces dieux exécrables qui dé-
voraient des enfants. » On trouva dans la tour
de Chantocé une pleine tonne d'ossements cal-
cinés, des os d'enfants en tel nombre qu'on
présuma qu'il pouvait y en avoir une quaran-
taine. On en trouva également dans les latrines
du château de la Suze, à Nantes, à Rayz, à
Tiffauges, à Machecoul, partout où il avait
pause. On évalue à cent quarante-neuf les
enfants égorgés par la Vête d'extermination,
sans compter un nombre illimité de femmes,
dont sept, disait-on, avaient été légitimement
épousées par lui, circonstance qui a évidem-
ment donné lieu au conte de Perrault, comme
l'a fait remarquer le Moniteur du soir du
10 février 1866. Des historiens compétents
ont prétendu, toutefois, que Gilles de Retz s!en
était tenu à Catherine de Thouars. Quoiqu'il en
soit, on ne peut nier que l'imagination la plus
monstrueusement dépravée n'a jamais rêvé ce
que révélèrent les débats de cette hideuse
affaire. Il est impossible même de rapporter
avec quelles épouvantables circonstances ce
misérable, qui réunissait en lui tous les genres
de crimes, avait sacrifié cette multitude de
victimes. « C'étaient des offrandes au diable,
écrit M. Michelet. Il invoquait les démons...
11 les priait de lui accorder « l'or, la science
• et la puissance. • Il lui était venu d'Italie un
jeune prêtre de Pistoïa, qui promettait de lui
faire voir ces démons. Il avait aussi un An-
glais qui aidait à les conjurer. La chose était
difficile. Un des moyens essayés, c'était de
chanter l'office de la Toussaint en l'honneur
des malins esprits. Mais cette dérision du
saint sacrifice ne leur suffisait pas : il fallait
à ces ennemis du Créateur quelque chose de
plus impie encore, le contraire de la création,
la dérision meurtrière de l'image vivante de
Dieu... Retz offrait parfois à son magicien le
sang d'un enfant, sa main, ses yeux et son
cœur. » Après avoir tué pour le diable, il en
arriva à tuer pour lui-même, avec volupté.
Il jouissait de la mort, encore plus que de la
douleur ; il avait fini par s'en faire un passe-
temps, une farce ; il poussait de grands éclats
de rire en voyant ses victimes se tordre dans
les dernières convulsions ; il s'asseyait, l'ef-
froyable vampire, sur la victime agonisante.
Ce misérable croyait cependant apaiser Dieu
avec des messes et des processions, et, lorsque,
le 25 octobre 1440, le tribunal eut prononcé la
sentence qui le condamnait au bûcher, son
premier soin fut de réclamer un prêtre, ayant
tout donné au diable, « hors sa vie et son
âme. » Comme il avait toujours rempli ses
devoirs de dévotion, il avait pleine confiance
que l'enfer n'aurait aucun droit sur son âme.
Aussi, quand on le sépara de François Prelati,
son magicien, il lui dit en sanglotant: «Adieu,
François, mon ami, jamais plus ne nous en-
BAR
treverrons en ce monde. Je prie à Dieu qu'il
vous doint bonne patience et connaissance, et
soyez certain que, pourvu que vous ayez
bonne patience et espérance en Dieu, nous
nous entreverrons en la grant joie du paradis.
Priez Dieu pour moi, et je prierai pour vous.»
Le 25 octobre, sur la prairie de la Madeleine,
à Nantes, fut dressé le bûcher. Par considé-
ration pour les services militaires du maré-
chal, et aussi par ménagement pour sa puis-
sante familie et pour la noblesse en général,
le duc Jean V ordonna que de Retz fut étran-
glé avant d'être livré aux flammes. Le corps
ne fut pas consumé. Aucunes dames et damoi-
selles de son lignage obtinrent l'autorisation
de recueillir ses restes pour les mettre en
terre sainte ; elles levèrent le corps de leurs
nobles mains, avec l'aide de quelques reli-
gieuses, et couvrirent de baisers sa face déjà
rendue méconnaissable par les flammes, puis
fut fait son service fort solennellement dans
l'église des Carmes de Nantes. Gilles de Retz
alla reposer dans l'église Notre-Dame-de-
Lorette. « Aucunes furent prendre des osse-
ments du bon sire et les conservèrent pieuse-
ment, en souvenir de son grant repentir. «
Etrange exemple, fait remarquer M. Henri
Martin, de l'abus où s'emportaient l'esprit de
famille et le sentiment do solidarité des races
dans la noblesse 1 Contraste étrange, qui se
présente ici : les cendres de Jeanne Darc, la
sainte fille, venaient d'être jetées au vent; le
cadavre de Gilles de Retz, le monstre, était
pieusement inhumé en lieu bénit. Un monu-
ment expiatoire s'éleva sur la plaça même du
supplice ; il fut, durant de longues années, un
lieu de pèlerinage pour les nourrices, qV> ve-
naient y prier la bonne Notre-Dame-de-Creb-.
Lait, leur patronne. On voit encore aujourd'hui,
rapporte M. d'Amezeuil,sur les ponts, en faco
l'hôtel de la Boule-d'Or, les restes de ce monu-
ment; c'est une niche dans laquelle se trouvait
la statue de la Vierge, entre celles de saint
Gilles et de saint Laud. Le maréchal de Retz
avait poursuivi son horrible carrière pendant
quatorze ans, sans que personne osât l'accu-
ser, tant la terreur qu'inspirait son nom était
grande. Il n'eût jamais été accusé ni jugé sans
cette circonstance singulière, que trois puis-
sances, ordinairement opposées, semblent s'ê-
tre accordées pour sa mort : îe duc, l'évêque,
le roi (v. Michelet, Histoire de France, tomo V,
page 214),
On voit, par ce qui précède, que le Barbe-
Bleue de l'histoire est bien autrement ter-
rible que celui du conte des fées. Une com-
plainte bretonne, citée par M. d'Amezeuil, va
nous montrer, dans sa naïveté charmante,
l'effroi qu'inspirait le sire de Retz; nous rap-
porterons ensuite la légende qui a dû donner
naissance au conte de Perrault, et qui explique
en même temps le nom de Barbe-Bleue. Le
texte de la complainte est en breton : « Un
vieillard. Jeunes filles de Pléeur, pourquoi
vous taisez-vous donc? Pourquoi n' allez-vous
plus aux fêtes et aux assemblées ? — Lus
jeunes filles. Demandez-nous pourquoi lo
rossignol se tait dans le bocage, et ce qui fuit
que les loris et les bouvreuils ne se disent
plus leurs chansons si douces? — Le vieil-
lard. Pardon , jeunes filles, mais je suis
étranger; j'arrive de bien loin par delà les
pays de Tréguier et de Léon, et j'ignore les
causes de la tristesse répandue sur votre vi-
sage. — Les jeunes filles. Nous pleurons
Gwennola, la plus belle et la plus aimée d'entre
nous. — Le vieillard. Et qu'est devenue
Gwennola?... Vous vous taisez, jeunes filles ;
que sepasse-t-il donc ici? — Les jeunes filles.
Las 1 hélas I le vilain Barbe-bleue a fait périr
la gentille Gwennola , comme il a tué toutes
ses femmes. — Le vieillard, avec terreur.
Barbe-Bleue habite près d'ici; ahl fuyez,
fuyez bien vite, enfants! Le loup ravisseur
n'est pas plus terrible que le farouche baron.
L'ours est plus doux encore que le maudit
baron de Retz. — Les jeunes filles. Fuir ne
nous est pas permis, nous sommes serves de la
baronnie de Retz, et, corps et âme, nous appar-
tenons au sire de la Barbe-Bleue.— Le vieil-
lard. Je vous délivrerai, moi, car je suis
messire Jehan de Malestroit, évêque de Nan-
tes, et j'ai juré à Dieu de défendre me3 ouail-
les. — Les jeunes filles. Gilles de Laval no
croit pas à Dieu. — Le vieillard. Il périra
de malemort, je le jure par le Dieu vivant... »
La complainte se termine ainsi : « Aujourd'hui
les filles de Pléeur chantent de tout leur cœur
et vont danser aux fêtes et aux pardons. —
Le rossignol fait retentir le bocage de ses
tendres accents, les loris et les bouvreuils re-
disent leurs plus douces chansons. — La na-
ture tout entière a revêtu sa parure de fête.
— Gilles de Laval n'est plus, la Barbe-Bleue est
morte. • — Voici maintenant, aussi succincte-
ment que possible, la légende : Las de guer-
royer contre les Anglais, messire Gilles de
Laval s'était retiré dans son superbe château
de Retz, situé entre Elven et Questemberg.
t'eut-être est-ce là qu'il fit jouer \emystèredu
siège d'Orléans dans t belles et gentes fêtes
» qui ne durèrent pas moins de trois jours, et
u pendant lesquelles le vin et l'hypocras cou-
» laient à flots. » Ce qu'il y a de certain, c'est que
tout son temps se passait en « liesses, festins et
joyeusetés. » Un soir, passa près du château,
se rendant à Morlaix, un cavalier, le comte
Odon de Tréméac, seigneur de Krévent et au-
tres lieux; près de lui chevauchait une belle
jeune fille, Blanche de l'Herminière, sa fian-
cée. Gilles de Retz les invita l'un et l'autre à
se reposer et vida avec eux un verre d'hypo-
BAR
BAR
BAR
BAR
215
cras. Cependant les deux voyageurs avaient
hâta de poursuivre leur route ; mais Gilles de
Retz se montra si pressant et surtout si aima-
ble, que le soir vint sans que l'on y songeât à
f partir. Tout à coup, sur un signe du châte-
ain , des archers s'emparèrent du comte Odon
de Tréméac, qu'ils jetèrent dans un cachot
profond. Puis, Gilles de Retz parla a la jeune
tille de l'épouser. Blanche versa d'abondantes
larmes, tandis que la chapelle s'éclairait de
mille cierges, que la cloche tintait joyeuse-
ment et que tout se préparait pour la noce.
Blanche fut conduite au pied de l'autel ; elle
était pâle comme un beau lis, et toute trem-
blante. Monseigneur de Laval, vêtu superbe-
ment, e'tdont la barbe était du plus beau rouge,
vint se placer auprès d'elle. — Vite, messire
chapelain, mariez-nous. — Je ne veux pas de
monseigneur pour époux 1 s'écria Blanche de
l'Hertmnière. — Et moi, je veux qu'on nous
marie. — N'en faites rien, messire prêtre, re-
prit la jeune fille en sanglotant. — Obéissez,
je vous l'ordonne. Puis, comme Blanche es-
sayait de fuir, Gilles de Retz la saisit dans ses
bras. « Je te donnerai, dit-il, les parures les
plus belles. — Laissez-moi. — A toi mes châ-
teaux, mes bois, mes champs, mes prés. —
Laissez-moi. — A toi tous mes biens, à toi
tout ce que je possède. — Laissez-moi. — A
toi mon corps, à toi mon âme !... — J'accepte ;
j'accepte, entends-tu bien, Gilles de Retz;
. j'accepte et désormais tu m'appartiens. Blan-
che venait de se métamorphoser en un diable
bleu d'azur oui avait pris place aux côtés du
baron. — Malédiction I s'écria ce dernier. — -
Gilles de Laval, poursuivit le démon avec un
éclat d* rire sinistre, Dieu s'est lassé de tes
focfcatts ; tu appartiens maintenant à l'enfer,
-et dès ce jour tu en as revêtu la livrée. » En
même temps, il fit un signe, et la barbe de
Gilles de Laval, de rouge qu'elle était prit une
teinte bleue des plus foncées. Ce n'est pas
tout; le démon dit encore : «Tu ne seras plus,
à l'avenir, Gilles de Laval; tu seras la Barbe-
Bleue, le plus affreux des hommes, un épou-
vantail pour les petits enfants. Ton nom sera
maudit de toute éternité, et tes cendres, après
ta mort, seront livrées au vent; tandis que ta
vilaine âme descendra dans les profondeurs de
l'enfer. ■ Gilles cria qu'il se repentait. Le diable
lui parla de ses victimes, de ses sept femmes,
dont les cadavres gisent dans les caveaux du
château. Il ajouta : o Le sire Odon de Tré-
méac, que j'avais accompagné sous les traits
de Blanche, chevauche en ce moment sur la
route d'Elven, en compagnie de tous les gen-
tilshommes du pays de Redon. — Et que
viennent-ils faire ? — Venger la mort de tous
ceux que tu as tués. — Alors, je suis perdu ?
— Pas jencore, car ton heure n'a pas sonné. —
Qui les arrêtera? — Moi, qui ai besoin de ton
concours et de ton aide, mon bon chevalier.
— Tu ferais cela? — Oui, je le ferai, car, vi-
vant, tu me serviras mille fois plus que mort.
— Et maintenant, au revoir, Gilles de Retz,
et souviens-toi que tu m'appartiens corps et
âme. » Et le diable bleu disparut dans un
nuage de soufre. Il tint parole, en empêchant
l'intervention des gentilshommes du pays de
Redon; mais aussi, à partir de ce moment,
Gilles ne fut plus connW dans le pays que sous
le nom de l'homme à la barbe bleue. Telle est
la légende que Perrault, sans aucun doute,
connaissait. Déjà, de son temps, des pièces
féeriques, représentant l'histoire de la Barbe-
Bleue et de ses femmes, se jouaient avec le
secours de ces marionnettes dont raffolait
Goethe, et qui tiennent une si grande place
dans Wilkern meister. En France et en Angle-
terre, le théâtre n'a pas manqué de s'emparer
du héros breton. L'Angleterre avait eu, elle
aussi, son Barbe-Bleue en la personne de
Henri VIII, roi cruel et débauché, qui se dé-
faisait ingénieusement de ses femmes. Colman,
dont le John Bull, par un mélange heureux du
rire et des larmes, a le don d'émouvoir tour à
tour et d'égayer les spectateurs, Colman fit
courir Londres pendant longtemps par un
Barbe-Bleue,- dans lequel on remarque un
effet théâtral fort curieux : un tableau qui
représente Abomélique ( Barbe-Bleue ) aux
genoux d'une femme est placé au-dessus de la
porte delà chambre'bleue interdite à la curio-
sité de Fatima ; aussitôt qu'elle a mis la clef
dans la serrure , le tableau change , et l'on
voit Abomélique tranchant la tête à la même
femme qu'il adorait auparavant. M. Hippolyte
Lucas s'étonne que nos féeries n'aient pas
encore employé ce moyen de terreur. V. ci-
après la Barbe-Bleue de Sedaine et Grétry.
Iînri>e - Bleue , titre et nom du principal
personnage d'un conte 'de Perrault, dont le
souvenir nous rappelle ce vers de Searron : ■
Ah ! j'en frémis encor d'horreur.
Barbe-Bleue, ainsi appelé parce qu'il avait
la barbe bleue, a déjà épousé six femmes, qu'il
a égorgées successivement, et dont il a sus-
pendu les cadavres sanglants dans un cabinet
noir. Il épouse une septième victime, dont il
veut mettre la curiosité à l'épreuve. Il feint
donc de partir pour un voyage, et lui confie la
clef de l'affreux cabinet, avec défense ex-
presse d'y pénétrer. Il n'en fallait pas tant
pour engager Pandore à ouvrir la boîte fatale.
A la vue de ces six cadavres, la clef lui tombe
des mains et va rouler dans le sang. Or, la
tache est indélébile; et plus la malheureuse
fait d'efforts pour rendre la clef à son état
naturel, plus la tache s'élargit. Enfin Barbe-
Bleue revient, réclame son dépôt, et, en ac-
quérant la preuve de l'indiscrétion de sa
femme, lui annonce que sa dernière heure est
arrivée. Il ne lui accorde qu'un quart d'heure
pour se recommander à Dieu. Ce temps
écoulé, il lui crie à plusieurs reprises : n Des-
cendez bien vite, ou je vais monter là-haut. »
C'est alors que la malheureuse femme, qui a
envoyé chercher ses frères, demande a sa
sœur, montée au sommet d'uneîtour : n Anne,
ma sœur Anne, ne vois-tu rierf venir? — Non,
répond celle-ci, je ne vois rien que le soleil
qui poudroie et l'herbe qui verdoie, n Enfin, les
deux frères arrivent et délivrent leur sœur en
égorgeant Barbe-Bleue, qui levait déjà son
coutelas pour lui trancher la tète.
C'est à juste titre que Barbe-Bleue est resté'
le type des maris féroces et sanguinaires. On
fait aussi allusion à la curiosité féminine dont
son indiscrète épouse faillit être victime; à
la question répétée : « Anne, ma sœur Anne,
ne vois-tu rien venir? » et enfin, à la réponse
de sœur Anne :
« Si dur et si méchant qu'il soit, j'ai bien de
la peine à croire que le comte des Fougères
repousse sans pitié une pauvre petite créature
comme moi. Quoi qu'on dise, ce n'est pas un
ogre, et nous ne sommes point ici à la porte
du château de AI. Barbe-Bleue. »
J. Bandeau.
« Soyez étranger, anglais ou allemand, et
aussitôt toutes les portes du Jardin des Plan-
tes vont s'ouvrir devant vous , portes des
bêtes, portes des serres. Toutes les portes! je
me trompe : il en est une dont l'entrée est ab-
solument interdite aux profanes; c'est celle
du cabinet de Barbe-Bleue, la serre aux plan-
tes redoutables, dont le simple contact vous
fait gonfler le corps comme le venin du boï-
quira, et vous prive de la vue. »
TûUSSENEL.
« Pendant que l'ancienne maîtresse de son
mari fouillait la cendre des plaisirs éteints pour
y trouver quelques charbons, Alm» Félix de
Vandenesse éprouvait ces violentes palpita-
tions que cause à une femme la certitude
d'être en faute et de marcher dans le terrain
défendu ; émotions qui ne sont pas sans
charme et qui réveillent tant de puissances
endormies. Aujourd'hui, comme dans le conte
de la Barbe-Bleue, toutes les femmes aiment
à se servir de la clef tachée de sang; magni-
fique idée mythologique , une des gloires de
Perrault. » H. de Balzac.
« Que m'importent les causes et les motifs
du bien dont je ressens les effets, et de quel
droit irais-je m'en informer avec une sotte et
orgueilleuse curiosité , quand tout m'avertit
que je suis né pour jouir de ma vie et de mon
imagination, et pour en ignorer le mystère?
Funeste instinct, qui ouvrit à Eve les portes de
la mort, et à Pandore la boîte où dormiraient
encore toutes les misères de l'humanité, et à
je ne sais quelle noble châtelaine, dont j'ai
oublié le nom, le cabinet sanglant de la Barbe-
Bleue' Ch. Nadae.
« Pour quelle cause maintenant pourrais-je
aller combattre? Dans mes voyages, j'ai vu
les nationalités ; elles étaient couchées sur le
dos, râlantes, saignantes et mourantes ; elles
se tournaient l'une vers l'autre avec effort et
se disaient à voix basse, en écoutant le coq
qui chantait la nuit : « Ma sœur, ma sœur, ne
vois-tu rien venir ? » Les temps ne sont pas
encore arrivés où celui qui veut être réuni à
ses pères pourra glorieusement escompter sa
mort 1 Comme je les envie, à cette heure, ceux
qui combattirent pour la Grèce ! »
Max. du Camp.
o Toute l'après-midi se passa dans l'attente.
Les heures s'écoulaient, le vicomte n'arrivait
pas. Laure avait changé trois fois de toilette,
M. Levrault, en costume de gentilhomme
campagnard, allait du perron à la grille; et,
comme sœur Anne, ne voyait rien venir. »
J. Sandeau.
Madeleine. Mais quel bruit dans la rue !
Qu'est-ce que c'est que ça? Voyez donc, mes-
sieurs.
D'Estival. En vérité, je ne sais. Je ne vois
que la neige qui poudroie, quelque chose d'in-
distinct qui verdoie, et une grande foule qui
se coudoie... Oct. Feuillet.
Bari>e-Bieuo (raoul), comédie en trois ac-
tes, mêlée d'ariettes, de Sedaine, musique de
Grétry, représentée pour la première fois à
Paris, sur le théâtre des Italiens, en 1789. —
Cette pièce est une copie dialoguée du conte
de Perrault. La principale différence est que
le rôle de la sœur Anne est rempli par un
amant de la belle Isaure, qui s'est introduit
chez elle, sous le nom et les habits de cette
sœur. Vergy, c'est le- nom de l'amoureux, a
cédé, on ne sait pourquoi, sa future à son
odieux rival, el, le lendemain des noces, il vient
s'établir dans le castel de Barbe-Bleue, dé-
guisé comme nous venons de le dire. Sa
charmante Isaure a juré de lui rester fidèle,
malgré le contrat qui la lie au lugubre châ-
telain ; Cependant Raoul Barbe-Bleue, qui a
, de l'expérience, la séduit par l'offre de bijoux
' et de pierreries, et il ne tarde pas à régner,
malgré ses moustaches bleu de Prusse, sur le
cœur de la charmante Isaure; mais ce n'est pas
impunément qu'on porte un nom si terrible.
Barbe-Bleue n'aime pas les lunes de miel qui
durent longtemps ; il se dispose à trancher la
tête de la charmante Isaure, pour punir cette
fille d'Eve du péché de curiosité ; déjà le cou-
telas fraîchement repassé est tiré de sa gaîne,
quand surviennent les frères de madame, qui
la sauvent. Une lutte a lieu, on se tue pendant
que l'orchestre joue un air de circonstance ;
Barbe-Bleue est haché menu comme chair à
pâté, dans la coulisse, et la charmante Isaure
vole dans les bras de sa sœur Anne, ou plutôt
du tendre Vergy, qui n'a pas de préjugés. Les
auteurs de Baoul Barbe-Bleue ont été mieux
inspirés lorsqu'ils ont écrit Richard Cœur-de-
Lion, Ce conte de Croquemitaine, signé de
deux noms célèbres, est aujourd'hui complète-
ment oublié, et c'est justice ; aussi n'en par-
lons-nous ici que pour mémoire.
Bnrbc-Iilciio, opéra bouffe en trois actes et
quatre tableaux, de MM. Henry Meilhac et
Ludovic Halévy, musique de M. Offenbach,
représenté pour la première fois, à Paris, sur
le théâtre des Variétés, le 5 février 1866. —
Le sire de Barbe-Bleue mis en scène par les
auteurs de la Belle Hélène n'a rien de com-
mun avec le Barbe-Bleue de Perrault, si
ce n'est sa barbe et ses nombreux veuvages.
Henri VIII jovial, il n'égorge pas lui-même
ses femmes, il les fait empoisonner par son
chimiste Popolani.Cen'estpas, d'ailleurs, pour
les punir du péché de curiosité qu'il leur offre
le verre d'eau sucrée destiné à lui ouvrir dou-
cement les voies du convoi ; c'est afin de pou-
voir donner carrière à sa passion pour le
changement. Amoureux de tout ce qui porte
une cornette, rien ne lui plaît, nouveau don
Juan, comme de passer de la brune à la
blonde. Cependant, après le trépas de sa cin-
quième épouse, iln'a vu aucune demoiselle des
environs dont il eût envie d'obtenir la main ;
faute de mieux, il envoie quérir une rosière
au village. Mais les rosières sont rares, et
N an terre est éloigné; Popolani, pour se don-
ner moins de fatigue, a l'idée de tirer sa
rosière au sort. Il invite donc toutes les jeu-
nes paysannes à se faire inscrire chez le
bailli. Boulotte, une grosse fille qui se vante
de connaître tous les nommes et qui les em-
brasse tous, se fait inscrire comme les autres,
et c'est justement son nom qui sort le premier
de l'urne. Elle est proclamée rosière, aux cris
de toutes les filles et aux éclats de rire des
garçons : Honni soit qui mal y pense I Popo-
lani lui fait revêtir le costume de son emploi,
et la présente au sire dé Barbe-Bleue. Barbe-
Bleue, qui n'aime pas à attendre, pose immédia-
tement la couronne d'oranger sur le front de
Boulotte, qui devient madame Barbe-Bleue.
Une seconde intrigue traverse le premier
acte. Pendant que Popolani cherche une ro-
sière, un de ses anciens camarades, le comte
Oscar, favori du roi Bobèche, qui règne sur le
vaste pays où se passe l'action principale,
cherche l'héritière du trône. La jeune prin-
cesse a été exposée, dès le berceau, sur le
fleuve qui traverse la contrée. Le trône du
roi Bobèche n'est pas soumis à la loi salique.
Un fils lui est né après cette fille, et c'est
pour assurer la couronne à son fils qu'il a
perdu le premier fruit de son union. Hélas I
ce fils est devenu idiot; le roi regrette sa
fille. Oscar la retrouve dans une jeune fleu-
riste, mademoiselle Fleurette, recueillie par
un vieux soldat. Fleurette est la seule per-
sonne quieûtpu, dans le village, prétendre au
titre de rosière, et c'est la seule dont le nom a
été oublié. Elle aime un petit berger, le ber-
ger Saphir, et elle ne consent à suivre le
comte Oscar qu'à la condition qu'il emmènera
aussi celui que son cœur préfère. Le second
acte nous introduit à la cour du roi Bobèche,
et nous offre la peinture grotesque, mais pi-
quante, d'une monarchie absolue. Le comte
Oscar indique aux courtisans comment, ils
doivent se comporter s'ils veulent rester en
faveur :
Il faut, s'il ne veut tomber,
Qu'un bon courtisan s'incline
Et qu'il courbe son échine
Autant qu'il lïf peut courber.
Le roi Bobèche fait son entrée. Un gentil-
homme a osé parler à la reine, il faut qu'Os-
car le fasse disparaître. — Mais, sire, dit la
confident, ce sera le cinquième! — N'importe!
il le fautj reprend le roi. Cependant Barbe-
Bleue désire présenter à Sa Majesté sa sixième
femme. Bobèche le trouve par trop effronté.
Il lui prend envie de savoir comment il a eu
la chance de perdre ses cinq premières. —
Mais, sire, répond Oscar, vous-même, voilà
cinq gentilshommes que vous m'ordonnez
d'expédier dans l'autre monde. — Eh! quoil
s'écria le roi, tu oses comparer les droits d'un
puissant monarque à ceux d'un seigneur'de
village! — Mais, sire, le seigneur Barbe-Bleue
a des canons. — J'en ai aussi, dit le roi. —
Non, sire, vous les avez fait fondre pour
vous élever une statue équestre. — C'est
vrai! mais j'ai ordonné à mon surintendant
des finances de lever un nouvel impôt, afin
?ue mon grand maître de l'artillerie me fasse
abriquer d'autres canons. — Oui, sire, et
votre surintendant a remis une grande partie
de l'argent à votre grand maître de l'artille-
rie; mais le grand maître dépense tout cet
argent avec des femmes à qui il paye à sou-
per. — C'est indécent! s'écrie le monarque;
encore s'il nous invitait! — Il m'invite, sire,
réplique Oscar. — A la bonne heure! mais
cela ne suffit pas, ajoute le roi Bobèche.
« Ce dialogue est digne de l'Ours et le Pacha,
dit M. de Biéville. Bobèche est aussi bêtè et
aussi despote que Schahabaham; malheureu-
sement, tout n est pas aussi simplement comi-
que. » Le berger Saphir, que Fleurette a em-
mené avec elle, était lui-même un prince qui
s'était déguisé pour se rapprocher de Fleu-
rette. Le roi Bobèche et la reine Clémentino
consentent à unir les deux amoureux. Le
mariage est annoncé pour minuit. Les récep-
tions commencent. Le sire de Barbe-Bleue,
superbement vêtu, amène sa nouvelle épouse
richement parée, et la présente au roi: niais
Boulotte n est occupée qu'à' contempler le
prince Saphir, dans lequel elle reconnaît le
petit berger qu'elle poursuivait autrefois dans
la montagne pour 1 embrasser de force. Ce-
pendant le baise-main a lieu sur un chœur
qui imite le bruit des baisers. « Embrasse,
dit Barber-Bleue à sa femme. • Et Boulotte
court embrasser Saphir sur les deux joues.
Grand émoi! Barbe-Bleue arrête sa femme :
« C'était le roi que je te disais d'embrasser,
lui dit-il à l'oreille. — Le roi ? reprend-elle ;
volontiers. • Et elle embrasse le roi. Les
courtisans se récrient. Elle croit qu'ils récla-
ment, et veut les embrasser tous. Barbe-Bleue
perd patience; il entraîne Boulotte en lui
disant : a Prenez garde, madame Barbe-Bleue,
ma sixième femme I « Et il sort, en jetant un
regard de convoitise sur la princesse Fleu-
rette. Rentré dans son castel, il ordonne à
son chimiste de le défaire de Boulotte par le
procédé ordinaire ; puis il revient chez le roi
annoncer son nouveau veuvage, et sollicite la
main de Fleurette ; tout le monde frémit d'in-
dignation. Barbe-Bleue se contente, pour toute
justification, d'établir le bilan de son matériel
de guerre : Saphir le provoque, on tire l'épée.
Mais le félon Barbe-Bleue s écrie : « Les gen-
darmes ! » Le petit prince se retourne à ces
mots, et son adversaire profite de ce mouve-
ment pour l'atteindre traîtreusement ; Saphir
tombe. Bobèche accepte le jugement de Dieu
et consent à avoir Barbe-Bleue pour gendre ;
Fleurette sanglote. Cependant Popolani sur-
vient, amenant les six femmes de Barbe-Bleue,
déguisées en bohémiennes ; au lieu de les em-
poisonner, il les endormait avec un narcoti-
que, et les gardait pour lui tenir compagnie
dans la tour du nord. Cette tour se transfor-
mait, en faisant jouer un panneau de boiserie,
on un harem délicieux. On y faisait chère ex-
quise, on y chantait les couplets en vogue, et
I on y dansait le cancan. Notre chimiste était
le sultan de ce lieu charmant ; chaque fois
u'il recevait l'ordre de mettre à mort la
émme dont son maître était rassasié, il se
contentait d'annoncer aux autres veuves qu'el-
les auraient, le soir même, une nouvelle compa-
gne, et l'on mettait un couvert de plus à sou-
per. Aujourd'hui, Popolani veut se retirer des
affaires et vivre de ses économies ; n'ayant
plus besoin de Barbe-Bleue, il vient le dénon-
cer. D'un autre côté, Oscar amène les cinq
gentilshommes que le roi lui avait commandé
d'occire; il les avait cachés- chez une de ses
cousines. Sa Majesté arrange tout, en ordon-
nant à Barbe-Bleue de reprendre Boulotte,
et en mariant ses cinq défuntes aux cinq gen-
tilshommes; quant à Fleurette, il lui rend son
Saphir, que le saisissement seul avait fait
évanouir. « Le dénoûment n'est pas des plus
ingénieux et ne s'accorde pas avec le carac-
tère prêté à Barbe-Bleue, dit M. de Biéville.
II faut, même dans une bouffonnerie, une cer-
taine suite et une certaine logique. Quoi qu'il
en soit, il- y a dans la pièce assez de drôleries,
de lazzis, de scènes bouffonnes, de mots spiri-
tuels, de jolie musique, pour qu'en dépit de
ses défauts, elle ait un succès prolongé. ■ De
son côté, M. Jouvin a écrit : « La partition de
Barbe-Bleue a les qualités et les défauts des
cent partitions signées de ce nom qui a la vo-
gue : Jacques Offenbach... M. Offenbach avait
écrit des finales très-développés dans la Belle
Hélène ; dans Barbe-Bleue, il a surtout multi-
plié les petits airs; mais la veine mélodique
pour être fragmentée, n'en est pas moins
abondante. Je crois pourtant devoir mettre le
compositeur en garde contre sa tendance à
reproduire sans cesse les mêmes rhythmes;
mais j'ai un bien faible espoir de le convertir,
attendu qu'il réussit beaucoup, qu'il réussit
Surtout par le défaut que je m'efforce do
reprendre. Le Bu gui s'avance aplus fait, pour
le succès de la Belle Hélène, que le duo déli-
Oui, c'est un rêve d'amour!
Etj au moment où je fais cette moralité, une
voix attardée dans la nuit chante sous mes
fenêtres :
11 faut qu'un courtisan s'incline,
San s'incline ;
j'écoute en souriant, et me voilà désarmé, i
Citons le duettino de l'introduction, la chan-
son de la batifoleuse, le motif de valse du
tirage au sort des rosières ; au deuxième acte,
les couplets du bon courtisan, le morceau du
baise-main. La page la plus musicale de l'ou-
vrage, c'est le grand duo de M. et Mme Barbe-
Bleue, au troisième acte. L'introduction, au
quatrième acte, est une charge bouffe déli-
cieuse. — Acteurs qui ont crée Barbe-Bleue;
MM. Dupuis, Barbe-Bleue; Kopp, Bobèche;
l
210
BAR
BAR
BAR
BAR
Grenier, le comte Oscar; Couder, Popolani;
Hittemans, Saphir; M»« Schneider, Bou-
lotte ; Aline Duval, Clémentine ; Vernet, Fleu-
rette, etc.
barbebon, s. m. (bar-be-bon — rad,
barbe.) Bot. Un des noms vulgaires du salsi-
fis sauvage, n On dit aussi Barberon.
BAHBEDETTE-CIIEBMEI.A1S (Joseph-Jean),
jurisconsulte, né aux Faucheries (Ille-et-Vi-
laine) en 1784, mort en 1626. Il se fit une
grande réputation comme avocat, et devint,
dans la suite, président du tribunal civil de
Fougères. Il eut une part considérable au
Répertoire de la nouvelle législation, et pu-
blia un Traité des attributions des juges de
paix (1810), ouvrage justement estimé.
BARBED1ENIHE (Ferdinand), industriel, né
à Rouen, vers 1805, a fondé, en 1841, une
maison destinée à la reproduction en bronze
des plus beaux morceaux do la statuaire anti-
que ou moderne. Il s'associa avec Achille
Colas, inventeur des procédés de réduction, cj,
put offrir successivement au public plus d'o
mille sujets tirés des grands musées de l'Eu-
rope. Il a . obtenu des médailles d'honneur
dans plusieurs expositions.
BARBÉIER. V. BaRBÉYIÎR.
BARBELÉ, ÉE adj. (bar-bo-lé — rad. barbe).
So dit d'une arme dont le' fer est garni do
pointes ou dents qui s'opposent à ce qu'on le
retire do la plaie : Une flèche barbelée. Des
traits barbelés. Un hameçon barbelé. Pour
peu que la pointe barbelée du harpon eût
pénétré dans les chairs du caïman, il est pro-
bable que nous en serions venus à bout. (E. Gon-
zalès.) il On a dit aussi barbelu, ue.
BARBELET s. m. (bar-be-lê — rad. barbe.
les hameçons étant barbelés). Teclm. Outil
à faire des hameçons.
BARBELLE s. f. (bar-bè-le — dimin. do
barbe). Bot. Nom donné aux barbes des fruits
des composées, quand elles sont constituées
par des poils à ramifications courtes, roides,
droites, cylindriques, obtuses, comme dans
les centaurées, il On les appelle aussi bar-
euliïs.
— Moll. Syn. d'irtcfrue.
BARBELLE, ÉE adj. (bar-bèi-lé — rad. bar-
belle). Bot. Muni de barbelles : Squammellules
BARBELLÉES.
BARBELLINE s. f. (bar-bèl-li-ne — rad.
barbe). Bot. Section du genre stashéline, fa-
mille des composées, tribu des carduacées ou
cynarées, dont le fruit glabre est surmonté
d'une aigrette à soies munies de barbes très-
fines.
BARBELLULE s. f. (bar-bèl-lu-lo — dimin.
de barbelle). Bot. Nom donné aux barbes des
fruits des composées, quand elles sont héris-
sées de petits appendices coniques, aigus,
analogues à des épines, comme dans les as-
ters.
BARBELLULE, ÉE adj. (bar-bèl-lu-lé —
rad. barbellule). Bot. Qui est garni de bar-
bel Iules.
BARBELU adj. V. BARBELÉ.
BARBÉ-MARK01S (François, marquis de),
homme d'Etat, magistrat et littérateur, né a
Metz en 1745, mort à Paris en 1837. Il rem-
plit, avant la Révolution, d'importantes fonc-
tions diplomatiques, fut intendant général de
Saint-Domingue de 1785 a 1789, représenta
Louis XVI à la diète de Ratisbonne (1792), et
fut nommé, en 1795, maire de Metz, puis mem-
bre du conseil des Anciens. Soupçonné avec
raison d'être d'intelligence avec le parti roya-
liste, il fut déporté à la Guyane au 18 fructi-
dor 1797, obtint son transfèrement à l'île d'O-
léron et revint à Paris après le 18 brumaire.
Le premier consul, sur les recommandations
de Lebrun, le nomma conseiller d'Etat, puis
ministre du trésor, place qu'il conserva jus-
qu'en 1805. A cette époque, une fausse mesure
de finances le fit destituer par Napoléon, qui
le traita avec une grande dureté. En quittant
le cabinet de l'empereur, le malheureureux
fonctionnaire dit, les larmes aux yeux : « J'ose
espérer que Votre Majesté ne m accusera pas
d'être un voleur. — Je le préférerais cent fois,
répondit Napoléon : au moins, la friponnerie
a des bornes ; la bêtise n'en a point, i En 1805,
il avait été chargé de traiter de la cession de
la Louisiane aux Etats-Unis. Sa disgrâce ne
dura point. Il fut nommé, en 1808, président
de la cour des comptes et entra au sénat en
1813. La Restauration l'appela à la pairie,
puis au ministère de la justice. Il reprit, eu
1815, ses fonctions de premier président de la
cour des comptes, qu'il exerça jusqu'en 1834.
Comme la plupart des fonctionnaires qui ont
traversé ces époques orageuses, ce person-
nago ne s'honora point par la dignité du ca-
ractère. Il devait tout à Napoléon, qu'il avait
fatigué de sa servilité, et il vota sa déchéance
en 1814, pour se rallier aux Bourbons. Pen-
dant les Cent-Jours, il tenta de se rapprocher
de l'empereur, qui le repoussa avec le dernier
inépris. Ses discours officiels sont remarqua-
bles par la platitude des formules adulatrices.
C'est lui qui disait au comte d'Artois, eu l'ac-
compagnant dans une visite aux hôpitaux :
« A la présence du petit-fils de Henri IV, les
douleurs vont se taire, et Votre Altesse Royale
n'entendra que des bénédictions. » On a de
Barbé-Marbois quelques ouvrages sur les
finances et l'agronomie, ainsi qu'une Histoire
de la Louisiane (Paris, 1829).
I
BARBÉ DE MARBOIS (Maurice), frère du
précédent, fut successivement président de la
cour royale de l'Ile do France, président do
l'assemblée coloniale et président de la cour
d'appel, place qu'il n'eut point honte de con-
. server en 1810, lorsque les Anglais s'empa-
rèrent de l'île. En 1797, il avait contribué
à l'expulsion des commissaires du Directoire,
dont la mission se rattachait à l'exécution des
décrets concernant l'abolition de l'esclavage,
et à de vastes plans d'attaque contre les pos-
sessions anglaises de l'Inde. Il est mort dans
cette colonie, en 1830, après soixante ans de
séjour.
BARBEN (la), village et commune de Franco
(Bouches-du-Rhône), arrond. et à 24 Ml. d'Aix,
cant. de Salon; 350 hab. La colonie romaine
établie à Aix possédaitde nombreuses et belles
villas sur le territoire de cette commune, dans
la vallée de la Touloubre, où l'on rencontro
encore des ruines imposantes. Beau château,
avec terrasses suspendues, dans un site pitto-
resque.
BARBÉNIE s. f. (bar-bé-nî). Bot. Genre do
plantes peu connu et non encore classé.
BARBENTANE; comm. du dép. des Bouches-
du-Rhône, arrond. d'Arles; pop.agcl. 1,929 h,
— pop. tôt. 3,132 h. ; près du confluent de la
Durance et du Rhône; territoire fertile, ruines
d'un vieux château.
BARBER (Mary), femme poëte irlandaise,
née a Dublin vers 1712, morte en 1757. On a
d'elle un recueil de poésies, qui se recom-
mande surtout par un profond sentiment de
la morale.
BARBERA s. m. (bar-be-ra). Hortic. Va-
riété de raisin, il On dit aussi barbarou.
BARBEREAU ( Auguste-Mathurin-Baltha-
zar), compositeur français, né à Paris le 14 no-
vembre 1799, entra au Conservatoire en 1810
et y étudia le contre-point sous Reicha. En
1824 , sa cantate intitulée Agnès Sorcl lui
valut le premier grand prix de composition
et le séjour de Rome comme pensionnaire du
gouvernement. A son retour a Paris, il entra,
en qualité de chef d'orchestre, au théâtre des
Nouveautés , donna à cette scène plusieurs
ouvertures et collabora aux Sybarites de Flo-
rence, opéra représenté en 1831. L'année sui-
vante, il fut appelé à diriger la musique du
Théâtre-Français. Plus tard, de 1836 à 1838,
il devint chef d'orchestre du Théâtre-Italien.
En 1854 et 1855, il a dirigé l'orchestre de la
société de Sainte-Cécile. On lui doit un Traité
d'harmonie (1843-1845), et une série de mé-
moires intitulés : Eludes sur l'origine du sys-
tème musical (Metz, 1852, grand in-8°).
BARBERET (Denis), médecin, né à Arnay-
le-Duc (Bourgogne) en 1714, mort en 1770. Il
exerça tour à tour la médecine à Dijon , à
Toulon et dans les armées. Il s'est fait con-
naître surtout par de bons mémoires couron-
nés par la société royale d'agriculture de
Paris et diverses autres sociétés savantes et
académies. Les principaux sont les suivants :
Sur la meilleure manière de cultiver la vigne
et de faire le vin (17fil) ; Sur les maladies épi-
démiques des bestiaux (1765) ; Sur la nature
et la formation de la grêle, etc.
BARBERI (Philippe de), théologien italien,
né à Syracuse, vivait dans la seconde moitié
du xvc siècle. Il était inquisiteur de la foi pour
les îles de Sicile et de Malte. Il a laissé un
çrand nombre d'ouvrages, parmi lesquels nous
citerons seulement : Tractatus de discordia
Wter Eusebium, Hicronymum et Aurelium Au-
gustinum...; Donatus theologus , quo theolo-
gicœ quesiiones grammatir.a arte solvuntur ;
Libellus de animarum immorialitate ; Libellus
de diuina Providentia, etc.
BARBERI (Jean-Antoine), médecin italien,
né à Carmagnola, mort vers 1666, était pro-
fesseur à Turin, et publia Medicus practicus
et plusieurs autres ouvrages.
BARBERI ou BARBERY (Antonio), graveur
italien, travaillait a Rome vers 1700. Il a
gravé un Plan de Rome (1697), avec l'indica-
tion des principaux monuments, et trente-six
planches pour 1 ouvrage intitulé : Studio d'ar-
chitettura civile, etc., publié par Domenico de
Rossi (1702, 1711, 1721).
BARBERI (François), jurisconsulte italien,
vivait à la fin du xvin» siècle; il était procu-
reur fiscal sous Pie VI, et chargé, en cette
qualité, d'instruire la plupart des procès cri-
minels. Fort savant dans les lois romaines,
magistrat intègre, mais serviteur un peu trop
complaisant do la cour de Rome, il fit con-
damner le fameux Cagliostro à la détention
perpétuelle, et justifia ie meurtre odieux de
Basseville, envoyé de la République française,
ou du moins en rejeta la responsabilité sur le
fanatisme populaire, mais sans ordonner au-
cune poursuite. En 1799, il refusa son adhé-
sion à la république romaine et subit quel-
ques persécutions.
BARBERI (Jean), architecte romain, peintre
en perspective, exécuta, en 17S6, la façado
de la nouvelle sacristie de Saint-Pierre de
Rome.
BARBERI (Joseph-Philippe) , lexicographe
italien, vivait au commencement de ce siècle.
Il a publié : Grammaire des grammaires ita-
liennes, ou Cours complet de langue italienne
(2 vol. in-s°, Paris, 1819); Traité des temps
de la langue française et de la langue ita-
lienne; Nouveau dictionnaire grammatical ita-
lien-français et français-italien, etc.
BARBERIE s. f. (bar-be-rî — rad. barbe).
Art de raser la barbe. Il Dans quelques com-
munautés, lieu où l'on fait la barbe, il V. mot.
BARBERIN s. m. (bar-be-rain). Ichthyol.
Poisson du genre dos mulles.
BARBERIN, INE adj. (bar-be-rain, i-ne —
rad. Barbarie, syn. âçBarbarie). Econ. agric.
Se dit d'une race de moutons originaire do
Barbarie : La race barberine.
Bnrbei-inc, comédie en trois actes, en prose,
•par Alfred de Musset. Le comte Ulric, gen-
tilhomme bohémien, rencontre h la cour de
Hongrie un jeune baron hongrois, Adolphe do
Rosemberg. Ulrie a laissé, au fond de son
vieux château gothique, sa douce et fidèle
compagne Barberine, pour venir s'enrôler
sous la bannière de Béatrix d'Aragon, reine
de Hongrie. Quant au baronnet, sa principale
idée, en quittant sa vieille tante pour venir a
la cour, a été de se faire un peu voir du beau
sexe, contre lequel il compte diriger la grosse
artillerie de son immense fortune et des char-
mes personnels qu'il se suppose. Les deux
gentilshommes en viennent tout naturellement
à se faire des confidences réciproques , et
Ulric ne peut s'empêcher d'avouer sa tristesse
en songeant h la créature adorée qu'il a laissée
derrière lui. C'est alors que, de plaisanterie en
plaisanterie, Adolphe de Rosemberg en arrive
à parier avec Ulric que, si celui-ci s'engage
à ne rien écrire a sa femme de ce qui s'est
passé entre eux, il triomphera promptement
de la vertu de Barberine. La gageure est
tenue, et c'est la reine elle-même qui est prise
pour témoin dans ce singulier duel. Adolphe
part aussitôt pour la Bohême, et, introduit
auprès de Barberine par une lettre de recom-
mandation qu'Ulric lui a donnée, il commence
aussitôt le siège. Mais Barberine n'a pas sitôt
oublié son mari, dont elle pleure chaque jour
le départ, et elle s'aperçoit bientôt des in-
tentions du baron : « Quoi ! lui dit-elle , si
je consentais à vous écouter, ni l'amitié, ni
la crainte de Dieu, ni la confiance d'un gen-
tilhomme qui vous envoie auprès de moi, rien
n'est capable de vous faire hésiter ? — Non,
sur mon âme, rien au monde, répond étour-
diment Rosemberg. — Vous trahiriez de bon
cœur un ami? — Oui, pour un regard de vous.
— Attendez -moi donc, » dit Barberine; et
elle sort, laissant Adolphe dans une vaste
chambre en compagnie d'un rouet et d'une
quenouille. Bientôt après, on entend les fenê-
tres se fermer, et le bruit de verrous qu'on
met aux poïtes ; puis un guichet s'ouvre dans
la muraille : « Seigneur Rosemberg, dit la
voix de Barberine, vous êtes venu ici com-
mettre un vol, le plus odieux et le plus digne
de châtiment, le vol de l'honneur d'une femme ;
vous êtes donc emprisonné comme un voleur.
Si vous voulez boire et manger, vous n'avez
d'autre moyen que de filer, et l'ordinaire de
vos repas sera scrupuleusement augmenté ou
diminué selon la quantité de fil que vous file-
rez, a On s'imagine la fureur du pauvre baron,
ses cris, ses lamentations, ses menaces, ses
prières. Mais la faim est un tyran qui en sou-
mettrait de plus vigoureux que le jeune Adol-
fhc, et il se décide à filer, quand on annonce
arrivée de la reine et du comte Ulric. Bar-
berine les a prévenus, et ils viennent constater
l'issue de la gageure, au grand bonheur d'Ul-
ric et à la honte du baronnet, qui jure, mais un
peu tard, qu'on ne l'y prendra plus. On re-
connaît, dans cette comédie, les qualités or-
dinaires d'A. de Musset : toujours même es-
prit, même grâce, même parfum de poésie,
même style élégant et châtié; et, par-dessus
tout, cette originalité de bon aloi qui est ia
marque distinctive du talent de l'auteur, en-
nemi-né de ce qui est vulgaire, Barberine n'a
jamais été jouée.
BARBERIN1, nom d'une famille célèbre, ori-
ginaire de Semifonte, en Toscane, qui s'éta-
blit "à Florence dès le commencement du
xtc siècle. Sa plus grande illustration, Maffeo
Barberini, fut élu pape en 1023, sous le nom
d'Urbain VIII. {V. ce nom.) Trois neveux de
ce pape, François et deux du nom d'Antoine,
furent élevés par lui au cardinalat; un qua-
trième, Taddco, fut mis h. la tête de ses troupes.
Les Barberini, peu satisfaits de tant d'hon-
neurs et de richesses, se rendirent maîtres
des duchés do Castro et de Ronciglione et
voulurent tenter la conquête de celui de
Parme. Mais le due Edouard Farnèse dispersa
leur armée sans combat et les força de renon-
cer à leur projet. A la mort d'Urbain VIII, en
1644, ils perdirent toute leur puissance et se
réfugièrent en France, auprès de. Mazarin, qui
les réconcilia avec le saint-siége, fit lever le
séquestre îHs sur leurs biens et leur conserva
la principauté de Palestrine. Leurs descen-
dants l'ont gardée jusqu'à nos jours. Outre
leur insatiable avidité, on reprochait aux Bar-
berini d'avoir enlevé des pierres du Colisée
pour la construction d'un palais, et l'on afficha
contre eux, sur la fameuse statue de Pasquin-,
cette épigramme :
Quod non Barbari feccrunt, Barberini fecerc.
Il y eut encore, parmi les membres de cette
famille, Antoine Barberlni , surnommé le
Vieux, né à Florence en 1569, mort en 1045;
il était frère du pape Urbain VIII et devint
cardinal et évêque de Sinigaglia. Il a laissé
des Constitutions synodales pour son évèché,
et divers autres écrits.
BARBERINI ou BARBERINO (François),
poète et jurisconsulte italien, né près de Flo-
rence en 1264, mort en 1348, étudia la juris-
prudence et devint notaire public après la
mort de son père. Il est surtout connu par
l'ouvrage intitulé : Docutnenti d'amore , im-
primé à. Rome en 1640. Il se compose de douze
parties, qui renferment en quelque sorte la
philosophie morale do l'amour.
BARBERINI (Bonaventure), archevêque de
Ferrare, né dans cette ville en 1674, mort en
1743. Il était entré fort jeune dans l'ordre des
capucins ; mais sa mauvaise santé l'obligea
ensuite à passer dans celui des franciscains.
Il composa plusieurs ouvrages, parmi lesquels
des Orazione italiane, publiées à Forli vers
1718, et qui furent accueillies avec beaucoup
de faveur.
BARBERINO-DI-MUGËLLO, bourg du
royaume d'Italie, préfecture et à 30 kil. N. de
Florence ; 1,100 hab. Fabrication très-impor-
tante de chapeaux de paille. Aux environs,
villa royale de Cafaggioîo, jadis résidence des
Médicis. |] Barberino-m-Val-d'Esca, bourg du
royaume d'Italie, préfecture et h. 30 kil. S. de
Florence; 750 hab. fromages très- renommés;
berceau de la famille des Barberini, lieu natal
d'Urbain VIII et de plusieurs cardinaux.
BARBEROT s. m. (bar-be-ro — rad. barbe)
Méchant barbior :
Un barberot maladroit,
Me charcutant par l'endroi^
Où s'entonne le breuvage, ^,
Vers l'onde nu morne rivage ]
M'a presque envoyC tout droit.
De L'AitmiT.
BARBEROUSSE, nom donné par les OccU_
dentaux à deux deys , fils d'un renégat grec
ou sicilien , dont la barbe était rousse , et
qui régnèrent à Alger pendant le xvic siècle.
Le premier, Aroudj , jeune encore, exerça
la piraterie dans la Méditerranée, et se trouva
en quelques années h la tête d'une escadre de
quarante galères, montées par des aventu-
riers turcs et maures. En 1516, il s'empara
d'Alger , détrôna le cheik arabe Sélim Ku-
temi et se fit proclamer souverain de cette
ville. Il avait déjà vaincu deux rois voisins,
lorsque Charles-Quint envoya contre lui une
armée espagnole considérable. Aroud) fut
vaincu àTlemcen.et tué dans sa fuite (1518).—
Khaïr-Eddyn (dont les chrétiens ont fait lia-
riadan), frère et lieutenant d'Aroudj, après la
mort duquel il fut proclamé général de la mer
et souverain d'Alger par tous les capitaines
corsaires, fit hommage de ses Etats à Sé-
lim 1er, sultan des Turcs, qui lui envoya deux
mille janissaires, de l'artillerie et de 1 argent.
Soliman It le nomma capitan-nacha/ce qui
mettait à sa disposition toutes les forces na-
vales turques. C'est alors qu'il se montra,
avec André Doria, le plus grand marin de son
époque. Il fortifia Alger, soumit Tunis et Bi-
serte à. la domination de Soliman, et ne fut
arrêté dans ses conquêtes que par Charles-
Quint, qui lui enleva Tunis (1535). Il équipa
alors une nouvelle flotte, vint ravager les
côtes de l'Italie, où il fit un butin immense,
et vainquit le célèbre Doria, son rival, dans
le golfe d'Ambracie. En 1539, il prit d'assaut
Castel-Nuovo, battit les chrétiens devant Can-
die, brava Doria devant Gênes, et se rendit
avec sa flotte au port de Marseille, comme
auxiliaire de François le' contre Charles-
Quint. Il alla ravager une dernière fois les
côtes d'Italie, et rentra avec sept mille captifs
àConstantinople, où il mourut en 1546, épuisé
par l'abus des plaisirs.
Burbcronaso (portrait de), tableau deVe-
lasquez, au musée de Madrid. Le personnage
que représente ce tableau est de grandeur na-
turelle, debout, tourné de trois quarts vers la
gauche. Il a une casaque rouge et un bur-
nous blanc. Dans la main droite, il tient uno
épée nue ; dans la main gauche, le fourreau.
La tête a un caractère enrayant d'énergie et
do férocité. Cette peinture est- largement et
puissamment brossée. Si, comme on le croit,
elle représente le fameux corsaire Barbe-
rousse, elle n'a pu être exécutée d'après na-
ture par Velasquez. Elle a été gravée au burin
par L. Croutelle; à l'eau-forte, par F, Goya.
BARBERY (Louis), graveur au burin et édi-
teur d'estampes, né en Savoie, selon Zani,
travaillait à Paris de 1670 à 1090. On a de lui
un Plan de Paris, en deux planches, et quel-
ques portraits, entre autres celui de M'»« de
Miramion, d'après P. Mignard. Il était proba-
blement parent de Barberï (Ch;) , éditeur
d'estampes, qui vivait a la même époque, et
dont le nom figure au bas d'un Saint Charles
Borromée donnant lacommunion aux pestiférés.
BARBES (Armand), célèbre révolutionnaire
français, né à la Pointe-à-PUre (Guadeloupe)
le 18 septembre 1S09, mort à La Haye le
ïG juin 1870. Tout enfant, il fut conduit en
France, a Fortoul, près de Carcassonne, pays
de sa famille, puis son père le mit h. l'école de
Sorèze, où il fit ses études. Barbes n'avait pas
encore vingt ans lorsque son père mourut, lui
laissant une assez grande fortune acquise
dans le commerce. En 1830, son tuteur l'en-
voya à Paris pour y étudier le droit. La ré-
volution de Juillet, qui avait eu. pour unique
résultat de substituer sur le trône Louis-Phi-
lippe à Charles X, avait profondément déçu
les espérances de la jeunesse avancée qui
voulait voir se fonder la république et s'im-
planter la liberté. Barbes ne tarda pas à se
BAR
lier avec les membres les plus avancés du
parti républicain. Ardent, enthousiaste, ayant
une véritable nature d'apôtre, le jeune étu-
diant se passionna pour !a grande et juste
cause de la démocratie et s'y voua tout en-
tier, décidé à lui sacrifier sa fortune et sa vie..
Il prit part à toutes les agitations politiques,
à. tous les complots qui se produisirent pour
renverser le nouveau roi. Affilié à la société
secrète des Droits de l'homme, puis à celle
des Familles, Barbes prit part à l'insurrection
d'avril 1834. Arrêté et emprisonné à Sainte-'
Pélagie, il fut relâché au bout de cinq mois,
à la suite d'une ordonnance de non-lieu. Après
l'attentat de Fieschi(l8 août 1835), il fut corn-
firis dans les arrestations opérées par la po-
ice ; mais, comme il n'avait en rien trempé
dans cette affaire, et comme on ne put trou-
ver aucune charge contre lui, on dut le re-
lâcher de nouveau. Toutefois, quelques mois
plus tard (mars 1836), le ministère public le
traduisit en police correctionnelle sous l'in-
culpation de fabrication clandestine de pou-
dre et il subit une condamnation à une année
d'emprisonnement. Lorsqu'il sortit de prison,
Barbes, par son énergie, par l'ardeur de ses
convictions et par sa position de fortune, était
devenu un des chefs du parti républicain,
alors presque entièrement écrasé. I! ne vou-
lut point désespérer de la cause qu'il avait
embrassée. II se mit à conspirer de nouveau
avec Martin Bernard, Blanqui et les membres
de la société des Saisons et prépara leimou-
vement insurrectionnel qui éclata le 12 mai
1839. Nous, avons parlé ailleurs (v. mai 1839)
de cette/insurrection, à, la tête de laquelle se
trouyi'-t Barbés, et qui fut la dernière du
rè/r^e de Louis-Philippe. Rappelons seule -
-ïnent ici qu'en voulant enlever le poste de la
Conciergerie pour s'emparer de la préfecture
de police, la petite troupe que commandait
Barbes tira des coups de feu et que le lieute-
nant Drouineau, commandant le poste, tomba
mortellement blessé. Forcés de se replier sur
l'Hôtel de ville, dont ils s'emparèrent et où
Barbes lut une proclamation, les républicains
se rendirent ensuite à la mairie du Vile ar-
rondissement, puis. essayèrent vainement de
propager le mouvement dans le quartier
Saint-Martin, En défendant une des barri-
cades de la rue Gretiétat, Barbes fut blessé à
la tête et tomba entre les mains des troupes.
Le 27 juin suivant, Barbes comparut avec
une partie de ses coaccusés, Martin Bernard,
Bonnet, Koudil, Nouguès, Mialon, Mares-
cal, etc., devant la cour des pairs. M.Franck-
Çiirré, dans son réquisitoire, ayant particu-
lièrement insisté sur le meurtre de l'officier
Drouineau, affirmant que c'était un assassinat
et que Barbes en était l'auteur, « Barbés se
leva, dit M. Louis Blanc, et jamais conviction
plus profonde n'apparut sous un plus noble
aspect. Le calme de l'accusé, sa haute taille,
le rayonnement de son front, la beauté fière
et hardie de son visage, son élégance virile,
tout révélait l'héroïsme de sa nature. Il s'ex;
prima simplement, en peu de mots, et toucha
jusqu'aux larmes une grande partie de l'as-
semblée. « Je ne me lève pas, dit-il, pour
» répondre à votre. accusation ; je ne suis dis-
» posé à répondre à aucune de vos questions.
» Si d'autres que moi n'étaient pas intéressés
» dans l'affaire, je ne prendrais pas la parole;
» j'en appellerais à vos consciences et vous
» reconnaîtriez que vous n'êtes pas ici desju-
• ges venant juger des accusés, mais des
» hommes politiques venant disposer du sort
» d'ennemis politiques. La journée du 12 mai
• vous ayant donné un grand nombre de pri-
» sonniersj'ai un devoir à remplir. Je déclare
a donc que tous ces citoyens, le 12 mai, à trois
« heures, ignoraient notre projet d'attaquer
» votre gouvernement. Ils avaient été eonvo-
» qués par le comité sans être avertis du mo-
« tifde la convocation; ils croyaient n'assister
• qu'à une revue; c'est lorsqu'ils sont arrivés
> sur le terrain, où nous avions eu le soin de
» faire arriver des munitions, où nous savions
» trouver des armes, que j'ai donné le signal,
» que je leur ai mis les armes à la main et que
«je leur ai donné l'ordre démarcher. Ces ei-
• toyensontdonc été entraînés, forcés par une
■ violence morale, de suivre cet ordre. Selon
a moi, ils sont innocents. Je pense que cette
a déolaratio'n doit avoir quelque valeur auprès
a de vous; car, pour mon compte, je ne pré-
» tends pas en bénéficier. Je déclare que j'é-
» tais un des chefs de l'association ; je déclare
» que c'est raoi qui ai préparé le combat, qui
» ai préparé tous les moyens d'exécution; je
• déclare que j'y ai pris part, que je me suis
» battu contre vos troupes; mais si j'assume
■ la responsabilité pleine et entière de tous les
9 faits généraux, je dois aussi décliner la res-
i ponsabilité de certains actes que je n'ai ni
» conseillés, ni ordonnés, ni approuvés. Je
» veux parler d'actes de cruauté que la morale
> réprouve. Parmi ces actes, je cite la mort
a donnée au lieutenant Drouineau, que l'acte
» d'accusation signale comme ayant été com-
■ mis par moi avec préméditation et guet-
■ apens. Ce n'est pas pour vous que je dis i;ela ;
i vous n'êtes pas disposés à, me croire, car
a vous êtes mes ennemis. Je le dis pour que
» mon pays l'entende. C'est la un acte dont je
a ne suis ni coupable ni capable. Si j'avais tué
■ ce militaire, je l'aurais t'ait dans un combat
d a armes égales, autant que cela se peutdans
■ le combat de la rue, avec un partage égal
a de champ et de soleil. Je n'ai point àssas-
a sine ; c'est une calomnie dont on veut flétrir
a un soldat de lu cause du peuple. Je n'ai pas .
BAR
» tué le lieutenant Drouineau. Voila, tout ce
a que j'avais à dire. » La vérité a des accents
irrésistibles. Ce que Barbes venait d'affirmer,
chacun le crut dans le sanctuaire de sa con-
science. Fidèle à sa déclaration, Barbes s'é-
tait imposé la loi de ne pas répondre aux
questions du président. Il rompit néanmoins
le silence pour dire, dans un moment où l'in-
terrogatoire le pressait : « Quand l'Indien est
» vaincu, quand le sort de la guerre l'a fait
» tomber au pouvoir de .son ennemi, il ne
» songe pas à se défendre, il n'a pas recours
» à des paroles vaines; il se résigne et donne
» sa tête à scalper, a Le lendemain, M. Pas-
quier ayant fait observer que l'accusé avait
eu raison de se comparer à un sauvage, « le
» sauvage impitoyable, reprit Barbes, n'est
• pas celui qui donne sa tête à scalper, c'est
• celui qui scalpe. » Le 12 juillet 1839, la
cour des pairs condamna Barbés à la peine
de mort. L'attitude pleine de dignité qu'il
avait eue durant le procès lui avait concilié
dans le public de vives sympathies qui ne
tardèrent pas à se manifester. Dès le lende-
main, près de 3,000 étudiants se rendirent au
ministère de la justice et deux d'entre eux
allèrent demander au garde des sceaux, au
nom de la jeunesse de Paris, l'abolition de
la peine de mort en matière politique et, pour
Barbes, une commutation de peine. Une au-
tre colonne de citoyens se dirigea vers le pa-
lais Bourbon , où siégeait la Chambre des
députés, proféra le cri de : «Vive Barbes!»
et fut dispersée. En même temps, divers per-
sonnages faisaient d'activés démarches au-
près du ministère et auprès de la famille
royale pour obtenir que le condamné ne fût
point exécuté; mais le cabinet et le roi se
montrèrent inflexibles. M. Jules Claretie, dans
la biographie de Barbes, raconte que le di-
recteur de la prison, étant venu visiter le
condamné à mort, l'engagea à tenter quelque
chose pour sauver sa tète. «Conservez-vous
pour votre cause, lui dit-il. » — ■ Le seul moyen
en ce moment de me conserver pour ma
cause, lui répondit Barbes, c'est d'avoir la
tête coupée pour elle... Mort, je deviens une
puissance, et c'est de ce jour, pour ainsi dire,
que mes ennemis commencent à avoir affaire
à moi. Aussi faudrait-il que je fusse bien sot
pour leur sauver ce danger-lit'. Et quant à
ces cinq pieds six pouces de chair qui se
promènent à vos côtés, Dieu, soyez-en sûr,
n'est jamais du parti des lâches.» Cependant
il ne devait point mourir. Sa sœur, qui lui
fut si tendrement dévouée, le duc et la
duchesse d'Orléans essayèrent d'émouvoir
Louis-Philippe, qui résistait toujours, lorsque
quelques vers de Victor Hugo obtinrent enlin
cette grâce si désirée. Le grand poète, ayant
appris que l'exécution de Barbes devait avoir
lieu le lendemain, fit remettre au roi, à mi-
nuit, cette strophe dans laquelle il faisait al-
lusion a la mort de la princesse Marie, dont
la cour portait le deuil, et à la naissance du
comte de Paris :
Par votre ange envolée ainsi qu'une colombe!
Par ce royal enfant, doux et frêle roseau !
Grâce encore une fois ! grâce au nom de la tombe !
Grâce au nom du berceau 1
Cette fois le roi Louis-Philippe céda : n Je
vous accorde cette grâce, dit-il, au poëte; il
ne me reste plus qu'à l'obtenir de mon mi-
nistère. Et naturellement le ministère s'in-
clina devant le désir du roi. Victor Hugo,
ayant rappelé ce fait dans son roman les Mi-
sérables, Barbes, alors à La Haye, lui écrivit
(10 juillet 1862) : «Le condamné dont vous
parlez doit vous paraître un ingrat. Il y a
vingt-trois ans qu'il est votre obligé et il ne
vous a rien dit. Pardonnez-lui, pardonnez-
moi. Dans ma prison d'avaut février, je m'é-
tais promis bien des fois de courir chez vous,
si un jour la liberté m'était rendue. Ce jour
vint pour me jeter comme un brin de paille
rompue dans le tourbillon de 1848. Je ne pus
rien faire de ce que j'avais si ardemment dé-
siré... Que n'ai-je eu la puissance démontrer
que j'étais digne que votre bras s'étendit sur
inoil Mais chacun a sa destinée et tous ceux
qu'Achille a sauvés n'étaient pas des héros, a
Barbés , dont la peine avait été commuée
en celle d'une détention perpétuelle , fut en-
voyé dans la forteresse de Doullens, où sa
santé s'altéra gravement. On le transféra
ensuite dans la prison de Nîmes, où il se
trouvait encore lorsque la révolution du 24 fé-
vrier vint le mettre en liberté. II se rendit
aussitôt à Paris, devint président du club de
la Révolution, fut nommé gouverneur du
palais du Luxembourg, et la 120 légion
de la garde nationale l'élut son colonel. Un
des chefs du parti avancé, il soutint la poli-
tique suivie par Ledru-Rollin dans le gou-
vernement provisoire, s'attacha à contre-ba-
lancer-l'inBuence de Blanqui dans le sens de la
modération et se rangea du-eôté du gouverne-
ment lors de la manifestation du 16 avril. Le
23 avril, 36,703 électeurs de l'Aude l'envoyè-
rent siéger à l'Assemblée nationale. Il alla
s'asseoir sur les bancs de la Montagne et pro-
testa vivement contre la façon dont avaient
été réprimés les troubles qui avaient éclaté
à Rouen à l'occasion des élections. Manquant
d'esprit politique, poussé par la crainte de
voir la réaction triompher dans la "Chambre,
Barbes commit la faute grave de prendre
part au mouvement du 15 mai contre la re-
présentation nationale (v. mai 1848, journée
du 15). Il fit la motion de frapper les riches
d'un milliard d'impôt, et, après que la disso-
BAR
lution eut été prononcée par Hnber, se rendit
à l'Hôtel de ville comme membre d'un gou-
vernement insurrectionnel , qui n'eut pas
même le temps de se constituer. Arrêté dans
la soirée, il fut conduit à Vincennes et tra-
duit avec ses coaccusés devant la haute cour
de Bourges, sous l'inculpation de complot
tendant au renversement du gouvernement
républicain. Devant la cour, Barbes parla à
diverses reprises, non pour se défendre, mais
sur les faits généraux de la cause, a Con-
damné à une détention perpétuelle (2 avril
1S49) , Barbes fut dirigé sur Doullens avec
les autres condamnés. Au mois d'octobre 1850,
les détenus de cette forteresse furent tranfé-
rés à Bel!e-Ile-en-Mer. On excepta de cette
mesure Barbes, qui se trouvait dans un état
de santé pitoyable; mais il protesta, de-
manda à partager le sort de ses camara-
des et on fit droit à sa demande. Lors-
qu'éclata la guerre d'Orient, il s'en montra
vivement préoccupé. De sa prison, il écri-
• vnit à un de ses amis : « Dans l'humanité,
le progrès ne se fait pas avec la rapidité
que nous rêvons tous à vingt ans. A cha-
que instant, cette humanité laisse de côté
ce. qui nous paraît la ligne droite pour pren-
dre une voie de traverse. Eh bien, battre au-
jourd'hui les Russes, sous quelque gouver-
nement que ce soit, me par.ilt cette voie de
traverse... Un succès n'affermira pas d'a-
vantage cet homme-ci (Napoléon III), si le
peuple est contre lui. Mais des défaites peu-
vent nous tuer, nous France, et il faut que
notre chère patrie vive, et qu'elle soit grande
et forte pour le salut du monde. » Dans une
autre lettre, il disait': «Si tu es affecté de
chauvinisme, parce que tu ne fais pas de
vœux pour les Russes, je suis encore plus
chauvin que toi, car j'ambitionne des vic-
toires pour nos Français. Oui, oui, qu'ils bat-
tent bien les Cosaques là-bas, et ce sera au-
tant de gagné pour la cause de la civilisation*
et du monde I a Cette dernière lettre ayant
été, à son insu, mise sous les yeux du chef
de l'Etat, il fut immédiatement gracié sans
condition (octobre 1854). Le prisonnier, bien
connu par son caractère chevaleresque et
par la couleur tranchée de ses opinions,
refusa fièrement d'accepter une faveur qu'il
n'avait pas demandée et qui pouvait l'enga-
ger moralement, et il fallut presque employer
la force pour l'arracher à sa prison.
En quittant Belle-Ile-en-Mer , Barbes se
rendit à Paris, et le jour même de son arri-
vée il adressa la lettre suivante au directeur
du Moniteur officiel: «J'arrive à Paris, je
prends la plume et vous prie d'insérer bien
vite cette note dans votre journal. Un ordre
dont je n'examine pas les motifs, car je n'ai
pas l'habitude de dénigrer les sentiments de
mes ennemis, a été donné, le 5 de ce mois, au
directeur de la maison de Belle-Ile. Au pre-
mier énoncé de cette nouvelle, j'ai frémi d'une
indicible douleur de vaincu et j'ai refusé tant
que j'ai pu, durant deux jours, de quitter ma
prison. Je viens maintenant ici pour parler
de plus près et mieux me faire entendre.
Qu'importe à qui n'a pas droit sur moi que
j'aime ou non mon pays? Oui, la lettre qu on
a lue est de moi et la grandeur de la France
a été, depuis que j'ai une pensée, ma religion.
Mais, encore un coup, qu'importe à qui vit
hors de ma foi et de ma loi que mon cœur ait
ces sentiments? Décembre n'est-il pas, et
pour toujours, un combat indiqué entre moi
et celui qui'1'a fait? A part donc ma dignité
personnelle blessée, mon devoir de loyal en-
nemi est de déclarer à tous et à chacun ici
que je repousse de toutes mes forces la me-
sure prise à mon endroit. Je vais passer h
Paris deux jours afin qu on ait le temps de
me remettre en prison, et ce délai passé,
vendredi soir, je cours moi-même chercher
l'exil. Barbés. Paris, 11 octobre 1S54, dix
heures du matin, grand hôtel du Prince-Al-
bert, rue Saint.-Ilyaeinthe-Saint-Honoré. ■
Barbes ne fut point arrêté et, à l'heure dite,
il quittait la France, qu'il ne devait plus re-
voir. Ii se rendit d'abord à Bruxelles, puis en
Espagne. Arrêté à Barcelone en 1850, il fut
transféré en Portugal. De lit il se rendit en
Hollande et se fixa ii La Haye, où il passa
les dernières années de sa vie, en proie à de
grandes souffrances physiques, causées par ,
ses longues détentions. Lors des élections
complémentaires du 22 novembre 1869, sa
candidature fut posée dans la 3" circon-
scription de Paris par quelques démocrates
qui voulaient qu'on élut des républicains
n'ayant pas prêté serment. A ce sujet. Barbes
écrivit à Gambon : « Je suis partisan du vote
contre le serment, contre l'insolence d'un
homme qui nous dit sans cesse : C'est moi
qui suis le souverain... Mais je ne puis que
décliner l'honneur qu'on veut bien me faire et
dire qu'on cherche un plus jeune, qu'on me rem-
place par un ouvrier — il y en a de capables —
la maladie dont je suis atteint ne me permet-
tant pas de compter sur moi pour la libre dis-
position de l'esprit et du corps. C'est au
moment où tous mes amis d'autrefois me
cherchent que je ne puis quitter la chambre;
c'est désolant, c'est cruel... Mon cœur bat
quand je songé à'ia patrie, de je ne ?ais com-
bien de pulsations à la minute, a Quelques mois
plus tard, il s'éteignit sans avoir pu voir le
rétablissement de la République, mais aussi
sans avoir eu la douleur de voir la France
envahie et ployant sous ses désastres. Barbes,
que Proudhon avait surnommé le Bn.nrd iio
la démocratie , s'était acquis l'estime de ses
BAR
2.7
adversaires eux-mêmes par la noblesse et
l'énergie de son caractère, par son désinté-
ressement et la sincérité de ses convictions.
On a de lui quelques opuscules politiques :
Deux jours de condamnation à ntort (Paris,
1848, in-8°), sorte de testament écrit pendant
les heures où il attendait stoïquement l'écha-
faud et qui a été réédité en 1849 avec une
lettre de M. Louis Blanc; Quelques mots à
ceux qui possèdent en faveur des prolétaires
du travail (1S4S, in-S°).
BARBÉSIEU (Richard du). V. Richard de
Barbiîzieux.
BARBÉSIECX (Louis-François-Marie Le-
tellikr, marquis de), fils de Louvois, né à
Paris en 1SSS. Il succéda à son père au dé-
partement de la guerre, bien qu'il n'eût alors
que vingt-trois ans. montra quelque talent et,
quoique Louvois eût épuisé toutes les res-
sources du royaume, parvint à fournir h.
Louis XIV les moyens d entreprendre le siège
de Namur; mais, emporté par l'ardeur des
plaisirs, il négligea les affaires et mourut en
1701, épuisé par les excès. Il avait, comme
son père, le goût de l'astrologie et consultait
souvent sur son horoscope le Père Alexis,
cordelier, qui lui avait, k ce qu'on prétend,
prédit l'époque de sa mort.
BARBESIN s. m. (bar-be-zain — rad. barbe).
Bot. Nom vulgaire d'un champignon comes-
tible, quoique suspect, appartenant au genre
bolet. C'est le boletus frondosus de Schrank.
BARBET s. m. (bar-bè — rad. barbe, à
cause de ses longs poils, ou Barbarie, comme
pour barbe, cheval). Espèce d'épagneul dont
le poil est long et frisé : Le barbet est très-
intelligent et très-attaché à son maître: mais
la longueur de son poil l'expose d se crotter
affreusement en marchant par les rues. (Buff.)
'Le barbet a les oreilles tout à fait pendantes.
(Cuv.) Un barbet, à giti la mine de cet homme
a déplu, s'est mis tout d'un coup à japper
(Brueys.) S'il lui fallait un peu de volaille,
c'était pour en donner les os à un barbet noir,
son compaynon fidèle. (Balz.)
— Contrebandier des Alpes : Le nouveau
général d'armée se trouva à de nouveaux ex-
ploits, mais ce ne fut que contre les barbets
des vallées. (St-Sim.) Ii Ce nom avait d'abord
été donné aux calvinistes des Cévenues.
V. Barbets.
— Loc. fam. Crotté comme un barbet, Af-
freusement crotté. Il Suivre quelqu'un comme
un barbet, Le suivre partout : // me suit
comme un barbet. Il Chercheur de barbet, Fi-
lou qui s'introduit dans les maisons sous quel-
que prétexte, par exemple pour chercher mi
barbet : Ah! ce sont des chercheurs du
barbets; ce sont des filous qui veulent déro-
ber mes meubles.
— Art milit. Barbette.
— Ichthyol. Nom vulgaire du rouget et du
mulet.
— Adjectiv. Qui est de la race des barbets .
Un chien barbet. Circé changeait en chiens
barbets les compagnons d'Ulysse. (Volt.) Les
chiens barbets ont beau avoir la réputation
d'être les meilleurs amis du monde, ils ne nous
valent pas. (Volt.)
— Encycl. Le barbet est, de tous les chiens,
celui dont l'intelligence paraît le plus suscep-
tible de développement; il est extrêmement
attaché à- son maître, et l'on sait que c'est,
par excellence, le chien de l'aveugle. Sou
odorat est assez fin, et on peut le dresser à
tous les services. 11 aime l'eau et nage avec
la plus grande facilité ; aussi l'emploie-t-on a,
lâchasse des oiseaux aquatiques. L'éducation
de cet animal est très- facile, mais il exige
beaucoup de soins pour être tenu propre.
Il y a deux variétés de chiens barbets : 1<> le
grand barbet, ainsi caractérisé par Cuvier :
■ Tète grosse, ronde ; cavité cérébrale plus
vaste que dans aucune autre race; sinus fron-
taux très-développés ; oreilles larges, pendan-
tes; jambes courtes; corps épuis, raccourci;
queue presque horizontale; poil long, frisé
sur tout le corps, de couleur noire outacheté
de noir sur du blanc, quelquefois tout blanc,
ou bien jaunâtre ou roussaire. • Ce chien at-
teint souvent la grandeur du mâtin, mais il a
généralement le corps plus trapu, les jambes
plus courtes et plus fortes ; 2° le petit barbet,
qui ne diffère du précédent que par sa taille
plus petite et son pelage un peu moins lai-
neux et plus hérissé.
BARBET (Adrien), musicien français. Il flo-
rissait vers la tin du xviû siècle. On a de lui :
Exemplaire des douze tons . de la musique et
de leur nature (Anvers, 1539),
BARBET (Henri), homme politique fran-
çais, né à Rouen en 1789, mort en 1875. Il
prit part aux luttes du libéralisme sous la
Restauration et fut élu par ses concitoyens
maire de Rouen, membre du conseil général
et député (1830). Noyé dès lors dans les ba-
taillons épais du centre, il s'associa à tous les
actes rétrogrades du gouvernement de Juillet,
fut appelé a la Chambre des pairs en 1846 et
enfin rendu aux douceurs de la vie privée par
la révolution de Février. Mais, en 1863, les
électeurs du département de la Seine-Infé-
rieure, voulant mettre un terme à cette inac-
tion, l'envoyèrent siéger comme député au
Corps législatif; le gouvernement avait pa-
tronné sa candidature. Pendant six ans, il
vota toutes les mesures présentées par le
pouvoir, qui le soutint, mais sans succès, aux
2H
218
BAR
BAR
BAR
BAR
élections générales de 18G9. Remplacé alors
par M. Buisson dans la 50 circonscription
de la Seine-Inférieure, il rentra dans la vie
privée et vécut dans la retraite jusqu'à
sa mort.
BARBET (Auguste), économiste français, né
vers 1800. Ancien receveur des finances, il
s'attacha à. Lamennais, se livra, sous son in-
spiration, à l'étude des questions sociales et
collabora avec lui au journal démocratique
lo Peuple constituant en 1848. Lamennais, en
mourant, le nomma son exécuteur testamen-
taire. Ses principaux travaux sont : Essai sur
la régénération morale des prisonniers (1838,
in-8"); Réforme politique, organisation d'une
nouvelle force unitaire et gouvernement/de
•(1840, in-8°) ; Système social et responsabilité
de l'homme {1845, in-8°) ; Du peuple, de Moïse
ù Louis-Philippe (1847, 2 parties formant
S vol. in-8°) ; Mystères de l'homme et de sa
responsabilité, ou De la nécessité du prêt par
l'Etat (1846, in-8°); Projet de constitution du
crédit social (1848, in-S°) ; le Dogme ou la Loi
du xixe siècle (184D, tn-S°) ; Questions finan-
cières, budgets depuis 1848 (1850, in-8°); La-
mennais (1856", in-8°). On lui doit, en outre,
plusieurs brochures : Du sang! Pourquoi du
sang? le Coup de sabre ou V Empire de Sa-
tan, etc.
BARBET DE JOUY (Joseph-Henri), litté-
rateur et archéologue français, néàCanteleu,
près de Rouen, en 1812. Bon père, Jacques-
Juste Burbet, frère du député Henri Barbet,
fut consul de France à l'Ile Maurice et à
Brème et obtint, en 1859, l'autorisation de
joindre à son nom celui de de Jouy. M. Jo-
seph-Henri Barbet de Jouy, après avoir rem-
pli les fonctions de conservateur adjoint des
Antiques et de la sculpture, au musée du
Louvre, devint en 1863 conservateur du mu-
sée des Souverains, fonctions qu'il remplit
jusqu'à la suppression de ce musée. Il est de-
puis lors conservateur de la sculpture mo-
derne et objets d'art du moyen âge et de la
Renaissance. M. Barbet de Jouy. s'est fait
connaître par des ouvrages estimés, qui ont
trait à des matières artistiques et archéolo-
giques. Nous citerons de lui : les Delta Rabbin,
sculpteurs en terre entaillée; étude sur leurs
travaux, suivie d'un catalogue de leurs œu-
vres (1855, in-16); Description des sculptures
modernes de la Renaissance et du moyen âge
du musée impérial du Louvre (1856, in-8°);
les Mosaïques chrétiennes des basiliques et des
églises de Rome, décrites et expliquées (1857,
in-8°); Etude sur les fontes du Primatice
(1859, in-8"); Notice des antiquités, objets du
moyen âge, de la Renaissance et des temps
modernes composant le musée des Souverains
(1865, .in- 12); les Gemme* et joyaux de la
couronne, publiés et expliqués par JJ. Barbet
de Jouy; dessinés et gravés à l'eau-forte, d'a-
près tes originaux , par Jules Jacquemart
(1865 et suiv., in-fol.), ouvrage édité avec un
grand luxe; Musée national du Louvre, des-
cription des sculptures (2 parties in-i2),dont
la dernière u paru en 1874.
BARBET DU BERTRAND (L.-R.), littéra-
teur, né à Tours en 1770. Oratorieu et. pro-
fesseur, 11 embrassa les principes de la Révo-
lution,remp!itdiverses fonctions publiques et
devint inspecteur de la loterie sous l'Empire.
Parmi ses ouvrages, nous citerons: Almanach
philosophique (1792); le Mariage malheureux
(1816); les Trois hommes illustres ou Disserta-
tions sur les institutions politiques de César-
Auguste, de Charlemagne et de Napoléon
(1804); Règne de Louis XVJII ou Histoire
politique et générale de l'Europe depuis la
Restauration (1825), etc.
BARBETS, nom donné aux. calvinistes des
Cévenues, qui avaient conservé, et surtout
leurs ministres, l'usage de porter la barbe, à
Une époque où personne ne la portait plus. On
étendit le même nom aux Vaudoisdes vallées
du Piémont, qui subirent de violentes persé-
cutions à la hn du xvlie siècle.
s. f. (bar-bè-te — fém. de bar-
u barbet : Une barbette noire.
BARBETTE
bet). Femelle d
Une jolie barbette. ,
— xVdjectiv, : Une chienne barbette,
BARBETTE s. f. (bar-bè-te — dim.de barbe).
Autrefois, Petite barbe. Il Guimpe qui couvre
le sein et le cou des religieuses. Il Morceau de
quintin ou de toile claire, que les chanoi-
nesses de Remiremont mettaient devant elles
le jour de leur apprébendement.
BARBETTE s. f. (bar-bè-te — rad. barbe).
Fortif. et artill. Plato-forme en terre, as-
sez élevée pour que les bouches à feu qu'on
y place puissent tirer par-dessus lu plongée
de l'ouvrage, c'est-k-dire par-dessus le para-
pet : Tracer, établir une barbette. Les bar-
bettes des saillants consomment l'excédant de
terres que produit le déblai du fossé, d droite
fil à gauche de la, capitale. (Savait.) Dans
beaucoup de cas, il est nécessaire de pouvoir
diriger promptement le feu de l'artillerie sur
des points quelconques, eu égard uux manœuvres
de t'eunemi auquel il faut pouvoir riposter;
le cation aloi-sdoit être élevé sur une barbette.
(Savait.) Il Batterie de canons ou d'obusisrs
établie sur une barbette : Ordinairement les
barbettes ont leur terre-plein élevé à quatre-
vingts centimètres au-dessus de la crête inté-
rieure de l'ouvrage. (Thiroux.) Il On dit aussi
UATTKKIE K IlAUWtTTH.
— Tirer à barbette, Se dit des pièces qui
tirent par-dessus la plongée de l'ouvrage :
Lorsque la place est sur le point d'être attaquée,
on arme les bastions de trois bouches à feu, ti-
rant À barbette, un obusier de 22 en capitale
et un canon de 16 sur chaque face, pour prévenir
tes surprises. (Thiroux.) Suivant le temps et les
positiotis, les batteries de campagne sont éta-
blies sur le sol naturel, ou enterrées ou rele-
vées, et tirent à embrasures ou k barbette.
(Thiroux.) || En barbette, Se dit de toute
bouche à feu qui est disposée ou que l'on dis-
pose de manière à pouvoir tirer à barbette :
Il y a quatre obusiers en barbette dans cette
redoute. C'est par le moyen du canon, placé en
barbktte, que, dans les premiers moments, on
contrarie, à une grande distance, les opérations
de l'assiégeant. (Savart.)
— Mar. Batterie établie sur le pont supé-
rieur, ou, comme on dit, sur les gaillards.
Elle est découverte, c'est-à-dire non abritée
par un pont; mais, de même que celles des
batteries couvertes, c'est-à-dire placées dans*
l'intérieur du navire, les pièces qui la com-
posent tirent par des embrasures appelées
sabords.
— Fam. Couchera barbette, Coucher sur\in
matelas par terre, sans bois de lit, sans lit de
sangle ou de fer.
— Adjectiv. Une batterie barbette, Une bar-
bette.
— Encycl. On se représente aisément une
barbette pour trois pièces ; elle est ordinaire-
ment établie dans un saillant à niveau de
o™,80 à 0m,90 au-dessus des crêtes; un pan
coupé à la pointe de l'ouvrage permet le tir
d'une pièce dans la direction de la capitale.
I/espace réservé à cette pièce est un rectan-
gle, dont la largeur est de 3m. 50 et la lon-
gueur de 7 à 8 mètres.
Outr£ cette première pièce, on en établit
deux autres tirant perpendiculairement aux
crêtes, et qui occupent des rectangles laté-
raux, dont les dimensions sont de 5 à 6 mètres
et de 7 à 8 mètres ; il reste en commun à ces
doux pièces-un certain espace libre. Les bou-
ches à feu sont amenées sur la barbette au
moyen d'une coupe, limitée à droite et à gau-
che par des talus à 45°, qui viennent couper
le talus, également à 45°, qui limite la bar-
bette vers l'intérieur de l'ouvrage.
BARBETTE s. f. (bar-bè-te — fém. défec-
tueux de barbier). Pop. Femme ou maîtresse
d'un barbier :
La barbette
Est une fillette
Qui donne et prête
Tout ce qu'cllo a.
CLAIItVIU.E.
Bariioite (rue), petite rue de la capitale,
qui formait autretois une partie de la rue
"Vieille-du-Temple actuelle, et restée célèbre
par l'assassinat du due Louis d'Orléans. On
connaît la haine qui existait entre ce prince et
le duc de Bourgogne, Jean sans Peur. Un sem-
blant de réconciliation avait eu lieu entre eux,
grâce aux efforts persévérants d'amis com-
muns, désolés des calamités que leurs que-
relles faisaient peser sur la France. Ils avaient
en tendu la messe et communié ensemble, après
s'être juré « bon amour et fraternité. » Mais
il était facile de voir que le feu couvait sous
cette cendre brûlante; en ce moment même,
le duc de Bourgogne tramait un sanglant com-
plot, qui devait amener la inortdeson rival. Le
duc d Orléans allait tous les soirs rue Vieille-
du-Temple, à l'hôtel Montagu, visiter la reino
Isabeau, qui était alors en relevailles de cou-
ches. Le 23 novembre (1407), un valet de
chambre du roi, gagné par d'Octonville,
l'homme de main de Jean sans Peur, vint
chercher le duc Louis à l'hôtel Montagu, sous
prétexte que le roi le mandait sans délai. Le
due sortit aussitôt, sans autre suite que deux
écuyers et quatre ou cinq valets de pied qui
portaient des torches. Il était huit heures du
soir. Quand il fut arrivé près de la porte Bar-
bette, une vingtaine d'hommes déterminés,
que d'Octonville avait cachés dans une maison
de la rue Vieille-du-Temple, près de la porte
Barbette et de l'hôtel Montagu, se précipitè-
rent ensemble sur le duc et sa faible escorte,
tandis que d'Octonville criant : A mort.' d mort !
lui abattait le poignet d'un seul coup de hache.
a Je suis le duc d'Orléans, s'écria l'infortuné
prince. — C'est ce que nous demandons,» ré-
pondirent les assassins, et ils le renversèrent
à terre, lo frappant si rudement que sa cer-
velle jaillit sur la chaussée. Un de ses écuyers,
qui avait voulu le couvrir de son corps, fut
égalementtué surplace. Les autres serviteurs
du duc s'enfuirent en criant: Au meurtre!
tandis que les assassins poussaient, de leur
côté, les cris : Au feu! En effet, ils venaient de
mettre le feu à la maison d'où ils étaient sor-
tis, sans doute afin de détruire toutes les
traces du crime, et ils s'enfuyaient en jetant
derrière eux des chausse-trapes, afin qu'on
ne pût les poursuivre.
Ce sanglant événement est resté, pour ainsi
dire, légendaire, et on le désigne souvent par
ces simples mots : )! assassinat de la rue
Barbette.
BARBETTE (Paul), niédecin, né à Stras-
bourg. Il vivait à Amsterdam dansla deuxième
moitié du xvii<= siècle et eut de son temps une
réputation dont l'éclat est depuis longtemps
évanoui. Il proposa la gastrotomie comme
moyen de guérir la maladie connue sous le
nom d'intussusception des intestins, et il apporta
une heureuse modification à la canule de
Sanctorius pour la paracentèse. Il préconi-
sait la saignée, comme Dubois del Boë, et pré-
tendait guérir toutes les maladies par les su-
dorifiques. Ses ouvrages, conçus dans un
esprit systématique, sont tombés rapidement
en discrédit et n'ont plus aucun intérêt au-
jourd'hui.
BARBETTI (Jules-César), luthiste et musi-
cographe italien, de la seconde moitié du
xvie siècle. Il composa une méthode de doigté
pour les luths à six et à sept cordes, sous le
titre de : Tabulai musics testudinariœ hexa-
cords et heptacordm.
BARBETTI (Angelo), sculpteur italien, né à
Sienne en 1803. Il a adopté un genre particu-
lier, la sculpture ou la ciselure sur bois, qu'il
traiteavec une supériorité de goûtdont témoi-
gnent les façades dos cathédrales de Sienne et
d'Orvieto, qui sont des chefs-d'œuvre de déli-
catesse. En 1851, il obtint une médaille d'hon-
neur à l'Exposition universelle de Londres,
pour un coffret d'une exécution ravissante.
BARBEU-DUBOURG (Jacques), médecin et
botaniste, né à Mayenne en 1709, mort à Paris
en 1779. Ses principaux ouvrages sont : le
Botaniste français (1767), élégant traité élé-
mentaire qui propagea le goût de la botanique ;
Des usages des plantes; une traduction des
Lettres sur l'histoire, de Bolingbroke, etc.
C'est lui qui fut l'éditeur des Œuvres de
Franklin, traduites par L'Ecuy (1773).
BARBEY (Marc), médecin, né à Bayeux,
mort vers 1600. Il montra un grand dévoue-
ment pour ses concitoyens pendant une peste,
mais refusa de donner ses soins aux ligueurs
atteints parle fléau. Peut-ètreétait-ce pousser
la fidélité de parti un peu loin, pour un homme
de sa profession ; mais rien ne put vaincre sa
résolution, ni les menaces, ni l'exil de la cité,
ni lo pillage de ses propriétés. Il devint plus
tard médecin de Henri IV.
BARBEY D'AUREVILLY (Jules), littérateur
français, Jié k Saint-Sauveur-le-Vicomte
(Manche) en 1811. Le premier roman publié
par M. Barbey d'Aurevilly avait pour titre :
l'Amour impossible (1841, in-80)- L'auteur pa-
raît s'être proposé d'en faire une sorte de con-
tre-poison pour le mal qu'avait dû, selon lui,
produire l'apparition de Lélia, un des plus célè-
bres romans de George Sand. La Bague d'An-
nibal, qui parut en 1843, fit peu parler d'elle.
Un livre intitulé Du dandysme et de G. Brum-
mel (1845, in-16) montra dans M. Barbey
d'Aurevilly un admirateur presque enthou-
siaste d'un genre de vie bien frivole et bien
inutile. A partir de 1851, il fut attaché à la
rédaction du Pays, journal de l'empire, où
ses articles de critique littéraire se firent
remarquer par la vivacité des attaques et
par leur forme acerbe. 11 dut sortir de ce jour-
nal vers 1861, à la suite d'une polémique ir-
ritante. Dans l'intervalle, il avait fondé, avec
M. Granier de Cassagnac, une feuille intitu-
lée le Réveil, ou les œuvres des littérateurs
appartenant au parti libéral étaient souvent
attaquées avec aigreur. Cette feuille n'eut
qu'une existence éphémère. Tout en colla-
borant à ces journaux, M. Barbey d'Aurevilly
publia les Prophètes du passé (1851, in-lG),
dont nous ferons suffisamment connaître
l'esprit par la citation de ces phrases : « Nos
pères ont été sages d'égorger les huguenots
et bien imprudents de ne pas brûler Luther.
Si, au lieu de brûler les écrits de Luther,
dont les cendres retombèrent sur le monde
comme une semence, on avait brûlé Luther
lui-même, le monde était sauvé, au inoins
pour un siècle. » L'auteur affirme que le gou-
vernement des peuples repose sur des prin-
cipes immuables et de droit divin, dont la
garde appartient à l'Eglise, qui représente
Dieu. Il est de l'école de Joseph -de Maistre,
qui voulait que l'ét''de des questions morales
et politiques fût réservée aux évêques et à
quelques familles nobles ; quant aux autres,
ajoutait Joseph de Maistre, de quoi ont-ils à
se plaindre? ne leur reste-t-il pas la botani-
que? Après les Prophète; du passé, nous
tombons en plein roman' de boudoir. Les
situations risquées qui abondent dans Une
vieille maîtresse (1851, 3 vol. in-8u) valu-
rent à ce livre un succès de curiosité mal-
saine. Le style vise trop à l'effet; on y
remarque des phrases comme celles-ci :
« Une lèvre roulée comme une grappe de
rubis. — Le liquide cinabre de sa bouche.
— Un sang bouillonnant qui trahit tout à coup
sa rutilance sous un tissu pénétré. — La des-
tinée couronnée d'un sceau de pourpre. —
Vellini (l'héroïne), avec une inflexion de ses
membres de mollusque, dont rticulations
ont des mouvements de velours, fait tout à
coup relever les désirs entortillés au fond de
l'âme de son amant. • Le plus curieux, c'est
que l'auteur glisse ses aspirations catholiques
au milieu de ce1 peintures sensuelles et de I
ce style si plein d'une recherche toute mon-
daine. L1 Ensorcelée, ricochets de conversation
(1854, 2 vol. in-8°) suivit Une vieille maîtresse.
Elle lui est supérieure par le style et par la
composition. Les luttes ténébreuses de la
chouannerie servent de point de départ à
l'action et donnent à l'esprit catholique et
monarchique de l'écrivain une excellente oc-
casion de se faire jour dans les paroles et
les actes de l'abbé de La Croix-Jugan, prê-
tre et soldat. Une deuxième série de l'Ensor-
celée est venue ensuite sous le titre du Che-
valier Deslouches{iSG4, in-ia). En isoi, M. Bar-
bey d'Aurevilly publia les Œuvres et les hom-
. mes. On devine que dans ce livre les libres
penseurs sont traités à coups de cravache,
comme Murât traitait les Cosaques; mais ce
?ui étonne, c'est que l'auteur, fatigué de
rapper sur l'ennemi, finit par tomber sur
ses amis; MM. Veuillot et Nettement ne sont
' guère mieux traités que MM. Renan et Littré.
Nous n'avons plus à signaler, parmi les der-
nières productions de M. Barbey d'Aurevilly,
qu'une étude sur les Misérables, de Victor
Hugo (1802, in-12); les Quarante médaillons
de l'Académie française (1863, in-12), où sont
loin d'être ménagés des noms dignes de l'es-
time et de la sympathie de tous ; Un prêtre
marié (1SC5, 2 vol. in-12), roman étrange et
sombre, qui n'a point eu le succès que le titre
promettait et au sujet duquel M. Paul do
Saint-Victor a dit : « L'esprit se révolte con-
tre une telle morale ; cela est surhumain et
inhumain à la fois. L'intelligence proteste,
mais l'imagination est fanatisée. » Citons en-
tin les Diaboliques (1874, in-8°), ouvrage qui
a été saisi chez l'éditeur Dentu. M. Barbey
d'Aurevilly a collaboré en outre à divers
journaux, notamment au Nain jaune.
Terminons cette biographie par une appré-
ciation qu'on ne pourra pas accuser d'hosti-
lité, puisqu'elle est empruntée à M. Paul de
Saint-Victor": o L'Eglise militante, dit- il, n'a
pas de champion plus fougueux qjie ce tem-
plierde la plume, dont la critique guerroyante
est une croisade perpétuelle. Mais V.? polé-
miste intraitable est en inéme temps utV^çri-
vain de l'originalité la plus fière... On pèW
séparer en lui l'artiste du croisé, l'homme
d'invention et de stylo de l'homme de lutte
et de paradoxes... Il y a un roman anglais,
intitulé A outrance; ce pourrait être la de-
vise du talent de M. d'Aurevilly. Jamais
peut-être la langue n'a été poussée à un plus
fier paroxysme. C'est quelque chose de bru-
tal et d'exquis, de violent et de délicat, d'a-
mer et de raffiné. Cela ressemble à ces breu-
vages de la sorcellerie, où il entrait à la fois
des fleurs et des serpents, du sang de tigre-
et du miel. »
BARBÉYER OU BARBÉIER V. n. OU illtr.
(bar-bé-ié).Mar. S'agiter, être secoué, en par-
lant de la voile que le vent rase sans la gon-
fler, ce qui est avantageux lorsqu'on veut se
tenir au plus près du vent sans gagner, afin
de faire le moins de chemin possible en te-
nant le bâtiment gouvernant : On ne peut
guère faire barbéyer les voiles que par un
veut frais maniable, sans grosse mer. (Willau-
mez.j u On dit plus souvent kasier.
BARBEYRAC (Charles), médecin, né à Cé-
reste (Provence) en 1629, mort en 1099. Il eut
une brillante renommée comme praticien. Le
philosophe Locke le plaçait au même rang que
Sydenham. Hors sa thèse de concours, il n'a
rien écrit, et tout ce qu'on sait de ses théories,
c'est qu'il avait judicieusement abandonné la
méthode d'accabler les malades de remèdes,
méthode fort en vogue parmi les médecins do
son temps.
BATtBEYRAC (Jean), littérateur et publi-
ciste, neveu du précédent, né à Béziers", en
1674, de parents calvinistes qui l'emmenèrent
en Suisse lors do la révocation de l'édit de
Nantes. Il occupa successivement la chaire
de droit et d'histoire à Lausanne, et celle do
droit public k Groningue. L'Académie de
Berlin l'admit dans son sein, et il mourut en
1744. Il a traduit en français les traités du
Droit de la nature et des gens; des Devoirs
de l'homme et du citoyen, par Pufendorf;
l'ouvrage de Grotius sur le Droit de la guerre
et de la paix, et a enrichi ces diverses traduc-
tions de notes savantes et très-estimées, quoi-
que un peu prolixes. Parmi ses ouvrages ori-
ginaux, on distingue l'Histoire curieuse des
anciens traités; le Traité du jeu ; le Truite de
la morale des Pères, etc. Il a, en outre, colla-
boré à la Bibliothèque raisonnée des ouvrages
des savants de l'Europe (1728- 1*53), à Y H istoirc
littéraire des principaux écrits (1738-1744), et à
divers autres recueils. Voltaire a laissé un sou-
venir de ce savant laborieux: «Il semble, dit-il,
que ses l'raités du droit des gens, de la guerre
et de la paix, qui n'ont jamais servi, ni à
aucun traité de paix, ni à aucune déclaration
de guerre, ni à assurer le droit d'aucun homme,
soient une consolation pour les peuples des
maux qu'ont faits la politique et la force. •
BARBEZIEUX, ville de France (Charente),
ch.-l. d'aiToud.,à34kilom.S.-0.d'A]igoulême,
à 473 kilom. S.-O. de Paris; pop. aggl.,
2,871 hab. — pop. tôt., 3,829 hab. L'arrond.
comprend 6 cantons, 80 communes, 50,834 hab.
Tribunal de lre instance et justice de paix.
Tannerie, fabriques de toile. Commerce do
grains, bestiaux, volailles truffées, toiles.
Eaux minérales à Reignac.
Cette petite ville, très-ancienne, est bâtio
en amphithéâtre sur un monticule qui domino
à 10, le Trèfle et à l'E. le Oondéon; c'était '
autrefois une ville forte assez importante,
chef-lieu d'une seigneurie dépendant de cello
de La Rochefoucauld, et qui passa dans la
maison de Louvois. Son château fort fut dé-
moli par les Anglais pendant les guerres do
Guyen*ne,etses fortifications furent rasées au
xvmc siècle. Marguerite de La Rochefoucauld
fit reconstruire lu château, dont il reste encore
BAR
BAR
BAR
BAR
219
une partie, qui sert aujourd'hui de prison.
Après le château et sur la route de Bordeaux,
on remarque à Barbezieux une belle prome-
nade, les vieilles halles et l'église des Corde-
lière.
BARBEZIEUX (le marquis de). V. Bardé-
SIEUX.
BARBIA. BARB1UM, noms latins de Barby.
(V. ce mot).
BABBIAN et BEI.GIOJOSO V. belGiOjoso.
BARBIAM (Octavien), jurisconsulte italien,
mort à Rome en 1572, est auteur de l'ouvrage
suivant : Practica judiciorum de officiis et
officialibus aulœ romance... (Cologne," 1573, et
Komc, 1609). — Son fils, Norcello Vestrio bar-
biani, se distingua comme orateur et comme
poëte latin. Outre des discours d'apparat sur
divers sujets, il a donné un poème latin : De
Fmdere in Turcas.
BARBIAM (Jean-Baptiste-Simon), peintre
italien, né à Ravenne, mort en 1650. Ses couvres
les plus importantes sont dans sa ville natale.
On cite surtout la Madona del Sudore, petite
coupole dans la cathédrale. — Son petit-iils
André fut également un peintre estimable.
On voit de lui beaucoup de tableaux d'autel à
Eimini et à Ravenne.
BARBIANO (Albéric 1er, comte), capitaine
italien du xiv» siècle , changea l'état mi-
litaire de sa patrie en formant une armée
composée /^'Italiens, au lieu de ces bandes
d'aventuriers de toutes races qui constituaient
alors la force militaire des Etats de la Pénin-
sule. Sa légion, dite de saint Georges, devint
une école où se formèrent de célèbres capi-
taines. 11 la mit successivement au service de
Clément VII, de Charles III, roi de Naples,
qui le nomma grand connétable ; de Jean Ga-
leas Visconti, duc de Milan ; enfin de Ladislas,
roi de Naples. Il mourut en 1409. — Son fils,
Albéric II Barbiano , comte de Zagonaria,
possesseur de grands fiefs dans les Apennins,
se mit sous la protection des Florentins ; mais,
assiégé en 1424 par Ange de la Pergola, gé-
néral du duc de Milan, il se soumit à ce
prince, et combattit dès lors ses anciens alliés
les Florentins, sur lesquels il remporta de
nombreux succès. — Jean Barbiano, oncle
du précédent et frère d'Albéric I", se mit au
service des Polonais, et combattit, pour les
Florentins, le roi de Naples et lo duc de Milan.
Dans les guerres civiles de Fcrrare, en 1394,
il prit le parti d'Azzo d'Esté contre Nicolas III,
feignit cependant d'entrer dans les complots
de ce dernier, et, de concert avec Azzo, son
ami, assassina un domestique, dont il présenta
le cadavre défiguré comme celui d'Azzo. Ni-
colas III, trompé un moment, lui livra les châ-
teaux qu'il lui avait promis comme prix du
meurtre. Barbiano s'étant mis, en 1401, au
service de Bentivoglio, celui-ci lui fit peu
après trancher la tête, sur un simple soupçon.
BARBICAN s. m. (bar-bi-kan. — contract. dn
barbu et toucan, comme ayant des analogies
avec ces deux genres). Ûrnith. Genre d'oi-
seaux grimpeurs, de la famille des barbus,
comprenant une dizaine d'espèces, dont la
plupart, sinon toutes, habitent l'Afrique. On
les appelle aussi poijonies (pogonias) : Les
barbicans grimpent sur les branches, à la ma-
nière des pics, quoique beaucoup moins leste-
ment. (Lafresnaye.) Le barbican a. leplumage
de couleur noire sur la tête. (V. do Bomare.)
— Encycl. Le genre barbican ou pogonie
est très-voisin des barbus, mais il a aussi des
analogies avec les toucans. Il ressemble aux
premiers par son bec, dont la base est entou-
rée de poils, et par sa langue charnue; aux.
seconds par son bec fort et dentelé, mais
bien plus compacte, moins- long, cannelé et
comprimé latéralement; aux uns et aux au-
tres par ses deux doigts antérieurs réunis
jusqu'à la seeonde articulation. Les espèces
de ce genre paraissent propres à l'Afrique.
Le barbican masqué est l'un c'es plus connus ;
il habite la Cafrerie. L'espè~e que Buffon a
décrite venait des côtes de la Barbarie. Les
mœurs des barbicans sont analogues à celles
des barbus.
barbiche s. f. (bar-bi-che — rad. barbe).
Touffe de barbe isolée qu'on laisse croître au
menton : Porter la barbiche. Le fat! il a
une assez jolie barbiche. (De Louven.)
— Bot. Nom vulgaire do la nigelle do
Damas. ~
BARBICHE s. m. (bar-bi-che, — dim. de
barbet). Petit barbet. Il On dit aussi barui-
CHET Ot BARBICHON.
BARBICHON s. m", (bar-bi-chon — rad.
barbe). Dunin. do barbet, Petit barbet : Un
joli BARBtcHON, il Ornith. Espèce de gobe-
mouches, qui habite la Guyane, et qui est
ainsi appelé à cause des soies dont son bec
est couvert.
BARBiqORNE adj. (bar-bi-lsor-ne — du
lat. barba, barbe; cornu, corne). Entom. Qui
a un faisceau de poils à la naissance des an-
tennes.
— s. m. Genre de lépidoptères diurnes, à
antennes cétacées, voisin des uranies , et
comprenant une seule espèce, qui vit au Brésil.
BARBIE (J.), graveur au burin et au poin-
tillé, travaillait à Paris de 1735 à 1779, sui-
vant M. Ch. Blanc. Ses principaux, ouvrages
Sont_: la Sainte Famille, d'après le Corrégo;
ia Venue de Sarepta ou l'hospitalité récom-
pensée, d'après le Cortone; Sainte Geneviève,
d'après Angelica KamTmann ; les Principes
du dessin, 5 planches gravées à la manière
du crayon, d'après P. Mignot; quelques por-
traits, entre autres ceux de Voltaire et de
J.-J. Rousseau ; etc.
BARBIE DU BOCAGE (Jean-Denis), géo-
graphe ■distingué, né à Paris en 1760, mort en
1825 , fut le seul élève qu'ait formé le célèbre
d'Anville. Géographe au ministère des rela-
tions extérieures, en 1780, attaché au cabinet
des médailles en 1783, il fonda sa réputation,
en 17S8, par la publication de son bel Atlas du
Voyage, du jeune Anacharsis, fut nommé, en
1792, conservateur des collections de cartes
géographiques de la Bibliothèque nationale,
puis professeur a la Sorbonne (1S09). En 1821,
il fonda la société de géographie, dont il fut
le président. Il était membre de l'Institut.
Ses cartes, ses mémoires et ses plans pour
le Voyage pittoresque en Grèce, de Choiseul-
Gouffier, pour les œuvres de Thucydide, de
Xénophon, d'Arrien, etc., prouvent la pro-
fondeur de son érudition dans la géogra-
phie ancienne , qui lui dut d'importants pro-
grès. Il a aussi dressé un grand nombre de
cartes modernes, et publié d'excellentes dis-
sertations dans divers recueils scientifiques.
Ses deux fils ont cultivé la même science
avec succès. Les travaux de ce laborieux
savant ont sans doute été dépassés, par suite
des progrès accomplis dans la critique histo-
rique, dans l'ethnographie, la géographie ma-
thématique et l'archéologie; mais il n'en
conserve pas moins la gloire d'avoir fait
faire à la science les progrès les plus décisifs.
En outre, la plupart de ses productions peu-
vent encore être consultées avec fruit.
BARBIER s. m. (bar-biô — rad. barbe).
Individu dont la profession est do raser et
de soigner la barbe : Vous croyez avoir affaire
à quelque barbier de village, qui ne sait ma-
nier que le rasoir. (Beaumarcli.) Le barbier
d'Auguste, Licinius, se fit construire un tom-
beau magnifique. (Vitet. ) Mon ami venait
sans doute de dépenser quelques sous pour sa
coiffure chez un barbier, car il était rasé.
(Balz.) A Rome, comme à Athènes, les bouti-
ques de barbiers étaient le rendez-vous des
oisifs et des nouvellistes. (Bouillét.) Pierre
Labrosse, barbier de saint Louis, devint mi-
nistre de Philippe le Hardi; Olivier le Daim,
barbier de Louis XL, fut aussi son confident.
(Bouillet.)
— Prov. Un barbier rase l'autre, Les gens
de même profession ont l'habitude de se sou-
tenir mutuellement.
— Chirurgien barbier, Autrefois, Individu
qui réunissait ces deux professions, ce qui était
assez commun.
— Nom qu'on donnait, on Allemagne, à des
lutins qui venaient raser les gens pendant
la nuit.
— Ornith. Espèce de gobe-mouches.
— Ichthyol. Nom vulgaire d'un poisson du
genre anthias, qui vit dans la Méditerranée
ot l'Océan. Son nom lui vient de sa nageoire
dorsale, dont le premier rayon est long, fort
et tranchant comme un rasoir.
— Hist. Officier chargé do soigner la barbe
du roi, et ayant bouche à la cour.
— Encycl. Quoique la barbe et les cheveux
soient donnés à l'homme par la nature, et
qu'à ce titre un philosophe, bien convaincu
que la nature ne fait rien d'inutile, aurait
peut-être le droit de soutenir que l'homme
doit conserver précieusement ce double orne-
ment de sa tête, il paraît certain que, dès la
plus haute antiquité , l'usage de couper les
cheveux et la barbe s'est établi chez presque
tous les peuples. Les. Egyptiens connaissaient
les barbiers, qui avaient même chez eux
beaucoup d'occupation, s'il faut en croire un
passage trouvé sur un papyrus hiéroglyphique
traduit par M. S. Birch : « Il rase jusqu'à la
nuit; ce n'est que lorsqu'il se meta manger
qu'il se place sur son coude (qu'il prend du
repos). Il se présente de merus en merus
(maison) pour chercher ses barbes (ses clients
à raser) ; il fatigue ses bras pour remplir son
ventre, semblable à l'abeille qui se nourrit
de son travail. » Les Grecs et les Romains
avaient leurs barbiers, que les premiers appe-
laient du nom de koureus, et les seconds de
tonsor, ce qui prouve que, dans le principe, ces
industriels tondaient la barbe avec des ci-
seaux ; mais, plus tard, la mode voulut que les
visages fussent rasés, et l'usage du rasoir
devint nécess'aire. A Athènes comme à Rome,
les boutiques des barbiers étaient le rendez-
vous de tous les oisifs ; c'était là qu'on appre-
nait les nouvelles du jour, qu'on tournait en
ridicule les puissants, qu'on mettait en circu-
lation toutes les médisances et tous les caque-
tages. Quand Horace veut faire entendre
qu une chose est bien connue de tout le monde,
il dit qu'elle court les boutiques des barbiers.
Il en était de même chez nous avant que
l'usage de se raser soi-même se fût généralisé
comme il l'est aujourd'hui, et il en est encore
ainsi dans nos petites villes et dans nos cam-
pagnes : le barbier est toujours l'homme qui
connaît le mieux les nouvelles du quartier ; il
les raconte à ses pratiques en les rasant, et il
acquiert ainsi une certaine faconde, qui le fait
toujours ressembler plus ou moins au Figaro
de Beaumarchais.
Au moyen âge, la profession de barbier prit
une certaine importance, parce que, devenus
habiles à manier lu rasoir, Ic.« !■"> hiers sVi-io-
gèrent le droit de manier aussi la lancette et
le bistouri. Les docteurs en médecine auraient
cru déroger si, après avoir ordonné une sai-
gnée, ils l'avaient pratiquée eux-mêmes ; ils
laissaient ce soin aux chirurgiens, et c'étaient
presque toujours des barbiers qui en remplis-
saient l'office, d'où on leur donna le nom de
frater, pris dans le sens de aide. Certains
barbiers joignirent même l'exercice de la mé-
decine à celui de la chirurgie, ce qui ne les
empêchait pas de raser toujours les barbes et
de couper les cheveux. Avant de les appeler
frater, on les nommait mires, ce qui veut dire
médecin tout autant que chirurgien. Le mire
du roi était le chef de toute la corporation;
c'était une fonction très-recherchée, parce
que les rapports journaliers du mire avec le
roi lui donnaient la facilité de demander une
foule de faveurs, et le mire avait ses courti-
sans comme le prince. Notre histoire rapporte
plusieurs exemples de simples barbiers, qui,
après s'être introduits dans les bonnes grâces
du roi, sont devenus des hommes politiques :
nous pouvons citer Pierre Labrosse, sous
Philippe III le Hardi, et Olivier Le Daim, sous
Louis XI ; il est vrai que tous les deux péri-
rent par le gibet, circonstance bien capable de
refroidir un peu l'ambition des barbiers. Pen-
j dant lexvie siècle, les corporations de barbiers
établies dans les principales villes du royaume,
usurpant de plus en plus les attributions des
chirurgiens, prirent le titre de chfrurgiens-
barbiers ; mais une ordonnance du prévôt de
Paris, confirmée ensuite par un arrêt du par-
lement, les condamna à remplacer ce titre
par celui de maîtres barbiers-chirurgiens, et à
prendre pour enseigne des bassins blancs, au
lieu des bassins jaunes qu'ils avaient adoptés
et qui furent réservés aux chirurgiens. On
voit encore aujourd'hui des bassins se balan-
cer comme autrefois sur la porte de nos petits
barbiers; mais ils peuvent les choisir de la
couleur qui leur plaît le mieux, et nos chirur-
giens leur en ont absolument abandonné lo
monopole. Il est vrai que, par compensation,
ils leur ont repris toutes les fonctions chirur-
gicales et ne leur ont laissé pour instruments
que le rasoir et les ciseaux. La mode des per-
ruques, qui prit une si grande extension sous
le règne de Louis XIV, rendit plus florissante
que jamais la profession des barbiers, et, dès
lors, ils prirent presque tous le titre de perru-
quiers. Mais cette mode était trop ridicule
pour durer longtemps. On comptait huit bar-
biers en titre dans 1 état de la maison royale ;
leurs fonctions consistaient à peigner le roi,
tant le matin qu'à son coucher, à lui faire le
poil, à l'essuyer aux bains ou aux étuves, et
après qu'il avait joué à la paume. Sous la
Restauration, cet office fut rétabli, mais les
titulaires furent réduits à deux ; il y avait en
outre quatre barbiers du commun, et tous prê-
taient serment de fidélité entre les mains du
premier gentilhomme de la chambre. Aujour-
d'hui, dans nos grandes villes surtout, il n'y a
plus de barbiers, si ce n'est dans quelques
quartiers perdus habités par les classes les
plus pauvres ; il n'y a que des coiffeurs ;
quelques-uns même, ne trouvant pas ce nom
assez distingué, se disent artistes en cheveux
ou en coiffure : quand on prend du galon...,
ce qui ne les empêche pas de faire la barbe,
comme leurs prédécesseurs, à tous ceux qui
veulent bien leur confier leur menton. Mais ils
prennent plus cher, et c'est par là , surtout,
qu'ils tiennent à se mettre à la hauteur de leur
siècle.
— Anecdotes. Peu de jours après son ar-
rivée à la Bastille, Linguet voit entrer dans sa
chambre un grand homme sec qui lui cause
quelque frayeur : « Qui êtes-vous, monsieur ?
lui dit-il. — Je suis le barbier de la Bastille.
— Parbleu 1 vous auriez bien dû la raser. »
» *
Un barbier, grand bavard, allant pour la
première fois raser le roi Archélaûs, et voyant
que ce prince ne lui adressait pas la parole :
« Sire, dit-il, je rase de différentes manières;
comment souhaitez-vous que je vous rase?
— Sans dire mot, » lui répondit le roi.
Un barbier qui faisait l'entendu depuis que
l'une de ses pratiques lui avait dit un jour,
plaisamment, qu'il était de la famille de Figaro,
barbier espagnol de beaucoup d'esprit, s'était
mis dans la tête de prophétiser. Un jour qu'il
annonçait gravement que la tin du monde ar-
riverait bientôt, que les bètes mourraient le
2 et tous les chrétiens le 4. « Mais alors, lui
réplique un client, qui donc nous rasera le 3 ? •
4
Un barbier maladroit avait coupé, en le ra-
sant, M. De la Motte, évêque d'Amiens, et se
retirait après avoir reçu son salaire. M. De la
Motte, sentant le sang couler sur son visage,
le fit rappeler; et, lui mettant dans la main
une nouvelle pièce de monnaie : « Tenez, lui
dit-il, je ne vous avais payé que pour la
barbe, voilà pour la saignée. » Le barbier
chercha à s'excuser, en disant qu'il avait ren-
contré un bouton : « C'est cela, reprit l'évo-
que, et vous n'avez pas voulu qu'il restât sans
boutonnière. »
*- +
Lambin, mon barbier et le vôtre,
Rase avec tant de gravité,
Que, tandis qu'il rase un côte,
La barbe repousse de l'autre.
{Epi'j. de Martini; Unit, par Lebrun).
BARBIER (Domenico del), dit le Florentin,
peintre, sculpteur et graveur, né à Florence
en 1501, vint en France en 1544 pour aider
son maître, le Rosso, dans les travaux de
Fontainebleau et de Meudon. Il a laissé des
gravures rares et recherchées : le Repos de
(a Sainte Famille; la Madeleine pénitente,
d'après le Titien; Vénus, Mars et l'Amour,
d'après le Rosso; le Festin d'Alexandre,
d'après le Primatice ; divers morceaux d'après
Michel-Ange, etc.
BARBIER (Josué), ministre protestant, avo-
cat au parlement de Grenoble, né à Die vers
1572. Il jouissait d'une grande influence dans
son parti, mais fut ramené au catholicisme
par André de Léberon , évêque de Valence
et de Die, et reçut une pension sur les fonds
du clergé (1615). Devenu un objet de mépris
pour ses coreligionnaires, il publia, en 1618, un
ouvrage assez curieux pour expliquer sa con-
version : la Ministroqraphie huguenote. On a
encore de lui : les Miraculeux effets de la
sacrée main des rois, opuscule destiné à célé-
brer la main des rois de France comme un
spécifique contre les écrouelles. 11 paraît que
cette superstition était encore florissante à
cette époque.
BARBIER (Louis), surnommé. l'abbé De la
Rivière, évêque de Langres, mort en 1670.
Fils d'un pauvre tailleur d'Etampes, il devint
aumônier de Gaston, duc d'Orléans, dont il
livrait les secrets à Mazarin. L'épiscopat fut
la récompense de son zèle. Il avait légué
100 écus au poète qui lui ferait son épitaphe.
La Monnoye régala son ombre de la sui-
vante :
Ci-glt un très-grand personnage,
Qui fut d'un illustre lignage,
Qui posséda mille vertus,
Qui ne trompa jamais, et qui tut toujours sage...
Je n'en dirai pas davantage :
C'est trop mentir pour cent écus.
BARBIER (Edmond -Jean), jurisconsulte, né
à Paris en 1636, mort en 1735. Il avait une
telle connaissance de la coutume de Paris,
que l'on disait proverbialement que, si le. texte
s'en perdait, il le rétablirait de mémoire. Il
est, avec Bretonnier, l'un des auteurs des
notes ajoutées à la troisième édition de l'Insti-
tution au droit français,yar Argou. L'avocat
Barbier, auteur d'un Journal du règne de
Louis XV, était son fils.
BARBIER (Edmond-Jean-François), fils du
précédent, avocat au parlement, né à Paris
en 1089, mort en 1771, auteur d'un Journal
historique et anecdotique durègne de Louis XV
(de 1718 à 1762), qui contient des renseigne-
ments intéressants sur cette période, et em-
brasse le long espace compris entre la fin des
Mémoires de Saint-Simon et le commencement
de ceux de Bachaumont. M. De laVillegilleen
adonné une édition (1847-1849). Une nouvelle
édition a paru en 1856.
BARBIER (Marie-Anne), femme poëte, née
à Orléans vers la lin du xvne siècle, morte en
1742, à Paris, où elle était depuis longtemps
fixée. Liée d'amitié avec l'abbé Pellegrin, ou,
suivant d'autres, unie à lui par un sentiment
plus tendre , elle en reçut des conseils, et com-
posa elle-même plusieurs pièces de théâtre :
Arria et Pœtus, Cornélie, Thomyris, tragédies
où elle exalte les vertus de son sexe; la Mort
de César, autre tragédie; le Faucon, comédie.
Elle donna aussi quelques opéras et ballets.
Toutes ces pièces ont été représentées avec
assez de succès.
BARBIER (François de Sales), chanoine,
né en 1759, mort en 1824. 11 professa les belles-
lettres et les mathématiques dans son abbaye,
située dans les gorges du Jura, à quelques
lieues de Porentruy, et où florissait une écolo
célèbre. Cette maison ayant été supprimée
lors de la conquête française, le père Barbier
voyagea en Allemagne, et s'occupa de nou-
veau d'instruction publique à son retour. Il a
traduit de l' allemand, de Schmidt : Geneviève
de Brabant, sous une nouvelle forme, à l'usage
des mères et des enfants.
BARBIER (Jean-Baptiste-Grégoire), méde-
cin, professeur de botanique au Jardin des
plantes d'Amiens, a donné les ouvrages sui-
vants : Exposition des nouveaux principes de
pharmacologie (1803) ; Principes généraux de
pharmacologie ou de matière médicale (1S0S);
Traité d'hygiène (1S11); Traité élémentaire de
matière médicale (1S19-1S20).
BARBIER (le baron Joseph-Athanase) , ha-
bile chirurgien français, montra un dévoue-
ment infatigable, en I8i4;envers les nombreux
blessés de la campagne de France, et succéda
à Dnfouarre comme chirurgien en chef du
Val-de-Grâce. Par ses cours dans cet hôpital,
et par une pratique assidue, il a puissamment
contribué aux progrès de la chirurgie mili-
taire. Il cessa son service en 1S24 , et reçut le-
titre de baron.
BARBIER (Antoine-Alexandre), savant bi-
bliographe, né à Coulommiers en 1765, mort en
1825, fut envoyé à Paris, en 1794, par lo dé-
partement de Seine-et-Maj-iie, comme élève
de l'école Normale ; choisi, peu de temps après,
pour faire partie de la commission temporaire
des arts, adjointe au comité d'instruction pu-
blique de la Convention nationale (section de
bibliographie) , il devint ensuite membre du,
conseil de conservation des objets de science
et d'art. Il rendit alors des services inappré- _
ciablcs, en sauvant de la destruction et en pla-"
220
BAR
BAR
BAR
BAR
çant dans les principales bibliothèques publi-
ques de la capitale, les richesses littéraires en-
tassées dans les dépôts formés à la hâte après
la suppression de divers établissements civils
et ecclésiastiques. Plus tard, il fut successi-
vement bibliothécaire du Directoire , du con-
seil d'Etat et de Napoléon. C'est par ses soins
qu'ont été formées les bibliothèques du Lou-
vre, de Fontainebleau, de Compiègne et de
plusieurs autres palais impériaux. Sous la Res-
tauration, il devint administrateur des biblio-
thèques de la couronne, fonctions qu'il ne con-
serva que jusqu'en 1822.
Comme bibliothécaire de l'empereur, Bar-
bier fut souvent appelé auprès de Napoléon ;
il lui présentait les principaux ouvrages au
moment de leur publication ; et, pendant les
campagnes, il lui envoyait les nouveautés avec
des analyses. En 180S et 1809, il eut à rédiger,
d'après les ordresde Napoléon, les Catalogues
d'une Bibliothèque portative et d'une Biblio-
thèque historique de 3,000 volumes, que l'em-
pereur eut le projet de faire imprimer.
Ses principaux ouvrages sont: Catalogue de
la bibliothèque du conseil d'Etat (Paris, im-
primerie de la République, 1803,2 vol. in -fol.),
ouvrage dans lequel se trouvent dévoilés un
très-grand nombre d'anonymes. Dictionnaire
des anonymes et pseudonymes (Paris, 1806-
1808, 4 vol. in-8°; 2e édition, 1822-1827, 4 vol.
in-8°); on trouve, en tête du tome IV de ce
livre estimé, une notice sur l'auteur, par son
fils aîné, M. Louis Barbier. Nouvelle biblio-
thèque d'un homme de goût (Paris, 1808-1810,
5 vol. in-8°). Dissertation sur soixante traduc-
tions françaises de l'Imitation de Jésus-Christ
(Paris, 1812, in-12). Examen critique et com-
plémentaire des dictionnaires historiques les
pltis répandus, depuis le Dictionnaire de Mo-
réri jusqu'à la Biographie universelle inclusi-
vement (t. I.— A, Pans, 1820, 1 vol. in-8°):le
tome II de cet ouvrage est resté manuscrit.
Barbier a collaboré au Mercure de France
(1795 à 1798) ; au Magasin et aux Annales en-
cyclopédiques (1799 à 1818); à la Revue ency-
clopédique (1819 à 1826); à la collection des
Classiques latins de Lemaire, dans laquelle il a
refait ou retouché diverses notices bibliogra-
phiques sur les principaux auteurs latins
(1819 à 1826); à l'Encyclopédie moderne do
Courtin (1823-1825). 11 a publié, comme édi-
teur, Journal historique de Collé (1807, 3 vol.
in-8°) ; Mémoires sur la librairie et la liberté
de la presse, par Lamoignon - Malesherbes
(1809, l vol. in-8°); Supplément à la corres-
pondance de Grimm'et Diderot (1814, in-8°) ;
Nouveau supplément au Cours de littérature de
Lallarpe (l8l7,in-8°) ; Correspondance inédite
de Caliani avec Mme d'Epinay (1818, 2 vol.
in-8°) ; Considérations sur la France, par Jo-
seph de Maistre (Paris, 1821, in-8°), nouvelle
édition revue par l'auteur et dans laquelle a
été inséré VJissai sur le principe générateur
des constitutions politiques. C'est par les soins
de Barbier qu'ont été publiés plusieurs volu-
mes des Œuvres complètes de Condorcet (Pa-
ris, 180J, 22 vol.in-8"). — On trouve, p. 30 du
tome IV du Dictionnaire des Anonymes , la
liste des principaux ouvrages manuscrits lais-
sés par ce laborieux bibliographe.
BARBIER (Louis-Nicolas), bibliographe, fils
aîné du savant auteur du Dictionnaire des
anonymes et pseudonymes, né à Paris en 1799.
Il est aujourd'hui conservateur-administrateur
de la bibliothèque du Louvre ; il fut chargé,
en 1832, de former une bibliothèque pour le
conseil d'Etat; c'est sous sa direction que,
vers la même époque, les catalogues des di-
verses bibliothèques de la couronne furent
dressés, en exécution de la loi de 1832 sur la
liste civile; de 1831 à 1847, il eut aussi à orga-
niser des bibliothèques spéciales, placées tem-
porairement dans les camps formés successi-
vement à Compiègne et à Fontainebleau.
On doit a M. Louis Barbier la publication
du tome IV et dernier de la seconde édition
du Dictionnaire des ouvrages anonymes et
pseudonymes; on trouve, en tête de ce vo-
lume, une Notice sur Antoine- Alexandre
Barbier, tirée à part (1827). Il a revu, pour la
partie bibliographique, à partir de la troisième
livraison, la Biographie universelle classique,
par le général Beauvais (1826-1829, 6 vol.
grand in-8Q). Il a collaboré au Bulletin univer-
sel de Férussac; à la Bévue encyclopédique ; au
Bulletin du bibliophile, de Téchener; à la
France littéraire, de Quérard; au Bulletin des
arts, publié sous la direction du bibliophile
Jacob (Paul Lacroix) ; à la seconde édition de
la Biographie universelle, de Michaud; aux
Voyages pittoresques dans l'ancienne France,
par le baron Tayior ; à la Bibliographie bio-
graphique universelle ( 2° édit. , Bruxelles ,
JSM, 2 vol. in-jo) ; aux Essais statistiques
fur le département de Seine-et-Marne , par
tlichelu», .et à la Correspondance de Napo-
l'Vofl Jter. U a fait paraître , de 18-10 à 1852,
divers extraits, tirés à un très-petit nombre
-■cUexemptaireSj des Souvenirs sur le biblioihé-
xairc de V Empereur Napoléon /". M. Barbier
*est chevalier de la Légion d'honneur depuis
J837. Il a épousé 'la fille du savant bibliogra-
jphe Beuchot. • .
BARBIER (Olivier-Alexandre), bibliogra-
phe, frère du précédent, né à Paris en 1S0G,
est attaebé, depuis 1832, à la Bibliothèque
impériale , où il est actuellement conserva-
teur sous-directeur adjoint. On a de lui : No-
tice bibliographique sur Charles Fourier, in-
" térée dans le Journal de la librairie de 1837,
et reproduite, avec additions, dans le Pha-
lanstère de 1841 ; Mode d'indication du place-
ment des ouvrages' de peinture, gravure, etc.,
exposés au musée du Louvre (1837, in-8<>). Il a
inséré divers articles dans le Bulletin du biblio-
phile et dans le Bulletin du bouquiniste. En
outre, il a collaboré à la cinquième édition du
Manuel du libraire et de l'amateur de livres,
par Brunet.
BARBIER (Pierre-François), connu aussi
sous le nom de Barbier de Saint-Preux, mu-
sicien et compositeur, né à Paris en 1793,
mort en 1839. Fils d'un marchand de tableaux,
il s'occupa, avec quelque succès, de peinture,
mais se livra bientôt entièrement à la musi-
que, entra au Conservatoire, et devint plus
tard chef des chœurs h l'Opéra-Comique, et
maître de chapelle à l'église Sainte-Elisabeth.
Il a composé beaucoup do musique d'église,
d'une harmonie faible, mais d'un style facile
et agréable. Il a donné aussi des romances et
des chansonnettes. — Son frère, Constant
Barbier, mort vers 132 i , avait un talent
tellement remarquable pour la composition
musicale, que Lesueur le fit exempter de la
conscription. On a prétendu que Pierre-
François avait profité de ses manuscrits.
BARBIER (Nicolas-Alexandre), peintre, né
à Paris en 1789. Elève de Xavier Lcprince,
il a exposé, depuis 1824, de nombreux paysa-
ges et tableaux de genre qui lui ont mérité
plusieurs médailles. Ses œuvres les plus con-
nues sont les suivantes : Ancien château de
la Muette ; Environs de Me'ulan; la Sacristie
de village; Ménage rustique dans un vieux
monument du xi« siècle; Bords de la Seine;
Site du Bourbonnais ; Cabaret de village; As-
semblée de dominicains; de nombreux inté-
rieurs et vues de monuments gothiques, etc.
BARBIER (Edouard, baron), administrateur,
né en 1800, mort en 1860. Il fut l'un des hom-
mes qui, dans le cours des quarante dernières
années, honorèrent particulièrement le corps
de l'intendance militaire. Employé b. l'expédi-
tion d'Espagne de 1823 à 1S27, il fit preuve
d'une habileté qui lui valut d'être appelé à
diriger les services administratifs des campa-
gnes de Morée, d'Alger et de Belgique. En
1848, lors de l'organisation de l'armée des
Alpes, ce fut également sur lui que tomba le
choix du gouvernement provisoire.
BARBIER (Louis-Stanislas-Hippolyte), ec-
clésiastique et littérateur français, né à Or-
léans, en 1808, mort en 1804. 11 se préparait à
la prêtrise au grand séminaire d'Orléans, et
déjà il avait reçu le diaconat, lorsque, ayant
embrassé avec ardeur les idées libérales et
réformatrices de Lamennais , il eut avec ses
supérieurs de graves dissentiments qui le dé-
terminèrent à rentrer dans le monde. Il fit
ses études de droit pour suivre la carrière
du barreau; mais, las des ennuis de tout'
genre que lui valait son engagement dans les
ordres, il ne tarda pas à se réfugier, en quel-
que sorte, dans la vie littéraire. Après avoir
fait paraître : Elévation poétique (1830), et les
Mystères du presbytère (183S), il prit part à
la rédaction de divers journaux et revues, le
National, la Demie de Paris, la Mode, et com-
mença à publier, en 1841, sa Biographie du
clergé contemporain (2" tirage 1851, 10 vol.
in-18), écrite avec autant d'indépendance que
d'esprit, et dont, partout ailleurs que dans le
clergé, le succès fut des plus vits. Lorsque
M. Fayet devint évêque à Orléans, il n'épar-
gna rien pour faire rentrer au bercail M. Bar-
bier, et il y réussit. Le spirituel biographe
fut ordonné prêtre en 1847, sans avoir été con-
traint de rétracter aucune de ses témérités de
plume, et, quelques années après, il était pre-
mier aumônier du lycée Louis-le-Grand. Parmi
ses dernières œuvres, on cite : Une promenade
à Orléans (1841); JJistoire de la création
(1846); Théologie complète, à l'usage de la
jeunesse (8 vol.) ; Entretiens sur la morale
évangélique (1864, in-18, etc.).
BARBIER (Henri-Auguste), poëfû satirique,
né à Paris en 1805. En août 1830, au milieu
du délire héroïque et de la fièvre d'enthou-
siasme qui suivirent la révolution de Juillet, la
Revue de Paris publia une pièce de vers , si-
gnée d'un nom inconnu la veille, et qui, le
lendemain, était illustre. "Ce morceau, d'une
énergie délirante et d'une verve enflammée,
avait pour titre la Curée. C'était une satire
contre la meute des solliciteurs du nouveau
pouvoir, contre ces beaux fils, ces faquins sans
courage, qui s'étaient cachés pendant le com-
bat, suant la peur, tandis que la grande popu-
lace se ruait à l'immortalité, et qui mainte-
nant se disputaient les guenilles du pouvoir
tombé et s'en allaient, de porte en porte et
d'étage en étage, gueusant quelque bout de ga-
lon. Le poète les comparait à la meute des
chiens qui se précipitent sur la proie lorsque
le cor a sonné la curée, qui la déchirent avec
une avidité lâche et féroce , fouillant ses
flancs à plein museau, et qui retournent au
chenil la gueule encore rouge, avec un quartier
de charogne qu'ils présentent orgueilleuse-
ment à leur femelle comme leur part de
royauté. La sensation fut immense, et les
hommes de cette génération n'ont pas oublié
l'effet que produisirent cet accent nouveau,
cette vigueur satirique, cette indignation vi-
rile, ces trivialités pittoresques, ces imagos
qui semblaient un reflet de la flamme du com-
bat, toute cette poésie, enfin, éclose au souffle
ardent d'une révolution, et qui ressemblait si
peu aux productions des deux grandes écoles,
classique et romantique, qui divisaient la lit-
térature. En quelques heures, le jeune poelo
devint célèbre, et son nom, comme ses vers,
vola dans toutes les bouches. Il soutint l'éclat
decedébutpar une suite de satires politiques et
morales, qui étaient lues avec avidité : le Lion,
Quatre-vingt-treize, l'Emeute, la Popularité,
l'Idole , Varsovie , Melpomène , Terpsichore,
l'Amour de la mort, etc. Tous ces chants fu-
rent réunis et formèrent le recueil des ïambes.
Il publia successivement deux autres recueils,
Il Pianto, dont il recueillit les inspirations
dans un voyage en Italie et qui constraste
avec les satires par un profond sentiment de
douceur et de mélancolie, enfin Lazare^ dont
la vue de l'Angleterre lui fournit le sujet, et
qui contient de poignantes peintures des mi-
sères du prolétaire anglais. Ces trois recueils
furent réunis en un volume, sous le titre do
ïambes et poèmes, souvent réimprimé dans
divers formats. C'est là l'œuvre capitale de
Barbier, le recueil qui seul fera vivre son
nom ; et, malgré l'estime qu'inspire ce génie
aux inspirations si honnêtes et si élevées, on
est obligé de reconnaître que la plupart des
pièces qu'il a publiées depuis annoncent une
décadence ou au moins un sommeil de la verve
éclatante et de l'énergie de ses premiers
chants. Voici les titres des autres œuvres du
poëte : les Mauvais garçons, roman satirique,
en collaboration avec Alphonse Royer; Eros-
trate et Pot-de-vin, satires (1837) ; Chants ci-
vils et religieux (lS4l); les Bimes héroïques
(1843) ; Benvenulo Cellini, opéra écrit en col-
laboration avec Léon de \Vailly, et dont Ber-
lioz fit la musique; une traduction en vers du
Jules César de Shakspcare; enfin Chansons et
odelettes, petit recueil de poésies •anacréonti-
ques, tiré à un petit nombre d'exemplaires.
BARBIER (Paul-Jules), auteur dramatique
français, né à Paris en 1822, se fit connaître
dès l'âge de treize ans par un dithyrambe
intitulé : la Voix de la France (Paris, 183S,
in-S°). Il publia ensuite, dans le journal VII-
luslralion, un à-pvopos en vers '. YOmbre de
Molière, qui fut représenté à la Comédie-Fran-
çaise, le 15 janvier 1847. Cet intermède avait
pour interprètes Maillard et Provost ; le suc-
cès fut très-vif, car le jeune débutant dans
la carrière littéraire flagellait, avec l'audace
de ses vingt ans, les petites infamies de l'é-
poque. On en jugera par les extraits suivants :
Si nos marquis vivaient en des loisirs futiles,
Peut-être ils n'avaient pas le pouvoir S'être utiles;
Mais la France aujourd'hui réclame tous ses 111s,
Et qui perd sa jeunesse a volé son pays!
Pour Trissotin, la race en est si fort accrue,
Qu'on trouve ce gredin à tous les coins de rue :
L'un, l'effroi du papier et la honte de l'art,
S'environne à plaisir d'un éternel brouillnnï.
Va chercher dans les deux le vague et le mystère,
Et se croirait perdu s'il restait sur la terre ;
L'autre est à qui le paie, et fait en môme temps
Des chansons pour les bleus et des vers pour les blancs,
Souille la probité dont l'éclat l'importune.
Et sur son déshonneur établit sa fortune;
L'autre, enfin, oubliant d'apprendre le français,
Le prétend'inutile et lui fait son procès.
Dirai-je enfin Tartufe et son âme hypocrite?
A ce seul souvenir, ma voix encor s'irrite.
Tartufe ! il est partout, dans le temple, au sénat,
Sous l'habit du tribun, sous le dais du prélat.
Bien différent du gueux qu'au parvis d'une église
Mons Orgon recueillit sans souliers ni chemise,
Il porte haut la tête, et d'un encens banal
Enfume des coquins dans un dévot journal.
Habile à raconter de pieuses histoires,
Des moines et des saints il écrit les mémoires.
11 parle au nom du peuple et de la liberté;
C'est lui qui prône en chaire un bal de charité,
Et du gain qu'il en tire amasse des retraites
Pour les filles de joie et les voleurs honnêtes.
De leurs deniers pourtant il vit avecfclat,
Criant fort, mangeant bien, jusqu'à ce que l'Etat,
Dupe des beaux dehors de ce fourbe émérite.
Le hausse à quelque emploi digne de son mérilc.
Si tout ce que j'ai dit te semble un peu gaulois,
Il en faut accuser le vieux parler françois.
Je hais la muse frêle et timide, et la mienne
Trahit dans ses instincts la race plébéienne;
Elle aime la rudesse, et sans chercher le mot,
Quand elle trouve un sot, elle l'appelle un sot.
Parbleu! je me veux mettre aussi de la partie;
Mon fils, j'aurai, du moins, ta jeunesse avertie
De tous les mauvais pas où tu rompras ton cou,
Si tu suis les conseils de cet honnête fou.
Tu seras détesté de toute créature,
On lâchera sur toi l'outrage et l'imposture,
Et si tu ne meurs pas à force 'de chagrins,
On en viendra peut-être à te casser les reins.
Mais d'abord tu vivras crasseux et pauvre hère,
Sommeillant sur la dure et faisant maigre chère,
Sans habit, sans foyer, sans toit, et tu verras
Des coquins attablés qui seront gros et gras,
Et qui feront, du bruit de leur joie insolente,
Rougir la nudité de ta vertu tremblante.
Est-ce là le destin d'un homme de bon sens?
Laisse à d'autres que toi ces rêves languissants;
Prends-moi sur toute chose une plume facile,
Ecris mal et beaucoup! Sois a l'argent docile,
Pille tout, vole tout, partout cherche ton bien ;
Langue, parents, vertu, ne considère rien;
Promène sur le monde une parole amere,
Raconte, s'il le faut, les amours âe ta mère,
Et, toujours étonné de ta propre valeur,
Sois ensemble écrivain, commerçant et voleur.
Alors les gens de goût te salûront poète.
Un poète, drame en cinq actes et en vers,
joué au Théâtre- Français en 1847, obtint un
succès contre lequel protesta en ces termes
un critique de l'époque : « Ce quelque chose,
rempli de vers souvent tendres, délicats et
d'un tour excellent, mais dont pas un seul n'a
une raison d'être, ce quelque chose, dis-je, est
incontestablement le contraire de tout ce qui
peut ressembler, de près ou de loin, à. une
œuvre dramatique quelconque, comédie ou
drame ; et le plus triste, dans cette soirée, c'est
moins encore la pièce que le public. Le public,
le croirait-on, a entendu, du premier au der-
nier, les cinq actes, sans les troubler autrement
que par des applaudissements. J'avoue que
cette façon d'accueillir rimpossibleetl'absui'do
est capable de renverser toutes les idées
établies jusqu'à ce jour en matière de théâtre
et sur les choses dramatiques ; de bonne. foi, on
en est réduit il se demander qui, de la critique
ou du public, a perdu le sens. Dans quelle voie-
un succès peut- il jeter le jeune homme qui a
écrit cette pièce, et sur lequel l'art avait le
droit de compter pour ses qualités de pocte,
et à cause même de sa vive imagination? Et
si ce jeune homme égaré, prenant désormais
pour poétique un dévergondage qu'il est en
droit de regarder comme la plus aimable fan-
taisie, renonce à tout jamais au sens, commun , à
l'observation, à la logique, à la réalite», qui sont
les lois premières de toute œuvre littéraire ;
si, encouragés par son exemple, vingt autres
nous apportent leurs hallucinations d'écoliors
destinés à devenir monomancs en vieillissant,
je demande à ce public à qui la critique devra
s'en prendre d'un répertoire insensé dont on
vient d'encourager la déplorable tentative. »
Le succès du Poëte ne tut qu'éphémère, en
dépit de la fraîcheur, de la jeunesse, de l'élé-
gance et de l'heureux tour dos vers. Depuis
lors, M. Jules Barbier a signé un assez grand
nombre d'ouvrages, et a surtout réussi en com-
posant le poème de plusieurs opéras restés cé-
lèbres. Il est à regretter que l'homme qui avait
montré, à ses débuts, des tendances vers la lit-
térature élevée, se soit adonné de plus en plus
à la littérature facile. Ses productions, écrites
on vue de la réussite immédiate, trahissent un
laisser-aller de stylequi ramèneradifficiloinent
cet auteur au point d'où il est parti. Voici la
liste des pièces de M. Jules Barbier : l'Ombre
de Molière, intermède en vers (Théâtre-Fran-
çais , 15 janvier 1847); Un poëte, drame en
cinq actes et en vers (Théâtre -Français,
16 avril 1847); Amour et bergerie, comédie en
un acte et en vers (Odéon, 1G janvier 1848);
les Premières Coquetteries; com.-vaud. en un
acte (Variétés, 20 juillet 1848) ; Oscar XX.VJ/I,
comédie- vaudeville en deux actes, avec
Labiche et Decourcelle (Variétés, 2.9 juillet
1848) ; Bon gré mal gré, comédie en un acte
et en prose (Théâtre- Français , 9 janvier
1849) ; André Chénier ou 90, 92, 94, drame «in
vers, en trois époques (Porte-Saint-Martin,
1G mars 1849); Un drame de famille, drame
en cinq actes, avec Michel Carré (Ambigu,
5 mai 1849); le Feu de paille, comédie-
vaudeville en un acte, avec Chapelle (Va-
riétés, 23 juin 1849) ; Craziella, drame en un
acte, tiré des Confidences, de M. de Lamartine,
avec Michel Carré (Gymnase, 20 octobre
1S49); Laurence, drame en deux actes, avec
Théodore Barrière et Michel Carré (Gymnase,
17 janvier 1850); Henriette Deschamps, drame,
en trois actes, avec Michel Carré et A. Du-
mesnil (Porte-Saint-Martin, 9 février 1850);
l'Amour mouillé, comédie-vaudeville en un
acte, avec Michel Carré et Arthur de Beauplan,
(Gymnase, 5 mai.1850) ; les Amoureux sans le
savoir, comédie en un acte et en vers, avec
Michel Carré (Théâtre-Français, 14 novembre
1850); Jenny l'ouvrière, drame en cinq actes,
avec Decourcelle (Porte-Saint-Martin, 28 no-
vembre 1850); les Contes d'Hoffmann, drame
fantastique en cinq actes, avec Michel Carré
(Odéon, 21 mars 1851); un Roi de la mode, co-
médie en trois actes, mêlée de couplets, avec
Decourcelle et Barrière (Variétés, 25 septembre
1851) ; les Derniers Adieux, comédie en un acte
et en prose, avec Michel Carré (Théâtre- Fran-
çais, 25 octobre 185 1) ; la Fileuse, drame en cinq
actes, avec Michel Carré (Gaîté, 19 décembre
1851) ; les Marionnettes du docteur, drame en
cinq actes, avec Michel Carré, musique d'An-
cessy (Odéon, 29 décembre 1851 ) ; Galatée,
opéra-comique en deux actes, avec Michel
Carré, musique de Victor Massé (Opéra-
Comique, 14 avril 1852); le Mémorial de Sain te-
Itélène, drame historique en trois parties et
dix-huit tableaux , dont un prologue et un
épilogue, avec Michel Carré, musique d'Artus
(Ambigu, 21 avril 1852) ; Voyage autour d'une
jolie femme, tableau de mœurs en un acte,
avec Michel Carré (Vaudeville, 31 octobre
1852) ; les Noces de Jeannette, opéra-comique
en un acte, avec Michel Carré, musique de
Victor Massé (Opéra-Comique, 4 février 1S53) ;
les Papillotes de monsieur Benoit, opéra-
comique en un acte, avec Michel Carré, mu-
sique d'Henri Reber (Opéra-Comique, 28 dé-
cembre 1853) ; les Antipodes, vaudeville en un
acte, avec Michel Carré, musique de G. Hiit
(Vaudeville, 29 juillet 1854) ; les Sabots de la
Marquise, opéra-comique en acte, avec Michel
Carré, musique d'Ernest Boulanger (Opéra-
Comique, 29 septembre 1854) ; le Roman de la
Bose, opéra-comique en un acte, avec Jules
Delannye, musique de Prosper Pascal (Théâtre-
. . BAR
Lyrique, 29 novembre 1854); Miss Fauvette,
opéra-comique en un acte, avec Michel Carré,
musique de Victor Massé (Opéra-Comique,
13 février 1855) ; Une épreuve avant la lettre,
comédie -vaudeville en un acte, avec feu
Cordeïlier-Delanoue (Variétés, 14 février 1855);
V Anneau d'argent, opéra-comique en un acte,
avec Léon Liattu, musique de Louis Deffès
(Opéra-Comique, 5 juillet 1855); Deucalion et
Pyrrha, opéra-comique en un acte, avec Michel
Carré, musique d'Alexandre Montfort (Opéra-
Comique, 8 octobre 1855); les Saisons, opéra-
comique en trois actes, avec Michel Carré,
musique de Victor Massé (Opéra-Comique,
22 décembre 1855) ; Valenlined'Aubigny, opéra-
comique en trois actes, avec Michel Carré,
musique d'IIalévy (Opéra-Comique, 26 avril
185G) ; Psyché, opéra-comique en trois actes,
avec Michel Carré, musique d'Ambroise Tho-
mas (Opéra-Comique, 26 janvier 1857); le
Médecin malgré lui, opéra-comique en trois
actes, avec Alichel Carré, musique de Charles
Gounod (Théâtre Lyrique, 15 janvier 1858);
les Noces de Figaro, opéra en quatre actes,
avecMichel Carré, musique de Mozart (Théâtre
Lyrique, 8 mai 1858) ; Faust, opéra en cinq
actes, avec Michel Carré, musique de Gounod
(Théâtre Lyrique, 19 mars 1859); le Pardon
de Plocrmel, opéra-comique en trois actes,
avec Michel Carré, musique de Meyerbeer
(Opéra-Comique, 4. avril 1859); Cil Blas,
opéra-comique en cinq actes, avec Michel
Carré, musique de Th. âemet (Théâtre Lyrique,
4 mars 1860) ; Cora, ou Y Esclavage, drame en
cinq actjs et sept tableaux (Ambigu, 21 août
18GU"Î 'a Nuit atia; gondoles, opéra-comique
gr'an acte, musique de Prosper Pascal (Théâtre
•'Lyrique, 19 novembre 1861); la Heine de Saba,
. opéra en cinq actes, avec Michel Carré, mu-
sique de Gounod (Opéra, 28 février 18G2); la.
Fille d'Egypte, opéra-comique en deux actes
et trois tableaux, musique de Jules Béer
(Théâtre Lyrique, 23 avril 1862); les Peines
d'amour, opéra en quatre actes, avec Michel
Carré, imitation du Cosi fan tutti, de Mozart
(Théâtre Lyrique, 31 mars 1863) ; Lisbeth ou
la Cinquantaine, opéra-comique en deux actes,
musique de Mendelssohn (Théâtre Lyrique,
juin 1865) ; Princesse et favorite, drame en
cinq actes (Ambigu, 1865). Avons-nous tout
mis? Ma foi, nous ne sommes pas bien sûr de
n'en pas avoir oublié. Et s'il en est ainsi, nous
en demandons humblement pardon au fécond
auteur, Hérodote assure que Cyrus connais-
sait par leur nom tous les soldats de son
armée; c'est une faculté merveilleuse que
nous souhaitons à certains de nos auteurs
contemporains.
BARBIER D'AUCOUK (Jean), avocat au
parlement de Paris,- né à Langres vers 1641,
mort h Paris en 1694, fut un des critiques les
plus distingués de son temps. Adversaire dé-
claré des jésuites, il dirigea la plupart de ses
ouvrages contre leursociété ou contre les écri-
vains qui lui appartenaient. Il est surtout
connu par un écrit intitulé Sentiments de
Cléaiite (167 1), dans lequel il réfute très-spi-
rituellement les Entretiens d'Ariste et d'Eu-
mène, du P. Bouh'ours. Il était de l'Académie
française depuis 1683.
En sa qualité de janséniste, il fit une Ré-
ponse à la première lettre de Racine contre
Port-Royal (1666), et, quelques années plus
tard, une plate salire contre ce grand poote :
Apollon vendeur de Mithridate (iG75). Le
plus célèbre de ses livres contre les jésuites
est la satire intitulée : l'Onguent pour la brû-
lure (c'est-à-dire contre l'habitude des jésuites
de brûler les livres). On explique plus ou moins
vraisemblablement la haine qu'il portait aux
jésuites, par l'historiette suivante. Se trouvant
un jour dans l'église des jésuites, un des pères
le réprimanda sur une expression qui lui était
échappée, en lui disant : iocus est sacer. Bar-
bier reprit aussitôt : Si locus est sacrus, quare
exponitis... On ne lui laissa pas le temps d'a-
chever ; ce solécisme de sacrus souleva l'hila-
rité de tous les écoliers présents, et il lui en
resta le surnom à'avocat sacrus.
Cet écrivain, qui fut fort maltraité de la
fortune, n'a laissé en réalité qu'un ouvrage
digne d'être rappelé, mais qui suffit à fonder
une réputation : ce sont les Sentiments de
Ctéante, modèle de critique ingénieuse, 'et
qui arracha a un ami des jésuites, d'OIivet, ce
jugement élogieux : « Ce livre est admirable
en son genre; on y trouve de la délicatesse,
de la vivacité, de l'enjouement, un savoir bien
ménagé'et un goût sûr, qui saisit l'ombre du
ridicule dans un amas d'excellentes choses,
comme le creuset sépare un grain de cuivre
dans une once d'or. »
BARBIER-VÉMAHS (Joseph-Nicolas), philo-
logue, né a Louvres (Seine-et-Oise) en 1775.
Professeur au lycée Bonaparte, il fut nommé,
en 1820, conservateur de la Bibliothèque
royale. Il a collaboré aux Annales des arts et
manufactures (1807-1814), et rédigé un recueil
périodique, Hermès romanus ou Mercure latin
(181C-1819).
BARB1ER-WALBONNE (Jacques-Luc), pein-
tre français, né à Nîmes en 1769, mort à Paris
en 1860. Il entra de bonne heure a l'école de
David et exposa, en 1797, un tableau qui fit
quelque sensation et lui valut un prix de trois
mille franc3; il l'avait intitulé : Scène de mo-
rale d'un père à son fils. Sous l'empire, il pei-
gnit, pour la salle des Maréchaux, au palais
des Tuileries, les portraits de Moncey, de Mo-
ruau, du duc de Raguse : ce dernier figura au
BAR
Salon de 1810. En 1822, il exposa un Pécheur
napolitain, qui fut acheté par le duc de Ber-
wick ; en 1827,1a Mort de Paul-Emile eiNuma
chez la Nymphe Eyéric. A partir de cette épo-
que, Barbier-Walbonne ne reparut plus aux
expositions publiques et se condamna, sans
qu on ait pu en- connaître le motif, à une sorte
d'obscurité qui le fit oublier de ses contempo-
. rains. On le croyait mort depuis bien des an-
nées lorsque les journaux annoncèrent, en
1860, qu'il venait de s'éteindre à l'âge de qua-
tre-vingt-onze ans. Il était chevalier de la
Légion d'honneur et recevait chaque année
une modeste pension de l'Etat.
Barbier do SôtïIIc (le) ou la Précaution
inutile, comédie en cinq actes et en prose de
Beaumarchais, représentée au Théâtre-Fran-
çais , le 23 février 1775. Le docteur Bartholo
va épouser Rosine, sa pupille, lorsque le comte
Almaviva, épris de cette dernière, parvient,
grâce à l'adresse du barbier Figaro, à se faire
aimer de la jeune fille et à la soustraire au
pouvoir du vieux barbon qu'elle déteste. Le
mariage des deux amants termine la pièce.
Le Sicilien ou l'Amour peintre, comédie de
Molière, a fourni à Beaumarchais tous les ca-
ractères du Barbier. Il y a joint la scène du
Malade imaginaire, ou Cléanto donne une
leçon de chant à Angélique devant son père,
et soupire des paroles très-tendres en tenant
à la main un papier sur lequel il n'y a que do
la musique écrite. Beaumarchais composa, à
l'aide de ces deux éléments, une comédie étin-
celante d'esprit et de vérité. Il était impossi-
ble de rajeunir d'une manière plus heureuse
ces types de Gérontes trompés et de valets
fripons, si fréquents dans 1 ancien théâtre.
,« Figaro n'est plus un simple valet, observe
M. Hippolyte Lucas, dans son Histoire philo-
sophique et littéraire du théâtre français ; le
rôle des Crispin, des Fronlin, des Lab'ranche
est fini. Figaro traite, en quelque sorte, de pair
à compagnon avec le brillant comte Almaviva.
Il est barbier; il est indépendant; il a son état
dans le inonde. S'il sert les amours du noble
comte, c'est qu'il aime l'intrigue et les profits
qu'elle rapporte; et d'ailleurs, il se plaît à
obliger une jolie iille que veut retenir un vreux
tuteur. Figaro, enfant de la nature, ne veut
pas d'esclavage pour les autres. Il ouvre vo-
lontiers la cage aux oiseaux ; n'a-t-il pas été
opprimé? Il connaît la prison; il est ami de
toutes les libertés ; il veut celle de la pensée
comme celle de la personne. Figaro, jeune et
aventureux piéton, dans son léger bagage en
sautoir, à côté de sa guitare, emportait et sau-
vait la comédie. Grâce à lui, 1 esprit se re-
trempa aux sources de la vraie gaieté. » L'his-
toire de cette comédie est tout une odyssée
qui paraîtra à peine croyable à nos descen-
dants. «Le Barbier, raconte M. de Loménie
dans son excellente étude sur Beaumarchais,
avait été composé en 1772. C'était d'abord un
opéra-comique dans le goût du temps, que
l'auteur destinait à la Comédie-Italienne. L'o-
riginalité du Barbier, sous cette première
forme , consistait principalement en ce que
l'auteur des paroles était en même temps, si-
non l'auteur, au moins l'arrangeur de la mu-
sique. On se rappelle que, clans ses Lettres de
Madrid, Beaumarchais manifesta un enthou-
siasme très-vif pour la musique espagnole et
surtout pour les intermèdes chantés, connus
sous le nom de tonadillas ou saynètes. C'est
le souvenir de ces tonadillas qui paraît avoir
donné naissance au Barbier, composé d'abord
pour faire valoir des. airs espagnols que le
voyageur avait rapportés de Madrid, et qu'il
arrangeait à la française. « Je fais, écrit-il à
cette époque, des airs sur mes paroles et des
paroles sur mes airs. « Soit que les airs espa-
gnols de Beaumarchais n'aient pas séduit les
oreilles des acteurs de la Comédie-Italienne,
soit qu'ils aient trouvé que l'ouvrage ainsi
conçu ressemblait trop à l'opéra de Sedaine
et Monsigny, intitulé On ne s'avise jamais de
tout, joué sur le même théâtre en 1761, tou-
jours est-il que le Barbier fut refusé net par
les comédiens, en 1772. Le manuscrit du Bar-
bier, comédie, contient plusieurs allusions à
cet échec, allusions qui furent supprimées à
la seconde représentation. Ainsi, dans un pas-
sage, Figaro disait : « J'ai fait un opéra-co-
mique, qui n'a eu qu'un quart de chute à Ma-
drid. — Qu'entendez-vous par un quart de
chute? demande Almaviva. — Monseigneur,
répondait Figaro, c'est que je ne suis tombé
que devant le sénat comique du scénario; ils
m'ont épargné la chute entière, en refusant de
me jouer. » Et il débitait ensuite un des airs
du Barbier, opéra-comique :
J'aime mieux çtre un bon barbier,
Traînant sa poudreuse mhntilie.
Tout bon auteur, de son métier,
Est souvent forcé de piller,
Grappiller,
Houspiller, elo.
Gudin, dans ses Mémoires inédits, attribue le
refus de la Comédie-Italienne au ténor Clairval,
qui avait débuté dans la vie par l'état de barbier
et qui avait une antipathie invétérée pour tout
rôle qui lui rappelait sa première profession.
Beaumarchais comprit qu'il devait renoncer à
faire jouer son opéra-comique. «Je n'en aire-
trouvé dans ses papiers que quelques lambeaux,
dit M. de Loménie, et ils me portent à croire
que l'art n'a pas fait une grande perte, le talent
poétique de l'auteur étant très-inégal, pro-
duisant rarement deux bons couplets de suite,
et son talent de musicien ne s'élevant pas non
BAR
plus au-dessus d'un talent d'amateur. » Beau-
marchais transforma alors son opéra en co-
médie, et, en février 1773, le Barbier, après
avoir reçu l'approbation du censeur Marin,
allait être joué à la Comédie-Française, lors-
qu'une affaire fâcheuse, arrivée à 1 auteur, en
lit interdire la représentation. L'excès en tout
e:t un défaut, et Beaumarchais avait eu le
tort de se montrer trop aimable à l'égard de
la maîtresse du duc de Chaulnes. Ce dernier
eut une scène violente avec son rival, et Beau-
marchais fut envoyé au Fort-1'Evêque, ou il
resta deux mois et demi. L'auteur déposa plus
tard sa pièce au greffe, afin que tout le monde
pût aller la lire. « Il faut, disait-il, qu'elle soit
jouée ou jugée. ■ Grimm , plus clairvoyant
qu'à l'époque où il affirmait que Beaumarchais
ne ferait jamais rien, même de médiocre, se
prononça en ces termes : « Non -seulement
cette pièce est pleine do gaieté et de verve,
mais le rôle de la petite lille est d'une candeur
et d'un intérêt charmants. II y a des nuances
de délicatesse et d'honnêteté dans le rôle du
comte et dans celui de Rosine, qui sont vrai-
ment précieuses et que notre parterre est bien
loin de sentir et d'apprécier. » Beaumarchais
songeait de nouveau à lutter pour obtenir
enfin le jugement du public , lorsque tomba
sur lui l'accusation criminelle intentée par
le conseiller Goëzman. On connaît les mé-
moires que le spirituel auteur du Barbier pu-
blia pour sa' défense. L'effet en fut' tel, que
les comédiens français, habiles à profiter de
la popularité qui s'attachait à toutes les cou-
vres émanées de la plume de Beaumarchais,
sollicitèrent la permission de jouer le Barbier.
Ils l'obtinrent, et la représentation fut fixée au
samedi 12 février 1774. Toutes les loges étaient
louées juqu'à la cinquième représentation,
lorsqu'arriva, le jeudi 10, un ordre supérieur
qui défendait de jouer la pièce. « Ce jour -là,
même, dit M. de Loménie, Beaumarchais pu-
bliait le dernier et le plus brillant de ses fac-
tulns judiciaires, et, comme on avait répandu
le bruit que sa pièce était pleine d'allusions à
son procès, il ajoutait, à la suite de son mé-
moire, une note où, après avoir annoncé au
public la prohibition du Barbier, il démentait
toutes les allusions qu'on lui prêtait, et ter-
minait ainsi : « Je supplie la cour de vouloir
» bien ordonner que le manuscrit de ma pièce,
» telle qu'elle a été consignée au dépôt de la
» police, il y a plus d'un an , et telle qu'on
» allait la jouer, lui soit représenté; me sou-
» mettant à toute la rigueur des ordonnances,
» si, dans la contexture ou dans le style de
» l'ouvrage, il se trouve rien qui ait le plus
» léger rapport au malheureux procès que
o M. Goëzmarfm'a suscité, et qui soit contraire
» au profond respect dont je fais profession
» pour le parlement. » Beaumarchais en fut
pour ses frais d'éloquence. Il se résigna mo-
mentanément et se rendit en Angleterre et en
Allemagne , où l'appelaient divers intérêts.
i A son retour, en décembre 1774, à la suite
d'une captivité d'un mois, qui lui donnait droit
à un dédommagement, ajoute M. de Loménie,
il insista plus que jamais auprès de l'autorité
pour la représentation de sa pièce. Les cir-
constances étaient favorables : le parlement
Maupeou était tombé depuis un mois , et
Louis XV n'existait plus; le manuscrit que
présentait Beaumarchais était fort inoff'ensif ;
il obtint enfin la permission de faire jouer le
Barbier. Seulement, entre la permission obte-
nue et la représentation, il se mit a l'aise : on
avait défendu cette comédie pour cause de
prétendues allusions ; il se dédommagea de
cette injustice en y insérant précisément ces
allusions que l'autorité avait craint d'y trou-
ver. Avant d'avoir pu comparer au manuscrit
de la Comédie-Françaisele manuscrit du Bar-
bier, que j'ai entre jes mains et qui a servi à
la première représentation, je croyais, d'après
la préface imprimée, que cette pièce avait été
d'abord composée en cinq actes. C'est une
erreur; le texte primitif était en quatre actes,
comme le texte définitif, dont il diffère d'ail-
leurs a beaucoup d'autres égards. Le manus-
crit du Barbier déposé aux archives de la
Comédie-Française est précisément ce texte
primitif, non encore modifié par Beaumar-
chais pour la première représentation. Il n'est
conforme ni à la pièce telle qu'elle a été jouée
le premier soir, ni à la pièce imprimée ; mais
il est en quatre actes, comme cette dernière.
La fameuse tirade sur la calomnie a été ajou-
tée, après coup, sur le manuscrit qui a servi
a la première représentation, au moyen d'un
feuillet collé, écrit tout entier et d'un seul jet
de la main de Beaumarchais. « Il avait établi,
au dénoûinent, une scène entre Figaro et l'al-
cade, où le premier berne le second avec une
rare effronterie. Cette scène fut jugée trop
forte et contribua à la chute du Barbier. Sup-
primée à la seconde représentation, elle a été
intercalée, avec quelque adoucissement, dans
le Mariage de Figaro. C'est celle où Figaro ,
demande insolemment à Brid'Oison des nou-
velles de sa femme et de son fils : « Le cadet, [
qui est, difril, un bien joli enfant, je m'en !
vante...» !
La prévention aveugle à tel point les hom- I
mes les plus intelligents , que voici de quelle
façon Bachaumont rendait compte de la pre-
mière représentation du Barbier de Séville :
«Cette pièce, tant annoncée, n'a pas ré-
pondu à l'attente du public ; elle n'est, quant ]
à l'intrigue, qu'un tissu mal ourdi de tours
usés au théâtre, pour attraper les maris ou les
tuteurs jaloux; les caractères, sans énergie, '
point àss_ez prononcés, sont quelquefois con- !
BAR
221
tradictoires ; les actes, extrêmement longs,
sont chargés de scènes oiseuses, que l'autour a
imaginées pour produire de là gaieté et qui
n'y jettent que de l'ennui. Le comique des si-
tuations est ainsi totalement manqué, et celui
du dialogue n'est qu'un remplissage de trivia-
lités, de turlupinades, de calembours, de jeux
de mots bas et même obscènes. En un mot,
c'est une parade fatigante, une farce insipide,
indigne de la Comédie-Française. Le premier
acte seulement, assez bien disposé, a reçu de
vrais applaudissements , et il les méritait ;
dans tous les autres, le dégoût n'a fait que
croître et parvenir à son comble. L'auteur a
soutenu cette chute avec son impudence ordi-
■ naire; il espère bien s'en relever, et monter
aux nues dimanche, où elle doit être jouée
pour là seconde fois. > Il ajoutait, le 25 : « Le
sieur de Beaumarchais ne se tient pas pour
battu : il affiche son Barbier, pour demain, en
quatre actes seulement. Il prétend que c'est
par complaisance pour les comédiens, enchan-
tés de cette comédie et la trouvant trop courte,
qu'il l'a allongée. » Enfin, notre critique avoue,
le 1er mars, que le Barbier, « au moyen de la
ressource usitée des auteurs, a été aux nues
.le dimanche et le mardi gras. Les battoirs,
comme les appelle le sieur Caron lui-même
dans sa pièce, l'ont parfaitement servi. Il y
désigne, sous cette qualification burlesque,
cette valetaille des spectateurs qui gagne
ainsi ses billets de parterre par des applau-
dissements mendiés etdes battements de mains
perpétuels. Il a réduit sa pièce en quatre actes,
ce qui la rend moins longue, moins ennuyeuse,
et ce qui a fait dire qu'il se mettait en quatre
pour plaire au public. On a dit encore mieux
qu'il aurait dû mettre ses quatre actes en piè-
ces, jeu de mots qui, en indiquant le respect
qu'il aurait dû avoir pour la décision du pu-
blic, désigne le principal défaut de son ou-
vrage, où il n'y a ni suite ni cohérence entre
les différents actes. »
En dépit de ces injustes critiques, le vrai
public confirma le jugement des spectateurs
des jours gras, au grand désespoir du Journal
encyclopédique de Bouillon, qui, à son tour, fit
un procès en règle au malheureux Barbier.
Beaumarchais y fait allusion dans sa préface,
intitulée : Lettre modérée sur la chute et la
critique du Barbier de Séville; cette préface
est un chef-d'œuvre de fine ironie, et nous ne
pouvons résister au plaisir de la mettre pres-
que tout entière sous les yeux de nos lecteurs ;
elle commence ainsi : L'auteur, vêtu modeste-
ment et courbé, présentant sa pièce au lec-
teur; « Monsieur, j'ai l'honneur de vous offrir
un nouvel opuscule de ma façon. Je souhaite
vous rencontrer dans un de ces moments heu-
reux, où, dégagé de soins, content de votre
santé, de vos affaires, de votre maîtresse, do
votre dîner, de votre estomac, vous puissiez
vous plaire un moment à la lecture de mon
Barbier de Séville, car il faut tout cela pour
être homme ainusable et lecteur indulgent
J'ai toujours vu que les airs ne séduisaient
personne et que le ton modeste d'un auteur
pouvait seul inspirer un peu d'indulgence à
son fier lecteur. Ehl quel écrivain en eut ja-
mais plus besoin que moi? Je voudrais le ca-
cher en vain ; j'eus la faiblesse autrefois, mon-
sieur, de vous présenter, en différents temps,
deux tristes drames; productions monstrueu-
ses, comme on sait ! Car, entre la tragédie et
la comédie , on n'ignore plus qu'il ne reste
rien ; c'est un point décidé : le maître l'a dit,
l'école en retentit, et, pour moi, j'en suis telle-
ment convaincu, que, si je voulais aujourd'hui
mettre au théâtre une mère éplorée, uno
épouse trahie, une sœur éperdue, un fils dés-
hérité, pour les présenter décemment au pu-
blic, je commencerais par leur supposer un
beau royaume, où ils auraient régné de leur
mieux, vers 1 un des archipels, ou dans tel
autre coin du monde ; certain, après cela, que
l'invraisemblance du roman , 1 énormitô des
faits, l'enflure des caractères, le gigantesque
des idées et la bouffissure du langage, loin do
m'être imputés à reproche, assureraient en-
core mon succès. Présenter des hommes d'une
condition moyenne, accablés et dans le mal-
heur 1 fi doncl On ne doit jamais les montrer
que bafoués. Les citoyens ridicules et les rois
malheureux, voilà tout le théâtre existant et
possible, et je me le tiens pour dit; c'est fait;
je ne veux plus quereller avec personne. J'ai
donc eu la faiblesse autrefois, monsieur, de
faire des drames qui n'étaient pas du bon genre;
et je m'en repens beaucoup. Pressé depuis par
les événements, j'ai hasardé de malheureux
mémoires, que mes ennemis n'ont pas trouvés
du bon style, et j'en ai le remords cruel. Au-
jourd'hui , je fais glisser sous vos yeux une
comédie fort gaie, que certains maîtres de
goût n'estiment pas au bon ton ; et je ne m'en
console point. Ainsi, de fautes en pardons et
d'erreurs en excuses, je passerai ma vie à mé-
riter votre indulgence, par la bonne foi naïve
avec laquelle je reconnaîtrai les unes en vous
présentant les autres. Quant au Barbier de
Séville, ce n'est pas pour corrompre votre
jugement que je prends ici le ton respectueux;
mais on m'a fort assuré que, lorsqu'un auteur
était sorti, quoique échiné, vainqueur au théâ-
tre, il ne lui manquait plus que d'être agréé
par vous, monsieur, et lacéré dans quelques
journaux, pour avoir obtenu tous les lauriers
littéraires. Ma gloire est donc certaine , si
vous daignez m'accorder le laurier de votre
agrément, persuadé que plusieurs journalistes
ne me refuseront pas celui de leur dénigre-
ment. Déjà, l'un d'eux, établi dans Bouillon,
222
BAR
avec approbation et privilège, m'a fait l'hon-
neur encyclopédique d'assurer à ses abonnés
que ma pièce était sans plan, sans unité, sans
caractères, vide d'intrigue et dénuée de co-
mique. N'a-t-il pas été jusqu'à dire, le cruel :
a Que pour ne pas voir expirer ce Barbier sur
i le théâtre, il a fallu le mutiler, le changer,
» le refondre, l'élaguer, le réduire en quatre
' actes, et le purger d'un grand nombre de
• "pasquinades , de calembours, de jeux de
« mots de bas comique? ■ Un autre, sans ap-
probation, sans privilège et même sans ency-
clopédie , après un candide exposé de mon
drame, ajoute au laurier de sa critique cet
éloge flatteur de ma personne : « La réputation
» du sieur de Beaumarchais est bien tombée, ■
• et les honnêtes gens sont enfin convaincus
» que, lorsqu'on lui aura arraché les plumes
a du paon, il ne restera plus qu'un vilain cor-
» beau noir, avec son effronterie et sa vora-
» cité.,, ■ Le journaliste établi dans Bouillon
laisse entendre que j'ai voulu gagner quelques-
uns de ces messieurs par des lectures particu-
lières... Mais au moindre échec, ô mes amis!
souvenez-vous qu'il n'est plus d'amis; et c'est
précisément ce qui nous arriva le lendemain
de la triste soirée. Yous eussiez vu les faibles
amis du Sorbier se disperser, se cacher le vi-
sage ou s'enfuir; les femmes, toujours si bra-
ves quand elles protègent, enfoncées dans les
coqueluchons jusqu'aux panaches et baissant
des yeux confus ; les hommes, courant se vi-
siter, se faire amende honorable du bien qu'ils
avaient dit de ma pièce, et rejetant sur ma
maudite façon de lire les choses tout le faux
plaisir qu'ils y avaient goûté... Les uns lor-
gnaient à gauche en me sentant passer à droite
et no faisaient plus semblant de me voir: ah !
Dieul d'autres, plus courageux, mais s'assu-
rant bien si personne ne les regardait, m'atti-
raient dans un coin pour me dire : Eh! com-
ment avez-vous produit en nous cette illusion?
car, il faut en convenir, mon ami, votre pièce
est la plus grande platitude du monde. — Hé-
las 1 messieurs, j'ai lu ma platitude, en vérité,
tout platement, comme je l'avais faite ; mais,
au nom de la bonté que vous avez de me par-
ler encore après ma chute, et pour l'honneur
de votre second jugement, ne souffrez pas
qu'on redonne la pièce au théâtre : si, par
malheur, on venait à la jouer comme je l'ai
lue, on vous ferait peut-être une nouvelle
tromperie, et vous vous en prendriez à moi
de ne plus savoir quel jour vous eûtes raison
ou tort, ce qu'à Dieu ne plaise ! On ne m'en
crut point-, on laissa rejouer la pièce, et, pour
le coup, je fus prophète en mon pays : ce
pauvre Figaro, fessé par la cabale en faux-
bourdon, et presque enterré le vendredi, ne fit
point comme Candide : il prit courage ; et mon
héros se releva le dimanche avec une vigueur
que l'austérité d'un carême entier et la fati-
gue de dix-sept séances publiques n'ont pas
encore altérée. Mais qui sait combien cela du-
rera? Je ne voudrais pas jurer qu'il en fût
seulement question dans cinq ou six siècles,
tant notre nation est inconstante et légère.
Les ouvrages de théâtre sont comme les en-
fants des femmes : conçus avec volupté, me-
nés à terme avec fatigue, enfantés avec dou-
leur et vivant rarement assez pour paver les
parents de leurs soins, ils coûtent plus de cha-
grins qu'ils ne donnent de plaisirs. Suivez-les
dans leur carrière : à peine ils voient le jour,
quo, sous prétexte d'enflure, on leur applique
les censeurs; plusieurs sont restés en churtre.
Au lieu de jouer doucement avec eux, le cruel
parterre les rudoie et les fait tomber. Sou-
vent, en les berçant, le comédien les estropie.
Les perdez-vous un instant de vue, on les re-
trouve, hélas I traînant partout, mais dépe-
naillés, défigurés, rongés d'extraits et cou-
verts de critiques. Echappés à tant de maux,
s'ils brillent un moment dans le monde, le
plus grand de tous les atteint : le mortel en-
nui les tue... Un amateur, saisissant l'instant
où il y avait beaucoup de monde au foyer, m'a
reproché, du ton le plus sérieux, que ma
pièce ressemblait à On ne s'avise jamais de
tout. — Ressembler, monsieur! Je soutiens que
ma pièce est : On ne s'avise jamais de tout lui-
même. — Et comment cela? — C'est qu'on ne
s'était pas encore avisé de ma pièce. L'ama-
teur resta court, et l'on en rit d'autant plus
<jue celui-là qui me reprochait on ne s'avise
jamais de tout est un homme qui ne s'est ja-
mais avisé de rien. >
On voit que la préface de Beaumarchais
n'était pas moins piquante que la pièce qu'elle
avait pour objet de défendre. Le Barbier de
Séville fut représenté, au mois de septembre
1785, sur le petit théâtre de Trianon : on avait
admis Beaumarchais à cette soirée. Marie-
Antoinette remplissait le rôle de Rosine, et
le comte d'Artois, celui de Figaro. Marie-
Antoinette, dévorée d'ennui , cherchait alors
fiévreusement des émotions, que l'avenir lui
reservait terribles : c'est l'excuse de ses ca-
prices dramatiques, qui n'obtinrent jamais que
des succès de complaisance.
Le Barbier de Séville est resté triomphale?
ment au répertoire do la Comédie-Française;
et cela s'explique facilement : il possède les
qualités sérieuses qui captivent le public de
toutes les époques; il est, en un mot, le reflet
de l'éternelle jeunesse de l'esprit français ;
c'est dire qu'il ne saurait vieillir.
Maintenant, nous allons donner une analyse
rapide de la pièce. La scène se passe à Se:-
ville. Au lever du rideau, un homme, enve-
loppé d'un, grand manteau, fait le guet sous
le balcon de Rosine, la séduisante pupille du
BAR
docteur Bartholo. Cet inconnu, qui n'est autre
que le comte Almaviva, éprouve une vivo
tendresse pour la jeune fille, à laquelle il n'a
jamais adressé la parole. Un importun sur-
vient; mais le«comte se rassure bien vite en
reconnaissant Figaro, son ancien valet, de-
venu barbier, un drôle de génie qui ausé de tous
les moyens honnêtes pour vivre en honnête
Espagnol. Le comte révèle ses projets amou-
reux a Figaro, oui promet de le servir; car il
a ses entrées chez Bartholo, son client. Ce
Bartholo, en dépit de son âge, s'est mis en
tète de se donner Rosine pour femme; il la
tient prisonnière et prend toutes les précau-
tions possibles, afin de dérober son trésor à
l'œil des galants. Sur ces entrefaites, la fe-
nêtre s'ouvre ; Rosine y paraît, suivie de Bar-
tholo, qui lui apprend que leur mariage aura
lieu le lendemain. La pupille tient à la main
une romance, qu'elle laisse tomber dans la
rue par mégarde ; elle prie le barbon d'aller
la ramasser. Pendant que celui-ci descend
l'escalier, le comte s'empare du papier, par
lequel Rosine engage Almaviva à chanter, sur
rair connu de sa romance, des «ouplets qui lui
apprennent le nom et l'état de celui qui paraît
s attacher si obstinément à elle. Le comte obéit
et chante :
Je suis Lindor, ma naissance est commune;
lies vœux sont ceux d'un simple bachelier ;
Les instants sont précieux ; le tuteur peut sur-
prendre le ténor improvisé; Rosine se hâte
donc de répondre sur un autre air:
Tout me dit que Lindor est charmant,
Que je dois l'aimer constamment.
Le comte se retire et va, suivant le conseil do
Figaro, se déguiser en soldat pour pénétrer
chez Bartholo. Au second acte, le prétendu
fils de Bellone, muni d'un billet de logement,
parvient à glisser une lettre à Rosine, en pré-
sence même du vieux jaloux ; au troisième
acte, il se fait passer pour un maître de chant,
chargé de remplacer le jésuite Basile, qu'une
indisposition force à garder le lit; et, comme
Bartholo se méfie, le comte lui montre la lettre
adressée par Rosine à un certain Almaviva,
lettre qu'il a eu l'adresse de surprendre. Cette
ruse est bien près d'échouer, car Basile ar-
rive. Le comte, se rappelant que Figaro lui a
dit que l'or était le nerf de l'intrigue, achète,
à beaux deniers comptants, la conscience fre-
latée de Basile, qui reconnaît alors avoir la
fièvre. Au quatrième acte, après une lutte
dans laquelle l'habileté suprême de Figaro
triomphe des précautions de Bartholo, Rosine
devient l'heureuse épouse du noble Almaviva.
Barbier do Séville (le) ballet en trois ac-
tes de Blache et L. Duport, représenté pour
la première fois à Paris, sur le théâtre de
l'Opéra, le 30 mai 1806. — Blache père, élève
du fameux danseur Dauberval, avait com-
posé pour le théâtre de Marseille une certaine
quantité de ballets fort applaudis, où se fai-
saient remarquer de gracieux tableaux et d'in-
génieux détails. On distinguait principalement,
parmi ses ouvrages, le ballet d' Almaviva, dans
lequel se trouve la leçon de danse répétée par
une glace. Cette scène charmante et d'un effet
original a été introduite par Duport dans le
Barbier de Séoille.
Barbiere «Il Siviglia (il) opéra-bouffe, d'a-
près Beaumarchais, musique de Paisiello, re-
Erésenté pour la première fois àSaint-Péters-
ourg, en 17S0, et à Paris, par les Italiens du
théâtre de Monsieur, dans la salle des Tui-
leries, le 12 juillet 1789. — Beaumarchais,
qui, dans la préface du Barbier de Séville,
s'est élevé contre la musique dramatique, ne
se doutait pas qu'il changerait bientôt d'avis,
après avoir entendu le charmant Barbiere di
Siviglia de Paisiello, représenté à, Paris deux
jours avant la prise de la Bastille. Celui de
Rossini l'aurait assurément rendu fou. L'opéra
de Paisiello, dont le succès fut européen,
contient sept morceaux remarquables : la
romance d' Almaviva, l'air de la Calomnie,
celui de Bartholo, le trio si comique où la
Jeunesse éternue, où l'Eveillé bâille en pré-
sence du tuteur; le trio charmant de la lettre,
le duo d'entrée du faux don Alonzo, et le
quintette de la fièvre, où le trait Buonasera
figure d'une manière très-spirituelle. Paisiello,
on le voit, a su -tirer parti, ainsi que le fait
justement remarquer Castil-Blaze, des scènes
musicales dessinées par Beaumarchais. — VU
ganoni, Mengozzi, Mandini, Rovedino, Raffa-
nelli, Mmes Morichelli, Baletti, Zerbini, Man-
dini et leurs dignes auxiliaires, chantant,
jouant il Barbiere di Siviglia, arrivaient à l'i-
déal de la perfection ; de telle sorte qu'en ISOl
et 1806, lorsqu'on voulut reprendre à la scène
cet opéra qui, avec la Cosa rara, la Frasca^
tana, la Molinara, partageait la faveur du
public, le souvenir d'une exécution aussi mer-
veilleuse l'anéantit. — Ce fut par le Barbiere
di Siviglia que les Italiens, éloignés des Tui-
leries par suite des événements du 6 octobre
qui ramenèrent la famille royale à Paris, et
réfugiés dans une baraque, nommée Théâtre
des Variétés (la nouvelle salle de Nicolet),
sise à la foire Saint-Germain, sur la place où
se voit aujourd'hui le marché de ce quartier,
près le carrefour de Bucy, ce fut par cet ou-
vrage, disons-nous, qu'ils débutèrent le lOjaiir
vier 1790. — Lors de l'apparition àuBarbiere
do Rossini h Paris, en 1819, on remonta, pour
le lui opposer, celui de Paisiello, mais sans
succès. Ce fut même, pour jious ser.vir d'une
BAR
expression qui ne manque pas d'une certaine
énergie, un fiasco orribile. (V. ci-après le bar-
biere de Rossini, pour plus de détails).
Barbier do Séville (le). — Il Barbiere di
Siviglia, opéra-bouffe en deux actes, d'après
Beaumarchais, paroles de Sterbini, musique
de Rossini, représenté pour la première fois
à Rome , au théâtre Argentina , le 2G dé-
cembre 1816 (jour où \a.stagione du carnaval
commence en Italie), et, à Paris, à la salle
Louvois, par la compagnie italienne, le 26 oc-
tobre 1819.
« Quand un peuple est spirituel et mécon-
tent, tout devient allusion » a dit Stendhal. La
guerre du gendarme contre la pensée présente
Partout des circonstances burlesques, et faire
histoire de la censure serait une chose fort
réjouissante, si l'on pouvait une bonne fois
surmonter la tristesse qui s'empare de l'esprit
en voyant la liberté d'écrire traitée comme le
sont les chats par les censeurs du Pont-Neuf.
L'impressario du théâtre Argentina, à Rome,
se voyait refuser par la police tous les librelti
sous prétexte d'allusions. Dans un moment
d'humeur, il proposa au gouverneur de Rome
le Barbier de Séville, délicieux libretto, mis
jadis en musique par Paisiello. l-.e gouverneur,
ennuyé lui-même de ses refus continuels,
accepta, et c'est ainsi que, par hasard, Rossini
fut appelé à faire un chef-d'œuvre. Rossini,
disons-le à sa louange , se trouva dans un
grand embarras en apprenant que, moyennant
quatre cents écus romains, rémunération sti-
pulée d'avance pour chaque ouvrage qu'il
plaisait à l'impressario de lui demander, il
devait mettre une partition nouvelle à la place
de la partition , tant applaudie autrefois, de
Paisiello. Le jeune compositeur avait trop
d'esprit pour n'être pas modeste envers le
vrai mérite. Il se hâta d'écrire à Paisiello. Lo
vieux maestro, quoiqu'il se mourût de jalousie
depuis le succès prodigieux i'Elisabelta (Na-
plcs, 1S15), lui répondit qu'il applaudissait au
choix fait par la police papale. Il comptait, au
fond, sur une chute éclatante. Un libretto écrit
par Ferretti n'ayant pas été du goût de Rossini,
et Ferretti n'ayant su rien trouver de meil-
leur, on recourut à Sterbini, qui voulait traiter
le Barbier de Séoille d'une manière toute nou-
velle, pour le placement et la coupe des mor-
ceaux de musique. Rossini mit une préface
très-modeste au libretto, montra la lettre de
Paisiello à tous les dilettanti de Rome, et en-
treprit son travail. En treize jours, la musique
du Barbier fut terminée. • Rossini, croyant
travailler pour les Romains, dit Stendhal, ve-
nait de créer le chef-d'oîuvre de la musique
française, si l'on doit entendre par ce mot la
musique qui, modelée sur le caractère des
Français d'aujourd'hui, est faite pour plairo
le plus profondément possible à ce peuple,
tant que la guerre civile n'aura -pas changé
son caractère. » Cependant, dès que le bruit se
répandit que Rossini refaisait l'ouvrage de
Paisiello, ses ennemis se hâtèrent d'exploiter
dans les cafés ce qu'ils appelaient une mau-
vaise action. « Cela n'avait pas lo moindre
sens, écrit à ce propos Castil-Blaze; car il
n'est aucun drame lyrique de Metastasio qui
n'ait été musique par une centaine de compo-
siteurs différents; mais les envieux et les en-
nemis des hommes supérieurs n'y regardent
pas de si près. Paisiello lui-même n'était point
étranger à ces intrigues ; une lettre de sa main
fut montrée à Rossini. Paisiello écrivait de
Naples à l'un de ses amis de Rome, et lui re-
commandait expressément de ne rien négliger
pour que la chute fût éclatante. » Le jour de
la première représentation arriva, et c'est ici
surtout qu'à travers tant de versions répan-
dues sur le sort de cet admirable ouvrage , à
son origine, il est utile de demander la vérité
à une bouche contemporaine. Mmo Giorgi-
Righetti, actrice chargée de créer le rôle de
Rosina, va nous servir de cicérone. Cette can-
tatrice nous apprend que d'ardents ennemis
se trouvaient, dès l'ouverture du théâtre, à
leur poste, tandis que les amis, intimidés par
la mésaventure récente de To'rvaldo e Dor-
liska (Rome, 181Q), montraient peu de résolu-
tion pour soutenir l'œuvre nouvelle. Rossini,
selon Mrae Giorgi-Righetti, avait eu lafaiblesse
de consentir à ce que Garcia, dont il aimait
beaucoup le talent , remplaçât l'air qui se
chante sous le balcon de Rosina par une mé-
lodie espagnole de sa façon, pensant que, la
scène étant en Espagne, cela. pourrait con-
tribuer à donner de la couleur locale à l'ou-
vrage ; mais les dispositions du public rendirent
cet essai déplorable. Par une circonstance
malheureuse , on avait oublié d'accorder la
guitare avec laquelle Almaviva s'accompagne;
Garcia dut l'accorder séance tenante. Une
corde cassa ; le chaDteur fut obligé de la re-
mettre, et, pendant ce temps, les rires et les
sifflets s'en donnaient, comme on le pense
bien, sans le moindre égard pour le jeune
maître de vingt -cinq ans, pour lo pauvre
Rossini, qui, selon l'usage, accompagnait au
piano. Etrangère aux habitudes et au goût des
Italiens, la mélodie fut mal reçue, et le par-
terre se mit à fredonner les fioritures espa*
gnôles. Après l'introduction, vient la cavatine
de Figaro. Le prélude put se faire entendre ;
mais lorsqu'on vit entrer en scène l'acteur
Zamboni sur ce prélude , portant une autre
guitare, un fou rire s'empara des spectateurs,
et la cabale fit si bien, par son vacarme, que
pas une note de ce morceau ravissant ne put
être écoutée. Rosina se montra sur le baioon,
et le public, qui chérissait la cantatrice, se
BAR
disposait à l'applaudir ; malheureusement elle
avait à dire ces paroles :
Ser/ui, o caro, de' segui cosi,
, (Continue, mon cher, va toujours ainsi). A peine
I les eut-elle prononcées que l'hilarité reduub':.
dans la salle. Les sifflets et les huées ne ces-
sèrent pas une minute, pendant tout le duo
! d'Alinaviva et de Figaro; l'ouvrage dès lm-;j
sembla perdu. Enfin, Rosina entra en scène < t
chanta la cavatine attendue avec impatience.
La jeunesse de Mme Giorgi-Righetti, la beauté
de sa voix, la faveur dont elle jouissait auprès
du public, lui procurèrent une sorte d'ovation
dans cette cavatine. Trois salves d'applaudis-
sements prolongés firent espérer un retour de
fortune pour l'ouvrage. Rossini, assis au piano,
se leva, salua, puis, se tournant vers la' can-
tatrice, il lui dit à demi-voix : = Oh! natura.' —
Rendez-lui grâce, répondit Mme Giorgi; sans
elle, vous ne vous seriez pas levé de votre
chaise. » — Cette éclaircie de soleil au milieu
do la tempête tomba presque aussitôt; les
sifflets recommencèrent de plus belle au duo
que P'igaro chante avec Rosina. Le tapage
redoublant,' il fut impossible d'entendre une
phrase, du finale. Tous les sifflfiurs de l'Italie,
dit Castil-Blaze, semblaient s'être donné ren-
dez-vous dans cette salle. Au moment du bel
unisson qui commence la strette, une voix de
stentor cria : • Voici les funérailles de don
Pollione, » paroles qui- avaient sans doute
beaucoup de sel pour des oreilles romaines,
car les cris, les huées, les trépignements cou-
vrirent aussitôt la voix des chanteurs et l'or-
chestre. Lorsque le rideau tomba, ïlossini se
tourna vers le public, leva légèrement, les
épaules et battit des mains. Les spectateur,
furent, affirme-t-on, vivement blessés de ce
mépris de l'opinion ; mais pas un signe d'im-
probation n'y répondit. La vengeance était
réservée pour le second acte ; elle fut aussi
cruelle que possible, car on ne put entendre
une seule note. « Jamais, s'écrie avec raison
un auteur, jamais pareil débordement d'ou-
trages n'avait déshonoré la représentation
d'une œuvre dramatique. » Rossini cependant,
qui, ainsi qu'on en peut juger , n'était pas
plus heureux à sa première soirée que no
l'avait été Beaumarchais lui-même, ne cessa
point d'être calme, et sortit du théâtre avec
la même tranquillité que s'il s'était agi do
l'opéra d'un de ses confrères. Après s'être dés-
habillés, les chanteurs : M™ Giorgi, Rosina;
Garcia, Almaviva; Zamboni, Figaro, et Boti-
celli, Bartholo, accoururent a son logis pour lo
consoler de sa triste aventure. Ils le trouvèrent
endormi profondément.
Stendhal, qui a écrit une Vie de Rossini,
prétend que les Romains trouvèrent le com-
mencement du Barbier ennuyeux et bien infé-
rieur a celui de Paisiello. « Ils cherchaient en
vain cette grâce naïve, inimitable, et ce style,
le miracle de la simplicité. L'air de Rosine,
Sono docile,
parut hors de caractèrej on dit que le jeuno
maestro avait fait une virago d'une ingénue.
«La pièce, poursuit Stendhal, se releva au
duetto entre Rosine et Figaro, qui est d'uno
légèreté admirable et le triomphe du style do
Rossini. L'air de la Calunnia fut jugé magni-
fique et original. Néanmoins, après le grand
air de Basile, on regretta davantage encore
la grâce naïve et quelquefois expressive do
Paisiello. Enfin, ennuyés des choses com-
munes qui commencent le second acte, cho-
qués du manque total d'expression, les specta-
teurs firent baisser la toile. En cela, le public
de Rome, si fier de ses connaissances musi-
cales, fit un acte de hauteur qui se trouva
aussi , comme il arrive souvent, un acte do
sottise. » Le lendemain, cependant, la pièce
alla aux nues; on voulut bien s'apercevoir
que , si Rossini n'avait pas les mérites do
Paisiello, il n'avait pas non plus la langueur
de son style, défaut énorme qui gâte souvent
les ouvrages , si semblables d'ailleurs , de
Paisiello et du Guide. Pour cette deuxième
représentation, Rossini remplaça l'air malen-
contreux de Garcia par la délicieuse cavatine
Ecco ridauc il cielo,
dont il emprunta le début à l'introduction do
son Aureliano in Palmira. Cette introduction
A! Aureliano in Palmira (Milan, 1314) est un
des meilleurs morceaux de l'auteur; comme
l'ouvrage n'avait pas eu de succès, Rossini
en avait fait, l'année suivante, l'ouverture
i'Elisabel ta , ■regina. d' InghiUerra ; or, elle
avait déjà figuré dans sa partition de Ciro in
Babilonia, en 1812. Cette symphonie peu tra-
gique , bien qu'elle eût précédé des opéras
sérieux, annonça les joyeusetés du factotum
délia ciità, devint l'ouverture de il Barbiere
di Siviglia, et n'en fut pas moins applaudie.
Elle se trouve ainsi avoir à exprimer, dans
Elisabetta, les combats de l'amour et de l'or-
gueil chez une des âmes les plus hautaines
dont l'histoire ait gardé la mémoire, et, dans
il Barbiere, les folies de Figaro. Mais ne sait-on
pas que le moindre changement de temps suffit
souvent pour donner l'accent do la plus pro-
fonde mélancolie à l'air le plus gai? Rossini
put donc se servir, avec un grand bonheur, du
motif du premier chœur :
Sposa del grande Qsiride
de son Aureliano, pour en composer
Ecco ridante il cielo,
début de la cavatine d'Almaviva. Ce délicieux
andante nous oifre, ainsi que le fait remarquer
Castil-Blaze, le premier exemple de la modu-
BAR
BAR
BAR
BAR
223
Iation au mode mineur que l'on rencontre
dans les opéras de Rossini, modulation si sou-
vent employée ensuite par ce maître et par la
foule de ses imitateurs. Ce moyen harmonique,
cette manière ingénieuse d'éviter la route
battue et la cadence prévue , appartient à
Majo, et plusieurs musiciens s'en étaient em-
parés bien avant Rossini. Quoi qu'il en soit,
la nouvelle cavatine, adaptée à la hâte au
Barbiere si mal reçu, fut chantée le soir même
de la seconde épreuve par Garcia et vivement
applaudie. En outre, Rossini s'était empressé
d'enlever de son œuvre tout ce qui lui parut
avoir été raisonnablement improuvé; puis, il
prétexta une indisposition et se mit au lit, afin
de n'être pas obligé de paraître cette fois au
piano. Le public, ce soir-la, se montra moins
mal disposé que la veille. 11 voulut entendre
l'ouvrage, ce qu'il n'avait pu faire encore,
avant dé l'exécuter tout à fait. Cette résolution
assurait le triomphe du maestro ; car « il était
impossible qu'un peuple si bien organisé ne
fût point frappé des beautés répandues a pro-
fusion dans ce chef-d'œuvre. » On écouta, et
les applaudissements seuls rompirent le si-
lence des auditeurs attentifs; il n'y eut pas
d'enthousiasme à cette représentation, mais,
aux. représentations suivantes, le succès gran-
dit,et Von envintenfm à'cestransportsd'admi-
ration qui partout ont accueilli cette œuvre du
génie. On raconte que bientôt l'enthousiasme
prit de telles proportions, que Rossini fut con-
duit plusieurs soirs de suite à son logis, en
triomphe, a la lueur de mille flambeaux, par
ces mêmes Romains qui l'avaient si cruelle-
ment. sJ.tùè précédemment. Les premiers qui
corpprirent tout le mérite du Barbiere vinrent
c-iitourer le lit de Rossini et le félicitèrent sur
l'excellence de son opéra. Ce revirement de
fortune et d'opinion n'étonna point le musi-
cien : il n'était pas moins certain de sa réus-
site le soir même de sa chute, que huit jours
après. •
Fait singulier, le sort du Barbiere di Sim'glia
fut le même à Paris qu'à Rome ; les mêmes
causes produisirent le même effet dans l'une
et l'autre ville : chez nous, l'ouvrage de Pai-
siello fut encore opposé à celui de Rossini. La
■ première représentation, à la salle Louvois,
se ressentit des articles publiés par des jour-
nalistes malveillants ou ignorants, et l'impres-
sion de la soirée fut glaciale. Il est vrai que
MmcRonzide Begnis échauffait peu le rôle de
Rosina, pour lequel son talent était insuffisant.
Par une inspiration qui devait d'ailleurs tourner
à l'avantage de Rossini, les dilettanti parisiens
demandèrent le Barbiere de Paisiello. Paër,
directeur de la musique au Théâtre-Italien, et
que le jeune maestro inquiétait, eut l'air de
céder à une exigence du public, que peut-être
il avait provoquée; mais le contraire de ce
qu'il attendait arriva. Déjà les traditions de
1 ancienne musique que l'on ressuscitait étaient
perdues; aucun artiste ne savait plus la
chanter dans son caractère de simplicité.
D'ailleurs, si l'on s'en rapporte a Castil-Blaze,
excellent juge en cette matière, la forme de
l'ouvrage était surannée ; il y avait trop d'airs,
trop d« récitatifs, et l'instrumentation parut
maigre. Ce fut un fiasco orribile. Il fallut en
revenir à la partition de Rossini, qui, grandie
par les avantages dont sa rivale était dé-
pouillée, ravit tous les connaisseurs. Les rôles
étaient alors tenus, avec une perfection que
l'on n'a pas égalée depuis, par Garcia, Alma-
viva modèle; Pellegrini, joyeux et spirituel
Figaro ; de Begnis, Basile parfait; Graziani,
Bartolo vivace et malin qui n'a pu être vaincu
depuis lors, écrasé, que par une montagne :
Lablache est tombé sur lui. Mme Ronzi de
Begnis seule détruisait l'harmonie de ce déli-
cieux ensemble; aussi, quand, le 14 décembre,
Mine Mainvielle-Fodor prit le rôle de Rosina,
le succès de l'ouvrage fut triplé. Qu'on se
figure la perfection ou en était arrivée l'exé-
cution du Barbiere, en lisant les lignes sui-
vantes échappées à Castil-Blaze : * Pour vous
donner une idée de Garcia dans ce rôle qu'il
a confisqué totalement à son profit, je vous
dirai que mon précieux ami Rubini m'a tou-
jours semblé médiocre Almaviva, tant je
tenais dans mon oreille impitoyable les traits
hardis, accentués, perlés à pleine voix de
Garcia. Qui me rendra cette avalanche sonore
du comte exaspéré , maudissant l'importune
troupe de ses musiciens :
Ah! maledelti andale via,
Ah ! canaglia via di gud ?
C'était sublime! » L'ouverture du Barbiere
amusa beaucoup à Rome ; on y vit, ou l'on crut
y voir les gronderies du vieux tuteur amou-
reux et jaloux, et les gémissements de la pu-
pille. Le petit terzetto
Zitti, zitti, piano, piano,
du second acte, fut applaudi avec un enthou-
siasme indescriptible. « Mais c'est de la petite
musique, s'écriaient les adversaires du jeune
compositeur; cela est amusant, sautillant,
mais n'exprime rien. Quoil Rosine trouve un
Almaviva fidèle et tendre au lieu du scélérat
qu'on lui avait peint, et c'est par d'insigni-
. fiantes roulades qu'elle prétend nous faire
partager son bonheur 1 »
Di sorpresa, di contenta
Son vieina a délirer.
« Eh bien, écrivait Stendhal en 1S24, les rou-
ltides si singulièrement placées sur ces paroles,
etqui faillirent, même le second jour, entraîner
la chute de la pièce à Rome, ont eu beaucoup
de succès à Paris ; on y aime la galanterie et
non l'amour. Le Barbier , si facile à com-
prendre par la musique , et surtout par le
poème, a été l'époque de la conversion de
beaucoup dé gens. Il fut donné le 23 sep-
tembre 1819 (Stendhal se trompe de date,
lisez ; 26 octobre), mais la victoire sur les
pédants qui défendaient Paisiello comme an-
cien n'est que de janvier 1820... Je ne doute
pas que quelques dilettanti ne me reprochent
de m'arreter à des lieux communs inutiles à
dire; je les prie de vouloir bien relire les jour-
naux d'alors et même ceux d'aujourd'hui (1823),
ils ne les trouveront pas mal absurdes, quoi-
que le public ait fait d'immenses progrès depuis
quatre ans, La musique aussi a fait un pas
immense depuis Paisiello ; elle s'est défaite des
récitatifs ennuyeux, et elle a conquis les mor-
ceaux d'ensemble... Rossini, luttant contre un
des génies de la musique dans le Barbier, a.
eu le bon esprit, soit par hasard, soit par bonne
théorie, d'être éminemment lui-même. Le jour
où nous serons possédés de la curiosité, avan-
tageuse ou non pour nos plaisirs, de faire une
connaissance intime avec le style de Rossini,
c'est dans le Barbier que nous devrons le cher-
cher. Un des plus grands traits de ce style y
éclate d'une manière frappante. Rossini, qui
fait si bien les finales, les « morceaux d'en-
semble. » les duetti, est faible et joli dans les
airs qui doivent peindre la passion avec sim-
plicité. Le chant spianato est son écueil. »
Ainsi parle Stendhal, qui a donné du Barbiere
une analyse détaillée et complète, a laquelle
nous sommes malheureusement contraint de
renvoyer lelecteur, nous bornant à en extraire,
pour cet article déjà bien long, les passages
saillants. «On sent bien, dit Stendhal, que
Rossini lutte avec Paisiello ; dans le chœur des
donneurs de sérénade, tout est grâce et dou-
ceur, mais non pas simplicité. L air du comte
Almaviva est faible et commun; en revanche,
tout le feu de Rossini éclate dans le chœur
Mille grazie, mio signore.'
et cette vivacité s'élève bientôt-jusqu'à la
verve et au brio, ce qui n'arrive pas toujours
à Rossini. 'Ici son âme semble s'être échauffée
aux traits de son esprit. Le comte s'éloigne
en entendant venir Figaro ; il dit, en s'en
allant :
Già Valba c appena,
E amûr non si vergogna.'
Voilà qui est bien italien. Un amoureux se
permet tout, dit le comte. La cavatine de
Figaro
Largo al factotum
est et sera longtemps le chef-d'œuvre de la
musique française. Que de feu! que de légè-
reté, que d'esprit dans le trait :
A un barbiere di qualitàt
Quelle expression dans
Colla doncita...
Col cavalière!...
Cela a plu a Paris et pouvait fort bien être
sifflé à cause du sens -leste des paroles. La
situation du balcon dans le Barbier est divine
pour la musique ; c'est de la grâce na'ive et
tendre. Rossini l'esquive, pour arriver au su-
perbe duetto bouffe :
Alt' idea di quel métallo!
Les premières mesures expriment d'une ma-
nière parfaite l'omnipotence de l'or aux yeux
de Figaro. L'exhortation du comte :
Su, vediam di quel métallo,
est , bien au contraire, d'un jeune homme de
qualité qui n'a pas assez d'amour pour ne pas
s'amuser, en passant, de la gloutonnerie su-
balterne d'un Figaro a la vue de l'or. Cimarosa
n'a jamais fait de duetto aussi rapide que celui
d'Almaviva avec Figaro :
Oggi arriva un reggimento,
qui est, en ce genre, le chef-d'œuvre de Ros-
sini, et par conséquent de l'art musical. On
regrette de remarquer une nuance de vulgarité
dans
Cite invenzione prelibata!
Un modèle de vrai comique se trouve, au
contraire, dans ce passage de l'ivresse du
comte :
Perché d'un che poco ë in se,
Il tutor, credete a me,
Il tutor si fédéra.
On admirait surtout la sûreté de voix de Garcia
dans le passage
Vado... ma il meglio mi scordavo.
Il y a là un changement de ton, dans le fond
de la scène, sans entendre l'orchestre, qui est
le comble de la difficulté. La fin de ce duetto,
depuis
La bottega ? non si sbaglia,
est au-dessus de tout éloge. La cavatine de
Rosine
Una voce poco fa,
est piquante ; elle est vive, mais elle triomphe
trop. 11 y a beaucoup d assurance dans le
chant de cette jeune pupille persécutée, et
bien peu d'amour. Le chant de victoire sur
les paroles :
Lîndor mio sard
est le triomphe d'une belle voix. M™' Fodor
y était parfaite. L'air célèbre de la Calomnie
La Calunnia è un venticello
ne semble à Stendhal qu'un extrait de Mozart,
fait par un homme d'infiniment d'esprit, et qui
lui-même écrit fort bien. « C'est ainsi que
Raphaël copiait Michel-Ange dans la belle
fresque du prophète Isaïe, à l'église de Saint-
Augustin. » L'entrée du comte Almaviva, dé-
guisé en soldat, et le commencement du finale
du premier acte, sont des modèles de légèreté
et d'esprit. Il y a un joli contraste entre la
lourde vanité du Bartolo qui répète trois
fois, d'une manière si marquée,
Doltor Bartolo!
et l'aparté du comte :
Ah! venissc il caro oggetto!
Rien de plus piquant que ce finale. Peu à peu,
à mesure qu'on avance vers la catastrophe, il
prend une teinte de sérieux fort marqué.
L'effet du chœur
La forza, aprite quà,
est pittoresque et frappant. On trouve ici un
grand moment de silence et de repos, dont
l'oreille sent vivement le besoin, après le dé-
luge de jolies petites notes qu'elle vient d'en-
tendre. En Italie, on chante, pour la leçon de
musique de Rosine, cet air délicieux :
La biondina in gondoletta.
A Paris, Mme Fodor le remplaçait par l'air de
Tancrède :
Di tanti palpiti,
arrangé en contredanse. Nous avons vu ,
en 1863, au Théâtre-Italien, M™ Borghi-Mamo
intercaler dans cette scène l'air si connu du
Baccio, et, l'année suivante, Mlle AdelinaPatti
donner au même endroit la valse di Gioia
insolità, et la Calessera, chanson espagnole.
Le grand quintetto de l'arrivée et du renvoi
de Basile est un morceau capital ; le terzetto
de la tempête est, aux yeux de beaucoup de
personnes, le chef-d'œuvre de la pièce, qui est
elle-même le chef-d'œuvre du maestro dans lo
genre comique, après la Ceiierentola toutefois,
si l'on s'en rapporte à l'opinion de certains
écrivains spéciaux. Ce que nous pouvons
constater, c est qu'en France le Barbiere est
plus généralement connu que la Cenerentola.
Il est resté au répertoire du Théâtre-Italien,
où il a été souvent l'objet de reprises fort
suivies. Les artistes les plus distingués ont
tenu à honneur d'aborder ce célèbre ouvrage,
que le monde entier a applaudi. Nous rappel-
lerons : Galli, Figaro; MUo Cinti (1825);
Mlle Sontag (lB2fl); Santini, Figaro (1S2S) ;
Lablache, Figaro; Mms Malibran (1831);
Mlle Qiulia Grisi (1833); Morelli; Lablache,
Bartolo; Ronconi, Basilio ; Salvi; M"i« Per-
siani(l844); Mlle Nissen (1844); Mario, Alma-
viva (1845) ; Calzolari; Napoleone Rossi; Be-
letti ; Mme de La Grange (1853) ; Mario ; Tam-
burini; Rossi; M"i« Alboni (1854); Lucchesi;
Gassier; Rossi; M™e Gassier (1854); Mario;
Everardi ; Zucchini ; Angelini; Mm<! Borghi-
Mamo (1855); plus récemment encore nous
avons vu ou revu : M'ie Adelina Patti (1862) ;
Baragli, Almaviva ; Mme Borghi-Mamo (1863);
Mario; Scalese, Bartholo; Mlle Patti (1864).
Malheureusement, dans ces dernières années,
l'exécution du Barbiere a été pâle et médiocre.
Mario n'est plus qu'un Almaviva décoloré, à
qui l'on pourrait chanter comme à Basile :
Buona sera, mio signore.
Quant à M"e Patti, elle ne comprend nulle-
ment le rôle de Rosine, qu'elle joue en enfant
gâté et avec force simagrées , que M. Paul
de Saint-Victor a eu raison de trouver do
très-mauvais goût.
Il Barbiere di Siviglia, traduit par Castil-
Blaze en français, a été représenté à l'Odéon
le 6 mai 1824. En octobre 1837, alors qu'il était
question de l'adapter à la scène de notre grand
Opéra, le Barbier de Séaille fut exécuté au
bénéfice d'un choriste basse de l'Académie de
musique, qui s'était blessé grièvement, dans la
salle Chantereine, par Lafond, Almaviva;
Alizard , Basile; .Prosper Dérivis, Figaro;
Bernadet , Bartholo ; Mme Dorus , Rosine ;
Mlle Flécheux, Marceline. Divers empêche-
ments arrêtèrent la représentation immédiate
à l'Opéra. Mis à l'étude cette même année 1837,
il ne put être joué que seize ans plus tard, le
9 décembre 1853. Le directeur du Théâtre-
Italien s' opposant à la mise en scène d'une
traduction du Barbier de Séville, le ministre
n'en autorisa qu'une seule représentation in-
complète, plusieurs fragments ayant été sup-
primés. M1"0 Bosio s'y montra dans tout l'éclat
de son talent, et dit à ravir la cavatine de
Niobe,
Di tuai freguenti palpili,
si brillante et si difficile. Chapuis, Morelli,
Obin, Marié secondèrent parfaitement la vir-
tuose éminente ; le chœur et l'orchestre firent
merveille dans le finale.
BARBIERE s. f. (bar-bi-ère — rad. barbe).
Art milit. anc. Sorte d'armure en fer battu,
formée de deux pièces erui entouraient le cou
et s'élevaient jusqu'au-dessus du nez. u C'est
aussi le nom que, dans quelques campagnes,
on donne à la femme d'un barbier.
BARBIERI (Gio.-Francesco), célèbre pein-
tre italien, plus connu sous le nom du Guer-
chin. (V. ce mot).
BARBIERI (Jean-Marie), savant philologue
et littérateur italien, né à Modène en 1519,
mort en 1574. Précepteur du comte Louis de
la Mirandole, il l'accompagna à la cour de
France, où il séjourna huit ans. A son retour,
les magistrats de Modène le choisirent pour
chancelier. Il justifia ce choix en mettant en
ordre les archives et en rédigeant, sur les
pièces originales, une chronique du Modénais,
qui est restée manuscrite, ainsi que d'autres
ouvrages dont on trouve la note exacte dans
la Bibliothèque modenaise de Tiraboschi. On a
imprimé de lui la Guerra a" A tlila (i5GS), abrégé
d'un récit écrit en vieux français par Nicolas
de Casola ; Canxone en l'honneur de Marie
Stuart ; Origine de la poésie rimée.
BARBIERI (Paul- Antoine), peintre italien
de l'école bolonaise, mort en 1G49. Il était
frère dirGuerchin, vécut auprès de lui et lui
témoigna toujours autant de dévouement que
d'admiration. Il a peint les animaux et les
fruits avec une telle vérité, qu'un chat fut,
dit-on, trompé par des poissons qu'il avait
représentés, et qu'un enfant voulut se saisir
d'une grappe de raisin d'un de ses tableaux.
BARI1IERI (Louis), peintre et graveur ita-
lien, né à Bologne, florissait de 16G0 à 1701.
I! a décoré de ses peintures un grand nombre
de palais et d'églises de sa ville natale. Parmi
ses gravures, on cite surtout une belle pièce
représentant un Moine serai te, et qui est rare
et très-recherchée. i
BARBIERI (Pierre- Antoine), peintre italien,
né à Pavie en 1603, mort après 1704. Les
églises de sa ville natale contiennent un grand
nombre de ses fresques et de ses tableaux.
Lorsqu'il mourut, il décorait la chapelle de
Notre-Dame du Mont-Carmel dans l'église de
Santa-Maria in Pertica.
BARBIERl (l'abbé Vincent), poète italien,
était professeur de rhétorique à Padoue; il a
composé un poëmedes.Snison.s imite deThomp-
son et de Saint-Lambert, mais bien inférieur
à ses modèles. Ce poëme fait partie d'un
recueil qu'il a publié en lsu, où se trouve un
autre poème, Y Epitkalame botanique, imité des
Amours des -plantes, de l'Anglais Darwin, un
discours sur la Poésie descriptive, et quelques
autres opuscules.
BARBIERl (l'abbé Joseph), orateur sacré
et prêtre italien, né à Bassano (Vénétie) vers
la lin du dernier siècle, mort en 1851, profes-
seur de littérature classique à l'université do
Padoue, a laissé un Carême et un Avevt,
dans lesquels, laissant de côté la phraséologie
et les concetti habituels aux orateurs de la
Péninsule, il a inauguré, dans l'éloquence de
la chaire, un langage nouveau et plus vérita-
blement chrétien. Comme poète, il a publié,
entre autres ouvrages, des Saisons (Stagioni)
poème descriptif et fantaisiste, qui se distin-
gue parmi ses compositions poétiques par la
grâce, la vivacité et le sentiment.
BARBIERl, compositeur espagnol de l'épo-
que actuelle, forma en 1S50 une société avec
plusieurs autres compositeurs, pour la fonda-
tion d'un théâtre d'opéra espagnol qui fut ins-
tallé au cirque de Madrid. La première oeuvre
de Barbieri représentée sur ce théâtre fut
une zarzuela (saynète lyrique) intitulée Jugar
con fuoeo (jouer avec rage), qui obtint un suc-
cès d'enthousiasme. M. Barbieri, qui, depuis
cette époque, a composé plusieurs opéras, est
considéré comme le premier compositeur actuel
de l'Espagne.
BARBIERI NIN1 (la), célèbre cantatrice
italienne. Après avoir longtemps chanté sur
les premières scènes italiennes et avoir sur-
tout brillé dans les opéras de Verdi, et lutté
de réputation avec la.Frezzolini et la Gazza-
niga, la Barbieri Nini, déjà sur le déclin de
sa voix, vint se faire entendre en France vers
1854, et débuta au Théâtre-Italien par le rôla
de Lucrezia Borgia (Donizetti).^ Accueillie
assez froidement, bien qu'elle eût déployé,
pendant la saison de son engagement, une
fougue presque brutale et une passion pleine
d'éclairs qui faisaient parfois oublier l'incor-
rection de sa méthode et la lassitude de son
organe, elle ne put se maintenir sur la scène
parisienne.
BARBIÉRIE s. f. (bar-bié-rî — du nom de
Barbier du Bocage). Bot. Genre de plantes
de la famille des légumineuses, voisin des
clitories, et comprenant une seule espèce.
BARBIERS (Pieter), peintre hollandais, né
en 1717, mort en 1780. Il a exécuté beaucoup
de dessins et de décors de théâtre. ~ Son
fils, Barthblemi, né à Amsterdam en 1740,
mort en 1808, fut un paysagiste distingué. —
Pieter-Bartsz , fils de Barthélemi , né à
Amsterdam en 1772 , mort en 1837 , a peint
le paysage et l'histoire d'une manière assez
remarquable. — - Son frère , Pieterszook, né
en 1789, mort en 1842, a reproduit avec élé-
gance et poésie les sites des environs de
Harlem et du pays de Gueldre. Ses paysages
sont fort estimés.
EARBIFÈRE adj. (bar-bi-fè-re — du lat.
barba, barbe; fero,je porte). Hist. nat. Muni
de barbes.
BARBIFIANT, part. prés, du v. Barbifîer.
BARBIFIÉ, ÉE (bar-bi-fi-é). Part. pass.
du v. Barbifier, Dont la barbe est faite : Fi-
gure barbifiée. Jeune homme barbifib. Tous
les pauvres diables qui lisaient la pancarte se
promettaient, pour le lendemain, cette douceur
ineffable et souveraine d'être barbifiés une fois
en leur vie, sans bourse délier. (Th. Gautier.)
Sterne, cet admirable observateur, a proclamé
de la manière la plus spirituelle que les idées
de l'homme baiîbifié » étaient pas celles de
Ihomme barbu. (Balz.)
BARBIFIER v. a. ou tr. (bar-bi-fi-ô —
du lat. barba, barbe; facere, faire — prend
224
BAR
BAR
BAR
BAR
deux i de suite aux doux prcm. pcrs. pi.
de l'imp. de l'indic. et du prés, du subj. :
nous barbi fiions , que vous barbi fiiez). Fam.
Raser, faire la barbe à : On vient de me bar-
biitikr.
Se barbifler v. pr. Se raser : Un beau sur-
numéraire, jeune de ses dix-neuf ans, appa-
raît à une dévote dans le simple appareil d'un
homme qui se barbifik. (Balz.) Il est en train
. de su barmfier à l'eau froide. (Marc Michel.)
BARBIGÈRE adj. (bar-bi-jè-ro — du lat.
barba, barbe; gero,je porte). Hist. nat. Muni
de barbes, il C'est presque le même mot que
BARBI FBRE.
BARBILANIER s. m. (bar-bi-la-nié — du
lat. barba, barbe; lana, laine). Ornith. Nom
donné par les savants à un oiseau empaillé
qu"ils regardaient comme appartenant à un
nouveau genre, et qu'ils ont reconnu plus
tard avoir été formé, par supercherie, de
pièces empruntées à divers sujets. Cet oiseau
figure dans un grand nombre de livres d'his-
toire naturelle, qui le font venir des mors
du Sud; on lui a même donné plusieurs
noms, les uns l'appelant sparacte, les autres
BKC-DE-FER.
BARBILLE s. f. (bar-bi-lle, Il mil — dim.
de barbe). Techn. Petite barbe ou bavure en
filament, qui reste au flan des monnaies.
BARBILLON s. m. (bar-bi-llon, Il mil —
rad. barbe). Ancienne espèce de (lèche.
BARBILLON s. m, (bar-bi-llon, Il mil —
dim. de barbeau). Ichthyol. Petit barbeau -.Le
barbillon abonde par là, et c'est un joli coup
de ligne. (G. Sand.) Il Espèce de squale des
côtes de l'Amérique : La tête du barbillon
est aplatie. (Broussonet.) il Filaments qu'on
rencontre de chaque coté de la bouche do
certains poissons : Beaucoup de poissons écail-
leux ont des barbillons. (B. de St-P.)
— Techn. Dent de l'hameçon et des traits
barbelés, destinée à en rendre l'extraction
difficile : Le barbillon d'un hameçon. Les
barbillons d'une flèche.
— Art vôtér. Repli de la peau qui tapisse,
sous la langue, la bouche du cheval et du
bœuf, il Ne s'emploie qu'au pluriel.
— Fauconn. Maladie de la langue, chez les
oiseaux de proie, il Ne s'emploie qu'au pluriel.
— Ornith. Appendice que le coq porte au-
dessous du bec : Chez les coqs, un ou deux
barbillons garnissent les côtés et la partie
inférieure du bec. (Buff.)
— Entom. Syn. de palpe.
— Encycl. Ait vétér. Chez les chevaux, les
vaches et la plupart des quadrupèdes, les
barbillons servent de pavillon a l'orifice exté-
rieur des conduits excréteurs des glandes
salivaires sous-linguales. Les guérisseurs et
les maréchaux ignorants, dans quelques mala-
dies qu'ils ne savent point reconnaître, regar-
dent les barbillons comme une affection qui
empêche les animaux de boire et de manger ;
ils enlèvent ces replis de la membrane buc-
cale, opération blâmée par les vétérinaires.
Dans quelques cas, il est vrai, ces appendices
peuvent se tuméfier, s'enflammer, présenter
de la rougeur, de la douleur, empêcher les
animaux de boire et de manger, et si, alors,
l'excision que l'on pratique guérit, c'est assu-
rément par la perte de sang, qui diminue
l'irritation de la partie. Mais n n'est pas né-
cessaire de supprimer un organe malade pour
guérir la maladie dont il est atteint; car on
peut trouver des moyens propres à combattre
ce que l'on appelle vulgairement barbes ou
barbillons, sans être obligé, d'en faire l'abla-
tion. Cependant la pratique d'exciser les bar-
billons est sanctionnée par M. Cruyel, vété-
rinaire distingué. M. Cruyel désigne sous le
nom de barbillons les protubérances molles et
très-nombreuses qui sont les canaux excré-
teurs des follicules muqueux de la membrane
qui tapisse la bouche du bœuf. Ces follicules
existent au bord interne des lèvres, de chaque
côté seulement et dans l'intérieur de la bou-
che, et le long des dents. Rien de semblable
ne se fait remarquer sur les monodactyles;
aussi M. Cruyel cvoit-il qu'on a blâmé avec
raison l'excision des barbillons quand les che-
vaux refusent de boire et de manger. Mais
lorsque, dans le bœuf, les follicules muqueux
dont il s'agit sont enflammés, M. Cruyel cer-
tifie que l'excision des barbillons produit de
bons effets. Le bœuf qui en est affecté boit
difficilement d'abord, et finit par refuser toute
boisson ; il mange peu et maigrit. Quand on
veut exciser les barbillons du bœuf, il faut
bien l'assujettir. Un aide le prend par les
cornes, par les narines, et lève la tête; un
autre tire la langue hors de la bouche, en la
portant de côté, et l'opérateur excise les bar-
billons avec des ciseaux courbes. Une légère
hémorragie se manifeste, on jette un peu de
vinaigre dans la bouche, et l'animal inange
presque aussitôt après. Certains veaux éprou-
vent aussi une inflammation sous la langue,
qui les empêche de se nourrir. On peut pra-
tiquer chez eux la même opération que sur le
bœuf, et lotionner ensuite avec des émol-
lients, ce qui est préférable au vinaigre et
aux substances irritantes.
barbillon. .Argot, Souteneur de filles.
BARBILLONNÉ, ÉE (bar-bi-llo-né , Il mil.)
part. pass. du v. Barbillonner : Hameçon bau-
BILLONNÉ.
BARBILLONNER v. a. ou tr. (bar-bi-llo-né,
U.mW. — rad. barbillon). Pëcli. En parlant
d'un hameçon, En relever le barbillon.
BARB1LLCS, astrologue romain contempo-
rain de Vespasien, qui le consultait souvent,
quoique, par une loi, tous ceux qui exerçaient
la profession d'astrologue fussent bannis de
la cité. En vertu d'une permission de l'empe-
reur, Barbillus établit à Ephèse des jeux pu-
blics, jeux qui finirent par porter son nom.
BARBIN s. ni. (bar-bain). Techn. Pièce de
l'ourdissoir, qui sert à guider le fil sur les
montants de la cage tournante.
BARBIN (Jean), avocat et conseiller du roi,
né en 1406, mort dans la deuxième moitié du
xve siècle. Il eut un grand crédit sous le règne
de Charles VII, prit part à tous les actes im-
portants, et notamment b, l'édit de 1453 por-
tant réformation de la justice. Barbin fut le
conseil judiciaire de la reine Marie d'Anjou et
posséda toute la confiance de cette princesse.
BARBIN, libraire du xvn<= siècle, dont le
nom revient souvent sous la plume de Boi-
leau, qui place devant sa boutique le combat
du Lutrin. Molière l'a également mentionné
dans la querelle de Trissotin et de Vadius :
Eh bien, nous nous verrons seul à seul chez Barbin.
BARBINADE s. f. ( bar-bi-na-de — rad.
Barbin). Mauvais petit livre vendu chez le
libraire Barbin; mot employé par Trévoux.
BARBINERVÉ, ÉE adj. (bar-bi-nèr-vé —
du lat. barba, barbe; nervus, nerf). Bot. Qui a
des barbes ou poils aux nervures.
BARB1NGANT, compositeur et musicien, né
probablement en Picardie, vivait dans la pre-
mière moitié du xve siècle. On ne connaît de
cet artiste, qui avait beaucoup de réputation
en son temps, qu'un fragment à deux parties
conservé par Tinctor, qui cite souvent son
nom.
BARBION s. m. {bar-bi-on — rad. barbe).
Ornith. Genre d'oiseaux grimpeurs, distrait,
du genre barbu, et appelé encore barbusëria.
On en a fait aussi un sous-genre des barbi-
cans : Le principal caractère des barbions est
d'avoir les soies de la base du bec peu nom-
breuses. (P. Gervais.)
— Encycl. Les barbions (micropogon) ap-
partiennent à l'ordre des grimpeurs et à la
famille des barbus. Leur caractère principal
est d'avoir les soies de la base du bec très-
courtes et peu nombreuses et les doigts anté-
rieurs réunis jusqu'à la dernière phalange ;
ils ont de plus le bec long, aigu, à mandibule
supérieure faiblement courbée ; les narines
longitudinales, percées dans une membrane
couverte de plumes; les ailes médiocres. Ce
genre comprend sept ou huit espèces , dont
les mœurs sont pou connues. La seule qui ait
été un peu étudiée sous ce rapport est le bar-
bion perlé, d'Abyssinie, qui vit dans le feuil-
lage des grands arbres, et dont le chant est
assez agréable.
BARBIPÈDE adj. (bar-bi-pè-de — du lat.
barba, barbe; pes, pedis, pied). Hist. nat.
Dont les pieds sont munis de longs poils.
BARBIQUE s. f. (bar-bi-ke — rad. barbe).
Mamm. Espèce de guenon.
BARBIROSTRE adj. (bar-bi-ro-stre — du
lat. barba, barbe; roslrum, .bec). Hist. nat.
Dont le bec est muni de poils.
— Bot, Se dit d'un champignon du genre
sphérie, dont les ostioles sont allongés en
forme de bec et pubescents : La sphérie bar-
birostre.
BARBI-ROUSSA s. m. (bar-bi- rouss-sa).
Mamm. V. Babiroussa.
BARBISON, partie très-curieuse de la forêt
de Fontainebleau, célèbre par le séjour qu'y
tirent nos peintres de paysage de premier or-
dre : Théodore Rousseau, Corot, Troyon,
Diaz, etc., etc. V. Fontainebleau. •
BARBISTE adj. (bar-bi-ste — rad. Sainte-
Barbe). Elève du collège de Sainte-Barbe :
Cette caisse vient en aide aux besoins présents,
et souvent même assure l'avenir, en permettant
d'établir des bourses en faveur des orphelins
barbistes. (Scribe.) Tous sont restés bar-
bistes par le cœur. (Scribe.)
— Substantiv. Elève ou ancien élève du
collège de Sainte-Barbo : Un barbiste. Les
barbistes. Les anciens barbistes se réunissent
annuellement dans un banquet fraternel.
barbitiste s. m. (bar-bi-ti-ste — du gr.
barbitixô, je joue du luth, à cause du bour-
donnement particulier à cet insecte). Entom.
Genre d'insectes orthoptères, de la famille
des sauterelles ou locustes. Syn. d'éphippi-
ger.
BARBITON s. m. (bar-bi-ton — mot gr.).
Antiq. Sorte de lyre grecque plus haute que
là lyre ordinaire. Il On dit aussi barbitos.
— Encycl. Nous ne savons rien de certain
sur la nature ou la forme de l'instrument que
les Grecs nommaient barbitos. Théocrite en
parle et y joint l'épithète poluchordos, ce qui
semble indiquer qu'il avait plus de cordes que
la lyre. Un texte de Strabon présente le bar-
bitos comme identique h la sambuque. On en
attribue l'invention soit à Terpandre, soit au
poète Anacréon. Au temps de Denys d'Hali-
carnasse, les Grecs ne faisaient plus usage
du barbitos, et les Romains eux-mêmes ne s'en
servaient plus que dans quelques cérémonies
religieuses, remontant a une antiquité très-
reculée. Dans les écrivains plus modernes , lo
nom même de cet instrument n'est plus em-
ployé que comme synonyme de lyre. Les Arabes
ont une espèce de luth à quatre cordes, au-
quel ils attribuent des propriétés curatives
singulières; ils le nomment oerbeth,et ce mot
n'est probablement qu'une altération de bar-
bitos.
BARBO (Paul), orateur latin, né à Venise
vers 1415, mort en 1464. Il était frère de
Pierre Barbo, depuis pape sous le nom do
Paul II. Il remplit de hauts emplois dans sa
république, conclut la paix entre Venise et lo
duc de Milan, en 1454, et fut un des ambassa-
deurs envoyés, en 1461, pour complimenter
Louis XI sur son avènement au trône de
France. Il harangua le nouveau roi à Tours.
Sa harangue latine a été imprimée.
BARBO (Paul) , théologien et philosophe
italien, né à Soncino, mort en 1494. Il était
prieur des dominicains, et il professa la philo-
sophie à Milan, à. Ferrare et à Bologne. Ses
ouvrages sont presque tous des commentaires
de la philosophie d'Aristote, telle qu'on l'inter-
prétait alors. Il a donné aussi une bonne édi-
tion des Opuscules de saint Thomas. On le
désigne quelquefois sous le nom de Barbus.
BARBO (Marco) , négociateur et cardinal
italien, neveu du pape Paul II, vivait à la fin
du xvo siècle. Il fut envoyé par Sixte-Quint
en Allemagne, en Pologne et en Hongrie pour
y représenter le saint-siége dans les contesta-
tions relatives à la couronne de Bohême, et
accomplit sa mission avec habileté. Il fut suc-
cessivement patriarche d'Aquilée, évéque do
Palestrine, et cardinal.
BARBO (Louis), littérateur italien, évêquo
de Trévise, né en 13S1, mort en 1443. On a de
lui : Histoire de la réforme des augustins (ré-
forme à laquelle il avait participé), ainsi que
des Discours et des Méditations.
BARBO (Barnabe), jurisconsulte milanais,
mort en noi. Il a laissé quelques ouvrages:
Allegationes (publié en 1640); De oneribus
extraordinariis ducatus Mediolanensis disqui-
silio, manuscrit, etc. On a de lui une Ode sa-
phique, publiée par Brivio.
BARBO (Jean-Baptiste), poète italien du
xvnc siècle, a publié : Rime piacevoli (Vi-
cence, 1614); Oracolo, ovvero invettiva contra
le donne (1616); Il îlatto di Proserpina di
Claudidno, etc.
BARBOLAM (le marquis Torquato), poète
italien, né à Arezzo, mort en 1756. 11 était
lieutenant-colonel au service de l'empereur
François I". Il a composé des poésies latines,
parmi lesquelles on cite surtout une traduc-
tion en vers latins du Roland furieux de l'A-
rioste (Arezzo, 1750).
BARBOLE s. f. (bar-bo-le — rad. barba).
Antiq-, Hache d'armes barbelée , très-lourde
et tres-meurtrière.
BARBON s. m. (bar-bon — rad. barbe).
Homme d'un âge plus que mûr. Ne se dit
qu'avec une intention de dénigrement : Les
jeunes gens se moquent des babbons. (Acad.)
Je me trouve encore un barbon assez fleuri
pour avoir de la vanité de recevoir de vos
lettres. (Buss.-Rab.) Je craignais certains bar-
bons graves et flegmatiques. (Le Sage.) Huel
, était à la cour, et déjà prélat et barbon, qu'il
| écrivait à madame de Montespan de fort jolis
vers français. (Ste-Beuve.) Le monde a passé
l'âge où l'on peut jouer la modestie et la
pudeur, et je le crois trop vieux barbon pour
faire l enfantin et le virginal, sans se rendre
ridicule. (Th. Gaut.)
Moquez-vous des sermons d'un vieux barbon de
[uorc.
Molière.
Là, souvent le hiîros d'un spectacle grossier,
Enfant au premier acte, et barbon, au dernier...
Boileau.
11 est certains barbons
Qui sont encor bien bons.
(Chanson populaire.)
Elle approchait vingt ans et venait d'enterrer
Un mari, de ceux-là. qu'on perd sans trop pleurer,
Vieux barbon qui laissait d'ecus plein une tonne.
La Fontaine.
La colombe d'Anacréon
Dans la coupe de ce barboyi
Buvait du vin père de la chanson.
BÉRANGER.
— Faire le barbon, s'ériger en barbon, Se
donner un air de gravité, sans y être auto-
risé par son âg^ :
Adolescent qui s'érige en^barbon.
Jeune écolier qui vous parle en Cafon
Est, à mon sens, un animal bernable.
Voltaire,
— Bot. Genre de plantes, de la famille des
graminées, qui renferme un grand nombro
d'espèces indigènes ou exotiques, parmi les-
quelles les plus remarquables sont celles qui
fournissent le parfum appelé vétiver: Le bar-
bon digité se trouve dans les lieux stériles et
pierreux de l'Europe australe. (V. do Bo-
mare.)
— Antonymes. Blanc-bec, imberbe.
BARBONE s. m. (bar-bo-ne). Monnaie du
duché de Lucques, qui valait 42 centimes.
BARBONNAGE s. m. (bar-bo-na-je — rad.
barbon). Caractère, manières, air d'un bar-
bon : Pour l'humeur, je suis plus loin du bar-
bonnage que vous. (Bussy-Rab.)
BARBONNE s. f. (bar-bo-ne — rad. barbe).
Ichthyol. Poisson de mer qui ressemble
beaucoup à la perche, et en a même le goût.
BARBOSA (Duarte) , navigateur portugais,
né à Lisbonne, mort en 1521. Il fut employé
d'abord dans les colonies portugaises, suivit
ensuite Magellan dans son expédition, et mou-
rut avec lui à Zébu. On a imprimé a Lisbonne,
en 1813, la précieuse relation dans laquelle il
raconte la mémorable expédition do Magellan.
BARBOSA (Arius), poète portugais, mort
en 1530, précepteur des princes Alfonse et
Henri. Il a puissamment contribué aux pro-
grès des études classiques en Portugal, et a
laissé des poésies latines , ainsi que divers
autres écrits.
BARBOSA (Augustin), jurisconsulte et prélat
fiortugais, né en 1590, mort en 1649. Il suivit
e parti espagnol lors de la révolution de 1640,
et fut récompensé par l'évéché d'Ugento,
dans le royaume de Naples. Ses ouvrages,
souvent réimprimés, ont été réunis a Lyon
en 1716, 16 vol. in-fol. On distingue particu-
lièrement': De officio et potestate episcopi ; De
officio et potestate parochi. — Son père, Em-
manuel , était également un jurisconsulte
distingué.'
BARBOSA (Simon Vaz) , jurisconsulte et
théologien portugais , chanoine de Vimiera,
professeur il Coïmbre, vivait dans la seconde
moitié du xvie siècle. Parmi ses ouvrages,
on cite particulièrement : Tractatus de di-
gnitate , origine et significatione mysteriosis
ecclesiasticorurn graduum, officii à\oini, ves-
tium sacerdotalium (Lyon, 1035).
BARBOSA (Pierre), jurisconsulte portugais,
mort en 1606. Il a donné des Commentaire-;
estimés sur plusieurs titres du Digeste. Profes-
seur à Coïmbre et chancelier de Portugal, ii
se montra fort opposé au roi d'Espagne, Phi-
lippe II, qui néanmoins lui conserva ses di-
gnités. Barbosa avait une âme élevée, qui no
capitulait jamais avec les sentiments d'hon-
neur et de justice. Il ne dissimula pas au roi
d'Espagne et de Portugal qu'il ne voyait en
lui qu'un usurpateur; mais l'astucieux Phi-
lippe, qui savait la considération dont jouis-
sait Barbosa dans l'étendue des deux royau- .
mes, n'osa jamais le persécuter. Quand on
vint annoncer à cet homme intègre que le roi
avait rendu son âme a Dieu dans des senti-
ments de haute piété : ■ A-t-il ordonné qu'on
rendit le Portugal à qui il appartient d?
droit? » répondit le chancelier, qui plaçait
courageusement l'équité au-dessus de toute
chose.
BARBOSA, dit Constantino, célèbre prédica-
teur portugais, né à Evora en 1660. Il a donné
un recueil de Sermons (Lisbonne, 1691).
BARBOSA (Antoine), jésuite portugais, mis-
sionnaire en Cochinchino, vivait dans le xvno
siècle. Il a laissé un Dictionarium linguœ an-
namiticœ, publié a. Rome en 1651.
BARBOSA (P. Domingos), jésuite et poëto
brésilien, professeur de théologie, directeur
du collège de Fernambouc, né a Bahia, mort
en 1685. Il a laissé, en manuscrit, un poiinio
latin sur la Passion de Jésus-Christ.
BARBOSA (dom Vincent), savant théatin
portugais, né à Redondo en 1663, mort en
1711. Il puisa dans les correspondances des
religieux de son ordre, qui avaient entrepris
de convertir Bornéo, les matériaux d'une re-
lation curieuse : Résumé des relations envoyées
au roi Pierre II de la nouvelle mission établie
à Bornéo (Lisbonne, 1692).
BARBOSA (dom Joseph), théatin portugais ,
historiographe de la maison de Bragance ,
membre de l'académie royale, né à Lisbonne
en 1674, mort en 1750. Outre un grand nombre
de mémoires, on a de lui un ouvrage impor-
tant : Catalogue chronologique, historique, gé-
néalogique et critique des reines de Portugal
(Lisbonne, 1727). On avait imprimé, après sa
mort, son Histoire des ducs de Bragance; mais,
au moment de la publier, l'édition entière fut
consumée dans l'incendie qui suivit le trem-
blement de terre de 1755.
BARBOSA-BACELLAR, (Antoine) , poète et
savant portugais, mort en 1663. On lui doit do
gracieuses poésies et divers écrits , entre au-
tres une Relation de la guerre du Brésil ([Q5i),
et un plaidoyer pour établir les droits de la
maison de Bragance au trône de Portugal
(1641). Jeune, il donnait de telles espérances
qu'on l'appelait le nouvel Homère ;mais la pré-
diction fut loin de se réaliser, et ii n'eut do
commun avec le chantre de la Grèce que la
pauvreté, car il mourut a l'hôpital.
BARBOSA-MACHADO (Diego), érudit et bio-
graphe portugais, né à Lisbonne en 1682, mort
en 1770. Il est connu surtout par la Biblio-
thèque lusitanienne (Lisbonne, 1741-1759),
vaste répertoire qui, malgré ses lacunes et
ses imperfections, est le plus beau monu-
menteonsacré à la littérature portugaise. On a
aussi , du même auteur , des Mémoires pour
l'histoire du roi Sébastien (1736-1751).
BARBOSSA, jeune Provençale de très-
grande maison; sans doute , puisque Nostra-
damus, l'historien des cours d'amour, la qua-
lifie de princesse. Elle était attachée, comme
fille d'honneur, à Béatrix de Savoie, femme de
Raymond de Bérenger, comte de Provence,
lorsque le poëte Aimeric vint à la cour de ce
prince. Aimeric , la mallette et la vielle do
troubadour en bandoulière , avait déjà couru
bien des châteaux, depuis qu'un beau soir il
BAR
BAR
BAR
BAR
225
avait quitté le village de Lesparre (près de
Bordeaux), où il «tait né ; et, an fond du cœur
de bien des châtelaines et damoiselles , il
avait laissé le souvenir de sa belle et noble
tournure, de ses chants passionnés. Dernière-
ment encore, (lis;nt-on, il avait inspiré à Gen-
tile de Ruis, de la maison de La Valette, en
Gascogne, une passion telle et qui fit tel bruit,
qu'on le chassa comme un valet.
Barbossa était belle ; elle était aimable
aussi, et instruite dans les sept arts libéraux.
Aimeric l'aima, et elle aima Aimeric ; mais
cet amour sans doute fût resté secret, caché
au fond du cœur des deux amants, si une cir-
constance , toute fortuite peut-être , n'était
advenue, qui le leur dit et le dit à tous aussi.
Un jour que Barbossa causait avec Béatrix,
sa maîtresse, elle laissa tomber un gant. Ai-
meric, qui était présent, se hâta de le ramasser'
et de le rendre, mais après l'avoir baisé. Lesda-
moisellcs, compagnes de Barbossa, causèrent
beaucoup de la chose, et méchamment dirent
que sans doute, pour en agir ainsi, le trouba-
dour en avait le droit. Mais Barbossa leur
forma la bouche, en leur disant que les daines
d'honneur ne pouvaient jamais accorder assez
de faveurs honnêtes aux poètes qui chantaient
leurs louanges et dont les poésies les rendaient
immortelles. Aimeric n'a point rendu immor-
telle la dame de ses pensées, sa muse inspira-
trice. De cette femme, belle à la fois et in-
struite, nous ne savons rien ou presque rien,
si ce n'esti'épisode que nous venons de rap-
porter, ôr,>isoûe plein de' charme et de naïveté,
qui râtelle celui de .Marguerite d'Ecossedon-
nant'a Alain Chartierun haiser sur la bouche,
,o sur cette bouche d'où étaient sortis tant de
mots dorés. » Aimeric, à qui furent rapportées
les paroles de celle qu'il aimait, crut pouvoir
demander plus qu'une faveur accordée devant
tous. Nous devinons la réponse qui lui fut
faite par le chant où il dit » qu'il mourait du
désir de voir sa dame, et que, s'il pouvait
avoir ce bonheur, il mourrait de plaisir. » Elle
lui avait défendu de paraître devant elle; mais
le chagrin du poëte redoubla lorsque Barbossa,
quittant la cour de Béatrix, alla s'enfermer au
couvent de Monlagis, en Provence, en 1264.
Il y avait longtemps que s'étaient passés les
faits que nous venons de raconter; Barbossa
était abbesse, bien âgée, et avait oublié, sans
doute, son poète et ses amours, lorsque lui fut
remis un manuscrit ayant pour titre : Las
Amours de moun ingrata {les amours de mon
ingrate). Ce poëme était d'Aimeric, mort de
regret et de langueur.
Le manuscrit d'Aimeric se trouve il la biblio-
thèque du Vatican, qui renferme aussi de nom-
breux fragments du môme auteur, sous les
numéros 3,204, 3,205, 3,206 et 3,207, et c'est
pourquoi \e*Grand Dictionnaire, qui n'a con-
sacré que quelques lignes au troubadour Ai-
meric, saisit cette occasion de se rattraper aux
branches, et en accorde soixante-dix à da-
moiselle Barbossa.
BARBOT s. m. (bar-bo). Fausse orthogra-
phe do barbeau, poisson :
lîaconlez que dans Rome un barbot fut pavé
Plus de deux cents Cous, argent bien employé.
Berciiouîc.
— Nom donné par les voyageurs au disque
de bois que les Indiens du Paraguay se pas-
sent dans la lèvre inférieure.
— Argot. Barbier de bagne, il On dit aussi
BARBE ROT.
— Agric, Plant de vigne destiné à être
placé en jouelle, à l'âge de deux ou trois ans.
il Jeune pied de garance.
— Homonyme. Barbeau.
BARDOT (Amos), érudit et magistrat, né à
La Rochelle, était avocat et bailli, et fut un
des deux maires de sa ville natale en 1610. Il
a laissé un ouvrage dont le manuscrit est à la
Bibliothèque impériale : Inventaire des titres,
chartes et privilèges de La Rochelle et pays
d'Aulnis, depuis l'établissement du corps de
ville de La /toc/telle.
BARBOT (Jean), voyageur français, mort à
Londres en 1720, fut employé jusqu'en 1082
par les compagnies françaises des Indes occi-
dentales, comme inspecteur de leurs établisse-
ments. U fit plusieurs voyages sur la cote
d'Afrique et aux Antilles, s'établit en Angle-
terre après la révocation de l'édit de Nantes,
et y publia sa Description des cotes occiden-
tales d'Afrique et des contrées adjacentes, qu'il
traduisit lui-même en anglais, et qui parut
dans la Collection des voyages et navigations,
de Churchill (Londres, 1732). — Son frère,
Barbot (Jacques), qui le suivit à Londres, a
fait avec lui (i699),à la Nouvelle-Calabre, un
voyage dont U a écrit la relation.
BAR BOT ( Marie - Etienne ) , général , né
à Toulouse en 1770 , mort eh 1839. Volon-
taire en 1792, il fut employé en Savoie, au
siège de Toulon, à l'armée des Pyrénées-
Orientales, dans la Vendée, enfin aux Antilles,
' et se distingua partout par de brillants ser-
vices. En !S07, après la bataille d'Eylau, un
officier français ayant été assassiné aux en-
virons d'Hersfeld, Napoléon ordonna au géné-
ral Barbot de livrer cotte ville au pillage, de
fusiller trente habitants et d'en envoyer cent
autres en France comme otages. Troublé d'un
ordre si cruel, le brave officier, ayant d'ailleurs
acquis la preuve que la masse des habitants
de la ville n'était point coupable de ce meurtre
isolé, éluda sa terrible commission en livrant
seulement aux flammes quelques maisons qui
pouvaient être brûlées Sans inconvénient.
Puis s'adressant à sa troupe : « Il vous est per-
mis de piller, s'écria-t-il; que celui qui veut
user de cette permission quitte les rangs! »
Tous les soldats restèrent à leur poste. Les
habitants, émus de cette conduite généreuse,
vinrent offrir au commandant français un
riche présent. Barbot refusa, en disant que ce
qui n'étiiit que juste ne méritait pas de sa-
laire. 11 s'exposait généreusement ainsi à la
rigueur des lois militaires. Mais il est pro-
bable que l'empereur, sa première irritation
calmée, ne regretta point que ses ordres eus-
sent été exécutés do cette manière. Barbot
oentinua de se distirguer jusqu'à la chute de
l'Empire. Ce brave a laissé une des réputa-
tions les plus pures que jamais militaire ait
obtenue. Son nom est inscrit sur l'Arc de
triomphe (Armée des Pyrénées).
BARBOT (Jean-Jacques), chef royaliste,
commandant des chasseurs de Stofflet. En
1795, il s'empara du château de Souliers et fit
fusiller le malheureux Marigny, qui s'y trou-
vait retenu par la maladie. Dans tes nomen-
clatures biographiques , les noms se suivent
et ne se ressemblent pas.
BARBOT (Prosper), peintre, né à Nantes en
1793. Elève de MM. Watelet et J. Coignef, il
a exposé, à partir de 1824 , et s'est fait connaître
par de jolies vues des pa}'sages de la Sicile,
de l'Angleterre, de l'Allemagne, de la France
et de la Hollande. Nous citerons : Agrigentc ;
Sites de C a labre; la Forêt de Woods iock; Fa-
laises de Dieppe; Taillis de la forêt de Fon-
tainebleau ; Intérieur de l'hôpital d'Angers, etc.
BARBOTAGE s. m. (bar-bo-ta-je — rad.
barboter). Action de barboter : Le valctage
est d'instinct aux gens de cour, à visage et à
cœur de plâtre, comme le barbotage aux
catiards. (Alex. Dum.) il Résultat de cette
action , gâchis : Vous avez fait là un beau
BARBOTAGE 1
— Fam. Mélange liquide de divers ingré-
dients : Sommes-nous malades, il n'est pas une
simple femmelette dont nous n'employions les
barbotages et les brevets. (Montaigne.)
— Econ. agric. Boisson rafraîchissante
pour les bestiaux, qui se fait en délayant
dans l'eau de la farine ou du son.
— Encycl. On désigne, sous le nom de bar-
botage, une préparation fort simple de farine
et de son jetés dans une certaine quantité
d'eau. Toutes les farines alimentaires peuvent
servir à le composer. Le plus souvent, néan-
moins, on emploie de la farine d'orge et du son
de seigle ou ue froment. « On forme ainsi, dit
Gayot, un mélange très-inégal dans lequel il
y a plus a boire qu'à manger, dans lequel l'é-
lément aqueux abonde, tandis que les prin-
cipes alibiles sont en infime quantité, Pour
saisir l'aliment solide, qui tomberait au fond de
l'auge sans la continuelle agitation du liquide,
ie cheval fouille avec les lèvres, dans tous les
sens et remet toujours en suspension la farine
et le son. L'instinct se met de la partie et
pousse l'animalàdimînuerladifficulté; celui-ci
boit donc gorgée par gorgée, de façon à rendre
la trouvaille plus aisée et plus certaine. Mais
comme il n'a pas, ainsi que l'homme, la faculté
de boire sans soif, dès lors il arrache du râte-
lier ou le foin ou la paille qu'on lui a servis en
même temps que le barbotage , et trempe le
fourrage sec dans icelui. Il s'encourage ainsi
à boire parce qu'au bout de la tâche apparaît
la récompense, c'est-à-dire !a farine et le son
offerts à son appétit. »
Au point de vue alimentaire, le barbotage
est peu substantiel ; il force les animaux à
boire une trop grande quantité d'eau pour ab-
sorber peu de nourriture. Employé assidûment,
il produit des effets désastreux, même sur les
constitutions les plus fortes : insensiblement,
il ramollit les tissus, affaiblit l'action nutritive
et appauvrit le sang. Les animaux que l'on
tient quelque temps à ce régime deviennent
faibles, lâches, mous et incapables de résister
au travail ; presque toujours ils finissent par
contracter de funestes maladies qui les rendent
inutiles, a charge même au propriétaire. Mal-
gré des inconvénients aussi graves, le bar-
botage a été longtemps en grande faveur
auprès des éleveurs. On l'administrait aux
moutons, aux bœufs et surtout aux chevaux ,
aux animaux de travail comme aux bêtes à
l'engrais ; il entrait même dans le régime ha-
bituel des chevaux de troupe. Maintenant, il
est un peu passé de mode; l'expérience ayant
clairement et trop souvent démontré de com-
bien de maux il était la source, on ne l'a plus
employé que comme remède, pour atténuer les
effets d'un mal déjà existant, ou comme pré-
servatif pour en prévenir les atteintes. Dans
ces occasions, mais seulement alors, il peut
produire de bons résultats. Ainsi, pendant les
fortes chaleurs, il peut faire beaucoup de bien
aux animaux sanguins, pléthoriques, habi-
tuellement soumis à une alimentation stimu-
lante et à un travail échauffant; il convient
également à ces animaux lorsqu'ils sont ma-
lades, et à tous ceux chez qui se font remar-
quer, à la suite de grandes fatigues, des symp-
tômes d'irritation pulmonaire ou intestinale.
On l'administre quelquefois avec succès aux
vaches laitières , durant les trois ou quatre
premiers jours qui suivent le part; mais on
doit toujours éviter de le donner à un jeune
cheval dont l'organisation n'est pas encore
consolidée, fût-ce même sous le prétexte de
l'habituer insensiblement au régime sec, qui le
fatiguerait pendant le travail de la dentition ;
ce' serait l'affaiblir, précisément au moment où
il a le plus besoin d'être fortifié. Les Anglais
préparent ordinairement le barbotage à l'eau
bouillante, mais ils ne l'administrent qu'après
refroidissement complet. Cette méthode est
bonne a suivre, car le mélange devient, par la
cuisson, plus mucilagineux, moins réfractaire
à l'action digestive et, conséquemment, plus
efficace.
BARBOTAN, village de France (Gers),
comm. et canton de Cazaubon, arrond. et à
35 kil, O. de Condom.; 56 hab. Ce village
possède des eaux thermales renommées, qui
émergent du terrain tertiaire par six sources
principales, d'une température de 32» à 38° cen-
tigrades. Ces eaux ferrugineuses bicarbona-
tées dégagent un peu de gaz sulfhydrique,
auquel eiles doivent leur propriété médicale.
On emploie surtout les boues, qui renferment
des carbonates, des sulfates de potasse et de
chaux, des chlorures, du fer et une matière
analogue à la barégine. On les prescrit avec
succès contre les affections rhumatismales et
goutteuses, les dartres, la gale, les écrouellcs,
la paralysie, les suites desïractures, les plaies
et les ulcères. En boisson, les eaux de Bar-
botan conviennent dans les maladies des voies
urinaires et les engorgements des viscères.
Ces eaux , connues au commencement du
xvi« siècle, ont été célébrées par Montluc dans
ses Mémoires et citées par Montesquieu ; mais
ce n'est qu'au commencement de ce siècle .que
leurs propriétés curatives,bien constatées, ont
commencé à jouir d'une grande faveur auprès
du public. En 1820, on a construit à Barbotan
un établissement de bains, où les eaux sont
distribuées dans quatre bassins. Les deux
premiers de ces bassins sont affectés aux
bains pour les malades payants ; le troisième
est destiné aux indigents, et le quatrième, qui
est très-grand, contient les boues. Cet éta-
blissement est fréquenté annuellement par
1,200 à 1,500 malades.
BARBOTAN ( Joseph - Carris , comte dis ) ,
né vers 1719 d'une famille noble de l'Arma-
gnac, fut député de la noblesse de Dax aux
états généraux de 1789, et vota constamment
avec les ennemis déclarés de la Révolution.
Sous la République, il était le chef reconnu
des royalistes de sa contrée. Accusé de com-
plot et de correspondance avec les émigrés, il
tut acquitté par le tribunal criminel du Gers,
mais renvoyé devant le tribunal révolution-
naire de Paris, qui le condamna à mort (1794).
BARBOTANT (bar-bo-tan). part. prés, du
v. Barboter : Tous les ca?iards du monde
étaient là, criant, barbotant, grouillant.
(Balz.) Innocent philosophe, barbotant dans
les ténèbres de la calamité, avec son gousset
vide qui résonne sur son ventre creux. (V. Hu-
go-)
BARBOTE ou BARBOTTE s. f. (bar-bo-te
— rad. barboter). Ichthyol. Nom vulgaire de ia
lotte commune. Il Nom vulgaire du grand
esturgeon.
— Bot. Nom vulgaire de la vesce.
— Argot. Fouille du condamné, àson entrée
dans la maison de détention.
BAREOTEAU, s. m, (bar-bo-to —rad. bar-
boter). Ichthyol. Nom vulgaire do la lotte
franche.
BARBOTEMENT s. m. (bar-bo-te-man —
rad. barboter). Action de barboter, barbo-
tage.
BARBOTER v. n. ou intr. (bar-bo-té — du
norm. uan;o(,boue liquide, ou plutôt onoma-
topée). S'agiter dans l'eau, et le plus souvent
dans l'eau bourbeuse : Les canards aiment à
barboter. La raie barbote sur la vase , et
les soles aux fonds sablonneux. (Michelet.)
Là afflue le peuple tout entier : il court tumul-
tueusement au rivage, se déshabille à la hâte,
nage et barbote tant gue dure le jour. (C.
Delavigne) Laissez-le barboter, dit-il à ses
compagnons , gui craignaient que ce pauvre
diable ne se noyât. (G. Sand.)
— Par ext. Marcher dans la boue : Nous
barbotions dans les rues boueuses de la ville.
Une multitude de voitures sillonnaient les
carrefours où barbotaient les sans-culottes.
(Chateaub.) Si nous remontons, nous risquons
de barboter toute ta nuit, pour ne pas arri-
ver plus tôt. (G. Sand.)
— Fam. Se troubler, balbutier, déraison-
ner, patauger : Surpris par cette brusque in-
terpellation, il barbota pendant un quart
d'heure avant de trouver une explication plau-
sible.
— Etre, vivre dans un état infime ou hon-
teux : J'ai vu un plus grand siècle, et les nains
qui barbotent aujourd'hui dans la littérature
et la politique ne me font rien du tout. (Cha-
teaub.) Nous barboterions tous alors dans
une fange indivise, à l'état de reptiles paci-
fiques. (Chateaub.) Si vous deviez tomber dans
le fossé où je barbote ; ce serait pour moi un
chagrin mortel. (P. Feval.)
Avant qu'un Allemand trouvât l'imprimerie,
Dans quel cloaque afîïeux barbotait ma patrie !
Voltaire.
Petits abbe"s qu'une verve insipide
Fait barboter dans l'onde aganippide...
J.-B. KOUSSEAU.
— Argot, Voler.
— Mar. En parlant d'un navire, Marcher
péniblement, au plus près du vent, en plon-
geant par la prouo dans do grosses lames,,
courtes.
— Econ. agric. En parlant des animaux,
Boire du barbotage, de l'eau mêlée de farine
ou de son.
— v. a. ou tr. Marmotter: Il barbote je ne
sais quoi entre ses dents. (Mol.) L'abbé de
Pompadour avait un laquais, à qui il donnait
tant par jour pour dire son bréviaire en sa
place, et qui le barbotait dans un coin des
antichambres où son maître allait. (St-Simon.)
Grondant entre mes dents, je barbote une excuse.
RliONIER.
barboteur, EUSE, s. (barrbo-tour, eu-
ze — rad. barboter.) Personne qui barbote,
qui a l'habitude de barboter : Un petit bar-
boteur. Une petite barboteuse. Si quelqu'un
de ces misérables barboteurs glissait dans la
lutte, il était perdu : ses compagnons l'ét-ouf-
faient dans ta fange. (L. Lucien.)
— adj. m. Qualification donnée au canard
domestique : Un canard barboteur.
— Chim. Vase barboteur, Vase contenant
un liquide dans lequel on amène certains:
gaz, que l'on recueille ensuite à la surface.
— s. m. Canard domestique, canard bar-
boteur : Un gastronome n'a jamais pris un bar-
boteur pour un canard sauvage. H Nom vul-
gaire du canard chipeau. Il Dans ce sens, oa
dit aussi barboteux.
— s. f. Pop. et bas. Raccrochcuse, femme
de mauvaise vie qui cherche à attirer les
passants.
BARBOTIER, 1ÈRE s. (bar-bo-tié, ic-re —
rad. barbote). Argot. Personne chargée de la
barbote, do la fouille des condamnés.
BARBOTIÈRE s. f. (bar-bo-tiè-re — rad.
barboter). Econ. agric. Mare pour les canards,
eau dans laquelle ils barbotent, u Baquetren-
fermant le barbotage pour les animaux.
BARBOTIN s. m. (bar-bo-tain — rad. bar-
boter). Mar. Sorte de couronne de fer, utilisée
pour le virage des çâbles-chaincs.
BARBOTINE s. f. (bar-bo- ti-ne — rad. bar-
boter).Tcchu. Bouillie, plus ou moins épaisse,
de pâte à poteries, dont on se sert, dans les
fabriques de faïences et de porcelaines, pour
confectionner certaines pièces par le procédé
du coulage, et dans laquelle l'ouvrier trempe
ses mains pour manier les objets qu'il fa-
çonne sur la girelle du tour.
— Bot. Nom vulgaire de l'armoise com-
mune.
— Pharm. Mélange des graines de diverses
espèces d'armoise, employé comme anthel-
minthique, et appelé aussi sbmen-contra,
— Loc. prov. Il a pris de la barbotine, Se
disait par plaisanterie de ceux qui improvi-
saient des vers, par un jeu d'esprit assez
malheureux sur les mots ver et vers.
— Encycl. La barbotine est employée a un
grand nombre d'usages dans les manufactures
de porcelaine, et principalement à coller les
accessoires ou garnitures, et au moulage de3
pièces coulées, telles que plaques, tubes,
cornues, etc. Pour la préparer, on mêle de la
pâte neuve avec moitié de son poids de ro-
gnures, provenant du tournassage des pièces,
puis on étend d'eau de manière à faire une
bouillie peu épaisse que l'on passe dans un ta-
mis de fil de laiton ; on agite ensuite douce-
ment et longtemps, jusqu'à ce que la bouillie
soit parfaitement homogène.
barbotoire s. f. (bar-bo-toa-re — rad.
barboter). Baquet pour faire barboter les che-
vaux, barbotiere.
BARBOU, famille d'imprimeurs, qui remonte
au xvi- siècle. Le premier que l'on connaisse,
Jean Barbod, établi à Lyon, donna en 1539
une jolie.édition des Œuvres de Clément Ma-
rot. — Hugues Barbou, son fils, se fixa à Li-
moges, et publia en 15S0 une édition remar-
quable des Epilres de Cicéron à Atlicus, en
caractères italiques. Le premier des Barbou
qui se fixa à Paris fut Jean-Joseph, reçu li-
braire en 1704 , et qui mourut en 1752. Son
neveu, Joseph-Gérard Barbou, né en 1715,
mort en 1813, a attaché son nom h la jolie col-
lection in- 12 des classiques latins, qu'il n'a
fait cependant que continuer. La première
idée appartenait à Lenglet-Dufresnoy, qui,
pour suppléer à la rareté des Elzévirs, enga-
gea Antoine Castelier et d'autres libraires
et éditeurs à entreprendre une semblable
collection; 18 volumes avaient été déjà pu-
bliés, de 1743 à 175a, lorsque Barbou acquit
ce premier fonds et continua l'entreprise, en
ajoutant aux classiques des auteurs latins
modernes. En 1789, il céda son fonds à Hugues
Barbou, son neveu, mort en 1808. Les héritiers
de ce dernier le vendirent à leur tour à Aug.
Delalain, qui ajouta de nouveaux volumes à
la collection.
BARBOU BESCOUR1KRES (Gabriel), géné-
ral, né à Abbeville en 1761, mort à Paris en
1817, fit partie de l'expédition de Saint-Do-
mingue, se distingua à la bataille de Fleurus,
s'empara de Valenciennes, qu'occupaient les
Autrichiens, fut nommé général de brigade
en 1794, décida le succès de la journée de
Bergen, et prit une part glorieuse à la bataille
de Castricum. 11 succéda au maréchal Berna-
dotte dans le commandement de l'armée du
Hanovre, passa ensuite en Espagne et fut
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BAR
BAR
BAR
BAR
fait prisonnier à Baylen. Il défendit Venise
contre l'archiduc Jean, et gouverna Ancône de
1810 à 1814. Il fit sa soumission aux Bourbons,
'fut nommé chevalier de Saint-Louis et grand
officier de la Légion d'honneur. Son nom
figure sur l'arc de triomphe de l'Etoile.
BARBOUD s. m. (bar-boud — du nom de
l'inventeur). Mus. Sorte de lyre en usage
chez les Persans.
BARBOUDE (barbuda), lie des Antilles an-
glaises, gouv. et à 43 kil. N. dAntigua ; 24
Kil. de long, sur 12 kil. de large ; 1,500 hab. ,
presque tous nègres ; sol bas; mais fertile en
coton, poivre, tabac et grains. Pas de port;
une rade vers l'ouest. La Batboude appartient
à un des membres de la famille Codrington ;
le propriétaire a fait abandon des revenus de
cette île a la société qui a pour objet la pro-
pagation de l'Evangile.
barbouillage s. m. (bar-bou-lla-je, Il
mil. — mi. barbouiller). Action de barbouiller;
enduit de couleurs appliquées tout uniment
et sans art : Dans le barbouillage, la main-
d'œuvre coûte moins que la matière. Il avait
une mine si aimable et si résolue, sous son bar-
bouillage, qu'on était gagné malgré soi. (G.
Sand.)
— Par ext. Peinture maladroitement exé-
cutée : Dans les œuvres de l'art, vous avez dix
mille barbouillages contre un chef-d'œuvre.
(Volt.) Il s'est permis d'abîmer la peinture de
cette porte, avec ces indécents barbouillages
d'enfants tout nus qu'il appelle des amours.
(E. Sue.) Les figures que lu as dessinées et
enluminées là -haut ne sont pas des bar-
bouillages vulgaires. (G. Sand.) Cas gravures
étaient d'affreux barbouillages coloriés, dont
ta rue Saint-Jacques inondait l'univers. (Th.
Gaut.) Il Griffonnage : Je ne faisais pas, aux
marges de mes manuscrits, des dessins d'en-
fants, des barbouillages d'eco/te)\(Chatcaub.)
il Mauvaise écriture : Un barbouillage illi-
sible.
— Discours embrouillé et peu intelligible .-
Quel barbouillage nous faites-vous là ! Dans
tous nos barbouillages, nous ne cesserons de
copier la nature. (J.-J. Éouss.)
barbouillant (bar-bou-llan, Il m.) part,
prés, du v. Barbouiller : J'allais toujours ri-
mant, toujours barbouillant ; le sujet me por-
tait à pleines voiles. (Volt.) Ah ! quelle mal-
heureuse idée vous avez eue là, s'écria-t-il, en
se barbouillant la face de tabac. (G. Sand.)
barbouillé, ée (bar-bou-llé, Il mil),
part. pass. du v. Barbouiller. Mal peint, mal
dessiné, mal écrit : Un mur barbouillé. Un
tableau , un dessin barbouillé. Une page
barbouillée, jf.es murs de l'auberge étaient
barbouillés de bonshommes fort peu aca-
démiques. (L.-J. Larcher.) il Sali : Visage
barbouillé. Mains barbouillées. Mur bar-
bouillé. J'avais le visage barbouillé, égrati-
gné, meurtri. (Chateaub.) J'y mis une feuille
de papier, sans m'apercevoir qu'elle était bar-
bouillée d'encre en dessous. (P.-L. Courier.)
La présidente était vieille, maigre et sèche, le
nez barbouillé de tabac, l'air revêche et maus-
sade comme un dossier de procureur. (J. San-
deau.)
Un nez de tout côté de tabac barbouillé.
Reonàrd.
Thespis fut le premier qui, barbouillé de lie,
lît, d'acteurs mal ornés chargeant un tombereau.
Amusa les passants d'un spectacle nouveau.
Boileao.
— Fam. Qui est dans un état de malaise,
de trouble, d'embarras : Je me sens tout bar-
bouillé. J ai l'estomac barbouillé, mais cela
se passera. (F. About.)
— Substantiv. Personne qui a lo visage
sale, barbouillé : Elle, qui méprise tous ceux
qu'elle commit, se pourrait bien coiffer de ce
barbouillé. (G. Sand.) il C'était aussi le nom
d'un personnage de 1 ancienne comédio , ou
plutôt de l'ancienne farce.
— Loc. fam. Se moquer de la barbouillée,
Débiter des absurdités, et aussi se moquer
do tout, pourvu qu'on réussisse : Effacez
Lien ça. Si le juge chargé de taxer le dossier
voyait des choses pareilles, il dirait qu'on se
MOQUE DE LA BARBOUILLÉE. (Balz.)
BARBOUILLER v. a. ou tr. (bar-bou-llé;
Il mil. — de bar, syllabe péjorat., et bouille,
pour bourbier). Couvrir grossièrement d'un
enduit de couleur : Barbouiller unmur, une
forte, un plafond. 11 Salir : Il lui barbouille
/m mains et le visage. On a barbouillé les
vitres. Si la nature a donné à l'avocat une voix
tnrouée et un tour de visage bizarre, si son
barbier l'a mal rasé et si le hasard I'a. encore
barbouillé, je parie la perte de la gravité des
magistrats. (Pascal.)
— Par ext. Peindre grossièrement : Bar-
bouiller une toile. Barbouiller des déesses
et des héros. Pour avoir voulu faire la part
plus grande au compositeur, nous n'avons pas
dit au peintre de barbouiller salement les
décorations du théâtre. (Vitet.) l| Charger de
griffonnages : Cet enfant barbouille tous ses
cahiers. Il vaudrait mieux vous occuper à
écrire qu'à barbouiller vos livres. J'ai bar-
bouille bien du papier avant de savoir signer
mon nom. (G. Sand.)
— Ecrire en mauvais style : Je ne bar-
bouille que de misérables narrations. (Mmo
de Sév.) Un homme de lettres ne doit pas être
un sot qui abandonne ses affaires pour bar-
bouiller des choses inutiles. (Volt.) Lorsqu'on
a écrit quelques pages réellement belles, on sa
permet de barbouiller des volumes (J.-J.
Rouss.) Autrefois, je barbouillais du papier
avec mes filles Atala, li lança , Cymodocéa.
( Chateaub. ) Chamfort employa Gïngucné à
barbouiller des articles pour des journaux,
et des discours pour des clubs.
■ Cet étourdi souvent a barbouillé
De plats romans, de fades comédies.
Voltaire.
Auteur sublime, inégal et bavard.
Poliras-tu les vers que je barbouille ?
Voltaire.
il Dire, exprimer d'une façon confuse et em-
barrassée : Il n'a fait que barbouiller des
mots sans suite.
— Fam. Troubler, embarrasser, en parlant
d'un organe : La digestion m'A tout bar-
bouillé l'estomac. La chaleur va me bar-
bouiller le cerveau. Ce vin détestable vous
barbouille le cœur, il Fig. Jeter dans la
confusion, le trouble, l'embarras : La vue du
cardinal l'avait troublé, l'arrangement de ses
grands mots et son ion d'autorité V avaient
barbouillé. (St-Simon.)
— Fig. Noircir, compromettre : Je la con-
nais : elle se croit offensée, et elle est femme à
vous barbouiller terriblement dans le monde.
(*") Il Faire naître dans un état méprisable,
avec des défauts nombreux :
Zolle impitoyable, Ô toi que la nature
Plus que le corbeau même a barbouillé de noir,
Quand tu voudras du paon critiquer la parure,
Ttcgarde-toi dans ton miroir.
François (deNeufchâtcau).
— Absol. Les barbouilleurs ne sont pas seuls
à barbouiller ; combien d'écrivains, d'ora-
teurs,, de peintres et même de calligrapkcs qui
barbouillent aussi, au lieu d'écrire, de parler
et dépeindre ! ('") Il barbouillera longtemps,
sansrien faire de reconnaissable . (J.-J. Rouss.)
Il faut que je barbouille, aussi aise quand
j'ai ma plume à la main, que AL le Prince
quand it a son cpéc. (Choisy).
Se barbouiller, v. pr. Se salir, barbouiller
à soi : Se barbouiller les mains, le visagç.
Pour sa tabatière d'or, il l'avait tirée négli-
gemment de sa poche de gilet et commençai l
à s'en barbouiller le nez agréablement.
(Rog. de Beauv.)
Ne fait-il pas beau voir une vieille carcasse
Des plus vives couleurs sa barbouiller la face ?
Voltaire.
. . . Des vieillards , des enfants et des femmes
Se barbouillent de lie au fond des cabarets.
A. de Musset.
— Surcharger, embarrasser sa mémoire ou
son intelligence : Faudra-t-il donc SE bien
barbouiller de grec et de latin, pour s'em-
barrasser et se gâter l'esprit? (Mol.)
Où diable a-t-il donc pris ce vilain mal 1 — On dit
Que tous les voyageurs se barbouillent l'esprit.
r Hauterociie.
— Se déranger, se gâter, en parlant du
temps : Le temps s'est barbouille.
— Fig. Se jeter dans l'embarras, se com-
promettre :
Dans le monde, a. vrai dire, il se barbouille tort.
Molière.
BARBOUILLERIE s. f. (bar-bou-lle-rî, Il
mil. — rad. barbouiller). Etat do ce qui est
brouillé, mêlé, confondu, u Peu usité.
— Fig. Mésintelligence, commencement
de brouillerie, rapports qui deviennent dif-
ficiles et tendus, il Peu usité.
BARBOUILLEUR, EUSE s. (bar-bou-lleur;
eu-ze, {2 mil. — rad. barbouiller) Ouvrier qui
barbouille, qui fait des peintures grossières
à la brosse : Je gâte cette pièce par la gros-
sièreté dont je la croquet c'est comme si un
barbouilleur voulait toucher à un tableau de
Raphaël. (Mlnc de Sév.) Le barbouilleur des
murs d'un cabaret critiquait les tableaux des
grands peintres. (Volt.) Ils se disent gens de
lettres, dans le même sens que certains bar-
bouilleurs se vantent d'être de la profession
de Raphaël. (Volt.) Son père était simple bar-
bouilleur à la colle, peintre en décors. (G.
Sand.) » Lofém, est inusité dans ce sens.
— Par ext. Mauvais peintre : Je serais un
Apelle, que je ne me trouverais qu'un bar-
bouilleur. (J.-J. Rouss.) Cette salle était
bien belle, 7nais on vient de la faire gâter
par un barbouilleur italien, qui y a peint de
grandes figures ridicules. (Ed. About.) n Per-
sonne qui barbouille, qui griffonne du pa-
pier : Cet enfant est un granoBARBOUiLLEUR.
— Barbouilleur de papier ou simplement
barbouilleur, Personne qui écrit beaucoup ou
qui fait profession d'écrire: Il arrive toujours
quelque tribulation aux barbouilleurs de
papier. (Volt.) On veut bien que nous autres,
barbouilleurs de papier, nous nous donnions
mutuellement cent ridicules. (Volt.) Les bar-
bouilleurs de papier ont cette faculté de s'ab-
straire dans leur manie pendant les plus grands
événements; leur phrase ou leur strophe tient
lieu de tout. (Chateaub.) Je n'ai pas été jus-
qu'ici grand barbouilleur de papier, et je
pense qu'en amour un baiser en dit plus long
qu'une lettre de quatre pages. (Ed. About.) Il
Se dit surtout d un mauvais écrivain tres-
fécond : Vous êtes un des plus, absurdes bar-
bouilleurs de papier qui se soient jamais
mêlés de raisonner. (Volt.) Un barbouilleur
obscur et anonyme a profité de la circonstance
pour publier un roman froid et insipide.
(Grimm.) Un perruquier se dit artiste, un
huissier jurisconsulte, et tel barbouilleur de
papier homme de lettres. (Picard.)
Allez, petit grimaud, barbouilleur de papier.
MOLTÈRE.
Mourir. sans vider mon carquois !
Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur range
Ces bourreaux, barbouilleurs de lois !
A- ClIÉNIER.
L'ami Fréron, ce barbouilleur
D'écrits qu'on jette dans la rue,
Sourdement de sa main crochue
Mutilera votre labeur. Voltaire.
Griphon, rimailleur subalterne,
Vante Siphon le barbouilleur,
Et Siphon, peintre de taverne,
Prône Griphon le rimailleur.
J.-Il. Rousseau.
— Personne qui parle beaucoup , mais
d'une façon obscure et embarrassée : l'ais-
toi, petit barbouilleur. Z.e même homme est
là un orateur incomparable, ici un barbouil-
leur de paroles. (Cormen.)
BARBOUILLON s. m. (bar-bou-llon, Il mil.)
Barbouilleur, individu qui barbouille, qui
s'acquitte mal de sa profession : Il était vrai-
ment musicien, et je n étais çu'ujibarbouillon.
(J.-J. Rouss.) Qu'était-ce donc que votre
science , et quels barbouillons etes-vous ?
(Fourier.) Hél barbouillons de tribune, cer
n'est pas aux députés, c'est aux soldats, qu'il
eût fallu faire des uniformes. (Fourier.)
BARBOUQUET s. m. (bar-bou-kè — do
bar, syllabe péjorat. etde bouquet). Artvétér.
Maladie des bètes à laine. V. Bouquet.
BARBOUQUINE s. f. (bar-bou-ki-ne). Bot.
Nom vulgaire d'une espèce de salsifis.
BAHBOUR (Jean), historien, théologien et
poëte écossais, né vers 1316, mort en 139G. Il
a laissé une Histoire de Robert Bruce, chro-
nique en vers encore aujourd'hui populaire
on Ecosse , souvent réimprimée depuis le
xvn<= siècle, et publiée de nouveau en 1790
Ïiar J. Pinkerton, d'après les vieux textes, que
es éditeurs précédents avaient fort altérés.
BARBOUTE s. f. (bar-bou-te). Tcchn. Cas-
sonade qui contient un excès de sirop, il
Gros grain de sucre qui doit être refondu.
BARBU s. m. (bar-bu — rad. barbe). Or-
nith. Genre d'oiseaux grimpeurs, caracté-
risé par des plumes roides, on forme de poils
ou de barbes, qui garnissent la base du bec.
Ce genre, dont on a démembré plusieurs
autres, renferme aujourd'hui une vingtaine
d'espèces, qui toutes habitent l'Asie, (v.
Barbican, Barbion, Barbuséric) : Les bar-
bus sont frugivores et insectivores. (Lafres-
naye.) Les barbus ont le corps massif et le
vol lourd. (P. Gervais.) Le barbu des Philip-
pines est de la grosseur du moineau franc.
(V. de Bomare.)
— Ichthyol. Nom vulgaire d'une espèce de
squale qui vit dans les mers du Sud, sur les
cotes de l'Australie : Ce qui distingue le barbu,
c'est le grand nombre d'appendices qu'il a sur
la partie inférieure du museau. (V. de Bo-
mare.)
— Bot. Un des noms vulgaires de la clavairo
corail.
— s. m. pi. Ornith. Groupe d'oiseaux, ren-
fermant les barbus proprement dits, les bar-
bicans et les tamaties.
— Entom. Groupe d'insectes coléoptères
carnassiers, do la tribu dos carabiques, com-
prenant les genres qui ont le côté interne
dos mâchoires dilaté et cilié à la base ; telles
sont les nébries.
barbu, UE adj. (bar-bu — rad. barbe).
Muni d'une barbe : Un homme barbu. Une
face barbue. On a remarqué qu'il y a beaucoup
de dévotes barbues. C'était une tradition gé-
nérale, répandue dans le Pérou, qu'un jour il
viendrait par mer des hommes barbus, avec
des armes si supérieures que rien ne pourrait
leur résister. (Raynal.) Ca jeûna homme était
beau, grand, fort, et déjà barbu jusqu'aux
oreilles. (G. Sand.)
Jamais on n'avait vu
Un homme aussi barbu.
(Comf1, du Juif errant.)
— Par anal. Muni de barbes, d'appendices
en formes do barbe : Des plantes barbues.
L'œillet barbu. Les fanons de la baleine sont
barbus. Il est des oiseaux dont le iecesi bardu.
Les filets des étaminesde quelques molènes, le
style de lavesce, les anthères des pappophorums,
les aisselles des nervures des feuilles du pavia,
du tilleul, etc., sont barbus. (Lecoq.)
— Fam. Couvert de moisissures : Du pain
barbu. A quoi pensais-je de m'alter fourrer
dans cette vrille de pierres qui perce le ciel, le
tout pour manger du fromage barbu ? (V. Hu-
go.)
— Diplom. Lettres barbues, Lettres du
xiii» siècle, qui sont surchargées de pointes
ou de traits déliés en forme de poils.
— Hist. relig. Frère barbu, Nom donné an-
ciennement aux frères lais des monastères,
parce qu'ils portaient seuls la barbe, les pères
étant rasés.
— Ichthyol. Muni de barbillons : Un pois-
son BARBU.
— Astr. Comète barbue, Comète qui porte,
en avant de son noyau , un appendice lumi-
neux qui imite une barbe, il Peu usité.
— Substantiv. Personne qui ado la barbe,
beaucoup de barbo : Un barbu.
— Antonymes. Imberbe, ras.
— Homonyme. Barbue.
BAKBL'D, musicien persan dont larenommée
traditionnelle était si grande, que son nom
devint un titre d'honneur donné aux musiciens
fameux de sa nation. On lui attribue l'inven-
tion d'une sorte de lyre. 11 vivait sous la
septième dynastie des rois de Perse.
BARBUES, f. (bar-bû— rad. barbe). Ichthyol.
Espèce de poisson plat, du genre pleuronectc,
très-voisine du turbot. Il Espèce de poisson
anguilliforme, du genre donzelle : La chair
de la barbue est d'un goût très-délicat. (Bclon.)
, .' . . . Son esprit s'effraie
D'un festin sans turbot, sans barbue et sans raie.
Berciioux.
— Argot. Plume d'oie à écrire; pluino à
écrire, en général.
— Encycl. On a donné le nom de barbue à
deux poissons, de genre et d'aspect très-
différents, mais fort estimés tous les deux pour
la qualité de leur chair. Le premier et le plus
connu est une espèce du genre pleuxoncc.te,
très-voisine du turbot, dont elle se distingue
par son corps plus ovale. C'est le pteuronecte
rhombe (pleuronecles rhombus), ainsi nommé
de la forme de son corps, qui représente un
rhombe ou losange à angles arrondis; il est
dépourvu de tubercules. Sa couleur est d'un
beau châtain foncé, varié d'une nuance d'agate
sur la partie gauche, et d'un blanc de plomb-
sur le côté droit; la mâchoire supérieure est
plus courte que l'inférieure, et toutes deux
sont garnies de dents inégales et pointues. Co
poisson vit sur les côtes de l'Océan e\t. atteint
de grandes dimensions. L'autre barbue fait
partie du genre donzelle {ophidium), dotit-lp
nom scientifique (qui vient du grec ophis, ser-
pent) dit assez la forme. Ce genre est très-
voisin des anguilles, dont il se distingue surtout
par deux barbillons placés sous la gorge. Ce
poisson, qui est commun dans la Méditerranée,
atteint au plus la taille de 0 m. 30. Son corps
et sa queue sont couleur de chair, et ses na-
feoires brunes et lisérées de noir. Sa chair,
lanche et ferme, est d'un goût très-délicat.
La barbue s'accommode comme le turbot, et
se mange à la sauce aux câpres ou k l'huile,
et enfin au gratin.
BARBULA (L. Emilius), général romain,
remporta plusieurs avantages contre Pyrrhus
et les Tarentins, et se distingua également, par
la suite, dans les guerres contre les Samnites
et les Étrusques. Un de ses arrière-petits-
neveux, contemporain d'Auguste, est connu
par un trait assez singulier. Après la bataille
de Philippes, il obtint d'Octave la grâce d'un
certain Marcus, prisonnier qui s'était d'abord
donné comme esclave , pour échapper aux
proscriptions. Barbula suivit ensuite le parti
d'Antoine, et, après la bataille d"î\.ctium, fut
lui-même sauvé par ce Marcus, absolument
dans les mêmes circonstances.
barbule s. f. (bar-bu-lo — dim. do barbe).
Nom donné aux petits crochets implantés sur
les filaments qui poussent de chaque côté
d'une plume.
— Bot. Petit corps formé par la réunion
des cils dupéristome dans certaines mousses.
Il Genre do mousse. Syn. de tortule. il Gcnro
de labiées. Syn. de mastacanthe.
BARBULE, ÉE adj. (bar-bu-lô — rad. bar-
bule). Bot. Muni de touffes de poils.
BARBULOÏDE adj. (bar-bu-lo-i-do — do
barbule et du gr. eidos, aspect). En forme do
barbule.
— s. f. pi. Bot. Famillo de mousses, ayant
pour type l'ancien genre barbule, aujourd'hui
appelé tortule.
BARDUO ou BARBO SONCINO (Scipion), ju-
risconsulte et historien italien du xvie siècle,
auteur d'un Abrégé de l'histoire des ducs de
Milan, compilation qui n'a de remarquable que
les portrails gravés par Girolaino l'orro. Cet
ouvrage a pour- titre : Sommario délie vite
de' duchi di Milano, cosi Visconti, corne Sfor-
zeschi, etc. (Venise, 1574 et 1584). La biblio-
thèque de l'Arsenal en possède un exemplaire)
provenant de l'ancien fonds La Valliôre.
BARBUQUET s. m. (bar-bu-kè — do 6a*.
syllabe pérojat., et do bouque, pour boucha).
Art voter. Ecorchure ou petit bouton au
bord des lèvres.
BARBU RE s. f. (bar-bu-ro — rad. barbe).
Techn. Inégalité sur une pièce fondue: S'em-
ploie le plus souvent au pluriel : Limer les
barbures. Enlever les barbures au ciseau,
BARBUS ou BARDO (Paul). V. Barbo (Paul).
BARBUSÉRIC s. m. (bar-bu-sé-rik — do
barbu, et du gr. serikos, soyeux). Ornith.
Genre d'oiseaux grimpeurs, formé aux dé-
pens des barbus ou des barbions, et compre-
nant trois ou quatro espèces, qui vivent on
Amérique.
BARBUTE s. f. (bar-bu-te — rad. barbé).
Art milit.anc. Partie du casquoqui renfermait
la barbe. On l'appelait aussi mentonnier.
BARBUTES, mercenaires qui étaient em-
ployés en Italie, au xiv<= siècle ; ainsi nommés
.de ce qu'ils portaient un masque à barbe, afin,
dit-on, de cacher leur visage quand ils com-
mettaient leurs brigandages.
BARBY, ville de Prusse, prov. de Saxe,
gouvernement de Magdebourg, district et à
8 kil. N.-E. de Kalbe, sur la rive gaucho de
l'Elbe; 3,500 hab. Ancienne communauté des
| frères Moraves.
BAR
BAR
BAR
BAR
227
EARBYLE s. m. (bar-bi-lc — rad. barbu).
Bot, Genre d'arbres peu connu, et rapporté
avec doute à la famillle des térébinthacées.
L'espèce type est un arbre qui croît à la
Jamaïque.
— Hortic. Variété de prune.
BARCA s. m. (bar-ka). Bot. Nom vulgaire
d'une espèce de jacquier.
BARCA ou BARKAH (la Cyrénaïque ou Libye
extérieure des anciens), contrée de l'Afrique
septentrionale, comprise entre l'Egypte à l'E.,
le désert de Libye au S. , la régence de Tripoli
à l'O., et la Méditerranée au N. C'est un pays,
non pas sablonneux et aride', comme on le croit
généralement, mais élevé, arrosé par des
torrents et couvert d'une riche végétation ; les
noyers, les cotonniers et les arbres fruitiers
de toute espèce y donnent de beaux produits;
le myrte, le laurier, l'arbousier et beaucoup
d'arbustes salins y fleurissent. Vers le S. et
TE. s'étend le désert de Barca, dans lequel on
trouve les oasis de Syouah (Ammon) et d'Au-
dyelah. Du temps d'Hérodote, ce pays était
vanté pour sa lertilité, et l'antiquité y avait
placé le Jardin des Hespérides. Aujourd'hui,
le Barca est gouverné par un bey dépendant
du pacha de Tripoli, etapourch.-l. Benghary.
BARCA, puissante famille carthaginoise, qui
était h la tête du parti national et à laquelle
appartenait Annibal; opposée h, celle des-
Hannon, partisans de la paix, et plus tard
chefs de la. faction romaine à Carthage. V.
AwiLCARf Annibal, Asdrudal.
BAJn'CA (Jean-Baptiste), peintre italien, né
à Mantoue, florissait à Vérone au xvn<s siè-
cle, et orna les palais et les églises de cette
ville de. tableaux qui se distinguent surtout par
la grâce et l'harmonie.
BARCA (Joseph), général et écrivain mili-
taire, né à Milan, vivait dans le xvjic siècle,
était capitaine général au service de l'Espagne.
On a de lui : Compendio di fortificazione mo-
derna (Milan, 1G39, et Bologne, 1643).
BARCA (Pierre-Antoine), ingénieur milanais
du xviie siècle, a publié des Règles sur l'archi-
tecture civile et militaire, lapeinture, la sculp-
ture et la perspective (Milan, 1620).
BARCA (François), musicien et compositeur
portugais, naquit h, Evora dans les premières
années du xvnc siècle. Chanoine régulier à
Palmella en 1625, il devint maître de chapeîle
de son couvent. Avant le tremblement de terre
de Lisbonne, ses œuvres se trouvaient dans la
bibliothèque particulière du roi.
BARCA (François-Joachim Calderon de
la), prédicateur général des franciscains, était
originaire de l'Amérique du Sud, et publia en
1735, pour les religieux de ces contrées, un
Résumé des règles de saint François. Il a
donné un Traité d'astronomie pratique.
BARCA (Alexandre), chimiste italien, né à.
Bergame en 1741, mort en 1814. Il n'est guère
connu que par un mémoire sur la décompo-
sition de l'acide phlogistique. Ses idées sur
les saturations chimiques se rapprochent de
celles de Guyton de Morveau.
BARCA (Alexandre), musicographe italien,
né à Bergame en 1741, mort en 1814. Professeur
de droit naturel et social à l'université de Pa-
doue, il a écrit plusieurs mémoires concernant
l'état de l'art musical à son époque, et une
théorie de son invention.
BARCADE s. f. (bar-ka-de — rad. barque).
Troupe de chevaux qu'on embarque.
BARCALLAO s. m. (bar-ka-la-o). Comm.
Morue pêehée sur les côtes de Juan-Fernandez.
BARCALOn' s. m. (bar-ka-lon). Premier
ministre du roi de Siam : Il fit connaissance,
à Siam, avec un premier commis du barcalon.
(Volt.)
barcaman s. m. (bar-ka-man). Bot. Nom
indigène du liseron turbith, plante du Gu-
zarate.
BARCAROL, BARCAROLE OU BARCA-
ROLLE s. m. (bar-ka-rol — ital. barca-
rollo, même sens, formé de barca, barque).
Batelier italien et surtout vénitien : Cette
pieuse philosophie du barcarol nous attacha
davantage à l'idée de nous embarquer avec lui.
(Lamart.) Je m'attachai à ne plus estropier
misérablement les vers, comme tous les barca-
rolles ont coutume de le faire. (G. Sand.)
iessARCAROLS sont d'ignobles drôles, comparés
aux caïdjis. (Th. Gaut.)
BARCAROLLE s. f. (bar-ka-ro-le — rad.
barcarol). Chanson de batelier italien, et sur-
tout de gondolier vénitien : La plupart des
ariettes de Lulli sont des airs du Pont-Neuf et
des bakcarolles de Venise. (Volt.) Trouve-
t-on beaucoup de boléros et de barcarollbs
où l'instinct de la musique se traduise avec
plus de vivacité que dans les chansonnettes de
l'Auvergne, les valses du Béarn ou les rondes
de Provence? (Vitet.)
Rialto n'entend plus le chant des barcarolles.
C. Delavigne.
— Par ext. Chant approprié aux prome-
nades sur l'eau, et rappelant par le rhythme
les barcarolles de Venise : Un opéra ne peut
plus guère se passer d'une barcarolle. Allons,
Juanita, amuse-moi, chante-moi une barca-
rollk. (Scribe.)
Maintenant a la barcarolle
L'hymne d'amour doit s'allier.
L'abbé Clerc.
— Encycl. On entend proprement, par le mot
barcarolle, des romances en dialecte vénitien,
que chantent les gondoliers à Venise. Bien que
les airs de ces petits morceaux soient générale-
ment composés pour le peuple, et souvent par
les bateliers eux-mêmes, ils ne laissent point
que d'être parfois fort jolis, remplis de mé-
lodie, et les plus grands chanteurs de l'Italie
ne dédaignent pas de les reproduire au théâtre
de la Scala ou à celui de San-Carlo, à la grande
joie des dilettanti italiens, qui sont, comme on
sait, les plus difficiles du monde. Les paroles
de ces barcarolles, écrites dans cette langue
naïve et harmonieuse que parlent entre eux
tous les habitants de Venise, grands seigneurs
et portefaix, ont souvent une grâce et une
poésie qu'on n'attendrait guère de semblables
compositions. Le sujet en est généralement
triste ou mélancolique, et les riverains de l'A-
driatique les chantent avec infiniment d'ex-
pression. Autrefois, les gondoliers apprenaient
par cœur des chants entiers de la Jérusalem
délivrée, quelques-uns même tout ce poème,
et passaient des nuits entières, dans leurs gon-
doles, se renvoyant alternativement des stan-
ces de l'immortelle épopée sur un rhythme
plaintif et mélodieux qu ils improvisaient. On
se rappelle qu'avant le Tasse, Homère avait
eu le même honneur , et que plus d'un Grec
racheta sa liberté en chantant aux barbares
les admirables vers du vieillard Mélésigène et
d'Euripide, Par extension, on appelle aujour-
d'hui barcarolles certains morceaux dont le
rhythme imite le balancement d'une nacelle sur
les flots, et qui s'écrivent ordinairement en 6-8,
quelquefois en2-4. Parmi les plus célèbres bar-
carolles de la musique moderne, nous citerons :
La Biondina in Gondoletta ; 0 Pescator dell'
Onda, Accours dans ma nacelle, du Guillaume
Tell de Rossini ; Amis , la matinée est belle,
dans la Muette d'Auber; Que la vague écu-
manle, du Zampa d'Hérold ; Oh! matelots! dans
Don Sébastien de Portugal, par Donizetti, etc.
Berton, dans Aline, etNieolo, dans Michel-
Ange, avaient déjà fait entendre en France
des barcarolles, qui étaient réellement des airs
empruntés par eux aux gondoliers de Venise.
Barcarolle (LA) ou l'Amour et la musique,
opéra - comique en trois actes , paroles de
Scribe, musique de M. Auber, représenté pour
la première fois à Paris , sur le théâtre de
l'Opéra-Comique, le 22 avril 1845.
Si l'on y regardait h. deux fois, on verrait
peut-être que la Barcarolle avait déjà été
mise au théâtre à diverses reprises, sous diffé-
rents titres. Scribe lui-même, en collaboration
avec Varner, a donné notamment un vaude-
ville intitulé la Chanson ou l'Intérieur d'un
bureau, dont le sujet est identiquement celui
de la Barcarolle. Ici, le librettiste a peut-être
abusé un peu trop de son habileté dans l'art
de disposer les détails, de susciter des inci-
dents, de faire naître les situations et les mots
autour d'une donnée insuffisante en elle-même
pour amener régulièrement et justifier le dé-
veloppement complet d'une action dramatique.
Personne n'excelle plus que le subtil auteur
du Domino noir à construire un édifice sur les
bases les plus fragiles, à dresser une pyra-
mide sur la pointe d'une aiguille. Mais ce
sont là des tours de force qui ne réussissent
pas toujours , et ces monuments à fondations
douteuses s'écroulent bien vite. Le livret est
des plus simples, et même des plus médiocres.
Dès le premier mot, vous devinez le dernier ;
l'action glisse sur des roulettes dans une rai-
nure savonnée, sans secousse, sans cahot. Vous
n'éprouvez pas ces affreuses inquiétudes que
.vous inspirent les dramaturges de l'école Bou-
ohardy, dont le char compliqué est à chaque pas
près de s'enhbourber et de verser. Les coursiers
de Scribe ne prennent jamais le mors aux
dents jilsvous mènentd'unpetittrotbiendoux,
et vous conduisent agréablement à destination
le sujet qu'on leur confie, pourvu, cependant,
qu'il n'y ait pas plus de trois postes; car, au
delà, ils commencent à s'essouffler. Pourtant,
il est notoire que, sans nouveauté de concep-
tion, sans profondeur de pensée et sans Style,
sans force comique, sans traits et sans mots,
ce postillon dramatique qui ne vise pas au
chef-d'œuvre , ce Scribe , qui n'aime ni les
coups d'éperon ni les coups de fouet, parvient
à faire des ouvrages que l'on peut compter
parmi les mets les plus agréables dont se com-
pose le menu du festin des théâtres. Amuser
le public! telle est sa devise. Or, il y a dans
cette Barcarolle, qui ne supporterait pas une
critique sérieuse, tout ce qui suffît, mais rien
que ce qui suffit, pour tenir éveillé le specta-
teur et fournir matière au compositeur. En
Italie, on n'en demanderait pas davantage —
moins encore peut-être; mais en France, on
veut un brin d illusion, et la chanson du ténor
ne suffit pas à notre appétit musical.
L'action de la Barcarolle se passe à Parme.
Un ministre ridicule, le marquis de Félino,
a la manie de vouloir jouer, dans la petite
cour du grand-duc , le rôle d'un Richelieu :
le ministre français a aimé Anne d'Autri-
che; Félino, dans le seul but de l'imiter,
fera la cour à la femme de son souverain.
Il s'adresse à un professeur de contre-point,
pauvre diable de maître de chapelle, pour
avoir une mélodie mise sur des paroles d'a-
mour; une barcarolle, selon lui, remuera pro-
fondément le cœur de la duchesse. Le brave pro-
fesseur, nommé Caffarini, assez embarrassé
de la mission, monte chez Fabio, à la fois son
élève et le locataire d'une des mansardes de
sa maison ; et, sans plus de gêne, il fouille ses
papiers et y trouve un madrigal qui convien-
dra on ne peut mieux au premier ministre.
Quelques variantes suffiront à le mettre en
situation. Le billet doux estbientôt glissé, sous
forme de barcarolle dans la corbeille à ou-
vragedeladuchessepar Félino; mais legrand-
duc trouve la déclaration. Grand scandale!
Qui a formé ce complot poétique et musical
contre son honneur? Il découvrira le coupable,
coûte que coûte, et prompte justice en sera
faite. 0 Cet homme, assurément, n'aimait pas
la musique ; » mais les citadins de Parme l'ado-
rent, eux : la musique et la barcarolle sont
fredonnées de toutes parts, car le comte de
Fiesque a eu grand soin de les répandre. Le
comte de Fiesque, jeune seigneur de la cour,
amoureux de Clélia, la fille même du premier
ministre, ne comprend pas d'abord l'émoi du
grand-duc au sujet d'une barcarolle dont il
est l'auteur, lui, pour les paroles et la mu-
sique, à quelques variantes près pourtant,
et qu'il a composée pour Clélia, la fille du
ministre; il n'hésite donc pas à en réclamer
la paternité. Détournée de la tète du mar-
quis de Félino, la colère du grand-duc me-
nace celle du comte; mais Fabio, le jeune
musicien chez qui a été trouvée l'œuvre cri-
minelle de lèse-majesté, viendra au secours
de Fiesque, son frère... de père; par lui sera
éclairci le mystère qui enveloppe les destinées
de cette barcarolle, à laquelle il avait été
chargé seulement d'ajouter un accompagne-
ment. Fabio s'introduit, à cet effet, dans le
jardin du palais ducal; il se met aux écoutes
derrière les charmilles, et surprend une double
conversation entre Félino et son complice, il
signor Caffarini, et entre celui-ci et sa nièce
Gina, jeune couturière fort gentille et fort
espiègle. Possesseur du galant secret, il atta-
che à son silence deux conditions : la déli-
vrance du comte de Fiesque, déjà emprisonné,
et le mariage du même comte de Fiesque avec
Clélia; Félino souscrit à tout. Mais le due
pourrait fort bien ne pas sanctionner tous ces
petits arrangements ; il lui faut un coupable ;
Fabio se dévouera. En sa qualité de musi-
cien, sa raison est sujette a caution: c'est
dans un moment de folie, dit-il, qu'il a com-
mis cette insulte envers la femme de son sou-
verain; mais la barcarolle, vers et musique,
est de lui, et il la destinait à Gina. Bref, le
comte de Fiesque épouse Clélia , et Fabio
épouse Gina; du même coup voilà deux
bons mariages arrêtés. — La musique dont
M. Auber a brodé ce frêle canevas, bien qu'é-
légante, facile et distinguée, comme tout ce
qui vient de l'illustre maître, n'a peut-être
pas assez de nouveauté ; beaucoup de motifs
éveillent des réminiscences ; M. Auber ne se
souvient pas toujours — et il est le seul —
des airs charmants qui lui échappent, et par-
fois il se pille lui-même. Le thème de la Bar-
carolle n'a pas toute l'originalité désirable ;
c'est la phrase principale de l'ouvrage ; elle
est prise, reprise, répétée à chaque instant.
I II aurait fallu là , dit M. Théophile Gautier,
une de ces mélodies nettes, franches, incisi-
ves, se gravant invinciblement dans la .mé-
moire, comme M. Auber en rencontre à cha-
que pas, surtout lorsqu'il ne les cherche point.
II est singulier que le compositeur qui a fait
tant de charmantes barcarolles, dans des pièces
où elles n'étaient qu'accessoires, ait manqué
celle-ci, qui donne le titre à l'ouvrage, et qui
en était, en quelque sorte.la pensée musicale.»
Le premier mouvement de 1 ouverture, où est
placé un effet mystérieux de sourdines, deux
airs de femme et un duo bouffe, ont été fort
applaudis. Le thème principal,
0 toi dont l'œil rayonne,
est une mélodie facile qui a eu un succès po-
pulaire. On a remarqué l'air de soprano
Personne en ces lieux ne m'a vue,
au premier acte, puis le duo pour deux voix de
basse :
Viens, que par toi nos muses...
qui est d'une bonne déclamation musicale , et
enfin le chant de la barcarolle en quatuor, à la
fin de l'ouvrage. — Acteurs qui ont créé la
Barcarolle ; MM. Roger, Gassier, Hermann-
Léon; M'ies Révilly etDelille.
BARCASSE s. f. (bar-ka-se — rad. barque).
Mar. Mauvaise embarcation, il Grosse barque.
barce s. f. (bar-se). Artill. Autrefois, gros
Canon très-court, particulièrement usité à
bord des navires, il On dit aussi barcel.
BARCÉ, ville de l'ancienne Cyrénaïque, au-
jourd'hui Barca, au S. de Ptolémaïs. Louis XIV
fit tirer des ruines de cette ville des marbres
antiques, dont il orna le château de Versailles
et le grand Trianon.
BARCELLE s. f. (bar-sè-le). Sorte de tom-
bereau.
BARCELLON (Jean), graveur espagnol du
xvme siècle, né à Madrid, connu surtout par
deux planches originales et remarquablement
exécutées pour le Don Quichotte, édition de
1780.
BARCELLOS ou BRACELLOS (Pierre), gé-
néalogiste portugais, mort en 1340, était fils
naturel du roi Denys de Portugal. Sa Généa-
logie des grandes familles portugaises a été
imprimée en 1540.
BARCELLOS (Fr. Francisco de), religieux
portugais, poète latin, mort en 1570. Lé plus
remarquable de ses ouvrages a pour titre :
Salutiferœ crucis triumphus in Ckristi Dà op-
timi Maximi gloriam , eu vers élégiaques
(Coïmbre, 1503).
BARCELO , lieutenant général des armées
navales d'Espagne , avait été simple soldat.
En 1792 , il se couvrit de gloire dans l'ex-
pédition contre Tanger, et força l'empereur
du Maroc à subir les conditions que l'Espagne
voulait lui imposer. — Son nom était devenu
la terreur des B'arbaresques.
BARCELONA, ville de la république de Ve-
nezuela, 70 kil. S.-E. de Cumana, sur le Ne-
veri ; 5,000 hab. Ville déchue, climat très-in-
salubre.
BARCELONAIS, AISE adj. et s. (bar-se-
lo-nè, è-ze). Habitant de Barcelone, qui est
propre, qui appartient à cette ville ou à ses
habitants,
BARCELONE, en latin BARC1NO, ville d'Es-
pagne, ch.-l. ,de la capitainerie générale de
Catalogne et de la province de son nom, à
504 kil. N.-E. de Madrid, 155 kil. S.-O. de
Perpignan, par 4l°22' de lat. N. et 0°10' de
long. O., sur la Méditerranée, à l'embouchure
du Llobregat; 202,000 hab. Place forte, vaste
port de guerre et de commerce; arsenal pour
la marine ; siège d'un évêché suffragant de
Tarragone ; école d'artillerie et de génie ;
nombreux établissements d'instruction publi-
que : séminaire théologique ; collège ou école
de médecine et de chirurgie ; école de sourds-
muets; école de commerce, de navigation et
de beaux-arts; quatre bibliothèques publiques,
avec un riche dépôt des archives de l'ancien
royaume d'Aragon ; jardin botanique ; consu-
lats étrangers ; industrie manufacturière im-
portante : fabrication de draps et lainages ,
soieries, cuirs, dentelles, cotonnades, savon,
armes , fonderie de canons. Commerce consi-
dérable encore, mais bien déchu par suite des
guerres civiles de l'Espagne et des terribles
bombardements qui ont dévasté naguère cette
malheureuse cité. Indépendamment des pro-
duits de ses manufactures, destinés h l'Es-
pagne, cette place exporte des vins, particu-
lièrement des vins rouges, récoltés sur les
côtes voisines, et dont chaque année environ
30,000 pipes sont envoyées à Cuba et dans l'A-
mérique du Sud, et 4,000 danslenorddel'Eu-
rope: plus des eaux-de-vie, de l'huile d'olive ,
du liège, de la laine, du plomb, du mercure, du
safran, de l'anis, des oranges et d'autres fruits
du Midi. L'importation de l'étranger consiste
principalement en articles manufacturés , de
France et d'Italie surtout ; en coton, charbon de
terre, riz, poisson salé et bois de construction
de la Baltique et du Nord ; fer de Suède, acier
de Styrie, chanvre de Russie, tréfilerie d'Alle-
magne, etc. Quatre chemins de fer partant de
Barcelone, des services réguliers de bateaux à
vapeur pour les principaux ports de la Médi-
terranée et de l'Océan, enfin plusieurs éta-
blissements financiers , tels que banques ,
comptoirs d'escompte, sociétés de crédit, etc.
desservent et favorisent ce grand mouvement
commercial, dont la valeur s'est élevée, en
1860, à 113 millions de francs à l'importation,
et à 73 millions à l'exportation. Le mouvement
total de la navigation de Barcelone, y compris
le cabotage avec les ports espagnols, a pré-
senté la même année, entrées et sorties réunies,
un chiffre de 6,005 navires et 532,966 ton-
neaux.
La ville est bâtie en forme de croissant sur
le bord de la mer, bien fortifiée, défendue à
l'E. par une redoutable citadelle construite en
1715, et protégée à l'O. par le fort de Mont-
Jouy (Mons Jovis). Quelques promenades spa-
cieuses et bien ombragées, une trentaine de
fontaines ornent cette ville, dont les rues lais-
sent beaucoup à désirer, au point de vue de la
régularité et de la propreté. On divise Barce-
lone en ville haute et ville basse. Ses édifices
les plus remarquables sont : la cathédrale,
bâtie dans le style gothique, les églises de
Saint-Jacques et de Saint-Michel, les couvents
des frères de la.Charité et de Sainte-Croix, la
bourse, l'hôtel de ville, le palais des anciens
comtes de Barcelone, où siégeait le tribunal
de l'inquisition et où furent emprisonnées ses
victimes, le palais des audiences avec les ar-
chives importantes de l'Aragon et les portraits
de ses rois. (V. plus loin.)
Barcelone, ancienne ville delaTarraconaise,
fut, dit-on, fondée par Hamilcar Barca, d'où
elle prit le nom de Barciko ; elle passa suc-
cessivement, après la chute de l'empire d'Oc-
cident, sous îa domination des Goths, des
Maures, des Francs ; elle eut des comtes par-
ticuliers jusqu'au xn» siècle, puis fut réunie h
l'Aragon. Ce fut sous le gouvernement des
princes de ce royaume qu'elle parvint à l'apo-
gée de sa puissance et de sa prospérité com-
merciale. Ses navires, rivalisant avec ceux
des républiques italiennes, trafiquaient direc-
tement avec toute la côte septentrionale de
l'Afrique, franchissaient le détroit de Gibral-
tar et allaient jusqu'en Angleterre et dans les
Pays-Bas, échanger les produitsdu Midi contre
ceux du Nord. Jacques Ier d'Aragon conféra
à cette ville des privilèges qui y stimulèrent
l'esprit d'entreprise de la manière la plus
heureuse. L'occupation de la Sicile par l'Ara-
gon, en 1282, fut surtout avantageuse à Bar-
celone en y fixant l'entrepôt des produits de
cette île. Les Baléares lui fournissaient des
matelots et des pilotes excellents. Le célèbre
code maritime, connu sous le nom de Consu-
lat de mer, paraît avoir été publié d'abord à
Barcelone, et c'est également dans les annales
de cette ville que l'on trouve les premiers
228
BAR
exemples des assurances maritimes et de la
négociation des lettres de change, qui de là
passèrent en Italie et dans les Pays-Bas. Plus
tard, les absurdités du système de politique
commerciale de l'Espagne enveloppèrent aussi
Barcelone dans la ruine générale du pays.
Conquise par les Français en 1640, elle se
soumit, ainsi que le reste de la Catalogne, aux
lois de notre pays; la force lui imposa de nou-
veau, en 1652, la domination de l'Escurial ;
mais, en 1607, elle fut reprise par les Français,
qui, aux termes de la paix de Ryswick, durent
le restituer au cabinet do Madrid. Lors de la
guerre de la succession d'Espagne, Barcelone
se prononça en faveur de l'archiduc Charles ;
assiégée en 1714 par les troupes de Philippe V,
que commandait le duc de Berwick, elfe se
vit obligée de capituler après une résistance
opiniâtre. De 1809 a 1814, elle fut occupée par
les armées de Napoléon Ier ; en 1821, elle fut
ravagée par la fièvre jaune, qui lui enleva
40,000 habitants, et, comme si ce terrible fléau
n'avait point assez cruellement sévi, les guerres
civiles qui ont désolé l'Espagne pendant trente
ans ont surtout frappé au cœur la capitale de
la Catalogne. A partir de 1827, après la ré-
pression de l'insurrection des Agraviados ,
Barcelone eut horriblement à souffrir de la
sanguinaire sévérité de son gouverneur, le
comte d'Espana, jusqu'en 1832, époque où cet
ignare fanatique fut révoqué de ses fonctions
par la reine. La guerre civile qui éclata peu
après en Espagne fut une source incessante
de calamités pour Barcelone, où les émeutes
et les insurrections devinrent à l'ordre du
jour. Nous mentionnerons seulement celle de
1835, où le peuple brisa la statue de Ferdi-
nand VIE, incendia la plus grande fabrique de
la ville et égorgea le général Bassa, dont il
traîna le cadavre dans les rues sur une claie;
celle de 1836, au moment des élections pour
les cortès; celle de 1840, qui aboutit à la ré-
gence d'Espartero; celle du mois d'octobre
1841, lorsque la garde nationale exigea la dé-
molition immédiate des fortifications et la
commença elle-même. Comme tant d'autres,
ce dernier mouvement put être comprimé par
l'autorité sans qu'il fut nécessaire de dé-
ployer une excessive sévérité. Mais bientôt
éclata une terrible catastrophe , dont l'hor-
reur fit oublier toutes les calamités passées.
Des arrestations faites le 13 novembre 1841,
a l'occasion de l'introduction en ville d'un
certain nombre de pièces de vin, l'incarcé-
ration des rédacteurs du Republicano , !a
firochaina mise en vigueur de la nouvelle
oi sur la conscription , enfin quelques ma-
ladresses des employés du gouvernement,
firent éclater entre le peuple et la garnison de
la ville le regrettable conflit qui se termina
par le mémorable bombardement que les Bar-
celonais ne pardonneront jamais a Espartero.
Dans la journée du 3 septembre 1842, huit
cents bombes, cent grenades et deux cents
obus furent lancés sur la malheureuse cité,
dont plusieurs quartiers furent réduits en cen-
dres. L'imminence de la complète destruc-
tion de la ville put seule déterminer les insur-
gés à céder et a évacuer Barcelone, qui fut
immédiatement déclarée en état de siège et
frappée d'une contribution extraordinaire de
lî millions de réaux ou 3 millions de fr; cette
terrible exécution décida la chute du régent
Espartero. Depuis cette époque, l'ancienne ca-
pitale de la Catalogne n'a pas cessé de jouir
d'une tranquillité complète, et l'industrie et le
commerce y ont repris un accroissement mer-
veilleux.
— Monuments. La plupart des monuments
que les Romains avaient élevés à Barcelone
ont complètement disparu. On désigne un
quartier de la ville comme ayant été l'empla-
cement d'un amphithéâtre : ce quartier avait
conservé, au moyen âge, le nom significatif d'A-
renaria. A l'entrée de la rue des Capellans,
subsiste un reste d'aqueduc antique, composé
d'un arc très-élevé, construction massive et
d'une grande solidité. On pense que cet aque-
duc amenait à Barcelone les eaux de la mon-
tagne de Collcerola. Dans l'endroit le plus
élevé de la ville, derrière la cathédrale, on
montre encore six grosses colonnes cannelées,
à chapiteaux corinthiens : cinq de ces Colonnes
sont disposées sur une même ligne vers le
midi ; la sixième fait un retour a angle droit
vers le levant. Elles sont en pierre du Mont-
Jouy et mesurent 9 m. 70 de haut, y compris
la Os.se et le chapiteau ; leurs piédestaux, à
(.oclcs très-simples, n'ont guère que 0 m. 20 à.
0 ni. 22 dulovîitimi. Elles sont renfermées dans
une maisiin particulière et enclavées dans
l'épaisseur de la muraille. Los archéologues
croient qu'elles faisaient partie du portique
d'un temple, qui occupait remplacement de la
cathédrale, et qu'une tradition locale fort an-
cienne prétend avoir été consacré à Hercule.
De la période mauresque, Barcelone n'a
conservé i|Uc des bains situés au coin do la
rue de tu Boqueria. Ils se composent de plu-
sieurs salles assez obscures, et qui n'ont rien
de l'élégance des autres constructions arabes
.de la péninsule. La salle principale, de forme
carrée, a. une voûte à pans coupés, qu'éclaire
une seule ouverture pratiquée au sommet, et
que soutiennent douze colonnes de marbre
blanc de 3 ni. d'élévation et de û m. 35 envi-
ron de diamètre. Ces colonnes, d'une structure
grossière, sont réunies par des arcs en fer a
cheval.
La Cathédrale, dont on fait remonter l'ori-
rigine aux premiers siècles de l'ère chré-
BAR
tienne, prit le nom de Sainte - Eulalie vers
878, lorsqu'on y eut transporté les restes de
cette sainte martyre, patronne de Barcelone.
Cette translation eut lieu sous l'épiscopat de
Frodom. L'église fut reconstruite, en 1058,
par le comte Raymond Bérenger ; mais bien-
tôt elle devint trop étroite pour contenir
la population toujours croissante de la ville,
et, en 1299, les rois d'Aragon commencèrent
l'édifice actuel. Ce monument, construit dans
le style ogival, est remarquable par la har-
diesse de ses proportions. La façade, que do-
minent deux' tours élancées, n'a point été
achevée : depuis trois siècles, dit-on, le cha-
pitre prélève sur tous les mariages un droit
spécial destiné à être affecté à l'exécution du
portail projeté primitivement, et dont le des-
sin, conservé dans les archives, se distingue
par la richesse et l'élégance dos détails. Ac-
tuellement, la porte d'entrée est des plus mes-
quines; elle est précédée d'un perron élevé.
L'intérieur de la cathédrale de Barcelone, a
dit M. Théophile Gautier, est saint, mystérieux,
presque effrayant. Elle se divise en trois vas-
tes nefs; les voûtes, soutenues par de gros
piliers formés de colonnettes accouplées, ont
une grande élévation. Le chœur, qui occupe
le centre de la grande nef, offre une incroyable
profusion d'ornements ; la boiserie et les stal-
les sont sculptées avec une extrême délica-
tesse; chaque siège est surmonté d'un dais
finement découpé, et sur les dossiers sont
peints les noms et les armoiries des chevaliers
qui reçurent la Toison d'Or dans un chapitre
tenu par le roi Charles 1er, \e 5 mars 1519. Le
sanctuaire , fermé par une haute grille , est
élevé de plusieurs degrés au-dessus du sol du
reste de 1 église. «Le maître-autel, dit M. Gcr-
mond de Lavigne, est un gracieux ensemble
de fines colonnettes, de ciselures, de trèfles,
de découpures en pierre de couleur sombre,
ayant l'aspect d'un petit temple au milieu du-
quel apparaît, au-dessus du tabernacle, Jésus-
Christ sur la croix. Des dix piliers qui l'en-
tourent s'élancent dix arêtes semi-circulaires,
qui forment la voûte, et dans la frise, uu-des-
sus des arcs des piliers, se dessine une jolie
f alêne découpée en trèfles. L'abside est percée
e grandes fenêtres garnies de vitraux, qui
jettent une vive lumière sur cette partie do
l'église. » Au-dessous de la grille du sanc-
tuaire, une grande arcade surbaissée s'ouvre
sur la chapelle de Sainte-Eulalie, au fond de
laquelle s'élève, soutenu par huit colonnes de
jaspe, le mausolée d'albâtre qui contient les
reliques de la sainte. Les faces de ce mausolée,
qu'éclairent une foule de lampes constamment
allumées, sont décorées de bas-reliefs repré-
sentant les circonstances du martyre do sainte
Eulalie, l'invention de son corps et sa pre-
mière translation en 878. On remarque encore,
dans la cathédrale de Barcelone : l'escalier
richement sculpté qui conduit à la tribune
placée à droite du chœur; l'orgue, au-dessous
duquel est une tête de Sarrasin, jadis articulée,
et que le vent des tuyaux faisait grimacer; la
façade de marbre de la chapelle du Trascoro;
la chapelle de Saint-Olaguer, qui renferme le
tombeau en marbre de ce saint et qui est ornée
de peintures d'Antonio Viladomat, artiste ca-
talan ; la chapelle du Suntissimo-Cristo que
décorent des peintures exécutées par Manuel
Tramellas et par son frère Francisco; et, dans
d'autres chapelles, les tombeaux de Raymond
Bérenger et de sa femrame Almodis, des évè-
ques Ramon Escalas et Bérenger de Pala-
ciolo, et de dona Sancha Jimenes de Cabrera.
La porte de San-Severo, qui s'ouvre sur l'un
des cotés de l'église et qui réunit toutes les
finesses d'ornementation du gothique le plus
fleuri, conduit dans un cloître ogival, d'une
architecture assez irrégulière, mais dont les
fiiliers, formés de minces colonnettes, ont
eurs chapiteaux décorés de sculptures très-
intéressantes, représentant des scènes de l'An-
cien et du Nouveau Testament. Au milieu de
ce cloître est une cour plantée d'orangers et
ornée de jolies fontaines.
Parmi les autres églises de Barcelone, nous
devons citer : Sainte-Marie de la Mer (Santa
Maria del Mar ) , bel édifice gothique du
xvc siècle, qui comprend trois nefs séparées
par d'élégantes arcades et dont le chœur est
placé derrière le maltre-autel ; le portail prin-
cipal est un morceau du meilleur style. Cette
église communiquait autrefois , par fa tribune
royale, avec l'ancien palais des rois d'Aragon,
qui était contigu. — Sainte-Marie des Rois
(Santa Maria de los Reyes), fondé» au xc siè-
cle et reconstruite dans le style ogival vers la
fin du xive.— Sainte-Anne, église collégiale, qui
possède un très-beau cloître et où l'on admire
le tombeau de don Miguel Bohera, général
des galères sous Charles-Quint. — Saint-Just,
la plus ancienne église de Barcelone ; on croit
qu'elle a été fondée par Louis le Débonnaire.
Elle n'a qu'une seule nef. Pendant trois siè-
cles, elle a possédé une image de la Vierge,
que l'on vénère aujourd'hui au monastère de
Montserrat. — Sainte-Catherine, dépendance
du couvent des dominicains ; le vestibule qui
conduit aux cloîtres renferme le tombeuu en
marbre blmto de Thomas Ripoll, général de
l'ordre, mort en 17S3. Un seul des deux cloî-
tres mérite l'attention : on y voit un grand
! nombre d'urnes sépulcrales, de mausolées, de
I statues de marbre , des peintures très-an-
\ ciennes représentant des scènes de l'inquisi-
tion, et des inscriptions qui rappellent les
noms, l'âge, la profession, la patrie et le genre
de supplice des iudividus condamnés par le
BAR
saint-office de Barcelone. La première victime
a été frappée en 1488 ; la dernière en 1728.
Les autres monuments les plus remarqua-
bles de Barcelone sont les suivants : VIJotel
de la Députation (Casa de la Diputacion), ap-
pelé encore quelquefois le Palais de 1 Au-
dience, édifice dans le style de la Renaissance,
commencé en 1609 par l'architecte Pierre
Blas. Sa façade principale se distingue par sa
simplicité et sa noblesse ; le portail est décoré
de quatre belles colonnes d'ordre corinthien.
Sur l'une des façades latérales, dans la rue de
l'Evéque (calle del Obispo), s'élève la char-
mante chapelle de Saint-George (San Jorge),
construite dans le style gothique le plus fleuri.
L'Hôtel de la Députation était le lieu où s'as-
semblaient autrefois les états dû Catalogne;,
"il sert aujourd'hui aux audiences de la cour
suprême. Outre une série de portraits des
comtes de Barcelone, il renferme les précieu-
ses archives delà couronne d'Aragon. 11 est
situé sur l'un des côtés de la place San Jaime
(Saint-Jacques) et fait face à
U Hôtel consistorial (Casa contistarial) , édi-
fice gothique de la seconde moitié du xiv> siè-
cle. La façade principale a été construite en
1832, pour faire pendant à celle de l'Hôtel de
la Députation. L arrière-façade, qui donne sur
des jardins plantés d'orangers, et la cour inté-
rieure (patio) ont conservé les formes sévères
du style ogival. Ce palais renferme -les ar-
chives municipales.
Le Palais- Royal (Real Palacio), bâtiment
carré, lourd , surmonté de créneaux , a été
construit en 1444, pour servir de halle aux
draps. Il devint successivement arsenal en.
1514, résidence des vice-rois en 1652, et n'a
été affecté à sa destination actuelle qu'en
1844, lorsque la reine Isabelle vint visiter
Barcelone. L'ancien Palais-Royal , demeure
des comtes de Barcelone et des rois d'Aragon,
était situé près de l'église Sainte-Marie de
la Mer: il était occupé, au commencement de
ce siècle, par le tribunal de l'inquisition, par
l'académie de médecine et par une commu-
nauté de clarisses ; la partie affectée à l'inqui-
sition a été démolie en 1828.
La Bourse (Lonja), située sur la place du
Palais-Royal, a été élevée aux frais du com-
merce de Barcelone, sous Charles III. Elle a
été construite sur les dessins de Jean Solers,
avec autant de goût que de magnificence. Son
plan est un rectangle de 76 m. de long sur
25 m. de large. Sa façade principale est pré-
cédée d'un portique cintré, formant un avant-
corps très-saillant, qui s'ouvre sur la place par
trois arcades décorées de dix colonnes dori-
ques accouplées. Au-dessus de cet avant-
corps règne une galerie en terrasse, garnie
de balustrades. Le second corps, qui s'élève
au-dessus de cette terrasse et qui comprend
deux étages, est orné de six colonnes ioniques
et de quatre pilastres que couronne un fronton
triangulaire. Ce bel édifice, décoré intérieure-
ment avec luxe, renferma, outre la bourse, le
tribunal de commerce et l'école des beaux-
arts, qui est placée sous le patronage de la
Chambre de commerce.
La Douane, située à côté de la porte de Mer
(puerta de Mar), près du Palais-Royal ac-
tuel, a été bâtie sur les plans de Roncali, et
terminée en 1792. Suivant M. Germond de
Lavigne, c'est un édifice surchargé d'orne-
ments, de colonnes accouplées, de pilastres
sans motifs, pour tout dire, un chef-d'œuvre
de mauvais goût.
Barcelone possède plusieurs hôtels particu-
liers dignes d'attention. Il nous suffira de ci-
ter : La Casa de Gralla (aujourd'hui palais
des marquis d'Aytona), qui date, dit-on, de
1306, mais dont l'architecture porte l'empreinte
de divers styles. La façade, richement orne-
mentée, appartient à la période do la Renais-
sance; la galerie du deuxième étage, formée
de douze colonnes corinthiennes, se distinguo
par l'élégance de ses proportions. — La Casa
Dusay, édifice duxvr" siècle, remarquable par
les trophées en bas-relief de son arrière-fa-
çade et par la légèreté de la colonnade de son
patio. — La Casa de Cordonas, dont on ad-
mire le magnifique escalier, les fenêtres déli-
catement sculptées dans le goût de la Renais-
sance et le patio élégant.
Les établissements scientifiques les plus
importants sont : la bibliothèque publique de
Sun-Juan, qui renferme plus de 40,000 volu-
mes provenant, la plupart, des couvents ré-
formés ; la bibliothèque ôpiscopale, également
publique, qui possède environ 15,000 volumes,
2,000 manuscrits, d'anciennes monnaies ro-
maines et espagnoles, etc.; le musée Salvador,
qui appartient à un particulier et qui passe
pour être l'un des plus riches muséums de
l'Espagne : on y trouve de nombreux ouvra-
ges sur l'histoire naturelle et la médecine, des
manuscrits rares, des collections monétaires,
minéralogiques , zoologiques, des antiquités,
des armes, un magnifique herbier, etc.; le
collège de chirurgie, dont, la salle de dissec-
tion est grande, bien dessinée et ornée du
buste de Pierre "Virgili, Catalan, restaurateur
des études chirurgicales en Espagne , au
xvine siècle ; etc.
L'Académie de dessin de Barcelone renferme
quelques peintures intéressantes: une Femme
du peuple allaitant son enfant, par Murillo ; un
Couple hollandais, qu'on désigne sous le nom
, du Sultan et sultane, par Rembrandt; Apollon,
'. par le Guerchin; Clcopûlre mourant, par lo
I Guide; une Vierge, de Carie Marattc; une
BAR
Madeleine, de Lanfranc; Narcisse à la for.-
taina, par Poussin; l'Adoration des bergers,
par Cantallope, élève de R. Mengs; Jésus te-
nant une hostie, par Juccensa; du Gibier mort,
parVilstec; quelques bonnes copies, d'après
le Titien, Velazquez, Ribera, Murillo, et dix-
sept tableaux de A'iladomat, artiste catalan,
dont seize représentent les principaux épisodes
de la vie de saint François d'Assise, et le dix-
septième, la Pentecôte.
BARCELONE ( PROVINCE UT ANCIEN COMTÉ
de), division administrative du N.-E. de l'Es-
pagne, comprise dans la capitainerie générale
de la Catalogne' et bornée au N.-E. par la
province do Girone, au S.-E. par la Méditerra-
née, au S.-O. par la province deTarragone, et
au N.-O. par la province de Lérida; superfi-
cie, 152 myriamètres carrés; 452,563 hab.;
ch.-l. Barcelone. Cette province, divisée en
onze juridictions civiles (partidos judiciales),
est en grande partie couverte par les contre-
forts et les ramifications des Pyrénées, qui y
donnent naissance à plusieurs cours d'eau,
dont les plus importants sont : le Llobrégat,
le Iiésos, la Ségro et la Tordera. Climat rude
dans la partie montagneuse, doux, sain, mais
très-variable dans la plaine et les vallées;
olives, bons vins en abondance, élève de mou-
tons et d'abeilles; industrie très-active.
Soumise d'abord aux Carthaginois, puis aux
Romains, occupée par les Wisfgoths, ensuite
par les Sarrasins, auxquels Churlemagne l'en-
leva en SOI, cette contrée eut dès gouver-
neurs qui devinrent héréditaires sous Charles
le Gros. Geoffroy, comte de Barcelone, le
premier qui transmit sa dignité a ses enfants,
lut l'auteur d'une nombreuse lignée. Ses suc-
cesseurs devinrent comtes de Provence par
mariage, et la branche aînée, formée par ses
descendants, arriva, au commencement du
xiiif siècle, au trône d'Aragon. Le comté de
Barcelone, qui jusque-là avait suivi le sort de
cette nouvelle maison d'Aragon, se donna, au
commencement du xvc siècle, à la maison
d'Anjou. Charles, comte du Maine, successeur
du roi René II, le légua, par testament, au
roi Louis XI. Mais c'était un héritage à con -
quérir plutôt qu'à occuper paisiblement, et qui
fut, par conséquent, négligé. Néanmoins, par
le traité de Crépi, l'empereur Charles-Quint
se le fit formellement céder par François 1er.
En 1640, la Catalogne ayant appelé les Fran-
çais, le comté de Barcelone resta entre nos
mains jusqu'en 1652. Depuis, il a suivi les des-
tinées de l'Espagne.
BARCELONETA (Ugone m), dominicain,
prédicateur et cardinal, né dans le Piémont
vers 1230. Ses sermons lui firent une grande
renommée. Il a composé des ouvrages théolo-
giques qui sont conservés en manuscrit a
Vienne.
BAECELONNETTE S. f. (bar-Se-lO-nè-tc —
de Barcelone, ville d'Espagne, ou plutôt do
berceau). Berceau léger et suspendu, de façon
à être mis facilement en mouvement : Après
ces préparatifs, elle déposa doucement la pe-
tite fille dans sa jolie barckloknetth. (tëalz.)
V. Bkrcklonnette.
— Art culin. Sorte do gâteau glace et orne
de fruits confits.
BARCELONi\ETTE, ville de France, ch.-l.
d'arrond. (Basses-Alpes), à 84 kil. de Digue,
822 kil. S.-E. de Paris; pop. aggl. 1,774 hab.
— pop. tôt. 2,026 hab. L'arrond. a 4 cant-,
20 comm. et 16,743 hab.; fabrique de petite
draperie, environ 200 métiers à soie ; com-
merce de mulets, bœufs et moulons. Patrie
d'Antoine Manuel. Cette ville, située sur la
rive droite de l'Ubaye, à l'entrée d'une belle
vallée, fut reconstruite, en 1231, par Raymond
Bérenger, comte de Provence, sur remplace-
ment d'une ancienne ville romaine; elle ap-
partint, tour à tour, à la Savoie et à la France,
qui la garda définitivement par le traité d'U -
trecht.
BARCELONNETTE, ch.-l. de cant. (Hautes-
Alpes), sur laDéoulc; arrond. de Gap; pop.
aggl. 211 hab. — pop. tôt. 301 hab.
BABCELOIt ou BARCELOHE, villo de l'Iii-
doustan anglais, présidence de Madras; petit
port sur la côte de Malabar; exportation de
riz et poivre; jadis capitale d'un petit Etat
indépendant.
BAUCENA (Alfonse), jésuite espagnol, né à
Cordoue, mort à Cusco (Pérou) en 1598. Il
s'est illustré par ses missions dans l'Amérique
méridionale, et a écrit, en plusieurs langues,
des lexiques, des ouvrages de grammaire et
de piété a l'usage des Indiens, ses néophytes.
Son maître fut Jean d'Aquila, surnommé l'«-
pàtrc de la Bëtique.
BARCIIAM (Jean), antiquaire et théologien
anglais, né à Exeter vers 1572, mort en 1C10.
Il avait rassemblé uno belle collection de mé-
dailles, qui appartient aujourd'hui à l'univer-
sité d'Oxford, Parmi ses ouvrages, on cite par-
ticulièrement : les Règnes de Jean et Henri II
(dans \' Histoire d'Aimieierre.deSpeed); l' Ex-
plication du blason, publiée en 1B!0 sous le
nom de John Guillim; enfin, un Traité sur les
médailles resté inédit.
BAHC11EW1TZ (Ernest-Christophe), voya-
geur allemand du xvm0 siècle, entra au ser-
vice de la Hollande et devint gouverneur de
Vile Lethy. Il a laissé, en allemand, une rela-
tion intitulée : Nouvelle et plus ample relation
d'un, voyage aux Indes orientales (1730).
UABCill (Joseph-Marie), biographe italien,
BAR
né à Mantoue, -vivait dans le xvne siècle. Il
écrivit la Vie d'Anne-Juliette de Gonzayne,
archiduchesse d'An triche, dont il était le con-
fesseur (Mantoue, 1623).
BAUCHOU DE PENIIOEN (Auguste-Théo-
dore-Hilaire, baron), historien et publicisle,
né à Morlaix en 1801, mort en 1855. Capitaine
d'état-major lors de l'expédition d'Alger, il
refusa de servir le gouvernement de Louis-
Philippe et se renferma dès lors dans ses
études et ses travaux littéraires et philosophi-
ques. Un des premiers rédacteurs de la Ilevue
des Deux-Mondes, il publia dans ce recueil
des travaux très-sérieux sur les philosophes
allemands. On lui doit une traduction de l'ou-
vrage de Fichte , la Destination de l'homme
(1833, in-S°; 2<= édit. 1836), et la Philosophie
de Schelling (1834, in-so). Sous le titre d'un
Automne au bord de la mer (1836, in-8°), il a
réuni plusieurs morceaux historiques et phi-
losophiques, dont le principal est un lissai
d'une formule générale de l'histoire de l'huma-
nité, d'après les théories de Ballanohe. Il fit
paraHre, la même année, Y Histoire de la phi-
losophie allemande, depuis Leibnitz jusqu'à
Hegel (1836, 2 vol. in-8°). On doit encore à
cet écrivain : Souvenirs de l'expédition d'A-
frique (1832, in-8°) ; Mémoires d'un officier
d'état-major dans la guerre d'Alger (1835,
in-So); Guillaume d'Orange et Louis-Philippe
{1835, in-S°); Histoire de fa conquête et de la'
fondation de l'empire anglais dans l'Inde (1841,
6 vol. in-8°) ; l'Inde sous la domination an-
glaise (1844, 2 vol. in-so), etc.
et légitimiste, de la coalition monarchique qui
forma la majorité réactionnaire. Il écrivit, à
cette époque, deux brochures : Un mot sur la
situation politique (1S49, in-8°) ; Lettre d'un
membre de la majorité à ses commettants (1850,
in-S°). Le coup d'Etat du 2 décembre, contre
lequel il protesta, le rendit aux lettres. 11 pu-
blia, toujours sous l'impression des idées de
Ballanche, son Essai d'une philosophie de l'his-
toire (1854, 2 vol. in-8»). Ce fut son dernier
ouvrage.
BARCHUSEN ou BARCKHAUSEN (Jean-
Conrad), médecin allemand, né à Horn (W'est-
phalie) en 1GG6, mort en 1723, s'adonna spé-
cialement à l'étude de la pharmacie et de la
chimie, et devint professeur à l'université d'U-
trecht, où il eut Boerhaave pour rival. On lui
doit : Synopsis pharmaceutica ; Historia medi-
cinœ ; Pyrosophia, etc. La chimie lui est rede-
vable de plusieurs faits nouveaux. C'est lui,
notamment , qui a découvert l'acide succi-
nique.
BARCIA (André-Gonzalez de), littérateur es-
pagnol, vivait au commencement du xvmo siè-
cle. Il était auditeur au conseil suprême de la
guerre, et publia, sous le pseudonyme de
Gabriel de Cardenas, de savants ouvrages sur
l'histoire de la Floride et des autres contrées
de l'Amérique méridionale.
BARCIAT, poëte burlesque français du
xvnc siècle, a publié : la Guerre d'Enée en
Italie, appropriée à l'histoire du temps, en
vers burlesques (Paris, 1650, in-4°).
BAHC1NE (famille). V. BaiîCa.
BAHC1NO, ville de l'empire romain (Hispa-
nie), dans la Tarraconaise. Aujourd'hui, îiar-
celono. V, ce mot.
BARCINO (Paul-Jérôme), écrivain ecclé-
siastique italien, vice-correcteur des brefs
apostoliques, vivait vers le milieu du xvie siè-
cle. Il a donné un ouvrage assez important
pour la connaissance dos formes de la chan-
cellerie romaine : Practica cancellariœ apos-
tolicœ, cum stylo et formis in curia romana
usitatis (Lyon, 1540, et Paris, 1664).
BARCKIIAUS (Charlotte de), née DE Vel-
tiieim, s'adonna au dessin et à la gravure, et
travaillait en France vers 1774. Elle a gravé
quelques figures de fantaisie, entre autres
celle d'une Vieille femme encapuchonnée, d'a-
près J.-J. de Boissieu.
BABCLAY (Alexandre), littérateur^écossais,
mort en 1552, s'est fait connaître surtout par
des traductions en langue anglaise. Il a tra-
duit la Guerre de Jugurtha,- de Salluste, et
imité une satire de Sébastien Brandt, sous le
titre de Navis stultifera ou la Nef des fous.
BARCLAY (Guillaume), jurisconsulte écos-
sais, né à Aberdeen en 1541, mort en 1G05.
Après avoir reçu une bonne éducation en
Ecosse, il alla étudier le droit a Bourges sous
Cujas, Daneau et Leconte, et il y reçut le
grade de docteur. Alors, le duc Charles III de
Lorraine lui confia la chaire de jurisprudence
dans l'université qu'il venait d'établir à Pont-
à-Moussoii, et bientôt il le nomma, en outre,
conseiller d'Etat et maître des requêtes. Obligé
plus tard de quitter la Lorraine à cause des
tracasseries que lui suscitèrent les jésuites,
parce qu'il avait refusé de laisser son fils en-
trer dans leur société, il se rendit en Angle-
terre, à la cour de Jacques Ier; une chaire lui
fut proposée, mais on lui imposait la condition
de renoncer à la religion catholique, et il pré-
féra revenir en France, où il obtint une chaire
de droit k Angers. 11 fut, en outre, élevé a la
dignité de doyen, non sans avoir à lutter
contre la jalousie de ses collègues. Ses leçons
furent suivies par de nombreux élèves, et il
passa bientôt pour un des plus habiles juris-
consultes de son temps. Pendant les troubles
BAR
de la Ligue, il consacra sa plume à la défense
de la cause royale, et, en toute occasion, il se
montra opposé aux doctrines des ultramon-
tains. Il aimait la pompe et l'éclat; quand il
allait faire son cours, on le voyait traverser
la ville, revêtu d'une belle simarre, portant
une chaîne d'or au cou, accompagné de son
fils et suivi de deux laquais en livrée; c'est
Ménage qui atteste ce fait et qui dit l'avoir
entendu rapporter par son père. Les princi-
paux ouvrages de Guillaume Barclay sont ;
De regno et regali potestate adoersus Bucha-
nanum, Brutum, Boucherium et reliquos mo-
narchomachos ; Gommentarius in tit. Pandecta-
rum de rébus creditis et de jurejurando ; De
potestate papee, an quatenus in principes sœcu-
lares jus et imperium habeal ; ce dernier ou-
vrage a été traduit en français.
BARCLAY (Jean), écrivain anglais, lils de
Guillaume, né en 15S5 à Pont-â-Mousson ,
mort à Rome en 1G21. Après divers voyages,
il alla se fixer en Angleterre et se concilia les
bonnes grâces de Jacques Ier par un poiime
sur le couronnement de ce prince. C'est alors
qu'il publia un ouvrage de son père : De po-
testate papee , dont l'apparition souleva, entre
lui et le cardinal Bellarmin, une vive contror
verse, continuée par le jésuite Eudemon, qui
accusa Barclay d hérésie. Il se rendit à Rome
pour combattre ces bruits calomnieux et fut
accueilli favorablement par le pape Paul V.
Jean Barclay est surtout connu par deux ro-
mans allégoriques et satiriques, Euphormio
sïve satyricon, dirigé contre les jésuites, ses
persécuteurs, etï' Argents, où il trace, dans un
style élégant et original, le tableau des vices
et des révolutions des cours. Cet ouvrage a
été traduit dans toutes les langues de l'Eu-
rope. Cet écrivain a aussi publié une Histoire
de la conjuration des poudres.
BARCLAY (Robert), célèbre, quaker écos-
sais, né à Edimbourg ou à Gordon en 1648,
mort en 1690. Comme un de ses oncles était à
la tète du collège des Ecossais, h Paris, on
l'envoya faire ses études dans cette maison;
mais son père, ayant appris qu'on cherchait
à le convertir au catholicisme, le fit revenir
près de lui et lui fit continuer ses études; ce
fut là qu'il apprit le grec, l'hébreu et la théo-
logie. Bientôt il devint l'un des plus habiles
défenseurs des doctrines des quakers, qu'il
avait adoptées à l'exemple de son père. Comme
il n'avait que vingt-deux ans quand il entra
dans cette secte, il montra d'abord un zèle
qui n'était pas exempt de quelque fanatisme ;
il raconte lui-même qu'ayant eu la pensée de
parcourir les rues d' Aberdeen, couvert d'un
sac et de cendre, il prit ce mouvement inté-
rieur pour un ordre divin, et il se crut obligé,
en conscience, à faire ce que Dieu lui avait
inspiré. Mais il avait un jugement trop droit
pour que cette exaltation ne tombât pas d'elle-
même; et quand il écrivit son principal ou-
vrage, Y Apologie de la véritable théologie
chrétienne, telle que la. professent et l'ensei-
gnent ceux que, par dérision, on appelle qua-
kers, il combattit les enthousiastes de sa secte
avec la même force que ses adversaires. Il
l'avait composé en latin, et l'avait fait pré-
céder d'une dédicace à Charles II, qui peut
être citée comme un modèle du genre. Il y
parlait un langage ferme et digne, sans ja-
mais s'écarter des convenances et du respect.
Ce livre fit beaucoup d'impression et contri-
bua puissamment à faire tomber le ridicule
dont on avait cherché à couvrir la secte des
quakers. Cependant, Robert Barclay, qui avait
accompagné Guillaume Penn dans un voyage
en Hollande et en' Allemagne, fut en butte^ à
dos persécutions lorsqu'il rentra dans son
pays ; l'archevêque de Saint-André le dénonça
comme hérétique, et il fut jeté dans la prison
d'Aberdeen avec son père et beaucoup d'au-
tres quakers. Il n'obtint sa liberté que par l'en-
tremise de la princesse palatine du Rhin, Eli-
sabeth. Jacques II, loin de le persécuter, le
traita avec faveur et érigea même sa terre
d'Ury en baronnie. Il refusa, en 1682, le titre
de gouverneur de la Nouvelle-Jersey, qui lui
futoffert; mais il désigna lui-même celui qui lui
paraissait le plus digne de cet honneur. Outre
l'ouvrage déjà cité, "on lui doit : Catéchisme et
confession de foi approuvés par l'assemblée gé-
nérale des patriarches des prophètes et des
apôtres, présidée par Jésus-Christ lui-même;
des Thèses thëologigues, et un Traité sur l'a-
mour universel.
BARCLAY (William), peintre anglais, né à
Londres vers 1805, s'est formé en France et a
exposé à Paris, aux salons de 1831, 1840, 1841,
1845, 1S46, 1849, =1853, 1855 et 1859, des por-
traits et quelques reproductions de tableaux
anciens à l'aquarelle et en miniature.
BARCLAY DE TOLLY (Michel, prince), feld-
maréchal russe, né en Livonie en 1755, mort
à Juterbogk en 1818. Sa famille, d'origine
écossaise, était établie en Livonie depuis 1G80.
Il entra au service dès l'âge de douze ans, et
resta longtemps dans les grades inférieurs; il
ne fut nommé lieutenant qu'en 1786, capitaine
deux ans après, et lieutenant-colonel en 1794 ;
mais cela n'empêcha pas qu'il n'acquit, dans
ses campagnes contre les Turcs, les Suédois
et les Polonais, une expérience militaire dont
il sut tirer parti quand il occupa une position i
plus élevée. Blessé au bras droit a la bataille
d'Eylau, il fut nommé lieutenant général. En
1809, il se distingua dans une expédition con-
tre les Suédois, et l'empereur Alexandre le
nomma gouverneur général do la Finlande;
BAR
l'année suivante, il le choisit pour ministre de
la guerre. Il occupait encore cette haute po-
sition en 1812, lorsque Napoléon, à la tête
d'une armée innombrable , vint envahir la
Russie. On a longtemps cru que Barclay de
Tolly fut l'auteur du système adopté par les
Russes dans cette campagne fameuse, et qui
consistait à reculer toujours devant nos trou-
pes pour les attirer dans l'intérieur et les faire
périr lentement sous les rigueurs d'un climat
meurtrier; mais on sait aujourd'hui que ce
plan fut proposé à l'empereur par le général
Pfuel, et que le ministre russe n'y prit part
que pour 1 approuver et pour le mettre à exé-
cution. En juin 1812, Barclay de Tolly fut
nommé commandant en chef des armées rus-
ses , et il fut remplacé au ministère par le
vieux prince Korschakoff. Mais, quoique les
rapports officiels eussent porté à 530,000 hom-
mes le nombre des soldais qui devaient com-
poser le corps principal dont il allait prendre
le commandement, il n'en trouva réellement
que 104,000, et c'est avec des forces aussi res-
treintes qu'il lui fallut tenir tête à l'armée
française, commandée par Napoléon. On con-
çoit dès lors que toute résistance sérieuse de-
venait impossible, et, lors même qu'on n'au-
rait pas adopté d'avance la résolution de
reculer toujours devant les Français, il y au-
rait eu nécessité absolue de le faire. Mais
Barclay montra, en cette circonstance, des.ta-
lents militaires de premier ordre; tous ses
mouvements furent exécutés avec calme, avec
une sûreté de coup d'oeil admirable ; il sut
toujours ménager au prince Bagration les
moyens de le rejoindre ; il réussit souvent à
tromper Napoléon lui-même, en lui faisant
croire qu'une bataille sérieuse allait être li-
vrée, lorsque le général russe ne cherchait
qu'à lui échapper avec adresse. Cependant, la
nation russe, qui ne connaissait pas les inten-
tions secrètes de celui qui commandait l'ar-
mée, finit par s'indigner de voir ainsi traîner
la guerre en longueur. Les impératrices de
Russie et d'Autriche partagèrent cette indi-
gnation, et elles entraînèrent la disgrâce de
liurclay de Tolly, qui fut remplacé par Kou-
touzoff. Cette disgrâce fut acceptée avec une
noble résignation; Barclay demanda à servir
sous les ordres de son successeur; il com-
mandait la droite de l'armée russe à la célèbre
journée de laMoskowa; il fut le seul qui par-
vint à conserver sa position, ce qui lui permit
de couvrir une retraite qui, sans lui, eût été
beaucoup plus désastreuse. L'année suivante,
Barclay de Tolly se signala encore à la ba-
taille de Bautzen, qu'il aurait peut-être ga-
gnée s'il n'eût pas été soumis aux ordres d un
général moins habile que lui. Alors, il fut de
nouveau investi du commandement suprême,
qu'il conserva jusqu'au jour où le feld-maré-
chal, prince de Schwarzenberg, fut nommé gé-
néralissime des armées combinées ; il fit mettre
bas les armes au général Vandamme, dans
les montagnes de Bohême, et prit une part
glorieuse à la bataille de Leipsig.
Avant de franchir le Rhin, pour pénétrer en
France à la tête du corps d'armée qu'il com-
mandait, il publia une proclamation remplie
des sentiments les plus généreux. L'objet de
la guerre, disait-il, était de donner la paix au
monde, et l'empereur Alexandre avait résolu
de diminuer, autant que possible, les malheurs
du pays qu'il allait envahir; il recommandait
à ses soldats la plus exacte discipline, et me-
naçait ceux qui se rendraient coupables de
quelques violences contre les habitants de les
livrer, sans acception de personnes, & toute la
rigueur de la justice. Il veilla d'ailleurs si bien
à l'exécution de ces ordres, qu'on n'eut à re-
procher aucun désordre grave aux troupes
placées sous son commandement'. Lorsque les
souverains étrangers furent entrés dans les
murs de Paris, Barclay de Tolly fut élevé au
rang de feld-maréchal, et cette faveur doit
être regardée comme un désaveu formel des
accusations auxquelles sa générosité envers
les vaincus avait donné lieu. En 1815, il fut
encore chargé de commander un corps com-
posé de soldats russes, autrichiens, prussiens,
bavarois et hessois ; rentré en France à la tête
de ce corps, il fixa son quartier général à
Châlons-sur-Marne, et le 25 juin, dans une
nouvelle proclamation, il annonça au peuple
français que la seconde invasion était dirigée
contre Napoléon seul et n'avait pour but que
le bonheur de la France : « Votre cause est la
nôtre, disait-il aux Français ; votre bonheur,
votre gloire, votre puissance sont nécessaires
à la gloire et à la puissance des nations qui
combattent pour vous. » On sait que l'empe-
reur Alexandre ne cessa jamais de proclamer
partout des intentions aussi généreuses que
celles de son général. Nous n'oserions pas
dire que ces sentiments fussent partagés par
tous les soldats russes, dont la plupart n'étaient
que de pauvres serfs dépourvus de toute in-
struction et accoutumés a une obéissance ser-
vile; mais il est certain qu'en toute circon-
stance les officiers russes, comme les classes
éclairées de cet immense empire, à qui notre
langue est presque aussi familière qu'à nous-
mêmes, ont montré une sorte de préférence,
nous dirions presque un sentiment de frater-
nité pour tout ce qui porte le nom de Français.
N'avons-nous pas vu, naguère encore, dans
notre campagne de Crimée, ceux que nous
combattions, ceux à qui nous infligions de
cruels désastres, témoigner à nos officiers une
déférence qu'ils étaient loin d'accorder aux
officiers de l'armée anglaise? Dans les courts
BAR
229
armistices qui suspendaient pour un moment
les scènes de carnage, on a vu bien souvent
de jeunes capitaines ou des lieutenants russes
demander à nos officiers la permission d'allu-
mer leurs cigares aux leurs, ou même parta-
ger avec eux les bouteilles de Champagne qui
devaient égayer un peu leurs repas. Barclay,
à la vérité, portait dans ses veines un sarïg
plus écossais que russe; mais les Ecossais
aussi sont moins roides, moins orgueilleux,
moins ennemis de la France que les Anglais
proprement dits, et il n'avait eu aucun effort à
faire pour adopter des sentiments qui sont
presque naturalisés dans les classes riches de
la Russie. Le Grand Dictionnaire , va-t-on
dire, est partisan de l'alliance russe; qu'il pré-
fère à une autre alliance qu'il serait superflu
de nommer; mais que devient donc cet esprit
démocratique qui palpite à travers toutes ses
colonnes ? D'abord, c'est là une conclusion que
nous n'admettons pas sans conteste. Ensuite,
cette conséquence fût-elle consentie, que le
souffle libéral qui anime nos pages n'en rece-
vrait aucune atteinte; nous lavons déjà dit :
la fleur sauvage qui a séjourné quelque temps
au milieu d'un bouquet de roses acquiert le
parfum de la rose.
L'empereur Alexandre donna encore , en
1815, au feld-maréchal un dernier hommage
de sa haute estime, en l'élevant au titre de
prince, et Louis XVIII lui conféra le grand
cordon du Mérite militaire. Au moi$ d'octobre,
Barclay de Tolly quitta la France pour n'y
plus rentrer, et retourna en Russie. Mais bien-
tôt, affligé des injustes soupçons qu'une opi-
nion peu éclairée faisait planer sur sa vie tout
entière, il vit sa santé décliner rapidement; if
crut qu'un voyage à l'étranger, dans des cli-
mats plus doux, pourrait la rétablir; mais il
mourut en chemin, à peu de distance de Ju-
terbogk, en Prusse. Par l'ordre d'Alexandre ,
une statue lui fut élevée Sur une des places
de Saint-Pétersbourg.
BARCLAYE s. f. (bar-klè — do Barchnj,
botaniste angl.) Bot. Genre de plantes aqua-
tiques, de la famille des nymphéacéos.
— Encycl. On assigne à ce genre de plantes
les caractères suivants : calice à cinq sépales ,
inadhérent, hypogyne , subherbacé; corolle
gamopétale, insérée au sommet d'un récepta-
cle globuleux ; étamines nombreuses , plunsé-
riées , libres , insérées au tube de la corolle,
incluses. Ovaire recouvert par le réceptacle
inadhérent, multiloculaire, multiovulé, à som-
met creusé d'une cavité infundibuliforme qui
descend jusqu'au centre ; styles nombreux
convergents, entre-greffes à la base en anneau
adné au fond delà corolle; stigmate simple et
obtus; fruit polysperme, gélatineux en dedans,
dont les loges se disjoignent sans s'ouvrir. Le
genre barclaya n'est fondé que sur une espèce
que l'on trouve dans les eaux stagnantes du
Pégu.
BARCLAYÉ, ÉE adj. (bar-klè-ié — rad.
barclaye). Bot. Qui ressemble à une barclayo.
— - s. f. pi. Bot. Tribu de la famille des
nymphéacees, caractérisée par un calice libre,
une corolle gamopétale, insérée à l'extrémité
du disque, et qui a pour type le genre bar-
claye.
BAHCO, nom de plusieurs peintres espagnols,
dont les plus connus sont :
Jean-Rodriguez-Garcia del Barco, qui vivait
dans le xvo siècle et qui décora le château du
duc d'Albe. — Alonso del BaiSco, né à Madrid en
1645, mort en 1G85. Il peignit le paysage avec
autant de grâce poétique que de délicatesse et
de fraîcheur.
BARCO-CENTE1SERA. V. CENTENERA.
BARf.OCIIF.BAS ou-BARCOKIlliBA , nom ou
plutôt surnom d'un Juif qui provoqua parmi
ses compatriotes une insurrection religieuse,
destinée à les délivrer du joug romain. Le
mot Barcochebas est syriaque et signifie litté-
ralement le fils de l'étoile. Il se faisait passer
pour le Messie annoncé par Balaam , dont
il prétendait justifier la célèbre prophétie :
■ Il sortira une étoile de Jacob et un sceptre
s'élèvera d'Israël. » Après la fatale issue de son
entreprise, son nom, qui doit être écrit et pro-
noncé plus correctement , Bar Cochba , fut
changé par dérision en celui de Bar Coziba, le
fils du mensonge. Une des causes qui favorisè-
rent l'explosion de l'insurrection juive, ce
furent les persécutions de plus en plus impi-
toyables que Trajan dirigea contre les juifs et
les chrétiens, probablement à la suite de son
expédition contre les Persans (107 de notre
ère). L'histoire de cette insurrection est cer-
tainement une des pages les plus émouvantes
des annales juives, et même des annales de l'em-
pire romain. Elle a été racontée par Jost, dans
Son histoire générale du peuple juif, d'après les
documents conservés par les chroniqueurs
hébreux. Le premier acte hostile de la part des
Juifs fut le massacre général des Grecs rési-
dant à Chypre , Cyrine et autres endroits ,
lorsque Trajan rappela ses légions au moment
de sa seconde expédition contre les Parthes
(115-116). Barcochebas reçut du célèbre doc-
teur juif Barakiba (v. ce mot) un utile appui.
Barakiba souleva la Mésopotamie tout en-
tière, en prêchant la venue du règne du Mes-
sie, qui n était autre que Barcochebas. Lucius
Quietus étant venu à bout de cette rébellion
fut nommé par Trajan gouverneur de la Pa-
lestine. Lucius Quietus crut devoir agir par
l'intimidation, et inaugura, par une série de
230
BAR
BAR
BAR
BAR
cruautés, un système de terrorisme qui ne ser-
vitqu'à exciter de nouveaux mécontentements.
Après la mort de Trajan , en 1 18 , son succes-
seur Adrien révoqua Lucius Quietus , et éta-
blit à sa place J. Annius Rufus. J. Annius
Kufus, que les documents juifs désignent in-
correctement !■ ous le nom de Turnus Rufus, et
que plusieurs rabbins prennent pour l'empe-
reur lui-même , continua les traditions d'op-
pression et de violence de son prédécesseur
et hâta la crise. De toutes parts les Juifs se
préparèrent secrètement à la lutte et se pro-
curèrent des armes. Sur ces entrefaites, Ba-
rakiba, qui, avec plusieurs autres rabbins, s'é-
tait hautement déclaré en faveur de Barcoche-
bas , fut jeté en prison, Barcochebas n'hésita
plus alors , et donna le signal de la révolte,
pendant qu'Adrien revenait de sa seconde ex-
pédition d'Orient, vers 130. Le chef des in-
surgés exerçait sur ses coreligionnaires un
ascendant considérable, grâce au pouvoir mi-
raculeux qu'on lui accordait, et grâce surtout
à sa rare intrépidité. Le soulèvement fut gé-
néral; de tous côtés on s'empara des hau-
teurs , et l'on s'y établit comme dans des for-
tifications naturelles; les chrétiens qui refusè-
rent de se joindre au mouvement furent
indistinctement massacrés , et dès lors com-
mença une tactique de guérillas qui fît éprou-
ver des pertes sensibles aux Romains. En 132,
Barcochebas s'empara sans difficulté de Jéru-
salem , que la garnison romaine avait eu pro-
bablement la prudence d'évacuer. Là, il in-
stalla un gouvernement en règle, et ordonna
même do frapper des monnaies, qui nous sont
restées comme d'incontestables monuments
de ce sanglant épisode de l'histoire juive. Ces
monnaies portent d'un côté son nom, et de
l'autre ces mots : « Liberté de Jérusalem. »
Un autre détail caractéristique, qui prouve
combien cette lutte avait une origine nationale,
c'est que Barcochebas, au lieu d'adopter pour
ces monnaies le caractère assyrien carré qui,
depuis la captivité babylonienne , était en
usage chez les Juifs, se servit de l'ancien al-
phabet samaritain ou hébraïque des monnaies.
D'après un. sujet gravé sur une de ces mon-
naies, conservée au British Muséum, on pense
que Barcochebas avait entrepris la reconstruc-
tion du temple. L'insurrection juive fit des
progrès rapides , et Rufus était incapable de
résister. Plus de cinquante places fortifiées et
neuf cent quatre-vingt-cinq bourgades tom-
bèrent aux mains des rebelles. La situation
devenait critique pour les Romains. Adrien
rappela alors do Bretagne son meilleur gé-
néral, Julius Severus, et lui donna ordre de
se rendre sans retard en Palestine. Mais, pen-
dant cet intervalle , l'insurrection avait fait
de nouveaux progrès, et, à son arrivée, Julius
Severus fut obligé d'éviter les combats sérieux,
pour reprendre une a une les places qui étaient
au pouvoir des rebelles. Cette sage tactique
réussit, et bientôt Julius Severus put aller
mettre le siège devant Jérusalem, dont il s'em-
para après avoir subi de grandes pertes. Mais
la guerre n'était pas terminée pour cela, et la
résistance se transporta de la ville sainte à
Bethar ou Betharis, dans le voisinage de Be-
thron, citadelle située dans les montagnes et,
par conséquent, presque inexpugnable. Barco-
chebas s'y maintint pendant trois ans , et fit
mettre à mort le savant Eleazar de Modin ,
soupçonné de trahison. Suivant les documents
talmudiques, Bethar fut prise d'assaut par les
Romains en 135, le neuvième jour du mois de
ab, l'anniversaire de l'incendie du Temple par
Titus. On a dit que 580,000 Juifs périrent dans
cette affaire; mais ce chiffre est évidemment
fort exagéré , à. moins qu'on ne l'entende du
nombre total des Juifs tués dans l'insurrection.
Barcochebas mourut vaillamment, les armes à.
la main, et sa tête fut apportée à Julius Seve-
rus. Le dénoûment de ce drame sanglant fut
marqué par de nouvelles cruautés envers les
vaincus. Adrien défendit aux Juifs d'entrer
dans Jérusalem et, voulant effacer jusqu'au
souvenir même de la ville sainte, il la fit raser
et fit construire à sa place une ville nouvelle,
qu'il nomma yElia Capitolina. C'est de cette
époque que date la dispersion des Juifs sur
toute la surface de la terre.
BARCOLONGO s. m, (bar-ko-Ion-go — mot
espagn.) Mar. Bâtiment à voiles et à rames,
en usage en Espagne.
BARCOS (Martin de), théologien, né à
Bayonne en igoo, mort en 1678. Il reçut les
premières leçons de son oncle maternel, l'abbé
de Saint-Cyran, et continua ses études à Lou-
vain, sous le fameux Jansénius. Chargé en-
suite lui-même de l'éducation du fils d'Arnaud
d'Andilly, il succéda à son oncle comme abbé
do Saint-Cyran, joua un rôle assez important
dans les disputes du jansénisme, et composa,
dans le sens de cette doctrine, de nombreux
. écrits, oubliés comme les discussions subtiles
qui les ont fait naître, mais dont nous cite-
rons cependant les principaux : la Grandeur
de l'Eglise romaine; Traité de l'autorité de
saint Pierre et saint Paul (1645) ; De la Foi,
de l'Espérance et de la Charité (1691) ; Expo-
. sition de la foi de l'Eglise romaine touchant ta
grâce et la prédestination (1700), etc.
BARCUS, comm. du départ, des Basses-
Pyrénées, arrond. de Mauléon; pop. aggl.
464 hab. — pop. tôt. 2,031 hab.
BARD s. m. (bar — du haut allem. bara,
civière). Techn. Sorte de civière dont on se
sert, dans les chantiers de construction et
ailleurs, pour le transport dos matériaux ot
autres objets : Le baro se compose de deux
barres parallèles, oui en forment les côtés et
qui sont réunies, de distance en distance, par
des travwses, dont l'ensemble constitue une es-
pèce de plateau que l'on nomme embarrurû et
sur lequel on place le fardeau à transporter.
(***). Il On dit aussi bavard, il Chariot monté
sur deux roues et traîné ordinairement par
des hommes, que l'on emploie, dans les chan-
tiers de construction, pour lo transport des
matériaux d'un fort volume, il On lui donne
aussi le nom de diable.
— Bord à pots, Civière sur laquelle on
transporte les creusets, dans les verreries.
— Hortic. Sorte de civière qui porte dans
son milieu un coffre plein ou à claire-voie, dans
lequel on met les plantes délicates que 1 on ne
peut, sans danger, placer dans une brouette,
ainsi que les fumiers et surtout les engrais
liquides, que l'on veut éviter de renverser.
— En terme de blason, poisson courbé et
adossé.
BARD , village du royaume d'Italie (Pié-
mont), à 30 kil. S.-E. d'Aoste, sur la rive
gauche de la Doria. Le fort de Bard, qui com-
mande, l'entrée de la vallée d'Aoste, fut pris
et rasé en 1800 par les Français, mais il a été
•reconstruit en 1815.
Bard (Prise du fort de). Lorsque l'armée
française, conduite par Bonaparte, en 1800, à
travers les cimes glacées des Alpes, eut fran-
chi le grand Saint - Bernard , elle s'engagea
dans la vallée d'Aoste, qui conduit aux riches
plaines du Piémont. A peu de distance d'Ivrée,
marquisat célèbre dans les guerres d'Italie, la
vallée se resserre tout à coup en une gorge
étroite, où coule la Doria, rivière profonde,
rapide et dangereuse, bordée des deux côtés
de rochers inaccessibles. C'est dans cette es-
pèce d'étranglement que s'élevait le fort de
Bard, dominant la petite ville de ce nom, et
construit sur un rocher solitaire qui en faisait
une position inaccessible, défendue par vingt
pièces d'artillerie et cinq cents hommes de
garnison. L'avant-garde de l'armée française,
conduite par Lannes, vint se heurter contre
ce rocher infranchissable, et essaya vainement
de l'emporter par un coup de main, après avoir
pénétré de vive force dans la ville de Bard.
Accueillies par une fusillade meurtrière , en
abordant les murs du fort, nos troupes durent
battre en retraite devant une position que nos
meilleurs généraux avaient déclarée inexpu-
gnable, et qui, cependant, fermait la seule
route ouverte au génie du premier consul. In-
formé de cet obstacle inattendu, il accourut
rapidement pour juger par ses propres yeux
de la grandeur de 1 obstacle qui s'offrait tout
à. coup a son audacieuse entreprise. Les
hommes comme Bonaparte sont doués d'une
volonté qui brise toutes les difficultés, et ce
n'était pas avec les soldats qui furent plus
tard la grande armée qu'il allait s'avouer
vaincu par un rocher, lorsque ses mains tou-
chaient déjà aux palmes de la victoire. Le
commandant du fort, sommé de se rendre, re-
fusa fièrement, par un pressentiment de la
catastrophe qui menaçait l'armée autrichienne
si le fort de Bard ne devenait une impasse
infranchissable pour les Français. Bonaparte,
reconnaissant lui-même l'impossibilité de fran-
chir le pas.sage, fit étudier les positions envi-
ronnantes, et l'on finit par découvrir, le long
des sinuosités qui sillonnent la montagne
d'Albarédo, dominant la ville et le fort de
Bard, un sentier étroit qui allait rejoindre plus
bas la grande route du Piémont. Quinze cents
travailleurs sont aussitôt commandés pour
élargir ce sentier; des escaliers sont construits
dans les endroits où la pente est trop rapide,
et là où le chemin serpente autour des préci-
pices, des murs sont élevés pour garantir
d'une chute facile nos intrépides soldats. Enfin,
sur une montagne regardée comme inacces-
sible à de l'infanterie, la cavalerie française
parvient à effectuer son passage. Fatigué de
cette montée escarpée et raboteuse, Bona-
parte s'endormit à l'ombre. Chaque soldat,
passant devant lui, défilait en silence, de peur
de troubler son sommeil, et contemplait avec
attendrissement le jeune général qui parta-
geait ses fatigues et ses périls, et qui les con-
duisait à là gloire. Toute l'armée défila ainsi,
à la vue du commandant du fort, désespéré de
ne pouvoir l'arrêter. Un effort plus prodigieux
encore étonna l'ennemi ; tandis qu'une pièce
de eanon, hissée à force de bras dans le clo-
cher de Bard, commence a foudroyer le fort,
deux autres pièces sont portées par les sol-
dats sur des rochers affreux qui dominent la
position, et ouvrent un feu meurtrier contre
tes murs de la petite-citadelle. En même temps,
notre artillerie, grâce à une ruse ingénieuse
(v. Alpes [passa/je des]), passe pendant la
nuit sous les batteries mêmes du fort, qui me-
nacent à chaque instant de la détruire, et va
rejoindre le reste de l'armée. Le commandant
autrichien, voyant dès lors son rôle défensif
réduit à l'impuissance, et craignant d'être em-
porté d'assaut sans que sa résistance pût in-
iluer sur les événements qui se préparaient,
consentit à capituler le l<=r juin (1800). Témoin
de l'audace de nos soldats et du génie de leur
capitaine, il eut, le premier peut-être, le pres-
sentiment du désastre qui allait frapper les
troupes de Mêlas, endormi dans une sécurité
fatale par les folles assurances du cabinet de
Vienne, au moment même où la foudre s'amon-
celait pour éclater tout à coup sur sa tête.
BARD (Jean), habile médecin et chirurgien
américain, né à Burlington (New-Jersey) en
1716, d'une famille d'origine française, mort
en 1799. — Son fils, Samuel Bard, né à Phi-
ladelphie en 1742, mort en 1821, fonda à New-
York une école de médecine, une bibliothèque
publique et un hôpital pour l'instruction des
élèves. Praticien de premier ordre, il compta
parmi ses clients la famille de Washington,
professa avec éclat la pathologie et la théra-
peutique, et composa un traité d'accouche-
ment et divers autres écrits.
BARD (Joseph), littérateur français, né à
Beaune vers 1800, mort le 21 octobre 1801, a
signé ses œuvres Chevalier, puis Commandeur
Bard de la Côte-d'Or, ce qui a parfois égayé
les petits journaux . Après avoir fait ses études
à Lyon, il débuta dans les lettres par un vo-
lume ayant pour titre : Considérations pour
servir à l'histoire du développement moral et
littéraire des nations (1826, in-8°). Il publia
ensuite diverses poésies, entre autres un poème
en cinq chants sur la Chute d'Alger (1S30) ; le
Pèlerin au xw siècle, autre poBme, et les Mé-
lancoliques (1832, in-8°). En suivant l'ordre
chronologique, nous le voyons écrire : la Vénus
d'Arles (1834, 2 vol.); Cent têtes dans un bon-
net (l836,in-80) ; Paysages et impressions (1837),
et plusieurs récits de voyages, tels que : Jour-
nal d'un pèlerin (1845, 2 vol.); Une semaine à
foudres (1851); Londres, la Hollande et la
Belgique (1851); Turin, Gênes, Florence et Borne
(1854); le Département du Bhône (185S), etc.
Nommé membre de plusieurs académies dé-
partementales et correspondant de la Société
des antiquaires, les annales et les chroniques de
la Bourgogne lui ont fourni les documents né-
cessaires pour écrire de nombreuses notices
sur les antiquités monumentales de cette pro-
vince ; des histoires populaires de Chalon-
sur-Saône (1S47), Nuits (1S4S), Dijon (1849),
Bourg (1854), et des itinéraires. On lui doit
on outre un Manuel général d'archéologie sa-
crée (1844, in-S°) ; divers articles dans les jour-
naux, des poésies, etc.
bardache s. m. (bar-da-chc — do l'ar.
bardaj, esclave). Giton, mignon, homme qui
se prête à l'égard d'un autre homme à des
complaisances obscènes et contre nature;
c'est le corrélatif de tribade et gougnotte :
C'était un homme déjà sur l'âge et le plus sale
bardache de toute sa confrérie. (Fr. Michel.)
EARDAGHISER v. o. ou int. (bar-da-chi-zé
— rad. bardache). Faire le bardache.
BARDAGE s. m. (bar-da-je — rad. bard).
Constr. Transport opéré au moyen du bard.
|] Plus généralement, Transport des maté-
riaux à pied d'oeuvre, c'est-à-dire depuis l'en-
droit où ils ont été préparés ou déposés pro-
visoirement jusqu'à celui où ils doivent être
employés, ou bien, s'il est nécessaire de les
élever à une certaine hauteur, jusqu'à celui
où se trouve la machine destinée à en opérer
le montage.
BARDAJI Y AZARA (don Eusèbe de), diplo-
mate et ministre espagnol, né à Huete en 1765,
mort en 1844. Tour à tour ambassadeur et mi-
nistre des affaires étrangères, depuis le com-
mencement de ce siècle, il a souvent favorisé
la politique française et soutenu le parti des
conservateurs modérés. Il a quitté les affaires
en 1837.
bardale s. f. (bar-da-le). Nom do l'a-
louette chez les bardes.
BARDANE s. f. fbar-da-ne — de Vital, barda,
couverture de cheval, à cause de la grande
largeur do ses feuilles). Bot. Genre de plantes
de la famille des composées, tribu des car-
duinées, dont quelques espèces croissent en
Europe : Henri 111-, roi de France, fut guéri
d'une fièvre quarte avec la décoction de bar-
dane. (Trév.) ifl racine de bardane est très-
souvent employée en médecine dans les maladies
chroniques de la peau. (Lemaire.) On appelle
aussi la bardane herbe aux teigneux. (V. de
Bomare.) Dans les campagnes, on fait bouillir
les racines de la bardane, et on les mange à la
manière des salsifis. (Richard.) Les bardanës,
mêlées aux grandes herbes, poussèrent en liberté
dans les cours. (J. Sandcau.) Il On l'appelle
aUSSi GLOUTIiRON OU GLAITliRON.
— Encycl. Bardane est le nom vulgaire du
genre lappa de Tournefort; il appartient à la
famille des composées, tribu des cinarées,
sous-tribu des carduinées. Les feuilles sont
pétiolées, cordiformes et tomenteuses en des-
sous. La racine est longue, charnue, employée
comme sudorifique dans les rhumatismes, re-
commandée par Alibert dansocertames dartres
squammeuses , et propre à servir de succé-
dané à la salsepareille, dans les maladies véné-
riennes. Percy traitait la teigne squammeuse
avec le suc et les feuilles de la bardane, d'où lui
est venu le nom ù'herbe aux teigneux. On la
nomme aussi quelquefois gi.outeron. On dis-
tingue la bardane tomenteuse, la grande et la
petite bardane; mais plusieurs naturalistes ne
considèrent ces espèces que comme des variétés
de la bardane commune {arctium lappa, de
Linné). Les bardanes, en général , sont des
herbes communes en Europe et en Asie. Dans
nos contrées, la bardane fleurit vers le milieude
l'été. Ses fruits jouissent d'une propriété remar-
quable. Lorsqu'ils sont mûrs, ils s'attachent aux
habits des passants et aux poils des animaux, au
moyen des crochets qui garnissent la pulpe qui
les contient. La bardane est considérée comme
nuisible aux champs qu'elle envahit, au détri-
ment de plantes plus utiles^ On peut cependant
en tirer quelque parti. Elle contient beaueou;.
d'alcali, et, par conséquent, arrachée lors-
qu'elle est en fleur, elle peut fournir un engrais
excellent. Elle est aussi, comme on l'a vu, de
quelque emploi en médecine. Ses jeunes
pousses peuvent, dit-on, remplacer l'asperge
et l'artichaut. On les mange quelquefois crues
avec du sel.
BARDANE s. f. (bar-da-ne). Nom que l'on
donne à la punaise.
Bardanière s. f. (bar-da-ni-è-ro — rad.
bardane). Claie pour attirer les punaises.
BARDAQUE s. f. (bar-da-ke). Vase de terre
poreuse, que les Egyptiens emploient pour
rafraîchir l'eau : Les bardaQues de terre po-
reuse fabriquées à Thèbes, qu'apporte la na-
vigation du haut Nil. (Gér. de Nerval.) Gar-
goulettes et bardaques propres à rafraic/tir
l'eau. (Gér. de Nerval.)
BARDARIOTES, soldats persans qui fai-
saient partie de la garde particulière des em-
pereurs bysantins. Ils portaient un habit rouge
et un bonnet à la persane, bordé de jaune.
BARDAS, patrice de Constantinople et frère
de Théodora, qui était devenue impératrice
par son mariage avec l'empereur Théophile.
Celui-ci, en mourant, le nomma tuteur du
prince Michel, encore au berceau; mais il lui
donna pour collègues Théoctiste et Manuel.
Bardas, qui cachait sous des dehors trompeurs
une âme corrompue et une ambition effrénée,
chercha à développer tous les instincts vicieux
dans l'âme de son pupille; par ses manœuvres
artificieuses, il perdit dans l'esprit du jeune
prince les deux personnages que l'empereur
défunt avait associés à son pouvoir : Théoc-
tiste fut assassiné, et Manuel envoyé en exil.
Bientôt Théodora elle-même fut chassée du
palais; on l'enferma: dans un cloître avec les
princesses ses filles. D'autres crimes odieux
vinrent souiller l'administration de Bardas,
qui se vit alors seul maître de l'empire; le pa-
triarche Ignace voulut essayer, de faire quel-
ques représentations ; Bardas le déposa, le fit
renfermer dans un cachot et mit à sa place
l'eunuque Photius, son neveu, dont l't fougue
orgueilleuse amena plus tard le schisme do
l'Eglise grecque. Bardas se fit alors donner le
titre de César, qui devait le conduire à usur-
per l'empire; mais il eut l'imprudence do
laisser s'établir dans la faveur de Michel un
certain Basile, Macédonien, qui ruina tous
ses projets et lut la cause de sa perte. Ce fa-
vori inspira au jeune empereur le désir d'aller
faire la guerre en Crète; Bardas ne manqua
pas d'accompagner l'armée, et, comme il af-
fectait de placer sa tente sur un point plus
élevé que celle de l'empereur lui-même , il
ne fut pas difficile à Basile d'exciter les soup-
çons de Michel. L'ordre de tuer Bardas fut
donné et exécuté en 866, malgré les supplica-
tions de ce malheureux, qui s'était jeté aux
genoux de son pupille et qui demandait
grâce.
BARDAS PIIOCAS et BARDAS SCLERUS,
généraux de l'empire grec dans la dernière
moitié du x« siècle. Le premier était neveu
de l'empereur Nicéphore Phocas, et, lorsque
celui-ci eut péri d'une mort tragique, il avait
été relégué dans Amnsie, où il chercha dans
l'ombre les moyens de se venger. Bientôt il
sortit d'Amasie, parvint à s'emparer de Césa-
rée de Cappadoce, et, alors, il ne craignit plus
de revêtir la pourpre et de se faire procla-
mer empereur.
Cependant Bardas Sclerus était parvenu
aux premières charges militaires, par la fa-
veur de Jean Zimiscès, devenu Auguste ot
empereur après la mort de Nicéphore Pho-
cas. Avec une armée do 10,000 hommes seu-
lement, le nouveau général sauva l'empire
contre une invasion de barbares russes, bul-
gares et hongrois. Après ce glorieux exploit,
Jean Zimiscès l'envoya en Asie pour combattre
Bardas Phocas. Tous les chefs de la petite ar-
mée que l'usurpateur avait pu réunir, effrayés
à la vue de l'armée impériale, firent leur sou-
mission, et Bardas Phocas se soumit lui-
même, sur la promesse qu'on lui fit d'épargner
sa vie ; Zimiscès ordonna qu'il fût enfermé
dans un monastère de l'île de Chio. Après la
mort de Zimiscès, qui arriva bientôt après,
l'eunuque Basile, qui obtint la faveur des jeu-
nes empereurs Basile et Constantin, fit retirer
à Sclerus son commandement. Celui-ci, irrité
d'une pareille injustice, arbora, à son tour,
l'étendard de la révolte et se fit proclamer em-
pereur. Alors Basile eut l'idée de rappeler
Bordas Phocas pour l'opposer à son ancien
ennemi. Le sort des armes se déclara contre
Sclerus, qui fut obligé de chercher un refuge
auprès du calife de Bagdad. De nouvelles pé-
ripéties amenèrent Phocas à ceindre une se-
conde fois sur son front le diadème ; Sclerus
reparut de son côté, il proposa à Phocas do
réunir leurs forces et de partager la souve-
raine puissance. Cette proposition fut accep-
tée, mais avec une secrète pensée de trahison ;
Sclerus vint donc trouver Phocas en Cappa-
doce, et celui-ci le fit renfermer dans une
forteresse. Bientôt après Phocas se mit en
marche pour Constantinople ; mais il fut
atteint d un mal subit et mourut sous un
arbre où il était allô s'asseoir. Sclerus, re-
mis en liberté par la veuve de Phocas, allait
recommencer la guerre, lorsque, fatigué de
tant de dangers, et affaibli, d'ailleurs, par les
atteintes de la vieillesse, il fit demander son
pardon à l'empereur Basile, qui lui accorda la
BAR
BAR
BAR
ÈAR
231
dignité de curopalate, avec de grands revenus.
Lorsque le rebelle se présenta devant l'empe-
reur, deux de ses écuyers le soutenaient à
cause de son grand âge, et Basile ne put rete-
nir un mouvement de surprise, en voyant ce
vieillard à qui l'ambition n avait jamais laissé
goûter un seul instant de repos.
BARDAZAN, Syrien d'Edesse, vivait vers
210 de notre ère. Il a composé, en syriaque,
une histoire de son temps, dont il est fait men-
tion dans Eusèbe de Césarée et dans Moïse
de Khoren.
BARDE s. m. (bar-dc — du celt. bardas,
même sens). Poëte et chanteur chez les
Celtes : Les bardes gaulois inspiraient, par la
magie de leurs airs , la fureur des combats.
(Marchangy.) Les bardes les plus célèbres
sont Fingal et son fils Ossian. (Fétis.) Les an-
ciens croyaient les bardes revêtus d'un carac-
tère sacré; ils chantaient les guerres et les faits
éclatants. (Villem.) Telle était la vénération
inspirée par les bardes, que leur présence seule
suffisait pour désarmer les partis ennemis.
(Villem.)
Le barde belliqueux courait de rang en rang.
DELII.LE.
Et vous, bardes, L'oubli s'étendra sur vos voïs.
Aux fils des anciens Francs laBrcfagne est ouverte.
A. Brizeux.
. . . Les bardes sacrés, sur leurs harpes de fer,
Célébrant tour à tour et le ciel et l'enfer.
Consolaient les ennuis de ces âmes cruelles.
■' Norvins.
— Par ext. Tout poetc héroïque ou lyrique :
Chaùmubriand, le carde de la Restauration,
sR^Jvantait d'être philosophe et républicain.
^iProudh.)
Les nations n'ont plus ni bardes ni prophètes.
Lamartine.
Chantons les vastes flots ! Tous les bardes du monde
Ont chanté les flots gracieux.
A. Barbier.
Tyrol, nul ixircfc encor n'a chanté tes contrées;
Il faut des citronniers a nos muses dorées.
A. de Musset.
— Epithètes. Célèbre ? fameux , illustre ,
noble, généreux, magnanime, sublime, divin,
inspiré, poétique, lyrique, exalté, national,
patriotique.
— Encycl. Hist. Les bardes étaient les
poëtes nationaux des Gaulois et des autres
populations de la race celtique, Bretons, Irlan-
dais, Ecossais, etc. Ils célébraient, en s'ac-
compagnant de la rotte, la gloire des dieux et
des héros dans les fêtes et dans les solennités
religieuses , et excitaient les guerriers au
combat par le chant de guerre ou bardit. Chez
les Gaulois, les bardes formaient une corpo-
ration héréditaire, organisée comme un ordre
religieux, et composaient le troisième et der-
nier ordre de la hiérarchie druidique. Us
étaient non-seulement poëtes et musiciens,
mais encore théologiens, légistes et historiens;
car, dans ces temps où l'écriture était à peine
connue, on confiait à leur mémoire les tradi-
tions nationales, les textes de la loi (auxquels
on donnait une forme rhythmique ) et les
dogmes de la religion.
Tacite, dans le deuxième livre de ses An-
nales, nous rapporte que les bardes marchaient
en tête de l'armée, revêtus de longs habits
blancs, leur harpe à la main et entourés de
bardes inférieurs qui jouaient de divers instru-
ments. Pendant la mêlée, ils se tenaient à
l'écart, car leur personne était sacrée et ne
devait être exposée à aucun danger ; ils étaient
ainsi témoins des actes de vaillance qu'ils de-
vaient plus tard chanter dans .leurs poèmes.
Quelquefois aussi, ils s'avançaient, graves et
solennels, entre les deux armées, et mettaient
fin à la lutte en séparant les combattants.
Avant et après le moment décisif delà bataille,
ils se rendaient dans le camp ennemi, soit en
qualité de hérauts pour porter le défi, soit en
négociateurs de paix chargés de discuter
toutes les conditions et toutes les clauses du
traité. Ils rendaient aussi les derniers hon-
neurs aux braves tombés sur le champ de
bataille. Le chef des bardes, entouré de trente
bardes d'un rang inférieur, qui, à leur tour,
étaient suivis chacun de quinze élèves ou as-
pirants, chantait les louanges du mort, et
célébrait ses vertus, son courage et sa gloire.
En temps de paix , ils rendaient les mêmes
honneurs aux personnages de qualité et as-
sistaient à toutes les funérailles auxquelles
la pompe présidait. Ils se tenaient d'hauitude
à la cour du prince régnant ou du chef le
plus puissant île la nation , et plus ce der-
nier était avide de gloire et de réputation,
plus il augmentait le nombre de ses chanteurs.
Dès qu'il Tes avait choisis, ils ne devaient plus
le quitter, et, pendant les repas, pendant les
fêtes, pendant les chasses, ils devaient être là
pour vanter sa générosité, sa magnificence et
son bon goût. Les bardes profitèrent de cette
position exceptionnelle pour accroître leur
influence et leur autorité. Bientôt ce ne furent
plus de simples chanteurs, mais les conseillers
mêmes du prince, ses ministres, et plus d'une
fois on vit l'un d'eux entrer dans la famille du
Chef en épousant sa fille. Si, par une exception
fort rare, il arrivait qu'un barde commît un
crime capital, il obtenait souvent sa grâce. La
poésie était alors regardée comme un don
divin ; ceux qui avaient reçu cette faveur cé-
leste étaient en quelque sorte au-dessus des
lois , et leur personne devenait sacrée. La
corporation des bardes jouissait d'une si haute
estime, que des princes se firent honneur d'y
être admis ; le roi Régner Lodbrog , entre autres,
s'est acquis une immense renommée par ses
bardits. Son épouse Aslauga, qu'on appelle
aussi Kraka, avait te même talent que lui, et
ce couple royal étonnait et transportait son
peuple par ses chants inspirés. On a déjà vu
que les bardes étaient les dépositaires des
traditions nationales, des textes de loi, des
dogmes de la religion, et qu'ils étaient souvent
chargés des fonctions qui, dans ces temps re-
culés, offraient quelque analogie avec celles de
nos diplomates et de nos hommes d'Etat ; mais
leur importance s'éleva plus haut encore lors-
qu'ils devinrent les instructeurs de la jeunesse.
Appelés à former les jeunes esprits et les
jeunes cœurs , ils initièrent à leur science
sacrée les fils des principaux chefs, et purent
ainsi préparer les destinées futures de leur
pays. C'était mettre le comble à leur influence
et à leur pouvoir.
Ce fut chez les peuples qui habitaient la
Grande-Bretagne que les bardes se perpé-
tuèrent le plus longtemps. Là, ils purent se
développer de la manière la plus complète ; là
aussi , leur poésie atteignit son plus brillant
éclat. Dans le pays de Galles, leurs privilèges
et leurs immunités furent réglés et fixés d'une
façon absolue par le législateur Howel Dha,
dans l'année 940; mais, en 1078J tout l'ordre
fut réformé par Gryffyth ap Conan. On raconte
que Cadwaladr, le dernier roi breton, défendit
à tout jamais à un barde de chanter, parce
qu'un jour, dans une grande assemblée, sa
manière de jouer et de chanter avait été peu
goûtée. Plusieurs princes apportèrent de
grondes restrictions aux prérogatives des
bardes, en les consignant dans certaines pro-
vinces, avec défense expresse d'en sortir, et
en leur interdisant d'accepter plus de dix
schelîings quand on les appelait dans une oc-
casion solennelle. Plus tard, les princes s'at-
tachèrent plus directement ces chantres de
profession, et leur permirent de sortir de leur
résidence à. trois époques de l'année : à Noël,
à Pâques et au dimanche de Quasimodo.
Les bardes étaient de véritables aèdes, des
historiens naïfs qui conservaient oralement le
souvenir des exploits passés. Ils racontaient
les grands événements des règnes précédents,
et, comme les scaldes du Nord, conservaient
les traditions primitives de la nation. Mais
une autre qualité les faisait rechercher avec
beaucoup d'empressement par les familles
nobles et riches : c'est que les bardes étaient
en réalité les uniques dépositaires des généa-
logies des familles , et que l'aristocratie cel-
tique était extrêmement jalouse de tout ce qui
pouvait rappeler la mémoire de ses hauts
faits, de ses privilèges et de sa. réputation.
C'était à la fois une question d'intérêt et une
question de vanité. Aussi, de bonne heure, les
bardes trouvèrent-ils dans ces familles un
appui sûr et des ressources qui ne faisaient
jamais défaut. Le barde de cour occupait
la huitième place dans la maison d'un prince.
Ses possessions domaniales étaient exemptes
de 1 impôt. Le prince lui donnait un cheval
et lui fournissait un vêtement de laine. Aux
trois grandes fêtes que nous avons men-
tionnées plus haut, il prenait place aux côtés
du majordome, qui lui tendait la harpe au
moment où il devait en jouer. Il commençait
par chanter les louanges de Dieu, et passait
ensuite à celles du prince et de son épouse.
Le barde accompagnait le chef militaire dans
ses expéditions, et, lorsque ses chants avaient
bien enflammé l'ardeur des guerriers, il avait
droit à la meilleure part du butin. Lorsqu'on
lui commandait de chanter avec d'autres
bardes, il recevait une rétribution double.
D'après la législation celtique, les frais d'en-
tretien alloués au barde consistaient en cent
vingt-six vaches. La dot ou merch-zobr de sa fille
s'élevait à 120 penco, son cadeau de noces à
30 schelîings, et son apport conjugal à 3 li-
vres. Les lardes qui jouaient de la lyre à
trois cordes, du tambour ou du fifre, étaient
rangés parmi les joueurs d'instruments de la
'basse classe. Ils n'avaient pas le droit de
s'asseoir, et leur salaire n'était que de l penny.
Les poëtes se divisaient en quatre classes et
les musiciens en cinq classes. L'élève inférieur
(y dyscybl yspas) appartenait à la première
classe ; dans la seconde nous trouvons le
dyscybl 'dyscyblaidd (discipulus disciplina-
bilis): il devait connaître douze mètres poéti-
ques différents, et ne pouvait atteindre le grade
suivant qu'après un examen, qu'il devait pas-
ser dans l'espace de trois années, sous peine
d'être dégradé. Ensuite venait le dyscybl pen-
ceïrddiaidd,et enfin le penbardd ou pencerdd,
c'est-à-dire le barde supérieur. On ne pouvait
atteindre ce dernier et suprême degré qu'après
avoir fait preuve d'une science et d'une habi-
leté consommées. L,epenbardd recevait, comme
marque de sa nouvelle dignité, une harpe ou
une chaîne d'or ou d'argent. Il prenait en
outre le titre de cadeirfardd ou de barda
eadeiriawg. Les cinq classes des musiciens
étaient ainsi réparties : le dyscybl yspas kcb
ràdd, ou disciple sans grade ; le dyscybl yspas
graddawl, ou gradué ; Te dyscybl dyscyblaidd';
Te dyscybl penceirddiaidd et le pencerdd. Ce
dernier avait le monopole exclusif de l'ensei-
gnement. Des luttes poétiques, qu'on pourrait
comparer aux jeux olympiques de la Grèce,
avaient été instituées. Les concurrents étaient
nombreux, et les juges chargés de décerner
le prix au vainqueur étaient choisis par le roi
lui-même ou par le chef de la nation. Ces
espèces de tournois poétiques étaient dési-
gnés sous le nom d'eisteddfords et se tenaient
à Caerv.ys , à Aberfraw ou à Mathravel.
Mais la conquête du pays de Galles par
Edouard I«, en 1284, amena de longues per-
sécutions contre les bardes. Ils perdirent tous
leurs privilèges, et quoique leurs chants fus-
sent toujours inspiré^ par les sentiments les
plus religieux, et que la morale la plus aus-
tère n'y pût trouver rien à reprendre, les pa-
pes et le clergé catholique ne leur firent pas
moins une guerre acharnée et implacable. Ce-
pendant l'existence des bardes était devenue
tellement inhérente à la société même, que,
malgré tous les édits et toutes les dissolutions
prononcées solennellement, on vit encore, sous
le règne d'Elisabeth, quelques tournois poéti-
ques, qui n'étaient plus, il est vrai, qu'un pâle
reflet des antiques eisteddfords.
En Irlande, l'ordre des bardes était hérédi-
taire et se divisait en trois classes : 1° les
filhedka, qui chantaient dans les combats et
dans les fêtes religieuses avec accompagne-
ment de harpes, faisaient partie de la suite
des princes et remplissaient , à l'occasion ,
l'office de hérauts d'armes ou d'ambassadeurs :
ils tenaient à la cour le septième rang parmi
les vingt-quatre principaux serviteurs du roi;
2° les breithcamhaim, qui rendaient la justice
en une foule de cas; 3U les seanackaidhe , qui
s'occupaient de l'histoire et de la généalogie
des familles illustres du pays. Comme partout
ailleurs , ils étaient en grande vénération ,
ce qui n'empêcha pas qu'il devint quelquefois
nécessaire de comprimer leur esprit d enva-
hissement ; ils avaient acquis de si grandes
possessions territoriales que déjà, l'an 34 ap.
J.-C, Concobar Mac Nessa, roi d'Ulster, plus
tard Cornac Ulfadha, et enfin, au vie siècle,
Aidus, durent prendre des mesures sévères
pour mettre .des bornes à cette cupidité. Stra-
bon raconte, dans son Histoire, que l'on comp-
tait en Irlande plus de mille bardes principaux,
et, vers la fin au xvic siècle, le tiers de la po-
pulation avait des prétentions à ce titre et
voulait faire valoir ses droits aux privilèges
réservés à cette caste. Après la conquête de
l'Irlande par Henri II, cet état de choses chan-
gea, et l'ordre ne put plus se soutenir. Isolé-
ment, on en rencontrait encore des représen-
tants dans les principales familles, qui se les
attachaient comme généalogistes. Plus d'une
fois, sous Henri VI, sous Henri VII, sous Eli-
sabeth même, ils furent l'objet d'arrêts sé-
vères, quand, par leurs chants patriotiques,
ils avaient éveillé l'amour de l'indépendance
et soufflé l'esprit de révolte dans le cœur du
peuple irlandais. Plus la domination anglaise
se faisait sentir sur la pauvre Irlande, plus
aussi les bardes disparaissaient, emportant
avec eux les derniers élans de liberté du pays
asservi. Turlogh O'Carolan, mort en 1737,
passe généralement pour le dernier des bardes
irlandais. Ses poésies ont été traduites en an-
glais parFurlong.
Les bardes d'Ecosse , ou de Calédonie ,
ne parurent qu'après ceux de l'Irlande. C'est
de la province d'Ulster que les poésies fen-
niques , parmi lesquelles on peut compter
celles d'Ossian, ont passé dans la vieille
Calédonie, avec la dynastie des Dalriades,
dans la seconde moitié du me siècle. Les noms
d'Ossian, d'Ovran et d'Ullin sont_restés im-
mortels, et encore aujourd'hui nous admirons
leurs poésies, ou celles qu'on a publiées sous
leur nom. C'est en Ecosse surtout que les
bardes, après avoir joué un rôle plus brillant,
finirent par s'attacher aux grandes familles du
Eays, et devinrent l'ornement des fêtes célé-
rées dans les châteaux, d'où leurs poésies se
répandirent ensuite parmi le peuple, pour y
entretenir le respect des chefs. Aussi le
christianisme ne put-il les faire disparaître.
Ils ne tenaient pas à la religion qui dispa-
raissait, mais ils faisaient plutôt partie de la
constitution sociale elle-même. L'un des der-
niers bardes écossais accompagnait Montrose,
et, pendant que se livrait la bataille d'Inver-
lochy, il contemplait la lutte des combattants
du haut du château de ce nom. Montrose crut
devoir lui adresser quelques reproches à
ce sujet, et le barde lui répondit : « Si j'a-
vais combattu , qui aurait chanté votre vic-
toire? »
L'institution des bardes ne put durer si long-
temps dans la Gaule. Après avoir épuisé toute
leur verve patriotique et tout leur enthou-
siasme religieux à combattre les Romains, les
bardes gaulois devinrent impuissants à lutter
contre le christianisme ; ils ne se transfor-
mèrent pas, ils disparurent. On dit que Char-
lemagne fit recueillir avec le plus grand soin,
dans son vaste empire, tout ce qui se rattachait
aux chants des bardes; mais la paresse et la
négligence des moines laissèrent se perdre ces
trésors. D'un autre côté, il paraît certain que le
nom de barde n'était connu ni chez les peuples
germains, ni chez les Saxons, et que Charle-
magne n'y rencontra aucune trace do ces poètes
populaires. Klopstock et les' littérateurs de son
époque ont beaucoup parlé des bardes alle-
mands, et leur ont attribué des chants moitié
guerriers, moitié religieux. On avait commis
cette erreur en s'appuyant sur un passage de •
Tacite, où quelques manuscrits portent barditus
au lieu de barrilus, qui veut dire cri de guerre.
Il est incontestable qu'il y eut des poëtes chez les
peuplades germaniques, mais ces poëtes n'ont
jamais joué le rôle des bardes, ils ne formaient
pas une caste comme eux, et ne jouissaient
pas des mêmes privilèges.
Barde (le), ode célèbre de Thomas Gray.
Elle appartient au genre classique et est écrite
en style pindarique d'un lyrisme très-élevé,
et d une harmonie parfaite, en dépit d'un
rhythme compliqué. Cette ode offre plus d'effet
dramatique et de pittoresque que le Progrès
de la poésie, autre pièce du même auteur, dont
le sujet a de grands rapports avec le Barde,
mais le coloris en est moins riche et le ton
moins majestueux. Gray a emprunté le sujet
de son ode à cette tradition, reçue dans le pays
de Galles, qu'Edouard 1er, après en avoir
achevé la conquête, fit mettre à mort tous les
bardes tombés entre ses mains. L'un d'eux,
après avoir vu ses frères massacrés, attend
au sommet d'un rocher Edouard et sa suite.
Aussitôt que le prince paraît, de ses lèvres
s'échappe l'anathème contre l'impitoyable mo-
narque. On frémit de colère autour du roi ;
mais le barde, animé du souffle prophétique,
continue ses menaces contre le tyran de son
pays et contre sa race tout entière. Il paye
d'abord un juste et douloureux tribut de larmes
à ceux des siens qu'a immolés la barbarie du
vainqueur, et les invite à prophétiser les af-
freux malheurs qui fondront sur lui et sur
sa pqstérité. Il trace ensuite , en quelques
mots énergiques, le tableau de la mort d'E-
douard II, assassiné par ordre de sa femme
Isabelle ; il dit la triste fin d'Edouard III, mou-
rant délaissé après avoir vu périr son fils le
prince Noir, puis l'agonie de Richard II , qui
périt de faim dans un cachot. Il n'oublie pas les
terribles luttes de la guerre des deux Roses,
après lesquelles ses yeux se reposent avec
joie sur une nouvelle race, qui viendra occuper
le trône avec Henri VII Tudor. Il célèbre
l'avènement de cette famille et les triomphes
de la poésie sous son règne. Après avoir op-
posé ce tableau aux horreurs que' sa bouche
vient de prédire, il s'adresse au tyran lui-
même : « A toi, dit-il, les noirs soucis et le re-
mords, à moi une fin glorieuse 1 » et il se pré-
cipite du sommet du rocher.
Bnrdca nnglain et critiques éuossain. Sa-
tire de lord Byron, publiée en 1S08. Ce mor-
ceau est l'un des premiers essais du grand
poète, et suivit de près la publication des
Heures de loisir (ffows of Idlencss), son début
poétique. Les critiques de la célèbre Revue
d'Edimbourg ne virent dans les épanchements
de cette jeune muse que le sujet d'un de ces ar-
ticles, cruellement ironiques, dont ils aimaient
parfois à amuser leurs lecteurs. Plus d'un
talent naissant s'est ainsi vu écrasé sans pitié
par ce colosse littéraire, et tel auteur dont le
génie et la renommée ont survécu à ses coups,
comme Woodsworth, Southey,Montgommcry,
et tant d'autres, sont restés soumis à ses sar-
casmes périodiques. Lord Byron est peut-être
le seul dont les, représailles aient amené en
quelque sorte à composition les aristarques
calédoniens. « Cette satire , dit M. Amédée
Pichot, atteste l'exaspération du jeune poète.
La verve de ce poème est remarquable. Pour-
quoi l'auteur ne s'est-il pas contenté de frapper
ses agresseurs , sans confondre dans son
aveugle ressentiment presque tous ses con-
temporains ? On croirait voir un gladiateur qui ,
révolté dans l'arène, tournerait son glaive non-
seulement contre les juges barbares à qui son
inexpérience servirait de risée, mais encore
contre ses frères, condamnés comme lui à
amuser leurs cruels loisirs. Que d'inimitiés par-
ticulières lord Byron s'est attirées par ces im-
prudentes attaques, que l'amour-propre seul
t'a depuis forcé de soutenir ! » C'est ce que le
poète a sans doute compris plus tard, lorsqu'il
a supprimé de lui-même ce poème dans ses
œuvres, ainsi que son Epilre à Horace, dans
laquelle il avait renouvelé cette querelle et
dont il arrêta l'impression après le tirage de
la seconde édition. Néanmoins, le coup était
porté, et les critiques apprirent à compter avec
le poëte.
Barde* ou Oi-nîuii (les), opéra en trois
actes , paroles de Deschamps , musique do
Lesueur, représenté à l'Académie royale do
musique, le 10 juillet 1S04. La scène se passe
en Calédonie, Rosalma est l'héroïne, et Ossinn
le héros. Le songe dans lequel Ossian croit
voir tous les héros de sa race est la scène la
plus remarquable de l'ouvrage. Les décorations
et la perspective des palais aériens étaient,
dit-on, d'un effet magique. La musique de Le-
sueur, composée dans un style qui s'écartait
des idées reçues, eut des admirateurs enthou-
siastes et des détracteurs non moins passionnés.
On ne peut en méconnaître l'originalité et le
caractère grandiose et simple, mais plutôt re-
ligieux que dramatique.
BARDE s. f. bar-de — (du bas lat. barda,
bât.) Art milit. anc. Nom donné aux lames
de métal dont on couvrait les membres des
guerriers et le poitrail d'un cheval de bataille:
Les bardes des chevaux se composaient du chan-
frein, de la cervicale, du girol et des fiançais .
ou flanchières.
— Manég. Longue selle de toile piquée et
rembourrée.
— Art cul. Tranche mince do lard, dont on
enveloppe les pièces de gibier et les volailles
qu'on veut rôtir :
J'y vois de gros gardes
Cuirassés de bardes,
Portant hallebardes
De sucre candi. Bêrancîer.
BARDE (Jean de la), marquis de Marolles-
sur-Seine , où il naquit vers 1600, mort en
1692. Il fut douze ans ambassadeur en Suisse,
232
BAR
BAI*
BAR
BAR
Puis conseiller d'Etat. Il écrivit, en latin,
Histoire de son temps, dont Bay le fait l'éloge ;
les dix premiers livres ont seuls paru; ils
contiennent le récit des événements de 1643
à IG52. L'auteur y latinise son nom sous la
l'orme Labardœus. Il a encore publié un livre
de controverse, De Eucharistia(l602et 1663),
BARDÉ, ÉE (bar-dé), part. pass. du v. Bar-
der. Couvert, armé dp. bardes de fer: Un che-
val uaroé. Un chevalier bardé de fer. La no-
blesse française descend de ces trente mille
hommes casqués, cuirasses, gui, sur de grands
chevaux dardés de fer, foulaient aux pieds
huit ou neuf millions d'hommes nus, qui sont
les ancêtres de la nation actuelle. (Cliamfort.)
Aux brigands héroïques, bardés de fer, ont
succédé les filous et les escrocs. (Th. Gaut.)
L'attirail des Polonais choquait les liusses :
ils n'aimaient pas à voir entrer dans leurs villes
ces hussards bardés de fer, la lance haute,
sonnant leurs fanfares guerrières. (Mérimée.)
— Fig. Fortifié, soutenu, entouré : ri de-
vina tout à coup l'étiolisme auquel la Ilcstaura-
lion, bardée de ses vieillards êligiblcs et de
ses vieux courtisans, avait condamné la jeu-
nesse noble. (Balz.) H Rempli , comblé : Elle
prit un air digne et commença l'un de ses longs
discours, bardés de mots pompeux. (Balz.)
Les beaux noms du pays descendent dans l'arène,
Et, le gosier bardé des plus sales propos,
Des porteurs de la halle ils se font les échos.
A. Barbier.
il Garanti contre : Il est cuirassé, bardé
contre toutes les insultes.
— Art. culin. Couvert de bardes do lard :
Il y a des gens qui aiment mieux les viandes
bardées que lardées. (Trév.)
— Techn. Transporté au moyen d'un bard :
Des matériaux dardés. Des pierres bardées.
— Blas. Caparaçonné : Famille de Biperda :
Do sable, au cavalier d'or, le cheval bardé
d'argent.
bardeau s. m. (bar-do). Archit. Nom
donné aux lattes courtes qui supportent
les tuiles ou ardoises d'un toit; forme qui
reçoit les carreaux d'un appartement, il Nom
dos lattes servant elles-mêmes do toiture :
Vitruve dit que, de son temps, les maisons
étaient construites d'une espèce de torchis, cou-
vertes de chaume et de bardeaux de chêne, et
que les peuples n'avaient pas l'usage des tuiles.
(Volt.)
— Voûte en bardeaux, Nom donné par les
archéologues aux voûtes qui ont été faites,
dans certaines églises, principalement au xve
et au xvie siècle, avec de petites planchettes
de chêne, tantôt unies, tantôt ornées de
peintures et de dorures.
— Navig. Train de bois.
— Typogr. Boîte à compartiments, distri-
buée comme la casse, dans laquelle on dépose
les sortes surabondantes, c'est-à-dire les ca-
ractères dont on n'a pas besoin, il Casse dont
les cassetins sont, les uns vides, les autres plus
ou moins pleins, par conséquent, hors d'état
de servir.
— Mamm. V. Bardot.
— Homonymes. Bardot, bardeaut.
BARDEAUT s. m. (bar-dô). — Ornith.
Nom vulgaire du bruant.
bardée s. f. (bar-dé — rad. bard, civière).
Constr. Ce qui remplit un bard : Une bardée
de pierres.
— Techn. Trois demi-muids d'eau qu'on
met dans la cuve à raffiner ou à faire le sal-
pêtre.
BARDÉE s. f. (bar-dé — rad. barde). Art
culin. Enveloppe de lard dont on couvre une
pièce à rôtir.
BARDEI.EBEN (Kurt de), homme politique
prussien, né en 1790, prit part aux dernières
tuerres contre Napoléon, et s'attacha ensuite
la propagation des principes constitution-
nels. Membre de la diète de la Prusse orien-
tale, il signa, en 1840, une pétition réclamant
du roi des institutions représentatives ; com-
battit, en 1S47, la politique ministérielle; re-
présenta, en 1818, le cercle de Koanigsberg au
parlement national de Francfort, dont il se re-
tira après le meurtre de son beau-frère, le gé-
néral d'Auersvald (septembre) ; entra à la
première assemblée nationale de Prusse et
vota avec le parti conservateur; mais il se
rallia bientôt a l'opposition libérale, et resta'
l'adversaire énergique et éloquent de la poli-
tique absolutiste et féodale.
BARUELLA (Antoine HaLDI, surnommé tL),
musicien attaché à la cour d'un duc do Tos-
cane, vécut à Florence à la fin du xvic siècle et
au commencement du xvnc. 'C'est à lui qu'on
doit le thôorbe, instrument sur lequel il ex-
cella, au dire de Caccini, son contemporain.
BAP.DELLE s. f. (bar-dè-lo — dim, de
barde). Tochn. Sol'.e de grosse toilo et do
bourre, il Bras d'un banc de verrier.
BARDENFI.ETH (Charles - Emile) , homme
politique danois, né en 1807. Ministre depuis
1848 jusqu'à 1851, il représentait le parti du
Danemark jusqu'à l'Eider, parti qui n'est plus
qu'un souvenir depuis la dernière guerre et
les malheurs de la monarchie danoise. Ami
particulier du roi Frédéric VI'. cet homme
d'Etat devint, en 1855, directeur nus domaines.
BARDER v. a. ou tr. (bar-dé — rad. Larde,
lame de fer). Couvrir d'une barde, d'une
armure do fer, d'une cuirasse : Barder son
destrier. Le moyen âge bardait de fer ses ca-
valiers et laissait nus ses fantassins.
— Enfermer, serrer comme dans une ar-
mure :
Beau papillon manqua qui, pour être plus mince,
Barde ses [lancs épais d'un corset et d'un buse.
Tu. Gautier.
— Loc. fam. Barder quelqu'un de cordons, de
croix, de décorations, L'on couvrir, l'en com-
bler : Comme il avait daigné représenter son
pays dans je ne sais quelle ambassade de céré-
monie, deux ou trois souverains Savaient
bardé de leurs plus beaux cordons. (E. Sue.)
— Art culin. Couvrir de bardes do lard :
Barder une pièce de gibier.
Que le rôtisseur nous barde
Une bonne et grasse poularde.
Poisson.
— Techn. Charger et transporter sur un
bard : Barder des matériaux.
Se barder, v. pr. S'entourer de bardes
de fer ou de quelque objet analogue : Les
chevaliers se bardaient de fer. Nos dames SB
bardent de corsets en baleine.
— Art culin. Etre bardé : Tous les gibiers
ne se bardent pas.
BARDESANE, gnostique célèbre, né en Syrie
au ne siècle. Egalement instruit dans les doc-
trines de l'Orient et dans celles de la Grèce,
chrétien zélé, il vit d'abord avec chagrin ren-
seignement de Saturnin et combattit celui de
Marcion. Marc-Aurèle, après avoir conquis la
Mésopotamie, l'an 166, essaya, par Apollone,
son favori, de détourner Bardesane du chris-
tianisme ; mais Bardesane répondit qu'il ne
craignait point la mort, et qu'il ne la pourrait
éviter quand même il ferait ce que l'empereur
demandait de lui. Cet homme si distingué par
ses lumières et ses vertus professa de grandes
innovations, tout en conservant le respect
extérieur des textes bibliques; il eut d'autant
plus de partisans que, dans ses erreurs mêmes,
il déviait moins de la vérité, et que, dans ses
hymnes pour le culte public, il les déguisait
mieux sous les fleurs de la poésie. Les églises
de son pays regardèrent longtemps Bardesane
comme une de leurs gloires.
Comme tous les philosophes de son temps,
Bardesane chercha la solution do cette grande
question : Pourquoi y a-t-il du mal dans le
inonde? Consultant le Zend-Avesta pour inter-
préter la Bible, il mit à côté de l'Etre suprême,
qu'il qualifia de père inconnu, "la matière éter-
nelle , dont la partie ingouvernable et mau-
vaise donna, suivant lui, naissance à Satan.
De son côté, le père inconnu enfanta avec sa
compagne (sa pensée?) un fils que Bardesane
appela Christos, qui eut à son tour une com-
pagne, une sœur, le Saint-Esprit. Le Christ
et sa compagne enfantèrent deux autres sy-
zygies, la terre et l'eau, le feu et l'air; avec
elles et avec trois syzygies nouvelles qui
vinrent les aider, ils créèrent tout l'univers
visible. A ces sept syzygies se joignit une se-
conde heptade, celle des sept esprits qui eurent
le gouvernement du soleil, de la lune et des
cinq planètes. Douze génies préposés aux
constellations du zodiaque, et trente-six esprits
sidéraux dirigeant les autres astres sous le
nom commun de doyens, complétèrent la hié-
rarchie ou le gouvernement céleste. Il ne s'a-
gissait pas ici d'un gouvernement purement
mécanique, mais bien de lois morales, de pas-
sions violentes et de grands égarements qui
s'étaient manifestés jusque dans le sein des
syzygies divines. Ce gouvernement n'était
donc pas facile.
La compagne de Christos, le Pneuma ou
Sophia Achamoth, s'était éprise d'amour pour
le monde matériel, et avait introduit le dé-
sordre dans la création tout entière en quit-
tant son divin compagnon. Elle s'en affligea
ensuite et désira rentrer dans l'ordre parfait.
Christos, plein d'indulgence pour elle, la ra-
mena dans le sein du plérôme des perfections,
et célébra en l'honneur de cette réunion un
banquet moral ou mystique. Toute cette his-
toire doit être interprétée dans un sens allé-
gorique : la compagne du Christos représente
l'âme humaine, qui se laisse tenter et séduire
par le spectacle des objets sensibles. Mais
bientôt elle s'afflige et aspire au retour dans
le sein de l'ordre et de la perfection ; elle brûle
du désir de prendre part, avec les pneumati-
ques, au banquet des saintes et divines extases.
I/anthropologie de Bardesane s'accordait
ainsi parfaitement avec son éonologie. L'âme
humaine, qui avait été formée à l'image de
Dieu, atransgre. se la loi, comme son modèle ;
elle doit expier ses fautes. Le Créateur la
chasse du paradis et la lie à. un corps charnel,
qui est devenu sa prison. Bardesane disait que
le corps représentait les tuniques de peaux
dont Dieu couvrit Adam et Eve depuis le
péché. Il avait approfondi la question du
destin selon les idées de la Grèce ancienne,
mais il la rattachait à une christologie qui se
rapprochait de celle do l'Eglise, et y mêlait
des idées d'élection et de prédestination. Selon
lui, les âmes n'étaient pas assujetties au des-
tin ; dans les corps, au contraire, tout était
soumis aux lois de la fatalité. De ce que l'u-
nion de l'âme à un corps charnel était la suite
de son péché, il concluait : 1° que Jésus-Christ
n'avait point pris un corps numain ; 2» que
nous no ressusciterons point avec le corps que
nous avilis sur la terre, mais avec un autre
corps subtil et céleste, qui a dû être l'habitation
de notre iine avant son péché. Parmi les dis-
ciples de Bardesane, on distingue Harmonius
son fils, et Marinus. Esprits prudents l'un et
l'autre, a l'exemple de leur chef, ils se sont
bien gardés d'étaler au grand jour des opinions
et des enseignements qui les séparaient des
chrétiens. Cependant saint Ephrem découvrit
leur dissidence, signala le danger de leur mo-
rale, et substitua aux hymnes de Bardesane
des chants de sa composition.' Sa vive polé-
mique arrêta les progrès de ce parti, qu'on ne
retrouve plus après le V siècle.
"BARDÉSANIENS s. m. pi (bar-dé-za-ni-
ain). Hist. rel. Nom donné aux partisans de
la doctrine de Bardesane. Il On dit aussi bar-
dbsakites et bardésianites.
BARDET (Pierre), avocat, né à Montagnet
(Bourbonnais) en 1591, mort en 16S5. Il a
compilé un utile Recueil d'arrêts du parlement
de Paris (2 vol in-fol., Paris, 1690) , plusieurs
fois réimprimé. La première édition conte-
nait des dissertations par Berroyer.
BARDEUR s. m. (bar-deur — rad. barder).
Ouvrier qui transporte des matériaux sur un
bard ou sur un chariot à bras : Les bardeurs
opèrent presque toujours par équipe bu bretellëe
de deux, quatre ou six hommes, sous la con-
duite d'une espèce de contre -maitre nommé
pinceur.
BARDI ou BARDIS s. m. (bar-di — rad.
barde). Mar. Plancher établi dans la cale
d'un navire, pour y servir de grenier, ou pré-
server l'entrepont inférieur de l'invasion des
eaux, lorsqu'on abat le navire en carène.
BARDI' (Jérôme), historien italien, néxà
Florence vers 1544, mort en 1593. Il fut moine
camaldule, puis curé d'une paroisse de Venise.
On a de lui plusieurs ouvrages, dont le plus
important est une Chronologie universelle, de-
puis Adam jusqu'en 15S1.
BARDI (Jean, comte de Vernio), érudit et lit-
térateur, né à Florence, vivait dans la deuxième
moitié du xvie siècle. Il était membre de l'a-
cadémie de la Crusca et* devint maestro di
caméra du pape Urbain VIII. Plusieurs écri-
vains italiens lui attribuent la première idée du.
drame lyrique. Il a laissé divers écrits estimés
sur la musique des anciens, des poésies, des
comédies, des traductions, etc.
BARDI (Pierre de, comte de Vernio), criti-
que et littérateur, fils de Jean, né a Florence,
mort vers 1600. Il fut également membre de
l'académie de la Crusca et publia divers écrits,
entre autres un poBme burlesque, où il tourne
en ridicule les exploits des paladins. — Son
fils, Ferdinand de Bardi, jouit d'une grande
faveur auprès de Ferdinand II, grand-duc de
Toscane. II. a cultivé aussi les lettres avec
succès. Il mourut en 1680.
BARDI (Jérôme), médecin et théologien ita-
lien, né à. Rapallo en 1C03, mort vers 1670. Il
professa avec quelque éclat la philosophie à
l'université de Pise, exerça la médecine à
Rome, et composa plusieurs ouvrages bien
accueillis en leur temps, mais qui n'ont con-
servé qu'un faible intérêt aujourd'hui.
BARDI (l'abbé de), d'une famille noble du
midi, embrassa l'état ecclésiastique, mais se
livra à. de tels désordres, qu'il fut repoussé
par ses parents. Il vint à Paris et s'abandonna
a de nouveaux dérèglements. Un de ses frères,
qui était magistrat, le secourut dans la dé-
tresse où il était tombé. Un peu plus tard,
Bardi attira ce frère, un jour qu'il le savait
porteur d'une forte somme, dans une maison
de l'île Saint-Louis, sous le prétexte de lui
montrer des antiques, et l'assassina à coups
de bûche. C'était en 1786. De puissantes solli-
citations et les privilèges de sa robe le sau-
vèrent. Il fut seulement renfermé par lettre
de cachet. Mais en janvier 1792, il fut con-
damné à être pendu. Il appela de ce juge-
ment, fut déposé à la Force, et périt dans les
massacres de septembre.
BARDI (Jean), conseiller au parlement de
Toulouse, né à Montpellier en 1709, protesta
contre le décret de l'Assemblée constituante
qui abolissait les parlements, fut arrêté en
1793, traduit l'année suivante au tribunal ré-
volutionnaire et condamné à mort.
BARDIGLE s. m. (bar-di-gle — mot ital. cor-
rompu). Miner. Syn. de bardiglio. S'emploie
surtout en parlant du bardiglio bleu 'turquin.
BARDIGLIO s. m. (bar-di-llo, Il mil.— mot
ital.) Miner. Nom de plusieurs marbres ita-
liens : Les principaux bardiglios sont le bar-
diglio gris de Laguilaya, en Corse ; et le bar-
diglio bleu turquin de Carrare, de Serravezza,
et de Stazzemma, en Toscane.
— Bardiglio de Bergame, Chaux sulfatée
anhydre et quartzifère, qui est tantôt blan-.
che,* tantôt d'un gris bleu, et que l'on emploie
souvent comme marbre, en Italie. On l'ap-
pelle aussi pierre de Vulpino, du nom d'une
localité voisine do Milan, où on l'exploite sur
une grande échelle.
BARDI Ll (Jean Wendel), écrivain allemand,
né à Reutlingen, mort en 1740. On a de lui
des relations de voyages en Allemagne, en
Pologne, en Lithuanie, en Russie, en Sibé-
rie, etc.
BARDILI (Christophe-Godefroi), philosophe
wurtembergeois, né en 1761, mort en 1808. Il
prit son point d'appui dans la pensée, et s'ap-
pliqua à faire de la logique la source des con-
naissances réelles, en d'autres termes, à y faire
rentrer la métaphysique. Suivant Dirdili, le
principe suprême de toute science, do toute
philosophie est le principe d'identité logique
ou de contradiction ; ce principe est la pierre
de touche qui permet de reconnaître et qui
suffit pour reconnaître la vérité d'une propo-
sition quelconque. On objecte que du principe
d'identité logique ne peuvent sortir que des
vérités logiques, c'est-a-diro des vérités uni-
quement relatives au rapport des idées entre
elles, et non au rapport des idées aux choses,
de simples possibilités subjectives et formelles,
et non des réalités. Bardili prétend passer,
sans abandonner son principe , de l'identité
logique à l'identité ontologique, de la possi-
bilité à la réalité. Il est vrai que la façon dont
il effectue ce passage est embarrassée , pé-
nible et obscure. La pensée, dit-il, comme
telle, n'est ni sujet, ni objet, ni relation de
l'un à l'autre ; mais elle est supérieure à.
tout sujet et à tout objet, elle est leur com-
mun élément , comme principe des notions
et des jugements de l'esprit. Toutefois, ce
principe de la pensée a besoin de quelque
chose, d'une matière h laquelle il s'applique.
Le caractère de la pensée, comme telle, est
l'unité, l'identité; la diversité, la multiplicité
sont les caractères de la matière. Remarquez
que, suivant Bardili, la pensée n'est pas dé-
terminée par la matière, mais que celle-ci est
déterminée par la pensée, n'a d'existence que
par l'application de la pensée. L'accord de la
pensée avec la matière constitue la réalité, qui
n'est en soi qu'une détermination plus expresse
du possible. Les diverses réalités,- monades
qui sommeillent (végétaux), monades tjui rê-
vent (animaux), monades éveillés (hommes)
sont des degrés divers do détermination de-la
possibilité. Enfin, l'antécédent de toutes les
monades, monas monadum, Dieu, est la possi;
bilité pure, qui réside en toute réalité et qui
détermine toute pensée, le premier fondement
de toute vérité, et par conséquent aussi de la
logique.
La logique de Bardili n'est pas sans analogie
avec la- logique hégélienne; l'une et l'autre
ont la prétention d'absorber la métaphysique,
de s'imposer à la réalité et de lui donner des
lois. Vidée de Hegel et la fécondité de son
processus présentent un certain air de famille
avec la possibilité pure de Bardili. Réalisme
rationnel , tel est le nom du système de Bar-
dili ; or, on connaît cet aphorisme hégélien :
Tout ce qui est réel est rationnel, tout ce qui
est rationnel est réel.
Le principal ouvrage de Bardili est Y Es»
quisse de la logique première, purgée des er-
reurs qui l'ont défigurée jusqu'ici, particulière-
ment de celles de la logique de Kant (Stutt-
gart, 1800 ). 11 a laissé encore : Epoques dei
principales idées philosophiques (Halle, 1788);
Sophylus, ou Moralité et nature considérées
comme les fondements de la philosophie (Stutt-
gart , 1794 ) ; Philosophie pratique générale
(Stuttgart, 1795); Des Lois de l'association des
idées (Tubingen, 1796); De l'Origine de l'idée
du libre arbitre (Stuttgart, 179G); Lettres sur
l'origine de la métaphysique (Alfona, 1798), etc.
BARDI N s. m. (bar-dain). Hortic. Variété do
pomme, appelée aussi reinette bardin. —
Mar. Addition en planches qu'on fait aux
passavants d'un navire abattu en carène,
pour empêcher l'introduction de l'eau.
BARDIN (Pierre), jurisconsulte, né à
Toulouse d'une vieille famille de capitouls,
devint conseiller au parlement en 1424.
Outre quelques ouvrages perdus, on connaît
de lui un travail sur l'origine de la juridic-
tion ecclésiastique, et un autre sur les privi-
lèges et immunités des moines. — Son fils ,
Guillaume Bardin, conseiller au même parle-
ment, a écrit une chronique du Languedoc
(de 1031 h. 1454), qui a été insérée dans l'ou-
vrage consacré k 1 histoire de cette province
par dom Vaissette et dom de Vie.
BARDIN (Pierre), littérateur médiocre,
membre de 1 Académie française, né à Rouen
en 1590. 11 se noya en 1037 en voulant secou-
rir M. d'Humières, qui avait été son élève. Il
a laissé quelques productions littéraires, qui
ne méritent point d'être tirées de l'oubli. C é-
tait un homme d'un caractère très-estimable.
Chapelain dit, en rapportant son trait de dé-
vouement :
Les vertus avec lui firent toutes naufrage.
BARDIN (Jean), peintre, né à Montbard on
1732, mort en 1809. Elève de Lagrenée aîné,
il obtint le grand prix de Rome, et devint
membre de rAcadémie do peinture en 1788.
Il a peint des tableaux d'histoire qui ne sont
pas sans quelque mérite, mais qui se ressentent
trop de la décadence où était tombée. l'école
française avant la révolution opérée par les
Vien et les David.
BARDIN (Geneviève), devint habile dans
l'art de graver au pointillé, et travaillait à
Paris vers 1780. Elle était fille du peintre Jean
Bardin, et a gravé d'après lui 1 Exercice de
Diane et l'Amour guerrier.
BARDIN (Etienne-Alexandre, baron), géné-
ral, écrivain militaire, né à Paris en 1774. fils
du peintre Jean Bardin, mourut en 1840. Il lit
avec honneur les guerres de.la Révolution et
de l'Empire. On a de lui un bon Manuel de
l'infanterie, ouvrage devenu classique et tra-
duit dans toutes les langues de l'Europe ;
un Dictionnaire de l'armée de terre, nu Re-
cherches historiques sur l'art et les usages mi-
litaires des anciens et des modernes (lSIl-fï ;
• BAR
BAR
BAR
BAR
233:
enfin un grand nombre d'articles sur l'histoire
militaire, dans le Dictionnaire de la Conversa-
tion et autres recueils.
DARD IN DE LA MOSELLE (Libre), né en
•179-4. Il servit quelque temps dans l'artillerie,
fut ensuite chargé du cours de mathématiques
à l'Ecole d'application de Metz, et nommé
membre du conseil municipal de cette ville,
où il fut un des fondateurs des cours gratuits
des sciences appliquées à l'industrie. Repré-
sentant du peuple à la Constituante de 1848,
il soutint la république contre les. diverses
factions monarchiques, et entra, après la ses-
sion, à l'Ecole polytechnique comme chef des
travaux graphiques. Il a publié : la Topo-
graphie enseignée par des plans-reliefs et des
dessins, avec texte explicatif (1856).
BARD1S s. m. (bar-dî). Mar. Batardeau qui
sert quand on abat en carène.
bardisme s. m. (bar-di-sme — rad. barde,
poëte). Etat, manière de vivre des bardes :
Le bardisme serait aujourd'hui puni comme
vagabondage. Le bardisme se conserva plus
longtemps et plus purement chez les Bretons
insulaires que chez les Gaulois. (De Ponté-
coulant.) il Caractère de la poésie et de la
musique des bardes : Il ne convient d'imiter
ni de mépriser le bardisme.
BARDIT s. m. (bar-di — du bas lat. bar-
ditus, clameur). Chant de guerre des Ger-
mains et des Gaulois : Les Franc? entonnent
le bardit à/la louange de leurs héros, (Cha-
teaub.) Le druide chrétien entonna Lez-Breis,
ce tràyj'BARDiT national, si doux à l'oreille des
Bretons. (E. Sue.) Il n'y a rien de tel qu'un
bj>.3ldit gaulois pour faire passer le temps, et
■ manœuvrer les rames en cadence. (E. Sue.)
— Par ext. Chant national : Les nouveaux
Américains, nourris à l'école de la Grèce,
avaient un bardit général. (Chateaub.)
— Encycl. Le bardit, selon l'opinion la
plus commune et la plus probable, était un
chant de guerre que les bardes improvisaient
ou entonnaient sur le champ de bataille, pour
enflammer le courage des guerriers, et que
ceux-ci répétaient en chœur avec des éclats
de voix formidables. Tacite, dans ses Mœurs
des Germains, en parle delà manière suivante :
• Les Germains, dit-il, ont des vers qui leur
tiennent lieu d'annales ; ils ont aussi un chant,
nommé bardit, qui sert à échauffer leur vertu
guerrière. Au moment de l'action, ce chant
leur présage quel en sera le succès, et, selon
la manière dont il a été entonné, ils (remue-
ront ou ils feront trembler leurs ennemis.
Dans le bardit, les paroles ont moins d'impor-
tance que le ton, et on peut le considérer
comme la bruyante explosion de l'enthou-
siasme guerrier. Il est formé de sons vagues
et entrecoupés ? d'accents rudes et heurtés.
Pour les produire, les Germains rapprochent
leur bouclier de leur bouche, afin de rendre,
parla répercussion, leur voix plus forte et
plus effrayante. » Cette description de Tacite
a donné lieu à bien des commentaires : plu-
sieurs érudits ont prétendu que Tacite n'avait
pas écrit barditum, mais barritum, et comme
ce dernier mot sert à désigner le cri rauque
de l'éléphant, ils en ont conclu que les Ger-
mains, au lieu de chanter des vers improvisés
par leurs bardes, ne faisaient que pousser des
cris pour effrayer ceux qu'ils allaient com-
battre. Cette opinion n'est pas dépourvue de
probabilité, puisque l'histoire nous apprend
qu'en effet, beaucoup de peuples barbares ont
eu et ont encore l'habitude do se précipiter
sur leurs ennemis en poussant de véritables
hurlements, soit pour s'animer eux-mêmes au
combat, soit pour jeter l'effroi dans les rangs
opposés. Mais comme on lit barditum dans
certaines éditions de Tacite, et comme ce mot
semble signifier chant des bardes, il ne parait
pas non plus improbable que les Germains
eussent des chants guerriers, des bardits, et
que les bardes qui entonnaient ces chants
avant ou pendant la bataille remplissent
ainsi le même office que nos musiques mili-
taires, ou nos tambours battant la charge pour
soutenir l'ardeur de nos soldats. Notre chro-
niqueur Eginhard rapporte que Charlemagne
avait pris soin de recueillir les bardits qui se
chantaient chez les Saxons ; mais si ce recueil
a jamais existé, il est perdu depuis longtemps.
Quoi qu'il en soit, si ce n'est pas chez les
.Germains que les bardes entonnaient des
chants de guerre, on ne peut nier que cet
usage n'ait été suivi chez d'autres peuples
celtiques, et cela suffit pour attester la réa-
lité des bardits. Dans des temps plus mo-
dernes, nous voyons la fameuse chanson de
Roland et Olivier jouer à peu près le rôle
du bardit des Germains, et, bien plus récem-
ment encore la Marseillaise de Rouget de
l'Isle, a été un véritable bardit pour les im-
mortelles armées de notre grande République.
C'est aux accents guerriers de cet hymne pa-
triotique que nos jeunes conscrits, armés k la
hâte, à peine vêtus, manquant souvent de
nourriture , purent culbuter les bataillons
exercés de ceux qui voulaient arrêter l'essor
de notre liberté naissante.
Nous allons donner ici deux des bardits les
plus célèbres :
BARDIT OUTROI REGNER LODBROG,
« Nous nous sommes battus à coups d'épée
dans le temps où, jeune encore, j'allai vers
l'Orient préparer une proie sanglante aux
loups dévorants. Toute la mer ne semblait
il.
qu'une seule plaie, et les corbeaux nageaient
dans le sang des blessés..
. » Nous nous sommes battus à coups d'épée
le jour de ce grand combat, où j'envoyai les
peuples de Helsingie dans le palais d'Odin.
De là, nos vaisseaux nous portèrent à Ifa, où les
fers de nos lances, fumant de sang, entamaient
à grand bruit les cuirasses, et où les épées
mettaient les boucliers en pièces.
. » Nous nous sommes battus à coups d'épée,
ce jour où j'ai vu dix mille de mes ennemis
couchés sur la poussière près d'un cap d'An-
gleterre. Une rosée de sang dégouttait de nos
épées; les flèches mugissaient dans les airs
en allant chercher les casques. C'était pour
moi un plaisir aussi grand qv(_e de tenir une
belle fille dans mes bras.
» Nous nous sommes battus à coups d'épée,
le jour où mon bras fit toucher à son dernier
crépuscule ce jeune homme si fier de sa belle
chevelure, qui recherchait les jeunes filles
dès le matin et se plaisait tant a entretenir
les veuves. Quelle est la destinée d'un homme
vaillant, si ce n'est de tomber des premiers au
milieu d'une grêle de traits? Celui qui n'est
jamais blessé passe une vie ennuyeuse, et le
lâche ne fait jamais usage de son cœur.
» Nous nous sommes battus a coups d'épée.
Il faut qu'un jeune homme se montre de bonne
heure dans les combats, qu'un homme en at-
taque un autre ou lui résiste. Ça été là tou-
jours la noblesse d'un héros, et celui qui aspire
a se faire aimer de sa maîtresse doit être
prompt et hardi dans le fracas des épées.
• Nous nous sommes battus à coups d'épée;
mais j'éprouve aujourd'hui que les hommes
sont entraînés par ie destin. Il en est peu qui
puissent résister 'aux décrets des fées. Eussé-
je cru que la fin de ma vie serait réservée à
Ella, lorsqu'à demi mort je répandais encore
des torrents de sang, lorsque je précipitais
les vaisseaux dans les golfes de l'Ecosse, et
que je fournissais une proie si abondante
aux bêtes sauvages ?
» Nous nous sommes battus à coups d'épée ;
mais je suis plein de joie en pensant qu'un
festin se prépare pour moi dans le palais d'O-
din. Bientôt, assis dans la brillante demeure
d'Odin, nous boirons de la bière dans les
crânes de nos ennemis. Un homme brave ne
redoute point la mort. Je ne prononcerai point
des paroles d'effroi en entrant dans la salle
d'Odin.
» Nous nous sommes battus à coups d'épée.
Ah 1 si mes fils savaient les tourments que
j'endure, s'ils savaient que des vipères empoi-
sonnées me déchirent le sein, avec quelle ar-
deur ils souhaiteraient de livrer de cruels com-
bats ! La mère que je leur ai donnée leur a
laissé un cœur vaillant.
» Nous nous sommes battus à coups d'épée;
mais à présent je touche à mon dernier mo-
ment. Un serpent me ronge déjà le cœur.
Bientôt le fer que portent mes fils sera noirci
dans le sang d'Ella ; leur colère s'enflammera,
et cette jeunesse vaillante ne pourra plus
souffrir le repos.
» Nous nous sommes battus à coups d'épée
dans cinquante et un combats où les drapeaux
flottaient. J^ai, dès ma jeunesse, appris à rougir
de sang le fer d'une lance, et je n'eusse ja-
mais cru trouver un roi plus vaillant que moi.
Mais il est temps de finir, Odin m'envoie ses
déesses pour me conduire dans son palais.
Je vais, assis aux premières places, boire
"de la bière avec les dieux. Les heures de ma
vie se sont écoulées, je mourrai en riant, i
BARDIT DE HARALD LE VAILLANT.
» Mes navires ont fait le tour de la Sicile.
C'est alors que nous étions brillants et magni-
fiques. Mon vaisseau brun, chargé d'hommes,
voguait rapidement au gré de mes désirs ;
avide de combats, je croyais naviguer toujours
ainsi. Cependant une fille de Russie me mé-
prise.
» Je me suis battu dans ma jeunesse avec
les peuples de Dronthein. Ils avaient des
troupes supérieures en nombre. Ce fut un ter-
rible combat; tout jeune que j'étais, je laissai
leur jeune roi mort sur le champ de bataille.
Cependant une fille de Russie me méprise.
" Un jour, nous n'étions que seize dans un
vaisseau; une tempête s'élève et enfle la mer,
elle remplit le vaisseau chargé, mais nous le
vidâmes en diligence. J'espérais de là un
heureux succès. Cependant une fille de Russie
me méprise.
» Je sais faire six exercices; je combats
vaillamment ; je me tiens fermement à cheval ;
je suis accoutumé à nager; je sais courir sur
des patins; je lance le javelot; je m'entends
à ramer. Cependant une fille de Russie me
méprise.
» Peut-elle nier, cette jeune etbelle fille, que
ce jour où, posté près de la ville dans le pays
du midi, je livrai un combat, je ne me sois
servi courageusement de mes armes, et que
je n'aie laissé après moi des monuments du-
rables de mes exploits? Cependant une fille de
Russie me méprise.
» Je suis né dans le haut pays de Norvège,
là où les habitants manient si bien les arcs ;
mais j'ai préféré conduire mes vaisseaux,
l'effroi des peuples, parmi les écueils de la
mer, et, loin du séjour des hommes, j'ai par-
couru les mers. Cependant une fille de Russie
me méprise.
BARDOCUCULLE s. m. (bar-do-ku-ku-le
— lat. bardocucullus, même sens , formé de.
cucullus , capuchon). Antiq. Sorte de capo.
munie d'un capuchon , que les Gaulois de
Langres et de Saintes portaient pour ne pas
être reconnus, et que les Romains adoptèrent
pour s'en servir dans le même but.
BARDOIRE s. f. (bar'-doi-re). Entom. Nom
que l'on donne au hanneton dans quelques
provinces.
BARDON (Michel-François Dandré-), ap-
pelé quelquefois par erreur André Bardon,
peintre, graveur et littérateur français. V.
Dandre-Bardon.
BARDON DE BRUN (Bernard), ecclésiasti-
que, né à Limoges, mort en 16?5. Il a com-
posé une tragédie de Saint-Jacques (Limoges,
1596). Cette pièce, qui tient beaucoup des an-
ciens mystères, a été représentée à Limoges
' par les .jésuites de Saint-Jacques, le jour de la
fête de leur patron.
BARDOS, commune du dép. des Basses-
Pyrénées, arrond. de Bayonne ; popul. aggl.
117 hab. — pop. tôt. 2,518 hab.
BARDOT OU BARDEAU s. m. (bar-do —
rad. barde, .selle). Mamm. Petit mulet pro-
duit par l'accouplement d'un cheval et d'une
ânesse : L'équipage se composait de trois bar-
dots d'Auvergne. (Le Sage.) Comme les métis
ressemblent plus à leur mère qu'à leur père,
le bardeau se rapproche plus de l'âne que du
cheval. (Focillon.)
— Petit mulet qui marche, en tête de la
troupe et porte les provisions du muletier.
— Fig. Homme sur qui' on se décharge de
tout, comme sur le bardot de la caravane.
!l Homme ou bète qui est en butte aux plai-
santeries et aux mauvais traitements : Ce
domestique est te bardot de la maison. L'âne
est le jouet, le plastron, le bardot des rustres,
qui le conduisent le bâton à la main, qui le
frappent, le surchargent, l'excèdent sans pré-
caution, sans ménagement. (Buff.)
— Loc. fam. Passer pour bardot, Passer
par-dessus le marché, ne pas payer son écot,
comme un bardot dont on ne compte pas la
consommation, sur une grosse dépense, n
Fig. Etre accepté sans réclamation : // a
fallu que j'aie fait cette digression; il faut
qu'elle passe pour bardot sans payer péage.
(Brantôme.)
— Imprim. Papier de rebut.
Encycl. Issu de l'ànesse et du cheval, le
bardât- a les caractères, des deux espèces qui
l'ont produit. Il est moins bien conformé que
le mulet ordinaire, et, en général, les diver-
ses parties de son corps ne sont pas bien
proportionnées. Tantôt il a la tèté trop lon-
gue, trop grosse, trop lourde; tantôt il a la
mâchoire inférieure plus longue ou plus courte
que la supérieure ; presque toujours l'encolure
est excessivement mince, le dos voûté et la
croupe tranchante. Ordinairement, le bardot
n'a pas les oreilles aussi longues que le mu-
let; mais il a plus de crins aux extrémités, à
l'encolure et à la queue. Il est plus sobre et
plus robuste, quoique plus petit. C'est un ani-
mal véritablement précieux pour les pays de
montagnes, où les fourrages sont rares.
Si l'on veut obtenir de beaux bardots, il
faut, avant tout, avoir soin de corriger les
défauts de conformation de l'ànesse, en cher-
chant dans le cheval des formes qui leur
soient opposées. Mais ce discernement est
difficile à faire , s'il n'est pas tout à fait im-
possible. C'est pour cela que, généralement,
quand on veut avoir un mulet, on préfère
avec raison l'obtenir de l'âne et de la jument.
Le cheval, du reste, couvre assez facilement
l'ànesse ; mais celle-ci ne retient pas toujours.
Aussitôt que l'ànesse a été fécondée par le
cheval, elle exige des soins particuliers ; il
faut surtout la surveiller à l'approche du
terme de la gestation, car le part est, en géné-
ral, plus pénible que pour la naissance d'un
ânon. Plus exigeant que le produit de l'âne,
celui du cheval épuise outre mesure l'ànesse
qui le nourrit ; il faut donc soigner le régime
de la mère et donner au jeune bardot de bous
aliments dès qu'il est capable d'en prendre,
afin de faciliter son développement.
Ce qui précède est le résumé complet de
ce qu'ont dit du bardot la plupart des écrivains
anciens et modernes. Aucun d'eux, que nous
sachions, n'avait songé à nier son existence,
tous même semblent l'avoir considéré comme
un animal dont l'usage, sans être aussi répandu
que celui de l'âne et du mulet, était cependant
assez général. Seul, dans ces dernières an-
nées, M. Eugène Gayot a prétendu que le
bardot n'existe pas et n'a jamais existé. Quoi-
que, après avoir lu ce qui précède, cette opi-
nion puisse sembler paradoxale, nous avouons,
pour notre compte, la partager entièrement.
Pour que le lecteur puisse se prononcer en
parfaite connaissance de cause, nous ne pou-
vons mieux faire que de citer les lignes' sui-
vantes, consacrées au bardot par M. Gayot
lui-même dans Y Encyclopédie d'agriculture :
« Tous les écrivains, dit-il, qui ont parlé du
mulet proprement dit ont consacré quelques
pages a l'étude du bardot. Les ouvrages les
plus récents, copiés des anciens traités, sem-
blent encore renchérir sur les premiers. Eu
les lisant, on croirait que le bardot est un ani-
mal usuel, qui tient une certaine place dans
l'économie du bétail. Cependant on n'en voit
nulle part; si l'on s'enquiert, on ne trouve
personne qui en ait vu. On arrive donc à
cette conclusion : le bardot est un mythe,
ceux qui en parlent ne le connaissent point;
ils ne font que transmettre, sous une forme
plus ou moins rajeunie, une tradition sans
utilité ni valeur. Il n'3' a pas de raison pour
que de l'union du cheval et de l'ànesse il ne
résulte pas un produit quelconque. Mais ce
dernier ne s'est pas montré dans des condi-
tions de formes, de structure, d'aptitude,
assez recommandables pour qu'on ait trouvé
intérêt à le multiplier, à le cultiver, » D'après
M. Eugène Agrault, de Niort, on désigne
dans le Poitou , sous le nom de bardot , la
variété d'âne la plus petite , à poil café au
lait et à zébrures, qui n'y est l'objet d'aucun
élevage. « Jamais on na songé, dit-il, à
accoupler le cheval à l'ànesse. Si parfois,
dans la lande, quelque jeune poulain trop ar-
dent a sailli une ânesse, cela n'a pu être que
le résultat du hasard et nullement le fait d'une
industrie quelconque que l'homme auraitvoulu
créer, »
BARDÛTIER ou BARDOTTIER S. m. (bar-
do-tié — rad. bardeau). Bot. Arbredela famille
des sapotacées et du genre imbricaire, qui
croît à i'ile de la Réunion, et dont le bois sert
à faire des bardeaux pour couvrir les mai-
sons.
— Encycl. Le bardotier est une espèce du
genre imbricaire , qui appartient à la famille
des sapotacées. C'est un arbre assez élevé , à
feuilles pétiolées, ovales, entières, glabres,
luisantes , coriaces , alternes , rapprochées au
sommet des. rameaux ; à fleurs pendantes à
l'extrémité de longs pédoncules irrégulière-
ment groupés aussi ausommetde ces rameaux;
à fruits ombiliqués, de la grosseur d'une pomme.
Cet arbre croît à l'île de la Réunion. Son bois,
roussâtre, dur, d'un grain fin, est débité en
bardeaux ou petites planches, pour couvrir les
toits des maisons ; de là le nom de l'arbre. On
l'emploie aussi dans l'ébénisterie. Les fruits
sont comestibles. Cet arbre est encore con-
fondu, avec quelques autres, sous la dénomi-
nation un peu vague de bois de natte.
BARDOU (Jean), prêtre et littérateur, né
près de Sedan en 1729, mort en 1803. Il était
curé à RilJy-aux-Oies , en Champagne. lia
écrit : Esprit des apologistes de la religion
chrétienne (1776) ; les Amusements d'un phi-
losophe solitaire (1783) , ainsi que quelques
ouvrages d'une gaieté un peu vive, comme
l'Histoire de Laurent Marcel ou l'Observateur
sans préjugés (Bouillon, 1770).
BARDOU aîné ( Oscar- François ) , acteur
français, né à Montpellier en ISOJ, mort à
Neuilly en 1863. Destiné aux affaires, il entra,
à dix-huit ans, dans l'étude d'un de ses frères,
avoué à Nîmes , et s'essaya bientôt sur les
théâtres de société de cette ville, dans les rô-
les tragiques , où il n'obtint que des succès
d'hilarité. Abandonnant un genre si peu favo-
rable à ses moyens, il se hasarda dans les se-
condes basses, se fit écouter, cette fois, avec
plaisir, et ne tarda pas à suivre une troupe
nomade qui faisait les délices de Carcassonne,
de Pézenas et de Béziers. Toutefois, quelques
coups de sifflet l'avertirent, chemin faisant,
que l'opéra n'était pas encore son fait; suppo-
sant que sa voix de seconde basse serait plus
à l'aise dans le vaudeville , il abdique une se-
conde fois et se voue enfin au couplet de fac-
ture. Jusqu'à la fin de 1859, Bayonne, Anvers,
Brest et Toulouse l'applaudirent successive-
ment, et Paris le réclama bientôt. Ses débuts
au Vaudeville (juin 1835), dans quelques rôles
de Bernard-Léon : Giraudeau, de Pourquoi?
Crochard , du Bal d'ouvriers , puis dans l'Ami
Grandet , rôle établi par Yolnys , eurent peu
d'éclat. Mais Iiigoletti et Paris dans la comète,
où il s'était lui-même arrangé des rôles épiso-
diques, lui valurent une popularité qui s'ac-
crut encore par Une Femme raisonnable, le
Protégé, l'Article 960 , le Frère de Piron , les
Mémoires du diable (1842), les Petites Misères
de la vie humaine, un Péché de jeunesse, Man-
che à manche , la Gazette des Tribunaux , etc.
Dans Passé minuit , Bardou a partagé le suc-
cès d'Amal , et le piquant de l'affaire , c'est que "
la colère réjouissante d'Arnal contre Bardou
et l'antipathie si naturelle de Bardou pour
Arnal n avaient rien de joué , au contraire.
— « 11 me fait manquer la plupart de mes ef-
fets, » disait le premier. — « C est un mauvais
coucheur qui tire la couverture à lui, » grom-
melait le second. Et la pièce jouée, les deux
partenaires affectaient de ne se point saluer
dans la coulisse. Bardou a tour à tour appar-
tenu au Vaudeville et aux Variétés. C est à
ce dernier théâtre qu'avec Bouffé, il était tou-
jours rappelé après le Muet d'Ingouville et les
Chansons de Béranger. Il y a créé, notamment,
le Maître d'armes (décembre 1850).
Le jeu de Bardou se distinguait par la fran-
chise , le naturel et la vérité. Il excellait à
rendre les différents patois. Quelques-unes de
ses créations, Jean Gauthier entre autres, ont
prouvé qu'il pouvait, après avoir provoqué les
éclats d'un fou rire , exciter l'attendrissement
et les larmes.
BABDOUIL, c'est le nom que les Arabes
donnent à Baudouin , frère de Godefroy de
Bouillon (qu'ils appellent Kondefri). Baudouin
est beaucoup plus populaire chez les chro-
niqueurs musulmans que son frère Godefroy.
D'après eux, Baudouin, dont le royaume com-
prenait non-seulement Jérusalem et la Pales-
tine, mais encore différentes parties de la Sy-
30
234
BAR
rie, envnl.it l'Egypte à la tête de troupes nom-
breuses, et s'empara de la ville de Farma. Au
moment où il se dirigeait vers Arisch , il fut
surpris par la mort. Les Arabes prétendent
que ses entrailles furent enterrées dans un en-
droit de la route d'Egypte en Syrie, qui porte
encore le nom de Hadjrat-al-Bardouil, pierre
de Baudouin, et que son corps fut transporté
à Jérusalem et enterré dans l'église appelée
par les chrétiens église de la Résurrection.
Aboulfaradj prétend que Baudouin mourut à
Jérusalem même , à la suite d'une maladie
qu'il avait contractée en se baignant dans le
Nil. Du reste, les historiens arabes ne sont
pas d'accord sur la date de là mort de Bau-
douin-, les uns la placent l'an 504 de l'hégire
(lllO de notre ère), d'autres l'an 512, d'autres
l'an 515. Ces dates ne concordent pas avec
celles de nos historiens, qui admettent généra-
lement celle de 1121 de notre ère, correspon-
dant à l'an 525 de l'hégire.
BARDOZZl (Jean de), savant hongrois, né
vers 1738, mort en 1819. Directeur du gym-
nase de Leutschaw et conservateur de la bi-
bliothèque royale, il consacra sa vie à des re-
cherches sur l'histoire de Hongrie. Ses tra-
vaux sont estimés de ses compatriotes , mais
peu connus en France. Nous citerons les sui-
vants :
La continuation des Analecta de Ch.Wagner;
Animadversiones historico-critico-diplomaticœ
in opus de Insurrections nobilium; Molda-
viensïs vel Szepsiensis Indagatio, etc.
BARDSEY, lie de la mer d'Irlande, sur la
côte occidentale de la principauté -de Galles, à
l'extrémité S.-O. de la presqu'île de Caernar-
von ; 3 kil. de long sur I kil. de large. ; 84 b.
Phare très-utile pour la navigation.
BARDSTOWN, ville des Etats-Unis, dans le
Kentucky, ch.-l. du comté de Nelson, à 60 kil.
S.-O. de Francfort. Evéché catholique, collège
et séminaire; 2,000 hab.
BARDUA (Caroline), femme peintre alle-
mande, contemporaine. Bile a peint avec suc-
cès le portrait et l'histoire. On estime sur-
tout parmi ses œuvres, la Vierge à l'Enfant
(1812) ; Sainte Cécile (18H); le portrait du
prince Guillaume de Prusse (182 1).
RARDYLIS, roi des Illyriens, vivait dans
le ivo siècle av. J.-C. Il fit continuellement la
guerre a la Macédoine, combattit jusqu'à qua-
tre-vingt-dix ans les rois de cette contrée, et tua
de sa main Perdicas III. D'après Plutarque,
Bardylis laissa une fille , Bircena , qui épousa
le roi d'Epire Pyrrhus.
BARDZINSKl (Jean-Alain), poète polonais,
né en 1057, dans le piilatinat de Lublin, mort
à Varsovie en 1708. En 1674, il entra dans les
ordres. En 1682, il obtint le grade de docteur
en théologie à l'université de Cracovie, de-
vint, en 1705, vicaire général de Mazovie, et
se distingua comme prédicateur. Il a traduit
avec une grande habileté les classiques latins
en vers polonais, et écrivit lui-môme des poé-
sies latines remarquables.
RARE ou BARET, voyageuse, née en Bour-
gogne en 1741, fut la première femme qui eut
le courage d'entreprendre le tour du monde.
Elle suivit le botaniste Commerson, qui s'em-
barqua avec Bougainville en 1765 , l'accom-
pagna, vêtue en homme, dans toutes ses excur-
sions scientifiques, l'aida dans ses travaux, et
l'assista à ses derniers moments, en 1773, à
l'île de France. Elle se maria ensuite à un
militaire, et l'on n'entendit plus parler d'elle.
Commerson, qui parle de cette femme coura-
geuse avec les plus grands éloges, lui avait
dédié, sous le nom de Baretia, un genre d'ar-
brisseaux des lies de France et de Bourbon.
BAREHONE, corroyeur de Londres, membre
du parlement que Cromwell convoqua en 1653.
Il était de la secte des saints et exerçait une
grande influence sur le peuple et sur ce par-
lement de fanatiques, auquel on avait donné
son nom. Lorsque Monk vint à Londres pour
rétablir la royauté, il fut un moment intimidé
par l'opposition de ce chef populaire, qui finit
ses jours dans l'obscurité.
barége s. m. (ba-ré-je — de Baréges, vil-
lage dos Pyrénées, où l'on fabrique de ces
étoffes). Comra. Etoffe de laine légère et non
croisée : Châle de barége. iloôe de bahége.
BARÉGES, village de France (Hautes-Pyré-
nées), arrond. et à 18 kil. S.-E. d'Argelès, à
810 kil. S.-O. de Paris; sur le Bastan, entre
deux chaînes de montagnes parallèles et taillées
à pic, qui forment une vallée peuplée de vingt
villages dont la population est évaluée à 60,000
hab. Eaux thermales sulfurées sodiques, très-
renommées ; elles émergent par dix sources
et ont une température de 45» à 31° centigr.
Ces eaux, apéritives, résolutives et diurétiques,
connues depuis près de quatre siècles, ont été
misus en vogue en 1G75 par M1»» de Mainte-
non, qui fut chargée d y conduire le jeune
duc du Maine.
BARÉGIEN, IENNE s. etadj. (ba-ré-ji-ain,
i-è-ne — rad. Baréges). Habitant de Baréges;
qui appartient à Baréges ou à ses habitants.
— s. f. Eau employée contre les boutons,,
couperoses, rousseurs, etc., ot, en général,
contre les accidents qui déparent la peau.
BARÉGINE s. f. (ba-ré-ji-ne — de Baréges,
village des Pyrénées). Chim. Substance ana-
logue au mucus animal, que l'on trouve par-
ticulièrement dans les eaux de Baréges : La
BAR
baiîéginb est une substance (inorganique, géla-
tiniforme, tenue en dissolution dans l'eau mi-
nérale, et se décomposant sous l'aspect d'une
gelée. (Richard.) La barégine se montre quel-
quefois mélangée de filaments extrêmement
grêles et blancs, qui s'allongent sous la forme
de longues houppes soyeuses, et flottent, soit à
la surface des eaux, sort sur les parois des bas-
sins où elles ont séjourné. (Richard.)
BARE1LLY ou BAREILY, ville forte de l'em-
pire anglo-indien, présidence et à 176 k. N.-E.
de Agra, ch.-l. de district ; 66,000 hab. Indu-
strie active , fabrique de tapis , broderies,
écoles indoues et persanes, collège anglais,
avec deux chaires de médecine, il Le district
de Bareilly, qui a pour ch.-l. la ville de ce
DOm, est une riche province comprise entre le
territoire d'Oude, le Népaul, et le district de
Delhy au N.-O.; sol plat, très-fertile, bien
cultivé et arrosé par le Gange et quelques af-
fluents de ce fleuve; riz, sucre, et coton le
plus estimé de l'Indoustan.
HAREK-MOR, formule de salutation usitée
chez les chrétiens de Syrie; elle s'adresse
particulièrement aux prêtres et signifie litté-
ralement : Bénissez, père ou seigneur. D'Her-
belot la compare à notre Benedic, Pater, et a\i
Jubé, Domine, benedicere. Il paraît qu'à une cer-
taine époque, les empereurs mongols favorisè-
rent tellement les chrétiens , qu'au dire des
musulmans, on n'entendait plus prononcer que
le Barek-Mor sacramentel, au lieu du Selam
aleïk (V. Salamalec) islamique.
BARELLI (François-Louis), religieux bar-
nabite, biographe italien, né à Nice, mort en
1725. Il a écrit en italien "une Vie de Pierre-
Antoine-Marie Zacharie, fondateur de l'ordre
des barnabites (Bologne, 1706), et des Mé-
moires sur l'origine , les progrès et les hommes
illustres de l'ordre des barnabites (Bologne,
1703-1707).
Barème s. m. (v. Barrême). Tous les dic-
tionnaires écrivent ce mot par un seul r,
alors que le nom propre dont il est tiré s'écrit
par deux r. Il y a là une anomalie contre la-
quelle le Grand Dictionnaire doit réagir. Bar-
rême est dans le môme cas que calepin, quin-
quet, lambin, etc., et l'on ne voit pas pourquoi
on défigurerait ce mot par exception. Nous
nous sentons d'autant plus libre dans cette
rectification que la loi et les prophètes n'ont
point parlé : ce mot ne figure pas dans le
dictionnaire de l'Académie.
barencoco s. m. (ba-rain-ko-ko). Comm-.
Gomme-résine de Madagascar.
BARENGHI (Jean) , astronome italien du
xviie siècle, a écrit des Considérations sur le
dialogue des deux grands systèmes de Ptolémée
et de Copernic (Paris, 1638).
BARENINES (Raymond de), homme politique
et jurisconsulte, né à Bordeaux, mort en 1S00.
Avocat à Bordeaux, il fut nommé, en 1790,
procureur syndic de la Gironde, puis député
à l'Assemblée législative. Dès les premiers
jours de la session, il proposa de déclarer que,
si la guerre venait à avoir lieu, la France ne
déposerait les armes qu'après avoir donné la
liberté à tous les peuples. Son enthousiasme,
d'ailleurs, se refroidit rapidement, et il garda
le silence pendant le reste de la session. En
l'an VI, il reparut aux Cinq-Cents et s'occupa
surtout de questions de jurisprudence. Aprèsj
le 18 brumaire, il fit partie du conseil des
prises.
BARENTIN, commune du dép. de la Seine-
Inf., arrond. de Rouen; pop. aggl. 1894 hab.
— pop. tôt. 3,072 hab.; sur le chemin de fer de
Paris au Havre ; filatures de coton et pape-
teries.
BARENTIN (Ch.-Louis-Fraiiçois de), garde
des sceaux, né en 1738, mort à Paris en 1819,
fut premier président de la cour des aides,
remplaça Lamoignon comme chancelier (1788) ,
ouvrit les états généraux, fut congédié, avec
ses collègues, après la prise de la Bastille, et
fut, comme eux, en butte à la vindicte publi-
que. Dénoncé par Mirabeau, puis par Gorran
de Coulon, traduit au tribunal du Châtelet, il
fut jugé par eontumace'et acquitté. 11 émigra
à. la fin de 1789, revint en France sous le con-
sulat, et fut nommé par Louis XVIII chance-
lier honoraire.
La Bibliothèque royale acquit, en 1830, un
manuscrit de cet homme d'Etat, intitulé : Ré-
futation des erreurs et des faits inexacts ou
faux, répandus dans un ouvragi par M. de
Necker, en 1796, intitulé : De la Révolution
française.
Cet écrit a été imprimé par M Maurice
Champion en 1844, sous ce titre : Mémoire
autographe de M. de Barentin, chancelier et
garde des sceaux, sur les derniers conseils de
Louis XVI.
BARENTIN DE MONTCHAL (le vicomtt
Charles-Paul-Nicolas), lieutenant général,
frère du garde des sceaux, né à Paris en 1737,
mort en 1824. Il servit dans la guerre de Sept
ans. devint officier dans la garde écossaise
du roi, émigra en 1790, fit partie de l'armée
de Condé, commanda, à Mittau, la parodie de
garde que s'était donnée Louis XVIII et, mal-
gré son grand âge, reprit du service dans' les
gardes du cor|is en 1814. Il a publié quelques
écrits et traductions.
BARENTON, ch.-l. de cant. (Manche), arr.
deMortaiiv,pop.aggl.75Sh. — pop. tôt. 2,818 h.
Toiles, bestiaux ot grains.
BAR
BARENTS ou HARENTSEN (Thierry), nommé
quelquefois aussi Bernard Dirk, peintre hol-
landais, né à Amsterdam en 1534, mort en
1592. Il acheva ses études en Italie, auprès du
Titien, dont il avait eu le bonheur de se con-
cilier l'amitié. A son retour dans sa patrie , il I
peignit d'abord le portrait, avec une grande
supériorité. On citait, parmi ses tableaux, la
Chute des anges rebelles, qui fut détruit pen-
dant les guerres de religion. Le plus remar-
quable de ceux qui restent est une toile repré-
sentant Judith.
BARENTZEN (Guillaume), navigateur hol-
landais, entreprit en 1594 d'aller en Chine par
le nord de l'Asie, pénétra jusque vers le 77«
de lat., et fit une seconde tentative en 1596,
qui échoua comme la première, mais pendant
laquelle lui et ses compagnons firent des ob-
servations intéressantes. Ainsi, ayant éprouvé
une nuit de près de trois mois, ils revirent le
soleil plusieurs jours avant l'époque assignée
par les calculs astronomiques. Ce fait causa
beaucoup d'étonnement parmi les savants ,
parce qu'on ignorait alors les effets de la ré-
fraction. Barentzen a publié une relation, qui
a été traduite en français dans l'Histoire géné-
rale des voyages.
BARÈRE DE V1EUZAC (Bertrand), célèbre
conventionnel, né à Tarbes en 1755, mort le
15 janvier 1841. Il fut d'abord avocat au parle-
ment de Toulouse. Un Eloge de Louis XII lui
ouvrit les portes de l'académie des jeux flo-
raux. Conseiller à la sénéchaussée du Bigorre
en 17S9, il y fut nommé député aux états gé-
néraux. Il rendit compte des premiers travaux
de l'Assemblée dans un journal ayant pour
titre le Point du jour, et dont la collection,
importante pour l'histoire de ce temps, forme
21 vol. in-8°. L'impartialité et la sécheresse
qui régnent dans cette feuille contrastent sin-
gulièrement avec ces fameux rapports où il
colorait d'un brillant vernis les mesures les
plus révolutionnaires, et qui l'ont fait surnom-
mer plus tard YAnacréon de la Guillotine. A
l'Assemblée constituante, Barère siégea au côté
gauche, mais ne s'écarta jamais des limites
de la modération; il s'y montra, d'ailleurs,
partisan de toutes les réformes réclamées
par l'opinion publique. Il y éleva la voix en
faveur de la liberté de la presse, demanda
l'émancipation des hommes de couleur, obtint
que les grandes forêts de l'Etat seraient ex-
ceptées de la vente des biens nationaux , fit
décréter une statue à J.-J. Rousseau, une
pension à sa veuve, et des honneurs extraor-
dinaires à la mémoire de Mirabeau. La session
terminée, il fut nommé juge au tribunal de
cassation, puis, en 1792, élu à la Convention
nationale par les Hautes-Pyrénées. Il eut une
grande part au jugement de Louis XVI. Con-
servant une sorte de neutralité entre les deux
partis qui divisaient la Convention, tenant
aux montagnards par ses convictions , mais
donnant des gages aux girondins par de fré-
quentes sorties contre les anarchistes, il put
entraîner beaucoup d'hommes indécis. Il pré-
sidait l'Assemblée le 2 décembre 1792? quand
une députation de la commune de Pans vint,
pour ainsi dire, lui intimer l'ordre déjuger le
roi dans le plus bref délai. Sa réponse fut
telle qu'aurait pu la faire le plus avoué giron-
din. « La république, dit-il, a confié à ses re-
présentants le droit de préparer ses lois, de la
délivrer du royalisme comme de Yanarchie,
des traîtres couronnés comme des factieux
mercenaires... La Convention nationale ne doit
compte de ses travaux, de ses pensées et du
jugement de Louis le Traître qu'à la républi-
que entière.» Plusieurs biographes prétendent
que, quelques jours plus tard, le côté droit
cherchant à retarder le jugement du roi, il se
serait écrié : « L'arbre de la liberté ne peut
croître qu'arrosé du sang des rois. » Il y a
la une erreur : ce mot est de Grégoire,
C'est Barère qui, en qualité de président, in-
terrogea Louis XVI, amené à la barre. 11 vota
pour la mort, et, par des discours à la fois
habiles et modérés, entraîna la majorité à se
prononcer successivement contre l'appel au
peuple et le sursis à l'exécution de la sentence. '
Il fit partie, du Comité de salut public dès la
création de ce pouvoir, et y siégea sans inter-
ruption jusqu'après le 9 thermidor. Il en était le
travailleur le plus infatigable. Ses collègues le
chargeaient des rapports sur les affaires de dé-
tail, et surtout de ceux qui se rattachaient aux
armées, llles rédigeait avec une facilité surpre-
nante, et toujours en style élégant et chaleu-
reux. Il en a lu ainsi plus do cent à la tribune.
Nos soldats ne remportaient pas une victoire,
qu'il ne vînt en rendre compte à la Convention
et demander pour eux un décret de bien mé-
rité de la patrie. La forme éclatante, mais à
peu près toujours la même, de ces amplifica-
tions révolutionnaires leur avait fait donner,
par dérision, le nom de carmagnoles. On ne
peut disconvenir, pourtant, qu'elles ont contri-
bué beaucoup à électriser la nation, dans un
moment où elle avait besoin de toute son
énergie pour la défense du territoire. Dans
d'autres rapports, touchant plus particulière-
ment à la politique générale, il est échappé à
Barère des phrases qui, plus tard , lui ont été
amèrement reprochées. Ainsi, il qualifiait sim-
plement les cruautés reprochées à Joseph Lc-
bon de formes un peu acerbes. Mais on a dé-
naturé ses paroles quand on a prétendu qu'il
avait appliqué aux ennemis intérieurs la fa-
meuse phrase : Il n'y a nue les morts qui ne
reviennent pas. Ces paroles se trouvent dans
le rapport du 7 prairial an II, sur les crimes de
BAR
l'Angleterre envers le peuple français; elles
s'appliquaient exclusivement aux Anglais, qui,
il ne faut pas l'oublier,nous faisaient une guerre
à mort : « Si, l'année dernière, au siège de Dun-
kerque, le traître Houchard... avait exterminé'
tous les Anglais... ils ne reviendraient pas,
cette année, insulter nos frontières : il ny a
que les morts qui ne reviennent pas. » Depuis
le 31 mai 1793, époque où commence vérita-
blement la redoutable puissance du Comité de
salut public, Barère, jusque-là flottant, s'é-
chauffe au contact de ses audacieux collègues,
et partage leur exaltation. Dénoncé aux jaco-
bins pour sa conduite passée, il trouva dans
Robespierre .un défenseur, et il se montra re-
connaissant envers lui en appuyant ses vues
dans le comité. Le 7 thermidor, au moment
où l'orage commençait à. gronder sur la tête
de Robespierre, il osait encore parler en sa
faveur, à la tribune de la Convention ; il de-
manda même, le lendemain , l'impression de
son fameux discours. Aller plus loin, c'était
se perdre : il se hâta de revenir sur sa pro-
position ; puis il se tint dans une réserve pru-
dente tant que la lutte fut incertaine. Il en
avait fait assez pour obtenir la grâce de Ro-
bespierre, si celui-ci triomphait, et pas assez
pour être sacrifié, dans le cas contraire. En
effet, Saint-Just, dans son fameux discours du
9 thermidor au matin, attaque violemment
Collot et Billaud, ses collègues au Comité de
salut public, mais épargne Barère. Ce dis-
cours est le signal de l'explosion : Tallien
commence l'attaque contre le tyràn-x Billaud-
Varenne lui succède; Robespierre est perdu:
on ne veut plus l'entendre. Pendant qu'on le
repousse de la tribune par les cris répétés : A
bas le tyran! on y appelle Barère, qui appa-
raît tout à coup pour faire un rapport au nom
du comité de Salut public. On a prétendu qu'il
avait deux rapports dans sa poche, l'un pour,
l'autre contre Robespierre, pour lire celui-ci
ou celui-là, suivant la chance de la lutte.
C'est une pure supposition, autorisée, il est
vrai, par la couardise de son caractère. lia
vérité est que, dans le rapport qu'il lut, il
n'attaque ni ne défend Robespierre. Il y fait
l'apologie des comités de gouvernement, ac-
cuse la commune d'une manière vague, de-
mande, sans le nommer, la destitution d'Hen-
riot, et termine en lisant un projet de procla-
mation pour inviter les habitants de Paris à
se rallier a la Convention nationale. Ce n'est
qu'une heure après, que Robespierre, s'épui-
sant en efforts pour ootenir la parole, fut dé-
crété d'accusation avec ses amis. Dans la
séance du soir, nouveau rapport do Barère.
n Elle a donc éclaté, s'écrie-t-il, cette horrible,
conjuration! » La commune est en pleine ré-
volte, il la stigmatise; mais Robespierre, qui
y siège, il ne le nomme pas, car le combat
qui va se livrer est encore incertain. Le len-
demain matin, 10 thermidor, quand la com-
mune est vaincue, que Robespierre et ses amis
sont garrottés, Barère lit un troisième rapport,
et, cette fois, il n'a plus de ménagements à
garder. • Un seul homme, dit-il, a manqué
de déchirer la patrie ; un seul individu a man-
qué d'allumer le feu de la guerro civile et de
flétrir la liberté. » Ne saisissant pas la véri-
table signification d'un mouvement qu'il n'a-
vait fait que suivre, il pensait que la force du
gouvernement révolutionnaire allait être cen-
tuplée, « depuis que le pouvoir, remonté à sa
source, avait donné une âme plus énergique à
des comités mieux épurés. » Il dut renoncer
à ses illusions dès le jour suivant : la Con-
vention accueillit défavorablement la propo-
sition qu'il fit de maintenir Fouquier-Tinvillo
à la tête du tribunal révolutionnaire, et de
confirmer les comités dans leurs anciens pou-
voirs, en leur adjoignant seulement des mem-
bres pour remplacer ceux qui venaient de
monter sur l'échafaud. Attaqué par Lecointe ,
le 12 fructidor, bien que la dénonciation fût ■
déclarée calomnieuse, il se retira du Comité
de salut public. Il se vit dénoncé plusieurs
fois, avec ses anciens collègues, et enfin'con-
damné à la déportation. Après le soulèvement
du ici prairial an III, la Convention ordonna
qu'ils seraient traduits devant le tribunal crimi-
nel de la Charente-Inférieure; mais déjà Bil-
laud-Varenne et Collot d'Herbois avaient été
transportés de Rochefort à Cayenne, et cette
circonstance fit ajourner la procédure. Barère,
détenu dans les prisons de Saintes, parvint à
s'évader. Ses compatriotes l'élurent, en 1795,
au conseil des Cinq-Cents, qui cassa l'élection.
Il se tint caché jusqu'au 18 brumaire. Alors,
sur l'invitation de Fouché sans doute, il écri-
vit un certain nombre d'ouvrages en faveur
du premier consul, et surtout contre les An-
glais. Sous l'empire . il ne s'occupa que de
littérature. Pendant les Cent-Jours, il siégea
à la Chambre des représentants, où on le vit
insister pour qu'une déclaration des droits de
l'homme fût placée en tête de la constitution.
Exilé comme régicide en 1816, il vécut en
Belgique pendant toute la Restauration. En-
core élu député en 1832, il vit son élection an-
nulée pour vice de forme. Les électeurs de
son département le nommèrent alors conseiller
général, fonctions dont il se démit en 1840.
Barère a beaucoup écrit, et, quoique ses
ouvrages soient peu lus aujourd'hui , nous
allons en donner la liste complète, dans l'ordre
même où ils ont été publiés : Eloges de Mon-
tesquieu, de J.-J. Rousseau, de Louis XII, de
d'Amboise,de Séguier (1.789); Esprit des séances
des états généraux (in-S°, 1789) ; Opinion sur le
jugement de Louis XVI (in-8», 1792); Jléponse
à Dubois-Crancé (in-8<>, 1795); Montesquieu
BAR
BAR
BAR
BAR
235
peint d'après ses ouvrages (m-8°, 1797) ; De la
Pensée au gouvernement républicain (in-8°5
1797); la Liberté des mers, ou le gouvernement
anglais dévoilé (3 vol. in-8<> , 1798); Lettre
d'un citoyen français , en réponse à lord
Grenville (in-8° , 1800); Réponse d'un répu-
blicain français au libelle de sir Fr. d'Yver-
nois contre le premier consul (in-8o, 1801) ;
Lettres politiques, commerciales et littéraires
sur l'Inde (in-8°, 1801) ; Essai sur le gouverne-
ment de Rome (traduit de l'anglais, in-so, 1802) ;
les Beautés poétiques d'Ed. Young (traduc-
tion avec texte anglais en regard, in-8°, 1804);
les Veillées du Tasse (traduction entièrement
littérale, in-8°, 1804); Les Anglais au xix<= siè-
'cle (in-12, 1804); Conduite de la maison de
Bourbon pendant l'émigration (in-8°, 1804);
les Chants de Tyrtée (traduit de l'italien,
in-8o, 1805 et 1806); Histoire des révolutions
de Naples depuis 1789 jusqu'en 1806 (in-8») ;
Cinq Nouvelles athéniennes, sybarites, italien-
nes (2 vol. in-18, 1808); Voyage de Platon
en Italie (traduit de l'italien, 3 vol. in-3°, 1807);
la Vie de Cléopâtre, par J. Landi (traduit de
l'italien, in-8°, 1808) ; Esprit de JWme Necker
(in-8° , 1808); Géo- chronologie de l'Europe
(traduit de l'anglais , in-8°, 1810) ; Nouveau
Voyage enTurquie (traduit de l'anglais, in-8°,
1812); les Epoques de la nation française et
les quatre dynasties (in-8°, 1815); Théorie de
la constitution de la Grande-Bretagne ou de
ses trois .pouvoirs séparés et réunis (1815);
C on si députions sur la Chambre des pairs, etc.,
(in-8°^l815). Barère a aussi fourni des arti-
cles-^au Journal de Paris, et, sous le gouver-
p.-ement impérial, il a rédigé un journal anti-
'oritannique sous le titre de the Argus. Enfin,
H. Carnot a publié en 1842, 4 vol. in-8°, les
Mémoires de Barère; mais ces mémoires n'ont
rien appris de nouveau sur l'homme lui-même
ni sur le temps où il a vécu.
BARÈRE (Jean-Pierre), de la famille du fa-
meux conventionnel, né a Tartes en 1758,
remplit quelques fonctions judiciaires, siégea
au conseil des Cinq-Cents, et fut nommé par
Bonaparte, en 1S00, membre de la municipa-
lité de Paris, puis conseiller de préfecture.
Il était, en 1815, vice-président du tribunal de
•première instance de Tarbes.
' BARESTE (Eugène), littérateur français, né
à Paris le 5 août 1814, mort au même lieu le
S juin 1861, débuta à vingt ans par une Bio-
graphie des hommes du peuple (1834 ;2« édit,
1852), opuscule qui eut quatre tirages succes-
sifs. Envoyé par le ministère en province, il
rédigea pendant quelques mois le Journal de
l'Aube (1836), revint à Paris et aborda la cri-
tique d'art dans plusieurs recueils : Y Artiste,
le Journal général de France et la Revue du
xixe siècle. En 1840, il fonda l'Almanach pro-
phétique, et prétendit expliquer les prophéties
de Nostradamus ; il a donné à cette publica-
tion, qui s'est poursuivie d'année en année et
jouit encore d'une certaine vogue, des calculs
bizarres, des prédictions curieuses, et des nou-
velles, parmi lesquelles nous rappellerons la
Marquise de Brinvilliers, souvent réimprimée.
L'année suivante, parut sous son nom une tra-
duction de l'Iliade et de l'Odyssée, Illustrée
par Célestin Nanteuil. Eugène Baruste, qui a
fourni des articles à diverses entreprises de
librairie, a fait paraître, le soir même du
24 février 1848, sous le titre de la République,
le premier journal de la révolution, journal
qu il sut assez adroitement maintenir dans les
voies constitutionnelles jusqu'au coup d'Etat
du 2 décembre, qui le supprima en mémo
temps que toutes les autres feuilles républi-
caines. Eugène Bareste subissait, a cette épo-
que, à la Conciergerie, une récente condam-
nation à la prison pour un délit de presse; il
dut à cette circonstance peut-être de n'avoir
pas été expulsé de France, comme tant d'écri-
vains le furent alors. Sorti de prison, il aban-
donna le j ournalisme et se jeta dans les affaires
■industrielles, au service desquelles il mit toute
son intelligence.
BARET s. m. (ba-rè). Cri de l'éléphant et
du rhinocéros. Il On dit plus souvent barrit.
BARET (Jean), jurisconsulte, né à Tours en
1511, fut conseiller au présidial de cetts ville
et lieutenant général du siège de Loches. 11 a
écrit les ouvrages suivants : le Style de Tou-
raine (Tours , 15SS) ; Coutumes du duché et
bailliage de Touraine (1591). — Son petit-fils,
René Baret, maître d'hôtel du roi, a fait pa-
raître un traité assez remarquable pour le
temps : De la Parfaite Connaissance des che-
vaux et de toutes leurs maladies (Paris, 16Gl)
BARET (Nicolas), publiciste et homme poli-
tique, né près de Boulogne-sur-Mer, mort en
1799. Il se fit d'abord connaître en publiant
des vers adressés à l'archevêque de Malines
et un écrit sur les francs-maçons. En 1785, il
fonda le Courrier de l'Escaut, journal qui eut
un grand succès, et qui est devenu ensuite le
Courrier belge. Il écrivit ensuite contre Lin-
guet, collabora aux Ephémérides de l'huma-
nité, puis aux Annales de la monarchie. Lors-
que Dumouriez fut entré sur le territoire
belge, Baret prit une part active au mouve-
ment révolutionnaire et présida quelque temps
le club des jacobins de Bruxelles. Plus tard, il
fut membre du Comité de sûreté générale, ac-
cusateur public à Anvers, puis au tribunal
criminel de la Lys, et enfin député au conseil
des Anciens. Après le 18 brumaire, il remplit
une mission politique dans le département du
Nord. On le nomma membre du Tribunat pen-
dant son absence, et, comme il revenait à Paris
pour occuper cette nouvelle fonction, il mourut
a Valenciennes.
BARET (J.), mathématicien , professeur à
l'école centrale de Nantes, mort en 1814. Il a
publié : Mémoire sur les deux trigonométries ;
Résolution des problèmes de l'astronomie nau-
tique; Calcul des longitudes de mer, etc.
BARET DE LA GALANDBR1E (Jacques), lit-
térateur et magistrat, né à Tours en 1579,
mort vers 1650. Il a publié un livre curieux :
Le Chant du coq françois au roy, où. sont rap-
portées les prophéties d'un hermite allemand
(Paris, 1621). Dans la première partie, il en-
gage Louis XIII a faire la guerre aux Turcs ;
dans la seconde, il rapporte de prétendues ré-
vélations relatives au triomphe de l'Eglise sur
le protestantisme.
BARÉTER v. n. ou intr, (ba-rc-té — rad,
baret. Change l'é fermé du rad. en è ouvert
devant une syllabe muette, excepté au futur
et an conditionnel). Crier, en parlant de
l'éléphant ou du rhinocéros : L'éléphant ba-
rète aussitôt qu'il est contrarié.
barétie s. f. (ba,-ré-tî). Bot. Genre de la
famille des méliacées. Syn. de Quivisie.
BARETO (le P. Melchior Nunez), mission-
naire portugais, né à Porto en 1520, mort en
1571. Il entra dans la compagnie de Jésus,
partit pour les Indes, fut reçu a Goa par
saint François-Xavier, et devint, dans la
suite, provincial des Indes. Il visita Malacca,
le Japon, la côte de Coromandel, les Etats du
roi de Bungo, et convertit, dit-on, un évêque
nestorien qui, dans le Malabar, entravait la
propagande catholique. On a de ce hardi mis-
sionnaire des lettres intéressantes, parmi les-
quelles on recherche surtout celle qui retrace
la mort de saint François-Xavier. Elle a été
imprimée à Louvain en 1570.
BARETOUN (al), ville d'Afrique, sur la Mé-
diterranée, à 245 kil. O. d'Alexandrie, sur la
frontière du Barca, le Parœtonium des Ro-
mains. Ruines antiques.
BARETTE s. f. (ba-rè-te). Techn. Pièce qui
sert à faire adhérer le crochet du ressort à la
virole, dans une montre, il Pièce de fonte qui
retombe d'elle-même devant la bouche d'un
four, quand la chaleur est trop forte, et qui
modère la consommation du combustible en
diminuant la quantité d'air fourni à la com-
bustion.
BARETTI (Joseph), littérateur et poëte ita-
lien, né a Turin en 1716, mort a Londres en
1789. Son père le destinait au barreau; mais,
comme il n'avait aucun goût pour l'étude des
lois, il trouva moyen de se placer chez un
riche négociant de Guastalla, où il se lia avec
le poëte Cantoni, qui l'engagea à cultiver les
belles-lettres. Plus tard, il ouvrit un cours de
langue italienne à Turin, puis il alla professer
cette même langue en Angleterre. En 1772,
il fut nommé secrétaire de l'Académie des
arts, pour la correspondance étrangère. Ses
principaux ouvrages sont : une traduction en
italien du théâtre de Pierre Corneille ; Poésie
piacevoli; Fetonte sulle rive del Po, compo-
nimento drammatico ; Dei Rimedj d'amore d'Ovi-
dio volgarizzati ; Li tre libri degli Amori d'O-
vidio -volgarizzati ; Account of manners and
customs of Italy ; Dizionario italia'no-inglese
e inglese-italiano, con una grammatica per le
dette lingue; Travels through England, Portu-
gal, Spain and France; Introduction to the
most useful european languages, consisting of
sélect passages from the most celebrated en-
glish, french, it'alian and spanish authors; un
recueil intitulé Pamphlets, en anglais, et un
Projet pour avoir un opéra italien à Londres
dans un goût tout nouveau.
BAREUILLE (M'iu), graveur au pointillé,
travaillait à Paris vers 1780. Elle a gravé,
d'après Angelica Kauffmann : Eléonore suçant
la blessure d'Edouard I", roi d'Angleterre, et
Elisabeth Grey demandant à Edouard IV la
restitution des biens de son mari.
BAREUTH ou BARE1TH (Frédérique-Sophie
Wilhelmine , margrave de), princesse née à
Potsdam en 1709, morte en 1758. Elle était la
sœur chérie du grand Frédéric. Son enfance
et sa première jeunesse furent très-malheu-
reuses, à cause des mauvais traitements qu'elle
eut à subir de Frédéric-Guillaume 1er, son .
père, qui la traitait avec une véritable bruta-
lité, ainsi qu'on le voit dans ses Mémoires. Ce-
pendant, elle montra de bonne heure des dis-
positions extraordinaires pour l'étude, et elle
acquit une instruction solide, qui faisait l'ad-
miration de Voltaire. En 1731, elle épousa ie
ïils du margrave de Bareuth. Frédéric II
avait pour elle une affection extraordinaire ; il
la consultait souvent et se trouvait bien de
suivre quelquefois ses avis. Elle mourut le
jour même où il perdit la bataille de Hochkir-
chen ; la douleur qu'il en éprouva fut si grande
qu'il voulut que Voltaire composât une ode
pour célébrer les vertus et les grandes qua-
tités de cette princesse ; Voltaire s'empressa
de satisfaire le désir du roi de Prusse, la pièce
de vers qu'il écrivit à ce sujet commence
ainsi :
Ombre illustre, ombre chère, âme héroïque et pure.
La margrave de Bareuth a laissé des Mémoi-
res écrits de sa main, en français ; ils ont été
publiés plus tard et ont eu, en France, plu-
sieurs éditions, dont la dernière à paru en
1813, 2 vol. in-8".
BAREZZl ou BAREZZO, imprimeur et savant
italien, né à Crémone, vivait dans la première
moitié du xvn« siècle. Il était établi à Venise.
Outre des éditions estimées, il a donné des
ouvrages historiques et littéraires qui ne sont
pas sans mérite, ainsi que quelques traduc-
tions de l'espagnol. — Son fils , François ,
vicaire général de l'évêque de Torcello, a pu-
blié des ouvrages de théologie et de lexico-
graphie.
BARFKNECHT (Christophe), théologien al-
lemand, né en 1657 , mort en 1739. On cite
parmi ses ouvrages : l'Orateur classique (Ber-
lin, 1686).
BARFLEUR, Barofluclum, bourg et com-
mune de France (Manche), cant. de Quette-
hou, arrond. et à 25 kil. N.-E. de Valognes,
sur le bord de la mer, avec un petit port ou-
vert aux bâtiments de trois à. quatre cents
tonneaux; 1,304 hab. Construction de barques ;
bains de mer. Commerce de bois, fers, cidre,
légumes. Beau phare à feu tournant, d'une por-
tée de 25 kil. et appelé phare de Barfleur ou
de Gotteville. Le mouvement du port, autre-
fois un des meilleurs de la Normandie et au-
jourd'hui en partie comblé par les sables, a
présenté, en 1861, les chiffres suivants : entrée,
27 navires jaugeant ensemble 889 tonneaux ;
sortie, 31 navires d'un tonnage total de
1,034 tonneaux.
Barfleur fut une ville très-importante au
moyen âge; c'est là que Guillaume le Conqué-
rant réunit la flotte avec laquelle il alla
conquérir l'Angleterre. Prise et ruinée par
Edouard III, en 1346, cette vitie sortit de ses
.ruines ; mais, au xvi<= siècle, elle vit démolir ses
fortifications par ordre de Henri IV.
BARFOD ( Paul - Frédéric ) , publiciste et
historien danois, né en 1811 dans le Jut-
land, auteur de l'Histoire du Danemark et de
la Norwége sous le règne de Frédéric III,
et d'autres travaux historiques, est un des
principaux apôtres de la doctrine de fusion en
un seul peuple des trois familles Scandinaves :
Suède, Norvège et Danemark. En 1839, Bar-
fod a fondé, pour atteindre ce but, une revue
trimestrielle, Brage-og-Idun , où il invitait
tous les écrivains à" se lancer dans la voie de
la politique de l'avenir. Cette publication n'a
pas eu tout le retentissement qu'il en espé-
rait.
BARFOUL s. m. (bar-foul — de l'esp. bar-
fol, pagne). Comm. Etoffe fabriquée par les
nègres de la Gambie.
BARFUS (Jean-Albert, comte de), général
prussien, né en 1631, mort en 1704. Il prit part
a la campagne du Rhin, en 1688, conduisit
l'année suivante cinq mille hommes au secours
du duc de Lorraine, et commanda, en 1691, un
corps d'armée auxiliaire contre les Turcs , en
Hongrie. Des intrigues de cour l' éloignèrent
du service militaire en 1699.
BARGAG1.1 (Celse), jurisconsulte italien de
la seconde moitié du xvie siècle. Il doit sa ré-
putation à un livre intitulé : Commentarius de
dolo malo (Francfort, 1604, in-fol.).
BARGAGLI (Jérôme), jurisconsulte et litté-
rateur italien, mort en 15S6. Frère de Celse
Bargagli, il professa le droit civil à Sienne,
fut ensuite auditeur de rote à Gênes, puis re-
vint à Sienne, où il exerça la profession d'a-
vocat. On lui doit : Dialoghi de' giuochi c/ie
nelle vegghie Sanesi si usano di fare. Il com-
posa aussi une comédie en yrose,la,Pellegrina,
qui fut représentée à Florence en 1589, dans
les fêtes auxquelles donna lieu le mariage de
Ferdinand de Médicis, et qui, plus tard, fut
imprimée a Sienne et à Venise. Jérôme Bar-
gagli était membre de l'académie des Intro-
nati de Sienne.
BARGAGLI (Scipion), écrivain italien distin-
gué, mort en 1612. Il jouit de la faveur de
l'empereur Rodolphe II, qui le créa chevalier
et comte palatin. Il devint, comme son frère
Jérôme, membre de l'académie des Intronali.
On lui doit ; Orazione délie lodi délie acadé-
mie, discours prononcé à Sienne devant l'aca-
démie des Accesi ; Orazione délia morte di
monsign. Alessandro Piccolomùiî , arcivescovo
diPatrasso ed elettodi Siena ; I Trattenimenti
dove davaglie donne e giovanni uomin'i rappre-
sentati sono onesti e dilettevoli giuochi, nar~
rate novelle, e cantate, alcune amorose can-
zan'ette; Le Imprese; I Rovescj délie medaglie;
Jephté, traduit du latin de Buchanan ; Il Tu-
ramino, ovvero del partare e dello serivere
sanese.
BARGAIN s. m. (bar-ghain). Autref. Mar-
ché.
BARGAS (A.-F.), peintre belge, né à Bruxel-
les vers 1690. Ses productions, dispersées en
divers musées, se composent de paysages,
fêtes champêtres, foires, etc. — Il ne doit pas
être confondu avec le graveur français Marc
Bargas, né à Toulouse vers 1659, et qui re-
produisit des tableaux de l'école hollandaise.
BARGE s. f. (bar-je — bas lat. barga,
même sens). Mar. Bateau plat à voile carrée.
Il Bateau pêcheur à fond rond, bordé à dix,
en usage sur la Loire, 11 A Londres, Embar-
cation fournie par l'Etat à quelque personnage
public : La barge du lord maire, n Grande
pirogue de çuerre des Antilles, il A signifié
barque, en général.
— Agric. Meule de foin ou tas de menu
bois, il Fenil au-dessus des établcs.
— Ornith. Genre d'oiseaux échassiers, de la
famille des longirostres, à bec mou et flexible,
comprenant un petit nombre d'espèces, dont
deux européennes, qui vivent dans les ter-
rains marécageux et se nourrissent de vers .
Les barges voyagent beaucoup (Buff.) La
barge doit rester dans ses marais, l'alouette
dans ses sillons, la fauvette dans ses bocages.
(Buff.) Les barges sont d'assez grands oiseaux,
très-haut montés sur pattes et à bec trèSrlong.
(Lafresnaye.) Les barges sont très-farouches,
et s'enfuient précipitamment au moindre dan-
ger, en jetant un cri comparable au bêlement
étouffe d'une chèvre. (D. de Ste-Croix.)
— Ichthyol. Nom vulg. du carrelet.
— Encycl. Ornith. Dans la classification
adoptée par Cuvier, le genre barge appartient
à l'ordre des échassiers, famille des longiros-
tres. Brisson lui a donné le nom latin de limosa,
que Vieillot a changé en limicula. Pour Char-
les d'Orbigny, ce genre fait partie de la fa-
mille des scolopacidées, sous-famille des to ta in-
nées. Linné rangeait ces oiseaux dans le genre
scolopax. Ils ont pour caractères : bec allongé,
cylindracé, recourbé en haut, flexible, déprimé
vers la pointe; mandibules sillonnées ; narines
longitudinalement fendues dans le sillon et
percées de part en part; pieds longs et grêles;
quatre doigts, dont quelques-uns sont réunis
■par une membrane; rémiges de longueur mé-
diocre, mais dont la première et la seconde
sont plus longues que les autres; queue
courte.
Ces oiseaux sont sujets à une double mue,
et, chaque fois, ils changent complètement de
couleur. Les femelles pondent des œufs très-
gros par rapport au volume de leur corps. Le
mâle est plus petit que la femelle. Ils vivent
dans le voisinage des marais, surtout des ma-
rais salés, et près de l'embouchure des fleu-
ves. Ils fouillent dans la vase ou dans le sable
mouvant, pour y saisir avec leur bec de petits
crustacés ou des vers. On connaît trois es-
pèces européennes : la barge à queue noire
(limosa melanura) ou barge commune ; la barge
rousse [limosa rufa), barge aboyeuse ou à queue
rayée de Cuvier; et la barge de Meyer (timosa
Meyeri). On trouve dans l'Amérique méridio-
nale la barge marbrée [limicula marmorata de
Vieillot, appelée aussi barge fédoa), et en Asie
la barge à pieds palmés (limicula indiana de
Less., scolopax terek de Latreille, ou cinerea
de Gmel.) ; cette dernière espèce, beaucoup plus
petite que les précédentes, forme le genre
terekia de Bonaparte, et Horsfield l'a décrite
sous le nom de tringa javauica.
BABGE ou BARGA, ville du roy. d'Italie,
Piémont, à 16 kil. N.-O. de Saluées, sur le
Grandon, 4,000 hab,; collège, fabrique d'ar-
mes, exploitation d'ardoises,
BARGEDÉ (Nicolas), littérateur, né à Ve-
zelay (Nivernais), vivait dans le xvi<= siècle,
fut avocat et ensuite, président au présidial
d'Auxerre. Il a composé des poésies qui an-
noncent une imagination triste et mélanco-
lique, et dont les sujets ordinaires sont les
misères de l'homme, la mort des grands et
des rois, etc. Les plus connues sont: le Moins
que rien , Fils aine de la terre (c'est-à-diro
l'homme), poëme (Paris, 1550); Odes pénitentes
du Moins que rien (1550) ; Arrêt des trois es-
prits sur le trépas du prince Claude de Lor-
raine, duc de Guise (1550).;
BARGELADE. V. Barjelade.
BARGEMONT, village de France (Var), ar-
rond. et à 12 kil, N.-E. de Draguginan; sur
l'emplacement d'une ancienne ville romaine où
l'on découvre chaque jour des médailles, des
urnes cinéraires, et autres antiquités. Patrie
de Moréri,
BARGES (l'abbé Jean- Joseph Léandre),
orientaliste, né à Auriol (Bouches-du-Rhône)
en 1810. Il fut successivement professeur
d'arabe à Marseille, professeur de langues
orientales à la faculté de théologie de Paris,
enfin chanoine honoraire de Notre-Dame de-
puis 1860. On a de lui beaucoup de mémoires,
de dissertations, de traductions, etc. ; nous ci-
terons : Temple de Baal à Marseille ou Grande
inscription phénicienne, découverte dans cette
ville en 1845 (Paris, 1847, in-S°); Aperçu his-
torique sur l'Eglise d'Afrique, etc. (184S);
Mémoire sur deux inscriptions puniques, décou-
vertes dans Vile du Port-Cothon û Carthage
(1849) ; Mémoire sur trente-neuf nouvelles in-
scriptions puniques expliquées et commentées
(1852) ; les Samaritains de Naplouse (1855) ;
Inscription phénicienne : nouvelle interpréta-
tion (1858). Parmi ses traductions, nous cite-
rons celles des Commentaires sur les psaumes,
deRabbi Yapheth,en latin (1846) ; de 1 Histoire
des Béni Zeiyan, rois de Ttemcen (1852) et du
Livre de Ruth (1854).
BARGETON (Daniel), jurisconsulte et publi-
ciste, né à Uzès vers 1678, mort en 1757.
Avocat au parlement de Paris et jouissant de
la confiance du duc et de la duchesse du Maine,
il fut impliqué dans la conspiration de Cella-
mare et emprisonné quelque temps à la Bas-
tille; mais son innocence fut reconnue, et il
fut rendu a la liberté en mai 1719. Le contrô-
leur des finances Machault ayant formé le
dessein de faire contribuer le clergé aux char-
ges publiques autrement que par ses maigres
dons gratuits, s'adressa àBargeton pour l'en-
gager à éclairer l'opinion publique à ce sujet.
Toucher aux biens du clergé, l'obliger à sup-
porter sa part des charges do la société, quand
il considérait comme un droit sacré do n'en
236
BAR
recueillir que les avantages, c'était violer le |
saint des saints. Bargeton n'avait aucune con-
fiance dans le succès d'une telle entreprise. ,
« J'ai la promesse du roi, dit Machault. — Il y i
manquera, » répondit Bargeton. Et l'événe- !
ment justifia cette prédiction. Cependant l'é-
minent jurisconsulte rédigea dans ce sens les
lettres Ne repugnate vestro bono, ainsi appe-
lées du passage de Sénèque qui leur sert d'é-
pigraphe. C'est un ouvrage judicieux .et pro-
fond, que l'influence du clergé fit supprimer,
mais qui fut réimprimé à Amsterdam dans la
même année (1750), et qui fit une vive impres-
sion sur l'esprit public.
BARGIEL s. m. (bar-ji-èl). Ornith. Nom de
la mésange bleue en Pologne.
BARGINET (Alexandre-Pierre), littérateur,
né a Grenoble en 1797, mort en 1843. Il fut,
pendant une partie de sa vie, un des écrivains
les plus chaleureux de l'opinion bonapartiste.
Outre une collaboration très-assidue aux jour-
naux politiques, il a donné des romans pleins
d'intérêt sur les traditions du Dauphiné, no-
tamment le Roi des montagnes ou les Compa-
gnons du chêne; quelques pièces de théâtre;
des pamphlets, dont un intitulé : Histoire vé-
ritable de Tchen-Tcheouli , mandarin lettré,
premier ministre et favori de l'empereur
Tien-Ki (histoire du ministre Decazes et de.
son ministère) , valut à son auteur une con-
damnation à quinze mois de prison et 3,000 fr.
d'amende ; une Histoire du gouvernement féo- -
dal ; une foule d'articles dans divers re-
cueils, etc. Certains travaux, préfaces, édi-
tions, etc., publiés sous le nom de Ch. Nodier,
par suite d'arrangements de librairie, étaient,
en réalité, de Barginet.
BARGOUZ1NSK, ville de la Russie asiatique,
cli.-l. du district du même nom, et a 350 kilom.
N.-E. d'Irkoutsk, sur la Bargouzine, affluent
du Baïkàl. Dans les environs, sources ther-
males et bains ; lacs amers qui fournissent
les sels purgatifs de Sibérie.
bargue s. f. (bar-gho). Econ, agric. In-
strument de bois pour broyer lo chanvre.
BARGUETTE s. f. (bar-ghè-to — dim. de
barge). Bateau plat servant de bac.
Barguignage s. m. (bar-ghi-gna-je; gn
mil. — rad. barguigner). Fam. Hésitation,
lenteur à se décider : Allons! pas tant de
BARGUIGNAGE.
barguigner v. n. ou intr. (bar-ghi-gner;
gn mil. — du bas lat. barcaniare, marchander),
Pam. Rester longtemps à se déterminer : A
quoi bon tant barguigner et tant tourner au-
tour du pot? (Mol.) Nous ne barguignons
point, comme vous voyez ; nous allons ronde-
ment. (Mariv.) Caroline se lève, en rejetant les
couvertures; elle tient à vous montrer qu'elle
peut se lever sans barguigner. (Balz,) Si lu
BXRCuiGKiis, je croirai que tu as le cœur engagé.
(G. Sand.)
Il n'est plus temps qu'avec moi l'on barquitjnc:
Prends-lui la main, qu'il paraphe et qu'il signe.
Voltaire.
BARGUIGNEUR, EUSE s. (bar-ghi-gnour,
eu-ze; gn mil. — rad. barguigner). Pam. Per-
sonne lente à. se déterminer : Quelle bargui-
gneuse 1 Je n'aime pas les barguigneurs.
BARGUILLE s. f. (bar-ght-llo; Il mil.).
Nom vulgaire de la chènevotte.
BAR11AM (Richard Marris), écrivain anglais
plus connu sous son pseudonyme littéraire
Thomas Ingoldsby, naquit à Cantorbéry en
1788, mourut à Londres en 1845. Il fut élevé, à
l'école de Saint-Paul, d'où il entra au collège
de Brazenose, à Oxford, où il prit ses degrés.
11 a été l'un des collaborateurs les plus assidus
des principales publications périodiques an-
glaises, principalement de la Revue d'Edim-
bourg et du Êlackwood-Afagazine ; mais ses
œuvres les plus populaires ont été publiées
dans les Miscellanées de Bentley. Ce sont les
légendes d'Ingoldsby; un roman, Mon cousin
Nicolas, et des articles publiés dans le Dic-
tionnaire biographique de Gorton. Il était lec-
teur de théologie ii Saint-Paul de Londres.
BARHAMPOBR. Y. Berhampour.
barhare s. f. (ba-ra-re). Bot. Syn. do
wormie.
BARHARHA s. m. (ba-ra-ra). Bot. Arbre
de Madagascar.
BARHEIM s. m. (ba-rèmm). Nom sous le-
quel on désigne une race de chevaux très-
célèbre en Arabie et particulière aux îles de
Barheim : La race des chevaux du Barheim
est si estimée, qu'elle a occasionné entre deux
tribus de cette contrée une guerre sanglante qui
dure depuis cinquante ans. Il On écrit aussi
bahreim. V. ce mot.
BARI s. m. (ba-ri). Mamm. Espèce de singe
de la province de Sierra-Leone, qui se rap-
proche do l'homme par ses formes, et mémo
par son caractère.
— Encycl. Les baris, qui atteignent une taille
tres-èlevèe, montrent une sagacité si grande ot
un instinct si docile que, lorsqu'on les élève et
qu'on les instruit dès leur enfance, ils rendent
les mêmes services qu'une personne; qu'ils mar-
chent ordinairement sur les deux pattes de der-
rière ; qu'ils manient adroitement le pilon, et
broient dans u^ mortier, à l'aide de cet instru-
ment, ce qu'on leur donne à piler ; qu'ils vont
puiser de l'eau à. la rivière dansde petites cru-
ches et qu'ils les rapportent sur leur tête; mais
uu'aiTivcs sur lo seuil de la porte, si on ne les
BAR
débarrasse de ce fardeau, ils le jettent à terre;
puis, qu'en voyant la cruche vidée et brisée,
ils se mettent a pleurer et à se lamenter.
BARI s. f. (ba-ri). Mytli. Nef sacrée des
Egyptiens: La momie fit cette promenade funè-
bre qu'elle avait accomplie, du temps de Moïse,
dans une bari peinte et dorée. (Th. Gaut.)
BARI, le Barium des Romains, ville forte
de l'Italie méridionale, ch. -1. de la province
de Bari, dans l'ancien royaume de Naples;
21,500 hab. Port ensablé, sur l'Adriatique,
archevêché, lycée royal et plusieurs institu-
tions littéraires et scientifiques; fabriques de
cotons, de draps, de soieries, de savon et de
verre; préparation de la stomatiea di santa
Scolastica, liqueur en grande réputation dans
tout le royaume. Patrie de Piccini. Il La pro-
vince ou terre de Bari, située entre la Capi-
tanate au N., l'Adriatique à l'E., la terre
d'Otrante au S. et la Basilicateà l'O., est tra-
versée par une ramification des Apennins, et
arrosée seulement par l'Ofanto ; sol plat et
très-fertile, mais il manque d'eaux courantes ;
pas de bois ; vins et fruits renommés, élève de
bétail, salines et pêcheries; climat chaud, et,
malgré cela, salubre. Superficie, 609, 592 hect.;
545,252 hab.
BARICAUT s. m."(ba-ri-kô — dim. de baril).
Petit baril. Il On écrit aussi barriquaut.
BAricot s. m, (ba-ri-ko). Bot. Fruit du
baricotier.
— Comm. Liqueur extraite du même fruit.
BARICOTIER s. m. (ba-ri-ko-tié — rad. ha-
ricot). Bot. Grand arbre à fruits de Mada-
gascar.
BARID s, m. (ba-ridd). Relat. Nom donné
en Perse à une mesure itinéraire équivalant
k une poste.-
BARIDE s. m. (ba-ri-dc — du gr. baris,
vaisseau ; idea, forme). Entom. V. Baridiis.
BAR1DIE s. m. (ba-ri-dî — du gr. baris,
baridos, navire). Entom. Genre d'insectes
coléoptères tétramères, de la famille des cha-
rançons, comprenant plus de cent espèces,
qui vivent pour la plupart dans l'Amérique
du Sud et en Europe, n On dit aussi baride
et baris.
BAR1DCNUM, ville de l'ancienne Dalmatie,
aujourd'hui Vertiea.
BARIE S. f. (ba-rî — du gr. barus, bareia,
grave). Gramm. gr. Accent grave, il Très-peu
usité.
BAR 1ER { François - Julien ) , graveur en
pierres fines, né à Paris en 1680, mort dans la
même ville en 1746. Il avait une habileté ex-
traordinaire pour graver, soit en creux, soit
en relief, sur des cornalines ou sur d'autres
pierres fines. Il représentait ainsi des por-
traits, des animaux, des compositions tra-
vaillées avec un soin extrême, et quelquefois
dans des proportions microscopiques. Il ne
lui a manqué, dit l'abbé de Fontenay, qu'une'
plus parfaite connaissance du dessin. Le roi
le nomma son graveur ordinaire.
BARIFFE (Guillaume), écrivain militaire
anglais, vivait dans le xvno siècle. Il a laissé :
Military discipline, plusieurs fois réimprimé,
et dont la dernière édition est de 1G61.
BAR1GA s. f. (ba-ri-ga). Comm. Usité seu-
lement dans la locution bariga de Maure,
Soie que les Hollandais tirent des Indes
orientales.
BARIGEL (ba-ri-jel, ital. barigella, même
sens). Chef des archers, à Rome et dans plu-
sieurs villes $ lis\\c:Jene peux vous mener qiï en
basse Normandie, dit le bamgel. (Volt.) Dans
toutes les villes où je vais, je fais venir les
sbires, le barigel, l'homme de police, et je lui
conte l'aventure. (V. Hugo.) Il On dit aussi ba-
RISEL et DARIZEL.
barigoule s. f. (ba-ri-gou-le). Bot. Nom
provençal de l'agaric du panicaut, champi-
gnon comestible.
— Art culin. Façon d'apprêter les arti-
chauts à l'huilo d'olive : Artichaut; à la bari-
goule. Les artichauts à la barigoule sont ex-
cellents quand ils sont soigneusement accom-
modés avec un coulis bien préparé et de l'huile
d'olive première qualité. Il Plat d'artichauts
accommodes à la barigoule : Le second lieu-
tenant était un homme nourri d'ail, de bari-
goule et de bouillabaisse. (P. Fcval.)
— Encycl. Art. culin. V. Artichaut.
barigue s. f. (ba-ri-ghe). Pèch. Nasse
conique qu'on emploie sur la Garonne, à la
pêche de la lamproie.
BARIL s. m. (ba-ri — ce mot qui a donné
naissance aussi aux variantes barrique et
baratte , est du nombre des termes emprun-
tés par le français aux langues celtiques,
ainsi qu'on peut le voir par la confrontation
des expressions suivantes : en bret. baraz,
baquet, van à battre le beurre ; en gai. baril,
caque, tonneau ; en irland. bairile, ot en écoss.
barail, bairil, même sens). Petite barrique,
petit tonneau : Remplir des barils. Il y avait
dans les barils 30,000 livres de poudre. (Alex.
Dum.) Il Quantité do matière contenue dans
un baril : Un baril d'huile, de vin, d'eau-de-
vie. Un baril de poudre, de sel. 'Un baril
d'anchois, de harengs. Cadix et l'Algérie four-
nirent à l'invincible Armada vingt-trois mille
barils de poisson salé. (V. Hugo.)
— Fam. Gros ventre, ventre rebondi.
BAR
— Métrol. Ancienne mesure de capacité
qui valait à Paris 18 boisseaux ou 235 litres.
Il Mesure d'une valeur variable, suivant les
matières ,- ainsi, le baril de poudre contient
50 kilogr.; le baril de savon, 126 kilogr.; le
baril de harengs, 1,000 do ces poissons, etc. Il
Mesure de capacité en usage dans plusieurs
paysj et dont la valeur varie suivant les lo-
calités. A Raguse, le baril vaut 77 litres 075 ;
à Francfort-sur-le-Mein, 74 litres 225 ; à Cor-
fou, 68 litres 133 ; à Zante, 06 litres 707 ; à
Naples, 41 litres 685 pour le vin, ici litres
959 pour l'huilo ; à Rome, 58 litres 341 pour
le vin, 57 litres 480 pour l'huile; à Gènes,
74 litres 225 pour le vin, 64 litres 657 pour
l'huile ; en Toscane, 45 litres 584 pour le vin,
33 litres 42S pour l'huilé.
— Comm. Lot de 450 feuilles de fer-blanc.
— Techn. Tambour, appareil adapté à une
porte pour la faire fermer, n Chevalet sur
lequel les tonneliers travaillent les barriques.
Il Baril à ébarber, Petit tonneau mobile sur
son axe, dans lequel on fait tourner les balles
de plomb, au sortir du moule, afin que le
frottement en fasse disparaître los bavures
qui restent après que lo jet a été coupé.
— Art milit. Baril à éclairer, Baril rempli
do copeaux de bois bien socs enduits de poix-
rôsine et lardés de lances à feu : Dans l'at-
taque des places, l'assiégé emploie les barils
À éclairer pour illuminer les points voisins de
l'enceinte, sur lesquels l'ennemi dirige ses tra-
vaux, n Baril ardent, Baril rempli de suif, dé
brai gras, d'huile de lin, de térébenthine, do
pulvérin, de brandes et do grenades, dont on
se servait anciennement pour armer les brû-
lots. || Baril foudroyant, Baril rempli de gre-
nades, do poudre et do matières incendiaires,
disposées par couches ot amorcées avec des
fusées à bombes, que l'on roulait autrefois
au bas des brèches, au moment où l'assaillant
montait à l'assaut- Il Baril à poudre, Baril
rempli de poudre et amorcé avec des fusées
à bombes, dont on fait usage aujourd'hui, à
la place du précédent, pour la défense des
broches.
— Jeux, Je vous vends mon: baril, Nom d'un
petit jeu de mémoire qui se joue quelquefois
dans les salons, pondant les longues soirées
d'hiver. Voici en quoi il consiste : La société
s'étant assise on rond, chaque joueur doit ré-
péter, sans y rien changer, une phrase donnée
par l'un d'eux. Cette phrase se compose de
quatre parties : 1» je vous vends mon baril,
bien lié, bien bandé, bien caï-faï-botté ; 2°
si j'avais la Hure, la bàndure, la caï-faï-bot-
ture ; 3" je le lierais, jo lo banderais, je le
caï-faï-botterais ; 4° comme celui qui l'a lié,
bandé, caî-faï botté. D'abord, on ne dit que
la première partie. Quand tout le monde l'a
dite, on la répète en y ajoutant la seconde.
Au troisième tour, on joint la troisième aux
deux précédentes. Enfin, au quatrième tour,
on dit touto la phrase. Le joueur qui hésite
ou qui se trompe paye un gage.
BARILAU s. m. (ba-ri-lo). Ichthyol. Nom
vulgaire d'une espèce de morue, excellent
poisson qu'on pêche dans lo grand Océan, et
particulièrement à l'île de Juan-Fernandez.
BARILE, ville de l'Italie méridionale, ancien
roy. de Naples, dans la Basilicate, au N.-E. de
Potenza ,. 4,000 hab. Ancienne colonie des
Grecs du Bas-Empire.
BARILE (Jean), peintre et sculpteur floren-
tin, vivait dans le xvie siècle. Il se distin-
gua comme sculpteur sur bois, et travailla aux
portes et aux plafonds du Vatican sur les des-
sins de Raphaël. Il fut un des premiers maî-
tres d'Andréa del Sarte.
BARILI (Antonio di Neri) , sculpteur sur
bois et architecte italien , né à Sienne , fioris-
sait de 1485 à 1511. 11 a orné de riches et élé-
gantes sculptures sur Bois la cathédrale de
Sienne et divers palais de cette ville.
BARRIS (Bernard) , jurisconsulte français
du xvnc siècle. Il est connu par un traité De
poteslate legis municipalis in adoenas ( Lyon,
1641). C'est un ouvrage remarquable pour
l'époque où il parut, mais que la législation
moderne a rendu sans intérêt.
BARILLAGE s. m. (ba-ri-lla-je, Il mil, —
rad. baril). Art de constuire les barils ot les
tonneaux, il Mise en barils : Barillage du
vin, de l'huile.
— Mar. Ensemble des barils que porte un
navire : Tout le barillage /W sauvé.
— Ane. législ. Introduction du vin en bou-
teilles, en cruches, en barils d'une contenance
inférieure à un huitième de muid.
BARILLARD s. m. (ba-ri-llar, Il mil. —
rad. baril), s. m. Officier commensal do la
maison du roi, qui était préposé aux soins de
la. cave, et particulièrement à la conserva-
tion des vins en tonneaux et barils, réservés
pour la table du roi. Cet office existait déjà
au xine siècle, car on lit dans une ordonnance
do saint Louis, de 1261, certains détails de
droits dus au barillard. il On disait aussi ba-
rillier.
— Mar. Officier qui était chargé du soin
des barils contenant le vin et l'eau, il Ouvrier
tonnelier dans les arsenaux.
BARILLE s. f. (ba-ri-lle, Il mil. — es-
rii.i.e pour en avoir les cendres, surtout aux
environs de Valence et d'Alicante.
BAR
—Comm. Soude que l'on extrait do la même
plante : La barille est surtout employée, dam
l'industrie, à la fabrication du verre cristal,
du savon blanc, ainsi que dans les teintures en
colon. (Encycl.)
BarillÉ, ÉE adj. (ba-ri-llé II mil. — rad.
baril). Qui sent lé fût. || Frelaté : Vin ba-
bille et viande pourrie.
BAtlILLÈRE (Sieur de la), publiciste fran-
çais du xviiu siècle. Il a publié, entre autres
ouvrages, une étude fort remarquable pour le
temps : Lettres et avis d'Etat sur la naviga-
tion générale en l'association des quatre riviè-
res royales navigables qui dégorgent dans l'O-
céan, avec l'état des difficultés formées depuis,
l'an 1601 jusqu'en 1618.
barillerie s. f. (ba-ri-llc-rî — rad.
baril). Techn. Art du tonnelier, il Endroit où
l'on construit des barils : A Paris, la vieille
rue de la Barii.lerik n'existe plus ; elle a été
absorbée par les nouveaux boulevards.
BARILLET s. m. (ba-ri-llè, Il mil, — dim.
de baril). Petit baril ; Ua barillet d'eau-de-
vie.
— Mar. Boîte de poche, qui renferme l'é-
chelle en parchemin de la circonférence des
cordages et garnitures.
— Techn. Boîte qui renferme un ressort
roulé on spirale, dans une montre ou une
pendule, il Etui qui renferme le cordeau dont
se servent les charpentiers, il PeUtJstui de
bois, qui renferme la jauge des cordjers. il
Bijou en forme de petit baril. Il Vaso à1 demi
rempli d'eau ot d'autres liquides, dans lequel
plongent les tuyaux recourbés des cornues
a gaz, et où s'arrêtent la plupart des vapeurs
condcnsables entraînées par l'opération :
Dans les grandes usines, le barillet s'étend
sur toute la longueur des fours.
— Mécan. Partie d'un corps de pompe dans
laquelle joue le piston, dans une pompe as-
pirante manœuvree à bras, il Corps do bois
arrondi en dedans et en dehors et muni d'un
clapet au-dessus.
— Anat. Cavité située en arrière du tam-
bour de l'oreille.
— Moll. Nom vulgaire donné, à cause do.
leur forme, à plusieurs coquilles terrestres,
rangées autrefois parmi les hélices, ot qui
font aujourd'hui partie du genre maillot.
BARILLEUR s. m. (ba-ri-Ueur. Il mil —
rad. baril). Celui qui fait des barils ; tonne-
lier, il On dit aussi barillier.
BARILLI (Louis), célèbre .chanteur italien,
né à Modène en 1767 ou à Naples en 1704,
mort en 1824. Depuis plusieurs années, il chan-
tait sur les théâtres d'Italie, sans que son nom
eût acquis de notoriété, lorsqu'il se rendit à
Paris en 1805, pour faire partie de la troupe
italienne. Il débuta bientôt après à. la salle
Louvois, dans le rôle du comte Cosmopoli
de la Locandiera de Farinelli, et le fit avec le
plus grand succès. Bien qu'il fût médiocre mu-
sicien et que sa puissante voix de basse-taille
eût de la lourdeur, il avait tant de verve co-
miaue et de naturel, son jeu- était si piquant
et si vrai, si expressif et si original, qu'il prit
aussitôt le premier rang parmi les chanteurs
bouffes de l'époque. Pendant près de dix-huit
ans, il eut le privilège de faire rire les di-
lottanti parisiens. Il excellait surtout dans lo
rôle du maître de musique Bucefalo des Can-
tatrice Villane, dans celui de Bellarosa des
Virtuosi ambulanli, dans celui d'Oronzo du
Matrimonio segreto, et dans une infinité d'au-
tres. Il suivit avec sa femme la troupe italienne
de la salle Louvois a l'Odéon (1808) et devint,
l'année suivante, un des quatre administra-
teurs de ce théâtre. Il y fit de grandes pertes
d'argent, et vit fondre sur lui les plus grands
malheurs domestiques. La mort de sa femme,
en 1813, fut suivie, en peu d'années, de la perte
successive de trois fils qu'il avait eus d elle.
Tant de coups, en altérant sa santé, affaiblirent
ses moyens. Il commençait à paraître rarement
sur la scène, lorsque l'opéra italien ayant éfé
transporté en 1818 dans la salle Louvois, il
fut chargé deux ans après de l'emploi de ré-
gisseur. Il déploya la plus grande activité dans
ces nouvelles fonctions jusqu'en 1824. Ayant
fait alors une chute malheureuse, il se cassa
la jambe, et il commençait à entrer en conva-
lescence quand il fut frappé d'une attaque
d'apoplexie foudroyante. Cet excellent chan-
teur, qui avait le cœur le plus généreux et
dont on cite des traits touchants de bienfai-
sance, ne laissa pas de quoi l'enterrer. Ses
nombreux' amis payèrent les frais de ses funé-
railles et lui firent élever un tombeau près de
celui de sa femme.
BARILLI (Marie- Anne), cantatrice italienne,
née à Dresde en 1780, morte en 1813, était la
femme du précédent. Elle était fille d'un Bolo-
nais nommé Bondini, qui, après avoir été au
service de l'électeur de Saxe, avait été chargé
de diriger le théâtre italien de Prague. L'in-
cendie de ce théâtre ruina complètement Bon-
dini. Il partit pour l'Italie, afin d'y chercher
des ressources, mais il mourut en route, laissant
ses enfants dans la plus complète misère. Sa
fille Marie, alors âgée de dix ans, montraitde
si heureuses dispositions pourlamusique, qu'on
la mit il Bologne dans l'école de chant de
Sartorini. C'est sous la direction de ce maître
qu'elle acquit une vocalisation légère, une
voix facile, une grande pureté do goût, enfin
la méthode excellente qui contribua tant H
ses succès. Devenue la femme du chanteur
BAR
BAR
BAR
BAR
237
Barelli, elle l'accompagna à Paris en 1805,
so lit entendre dans quelques concerts, et
débuta en 1S07 au théâtre Louvois, dans le
rôle de Clorinda des Due Gemelli de Guglielmi,
et dans la Giselda de Paer. Elle obtint, dans
ce dernier opéra, un succès d'enthousiasme.
l 'ar la perfection de son chant, la pureté de sa
voix, la justesse de ses intonations, elle se
plaça aussitôt au premier rang. Dans le nombre
considérable de rôles qu'elle interpréta suc-
cessivement, la critique ne put lui reprocher
d'autre défaut que de manquer un peu d'ani-
mation et de force pathétique dans les mor-
ceaux dramatiques et passionnés. A la suite
«l'une grave maladie, qui la tint éloignée du
théâtre, elle voulut redoubler d'efforts et de
travail pour indemniser l'administration des
pertes que son absence avait causées. Elle
joua et se surpassa dans la Donna di génie
volubile de Portogallo ; mais, après la troisième
représentation, elle fut prise d'une fièvre ma-
ligne qui l'emporta en peu de jours, à l'âge
• de trente-trois ans. M1"»1 Barilli n'était pas
seulement une éminente cantatrice; c'était un
modèle de toutes les vertus privées et domes-
tiques.
BARILLIER s. m. (oa-ri-liô, II mil). V.
B.VRILLEUB.
BARILLON s. m. (ba-ri-llon, II mil — dhn.
de baril). Tcchn. Petit baril armé d'un long
manche, dont les potiers se servent pour
transporter de l'eau chargée de terre.
— Réservoir ménagé en arrière de la
chaussée d'un étang, pour recevoir le poisson.
.— Phys. Sorte do pèse-liqueur.
BARILLON (Jean), nommé aussi Je/tan Bour-
del, historien, né à Issoire, mort en 1553, fut
successivement secrétaire du chancelier Du-
prat (1515), notaire et secrétaire du roi
(1534). Il a laissé une histoire commençant à
la mort de Louis Xll, le K1' janvier 1515, et
s'arrêtant à, la fin d'août 1520. C'est un récit
sec et décoloré, sans détails, mais précieux
pour les pièces diplomatiques et les documents
qu'il contient. Cette histoire est inédite. Elle
est conservée en manuscrit à la Bibliothèque
impériale, sous le n° 8437.
BARILLON (Henri de), évéque de Luçon, né
en Auvergne en 1639, mort en 1699. Il fonda
dans son diocèse un grand nombre d'établisse-
ments de charité. Il a laissé des Statuts syno-
daux de Luçon (1681); des Ordonnances syno-
dales et divers autres écrits. L'abbé Dubos a
écrit sa vie (Rouen, 1700). Le cœur de ce prélat
a été conservé dans son diocèse, où il avait
laissé les plus vifs souvenirs.
BAIUNAS. V. Varinas.
BAIUNG (Everard); savant allemand, né à
Lubeck en 1608, mort en 1659. Il suivit tour à
tour la carrière des armes et celle de l'ensei-
gnement, et devint recteur du gymnase de
Hanovre. On a de lui quelques travaux d'éru-
dition, notamment des notes sur Homère, les
rapsodes, etc.
BAIUNG (Daniel-Eberhard), historien alle-
mand, né près de Hildesheim en lG90,morten
1753. Il était sous-bibliothécaire royal à Ha-
novre, et se distingua par des travaux sur
l'histoire de la diplomatie. Son principal ou-
vrage a pour titre : Clams diplomalica,speci-
mina veterum scriplurarum tradens (Hanovre,
1737). La seconde édition (1754) contient une
bibliothèque des auteurs sur la diplomatie.
BARING, célèbre famille financière de
Londres, issue de Jean Baring, pasteur de
Brème, qui vint, au siècle dernier, établir un
petit commerce à Exeter. — Un de ses lils, Fran-
cis, né en 1740, mort eu 1810, devint membre
du comité directeur de la compagnie des Indes.
BAHING (Alexandre), l'un des fils da Fran-
cis, financier et diplomate anglais, membre
du parlement, né en 1773, mort en 1848, se
consacra tout entier aux opérations et aux
études financières et industrielles. En 1819, il
négocia le grand emprunt français au congrès
d'Aix-la-Chapelle. Robert Peel l'appela, en 1834 ,
à la direction des monnaies et à la présidence
du. bureau du commerce. En 1835, il fut promu
à la pairie, avec le titre de baron Ashburton,
et termina heureusement, en 1842, le conflit
qui s'était élevé entre les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne,
BARING (sir Francis-Thornhill), de la même
famille que les précédents, né en 1796, repré-
senta depuis 1826 la ville de Portsmouth a la
chambre des communes, et fut successivement
lord de la trésorerie (1830-1834), chancelier de
l'Echiquier (1839-1841), et premier lord de
l'amirauté (1849-1852). Il est surtout adminis-
trateur. — Son frère Thomas Baring, né vers
1795, est chef d'une grande maison de banque,
et membre du parlement depuis 1844. — Francis
Baring, cousin des précédents, né en 1800, a
été membre du parlement de 1832 à 1857.
' BARING (Thomas-George), homme politique
anglais, né en 1S26, fils aîné de sir Francis
Thornhill Barin™ , fut successivement secré-
taire particulier de M. Labouchèreau ministère
du commerce, de sir George Grey au mi-
nistère de l'intérieur, de sir Charles Wood au
ministère de l'Inde et à l'amirauté , jusqu'à
l'époque de son élection au parlement. Lord
de l'amirauté, de mai 1857 à mars 1858, il fut
nommé sous-secrétaire d'Etat pour l'Inde en
juin" 1859, et sous-secrétaire d'Etat a la guerre
en février 1861. Libéral et partisan de l'exten-
sion du droit de suffrage, réclamée avec tant
d'éclat par M. Gladstone (mai 1864), il échoua
en juillet 1852, aux élections pour le parlement.
Il représente le bourg de Falmouth depuis
avril 1857.
BARIOLAGE s. m. (ba-ri-o-la-je — rad.
barioler). Action de barioler; Etat d'un objet
bariolé : Quelques façades blanches interrom-
pent çà et là le bariolage arménien et turc, et
ne produisent pas un trop mauvais effet. (Th.
Gautier.)
— Fig. Assemblage bizarre d'idées et d'ex-
pressions disparates : Cet article offre un
bariolage étrange des pensées les plus hété-
rogènes.
bariolé, ÉE (ba-ri-o-lé) part. pass. du
v. Barioler. Peint, couvert de diverses cou-
leurs, assemblées d'une manière bizarre : Je
vous ai parlé de la Launaie, elle était bariolée
comme la chandelle des rois. (Mrae de Sév.) Il
avait des guêtres de peau de daim bariolées
de mille arabesques. (Alex. Dum.) Les pages,
les hérauts d'armes vénitiens sont bariolés
de rouge, de bleu et de blanc, comme des valets
de carreau. (Vitct,.) Cette pièce était bariolée
d'affiches de spectacle. (Balz.) Sur les marches
de l'escalier, elle se croisa avec la foule ba-
riolée des masques. (L. Enault.)
Ses champs bariolés comme un riche tapis.
V. Hugo.
— Miner, Marbre bariole, Marbre dont les
taches et les veines sont entrelacées.
BARIOLER v. a. ou tr. (ba-ri-o-lé — du
lat.uarius, varié;étym. dout.).Se ditsouvent
en mauvaise part., Peindre, couvrir, émaillcr
de diverses couleurs ou dessins : Barioler un
mur. Que le comité consente à ne plus barioler
jios assignats. (Mirab.) Les produits des nom-
breuses fabriques de Vienne, étages sur les sé-
choirs, bariolent le flanc des collines qui do-
minent la ville. (A. Tranchant.)
— Fig. Entremêler, assortir d'une façon
bizarre : D'habitude, il bariolait sa conversa-
tion d'une foule de mots dont il ignorait la
signification. (E. Sue.) Il s'absorba dans une
méditation profonde, que l'amour et la haine
bariolèrent tour à tour de noir et de rose.
(X. Saintine.)
Se barioler, v. pr. Revêtir des couleurs
variées et bizarrement assorties ; Ces fleurs
se bariolent de blanc, de jaune et de rouge,
quand on les cultive dans certaines conditions.
On s'arme, on s'équipe, on se bariole à sa fan-
taisie. (G'ormen.)
BARIOLURE s. f. (ba-ri-o-lu-re — rad.
barioler.) Bigarrure, réunion de couleurs mal
assorties.
— Fig. Association d'idées, d'opinions, de
sentiments divers et disparates : Il a porté
dans tous les camps les apostasies de sa foi
politique et les bariolures de son drapeau.
(Cormen.)
BARIPE s^ m. (ba-ri-pe — du gr. barus,
lourd ; vous, pied). Entom. Genre d'insectes
coléoptères pentamères, de la famille des ca-
rabiques, voisin des féronies, comprenant
deux espèces qui vivent dans l'Amérique du
Sud.
bartphone. Orthographe vicieuse du mot
Baryphone.
BARIS s. f. (ba-riss — gr. baris, mémo
sens). Antiq. Nom que les écrivains grecs ont
donné à une espèce de navire que les Egyp-
tiens construisaient avec un bois épineux. Il
était à fond plat et servait à. transporter les
marchandises sur le Nil, mais plus particu-
lièrement à passer d'une rive à l'autre les
morts que l'on portait au lieu de leur sépul-
ture.
— Entom. Genre d'insectes curculionides.
Syn. du genre Boride.
BARIS, ville de l'ancienne Pisidie, actuelle-
ment Isbarteh. il Nom d'un palais commencé
par Hircan sur la montagne du temple à Jéru-
salem, terminé par Hérode,qui en fit une forte-
resse appelée Antonia.
BARIS (les), peuplade noire du hautNil,sur
les bords du Bahr-El-Abiad ou Nil Blanc, par
3° de lat. N. et 30° de long. E. Les Baris oc-
cupent les deux côtés de la vallée du Nil Blanc,
au-dessus des Bors et des Elyabs, les deux
tribus les plus méridionales du Dinkâ. Ils ont
des habitations fixes, et vivent principalement
des produits qu'ils tirent du sol, qui est en gé-
néral élevé, assez fertile et couvert de belles
forêts. C'est là qu'est situé Gondokoro, dont
les relations européennes ont fait un des noms
les plus connus de l'Afrique. A sept ou huit
heures au-dessus de Gondokoro, le fleuve forme
une grande île dans laquelle se dresse le mont
Logvek, et bientôt après commence une suite
de rapides que jusqu à présent les Européens
n'ont pas dépassés.
BAR I SAN I (Joseph), médecin allemand, né
à Salzbourg en 1756, mort en 1787. Il est au-
teur de quelques écrits aujourd'huisansintérêt.
— Son frère, Sigismond BARiSANi,né en 175S,
mort en 1787, fut premier médecin de l'hôpital
de Vienne.
BARISANO (François-Dominique), médecin
et philosophe italien, né à Albe (Montferrat),
vivait à Turin dans la deuxième moitié du
xvne siècle. L'un de ses principaux ouvrages
a pour titre : Tractatus de Thermis Valderianis,
çrope cuneum inPedemonliositis (Turin, 1690).
BARISEL s. m. (ba-ri-zèl). V.Barigel.
barisien, enne adj. et s. (ba-ri-zi-ain,
è-no). Qui a rapport à Bar-le-Duc ou à ses
habitants ; qui est de cotte ville ou de toute
autre ville portant le nom de Bar, telle que
Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, etc. Un Bari-
sien. Une jolie Barisienne.
BARISON, roi titulaire de Sardaigne, héri-
tier de la famille Sardi de Pise, l'une de celles
qui avaient conquis sur les Sarrasins et qui
s'étaient partagé la Siirdatgne, vers 1050. En
1164, il obtint de Frédéric Barberousse l'in-
vestiture de cette royauté aléatoire, moyen-
nant un tribut de 4,000 marcs d'argent. Les
Génois lui prêtèrent cette somme, avec une
flotte pour conquérir son île ; mais, après l'a-
voir promené sur les côtes, et voyant que nul
ne se prononçait en sa faveur, ils le rame-
nèrent à Gênes et le gardèrent comme gage
de leurs avances. Le malheureux roi mourut ,
en prison.
BARISONI (Albertin), jurisconsulte et litté-
rateur italien, né à à Padoue en 1587, mort en
1GG7..I1 professa à Padoue le droit et la philo-
sophie, et devint évéque de Ceneda, dans l'Etat
de Venise. Il a donné une édition de \a~Secchia
rapita, poème burlesque de son ami Tassoni ;
un traité intitulé De Archivis antiquorum com-
mentarius, ainsi que divers autres écrits de
littérature ou d'érudition..
BARISTE s. m. (ba-ri-ste — du gr. barustos,
très-lourd). Ornith. Syn. de sitelle ou torche-
pot:
BARITE s. m. (ba-ri-te — du gr. barus,
lourd). Ornith. Genre do passereaux, voisin
des corbeaux. Syn. de cassican.
BARITEAU s. m. (ba-ri-to). Comm. Grosso
toile à tamis, qui nous vient d'Amérique.
BARITINÉES s. f. pi. (ba-ri-ti-né — rad.
barite). Ornith. Groupe de passereaux formant
une tribu ou une division de la famille des
corvidées, et ayant pour type le genre barito
ou cassican. il On dit aussi, au m. pi. , baritins.
BARITON. V. Baryton.
BARIUM. Chim. V. Baryum.
BAR1UM, nom latin de Bari.
BARIZEL s. m. (ba-ri-zèl). V. Barigel.
BAR1ZEL (Charles), bassoniste distingué,
né à Merville, près d'Hazebrouck, en 1788,
mort en 1S50. Parti en 1806, comme musicien
soldat, puis chef de musique d'un régiment,
fait prisonnier en 1808, à ta triste affaire de
Cabrera (Espagne), nommé après trois ans
de captivité chef de musique d'un régiment de
la jeune garde, Barizel rentra en 1815 dans la
vie civile, et les études sérieuses qu'il fit sur
son instrument le firent ranger au nombre des
artistes les plus distingués de Paris. Premier
basson de la chapelle du roi sous la Restau-
ration, il entra ensuite dans la musique parti-
culière du roi Louis-Philippe, et devint pro-
fesseur au Conservatoire, après la retraite de
Gebauer. Ce virtuose n'a rien composé pour
le basson.
BARJAC, ch.-l. de cant. (Gard), arrond.
d'Alais; pop. aggl. 1,726 hab. — pop. tôt.
2,523 hab. Mines de houille.
BARJAC (Gabriel de), théologien français
du xvio siècle, a publié : Inlroduclio in artem
jesuiticam, in eorum gratiam qui ejus artis
mysteriis aut jam initiati , aut prope diem
inilidndi sunt, conscripta (Genève, 1599).
' BARJAUD (Jean-Baptiste-Benoît), littéra-
teur, né à Montluçon en 1785, mort en 1813.
Il fit des études brillantes, suivit la carrière
du barreau, se livra de bonne heure à la poésie,
composa quelques comédies avec M. de Cor-
menm, commença un poëme épique, Ckarle-
magne, dont le plan était conçu de manière à
encadrer de nombreuses allusions à Napoléon,
et prit enfin du service, avec le grade de sous-
lieutenant. On a raconté que, dans une revue,
pendant que l'empereur distribuait des croix,
il sortit des rangs : « Sire , donnez-moi la
décoration, dit-il. — Qu'as-tu fait? lui dit
Napoléon, qui connaissait déjà sans doute ses
poésies nationales. — Sire, je me bats, et je
fais un poëme épique en votre honneur. — Si
je te donne la décoration, tu ne finiras pas le
poëme épique, reprit en riant Napoléon, qui
lui donna néanmoins la croix de la Réunion.
Barjaud fut tué à Leipzig. Ses ouvrages im-
primés sont : Poésies nouvelles (1805) ; le Ba-
vard et l'Entêté, comédie en un acte, en vers,
représentée à l'Odéon en ISOO; Description de
Londres (1810) ; Homère ou l'origine de l'Iliade
et de l'Odyssée, poëme, suivi de fragments de
celui de Charlemagne , et d'autres poésies
(1S11); Odes nationales, parmi lesquelles on
remarque surtout les suivantes : A la France;
le Passage du mont Saint-Bernard ; la Mort
■du duc de Montebello; A la garde impé-
riale, etc.
BARJAVEL, révolutionnaire, né probable-
ment à Avignon, était accusateur public du
tribunal criminel de Vaucluse lorsque le con-
ventionnel Maignet fut envoyé en mission dans
le Midi, où les royalistes s'agitaient. Un arbre
de la liberté ayant été scié furtivement dans
la commune de Bédouin, les patriotes exas-
pérés demandèrent une punition exemplaire.
On sait combien ce symbole était alors vénéré
par le peuple. Quelques maisons abandonnées
de la commune sacrilège furent livrées aux
flammes. C'est cette destruction, plus emblé-
matique que réelle , comme celle de Lyon ,
qu'on a nommée l'incendie de Bédouin. Tou-
tefois, une commission fut instituée pour
punir les coupables, et Barjavel en fut nommé
accusateur par Maignet. Il s'acquitta de cette
mission avec l'énergie que réclamaient les
périls publics, et rien ne prouve qu'il, ait abusé
de son pouvoir ou contribué à frapper des
innocents. Mais lors de la réaction thermido-
rienne, les royalistes, triomphants dans le
Midi, poursuivaient à mort tous les patriotes
■sous le prétexte de terrorisme. Leur organe,
le représentant Rovère, demanda la mise en
accusation de Barjavel, qui fut jugé avec les
membres de la commission d'Orange et con-
damné à mort en prairial an III (juin, 95).
BARJAVEL (C.-F.-Henri), médecin et érudit,
probablement de la même famille que le pré-
cédent, né à Carpentras vers 1815, reçu doc-
teur à Montpellier en 1834. Il a publié un
Traité complet de la culture de l'olivier (1S31),
et divers autres ouvrages, dont les plus impor-
tants sont les suivants : Dictionnaire histori-
que, biographique et bibliographique du dépar-
tement de Vaucluse (Carpentras, 1842); Dictons
et sobriquets patois des villes, bourgs et villages
du département de Vaucluse (1849-53).
BARJELADE s. f. ( bar-je-la -de). Agric.
Semis d'avoine, froment, vesce, pois et féves
de marais destiné à donner du fourrage, il
Fourrage fourni par le même semis. I] Vesce
noire à petits grains. Il On écrit aussi barge-
LADE.
barjemont s. m. ( bar-je-mon). Hortic.
Variété de figue.
BAR-JESU. V. ElymaS.
BARJOLS ch.-l. de cant. (Var), arrond. de
Brignoles; pop. aggl. 3,151 hab. — pop. tôt.
3,330 hab. Surnommé le Tivoli de la Provence,
à cause de sa situation agréable ; grand com-
merce de figues, raisins et olives, papeteries,
nougats, tanneries, distilleries d'eau-de-vie.
Prise et pillée en 1562 par le terrible baron
des Adrets, qui fit jeter les prêtres dans des
puits et égorger six cents habitants.
BARJOLS. V. Elias de Barjols.
BARJONE, c'est-à-dire fils de Jone ou de
Jonas. On désigne sous ce nom, dans le Nou-
veau Testament, le pêcheur Simon, que Jésus-
Christ appela Pierre en le choisissant pour
son disciple. V. saint Pierre.
BARKAB-KIIAN, nommé par quelques au-
teurs Borga et Bereké; souverain mongol du
Kapchak, régna de 1255 à 1265. Il embrassa
le mahométisme, dévasta la Lithuanie et sou-
mit les habitants russes de cette contrée à un
tribut, fit de vastes préparatifs contre Abaka-
Khan, souverain mongolde la Perse, et mourut
à Tiflis, au moment ou il allait envahir ce pays
à la tête de 300,000 cavaliers. Il a fondé Séraï,
sur le Volga.
BARRAII. V. Barca.
B.4RKAN1 ou PARKANI, village des Etats
autrichiens, en Hongrie, district et vis-à-vis de
Gran, sur le Danube ; 2,000 hab. Défaite des
Turcs par les Autrichiens en 1684.
BARKER (Jean), médecin anglais, mort
en 1748. Ses ouvrages les plus connus sont
les suivants : Recherches sur la nature des
fièvres qui ont régné à Londres en 1740-41;
Tissai sur la conformité de la médecine ancienne
et moderne dans le traitement des maladies
aiguës, trad. en français par Schonberg (Am-
sterdam, 1749).
BARKER (Robert), peintre irlandais, né1
en 1739, mort en 1806. Il se fit surtout con-
naître par l'invention du panorama, au moyen
duquel on reproduit de vastes vues imitant la
réalité. Ses productions les plus connues en
ce genre sont : Edimbourg ; Bataille de Co-
penhague.
BARKER (Mathieu-Henri), romancier an-
glais, connu aussi sous le pseudonyme de Okl
Sailor, né vers 1790, mort en 1846. Il a colla-
boré à un grand nombre de journaux et revues.
Ses romans les plus connus sont : Land and
sea taies; Tough Yarns; Walks round Not-
lingham; The literary Mousetrap ; Hamilion
King ; Jem Bunt; The Holy boat ; The Life
of Nelson, etc.
BARKER (Charles Spackman), célèbre fac-
teur d'orgues, né à Bath (Angleterre) en 1806.
Il est inventeur du levier pneumatique, pour
l'allégement du clavier des grandes orgues.
Son mécanisme fut appliqué en France, pour
la première fois, quand fut inauguré l'orgue de
l'église de Saint-Denis. Barker dirigea la con-
struction des grandes orgues de l'église Saint-
Eustache, détruites par un incendie en 1845, six
mois après leur achèvement. C'est aussi Barker
qui restaura si magnifiquement l'orgue de-
Saint-Sulpice.
BARKER (Thomas- John -Henry), peintre
anglais contemporain, né à Bath, élève de son
père, est venu se fixer en France vers 1830,
et a exposé, à cette époque, un tableau repré-
sentant les Beautés de la cour de Charles If,
une Scène de chasse et du Gibier mort, qui lui
! ont valu une médaille de 3° classe. Il a exposé
depuis, à la plupart des salons qui ont eu lieu
de 1837 à. 1850. Ses tableaux de nature morte
ont été particulièrement remarqués. Barker
père a exposé, en 1836, une Egyptienne disant
la bonne aventure à un berger.
BARKER ( Edmund- Henry ), philologue
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BAR
BAR
BAR
BAR
anglais, ne en décembre 1788, h. Hollyra
(Yorkshirc), mort le 21 mars 1839. Il entra en
1807 comme étudiant au collège de la Trinité,
de Cambridge, mais il n'y prit point ses grades
universitaires. Après en être sorti, il devint
secrétaire du docteur Parr, dans la maison
duquel il resta, en cette qualité, pendant phi-
sieurs années. Il se maria alors et vint s'éta-
blir a Thetford, dans le comté de Norfolk. Les
dernières années de sa vie furent marquées
par des revers de fortune, et il mourut à
Londres après une courte maladie. Les écrits
de Barker roulent principalement sur la phi-
lologie et la critique classique. Il était un des
collaborateurs les plus assidus du Journal
classique de M. Valpy, depuis sa fondation
jusqu'au dernier numéro, qui parut en 1829.
Barker a donné des éditions estimées de
presque tous les classiques grecs et latins, et
publié le Thésaurus Grœcœ linguœ, de Henri
Estienne. On lui doit également un lexique
grec-anglais et un volume publié pour réfuter
l'opinion, généralement accréditée, que les Let-
tres de Junius sont de sir Philippe Francis.
C'est enfin Barker qui a réuni et publié la
collection des innombrables anecdotes litté-
raires du docteur Parr (2 vol. in-12, 1828).
BARKEY (Nicolas), théologien allemand, né
à Brème en 1709, mort en 1788. Il a publié de
nombreux travaux dans le Muséum Huganum
(La Haye, 1775-80), la Bibliotheca Bremensis
nova (Brème, 1700-67), la Bibliotheca Ifagana,
et autres recueils.
BARKHAUSEN (Henri-Louis Willibald),pu-
blicïste allemand, né en 1742, mort en 1S13.
Ses principaux, écrits sont les suivants : Lettres
sur la police du commerce des céréales (1773) ;
La police du commerce des céréales soumise à
un nouvel examen (1804). Son système tient le
milieu entre la prohibition et la liberté absolue.
Ces ouvrages sont en allemand.
BARKHAUSIE s. f. (bar-ko-zî — de Bar-
khaus, nom d'homme). Bot. Genre de plantes
de la famille des composées, tribu des chico-
racées, formé aux dépens du genre crépide,
et dont une espèce, la barkhausie à feuilles
de pissenlit, est commune dans nos champs :
Les barkhausies sont des herbes annuelles ou
vivaces. (J. Decaisne.)
BAR&IAROK, quatrième prince seldjoucide
de Perse, monta sur le trône en 1092. En
1098, il envoya une armée contre les croisés,
à Antioche; mais elle fut mise en déroute par
Godefroy de Bouillon, Bohémond et Tancrède.
Ce prince mourut en 1104, âgé seulement de
vingt-cinq ans.
BARK1NG, ville d'Angleterre (Essex), a
12 kil. E. de Londres, sur- le Roding, affluent
de la Tamise ; 3,500 hab. Grande culture de
légumes pour l'approvisionnement de Lon-
dres ; ruines d'une abbaye de bénédictines, le
premier couvent de femmes fondé en Angle-
terre (677).
BARKO (Vincent), général hongrois, né en
1719, mort en 1797. Fe!d-maréchal sous Marie-
Thérèse, il se distingua a la bataille de Cosel,
où il fit prisonnier le général Zettwitz, Il eut
ensuite le commandement de la Hongrie, et
mourut à Pesth.
BARKOK, premier sultan des Mameluks
circassiens ou bordjites, renversa en 1390 la
dynastie des Mameluks baharites et s'assit sur
le trône d'Egypte. Il protégea les savants,
fonda un collège au Caire et fit défricher le
Tayoum. Il mourut en 1399, après avoir vu
son règne troublé par de sanglantes séditions.
BARKOUF, opéra-bouffe en trois actes, pa-
roles de MM. Scribe et Boisseaux , musique
de M. Offenbach , représenté à Paris, sur le
théâtre de l'Opéra-Comique, le 24 décembre
1860. Le sujet de Barkouf est tiré d'un conte
politique et philosophique de l'abbé Blanchet,
qui a publié plusieurs nouvelles ingénieuses.
On peut affirmer, sans crainte d'être démenti,
que peu d'auteurs eussent osé transporter ce
sujet sur les planches et confier le principal
rôle à... un bouledogue. Il a fallu 1 habileté
bien connue de Scribe pour mener à bien une
entreprise aussi étrange. Une des principales
difficultés de l'ouvrage a été fort spirituelle-
ment tournée. L'action se passe, en grande
■partie, dans la coulisse, et le public ne connaît
le héros que par ses aboiements. Mais , nous
dira-t-on, plusieurs chiens fameux ont joué leur
personnage dans une foule de pièces, témoin le
Juif-Errant, la Bergère des Alpes, le Chien de
Montargis : cela est vrai; ils sont nombreux,
les drames, les vaudevilles, les féeries, où les
collègues de Barkouf firent leurs preuves et
obtinrent les bravos du public; mais citez-
nous un terre-neuve qui se soit jamais risqué
dans un rôle musical ; nommez- nous un boule-
dogue qui ait osé faire ronfler sa basse h, la
clarté du gaz, un king-Charles qui se soit
avisé de remplacer le ténor en vogue devant
la rampe vouée aux rossignolades. On crai-
gnait donc l'émotion inséparable d'un premier
début, on craignait les libertés grandes que
peut prendre un chanteur à quatre- pattes ,
peu familiarisé avec le diapason normal.
Aussi, de peur que Barkouf ne perdit la tête,
la voix, le ton et la mesure, au premier coup
d'archet, on l'a laissé prudemment à l'écart,
et il a pu donner ses fa et ses sol en toute
assurance; si bien, qu'aucun grognement de
la salle na répondu aux aboiements de la
scène. Vous rappelez-vous les prétentions de
l.\ gant mnréunjeuse, si excellemment contées
1 iir le Bonhomme? Mesdames les grenouilles
n'étaient jamais satisfaites du gouvernement
que Jupiter leur envoyait. On leur donne un
soliveau; elles s'en moquent et ne cessent de
rompre la tête olympienne du maître des dieux :
Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue !
Le monarque des dieu* leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue.
Qui les gobe a son plaisir.
Cette histoire est le plus souvent celle des gou-
vernés : quand ils se plaignent , ou « les
tobe "• . Or, il ne s'agit point, dans le royaume
orné par les toiles peintes de l'Opéra-Comi-
que, d'une grue, comme dans la fable, mais
d'un chien que le grand Mogol envoie aux ha-
bitants de Lahore, les plus turbulents, les
plus séditieux de ses sujets. «Vous n'avez point
voulu de votre dernier caïmacan,dit le grand
Mogol au peuple de Lahore ; vous n'avez pas
voulu de cet nomme doux et pacifique, si bo-
nasse que vous lui grimpiez sur l'épaule, que
vous lui mangiez dans la main. Fort bien ;
voici un nouveau gouverneur; il a des crocs, il
a des griffes, il aboie à merveille et saura bien
vous mettre à la raison et même vous croquer
un peu si le goût lui en prend. Pour le coup,vous
allez être satisfaits.» Ainsi s'exprime le grand
Mogol , qui manie fort agréablement l'épi-
gramme et distille la plaiso.nterie aussi bien que
le pourrait faire un chroniqueur parisien. A
peine a-t-il parlé que la cour, que la ville, que
les petits et les grands, que les jeunes et les
vieux entrent dans un tremblement indescrip-
tible. A chaque aboiement de Sa Majesté Bar-
kouf 1er, tous les officiers du palais, tous les
bourgeois et tous les valets n'ont d'autre soin
que de décamper. Le grand échanson a une
peur effroyable d'être dévoré ; le capitaine des
gardes dissimule ses mollets et s'en va, rasant
la muraille, pour ne pas éveiller la convoitise
de monseigneur; le maître queux n'ose plus
s'approcher de ses fourneaux, de peur qu'on
ne le mette à la broche pour varier le festin
du nouveau prince. Sur ces entrefaites, et par
un bonheur providentiel , on découvre une
jeune fille qui a connu Barkouf avant son avè-
nement au trône. Elle a été élevée avec ce
brave chien, qui, dès son âge le plus tendre,
s'est habitué à l'aimer et à lui obéir. Que de
fois, avant d'être un grand personnage, il lui
a téché les mains I Que de lois il a jappé de
plaisir, rien qu'en voyant poindre au loin sa
silhouette enfantine! Elle sait le langage qui
lui convient ; elle le comprend quand il gro-
gne, quand il montre les dents ou qu'il fait
ondoyer sa queue ; elle l'apaise, elle le flatte,
elle le menace, elle le punit, elle le récom-
pense, selon qu'il est doux ou méchant, volon-
taire ou caressant. Enfin, grâce à cette aimable
jeune fille, qui a nom Maïma, les bonnes gens de
Lahore respirent un peu, les affaires repren-
nent, la joie renaît et la cour ne craint plus
d'être dévorée en manière de passe-temps. Rien
dans la cité ne se fait plus sans l'intermédiaire
de Maïma; elle scelle et descelle les mariages,
elle rédige les contrats publics, elle dicte les
lois, et maître Barkouf se borne à apposer sa
griffe où besoin est. Bref, elle gouverne avec
tant de justice et de bonté, avec tant de mo-
dération et de sagesse, que les rues ne reten-
tissent, du matin au soir et du soir au matin,
que des cris de Vive Barkouf.' Barkouf n'en
perd pas pour cela un coup de dent sur son
ordinaire, et tout est pour le mieux dans le
meilleur des mondes soumis à l'empire du
grand Mogol. Le malheur veut que Barkouf
succombe en guerroyant contre l'ennemi.
Alors, ce sont, dans la province entière, des
regrets, des pleurs et des oraisons funèbres
à n'en plus finir. O le grand dommage et l'é-
pouvantable malheur, qu'une balle canicide ait
si brusquement tranché les jours de l'auguste
quadrupède :
Le seul chien dont Lahore ait gardé la mémoire,
juste au moment où , vainqueur d'un gros
d'ennemis, il déjeunait, sans Te Deum, d'un
bifteck dextrement cueilli à la poursuite d'un
Tartare !
Cette pièce est de celles qu'une mère peut,
sans danger, laisser voir à sa fille. Le qua-
drupède couronné , s'il commet des choses
déshonnétes, le laisse parfaitement ignorer, et
la jeune fille qui lui sert de drogmau a grand
soin de n'en rien révéler au public. Quanta la
musique, elle n'a pas tout à fait répondu à
l'attente générale. Roi de la charge musicale,
M. Offenbach est plus à l'aise à son petit théâ-
tre des Bouffes-Parisiens qu'à l'Opéra-Comique.
Là, surtout, il brille et trousse gaillardement
sa musique caricaturale , qu'applaudissent ,
après dîner, les jeunes Béotiens de Paris.
Notons toutefois quelques jolis airs, entre au-
tres les délicieux couplets :
Ici, Barkouf!
au deuxième acte, et ceux du troisième :
Mais buvez donc-
Deux ou trois chœurs ont une facture légère,
ingénieuse et pimpante ; mais l'originalité, qui
constitue, en définitive, le principal mérite du
maestro, ne montre guère plus l'oreille en cette
histoire de chien couronné que le chien lui-
même. Tandis que la critique, qui a toujours
gâté M. Offenbach comme on gâte un enfant
terrible et indiscipliné, se montrait bonne per-
sonne envers la partition de Barkouf, il s'éle-
vait, du sein de 1 antique et respectable Bévue
des Deux-Mondes, un coup de sifflet aigu, jeté
par le sévère et indéridahlc Scudo. Le même
écrivain s'exprimait de la manière suivante dans
le deuxième volume de son" Année musicale:
• Est-il possible d'imaginer une œuvre plus
misérable, plus honteuse pour tous ceux qui
y ont coopéré et plus indigne d'être représen-
tée devant un public qui a le droit d'être res-
pecté, que Barkouf, chiennerie en trois actes,
de l'inventionde M. Scribe! Je dis avec inten-
tion une cAiennerie, car c'est un chien , nommé
Barkouf, qui est le hérosde la pièce, et la mu-
sique deM. Offenbach estdignedu sujet qui l'a
inspirée. Comment l'administration d'un théâtre
subventionné n'a-trelle pas jugé ce que valait
l'ouvrage qu'on avait mis à l'étude et que
tous les artistes déclaraient impossible?
Je ne serais pas étonné, cependant, qu'il se
trouvât un éditeur assez hardi pour faire gra-
ver la partition de Barkouf. » Scudo était de
ceux qui ne veulent jamais permettre à la
muse de la musique de trotter sur le pavé de
Paris et d'éclater au nez des passants, en fai-
sant craquer sa bottine et bouffer sa jupe.
Hélas! M. Offenbach, lui, la promène au bois,
aux courses, aux régates ; il lui fait sabler le
Champagne et boire le petit bleu, croquer des
truffes et au besoin du cervelas ; il la fait fu-
mer, danser le cancan et chanter un tas do
choses égrillardes; puis, il profite de son
ivresse pour lui tirer des sons enroués, des
mots de « haulte graisse » , des gestes abra-
cadabrants. Faut-il en vouloir au compositeur
qui verse ainsi la folie à Euterpe et l'entraîne
aux mauvais lieux, sur les traces d'Erato, ou
bien à ce public blasé, ignorant et grossier,
qui ne trouve jamais que l'orgie soit assez dé-
colletée, la farce assez grimaçante, l'épilepsio
des auteurs, des comédiens et des chanteuses
assez complète, assez hideuse, assez stupide?
Le critique de la Presse, laissant dormir
pour un jour son atticisme ordinaire, et quit-
tant sa ceinture diaprée pour revêtir le sayon
en poil de chèvre du paysan du Danube, a
commis de son côté la phrase suivante : « Ce
n'est pas le chant du cygne, c'est le chant de
l'oie 1 ■
Acteurs qui ont Créé Barkouf: MM. Sainte-
Foy ; Berthelier ; Nathan ; Mots Marimon
(Maïma); Bélia; Casimir; etc.
BARKODL, ville de l'empire chinois, dans
la contrée des Mongols-Khalkha, ch.-l. de la
prov. du même nom, à 70 kil. -N. de Khamil,
résidence d'un gouvernement militaire ; climat
très-rude. Il Nom d'un lac de la Chine, dans le
pays des Mongols-Khalkha-, non loin de la ville
du même nom.
BARKOV1CH (François-Wenceslas), savant
italien, religieux de l'ordre des somasques, né
à Venise, vivait dans le xviue siècle. Ses prin-
cipaux ouvrages, écrits en italien, sont les
suivants : De l'existence et des attributs de
Dieu; De la nature des miracles; De l'origine
et de la nature des passions; Dialogues astro-
nomiques de Èarris, traduits avec notes (Ve-
nise, 1751).
BARKYAROC. V. Bàrkiarok.
BARLAAIU (Saint), martyr, né en Syrie ou
en Cappadoce, vivait dans le m« ou le ivc siè-
cle. Scévola chrétien, il se laissa consumer
les mains par des charbons ardents et mourut
au milieu des supplices, pour ne pas sacrifier
aux idoles. Fête le 19 novembre.
BARLAAM (Bernard), savant moine cala-
brais de l'ordre de Saint-Basile, mort vers
1348, se rendit célèbre, pendant la première
moitié du xiv« siècle, par son éloquence et
Ear ses connaissances dans les différentes
ranches de la science. Désirant apprendre le
grec, il se rendit à Constantinopîe et parvint
à se concilier l'affection de l'empereur An-
dronic le Jeune, qui lui confia la direction
d'une abbaye. Vers 1339, comme il nous l'ap-
prend lui-même dans quelques lettres, il fut
envoyé en Occident, avec la mission de pro-
poser la réunion des deux Eglises et de de-
mander le secours des princes chrétiens contre
les mahométans. De retour en Orient, il eut
de violentes disputes avec Grégoire Palamas,
célèbre moine du mont Athos et chef des ■
omphalopsyques , visionnaires qui, appuyant
ieur barbe sur leur poitrine et fixant leurs re-
gards sur leur nombril, croyaient voir la lu-
mière incréée, celle qui était apparue aux
apôtres sur le mont Thabor. L'empereur, ne
pouvant imposer silence aux deux adversaires,
autorisa la réunion d'un concile pour juger la
question. Barlaam, au grand contentement des
moines, fut obligé de se rétracter, et, à la
suite de sa rétractation, il se retira en Occi-
dent. Il passe pour avoir donné des leçons de
grec à Pétrarque. Les écrits qu'il composa
successivement contre les Latins et contre les
Grecs ont fait supposer qu'il y avait eu deux
Barlaam. Fabricius (Bibl. gr., t. X, p. 402,
édit. Harl.) donne lalistedétaillée desouvrages
que Barlaam a écrits pour ou contre les Latins,
en indiquant ceux qui ont été publiés et les
manuscrits où ils se trouvent. La Bibliothèque
impériale de Paris en renferme un grand
nombre.
Barlaam ci Josnpbat, titre d'un roman grec
où se fait sentir l'influence du bouddhisme, et
qui paraît remonter au vue siècle. C'est l'his-
toire d'un jeune prince indien, que convertit
un moine chrétien par des discours où les pa-
raboles de l'Evangile s'entremêlent aux fables
orientales. C'est du roman de Barlaam et Jo-
saphat qu'est tiré l'apologue de V Homme pour-
suivi par la licorne, apologue qui a joué un si
grand rôle dans la symbolique sacrée. « Dans
les légendes orientales, dit M. Dézobry, Boud-
dha ou Sidhartha est un jeune prince riche,
heureux époux d'une femmp qu'il aime ; rien
ne manque à sa joie, quand il voit successive-
ment un vieillard,, un lépreux et un cadavre
rongé par les vers. Ces trois spectacles frap-
pent son esprit et le dégoûtent d'un bonheur
qui ne peut pas durer ; la vieillesse, la mala-
die, la mort, lui rendent la vie odieuse et le
font fuir au désert. Cette histoire si caracté-
ristique, ces rencontres si particulières, c'est
le roman même de Barlaam et Josaphat. »
BARLACCHI (Thomas), graveur italien, flo-
rissait au milieu du xvi<* siècle. Il a reproduit
quelques dessins de Raphaël et gravé surtout
beaucoup de monuments et de morceaux d'ar-
chitecture.
BARLAK s. m. (bar-lak). Art milit. Sorte
do capuchon en gros drap, dont on se sert
dans le Caucase pour amortir les coups des
armes blanches.
BARLAND. V. Baarland.
BARLE s. f. (bar-lo). Min. Faille d'uno
mine.
BARLÉRIE s. f. (bar-lé-rî — de Barrelier,
nom d'un botaniste). Bot. Genre de plantes
de la famille des acanthacées, comprenant
une quarantaine d'espèces, qui croissent, pour
la plupart, dans l'Asie tropicale : Les barlè-
ries sont des plantes herbacées ou frutescentes.
(C. d'Orbigny.) Il On dit aussi barrhlerie.
BARLÉRIE, ÉE adj . (bar-lc-ri-é^Bot. Qui
ressemble à la barlérie.
— s. f. pi. Sous-tribu de la famille dos
acanthacées, ayant pour type le genre bar-
lérie.
BARLES (Louis), médecin, pratiquait son
art à Marseille vers la fin du xvn" siècle. On
a de lui : Nouvelles découvertes sur les orga-
nes des femmes servant à la génération (Lyon,
1674) ; Nouvelles découvertes sur les organes
des hommes servant à la génération .(Lyon,
1675). Ces écrits sont des traductions de ceux
de Régnier et de Graaf sur le même sujet, enri-
chies de nouvelles observations de Van Iioorno
et de Vesling.
BARLESIO. V. Barlezio.
BARLET (Annibal), médecin français, ei -
seigna l'alchimie a Paris, dans la seconde
moitié du xvne siècle. Il a publié : Le vray et
méthodique cours de la physique résolutive ou
chymie, représenté par figures, pour connoistre
la théoiechnie ergocosmique, c est-à-dire l'art
de Dieu en l'ouvrage de l'univers (1653); Abrégé
des choses nécessaires au cours de la chymie ou
physique résolutive (1657; 3» édit., 1677).
BARLETTA, ville forte de l'Italie méridio-
nale, dans la Terre de Bari, port sur l'Adria-
tique; 20,000 hab. ; 35 kil. N.-O. de Bari. Bello
église, et statue colossale de l'empereur Héra-
clius; commerce très-actif avec les ports de
l'Adriatique et les îles Ioniennes. Aux envi-
rons, sources salées d'un revenu considérable.
BARLETTA (Gabriel), dominicain du xv° siè-
cle, né peut-être à Barletta (royaume de Na-
ples), se rendit célèbre à Naples par ses ser-
mons, dans lesquels il mêlait le burlesque au
sacré, citant Virgile après Moïse, plaçant Da-
vid à côté d'Hercule et commençant une
fihrase en italien pour la continuer en latin et
a finir en grec. Il s'oubliait parfois jusqu'à
dire des choses dont il ne mesurait pas bien
la portée, comme lorsqu'il se demanda à quels
signes la Samaritaine reconnut que Jésus-
Christ était juif. Des auteurs très-graves, Ni-
céron et d'autres, donnent la réponse du pré-
dicateur; mais nous ne la rapporterons pas
ici. On a, sous son nom, un recueil de ser-
mons (en latin), qui a eu plus de vingt éditions.
La première est de Brescia, 1498. Quelques
auteurs ont prétendu que ces sermons avaient
été successivement altérés et semés, comme
à plaisir do bouffonneries et de trivialités.
Quoi qu'il en soit, Barletta s'était fait, par ses
sermons, une si haute réputation d'éloquenco
qu'il donna lieu à ce proverbe, souvent cité :
Nescit prœdicare qui nescit barlettare.
BARLETTE s. f. (bar-lè-te). Petite bou-
tonnière en feston.
barley s. m. (bar-lè). AutrcC, Orge.
— John Barley-com (littéral., Jean Grain-
d'orge), Nom sous lequel les Anglais person-
nifient fréquemment la biôrc, qui, comme on
le sait, se fabrique avec de l'orge.
BARLEZIO ou BABLESIO (Marino), histo-
rien italien ou albanais, vivait vers le milieu
du xvc siècle. Il a écrit, en latin, une Histoire
de Scanderberg, traduite en français par La-
vardiu (1597) et par le jésuite Duponcet (1706),
ainsi que divers autres ouvrages.
BARLIN s. m. fbar-lain). Tochn. Nœud
qu'on fait à chaque bout d'une pièco de soie
qu'on veut tordre.
barlong s. m. (bar-Ion). Agric. Vase qui
reçoit le vin exprimé par le pressoir.
BARLONG, ONGUE adj. (bar-Ion, on-ghc
— de bar, syllabe péjorat., et de long). Plus
long d'un coté que do l'autre : Un chàle bar-
long, il Allongé, avec la forme d'une quadri-
latère irrégulier : Les dents molaires de l'hip-
popotame sont carrées ou barlo^guks. (Buff.)
Le géomètre n'y avait vu qu'un bosquet barlong
de dix arpents. (Montesq.) Je ne hais pas cette
voûte en pendentif, à plan barlong. (V. Hugo.)
BARLOTIÈRE s. f. (bar-lo-tiè-re) . Techn.
1
BAR
Légère traverse de fer dans un châssis de vi-
traux.
BARLOTTA (Joseph), littérateur italien, né
à Trapani (Sicile) en 1654, était oratorien. Il
a donné un poème sur le massacre des Inno-
cents, sous ce titre singulier : La voce del
Verbo troncata in bocca al martirio a' colpi
deli' incontinenza d'Erode (1695). On a' aussi
de lui un drame dont saint Eustache est le hé-
ros, des odes, des dialogues, des sermons, etc.
BARLOW (Thomas), théologien anglais, né
à Longhill en 1607, mort en 1691. Il se pro-
nonça pour le parlement et se rallia ensuite,
avec non moins de zèle, à la restauration.
Cette souplesse lui valut de nombreuses di-
gnités, des chaires, entin l'évèché de Lincoln.
Sous Jacques II, il ménagea le catholicisme,
-u'il avait jusque-là attaqué avec vigueur, et
t une nouvelle volte-face à l'avènement de
Guillaume. d'Orange. Jamais il n'hésita à se
ranger du parti du plus fort. C'était un bon
théologien et un casuiste subtil, ce qui s'ac-
corde assez bien avec sa conduite. Ses princi-
paux ouvrages sont : De la tolérance en ma-
tière de religion (1660) ; l'Origine des sinécures
(1676); Principes et doctrine de la cour de
Rome sur. l'excommunication et la déposition
des rois (1679, trad. en français) ; Cas de con-
science, résolus par lui et publiés après sa
mort, etc.
BARLOW (Nicolas), horloger anglais, in-
venta, en/l676, les pendules à répétition et,
environ/quinze ans plus tard, les montres de
la mêrjrfe espèce.
EfARLOW (Francis), dessinateur et graveur
• anglais, né dans le Lincolnsbire en 1630, fut
élève de Shepherd, travailla à Londres et
mourut en 1702. C'est par erreur que quel-
ques auteurs le font naître a Cambridge, en
1646 ou 1649, car le poème de B. d'Edward
Benlowes, Theophila, publié en 1652 (in-4°)
est orné de planches gravées par lui. Il ex-
cellait à représenter les animaux. C'est d'a-
près ses dessins que Wenceslas Hollar a
gravé quelques-unes de ses couvres les plus
recherchées des amateurs : Varice quadrupe-
dum species (8 planches in-fol.) et Diverses
avium species (12 planches in-fol.). Barlow a
gravé lui-même à l'eau-forte une pièce remar-
quable, l'Aigle et le chat, et cent douze vi-
gnettes pour une édition des Fables d'Esope
(Londres, 1666, in-fol.).
BARLOW (Inigo), graveur anglais, travail-
lait à Londres vers la fin du xvin» siècle. Il a
exécuté un certain nombre de planches pour
une édition des Œuvres de Shakspeare (Lon-
dres, 1791, in-fol.).
BARLOW (T.-O.), graveur anglais contem-
porain., traduit avec une grande finesse de
burin, et dans des tons doux et vaporeux, les
compositions des peintres de son pays. Il a
envoyé à l'exposition universelle de Paris,
en 1855, une Jeune mère et son enfant, d'après
T. Sant; une Gitatta et son enfant, d'après
J. Philipp; le portrait de M. W. Fahbairn,
d'après Westcott. Il a aussi exposé à Londres,
en 1862, le Huguenot, d'après Millais; la Pri-
son, d'après J. Philipp, etc.
BARLOW (Joël), poEte et homme politique
américain, né en 1755 à Reading, dans le
Connecticut, mort au viilaje de Zarnawicka
(près de Cracovie) le 22 décembre 1812, était
le plus jeune fils d'un respectable fermier, qui
mourut alors que Joël était encore sur les
bancs de l'école. Pendant ses années d'étude,
Barlow composa divers poèmes, entre au-
tres la Description de la paix, dans laquelle
on trouve en germe toutes les grandes aspi-
rations humanitaires qui allaient bouleverser
l'Europe de l'autre coté de l'Atlantique. Ces
poésies furent publiées en 1778. Sorti du col-
lège, le jeune homme étudia les lois, puis la
théologie, qu'il abandonna bientôt pour s'en-
rôler comme aumônier dans l'année fédérale,
alors en train de conquérir l'indépendance
des Etats-Unis. Il y resta pendant toute la
durée de la guerre, et y conçut et exécuta son
grand pëme intitulé la Vision de Colomb, qui
tut publié par souscription en 1787, etdédié à
Louis XVI, en reconnaissance de ce qu'il avait
reconnu l'indépendance des Etats-Unis. Au
rétablissement- de la paix, Barlow revint à
l'étude des lois et fut reçu avocat en 1785, en
•même temps qu'il entrait dans la rédaction
d'un journal hebdomadaire, le Mercure amé-
ricain. En 1788, Barlow partit pour l'Angle-
terre en qualité de directeur, à Londres, de la
compagnie de l'Ohio. Ce voyage l'attira natu-
turëllement sur le continent et à Paris; où il
assista aux préliminaires de la Révolution et
se lia avec les membres du parti girondin. Il
se jeta alors dans le mouvement révolution-
naire et lit paraître à Londres, vers la fin de
1791, son Avis aux classes privilégiées ; et, au
mois de février suivant, un poëme, la Conspi-
ration des rois. Barlow traduisit encore, dans
le courant de l'année 1792,' les Buines de Vol-
ney, qui avaient paru à Paris l'année précé-
dente,et publia, le 16 septembre, sst.Lettreàla
Convention nationale de France, dans laquelle
il suggérait à cette assemblée différentes ré-
formes à apporter dans la constitution, et,
entre autres, l'extinction du pouvoir royal. Ce
fut aussi à la Convention qu'il envoya une
adresse des républicains anglais, en remercî-
ment de laquelle il reçut le titre de citoyen
français. Barlow suivit en Savoie l'abbé Gré-
goire, et, de Chambéry, répandit en Piémont
une proclamation dans laquelle il invitait les
BAR
habitants » à se débarrasser de leur prétendu
roi. » Il revint ensuite à Paris, où il se livra,
pendant trois ans environ, à des spéculations
sur les valeurs publiques; il fut ensuite nommé,
en 1795, consul d'Amérique à Alger et à Tri-
poli, et négocia en Afrique plusieurs- traités
importants pour les Etats-Unis. En 1797, il
revint en France, où il continua ses spécula-
tions sur les assignats et publia même une
brochure sur le commerce comparé des Etats-
Unis, de la France et de l'Angleterre. Barlow
réussit à faire une fortune considérable, et il
acheta l'hôtel du comte de Clermont-Tonnerre,
où il vivait somptueusement, lorsque, pris d'un
accès de nostalgie après dix-sept ans d'ab-
sence, il résolut tout d'un coup de retourner
dans sa patrie (1805) ; il s'établit alors à Wash-
ington. Ce fut là qu'il publia une seconde édition
remaniée de sa Colombiade, nouveau titre de
la 'Vision de Colomb, dédiée cette fois à son
intime ami Robert Fulton. Ce poème, imprimé
à Philadelphie avec le plus grand luxe, fut
publié deux ans après dans le format in-12, et
il le fut ensuite a Londres et à Paris ; c'est une
épopée dans laquelle de fort beaux passages
sont malheureusementensevelis dans un fatras
mythologique et allégorique assez ennuyeux.
Il travaillait à une Histoire des Etats-Unis,
lorsqu'il fut envoyé, en 1811, comme ministre
plénipotentiaire a Paris. En 1812, alors que
Napoléon accomplissait sa désastreuse cam-
pagne de Russie, Barlow fut invité à aller
rejoindre hveonquérant à Wilna. Il partit en
poste ; mais, vaincu par le froid et par les fa-
tigues du voyage, il fut, au retour, obligé de
s'arrêter dans le petit village de Zarnawicka,
où il prit un refroidissement au sortir d'une
taverne juive, et mourut en très-peu de temps
d'une fluxion de poitrine. Sa dernière œuvre fut
un poëme dans lequel il exprimait son admira-
tion pour le génie de Napoléon. Il en dictait, de
son lit de mort, les derniers vers à son secré-
taire. Les œuvres de Joël Barlow, peu con-
' nues de nos contemporains, portent l'empreinte
d'un esprit honnête et énergique ; mais elles
se ressentent également de l'exagération de
son caractère, et le grand nombre d'idées jus-
tes ou utiles qu'elles renferment font désirer
une édition de ses oeuvres choisies. Ses ou-
vrages en prose sont bien supérieurs à ses
poèmes, dont la facile versification et les ima-
ges pompeuses dissimulent assez mal les
défauts de composition. Sa Colombiade, son
meilleur poëme, est écrite avec soin, en beaux
vers ; on y trouve des épisodes très-remar-
quables, et cependant c'est une œuvre longue
et ennuyeuse.
BARLOW (Pierre), l'un des plus célèbres
savants de l'Angleterre , né à Norwich en
1776, mort en 1862. Fils d'un ouvrier, il dut à
sa seule intelligence et à son amour pour l'é-
tude, d'abord l'instruction, puis la haute posi-
tion scientifique qu'il sut acquérir. Devenu
répétiteur de mathématiques et de physique
à l'Académie militaire de Woohvich, en 1806,
il fut bientôt après nommé titulaire de cette
chaire, qu'il occupa quarante ans, puis il fut
élu successivement membre de la Société
royale (1823), de la Société d'astronomie (1829),
membre des académies de Saint-Pétersbourg
et de Bruxelles, de la Société des sciences et
des arts d'Amérique, et enfin membre corres-
pondant de l'Institut de France. Il est connu
clans le monde savant à triple titre, pour ses
travaux sur les mathématiques, sur la physi-
que et sur la mécanique. Lorsque les progrès
de l'art nautique tendirent à substituer par-
tout le fer au bois dans la construction des
vaisseaux, on s'aperçut qu'une si grande
masse de métal impressionnait fortement l'ai-
guille aimantée de la boussole, et que les er-
reurs les plus regrettables pouvaient en ré-
sulter pour ladirection.des navires. M. Barlow
parvint à neutraliser en grande partie cette
.action, au moyen d'un disque en fer posé près
de l'habitacle, et il composa, à ce sujet, un traité
complet de l'électro-magnétisme, sous, le titre
d'Essais sur l'attraction magnétique (1820). Ces
beaux travaux lui valurent, en Angleterre, la
médaille d'or de Copley (1825), la plus haute
distinction que puisse décerner la Société
royale, et, en France, la récompense accor-
dée aux découvertes utiles à la navigation.
L'astronomie lui est redevable d'une impor-
tante amélioration dans les télescopes achro-
matiques. En substituant au flint-glass le sul-
fure de carbone, dont la puissance de réfrac-
tion est double de celle du verre, il parvint à
construire un télescope avec lequel il put cor-
riger les erreurs des catalogues d'étoiles de
MM. W. Herschell et South. Ce télescope, dont
l'ouverture avait huit pouces, était le plus
grand qui eût été construit en Angleterre, avant
celui d Herschell.
Comme mécanicien, il s'est surtout occupé
des chemins de fer, et il a consigné le résul-
tat de ses longues expériences dans son grand
Traité sur les matériaux de construction, qui
est considéré, en-Angleterre et à l'étranger,
comme faisant loi sur ces matières, et qui a
été traduit dans toutes les langues de l'Eu-
rope. Un système de rails porte son nom. Ou-
tre les ouvrages cités plus haut, un grand
nombre d'articles publiés par Barlow, de 1821
à 1836, dans les Transactions philosophiques,
et de remarquables rapports écrits, présentés
au parlement sur des questions de chemins de
fer, on doit à ce savant : Recherches élémen-
taires sur la théorie des nombres (1811); Nou-
velles Tables mathématiques (1814 et 1840);
Nouveau Dictionnaire philosophique et ma-
BAR
thématique (1814); De la construction des téles-
copes achromatiques (1829 et 1833) ; De l'outil-
lage et desmanufactures de la Grande-Bretagne
(1837), etc.
BARLOW (Francis), homme d'Etat et gé-
néral américain, né à New- York, exerça d'a-
bord la profession d'avocat dans sa ville na-
tale. Lorsque éclata la guerre de la sécession,
il s'engagea, le jour même de ses noces,
comme simple soldat dans le 12« régiment des
volontaires de New-York (avril 1861) et fut
nommé* lieutenant après trois semaines de sé-
jour au camp. Au bout de trois mois, il retourna
a New-York et contribua puissamment à la
levée et à l'organisation du 6ie régiment de
volontaires new-yorkais, dont il fut nommé
lieutenant-colonel par le gouverneur Mor-
gan. Il fut fait brigadier général peu après
la bataille d'Antietam, reçut plusieurs bles-
sures, en particulier à Gettysburg, où il fut
renversé de son cheval après avoir été atteint
de quatre balles. Il servit sous le général
Grant, depuis" l'entrée de ce dernier en Vir-
ginie jusqu'à la prise de Richmond et à la
capitulation de l'armée de Lee. Le 1er jan-
vier 18G6, par suite d'élection, il a rempli les
fonctions de secrétaire d'Etat (ministre diri-
geant) de l'Etat de New-York.
BARLOWE (Guillaume), théologien anglais,
mort en 1568. Il appartenait à l'ordre des au-
gustins, fut envoyé par Henri VIII en Ecosse,
seconda les réformes religieuses de ce prince,
et obtint en récompense les év'êchés de Saint-
Asaph, de Saint-David, de Bath, puis de Wells.
Il se convertit au protestantisme, passa en
Allemagne pendant la sanglante réaction
catholique du règne de Marie, et devint, sous
Elisabeth, évoque de Chichester. On a de ce
prélat des ouvrages de controverse et de théo-
logie : Enterrement de la messe; Homélies
chrétiennes , et autres écrits oubliés.
BARLOWE (Guillaume), physicien anglais,
fils du précédent, mort en 1625. Il fut chape-
lain du prince Henri, fils de Jacques Ier, et
archidiacre de Salisbury. Il est le premier qui
ait écrit sur les propriétés de l'aimant. Il a
fait sur ce sujet des découvertes intéressan-
tes. Voici les titres de ses écrits : Y Aide du
navigateur (1597) ; Avertissement magnétique
ou Observations et expériences concernant ta
nature et les propriétés de l'aimant (1616).
BARMÉCIDES ou BARMEK1DES, nom d'une
famille d'origine persane, dont les descen-
dants occupèrent à Bagdad, sous les premiers
califes abbassides, les charges les plus éle-
vées, et jouirent pendant longtemps, en Orient
et en Europe, d'une grande réputation de no-
blesse, de justice, de magnanimité et de géné-
rosité. On dit encore, en Perse et dans tout
l'Orient, les Barmécides, comme nous disons
chez nous les Guises, les Rohan, les Montmo-
rency. Lorsque les Abbassides s'emparèrent
en Orient de la puissance souveraine, au dé-
triment dés Ommiades, comme cela arrive
ordinairement dans le système monarchique,
c'est-à-dire par l'usurpation,, ils trouvèrent
dans le Khorassan, qu'ils venaient de conqué-
rir, une famille illustre et puissante, d'origine
persane, qu'on appelait les Barmécides, du nom
de Barmeli, le premier de cette race, et voici
comment les historiens persans expliquent
l'origine de ce nom. Le chef de cette famille
se présenta un jour devant le calife, tenant
une bague empoisonnée ; celui-ci ayant de-
mandé une explication à ce sujet : « Ta der
hengami ckedaiat barmekem (c'est afin de la
sucer au moment de la nécessité), » répondit
le serviteur, et le surnom de Barmelc lui resta.
En embrassant la religion musulmane (96 de
l'hégire, 714 de J.-C.j, Barmek ajouta à ce
nom celui de Djafar, et se fixa à la cour du
calife. Son fils Khaled-bén-Barmek s'attacha,
à son tour, à la' fortune des Abbassides, et
remplit, à la cour d'Aboul Abbas Saffakh, la
charge de grand vizir ; il conserva ce poste
sous le calife Almansour, successeur d'Aboul
Abbas, et eut le courage de s'opposer à son
maître, qui voulait faire détruire le palais des
rois persans de Médaïn, pour en employer les
matériaux à la construction de Bagdad. L'his-
torien oriental Masoudi prodigue les plus
grandes louanges à Khaled-ben-Barmek, dont,
dit-il, la sagesse, l'éloquence, la franchise et
le courage n'ont été dépassés par aucun de
ses successeurs. Son fils Jahia-ben-Barmek
inspirait à son tour tant de confiance au calife
El Mahdi, successeur d'Ahnansour, que, l'an
163 de l'hégire, El Mahdi le créa gouverneur
et conseiller du plus cher de ses fils, le prince
Haroun-al-Raschild, qu'il avait eu d'une es-
clave nommée Khaïzeram Les historiens
orientaux .font aussi les plus grands éloges
de ce petit-fils de BarmeK : il était brave,
généreux , savant , également habile dans
1 administration civile et dans l'art militaire,
mais surtout d'une libéralité célébrée par tous
les poètes ; on cite des traits vraiment mer-
veilleux de cette magnificence, qui est passée
en proverbe. Il ne montait jamais à cheval
sans être muni de bourses qui contenaient
chacune 200 pièces d'argent, qu'il distribuait
à tous les mendiants qui se présentaient à sa
rencontre. Un cavalier le suivait, chargé de
lui remettre de nouvelles bourses quand les
premières, étaient épuisées. Ce vizir eut la
plus grande part à l'éclat du règne d'Haroun-
al-Raschid, qui dut aux services et aux qua-
lités de son ministre beaucoup de sa renom-
mée et de sa gloire.
Jahia laissa quatre fila dignes de lui :
BAR
239
Fadhel-ben.- Jahia, Djafar, Mohammed et
Mousa. Mais, avant de passer aux nouveaux
vizirs, donnons ce tableau que l'historien
Fakhr-Eddin-Razi a laissé de Jahia : « Il
agrandit les limites de l'empire, remplit le tré-
sor public, répandit l'abondance parmi les pro-
vinces et fit briller le trône du calife d'un nou-
vel éclat. Il suffisait seul à toutes les affaires
du gouvernement. Il était éloquent, sage,
instruit, ferme et prudent. Il se montrait doux,
modeste et généreux. Son éloge était dans
toutes les bouches, et tous les poètes ont cé-
lébré ses qualités. ■
Fadhel-ben-Jahia, qui lui succéda, poussa
la vertu de son père et de son a'ieul à un point
qui passe toute- croyance. Il donnait, rap-
porte Fakhr-Eddin, des maisons, des terres,
des millions, comme un autre aurait donné un
simple bijou; il était spirituel et poiite, mais
d'un esprit légèrement enclin à l'épigramme.
Quoi qu'il en soit, ajoute l'historien persan,
Fadhel s'est distingué entre tous ses contem-
porains par ses libéralités, et- il doit être
compté parmi les hommes les plus généreux
que la terre ait jamais portés. — 11 avait
été allaité, dit encore le même historien, par
la mère de Rasclml, et Rasnhid avait sucé le
lait de la mère de Fadhel. Malgré eelu, c'est
Djafar, deuxième (ils de Jahia et frère de Fa-
dhel, que préférait Haroun. Djafar était aussi
distingué par son éloquence, son jugement, la
finesse de son esprit, que par ses manières
nobles et l'égalité de son humeur. Il surpas-
sait son frère en urbanité, en pénétration, en
sagacité et en souplesse, et ces qualités lui
avaient concilié la faveur d'Haroun, qui ne
pouvait se passer de lui, et qui en avait fait
son compagnon, son confident, son ami.
Les auteurs orientaux fourmillent d'exem-
ples qui montrent la faveur extraordinaire
dont Djafar jouissait auprès d'Haroun. L'an
176 de l'hégire, le calife nomma son favori
gouverneur général des provinces de l'ouest,
depuis Anbar jusqu'aux frontières de l'Afrique,
poste que celui-ci remplissait en restant à
Bagdad. Haroun avait une sœur d'une grande
beauté , nommée Abbassa , qu'il chérissait
également. Comme il ne pouvait se passer de
la société de Djafar et de celte de sa sœur, et
que les convenances ne permettaient pas à la
jeune princesse de paraître sans voile devant
le1 vizir, le. calife les unit, mais avec cette
restriction qu'ils n'auraient ensemble aucune
relation conjugale. Cependant, c'est ce même
Djafar, avec qui le calife vivait dans une si
tendre intimité, qui devait être la cause de la
disgrâce éclatante et de la fin tragique de tous
les siens. Les raisons historiques de ce mémo-
rable' événement sont rapportées avec détail
par Fakhr-Eddin.- Un despote jaloux de sa
puissance, un despote oriental, ne pouvait
voir sans inquiétude l'influence qu'exerçait la
famille des Barmécides et l'affection qu'elle
s'attirait par ses libéralités.
Voici ce que dit l'historien arabe que nous
avons déjà nommé, à propos de l'éclat que
jetèrent sur le règne de Haroun-al-Raschid,
l'administration et l'influence des Barmécides :
» Cette famille était le diadème du front du
siècle et la couronne de la tète du temps. Sa
noblesse et sa générosité sont restées prover-
biales; tous les hommes accouraient vers
elle, toutes les espérances reposaient sur
elle. Le monde lui accorda ses faveurs les
plus précieuses. Jahia et ses fils étaient
comme des étoiles étincelantes , comme des
mers sans limites, comme des pluies fécon-
dantes. Chez eux, la réunion des talents était
nombreuse, les degrés de llintelligence étaient
élevés. À leur époque, le monde florissait et
l'empire rayonnait. Ils étaient la consolation
des affligés et le refuge des expatriés. •
En outre, les Barmécides favorisèrent puis-
samment les lettres et les arts, dont ils se
montrèrent les protecteurs éclairés et intelli-
gents. Les savants et les poètes arabes les
plus célèbres de l'époque accouraient en foule
a la cour de Harouu-al-Raschid. C'est dans
cette circonstance , après soixante ans de
prospérité non interrompue, que les Barmé-
cides tombèrent subitement en disgrâce.
Haroun leur retira sa faveur, leurs honneurs,
leurs biens, leur liberté, et leur ôta même la
vie, de sorte que cette malheureuse famille
devint un des exemples les plus frappants et
les plus déplorables de l'instabilité des choses
humaines. Les historiens arabes attribuent ce
revirement subit de fortune à différentes cau-
ses, et entre autres à celle-ci : on accusa les
Barmécides de suivre en secret la religion
persane , le culte du . feu , qui était celui
de leurs ancêtres. Mais voici sans doute la
véritable, la seule cause de cette fameuse
disgrâce presque unique dans l'histoire. Dja-
far , uni à la belle Abbassa aux conditions
qui ont été exposées plus haut, tint long-
temps sa promesse ; mais il reçut un jour
de sa belle épouse des vers qui peignaient en
traits de flamme la passion dont elle était dé-
vorée. Le malheureux Barmécide, qui brûlait
du même feu, oublia le terrible serment, et
Abbassa mit au monde un fils, qui fut secrète-
ment élevé en Arabie. Haroun dissimula quel-
que temps sa colère et continua à prodiguer
a Djafar ses amitiés ; mais, un soir qu'ils se "
trouvaient l'un et l'autre a Anbar, près de
Bagdad, Haroun ordonna subitement à son
eunuque noir, Mesrour, le même que l'on voit
si souvent figurer dans les Mille et une nuits,
de se rendre avec des soldats dans la maison
qu'habitait Djafar et de lui trancher la tête.
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BAR
BAR
BAR
BAR
Dans toute l'étendue de l'empire, les membres
de la nombreuse famille des Barm'écides fuient
à l'instant arrêtés, jetés en prison, et leurs
immenses richesses confisquées. La princesse,
veuve de Djafaret cause innocente de tant de
désastres, fut ignominieusementchassée du pa-
lais, et le malheureux fruit de son amour jeté
dans un puit; par ordre de Haroun, que l'his-
toire a surnommé al-Raschid , c'est-à-dire
le Juste. Le calife défendit, sous peine de mort,
de prononcer le nom des' Barmécides et de
composer des vers en leur honneur; mais les
libéralités des vizirs avaient laissé dans toute
la Perse un souvenir ineffaçable, et cette dé-
fense eut le sort de celle des Delphiens. Au-
cun nom de monarque ou de conquérant n'a
été célébré par les historiens et les poètes
comme celui des Barmécides; c'est le thème
obligé des émules de Saadi et des fils de
Mahomet; en eiïet, les Barmécides avaient
répandu trop de bienfaits, leur gloire avait
jeté trop d'éclat, pour qu'il fût au pouvoir d'un
tyran d'étouffer ce souvenir dans le cœur des
peuples et d'imposer silence à la lyre des
poètes.
Le Grand Dictionnaire, fidile h. son plan,
qui est de ne pas dédaigner un détail quand
ce détail est caractéristique, va donner un
des innombrables morceaux que la poésie
persane a consacrés a la mémoire des Barmé-
cides ; nous regrettons seulement que cette
pièce soit revêtue d'une forme qui lui enlève
tout le charme qu'elle a certainement dans le
texte original.
LE POliTE RECONNAISSANT.
« Fadhel-ben-Jahia, favori du calife Haroun-
nl-Kasehid, rassembla un jour tous ses amis
pour célébrer la naissance de son petit-lils.
Le poète Mohanimed-Demeschki récita des
vers qu'il venait (le composer sur cet heureux
événement. Le vizir fut si enchanté de cette
poésie, qu'il lit donner 10,000 écus à Moham-
med. Quelques années après, Fadhel fut dis-
gracié et dépouillé de ses biens. Le poëte
Mohammed vivait fort retiré à la campagne
et ignorait la disgrâce de Son bienfaiteur.
Dans un voyage qu'il fit il Bagdad pour des
affaires, il se rendit au bain, selon la coutume
des musulmans. On lui donna, pour le servir,
un jeune garçon fort bien fait. Tandis qu'il se
baignait, Tes vers qu'il avait composés jadis
se retracèrent à son esprit, et il les chanta.
Tout à coup, le jeune garçon tombe sans con-
naissance, comme frappé delà foudre. Moham-
med sort du bain et donne les plus prompts
secours à l'enfant. Celui-ci ayant enfin repris
ses sens pria Mohammed de lui dire quel était
l'auteur des vers qu'il venait de chanter. —
Moi, répondit le poète; je les composai pour le
fils de Fadhel. — Pour le fils de Fadhel ! répliqua
douloureusement le jeune homme : savez-vous
bien où il est maintenant, ce fils de Fadhel?'
Hélas I il est devant vous. Vos vers m'ont
rappelé mon ancienne fortune j la tristesse
s'est emparée de mon âme, et je suis tombé,
accablé de douleur... Mohammed, touché de
la plus vive compassion pour le rils d'un
homme à qui il devait sa fortune, lui. dit : —
Fils infortuné du plus généreux, des mortels,
vous voyez que je suis déjà, vieux; je n'ai
point d'enfant; suivez-moi, je vais dès ce
moment vous passer une donation de tout ce
que je possède ; vous en jouirez quand je ne
serai plus. Le jeune Fadhel répondit en versant
des larmes : — A Dieu ne plaise que je re-
prenne ce que mon père vous a donné ! jouis-
sez de cette fortune, que vous êtes digne de
posséder. Après bien des résistances , Mo-
hammed fit consentir le jeune Fadhel à l'ac-
compagner dans sa retraite, et en fit son hé-
ritier.
Voici un quatrain d'un poète arabe, qui a
été élégamment rimé :
Mortel, faible mortel, à qui le sort prospère
Fait goûter de ses dons les charmes dangereux.
Connais quelle est des rois la faveur passagère,
Contemple Barmécide, et tremble d'être heureux.
Les poètes orientaux ont pris également
l'histoire éclatante et tragique de cette célè-
bre famille pour sujet de plus vastes compo-
sitions. Le poète allemand Hammer a écrit
une tragédie ayant pour titre la Chute des
Barmécides, et enfin La Harpe a composé sa
célèbre tragédie des Barmécides, qu'il aurait
pu, avec plus de raison que l'écrivain d'outre-
Rhin, baptiser du nom de chute. Cette chute
fut éclatante et montra le côté comique de la
muse tragique de La Harpe. L' Encyclopédie
catholique, qui n'est pourtant pas une mé-
chante dame et qui n'a aucune raison d'en
vouloir au converti La Harpe, dit que le par-
terre, qui ne voulait pas que le supplice des
favoris de Haroun se prolongeât au delà du
tombeau, ne tarda pas a faire disparaître les
Barmécides de l'affiche. Le Dictionnaire de la
Conversation est plus sévère encore, sans être
moins ironique. « Cette pièce, dit-il, n'eut au-
cun succès au théâtre et lit inventer des
Cannes à la Barmécide, munies d'un sifflet à
çision.
BnrnicciileB (les), tragédie en cinq actes,
de La Harpe, représentée pour la première
fois à Paris, sur le Théâtre-Français, en 1778.
A part Mélanie, les pièces de La Harpe mé-
ritent tout au plus une mention. L'auteur du
Cours de littérature, qui réussissait parfois as-
sez bien a apprécier le talent de ses rivaux en
prose et en vers, manquait absolument de ce
don créateur sans lequel les grandes œuvres
sont impossibles. Le feu sacré faisait défaut a
ce pédant de collège qui, toujours une férule à
la main, prétendait régenter tout l'empire lit-
téraire. Les malheurs de la famille de liarmek,
et particulièrement les amours de Djafur et do
la sœur de Raschild, sont le sujet d'un roman
de M"e Fauque, intitulé Abbassaï , histoire
orientale, publié en 1752, a Pavie,in-12. 11 va
sans dire que l'histoire y est traitée d'une
façon galante, à la manière des romans de co
genre, comme on les comprenait au xvu" ot
au xvmo siècle. C'est par ce roman, plus
même que par la Bibliothèque orientale de
d'Herbelot, que l'idée de traiter ce sujet semble
être venue à La Harpe. Il était très-peu orien-
taliste par l'étude, et il ne savait historique-
ment rien de précis ni sur l'islamisme ni sur
les successeurs de Mahomet. C'est avec ce
peu de connaissance des choses arabes et per-
sanes, et une ignorance à peu près complète
des mœurs et des coutumes de l'Orient, qu'il
entreprit de mettre sur la- scène des person-
nages qu'il ne connaissait point.du tout. Qaoi
qu'il en soit, voici comment il imagina sa
pièce. Il fait raconter en gros, dans l'expo-
sition de sa tragédie, avec toutes sortes d in-
exactitudes et de méprises, les faits dont la
légende plutôt que l'histoire s'est plu à orner
la disgrâce des Barmécides. Djafar, que La
Harpe nomme Barmécide, passe pour avoir
été mis à mort avec tous les siens (les Barmé-
cides) par l'ordre d'Haroun, vingt ans aupa-
ravant, pour des motifs assez mal expliqués
dans cette exposition. On a vu plus haut ce
que la légende rapporte des amours roma-
nesques de Djafaret d'Abbassa,sœurdu calife.
Avec La Harpe, il ne s'agit plus de la sœur
du calife, mais de sa nièce, et le grand motif
de l'extermination des Barmécides ordonnée
par le despote, a été, selon l'auteur, le mariage
secret de • Barmécide, » c'est-à-dire Djafar
avec sa nièce.
Par un nœud clandestin,
A la nièce d'Haroun il unit son destin.
En outre, et par précaution, Haroun a fait met-
tre à mort tous ceux qui, à un degré quelconque,
appartiennent à la puissante famille des Bar-
mécides. Malheureusement, cela est àpeu près
conforme à l'histoire,
Des ordres homicides
Livrèrent au trépas quarante Barmécides.
M. de La Harpe dit cela, là, un peu trop pla-
tement peut-être, mais enfin cela est vrai. Seu-
lement, dans un intérêt particulier, celui de
sa pièce, l'un des quarante en question est
sauvé du trépas. Ce n'est peut-être pas le
plus honnête, mais c'est le plus illustre. L'exé-
cuteur des ordres du calife, Saed, qui devait
sa fortune à Djafar, voulut lui sauver la vie.
. , . Un^esclave à peu près de son âge.
Assez semblable û. lui de taille et de visage
fut immolé à la place de Barmécide, car La
Harpedonne presque continuellementason hé-
ros le nom de Barmécide, par la seule raison que
les rimes en ide sont moins fières que les rimes
en far. Voilà pourquoi Barmécide, que tout le
monde croyait mort, se retrouve dans la suite
de la pièce. U s'était échappé par des souter-
rains obscurs, et s'en était allé cacher ses
malheurs au coin de l'Asie qui s'appelle, dans
une autre scène, les déserts de la Syrie. Le
prétendu meurtrier aurait fait plus encore, il
aurait également sauvé la vie a un enfant de
Djafar, qu'il aurait longtemps caché dans sa
maison, pour le présenter un beau jour au
calife, comme un de ses propres enfants. Aino-
rassan (c'est le nom que La Harpe donne à ce
nouveau Joas) parvient peu à peu à gagner
les faveurs du calife, et s'élève enfin à la place
même qu'avait occupée son père. C'est là
qu'on le voit quand le rideau se lève. Il montre
dans ce poste les mêmes talents et la même
générosité, avec plus de retenue dans l'usage
de la puissance dont il est revêtu, pour ne
pas donner d'ombrage au calife , représenté
lui-même comme extrêmement jaloux de ses
prérogatives despotiques.
On est trop criminel quand on peut lui déplaire,
Et tout sang est abject aux yeux dû sa colère.
Les choses en sont là, et tels sont les faits an-
térieurs, au moment où la pièce commence.
Cependant, on ne comprend guère pourquoi,
après avoir fait exécuter tous ces Barmécides,
des remords sont venus au calife Haroun. Il
ne paraît point trop regretter la perte de
trente-neuf de ces pauvres parents de Djafar,
mis à mort à cause du nœud clandestin de
celui-ci avec la nièce du calife; mais il ne
regrette pas seulement, il pleure le quaran-
tième, et il lui a fait même élever un monu-
ment parmi les tombeaux de ses ancêtres, où
naturellement il n'a pu mettre que les dé-
pouilles mortelles de l'innocent esclave à qui,
par bonté, Saed a fait couper la tête pour
ligurer celle de Djafar, qu'il voulait épargner.
Dans ce monument, dans ce tombeau placé,
pour plus d'effet, sur la scène, Haroun nous
dit qu'il est très-fâché devoir fait mettre à
mort ce pauvre Barmécide, et il ajoute :
J'y descends tous les jours, et c'est pour y pleurer.
On voit que le calife est doué d'une grande
puissance de larmes, car, au, moment où
s'ouvre la pièce , après vingt ans il a dû ,
si nous savons bien compter, descendre dans
ce tombeau, pour y pleurer, trois cent soixante-
cinq fois multipliées par vingt, c'est-à-dire sept
mille trois cents fois. Ce culte d'un tombeau ne
paraît pas , du reste , beaucoup préoccuper
ceux à qui le spectacle en est donné, et Amo-
rassan est loin de se douter que cela le regarde,
car Saëd ne lui a pas encore fait connaître le
secret de sa naissance. Enfin, ce secret lui est
révélé, et en même temps Saëd remet au fils
une lettre écrite par son père au moment d'être
égorgé, et qui finit par ces mots:
Hais il me reste un (Ils, il vengera son père.
Saed apprend au vizir, dans la même scène, mie
tout est déjà prêt pour cette vengeance ; qu'il a
formé un complot avec Sémire, princesse du
sang des Ommiades, que les Abbassides avaient
dépossédés du califat, laquelle Sémire, par
parenthèse, avait été refusée en mariage par
Haroun à Amorassan, qui en était amoureux.
La princesse, comme 1 appelle La Harpe, arrive
elle-même et développe encore mieux à son
amant ses projets, ses moyens d'action et ses
espérances. Elle lui offre sa main et ses droits
à l'empire, comme si une femme en Orient
pouvait avoir des droits à l'empire. La voix
de la nature et celle de l'amour engagent
également le jeune vizir dans cette conjura-
tion, et il en devient le chef. Mais, au moment
même où elle va éclater, arrive à Bagdad un
vieillard qui demande un entretien secret à
Amorassan. Ce vieillard, c'est Djafar, c'est
Barmécidej que personne ne reconnaît dans
ces lieux jadis pleins de sa gloire et do sa
puissance. Sémiro avait écrit une lettre au
Soudan de Damas, pour l'engager k soutenir
la conjuration. L'esclave chargé de cette lettre
tombe malade et meurt dans les déserts de la
Syrie, précisément à l'endroit où Barmécide
s'est retiré depuis vingt ans ; et, pressé de
remords, au moment de perdre la vie, il révèle
à ce vieillard, qu'il ne connaît point, le danger
qui menace la vie d'Haroun. Barmécide, qui
jusqu'alors n'a respiré que la vengeance, con-
çoit dans ce moment le généreux dessein de
sauver la vie au meurtrier de sa famille. C'est
là ce qui l'amène à Bagdad. Ne pouvant pé-
nétrer d'abord jusqu'au* calife même, il vient
tout dévoiler au vizir, et ce vizir est le chef
de la conjuration, et la conjuration est formée
en partie pour venger la mort de celui-ià mémo
qui vient la dévoiler. Amorassan veut » im-
moler» d'abord ce vieillard à sa sûreté et à celle
de ses desseins; mais il hésite. D'ailleurs, un
sentiment confus lui parle en faveur de cet
homme ; il se contente de le faire surveiller
et de le remettre entre les mains de Saëd, au
nom duquel Barmécide a paru s'attendrir.
Saëd, qui reconnaît l'ami qu'il a voulu venger,
veut faire abandonner à Barmécide le dessein
qui l'a conduit auprès du calife. Mais le vieil-
lard est inébranlable dans sa générosité : il
veut à toute force sauver Haroun, sûr d'obtenir
ensuite la grâce de son fils. Le calife, averti
déjà que l'on conspire contre lui , charge
Aménor, son fils, de se tenir prêt à déjouer le
complot. Puis, une lutte morale s'engage entre
Djatar et son fils Amorassan : le premier veut
sauver le calife à tout prix, le second persiste
dans ses projets de révolte. Celui-ci court se
mettre à la tête des conjurés, et le père court
se jeter aux pieds du calife. C'est la fin du
quatrième acte.
Dans un combat qui se livre dans l'intervalle
du quatrième acte au cinquième, Amorassan tue
Aménor, le fils d'Haroun, mais le calife triom-
phe en personne des conjurés: ils sont vaincus;
Amorassan et ses complices, qui ont échappé
à la mort, sont chargés de fers. Haroun,
terrible dans ses vengeances, ne songe qu'à
faire couler le sang du vizir infidèle, en expia-
tion du sang de son fils; mais le vieillard qui
lui a conservé l'empire lui demande un en-
tretien, et tout s'arrange. Haroun pardonne, et
voilà la tragédie des Barmécides. La ressem-
blance est frappante, dans les situations, entre
le Cinna de Corneille et les Barmécides de
La Harpe, sauf que les Romains de Corneille
parlent en Romains comme l'histoire nous
les montre, et que les Persans et les Arabes
de La Harpe parlent en Persans et en Arabes
tout à fait de fantaisie. Le rôle de Sémire, en
effet, semble calqué sur celui d'Emilie. Amo-
rassan n'est que Cinna, et Haroun est Auguste.
Ainsi, la générosité de Barmécide, qui arrive
du fond de l'Asie pour sauver celui qui adonné
l'ordre, il y a vingt ans, de l'égorger, lui et
toute sa famille, et celle du calife, qui pardonne
au meurtrier de son fils, de son héritier pré-
somptif, voilà tout le fondement de la tragédie
des Barmécides.
Rien n'est plus comique que cette tragédie.
Pour n'insister que sur un point, ce que l'au-
teur semble vouloir faire le plus admirer dans
sa pièce, c'est la générosité du vieux Barmé-
cide. Voyons un peu cela. Le calife Haroun a
voulu faire égorger le ministre auquel il devait
toute la splendeur de son règne, et il a fait
égorger réellement trente-neuf personnes de
sa famille. Barmécide ne respire que pour sa
vengeance tant qu'il ne peut pas la satisfaire ;
mais au moment où il le peut, il y renonce
subitement et il se met vite en chemin pour
venir sauver le meurtrier de tous les siens.
N'est-ce pas curieux?
D'autre part, La Harpe peint le calife comme
le plus altier et le plus irascible des hommes.
On sait d'ailleurs avec quelle sorte d'effroi,
avec quel servile abaissement, les peuples
d'Orient ont toujours abordé leurs souverains.
Amorassan s'y était conformé lui-même, quel-
ques jours auparavant, en demandant au calife
la main de Sémire
D'une voix suppliante et d'un front incliné.
Sur les marches du trône humblement prosterné, .
Tout k coup, il change de manières et de ton,
lorsque Saed lui a appris de qui il est lb fils ;
il adresse au calife des injures tout à fait
. invraisemblables, des reproches sanglants sur
sa conduite avec ses anciens ministres. On
s'attend à voir l'étonneinent, puis la colère
d'Haroun; point du tout: il fait giace à l'inso-
lent vizir, et il lui ouvre sur-le-champ son
cœur. On sait le reste, et le pardon du dé-
noûmeiit n'est pas le côté le moins singulier
de cette singulière pièce; car enfin , voilà un
père qui pardonne au meurtrier de son fils
tendrement aimé, une heure après le meurtre,
et lorsque son sang fume encore ; et l'auteur
a la naïveté de lui en faire faire la remarque
à lui-même :
Je pardonne, h l'aspect de mon fils égorgé.
Ce n'est pas tout : Haroun va jusqu'à prier
Amorassan d'avoir de l'amitié pour lui, de lui
tenir lieu de ce fils, de cet Aménor qu'Amo-
rassan vient d'égorger, et d'épouser Sémire;
il dit à Saed ces paroles abominables, eu égard
à la situation :
Lorsque lu me trompais, Saéd, tu me servis.
Les héros de cette tragédie sont d'une trempe
extraordinaire, il faut en convenir, et la pièce
frappe d'abord par cette singularité qu'aucune
autre ne présente: ils agissent tous contraire-
ment à leur caractère, aux sentiments qu'ils de-
vraient avoir, à leurs intérêts même. Les quatre
principaux personnages y font exactement lo
contraire de ce qu'ils devraient faire, selon la
nature des choses et dans les situations où ils
se trouvent. Il n'y a point d'exemple d'un ou-
vrage dramatique où les bienséances, la j'ai-
son, la vérité, la nature soient plus cruelle-
ment blessées. C'est pour ainsi dire, d'un bout
à l'autre, une tragédie à contre-sens et à re-
bours. On n'y trouve ni connaissance du cœur
humain, ni connaissance du théâtre, ni vrai-
semblance, et le style y est à la hauteur do
tout cela. Aussi , cette tragédie ne fut-elle
jouée que onze fois; et comme, dans les dev-
nicres représentations , les nombreux amis
de La Harpe allaient, par zèle, entendre la
nièce, on les appela, au rapport de Grimm,
les Pères du désert.
Grimm, parlant dans sa Correspondance lit-
téraire de ces malheureux Barmécides, se con-
tente de retracer la physionomie de la salle à
la première représentation , qui eut lieu le
11 juillet 1778, juste un mois et douze jours
après la mort de Voltaire, et il le fait do la
manière la plus pittoresque : « Il y avait,
dit-il, le jour de la première représentation,
deux cabales très-marquées; mais celle qui
favorisait l'auteur était sûrement la plus nom-
breuse et la plus bruyante. Dans ce dernier
parti, personne ne s'est distingué avec plus
d'éclat que le comte de Schouwalof, l'auteur
de l'E-pitre à Ninon. Il occupait, avec quel-
ques personnes de sa suite, Te premier rang
du balcon du côté de la reine. Plus l'ouvrage
paraissait chanceler, plus il redoublait d'ap-
plaudissements. Quand la fatigue l'obligeait à
se donner un peu de repos, il excitait son
voisin à le remplacer, s'essuyait bien vite io
visage et reprenait aussitôt lui-même avec
plus de force et de chaleur. Un si beau zèle
l'a rendu l'objet des regards et de l'admiration
de toutes les daines qui l'entouraient. Le feu
de M. de Schouwalof a été vivement soutenu
par le parti de la musique italienne, dont M. de
La Harpe a si innocemment plaidé la cause,
et pour laquelle il a essuyé tant de mauvaises
plaisanteries, tant de persécutions de toute
espèce. Aussi n'y a-t-il point de bon picci-
niste qui, dans cette occasion, ne se soit cru
obligé en conscience d'applaudir, quelque opi-
nion qu'il eût d'ailleurs de l'ouvrage; ce qui a
fait dire assez plaisamment que, si les Barmé-
cides pouvaient se soutenir, ce serait la pre-
mière tragédie dont la musique aurait fait lo
succès à la Comédie-Française. »
Grimm fait ensuite connaître le sujet de la
pièce, sans se donner la peine de l'analyser, au
moyen d'une complainte généralement attri-
buée à Monvel et qui, dès le lendemain de lare-
présentation, courait tout Paris : Les Barmé-
cides, complainte, sur l'air des Pendus.
Il ajoute un dernier détail assez piquant.
Quelques mois avant la représentation , La
Harpe avait eu la cruauté de lire ses Bar-
mécides à Voltaire malade et presqu'e mou-
rant. Le patriarcho eut la patience d'écouter,
la pièce jusqu'au bout, sans souffler mot, et
c'était extraordinaire de sa part, quand il en-
tendait lire de mauvais vers; mais, la lecture
terminée, il dit à l'auteur, qui suait à grosses
gouttes : ■ Mon cher ami, cela ne vaut rien ;
lamais la tragédie ne passera par ce chemin-
là. »
Citons encore ces détails, empruntés aux
Mémoires de Fleunj : « C'était une tragédie
nouvelle de M. de La Harpe , tirée d'un épi-
sode des Mille et une Nuits, ou plutôt, comme
nous le disions dans les coulisses, tirée d'un
recueil de contes à dormir debout. Monvel ,
dont M. de La Harpe avait, en son temps, fort
maltraité Y Amant bourru dans le Mercure ,
prit sa revanche en lui décochant une com-
plainte sur l'air des Pendus, complainte en
trente-trois couplets, autant que de fautes dans
la pièce , disait-il. Toutofois les Barmécides,
à force' d'être remorqués, se traînèrent onze
fois devant un prétendu public. Je me rappel-
lerai toujours Vavant-dernière représentation,
elle rapporta net 800 livres; eh bien ! le triom-
Shateur demanda k voir les comptes. Glacé
evant 1ô3 colonnes vides des registres, ne
BAR
BAR
BAR
BAR
24\
Voulut-il pas nous persuader qu'on avait ou-
blié un zéro ! La recette était d'une plus belle
apparence, c'est vrai ; mais M. de La Harpe
ne savait-il pas que le parterre n'était garni
que de ses amis? Nous les appelions... les Pères
du désert. » Les Pères d -i désert! le mot est
joli; mais n'oublions pas que Pleury faisait
partie de ce petit cénacle despotique de la
Comédie-Française, qui s'était arrogé des droits
fort singuliers sur les productions théâtrales,
et qui mettait tout en œuvre pour confisquer à
son prorit ce qu'on était convenu d'appeler la
part d'auteur. Après l'établissement de la part
d'auteur, messieurs les sociétaires avaient eu
soin de se ménager une porte dérobée pour en-
trer en possession absolue d'une pièce, et cela
en établissant que la comédie aurait le droit de
s'approprier définitivement toute œuvre dra-
matique qui serait tombée dans les règles,
c'est-à-dire dont la représentation aurait pro-
duit une recette inférieure à un chiffre fixé.
Or, les Mémoires secrets nous apprennent que
le comte de Schouwalof, cité plus haut, pour
empêcher les Barmécides do tomber dans les
règles, envoyait chaque soir le supplément
de la somme requise.
Nous allons terminer cette analyse par la
fameuse complainte à laquelle nous avons fait
allusion plus haut; on y verra que, jadis, tout
n'était pas roses dans le métier d'auteur dra-
matique ; on s'y disait de dures vérités, et le
plaisant de/ Informe faisait encore ressortir
le mordanx du fond.
Jr, écoutez, petits et grands,
Les trafiques événements
Qu'un philosophe journaliste,
Qui suit nos défauts a la piste,
Fit jouer hier aux Français,
En s'arrangeant pour le succès.
Son héros est Aron le Grand,
Qu'il ne peint ni bon ni méchant;
Mais, quoiqu'il ait de la mémoire,
Il en altère fort l'histoire;
Car, dans le fond, monsieur Aron
N'était rien moins qu'un bon garçon.
Le vrai fait est que, pour sa sœur,
Il eut un amour plein d'horreur;
Mais, craignant de faire un inceste
Qui deviendrait trop manifeste,
Un jour il conçut le projet
De la donner a son sujet.
Or, ce fut sous condition
Qu'après la célébration
lis vivraient chastement ensemble,
Sans qu'un même lit les rassemble,
Sans pouvoir se prouver leurs feux
Qu'avec la parole et les yeux.
Gomme en ce pays il fait chaud,
La nature parla plus haut
Que la rigoureuse promesse
Qu'exigée avait Sa Haulesse ;
Giafar, en dépit d'Aron,
Fit à sa femme un gros poupon.
De quoi ce prince furieux
Dit : Mon grand vizir est un gueux.
Malgré sa parole sacrée,
Ma sœur il a donc déilorée ! "
Sus, dépéchez-lui mes bourreaux,
Et qu'on me le hache en morceaux.
Le voilà mort, et cependant
Hier nous l'avons vu vivant,
Ressuscité par Melpomcne,
Il a reparu.sur la scène;
La Harpe en ayant grand besoin
L'a fait revenir de bien loin.
Voila donc comme il a traita
Cette historique vérité :
Saêd, Armide, Barmécides,
Quoiqu'aus gages des Abbassides,
Trompent la vengeance du roi
Sans que l'auteur dise pourquoi.
C'est ainsi que Saêd s'y prit :
Un pauvre esclave lui servit;
Lui-même il lui trancha la léte...
Le moyen n'est pas trop honnête :
Mais il faut croire que l'auteur
N'en a pas trouvé de meilleur.
Par sang et mort défiguré,
Le chef au calife est montré ;
Et, pour capter notre croyance,
On suppose une ressemblance
Entre l'innocent qui périt
Et le grand vizir qui s'enfuit.
Saëd, et par bonne raison,
Escamote aussi le poupon,
Pour qu'un jour, malgré sa jeunesse,
Il soit vizir, héros de pièce,
Et venge le tragique sort
De son papa, qui n'est pas mqrt.
Tombe de ci, tombe de la,
Trois lampes éclairant cela,
C'est ce qu'aux yeux offre la scène.
Vient un monsieur, qui s'y promène
Et qui dit à son confident :
■ J'ai bien du chagrin, mon enfant. •
Il fait une exposition
Qui n'expose point l'action;
Car Saéd, qui vient sur la brune
Croit devoir en faire encore une;
Mais, après un fort long récit.
C'est comme s'il n'avait rien dit.
Dans tout ce galimatias
Sacd crie en levant les bras :
• Punissez la race abbasside,
II.
• Vous êtes fils de Barmécide. *
Amorassan répond à ça :
• Est-il possible?... Ah! dieux! ah! ah'.
Saéd, toujours fin et subtil :
» Attendez-moi la, lui dit-il;
■ Je m'en vais chercher la princesse,
«Quoiqif inutile dans la pièce;
« Il ne faudra pas la prier,
■ Car elle attend sur l'escalier. •
. Aussitôt fait, aussitôt dit;
Elle arrive et fait un récit
Qu'on n'entend pas plus que le reste :
Ce que l'on comprend par le geste,
C'est qu'ils font tous un grand serment*
Sur le tombeau du mort vivant.
Au second acte, arrive Aron,
Pier comme un paon, droit comme un jonc;
On lui dit mille choses dures,
De gros mots, de grosses injures.
Qu'il souffre comme un hébété,
Quoiqu'il ait un sabre au côté.
Il nous parle d'un Aménor,
Son fils aîné, son cher trésor,
Qui reste, comme un vrai jocrisse,
Caché derrière la coulisse,
Et qui, tranquille jusqu'au bout,
Sert à la rime, et puis c'est tout.
Arrive enfin, comme Narbas,
Un bon vieillard criant tout bas:
« Me voilà, je suis Barmécide,
• On ne sait pas ce qui me guide...
• Mettons le spectateur au fait,
.» Pour mieux détruire l'intérêt. »
Amorassan vient Eans retard
Savoir ce que veut le vieillard :
• Contre Aron, dit-il, on conspire,
« Je viens exprès pour vous le dire ;
■ Monsieur, ne me refusez pas,
• Dépêchez-vous, car je suis las. ■
Le grand vizir, un peu trop chaud,
Dégane... et rengane aussitôt.
La nature, je ne sais comme,
Lui parle en faveur de cet homme.
Saëd survient : » Ah ! tout est su,
■ Dit le vizir, je suis perdu... »
«Vous, tenez ce vieux roquentin,
« Et vous, épargnez le coquin ;
« Faites-le pendre tout de suite,
« Car s'il vient a prendre la fuite,
• Il ira dire nos secrets;
• An diable alors tous nos projets. •
— Saéd, vous raisonnez fort bien,
■ Car s'il meurt il ne dira rien ;
■ Lui mort, je lui prendrai la lettre
« Qu'au seul calife il veut remettre,
« Mais, pour filer le dénoûmcnt,
■ Avec lui causez un moment. ■
Comme il y va de bonne foi,'
Barmécide lui dit : ■ C'est moi,
« Cher Saéd, je suis Barmécide.
— Quoi! tu veux sauver l'Abbasside!
« 11 faut, ami, que tu sois fou ;
» Tu veux donc nous casser le couî
« Tu viens de voir ton pauvre Dis,
■ Celui que j'ai lire 'd'un puits,
» Il est le chef de l'entreprise;
■ S'il fait sottise sur sottise,
■ S'il a l'air d'avoir mauvais coeur,
« C'est bien la faute de l'auteur. *
Mon fils est Cinna... mais motus,
Je suis le cadet de Brutus;
Sémire est l'informe copie
De Pulchérie et d'Emilie;
Il faut bien qu'au calife Aron
Auguste serve de patron.
Notre style est du meilleur goût.
Nous disons ce qu'on lit partout.
Montaigne a fourni les maximes,
Voltaire a brillante nos rimes.
Nous aurons pour nous les journaux
Et les philosophes nouveaux.
Le quatrième acte en entier.
Est i'ouvrage d'un écolier;
Et malgré trois reconnaissances,
Force portraits, maintes sentences,
Barmécide, en dépit du nom,
Est frère de Timoléon.
Au cinq, on baisse le rideau;
On le relève de nouveau
Pour nous montrer dans les ténèbres
Des tombeaux, des torches funèbres,
Et le calife, hors de sens,
Qui pleure et croit aux revenants.
Comme il fallait qu'Amorassan
Tuât quelqu'un, selon le pian;
Sur Aménor, prince inutile,
Il vient de décharger sa bile ;
Mats a peine il l'a massacré,
Que le jeune homme est enterré.
Aron crie : • Ah! tuons quelqu'un;
■ Allez, mettez-vous dix contre un ;
■ Sur le tombeau perçons le traître
• Que j'aurais Jû plus lui connaître,
• Qui vient d'envoyer ad patres
■ Un fils, l'objet de mes regrets. •
Resté seul, le calife en pleurs
Dit des vers de toutes couleurs, ,
Et puis s'écrie, ainsi qu'Auguste :
« Tout ce qu'on me fait est bien juste ;
• J'ai tué quarante sujets,
• Et l'on veut ine tuer après. -
Arrive enfin Amorassan ,
Sémire et tout le bataclan;
Le vieux Saëd, qui, pour ses peines,
A les deux bras chargés de chaînes,
Et Barmécide qui vient là
Pour voir comment ça finira.
Le calife dit de gros mots;
Barmécide jure a huis clos;
Il se nomme, chacun s'étonne;
Le calife pleure et pardonne,
Et la pièce finit enfin
Par une antithèse en quatrain.
Apprenez, messieurs les auteurs,
Qu'il ne faut plus ni plan, ni mœurs,
Ni conduite, ni caractères,
C'était bon du temps de nos pères.
Point de sentiment, peu d'esprit,
Du clinquant, et l'on réussit.
BAIUIEN, ville de la Prusse rhénane, formée
récemment de la réunion des sept villages
compris dans la vallée du même nom, et con-
tiguë à Elberfeld; 44,GSl hab. Industrie très-
florissante : mousselines, nankins, calicots,
rubans, velours, produits chimiques, blanchis-
series et teintureries ; école de sourds-muets,
gymnase.
BAR1IONT (l'abbé Perrotin de) était con-
seiller-clerc au parlement de Paris lorsqu'il
fut nommé, en 1789, député du clergé aux états
généraux. Opposé à toutes les réformes, il
lutta vainement contre l'opinion générale, prit
le parti d'émigrer, fut arrêté à Chàlons-sur-
Marne avec Bonne-Savardin, renvoyé devant
le Châtelet et acquitté. Mais il ne reprit pas
son poste à l'assemblée, et s'enfuit en Alle-
magne.
BAHMOUTH, ville d'Angleterre, dans le pays
de Galles, comté de Merioneth,à 17 kil. O. de
Dolgelly; port de mer à l'embouchure de la
Maw, sur la baie de Cardigan; 2,129 hab. Bains
de mer très-f réquentés ; commerce actif pour
le transport des minerais de plomb et de man-
ganèse.
BARNABE (saint), né dans l'île de Chypre,
d'une famille de la tribu de Lévi, mort vers 03.
Son véritable nom était José ou Joseph ; mais
lorsqu'il eut embrassé le christianisme, les apô-
tres lui donnèrent celui de Barnabe, qui signifie,
selon saint Luc, fils de consolation, et, suivant
saint Jérôme, fils de prophète. De mœurs pures
et simples, il fut promptement touché de la pa-
role divine, vendit ses biens, les donna ans
apôtres et se convertit. Trois ans plus tard, en
37, il présenta saint Paul, dont il avait été le
condisciple sous Gamaliel, aux autres apôtres
saint Pierre et suint Jacques le Mineur. Quel-
ques années après, en 43, beaucoup de gentils
s'étant convertis à Antioche, saint Barnabe,
qui y avait été envoyé, vint à. Tarse chercher
saint Paul, pour aller avec lui affermir dans la
foi les nouveaux, convertis. Ils se chargèrent
des aumônes de ces derniers et se rendirent à Jé-
rusalem,pourles remettre entre les mains des
disciples. Ils retournèrent ensuite à Antioche,
où ils furent faits apôtres des gentils. Ils ne
menaient point de femmes avec eux et, tout
en prêchant, ils gagnaient leur vie avec le
travail de leurs mains. C'est ainsi qu'ils
allèrent prêcher dans l'île de Chj'pre et. jus-
qu'en Lycaonic, saint Barnabe cédant toujours
la parole à saint Paul; ce qui, à Lystres, ville
do cette province, lit prendre ce dernier pour
Mercure, tandis que saint Barnabe passait pour
Jupiter. L'an 51, ils se trouvaient à Antioche
lorsque plusieurs personnes venues de la Judée
soulevèrent quelques difficultés à propos de
certaines proscriptions du culte. Il fut décidé
que saint Paul et saint Barnabe se rendraient
à Jérusalem, pour consulter les apôtres et les
anciens. Us y furent reconnus apôtres des
gentils, et contribuèrent au décret contre les
cérémonies légales. Saint .Barnabe se sépara
ensuite de saint Paul, et se rendit en Chypre
avec saint Marc, son cousin ; selon d'autres, il
fut envoyé a Corinthe. L'éloge de saint Bar-
nabe, ayant pour auteur un moine nommé
Alexandre, a été publié en grec et en latin
?>ar les Bollandistes. Suivant cette relation,
o saint aurait subi le martyre à Salamine, dans
l'île de Chypre. Une autre tradition prétend
qu'il aurait continué son apostolat dans di-
verses contrées. L'Eglise de Milan le recon-
naît pour son apôtre, comme y ayant le premier
prêché la foi. Saint Paul le fait vivre encore
en 56, et saint Jean Chrysostome fixe l'époque
de sa mort en 63. Lorsque l'on trouva le corps
de saint Barnabe, en 4S8, dans les environs de
Salamine, il portait sur la poitrine l'Evangile
de saint Matthieu, qu'il avait écrit de sa propre .
main sur un bois fort rare qui venait d'Orient.
L'empereur Zenon voulut avoir ce manuscrit,
l'enrichit d'or et le déposa dans le trésor du
palais impérial. Les Actes, les Evangiles et
VEpitre qu'on attribue à cet apôtre sont ran-
gés par un grand nombre de critiques parmi
les livres apocryphes (v. l'article suivant). La
fête de saint Barnabe se célèbre le 11 juin.
Placido Puccinelli et un autre auteur ont pu-
blié deux travaux sur saint Barnabe, le pre-
mier en italien (Milan, 1649, iii-4"}, le second
en iatin (1735, in-40),
Bni-tmitc (Lettre ou Epître de). Tous les
Pères de l'Eglise s'accordent à dire que cette
lettre est l'œuvre du lévite cyprien Jo^é Bar-
nabe. Les doutes exprimés p:r Eusèbe et ré-
pétés par saint Jérôme concernaient la cano-
nieitè et non l'authenticité de cet écrit. De
nos jours, la plus grande partie des critiques
prétendent que la Lettre do Barnabe no peut
avoir pour auteur un des premiers apôtres du
christianisme. Ainsi du moins pensent Hefele,
récent éditeur des Pères de l'Eglise, Néander
et Baur. Les raisons sur lesquelles ils s'ap-
puient ne sont pas toutes également convain-
cantes. En général, ils font trop attention au
peu de valeur intrinsèque de Vhpitre de Bar-
nabe. Nous convenons qu'il est difficile de
s'expliquer les fables absurdes sur le lièvre et
l'hyène contenues dans le xe chapitre; aucun
passage du Nouveau Testament ne nous montre
l'interprétation allégorique poussée au même
degré d'arbitraire et de puérilité. Toutefois,
malgré la distance qui sépare la Lettre de
Barnabe des livres dits canoniques, l'insigni-
fiance de cet écrit ne saurait être une preuve
de son inauthenticité. Pour être légitime, la
critique ne doit pas invoquer seulement des
raisons de sentiment; il lui faut le fonde-
ment solide des faits.
On a beaucoup parlé du chapitre îx, qui
attribue l'usage de la'circoncision aux Syriens
et aux Arabes, ainsi qu'à tous les prêtres des
idoles. Mais pour les Sj'riens le même fait se
rencontre dans Hérodote, et si l'auteur s'a-
dressait particulièrement à des lecteurs égyp-
tiens, comme nous le prouverons, pourquoi
n'aurait-il pas songé tout d'abord aux prêtres
de l'Egypte, qui pratiquaient en effet la cir-
concision?
On a insisté sur ce que, selon notre auteur,
les deux boucs du grand jour d'expiation
(Z.e'u!'r.,xvr, 7 et suiv.) doivent être semblables.
Un lévite ne pouvait, dit-on, ignorer que
cette prescription était étrangère à l'Ecriture.
Mais le lévite a pu citer de mémoire et ajouter
au texte le mot semblables , surtout si l'on avait
réellement coutume de les choisir tels. Le
Talmud ordonne qu'on le fasse, et l'usage a
pu s'en introduire beaucoup plus tôt.
Il n'y a, dit-on, qu'un rhéteur du 11c siècle
qui ait pu qualifier les douze disciples de Jésus-
Christ de pêcheurs au delà de toute mesure
(uitEf T.aaa.1 avîjuav nvojtuttfoi). Nous répondons
qu'au n= siècle cette qualification s'explique-
rait encore moins, car alors le courant de
l'opinion tendait à rehausser l'éclat des apôtres.
Tous ces arguments, empruntés aux prolégo-
mènes de Hefele, ne constituent pas même une
apparence de preuve. Aussi, à moins que le
contenu dogmatique ne fournisse dos motifs
plus plausibles contre l'œuvre attribuée à
Barnabe, il faudra que la critique se résigne
à considérer sa lettre comme authentique.
L'auteur de VEpitre indique lui-même son
but dans l'introduction. 11 désire que ses lec-
teurs unissent la fvwmç, c'est-à-dire l'intelli-
gence du sens caché de l'Ancien Testament, à
la foi. Cela ressort aussi avec évidence de
l'économie générale du texte. Si l'on excepte
les dernières pages, contenant une série do
préceptes nouveaux, l'auteur s'applique sur-
tout à démontrer que les rites du judaïsme,
les sacrifices, la circoncision, la célébration
du sabbat, étaient déjà condamnés par Moïse
et les prophètes; que le christianisme est la-
doctrine qu'ils annonçaient sans pouvoir la
faire prévaloir; que l'Eglise chrétienne, ayant
mis en pratique leurs enseignements, sera
seule héritière un jour des promesses faites
par Dieu à son peuple. En voulant répandre
cette yvuois, cette science de l'Ancien Testa-
ment, i'£'/)t'rr«poursuitunbutémineinmentpra- _
tique, c'est de déraciner dans l'Eglise la ten-
dance à s'astreindre au rituel des juifs (ut non
incurramus tanguant proselyti ad illorum le-
gcm). A l'instar de VEpitre aux //ébroua:,
Barnabe prêche un christianisme libéral, et il
veut le dégager des entraves de la loi. Il s'at-
tache à prouver que le judaïsme, dans ses
éléments purement nationaux, fut, dès sa nais-
sance, entaché d'erreurs, et qu'au-dessus du
mosaïsme historique, introduit subrepticement
par les sophismes de Satan, il y avait un mo-
saïsme idéal et identique au christianisme.
A'ux yeux' de Barnabe, l'Ancien Testament
a la plus grande autorité; il est la source de
. toute vérité religieuse. Cet écrivain ne con-
teste point la dignité souveraine de la loi de
Moïse, mats uniquement la légitimité de l'in-
terprétation de cette loi. Il nous dira que
l'Ancien Testament était primitivement destiné
aux chrétiens. Moïse, en brisant les tables do
la loi à cause de l'idolâtrie des Israélites, a
indiqué qu'ils n'étaient pas le peuple de l'al-
liance. Ils l'ont prouvé depuis : jamais ils
n'onteompris les enseignements des prophètes.
Les chrétiens seuls ont l'intelligence de la ré-
vélation divine, le Christ, inspirateur des pro-
phètes, pouvant seul faire connaître le vrai
sens de leurs oracles. En un mot, l'exégèse
chrétienne est la seule conforme a l'intention
du Révélateur.
Comme on le voit, nous sommes en pré-
sence d'un homme qui réprouve absolument
le judaïsme. Le christianisme, loin de se sou-
mettre aux exigences de la loi, s'impose ici
comme interprète souverain de l'Ancien Tes-
tament. Mais dans cette position offensive
envers le judaïsme, l'auteur ne fait appel a
aucun raisonnement sérieux; il n'invoque ni
l'autorité de Jésus-Christ ni l'exemple des
apôtres; chez lui, nulle trace des arguments
anthropologiques qui forment, dans la doctrine
de Paul, les assises dogmatiques de son uni-
versalisme. Il ne nous montre point l'impossi-
bilité, pour la loi, de produire lajustice; comme
l'apôtre des nations, il n'oppose point la foi en
Jésus-Christ aux œuvres de la loi. La polé-
mique de Barnabe no touche qu'à la loi rituelle
du judaïsme; quant au salut, il dépend de la
■21
242
BAR
BAR
BAR
BAR
pratique des devoirs énumérés à la fin de la
Lettre. En résumé, le résultat est identique à
celui de la doctrine de Paul, mais la légitimité
de ce résultat reste non démontrée. Une chose
curieuse, c'est que Barnabe cherche à prouver
la nécessité d'abolir les observances exté-
rieures du judaïsme, par les livres juifs eux-
mêmes, et, après avoir lu sa lettre, on est
porté a se demander ce qui tient le plus au
cœur de l'écrivain, de la liberté chrétienne ou
de l'autorité de l'Ancien Testament. C'est, du
reste, une tendance générale parmi les frac-
tions du christianisme primitif, que celle de
maintenir dans toute sa rigueur le respect des
livres de l'ancienne loi. On comprend cette
tendance chez les chrétiens issus du judaïsme ;
pour eux, le Christ est venu, non pour abolir,
mais pour accomplir l'alliance ; il y a donc re-
lation intime entre l'Ancien et le Nouveau
Testament; mais, de la part des païens con-
vertis à la religion du Christ, cette tendance
est étrange, surtout après qu'on a vu saint
Paul et saint Jean'proclamer dans leurs écrits
l'autonomie de la loi chrétienne. Il est vrai
que Jésus et les apôtres ont toujours montré
un grand respect pour la loi et les prophètes, et
. que cet exemple a dû exercer une influence con-
sidérable sur l'esprit des premiers chrétiens.
Aussi voyons-nous les ébionites prendre les
actes et les paroles de Jésus-Christ pour point
de départ, lorsqu'ils veulent établir la validité
des prescriptions légales. Paul, au contraire,
qui avait tracé une ligne de démarcation pro-
fonde entre le judaïsme et la religion nouvelle,
s'éleva avec force contre les tentatives de
fusion ; ses disciples, entre autres le paulinien
Ignace, n'épargnèrent pas le blâme à ceux
qui reconnaissaient à l'Ancien Testament une
dignité normative pour les croyances et les
coutumes chrétiennes; et la Lettre à Diognète
taxe le rituel des juifs de ridicule et de folie.
Malgré ces efforts des pauliniens pour affran-
chir l'idée chrétienne, le judaïsme conservait
son empire. Du reste, la doctrine de Paul, avec
son caractère subjectif, dépassait l'intelligence
de la masse des chrétiens; cette action de
l'esprit de Dieu dans les âmes, cette puissance
de la foi en Jésus-Christ, la plupart étaient
incapables de les comprendre ; une théologie
aussi élevée ne pouvait convenir qu'à certaines
natures particulières; le grand nombre avait
besoin d une autorité dogmatique incontestée.
Pour comprendre le caractère de cette époque,
il ne faut pas oublier que le Nouveau Testa-
ment n'existait pas encore; chacun était libre
de choisir son apôtre : les uns étaient à Pierre,
les autres ii Paul ; les ébionites avaient adopté
Pierre; les gnostiques eux-mêmes en appe-
laient à l'enseignement ésotérique d'un disci-
ple de Jésus-Christ. Dans cet état des esprits,
est-il surprenant qu'on ait senti l'utilité de se
rattacher aux idées judaïques consignées dans
un livre qui, pendant de longs siècles, avait
servi de code au peuple de Dieu?
D'autre part, la philosophie grecque avait
perdu de son prestige ; elle n'avait de valeur
aux yeux des premiers chrétiens qu'autant
qu'elle contenait en elle des germes de la ré-
vélation primitive. Aussi Socrate, Platon et
Aristote n'étaient-ils pas regardés comme des
génies inventeurs; leur seul mérite était de
posséder une tradition plus authentique de cette
manifestation première de Dieu aux hommes.
Par cela seul qu'elle remontait à une date an-
térieure, la sagesse des Chaldéens se rappro-
chait plus de la vérité que la philosophie des
Grecs. Ainsi, l'ancienneté d'une doctrine était
une preuve de sa vérité. Les livres de Moïse,
qui passaient pour les plus anciens du monde,
méritaient donc une considération et un res-
pect particuliers. Ces idées frappèrent l'esprit
des païens eux-mêmes, et c'est sous leur in-
spiration que nous voyons saint Justin et
Tatien abandonner la philosophie de Platon
pour se jeter dans le sein du christianisme.
Mais comment concilier les nouveautés 'du
christianisme avec cette autorité accordée à
l'Ancien Testament? Ce problème préoccupait
vivement les esprits dans les premiers temps
de l'Eglise. Selon les uns', les lois rituelles de
Moïse n'avaient, dans l'intention du législa-
teur, qu'un caractère temporaire; c'étaient
des concessions faites à l'esprit grossier du
peuple juif, des préservatifs contre de plus
grands maux, des châtiments mérités par ses
péchés ; on les considérait aussi comme des
dispositions additionnelles qui devaient cesser
d'être en vigueur quand les dangers qu'elles
écartaient ne seraient plus à craindre. Selon
les autres, la loi rituelle n'avait jamais existé
dans l'intention de Moïse; les prescriptions
lévitiques étaient des types d'idées chrétien-
nes: Barnabas, comme nous l'avons déjà vu,
et les gnostiques sont de cet avis. L'Église
catholique en général, à l'exemple de Justin
martyr, combina les deux méthodes; elle at-
tribua a la loi rituelle un caractère réel, mais
transitoire, et un caractère purement symbo-
lique. Au ino siècle seulement, Origène éta-
blit quelques règles fixes d'herméneutique dans
la deuxième partie de son traité De principiis.
Comme on le voit, dès l'enfance de l'Eglise,
les théologiens n'étaient pas embarrassés pour
prouver que la croyance et la pratique du
jour étaient aussi celles des auteurs sacrés.
L'exégèse allégorique n'a pas commencé
avec le christianisme, elle date de plus loin.
Elle vit le jour quand la philosophie païenne
prétendit expliquer et corriger les croyances
populaires. Du temps de Cicéron, les stoïciens
étaient accusés d'ii.terpréterla Fable dans un
sens conforme à leur doctrine et de transfor-
mer les anciens pbëtes en précurseurs de
leurs idées. Les platoniciens des premiers siè-
cles de l'ère chrétienne , Plutarque , par
exemple, voulant ôter tout prétexte à l'im-
piété, se servirent du même procédé pour
tourner en philosophèmes les mythes dont la
lettre offensait la morale. Chez les Juifs, l'in-
terprétation allégorique trouva de nombreux
partisans, surtout à Alexandrie ; le plus célè-
bre fut Philon. Des Juifs elle passa aux chré-
tiens ; l'apôtre Paul en fait souvent usage ;
X'Epître aux Hébreux présente l'économie mo-
saïque comme un type du christianisme. Iso-
ler chaque passage et substituer au sens lit-
téral réclamé par le contexte une signification
arbitraire, s'adaptant aux mots avec plus ou
moins d'aisance, tel est le caractère ordinaire
de l'exégèse allégorique. Aucun auteur, peut-
être, n'a usé de cette méthode avec plus de
témérité et de sans façon que celui qui nous
occupe. Aux yeux de Barnabas, les pratiques
du culte des Israélites n'ont jamais eu de va-
leur réelle ; elles doivent leur établissement à
une captation fallacieuse de l'ange du ruai, et,
3uand il a l'air de les instituer, Moïse parle aux
uifs au figuré (tv mt>j|iaiO. La circoncision
n'était pas destinée à être le signe visible du
peuple de Dieu; Moïse demandait la circonci-
sion morale, il exigeait des oreilles ouvertes à
la voix de Dieu, des cœurs prêts à l'aimer et
à suivre ses commandements; mais les Juifs,
avec leur esprit grossier, ont établi la circon-
cision charnelle. Le législateur des Hébreux,
en exigeant l'abstention des viandes impures,
entendait préserver son peuple de 'tout con-
tact avec les hommes impurs. Le repos du
sabbat n'est aussi qu'un symbole; il repré-
sente le repos des élus dans le règne messia-
nique. Ainsi laloi rituelle asa source, non dans
la volonté de Dieu, mais dans le défaut d'in-
telligence des Juifs, dans leurs convoitises
charnelles, dans les tentations et les sophis-
mes de l'esprit malin. Citons un spécimen de
cette singulière exégèse. Barnabas veut ex-
pliquer pourquoi Abraham a circoncis 318 ser-
viteurs , ni plus ni moins , et quelle est la
gnôsis renfermée dans cet acte du patriarche.
— Le nombre 318 s'écrit en grec avec les trois
lettres IHT. Les deux premières donnent Jé-
sus ; le T , par sa forme , ressemble à une
croix. Les 318 serviteurs révèlent ainsi le
salut par la mort du Christ.
Le résultat de toute l'argumentation exégé-
tiquo de la Lettre de Barnabas, c'est que les
chrétiens sont le peuple de l'alliance et qu'ils
le sont devenus par Jésus-Christ, spéciale-
ment par sa mort sur la croix. Sur la nature
de Jésus-Christ, Barnabas donne les mêmes
indications que YEpiire aux Hébreux : préexis-
tence personnelle, participation à la création,
souveraineté du monde. Jésus est le fils de
Dieu, et non un descendant de David, non le
Messie humain attendu des Juifs; toutes cho-
ses subsistent en lui et pour lui : il est la
source et le terme de toute prophétie. Ici,
l'expression scientifique de lovo- manque, et la
nature humaine de Jésus-Christ ne consiste
que dans son corps sensible. Il s'est revêtu de
ce corps par accommodation à la faiblesse de
l'homme, qui aurait été incapable de suppor-
ter sa présence dans l'éclat de sa gloire cé-
leste; il l'a pris pour réaliser les prophéties,
pour briser l'empire de la mort en la donnant
en offrande expiatoire de nos péchés; il s'est
incarné, enfin, pour consommer l'impénitence
des uns et sceller l'alliance d'éternelle félicité
avec ceux qui ont placé en «lui leur espé-
rance.
Il est inutile de faire ressortir l'incohérence
de ces diverses propositions. On dirait que
l'autour n'a cherché qu'à populariser les idées
contenues dans YEpitre aux Hébreux, mais en
multipliant les arguments scripturaires. Tou-
tefois, il existe plusieurs nuances dans la con-
ception des deux écrivains. L'autour de l'Epi-
tre aux Hébreux insiste beaucoup plus sur le
caractère sacerdotal que sur la dignité pro-
phétique du Christ. Pour Barnabas, au con-
traire, le Fils de Dieu est plus particulière-
ment l'interprète des saintes Ecritures de
l'ancienne alliance, le dispensateur d'un esprit
capable do les comprendre et le garant de
l'espérance chrétienne; il veut, comme les
ébionites, que l'enseignement de la vérité
tienne le premier rang- dans l'œuvre du Christ.
Barnabas se rapproche de l'ébionitisme par
un autre point encore : le côté subjectif de la
religion se résume, selon lui, dans l'espérance
du salut par Jésus-Christ et dans la pratique
des commandements de Dieu, par lesquelles on
acquiert des titres à la félicité du monde fu-
tur. La foi n'est rien sans la haine de l'ini-
quité. Deux routes sont ouvertes à l'homme :
celle de la lumière et de la vie, et celle des
ténèbres, qui mène à la mort. Celui qui aspire
à la vie éternelle doit y tendre par ses œu-
vres.
Tel est, en résumé, le contenu dogmatique
de cet écrit. Quant à la place qu'il occupe
dans l'ensemble du développement des idées
chrétiennes durant les deux premiers siècles,
nous ne pouvons admettre avec Schvegler
qu'il représente le passage de l'ébionitisme
aux systèmes gnostiques. En effet, il n'est pas
vraisemblable que, dans le sein de l'ébionitisme,
on ait jamais témoigné une aussi complète in-
différence pour le judaïsme et fait une oppo-
sition aussi radicale à ses institutions. Selon
les ébionites, les chrétiens sont les juifs or-
thodoxes; dans VEpitre de Barnabas, au con-
traire, ils sont un peuple nouveau, et les Juifs
y sont représentés comme les disciples de
Satan.
La doctrine de Barnabas ne relève point de
celle de Paul, quoi qu'en dise Néander. Pas une
seule des idées particulières à l'apôtre des
gentils ne s'y retrouve, ni la grâce gratuite,
ni la justification par la foi, ni l'application à
notre personne des mérites de Jésus-Christ
dans la rédemption, ni l'absorption de notre
moi dans la personnalité du Sauveur.
Il est incontestable que la lettre de Barnabas
à une grande affinité avec le judéo-christia-
nisme ; on s'en convaincra facilement , si l'on
compare cet écrit avec les œuvres de Justin
martyr, auteur judéo-chrétien par excellence;
ce sont les mêmes idées.
Ce que nous avons dit de la différence qui
existe entre la doctrine de Paul et celle qui
est contenue dans la lettre de Barnabas, suffit
pour démontrer que l'auteur de cette lettre ne
peut être un compagnon d'oeuvre de l'apôtre
des gentils. Au moment où parut cet écrit, le
gnosticisme n'avait pas encore troublé l'Eglise,
car il n'y est nullement question des hérésies
de Basilide et de Valentin. Il faut admettre
qu'il a été composé a la limite des deux pre-
miers siècles, sous le règne de Domitien ou de
Trajan.
BARNABEN (Antoine), publiciste espagnol,
né à Alicante en 1769, fut reçu docteur à Va-
lence, fut ordonné prêtre,' composa quelques
livres ascétiques, et publia en 1812 : Jugement
historique, canonique, et politique des droits des
nations sur les biens ecclésiastiques. Cet ouvrage
lui attira de longues persécutions de la part du
clergé. Nommé député aux cortès (18H-1816
et 1820-1821), il y défendit courageusement les
principes constitutionnels, attaqua l'inquisition
et l'ultramontanisme dans divers écrits, et fut
nommé archidiacre de Murviedro par Ferdi-
nand VIL
BARnabite s. m. (bar-na-bi-te — de saint
Barnabe). Religieux de l'ordre des clercs ré-
guliers de Saint-Paul.
— Encycl. Hist. relig, La congrégation des
barnabites fut fondée en 1530, à Milan, par
Antoine-Marie Zaccharia ou Zaccharie, con-
jointement avec Barthélémy Ferrari et Jacques
Morigia. Elle devait se dévouer à la confession,
à la prédication, à l'instruction de la jeunesse
et aux missions. Ce ne fut que cinq ans plus
tard que les barnabites firent des vœux so-
lennels, lorsque le pape, les affranchissant de
la juridiction des ordinaires, leur donna le titre
de chanoines réguliers de Saint-Paul. En 1542,
ils eurent un oratoire à Milan, et, trois ans
après, l'église de Saint-Barnabe devint le lieu
principal de leurs exercices, ce qui leur fit
E rendre le nom de barnabites. Ils montrèrent
eaucoup de zèle dans les missions qu'ils al-
lèrent prêcher en Bohême, en Savoie, en Italie,
en France, dans le Béarn. Ils fondèrent dans
tous ces lieux des collèges d'où sortirent des
prélats, des savants et des écrivains remar-
quables. Le père Nicéron, entre autres, avait
lait ses études chez les barnabites. Cet ordre
est en décadence depuis le xvue siècle ; ce-
pendant il possède encore quelques maisons
en Espagne et en Italie. Le couvent des bar-
nabites, a Paris, se trouvait dans la Cité, vis-
à-vis du Palais de Justice.
Une comtesse de Guastala avait essayé de
fonder une congrégation de femmes qui n'était
qu'une espèce de tiers ordre des barnabites.
Ces femmes ont été désignées sous le nom de-
guastalines ou à'angéliques.
BARNABO (Alexandre), cardinal, préfet de
la Congrégation de la propagande, né en 1801,
•d'une noble famille à Foligno, fut élevé, en
1850, à la dignité de cardinal, sous le titre de
Sainte-Suzanne; il a dans ses attributions ad-
ministratives la haute direction des missions
étrangères en rapport avec le saint-siége.
Bm-nab; Rudge, roman anglais par Charles
Dickens. Le principal personnage autour du-
quel pivote toute 1 action est un pauvre idiot
qui rappelle ceux dont M. Dickens a si heu-
reusement esquissé la silhouette dans Ni-
colas Nickleby et dans Bleak house. C'est une
création bizarre, qui excite une pénible curio-
sité, et à laquelle 1 auteur a imprimé un cachet
fantastique en lui adjoignant un corbeau qui
prononce de temps en temps des phrases
étranges, comme s'il s'entretenait avec son
maître dans un mystérieux langage. A côté de
ces deux figures principales, s'en trouvent
d'autres non moins originales. C'est d'abord
l'aubergiste du Mai, le vieux John Willet, qui
passe sa vie, en compagnie de quelques amis,
autour de sa grande cheminée, fumant grave-
ment sa pipe et exerçant sur ses entours un
empire despotique contre lequel se révolte son
fils Joe, qui préfère endosser l'uniforme plutôt
que de continuer à être traité aussi cavalière-
ment dans la maison paternelle. Puis viennent
M. Haredale, caractère sombre, morose, es-
pèce de bourru bienfaisant, et M. Chester,
homme du monde, libertin, roué sans principes,
intrigant et égoïste, qui sacrifie tout à sa propre
satisfaction et ne recule devant aucune bassesse
pour alimenter ses vices, à condition toute-
fois que les apparences soient sauvées. M. Ha-
redale a une nièce, fille de son frère, mort vic-
time d'un lâche assassinat; M. Chester a un
fils, et les deux jeunes gens s'aiment. Mais
Chester et Haredale se détestent, et leur haine
les porte às'entendrepourtraversercetamour.
C'est là l'intrigue principalû du roman, mais
elle n'est pas la seule. Joe aime aussi la jolie
fille du serrurier Warden, l'insoucieuse et co-
quette Dolly; mais il a deux rivaux :l'un nommé
Hugh, espèce de géant brutal qui fait l'office
de palefrenier à l'auberge du Mai ; l'autre plus
redoutable, M. Tappertit, apprenti serrurier,
jeune homme fort satisfait de lui-même et
jouant un certain rôle dans une sorte d'asso-
ciation maçonnique dont il est le chef. Voilà»
de quoi fournir déjà bien des incidents et une
action, certes, assez compliquée. Mais ce n'est
pas tout : l'auteur y ajoute encore la conspi-
ration de lord George Gordon, la révolte des
protestantscontre les catholiques, des émeutes
et tout le nombreux personnel qu'exige une
pareille mise en scène. Enfin, au milieu de ce
conflit, on découvre l'assassin du frère de
M. Haredale, qui se trouve être le mari d'une
ancienne domestique du château et le père de
Barnaby Rudge. Cette exposition qui peut, à
justre titre, paraître embrouillée, donne une
idée assez exacte du désordre qui règne dans
le roman lui-même. M. Dickens ne semble pas
s'être tracé d'avance un plan bien déterminé.
Doué d'une imagination féconde, il s'est laissé
entraîner par le plaisir de créer, et les person-
nages se sont ainsi multipliés sous sa plume,
singulièrement habile à esquisser des carac-
tères originaux. Mais lorsqu'il s'agit de faire
manœuvrer toute cette petite année, de mettre
de l'ordre et de l'ensemble dans sa marche, la
patience ou la force lui a manqué. Il a sans
doute craint d'être trop long, et, en effet, dans
les matériaux qu'il avait accumulés«Jy avait
de quoi faire cinq ou six romans. C'est' jui dé-
faut rare de nos jours, où l'on voit tant de
romanciers pécher par l'excès contraire ; mais-
ce n'en est pas moins un défaut, qui a l'incon-
vénient de disperser l'intérêt et d ôter à Bar-
naby Rudge ce caractère d'unité qui est es-
sentiel à toute œuvre littéraire. Il est vrai
qu'un talent aussi supérieur que celui de
Dickens offre au lecteur de larges compensa-
tions. C'est une richesse d'invention qu'on ne
se lasse pas d'admirer; c'est une variété d'in-
cidents qui soutient l'attention jusqu'au bout,
sans la laisser un seul instant faiblir; c'est une
galerie de tableaux de genre peints par un
habile maître, qui a l'art merveilleux de ne
jamais se répéter, lors même qu'il reproduit
des sujets assez semblables. On y trouve des
scènes empruntées à toutes les situations de
la vie, et toutes également frappantes de vé-
rité, toutes empreintes du cachet de l'obser-
vation la plus ingénieuse , de la connaissance
la plus profonde du cœur humain. Les habitués
du Mai vous apparaissent comme autant de
vieilles connaissances, que vous avez rencon-
trées maintes fois lorsqu'en voyage vous vous
êtes assis devant un grand feu d'auberge. L'in-
térieur de la famille du bon Warden, avec sa
femme vaporeuse, son aimable fille et son im-
portant apprenti, forme une de ces pages qui
suffiraient à faire la fortune d'un livre. Le
simple Barnaby, son merveilleux corbeau, sa
vieille mère qui veille sur lui avec tant de
sollicitude, et l'assassin maudit qui les entraîne
attachés à sa honte et à sa proscription, sont
des personnages fort étranges, sans doute,
mais qui n'ont rien de trop exagéré et qui pro-
duisent une impression profonde. Bien d'autres
scènes encore mériteraient d'être signalées;
mais ce qu'il y a de remarquable, c'est l'é-
meute, ce sont tous les détails de cotte conspi-
ration qui s'ourdit dans l'ombre, se ramifie de
cabarets en cabarets, d'ateliers en ateliers,
puis un beau jour éclate dans la rue, vient
hurler à la porte du parlement, et se retire sa-
tisfaite lorsqu'elle a saccagé quelques maisons,
porté le désordre et la terreur dans toute la
ville, sans s'inquiéter si c'était là le but de ses
chefs, si leurs vues sont remplies, si leur cause
est gagnée. Ce morceau est, a lui seul, un petit
chef-d'œuvre, qui fait pardonner à l'auteur lo
défaut d'ensemble dont cette digression est la
principale cause. Aussi sommes -nous con-
vaincu que, malgré toutes ses (imperfections,
ce livre ne fait point tache dans l'œuvre de
Dickens. Il parut à Londres en 1841, et il a été
traduit dans la collection des romans étrangers
de Hachette.
BARNACHEs. f. (bar-na-che). Ornith. Nom
vulgaire de plusieurs espèces d'oies : Les har-
naches se mangent en carême, comme les ma-
creuses. (Acad.) Les sifflements du courlis et le
cri de la barnachis perchée sur les framboisiers
de la grotte, m'annoncèrent le retour du matin.
(Chateaub.) Il On dit aussi bernachu, bar-
NACLIi, BERNACLE, BARNAQUK OU BARNICLK.
BARNADÉSIE s. f. (bar-na-dê-zî ). Bot.
Genre de la famille des composées et de la
tribu des mutisiées, comprenant des sous-
arbrisseaux originaires dos régions monta-
gneuses du Pérou. Il On dit aussi barmadùsis.
BARNADÉSIE, ÉE adj. (bar-na-dé-zi-ô —
rad. barnadésie). Bot. Qui ressemble à la bar-
nadésie.
— s. f. pi. Groupe de plantes de la famille
des composées et de la tribu des mutisiées,
ayant pour type le genre barnadésie.
barnage s. m. (bar-na-je). Hist. Ancienne
orthographe du mot baronnage. Il Cour ou
escorte d'un baron féodal, il Convocation des
personnes qui composaient la cour du roi.
— Droit qui se percevait par feux, y Impôt
sur certains animaux domestiques et sur cer-
tains produits agricoles.
BARNAOUL, ville de la Russie d'Asie, gou-
vernement et à 320 kil. S. de Tomsk , sur
BAR
BAR
BAR
BAR
243
l'Obi, 10,000 hab., résidence de la chancellerie
supérieure des mines de l'Altaï, école des mi-
nes, observatoire, musée d'antiquités mon-
goles, fonderie impériale d'or et d'argent. En
]730,Nikito-Demidoff, par l'établissement d'une
usine importante, fut le fondateur de cette vilïe,
B arnaque s. f. (bar-na-ke). Ornith. V.
Bernachb.
BARNARD ou BERNARD (Jean), lord-maire
de Londres, né de parents quakers, en 16S5, à
Reading, dans le Berkshire, mort à Clapham
en 1764. D'abord marchand de vins comme son
père, Barnard, après avoir quitté la secte des
quakers, fut appelé, en 1722, à représenter la
Cité de Londres au parlement. D abord shérif
de la ville de Londres et du comté de Mid-
dlesex, il fut enfin promu à la dignité de lord-
maire, et s'attira à tel point l'estime de ses
administrés, qu'on lui décerna le titre de Père
de la Cité.
BARNARD (Edward), amiral anglais, né en
1781, mort à Richmond en 1863. Lieutenant
en 1803, il servit sur l'Achille au blocus de
Cadix, et assista à la bataille de Trafalgar, au
bombardement de Flessingue (1809), et à la
défense côtière de Cadix (1810). De février îsi l
à avril 1812, il passa sur le San-Josef, vaisseau
amiral de sir C. Cotton dans la Méditerranée,
et prit part aux combats qui eurent lieu avec
la flotte française, le 5 novembre 1813 et le
13 février 1814. Capitaine à son retour en An-
gleterre, il'reçut le commandement du Bacchus
dans lallation de l'Inde orientale (1816), puis
celui 'lu Conway. De 1817 à 1820, il eut mission
de 'protéger le commerce et d'empêcher la
traite des esclaves, soit a l'île de France, soit
dans le golfe Persique. De 1833 à 1846, époque
de sa mise h la retraite, il servit sur l 'hercule
et le Cambridge, dans les eaux des Indes oc-
cidentales, à Lisbonne et sur les côtes de Syrie
et d'Egypte. Promu au rang de contre-amiral,
du cadre de réserve (I85l),il passa vicè-amiral
en 1S57, et amiral en 1862. .
BARNARD (Henry), publiciste américain,
né en 1811, dans le Connecticut. Il est connu
par ses courageux efforts et ses nombreux
écrits en faveur de l'enseignement populaire.
Ses principales publications sont : l'Architec-
tuer des écoles; Ecoles normales aux Etats-
Unis; Ecoles normales en Europe; Rapports
sur les Ecoles primaires du Connecticut ; Edu-
cation et emploi des enfants dans les fabriques.
On le considère aux Etats-Unis comme le ré-
formateur des écoles, et, dans la patrie de
Franklin, ce titre est plus glorieux que celui
de conquérant.
BARNARD-CASTLE ou BERNARD-CASTLE,
ville d'Angleterre, comté et à 35 kil. S.-O. de
Durham, sur la Tees. 4,435 hab. Ancien
château construit par Barnard, aïeul de J.
Baliol ; fabriques de tapis et de camelots ; pain
d'épice très-renommé, grains, grand marché
de bêtes à cornes et à laine, et de chevaux.
BARNARDIE s. f. (bar-nar-di). Bot. Genre
de plantes monocotylédones, de la famille des
liliacées, formé aux dépens des ornithogales,
et dont l'espèce unique croît au Japon,
BARNASSOTTE S. f. V. BARNISSOTTE.
BARNAUD (Nicolas), alchimiste et théolo-
gien protestant du xvic siècle, originaire de
Crest, en Dauphiné, chercha longtemps la
pierre philosophale. On lui attribue assez gé-
néralement le Miroir des François (sous le
pseudonyme de Nie. de Montaud, 1582), ou-
vrage curieux pour le règne de Henri III, où
se trouvent indiquées, pour la réforme du
royaume, diverses mesures appliquées deux
siècles plus tard : la vente des biens du clergé,
le mariage des prêtres, la fonte des cloches,"
le maximum, l'institution d'une milice natio-
nale, etc. On lui attribue encore un livre pu-
blié un an avant celui-ci et conçu dans le même
esprit : Le Cabinet du roi de France dans le-
quel il y a trois perles précieuses (les trois
. ordres), par le moyen desquelles le roi s'en va
devenir le premier monarque du inonde (1581,
réimprimé à Londres en 1624).
BARNAVE (Antoine-Pierre-Joseph-Marie),
un des plus brillants orateurs de l'Assemblée
constituante, né à Grenoble en 1761, suivit
d'abord* la carrière du barreau et fut élu ,
par le Dauphiné, député du tiers état aux
états généraux de 1789. Son éloquence attira
bientôt sur lui l'attention de l'Assemblée, et
les principes qu'il défendit lui concilièrent la
faveur populaire. Enthousiaste des idées nou-
velles, il fut un de ceux qui précipitèrent la
marche de la Révolution, tout en croyant,
d'ailleurs, ne travailler qu'à une imitation de
la constitution anglaise. 11 vota pour toutes
les grandes mesures qui inaugurèrent la nou-
velle société française ; il en proposa lui-même
quelques-unes ; il les appuya toutes de sa pa-
role éloquente et mesurée , et devint ainsi
l'auxiliaire et presque le rival de Mirabeau,
qui disait de lui : « C'est un jeune arbre qui
> sera un jour un mât de vaisseau, i Son in-
fluence sur l'Assemblée et sur l'opinion était
presque égale à celle du grand tribun. Il la
compromit cependant par une exclamation
imprudente, à l'occasion du massacre de Fou-
lon. Irrité de voir les royalistes affecter de
confondre dans la même réprobation ce dé-
plorable entraînement de la colère du peuple
avec les principes mêmes de la Révolution, il
sYv:'iu, au milieu des orages de la discussion :
• Lo sang qui coule est-il donc si pur? » pa-
roles qua son cœur ne lui avait pas dictées, et
qu'il faut attribuer aux entraînements de la
polémique. Elles lui furent, au reste, cruelle-
ment reprochées pendant tout le cours de sa
carrière, et, le jour même qu'il marcha à l'é-
chafaud, il se trouva sur sa route deux hom-
mes apostés pour lui répéter cruellement
ces paroles : « Barnave, le sang qui coule est-il
donc si pur? » En août 1790, Barnave eut un
duel avec Cazalès, un des principaux orateurs
de la droite. On se battit au pistolet, a treize
pas. Barnave manqua son adversaire, et l'arme
de celui-ci fit deux fois long feu. « Que je vous
fais d'excuses 1 dit Cazalès. — Ne suis-je pas
là pour attendre? » répondit Barnave. Néan-
moins , pendant qu'on rechargeait les armes,
la conversation continuait : « Je serais désolé
de vous tuer, reprenait Cazalès ; mais vous
nous gênez trop. Mon désir serait de vous
éloigner pour quelque temps de la tribune. —
Je suis plus généreux, répliqua Barnave; mon
vœu est de vous toucher a peine, car vous
êtes le seul orateur de votre côté, tandis que,
du mien, on ne s'apercevrait seulement pas
de mon absence. » Quelques secondes après,
Cazalès tombait , assez grièvement blessé.
Après l'arrestation de Louis XVI à Varennes,
Barnave fut un des trois commissaires char-
gés de ramener à Paris la famille royale. Dans
ce jeune homme au cœur loyal, aux instincts
chevaleresques, il se lit alors une réaction,
produite par la vue de cette infortune, et qui
se traduisit, pendant tout le voyage, par les
égards les plus respectueux. On avait pu re-
marquer (notamment dans les dernières dis-
cussions sur les affaires coloniales, où il se
montra peu favorable aux gens de couleur)
quelques déviations à ses principes. Mais après
la fuite de Varennes, séduit par les avances
de la cour et les entretiens de la reine, il dé-
serta brusquement la cause populaire, ou du
moins celle du royalisme constitutionnel, dont
il était un des chefs, et s'enfonça dans les
voies d'une réaction insensée. Lui qui n'avait
pas craint de lutter contre le Mirabeau des
derniers temps, il entreprit comme lui, mais
sans doute avec un zèle plus désintéressé, de
faire rétrograder la Révolution et de recon-
quérir à la royauté le terrain qu'il avait lui-
même tant contribué k lui faire perdre. Mais,
malgré son éloquence et ses talents, ses efforts
échouèrent dans cette tentative, et il perdit
sa popularité, sans parvenir à faire adopter
ses plans et ses illusions par la cour, livrée au
parti de l'émigration. Pénétré de tristesse, il
se retira, après la session, dans une campa-
gne près de Grenoble, où il vécut dans une
studieuse obscurité jusqu'à l'époque où la dé-
couverte de l'armoire de fer des Tuileries vint
dévoiler les relations intimes et secrètes qu'il
avait entretenues avec la cour. Arrêté, le
19 août 1792, en vertu d'un décret de l'Assem-
blée, il resta quinze mois prisonnier, fut con-
duit ensuite à Paris, condamné à mort par le
tribunal révolutionnaire et exécuté le 29 octo-
bre 1793. Arrivé sur l'échafaud, on dit qu'il
s'écria, en frappant du pied la planche fatale :
« Voilà donc le prix de ce que j'ai fait pour la
» liberté ! » Il n'avait que trente-deux ans. On a
publié ses Œuvres en 1843. Elles se compo-
sent de méditations et d'ébauches sur des ma-
tières de politique et de philosophie.
Barnave était un orateur de premier ordre ;
mais l'habitude de la méditation lui donnait
quelque chose de froid et de réservé. Il per-
suadait l'esprit plus qu'il n'entraînait le cœur.
Mirabeau a caractérisé ainsi son éloquence :
«Je n'ai jamais entendu parler si bien, si
» clairement; mais il n'y a pas de Dieu en
» lui. »
Sa statue en marbre avait été placée, par
ordre du gouvernement consulaire, dans le
grand escalier du palais du Luxembourg: en-
levée en 1814 et déposée dans l'Orangerie, les
Prussiens la brisèrent en 1815. Son buste dé-,
core le musée de Grenoble. M. J. Janin a pu-
blié un livre intitulé Barnave, où se trouve,
sinon la fidélité scrupuleuse de l'histoire, au
moins des pages brillantes, et l'intérêt drama-
tique qui distingue les œuvres du charmant
écrivain.
Barnave, roman de M. Jules Janin. « Le pre-
mier qui a jeté des paroles d'opposition après
Juillet, et qui les a signées, c est moi, « a dit
M. J. janin. Or, ces paroles d'opposition, si-
gnées de leur auteur, c'est le roman même de
Barnave, un des péchés de jeunesse du célè-
bre critique, et qui, à ce titre, ne doit pas lui
être imputé à crime. Ce roman est une sorte
d'imbroglio dont la Révolution française est le
fond ; c est une suite d'épisodes et de con-
trastes, au milieu desquels est étalée la honte
de Philippe-Egalité, avec une satire violente
contre la famille d'Orléar.à, pour introduction.
Un des chapitres les plus remarquables de
l'ouvrage, qui eut, dit-on, plusieurs collabora-
teurs, celui qui a pour titre les Filles de Séjan,
est cité partout comme l'œuvre de M. Félix
Pyat, qui avait alors avec M. J. Janin des
relations amicales, bientôt rompues par des
dissidences de toute nature.
Lorsque Barnave parut, en 1831, chacun se
demanda : Que veut dire, que signifie Bar-
nave? Et c'est une question à laquelle il n'était
pas facile de répondre. « On trouve dans cet
ouvrage, dit M. Nettement (Histoire de la
littérature française sous le gouvernement de
Juillet), des aspirations poétiques, des chapi-
tres entiers écrits de verve ; mais où est le
livre ? où est Barnave ? Un ouvrage où l'on
rencontre le supplice épouvantable des filles
de Séjan à côté de la première représentation
du Mariage de Figaro, où le lecteur passe de
Mirabeau agonisant dans l'éclat de son génie
au crétin cherchant à compléter sa sensation
sur son fumier; un tel ouvrage, souvent élo-
quent, mais toujours fantasque, comme une
de ces matinées d'avril entrecoupées de pluie
et de soleil, n'est, à vrai dire, qu un feuilleton
en quatre volumes , écrit sur ce formidable
drame qu'on appelle la Révolution française.
Tant que le dénoûinent n'arrive pas, on de-
mande pourquoi le dénoûment tarde tant à
venir; lorsqu'enfin il se montre, on se demande
fiourquoi il est venu. Le roi si saint et si pur,
a reine si majestueuse et si belle, Mirabeau
si puissant, Barnave avec ses aspirations plus
hautes que son génie, et puis toutes ces gra-
cieuses femmes, jetées, comme des guirlandes
de fleurs, sur ce rideau qui allait se lever pour
laisser voir un drame-de sang; les plaisirs et
les affaires, les passions et les idées, les crimes
et les fêtes, tout se confond dans ce cauche-
mar plein d'imagination d'un homme de talent
qui a rêvé de la Révolution française et qui a
écrit son rêve avec ses incohérences et ses
vagues et tumultueuses beautés , dès qu'un
rayon de lumière, passant à travers sa fenê-
tre à demi close , est venu lui toucher les
yeux. » Il y a quelques années, en 1860, une
réédition de Barnave parut à la librairie Mi-
chel Lévy, et voici en quels termes l'auteur
lui-même jugeait son œuvre, dans une nou-
velle préface : « Ce Barnave, dit-il, a la fièvre ;
il a le délire; il passe, et coup sur coup, de
l'exaltation sans cause au découragement sans
motif; c'est un accès de tétanos, un véritable
delirium tremens. Roman du vide et du néant I
marionnettes et polichinelles de l'histoire ! «
Que pourrions-nous ajouter à cette implacable
critique de l'auteur tournée contre lui-même,
ou plutôt contre le J. Janin d'il y a trente
ans? Mais, dira-t-on, pourquoi avoir tiré de
l'oubli cet enfant si cruellement désavoué au-
jourd'hui ? L'auteur prétend qu'il a voulu té-
moigner ainsi de "son châtiment et de son re-
pentir. En vérité , c'est par trop d'humilité ,
et nous aimons mieux croire qu'après avoir
admiré la verve incontestable et 1 éloquence
de certaines pages véritablement luxuriantes
d'imagination et.de style, le sévère critique
s'est pardonné les autres, et, dans un accès de
tendresse paternelle bien excusable, n'a pu
résister au désir de rappeler au public ou-
blieux qu'il en était le père.
BARNE s. f. fbar-ne). Partie d'une saline
où l'on fait le sel.
BARNE, ville de la Mœsie inférieure; auj.,
Varna.
BARNER (Jacques) , médecin et chimiste
allemand, né à Eibing en 1641, mort en 1686.
II professa la chimie à Padoue, puis la philo-
sophie et la médecine à Leipzig. Il a fait un
grand nombre d'ouvrages, ou plutôt de com-
pilations, qui donnent une idée assez fidèle de
ce qu'était alors la médecine et surtout la chi-
mie, tout occupée de la recherche chimérique
de la pierre philosophale. On y rencontre ce-
pendant quelques faits intéressants.
BARNES ou BERNERS (Juliana), fille de sir
James Berners, décapité sous Richard II, née
à Roding à la fin du xive siècle, devint prieure
d'une communauté religieuse à Sopewell, et
mourut après 1640. A l'esprit et à la beauté,
" elle joignait une passion pour les exercices
du corps assez singulière chez une femme et
une religieuse. Elle a composé quelques ou-
vrages en prose et en vers sur la chasse, la
fauconnerie, le blason, etc.
BARNES (Robert), théologien anglais, mort
en 1540. Forcé de fuir en Allemagne , pour
quelques mots prononcés contre le cardinal
Wolsey dans un sermon, il embrassa le pro-
testantisme, revint en Angleterre et fut nommé
chapelain de Henri VIII, qui finit par le faire
brûler comme hérétique; car on sait que ce
maniaque sanguinaire, dans ses réformes re-
ligieuses, frappait de la même proscription les
luthériens et les catholiques romains. On a, du
malheureux Barnes, plusieurs ouvrages, entre
autres une Vie des papes jusqu'à Alexandre III.
BARNES (Barnabe), poëte anglais, né vers
1569. Il suivit la carrière des armes, et ses
ennemis prétendirent qu'il avait fui pendant
une action. On l'a aussi accusé de vol. Mais il
est vraisemblable que ces assertions sont des
calomnies de la haine. Comme poète, il avait de
l'élégance et de la pureté, mais peu d'inven-
tion. On a de lui : Divine century of spiritual
sonnets (1595); la Charte du diable, drame
dont le sujet est emprunté à la vie du pape
Alexandre VI ; des traductions en vers, etc.
BARNES ou BARNS (Jean), théologien an-,
glais, vivait dans le xvnt* siècle. Il alla ache-
ver ses études à Salamanque, embrassa le ca-
tholicisme, entra dans l'ordre de Saint- Benoît,
et revint en Angleterre en qualité de mission-
naire. Déporté en Normandie, il professa la
théologie en Lorraine et à Douai, revint en-
core une fois en Angleterre, se fixa à Oxford
et s'engagea dans des querelles contre les
équivoques, contre certaines prétentions ultra-
montaines, etc. Sa raison finit par se troubler;
il erra en diverses contrées de l'Europe et
finit par être enfermé dans les prisons de l'in-
quisition, où il demeura, dit-on, trente ans.
L'ouvrage qui lui fit le plus d'ennemis a pour
titre : Catholico-romanus pacifieus (Oxford,
1580).
BARNES (Josué), professeur de grec à Cam-
bridge, né à Londres en 1654, mort en 1712,
donna une édition, grecque et latine d'Ho-
mère, il avait une connaissance parfaite delà
langue grecque, mais il manquait de goût et
il ne put faire passer dans sa traduction les
beautés de l'original, ce qui fit dire au spiri-
tuel Bentley : « Il sait le grec aussi bien qu'un
savetier d'Athènes. • De son côté, il répondait
à ses détracteurs : « Petits grimauds, j'ai ou-
blié plus de grec que vous n'en saurez jamais. »
Outre ses éditions et ses traductions, on a de
lui des poésies anglaises; une Histoire d'E-
douard III, roi d'Angleterre, où il imite assez
malheureusement les anciens, en prêtant à
ses héros d'ennuyeuses et interminables ha-
rangues, et où il fait remonter jusqu'aux Phé-
niciens l'origine de l'ordre de la Jarretière.
BARNES (Albert), théologien américain, né
à Rome (Etat de New-York) en 1798. Pasteur
d'une église presbytérienne de Philadelphie, il
a refusé plusieurs fois, par scrupule de con-
science , d'accepter le titre de docteur en
théologie. Il a commenté plusieurs livres de
l'Ancien Testament et surtout les Evangiles.
Ce dernier commentaire, qui est très-répandu
aux Etats-Unis et en Angleterre, a été traduit
Ïiartiellement en français par le pasteur Napo- -
éon Roussel, sous le titre de : Notes explica-
tives et pratiques sur les Evangiles (1855 et
1858, 2 vol.).
BARNET s. m. (bar-nè). Moll. Coquille du
Sénégal, regardée par Adanson comme un
buccin, et qui paraît appartenir plutôt au
genre colonibelle.
BARNET, ville d'Angleterre, comté de Hert-
ford, à 17 kil. N.-O. de Londres ; 2,400 hab.
Dans les environs, obélisque érigé en mé-
moire de la célèbre bataille de Barnet, dans
laquelle le comte de Warwick , défait par
Edouard IV, périt en 1471.
BARNETT (John), comp jsiteur anglais, né
à Bedfort en 1802, débuta, à onze ans, comme
chanteur, au théâtre de Drury-Lane. Doué
d'une voix très-étendue, il se fit remarquer et
passa bientôt a. Covent-Garden. Mais, renon-
çant à la scène, il se livra exclusivement à
l'étude de la musique instrumentale et prit les
leçons de Ries. On doit à ce compositeur des
Messes solennelles, deux ouvertures à grand
orchestre, un volume de mélodies russes, des
recueils de chansons, airs et duos italiens, etc.
BARNEVELDT,' bourg de Hollande, prov. de
Gueldre, à 30 kil. N.-O. d'Arnheiin; 4,000 hab.
Elève importante d'abeilles.
BARNEVELDT (Jean van Olden), célèbre
homme d'Etat et grand-pensionnaire de Hol-
lande, né à Amersfoord vers 1549, mort en
1619. Après la prise d'Anvers par les Espa-
gnols, en 1585, les Provinces-Unies, voyant
qu'elles avaient tout à craindre du prince de
Parme, un des plus habiles généraux de son
temps, chargèrent Barneveldt de se rendre
près du roi de France Henri III, et de la reine
d'Angleterre Elisabeth , pour en obtenir des
secours ; mais quoiqu'on leur eût offert un
droit de souveraineté sur le pays, ni Henri III
ni Elisabeth ne crurent devoir, pour le mo-
ment, accepter cette offre. Barneveldt, de re-
tour dans son pays, poussa le peuple à orga-
niser des moyens de résistance , et comme il
fallait un chef militaire, il fit reconnaître Mau-
rice de Nassau comme slalhouder ; mais, afin
que la république n'eût rien à craindre de
1 ambition personnelle de celui qui devait com-
mander ses armées, il fit décider en même
temps que les pouvoirs du stathouder seraient
révocables par une décision des états géné-
raux. Maurice de Nassau ne lui pardonna ja-
mais cette mesure de défiance, qui blessait son
orgueil et devait entraver la réalisation de
ses projets. Après une guerre qui dura plu-
sieurs années, les Espagnols, qui avaient perdu
leur grand général, demandèrent à traiter.
Barneveldt était disposé à le faire, à condition
que les Espagnols reconnussent formellement
1 existence de la république ; mais Maurice,
qui avait intérêt à prolonger la guerre pour
affermir son autorité, employa tous ses efforts
pour rendre les négociations infructueuses.
Cependant, Barneveldt parvint à conclure une
trêve de douze ans. Dès que cette trêve fut
proclamée, Maurice de Nassau profita des dis-
sensions religieuses qui troublaient alors la
pays pour exciter contre son rival l'animosité
d'une partie du peuple. La Hollande se divi-
sait alors en deux sectes, celle des arminiens
et celle des gomaristes. Barneveldt, les princi-
paux magistrats etles classes éclairées avaient
embrassé les doctrines d'Arminius, qui vou-
lait apporter quelque adoucissement à l'austé-
rité des principes de Calvin sur la prédestina-
tion; la masse du peuple tenait pour Gomar,
qui maintenait ces principes dans toute leur
rigueur. Maurice s'attacha naturellement au
parti le plus populaire, non-seulement parce
qu'il était opposé à celui de Barneveldt, mais
encore parce qu'il lui donnait la force aveu-
gle du nombre et de l'ignorance. Il accusa les
arminiens d'être les alliés secrets de l'Espa-
gne et voulut convoquer un synode pour les
faire condamner. Barneveldt fit annuler cette
convocation par les états généraux, et la
guerre civile éclata de toutes parts. Mais
Maurice, soutenu par la populace, ne tint au-
cun compte de la décision des états; le synode
se réunit à Dordrecht, et les arminiens furent
condamnés. Barneveldt, arrêté par les ordres
du stathouder, avec trois de ses amis, fut tra-
duit devant une commission composée de ses
244
BAR
ennemis les plus acharnés. On l'accusa de tra-
hison; on allégua pour preuves le fait d'avoir
reçu des sommes d'argent du président Jean-
nin, agissant au nom de Henri IV, et quelques
autres faits qui montraient seulement sa dé-
fiance contre le stathouder. Bref, il fut con-
damné, le 12 mai 16 19, à avoir la tête tranchée.
Barneveldt subit avec courage un supplice qu'il
avait si peu mérité ; il mourut avec la con-
science d'avoir tout fait pour assurer l'indé-
Eendance de son pays, et avec la certitude que
i postérité joindrait son nom à la liste, déjà
si longue, des victimes de l'ingratitude d'une
populace aveugle et fanatique.
Ses deux fils, Guillaume et René, ayant
formé, quelque temps après, le dessein bien
excusable de venger leur père, entrèrent dans
une conspiration qui futdécouverte. Guillaume-
put échapper par la fuite ; mais René fut pris
et condamné à mort. Sa mère eut le courage
de se présenter devant le meurtrier de Barne-'
veldt et de lui demander grâce. Elle n'obtint
que cette réponse cruelle : » Il me parait
étrange que vous fassiez pour votre (ils ce
que vous n'avez pas fait pour votre mari. —
Je n'ai pas demandé grâce pour mon mari,
repartit avec indignation cette noble femme,
parce qu'il était innocent; mais je le fais pour
mon fils, parce qu'il est coupable. »
Bnrnevcidt , tragédie en cinq actes, de Le-
mierre , représentée pour la première fois
à Paris, sur le théâtre de la Nation, le 30 juin
.1790. Il y avait vingt-quatre ans que cette
pièce était écrite lorsqu'elle put enfin paraître
sur la scène. En nce,le censeur Marin allait
l'autoriser, et elle devait être donnée le mer-
credi des Cendres, lorsque l'ambassadeur de
Hollande intervint au nom du stathouder et
se plaignit du rôle que jouait dans l'ouvrage
le prince d'Orange. A cette époque, les gou-
vernements étrangers se préoccupaient beau-
coup — beaucoup trop même — de tout ce qui
se jouait sur les scènes parisiennes. L'ambas-
sadeur d'Angleterre était intervenu à propos
de l'Anglais à Bordeaux (17G3, aux Français)
de Favart; celui du Danemark empêchait
VErnelinde de Poinsinet (opéra, 1707) d'être
représentée pendant le voyage de son maître
à. Paris, parce que, dans cet opéra, le prédé-
cesseur du royal visiteur était mis en scène ;
l'ambassadeur de Hollande, lui, lit tout sim-
plement arrêter Barneveldt, oii le poëte -retra-
çait le. jugement du républicain hollandais ,
que, malgré ses services éminents, le stat-
houder envoyait à l'écbafaud. Leinierre donna
satisfaction aux exigences de la Hollande ,
espérant voir son ouvrage autorisé. Une ob-
jection nouvelle surgit aussitôt. Barneveldt
était jugé et condamné par une commission
spéciale; or, naguère, M. de Lachalotais et
quelques autres magistrats bretons, accuses
d'avoir fomenté une vive opposition au gou-
vernement, Venaient d'être distraits de leurs
juges naturels, et envoyés devant une com-
mission extraordinaire. « Cette façon de pro-
céder, brutale et insolite, dit M. Hallays-Dabot
(Bist. de ta censure théâtrale) avait produit
dans toute la France une violente émotion, et
l'on redoutait de voir le public s'emparer de
la pièce de Lemierre pour y trouver une oc-
casion de manifester publiquement son indi-
gnation.» Il y avait, d'ailleurs, ainsi que le fait
observer le Dictionnaire général des théâtres ,
des morceaux sur l'intolérance religieuse,» qui
n'auraient sûrement pas été approuvés par la
police, et dont cette tragédie ne pouvait ce-
pendant point se passer, parce qu'ils étaient
inhérents et indispensablement nécessaires au
fond du sujet. » Aussi la tragédie de Barne-
veldt fut-elle ajournée et ne put-elle avoir les
honneurs de la rampe qu'en 1790. « Il est vrai-
semblable qu'elle n'en aurait jamais joui ,
lisons-nous dans le Moniteur universel du 4
juillet 1790, sans l'heureuse révolution qui a
rendu'la liberté aux citoyens et à l'art drama-
tique, à cet art d'autant plus estimable qu'il
est propre à répandre rapidement les grandes
idées de morale, de philosophie et de politi-
que, c'est-à-dire les vérités essentielles qui
établissent la gloire des souverains et le bon-
heur des peuples. » — L'auteur de Bameveldt
a suivi l'histoire aussi exactement que peu-
vent le permettre les convenances théâtrales.
Il s'agit, cour les Provinces-Unies, de conti-
nuer Ta trêve avec l'Espagne, ou de lui décla-
rer la guerre. Bameveldt veut la trêve; mais
des projets d'agrandissement poussent le stat-
houder à la guerre. Maurice de Nassau, prince
d'Orange, dont les vues se portent jusqu'à la
souveraineté despotique, exige que les Hollan-
dais reprennent les armes; et c'est par ce
moyen, qui doit donner un nouvel éclat à ses
qualités guerrières et à sa renommée, qu'il
espère parvenir à son but. Bameveldt a de-
viné ses projets; il parle donc pour la paix,
non-seulement alin de s'opposer a l'ambition de
Maurice, mais aussi afin d'assurer le bonheur
de la Hollande , dont les plaies récentes ne
sont pas encore cicatrisées. Maurice le fait
arrêter en l'accusant de trahison, et le vieil-
lard, dont cinquante ans de dévouement à la
patrie attestent les services et les talents, est
jeté en prison comme un vil scélérat. C'est
en vain que l'ambassadeur français demande
que Bameveldt se justifie devant les états;
Maurice est assez puissant pour s'y opposer,
assez adroitemeut perfide pour lui proposer la
vie, s'il consent à se démettre de son titre de
grand-pensionnaire; et, sur le refus de Bar-
neveldt, assez cruel pour livrer à la mort ce-
lui à qui il a dû la plus belle partie de sa'
BAR
gloire. A qet instant, le fils de Bameveldt,
suivi d'un gros de peuple, force la prison de
son père. Le vieillard excuse cette action
dans un fils, et la blâme dans un citoyen. Il
est décidé à mourir sans tache. Le fils de Bar-
neveldt, pour engager son père à prévenir
son supplice par une mort volontaire, lui dit :
Caton se la donna... — Socrate l'attendit, ré-
pond le vieillard. Cette scène est du plus
puissant intérêt. Des soldats surviennent, em-
mènent Bameveldt, et laissent son fils en pri-
son. Au dernier acte, l'épouse du grand-pen-
sionnaire vient demander au stathouder la
grâce de son fils. Maurice s'étonne :
M'avez-vous demandé celle de votre époux?
Elle répond :
11 était innocent, et mon HIs est coupable.
Cette réponse est consacrée par l'histoire.
Bameveldt est conduit à l'échafand. Le peuple
se révolte. Le fils de Barneveldt reparaît à la
tête d'un parti qui menace le prince : il est
contenu par le retour do sa mère en larmes,
par l'ambassadeur français , qui annonce à
Maurice de Nassau que la trêve est continuée.
Le stathouder , honteux et désespéré d'un
crime inutile, se retire en présageant sa chute.
— Les quatre premiers actes de cette tragédie
furent vivement applaudis, et méritaient de
l'être. On y trouve des scènes bien reliées
entre elles, des caractères tracés de main de
maître et des développements justes et vrais ;
mais il est impossible de ne pas critiquer le
cinquième acte, qui est vide d'intérêt et d'ac-
tion, et que le poëte a entièrement manqué. Il
est quelquefois nécessaire d'ajouter quelque
chose à l'action pour amener un dénoûment,
mais cela doit faire tout au plus l'objet d'iule
scène ou deux ; et, quand il faut ajouter un
acte entier, les règles du bon goût sont vio-
lées. Rivé aux habitudes du théâtre clas-
sique, Leinierre a voulu que sa pièce eût cinq
actes, et il l'a gâtée à demi.
I Mercier a fait jouer aux Italiens, en 1781,
' un drame en cinq actes, en prose, intitulé. /e;i-
neval ou le Bameveldt français, qui n'a aucun
rapport avec le héros mis en scène par Le-
mierre; mais il rappelle un drame plein d'in-
térêt, donné à Drury-Lane en 1713, et qui fit
longtemps courir la ville de Londres, le Mar-
chand, appelé depuis le Marchand de Londres,
• véritable histoire de George Barnwell (et non
! Barneveldt). Cet ouvrage, dû à Lillo, créateur
1 du drame bourgeois en Angleterre, tel que Di-
derot l'introduisit en France, était tiré d'une
; vieille chanson. On y voit un jeune homme
! que sa passion pour une femme méprisable
! conduit jusqu'à assassiner son oncle, et jus-
■ qu'à l'échafand. Dans la pièce de Mercier, le
jeune homme né fait que consentir au crime,
\ qui doit être commis par un autre; puis, le re-
j mords l'emporte et il sauve son oncle.
! BARNEVILLE ch.-l. de cant. (Manche), arr.
I deValognes; pop. aggl. 606hab. — pop. tôt.
I 1,062 hab. Petit port, commerce important
i de denrées agricoles avec les lies de Jersey,
: Guernesey et AurigBj'. Belle église, modèle
d'architecture romane.
BARINEY, commodore américain, né à Balti-
more (Maryland), en 1759, mort a Pittsburg
en 1818. Entré fort jeune dans la marine, il
n'avait que seize ans lorsque, par une coïnci-
dence fortuite d'accidents, il se trouva chargé-
de la direction d'un navire, tâche qu'il remplit
avec succès pendant huit mois. Cette belle con-
duite lui valut le grade de lieutenant. Apres
avoir été fait prisonnier deux fois par les An-
glais, il s'embarqua sur le corsaire Alexandrie.,
et ses parts de prises lui constituèrent une for-
tune. Mais des voleurs le dépouillèrent com-
plètement lorsqu'il conduisait sa jeune femme
de Philadelphie à Baltimore. lin 1782 , on lui
confia le commandement de l'Hydor-Ali, avec
lequel il captura le General- Monlc , d'une
force bien supérieure. Nommé ensuite capi-
taine du navire même qu'il avait pris sur les
Anglais, il fut chargé de partir pour la France
et de remettre des dépêches au docteur Fran-
klin. De 1795 à 1800, il entra au service de ta
France, et, lorsqu'il donna sa démission, il
était chargé du commandement d'une escadre.
Enfin, dans la seconde guerre entre l'Angle-
terre et l'Amérique du Nord, Barney fut chargé
de défendre la baie de Chesapeake ; son cou-
rage lui valut un sabre d'honneur offert par
la municipalité de Washington, et la législa-
ture de la Géorgie lui adressa un vote de re-
mercîments.
BARNFIARD s. m. (bar-nfi-ar). Zool. Oi-
seau aquatique des Indes.
BAR NI (Camille), compositeur italien et vio-
loncelliste, né à Corne en 1762. Premier vio-
loncelliste solo au théâtre de Milan, il se livra
à l'étude de la composition, fit plusieurs qua-
tuors, et vint se fixer à Paris en 1802. Barni a
composé des airs pour violoncelle, des ariettes
italiennes et des romances françaises , des
duos, trios et quatuors, et enfin un opéra-co-
mique, Edmond, ou le Frère par supercherie,
qui ne réussit pas.
BARNI (Jules), philosophe, né à Lille en 1818.
11 a professé la philosophie dans divers col-
lèges de Paris, et s'est donné pour mission,
dans ses ouvrages, d'introduire en France tout
l'ensemble de la philosophie de liant, il a déjà
publié des traductions de divers ouvrages du
philosophe allemand, avec des analyses criti-
ques très-développées, ainsi que des travaux
d'exposition sur le même sujet. Il a en outre
BAR
collaboré à la Liberté de causer, et autres re-
cueils philosophiques et littéraires.
BARNICLE s. f. (bar-ni-kle). V. Bernacle.
BARMM (Nieder) et IUIINIM (Ober), noms
de deux cercles administratifs de la Prusse,
dans la province de Brandebourg ; le premier
a pour ch.-l. Freiemvalde, et le second Berlin.
BARNISSOTTE s. f. (bar-ni-so-te). Hortic.
"Variété de figue ronde à peau dure. Il On dit
aussi Barnassotte et Barnissknque.
BARNLSEY, ville d'Angleterre, comté et à
54 kil. S.-O. de York, dans le West-Riding ,
sur la Dearne; 12,310 hab.; houille, fabriques
de toiles, blanchisseries , fonderies do fer et
tréfileries. Il Canal du Baunsi.ey, voie naviga-
ble d'Angleterre, comté d'York, commençant à
Wakefield et se terminant à Swinton, au canal
de la Dove.
BARNSTABLË, village d'Angleterre, comté
de Devon, à 55 kil. N.-O. d'Exeter, port sur
l'estuaire de la Taw, que l'on y passe sur un
pont très-long et très-ancien ; 10,259 hab. In-
dustrie et commerce d'exportation ; marchés
considérables de bétail et de grains, patrie du
poëte anglais John Gay. il Ville des Etats-
Unis, Etat de Massachussetts, ch.-l. du comté
do son nom, à 105 kil. S.-E. de Boston, avec
un port sur la baie du cap Cod ; commerce
actif; pêche à la morue et pêche à la baleine;
salines aux environs. Pop. 4,901 hab.
BARNSTORF (Bernard), médecin allemand ,
né à Rostock en 1625, mort en 1704. Après
avoir successivement voyagé en Hollande, en
France et en Angleterre , il se fit recevoir
docteur en 1671 dans sa ville natale, où il
exerça et professa la médecine. On a de lui
quelques ouvrages écrits en latin, notamment
Programma de ressuscitatione plantarum (Ro-
stock , 1703, in-4°), où il traite de la palingé-
nésie des plantes par leurs cendres, théorie
ingénieuse, mais dénuée de tout fondement
scientifique,
BAR>STORF (Everard), médecin allemand,
fils du précédent, né à Rostock en 1672, mort
en 1712. 11 étudia successivement dans les
universités de Helmstœdt, léna, Leipzig et
Halle, et, après s'être fait recevoir docteur en
1696, il devint professeur de mathématiques et
de médecine à Halle. En 1698, il s'établit, on
qualité de médecin, à Wismar, qu'il quitta
1 année suivante pour devenir professeur de
physique à Anclam, puis à Greifswald. On a
de lui plusieurs ouvrages écrits en latin ou en
allemand, parmi lesquels nous citerons : Dis-
sertatio inaitguralis de viribus phantasiœ in
sensus (Greifswald, 1703, in-4°), et Consilium
prteseroatorium, etc. (Greifswald, l709,in-8°),
ouvrage dans lequel il indique les moyens
qu'on doit prendre pour se préserver de la
peste.
BARNUEVO (Pedro de Peralta), poète es-
pagnol, vivait dans le xvniD siècle. Il suivit la
carrière des armes et fut employé dans l'Amé-
rique espagnole. Il a laissé un poème héroï-
que, Lima fundata, où il célèbre la cqnquête
du Pérou par Pizarre. L'auteur a donné à son
œuvre un tour mystique, qui l'amène, entre
autres singularités, à montrer les Américains
se présentant devant Dieu, et demandant h
grands cris des conquérants qui les viennent
convertir. C'est excès de zèle, car le compa-
gnon de Pizarre n'ignorait pas de quel prix
les Américains payèrent leur conversion.
BARNUM (Phineas-Taylor), célèbre char-
latan américain, né à Bethel, agreste village
du Connecticut (Etats-Unis), en 1810. M. Bar-
num est célèbre au même titre qu'Erostrate,
non qu'il ait jamais rien brûlé, puisque c'est
au contraire lui qui a récemment brûlé dans
la personne de son fameux muséum ; mais il a
voulu faire parler de lui, et il a réussi par le
puff, la réclame et un charlatanisme plus
impudent qu'imprudent, car il y a gagné la
fortune d'un nabab. Il commença par être
valet de ferme; mais bientôt, las de conduire
la charrue, et, comme il t'avoun lui-même,
n'ayant aucun goût pour le travail, il s'adonna,
encore enfant, au négoce et commença en
qualité de colporteur. Une autre version rap-
porte que son père, propriétaire de la taverne
du village, eut l'idée d'ouvrir une autre taverne
à quelque distance de la première ; queBarnum,
h l'âge de treize ans, fut employé dans cette
succursale, et qu'il servit ensuite dans plu-
sieurs établissements du même genre. Un peu
plus tard, il ouvrit dans son village natal une
boutique d'épicerie et de mercerie, à laquelle
il adjoignit une manière de cabaret. Les aftaires
allaient bien, les profits étaient bons, mais ils
étaient insuffisant: pour satisfaire les vastes
désirs de Barnun.. Son génie spéculatif,
toujours en travail, lui suggéra l'idée de mon-
ter successivement plusieurs loteries, dont
les lots gagnants, annoncés comme objets
d'une grande valeur, se composaient de ver-
roteries fêlées ou de vieux plats d'étain mis
au rebut, et dont les billets, rapidement placés,
lui permirent de mettre sur un plus grand
pied sa maison de commerce, et de prendre
un associé avec lequel il resta jusqu'en 1831,
époque de la dissolution de leur société. Les
querelles religieuses avaient pris alors une
grande vivacité aux Etats-Unis. Une nou-
velle secte s'était formée, demandant que le
droit électoral et l'accessibilité aux fonctions
publiques fussent réservés aux saints. Les
esprits craintifs voyaient déjà dans le nord de
l'Amérique tous les abus do l'intolérance, et
peut-être toutes les horreurs de l'inquisition.
BAR
L'occasion parut bonne à Bamum pour ache-
ter une presse, des caractères, et fonder, k
Danbury, un journal intitulé le Héraut de la
liberté. Malgré quelques condamnations pour
diffamations, le journal prospérait , mais Bnr-
num avait de plus hautes visées ; et, bientôt, il
vint s'établir à New-York pour y chercher
la fortune. Pourvu de peu d'argent alors, il réa-
lise quelques créances et se remet, pour com-
mencer, dans les petits commerces. C'est vers
ce temps que le hasard le lança inopinément
dans sa véritable voie. On montrait à Phila-
delphie une vieille négresse nommée Joice
Heth, soi-disant âgée de cent soixante et un
ans, et nourrice de Washington. Le vigilant
Yankee se rend aussitôt dans cette ville. Il
voit une vieille femme qui n'avait plus d'âge
appréciable : aveugle, édentée, aux membres
racornis, mais bien portante du reste et jouis-
sant de toutes ses facultés intellectuelles. Elle
ne pouvait plus mouvoir qu'un da ses bras,
avec lequel elle battait la mesure en chantant
des hymnes du temps delaguerre de l'Indépen-
dance. Au sujet de son « cher petit George, »
elle racontait une infinité d'anecdotes intimes,
qui toutes se trouvaient être vraies ou tout au
moins vraisemblables. D'ailleurs, son maître,
car elle était esclave, produisait des certificats'
parfaitement authentiques, à cela près qu'ils ont
dû s'appliquer k une autre personne, dont Joice
Heth jouait le rôle. Barnum acheta 1,000 dol-
lars la négresse, qui n'avait en réalité que
quatre-vingt-un ans, ce que l'on armrit lors-
que, la vieille étant morte, on pratiqua l'au-
topsie de son cadavre. Mais le tour était, joué,
et Barnum avait enfin trouvé sa vocat/on :
celle à'exhibiteur. 11 forma une société avec-,
une troupe d'écuyers, et parcourut l'Union en
compagnie d'un M. Turner, sorte de Fran-
coni américain, et d'un pauvre saltimbanque
italien nommé Antonio, . qu'il avait baptisé
du nom plus sonore de Vivalla. Nous no dé-
crirons pas ces pérégrinations, ni les incidents
variés de cette.vie nomade, où l'on trouve çà
et là des anecdotes dont l'auteur du Jloman
comique aurait fait son profit ; nous nous bor-
nerons à raconter le fait suivant. Pendant
ses pérégrinations en Virginie, Barnum an-
nonça un jour, à grand renfort de caisse et
de prospectus, que, dans le concert du soir,
un. nègre chanterait un grand morceau de
musique. La foule accourut. Le moment venu,
on cherche, on appelle le nègre qui devait
être le héros de la soirée. Plus de nègre I
Heureusement, Barnum est là pour remédier
à tout] il se noircit la figure et les mains, fait
lever la toile, entre en scène, chante ce qui
lui passe par la tête, et est couvert d'ap-
plaudissements. C'était un nègre qui avait
chanté; le reste n'importait guère à la foule,
peu délicate en mutière de musique. Tout à coup
Barnum entend du bruit dans la coulisse ; il
y court, et voit un individu aux prises avec le
personnel de la troupe. Barnum intervient :
« Infâme noir, lui dit l'individu en le mena-
çant d'un pistolet; ne vois-tu pas que tu parles
à un blanc! » Barnum avait complètement
oublié la couleur momentanée de son visage ;
mais, se souvenantde ce qu'il avait à craindre
dans un Etat à esclaves : » Regardez donc,
dit-il, en relevant rapidement la manche de
son habit et mettant son bras à nu, et V03roz si
je ne suis pas aussi blanc que vous. » Cepen-
dant, malgré tous ses efforts, Barnum ne lit
point de recettes bien considérables, et dut re-
tourner à New- York pour tenter la fortune
par d'autres moyens. Il s'associa en premier
lieu avec un parfumeur allemand nommé
Proler, qui s'enfuît en Europe, emportant
l'actif de la maison et lui en laissant le passif.
Barnum était alors dans un état voisin de la
détresse, et cependant sa fortune date du jour
de sa ruine momentanée. La collection de cu-
riosités connue sous le nom d' American Mu-
séum était à vendre; l'entreprenant Américain
parvient, sans un sou vaillant, à trouver un
bailleur de fonds et devient possesseur du
muséum. En moins d'un an, 1 établissement
métamorphosé devint un véritable pandémo-
nium artistique, géologique, zoologiquo, scien-
tifique, mirifique, unique, en un mot, dans
son genre. Ce fut là que furent exposés
tour à tour un modèle des chutes du Niagara,
des nègres blancs, la sirène des ilos Fidgi, le
cheval laineux, et bien d'autres phénomènes
que des milliers de personnes visitèrent et
tinrent pour parfaitement authentiques. Les
annonces, affiches, réclames, prospectus do
toutes sortes, étaient répandus k profusion ;
Barpum, pour faire valoir son exhibition des
cataractes, affirmait effrontément que des
millions d'hectolitres d'eau étaient employés
journellement à l'entretien de son Niagara. Un
jour, ledirecteurdel'administrationdeseauxle
fait appeler : « Monsieur Barnum, lui dit-il,
nous nous voyons forcés d'augmenter de beau-
coup le prix de votre abonnement ; les 25 dol-
lars que vous payez annuellement ne sauraient
suffire à l'alimentation de votre chute du
Niagara. » Barnum sourit : « Vous prenez
trop à la lettre mes réclames, répond-il; ve-
nez avec moi au musée, et vous pourrez vous
convaincre qu'un baril d'eau par mois, grâce
à de puissants instruments d'optique, me suf-
fit amplement à faire voir des cataractes à
mes spectateurs. » Dans les trois années qui
suivirent l'achat du muséum, les recettes s c-
levèrent à plus de 100,000 dollars. Ce fut
quelque temps après que Barnum fit la ren-
contre d'un enfant nommé Charles Stratton,
qu'il devait rendre célèbre sous le nom de
Tom Thumb, ou Tom Pouce. L'enfant avait
BAR
BAR
BAR
BAR
245
cinq ans, il lui en donna onze, et le montra
comme un nain à toute l'Amérique. Deux ans
plus tard, l'enfant avait sept ans, LSarnum lui
en donna quinze et le conduisit en Europe.
Alors toutes les trompettes de la réclame
éclatèrent en même temps, et célébrèrent à
l'envi l'être merveilleux qu'il allait être donné
au monde entier de contempler de près, si
bien que, pour un moment, il ne fut plus ques-
tion de tous côtés, à Paris et à New- York, à
Londres et à Saint-Pétersbourg, a Rome et à
Constantinople, en Chine et peut-être en Co-
chinchine,que du fameux général Tom Pouce,
devenu la curiosité universtdle, devant qui
s'ouvraient tous les palais, et que plusieurs
cours accueillirent avec confiance, notamment
celles de France et d'Angleterre. — Cette
brillante tournée, qui dura trois ans, enrichit
Barnum. Le père de Tom, qu'il s'était asso-
cié, resta possesseur de 150,000 francs, après
avoir assuré le sort de son dis. Tom Pouce fut
une bonne spéculation ; mais le coup de maître
de Barnum, c'est l'affaire de Jenny Lind. En
janvier 1850, M. Barnum, par l'intermédiaire
d'un certain M. Wallon, engagea la cantatrice
pour cent cinquante concerts, a la somma
énorme de'1,000 dollars (5,000 fr.) par concert,
plus ses frais de voyage et de séjour, musiciens,
secrétaire, dame de compagnie, femme de
•.hambre, laquais, voiture, etc. La cantatrice
Avait droit, en outre, à un cinquième dans les
profits nets dés soixante-quinze derniers con-
certs, au.'cas où les premiers auraient produit à
l'entrepreneur 375,000 francs au moinsde béné-
- licc.X)n trouvera, à la biographie de cette chan-
t/Juse célèbre, le récit de ses triomphes enAmé-
" rique et des colossales réclames qui les pré-
parèrent. Ce fut un délire général : la recette
moyenne de chaque concert fut de 8,000 dol-
lars (40,000 fr.); les billets d'entrée se vendaient
aux enchères, et l'un de ces billets fut payé
3,250 francs. Les bénéfices furent immenses;
Barnum gagna 2,672,430 francs. M'io Lind re-
çut, pour sa part, 8S3,375 francs. Ce fut le chant
du, cygne de Barnum, qui tenta cependant en-
core un grand nombre d'entreprises. Une dé-
marche inutile pour acheter la maison de
Shakspeare, qu'il voulait transporter à New-
York ; des curiosités et des musées entiers pro-
menés dans tous les pays par ses agents ; une
grande caravane asiatique composée de dix élé-
phants et d'autres animaux en nombre pro-
portionné pris dans leurs retraites par ses
propres chasseurs, amenés sur des navires
par lui nolisés, et colportés partout sous le
patronage et la présidence de Tom Pouce';
enfin, la chasse aux buffles au moyen du lasso,
par desoi-disants Indiens des Grandes-Prairies
. de l'Ouest, spectacle gratuit, mais à l'occasion
duquel Barnum avait engagé à forfait tous
les bateaux à vapeur devant se rendre au
lieu de réunion ce jour-là, ce qui, sur 24,000
personnes, aller et venir, omnibus, rafraîchis-
sements, lui lit gagner 20,000 francs ; voila",
avec l'exhibition perpétuelle de son musée,
qui, récemment brûlé, a de nouveau ouvert
ses portes, les principaux exploits de la tin de
sa carrière. Barnum est loin d'être un homme
de génie, et cependant on ne fait pas autant
de lirait dans le monde sans avoir quelque
qualité réelle, et Barnum en a une : c'est la
connaissance de son époque et l'instinct des
moyens propres a frapper les masses. Il ne
va jamais chercher trop loin ce qui est tout
près de lui ; il a su reconnaître que la nature
humaine contient une dose de bêtise toujours
égale dans tous les temps et sous toutes les
latitudes, et sur laquelle on peut spéculer à
- coup sûr. C'est ce qui constitue le principe
fondamental du système de Barnum. En jouant
sur la sottise de ses semblables, on joue sur
un capital certain et inépuisable. Barnum est
un habile mystificateur, qui sait rendre ses
plaisanteries productives. Vers 1855, cet au-
dacieux puffiste-a publié ses mémoires, tra-
duits presque aussitôt en français par M. de
La Bédollière. « M. Barnum, dit à cette occa-
sion M. E. Montégut, ne vaut pas le bruit qui
s'est fait autour de lui. 11 ne mérite ni les
éloges enthousiastes de ces philistins modernes
qui sont à genoux devant la richesse, ni les
anathèmes des moralistes. L'audace qu'il a
eue de publier sa vie, car c'est vraiment un
acte d'audace, explique assez bien le temps
où nous vivons. Il était sûr d'avance de ne pas
être hué ; il connaissait le fond moral de ses
contemporains. Il savait que tous désirent,
plus ou moins ce qu'il a obtenu, et que beau-
coup se reconnaîtraient en lui. Cette certitude
de l'adhésion tacite qu'il comptait obtenir
peut seule expliquer l'aplomb imperturbable
avec lequel Barnum et ses confrères euro-
péens se félicitent devant le public de leur
heureuse étoile, et la satisfaction Cynique avec
laquelle ils initient l'univers aux secrets de
leur fortune. Us savent qu'ils sont enviés et
admirés; ils savent qu'ils sont les seuls qui,
dans notre siècle, soient sûrs d'obtenir une
renommée et une popularité durables. Les
plus grands hommes seront soumis aux va-
' nations delà foule ; les hommes politiques
éminents seront oubliés avec la prochaine
révolution ; les grands écrivains seront éclip-
sés un moment, grâce aux caprices du faux
goût de la mode ; seuls, les charlatans et les
millionnaires sont sûrs d'échapper aux chan-
gements ; le monde est à genoux devant eux ,
et, de jour en jour, il se prosterne un peu plus
humblement. Hier, il n'avait qu'un genou en
terre, aujourd'hui il a mis les deux, demain il
courbera la tête, comme Vendredi sous le pied
de Robinson. Les Barnums de tous les pays
savent cela ; aussi tiennent-ils triomphale-
ment la plume et écrivent-ils leurs mémoires
pour l'édification du temps présent et la risée
de la prochaine génération. » Dons ce livre,
curieux à plus d'un titre, Barnum ne se con-
tente pas de raconter ses aventures ; il a la
prétention d'enseigner l'art de faire fortune,
et il résume cet art en dix préceptes ou com-
mandements, dont voici la iormule :
I" Commandement. Choisissez le genre
d'affaires qui convient à vos inclinations na-
turelles.
II. Que votre parole soit toujours sacrée.
IIT. Quoi que vous fassiez, faites-le de
toutes vos forces,
IV. Ne faites usage d'aucune espèce de
boisson' enivrante.
V. Espérez, sans être trop visionnaire.
VI. N'éparpillez pas vos efforts.
VII. Ayez de bons employés.
VIU. Faites de là publicité.
IX, Soyez économe.
X. Ne comptez que sur vous-même.
Ce n'était pas assez encore, pour Barnum,
d'avoir écrit sa vie; il a voulu se servir aussi
de la parole pour initier le public au secret de
tous les succès qu'il, a obtenus, il s'est fait
professeur de puff et de charlatanisme. En
1859, nous le retrouvons enseignant aux An-
glais Vart de s'enrichir. Dans une série de
conférences à St-James hall, en présence d'un
auditoire tellement nombreux qu'il eût été dif-
ficile à la police de maintenir quelque appa-
rence d'ordre, Barnum, qui possède un charme
très-réel de parole, a développé sa théorie
arec un succès complet et aux applaudisse-
ments de son auditoire, dont l'enthousiasme,
dit le Times, n'eût pas été plus grand s'il avait
eu devant lui quelque immortel bienfaiteur de
l'Angleterre.
L'Américain Barnum . restera comme le
type le plus caractéristique, la personnalité la
plus frappante de ce mercantilisme, de ce
charlatanisme, de cet industrialisme, qui est un
des côtés saillants de l'esprit essentiellement
calculateur du xrxe siècle. Si nous voulions
trouver dans notre pays un pendant au fameux
Barnum, nous n'aurions que l'embarras du
choix, depuis les Mengin de la place publique,
jusqu'à jusqu'à jusqu'à ; mais
ne citons personne; la matière est trop fertile :
nous ferions des jaloux..... jusqu'à certains
messieurs qui ne visent qu'au succès per fas et
nef as, et qui ont pTis pour devise le huitième
commandement de noble et puissant seigneur
Barnum.
BARNUM (Henry), général américain, né
dan's l'Etat de New-York, s'engagea comme
volontaire dans le 12e régiment de New- York
(avril 1861), et, après avoir passé par tous
les grades intermédiaires, arriva en peu de
temps à celui de brigadier général. Il (ut sou-
vent blessé et, une ou deux fois même, passa
pour avoir été tué. Dans une occasion, on ra-
massa sur le champ de bataille un cadavre
que l'on crut reconnaître pour celui du géné-
ral Barnum, et auquel on rendit les honneurs
funèbres avec toute la pompe due au rang du
défunt. Ce ne fut que plus tard que l'on ap-
prit que le défunt était bien vivant. Il prit
part a la fameuse campagne qui conduisit le
général Sherman à la côte de l'Atlantique. A
la fin de 18G5, le général Barnum a été nommé
inspecteur général des prisons de l'Etat de
New-York, et il a pris possession de son em-
ploi le 1er janvier 1866. ■
IÎAI10 (Balthazar), littérateur, né à Valence
en îaoo, mort en 1650. Secrétaire de d'Urfé,
il acheva la cinquième partie de VAstrëe, d'a-
près les notes de l'auteur; cette cinquième
partie fut publiée en 1627, à la grande satis-
faction des précieuses et des beaux esprits.
Baro vint ensuite à Paris, fut nommé gentil-
homme de Mlle de Montpensier, admis dans
les salons littéraires du temps, et fut reçu au
nombre des membres de l'Académie fran-
çaise, qui a souvent invoqué son autorité dans
son Dictionnaire. Son nom, à peine connu au-
jourd'hui, était alors consacré par de grands
succès littéraires. Il a fait représenter beau-
coup de tragédies et autres pièces dont l'énu-
mération n'aurait ici aucun intérêt, mais dont
plusieurs renferment, dit-on, des beautés
réelles. Nous citerons seulement : Holopherne ;
la Parthénie ; liosemonde; le Prince fugitif ;
la Clarimondey plusieurs tragédies sacrées,
divers poèmes en prose, etc.
BAROCCI (Frédéric), peintre. V. Bahoche.
barocentrique adj. f. (ba-ro-san-tri-ko
— du gr. baros, poids, et tie centrique). Astr.
et géojn. §e dit de la courbe déterminée sur
un plan méridien par les intersections des
verticales, qui, comme on sait, ne sont pas
des rayons terrestres, excepté aux pôles et à
l'équatcur.
— Encycl. Courbe baroeentrique. On sait
que les degrés d'un même méridien vont en
augmentant de l'équateur aux pôles, en sorte
que chaque degré peut être pris pour un arc
d'une circonférence distincte, d autant plus
grande que le degré considéré est plus près
du pôle. Les rayons de tous ces ares sont donc
inégaux ; par conséquent , les centres des
arcs ne se trouvent pas au même point, qui
serait le centre de la terre. Maupertuis a fait
voir que le lieu des centres de tous les arcs
d'un môme méridien est situé sur une courbe
de forme particulière, qu'il a appelée courbe
barocentrique, parce qu'elle est aussi le lieu
des attractions de la pesanteur pour tous les
points de ce méridien.
BAROCHE, ville de lTndoustan. V. Ba-
ROTSCHE.
BAROCHE (la) ou ZELL, bourg de France
(Haut-Rhin), arrond. et à 17 kil. N.-O. de
Colmar; pop. aggl. 771 hab. — pop. lot.
2,1 11 -hab. Ruines imposantes de l'antique
forteresse de Habenack, démantelée par
Louis XIV; aux environs, on trouve encore
les ruinés de la célèbre abbaye de Pairies,
fondée dans le xr« siècle.
BAROCHE (Federigo Barocci ou Baroccio,
plus connu sous le nom de), célèbre peintre
et graveur italien, naquit à Urbino en 152s.
Destiné par son père à la profession de fabri-
cant d'instruments de mathématiques et d'hor-
logerie, il commença, dit Baldinucci,par faire
des astrolabes. Mais son oncle Bartolommeo
Genga, architecte distingué, aj'ant reconnu en
lui des dispositions pour le dessin, le fit d'a-
bord travailler chez un peintre de Forli, Fran-
cesco Menzocchi, et le plaça ensuite sous la"
direction de Baptista Franco , habile maître
de Venise, qui peignait alors à fresque le
chœur de la cathédrale d'Urbi». A l'âge de
vingt ans, Baroche, avide de connaître les
œuvres de son compatriote Raphaèl , partit
pour Rome. Il y trouva un excellent protec-
teur dans la personne du cardinal délia Rovere,
qui le logea dans sa propre maison et lui
commanda plusieurs tableaux. Taddeo Zuc-
chero, dont il fit alors la connaissance, le pré-
senta à Michel-Ange, qui, ayant vu ses des-
sins, lui donna des encouragements et des
conseils. Il retourna ensuite a Urbin, où il
peignit une Sainte Marguerite pour la con-
frérie du Corpus Domini. Ayant eu occasion
de voir à cette époque quelques dessins du
Corrége, il en fut si fort épris qu'il se proposa
ce grand maître pour modèle, et qu'il s'appli-
qua désormais à reproduire 'le charme et la
morbidesse de son style. Revenu à Rome en
1560,' il se lia avec Federigo Zucchero, frère
de Taddeo, et eut l'honneur d'être employé
avec lui, par Pie IV, à la décoration du pa-
lais del Bosco di Belvédère. Tous les biogra-
phes rapportent que les autres artistes de
Rome, jaloux de ses succès, l'invitèrent à un
repas et lui firent avaler du poison; malgré
les soins qui lui furent prodigués, il fut at-
teint d'une maladie qui dura autant que sa
vie. Comme il vécut jusqu'à l'âge de quatre-
vingt-quatre ans, il est permis de mettre en
doute l'exactitude de cette tentative d'empoi-
sonnement. Ce qui est certain, c'est qu'à la
suite d'une maladie assez grave, le Baroche
retourna dans sa ville natale, d'où il ne s'é-
loigna presque plus, et que sa santé fut tou-
jours chancelante. Il eut, du moins, la force
de se roidir contre la souffrance, et exécuta un
grand nombre d'ouvrages pour les églises et
les couvents des villes de l'Italie centrale, no-
tamment d'Urbin, d'Arezzo, de Sinigaglia, de
Pesaro, de Ravenne, de Fossombrone. Le
grand-duc de Toscane, l'empereur Rodolphe II,
Philippe II, roi d'Espagne, lui firent les plus
brillantes propositions pour l'attacher à leur
cour ; son état maladif ne lui permit pas de
les accepter. Il mourut à Urbin, le 30 décem-
bre 1612. A l'excepLion de quelques portraits
et d'un tableau de la galerie Borghèse,qui re-
présente Enée emportant son père Anc/u'se,
Baroche n'a peint que des sujets religieux.
Ses principaux, ouvrages sont : au Louvre, la
Vierge et l'Enfant Jésus adorés par saint
Antoine et sainte Lucie, la Circoncision,
Sainte Catherine; aux Offices (Florence), la
Madonna detPopolo, regardée comme le chef-
d'œuvre du maître , Saint François, Héro-
diade, le portrait de l'artiste et celui d'une
femme ; au palais Pitti, le portrait du prince
Frédéric d'Urbin, celui de F. -Mi délia Ro-
vere, une copie de la Vierge au saint Jérôme
de Corrége , le Sauveur , une Tète d'ange ;
au Vatican, l'Extase de sainte Micheline ; à
l'Académie des beaux-arts de Venise, le liepos
en Egypte; au musée Brôra (Milan), le Mar-
tyre de saint Vital; au Musée royal de Turin,
Sainte Micheline, la Cène; au Belvédère, à
Vienne, le portrait d'un ecclésiastique; à la
Pinacothèque de Munich, la Communion de
sainte Marie l'Egyptienne, Y Apparition de
Jésus à la Madeleine ; au Musée royal de
Madrid, la Nativité, le Christ crucifié; à la
National Gallery, à Londres, la Madone au
chat; au Musée de Bruxelles, la Vocation de
saint Pierre et de saint André. Parmi les
nombreux tableaux de Baroche que possèdent
les églises d'Italie, nous citerons : la fameuse
Déposition de croix, de la cathédrale de Pé-
rouse; le Christ porté au tombeau, tableau
également célèbre, dans l'église de Sinigaglia ;
Saint Jean l'ëoangéliste , dans l'église de
Fermo; Saint Ambroise donnant l'absolution à
Théodose, dans la cathédrale de Milan. Le
Baroche a laissé un assez grand nombre de
dessins à la sanguine, aux trois crayons, à la
gouache, à l'aquarelle, et quelques gravures
à l'eau-forte, où l'on retrouve toutes les qua-
lités aimables de ses compositions peintes.
Ses meilleures planches sont : V Annonciation ,
Y Extase de saint François, et Saint François
recevant tes stigmates.
Le Baroche a joui, pendant longtemps,
d'une grande réputation. Ses admirateurs
n'ont pas craint de dire qu'il avait su allier la
correction de RaphaSl aux séductions du Cor-
rége. Lanzi le compare à ce dernier pour la
grâce qu'il a su donner aux tètes des enfants
et des femmes, ainsi que pour la pureté des
contours, pour le naturel des plis, pour la ma-
nière de raccourcir les figures; il avoue que
son dessin est moins large, son clair-obscur
moins idéal, son coloris moins éclatant et
moins vrai. » C'est cependant une chose mer-
veilleuse, ajoute-t-il, que ses couleurs, quel-
que opposition qu'il y ait entre elles, devien-
nent tellement fondues sous son pinceau, qu'il
n'est point de musique qui soit plus harmo-
nieuse à l'oreille que ses peintures ne le sont
aux yeux. > En réalité, Baroche fut un dessi-
nateur habile, très-entendu surtout dans l'art
d'agencer ses compositions et d'en balancer
les groupes ; mais il poussa à l'excès la re-
cherche de l'élégance et de la grâce, il abusa
des colorations agréables au point d'affadir
complètement l'expression des pt^sionomies
et d'enlever toute gravité aux sujets religieux.
Le jugement suivant, porté par Reynolds, est
de la plus grande justesse : « En cherchant
le brillant des couleurs, Baroche a dépassé la
mesure, et il a mérité le reproche adressé à un
ancien peintre, de qui l'on disait que ses figu-
res semblaient être nourries de roses. » Il con-
vient d'ajouter que le Baroche vint aune épo-
que où déjà le grand art italien commençait à
déchoir, et que, s'il céda trop souvent au mau-
vais goût de ses contemporains, il ne se laissa
jamais aller aux négligences d'une improvisa-
tion facile; il travaillait avec conscience, ap-
plication, amour de l'art. Comme l'a dit avec
raison l'un de ses biographes, M. Paul Mantz :
« Sous ce peintre frivole, il y avait un
' homme. »
BAROCHE (Pierre-Jules), homme d'Etat,
né à Paris en 1802. Avocat dès 1823, il n'ar-
riva que lentement et à force de travail à la
réputation. En 1840, 1842 et 1S46, il s'était
présenté comme candidat de l'opposition aux
électeurs de Mantes, et ses circulaires mon-
trent des opinions si franchement arrêtées,
que l'on s'explique difficilement la défiance des
électeurs, à une époque où l'esprit libéral
commençait à se manifester dans tout le pays.
Elu bâtonnier en 184G, il fut enfin envoyé,
l'année suivante, à la Chambre des députés
par les électeurs de Rochefort. Il siégea à gau-
che, auprès de M. Odilon-Barrot, parmi les
adversaires les plus décidés du ministère
Guizot, dont il signa la mise en accusation le
22 février 1848, après avoir été l'un des pro-
moteurs de l'agitation des banquets réfor-
mistes. Il adhéra très-nettement et très-réso-
lûment à la république, signa des professions
de foi démocratiques et fut élu représentant
à la Constituante par le département de la
Charente-Inférieure. Cependant, comme la
plupart des anciens membres de l'opposition,
et par des motifs que l'histoire appréciera, il
ne tarda pas à se rallier à la fraction qui était'
accusée d'hostilité contre la république. Il
vota dès lors constamment avec la droite,
soutint la politique présidentielle après l'élec-
tion du 10 décembre, fut nommé procureur
général près la cour d'appel de Pans, chargé
de remplir les fonctions du ministère public
aux procès de Bourges et de Versailles, et
enfin, appelé au ministère de l'intérieur en
mars 1850. Il fit passer alors, de concert avec
la majorité, toute une série de lois, notam-
ment la suspension do ce droit de réunion au
nom duquel il avait signé la mise, en accusa-
tion du dernier ministère de Louis-Philippe.
Il fut aussi un de ceux qui participèrent lo
plus activement à la mutilation du suffrage
universel, et qui firent voter à l'Assemblée la
loi du 31 mai. Cependant il se sépara de la
majorité pour s'attacher d'une manière de
plus en plus intime aux intérêts du président
de la république, fut contraint de se retirer
devant un vote de défiance, en janvier 1851,
rentra au pouvoir le 10 avril suivant comme
ministre des affaires étrangères, mais donna
sa démission en octobre, par suite de l'embar-
ras où il se fût trouvé d'appuyer la politique
qui allait réclamer le retrait de la loi du 31 mai,
dont il était lui-même un des auteurs. Nommé
vice-président de la commission consultative,,
après le coup d'Etat du 2 décembre, il a pris
depuis une part importante à tous les grands
actes de l'empire comme président du conseil
d'Etat, avec rang de ministre. Monsieur Ba-.
roche est aujourd'hui un des hommes politi-
ques les plus considérables de notre pays, et il
joint un grand talent de parole à une connais-
naissance consommée de toutes les affaires.
BAROCHO s. m. (ba-ro-ko). Métrol. Mon-
jiaie de compte usitée en Sicile, et valant en
centimes 4, 2.
BAROCO (ba-ro-ko). Mot de l'ancienne sco-
lastique qui désigne un syllogisme dont la
majeure est générale affirmative, la mineure
et la conclusion particulières négatives : Ar-
gumenter en h.vroco. Voici un exemple d'ar-
gument en bakoco : Tous les hommes sont
mortels ; or J lieu n'est pas mortel; donc Dieu
n'est pas un homme. V. baraliptoN.
BARODA ou BRODERA, ville de l'Indous-
tan; cap. de la principauté de Guikovar; à
130 kil. N. de Surate; 100,000 hab. Commerce
très-important. La principauté de Baroda ou
de Guikovar a environ 46,700 kil. carr. et
2,000,000 hab.
BARODROME s. m. (ba-ro-dro-mc — du gr
baros, poids; dromos, course). Voiture 1; 1
devait rouler d'elle-même, au dire de l'inver.-
teur.
246
BAR
BARQEIîO (Jacques), chirurgien italien, né
à Soglio, près d'Asti (Piémont), en 1790, fit ses
premières études à Monteehiaro, et son cours
de chirurgie à. l'université de Turin, où il fut
reçu docteur agrégé de la faculté. Nommé
bientôt après professeur de chirurgie, il de-
vint memtire du comité médical, puis premier
chirurgien de l'hôpital de la Charité. Particu-
lièrement versé dans Vètude des maladies vé-
nériennes, il fut nommé chirurgien d'un hôpi-
tal spécial à ces maladies, et y fit des cures
étonnantes , dont on trouve la description
dans son Traité de chirurgie pratique (Turin,
1824). Le 9 juillet 1831, il allait, avec deux
amis, visiter un malade, lorsque leur voiture
fut entraînée dans le Pô par un violent orage ;
Barœro s'y noya.
BARŒUL petit pays de l'ancienne Flandre
(Nord), dont les principaux villages étaient
Marc-en-Baroeul et Moiis-en-Barceul.
BAROFLUCTUM, nom latin de barfleur.
baroïDes s. m. pi. (ba-ro-i-de). Chim.
Famille de corps chimiques, comprenant le
magnésium, lo calcium, le strontium et le
baryum, oxydes ramenant instantanément
au Dieu le tournesol rougi par un acide.
barole s. f. (ba-ro-le). Bot. Syn. de bar-
byle.
BAROLITE OU BAROI.1THES. f. (ba-ro-li-te
— du gr. barus, lourd; lit/ws, pierre). Miner.
Minéral formé par l'union de 1 acide carboni-
que avec la baryte. On le désigne aujourd'hui
sous le nom de witherite.
— Encycl. La barolitese rencontre en abon-
dance dans les filons de plomb, surtout en
Angleterre. C'est un poison pour les petits
animaux, on s'en sert en Angleterre en guise de
mort aux rats. 11 est à remarquer que ie car-
bonate de baryte artificiel n'a que peu d'ac-
tion sur l'économie animale de l'homme : il ne
devient vomitif qu'à une dose assez forte.
barollée s. I. (ba-ro-lé). Bot. Syn. de
pëkée.
BAROLOGIE s. f. (ba-ro-lûrjî — du gr. ba-
ros, poids; logos, discours). Didact. Théorie
de la pesanteur.
BAROLUM, nom lat. de barletta,
BAROMACROMÈtre s. m. (ba-ro-ma-kro-
niè-trc — du gr. baros, poids ; makros, _ long ;
metron, mesure). Méd. Instrument au moyen
duquel on détermine simultanément le poids
d'un enfant nouveau-nô, et la longueur de
son corps.
Baromacrométrique adj. (ba-ro-ma-
kro-mc-tri-ke — rad. baromacromètré). Méd.
Qui a rapport au baromacromètré : indica-
tions BaROMACROMÉTRIQUES.
EAROMEs. m. (du gr. barus, lourd; osmê,
odeur). Bot. V. barosme.
BAROMÈTRE s. m. (ba-ro-mè-tre — du gr.
baros, poids; metron, mesure). Phys. Instru-
ment qui sert à mesurer les pressions atmo-
sphériques : Le baromètre sert ri déterminer
la hauteur des montagnes. (Acad.) Le baromè-
tre a été inventé par Torricelli, physicien ita-
lien. (A. Rion.) Lorsque le mercure baisse dans
le baromètre, il annonce en général de la
pluie, du vent; il annonce, au contraire, du
beau temps, lorsqu'il monte. (Lacroix.) Pour
le marin, en pleine mer, le baromètre est le
grand conseiller. (Michelet.) Les gens d'esprit
sont viriables autant que des baromètres.
(Balz.) ie baromètre attriste, déride, égayé
tour à tour les physionomies. (Balz.) Le baro-
mètre prédit gravement la pluie quand il
pleut. (Y. Borie.) H serait aussi avantageux
aux peuples d'être gouvernés par un baromè-
tre que par des souverains absolus. (Gordon.)
— Fig. Signes qui font juger une situation,
une disposition d'esprit : Tu vas voir le chan-
gement de baromètre; nous allons Joliment
prendre noire revanche à ses dépens. (Scribe.)
Le baromètre bursal marque vingX francs de
baisse. (Proudh.) Il y a eu un moment où
M. de Carné s'est vu assez en faveur, et où son
baromètre académique semblait remonter.
(Sainte-Beuve.)
— Bot. Baromètre du pauvre homme, Nom
vulgaire du mouron, plante qui ferme ses
fleurs à l'approche de la pluie.
— Encycl. Phys. Nous avons raconté , an
mot air, comment Galilée, a côté duquel il est
juste , dans cette question , de placer Descar-
tes, soutenait que l'air est pesant, et comment
Torricelli et Pascal en donnèrent les preuves.
Ces preuves furent mises en évidence au moyen
d'instruments qui , rendus portatifs , sont au-
jourd'hui bien connus sous le nom de baromè-
tres. Nous allons en expliquer la construction,
les principales formes elles usages.
— Construction du baromètre. On prend un
tube de verre ou de cristal bien pur, d'environ
0 m. 90 de longueur, parfaitement droit , ré-
gulier d'un bout à Vautre, et fermé seulement
à une de ses extrémités. Quand ce tube a été
rincé et séché, on le remplit avec du mercure
exempt d'air et d'humidité, et purifié avec soin.
Pour surcroît de précaution, on étend alors le
tube sur un gril incliné, et l'on fait bouillir de
nouveau le mercure, qui dégage encore de la
vapeur d'eau et des bulles d'air. Toute l'opé-
ration doit être conduite et surveillée dans ses
moindres particularités avec une attention et
des ménagements extrêmes , dont l'exposition
détaillée serait ici médiocrement utile. Après
BAR
le refroidissement, on achève de remplir avec
du mercure sec et chaud , jusqu'à ce que le
sommet liquide soit près de déborder ; on ferme
l'orifice avec le doigt, et l'on retourne le tube
pour le plonger, l'orifice en bas, dans une cu-
vette remplie de mercure chaud, préalable-
ment traité et purifié. On retire le doigt, et
l'on voit le mercure baisser dans l'intérieur du
tube, et se maintenir à une hauteur d'environ
28 pouces ou 0 m. 76 , laissant au-dessus de
lui un espace vide que les physiciens appel-
lent chambre barométrique. Si l'on veut s as-
surer que la chambre barométrique est abso-
lument vide, comme cela doit être, afin que le
mercure du tube ne supporte aucune pression,
il suffit d'incliner le tube un peu vivement
pour que le mercure vienne en frapper le
sommet; s'il donne un coup sec, le vide est
suffisant.
La suspension du mercure dans le tube est
aisée a comprendre: en effet, toute surface
exposée à l'air est par la même soumise à un
certain poids, qui est le poids de l'air. Si. donc
on a fait le vide dans un tube placé au-dessus
d'un liquide, la pression qui se fait autour sur
le liquide le forcera à monter dans l'intérieur
du tube, et il y montera jusqu'à ce que le poids
de la colonne liquide ainsi soulevée soit égale
à la pression causée par l'air sur le dehors.
Le poids de cette colonne liquide , qui est ici
du mercure, étant appréciable, peut donc ser-
vir de mesure à la pression de l'air. Suppo-
sons, en effet, que la section horizontale du.
tube soit de l centimètre carré, et- que le
niveau du mercure dans l'intérieur soit distant
de 0 m. 76 c. du niveau du mercure con-
tenu dans la cuvette. Le poids de la colonne
liquide est égal à son volume multiplié par sa
densité, c'est-à-dire à
1 X 70 X 13,598 = 1 k. 033.
Telle est donc aussi la pression exercée par
l'air sur chaque centimètre carré de la surface
de la terre.
— Différentes espèces de baromètres. Si , le
long du tube et de la cuvette , on dresse une
échelle divisée en millimètres, on pourra lire
sur cette échelle la hauteur de la colonne ba-
rométrique, laquelle est toujours comprise en-
tre le niveau du mercure dans la cuvette et le
niveau du mercure dans le tube. Mais cette
lecture n'est pas aussi facile qu'il semble au
premier abord , parce que Jes deux niveaux
varient en même temps et inversement, c'est-
à-dire que si l'un monte dans le tube, l'autre
baisse dans la cuvette, et s'il y a au contraire
baisse dans le tube , il y a hausse dans la cu-
vette. On a donc cherché à atténuer cet in-
convénient par l'emploi de différentes disposi-
tions qui ont pour but, soit de rendre invariable
le niveau du mercure dans la cuvette , soit de
rendre égales les variations des deux niveaux.
De là, deux sortes de baromètres : le baromètre
à cuvette, et le baromètre à siphon. Les princi-
paux baromètres à cuvette sont celui de For-
tin et celui de M. Regnault. Parmi les baro-
mètres à siphon, nous décrirons ceux de Gay-
Lussac et de Bunten.
— Baromètre de Fortin. Cet appareil, dû à
l'habile constructeur Fortin, offre trois avan-
tages : le niveau du mercure est constant dans
la cuvette ; ta hauteur barométrique se mesure
à ^ de millimètre ; enfin , l'instrument est por-
tatif. La cuvette, représentée en coupe (fig. 1),
est essentiellement composée d'un cylindre de
verre qui se prolonge par un sac en peau de
chamois, formant le fond même de la cuvette.
Le tout est solidement protégé par une enve-
loppe de cuivre qui laisse voir le cylindre de
verre au niveau a du mercure, et qui est tra-
versée en dessous par une vis dont l'extrémité
peut soulever ou abaisser la. peau de chamois.
On voit en a une pointe d'ivoire "dont le bec
marque le niveau constant auquel on ramène
le mercure à chaque observation, en tournant
la vis dans un sens convenable. Comme on
aperçoit en même temps la pointe et son image
réfléchie par le mercure, il est facile d'amener
leurs extrémités à se trouver en contact, con-
dition qui réalise l'invariabilii.. du niveau dans
la cuvrtto.
Le couvercle de la cuvette est percé de pe-
tits trous pour laisser passer l'air. Une peau
de chamois, liée au ,iube et au cylindre de la
cuvette , empêcha lo mercure do s'échapper,
BAR
mais non l'air d'arriver et d'exercer sa pres-
sion.
Le tube de verre , dont nous avons seule-
ment représenté l'extrémité inférieure qui
plonge dans la cuvette, est enveloppé d'un
tube de cuivre, dont la partie supérieure offre
deux fentes longitudinales opposées qui per-
mettent de voir le sommet du mercure. Ces'
fentes présentent des divisions, qui se comptent
de l'extrémité de la pointe d'ivoire , de telle
sorte qu'il suffit de diriger sur les deux fentes
un rayon visuel qui rase la surface du mercure,
pour voir à quelle hauteur s'élève la colonne.
Le long du tube de cuivre glisse un anneau
ou curseur, muni d'un vernier, et percé de
detfx petites fenêtres opposées : c'est à tra-
vers ces petites fenêtres qu'il faut distinguer
le sommet du mercure. Le Baromètre Fortin
peut se démonter pour les voyages ; on l'en-
ferme dans une canne creuse, qui se divise en
trois parties articulées, que l'on ouvre pour
former une espèce de trépied, dans l'intérieur
duquel on suspend l'instrument, au moment de
faire des observations.
— Baromètre de M. Regnault. C'est le baro-
mètre tel qu'il est après la construction que
nous avons indiquée au commencement de cet
article. La cuvette et le tube sont fixés à une
planchette divisée et scellée dans un mur. Le
niveau du mercure dans la cuvette est varia-
ble; on en détermine la position à l'aide d'une vis
située au-dessus de la cuvette , vis qui peut
monter ou descendre, et que l'on fait affleurer
avec le mercure. Cela fait , la hauteur baro-
métrique est égale à la longueur de la vis, qui
est connue, plus la distance comprise entre le
sommet de cette vis et le niveau du mercure
dans le tube. Cette distance se mesure avec
lin cathétomètre.
Quand on n'a pas besoin d'observations pré-
cises, le baromètre de Regnault, débarrasse de
sa pointe d'ivoire et de l'emploi du cathéto-
mètre, suffit. Il faut seulement que le diamètre
de la cuvette soit très-grand , comparé à celui
du tube. Alors , le niveau du mercure dans la
cuvette est considéré comme constant, et cor-
respond au point de division zéro.
— Baromètre de Gay-Lussac, avec le perfec-
tionnement de Bunten. On sait que la capilla-
rité a pour effet de déprimer la surface du
mercure dans le tube du baromètre, et, par là
même, de rendre la colonne mercurielle un peu
plus courte que si elle était enfermée dans un
tube de grand diamètre. Gay-Lussac a ima-
giné un appareil qui élude -cet inconvénient,
et qui, de plus, est transportable comme celui
de Fortin. C'est un tube recourbé , formé de
deux branches inégales en longueur, mais
d'égal diamètre (fig. ï). La plus courte est
percée d'un trou a assez grand pour laisser
BAR
moins sensible, parce que les déplacements de
chaque niveau ne sont que la moitié des va-
f*\
entrer Vair, mais trop petit pour laisser sortir
le mercure. La plus grande se termine par la
ehambre barométrique. Pour transporter l'in-
strument, on le retourne de manière à amener
tout le mercure dans la grande branche. Mais
lorsqu'on veut alors le rétablir dans sa pre-
mière position, il pourrait arriver qu'une bulle
d'air, glissant le long des parois, pénétrât dans
la chambre vide : c'est à quoi Bunten a obvié
par une ingénieuse disposition représentée
(fig. 3). Dans la branche fermée , on a soudé
une espèce d'entonnoir effilé , dans*l'intérieur
duquel le mercure peut passer librement, mais
qui retiendrait l'air entre ses parois et les pa-
rois de la branche. On peut ensuite chasser
cet air par un simple retournement, afin que
la pointe de l'entonnoir reste toujours plongée
dans le mercure. Tout le siphon est enfermé
dans un étui métallique , muni de deux fentes
longitudinales divisées , à travers lesquelles
on Ht la distance des niveaux dans 1rs deux
branches. Cette distance n'est pas altérée par
l'effet de la capillarité , puisque , si la surface
du mercure est déprimée dans l'une des bran-
ches, elle l'est aussi, et de la même quantité,
dans l'autre branche, qui a môme diamètre. Le
baromètre de Gay-Lussac est moins lourd que
celui de Fortin; mais il est qlus fragile et
■ -mm*
riations de la hauteur barométrique. Enfin, la -
compensation de l'effet capillaire, que l'instru-
ment a pour but de réaliser, n'a pas lieu long-
temps , sans doute à cause de l'altération que
le mercure de la petite branche subit au con-
tact de l'air (le mercure oxydé mouille un peu
le verre).
— Baromètre à cadran. C'est le plus mau-
vais, mais en revanche le plus répandu des
baromètres, et, pour bien des gens, le seul qui
existe. Un petit poids en fer, posé sur le mer-
cure de la courte branche du siphon , monte
et descend avec le niveau du liquide. Il est
attaché à un fil qui passe sur une poulie, et
qui est tendu par un contre-poids. Au centre de
la poulie est fixée une aiguille, qui décrit un
grand arc de cercle pour une petite variation
du niveau. Sur le cadran que l'aiguille par-
court, on lit les mots :
mill.
Tempête. Corrosp. à une haut, de 730,8
Grandepluie. — 739,0
Pluie ou vent. — 748,9
Variable. — 757,9
Beau. — 761,9
Beaufixe. . — 770,0
Très-sec. — 785,0
Ces indications sont assez souvent exactes
pour le climat de Paris. Dès l'instant qu'on a
trouvé le moyen de transmettre à un méca-
nisme le mouvement du mercure, la forme du
baromètre a dû varier de mille façons. On en
voit qui sont représentés par un moine, dont
la tête est recouverte d'un capuchon quand il
fait mauvais temps, mais dont le capuchon se
relève dès qu'il fait beau. Pour d'autres, c'est
un animal quelconque, chat, souris ou lapin,
que le beau temps attire hors de son logis et
que le mauvais temps y fait rentrer... Aux
personnes qui veulent placer un baromètre
assez sûr et de forme élégante dans leur mo-
bilier, nous conseillerons le baromètre à ca-
dran de Jecker. La poulie y est remplacée par
une roue à dents très-fines, qui engrènent dans
celles d'une crémaillère posée sur le mercure.
En montant ou en descendant, la crémaillère
fait tourner la roue, dont l'axe porte une
aiguille.
— Correction de la capillarité. Le baro-
mètre de Gay-Lussac n'ayant pas complète-
ment détruit l'effet de la capillarité, il faut
savoir ajouter à la hauteur d'une colonne ba-
rométrique la quantité dont cotte colonne est
trop courte, c'estrà-dire la dépression qu'elle
subit. Cette dépression, qui est négligeable
dans les tubes de o m. 015 de rayon, a été
calculée dans des tables que les observateurs
doivent consulter à chaque instant. Nous nous
contenterons d'en donner un extrait. :
Hayon ûvi tube Dépression
mi!l. mill.
2 1,035
3 <M<>9
4 0,538
5 0,522
6 0,195
7 0,117
8 0,070
9 0,041
10 .' . . . . 0,025
— Correction de la température. La cha-
leur en dilatant le mercure, le froid en le
contractant, peuvent exagérer ou contrarier
l'effet de la pression atmosphérique. Si, par
exemple, la pression diminue de manière que
la hauteur barométrique baisse de 0 m. 001;
mais si, en même temps, la chaleur augmente
de façon à produire une dilatation linéaire
de 0 m. 001, ces deux opérations se détruisant,
la hauteur barométrique ne variera pas, et
rien n'avertira l'observateur que la pression
de l'air a pu changer. Les baromètres de pré-
cision sont donc toujours accompagnés d'un
thermomètre qui, en indiquant la teinpérniutv
d
1 + at
00
1
H
l+ at'
H
H
BAR
actuelle, permet de ramener la colonne mer-
curielle a ce qu'elle serait à 0°. V. Dila-
tation.
Représentons par a la dilatation cubique du
mercure correspondant à une variation de
1 degré thermométrique. On sait que '
1
a — 0,00018 ou
5412
Soient encore, à la température de 0« , x la hau-
teur de la colonne barométrique, d la densité
du mercure, et 1 l'unité de volume. Soient en-
fin, à la température de t°, H la hauteur du
baromètre, D la densité du mercure ; l'unité
de volume est devenue l + at. On a donc,
d'une part,
x _ D
Tï~ d"'
et, d'autre part, (v. Densité)
D 1
Donc,
d'où
~~ 1 + al ~ 1 -f 0,00018 t'
On trouve dans l'Annuaire du bureau des lon-
gitudes, année 1838, des tables où la correc-
tion de la température a été calculée pour des
hauteurs/ qui varient de 5 en 5 millimètres.
On y a, en même temps, tenu compte des
dilatations et contractions- de l'échelle métal-
lique à laquelle le baromètre est fixé.
— Usages du baromètre. Nous avons vu
comment le baromètre sert à évaluer la pres-
sion de l'atmosphère. Il nous reste à parler de
son aptitude à pronostiquer le temps, et sur-
tout de son emploi pour déterminer l'altitude
d'un lieu.
Pronostic du temps, Torricelli a, le pre-
mier, remarqué que le baromètre se tient
plus bas par les temps humides ou pluvieux
que par les temps secs. Il est, en effet, assez
exact, au moins pour toutes les régions tem-
pérées comme notre Europe, que l'élévation
graduelle de la colonne barométrique promet
du beau temps, tandis que son abaissement
successif amène da la pluie. Ces prédictions
ne sont cependant pas toujours suivies de
l'effet présagé; et, dans tous les cas, elles sont
à très-courtes échéances : on ne doit tout au
plus compter sur elles que pour 12 heures.
Toutes les causes qui augmentent la densité
de l'air augmentent en même temps son
poids, et font par conséquent monter le baro-
mètre. Le baromètre doit donc monter quand
l'air est froid, quand il est sec et quand souf-
flent (dans l'Europe) les vents du nord, du
nord-est ou de l'est, qui n'amènent point les
vapeurs de la mer. Il doit, au contraire, des-
cendre quand l'air est dilaté par la vapeur
d'eau qu il contient, ou échauffé par les vents
du sud, du sud-ouest ou de l'ouest, qui nous
apportent les vapeurs de la mer, et avec elles
les pluies. En général, quel que soit le pays
où l'on se trouve, le baromètre s'élève sous
l'action des vents dé terre, pourvu qu'ils ne
soient pas très-chauds; et il baisse sous l'ac-
tion des vents de mer, sauf le cas où ils sont
très-froids.
Par suite des brusques changements de
vents, la pression atmosphérique se modifie
quelquefois si rapidement que le baromètre
n'a. pas, pour ainsi dire, le temps de la sentir.
C'est ainsi que rarement il révèle les averses
de courte durée, et que même, pendant ce
temps-là, il monte, soit parce que, dans ces
sortes d'averses, l'air auparavant chaud est
tout à coup refroidi par la pluie ; soit, s'il
n'est pas refroidi, parce qu'il est au moins
condensé par la chute des gouttes liquides.
Avant les tempêtes, le baromètre baisse nota-
blement ; mais, dès que la tempête a com-
mencé et pendant qu'elle dure, il se livre à des
oscillations fréquentes et étendues. « La vi-
tesse du vent, a dit M. Montigny, exerce sur
la colonne barométrique une influence dépri-
mante d'autant plus prononcée que cette vi-
tesse est plus grande. »
Mesure des hauteurs. En 1647, Pascal, qui
était dans toute la ferveur de son acharne-
ment contre le principe dit de l'horreur dit
vide, pria son beau-frère, M. Périer, con-
seiller des aides d'Auvergne, de vouloir bien
transporter un baromètre à différentes hau-
teurs sur la montagne du Puy-de-Dôme, et
d'en noter scrupuleusement le niveau àehaque
station. « Vous voyez déjà, sans doute, écri-
vait Pascal, que cette expérience est décisive
de la question, et que, s'il arrive que la hau-
teur du vif-argent (mercure) soit moindre en
haut qu'en bas de la montagne (comme j'ay
beaucoup de raisons pour le croire, quoyque
tous ceux qui ont médité sur cette matière
soient contraires à ce sentiment), il s'en suivra
nécessairement que la pesanteur et pression
de l'air est ia seule cause de cette suspension
du vif-argent, et non pas l'horreur du vuide,
puisqu'il est certain qu'il y a beaucoup plus
d'air qui pèse sur le pied de la montagne que
non pas sur son sommet; au lieu qu'on ne
sçauroit pas dire que la nature abhorre le
vuide au pied de îa montagne plus que sur son
sommet... » L'expérience impatiemmentatten-
due par Pascal et par tous les Curieux, entre
autres le B. P. Mcrscnne, ne se fit que le
19 septembre 1648. Elle fut exécutée sous les
BAR
yeux de plusieurs personnes notables de la
ville de Clermont, et avec des soins qu'on
n'était pas en droit d'attendre d'un homme
qui n'était pas physicien de profession. On
trouva entre les hauteurs du mercure, au
pied et au sommet de la montagne, une diffé-
rence de 3 pouces l ligne {•. « Cette expé-
rience, répondit Périer, nous ravit tous d'ad-
miration et d'estonnement, et nous surprit de
telle sorte que pour notre satisfaction propre
nous voulûmes la répéter ; c'est pourquoy je
la fis encore cinq autres fois très-exactement...
Si j'avois eu assez de loisir et de commodité,
j'aurois marqué des endroits sur la montagne,
de cent en cent toises, en chacun desquels
j'aurois fait l'expérience, et marqué la diffé-
rence qui se seroit trouvée à la hauteur du vif-
argent en chacune de ces stations, pour vous
donner au juste la différence qu'auroient pro-
duite les premières cent toises, celle qu'au-'
roient donnée les secondes cent toises, et
ainsi des autres : ce qui pourroit servir pour
en dresser une table, dans la continuation de
laquelle ceux qui voudraient se donner la
peine de le faire pourroient peut-être arriver
a la parfaite connoissance de la juste gran-
deur du diamètre de toute la sphère de l'air. . . »
Quand on voit le résultat que se proposait le
sagace Périer, on se demande s'il lui échappa
que cette table, dont il donnait l'idée, courrait
faire connaître, à la seule inspection de ia
colonne mercurielle, la hauteur de chaque
lieu. Toujours est-il que c'est encore Pascal
qui, le premier, formula nettement ce fait :
que la simple observationdu mercure sur une
échelle graduée peut fournir « le moyen de
connoistre si deux lieux sont en mesme ni-
veau, c'est-à-dire également distants du centre
de la terre, ou lequel des deux est le plus
élevé, si éloignés qu'ils soient l'un de l'autre,
quand mesme ils seroient aux antipodes; ce
qui seroit comme impossible par tout autre
moyen. » Toutefois, la chose n'est pas aussi
simple que Pascal paraît l'avoir cru, puisque
la hauteur barométrique dépend encore, ainsi
que nous l'avons vu, de la température et de
1 état de l'atmosphère, et que, pour ces deux
causes, elle varie à chaque instant dans le
même lieu. Le problème fut, en effet, long à
résoudre. Halley, Newton, Deluc, et enfin
Laplace s'en occupèrent. L'air fut considéré
comme une masse de tranches horizontales
superposées, chaque tranche étant infiniment
petite. On chercha et on trouva la loi de dé-
croissance des densités, et, par suite, des
pressions de ces tranches; on en déduisit les
hauteurs barométriques correspondantes. Il
fallut tenir compte de la température de cha-
que couche, de sa pression, de la tension de
la vapeur d'eau qu elle contient, et enfin de
l'intensité de la pesanteur, intensité variable
avec la latitude et l'altitude du lieu. C'est en
ayant égard à ces nombreux éléments dont
chacun, pour être connu, exige déjà une for-
mule, que Laplace a donné la formule géné-
rale suivante, dans laquelle on a désigné par
X, la différence de niveau des deux sta-
tions;
a, la latitude;
H , la hauteur barométrique à la station
inférieure;
T, la température de la station inférieure;
h, la hauteur barométrique à la station su-
périeure;
t, la température de la station supérieure :
X = 18393 (1 + 0,002837 COS 2a)
2(T + t)N
1 +•
1000
)\ , H
Après le calcul, X est exprimé en mètres.
Sur cette formule, il a été dressé des tables
qui, à l'aide de quelques opérations très-sim-
ples, donnent les résultats en regard des hau-
teurs et des températures observées. Les
plus commodes sont celles de Delcros, celles
de l'Annuaire du bureau des longitudes et
celles de Biot.
— Hauteurs moyennes du baromètre. Si l'on
observait le baromètre à chaque heure du
jour, et qu'à la fin de la journée on ajoutât
les vingt-quatre hauteurs relevées, la vingt-
quatrième partie de cette somme donnerait la
hauteur moyenne du jour. On a remarqué,
dans nos climats, que cette hauteur moyenne,
pour un jour donné, est très-sensiblement
égale à la hauteur que le baromètre marque
à midi, ce jour- là. En ajoutant les moyennes
de tous les jours d'un mois, et en divisant la
somme ainsi obtenue par le nombre de jours
du mois, on obtiendrait la hauteur moyenne du
"mois. De ces dernières moyennes, on déduirait
pareillement la hauteur moyenne de l'année, etc.
La hauteur moyenne du baromètre, à Paris,
est de 0 m. 756. Au bord de la mer, elle est de
761 mill. 35. Elle varie avec la latitude. Elle
paraît augmenter de l'équateur au 38e degré
environ, et diminue ensuite à mesure qu'on
s'avance vers le nord. Elle varie aussi avec
les saisons, et même, selon M. Flaugergues,
avec les phases de la lune. Cet observa-
teur a effectivement reconnu que la hauteur -
moyenne barométrique décroît depuis la nou-
velle lune jusqu'au deuxième octant, où elle
est minimum; elle se relève ensuite, et atteint,
son maximum avec le deuxième quartier. Elle |
est pareillement moindre à l'époque du péri- I
gée qu'à celte de l'apogée. f
— Variations du baromètre. Quand les oscil- i
lations du baromètre surviennent irrégulière- |
BAR
ment, et sans qu'on en puisse prévoir ni
l'époque ni l'étendue, elles sont dites acciden-
telles. Si, au contraire, elles se reproduisent
à des heures marquées et avec une grandeur
à peu près constante, elles sont dites horaires.
Dans nos climats, le baromètre est, à chaque
instant, soumis à des variations accidentelles,
tandis qu'il n'en éprouve aucune dans toute la
zone équatoriale, où les variations horaires se
font seules sentir : phénomène encore inex-
pliqué, et peut-être insuffisamment constaté.
A. de Humbdldt a reconnu que, sous l'é-
quateur, le maximum de hauteur barométrique
a lieu à 9 heures du matin. Passé 9 heures, le
baromètre descend jusqu'à 4 heures, où il
atteint son minimum. 11 remonte ensuite jus-
qu'à il heures du soir, où il arrive à un se-
cond maximum ; et il redescend enfin jusqu'à
4 heures du matin, pour, de là, remonter
jusqu'à 9 heures, et ainsi de suite. Dans nos
climats, où les variations horaires sont très-
difficiles à démêler des variations acciden-
telles , Ramond a pu reconnaître qu'elles
changent avec les saisons. L'hiver présente
'chaque jour deux maximums de la hauteur
barométrique : à 9 heures du matin et à 9 heu-
res du soir, et un minimum à 3 heures de
l'après-midi. En été, les maximums ont lieu,
le premier un peu avant 8 heures du matin, et
le second à 11 heures du soir. Le minimum a
lieu à 4 heures de l'après-midi. Au printemps
et en automne, les maximums et les minimums
arrivent à des heures intermédiaires, se rap-
prochant plus ou moins de celles de l'été ou
de celles de l'hiver.
— Baromètres anéroïdes ou baromètres mé-
talliques. La construction des divers baromè-
tres que nous avons décrits jusqu'à présent
repose sur ce principe : que l'air, en compri-
mant un liquide, le force à monter dans un
tube vide jusqu'à une hauteur proportionnelle
à la pression qu'il exerce. Mais, s'est-on dit,
si l'on faisait le vide sous une plaque de mé-
tal, la surface de cette plaque s'affaisserait
sous le poids de l'air, et ce poids pourrait
sans doute être mesuré, si l'on parvenait à
évaluer l'affaissement qu'il aurait produit. Telle '
est l'idée d'un nouveau baromètre, auquel
M. Vidi, qui l'a construit le premier, adonné
le nom de barmnètre anéroïde, nom assez mal
composé, et de plus ambigu, puisqu'il signifie
également sans air, on sans liquide. Qu'on
se figure une caisse cylindrique en cuivre, à
parois minces, absolument vide d'air, et fermée
hermétiquement. La paroi du fond est can-
nelée, pour être plus élastique. Les mouve-
ments de dépression que cette paroi subit par
l'effort de l'air agissent sur un mécanisme ren-
fermé tout entier dans la caisse, et font, par ce
moyen, tourner une aiguille sur un cadran
gradué. L'instrument est réglé sur un baro-
mètre de Fortin.
Le mécanisme de M. Vidi , modifié par
M. Bréguet, a été encore simplifié par M. Bour-
don. Dans la boîte cylindrique, M. Bourdon
fixe un tube en laiton, à parois minces et élas-
tiques, et recourbé de manière à former unecir-
conférence presque complète. C'est ce tube qui
est vide d'air et hermétiquement fermé à ses
deux extrémités. Il présente une particularité
fort remarquable : sa section a la forme d'une
ellipse très-allongée; et lorsque la pression
de l'air diminue, ia section ellipsoïde se rap-
proche de la forme circulaire, ce qui fait di-
minuer la courbure du tube, et éloigne l'une
de l'autre ses deux extrémités. Si, au con-
traire, la pression de l'air augmente, la forme
ellipsoïde de la section du tube tend k s'exa-
gérer par l'allongement de son grand axe, la
courbure du tube augmente, et ses deux ex-
trémités se rapprochent. Ces mouvements
sont indiqués par une aiguille, qui les reçoit
par l'intermédiaire de deux petites bielles
fixées aux deux extrémités du tube.
— Baromètre enregistreur. V, Barométro-
GRAPKE.
BAROMÉTRIE s. f. (ba-ro-mo-trî — rad.
baromètre). Phys. Partie de la physique qui
traite de la théorie du baromètre et de ses
applications.
BAROMÉTRIQUE adj. (ba-ro-mé-trî-ke —
rad. baromètre). Phys. Qui appartient, qui a
rapport au baromètre : Tables barométri-
ques. Colonne barométrique. Indications ba-
rométriques. Vide barométrique. Les varia-
tions barométriques, si elles sont fortes, doi-
vent faire présager du vent et des tempêtes plu-
tôt que de la pluie. (Francoeur.) Les variations
barométriques subites exposent à des accidents
graves d'hémorragie. (L. Cruveilhier.) n Qui
a rapport aux pressions atmosphériques que
le baromètre est appelé à déterminer : Les
pressions barométriques sont quelquefois très-
inégalement distribuées à la surface de l'Eu-
rope. (L.-J. Larcher.)
BAROMÉTROGRAPHE s. m. (ba-ro-mé-tro-
gra-fe — rad. baromètre et du gr. graphâ,
j'écris). Phys. Instrument qui inscrit les va-
riations successives de la pression atmosphé-
rique.
— Encycl. Baromètre ordinaire, accompa-
gné d'un appareil enregistrant de lui-même
des indications, au moyen desquelles l'obser-
vateur peut à tout instant connaître les va-
riations qu'a subies, pendant son absence, la
colonne mercurielle. Voici les principales dis-
positions du barométrographe de M. Hardy.
Un baromètre à siphon est solidement fixé à
une planche épaisse. Sur le mercure de la
BAR
247
branche ouverte est posé un flotteur métalli-
que qui suit les mouvements du liquide, c'est-
à-dire, qui descend et qui monte, selon que
le niveau monte ou descend dans la branche
fermée. Ce flotteur est attaché à l'extrémité
d'un cordon qui passe sur une poulie très-
mobile, et qui, par son autre extrémité, sup-
porte une règle mince et flexible, laquelle re-
produit exactement les mouvements du mer- ■
cure dans la grande branche. A la règle est fixé
un crayon destiné à marquer, à des interval-
les égaux, les hauteurs barométriques. Pour
cela, il y a, à coté du baromètre, une horloge
qui remplit un double office : d'abord, elle fait
tourner un cylindre vertical, entouré d'une
bande de papier, et placé tout près de la
pointe du crayon ; en second lieu, à chaque
demi-heure, elle fait mouvoir un marteau qui
choque la règle snrleeùté et pousse lapoiate
du crayon contre le cylindre. Voilà une hau-
teur marquée. Au bout de 24 heures, on a de
la sorte 48 points qui permettent de prendre
la hauteur moyenne de la journée, ou d'une
portion quelconque de la journée. Dans cet
appareil, c'est l'électricité qui fait marcher
l'horloge, et qui transmet ses mouvements au
crayon et au cylindre. C'est aussi par l'élec-
tricité que fonctionnent les barométrographes
de MM. "Wheatstone et Liais. — M. Ronals a
imaginé un appareil du même genre, mais
dont les indications sont enregistrées par la
photographie. Le niveau du mercure forme
image sur une feuille de papier, qui se meut
de façon à recevoir l'impression d une courbe
continue, qui manifeste ainsi les variations de
la colonne mercurielle.
BAROMÉTROGRAPH7E s. f. (ba-ro-raé-
tro-gra-fi — rad. barométrographe). Phys.
Description, théorie et application des baro-
mètres.
BAROMETZ s. m. fba-ro-mèss — corrupt.
du russe borametz, mouton). Bot. Espèce do
fougère, appartenant au genre polypode. Sa
racine, ou plutôt son rhizome, s'élève au-des-
sus du sol, et, comme il est revêtu d'un duvet
soyeux fort épais, on l'a comparé à un petit
agneau; de la le nom à' agneau de Scythie.
Cette fougère croît dans le nord de la Chine.
On lui a attribué des propriétés surprenantes,
et elle a joué un grand rôle dans les récits
merveilleux du moyen âge.
Baron s. m. (ba-ron — ce mot signifiait
d'abord homme libre, homme noble; il est
d'origine germanique et se retrouve dans
l'ancien haut allemand bar, homme libre,
barn, fils, enfant c'est-à-dire littéralement
homme né; dans le gothique barn, l'anglo-
saxon beorn, le frison bern, l'allemand gebo-
ren; on dit encore aujourd'hui en allemand
hocli-wohl-jre-AoreH — littéralement, haut-
bien-né — comme titre de noblesse; dans le
suédois et le danois barn. La plupart des
noms propres commençant par ber ou bar
pour bern ou barn nous ont été apportés par
la conquête, et signifiaient : noble, baron,
monsieur un tel. Citons comme exemples Ba-
rot, Baraut, Beraud, Ber-ald ; Bèranger, Ber-
inger ; Bérard, Ber-hord, etc. Sous la forme
var^ et avec lo sens d'homme, ce radical entre
encore dans la composition des mots gars,
garçon, garou, (homme loup), dont on trouvera
plus loin l'étymologio détaillée; nous savons
que le v ou m se convertit perpétuellement
en g dur ; il nous suffira de rappeler l'exemple
si souvent cité: Wil/iem, William, Guillaume.
L'Italien et l'Espagnol disent barone et ba-
ron). Féod. Seigneur tenant fief et relevant
directement du roi : Le roi convoqua ses ba-
rons et leurs vassaux.
Toujours barons et serfs, fronts casqués et pieds mis,
Chasseurs et laboureurs ont échangé des haines.
V. Huoo.
il Plus tard, Possesseur d'une terre décorée
du titre de baronnie : On eut le plaisir d'at-
traper un jésuite et de punir l'orgueil d'un ba-
ron allemand. (Volt.) C'est à faire vomir, que
d'entendre un vilain se qualifier de baron.
(Aug. Thierry.)
— Par ext. Seigneur, maître : Chacun doit
être loyalement soumis à son baron, il S'appli-
quait même aux saints du paradis : Notre
baron saint Jacques. Le glorieux baron mon-
seigneur saint Antoine.
— A signifié Mari : Il fallait qu'une femme
fût autorisée par son baron, c'est-à-dire par
son mari. (Montesq.)
— Aujourd'hui, Titre honorifique dont on
a hérite ou qu'on a reçu du souverain : Un
marquis est mon architecte, et mon médecin
est baron. (Scribe.) // est baron ; je lui ai
acheté un litre de baron. (F. Soulié.)
Pas un comte, un marquis, pas un petit baron.
C. Delavicne.
Orgon, à prix d'argent, veut anoblir sa race;
Pour être un jour baron, il s'est fait usurier.
Gilbert.
— Iron. Personnage important par ses
richesses et par la position qu'il occupe :
Est-ce que moi et tous les petits commerçants, .
nous ne sommes pas à la discrétion des hauts
barons du coffre- fort? (E. Sue.) L'arrondisse-
ment de Sancerre, choqué de se voir soumis à
sept ou huit grands propriétaires, les hauts
barons de l'élection, essaya de secouer le joug
électoral. (Balz.)
— Hist. Premier baron chrétien, Qualifica-
tion que prenait anciennement le chef de la
maison de Montmorency, parce que, disait-
on, quand Robert le Fort, bisaïeul de Hugues
248
BAR.
BAR
BAR
BAR
Capot, s'était emparé du duché do Franco,
le sire de Montmorency avait été lo premier
à lui prêter serment de fidélité. 11 Barons du
parlement, Nom donné anciennement, en An-
gleterre, aux membres de la haute noblesse
qui faisaient partio de la section du parle-
ment appelée aujourd'hui chambre des lords.
Il Barons de ? aumône, titre que portaient, au
moyen agi , les archevêques, évoques, abbés
et prieurs anglais dont les terres et les béné-
fices relevaient directement du roi. I! Baron
de l'Echiquier, En Angleterre, chacun des
cinq juges de l'Echiquier.
— Ichthyo). Genre de poissons dcîafamille
des scares, particuliers à la mer des Indes.
— Encycl. Conformément à son étymologie
germanique, le mot baron, en latin barus ou
oaro, n'a eu d'abord d'autre signification que
celle du français /tomme. On le trouve souvent
employé, dans les traductions latines des lois
barbares, "comme synonyme de homo, par op-
position h famina;\\ signifiait aussi mari, et
une femme disait : mon baron, dans le sens
de mon époux. Plus tard, vers le vi" ou le
vus siècle, on en fit une qualification particu-
lière que l'on donna à tous ceux qui se distin-
guaient du reste de la foule, soit par leurs ri-
chesses ou leur mérite, soit par les fonctions
qu'ils remplissaient. C'est ainsi que Frédégaire
appelle faroncs , altération de barones, les
leudes et les évéques qui s'étaient associés
pour renverser la reine Brunehaut. Enfin, à
l'époque de l'organisation du régime féodal, le
mot baron servit à désigner tout seigneur puis-
sant, quelle que fût la nature de son fief. En
même temps, on distingua deux classes do
barons : les hauts barons ou hauts bers, qui re-
levaient directement du roi et formaient, à
l'origine, avec les princes du sang, la cour du
roi ou cour des pairs ; et les barons ordinaires,
qui relevaient immédiatement de ces grands
ieudataires. LeCartulaire de Philippe- A-uguste
donne la liste des cinquante-neuf barons qui
servaient sous ce prince et combattirent avec
lui à- Bouvines ; c étaient : le dauphin d'Au-
vergne, Gui de Dompierre, Guillaume de Beau-
jeu, ItierdeToucy, Archambaud de Sully, Odon
de Dulis, les seigneurs de Châteauroux , <ïo Mont-
faucon, de Vierzon, de Suint- Aignan,d'Issou-
dun, le vicomte de Sainte-Suzanne, Guillaume
des Roches, Robert de Perenoco, Juhel de
Mayenne, Amauri de Craon, Gui de Laval,
le vicomte de Thouars, Guillaume de Mauléon,
Geoffroy de Lusignan, Geoffroy de Châteile-
rault, les seigneurs du Cliâtel, de Montfort
l'Amaury, de Montmorency, de la Roche, de
Livry, de Nesle, de Coucy, de Saint-Valéry,
de Picquigny, Pierre d Amiens, Roger de
Rosoy, l'avoué de Béthuno, Leboutillier de
Senlis, Baudouin d'Aubigny, Aymard de Poi-
tiers, Bernard d'Anduse,.Paynel, connétable
de Normandie, Raoul Tesson, les seigneurs
d'Osbec, d'Oilly, les vicomtes de Chàteaudun,
de Limoges , de Brosse , Archambaud de
Comborn, Nivelon de Ventadour, Geoffroy
Martians, Renaud de Pons, Giffart de Didone,
Geoffroy do Rançon, Geoffroy de Tonnay,
Aimery de Rochefort, Guillaume Maingot,
Guillaume de Mauchy, le vicomte de Cône,
Pons de Mirebel, le seigneur d'IIautefort. .
Vers le commencement du xivo siècle, on
voit l'expression de baron appliquée aux prin-
cipaux seigneurs du pays, à ceux qui avaient
séance et voix délibérative aux états. Les
rois de France, afin do conserver les grands
seigneurs sous leur dépendance, n'érigeaient
point do terres en duchés ou en comtes sans
ajouter cette clause : A condition de les tenir
ne baronnie. Mais le titre de baron étant peu
à peu descendu au-dessous des titres de duc
et de comte, il ne resta en Franco qu'un très-
petit nombre de hauts barons, puisque !e Grand
Coutumier n'en reconnaît que trois • les barons
de Bourbon, de Coucy et de Beaujeu. Plus
tard, ces trois baronnies furent érigées en du-
chés et marquisats, et leurs fiefs furent réunis
à la couronne. Jean Galli prétend que la ba-
ronnie de Montmorency était autrefois unique
en France, parce que les rois n'avaient pas
encore réuni à la couronne la Normandie et
la Champagne; toujours est-il que le chef de
la maison de Montmorency n'a jamais cessé
de prendre le titre de premier baron de France
ou premier baron chrétien.
A la fin du xive siècle ou au commencement
du xvc, le titre de baron finit par devenir une
simple dénomination nobiliaire, que les rois
Conférèrent à profusion, et dont les titulaires
furent relégués au quatrième rang de la hié-
rarchie. Toutefois, jusque dans la seconde
moitié du xviu siècle, aucun noble ne put se
qualifier de baron qu'après avoir fait ériger
sa terre en baronnie; mais, au siècle suivant,
ce titre fut accordé par simples lettres, et il
devint alors si commun que, suivant le généa-
logiste Saint-Allais, « ceux qui l'obtinrent
eurent beaucoup de peine à prendre rang après
les gentilshommes des anciennes familles qui,
quoique non titrés, ne voulurent pas leur céder
le pas et les forcèrent à.' marcher a leur
suite. » Enfin, au siècle suivant, l'usage s'é-
tablit dans certaines provinces de qualifier de
barons les fils aînés des grands seigneurs,
tandis qu'ailleurs ils portaient le titre 3e che-
valiers. Il y eut aussi des évoques, des abbés
et des prieurs qui se qualifièrent barons. La
Révolution supprima tous les titres de noblesse.
Napoléon les rétablit par son décret impérial
du 1" mars 1808, dans les termes suivants :
« Les ministres, les sénateurs, les conseillers
d'Etat à vie, les présidents du Corps législatif,
les grands dignitaires pourront instituer, on
faveur de leur fils aîné ou puîné, un majorât
auquel sera attaché le titre de baron. Les
présidents des collèges électoraux, le premier
président et lo procureur général de la cour de
cassation, le premier président et le procureur
général de la cour des comptes, les premiers
présidents et procureurs généraux des cours
d'appel, les évéques, les maires dos trente-sept
bonnes villes qui ont droit d'assister au couron-
nement, porteront pendant leur vie le titre de
baron, savoir : les présidents de collèges élec-
toraux, lorsqu'ils auront présidé pendant trois
sessions ; les premiers présidents, procureurs
généraux et maires, lorsqu'ils auront dix ans
d'exercice. Ce titre fut déclaré transmissible
a la descendance directe et légitime, naturelle
ou adoptive, de mâle en mâle par ordre de pri-
mogéniture; néanmoins les titulaires furent
tenus de justitier d'un revenu de 15,000 fr.
dont le tiers serait affecté à la dotation du
titre. Le tarif des droits de sceau, d'enregis-
trement et d'expédition relatifs à l'obtention
du titre de baron fut fixé à 314 fr. Lorsque le
gouvernement do la Restauration succéda à'
celui de l'Empire, l'ancienne noblesse reparut
et de nombreux barons surgirent. Louis XVIII
et Charles X en créèrent aussi de nouveaux,
mais ils élevèrent de beaucoup les droits de
chancellerie, qui furent fixés à 3,830 fr. La ré-
volution de 18-18 avait décrété l'abolition dés
titres de noblesse le 20 février 184S; mais le
25 janvier 1852, un décret du ) résident de la
répub.irue abrogea cette décision, et de nos
jours le titre de baron est de nouveau soumis
à la législation nobiliaire qui régissait la ma-
tière sous le premier empire.
Avant la Révolution, les barons avaient pour
insigne héraldique une couronne d'une forme
particulière, qui consistait en un cercle d'or
entouré d'un chapelet de perles. Sous l'em-
pire, cette couronne fut remplacée par une
toque de velours noir, retroussée de contre-
vair et ornée de trois plumes blanches. La
Restauration fit revivre l'ancienne couronne,
et cettemode s'est maintenue jusqu'ànos jours.
Enfin, pour ne rien omettre de ce qui a rap-
port au titre de baron, nous dirons que l'his-
.toire de France parle de plusieurs villes, telles
que Bourges, Cherbourg, Orléans, etc., dont
tous les bourgeois furent créés simultanément
barons. Mais cette qualification n'établissait
aucun lien avec la noblesse , et signifiait que
ceux qui avaient le droit de la prendre jouis-
saient de certains privilèges locaux, tenant
plutôt à la bourgeoisie qu'à la noblesse.
Barons (lu dernier des), roman historique
par sir Bulwer-Lytton. Dans sa préface, l'au-
teur nous expose lui-même « les principes
auxquels il s'est efforcé de se conformer dans
toutes ses dernières compositions. » Entre les
trois voies qui s'ouvrent devant l'écrivain,
comme devant le peintre, les voies de l'école
intellectuelle, de l'école pittoresque et de l'é-
cole familière, c'est pour la première qu'il se
décide. L'art auquel il se voue est « l'art
italien, qui se propose d'élever et d'émouvoir,
qui cherche à peindre, dans l'action, le jeu des
grandes passions comme aussi des mobiles plus
subtils de nos actes ; dans le repos, le reflet
de la beauté intellectuelle. « Ce qui le préoc-
cupe, c'est donc l'idéal, la grandeur, et plus
que jamais il aspire à toutes les qualités qui
procèdent de la réflexion et qui font d'une
couvre une majestueuse unité. Le Dernier des
Barons, qui peut être considéré comme une
complète réalisation des théories de sir Bulwer
sur le roman historique, est une peinture de
l'Angleterre durant la période obscure de la
guerre des Deux Roses. La principale figure
du récit est celle de Varwick, ce faiseur de
rois, qui, après avoir placé Edouard d'York
sur le trône, se jeta dans le parti do Lancastre,
et finit par succomber à la bafaillo de Barnet.
Ce roman offre la plus belle création féminine
de l'auteur, le caractère de Sybil. A propre-
ment parler, le sujet du romancier est fa chute
de la grande féodalité territoriale, le triomphe
de la maison d'York et la naissance politique
des classes moyennes. M. Buhver n'est pas un
continuateur de Walter Scott. Sa véritable
ambition n'est pas de nous intéresser à un
drame imaginaire, se déroulant à travers les
événements réels du passé; il tente-de ressus-
citer les grandes figures historiques, en leur
rendant les mobiles qui ont décidé de leurs
actes, et, à côté d'eux, il place d'autres figures
symboliques, où il incarne les passions et lus
idées de l'époque. Alwyn, l'orfèvre, c'est la
tendance des communes à prendre leur place
au soleil par l'affranchissement. Warner, c'est
l'homme de science qui s'essaye à découvrir
les lois de la nature, et que les masses accu-
sent de sorcellerie, parce qu'il utilise déjà des
forces que l'ignorance du temps n'a pas encore
su voir dans la réalité. Ce roman, qui parut
en 1843, est une des belles productions de
sir Bulwer,
Barons <lo Fclulioin. (les), roman publié par
Pigault-Lebrun en 1798. Cet ouvrage, qui passe
pour le chef-d'œuvre de Pigault-Lebrun , est
plutôt une série de scènes amusantes qu'un
sujet bien arrêté, bien conçu et bien développé.
11 a, en outre, le tort de diviser l'intérêt en nous
racontant successivement l'histoire de deux
barons de Felsheim. L'unité n'est un peu sau-
vegardée que par le personnage de BramU,
sorviteur du père et du fils, et lo véritable
héros du roman.
La vie du premier baron peut se résumer
en quatre mots, qui, en somme, n'en valent
que deux : batailler et boire, boire et batailler.
Après avoir perdu, comme le maréchal de
Rantzau, la moitié de son corps et de sa for-
tune au service de son souverain, il se retire
dans ses terres, où ses occupations se bornent
à bojre en compagnie de Brandt, serviteur et
ami, son mentor au besoin, qui ne boude pas
plus en face d'une dame-jeanne qu'en présence
de l'ennemi. Le brave hussard, qui ne voit rien
à faire en ce monde, si l'on ne sert un baron
de Felsheim, marie sa moitié de maître avec
la clïarmante Ml'c Heidelberg, amoureuse du
lieutenant Werner. La jeune fille aime, mais
elle est vertueuse et reste fidèle à son époux
jusqu'à sa mort, qui, heureusement, arrive
quelques jours après la nuit de noces. Werner,
devenu colonel, épouse, avec la jolie veuve, la
paternité d'un petit Felsheim, dont il fait un
page de Frédéric II. Le jeune homme se livre
aux plaisirs de son âge sous l'aveugle surveil-
lance de Brandt, devient débauché et joueur, si
bien que Frédéric l'envoie oublier les tapis veris
sur les tables de bois d'une prison. Le page y
retrouve, dans Baltide Blumenthal, la tille du
gouverneur, une inconnue dont il est amou-
reux. La prison se métamorphose on petit
paradis, et les billets doux vont leur train jus-
qu'au jour où la maman, qui veille sur la vertu
de sa fille, arrête la correspondance. Frédéric,
mis en joyeuse humeur par une lettre excentri-
que de Brandt, rend la liberté et sa faveur au
jeune Felsheim. Il daigne même s'intéresser
aux amours do son page, et force ses parents
à consentir k son union avec Baltide. L'amou-
reux court annoncer cette bonne nouvelle, et,
entraîné par l'ardeur de son âge, n'attend pas
le titre d'époux pour en exercer les droits. Sur-
pris sur le fait par le frère de Baltide et par son
colonel, qui est son rival, il tue son futur beau-
frère. La douleur le rend fou, il manque à une
bataille, faute qui le fait condamner à mort,
sentence que le roi ratifie.
Le fidèle Brandt le retrouve, le rend à lui-
même et le ramène à l'armée. Chemin faisant,
il se met à la tête des paysans et bat complè-
tement Bathiani, qui commandait une armée
vingt fois plus nombreuse. C'est encore Brandt
qui porte la nouvelle de cette victoire à Fré-
déric; le roi fait grâce au jeune Felsheim, le
nomme comte et le marie à sa chère Baltide.
Cette histoire marche avec une rapidité in-
croyable ; les scènes de passion entre Mlle Hoi-
delberg et Werner, entre M'icBlumenthal etle
jeune Felsheim, semblent dictées parle cœur,
tant elles sont vraies d'émotion. Le style est
vif, coulant et précis. Toutefois, le plan manque
d'unité, et l'épisode de Zêkèli, complètement
inutile, a le tort de rappeler celui de Palowski
dans Faublas. Les tableaux obscènes déparent
cette œuvre, dont les caractères sont vigou-
reusement tracés. Peut-être Brandt est-il un
peu trop chargé, comme lorsqu'il brûle le ma-
noir de M"0 Heidelberg pour la jeter dans les
bras de son maître; mais c'est un écervelé
plein de cœur, chez qui le bien efface prompte-
ment le mal et à qui sa sensibilité fait par-
donner bien des folies. La scène où il se donne
pour ambassadeur a inspiré le Béoiseur de
Nicolas Gogol, pièce pleine d'esprit et do
comique de bon aloi.
Pigault-Lebrun se moque, dans plusieurs
passages, des romans remplisd'incidents extra-
ordinaires , de la littérature à coups d'épée.
Il tourne en ridicule ceux qui doivent leur
illustration à des titres de noblesse transmis
par héritage, et dans certain dialogue, où il
met en scène un sultan et un savetier, il
remarque que le plus souvent l'élévation des
princes sur le pavois fait toute leur vertu et
remplace les qualités qu'ils n'ont pas et qu'il
leur est inutile d&cquérir , puisque les titres
tiennent lieu de tout.
Baron (le), comédie en deux actes par
Moratin. La scène se passe à IUescas , dans
la salle d'une maison de modeste apparence,
et l'action, commencée le matin, se termine
avant le soir. Les antiques règles d'Aristote
se trouvent donc rigoureusement observées
dans cette comédie. Un imposteur, se donnant
le titre de baron, parvienta s'introduire chez de
braves paysans; il séduit, par son jargon et par
des contes à dormir debout, la tante Monique,
mère de la jeune Isabelle; et, abusant de la
naïveté et surtout de la vanité de cette bonne
femme, il se fait livrer de l'argent et va obte-
nir la main d'Isabelle, dont il espère palper la
dot. Mais il est traversé dans ses desseins par
don Pèdre et Léonardo, l'oncle et l'amant de
la jeune fille, lui dévoilent ses fourberies et le
forcent a s'enfuir, après avoir dessillé les yeux
de la crédule Monique. Cette comédie n'avait
pas été écrite pour le théâtre ; Moratin, ayant
été nommé membre d'une commission chargée,
de réformer le théâtre espagnol, résolut de la
faire représenter, et elle fut offerte pour la
première fois au public le 28 janvier 1S03. Le
poëte avait alors de nombreux ennemis, et,
bien que la pièce eût été dédiée au prince de
la Paix, une cabale s'organisa, et des huées
et des sifflets accueillirent les acteurs chargés
de l'interpréter. Mais les qualités de style et
d'invention qui s'y rencontrent la relevèrent
aux représentations suivantes, et bientôt
le Baron fut considéré comme une des produc-
tions les plus originales du poule comique.
Cette pièce a été fort bien traduite par M. E.
Iloilander, dans son édition des . Comédies de
Moratin.
Baron do Breteuil (le), comédie du théâtre
anglais (1700). Nos voisins les Anglais, dont
nous faisons souvent lu caricature , ne se
gênent nullement pour nous rendre la pareille.
Ils jouèrent sur leurs théâtres notre première
assemblée nationale, et la sonnette du prési-
dent rappelant à l'ordre les membres bruyants
les divertit beaucoup. Un publiciste célèbre
disait à ce propos, en. 1791, avoir assisté, à
Londres, à la représentation d'une farco inti-
tulée : le Baron de Brcteiil, dans laquelle on
ridiculisait ce baron, toujours escorté du fa-
meux : De par le roi! Sur la scène paraissait
un gros homme, doué d'une hante taille, riche-
ment vêtu, décoré d'un cordon bleu; lequel
faisait charger sur le dos d'un portefaix fran-
çais plusieurs malles très-pesantes. A la pre-
mière, qui déjà fait chanceler le porteur,
celui-ci se tourne vers le baron de Breteuil et
dit que sa charge est compléta. Le baron lui
crie : De par le roi! A ces mots, sortis d'un
poumon vigoureux et exercé, le portefaix s'é-
branle, joint les mains, tend le dos et, tout
tremblant, reçoit une seconde malle; puis il
se tourne de nouveau, d'un air dolent, du coté
du baron, qui lui crie encore : De par le roi!
et lui fait charger une troisième malle. Le
malheureux a l'épine toute meurtrie, il vacille
et cherche l'équilibre. Mais les mots fou-
droyants De par le rai! résonnent plus fort
que jamais à ses oreilles épouvantées, et se
succèdent de telle façon qu'il ne peut bientôt
plus résister au fardeau dont le poids augmente
sans cesse ; il tombe sur ses mains et reste
écrasé sous la charge. Le baron de Breteuil
se baisse alors vers lui et lui crie d'une voix
aigre, à travers les malles : Vive le ra>H viue
le roi ! John Bull, qui est ou qui se croit beau-
coup plus libre que nous, se moque ici très-
agréablement de Jacques Bonhomme, qu'il' >s
personnifie dans le portefaix. Ce de par le roi,
corné aux oreilles de Jacques, qui tombe écrasé
sous le fardeau, et qui se voit encore contraint
à crier Vive le roi\ quand il est à terre, est
des plus comiques. Nos- vaudevillistes ont
voulu maintes fois rendre à l'Anglais la mon-
naie de sa pièce ; mais leur esprit s'est toujours
borné k nous présenter un Anglais qu'ils
croyaient rendre bien ridicule en lui faisant
écorcher notre langue et en le plaçant à l'an-
tipode de nos mœurs et de notre caractère.
Peut-être, cependant, faudrait-il soustraire à
cet ostracisme le Français à Londres.
Daruu Lnflciir (liî) OU les Derniers Valets,
comédie en trois actes de M. Camille Doucet,
représentée sur le théâtre de l'Odéon le 13 fé-
vrier 1842. La scène se passe vers le commen-
cement du règne de Louis XVI, à l'époque de
la disparition des soubrettes et des valets de
l'ancien régime. Un ci-devant Lalleur et une
ci-devant Lisette font les frais de i'intrigue,
dont la faiblesse accuse un auteur encore à
ses débuts. Cette comédie ne se recommande
que par un style soutenu, quelques pensées
fines, ingénieusement exprimées, et do l'esprit;
l'originalité et les situations vraiment comi-
ques y font complètement défaut.
BARON (Equinaire), jurisconsulte, né à
Saint-Pol-de-Léon (Bretagne) en 1405, mort
en 1550. Il professa le droit à Poitiers, h An-
gers et à Bourges. Cujas l'avait surnommé le
Varron de la Fiunce. Ses œuvres de juris-
prudence ont été réunies, à Paris en 1562.
BARON (Pierre), théologien protestant, sur-,
nommé Stcmpanus; peut-être parce qu'il était
d'Etampes, vivait dans le xvic siècle, passa
en Angleterre et obtint une chaire de théolo-
gie à Cambridge. Ses ouvrages sont complète-
ment oubliés. Plusieurs sont relatifs à la doc-
trine calviniste de la prédestination, qu'il'
n'adoptait pas entièrement.
BARON (Vincent), théologien, né à Martres,
diocèse de Rieux, en 1G04, mort en 1G"4. Il
entra dans l'ordre de Saint-Dominique, et lut
employé par son ordre à diverses missions.
L'un de ses principaux ouvrages est une
Thcologia moralis (1G65 et 1667), d'après la
doctrine de saint Thomas, dont les jésuites
firent censurer la première édition.
BARON (Bonaventure), franciscain irlandais
dont le véritable nom était Fitz Gerald, mort
à Rome en 1696. Il a laissé quelques ouvrages
en prose et en vers, écrits d'un latin pur et ■
élégant : Metra miscellanea (Rome, 1C45);
Opuscula varia (1GC6); Theologia (Paris, 1670).
BARON (Jean), graveur français, né à Tou-
louse en 1631, si l'on en croit Basan, ou plus
probablement vers 1G16, suivant M. CI). Le
Blanc. 11 â travaillé a. Rome et a exécuté plu-
sieurs planches en collaboration avec Corn.
Bloemaert, dont on croit qu'il fut l'élève. Il a
gravé au burin, entre autres ouvrages : la
Peste des Philistins, d'après N. Poussin ; Ju-
dith montrant la tête d'Holopherne, d'après
le Dominiquin ; la Vierge en prière, d'après le
Guide ; le Martyre de saint André et le Mar-
tyre de saint Etienne, d'après Nie. dol Abbato ;
plusieurs portraits de cardinaux et une suite
de soixante-sept f -or-traits d'architectes, de
peintres, de sculpteurs et de graveurs italiens.
BARON (Bernard), graveur français, né à
Paris vers 1700, élève de Nie. Tardieu, alla se
fixera Londres en 1725, et y mourut vers 1770.
Il exécuta, pour la collection do Boydell, plu-
sieurs portiaits de personnages anglais; Moïse
exposé sur le NU, d'après E. Lesueur; Sainte
Cécile, d'après Carlo Dolei ; Bclisaire, d'apr.' s
Van Dyck, etc. On lui doit encore : Jupiter
et Antiope, d'après le tableau de Titien qui est
au Louvre ; Pan et Syrinx, d'après Nie. Bor-
tin ; les Œuures de miséricorde, suite de sept
planches, d'après Jérôme Franck; la Vie et {et
BAR
actions d'Achille, suite de neuf planches, d'a-
près Rubens ; des vignettes, d'après J. Wootton
et W. Kent, pour les Fables de Gay, etc.
BARON (Claude), graveur français, né k
Paris en 1738, élève de Philippe Le Bas, a
gravé au burin quelques portraits et quatre-
vingt-deux planches d'après Jacques de Sève,
pour {'Histoire naturelle de Buffon (in-12,
1752). M. Charles Blanc cite un autre graveur
du nom de Baron, qui travaillait à Paris vers
1780,et qui a fait des planches d'après Redouté,
pour un ouvrage sur la botanique.
BARON (Robert), auteur et poète drama-
tique anglais, vivait dans le xvne siècle. Il a
composé des comédies, des tragédies, dont la
plus remarquable est Mirza ; des poèmes pu-
bliés en 1650, ainsi que divers autres écrits.
BARON (Michel Boyron, dit), célèbre comé-
dien et auteur dramatique, né à Paris le S oc-
tobre 1653, mort dans la même ville le 22 dé-
cembre 1729, était fils de Michel Boyron ,
marchand de cuirs à Issoudun, qui se fit comé-
dien par amour pour une belle actrice qu'il
épousa et avec laquelle il joua en province ; il
devint ensuite acteur de la troupe de l'hôtel
de Bourgogne, où il remplit avec succès l'em-
ploi des rois dans la tragédie et des paysans
dans la comédie. Sa femme excella également
dans les premiers rôles de l'un et de l'autre
genre. «Le père Boyron, dit un contemporain,
joua plusieurs fois devant le roi Louis XIII,
qui, par oÀrtiVi de son véritable nom, ou dans
le des^e'm de le lui changer, l'appela Baron;
tous/les courtisans et ses camarades ne le
juommèrent plus autrement. Ce nom lui resta
' et passa à la postérité. La mère de Baron était
une des plus belles femmes de son temps, n
Michel Baron ayant perdu son père, en 1655,
et sa mère, en 1C62, resta sous la tutelle d'un
de ses parents, qui, pour se débarrasser d'un
pupille dont il avait dissipé les capitaux , le
plaça dans la troupe de petits comédiens
du dauphin, sous la direction de la veuve Kai-
sin. Dès l'âge de douze ans, Baron se fit ap-
plaudir, non-seulement à Paris, mais aussi à
la cour, où les jeunes artistes étaient souvent
appelés. Ils allèrent s'établir quelque temps à
Rouen, puis ils revinrent à Pans, et c'est
alors que Molière ayant entendu parler avec
éloge du talent naissant de Baron, et après en
avoir jugé par lui-même, sollicita et obtint du
roi l'ordre de le retirer de la troupe de la Rai-
sin, pour le faire entrer dans celle qu'il avait
formée et qui occupait le théâtre du Palais-
Royal. « Baron, dit un critique,- parut en 1G70
dans la troupe de Molière, qui devint soc
maître en l'art du théâtre, son protecteur, son
bienfaiteur et son ami intime. Mais la femme
de Molière n'avait pas les mêmes égards que
lui pour Baron ; elle le traitait, au contraire,
avec tant de dureté, qu'il se vit forcé de de-
mander au roi la permission de quitter la
troupe du Palais-Royal , pour rentrer dans
celle de la. Raisin, qui parcourait alors les dif-
férentes provinces du royaume. Ce ne fut ce-
pendant qu'avec beaucoup de chagrin que
Baron s'éloigna de Molière, qu'il chérissait
comme un père, et pour lequel il se sentait
autant d'affection que de reconnaissance. Mo-
lière, apprenant les regrets de Baron, lui écri-
vit à Dijon , pour lui proposer de revenir
auprès de lui, s'il le désirait. Baron revint, en
effet, aussitôt, et il resta avec Molière jusqu'à
la mort de l'illustre auteur. Baron passa alors
au théâtre de l'hôtel de Bourgogne, et épousa,
peu de temps après, Charlotte Lenoir de la
Thorillière, actrice du même théâtre. Baron
composa plus tard un certain nombre de
comédies. h'Homme à bonnes fortunes, son
chef-d'œuvre, obtint, en 1686, un grand
succès. C'est une production plus amusante
que morale, et qui retrace , dit-on, quelques-
unes de ses aventures galantes. Il paraît
que Baron eut de nombreux triomphes de ce
genre ; mais il poussait un peu loin la fatuité
de ses victoires. Une fois, il s'avisa de se pré-
senter dans le jour chez une grande dame où
il n'était reçu que la nuit. « Monsieur Baron,
lui dit-elle avec une froideur dédaigneuse, que
venez-vous chercher ici?» Baron, piqué, répon-
dit avec effronterie, devant toute la compa-
gnie : « Mon bonnet de nuit. » L'orgueil était
le péché mignon du comédien, qui affectait
avec les grands seigneurs un ton d'égalité
familière du plus mauvais goût. Il reçut un
jour une bonne leçon. Son cocher et son la-
quais ayant été battus par ceux, du marquis de
Biran, Baron porta sa plainte à ce dernier,
et lui dit : « Vos gens ont maltraité les miens ;
je vous en demande justice. » Il répéta si sou-
vent vos gens et les miens, que le marquis, im-
patienté du parallèle, lui répondit : » Mon
pauvre Baron, cfue diable veux-tu que je te
dise? pourquoi as-tu des gens?» Ajoutons à
ces traits, d'une audacieuse présomption, que
Baron fut sur le point de refuser la pension
que lui accorda le roi, parce que l'ordonnance
était ainsi conçue : « Payez au nommé Michel
Boyron, dit Baron, la somme de..., etc. »
Racine avait une telle confiance dans l'in-
telligence et les inspirations de Baron, qu'il
lui disait, après avoir donné les instructions les
plus détaillées aux autres acteurs: «Pour vous,
monsieur Baron, je vous livre à vous-même ;
votre cœur vous en apprendra plus que mes
leçons. » Baron possédait un visage noble ; sa
taille était élevée, sa voix sonore et harmo-
nieuse. Il joignait à ces avantages une rare
intelligence et la distinction la plus parfaite.
Baron jouait avec la même supériorité la co-
BAR
médie et la tragédie, et il mérita d'être ap-
pelé le Roscius de son siècle. Il avait du reste,
comme nous venons de le voir, une haute
opinion de lui-même , et disait carrément :
« Tous les cent ans on peut voir un César, mais
il en faut mille pour produire un Baron.» Rigide
observateur des règles, il avait pour principe
que les bras, dans le geste ordinaire, ne de-
vaient pas s'élever au-dessus de l'œil ; mais,
subordonnant les règles mêmes à la nature et
à la passion, il ajoutait : « Si la passion les
porte au-dessus de la tête, laissez-la faire ; la
passion en sait plus que les règles. »
Baron n'entrait jamais sur la scène qu'après
s'être mis dans l'esprit et dans le mouvement
de son rôle. Il y avait telle pièce où, au fond
du théâtre et derrière les coulisses, il se bat-
tait, pour ainsi dire, les flancs, pour se pas-
sionner; il apostrophait avec aigreur et in-
juriait tous ceux qui se présentaient à lui ,
valets et camarades de l'un et de l'autre
sexe, jusqu'à ne point ménager les termes, et
il appelait cela respecter le parterre. 11 ne s»
montrait à lui qu'avec je ne sais quelle alté-
ration de ses traits, et avec ces expressions
muettes qui étaient comme l'ébauche du ca-
ractère de ses différents personnages.
Ce grand artiste , qui avait été proclamé
l'honneur et la merveille du Théâtre-Français,
se retira en 1691, dans tout l'éclat de son ta-
lent, et ne reparut qu'en 1720. Il était alors
âgé de soixante-sept ans, et il joua encore une
dizaine d'années avec un certain succès. A une
représentation du Cid, dans laquelle il jouait
le rôle de Rodrigue, ayant excité la gaieté du
parterre en disant ces deux vers :
Je buis jeune, il est vrai, mais aux âmes bien nées
La valeur n'attend pas le nombre des années,
il les répéta avec tant de noblesse et tant
d'assurance , en affectant d'appuyer sur le
premier hémistiche : Je suis jeune , il est
vrai , qu'il força le parterre à l'applaudir et
à l'admirer.
Ce qui avait encore pu exciter lès rires du
parterre, c'est que Baron, dans la même pièce,
se jetait assez lestement aux genoux de Chi-
mène, mais, quand il fallait qu'il se relevât,
on voyait arriver deux garçons de théâtre
pour lui prêter la main.
Peu de temps après, il voulut encore rem-
plir, dans la tragédie de Britannicus, le pre-
mier rôle. Plusieurs spectateurs, choqués de
voir le personnage de Britannicus , qui est un
prince à peine sorti de l'enfance, représenté
par un vieillard septuagénaire , ne purent
s'empêcher de rire et d'interrompre le spec-
tacle. Baron, sans se déconcerter, s'avance
sur le bord du théâtre, se croise les bras, et,
après avoir regardé fixement le parterre, il
s'écrie, en poussant un profond soupir: Ingrat
parterre, que j'ai élevé 1 et continue son rôle.
Une autre fois, on lui cria : « Plus haut! —
Et vous, plus bas, répliqua-t-il, » Baron fut
obligé de faire des excuses au public, et com-
mença ainsi: « Messieurs, je n ai jamais senti
avec plus d'amertume qu'en ce moment la
bassesse de mon état... » Les spectateurs vou-
lurent bien se contenter de cette orgueilleuse
humiliation, et les bravos l'empêchèrent de
continuer. « Dans les dernières années de sa
vie, dit un historien, Baron fut tourmenté d'un
asthme, qui le faisait beaucoup souffrir et qui,
joint aux fatigues de sou état, le conduisit
au tombeau. Il reçut les sacrements et fut en-
terré dans l'église Saint-Benoît, sa paroisse.»
Jean-Baptiste Rousseau fit ce quatrain pour
être mis au bas de son portrait :
Du vrai, du pathétique il a fixé le ton ;
De son art enchanteur l'illusion divine
Prêtait un nouveau charme aux beautés de Racine
Un voile aux défauts de Pradon.
Voici le jugement de Marmontel sur ce cé-
lèbre acteur :
« Baron parlait en déclamant, ou plutôt en
récitant, pour parler le langage de Baron lui-
même ; car il était blessé du seul mot de dé-
clamation. Il imaginait avec chaleur, il conce-
vait avec finesse, il se pénétrait de tout l'en-
thousiasme de son art, montait les ressorts de
son âme au ton des sentiments qu'il avait à
exprimer. Il paraissait, on oubliait l'acteur et
le poète ; la beauté majestueuse de son action
et de ses traits répandait l'illusion et l'intérêt.
Il parlait, c'était Mithridate ou César; ni ton,
ni geste, ni mouvement, qui ne fût celui de la
nature. Quelquefois familier , mais toujours
vrai, il pensait qu'un roi dans son cabinet ne
devait point être un héros de théâtre. Enfin, il
fit connaître la perfection de l'art: la simpli-
cité et la noblesse réunies , un jeu tranquille
sans froideur, un jeu impétueux avec dé-
cence , des nuances infinies , sans que l'esprit
s'y laissât apercevoir. En un mot, il rit oublier
tout ce qui l'avait précédé, et fut le modèle
de tout ce qui pouvait le suivre. »
On prétend que des prédicateurs allaient
incognito au théâtre , pour apprendre de Ba-
ron à parler en public, et à bien débiter leurs
discours oratoires, avec le ton et les gestes
qui pouvaient y convenir. Le Père de la Rue,
jésuite célèbre, se lia de la plus étroite amitié
avec Baron, et allait, dit-on, le voir jouer
très-souvent, pour étudier sa déclamation et
ses gestes. La malignité publique attribua au
jésuite les comédies de l'Homme à bonnes for-
tunes et de l'Andn'enne. Baron réfute ces insi-
nuations dans la préface de ces deux pièces.
Outre ses pièces de théâtre, on a de cet acteur
célèbre quelques odes et quelques satires
BAR
d'Horace traduites en vers français, et des
poésies fugitives , bien dignes de leur titre.
Voici la liste des comédies de Baron : Le Ren-
dez-vous des Tuileries ou le Coquet trompé,
comédie en trois actes et en prose, précédée
d'un prologue, aussi en prose (Comédie-Fran-
çaise, 3 mars 16S5) ; les Enlèvements, comédie
en un acte et en prose (Comédie-Française,
6 juillet 1685); l'Homme à bonnes fortunes, co-
médie en cinq actes et en prose (Comédie-
Française, 30 juillet 1686); la Coquette et la
fausse prude, comédie en cinq actes et en
vers (Comédie-Française, 17 décembre 1GS7);
les Fontanges malfraitées, ou les Vapeurs, co-
médie en un acte et en prose (Comédie-Fran-
çaise, 11 mai 16S9) ; la Répétition, comédie en
un acte et en prose (Comédie-Française, 10
juillet 1689) ; le Débauché, comédie en cinq
«ctes et en prose (Comédie-Française, 8 dé-
cembre 1GS9); l'Andriennr, Comédie de Té-
rence, traduite en vers français et en cir.q
actes (Comédie- Française, 16 novembre 1703) ;
les Adelphes ou l'Ecole des pères, comédie de
Térence, traduite en vers français et en cinq
actes (Comédie-Française, le 3 janvier 1705).
Cette pièce se traîna avec peine jusqu'à la
septième représentation. L'abbé de la Porte
raconte, dans ses Anecdotes dramatiques , que
« quelques jours avant que Baron fit repré-.
senter ses Adelphes, M. de Roqueiaure lui dit:
« Baron, quand veux -tu me montrer ta pièce
nouvelle? Tu sais que je m'y connais? J'en ai
fait fête à trois femmes d'esprit qui doivent
dîner un de ces jours chez moi. Viens dîner
avec nous ; apporte tes Adelphes, et tu nous
en feras la lecture. Je suis curieux de voir si
tu es moins ennuyeux que Térence. » Baron
accepta la proposition et se rendit, le jour in-
diqué, chez M. de Roqueiaure, ou il trouva
deux comtesses et une marquise, qui lui témoi-
gnèrent une vive impatience d'entendre sa
comédie. Cependant, quelque envie qu'elles
parussent en avoir, elles ne laissèrent pas que
de prendre le temps de dîner à leur aise. Après
un repas fort long, ces dames demandèrent
des cartes : ■ Comment I des cartes , s'écria
M. de Roqueiaure, vous n'y pensez pas, mes-
dames! vous oubliez que M. Baron se prépare
à vous lire sa comédie nouvelle? — Non, non,
monsieur, répondit une comtesse ; nous ne
l'oublions point. Tandis que nous jouerons,
M. Baron nous lira sa pièce. Nous aurons deux
plaisirs pour un. A ces mots, Baron, blessé
dans son orgueil,'se leva brusquement, gagna
la porte, rompit en visière à la compagnie, et
dit que sa pièce n'était point faite pour être
lue a des joueuses. » C'est cette anecdote que
Poinsinet a mise en action, avec talent, dans
sa comédie intitulée : le Cercle ou la Soirée à
la mode, représentée a la Comédie-Française,
en 1761.
BARON (Hyacinthe-Théodore), médecin, né
à Paris en 1686, mort en 1758. Il fut doyen de la
Faculté, fit imprimer le Codex, accomplit quel-
ques réformes utiles dans l'enseignement, créa
la bibliothèque de la Faculté et publia quelques
dissertations.
BARON (Hyacinthe-Théodore), médecin, fils
du précédent, né à Paris en 1707, mort en
1787. 11 fut également doyen de la Faculté et
publia divers travaux, entre autres des no-
tices sur les thèses soutenues dans l'école de
Paris, des listes des doyens, bacheliers et doc-
teurs depuis le xmc siècle, etc., enfin, un ou-
vrage estimé , Formules des médicaments à
l'usage des hôpitaux de l'armée (Paris, 1758).,
BARON (Théodore), médecin et chimiste,
frère du précédent, né à Paris en 1715, mort
en 1768. Elève et successeur de Rouelle au
Jardin du roi, il fut un des travailleurs labo-
rieux qui préparèrent les grandes réformes de
la chimie. Ses nombreuses recherches ont été
insérées dans les Mémoires de l'Académie des
sciences.
BARON (Ernest-Théophile), luthiste célèbre
et musicographe distingué, né à Breslau en
1696, mort en 1760. C'est pendant son séjour
à Iéna, en 1720, qu'il commença à se faire re-
marquer. Nommé, en 1728, luthiste du duc de
Saxe-Gotha, il resta cinq ans à la cour de ce
prince, après un voyage à Dresde, où i! eut l'oc-
casion d'entendre Weiss, théorbiste et luthiste
du plus grand renom, qui donna une nouvelle
impulsion au talentde Baron. Celui-ci se rendit
ensuite à Berlin, où le roi l'engagea comme
théorbiste. Dès lors Baron ne s'occupa plus
que de son service à la cour et de recherches
sur l'art musical. Il a écrit un grand nombre
de morceaux pour son instrument. C'est ce-
fiendant comme musicographe qu'il est actuel-
ement le plus connu. Son principal ouvrage
didactique a pour titre : Recherches histori-
ques et pratiques sur le luth.
BARON (Richard) , publiciste anglais, né
dans le Yorkshire, mort en 1768. Il a laissé
quelques écrits, et publié les ouvrages poli-
tiques de Milton, Harrington et autres écri-
vains.
BARON (Auguste -Marie), littérateur, né à
Paris en 1764. Il fut d'abord répétiteur de
grec à l'Ecole normale, passa en Belgique en
1812 et parvint à de hautes dignités universi-
taires. Ses principaux écrits sont les sui-
vants : Introduction au manuel d'histoire an-
cienne de Heeren (Bruxelles, 1834); Poésies
militaires de l'antiquité, ou Caltinus et Tyrtée,
en vers 'français, avec notes, etc. (2e édit.,
1850) ; Histoire de la littérature française <ms-
qu'au xvii« siècle (2<* édit. 1851).
BAR
249
BARON (Claude-Jean-Accary), architecte,
né à Palis en 1783, fut élève de Labarre, rem-
porta le second grand prix en 1812 et dirigea
la construction du collège Louis-le-Grand et
de plusieurs des prisons de Paris.
BARON (Fay, dit), acteur français, mort
à Nice en août 1864, suivit d'abord la enr-
rièro militaire et devint sous-lieutenant dans
le train de l'artillerie ; à la chute de l'ompirc,
il embrassa la carrière théâtrale, dans la-
quelle avaient brillé ses parents, attachés an
théâtre Feydeau. Baron fut successivement en-
gagé à Genève, à l'Ambigu de Paris, au théâtre
Français do Berlin, et finalement à Bruxelles,
Il excellait dans l'emploi des financiers.
BARON (Charles-Antoine-Henri), peintre
français contemporain , né à Besançon en
1817, est élève de M. Jean Gigoux. Il a dé-
buté, au salon de 1840, par deux petites toiles,^
un Atelier de sculpture et une Villa dans le
pays latin, que M. Th. Gautier signale dans la
Presse comme des œuvres « pleines de senti-
ment et de couleur. » M exposa, l'année sui-
vante, l'Enfance de liibera, puis il partit pour
l'Italie, étudia avec soin les types, les costu-
mes et les mœurs de ce pays aimé du soleil et
de l'art, et revint à Paris avec une ample pro-
vision de croquis qui lui ont fourni, depuis,
les motifs d'une foule de tableaux charmants.
Voici la liste des ouvrages qu'il a exposés
jusqu'à ce jour : en 1842, une Sieste en Italie;
en 1843, des Condottieri; en 1844, Giorgione
faisant le portrait de Gaston de Foix ; en
1845, les Oies du frère Philippe ; en 1847, An-
dréa del Sarlo peignant la M adonna del
Sacco, le Pupitre de Palestrina et une Soirée
d'été, qui lui ont valu une médaille de 3e classe ;
en 1848, un Enfant vendu par les pirates et le
Printemps en Toscane, pour lesquels il a ob-
tenu une médaille de 2= classe; en 1849, les
Noces de Gamache;en 1852, les Patineurs,
la Pêche, le Départ pour la promenade; en
1853, un Repaire, un Peintre dans son atelier;
en 1855, le Toucher et l'Ouïe (dessus de portes
pour l'hôtel du ministère de l'intérieur), les
Vendanges en Romagne (commande du minis-
tre d'Etat) et le Bouquet, qui ont mérité une
médaille de 3e classe ; en 1857, le Retour de la
partie de paume, une Camériste et une Arle-
qiùnade;en 1859, l'Entrée d'un cabaret véni-
tien où les maîtres peintres allaient fêter leur
patron saint Luc, délicieuse composition qui a
valu à l'artiste la croix de" la Légion d'hon-
neur; en 1861, le Retour de chasse au château
de Nointel (Oise); en 1804, le Tir' de l'arc en
Toscane et la Marchande de pantins. Des seè-
: nés gaies, animées, des figures d'une désin-
| voiture charmante, des étoffes aux vives cou-
leurs, aux reflets chatoyants, la joie, la vie,
la lumière, la jeunesse, la grâce : voilà ce que
nous offrent d'ordinaire les compositions de
M. Henri Baron. Un maître de la .critique,
M. Paul de Saint-Victor, a dit, en parlant de
cet artiste : « Il doit peindre en manchettes,
comme écrivait M. de Buffon. Il aime a la fo-
. lie les costumes pimpants et les toilettes miri-
| fiques. Il pose la touche avec la coquetterie
d'une soubrette collant une mouche sur la
i lèvre de sa maîtresse. On appelle le loup en
lisant les bergeries de Florian; on payerait
' cher une robe de bure ou un brin de serge
1 dans les tableaux de M. Baron. » Rien de plus
! spirituel, d'ailleurs, et de plus distingué que
la manière dont l'artiste exécute sur la toile
! ses élégantes fantaisies. Il appartient, comme
! coloriste, à la pléiade romantique et procède
i à la fois de Devéria, de Roqueplan, de Cou-
ture et de Diaz; ses petites figures sont trai-
' tées avec finesse et largeur en même temps,
très-habilement éclairées, d'un ton chaud et
brillant; son exécution, pour tout dire, réunit
la coquetterie, la délicatesse, la vivacité, trois
qualités qui se résument en ce qu'on nomme,
en termes d'atelier, le ragoût. M. Baron ma-
nie le crayon avec autant d'esprit que le pin-
ceau ; il a fait beaucoup de dessins pour les
illustrations de la librairie.
BARON (Vincent-Alfred), artiste dramatique
et sculpteur français, né dans le département
de l'Ain le 11 juin 1820, vint à Paris en 1S35,
avec son père, peintre de panoramas. Après
avoir suivi pendant deux ans les cours de l'école
de dessin, il entra dans l'atelier du sculpteur
Georges Jacquot et s'inscrivit en même temps
à l'Ecole des beaux-arts (1837). En 1840, le
jeune artiste, que les lauriers de Bocage, de
Frederick Lemaître et do Beauvaffet empê-
chaient de... modeler, entra au Conservatoire.
Il en sortit, en 1842, pour débuter à l'Odéon
où, entre autres rôles, il créa ceux d'Albert
Thierry, du Voyage à Pantoise, de Cherea, de
l'Eunuque. De l'Odéon, M. Baron passa àl'Am-
bigu, ou il se fit remarquer dans Aramis , des
Mousquetaires, et Edgar Mortimer, du Marché
de Londres. Le théâtre de la Galté se l'attacha
plus tard (1847), et il y créa avec succès Cou-
riol.du Courrier de Lyon. En 1848, il parcourut
avec Rachel la Belgique, la Hollande, la
Suisse et le midi de la France, et fut chargé
de l'emploi des jeunes premiers rôles de la
tragédie. Enfin, en 1851, lors delà réouver-
ture de la Porte-Saint-Martin dont M. Marc
Fournier, son beau-frère, prenait la direction,
il entra à ce théâtre et en devint chef du ma-
tériel. Six créations nouvelles donnèrent la
mesure de son talent: Gaston, de la Poissarde;
Lucien, des Nuits de la Seine; Ascanio, de
Benvenuto Cellini ; de Montbrillant, de la Fa-
ridondaine ; Paul de Chennevières, de l'Hon-
neur de la maison; Lucien, du Vieux caporal.
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BAR
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Il parut, en outre, dans le double rôle d'Ara-
mis et de Buckingham, de la Jeunesse des
mousquetaires, et représenta sept personnages
dans Paris. Il y a quelques années, M. Baron a
quitté la Porte-Saint-Martin et a fondé des
journaux illustrés, qu'il a abandonnés depuis.
— Comme sculpteur, on lui doit surtout les
bustes fort appréciés de Frédéric Soulié et do
Deburau , ainsi qu'un grand nombre de mé-
daillons, parmi lesquels il faut distinguer ceux
de Rachel, de Samson, de Beauvallet et du ca-
ricaturiste Traviès. M. Baron a exposé ses
meilleurs ouvrages aux salons de 1848 et 1849.
BARON (Delphine) , madame Marc Four-
nier , actrice française , sœur du précédent,
née à Lyon vers 1828. Elle reçut des leçons
de dessin de son père et apprit en même
temps la gravure sur bois. Quelques sujets
signés Delphine B. et gravés par elle ont paru
. dans le Diable à Paris et la Grande ville.
Mais , cédant à un goût prononcé pour le
théâtre, elle entra au Conservatoire en 1843,
obtint les prix qui lui donnaient droit à la
pension d'encouragement du ministère, et dé-
buta à l'Odéon , où elle joua tous les rôles de
soubrette de l'ancien répftrtoire. Peu de
temps après, elle épousa M. Marc Fournier et
fut engagée, en 1846, à la Porte-Saint-Martin.
Après le rôle du page, de la Belle aux cheveux
d'or, elle créa celui d'Angèle dans les Liber-
tins de Genève de M. Marc Fournier, et y ob-
tint un grand succès. Ayant passé une année à
la Gaîté, elle reparut en 1851 à la Porte-
Saint-Martin, que dirigeait alors son mari,
dans la Poissarde, le Vieux caporal, la Fari-
dondaine, Louis XI (le Dauphin), et la Jeunesse
des Mousquetaires, se contentant de l'emploi
des rôles de genre et des ingénuités comiques.
Après s'être séparée judiciairement de son
mari, en septembre 1856, elle passa à Bruxel-
les. A son retour à Paris, elle a ouvert un ma-
gasin de costumes. Les costumes de plusieurs
pièces à grand spectacle ont été composés et
dessinés par cette dame, dont on vante le
goût artistique, la grâce, l'élégance et l'ima-
gination.
BARON (Stéphane), peintre français con-
temporain, né a Lyon en 1832, élève de son
père et de L. Cogniet, a exposé à Paris, en
1853, le Fou; en 1857, le Doute de Faust, un
JSpisode des massacres de Mérindoi ; en 1S59,
Itolta ; en 1861, Marguerite au jardin; en
1864, la Madeleine ; en 18G5, l'Enfance de Ju-
piter, etc. Sa peinture a de la verve et de l'o-
riginalité. *I1 a exposé aussi, aux derniers sa-
lons, des aquarelles faites avec talent d'après
quelques-uns des chefs-d'œuvre de Murillo et
de "Velasquez qui sont au musée de Madrid et
au musée de Séville. — Son père, Jean Baron,
a gravé à l'eau-forte des paysages avec fi-
gures ; il a exposé en 1833 et en 1865.
BARONC1NO (Purpurinus), théologien et
antiquaire italien, né a Faenza, vivait dans le
xvii" siècle. Ses ouvrages les plus importants
sont les suivants : la Galleria cesarea, aperta
agli occki degli eruditi... (1672) ; Ad Kalenda-
rium romanum Amiterni effossum minuscula
commentaria, ludicrum géniale (1680).
BARONE (Marcellus), dominicain italien,
mort en 1699. Outre quelques ouvrages de
théologie, on a de lui des Poésies spirituelles
(Naples, 1678).
BARONE (François), poète italien, né à Pa-
ïenne en 1622, mort en -1705. lia composé des
poèmes et des poésies en italien et en dialecte
sicilien. Plusieurs sont à la gloire de sa ville
natale ; d'autres sont des panégyriques de
Philippe IV et d'autres princes. Nous citerons
seulement l'Inondation de Palerme (1688) et
le Martyre de sainte Agathe (1698).
BARONE (Dominique), auteur dramatique
italien, vivait dans le xvmo siècle. Ses prin-
cipales comédies ont pour titre : la Confessa
(Naples 1735); l'Abbate (1741); Claudia (1745).
BARONI (Léonore), célèbre cantatrice ita-
lienne, née a Mantoue vers 1610. Elle était
fille de la belle Adriana Baroni, qui s'était ac-
quis un grand renom dans les premières an-
nées du xvno siècle, autant par les agréments
de sa personne que par l'étendue, la souplesse
et l'harmonie de sa voix, et dont les postes
contemporains avaient célébré le triomphe
dans le Teatro délia gloria a" Adriana (1623).
La jeune Léonore marcha sur les traces de
sa mère, et paraît même l'avoir surpassée.
Non-seulement elle était une cantatrice de
premier ordre, mais encore elle jouait avec
une grande perfection de la vielle et du
théorbe, avec lesquels elle accompagnait ses
chants. Ses succès au théâtre eurent un grand
retentissement. Les adorateurs de sa beauté,
de son esprit et de son talent la célébrèrent à
l'envi, en grec, en latin, en italien, en espa-
gnol et en français. Costazuti , qui a recueilli
tous ces dithyrambes, les a fait paraître en
un volume in-4° , sous le titre d'Applausi
poetici aile glorie délia signora Leonora Ba-
roni (Rome 1639). En 1645, la célèbre canta-
trice fut appelée en France par le cardinal
Mazarin.poury chanter des opéras de Cavallî,
Euis fut attachée aux concerts de la cour.
lais la froideur avec laquelle elle vit accueil-
lir cette musique italienne, objet d'un si grand
enthousiasme au delà des monts, lui rendit
bientôt insupportable sa position, et elle re-
tourna en Italie.
BARONI (Bernardin), peintre italien, né à
Sienne, mort en 1C8C. Û reste de lui, à la
Chartreuse de Sienne, une Assomption qui
passe pour une œuvre fort remarquable. — Un
autre Baroni (Bernardino di Simone), né en
1675, fut également un peintre distingué. On
conserve quelques-unes de ses fresques et
peintures dans sa ville natale.
BARONI-CAVALCABO (Clément), littéra-
teur italien, né près de Roveredo en 1726,
mort en 1796. Il s'est fait connaître surtout
par des Mémoires pour seroir à l'histoire litté-
raire (1757). Oh a encore de lui quelques dis-
sertations sur divers sujets, et des travaux
d'hydrographie.
BARONIFIÉ, ÉE (ba-ro-ni-fl-é), part. pass.
du v. Baronifier : // fut alors baronifié par
S. M. l'empereur et roi. (Balz.) Ils iront con-
sulter quelque histrion, quelque chevalier d'in-
dustrie, baronifib dans Paris, et étayé d'un
nom étranger, (Fourier.)
BARONIFIER v. a. ou tr. (ba-ro-ni-fi-é —
rad. baron, et du lat. facere, faire). Néol.
Faire baron ou faire passer pour baron : Le
roi I'a. baronikié. Comme il n'était rien, ses
amis Z'ont baronifié!'.
BARONIO (Ange), poète italien, né à Cré-
mone, vivait a la fin du xvic siècle. Ses ou-
vrages les plus connus sont : Çremon-Gene-
tkliacon, poème héroïque (Crémone, 1598); De
Urbis Cremonœ laudibus oratio (1628), etc.
BARON1US ou BARONIO (César), cardinal,
historien, surnommé le Père des annales ecclé-
siastiques, né en 1538 à Sora, dans le royaume
de Naples, mort en 1607, succéda à saint Phi-
lippe de Néri comme supérieur de la congréga-
tion de l'Oratoire, et devint confesseur du pape
Clément VIII, protonotaire apostolique, cardi-
nal bibliothécaire du Vatican. Il eut été élu
pape, sans les efforts de la faction espagnole.
On a de lui un ouvrage extrêmement important,
les Annales ecclésiastiques, qui vont jusqu'en
1198, et qui furent écrites pour servir de réfu-
tation aux Centuries de Magdebourg, compo-
sées par des protestants. On convient géné-
ralement que cet ouvrage porte l'empreinte
d'une grande partialité, et qu'il renferme un
grand nombre de fautes de chronologie et
d'histoire, ainsi que des assertions fondées
sur des pièces dune authenticité plus que
douteuse. Mais ces défauts sont rachetés en
partie par l'abondance des matériaux, l'éten-
due des recherches et la clarté de la narra-
tion. Cette compilation est encore aujour-
d'hui un des recueils les plus riches en ce
genre , et elle est d'une grande utilité pour
l'étude de l'histoire de l'Eglise. Le judicieux
Fleury, tout en s'écartant souvent des opi-
nions du célèbre annaliste, rend hommage à
sa profonde érudition. La meilleure édition,
qui contient les continuations, les critiques de
Pagi, etc., est celle de Lucques (1738-17S7),
38 vol. in-fol.
BARONIUS (Juste), théologien, né à Xan-
ten (duché de Clèves), vivait dans la pre-
mière moitié du xvn<s siècle. Il abjura le cal-
vinisme entre les mains de Clément VIII et
eut pour parrain le cardinal Baronius. Il a
publié : Motifs de ma conversion ; Traité de
préjugés et de prescription contre les héré-
tiques ; Epistolarum sacrarum ad pontif. libri
sex, etc.
BARONNAGE s. m. (ba-ro-na-je — rad.
baron). Qualité de baron; corps des barons :
Le haut baronnage en France était jaloux de
la puissance de son roi. (Volt.) Je remarque
cette humiliante façon du tiers état de parler
devant le roi, à la différence du baronnage.
(St-Simon.)
BARONNAT (l'abbé), économiste français,
a publié : Le prétendu mystère de- l'Usure
dévoilé, ou le placement d'argent connu sous
le nom de prêt à intérêt, démontré légitime
par l'autorité civile et par' l'autorité ecclésias-
tique, (Paris 1822). Ce livre fut réfuté par un
autre prêtre, dans un autre livre intitulé :
Réfutation des systèmes de M. l'abbé Baronnat
et de M. de la Luzerne sur la question de V U-
sure (Clermont-Ferrand, 1824, in-12).
baronne s. f. (ba-ro-ne — fém. de baron).
Femme qui possédait une baronnie ; femme
d'un baron : Madame la baronne nous faisait
les honneurs de sa maison, avec une dignité qui
la rendait encore plus respectable. (Volt.) Oui,
baronne, j'ai découvert une plume endiablée,
cynique et virulente. (E. Augier.)
La baronne consent... car c'est une baronne.
C. Delavione.
Vos personnes
Sauront un peu ce qu'on doit aux baronnes.
Voltaire.
BARONNEAU s. m. (ha-ro-no — dim. de
baron). Fam. Petit baron ou jeune baron :
Pour moi, j'ai quantité déjeunes baronneaux.
Th. Corneille.
BARONNESSE s. f. (ba-ro-nè-se — fém. de
baron). Se disait autrefois pour baronne,
femme d'un baron.
BARONNET s. m. (ba.-ro-nè —rad. baron).
Titre héréditaire des membres d'un ordre
de chevalerie, en Angleterre : Frank quitta
l'hêtel Corneille et .recommença un Jrain de
vie digne d'un baronnet. (Ârs. Houss.) Le
pacifique baronnet était représenté en cos-
tume de chasse. (G. Sand.)
Ce baronnet est bien la perle des maris.
On n'en trouverait pas de pareils a Paris.
Al. Duval.
— Adjectiv. Les chevaliers baronnets for-
ment une classe de nobles entre les barons et
les simples chevaliers. (A. Jal.) il Quelques-
uns, adoptant abusivement l'orthographe an-
glaise, écrivent ce mot par un seul n, baro-
net.
— Encycl. L'ordre héréditaire des baronnets
fut créé en mai 1611 par le roi d'Angleterre
Jacques 1er. Cette création fut k la fois un
moyen de satisfaire la gentilhommerie qu'il
n'était pas possible d'élever à la pairie, et de
battre monnaie. Les deux cents premiers ba-
ronnets (le nombre devait en être limité à ce
chiffre) eurent à payer près de 1,100 livres,
pour droit de sceau. La dignité de baronnet
est héréditaire de père en fils, elle prend im-
médiatement place après la pairie. La cou-
ronne s'est interdit la faculté de créer aucun
ordre ou classe héréditaire entre la pairie et
le baronnelage. L'engagement de limiter le
nombre des baronnets à deux cents n'a pas
été rigoureusement observé. Aujourd'hui, les
personnes auxquelles ce titre est conféré n'ont
a payer aucun droit de sceau.
On distingue quatre classes de baronnets :
les baronnets d'Angleterre, les baronnets de la
Grande-Bretagne, les baronnets duRoyaume-
Uni et les baronnets de la Nouvelle-Ecosse.
Les baronnets d'Angleterre sont ceux dont
la création est antérieure à l'époque où l'E-
cosse fut réunie à l'Angleterre. Les baronnets
de la Grande-Bretagne sont ceux qui ont été
créés après cette réunion des deux royaumes,
entre les années 1707 et 1801. Les baronnets
du Royaume-Uni, c'est-à-dire des trois
royaumes unis (Angleterre, Ecosse et Ir-
lande), sont ceux qui ont été créés depuis 1S01 ,
date de la triple réunion. Les baronnets de la
Nouvelle-Ecosse constituent une branche in-
férieure du baronnetage, fondée en mai 1G25
par Charles 1er. Une concession de terres ou
plantations dans l'Amérique du Nord était
attachée à chacune des patentes des baron-
nets de cet ordre.
En créant les premiers baronnets, ' Jacques
Ier avait aussi attaché à chaque titre une
concession territoriale dans l'Ulster, province
irlandaise alors révoltée contre l'Angleterre.
Chaque baronnet créé était obligé de contri-
buer à la garnison de l'Irlande par l'entretien
de trois soldats. Aujourd'hui, il ne reste rien
aux baronnets actuels de leurs charges et pri-
vilèges d'autrefois. Leur dignité est tout ho-
norifique ; ils placent le mot sir devant leur
prénom , et après leur nom de famille ils
mettent bart, abréviation de baronnet ; leurs
femmes ont, comme celles des lords, le droit
d'être appelées ladies ; mais on sait que le mot
lord se place toujours devant le nom de fa-
mille, et non devant le prénom.
BARONNETAGE s. m. (ba-ro-ne-ta-je —
rad. baronnet). Corps des nobles d'Angleterre
qui portant le titre de baronnet; registre où
leurs noms sont inscrits : Son père ne lui
avait laissé en mourant qu'une gentilhommière
démantelée et un nom inscrit honorablement au
baronnetage du Royaume- Uni. (P. Féval.)
BARONNETTE s. f. (ba-ro-nè-te — dim. de
baronne). Fam. Petite baronne ; jeune fille
de baron : Le plus beau des châteaux qui ren-
fermait la plus belle des baronnettes. (Volt.)
baronniaL, ale (ba-ro-ni-al, a-le — rad.
baron), Qui dépend d'nne baronnie; qui a
rapport à un baron : Une terre baronniale.
Les droits bAROnniaux, Il On dit aussi baron-
nal.
BARONNIE s. f. (ba-ro-nî — rad. baron).
Terre qui conférait à son possesseur le titre
de baron : En 1578, Henri III décida qu'il
suffirait qu'une terre renfermât trois châtelle-
nies pour qu'elle pût être érigée en baronnie.
('**) Mon fils n'aura pas le chagrin de comman-
der la noblesse de la vicomte de Bennes et de la
baronnie de Vitré. (M»« de Sév.) La terre
de Montmorency , mouvante de l'abbaye de
Saint-Denis, est peut-être la première baronnie
de ce district. (St-Sim.) A la mort de Son
père, le jeune homme fit ériger en baronnie
la terre de Villenoix. (Balz.)
— Le corps des barons.
Mon cousin de Sylva, c'est une félonie
A faire du blason rayer la baronnie.
V. Huoo.
— Féod. Terre féodale d'une grande im-
Ïiortance et possédant tous les droits 'réga-
iens ; fief mouvant directement du roi. u
Noblesse réunie en armes pour le service du
roi.
— Hist. Chacune des quatre provinces du
royaume de-Jérusalem.
— Encycl. Dans les premiers temps de la
monarchie et jusque vers la fin de la seconde
race des rois de France, la baronnie était la
première seigneurie après la souveraineté. ;
mais depuis, les comtés, les marquisats, etc., ont
acquis la prééminence sur les baronnies ; déjà,
sous l'anuie/i régime, elles n'étaient plus supé-
rieures qu'aux chàtellenies. Suivant ladéclara-
tion de Henri III, du 17 août 157G, pour ériger
une terre en baronnie , il fallait qu'elle fût
composée au moins de trois chàtellenies, qui de-
vaient être possédées et incorporées ensemble,
pour être tenues à un seul hommage. La ba-
ronnie relevait ordinairement de la couronne
et était indivisible. Un arrêt du parlement de
Paris, du 9 décembre 1595, attribue au rotu-
rier qui achetait une baronnie la noblesse ,
ainsi que les nom, titre, autorité et préémi-
nence attribués à tel seigneur, conformément
à la coutume qui prétendait que les fiefs do
dignité anoblissaient leurs possesseurs et leur
postérité. Parmi ces fiefs, il y avait des ba-
ronnies appelées baronnies de coutume; leur
nom leur venait de ce qu'elles étaient recon-
nues et mentionnées par les coutumes provin-
ciales; c'étaient les anciennes seigneuries
possédées, dans les premiers temps de la mo-
narchie, par les barons et les vassaux immé-
diats de la couronne. Ces se.gneuries primiti-
ves et tenues du roi par baronnie, c'est-à-dire
mouvantes de lui à cause delà couronne, ainsi
que le titre de dignité qui y était attaché, se
perpétuaient d'âge en âge comme baronnies,
avec la glèbe en faveur de tout possesseur,
sans qu'il fût besoin de nouvelle érection.
D'autres terres, érigées en baronnies et relo-
vant simplement du roi , comme dépendant
d'un plus grand fief dominant réuni à la cou-
ronne , se trouvaient titrées à perpétuité en
faveur de tous les possesseurs.
BAROQUE adj. (ba-ro-kc — étym. dout. :
de l'esp. barrueco, berrueco, nom donné par
les joailliers à des perles qui, n'étant pas par-
faitement rondes, perdent de leur valeur; du
lat. verruca, verrue; do la partie, péjorat.
bar et de l'esp. roca, roche, ce qui signifie-
rait une roche abrupte, rocailleuse ; selon
nous, de baroco, mot appartenant à l'ancienne
scolastique et dont la forme bizarre excite le
rire). Bizarre, étrange, choquant : Un goût
baroque. Un style baroque. Une peinture ba-
roque. Ces places étaient destinées aux évê-
ques les plus distingués, et il était bien baro-
que de faire succéder l'abbé Bignon à ftf. de
Tonnerre. (St-Sim.) Les Anglais et les Alle-
mands ont, de nos gens de lettres, les notions les
plus baroques. (Chateaub.) Il est difficile de
jeter du pathétique sur un sujet baroque.
(Grimm.) U est vrai que vous êtes un peu ba-
roque ; mais c'est que les autres ont eu beau se
frotter contre vous, ils n'ont jamais pu émous-
ser votre aspérité naturelle. (Dider.) Ce cos-
tume, tout à fait baroque, semblait avoir été
inventé pour servir d'épreuve à la grâce. (Balz.)
Je regardais avec mépris cette sale ville, ses
femmes baroques, aux gestes serrés et à la
voix criarde. (Fr. Soulié.) Voulez-vous des
exemples du style baroque, prenez les tragé-
gies de l'Empire, imitations pitoyables des ad-
mirables tragédies de Racine. Quels vers c'é-
taient là! Ce n'étaient pas des vers burlesques,
pas même des vers ridicules, c'étaient des vers
baroques. (J. Janin.)
— Techn. Irrégulier, s'écartant do la forme
normale, en parlant des perles : Les perles
qui ne sont ni rondes ni en forme de poire s'ap-
pellent baroques. (A. Karr.)
— s. m. Ce qui est baroque, le genre baro-
que : L'original et le baroque sont bien voi-
sins, pour les esjirits médiocres. (*") Le baro-
que est une nuance du bizarre ; il en est pour
ainsi dire le raffinement et l'abus. (Millin.)
Du baroque et du laid sectateurs orgueilleux ,
Ils profanent les dons qu'ils ont reçus lies cieux,
Ancelot,
BAROR ou BAROUIR, premier roi d'Armé-
nie, vers 759 av. J.-G. Il appartenait à la race
de Haïg et succéda à son frère Sgaorty, en
qualité de prince d'Arménie. Cette contrée
était alors tributaire du royaume d'Assyrie.
Arbace , Bélésis et Paramdz s'étnnt ligués
pour renverser cet empire, Baror se joignit à
eux, contribua à la prise de Ninive et à la
chute de Sardanapale, qui périt en se jetant
dans les flammes. En récompense de son con-
cours , Baror devint indépendant et prit le
titre de roi. On ne sait rien des événements
de son règne, qui dura environ quarante-huit
ans.
barosanème s. m. (ba-ro-sa-nè-me —
du gr. baros, poids; anemos, vent). Pays.
Instrument qui fait connaître la force d'im-
pulsion du vent, par l'effet qu'il produit sur
une roue retenue par un ressort.
baroscOpe s. m. (ba-ro-sko-pe — du gr.
baros, poids; skopeô, j'examine). Phys. Sorte
de baromètre d'une extrême sensibilité, il
Nom donné au baromètre ordinaire par quel-
ques physiciens, u Sorte do balance qui sert
à constater qu'un corps placé dans l'air perd
une quantito de son poids proportionnelle à
son volume.
— Encycl. En vertu du principe d'Archi-
mède , les corps plongés dans 1 air y sont
moins pesants que dans le vide, et d autant
moins pesants qu'ils sont plus volumineux,
avec une quantité de matière constante.
C'est ce fait que le baroscope, imaginé par
Otto de Guérick , a pour but de mettre on
évidence. Deux sphères , très-différentes de
volume, se font équilibre dans l'air, aux deux
extrémités du fléau d'une balance. Si l'appa-
reil est placé sous une cloche vide d'air, on
voit aussitôt le fléau s'incliner, la grosse boule
entraînant la plus petite ; ce qui prouve qu'elle
est réellement plus pesante et que, dans l'air,
elle perdait' davantage de son poids. Si les
deux sphères sont formées de la même quan-
tité de matière, elles se font équilibre dans
le vide, mais non plus dans l'air, où la plus
petite l'emporte alors.
BAROSÉLÉNITE s. f. (ba-ro-sé-lé-ni-te —
de baryte et de sélénite). Miner. Nom ancien
du spath pesant ou barytinc.
BAROSME s. m. (ba-rc-sme — du gr. barus,
lourd ; osmé, odeur). Bot. Genre de diosmées,
comprenant une dizaine d'espèces propres
BAR
BAR
BAR
BAR
251
aux contrées méridionales de l'Afrique. Il On
écrit aussi bakome.
— Encycl. Le genre qui appartient à la tribu
des diosmées du Cap, ou diosmées proprement
dites, a les caractères suivants : calice ponc-
tué, à cinq divisions, revêtu, vers le fond, d'un
disque dont le bord libre forme un anneau en-
tier à peine saillant; pétales courtement un-
guiculés; filets au nombre de dix, dont cinq
sont opposés aux pétales et cinq alternes*,
plus longs, glabres ou légèrement hérissés,
capillaires; avec un élargissement inférieur,
munis chacun d'une anthère ovoïde, ordinai-
rement surmontée d'une petite glande; ovai-
res, au nombre de cinq, soudés entre eux,
surmontés chacun d'une oreillette libre et
renfermant deux ovules superposés; styles,
également au nombre de cinq, soudés en un
seul, que termine un petit stigmate à cinq lo-
bes; fruit capsulairo à cinq coques. Ce genre
Comprend une dizaine d'espèces, originaires
de l'Afrique australe. Ce sont des arbrisseaux
remarquables par leur odeur forte et péné-
trante. Les feuilles sont opposées ou épar-
ses, coriaces, ponctuées, entières ou bordées
de dents glanduleuses. Les fleurs, blanches ou
rougeâtres, sont solitaires aux aisselles des
feuilles ou réunies en petit nombre sur une
espèce de pédoncule axillaire. '
Barot s. m. (ba-ro). Mar. V. Barrot.
BAROTER v. a. ou tr. (toa-ro-té). Mar.
V. Barroter,
BARO-THERMOMÈTRE S. m. (ba-ro-tèr-
mo-mè-tre — du gr. baros, poids ; thermos,
chaleur; metron, mesure). Phys. Instrument
qui indique simultanément les pressions
atmosphériques et la température de l'air.
Il On l'appelle aussi aérostatiimion.
BAROTIN s., m. (ba-ro-tain). Mar. V. Bar-
ROTTIN.
BAROTROFE s. m. (ba-ro-tro-pc — du gr.
baros, poids; trepà, je tourne). Sorte de voi-
ture dans laquelle l'homme agit avec ses jam-
bes pour imprimer le mouvement aux roues.
Le barotrope a été inventé, en 1858, par M. de
Salicis , répétiteur à l'Ecole polytechnique.
Après les chauves, les paralytiques, auxquels
le barotrope vient principalement en aide ,
vuisi/v'il fait marcher ceux gui ne bougent plus.
(Ph. Busoni.)
— Adjectiv. ; Véhicule barotrope.
— Encycl. Le barotrope est un appareil à
pédales accouplées. Supposons, par exemple,
une roue de rémouleur avec deux pédales :
l'ouvrier debout, se tenant sur les pédales , et
transportant son poids de l'une sur l'autre,
fera tourner la roue.
Si on remplace la meule par une poulie de
commande, on aura un moteur capable de
transmettre le travail de la force de l'homme
à une machine quelconque.
Voyons les avantages de cette disposition.
Quoique la force de 1 homme soit très-bornée,
on l'emploie dans beaucoup de cas , parce
qu'on peut souvent, à un moment donné, sup-
plée/ par le nombre à ce qu'il manque de
force à chaque individu ; parce que l'homme
peut agir par des machines plus simples ,
moins encombrantes , plus faciles à trans-
porter, coûtant moins cher comme premier
établissement, que celles où l'on emploie les
animaux ; parce qu'enfin l'intelligence de
l'homme sait économiser sa force, en aug-
menter ou en diminuer la dépense suivant
les résistances à vaincre; en un mot, diriger
le travail en même temps que l'exécuter.
On a longtemps pensé, et Daniel Bernouiîli
développe cette idée tout au long, que, de
quelque manière que l'homme employât sa
force, en marchant, en tirant, en agissant sur
une manivelle, entin d'une manière quelcon-
que, il produisait, avec le même degré de fati-
gue, la même quantité d'action et le même
effet utile. Nous ne nous arrêterons pas à dé-
montrer que c'était une erreur.
« Il y a deux choses h distinguer dans le
travail des hommes, dit Coulomb : l'effet que
peut produire l'emploi de leurs forces ap-
pliquées à une machine, et la fatigue qu'ils
éprouvent en produisant cet effet. Pour tirer
tout le parti possible de la force des hommes,
il faut augmenter l'effet, sans augmenter la
fatigue. «
L'expérience constate aujourd'hui que, sui-
vant le mode d'application de la force hu-
maine, les effets obtenus peuvent être très-
différents.
La charge que l'homme peut porter le plus
commodément est, sans contredit, celle dont
il ne peut jamais se débarrasser, le poids de
son propre corps; — la force de Ses muscles,
la disposition des diverses parties de son corps
n'ont-elles pas été calculées dans ce but par
la nature ?
Ainsi un maçon, montant à vide jusqu'au
haut d'une échelle, et se suspendant ensuite à
l'extrémité d'une corde qui s'enroulerait sur
une poulie- et porterait a son autre extrémité
une charge un peu inférieure à celle de son
corps, élèverait, — le raisonnement précédent
aurait pu conduire à ce résultat, indépendam-
ment de l'expérience, — élèverait en une
journée plus de pierres ou de briques, qu'en
montant chargé sur l'échelle et redescendant
à vide.
Tout appareil destiné à recueillir le plus de
travail possible de l'homme, et à le transmet-
tre à une machine , doit donc être disposé de
manière que l'homme agisse , par les muscles
de ses jambes, avec une vitesse (le travail pro-
duit varie aussi avec la vitesse), avec une
vitesse semblable à celle de la marche ; et
qu'il exerce l'effortqu'il produit habituellement
, pour élever son corps en marchant (Coriolis).
Ce but, atteint dans les Tread mills (roues à
marches) employées dans les prisons anglai-
ses, se trouve aussi rempli dans la machine
dont nous nous occupons, à laquelle M. Salicis,
répétiteur à l'Ecole polytechnique, qui l'a con-
struit sous une forme commode, a le premier
donné le nom de barotrope.
Ce moteur, d'après des expériences faites
au Conservatoire des arts et métiers , et rap-
portées par M. Barrai dans son Journal d'A-
griculture pratique , produit un grand effet
utile, avec peu de fatigue pour l'ouvrier.
Ainsi, un ouvrier travaillant pendant 5 heu-
res au barotrope aurait accompli un travail
de 204,300 kilogrammètres, soit 11,35 par se-
conde; tandis que, dans le même temps, son
travail forcé à la manivelle aurait donné seu-
lement 158,400 kilogrammètres, 8,80 par se-
conde, et son travail, avec le même degré de
fatigue qu'au barotrope , n'aurait été que de
129,780 kilogrammètres, soit 7,21 par se-
conde. Le premier nombre nous paraît un peu
exagéré ; mais il faut ajouter que les seconds
sont aussi supérieurs à ceux qu'on admet gé-
néralement pour le travail de l'homme à la
manivelle.
On peu donc admettre que, pour cette expé-
rience , le manœuvre choisi se trouvait être
au-dessus de la force moyenne.
Remarquons que, dans ce moteur, l'ouvrier
est maître de ses mains, qu'il peut appliquer à
diriger la machine qu'il met en mouvement,
par exemple : une petite batteuse à blé, une
scierie, des pompes, etc.
On peut disposer autant de couples de péda-
les qu on voudra, et par suite obtenir des mo-
teurs plus ou moins puissants.
Ajoutons, pour être moins sérieux, que l'em-
ploi de ce moteur , encore retardé par l'esprit
de routine qui domine surtout dans les cam-
pagnes, aurait aussi l'avantage, l'action des
muscles du mollet étant prédominante, d'aug-
menter très-sensiblement cette partie de la
jambe , que les ouvriers , habitués à marcher
avec de fortes chaussures, ont très-peu déve-
loppée, tandis qu'ils présentent de belles pro-
portions dans la partie supérieure du corps.
L'habitant des villes, en effet, lève tou-
jours le talon avant la pointe du pied; il sem-
ble que le pied soit une roue qui se meuve dans
le sens de la marche; le poids du corps repose
un moment sur la partie antérieure du pied ,
supporté par les muscles du mollet. Si l'on
marche avec des sabots ou des chaussures as-
sez dures pour empêcher la flexion du pied, le
talon se soulève en même temps que 1 orteil ,
et l'action des muscles du mollet diminue con-
sidérablement. C'est ainsi qu'on arrive à une
race d'Hercules supportés par de vrais fu-
seaux.
Aujourd'hui que l'influence des exercices
gymnastiques est bien reconnue , et que les
citadins qui ont déjà les jambes fortes, s'ap-
pliquent a se rendre les bras forts, c'est aux
villageois à faire travailler leurs jambes, pour
rendre leur démarche moins lourde et moins
gauche.
Je ne peux .résister (c'est pourtant un hors-
d'œuvre, servi kla fin de cet article) à l'envie
de signaler l'influence fâcheuse de l'asphalte
des trottoirs et du macadam sur les mollets des
Parisiennes. Habituées, au temps des pavés, à.
toujours marcher sur la pointe du pied , elles
voyaient se développer considérablement cette
partie de la jambe à laquelle la coquetterie
attache généralement une si grande impor-
tance. Elles pouvaient, sur ce point, délier le
monde entier : leur réputation est faite, et
elle durera plus longtemps que leurs mollets.
BAROQUE, BAROUTCH ou BAROCHE,
autref. Bavygaza, ville de l'indoustan anglais,
présidence et au N. de Bombay, à 60 kil. N.
de Surate, port sur la Nerbudda; 33,000 hab.
Elle a de nombreuses fabriques de mousseline
et, quoique déchue, fait encore un grand com-
merce en riz, huiles, grains et coton. Prise
par les Anglais en 1772, elle est actuellement
ch.-l. du district de son nom.
barotte s. f. ( ba-ro-te ). Agric. Vaisseau
cerclé en fer, que l'on emploie pour le trans-
port des vendanges.
BAROTTI (Jean-André), savant littérateur
italien, né à Ferrare en 1701, mort vers 1775.
Il cultiva d'abord la poésie, mais sans succès,
et n'écrivit plus, dès lors, que des ouvrages
en prose. Oi\ connaît plus particulièrement de
lui les ouvrages suivants : Hagionamento so-
pra l'intrinseca rogione del proverbio ; Ncssun
profela alla sua patria è caro (1729) ; ûifesa
degli scrittori Ferraresi (1739) ; Bel dominio
délie donne; Memorie istoriche de' letterati
Ferraresi ;'des éditions, des notes, etc.
BAROTTI (l'abbé Laurent), littérateur, fils
du précédent, né à Ferrare en 1724, mort en
1801. Il entra dans l'ordre des jésuites, ensei-
gna la rhétorique dans divers collèges, se li-
vra ensuite à la- prédication et parut avec
éclat dans les principales chaires de l'Italie.
Outre de savantes notices sur l'histoire litté-
raire de Ferrare et des éditions de quelques
ouvrages de son porc, il a donné, entre autres
le
ouvrages, les Evéques et Archevêques de Fer-
rare, des sermons, enfin, un poème ingénieux,
la Café (Parme, 1781).
BAROUD (Claude-Odile-Joseph), juriscon-
sulte et financier, né à Lyon en 1755, mort en
1824. Protégé par M. de Calonne, il fut inté-
ressé dans plusieurs opérations financières de
l'aventureux ministre; écrivit, en 1798, contre
l'emprunt dontles banquiers de Paris offrirent
de se charger pour faciliter la descente en Angle-
terre (en réalité, il s'agissait de l'expédition
d'Egypte), et publia, en 1814 et 1816, plusieurs
brochures pour fixer l'indemnité due aux émi-
grés (sans doute pour les récompenser d'avoir
combattu et trahi la France). Dans ses cal-
culs, il resta d'ailleurs bien au-dessous du fa-
meux milliard qui fut attribué à ces transfuges
quelques années plus tard. Baroud était avocat
consultant, et il avait une grande réputation
pour les matières de commerce et de finances.
BAROU-DU-SOLEIL (Pierre-Antoine), ma-
gistrat et littérateur, membre de l'académie
de Lyon, né dans cette ville en 1742, remplis-
sait, avant la Révolution, les fonctions de
procureur du roi, et fut décapité en 1793 pour
avoir participé à la révolte de sa ville natale
contre la République. Sa réputation littéraire
n'était guère fondée que sur quelques traduc-
tions, éloges et mémoires. On a de lui Y Eloge
de Prost de Royer.
BAROULOU s. m. (ba-rou-lou). Bot. Nom
vulgaire du balisier, n On dit aussi baralou.
BAROUS, ville de la Malaisie, sur la côte O.
de Sumatra, cap. du pays des Battas. Marché
pour le camphre, le benjoin et l'or.
BAROCSSE (vallée de) , petit pays dans
l'ancien Nébouzan (Béarn), et dont le princi-
pal village était Mauléon, compris auj, dans
es Basses-Pyrénées.
BAROUTCH, V. BarOTSCHE.
BAROUTOU s. m. ( ba-rou-tou ). Ornith.
Espèce de tourterelle de la Guyane.
BAROYER (Marie-Madeleine, dite Sknédor,
dame), actrice française, née a. Paris le 4 fé-
vrier 1757, morte dans un âge très-avancé,
eut à lutter contre la volonté de ses parents,
qui voulaient la détourner du théâtre vers le-
quel elle se sentait un irrésistible penchant.
Après s'être essayée chez Doyen, a, douze ans,
par le rôle de Lindane dans l'Ecossaise de
Voltaire, elle fut engagée par M"c Montansier
et ne tarda pas à partir pour Versailles, où
eut lieu son grand début devant Louis XV, par
le rôle de Justine dans le Sorcier, opéra de
Philidor. Abordant ensuite la comédie et la
tragédie en même temps que l'opéra , elle
joua pour la première fois un rôle de confi-
dente avec Mfl« Raucourt, et la Femme juge et
partie avec Pré ville. Connue jusque-là sous le
nom de Sénédor, elle se maria, a peine âgée do
quinze ans, à un acteur appelé Baroyer et prit
désormais ce nom. Engagée sucessivement à
Caen,au Havre, à Angers, à Rennes, à Orléans,
à Amiens et dans plusieurs autres villes, avec
des artistes nomades, dont faisait partie la fa-
mille Baptiste, elle se fixa, en 17S4, à Brest, et
devint veuve au bout de trois mois. L'année
suivante, elle rejoignit M'ic Montansier, qui lui
fit parcourir la province, et dont la troupe s'é-
tait augmentée de M,n" Mars et de ses deux
filles: la cadette Hippolyte, qui devait acquérir
une si grande célébrité, sortait du couvent et,
quoique très-jeune, obtenait déjà des succès.
Mil"; Baroyer s'attacha a elle, lui donna quel-
ques instructions et lui fit répéter, entre autres
rôles, celui de Babet dans la Fausse Agnès. Elle
prévoyait déjà le brillant avenir de la jeune
Hippolyte. Lorsque l'événement eut justifié son
attente, elle regarda comme une des gloires de
sa vie d'avoir pu mettre son expérience au ser-
vice d'un aussi admirable talent. En 1789, Mme
Baroyer revint d'Orléans à Paris, et reprit ses
rôles <îe soubrettes dans la comédie et de con-
fidentes dans la tragédie, il côté de M11" Sain-
val, de Grammont et de Damas, Les événe-
ments politiques ayant forcé la Montansier à
quitter le Palais-Royal, une nouvelle salle fut
établie rue Richelieu; un peu plus tard, sa
troupe, renforcée de quelques artistes de la
Comédie-Française, s'installa h l'Odéon. Plus
tard encore, cette fameuse directrice étant
rentrée dans son privilège du théâtre du
Palais - Royal , M»>e Baroyer fut engagée
dans l'emploi des duègnes, qui mit le sceau
à sa réputation. Les Chevilles de Maître
Adam, Quinze ans d'absence, Colalto , Comme
ça vient, comme ça passe, la Servante justifiée,
la Fille mal gardée, la Kosière et une foule
d'autres pièces lui durent en partie leur succès.
Un décret impérial ayant ordonné la fermeture
du théâtre du Palais-Royal, la troupe alla
donner des représentations au théâtre de la
Cité, en attendant la construction de la salle
des Panoramas. Après avoir fourni aux Va-
riétés une longue et brillante carrière, après
avoir donné à ce théâtre trente années de sa
vie d'artiste, MB1C Baroyer se vit menacée d'une
réduction sur ses appointements, et son refus de
consentir à cette réduction la fit mettre à la
retraite. Il lui fut alloué une pension de 900 fr.
avec laquelle il lui eût été difficile de vivre, si
la réouverture du théâtre du Palais-Royal, le
6 juin l83l,neluiavait procuré un nouvel en-
gagement. Elle reparut sur l'ancienne scèno
de ses succès, avec Lepeintre aîné, Régnier,
Sainville et M"e Déjazet, dans les pièces d'ou-
verture, et y créa plusieurs rôles jusqu'à luire
do quatre-vingts ans. Charles X, qui l'avait
connue en 1784, la revit dans la troupe des
Variétés, un jour de représentation à l'Elysée.
Etonné de l'inaltérable jeunesse de son ta-
lent, il lui promit une pension sur la liste civile ;
mais 1830, qui respecta la comédienne, em-
porta le roi et sa promesse.
BAUOZZI (François), jurisconsulte vénitien,
mort en 1471, était parent des papes Eugène IV
et Paul II, professa le droit canon à Padoue,
et devint évêque de Trieste. Il avait laissé un
traité de Cognitionejuris, et divers autres écrits
qui sont restés en manuscrit.
_ BAROZZI (François), littérateur italien, était
d'une famille patricienne de Venise, et flo-
rissait dans là seconde moitié du xvio siècle.
Il s'adonna particulièrement à la philosophie
et aux mathématiques ; mais il y joignit beau-
coup d'autres connaissances, notamment celle
des langues anciennes. Cependant son vaste
esprit et sa science ne le préservèrent point
des préjugés de son temps; non-seulement il
crut aux sortilèges et à la magie, mais il eut la
faiblesse d'y recourir pour connaître l'avenir
et satisfaire ses passions. L'inquisition le fit
emprisonner en 1587. On ignore l'époque de sa
mort. Il a laissé un assez grand nombre d'ou-
vrages sur les mathématiques et la philoso-
phie.
BAROZZI (Jacques), littérateur et mathé-
maticien, neveu du précédent, né probable-
ment à Venise, vivait dans la première moitié
du xvnc siècle. Il a laissé quelques écrits de
mathématiques, des discours latins, des tra-
ductions, etc. Il avait hérité de la riche biblio-
thèque de son oncle, qu'il augmenta encore,
et dont il publia le catalogue à Venise, en
1617. Elle fut acquise après sa mort par un
Anglais, et passa en Angleterre.
BAROZZI (Joseph et Séraphin) , peintres
bolonais, étaient frères et florissaient dans la
seconde moitié du xvme siècle. Ils s'appli-
quèrent à là peinture d'ornement et furent
appelés en Russie, où ils passèrent une partie
de leur vie. Les églises et les palais de Bo-
logne n'en contiennent pas moins une grande
quantité de travaux de ces laborieux artistes.
BAROZZIO ou BAROZZI (Giacomo). V. Vi-
GSOLE.
BARPO (Jean-Baptiste), agronome et géo-
graphe italien du xvue siècle. Il est connu par
les ouvrages suivants : Le DeliMe e i frulti
dell' agricoltura e délia villa ( Venise ; 1633) ;
Descrizione délia città de Bellu.no e suo lerri-
torio (Bellune, 1G40).
BARPours s. m. (bar-pour). Comm. Tissu
croisé en soie et laine, qui se fabrique prin-
cipalement à Amiens et en Saxe, et dont on
se sert beaucoup pour robes de deuil.
barque s. f. (bar-ko — En remontant de
proche en proche la série des étymologios,
nous trouvons en première ligne le terme de
basse latinité barca, puis l'anglais barlc, le
suédois barlc, le hollandais bar/c, l'allemand
barke, l'islandais barkur, le tudesque barlc,
etc. L idendite de ces radicaux est irrécusable,
et voici quelle est leur origine commune. Le
mot barlce, en allemand par exemple, dérive
du verbe bergen, qui signifie cacher ; de bergen
est venu l'anglais barlc, qui signifie écorce,
c'est-à-dire ce qui recouvre, ce qui cache, ce
qui protège l'arbre; or comme, primitive-
ment, les barques étaient de véritables pi-
rogues construites en écorces d'arbres, on
s'est peu à peu habitué à donner à la barque
le nom de fa matière avec laquelle elle était
faite. Quelques exemples lèveront toute in-
certitude à cet égard : En danois barlc, écorce ;
en islandais barkur; en suédois et en anglais
bark, etc Les mots barcarolle l embarca-
tion, ^débarquement, etc doivent être ratta-
chés à cette racine. [V. l'élym. de bourg, qui
appartient;! la même famille]). Petit bâtiment
avec lequel on va sur l'eau : Une barque de
pêcheur. Traverser le fleuve sur une barque.
Elle se jeta dans une barque que des bateliers
lui offraient. (Ste-Beuve.) L'enfance traverse
la vie, comme une barque fragile se joue sans
péril sur une mer sans écueil. (G. de Beaum.)
Notre barque était battue par un gros temps
sur le lac de Garde. (H. Bcyle.)
Passez, seigneur, dit-il, passez sur cette barque.
COBKEILLE.
Notre barque portait César et sa fortune.
C. DELA VIGNE.
. . . . . La barque vagabonde
Fuit, remonte, descend et voltige sur l'onde.
Thomas.
Par la rame emportée, u-ne barque légère
Laisse a peine, en fuyant, sa trace passagère.
Deluxe.
Quel plaisir de mener sur un (lot calme et verl
Une barque légère au rapide sillage!
A. Barbier.
Couverte de sa voile blanche,
La barque, sous son mat qui penche,
Glisse et creuse un sillon mourant.
LAMAI'.TIXr.
— Fig. Moyens de diriger ses actions ; (.■:•■■
semble de la conduite et de la vie :
Par toi ma barque errante et vagabonde
Fut dérobée au caprice de l'onde.
J.-B. Rousseau.
Mon Dieu, que votre oreille alors s'ouvre et m'entende !
Ma barque est si petite, et la mer est si prandel
A. BaizEux.
Il Affaires, intérêts : Diriger, conduire bien ou
mal sa n arque. Je ne suis plus une sotte poule
mouillée; je conduis pourtant toujours ma
BARQur: avec sagesse. (M'-»<= de Sôv.) Il fa'J'
252
BAR
BAR
BAR
BAR
vouloir ce que Dieu veut ; abandonnons-lui le
soin et le gouvernement de notre barque. (Trév.)
Laisser a sa femme le gouvernail de la barque
estime idée excessivement ordinaire. (Balz.) En
tout ce qui concernait la famille, la femme por-
tail le haut-de-c/iausses et dirigeait ta barque.
(Ad. Paul.) Iln'y a plus de pilote assez habile
pour conduire la barque de la France. (Lan-
glois.)
Dieu conduise la barque et la mette h bon port!
Reouard.
De tous trois la vertu pareille et sans seconde
Mérite le timon de la barque du monde.
ROTRQU.
— Navig. Barque longue, Petit bâtiment
non ponté, bas de bord, marchant à voile et
à rames. Il Barque lamaneuse, Barque em-
ployée au Havre pour toute sorte de pêches.
Il Barque d'avis, Barque employée pour mettre
en rapport les divers navires d'une rade ou
d'une escadre, n Barque à eau, Barque em-
ployée pour faire de l'eau sur les côtes. Il
Barque à vivier, Barque aménagée pour le
transport du poisson vivant, n Barque en fa-
got, Ensemble des pièces de bois classées pour
servir à construire une barque.
— Myth. La barque de Caron, la barque fa-
tale, infernale, ou simplement la barque, et
pop. la barque à Caron, Barque qui était
censée porter de l'autre côté du Styx les
âmes de ceux qui venaient d'expirer :
J'ai vu des morts le nocher Itfndbreux
Apprêter sa barque fatale.
LEOttAND d'AUSSY.
Je vois déjà la rame et la barque fatale;
J'entends le vieux nocher sur la rive infernale;
Impatient, il crie ; On l'attend.,
parla force même du courant, ou à l'aide d'ani-
maux attelés qui suivent sur les bords le che-
min dit de halage. Sur les fleuves, trois condi-
tions sont nécessaires pour qu'on y puisse na-
viguer sur des barques et par le seul moyen
des voiles : il faut que l'eau ait une profondeur
suffisante, que le neuve soit assez large pour
permettre le développement des bordées, et
que la pente ne dépasse pas 1 m. 50 sur 600 m,
de longueur.
Barque û Coron (la), vieille et populaire
chanson.
La rime n'est pas riche et le style en est
vieux; de plus, l'auteur de cette chanson de
haulte graisse est inconnu. Deux raisons, ce
nous semble, suffisantes pour rendre inexpli-
cable à la critique l'immense popularité de
ces couplets. Mais il faut reconnaître que, pour
nos pères, moins scrupuleux que nous sur
l'idée et la rime, ces couplets, dus évidemment
à quelque franc viveur, offraient une saveur
gastronomique et bourgeoise, un parfum de at
/tome et de philosophie goguenarde, qui peu-
vent, jusqu'à un certain point, motiver la
transmission séculaire de ce refrain.
Racine.
Il Passer, être passe' dans la barque de Caron,
dans la barque fatale, dans la barque, Mourir :
Elle pourrait bien passer un jeur dans la
barque comme les autres. (M'»<s de Sév.)
Empêcher que Caron, dans la fatah: barque,
Ainsi que le berger ne nasse le monarque.
Boileau.
— Cout. anc. Droit de barque, Dispense de
péage.
— Techn. Sorte do vaisseau rectangulaire
en bois, employé au mordançago des soies, n
Sorte de bassin ou grand baquet pour les
brasseurs.
— Jeux. Les quatre barques, Nom d'un
exercice usité dans les lieux publics, qui
consiste à se faire transporter' à une certaino
hauteur au-dessus du sol, dans des espèces
do petites gondoles fixées aux extrémités des
solives d'une bascule double, à pivot tournant.
L'appareil est mis en mouvement au moyen
d'un système de roues dentées manœuvre
par des hommes. V. Bascui.k.
— Epithètes. Frêle, fragile, légère, agile,
rapide, gracieuse, coquette, tranquille, immo-
bile, muette, silencieuse, mystérieuse, molle,
paresseuse, balancée, bercée, ballottée, agi-
tée, tourmentée, imprudente, errante, vaga-
bonde, submergée, fatale, infernale, funeste,
sombre, nuire.
— Encycl. Il est assez présumable que le
mot barque a dû, dans l'origine, être le terme
générique servant à désigner toute espèce de
construction creuse propre h. voguer sur l'eau,
en portant des hommes et tous les objets plus
ou moins lourds qu'il fallait conserver secs.
Ce qui le prouve, c est la signification générale
donnée au mot embarquer, le seul que four-
nisse la langue pour exprimer l'idée de placer
dans un bateau, dans un navire, un vais-
seau, etc., quelles que soient la forme et les
dimensions du véhicule flottant. Si nous re-
montons aux temps les plus anciens, nous
voyons que les premières barques ne furent
que des troncs d'arbres creusés, aux bords
desquels on ajoutait quelquefois des claies
d'osier que l'on recouvrait de cuir. Chez les
Egyptiens, au rapport de Plutarque, la fouille
de papyrus remplaçait souvent le cuir dans le
bordage des barques. Strabon assure que le
même peuple fabriquait aussi, en terre cuite,
des barques qui n'étaient alors que d'énormes
vases dont les parois servaient, non à contenir
le liquide, mais à l'empêcher de pénétrer dans
l'intérieur. On lit dans Diodoro et dans Quinle-
Curce que les barques dont se servaient les
Indiens étaient fabriquées avec des cannes,
l'iine assure que les Ethiopiens, pour navi-
guer sur le Nil, dans les parties de son cours
où il y a des cataractes, étaient parvenus à
faire des barques qu'ils pouvaient plier comme
un vêtement, pour les porter d'un lieu a un
autre. De nos jours encore, les pirogues des
. peuples sauvages, en Amérique et dans les
lies de la nier du Sud, ne sont que des troncs
d'arbres creusés à, l'aide du feu, ou des tiges
do bambou dont ils enlèvent la moelle, et e est
dans ces fragiles embarcations qu'ils entre-
prennent quelquefois des voyages de 200 h
300 kil. Ailleurs, on voit des barques qui ne
sont que de simples charpentes recouvertes
d'écorce de bouleau; chez les Groënlandais,
ces charpentes sont faites avec des os et as-
semblées ou couvertes avec des peaux, de
poissons.
Aujourd'hui, le nom de barque est donné
d'une manière Spéciale il de petits bâtiments
pontés ou non pontés, carénés et gréés d'un
ou plusieurs mâts, dont on se sert le long des
cotes, dans les ports et sur Ses rivières, près
de leur embouchure. 11 no faut pas confondre
ces barques avec les canots ou les bateaux,
.que l'on fait avancer au moyen de rames, ou
=fcfc£
- geois, dans sa mai - son, Le dos au
feu, le ventre à ta - ble ; Un bon bour-
- geois, dans sa mai - son, Ca--res--sait
un jeu - ne ten dron.
25 Couplet.
Bacchus sera mon capitaine,
Vénus sera mon lieutenant,
Le rôtisseur mon commandant,
Le fournisseur mon portè-ensçigne.
Ma bandoulière de boudin,
Mon fourniment rempli de vin.
3e Couplet.
Quand nous serons dans l'autre monde.
Adieu plaisirs, adieu repas!
SncUeii bleu que nous n'aurons pas
D'aussi bon vin qu'en ce bas monde;
Nous serons quittes d'embarras
Un' fois partis dans ces lieux bas.
4» Couplet.
Après ma mort, chers camarades,
Vous placerez dans mon tombeau,
Un petit broc de vin nouveau,
Un saucisson, une salade,
Une bouteille de Maçon,
Pour passer la barque a Caron.
lîarqnc tia Coron (la), tableau de Joachim
Patenier; musée royal de Madrid (n* 1,031).
Le vieux nocher conduit une âme aux enfers
dans sa barque. L'ange gardien de cette âme
réprouvée se tient, seul et triste, sur le rivage
du fleuve qu'on ne repasse plus. D'".utres
âmes, accompagnées de leurs anges, errent
au loin a travers un paysage verdoyant. Cette
scène, moitié chrétienne, moitié païenne, est
traitée avec cette naïveté charmante et cette
finesse de détails qui distinguent les œuvres
du vieux maître de Dinant.
Barque do saint Pierre (la), image symbo-
lique de l'Eglise, fréquemment représentée
par les artistes du moyen âge. Cinmpini ( Vetcra j
Monumenta,t. II, pi. xxvii) a publié une '
mosaïque du ve ou du vie siècle, provenant de
l'église Saint-Apollinaire de Ravenne, et qui
montre saint Pierre et ses compagnons montés
dans une barque et péchant un gros poisson
dans leur filet. Le même sujet figure sur une
très-belle lampe chrétienne, trouvée dans les
catacombes et publiée par Pietro Santi,Bellori
etBoldetti. Il a été traité par plusieurs artistes
du moyen âge, entre autres par Giotto dans
une mosaïque célèbre sous le nom de la
Navicella ou la Nacelle de saint I'ierre.
V. Naviceli.a.
La barque, symbole de l'Egliso, figure assez
souvent portée sur le dos d'un poisson. On
sait que ee poisson n'est autre que l'emblème
de Jésus-Christ (IX0ÏI). On doit assigner le
même sens, suivant l'abbé Martigny, à un
jaspe publié par le cardinal Borgia (De cruce
Veliterna, 1780), où l'on voit tin pilote, Jésus-
Christ, dont le nom (lyO'Jç) est gravé au revers
de la pierre, et six rameurs, qui en supposent
six autres de l'autre coté, représentation sym-
bolique des douze apôtres. Le musée Napo-
léon III possède une toile fort intéressant!!
(n» 19(1) dont la composition rappelle assez
bien celle de la mosaïque de Saint-Pierre.
Onze apôtres sont dans la barque, dont la voile
est gonflée par le vent; leur physionomie,
leur attitude trahissent leur effroi. Deux dé-
mons, faisant l'office de Borée, soufflent la
tempête. A droite, Jésus-Christ, debout sur
les flots, donne la main à Pierre et semble lui
reprocher son peu de foi. Sur le premier plan,
à gauche , plusieurs religieuses sont age-
nouillées. Sur la barque, on lit une inscription
latine, d'après laquelle cette peinture aurait
été commandée au célèbre Pérugin par les
religieuses d'un couvent; cette inscription est
très-ancienne, mais elle est postérieure h l'exé-
cution du tableau. Il n'est pas douteux, d'ail-
leurs, que le Pérugin n'ait été désigné par er-
reur comme l'auteur de cet ouvrage. Quant à
la peinture elle-même, elle présente, en cer- ,
faines parties, d'étranges discordances. Sui-
vant M. Reiset, le ciel et la mer, les ligures
des religieuses agenouillées et celles des deux
démons , ont été peints probablement à. l'é-
poque où l'on a placé l'inscription , c'est-à-
dire vers 1530, et sont l'œuvre d'un artiste
vénitien.
Bnrqno du Dmiie (la), chef-d'œuvre d'Eu-
gène Delacroix ; musée du Luxembourg-, Ce
tableau, qui fait époque dans l'histoire do l'art
contemporain, a été désigné, au livret du Salon
de 1822, parla notice suivante :« Dante et Vir-
gile, conduits par Phlégyas, traversent le lac
qui entoure les murailles de la ville infernale
de Dite. Les damnés s'attachent à la barque
et s'efforcent d'y entrer. Dante reconnaît parmi
eux des Florentins. » Le ciel est éclairé par
les sinistres lueurs de l'incendie éternel : de
longues flammes, mêlées à des tourbillons de
fumée, rougissent l'horizon. Le groupe des
deux poètes se détache sur ce fond livide.
Dante, vêtu d'une robe bleuâtre, est debout
à l'avant du bateau; il recule épouvanté, et se
presse contre le poète mantouan. Celui-ci, ac-
coutumé depuis longtemps aux horreurs du
Tartare, regarde sans effroi, mais avec une
sorte de mélancolie, les misérables qui se dé-
battent dans les eaux lourdes du lac infernal
et qui s'accrochent avec les mains et les dents
au plat-bord de la barque ; il est enveloppé
d'un manteau rouge, et a la tète, en partie cou-
verte d'une draperie blanche. Cette tête, faite
d'inspiration, est fort belle. Derrière Virgile,
Phlégyas, vu de dos, se penche sur l'aviron,
qu'il ramène avec vigueur ; sa musculature,
contractée par l'effort, a quelque chose de Mi-
chel-Ange, selon l'expression de M. Th. Gautier.
Exposée trois ans après le Jiadeau de la Mé-
duse, la Barque du Danle trahit l'inlluence de
Géricault, qui fut le véritable maître et, pour
ainsi dire, l'initiateur de Delacroix. M. Du Camp
a eu raison de dire que cette influence se fai-
sait particulièrement sentir dans l'attitude de
plusieurs personnages, dans la façon dont les
eaux sont traitées, dans l'effet d'horreur cher-
ché et trouvé. Mais nous devons ajouter que
l'élève dépasse de beaucoup le maître en au-
dace, dans ce parti pris do rompre avec les
routines académiques, avec la manière froi-
dement compassée des élèves de David. Au
point de vue esthétique, comme au point de
vue pittoresque, le jeune artiste arborait fran-
chement le drapeau de la révolution. « Tout à
l'impression de la poésie grandiose de \' Enfer,
dit M. Clément de Kis, Delacroix la reproduisit
toute chaude encore sur la toile. Sa compo-
sition s'explique clairement. Les figures des
deux poètes gardent le caractère propre à leur
poésie : sombre chez Dante, doucement triste
chez Virgile. La vigueur nécessaire dans un
semblable sujet s harmonise heureusement
avec l'ensemble du coloris. Le mouvement,
d'une grande justesse, indique, surtout dans le
torse du damné attaché à la barque, à gauche,
des études singulièrement approfondies chez
un jeune homme. La touche, posée avec une
grande sûreté, est si vigoureuse par places,
que beaucoup de personnes attribuent encore
ce torse à. Géricault, Le dessin, enfin, n'offre
pas cette sécheresse de silhouette de toutes les
productions contemporaines; il est||nveloppé
et fait tourner les figures en les détachant suf-
fisamment et sans dureté sur leurs voisines.
Mais ce qui dut frapper dans cette composition,
c'est l'impression générale, ce sont ces grands
mouvements de 1 imagination auxquels elle
donnait carrière, et que peu de personnes alors
pouvaient être en état de comprendre. « Grand,
en effet, fut l'étonnement du public, plus
grande encore fut l'émotion des académiciens,
à la vue de cette composition énergique d'un
débutant. On assure que le baron Gérard ne
vit pas sans sympathie l'œuvre du jeune au-
dacieux; toutefois, il n'exprima une opinion
favorable sur l'auteur, qu'en y mettant le cor-
rectif suivant : « C est bien; mais il court sur
les toits. » Ce mot, qui partait d'un esprit bien-
veillant, paraîtra sévère à ceux qui, pendant
quarante ans, ont vu Delacroix suivre inflexi-
blement et sans jamais broncher la voie qu'il
s'était tracée à ses débuts. On prête au baron
Gros une appréciation plus louangeuse; il au-
rait ditde la IJarque du Danle: » C'est du Rubens
châtié I » Le grand maître flaindnd n'était
assurément pas l'idole des disciples de David;
pour ces amoureux de la ligne, c'était tomber
dans le dévergondage que d'imiter ce coloriste
fougueux. La Barque du Dante fut l'objet des
critiques les plus violentes; pour en donner
une idée, il suffira de citer ce qu'un partisan
des doctrines davidiennes, un collègue de De-
lacroix à l'Académie des beaux-arts, M. Delé-
elu/e, éT'vait, encore trente-trois ans après
l'apparition de ce tableau : « La Barque, à vrai
dire, n'est guère qu'une esquisse composée et
peinte avec verve ; et ces qualités ivsscz rares
firent fermer les yeux aux connaisseurs sur
les incorrections dont on supposait que le jeune
artiste purgerait ses autres ouvrages. Mais il
en fut toutautrement, et, quand on compare ce
premier tableau de M. Delacroix avec ceux
qu'il a faits en dernier lieu, il est évident qu'il
était en 182?, comparé à lui-même, un dessi-
nateur et un dessinateur puriste. » L'œuvre
vivante, passionnée, du jeune novateur trouva
aussi, il faut bien le dire, des admirateurs con-
vaincus. M. Thiers, qui écrivait alors modeste-
ment le -salon dans le Constitutionnel, porta
sur cette peinture le jugement suivant : « Au-
cun tableau ne révèle mieux, il mon avis, l'a-
venir d'un grand peintre, que celui de M. De-
lacroix, représentant le Dante et Virgile aux
enfers. C'est là surtout qu'on peut remarquer
ce jet de talent, cet élan de supériorité nais-
sante, qui ranime les espérances un peu dé-
couragées par le mérite trop modéré de tout
le reste.... Dans ce sujet, si voisin cependant
de l'exagéralion, on trouve une sévérité de
goût, une convenance locale en quelque sorte,
qui relève le dessin, auquel dos juges sévères,
mais peu avisés ici, pourraient reprocher de
manquer de noblesse. Le pinceau est large et
ferme, la couleur simple et vigoureuse, quoique
un peu crue. L'auteur a, outre cette imagina-
tion poétique qui est commune au peintre comme
à l'écrivain, cette imagination de l'art qu'on
pourrait en quoique sorte appeler l'imagina-
tion du dessin, et qui est tout autre que la
précédente. 11 jette ses figures, les groupe, les
plie à volonté, avec la hardiesse de Michel-
Ange et la fécondité de Rubens. Je ne sais
quel souvenir des grands artistes me saisit à,
1 aspect de ce tableau; j'y retrouve cette puis-
sance sauvage, ardente, mais naturelle, qui
cède sans effort à son propre entraînement. »
La Barque du Dante a été gravée à l'eau-forte
par M. d'Henrietetlithogmphiée par M. Emile
Lassalle. Une suite de dessins et de croquis, en
quarante et une feuilles, reproduisant l'en-
semble et les détails de cette composition, a
figuré à la vente d'Eugène Delacroix, en 1861.
BARQUÉE s. f. (bar-ké — rad. barque).
Charge d'une barque; pleine barque : Une
BARQUÉE de poissons. Une barquéu de prome-
neurs.
BARQUEROLLE s. f. {bar-kc-ro-le — rad.
barque). Petit bâtiment qui ne porte pas de
mât, et qui ne va jamais en haute mer n
Canot do plaisance clés côtes do l'Adriatique.
BARQUEROT s. m. (bar-kc-ro — rad. bar-
que). Autref. Batelier.
BARQUETIN s. m. (bar-kc-tain — rad.
barque). Môtrol. Petite monnaie vénitienne,
ainsi nommée parce qu'elle représentait la
somme que les gondoliers exigeaient pour
passer une personne d'un bord à l'autro d'un
canal.
BARQUETTE s. f. (bar-kè-to — dimin. do
barque}. Petite barque. So dit surtout d'une
embarcation employée sur la Seine, en Nor-
mandie : Mon père me montra seulement le
maniement de la rame à deux mains, le voguer
de la barquette, et il m'envoya gagner ma vie
à Venise, en qualité' d'aide-gondolier. (G. Sand.)
— Espèce de coffre qui servait à porter les
mets chez les officiers de la maison du roi.
— Techn. Sorte de vase rappelant la forme
d'unbateau.
— Art culin. Pâtisscricen formedobarquo.
BARQUIEUS. m. fbar-kieu — rad. barque).
Réservoir pour les lessives, dans les savon-
neries.
BARQU1SIMETO, ville de l'Amérique du
Sud, république de Venezuela, ch,-l, d'une
province de ce nom, a 140 kil. S.-O. de Va-
lencia, 12,000 hab. Récolte et commerce d'in-
digo, de cacao et de café.
BARR, Tjille de France, ch.-l. de canton
(Bas-Rhin) arrond. et il 100 kil. de Schelestadt,
au pied des Vosges ; pop. aggl. 3,080 hab. ;
pop. tôt. 5,094 hab. Brasseries, distilleries
d'eau-de-vie, filatures de coton et de laine,
teintureries, tanneries, briqueteries. Aux envi-
rons se trouvent la montagne de Hohenburg
ou Odilienbourg, où l'on remarque la fameuse
enceinte connue sous le nom de Mur des
païens; les ruines du château de Lamtsperg;
le monastère et la chapelle de Sainte-Odile,
pèlerinage toujours vénéré, et dont les murs
sont couverts d'une multitude d'ex-voto.
BARRA s. m. (ba-ra). Môtrol. Mesure de
longueur pour les étoffes, en Espagne et en
Portugal. Elle vaut 1 m, H3 en Portugal.
BARRA ou BARRAY, lie d'Ecosse, comté
d'Invernoss, dans l'archipel des Hébrides, il
G kil. S. de South-Uist; long. 12 kil., sur 5 kil.
de large. Fabriques de soude de varech, pè-
che de la morue. Il Ville de l'Italie méridio-
nale, ancien roy. de Naples, dans la Calubre
ultérieure, premier district de Reggio, 3,217
hab. l] Ville de l'Italie méridionale, ancien roy.
de Naples, dans la Terre-do-Labour, à 6 kil.
E. de Naples, 5,000 hab. n Etat de la Nigritie
occidentale, au N. de la Gambie ; 200,000 hab. ;
capitale Barra-Idding. Commerce de dents
d'éléphant et de poudre d'or.
BARRA (Pierre), médecin, vivait Ji Lyon
dans le xvnc siècle. Il a donné plusieurs ou-
vrages, où se rencontrent quelques idées re-
marquables pour le temps, entre autres : l.'e
BAR
BA
à
BAR
BAR
253
l'abus de l'antimoine et de la saignée (Lyon,
1064) ; De l'usage delaglace, de ta neige et du
froid (1671 et 1675).
BARRA (Joseph), enfant célébra par son
héroïsme, né à Falaise en 1780, tué a la fin
Je frinrfaire an II. (décembre 1793), apparte-
nait à une famille pauvre et nombreuse qui
était venue s'établir à Palaiseau, près de Ver-
sailles. Le jeune Barra, emporté par cette
lièvre d'héroïsme qui soufflait sur toute la
France à cette glorieuse époque, s'enrôla dans
un régiment qui combattait en Vendée. Il fai-
sait régulièrement passer sa solde à sa mère,
devenue veuve. A l'affaire de C'hollet, il lit
prisonniers deux Vendéens ; mais , entraîné
par son ardeur loin de ses camarades? il fut
entouré d'ennemis qui, prenant en pitié sa
jeunesse, le sommèrent de crier Vive le roi,
Il répondit par le cri de Vive ta république, et
tomba percé de vingt coups de baïonnette, en
embrassant sa cocarde tricolore. Il n'était
âgé que de treize ansl La Convention décréta
que le buste du glorieux erfant serait placé
au Panthéon, et qu'une gravure représentant
son dévouement patriotique et sa piété filiale
serait envoyée à toutes les écoles primaires.
Sa famille reçut une pension de 1,000 livres
(27 frimaire an II). Une députation, en appor-
tant son buste à la Convention, présenta sa
mère, à laquelle le président donna l'accolade
fraternelle (10 prairial).
L'héroïsme du jeune d'Assas républicain fut
célébré en prose, en vers, Sur les théâtres,
dans les écoles, dans les sociétés' populaires,
d :ns les armées, etc. Tout le monde, connaît
la strophe des enfants, dans le Chant du
Départ :
De Barra, de Viala le sort nous fait envie ;
Ils sont morts, mais ils ont vécu.
Le grand statuaire républicain , David d'An-
gers, a exposé au Salon de 1830 une belle sta-
tue de Barra expirant. Cette statue, achetée
tout récemment par le prince Napoléon, est
aujourd'hui au Palais-Royal.
Pour terminer dignement cette courte no-
tice, qui n'est remplie que par une seule ac-
tion, mais une ajtion qui en vaut mille, r.ous
sommes heureux de pouvoir citer les vers
su vants, composés sur la mort héroïque du
jeune Barra, par Jacques Richard, lui aussi
mort très-jeune, à vingt ans, et sur le berceau
duquel la Muse aurait pu dire : Tu Marcellus
erà.'Ces vers seront sans doute le seul sou-
venir que la biographie enregislrera de ce
jeune poète ; c'est pour le Grand Dictionnaire
une raison de leur ouvrir fraternellement ses
colonnes :
Cillait dans les grands jours de notre République,
Quand la' Convention, de sa main héroïque,
Parmi les trahisons, les deuils, la lâcheté,
Conduisait, en chantant, la jeune Liberté.
Elle avait fait un signe, et d'espoir enflammées.
Du sol avaient surgi, soudain, quatorze armées!
Les humbles paysans s'étaient levés héros;
A vingt ans, s'ils vivaient, ils étaient généraux,
Et, s'ils mouraient, martyrs! Tous ces conscrits im-
fberbes
Enfonçaient, d'un seul choc, des régiments superbes.
Aux peuples opprimés ils apportaient leurs lois ;
Des jeunes bras partaient les plus nobles exploits.
Ils étaient revêtes do sales souquenilles,
Mais des coeurs sans pareils battaient sous leurs gue-
nilles!]
A la voix du clairon, aux accents du tambour
Ils pâlissaient de foi, de colère et d'amour.
A leurs lèvres en feu, point de jactances vaines;
C'est un sang généreux qui coule dans leurs veines,
Un sang prompt à sortir et tout prêt à couler!
Ils ignorent comment on fait pour reculer;
La Révolution guide ces volontaires;
Ils marchent derrière elle, intrépides, austères,
Aujourd'hui sur l'Adige et demain sur -le Rhin,
En reprenant en chœur quelque viril refrain !
Au Nord comme au Midi, sur le Rhin, sur l'Adige,
La victoire est leur sœur, et leur nom est prodige.
On répète souvent qu'ils ont froid, qu'ils ont faim,
Mais on n'a jamaisdit qu'ilsaienteu peur. Sans pain,
Sans habits, mais le sein bouillant d'ardentes fièvres,
La république au cœur, la Marseillaise aux lèvres,
Ils vont par tous chemins et luttnnt pour tous droits,
Foulant sous leurs sabots trônes, sceptres et rois.
Un jour, on se battait au fond de la Vendée !
Les Iilancs couvraient la plaine , âpre mer débordée
D'hommes et de chevaux, de canons et de sang.
La Mort rasait le sol, et, de son bras puissant,
Joyeuse, elle couchait les escadrons a terre.
Les Bleus pliaient. — Un d'eux, un pâle volontaire,
Un enfant, les ramène et s'élance... 11 est pris!
Environné soudain de poignards et de cris,
11 voit mille fusils menacer sa poitrine;
Mais un muet dédain a gonflé sa narine!
Il regarde le ciel, et, d'un air exalté,
11 cherche ton divin sourire, ô Liberté!
Il sait qu'il va mourir, et trouve la mort belle.
Que lui fr>nt ces soldats qui l'appellent rebelle?
Du geste il les défie; il est même honteux
Et lâche de paraître hésiter devant eux.
Son dernier lit sera la sanglante broussaille;
C'est la qu'il va mourir! Tout à coup, il tressaille :
Ces mots sont arrivés à son cœur sans effroi :
• Il est sauvé, s'il veut crier : Vive le Roi ! •
Sauvés, ses jours offerts sur l'autel de la France;
Sauvés, ses jours dorés bénis par l'espérance!
Et son bel avenir aux rayons éclatants,
Magnifique et serein comme un ciel de printemps!
Sauvé, son front promis aux lauriers de la gloire
Et que d'ardents baisers pressera la Victoire!
Sauvé, le frais trésor de sa jeunesse en (leur!
Sauvé, ce front naïf ignoré du malheur !
Grands arbres, claires eaux, des bruits et des ramages,
Mille doux souvenirs, mille chères images
Défilèrent an foule a ses yeux éblouis :
Il revit le passé, ses jours évanouis,
Une cabane aux bois, doigts tremblants, tête grise,
Et, filant, sur le seuil sa vieille mère assise;
Le lit aux rideaux verts, l'armoire de noyer,
Et sa petite sœur jouant près du foyer,
Et l'aïeule affaissée, au front mélancolique.
Alors l'enfant cria : «Vive la République! ■
(Il avait quatorze ans), et d'un bras triomphant
Les défenseurs du droit égorgèrent l'enfant!
O Barra! tes pareils étaient grands et sublimes!
Ils marchaient en chantant sur le bord des abîmes,
Ils marchaient, jeunes, fiers, se tenant par les mains,
Et le monde tremblait sous leurs pas surhumains!
Us étaient les soldats de la cause éternelle,
La sainte Liberté les couvrait de son aile,
Le mâle enthousiasme habitait dans leurs seins,
Us parcouraient l'Europe en rapides essaims.
Fougueux, escaladant la gloire au pas de course !
— Nous escaladons, nous, les marches de la Bpurse !
Nous ne connaissons plus ni les désirs brûlants,
Ni les hymnes sacrés, ni les virils élans ;
Jeunes comme eux,Barra,nous sommes moins stolques,
Nous ne brandissons plus dans nos mains héroïques
Que le verre où l'orgie allume ses ardeurs
Et la toque à plumet des joyeux débardeurs.
Si les jours de bataille étaient leurs jours de fête,
Nous avons bien vraiment d'autres soucis en tête!
Et la femme! et le bal! et les daims au hallier!
Us allaient à la mort, nous allons à Bullier.
Barro (Mort de Joseph), statue en marbre
de David d'Angers; salon de 1839. Le jeune
héros , couché à terre , sur le côté gaucho ,
vient de rendre le dernier soupir. Il serre con-
tre son cœur la cocarde tricolore, et tient en-
core , de la main 'gauche , une des baguettes
avec lesquelles il Dattait la charge sur son
tambour. Il semble protester, jusque dans la
mort, de son dévouement à la République;
mais, aucun sentiment de haine n'a altéré la
sérénité de son gracieux visage; comme les
héros antiques , il est tombé en souriant. Da-
vid a fait preuve d'une grande habileté dans
l'exécution de cette statue; il a rendu en par-
ticulier, avec beaucoup de justesse, l'affaisse-
ment du corps que la vie a abandonné. On a
vivement blâmé ce grand artiste d'avoir re-
présenté entièrement nu le jeune tambour;
mais, selon nous, si la vérité historique souffre
de cette concession faite à la manière classi-
que, l'art n'y perd assurément rien. L'enfant,
victime de son patriotisme, s'offre à nous dans
toute la fleur de sa jeunesse, avec les formes
nerveuses et souples d'un adolescent déjà en-
durci aux fatigues de la guerre. Nous faisons
des vœux pour que cette belle statue, qui ap-
partient au prince Napoléon , figure un jour
dans- les galeries historiques de Versailles ; elle
a sa place marquée dans ce musée dédié A
toutes les gloires de la France.
BARRA (N...), homme politique, était com-
missaire prés l'administration centrale des
Ardennes, lorsqu'il fut nommé député au con-
seil des Cinq-Cents. Il coopéra très-active-
ment au coup d'Etat du 18 brumaire, comme
secrétaire de l'assemblée, fut ensuite nommé
membre de la commission intermédiaire char-
gée d'organiser le nouveau gouvernement,
entra au tribunat, appuya ïe maintien de là
Confiscation des biens des émigrés, et montra,
dès lors, une indépendance républicaine qui
le fit éliminer en 1802. Il ne reparut plus de-
puis sur la scène politique.
BARRA (Arc de triomphe de), élégant mo-
nument romain à une seule arcade, situé près
de Vendrell en Catalogne, et que l'on suppose
avoir été érigé en l'honneur de Trnjan ; chaque
face est ornée de quatre pilastres d'ordre co-
rinthien ; mais une partie des angles de l'en-
tablement a été détruite.
BARRABAND (Pierre-Paul), peintre d'oi-
seaux, né à Aubusson en 1767, fils d'un ou-
vrier de la manufacture de tapis de cette
ville, mort en 1809. 11 a fourni de belles
planches pour les ouvrages de Le Vaillant,
pour le Buffon de Sonnini, V Histoire des in-
sectes de Latreille, le magnifique ouvrage sur
l'Egypte} et pour diverses autres publications.
11 a aussi donné de nombreux dessins pour la
manufacture de Sèvres, décoré la salle à
manger de Satnt-Cloud, et exécuté d'autres
travaux d'une exquise perfection. En janvier
1807, il avait été nommé professeur à l'école
des arts de Lyon.
BARRACKPOUR, ville de l'Indoustan anglais,
présidence et à 25 kil. N. de Calcutta, sur la
rive gauche de l'Hougly; cantonnement mili-
taire ; belle maison de campagne du gouver-
neur général de l'Inde.
BÀRRACOL s. m. (ba-ra-kol). Iclithyol.
Nom vulgaire d'une espèce do raie, appelée
aUSSi M1RAILLET.
BARRADAS (Sébastien), jésuite et théologien
portugais, né à Lisbonne en 1542, mort en
1015. Il professa longtemps avec éclat, à
•Coïmbre et a Evora, et se livra ensuite au
ministère de la prédication avec un zèle si
aident, qu'on le surnomma l'apôtre du Por-
tugal. Ses œuvres ont été réunies en 4 vol.
in-fol. (Anvers, 1617, et Cologne, 1620).
Bnrrndal (LA FORTUNE DE). Allus. hist. For-
tune de peu de durée. Barradat étaitun mignon
de Louis XIII. Sa faveur no dura pas plus de
six mois ; « et c'est de là, dit le Ménagiana,
que la fortune de Barradat passa eh proverbe
pour une fortune de peu de durée. » Le sujet
de la disgrâce de ce favori est fort plaisant.
Il était un jour à la chasse avec le roi, lorsque,
le chapeau de ce prince étant tombé, il alla
justement sous le ventre du cheval de Barra-
j dat. Dans ce moment-là , ce cheval « étant
venu à pisser » gâta tout le chapeau du roi,
qui se mit dans une grande colère, comme si
le malheureux gentilhomme l'avait fait exprès.
Cet accident, qui en aurait fait rire un autre,
fut pris en très-mauvaise part par le roi, qui
commença, dès ce temps-là, à ne plus aimer
Barradat.
BARRADIS s. m. (ba-ra-di — rad. barrer).
Agric. Clôture de pieux.
BARRA-DO-RIO-GRANDE, ville du Brésil,
province de Pernambouc, au confluent du Rio-
Grande et du San Francisco; 6,000 hab. il
Barra-do-RiO-NbGro, ville du Brésil, dans la
province de Para, à 4 kil. O. du confluent du
Rio-Negro avec le fleuve des Amazones ;
8,500 h. Il Barra-do-Rio-daS-Vei>has , bourg
du Brésil, province de Minas-Geraes, au con-
fluent du Rio-das-Velhas et du San Francisco ;
3,200 hab. Commerce considérable et entrepôt
de sel, qu'on tire des salines des bords du San
Francisco.
BARRA-DUC1S, nom latin de Bar-le-Duc.
BARHAFItANCA. bourg de Sicile, province
de Caltanisetta, district de Piazza; G,000 hab.
BARRAGE s. m. (ba-ra-je — rad. barrer).
Action de barrer : Le darrage d'une rue. Il
n'est qu'un moyen d'empêcher l'envahissement
de ce port, c'est d'en opérer le barrage.
— Obstacle artificiel au moyen duquel on
coupe un cours d'eau, une voie de communi-
cation .- Intercepter le passage d'une rue au
moyen d'un barrage. Etablir un barrage dans
unerimère. Barrage fixe. Barrage mobile. Bar-
rage écluse. Ce fut pour moi comme ces fissures
par lesquelles jaillissent les eaux contenues
dans un barrage invincible. (Balz.) On n'en-
tendait que le sifflement de la brise et le fracas
de la Sèvre, qui se brisait contre les barrages.
(J. Sandcau.) Assises sur des bases énormes et
élevées jusqu'aux deux, ou plutôt jusqu'aux
nuages, Jes pyramides n'étaient évidemment pas
de simples barrages. (J. Lecomte.) il Massif
de roches qui coupe une rivière clans toute sa
largeur.
— Par anal. Obstacle naturel dont on peut
profiterpour intercepter les communications :
Candie, ce magnifique barrage qui clôt la mer
Egée, fermant aux Turcs la sortie de l'Archi-
pel et l'entrée de la Méditerranée. (V. Hugo,)
— Barrière qu'on ne peut passer sans payer
un droit : On multipliait les barrages pour
accroître les revenus.
— Féod. Droit de barrage, Droit perçu par
le seigneur sur toute personne, cheval, char-
roi et marchandise qui passait sur sa sei-
gneurie, et ainsi appelé de la barre qui tra-
versait le chemin pour empêcher le passage
jusqu'à ce qu'on eût payé. Il Droit d'entrée
perçu au profit du roi, aux portes de certai-
nes villes.
— Comin. Linge ouvré de Caen : Du bar-
rage fin. Du petit barrage.
— Mus. Appareil de barres que l'on place
sous la table d'un instrument à cordes, pour
en augmenter la sonorité.
— Encycl. Hist. Les barrages sont des con-
structions solides établies en travers d'un cours
d'eau , pour en hausser le niveau. Tantôt le
but qu'on se propose est d'obtenir une chute
qui puisse servir do force motrice, comme
lorsqu'il s'agit d'établir un moulin ou tout au-
tre système de machines mises en mouvement
par une grande roue ; tantôt on veut simple-
ment augmenter la profondeur de l'eau pour
la rendre navigable , ou bien on veut la laire
monter à la hauteur nécessaire pour qu'elle
puisse ensuite se distribuer, par des canaux,
artificiels, dans les lieux où le besoin d'eau se
fait sentir. Les barrages ont été connus dèsia
plus haute antiquité. Suivant Hérodote, les
eaux du fleuve Acès étaient retenues par un
barrage et se déversaient dans un vaste réser-
voir, dont les habitants de la Cliorasmie ti-
raient de grands avantages. Aboulféda parle
d'une levée que les Persans avaient construite
près de Tostar, pour exhausser les eaux d'une
rivière voisine , qui se trouvaient au-dessous
du sol de cette ville. Une forte muraij.'.e fut
construite par Chah-Abbas , près de Cachan ,
pour retenir les eaux d'une autre petite ri-
vière ; les dimensions de cette muraille étaient
considérables; elle avait 36 m. de longueur,
1G m. de hauteur et 10 m. d'épaisseur. Il y
avait, au pied de cette muraille, une écluse
qu'on ouvrait quand on voulait faire entrer les
eaux dans la place. C'est aussi au moyen de
barrages qu'on a pu former, dans la forêt de
Belgrade, des réservoirs qui peuvent être con-
sidérés comme des lacs. Enfin , on a quelque-
fois confondu avec les barrages d'immenses
digues élevées dans le but d'empêcher les
inondations causées par les rivières. Telle fut
la digue de Saba ou de Mareb, construite par
les Arabes au ne siècle av. J.-C, pour pré-
server la ville des torrents qui descendaient
des montagnes, et qui fut rompue trois siècles
plus tard. Tels furent encore les travaux en-
trepris par Alexandre le Grand, pour conte-
. nir les eaux du lac Kadis , près d'Emèse en
Syrie, selon le récit d' Aboulféda
On distingue des barrages fixes et des bar-
rages mobiles, et, parmi ces derniers, on eom p!o
quatre systèmes différents :
If I,o 6niTflj;e-pei'tuis à barre tournante.
V. Pertuis.
2o Barrage à aiguilles ou à fermettes. V.
Fermette.
On distingue encore le barrage à hausses
et le barrage à planchettes.
Ils sont placés près des écluses, à de rares
exceptions près , à- Decize sur la Loire , par
exemple.
— Admin. Pour l'établissement des barrages
sur les cours d'eau , il y a lieu de distinguer
s'il s'agit de cours d'eau classés au nombre
des dépendances du domaine public, tels que
les fleuves, rivières et canaux navigables et
flottables, ou de simples cours non navigables
ni flottables , que l'ensemble de notre législa-
tion et la jurisprudence considèrent comme
susceptibles de propriété privée.
Dans le premier cas , la faculté d'établir un
barrage est essentiellement subordonnée aux
règlements d'administration publique en vi-
gueur, ou que l'autorité supérieure juge à
propos d'édicter. Elle ne peut s'obtenir qu'au
moyen d'une concession formelle; c'est au pré-
fet, comme chargé de la police des rivières na-
vigables et flottables et autres cours d'eau
accessoires, qu'il faut, à cet effet, s'adresser.
Le même fonctionnaire serait, par cela même,
compétent pour ordonner la destruction ou
la suspension des ouvrages d'un barrage con-
struit ou entrepris sans autorisation , soit par
ce motif seul , soit parce que \eubarrage serait
offensif contre l'une des rives, soit parce qu'il
serait contraire à des titres administratifs de
concession , soit enfin par des motifs d'u-
tilité publique. Le défaut d'autorisation con-
stituerait d ailleurs, pour le constructeur, une
contravention de grande voirie, qui le rendrait
justiciable du conseil de préfecture, et passible
des peines portées par l'ordonnance d'août 1669,
l'arrêté du 19 ventôse an VI , la loi du 29 flo-
réal an X, et les décrets du 16 décembre 1811
et du 10 avril 1812. La règle ne souffrirait pas
exception , même au cas où le riverain
constructeur invoquerait cette circonstance
que les eaux de la rivière étaient élevées et
pouvaient le menacer de dommages. Il y au-
rait peut-être là une excuse; il n'y aurait pas
de justification. C'est ce qu'a jugé un arrêt du
conseil d'Etat, du 23 janvier 1S20. D'après la
même jurisprudence, consacrée par de nom-
breux arrêts, les mêmes principes s'appliquent
également aux bras non navigables et secon-
daires des rivières et canaux, dont ils forment
une dépendance. On doit les assimiler au bras
principal.
Relativement aux cours d'eau qui ne sont
ni navigables, ni flottables, la faculté de bar-
rage est soumise à un régime moins sévère.
Du principe que ces cours d'eau sont considé-
rés comme étant plutôt la propriété des rive-
verains que des dépendances du domaine pu-
blic, il suit évidemment que les riverains ont
un droit, en quelque sorte, primordial d'y faire
les ouvrages qui leur sont utiles. Il faut se
garder de croire, toutefois, que ce droit soit
absolu, et puisse s'exercer entièrement et ex-
clusivement à la volonté de celui à qui il pour-
rait servir. La nature des choses indique ici,
d'abord , qu'à côté du droit privé qui peut ap-
partenir au riverain, doit subsister, dans toute
sa force, le droit de police, dont l'administra-
tion ne peut jamais être dessaisie sur tout ce
qui peut être une cause de danger pour la
sécurité publique , et il est incontestable que
les cours d'eau doivent être rangés dans cette
catégorie. Il y a plus encore : îles administra-
tions de département (porte la loi des 12-20
août 1700, ch. vi) doivent rechercher et indi-
quer les moyens de procurer le libre cours des
eaux ; d'empêcher que les prairies ne soient
submergées par la trop graede élévation dos
écluses des moulins et par les autres ou-
vrages d'art établis sur les rivières ; de diri-
ger enfin, autant qu'il sera possible, toutes les
eaux do leur territoire vers .un but d'utilité
générale, d'après les principes de l'irrigation.»
Le préfet, dans chaque département, a donc,
en première ligne, le droit de réglementer
d'une manière générale la construction des
barrages, d'en ordonner même l'établissement
ou la destruction, dans l'intérêt général
des propriétaires riverains et de l'ordre pu-
blic. Une différence caractéristique sépare
< néanmoins ce cas du précédent. C'est que,
1 tant qu'il n'y a pas règlement, le principe
est .que le riverain conserve sa liberté et
l'usage du droit de propriété qui lui est re-
1 connu. Les contraventions aux règlements
j existants ne peuvcntd'ailleurs être poursuivies
! qu'en simple police. Le pouvoir du préfet ne
I peut , .du reste, s'exercer que dans le cercle
des hautes considérations qui le lui font attri-
buer, c'est-à-dire que lorsqu'il s'agit de l'in-
térêt général ou de l'ordre public : ainsi , il
n'appartient pas à un préfet d'autoriser un
barrage d'irrigation au profit d'un particulier,
surtout s'il y a opposition fondée en titres de
la part d'autres particuliers (conseil d'Etat ,
14 décembre 1825). Il ne lui appartient pas
davantage d'ordonner , sur la demande de
quelques-uns des riverains d'une rivière non
navigable , la démolition d'un barrage pour la
pêche élevé par un autre riverain (conseil
d'Etat, 12 avril IS12). Les contestations de
' cette nature, lorsqu'elles se présentent, àppar-
I tiennent essentiellement à la juridiction de»
254
BAR
ÉAR
ÈAR
BAR
tribunaux ordinaires. Remarquons encore
qu'au préfet seul, d'après les termes ci-dessus
reproduits de la loi des 12-20 août 1790 , ap-
partient le pouvoir de réglementer les travaux
de barrage. L'autorité municipale est ici sans
attributions, et, sauf le cas de péril imminent,
ne saurait avoir à intervenir en rien. Ainsi ,
un maire est sans pouvoir aucun pour pren-
dre à ce sujet des arrêtés, soit, par exemple,
dans l'intérêt de l'arrosage des prairies voisi-
nes , soit encore sous le prétexte que , dans
une saison de sécheresse; il importe que l'eau
coule dans la rivière , pour arrêter éventuel-
lement les incendies. De pareils arrêtés sont
nuls , comme empiétant sur l'autorité du
préfet.
Dans les cas où les riverains ne sont liés
par aucun règlement administratif, la faculté
pour eux d'établir des barrages n'est plus su-
bordonnée qu'aux principes ordinaires du droit.
Ainsi, le riverain qui est propriétaire des deux
rives d'un petit cours d'eau , peut incontesta-
blement établir sur ces deux rives un barrage
pour élever les eaux nécessaires a l'irrigation
de ses propriétés. Mais , comme en même
temps il ne saurait tirer de cette faculté un
droit de causer des dommages aux propriétai-
res inférieurs ou supérieurs, il doit disposer
son barrage de manière à ce que le mouve-
ment de flux et de reflux que peut occasionner
l'élévation des eaux soit exclusivement res-
treint dans les limites de ses propriétés. Celui
qui n'est propriétaire que d'une rive , ne peut
appuyer son barrage sur la rive opposée
qu'avec le consentement du propriétaire de
celle-ci. x
— ■ Barrage du Nil. Un ingénieur français,
M. Mougel, soumit, en 1843, au pacha d'Egypte
Méhéinet-Ali, le projet de construire un im-
mense barrage à la pointe méridionale du
Delta, à l'endroit où le Nil se partage en deux
bras, dont l'un se dirige à l'B. vers Damietto
et l'autre à l'O. vers Rosette. On dit que Na-
poléon 1er avait eu la pensée de ce barrage,
qui suffirait à fertiliser deux millions de fed-
dans d'une terre que la sécheresse du climat
rend presque entièrement stérile : un feddan
équivaut environ à. 42 arcs. Méhémet-Ali
comprit aussitôt toute l'importance d'une pa-
reille proposition, et, quoique la dépense fût
évaluée à 50 millions de francs, quoique tous
ses ministres regardassent cette entreprise
comme une folie, malgré les intrigues poli-
tiques que des rivalités jalouses cherchèrent
à ourdir, le vieux pacha (il avait alors quatre-
vingts ans) donna l'ordre de commencer les
travaux et de les poursuivre avec la plus
grande activité : on y employa 21,000 ou-
vriers et 22 machines à vapeur. En janvier
1850, le pont-barrage était construit aux trois
quarts ; les travaux s'étaient ainsi continués
un an encore après la mort du pacha, et
quelles que fussent les difficultés provenant
du fleuve lui-même ou du terrain, tout d'al-
luvion, qu'il fallait rendre solide, ils allaient
bientôt être menés à terme. Malheureusement,
Abbas, successeur de Méhémet-Ali, ne put
ou ne voulut pas les continuer; après lui,
Saïd-Pacha les a fait reprendre, mais avec
peu d'activité. Lorsqu'ils seront achevés,
non-seulement la basse Egypte sera fertili-
sée, mais encore les deux branches du Nil
seront constamment navigables, tandis qu'elles
ne le sont que pendant une faible partie de
l'année, et les deux villes les plus impor-
tantes de l'Egypte, Le Caire et Alexandrie,
seront largement alimentées d'eau dans toutes
les saisons.
Voici une description sommaire de cet im-
portant barrage, tel que les travaux actuelle-
ment exécutés le présentent à l'admiration
des voyageurs. Nous l'empruntons à M. Ch.
Dezobry [Dictionnaire général des lettres, des
beaux-arts, etc.)
« C'est un immense pont écluse, de 134
arches, dont 72 fii le bras de Damiette, et
62 sur celui de Rosette. Un quai circulaire, de
1,500 mètres de développement, raccorde la
pointe du Delta sur ces deux ponts, dont les
arches, légèrement ogivales, ont 5 mètres
d'ouverture. Il y a, à chaque extrémité, près
de ta culée extérieure, une arche marinière
de 15 mètres, avec deux écluses successives.
Les piles mesurent 2 m. 34 d'épaisseur et
sont munies, en amont, d'avant-becs d'une
saillie à peu près équivalente à la profondeur
de chaque arche. Une petite tour quadrangu-
laire et crénelée s'élève à l'aplomb de chaque
pile. Une sorte de forteresse, avec quatre
grandes tours, forme l'entrée des ponts à cha-
cune de leurs extrémités. La fermeture, des
arches s'effectue au moyen de poutrelles des-
cendues à tête d'amont. La longueur totale du
pont est de 1,000 m. 50, dont 538 m. 20 sur le
bras Damiette et 46S m. 30 sur l'autre bras.
Toute la construction est exécutée en pierres
de taille, pour les têtes des cintres, les encoi-
gnures et les saillies des tours, et le reste en
briques. En amont du barrage s'ouvrent trois
superbes canaux d'irrigation, qui porteront au
loin les eaux fécondantes du neuve : l'un
traverse le Delta du S. au N. dans toute sa
longueur, et mesure 100 m. de large ; le se-
cond, d'une largeur égale, se détache de la
rive droite du bras de Damiette, et se dirige à
l'E. entre l'Egypte et la Syrie ; le troisième,
large seulement de C0 m., part de la rivo
gauche du bras de Rosette et s'avance, à l'O.,
du côté d'Alexandrie. ■
BARRAIRON (François-Marie-Louis), direc-
teur général de l'enregistrement et des do-
maines, né à Gourdon (Gascogne) en 1740,
mort en 1820. Directeur des domaines au
commencement de la Révolution, il servit suc-
cessivement tous les gouvernements qui se
sont succédé, avec la même indifférence d'o-
pinion et la même fidélité à ses propres inté-
rêts. C'était, d'ailleurs, un administrateur de
premier ordre, et il a laissé de longs souve-
nirs dans la carrière qu'il a parcourue. Im-
muablement ministérial et gouvernemental,
député de 1816 à 1820, nommé comte par
Louis XVIII, il jouit de la faveur 'de ce prince
comme il avait joui de celle de Napoléon et
des terroristes.
BARRAL (l'abbé Pierre), littérateur, né à Gre-
noble, mort à Paris en 1772. On distingue par-
mises ouvrages, empreints de partialité jansé-
niste, le Dictionnaire historique, littéraire et
critique des hommes célèbres (1758), qu'on a
nommé le Martyrologe du jansénisme fait par
un convulsionnaire ; Dictionnaire portatif,
historique, géographique et moral de la Bible
(175G) ; Dictionnaire des antiquités romaines
(17G6), traduit et abrégé du grand dictionnaire
de Pitiscus; Sevigniana (175G, plusieurs fois
réimprimé); divers ouvrages de controverse ;
enfin, une édition des Mémoires historiques et
littéraires de l'abbé Goujet (1767). Malgré
l'ardeur de ses opinions jansénistes, l'abbé
Barrai se fit admirer de ses ennemis eux-mê-
mes par la noblesse de son caractère.
BARRAL ( Jean-Sébastien-François de ) ,
évêque de Castres, né à Grenoble en 1710,
mort en 1773. Il avait des opinions ultramon-
taines fort prononcées. Une circonstance de
sa vie est surtout connue : En 1757, lors de
l'attentat de Damiens, au lieu d'ordonner des
prières, comme tous les évoques de France,
il se contenta de faire écrire par son secré-
taire l'étrange circulaire que voici : « Vous
avez sçu Yaccident du roi. Monseigneur me
charge de vous dire qu'il n'a pas eu de suites
fâcheuses. Ainsi, vous pouvez être tranquille.»
Cette laconique circulaire épiscopale causa
alors un véritable scandait).
BARRAL (Joseph-Claude-Mathias de), évê-
que de Troyes, frère du précédent, né à Gre-
noble en 1714, mort en 1791. Sacré évêque
de Troyes en 1761 , il montra beaucoup
d'intolérance envers les adversaires de la
bulle Unigenilus. En 1778, lorsque le corps
de Voltaire fut transporté à l'abbaye de Sel-
lières, qui dépendait du diocèse de Troyes, ce
prélat écrivit à l'abbé Mignot, pour lui en-
joindre de ne pas recevoir ces restes glorieux.
En l'absence de l'abbé, le prieur répondit à
l'évoque une lettre ferme et sensée, qui était
une leçon de charité et de modération, et lui
annonça en même temps que Voltaire avait été
inhumé dès la veille.
BARRAL (Pierre), ingénieur, né h Seyssins
(Isère) en 1742, mort en 1826. Il fut employé
en Corse comme ingénieur militaire, de 1709
à 1788, devint ingénieur en chef, inspecteur
général, chef de brigade du génie, entiii com-
mandant du corps des ingénieurs des ponts et
chaussées a l'armée d'Italie. Il prit sa retraite
en 1801. Il a donné plusieurs ouvrages, entre
; autres : Mémoire sur l'histoire naturelle de
Vile de Corse (1783) ; Mémoires sur les roches
coquillières trouvées à la cime des Alpes dau-
phinoises (1813).
! BARRAL (Joseph-Marie de), connu aussi
] sous le nom do marquis de Alontferrat. Ma-
J gistrat et homme politique, né à Grenobla on
1742, mort en 1828. Il était, au moment de la
Révolution, président à mortier au parlement
du Dauphiné ; il accueillit avec faveur le régime
nouveau, fut élu a de nombreuses fonctions,
écarté un moment, en 1789, par le décret re-
latif aux ex-nobles, mais bientôt réclamé par
la ville de Grenoble, qui le proclama digne du
nom de sans-culotte, bien qu'ayant appartenu
à la caste privilégiée. Il fut alors nommé pré-
sident du tribunal criminel militaire de Gre-
noble (1794), administrateur de la commune
(95), juré près la haute cour de justice,
maire de Grenoble (1800), fonctions qu'il avait
déjà remplies en 90 et sous la Terreur, prési-
dent du tribunal d'appel de l'Isère, député an
Corps législatif (1804), enfin premier président
de la cour impériale (1811). Napoléon, qu'il
servit avec zèle, le créa comte de l'empire.
En 1814, l'ancien marquis sans-culotte se ral-
lia avec enthousiasme aux Bourbons, mais
n'en fut pas moins dépouillé de son siège à la
cour de Grenoble. — Son fils, Charles-An-
toine, né à Grenoble en 1770, fut un militaire
distingué, dont le nom est plusieurs fois cité
avec éloge dans les Victoires et conquêtes.
BARRAL (Andrc-Horace-François, vicomte
de), général, frère du précédent, né à Gre-
noble en 1743, mort en 1829. Il servit dans la
guerre de Sept Ans, fut ensuite employé, sous
les ordres de Bourcet, à la reconnaissance de
la chaîne des Alpes, depuis le col de Tende
jusqu'au mont Saint-Gothard, lit les premiè-
res campagnes de la Révolution, mais se re-
fusa à aller servir dans la Vendée, et se décida
à ômigrer. Après le 18 brumaire, le premier
consul, auquel il était un peu allié (il avait
épousé une cousine de Joséphine), lui con-
serva son grade de général. Il fut préfet du
Cher, de 1805 à 1813, et son administration a
laissé dans ce département les plus honora-
bles souvenirs. Il vivait dans la retraite en
1815, lorsqu'à la nouvelle de l'invasion il se
mit à la tête d'une poignée de volontaires,
malgré ses soixante-douze ans, et défendit
vaillamment le poste des Echelles. — Son fils,
Hippolyte, comte de Barrai, né en 1788, mort
en 1856, fut page de Napoléon, prit part aux
campagnes de l'empire, vécut dans la retraite
sous la Restauration, remplit quelques fonc-
tions municipales dans l'Isère sous Louis-Phi-
lippe, et fut appelé à siéger au Sénat après le
coup d'Etat du 2 décembre.
BARRAL (Louis-Mathias, comte de), arche-
vêque de Tours, né en 1746, mort en 181G,
était coadjuteur de l'évêque de Troyes, son
oncle, au commencement de la Révolution. Il
refusa d'adhérer à la constitution civile du
clergé et quitta la Franco, où il ne rentra
qu'après le 18 brumaire. Il donna alors sa dé-
mission, avec quarante-quatre autres évêques,
afin de hâter la conclusion du concordat. Son
dévouement à Napoléon lui valut l'évêché de
Meaux en 1802, l'archevêché de Tours en 1805,
le titre de sénateur en 180G, et les fonctions
de premier aumônier de l'impératrice José-
phine, dont il prononça l'oraison funèbre en
1814, ce qui ne l'empêcha pas, deux jours
après, d'être appelé à la pairie par Louis XVIII.
Mais ayant officié pontificalement à l'assem-
blée solennelle du champ de mai, le 1" juin
1815, M. de Barrai ne crut pas pouvoir con-
server ses fonctions archiépiscopales, et fut
déclaré démissionnaire, à la seconde rentrée
des Bourbons.
BARRAL (Jean- Augustin), chimiste et phy-
sicien, né à Metz en 1819. 11 entra dans l'ad-
ministration des tabacs, au sortir de l'Ecole
polytechnique, parvint à isoler l'alcali puis-
sant qu'on soupçonnait déjà dans la feuille de
tabac (nicotine), fut nommé, en 1845, répéti-
teur de chimie à l'Ecole polytechnique, et,
depuis 1851, professe la chimie et la physique
au collège Sainte-Barbe. En 1850, il entreprit
avec M. Bixio deux voyages aérostatiques ex-
trêmement périlleux, et qui ne furent pas sans
résultats pour la science : il s'agissait d'obser-
ver les variations de la température et le degré
d'humidité de l'atmosphère, et de recueillir de
l'air à différentes hauteurs. Au premier vo\-age,
une rupture survint à leur ballon, à l'altitude
de 5,900 mètres; au second, les conditions
atmosphériques lurent des plus désavanta-
geuses. Les deux savants s'élevèrent à 7,000
mètres environ, hauteur où le thermomètre
descendit à 39 degrés au-dessous de zéro.
M. Barrai s'est spécialement occupé des ap-
plications de la science à l'agriculture, et il a
lait beaucoup de travaux et d'expériences
sur la chimie agricole. Il dirige aussi le Jour-
nal d'agriculture pratique, et il a publié un
grand nombre de mémoires et de notices dans
les recueils scientifiques. Les principaux ont
pour objets la précipitation de l'or à l'état
métallique, la constitution des faïences émail-
lées, la puissance magnétique des aimants
artificiels, la dorure galvanique, la composi-
tion chimique de l'eau de pluie, la fabrication
du beurre, la théorie des engrais, etc.
F. Arago l'a désigné, en mourant, comme
éditeur de ses œuvres complètes.
BARRALET s. m. (ba-ra-lè). Bot. Nom
vulgaire du muscari.
BARRALIER (Honoré-François-Noel-Domi-
nique), adolescent remarquable par sa préco-
cité intellectuelle, né à Marseille en 1805,
mort en 1821. A cet âge, il avait déjà terminé
son éducation classique et se préparait à aller
à Poris, pour s'y livrer à l'étfide des langues
orientales, lorsqu'un bain, pris imprudemment
au sortir de table, lui fit contracter une ma-
ladie mortelle. 11 avait composé plusieurs ou-
vrages qui annoncent une remarquable matu-
rité d'esprit. On n'a imprimé que le suivant :
Discours sur l'immortalité de l âme (Marseille,
1822).
BARRANCO s. m. (ba-ran-ko). Nom que
l'on donne, au Mexique, à de grands ravins
causés par les eaux d'orage.
— Encycl. Dans certaines parties du Mexi-
que, les barrancos prennent des proportions
gigantesques. Ce sont tantôt dû véritables
vallées séparées par des dos d'âne, ou con-
tre-forts du plateau des Cordillières, tantôt do
simples crevasses bordées par des parois à
pic, mais dont le niveau inférieur atteint jus-
qu'à l kil. do largeur. Il y a des barrancos
de plusieurs mille pieds de profondeur. Vous
êtes dans la zone tempérée, et le fond du pré-
cipice est à la chaleur de la zone torride ; du
haut d'un plateau où croissent tous les pro-
duits de terre froide, vous voyez à vos pieds
la verdure, des bananiers, des orangers char-
gés de fruits, et toute la végétation tropicale.
BARRANT (ba-ran). Part. prés, du v. Bar-
rer : Nul homme ne m a, jamais trouvé barrant
ses vues. (Beaumarch.)'
BARRAS s. m. (ba-rass). Suc résineux qui
découle des incisions qu'on fait sur certains
pins, et qu'on laisse sechor sur place pendant
l'été : Le barras s'appauorit par le temps.
(A. Boitel.) Lorsque le barras est fluide, on
le nomme galipot. (Jussieu.) il Barras marbré,
Partie grossière de la même résine.
— Bot. Espèce de pin connu aussi sous le
nom do PIN DE GENÈVE.
— Encycl. Lorsqu'on a fait sur le tronc du
pin maritime une ou plusieurs entailles, et
que la résine proprement dite s'est écoulée, il
reste Sur l'entaille un produit solide, une sorte
de résine concrète, qu'on appelle barras;
c'est un corps solide, blanc opalin, d'un éclat
vitreux et d une adhérence visqueuse. Ordi-
nairement, on laisse le barras s'accumuler
pendant neuf mois, et on ne le récolte qu'une
seule fois dans l'année, au mois de novembre,
quand la sécrétion résineuse a cessé par suite
de l'abaissement de la température. C'est là
une pratique vicieuse. Exposé en plaques
minces, pendant les trois quarts de l'année, à
l'air et à la chaleur, le barras, par suite de
l'évaporation et de l'oxygénation, perd pres-
que toute son essence, c'est-à-dire sa partie
la plus précieuse. De plus, cette concrétion,
qui finit par occuper toute la surface de l'en-
taille, retarde la marche de la nouvelle ré-
sine, qui reste beaucoup plus longtemps expo-
sée au contact de l'air; il en résulte que les
longues entailles ne produisent plus que du
barras, produit inférieur à la vraie résine ou
gomme. On obvie à ce double inconvénient :
1<> en employant des réservoirs mobiles, qui
ne permettent la production du barras que sur
une faible étendue; 2° en récoltant ce barras
plusieurs fois dans l'année. Pour cela, on le
détache de l'entaille à l'aide d'un outil appelé
barrasquita, et on le fait tomber en plaques
sur une toile tendue au pied de l'arbre. Quel-
quefois on le trie pour en faire deux sortes
ou qualités; la première et la plus estimée sa
compose des plus gros morceaux ; la seconde
comprend les petits fragments et les menues
raclures. Plus blanc, plus solide et plus pro-
pre que la résine des réservoirs, le barras est
moins riche en essence. On ne le mêle pas à
cette résine; on le vend séparément aux usi-
nes, qui le distillent, ou aux fabriques de
chandelles, qui le mélangent au suif. — On
donne souvent au barras le nom de galipot;
mais ce dernier terme désigne surtout une
qualité de barras encore supérieure aux deux
sortes mentionnées ci-dessus, et qui se com-
pose des morceaux les plus blancs, les plus
secs et les plus purs; c'est le galipot en lar-
mes, employé principalement pour la fabrica-
tion des vernis.
BARRAS (Sébastien), peintre et graveur
français, né à Aix (Provence) en 1053, mort
en 1703. Boyer d'Aguilles, amateur distingué,
lui enseigna les principes du dessin , de la
gravure et de la peinture, et, charmé de ses
heureuses dispositions, l'envoya à Rome pour
s'y perfectionner. Après avoir étudié dans
cette ville sous les meilleurs maîtres, et surtout
d'après l'antique , Barras revint à Aix et y
exécuta plusieurs peintures dans l'hôtel de son
protecteur. Il travailla ensuite, sous la direc-
tion de Coelemans, à un recueil de planches
gravées d'après les tableaux de la riche col-
lection de Boyer d'Aguilles. Ses estampes à
l'eau-forte et à la manière noire se distinguent
par la correction du dessin et la légèreté de
l'exécution. Mariette, qui s'y connaissait, fai-
sait le plus grand cas de son talent. Les
planches gravées par Sébastien Barras, pour
le cabinet de Boyer d'Aguilles, sont au nombre
de trente-sept. Elles ont paru dans la première
édition de ce recueil, publiée à Aix par Coele-
mans, en 1700. Les éditions postérieures pu-
bliées par Mariette, en 1744, et plus tard par
Basan, ne contiennent que la Temple, d'après
Borzoni , et la Chèvre qui broute, d'après
Van der Cabel. On prétend que les autres
planches ont été détruites par Boyer d'Aguil-
les ; voici quels sont les sujets des principales :
Loth et ses filles, d'après Rubens ; Entrevue
de Jacob et de Bachcl, Jacob et Laban, Noces
de Jacob et de Jtachel, d'après le Caravage;
ia Vierge, l'Enfant Jésus et saint Jean, d'après
Andréa del Sarto; le même sujet, d'après
Raphaël; la Vierge des douleurs, d'après le
Tintoret; Sainte Agathe dans sa prison, d'après
le Guerchin; Sainte Cécile, d'après le Guide ;
Sainte Catherine , d'après Jacques Bassan ;
Saint Sébastien, d'après Valentin; un Satyre
buvant, d'après Poussin ; l'Ouragan, d'après le
Guaspre ; le Naufrage et le Combat naval,
d'après Renaud Montagne; l'Amour avec les
quatre Saisons, d'après Jean Miel; le Chii~ur-
gien de village, d'après Téniers. Sébastien a
gravé, en outre, des sujets religieux de son
invention et quelques portraits.
BARRAS DE LA PESME (Jean- Antoine),
officier de marine, né à Arles, mort en 1750.
Il se distingua au bombardement de Gênes et
devint commandant du port de Marseille, et
inspecteur des constructions navales. 11 a
beaucoup écrit sur l'architecture navale, sur
la marine des anciens, la forme des tri-
rèmes, etc.
BARRAS (Louis, comte de), lieutenant gé-
néral de marine, né en Provence, mort à la
fin du xvme siècle. Il s'est distingué surtout
dans la guerre maritime entreprise par la
France pour l'indépendance des Etats-Unis,
et il combattit vaillamment sous les ordres du
comte d'Estaing, puis du comte de Grasse.
Son action la plus importante fut la prise des
colonies anglaises de Nevis et de Montferrat.
Après la paix de 1783, il prit sa retraite. On
ignore l'époque précise de sa mort.
BARRAS ( Paul - Jean - François - Nicolas ,
comte de), conventionnel, président du Direc-
toire, né à Pox-Amphoux (Var) en 1755, mort
à Chailiot en 1819. Sa famille était une des
plus anciennes du Midi. On disait proverbiale-
ment : noble comme les Barras, aussi anciens
que les rochers de la Provence. Il servit dans
l'infanterie de marine , fit la campagne de
l'Inde sur l'escadre de Suffren et se distingua
au combat de la Progua ot en diverses autres
rencontres. Quelques différends avec le minis-
tère le déterminèrent à donner sa démission.
BAR
De reiour en France avec le grade de capi-
taine, il dissipa, dit-on, son patrimoine dans
les plaisirs, adopta avec modération les prin-
cipes de la Révolution, s'unit aux patriotes de
son pays lors des élections pour les états gé-
néraux, puis vint à Paris, où il assista à la
prise de la Bastille et aux affaires des 5 et
G octobre. Il ne montrait pas, d'ailleurs, une
grande ardeur révolutionnaire. On le voit
même figurer parmi les témoins a charge dans
la procédure instruite par le Chàtelet contre
les auteurs des journées des 5 et 6 octobre.
Bientôt cependant il s'affilia aux jacobins ,
remplit quelques fonetions publiques, et fut
élu par son département député à la Conven-
tion nationale. Il y vota lu mort du roi, sans
appel ni sursis, reçut, en octobre 1793, avec
plusieurs de ses collègues, la mission de ré-
duire Toulon, eut une grande influence sur la
conduite des opérations militaires qui ont
amené la reprise de cette ville, et distingua le
capitaine d'artillerie Bonaparte, qu'il chargea
des principales attaques. Il eut part d'ailleurs
aux terribles répressions qui suivirent la vie-'
toire. Cependant il acquit une grande popu-
larité dans ces contrées, puisque, seul avec
Fréron , il fut nominativement excepté des
plaintes portées par quatre cents sociétés po-
pulaires du Midi contre les représentants qui
y avaient été en mission. Ce fait, il faut en
convenir, Serait de nature à faire soupçonner
un peu d'exagération dans les accusations
portées contre lui. Barras ne fit plus parler
de lui jusqu'au 9 thermidor. Il reçut, dans cette
journée, le commandement en chef des troupes
dirigées par la Convention contre la Com-
mune : la vigueur qu'il déploya, le rapide
succès qu'il obtint, furent l'origine de sa puis-
sance. Successivement secrétaire et président
de la Convention, membre du comité de sûreté
générale , il ne prit qu'une faible part à la
réaction ; on le vit même défendre la mémoire
de Marat, demander des mesures sévères
contre les émigrés, et provoquer la célébration
de l'anniversaire de la mort de Louis XVI. Il
commanda encore les troupes de laConvention,
dans les journées de germinal et de prairial,
contre le parti populaire, et, le 13 vendé-
miaire, contre les royalistes. Dans la matinée
de ce dernier jour, il se fit seconder par Bona-
parte, alors en disgrâce, et dont il favorisa
ainsi une seconde fois la fortune. Il le fit
nommer, le lendemain, général en chef de
l'armée de l'intérieur, A l'organisation du
Directoire exécutif, Barras en devint membre.
C'est encore par son influence que le jeune
général fut placé à la tête de l'armée d Italie
(Carnot, il est vrai, a revendiqué pour lui-
même le mérite de ce choix). Barras était,
parmi les cinq directeurs, celui qui conservaitle
plus fidèlement les traditions révolutionnaires
ou régime conventionnel, ce qui lui donnait une
grande popularité ; aussi put-il facilement ac-
complir le coup d'Etat du 18 fructidor, à la
suite duquel il se trouva investi, pour ainsi
dire, de la suprême dictature, sous le nom de
président du Directoire. En même temps, par
une singularité qui n'est pas le seul contraste
qu'on rencontre dans la vie du fameux direc-
teur, il était, dans le gouvernement, le protec-
teur secret des anciens nobles, le patron de%
gens d'affaires et des fournisseurs, qui l'enri-
chissaient de cadeaux et de pots-de-vin. Ses
goûts fastueux, sa vie de plaisir et ses vices
de grand seigneur le rendaient d'ailleurs le
point de mire de toutes les tentatives de sé-
duction. Bientôt un nouveau parti modéré se
forma parmi les directeurs, et de même que
Barras avait renversé Carnot et Barthélémy,
de même il se débarrassa deTreilhard, Merlin
de Douai et La Réveillère-Lepeaux par le
coup d'Etat du 30 prairial an VII. Mais, cette
fois, on lui associa Sieyès, qui devait l'absor-
ber lui-même. On raconte qu'à cette époque
Louis XVIII fit tàter Barras pour le rétablis-
sement du trône légitime, et que celui-ci parut
s'y prêter, mais qu'il fut surpris par les évé-
nements du 18 brumaire. Cette intrigue est
restée un des faits les plus obscurs de l'his-
toire. Ce qu'il y a de positif, c'est que Barras
fut opposé au coup d'Etat de Bonaparte, et
qu'il attendit le lendemain, alors que tout était'
consommé, pour donner sa démission. Il se
retira dans sa propriété de Gros-Bois, refusant
des ambassades qu'on lui proposait. Contraint
de s'exiler, il partit pour Bruxelles. Il soupçon-
nait Sieyès de n'être point étranger à l'ostra-
cisme qui l'atteignait. Dans une lettre de
l'an XI, où il demande à rentrer, on lit ces
mots : « Le gouvernement doit connaître ma
conduite , et doit aussi être conséquemment
éclairé sur les calomnies de ce vilain prêtre. »
En 1805, il obtint d'habiter Marseille. Il y resta
jusqu'en 1813, époque où des soupçons de
manœuvres royalistes le firent expulser. Il
était à Rome, sous la surveillance cf'un com-
missaire de police, lorsque les événements
de 1814 arrivèrent. Revenu à Paris, et con-
sulté par MM. de Blacas et Dandré sur la
marche du gouvernement royal, il leur répondit
avec franchise : « Vous perdez le roi; vous
ramènerez nos calamités et Bonaparte, » ce
qui eut lieu, A la seconde restauration, il fut
excepté de la loi qui bannissait les régicides
(exception assez caractéristique), et il continua
h vivre absolument étranger à la politique.
Barras était d'une haute stature et doué d'une
physionomie très-agréable. Il avait une cer-
taine habitude des affaires, mais peu d'instruc-
■ tion. Il est resté le type de cette société du
Directoire, composée des débris de l'ancienne
société, et qui ramenait, avec les habitudes
BAR
élégantes et fastueuses de la monarchie, les
mœurs de la régence et les scandales finan-
ciers qui renouaient les traditions des anciens
contrôleurs généraux. Homme sans caractère
et sans principes, mais non sans énergie,
plongé ofans la vie épicurienne des grands
seigneurs d'autrefois, enrichi par ses complai-
sances vénales envers les fournisseurs, il offre
d'ailleurs une des physionomies les plus, cu-
rieuses de cette époque de décadence, où la
République déviait rapidement vers les formes
de la monarchie, dont le nom était encore
l'objet de l'exécration générale. Aristocrate,
et cependant ennemi de l'aristocratie; ambi-
tieux fatigué du pouvoir, dont il escomptait
avidement les profits -, très-attaché, sinon aux
principes de la République, au moins à ses
formes officielles, et se prêtant à des négocia-
tions secrètes avec Louis XVIII, peut-être
pour attirer ce prince dans un piège, peut-être
aussi pour profiter de l'événement quel qu'il
fût; déclamant contre l'ancien régime et en
restaurant les scandales et les abus, jusqu'à
attirer au palais du Luxembourg et à faire
fouetter par ses laquais un journaliste qui
l'avait blessé, et se tirant ensuite de cette
affaire par une grosse somme d'argent, etc.
Méprisable sous tant de rapports, l'ex-direc-
teur montra quelque dignité sous le règne de
Napoléon, qui lui devait en partie sa fortune
et qui le paya de persécutions. C'est avec
raison qu'il put se vanter de n'avoir point
porté la livrée du tyran. Enfin, comme dernier
contraste, après avoir embrassé le parti de la
République par intérêt, il mourut républicain
à la fin de la restauration, quand la Répu-
blique était depuis longtemps oubliée. Et ce-
pendant, alors, il n'avait pas cessé de conserver
quelques relations avec les royalistes. Il a
laissé des mémoires qui, restés jusqu'à, pré-
sent en dépôt dans la famille de Saint-Albin,
vont être prochainement publiés.
BARRAI] (Pierre), chansonnier et administra-
teur, né à Rieux (Haute-Garonne) en 1764. Il
était simple garçon cordonnier, et il acquit une
vogue populaire par ses chansons en dialecte
gascon. Lors de la Révolution, il fut nommé
agent national, puis juge de paix dans sa ville
natale, enfin sous-préfet de Villefianche, poste
qu'il occupa jusqu'à la deuxième Restauration,
et où son administration a laissé les plus ho-
norables souvenirs.
BARRAU (Pierre-Bernard), économiste, né
à Toulouse en 1767, mort en 1843. 11 a créé
dans le Midi la première société d'assurance
mutuelle qui ait existé en France. Il publia à
ce sujet : Traité des fléaux et des cas fortuits,
ou Manuel du propriétaire de toutes les classes
(1816); Projet d'assurances pour les récoltes
en grains et vins contre les ravages de la grêle
(1803); Projet d'assurance réciproque pour les
maisons, contre l'incendie , etc. Ces travaux
ont puissamment contribue à l'essor de toutes
les compagnies qui se sont fondées depuis.
BARRAU (Théodore -Henri), écrivain péda-
gogique et moraliste, neveu du précédent, né
à Toulouse en 1794. Il a professé dans plu-
sieurs collèges dé province et pris sa retraite
en 1845. Parmi ses nombreux ouvrages, on
cite surtout les suivants, qui ont obtenu des
prix de l'Institut : De l'éducation morals de la
jeunesse, à l'aide des écoles normales primaires
(1840) ; Direction morale pour les instituteurs
(1855, 5e édit.); Conseils aux ouvriers (1850
et 1857) : Du râle de la famille dans l'éducation
(1857). Il faut mentionner encore, de cet esti-
mable écrivain : Devoirs des enfants envers
leurs parents (8e édit., 1854); Simples notions
d'agriculture (se édit., 1857); Livre de morale
pratique (18e édit., 1857) , etc. Il dirige en
outre un Manuel général de l'instruction pri-
maire, et il a donné un recueil des lois et rè-
glements sur l'instruction, Législation de l'in-
struction publique (1851).
BARRAUD (Jacques) , jurisconsulte , né a
Poitiers en 1555, mort en 1626. 11 était avocat
dans sa ville natale, et il écrivit, après une
longue pratique , un commentaire sur la cou-
tume du Poitou, longtemps estimé dans cette
province. — Son fils, qui se nommait égale-
ment Jacques, s'est fait connaître comme
jurisconsulte et comme poète latin. *"
BARRAULT s. m. (ba-rô). Métrol. Ancienne
mesure de capacité pour les liquides , qui
contient environ 36 pintes ou a peu près
33 litres. .
BARRAULT (Emile), orateur et publiciste,
né à l'île de France (aujourd'hui île Maurice)
le 17 mars 1799, professa l'éloquence et la
philosophie au collège de Sorèze, de 1825 à
1829, puis vint à Paris, où il fit représenter
(1829) au Théâtre-Français une pièce en vers
intitulée la Crainte de l'opinion. Dans cette
même année, il se rallia complètement à l'école
saint-simonienne dont il devint l'un des chefs
principaux. Il prit rang parmi les orateurs les
plus brillants de cette doctrine, et ses prédica-
tions à la salle Taitbout sont souvent citées
comme des modèles; il collaborait à toutes les
publications saint-simoniennes, et spécialement
au journal le Globe et au Propagateur. De
1833 à 1838, il voyagea en Orient comme chef
d'une mission dite des Compagnons de la femme,
destinée à propager la foi saint-simonienne;
ses compagnons étaient au nombre de douze,
parmi lesquels on remarquait MM. Rigault,
Félicien David, Tourneux (ingénieur), Urbain
(Ismayl) et Cognât. Pendant ce même voyage,
il fit partie delà mission scientifique qui étudia
BAR
le percement de l'isthme de Suez, sous la di-
rection de MM. Enfantin et Talabot. Revenu
en France, il s'occupa de travaux historiques,
politiques et littéraires, fit diverses publica-
tions, puis dirigea successivement, de 1844 à
1847, le journal la Patrie et le Courrier fran-
çais, dont il fut rédacteur en chef. Après 1848,
il pariit pour l'Algérie comme colon et revint
en 1850 représenter la province d'Oran à
l'Assemblée législative ; il siégea parmi les ré-
publicains modérés et fit preuve d'une élo-
quence abondante et facile. Depuis 1852, il ne
s'est plus occupé que de questions industrielles
et de philosophie religieuse. On a de lui de
nombreux écrits : Dupasse et de l'avenir des
beaux-arts (1S30) ; V Année de la mère (1833) ;
Occident et Orient (1835) ; Histoire de la guerre
de Méhémet-Ali en Syrie (1836) ; Deux années
de la guerre d'Orient (1840) ; une épître en
vers à Lamartine (1842) , et une série de let-
tres politiques adressées, de 1848 à 1849, à
MM. de Lamartine, Cavaignac, Thiers, Louis-
Napoléon, etc. On lui doit encore : Etudes
(avec son frère Alexis Barrault, ingénieur)
d'un tracé de percement de l'isthme de Suez
(1855) , et de celui d'un chemin de fer à Bas-
sorah (1856) ; Etude sur le chemin de fer du
nord de l'Espagne (1858); Etudes sur les
chemins de fer russes (1S59); le Christ, étude
religieuse (1864). Il a donné en outre quelques
œuvres purement littéraires, telles que Eu-
gène, roman publié en 1839.
BARRAULT (Alexis), frère du précédent, né
a Fortwillers en 1812, mort à Paris en 1865.
Ingénieur des" plus distingués, sorti de l'Ecole
Centrale en 1835, il s'occupa d'abord de métal-
lurgie, dirigea les hauts fourneaux de Vierzon
et fut ingénieur en chef du chemin de fer de
Versailles (rive gauche) ; nommé ingénieur au
chemin de fer de Lyon, il en fit construire le
matériel primitif, d'après ses plans ; il con-
struisit ensuite la ligne de Gray à Saint-Di-
zier, puis dirigea les travaux de construction
du palais de l'Industrie et des annexes, en 1855 ;
et il fut nommé chevalier de la Légion d'hon-
neur à cette occasion. Ses dernières études
concernaient un projet de chemin de fer dans
l'Asie Mineure. Ses publications sont : un
traité très-estimé du fer et de la fonte, en
collaboration avec MM. Flachat et Pétiet
(1842) ; Ouvrages d'art du chemin de fer de
Cray à Saint-Dizier (1854) ; le Palais de l'In-
dustrie et ses annexes, en collaboration avec
M. Bridel (1857); Etudes sur le canal de Suez
et le chemin de fer de Bassorah (1855 et 1856).
BARRAULT (Emile), ingénieur, fils et neveu
des précédents, né à Sorèze en 1826, sorti de
l'Ecole centrale en 1849 , ingénieur dans les
chemins de fer et les usines de construction
de machines en France et en Belgique ; s'oc-
cupe depuis 1852 de la question spéciale des
brevets d'invention, dont il soutient les prin-
cipes actuels par sa parole et ses écrits ; a
publié de nombreux articles et mémoires sur
le fer, l'acier, les machines et les procédés
nouveaux. On lui doit en outre l'Ingénieur de
poche, avec M. Armengaud (1854); les Mar-
ques de fabrique (1859); le Droit des inven-
teurs en France et à l'étranger (1858); les In-
venteurs et la loi des Etats-Unis (1861); le
Droit des inventeurs, réponse à M. Michel
Chevalier (1863).
BARRAUX, village de France (Isère), arr.
et à 36 kil. N.-E. de Grenoble, 1,750 hab. —
A 2 kil. E. de Barraux, sur la rive droite de
l'Isère, se trouve le fort Barraux, construit
par Emmanuel de Savoie en 1596 et pris aus-
sitôt par Lesdiguières ; ce fort, avant l'an-
nexion de la Savoie à la France, protégeait la
frontière française du côté des Etats Sardes.
BARRE s. m. (ba-re). Mamra. Ancien nom
de l'éléphant dans l'Inde : On appelait autre-
fois l'éléphant barre, aux Indes orientales, et
c'est vraisemblablement de ce mot qu'est dérivé
le nom barrus, que les Latins ont ensuite donné
à l'éléphant. (Buff.)
BARRE s. f. (ba-re — barre, barreau, barrer,
barrage, etc., et autres mots de la même fa-
mille, ne nous ont point été donnés par le latin.
On en retrouve l'origine à la fois dans les
idiomes germaniques et dans les idiomes cel-
tiques. Ainsi l'ancien haut allemand dit sparo,
pour barre; l'ancien allemand et l'allemand
moderne, barre; l'anglais, bar, etc. D'un autre
côté, nous retrouvons dans le breton barren et
barrag, barre; dans l'irlandais, barra; dans le
gallois, bar, etc. A l'instar du français, l'ita-
lien et l'espagnol disent barra). Tige, pièce
de bois, de métal, etc., un peu longue et
étroite : Une barre de fer, de bois. Fermer une
porte avec une barre. Le verrou et la barre son t
mis à la porte ; aucun n'entrera ici, si le diable
ne le jette par la cheminée. (Bér. de Verv.)
Bathilde alla droit à la cheminée, ôta son cha-
peau, et mit son joli pied sur la barre du garde-
cendres, pour le montrer. (Balz.)
— Ane. dr. Exception, ainsi nommée parce
qu'elle est une barrière pour l'adversaire :
Li avocat doit mètre en avant ses défenses et
ses barres. (Etablissements de saint Louis,
ch. xiv.) Qui de barres se veut aider doit
commencer aux déclinatoires. (Loysel.)
— Instrument de supplice qu'on employait
à briser les membres des individus qu'on
rouait.
— Barres de justice, Anneaux de fer glissant
dans une barre, auxquels on attachait par les
pieds les matelots indisciplinés et surtout les
nègres que l'on transportait dans les colonies.
BAR
255
Chaque barre, longue d'environ 2 m., avait
huit menottes : on y attachait quatre ou huit
esclaves, suivant qu'on entravait chacun de
ces malheureux par les deux pieds ou par un
seul pied : Les inspecteurs, qui visitèrent scru-
puleusement le brick, ne découvrirent pas six
grandes caisses remplies de chaînes, de menottes
et de ces fers que l'on nomme, je ne sais pourquoi,
barres de justice. (Mérimée.)
— Lingot très-allongé d'or, d'argent ou de
soudure d'étain : De l'or, de l'argent en barre:
Une barre de soudure. Je vis arriver un qrand
nombre de mulets chargés de barres et de lin-
gots d'argent. (Le Sage.) Le régent trouva le
prêt d'un million en barres d'argent. (St-Sim.)
Il Fig. Or en barre ou en barres, Valeur cer-
taine et évidente : Je vais compléter votre
somme par 30,000 fr. en lettres de change, dont
la bonté ne sera pas contestée: c'est de 2'or en
barres. (Balz.) Il y aurait de I'or en barre
à gagner. (E. Sue.)
Oh ! s'il n'était pas mort, c'était de l'or en barre.
Regnaro.
— Par ext. Bande colorée : Les eaux de l'O-
céan, au loin resplendissantes, décrivaient à l'ho-
rizon une barre lumineuse. (Ste-Beuve.) Une
barre d'or se forma dans l'orient. (Chateaub.)
L'aube enfin colora sa barre au bord des cieux.
Lamartine.
— Barrière :
Le Bourguignon d'ailleurs sépare nos provinces.
Et servirait pour nous de barre & ces deux princes.
Corneille.
— Fig. Barre de fer, Moyen puissant de
résistance : Je serai comme une barre de fer
dans ton intérêt ; je souffrirai tout de toi, pour
toi. (Balz.) La fermeté unie à la douceur est
une barre de fer entourée de velours. (Boiste.)
Il So dit aussi de l'homme que rien ne peut
faire plier : Cet homme est une barre de fer,
est une barre. (Acad.)
— Fam. Donner des coups de barre, Châtier
rigoureusement : Vous mériteriez qu'on vous
donnât des coups de barre. 5e* violences lui
font mener les gens à la messe à coups de
barre. (Boss.)
— T. de palais. Barrière qui sépare de l'as-
sistance les membres d'un tribunal : Il existait
autrefois au parlement une barre en fer qui
séparait les juges des avocats et des parties. On
y faisait comparaître les accusés. (*") Il Bar-
re de la cour, Barrière qui séparait les con-
seillers des procureurs, au parlement. Il Barre
des avocats, Barrière qui isole le banc des
avocats et des avoués, il Par ext., Lieu de
comparution:^ commune de Paris , le club
des jacobins avaient aussi leur barre. Il En
général, lieu où se fait une enquête, une
instruction, une adjudication. Il Monder quel-
qu'un à sa barre, L'appeler pour répondre à une
accusation : Louis X VI fut mande à la daiire
de la Convention.
Amenez, amenez le coupable à ma barre.
A. Maquet.
— Tech. Pièce de bois fixée en travers d'un
assemblage de menuiserie pour le consolider.
il Grosse verge de fer qui traversait les an-
ciens balanciers à monnayer, et servait à
les faire tourner. Il Outil de verrier qui sert
à âégager la grille d'un four, n Verge qui
sert a consolider le fond d'un panier, il Le-
vier , à l'usage du carrier, il Chacune des
quatre bandes de cuir attachées à la croupière
et au reculement, h Pièce de bois qui limite
la course des sautereaux d'un piano ou d'un
clavecin. |] Support eu bois de l'outil d'un
tourneur, il Raie colorée qui se trouve aux
deux bouts d'une couverture de laine. Il Pièce
de bois transversale qui croise les fonds d'un
tonneau en dehors , et les soutient au milieu
de leur longueur : La barre est assujettie au
moyen de chevilles qui traversent les peignes
des douves. Quand on met la barre en place, on
indique cette opération par le mot barrer. Il
Tourner a la barre, en parlant du vin, se tour-
ner, se gâter :
D'un tel vin la couleur est malade et bizarre;
Cet autre, dans le chaud, peut tourner d la barre.
Reonard.
Il Etre au-dessous de la barre, En parlant du
vin, être très-bas et, partant, avoir perdu de
ses qualités. Il Fig. Dans ce dernier sens, avoir
baissé, être devenu incapable : Le pape est le
plus honnête homme et le plus habile du sacré
collège; mais, ma fille, il a soixante-dix-neuf
ans; son esprit n'est-il point au-dessous de
la barre, à cet âge? (Mme de Sév.)
— Typogr. Barre de châssis, Bande de fer
qui divise le châssis en deux parties.
— Archit. Nom de divers appuis ou sup-
ports : Barre ou soutien de godets ou gout-
tières. Bakre ou support de cheminée, etc.
— Chem. de fer. Barre d'attelage, Barre de
fer terminée par deux trous ronds, dans
lesquels passent les boulons d'attelage d'une
machine ou d'un wagon. Il Barre de relevage,
Barre de fer qui est attachée, d'un côté au
levier de changement de marche, et, de l'autre,
au levier de l'arbre de relevage, il Barre
d'excentrique, Barre de fer qui commande
l'excentrique dans une locomotive.
— Ponts et chauss. Barre à mine, Tige en
fer rond, terminée à une ou aux deux extré-
mités par un biseau en acier, à l'aide duquel
on perfore les rochers par percussion, pour la
préparation des coups de mine : Zo-barre est
manoruvrée par un ou deux ouvriers, selon la
dureté de fa roche; elle a environ de 1 m. 60
236
BAR
à 2 m. de longueur, et son diamètre varie de
o m. 020 à 0 m. 045.
— Mar. Obstacle naturel, à l'entrée d'un
port ou à l'embouchure d'une rivière : Une
barre de sable, de rocher. La barre qui couvre
l'embouchure de la rivière n'en permet l'entrée
qu'aux navires qui ne tirent pas plus de huit ou
neuf pieds d'eau. (Raynal.) h Sorte de barrière
formée près du rivage, par la rencontre dos
vagues qui arrivent et de l'eau qui redescend
à la mer : La mer est rendue impraticable par
une barre' ci» règne le long de la côte. (Ray-
nal.) h Ligne de rencontre des eaux d'une ri-
vière et de celles de la mer : Franchir la ,
barro. La barre de la Loire rend assez ca- ■
pricieuse la navigation des bateaux à va-
peur. (Balz.) En France, deux rivières , la
Seine et la Dordogne , présentent, à de cer-
taines époques, le phénomène d'unemasse d'eau
remontant le courant; cette masse d'eau se
nomme barre sur la Seine, et mascaret sur la
Dordogne. (A. Hugo.) Il Nom de diverses ma-
nœuvres ou parties de manœuvres, en forme
de barre. Il Barres de hune, de perroquet, de
cacatois, Pièces qui supportent les parties
supérieures de chacun de ces mâts, il Barre
de cabestan ou de guindeau, Pièce de bois qui
sert à manœuvrer le cabestan, il Barre dc-
coutillc, Latte de fer qui ferme une écoutille.
Il Barre d'arcassc, Pièce qui forme la corde
du grand arc formé par les estains qui s'ap-
puient sur Tétambot. il Barre d'hourdi, Pièce
parallèle et inférieure à la précédente. Il Barre
de pont, Pièce placée au-dessous do la barre
d'hourdi , à la hauteur du pont, il Barre de
cuisine, Assemblage do tringles do fer, qui
assure les chaudières de la cuisine contre les
mouvements du navire. Il Barre du gouvernail
ou simplement barre, Pièce de bois adaptée
au sommet du gouvernail, et qui sert à le
manœuvrer : S'asseoir à la barre. La barre
à tribord, à bâbord.' barre au vent.' La barre
à bâbord.' cria le capitaine, en se retournant
vers le timonier. (Alex. Dum.)
Le pilote, en silence, appuya tristement
Sur la barre, qui crie au milieu des ténèbres,
Ecoute du roulis le sourd mugisàemeiit.
C. Delavïcne.
Il Barre franche, Barre de gouvernail, que l'on
manœuvre directement à la main, sans drosse
et sans roue. Il Tenir la barre, Gouverner le
navire : Je restai seul auprès du matelot qui
tenait la barre du gouvernail. (Chateaub.)
Et, fig., Avoir la direction : Le vaisseau de
ï Etat est battu par lapins violente tempête, et il
n'y a personne à la barre. (Mirab.) Il Barre au
vent.' Barre sous le vent ou barre dessous.' Com-
mandements par lesquels on ordonne au ti-
monier d'amener la uarre dans la direction
du vent ou dans le sens opposé. Il Bedresse
la barre! Commandement d'amener la barre
dans l'axe du navire ou de la rapprocher de
cette direction, il Barre à bâbord, à tribord.'
Commandement d'amener la barre en per-
Eendiculaire à l'axe, du navire, du côte do
abord ou de tribord, c'est-à-dire à droite ou
à gauche. Il Tenir barre à quelqu'un, lui résis- '
ter. [I Nous avons un bon homme à la barre,
Proverbe dos matelots, qui indiquo la grande
capacité du chef d'une entreprise.
— Métrol. Mesure de longueur pour les
étoffes, usitée en Espagne, valant o m. 00 à
Valence, et o m. 85 en Castille. Il Unité de
valeur mal définie, en usage dans le commerce
avec les nègres, et qui, primitivement, repré-
sentait la valeur vénale d'une barre de fer
d'une certaine grosseur. On l'évalue à peu
près à 5 fr. 25.
— Calligr. Trait vertical ou oblique, qui est
ordinairement le premier exercice de calli-
graphie : Il en est à faire des barres, h Trait
fait avec la plume ou le crayon : Effacer au
moyen d'une barre. Il s'amuse à faire des
barres. Il y avait un homme qui, à douze ans,
avec des barres et des ronds, avait créé tes
mathématiques. (Chateaub.)
— Mus. Ligno verticale qui sépare deux
mesures, ou indique la fin d'un morceau ou
une reprise : Les barres ont été imaginées
pour faciliter la lecture de la musique et la
division des temps. (Fétis.) il Ligne horizontale
ou oblique, qui coupe les queues de plusieurs
notes et remplace les crochets propres à en
exprimer la valeur.
— Gymnastiq. Barre de fer, Exercice con-
sistant à lancer au loin une barre de fer dont
le poids et les dimensions sont proportionnés
à la force de celui qui la manie, et qui doit,
quand elle est en l'air, conserver une position
verticale invariable. Cet exercice, qui est
éminemment propre au développement de
toutes les parties du corps, devient quelque-
fois un jeu dans lequel plusieurs concurrents
luttent à qui enverra la barre à la plus grande
distance, n Barres parallèles, Appareil com-
posé de deux barres ou traverses de bois
fixées parallèlement sur des montants verti-
caux, a une distance l'une de l'autre et à une
hauteur au-dessus du sol qui permettent d'y
appuyer facilement les mains et de s'enlever
sur les bras. Il sert à faire des exercices spé-
cialement destinés à développer les bras et
la poitrine. Il Barre de suspension, Appareil
forme d'une barre ou traverse de bois bien
arrondie et maintenue à une certaine hauteur,
au moyen de doux montants verticaux, à la
partie supérieure desquels elle est fixée. Elle
sert à faire des exercices qui ont surtout
pour objet le développement des forces mus-
culaires de la poitrine, il Barre à sphères, Bâ-
ton long de 1 m. 15, portant à ses extrémités
BAR
des boules deom. 12 de diamètre, auquel nn
fait faire des évolutions au-dessus de la tête et
derrière le dos, pour fortifier les épaules.
— Manég. Pièce de bois placée entre deux
chevaux, pour les séparer, dans une écurie.
Un des bouts de la barre porto sur le bord de
la mangeoire, tandis que l'autre est soutenu
par un poteau planté dans le sol ou par une
corde qui descend du plafond, il Partie de la
mâchoire du cheval qui est comprise, dans
les mâles, entre les crochets et les premières
molaires, et, dans les femelles, entre les coins
et ces mêmes molaires : C'est sur les barres
qu'appuie le mors. Dans les chevaux, la barre
peut devenir à peu près insensible par l'action
répétée du mors. (Lecoq.) il Prolongement do
la paroi du sabot d'un cheval.
— Vôn. Mâchoire d'un sanglier. 11 Armes
de la barte, Défenses du sanglier.
— Fauconn. Chacune des raies noires qu'on
remarque sur la queue de l'épervier.
— Escr. Fleuret dont le bout a été cassé,
et auquel on a fait mettre un bouton : C'est
une verge de fer trop courte et, par conséquent,
inflexible comme une barre.
— Blas. L'une des sept pièces honorables
du blason, formée par deux lignes diagonales
qui vont de droite à gauche si l'on regarde
l'écu, et d'une largeur égale au tiers do celle
de l'ecu : Bossut: de gueules à la barre d'or.
Il Calices en barres, Barres en nombre supé-
rieur à deux, dans un écu. Il Barre-basse,
Pièce très-rarement employée sous ce nom
dans les armoiries françaises. On la rencontre
parfois dans les écus de la noblesse créée par
l'empereur Napoléon 1er, niais sous le nom
de Champagne; anciennement, la barre-basse,
utilisée surtout en Suède et en Angleterre,
était considérée comme meuble de fantaisie,
et non comme pièce honorable, il En barre,
Oblique dans le sens de la barre : D'or à une
flèche de sable, posée en barre.
— His't. Barre à bas! Cri que poussaient en
1616 les partisans de Henri II, prince deCondô.
lequel avait dans ses armes une barre qui
devait en disparaître s'il montait sur le trône,
comme le voulait sa faction. C'était sans
doute aussi un jeu do mots sur le nom de
Barrabas, personnage do la passion- dont les
Juifs demandaient la délivrance, au lieu que
Pilatc voulait délivrer Jésus : Non hune, sed
Barrabam! (Non pas lui, mais Barrabas!)
— Anat. Vice de conformation qui résulte,
chez la femme, d'un prolongement' excessif
de la symphyse du pubis : La barre peut ap-
porter les plus grands obstacles à l'accouche-
ment. (J. Cloquet.)
— Méd. Douleur do ventre particulière à
certaines maladies.
— Géol. et Miner. Nom des espèces de
petits lits ou bancs que les argiles schisteuses
forment souvent dans les couches de houille,
et parallèlement à ces couches, de manière à
les diviser en plusieurs assises. On les appelle
aussi des nerfs.
— Agric. Cheville de fer avec laquelle on
fait des trous, pour y placer une bouture :
Planter à la barre.
— Hortic. Variété de tulipe à trois couleurs.
— Jeux. Jeu dans lequel les joueurs, sé-
parés en deux camps, se poursuivent dans l'in-
tervalle placé entre-deux, et où l'on consi-
dère comme prisonnier le joueur touché par
un adversaire qui a quitte son camp après
lui : Jouer aux barres. Je me souviens de mes
songes : je jouais aux barres avec mes cama-
rades. (Balz.) Bigault était très-agile de corps,
très-alerte aux jeux, et le premier aux barres
comme à la conférence. (Ste-Beuve.) Il Avoir
barre sur quelqu'un, Etre sorti du camp après
lui et pouvoir le prendre. Il Donner barre sur
soi, Sortir le premier. Il Toucher barres, Ren-
trer dans son camp, il Barres forcées, Jeu de
barres où l'on ne délivre pas de prisonniers il
Jeu des barres assis, Jeu de salon qui consiste
à se renvoyer un flocon de coton sur lequel
on souffle des deux camps. •
— Fam. Jouer aux barres, Se chercher mu-
tuellement, sans pouvoir se rencontrer : Je
craignais fort que vous ne vinssiez à Lyon,
pendant que j'irais à Genève, et que nous ne
jouassions aux barres. (d'Alerçb.) il Gagner,
prendre, avoir barres sur quelqu'un, Prendre,
avoir avantage sur lui : Ne vous y fiez
pas; il est agile et remuant, il pourrait bien
gagner barres sur vous. (Alex. Dum.) n Ne
faire que toucher barres, Arriver et repartir
aussitôt : Le bonheur ne fait que toucher
barres sur le sol mouvant des positions fausses.
(M mo C. Bacchi.) Mon père habitait Versailles,
et ne venait à Paris que pour y ToucnER barres
et s'en revenir en courant. (Mme de Créquy.)
— Se disait autrefois d'un combat en champ
clos, entre deux champions armés d'épéos
courtes.
— Homonymes. Bar, bard, et barres, bar-
rent (du verbe barrer).
— Encycl. Géogr. et Navig. On donne le
nom de barre, en hydrographie, il deux sortes
de phénomènes qui se passent à l'embouchure
des fleuves, et que l'on distingue en barre de
sable_ et barre deau; cette dernière dénomi-
nation s'applique aussi à un phénomène ana-
logue qui a lieu sur certaines côtes des ré-
gions équatoriales, dénuées de tout estuaire,
et que nous décrirons en peu de mots.
On désigne sous le nom de barre de sable
l'atterrissement sous-marin formé par le dépôt
BAR
des sables et du limon qu'entraînent les eaux
des fleuves, au point où elles viennent se dé-
verser dans la mer. C'est surtout quand le
fleuve vient, se perdre en pente douce dans la
mer que la barre est forte, car la vitesse du
courant se trouvant considérablement ralen-
tie, les atterrissements se font avec plus de
facilité, et la dune sous-marine devient une
digue contre laquelle se brisent alternative-
ment et la masse d'eau fluviale gonflée par
les pluies, et les flots de la mer que chaque
jour la marée amène et remporte. La force et
la hauteur de la ban'e varient avec l'éléva-
tion des eaux du fleuve et la quantité de li-
mon qu'elles charrient. Quelquefois la barre
laisse près de l'une des rives du fleuve un
chenal plus ou moins étroit, assez profond
pour le passage des navires , mais sujet à
changer de place, au point que les pilotes sont
forcés de le reconnaître par des sondages
quotidiens. Ailleurs la barre, sans solution de
continuité d'une rive à l'autre, n'offre pas de
chenal ; les navires, pour entrer dans le neuve,
doivent être allégés d'une grande partie, sou-
vent même de la presque totalité de leur
chargement. C'est ainsi que la barre de la
Loire et celle de l'Elbe s'opposent au pas-
sage des navires chargés et les forcent de
payer un lourd tribut aux bargiers qui, sur
des barques légères, nommées barges, trans-
portent les marchandises au delà de l'obsta-
cle, tandis que, eux-mêmes, ils remontent ou
redescendent le fleuve a peu près sur lest.
Le Rhône, la Seine et la Gironde ont aussi
leurs barres, chacune avec son caractère par-
ticulier. La barre du Rhône est de sable mêlé
do galets; la barre de la Seine est formée de
vase, par conséquent très-mobile ; celle de la
Gironde, située en deçà du rocher qui supporte
le phare de Cordouan, est, comme celle du
Rhône, de sable mêlé de galets. Les grands
fleuves du nord de l'Europe, à l'exception de
l'Elbe, n'ont pas de barres, à proprement par-
ler. Le Rhin, à son embouchure, se trouve
dans des conditions particulières, créées par le
travail des hommes, qui ont modifié son cours
inférieur. Ce fleuve ne se perd pas dans les
sables, comme l'affirment si souvent à tort la
plupart des géographes; deux saignées im-
portantes, pratiquées, l'une parDrusus (Fossa
Drusiana), et qu on nomme aujourd'hui Yssel,
l'autre par Corbulon {Fossa Corbulonis) , sous
le règne de Néron, et qui porte le nom nio-
derne de Leck, déversent dans la mer du Nord
la plus grande partie des eaux du fleuve. Le
reste forme le Vieux-Rhin, faible cours d'eau
qui se vide dans la mer par l'écluse de Kat-
wyek, L'Oder, la Vistule, le Niémen, forment,
avant leur embouchure, des lacs peu profonds,
qui portent le nom commun de haff. Une
étroite langue de terre sépare le haïr de la
mer : c'est la barre du fleuve, qui est au-des-
sus du niveau des eaux et que la Baltique no
submerge pas, parce qu'elle n'a presque pas
de marée. Les limons des fleuves tributaires
de la mer Noire sont l'équivalent des haffs
de l'Oder et de la Vistule; ces cours ont aussi
des barres élevées au-dessus des eaux ; la
flèche de Kinburn, rendue célèbre par la
guerre de Crimée, est la barre solide du Dnie-
per. Le Danube, à sa bouche principale, celle
de Suhna, présente une large barre de vase,
avec des passes ou chenaux variables, qui en
rendent difficiles l'entrée et la sortie. Tous les
grands fleuves du continent asiatique ont des
barres de sable ou de vase plus ou moins pro-
noncées. En Amérique, nous citerons seule-
ment la célèbre barre du Mississipi et celle de
l'Orénoque. Quelquefois les barres de sable
sont remplacées par des barres de brisants,
comme à l'embouchure de l'Orégon, où des
écueils, larges de 10 kil., forment une sorte
de croissant à la tête du fleuve et en rendent
l'entrée dangereuse.
Sur toutes les barres, le choc de la mer
contre les eaux du fleuve produit un ressac
dangereux pour les navires, et quelquefois
si violent, qu'il est impossible de les franchir ;
c'est ee qui a lieu dans la plupart des rivières
de la côte occidentale d'Afrique, C'est sur-
tout quand le fond est semé de rochers, qu'il
y a du danger à franchir les barres. S'il arrive
que le navire touche le fond et qu'il soit ar-
rêté dans sa course, le courant du fleuve le
prend en travers et le pousse sur les roches,
où le ressac l'a bientôt brisé. Terminons ce
rapide exposé des barres de sable en disant
qu il y a des rades fermées par des barres qui
ne sont pas le produit de l'alluvion d'un
fleuve. L'entrée est un goulet étroit dans le-
quel le flux et le reflux de la mer amoncellent
des sables ; mais on conçoit qu'alors les bar-
res ne doivent pas être sujettes à beaucoup
de variations : ainsi, dans la Floride, à Pensa-
cola, la barre n'a pas changé depuis vingt
ans.
La barre d'eau, nom plus particulièrement
usité dans la Seine, consiste en une grosse
lame déferlante, qui remonte contre le courant
du fleuve avec une vitesse et une force ex-
traordinaires. Quand les eaux du fleuve ont
été enflées par des pluies abondantes, leur
rencontre avec le flot de la mer rend quelque-
fois ce phénomène très-remarquable. Les deux
masses d'eau se heurtent avec violence, s'é-
lèvent en montagne couverte d'écume, à une
très-grande hauteur. Si le fleuve a le dessus,
cette montagne liquide disparait dans la mer.
Mais si le flot, ainsi qu'il arrive dans les
grandes marées, est le plus fort, l'eau du
neuve est refoulée avec fracas, ut la barre
s'avance avec une extrême rapidité, surtout
BAR
si elle est poussée par un fort vent d ouest ;
cette lame, qui remonte le courant avec une
vitesse effrayante, entraîne et engloutit quel-
quefois les vaisseaux les plus forts ou lesjette
sur le rivage. Sur la Seine, les eiiux de li
marée qui monte arrivent a. la hauteur du
Quillebeuf ; là, elles s'amoncellent subitement
et s'élèvent à une hauteur quelquefois consi-
dérable. Au moment où le phénomène com-
mence, un bruit sourJ se fuil entendre à la
distance de 7 à 8 kil.; les animaux épouvan-
tés abandonnent les pâturages où ils pais-
saient tranquillement; J'effroi so répand sur
les deux rives, et le cri de la barre! la barre!
répété de toutes parts, devient un cri d'a-
larme pour l'habitant riverain, qui voit quel-
quefois le flot menacer son habitation et ses
champs. Dans sa course, ce phénomène dé-
vastateur dégrade le. rivage, enlève tout ce
qu'il rencontre, et porte au loin sur les terres
basses un limon infertile. Cette barre remonte,
en diminuant de vitesse, jusqu'à Rouen, où
•lie a quelquefois assez de force encore
pour que les navires trop voisins les uns des
autres s'entre-choquent,brisent leurs amarres
et s'avarient. Elle est même sensible encore
à Pont-de-1' Arche; mais, ordinairement, près
de cette dernière localité, ce n'est plus qu'un
bourrelet qui traverse la Seine et qui vient
•toujours mourir à peu près au même point
du cqurantdu fleuve.
La Dordogne, dans le département de la Gi-
ronde, est celle de nos rivières de France où
se présente avec le plus d'intensité le phéno-
mène que nous venons de décrire. Lorsque
l'instant est venu où le courant descendant
doit s'arrêter, on aperçoit une grande ondula-
tion qui remonte la rivière et annonce l'arri-
vée du flot. Cette ondulation se compose
d'une, de deux, de trois et quelquefois de
quatre vagues consécutives, hautes, courtes
et rapides, qui s'étendent d'une rive à l'autre
et élèvent subitement le niveau des eaux :
c'est là le mascaret. Quoique le mascaret de
la Dordogne soit le plus dangereux de l'Eu-
rope par son élévation, qui va jusqu'à 2 m. 30,
le phénomène n'offre généralement rien de
bien redoutable, sauf aux équinoxes ; et,
pourvu qu'à son approche les embarcations se
conforment à quelques précautions connues
des marins, on a rarement des accidents à
craindre. Mais dans la rivière des Amazones,
en Amérique, et sur l'Hougly, branche occi-
dentale du Gange, le mascaret s'élève à i et
5 m.; les vagues qui barrent le fleuve et re-
montent son cours se brisent souvent, à leur
sommet, et produisent des mugissements qui
se font entendre à plus de 8 kil.
Dans l'Amazone, les Anglais ont appelé les
vagues du mascaret the rollers (les cylindres) ;
les Indiens ont donné à ce phénomène le nom
imitatif de Pororoca. « Pendant les jours les
plus voisins des pleines et nouvelles lunes,
temps des plus hautes marées, dit M. de La
Condamine, la mer, au lieu d'employer six
heures à monter, parvient, en une ou deux
minutes, à sa plus grande hauteur. On juge
bien que cela ne peut pas se passer tranquil-
lement. On entend, d'une ou deux lieues do
distance, un bruit effrayant qui annonce le
pororoca : à mesure que ee terrible flot ap-
proche, le bruit augmente, et bientôt on voit
un promontoire d'eau de 12 à 15 pieds (4 à
5 m.) de hauteur: puis un autre, puis un troi-
sième et quelquefois un quatrième, qui se sui-
vent de très-près et qui occupent presque
toute la largeur du canal; cette lame avance
avec une rapidité prodigieuse, brise et écrase,
en courant, tout ce qui lui résiste. On voit, en
quelques endroits, de grands terrains emportés
par le pororoca, de très-gros arbres déraci-
nés, des ravages de toute espèce. • Sur l'Hou-
gly , le mascaret, ou barre d'eau, a reçu le
nom de bore. — Les savants se sont occupés
de rendre compte de ce phénomène ; mais les
circonstances qui l'accompagnent en diverses
localités déjouent successivement les explica-
tions. Ainsi, le mascaret n'a pas lieu à toutes
les époques de l'année, ni régulièrement tous
les jours; quelquefois il cesse d'apparaître
' dans une localité où il était habituel, comme
cela se voit aujourd'hui sur la Gironde, qui,
depuis quelques années, n'y est plus sujette
comme autrefois. Nous ne hasarderons donc
ici aucune des explications plus ou moins
plausibles données jusqu'à ce jour, et nous
nous contenterons d'exposer succintement un
troisième phénomène, ou plutôt un deuxième
cas où se produit la barre d'eau.
Les côtes frappées perpendiculairement par
les vagues servent de point d'appui aux sa-
bles et à tous les corps qu'elles y viennent
déposer; la vague, en se déployant sur le ri-
vage, se retire aussitôt pour revenir immé-
diatement : ces oscillations forment ce que les
marins français appellent le ressac et les An-
glais le surf. Il en résulte, à une petite dis-
tance, un banc composé de ce que le ressac
entraîne et de ce que la mer apporte ; ce banc
fait la barre, et c est sur cette barre que la
nier déferle avec violence. Il y a de ces bar-
res que l'on ne peut passer sans un péril ex-
trême, péril d'auîunt plus grand que la dune
sous-marine est surmontée d'une barre d'eau
effrayante, comme sur les côtes de Guinée et
surtout du Dahomey. V. ce dernier mot,
— Art vétér. Une muqueuse épaisse et sen-
sible recouvre, chez le cheval, cette barre
osseuse sur laquelle s'appuie le canon du mors.
La sensibilité de la barre varie beaucoup sui-
vant la conformation de sa base osseuse. Si
BAR
BAR
BAR
BAR
257
cette base est arrondie, la compression du mors
n'occasionnera qu'une douleur modérée , qui
sera, au contraire, très-vive, si le bord du
maxillaire est tranchant. C'est pourquoi on
distingue la barre arrondie et la barre tran-
chante. La barre peut devenir presque insen-
sible par l'action répétée du mors, qui fait
épaissir la muqueuse et la rend calleuse. Les
barres peuvent être blessées par l'action d'un
mors mat ajusté, ou par l'effet d'une main 'in-
habile. Cette blessure , peu grave en elle-
même , peut amener l'exfoliation de l'os et
augmenter ou diminuer la sensibilité de la
barre, suivant la forme que conservera le
bord du maxillaire à la suite de cet accident.
— Econ, agr. Les barres d'écurie se- font
ordinairement en bois -, les Anglais, ont ima-
giné de les faire en fonte, mais cet exemple
n'est pas à imiter. Elles doivent être rondes
et non pas carrées, afin de ne pas blesser les
animaux. Un diamètre de 0 m. 07 à 0 m. 08 et
une longueur de 2 m. sont les dimensions les
plus convenables. Les barres sont posées ho-
rizontalement, accrochées d'une part à la
mangeoire, et de l'autre au plafond ou à un
pilier. Sur le devant, elles doivent partager
également l' avant-bras du cheval ; par der-
rière, elles seront élevées de o m. 10 à 0 m. 12
au-dessous du jarret. Ce système est généra-
lement adopté en France; les Anglais en ont
un autre, qui n'est pas aussi bon. Ils posent
les barres k une même élévation, de sorte que
les chevaux de petite ou de grande taille ne
se trouvent pas oien séparés : les barres sont
tantôt trop hautes, tantôt trop basses.
Le mode de séparation au moyen des bar-
res est assurément préférable à l'usage de
mettre en contact direct tous les habitants
d'une même écurie; néanmoins, il n'est pas
sans inconvénients. Le principal consiste dans
la difficulté de détacher les barres, quand les
chevaux, en ruant, se les mettent entre les
jambes. On sait combien peu de chevaux sont
d'humour à rester paisiblement dans cette po-
sition insolite. Il a donc fallu chercher un
moyen d'anéantir, ou, au moins, d'atténuer ce
désavantage. Le système le plus parfait est
celui de M. Dupuis, cordier à Beauvais, sys-
tème qui est actuellement en usage dans les
écuries de l'Etat. En Angleterre, les barres
sont suspendues par des bouts de chaînes de
fer, trop longs en avant et trop courts en ar-
rière. L animal est emprisonné entre ses bar-
res, k moins qu'on ne lui laisse un espace
très-large, ce qui est souvent impossible. Si
le cheval se lève sous l'une des barres, celle-
ci se détache d'elle-même et l'animal n'en
éprouve aucune- gêne; seulement, dans sa
chute, elle peut blesser ou troubler les voi-
sins. Pour amoindrir les inconvénients des
barres, on les recouvre, sur le tiers de leur
longueur, k l'arrière, d'une couche plus ou
moins épaisse de paille contre laquelle les coups
de pieds viennent s'amortir. En résumé, les
barres d'écurie ont une utilité, mais restreinte :
elles sont inapplicables aux chevaux de prix.
Pour ceux-là, il est indispensable d'employer
le système cellulaire.
— Blas. La barre peut être chargée d'au-
tres pièces ou meubles, et, comme les autres
pièces honorables, elle est susceptible de re-
cevoir un grand nombre d'attributs : la Ca-
mille de Courcy porte d'argent à la barre en-
grêlée de gueules.
Comme la bande, la barre indique la no-
blesse d'épée, puisqu'elle rappelle l'écharpe,
le baudrier et la livrée des capitaines et chefs
de guerre ; toutefois, placée en sens contraire,
elle a été choisie par les bâtards en raison du
vieil axiome « Bastard est venu du côté gau-
che. » Cependant, il est bon de remarquer que
la barre, dite de bâtardise, est plus courte et
moins large que la barre ordinaire. Donc toute
barre touchant les deux extrémités de l'écu et
ayant un tiers de sa largeur, ne doit jamais
être considérée comme signe de bâtardise. La
barre de bâtardise, sur un écu, brise les armes
et se représente ordinairement passant par-
dessus toutes les autres pièces.
— Jeux. Le jeu de barres est un jeu d'a-
dresse et d'agilité , qui fait les délices des
jeunes gens des deux sexes, surtout des gar-
çons, auxquels il procure un exercice des
plus salutaires. Après avoir choisi un vaste
emplacement, aussi battu et uni que possible,
les joueurs se divisent en deux groupes ou
partis comptant le même nombre de combat-
tants. Chacun des deux partis s'établit à l'une
des extrémités opposées de l'emplacement, et
s'y forme un camp au moyen d'une ligne tra-
cée sur la terre. On tire ensuite au sort pour
savoir lequel des deux doit demander barre,
c'est-k-dire commencer le jeu. Ces préparatifs
terminés, les combattants des deux partis s'a-
lignent sur la limite de leur enceinte. Bientôt,
un des joueurs du parti désigné sort de son
camp, s'avance vers le camp ennemi, et, se
posant, le jarret tendu, le bras en avant, dit
aune voix forte : iiJe demande barre contre
un tel. » Celui qu'il a provoqué s'élance aus-
sitôt, frappe deux légers coups dans la main
qui lui est tendue; mais, au moment où il va
frapper un troisième coup , le provocateur
prend rapidement la fuite, et l'autre le pour-
suit pour essayer de l'atteindre, afin de le faire
prisonnier. Si le poursuivi est en danger, un
joueur de son camp s'élance k son secours et
le poursuivant, a son tour poursuivi, ne tar-
derait pas k être lui-même en péril, si un de
ses camarades ne venait k son aide. Tout
joueur sorti de son camp pour courir sus k un
ennemi également sorti du sien, est dit avoir
barre sur ce dernier. S'il réussit k l'atteindre,
il le frappe légèrement en s'écriant : « pris 1 »
A ce cri, le jeu est immédiatement suspendu,
et le prisonnier se rend dans le camp de son
adversaire. La partie de barres se fait de
deux manières : ou bien les prisonniers sont
rendus k mesure qu'on les prend, et alors la
partie consiste en un certain nombre de cap-
tures ; ou bien les prisonniers sont gardés dans
le camp ennemi jusqu'à ce qu'on les délivre.
Dans ce dernier cas, la partie cesse ordinai-
rement quand un des deux partis a éprouvé
tant de pertes , qu'il ne peut plus espérer de
délivrer ses prisonniers : il renonce alors vo-
lontairement à prolonger une lutte inutile.
Voici comment s'opère la délivrance des pri-
sonniers. Ils se rangent sur une seule file, en
se tenant par la main, en avant du camp en-
nemi. Leurs camarades s'élancent aussitôt, et
si l'un d'eux réussit, sans être pris, k toucher
le premier de la bande, ils recouvrent tous la
liberté. Mais cette délivrance n'est pas tou-
jours facile, car, de leur côté, les gardes du
camp emploient-leur adresse et leur agilité k
déjouer les ruses des libérateurs et k les faire
eux-mêmes prisonniers. — La partie qui pré-
cède est la partie de barres ordinaire. Dans
celle qu'on appelle aux barres forcées, on ne
délivre point les' prisonniers. Ceux-ci restent
dans le camp qui les a pris, et le jeu ne se ter-
mine que lorsque tous les combattants d'un
parti sont ainsi passés dans le camp de
l'autre.
Le jeu de barres assis est un jeu de salon,
ainsi appelé parce qu'il présente une certaine
analogie avec le précèdent. On dispose deux
rangs de chaises en regard l'un de l'autre, en
laissant entre les deux un intervalle de l m, 60
k 2 m. Les dames se placent sur les chaises
du camp de droite, et les hommes sur celles du
camp de gauche. Chaque parti choisit en-
suite un champion, qui s'avance un peu en
avant de la limite de son armée. C'est ordi-
nairement le champion des dames qui com-
mence le jeu. A cet effet, il souffle sur le
camp ennemi un flocon de coton en ouate ou
de soie pluche, que son adversaire cherche
k repousser, avec son souffle, sur les dames.
Celles-ci, k leur tour, s'efforcent de le ren-
voyer sur le camp des hommes, aussi avec
leur souffle. Pendant cette lutte, les cham-
pions seuls sont debout, tous les autres com-
battants restent assis. Le champion dans le
camp duquel le flocon tombe est fait prison-
nier, et on le fait asseoir k une petite distance
du camp des vainqueurs, à un endroit que l'on
nomme le quartier général. Un second cham-
pion le remplace, et l'on recommence k lutter
a qui enverra le flocon. Le parti qui triomphe,
c'est-k-dire celui qui a fait le plus de prison-
niers, a le droit de délivrer ceux que l'ennemi
lui a enlevés. Si ce sont les dames qui ont
remporté la victoire, elles se rangent sur deux
files, munies chacune d'une chaise qu'elles
renversent et qu'elles élèvent de manière k
former une espèce de voûte, sous laquelle les
vaincus sont obligés de passer. Si, au con-
traire, les dames sont vaincues, les messieurs
se rangent aussi sur deux rangs, en élevant
leur chaise, mais d'une main seulement, puis,
k mesure qu'elles passent, chacun en saisit
une avec la main restée libre, et force alors
est k la prisonnière de donner un baiser pour
prix de sa rançon.
BARBE, ch.-l. de cant. (Lozère), arrond. de
Florac; pop. aggî.385hab. — pop. tôt. 710 hab.
Eglise consistoriale calviniste.
BARRB (Nicolas) , religieux minime, né k
Amiens en 1621. Ayant eu l'idée de fonder des
séminaires pour former des maîtres et des
maîtresses d'école, il mit son projet k exécu-
tion, d'abord k Rouen, en 1666, puis k Paris.
C'est également lui qui fonda, en 1678, la con-
grégation des frères et sœurs des Ecoles cha-
ritables et chrétiennes, appelés piétistes, et la
congrégation des dames de Saint-Maur. On a
de lui des Lettres spirituelles (Rouen, 1697).
BARGE (François Poulain de la), littéra-
teur français, né k Paris en 1647, mort en
1723. Il embrassa l'état ecclésiastique, se fit
recevoir docteur en Sorbonne et devint curé
k La Flamangerie ; mais, en 1688, il abandonna
le diocèse de Laon pour se retirer k Genève,
où il se maria en 1690 et où il enseignai» phi-
losophie et les belles-lettres. Il a écrit plu-
sieurs ouvrages, notamment un Traité de l'é-
galité des deux sexes (1673, in-12), et la Doc-
trine des protestants sur la liberté et le droit
de lire l'Ecriture sainte (1720), qui, d'après
Senebier, est un excellent ouvrage de contro-
verse.
. BARRE (Michel de la), compositeur et flû-
tiste, né k Paris en 1680, mort en 1744. Il a
écrit la musique de deux opéras représentés k
l'Académie royale de musique , le Triomphe
des arts (1700), et la Vénitienne (1705). On a
aussi de lui quelques compositions pour flûte
et un recueil d'airs k boire. Il jouissait, de son
temps, d'une grande réputation comme flû-
tiste.
BARRE (Joseph), historien français, né en
1692, mort k Paris en 1764. Infatigable tra-
vailleur, il consacra sa vie k l'étude, devint
chanoine de Sainte-Geneviève, chancelier de
l'université de Paris, et composa plusieurs
ouvrages, plus remarquables par l'érudition
que par l'esprit critique et le mérite littéraire.
Le plus important est son Histoire générale
d'Allemagne, etc. (Paris, 1748, il vol. in-4°),
qui abonde en recherches intéressantes, mais
manque souvent d'exactitude et des qualités
essentielles au véritable historien. Il a inséré
beaucoup de faits et de discours empruntés,
mot pour mot, au Charles XII de Voltaire.
Citons aussi sa Vie du maréchal de Fabert
(1752, 2 vol.), pleine de détails curieux.
BARRE (Jacques-Jean), graveur en médail-
les français , graveur général des monnaies ,
né à Paris le 3 août 1792 , mort à Paris , k
l'Hôtel des monnaies, le 10 juin 1855. Elève de
M. Tiolier, graveur général des monnaies,
M. Barre se distingua dès ses débuts dans son
art, sous la Restauration, par des travaux qui
attirèrent sur lui l'attention de l'Etat et celle
des amateurs; c'était surtout vers la gravure
monétaire que semblaient se porter les études
du jeune artiste , et nul ne connaissait mieux
que lui les ressources et- les exigences de cet
art difficile. Une observation très-sérieuse et
très-approfondie des divers systèmes de mon-
nayage l'avait familiarisé avec toutes les con-
ditions qu'exige une bonne fabrication mo-
nétaire, sous le double rapport artistique et
économique k la fois. Une grande médaille,
celle du sacre de Charles X, mesurant 0 m.
68 de diamètre , d'une composition difficile et
compliquée, avec neuf personnages, fut exécu-
tée par M. Barre en quinze jours ; c'était un
tour de force qui ne pouvait être réalisé que
par un praticien rompu k toutes les difficultés
les plus ardues du travail manuel de la gra-
vure en médailles. Un prince étranger était
descendu k la cour de France et devait visiter
les établissements de Paris entre autres , la
Monnaie. Le roi voulait consacrer le souvenir
de cette visite par une médaille k l'effigie de
son hôte; mais on n'avait ni buste, ni por-
trait du prince, et comme on voulait lui ména-
ger une surprise , on ne pouvait pas lui de-
mander une séance de pose. L'embarras de
l'administration était grand , ainsi que celui
de M. Tiolier , alors graveur général , qui ne
savait comment satisfaire au désir du souve-
rain , lorsque M. Barre s'offrit pour exécuter
la médaille projetée. M-uni de l'autorisation
nécessaire , Q se rendit aux Tuileries au mo-
ment où se donnait un grand dîner de gala ;
en grande tenue de maître d'hôtel , une ser-
viette Sous le bras et une assiette k la main,
il se mêle aux nombreux gens de service sans
être remarqué ; posté k une distance conve-
nable de l'hôte royal, il put crayonner à son
aise son profil sur une feuille de papier appli-
quée au fond de l'assiette qu'il tenait k la main ;
puis il rentra chez lui , passa jours et nuits
a modeler son buste , k réduire son poinçon ,
k le retoucher sur les indications de quelques
familiers du prince, mis dans la confidence, et
le jour où ce dernier fit sa visite k la Monnaie,
on lui présenta une médaille frappée devant
lui k son effigie très-ressemblante. Ce person-
nage parut charmé ; il prodigua autour de lui
les expressions de sa joie et de sa reconnais-
sance; mais il n'eut ni un mot gracieux ni un
bout de ruban pour l'artiste modeste qui s'était
effacé derrière l'administration et le graveur
général, son maître et son ami. La grande
médaille frappée k l'occasion de la visite de la
famille royale à la Monnaie , en 1833 , est un
chef-d'œuvre d'arrangement et de goût;
M. Barre trouva le moyen d'y faire figurer,
dans des cartouches reliés par des ornements
d'un style excellent et d'une richesse sans lour-
deur, non-seulement les portraits du roi Louis-
Philippe et de la reine , mais encore ceux de
tous les princes et princesses de la famille
royale, sans exception : y compris la princesse
Adélaïde , sœur du roi, ces princes étaient au
nombre de huit. L'année suivante, en 1834 ,
M. Barre fut nommé chevalier de la Légion
d'honneur.
Atteint du mal qui devait le conduire au
tombeau, et ne pouvant plus exercer les fonc-
tions de graveur général , M. Tiolier avait
confié k M. Barre la direction de ses ateliers,
et celui-ci s'acquitta avec tant de zèle , de ta-
lent et d'intelligence de cette mission, pendant
plusieurs années, qu'à la mort de M. Tiolier, en
1842, il fut appelé, k lui succéder, et entra en
fonctions le 20 décembre. Il fut promu, en 1852,
officier de la Légion d'honneur, et mourut le
10 juin 1855, regretté de l'administration, qui
avait apprécié son rare mérite et ses services
exceptionnels ; pleuré par les artistes, qui
avaient toujours trouvé chez lui une bienveil-
lance et une protection fraternelles, k leurs dé-
buts dans la carrière. C'était un homme d'un
caractère honnête et droit, un artiste sérieux
et convaincu, un ami au dévouement sûr;
sa mort fut un deuil pour tous ceux qui l'a-
vaient approché. Il a laissé deux fils, qui por-
tent dignement son nom : l'aîné , Jean-Auguste
Barre, un de nos meilleurs statuaires, cheva-
lier de la Légion d'honneur, est membre de
l'Institut; l'autre, Désiré-Albert, élève distin-
gué de Delaroche , décoré aussi de la Légion
d'honneur, a succédé k son père comme gra-
veur général des monnaies.
Outre plusieurs types monétaires excellents
et d'un bon style, l'œuvre de J.-J. Barre offre
des médailles et jetons en grand nombre, dont
le mérite est fort apprécié : il faut signaler
surtout, outre celles dont il a été parlé ci-des-
sus , la médaille du grand prix de vertu du
Comice de Seine-et-Oise, offerte par M. le duc
de Luynes. Sur l'ordre et d'après les indica-
tions de ce haut personnage , bien connu par
ses connaissances et ses aptitudes artistiques,
M. Barre fit un coin qui restera un chef-d'œu-
vre de goût, d'art et de gravure. Cette mé-
daille peut être comparée aux meilleures des
écoles française et italienne pour la pureté du
galbe, la simplicité savante de l'arrangement,
la finesse du modelé et la grâce de l'ensemble.
Les autres médailles de M. Barre représen-
tent : le docteur Gall, le Retour des cendres de
Napoléon, le Boi.des Belges et \e prince Czar-
toriski, le Prince président. On a de lui , en
outre, un rapport très -intéressant Sur les
procédés anciens et modernes du monnayage en
France (1851).'
BARRE (Jean-Auguste), statuaire français,
né k Paris en 1811, élève de J.-J. Barre, son
père, et de Cortot. Il débuta en exposant, au
Salon de 1831, plusieurs médaillons et la Li-
berté triomphante, groupe allégorique. Voici
ce qu'écrivit, k propos de ce dernier ouvrage,
Gustave Planche, qui a eu le don de présager
les succès de quelques-uns des grands artistes
de notre temps : « Le groupe do M. Barre ré-
vèle plusieurs qualités louables, et surtout un
amour sincère de la réalité ; mais l'artiste
choisit mal ses modèles, et il néglige de hss
ennoblir et de les élever. Si, comme je le
crois, c'est le début d'un jeune homme, avec
du travail, il peut espérer d'atteindre k une
bonne exécution. Les draperies sont touchées
avec souplesse et assez naturellement. »
Comme lavait prévu le célèbre critique,
M. Auguste Barre est arrivé k être l'un des
plus habiles praticiens de notre époque ; il
modèle les chairs avec une grande hnesse et
une vérité k peu près irréprochable ; il accuse
les détails avec soin et arrange les draperies
avec goût ; il réussit particulièrement k faire
les portraits, surtout les portraits de femmes,
dans lesquels il déploie de la grâce, de la co-
quetterie même, sans tomber ni dans la miè-
vrerie ni dans la fadeur. Mais, dans les com-
positions qui réclament de la chaleur, de la
noblesse, du style, il s'élève rarement au-
dessus d'une correcte et froide réalité. Il a
pris part k toutes les expositions qui ont eu
lieu k Paris depuis 1831 jusqu'en 1865, ex-
cepté k celles de 1841, 1844, 1857 et 1859. Ses
principaux ouvrages sont : Ulysse reconnu par
son chien, dont le modèle en plâtre, exposé en
1833, a été exécuté en marbre pour ie Salon
de 1834 et a valu k l'artiste une médaille de
2* classe ; Daoid s' apprêtant à combattre Go-
liath (1834); l'Ange et ï 'enfant, d'après la poé-
sie de Reboul (1837); la statue de François de
Lorraine, duc de Guise, qui a obtenu une mé-
daille de ire classe (1840); Chabot, comte de
Charny, gouverneur de Bourgogne, sauvant les
huguenots de cette province des massacres de la.
Saint-Barthélémy, bas-relief en bronze (1842);
la statue d'Achille de Harlay (1843) et celle de
Mathieu Mole (1845), commandées par le gou-
vernement, pour le palais du Luxembourg; la
statue en marbre de la duchesse de Penthiè-
vre (commande du gouvernement), et celle en
bronze du savant Laplace, destinée k la ville
de Caen (1847); la France, statue en plâtre
(1849) ; la Liberté; bas-relief en marbre, com-
mandé par le ministre de l'intérieur (1850);
AjûCer Dolorosa, statue en bronze (1852);
Bacchia, statue en marbre, .commande du mi-
nistre d Etat (1855) ; la statue en bronze de
monseigneur Affre, pour la ville de Rodez
(1864). M. Barre a exposé, en outre, un grand
nombre de bustes-portraits, parmi lesquels on
a remarqué ceux qui représentent les person-
nages suivants : Léopold,roi des Belges (1836);
Alexandre Duval (1845); Pie IX, M»c Mars
(1848); Louis-Napoléon, président de la Répu-
blique (1852); Napoléon III (1853); Mme Do-
che, Mlle Delphine Fix, le prince Napoléon
(1855); l'impératrice Eugénie, la princesse
Clotilde, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1861);
Emma Livry (1865). Le buste de Louis-
Napoléon , exposé en 1852 . a été accepté
comme modèle officiel pour le coin des nou-
velles monnaies. On doit encore k M. Barre
une statuette en ivoire de Mlle Rachel (1849),
une statuette en marbre de M. Chaix d'Est-
Ange, et une statue en marbre de l'impératrice
Eugénie (1861). Cet artiste a été décoré en
1852.
BARRE (Désiré-Albert), frère puîné du pré-
cédent, né k Paris en 1818, suivit l'atelier de
Paul Delaroche, voyagea en Italie, seconda
son père dans ses derniers travaux et lui suc-
céda, en 1855, comme graveur général de
l'Hôtel des monnaies.
BARRE DE BEAUMARCHAIS (Antoine DE
la), littérateur français, né k Cambrai, mort
vers 1757. Fort instruit, connaissant 1 espa-
gnol, l'anglais et l'italien, il était chanoine
régulier de la maison de Saint-Victor, lors-
Su'il quitta la France pour aller habiter La
[aye, Hambourg, Francfort-sur-le-Meîn, où
il fit, pour les libraires, une grande quantité
d'ouvrages. Nous nous bornerons k citer :
Lettres sérieuses et badines sur les ouvrages
des savants (La Haye, 1729-1733, 8 vol.), où
l'on trouve de très-curieux morceaux d'histoire
littéraire; Amusements littéraires ou Corres-
pondance politique, philosophique, etc. (1741,
3 vol.) ; enfin, le Hollandais ou Lettres sur la
Hollande ancienne et moderne (1738).
BARBÉ s. m. (ba-ré — rad. barrer). Mus.
Action d'appuyer les doigts sur plusieurs
cordes ou même sur toutes les cordes, en tra-
vers du manche de la guitare : Il exécute
bien les barrés.
— Ichthyol. Espèce de silure, qui vit sur
les côtes du Brésil et de la Guyane. C'est le
silure à bandes de Linné.
BARRÉ, ÉE (ba-ré) part. pass. du v. Bar-
33
258
BAR
BAR
BAR
BAR
rer. Fermé par un barrage : Un passage
barré. Une route barrée. Elle est timide;
elle traverse les chemins barrés. (MmB de
Sév.)
— Biffé : Un mot barré. Une page barrée.
— Rayé, en parlant d'une étoffe, il V. en ce
sens,
— Fig. Empêché par quelque obstacle :
De toutes parts, l'action est barrée et la vo-
lonté brisée. (H. Taine.)
— Frères barrés ou simplement Barrés,
Nom donné aux carmes, à cause du bariolage
de leur costume.
— Mar. Vergue barrée, Vergue sur laquelle
on borde la voile de perroquet de fougue, ce
dont on s'abstient le plus souvent, laissant
ainsi à la vergue l'apparence d'une barre. On
l'appelle, pour lamême raison, vergue sèche.
— Palais. Divisé, comme par une barre, on
deux fractions égales, en deux avis diffé-
rents : Juges, avis barrés, h V. en ce sens.
— Çhir. Dent barrée, Dent dont les racines,
écartées ou tortueuses, emportent, dans l'ex-
traction, une portion de l'arcade alvéolaire.
Il Os ou Bassin barré, Bassin de femme chez
lequel la symphyse du pubis a pris un déve-
loppement excessif dans le sens transversal.
Il hemme barrée, Femme dont le bassin est
barré.
— Blas. Se dit d'un écu couvert de barres
alternant do couleur, de façon que, le nombre
des barres égalant celui des interstices, les
bandes ne peuvent être distinguées du fond :
Famille de Fleyres : barré d'or et de gueules.
Il Se dit du battant d'une porte qui est chargé
d'un sautoir d'une couleur différente : Fa-
mille de Port : coupé de gueules et d'argent, à
deux portes ouvertes de l'une en l'autre, barrées
en sautoir d'or, il So dit de toute pièce hono-
rable couverte de barres. || Barré contre-barré,
So dit d'un écu parti, coupé, taillé ou tran-
ché, dont les barres se trouvent opposées les
unes aux autres par rapport à la disposition
de leurs couleurs. Il Cheval barré, Cheval
paré.
BARRÉ (Pierre-Yves), vaudevilliste et di-
recteur de théâtre, né à Paris en 1749 ou
1750, mort en 1832 , fut d'abord avocat au
parlement de Paris, puis greffier à celui de
Pau. Après 1789, il entreprit d'écrire" pour le
théâtre, et fit représenter, en société avec
Piis : les Amours d'été, les Vendangeurs, les
Veillées villageoises. De concert avec Piis,
Radet, Desfontaines et plusieurs autres, il
fonda, en 1792, le théâtre du Vaudeville, de
la rue de Chartres. Il en conserva la direction
jusqu'en 1815, et enrichit le répertoire de ce
théâtre d'un grand nombre de vaudevilles fort
spirituels et très-goùtés du public. Cet auteur
est l'un des plus charmants successeurs des
Panard, des Collé et des Favart. Parmi les
Êièces écloses de la collaboration Barré-Radet-
lesfontaines, celles qui ont eu le plus de vogue
sont les suivantes : Arlequin afficheur, folie
qui, depuis 1792, a été jouée plus de sept
cents fois; Colombine mannequin; le Mariage
de Scarron ; Monsieur Guillaume ; René le
sage; Gaspard l'avisé; le Fandango ; les Deux
Edmond; la Danse interrompue, etc. 11 paraît
que le plus habile des associés était Radet.
Barré avait l'esprit vif et facile, une entente
parfaite de la scène, mais peu de style. Neveu
du chansonnier Laujon et nabitué des dîners
du Vaudeville, il a composé aussi des chan-
sons qui ont eu beaucoup de vogue dans les
sociétés épicuriennes.
BARBÉ (Guillaume) , publiciste , né vers
1760 en Allemagne, d'une famille de protes-
tants français réfugiés, mort, par suicide, à
Dublin en 1829. 11 vint en France au commen-
cement de la Révolution, dont il embrassa la
cause avec ardeur, fit la première campagne
d'Italie dans l'armée française et parvint au
grade de capitaine. Il parlait et écrivait toutes
les langues de l'Europe, et il devint interprète
de Napoléon 1er. Mais ayant composé, contre
le maître, des couplets satiriques, il s'enfuit
dans une barque, en descendant le cours de
la Seine jusqu'au Havre, bravant la police,
qui sans doute le cherchait ailleurs, et passa
en Angleterre sur un navire américain. Là, il
donna cours à ses ressentiments, en publiant
l'Histoire du consulat français sous Bonaparte
(Londres, 1807), puis l'Origine, les progrès, la
décadence et la chute de Bonaparte en France
(1815), dont le premier volume a seul paru.
Ces deux ouvrages , écrits en anglais , sont
de véritables pamphlets.
BARRE (Léonard), né a Bordeaux, mort
vers 1825, perdit la raison à la suite de revers
de fortune et composa plusieurs écrits qu'il
adressa à Napoléon I«f,àPie VII, à l'empereur
d'Autriche et aux autres souverains de l'Eu-
rope. Comme dans toutes les élucubrations dos
monomanes de ce genre, il s'agissait toujours
de la révélation de quelque système infaillible
pour sauver l'univers. Les principaux de ces
écrits sont : le. Véritable système de gouverne-
ment du corps politique et d'économie générale
(1804); Trait de lumière ^815) ; A Sa Sainteté
le pape Pie VII, et à tous les grands maitres de
la franc-maçonnerie, principaux membres de
la diplomatie, etc. (1818). Ce malheureux si-
gnait quelquefois ses étranges productions :
" Léonard, qui n'est plus Barre, parce qu'il
a fondu la calotte d'airain qui tenait tous nos
cerveaux enclavés. »
BARRÉ (Louis), littérateur et lexicographe,
né à Lille en 1799, mort en 1857. Il enseigna
les langues en Belgique, la philosophie au
collège de Lille (de 1830 à 183G), et se fixa
ensuite à Paris, où il exécuta beaucoup de
travaux pour les libraires : des éditions ou
compléments des dictionnaires de l'Académie,
de Napoléon Landais, de Boiste, etc. (en col-
laboration avec Ch. Nodier, Landais, Chésu-
rolles); des éditions de classiques français,
des traductions des Œuvres de Walter Scott,
de Clarisse Harlowe, de Dante ; le Texte des
Antiquités d'Herculanum et de Pompéi (Didot,
1840); Petite Biographie classique (Didot,
1844), etc.
RARRÉ (Jean-Baptiste), statuaire contem-
porain, né à Nantes. Il a exposé, pour son
début, au Salon de 1843, une statue représen-
tant la Madeleine au désert, qui lui a valu
une médaille de 3^' classe. Nous citerons,
parmi ses autres ouvrages : Jésus après la
flagellation (Salon , 1846) ; la Vierge et l'En-
fant (Salon, 1848); les bustes en bronze
d'Evariste Boulay-Paty et d'Ed. Turquety
(Salon, 1850), placés tous deux au musée de
Rennes-, Graziella (Salon, 1857).
BARRÉ (Léopold), acteur français, né à
Paris le 14 avril 1819, est fils d'un libraire de
la capitale. D'abord séminariste, il abandonna
la soutane pour le théâtre et s'essaya, en
1839, à la banlieue, dans la troupe des frères
Seveste. La même année, il entrait au théâtre
du Panthéon et devenait l'idole des habitués
de l'endroit, par la façon dont il jouait les co-
miques et les grimes. Après avoir créé un
rôle important dans la Poudre de Perlimpin-
pin, il vint débuter, en 1841, à l'Odéon, et
joua avec succès les paysans du vieux. réper-
toire, les comiques chargés. Alexandre Dumas
le prit a l'Odéon, l'essaya, à Saint-Germain,
dans quelques-uns des drames qu'il destinait
au Théâtre-Historique et le fit débuter, sur
cette dernière scène, lors de son ouverture.
Le baron de Kalb dans Intrigue et amour] Po-
lonius dans Hamlet, Agésilas dans le Cheva-
lier de Maison- Rouge, Godard dans la Marâ-
tre, Penelou dans Monte-Cristo, Planchet
dans les Mousquetaires, Gorgo dans Cati-
lina, etc., montrèrent, sous son véritable jour,
son talent fin et communicatif. Après la fer-
meture du Théâtre-Historique, il passa aux
Folies-Dramatiques, et alla, le il janvier 1851,
créer, à la Porte-Saint-Martin, le rôle de
Denis Ronciat dans Claudie. Appelé plus tard
à l'Odéon, il y fit sa rentrée avec un grand
succès, reprit le personnage de Jean Bonnin
de François le Champi, et créa le rôle de
Patience dans Mauprat, du Capitaliste dans
Y Honneur et l'argent, de Daniel dans Que dira le
monde? de Chrétien dans la Conscience. En
même temps qu'il abordait l'ancien répertoire
dans les rôles de son emploi, tels que Jodelet
des Précieuses ridicules, Agnelet de l'Avocat
Patelin, Laflèehe de l'Avare, Basile du Barbier
de Sévitle, Brid'oison du Mariage de Figaro,
Sylvestre des Fourberies de Scapin , Pour-
ceaugnac de M. de Pourceaugnac, Lubin de
Georges Dandin, il comptait de nombreuses
créations dans le répertoire moderne. C'est
ainsi qu'on l'a vu successivement dans André
Gérard, les Gens de théâtre, le Rocher de Si-
syphe, la Bourse, etc. Appelé enfin au Théâ-
tre-Français, il a été admis comme pension-
naire. Rue de Richelieu, il a repassé toute
l'ancienne comédie et a créé ou repris divers
rôles dans le Village, la Comédie à Ferney,
On ne badine pas avec l'amour, Jean Baudry,
la Maison de Pénarvan, le Gendre de M. Poi-
rier, le Duc Job, etc. M. Barré est un comi-
que dont les principales qualités sont la fran-
chise et la rondeur. Il rend supérieurement la
bêtise naïve et la narquoiserie paysanne de
certains types. Malheureusement, les rôles
qu'on lui permet d'aborder aux Français sem-
blent moins favorables à son talent que ceux
qui lui revenaient à l'Odéon. Il est à craindre
que le séjour de notre scène ne soit funeste à
son talent :
Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier.
D'ailleurs, le théâtre contemporain est bien
plus son fait que celui qui repose sur des tra-
ditions souvent redoutables pour un artiste
qui puise ses inspirations dans son temps, et
dans le milieu où il vit.
BARRÉ DE JALLA1S, administrateur, né à
Chartres en 1772. 11 était commissaire des
guerres à Angers lorsque le premier consul,
voulant pacifier la Vendée, remploya utile-
ment à cet objet. Chargé par le général Hé-
douville de négocier avec le fameux abbé
Bernier, il s'acquitta de cette mission délicate
avec un plein succès, et contribua ainsi à
ramener la paix dans ces malheureuses con-
trées. Il fut nommé ensuite sous-préfet, puis
secrétaire général d'Eure-et-Loir. Il a publié,
en 1815 : Essai sur l'industrie, les mœurs,
l'administration et les besoins de la Vendée.
BARRÉ DE SAINT- LEC ( Jean-Baptiste-
Henri), brave officier de marine, né à Paris
en 1768, fils d'un militaire que la maison d'Or-
léans avait fait gouverneur de Saint-Leu. Il
entra jeune dans le service de mer, alla com-
battre pour l'indépendance des Etats-Unis, fut
fait prisonnier par les Anglais, exerça divers
commandements pendant la Révolution , fit
partie de la campagne d'Egypte et de l'expé-
dition de Saint-Domingue, et fut pris, en
1812, par les Anglais, avec le vaisseau le Ri-
voli, après un combat qui rendit sa défaite
aussi glorieuse qu'une victoire. 11 prit sa re-
traite en 1814 , avec le grade de contre-
amiral.
BARRÉ DE SAINT-VENANT (Jean), agro-
nome, né à Niort en 1737, mort en 1810. Offi-
cier dans un régiment de cavalerie en garni-
son à Saint-Domingue, il fonda dans cette
colonie un grand établissement agricole, fut
nommé membre de la Société d'agriculture et
du commerce , contribua à la fondation , au
Cap , du cercle agricole et scientifique les
Philadelphes, et revint se fixer, en 17S8, en
France, où il continua à s'occuper d'agricul-
ture. Saint-Domingue lui doit des améliorations
utiles dans les méthodes de culture. Il a com-
muniqué à la Société d'agriculture du dépar-
tement de la Seine des mémoires Sur le code
rural et sur la possibilité de naturaliser, dans
le midi de l'Europe, le coton, le café, la canne
a sucre. Il se disposait à aller dans le royaume
de Naples pour commencer des essais, lors-
qu'il mourut. Il a laissé un ouvrage d'un
grand intérêt : Des Colonies modernes sous la
zone torride, et particulièrement de celle de
Saint-Domingue (1802).
BARREAU s. m. (ba-ro — rad. ba'rre). Pe-
tite barre : Des barreaux de fer. Un gros
barreau. Un barreau solide. Les barreaux
d'une chaise, tl So dit particulièrement d'une
petite barre de fer ou de bois qui. réunie à
d'autres, forme avec elles une grille ou une
clôture : Les barreaux d'un gril. Les bar-
reaux d'une prison. Mais silence! silence! il
me faut le temps de scier vos barreaux. (Alex.
Dum.)
Il caressait son fils à travers les barreaux.
Lamartine.
Un noir cachot peut illustrer mes vers :
A. ses iaiTCaux je suspendrai ma. lyre.
BÉOANQER.
Je veux, de haut en bas, faire attacher des grilles,
Et que de bons barreaux, larges comme la main,
Puissent servir d'obstacle & tout effort humain.
Regnard.
— Typogr. Levier au moyen duquel, dans
une presse à bras, on met en mouvement
la partie de la machine qui produit le fou-
lage : Le barreau est fixé à la vis dans la
presse en bois, et à la colonne dans la presse
en fer. (***) Le barreau se compose d'une barre
de fer recourbée à l'une de ses extrémités, celle
par laquelle il est fixé à la.presse, et porte à
l'autre un long manche de bois, par lequel
l'ouvrier le fait mouvoir. (***)
— Techn. Outil du fabricant de pipes. Il
Barreau de côtière, Barreau d'une grille qui
porte les gonds de la porte, il Barreau de bat-
tement, Barreau de grille sur lequel la porte
bat et où la serrure est fixée. Il Barreaux dor-
mants, Nom donné, dans diverses industries,
aux traverses do fer qui soutiennent la grille
d'un fourneau. Il Barreaux à pique, Barreaux
de grille qui dépassent la travée supérieure
et se terminent par un fer de lance.
— Phys. Barreau aimanté , Barre d'acier
dont on a fait un aimant artificiel : Un "bar-
reau aimanté possède cette singulière pro-
priété, qu'étant brisé en deux, chacune des deux
parties séparées est elle-même un aimant pos-
sédant la polarité. (Becquerel.)
— Mar. Nom que l'on donne à deux petites
barres d'acie: trempé, dur, poli et aimanté,
chacune longue d'un pied, large d'un pouce
et épaisse de six lignes, servant, en mer, à
ranimer les aiguilles des compas, sans quo
l'on soit obligé de les détacher de la rose.
BARREAU s. m. (ba-ro — rad. barre). Es-
pace garni de bancs, réservé aux avocats
dans les salles d'audience, et qui était autre-
fois fermé par une barre de bois ou do fer :
L'avocat arriva chargé de dossiers et prit place
au barreau. (***) Les avoués, lorsqu ils ont à
plaider, se placent au barreau comme les avo-
cats. (Dalloz.)
Si quelque exploit nouveau,
Chaque jour, comme moi, vous traînait au barreau.
Boileau.
— Par ext. Ordre entier des avocats, en-
semble des personnes qui exercent cette pro-
fession : Le barreau occupe une grande place
dans les pays libres. (***) On semble s'être fait,
au barreau, un système de probabilités tout à
fait commode pour les mauvais plaideurs.
(Marmontel.) Par un rare privilège, le bar-
reau avait eu les avantages des corporations,
sans en avoir les inconvénients. (O. Pinard.)
La cour d'assises, avec ses déchirements et son
imprévu, avec ses angoisses et ses larmes, voilà
ce qui a manqué à l'ancien barreau et ce qui
a rapproché le barreau moderne des audiences
tumultueuses de l'antiquité. (**") On sait, à
quelques francs près , le tarif des aigles du
barreau pour la même affaire ; c'est mille
francs chez l'un, deux mille, trois mille chez
l'autre. (L. Reybaud.)
Nous autres du barreau, nous sommes des gaillards.
Keqnard.
Il Ordre des avocats d'un pays, d'une ville ou
d'une juridiction : Le barreau romain. Le
barreau français. Le barreau anglais. Le
barreau de Paris. Le barreau de Rennes.
L,e barreau du parlement de Bretagne. Le
barreau français est à son apogée au xvie siè-
cle. (Lherminier.) Grâce à moi, le jeune bar-
reau de Caen donne de grandes espérances.
(Fr. Soulié.) C'est l'avis de presque tous les
journaux et barreaux de France. (T. Delord.)
il Profession d'avocat ; exercice de cette pro-
fession ; pratiques, habitudes, langage pro-
pres au gens de cette profession : La carrière
du barreau. L'éloquence du barreau. Le style
du barreau. Le barreau était, à Rome, la
grande candidature aux suffrages politiques
de la multitude. (Lamart.) A peine sorti du
collège, vous vouliez sur-le-champ embrasser la
carrière du barreau. (Scribe.) Christophe fai-
sait en ce moment ses éludes pour débuter au
barreau, ce premier degré de la magistrature.
(Balz.) Le barreau n'a jamais fait défaut à qui
s'y consacre, avec le sentiment des devoirs, l'a-
mour du travail, un vrai talent, du savoir. (Ber-
ryer.) Le barreau, de tous côtés, échappe aux
avocats... Hélas! hélas! les dieux, les rois et
les procès s'en vont. (Cormen.) Rien n'existe
plus de cette éloquence du barreau qui avait
jadis une forme, un caractère, une physionomie
à soi. (Cormen.) On a dit que le barreau était
sur la pente d'une décadence prochaine : nous
n'en croyons rien. (J. Leberquier.)
Vous-êtes au barreau venu dans le bon temps.
Etienne.
Quoi! vous avez souffert qu'on vous interloquât!
— Pourquoi donc de ce terme être si fort piquée 7
C'est un mot du barreau
Reonard.
Vous quittez le barreau pour le métier des armes ;
C'est bien. Suivez, monsieur, votre nouvel état
Un hussard aujourd'hui vaut bien un avocat.
Al. Duval.
— Encycl. Hist. polit. Le Grand Diction-
naire a déjà parlé du barreau, de son histoire
comme institution judiciaire, et des règle-
ments auxquels il est soumis (v. Avocat). Il
lui reste a l'envisager comme institution so-
ciale, à apprécier l'influence qu'à toutes les
époques il a exercée sur la société civile et
politique et & caractériser ce qu'il .est de nos
jours. Ces notions seront complétées par uno
courte excursion à l'étranger, et quelques
lignes sur les phases que l'art oratoire, au bar-
reau , a parcourues en France depuis trois
siècles.
Il n'y a pas de barreau là où il n'existe pas de
justice organisée et libre : pour qu'un certain
nombre d'hommes se vouent à la défense des
intérêts privés, H faut qu'ils trouvent dans les
lois, ou tout au moins dans les mœurs, des
garanties suffisantes d'indépendance et do
liberté. De tout temps, il y a eu des avocats, en
ce sens que, dans les sociétés les plus an-
ciennes et les moins civilisées, l'orphelin dé-
pouillé ou le malheureux déféré à la justice
populaire ont pu, sans doute, appeler pour les
défendre un parent ou un ami ; mais le bar-
reau n'a pris naissance qu'à côté d'une magis-
trature régulière, parce qu'il emporte l'idée,
non plus dun patronage accidentel, mais de
l'exercice habituel d'une profession, parce
qu'il n'y a pas de véritable magistrature sans
reconnaissance expresse du droit de défense
dont le barreau est le gardien-né. On peut
donc dire que si le droit de défense est de
toute époque et de tout pays, que s'il est,
comme la justice elle-même, de droit naturel,
il ne peut s'exercer sûrement et efficacement
tant qu'il n'est pas proclamé par le droit posi
sitif et conserve par des hommes qui se con-
sacrent, par état, à l'invoquer devant les tri-
bunaux.
Ce n'est pas assez, pour une société, de pro-
clamer la liberté de la défense. Il peut sem-
bler, au premier abord, que tous les intérêts
sont saufs lorsque les justiciables ont le droit
d'amener avec eux, à la barre, un défenseur
éloquent, et que leur choix n'est limité par
aucune loi ni aucun règlement; toute restric-
tion n'est-elle pas, en cette matière, en con-
tradiction avec la proclamation du droit de
défense? L'expérience a montré que ce droit
sacré, loin d'être compromis, était, au con-
traire, affermi, lorsqu'il était confié a la garde
d'hommes liés entre eux par des obligations
réciproques, investis d'ut) monopole à peu près
exclusif, assujettis à fournir la preuve d'étu-
des sérieuses, soumis à une discipline sévère,
et intéressés, dès lors, à lutter de probité et
de savoir. C'est ainsi que le barreau est de-
venu une institution sociale, considérable par
les garanties qu'elle offre aux citoyens appe-
lés S se défendre devant les tribunaux, plus
considérable encore, peut-être, par l'influence
qu'elle exerce sur la société politique et civile.
Les avocats apportent, en général, dans les
relations de chaque jour et dans la part qu'ils
prennent aux affairés publiques, un esprit do
tolérance, un libéralisme intelligent, une ra-
pidité de conception, une haine de l'arbitraire,
une culture intellectuelle, une connaissance
des hommes, qu'aucune autre profession ne
donne à un tel degré. Qu'on joigne à ces qua-
lités l'habitude de la discussion et de l'impro-
visation, une élocution facile, un débit cha-
leureux, et l'on comprendra que le barreau
doit toujours tenir une grande place dans les
pays où les citoyens ont, par eux-mêmes ou
par des mandataires, le libre maniement, des
intérêts publics. L'homme se livre volontiers
à ceux dont la parole entraînante fait naître
chez lui des impressions vives ; il aime l'élo-
quence, même quand elle s'égare, et ses plus
belles fêtes sont aussi bien celles de la parole
que celle de l'art ; et, si cette parole est au
service d'idées généreuses, si eile proclame
la nécessité de réformes libérales , elle trouve
de l'écho dans tous les cœurs. On peut donc
dire que celui qui arrive aux affaire'' publi-
ques sans avoir passé par1 le barbeau fait for-
cément un plus rude et plus chanceux appren-
tissage. A moins d'être exceptionnellement
doué, il se sentira, même avec d'heureuses
BAR
BAR
BAR
BAR
259
facilités, inférieur à, des hommes médiocres,
chez lesquels une improvisation facile et la
pratique de leur profession tiendront lieu de
ce qui leur manque.
L'histoire est pleine de faits qui témoignent
du rôle important que les avocats ont joué sur
les diverses scènes politiques. En Grèce, à
Athènes surtout, l'éloquence rendit d'émi-
nents services. Démosthène , en qui elle sem-
ble se personnifier, lutta sans relâche, avec
l'arme de sa puissante parole, contre les forces
et l'or de Philippe. Citons, en outre, Aristide,
Périclès, Lysias, Eschine, dont le souvenir
est impérissable. A Rome, le premier nom qui
se présente est celui de Cicéron, qui, par de
brillants succès au barreau , se prépara à
triompher à la tribune aux harangues. Peut-
on oubiier les Caiilinaires, par lesquelles il
dévoila et fit avorter une conspiration habile-
ment ourdie; les Verrines , dans lesquelles,
s'attaquant à un puissant proconsul, il dé-
voila ses vols, ses concussions, ses crimes
de toute espèce, et, se faisant l'organe de la
Sicile aux abois, réclama une punition exem-
plaire contre le coupable Verres? La condam-
nation à l'exil qui fut prononcée contre ce der-
nier prouva que Cicéron avait soutenu une
cause juste. Marc-Antoine, Crassus, Horten-
sius, honorèrent, à la même époque, la tribune
et le barreau. La chute de la République mit
fin à ces luttes magnifiques. Les avocats se
réfugièrent dans la pratique de leur profes-
sion, et tournèrent leurs efforts et leur génie
vers la science du droit: Paul, Papinien,
Gaïus, Ulpien, pour ne citer que les plus célè-
bres, posèrent dans leurs écrits les bases de
cette admirable législation qui a traversé les
siècles, de ce droit romain dont les principes
ont trouvé place dans tous les codes moder-
nes. Il n'y eut plus alors d'orateurs; il y eut
des jurisconsultes, parmi, lesquels on choisit
les avocats du fisc, défenseurs des droits im-
périaux, et les nombreux fonctionnaires appe-
lés à administrer le grand empire. S'il ne leur
fut plus permis de proclamer les grands prin-
cipes en faveur desquels leurs pères avaient
éloquemment lutté, ils purent faire pénétrer
dans les lois et dans l'administration un esprit
d'égalité civile et de douceur relative , un
souffle de spiritualisme élevé, qui étaient un
progrès réel et qui eussent porté des fruits de
liberté si cet empire eût vécu.
En France, jusqu'au xmc siècle, la prédo-
minance de la force sur le droit ne permit pas
aux avocats d'exercer une influence notable.
Il n'y eut de barreau que lorsque saint Louis
se mt fait le grand justicier de son petit
royaume. Un grand progrès était déjà accom-
pli : les clercs étaient entrés dans la cour du
roi, pour servir de conseils aux barons féo-
daux et pour les remplacer plus tard. La
royauté avait compris instinctivement qu'elle
n'aurait pas de défenseurs plus intelligents et
plus dévoués que ces avocats nourris du droit
romain et pressentant que l'avenir était à eux.
A cette époque, la magistrature se constitua,
et le barreau, d'où elle sortit et dans lequel
elle devait se recruter, prit une place impor-
tante dans la société. Au xve siècle, il avait
reconquis tout le prestige dont il jouissait à
Rome et qu'il dut tout entier à ses vertus, à sa
réputation de savoir, à ses habitudes austères
et laborieuses. La monarchie absolue lui
laissa, dans sa sphère restreinte (c'est-à-dire
la discussion des affaires civiles), une grande
latitude dont il profita pour se constituer for-
tement; dès le xvue siècle, il ne releva que
de lui-même, et il conserva, jusqu'à la Révolu-
tion, la disposition de son tableau.
Les états généraux de 1484, 1560, 1576,
1588 et 16H donnèrent au barreau l'occasion
de manifester son esprit et ses tendances. Un
certain nombre de ses membres furent élus
députés du tiers état et eurent, sans doute,
une grande part à la rédaction des cahiers.
On voit apparaître, dès cette époque, les idées
de réforme, qui ne triomphèrent définitive-
ment qu'en 1789 ; la main des avocats se tra-
hit dans l'examen des questions du pouvoir
papal, des libertés gallicanes, de la tolérance
religieuse, du concile de Trente et des jésui-
tes : on y reconnaît les héritiers des légistes
du xive siècle et les ancêtres des rédacteurs
de la Constitution civile du clergé. Sur ces
points délicats, ils épousèrent les opinions de
la magistrature, à laquelle ils s'unirent toutes
les fois que celle-ci fut appelée à défendre ses
maximes favorites.
Malgré cette union, que l'histoire constate à
Slusieurs reprises, et notamment au siècle
ernier, le barreau fut assez souvent en lutte
avec les compagnies judiciaires , disposées à
exagérer leurs prérogatives. Le gouverne-
ment, qui, de son côté, cherchait volontiers
l'occasion d'affaiblir l'autorité des parlements,
prit fréquemment parti pour le barreau. En
1704, les avocats au parlement d'Aix, blessés
dans leur dignité, refusèrent de se rendre aux
audiences. Le chancelier Pontchartrain enga-
gea le parlement a mettre fin à cette brouille
et à ramener le barreau par quelques marques
de bienveillance envers un ordre qui mérite de
la considération par lui-même. Le barreau re-
prit l'exercice de son ministère; mais le pré-
sident, s'étant avisé de dire que, pendant son
absence, les choses n'en avaient pas été plus
mal, fut vertement semonce par le chance-
lier, o Je ne puis être de votre avis, lui écri-
vit-il, sur l'inutilité du barreau, dont le minis-
tère a toujours été déclaré par les ordonnances
comme nécessaire et indispensable pour l'ad-
ministration de la justice. Je suis surpris que
vous pensiez et que vous parliez autrement,
surtout dans la place que vous occupez... >Le
fouvernement affectait peut-être plus de ten-
resse pour cet ordre qu'il n'en ressentait réel-
lement; mais il jugeait au moins politique de
se ménager, à un moment donné, l'appui mo-
ral de toute une classe éclairée et vertueuse,
qui pouvait servir d'appoint dans les luttes
fréquentes de la magistrature et de la royauté.
Le barreau joua un rôle considérable au
moment de la Révolution, dont il accueillit les
principes avec enthousiasme : cent- quatre-
vingt-trois avocats furent envoyés par le
tiers état à l'Assemblée constituante, et y ap-
portèrent leur science, leur éloquence, leur
patriotisme , mais aussi leurs préjugés et
leurs illusions. Habitués à respecter l'autorité
des lois, ils crurent qu'il suffirait de promulguer
quelques décrets pour régénérer la France, et
sacrifièrent souvent des institutions éprouvées
à des idées plus généreuses que praticables.
C'est ainsi qu'ils prêtèrent les mains à la désor-
ganisation du barreau, dont, mieux que per-
sonne, ils devaient connaître le véritable carac-
tère, compatible certainement avec le nouvel
ordre de choses. Robespierre combattit énergi-
quement le projet de décret qui avait pour but,
en déclarant libre le ministère d'avocat, de
confier la défense des accusés en matière cri-
minelle à des défenseurs commissionnés par
les tribunaux. « La fonction de défenseur, dit
l'avocat d'Arras, échappe au pouvoir souve-
rain... Sans doute, cette profession n'était pas
exempte des abus qui désoleront toujours les
Ïieuples qui ne vivront pas sous le régime de
a liberté ; mais pourtant on est forcé de con-
venir que le barreau montrait encore les der-
nières traces de la liberté, exilée du reste de
la terre : c'était là que se trouvait encore le
courage de la vérité, qui osait proclamer les
droits du faible opprimé contre les crimes de
l'oppresseur puissant. Faites conférer par les
tribunaux le pouvoir de défendre les citoyens,
et vous ne verrez plus, dans le sanctuaire de
la justice, de ces hommes sensibles, capables
de se passionner pour la cause des malheur
reux, et par conséquent dignes de la défendre,
A leur place, on accueillera des gens de
loi sans délicatesse, sans enthousiasme pour
leurs devoirs, et poussés seulement dans une
noble carrière par un vil intérêt. Vous déna-
turez,'vous dégradez des fonctions précieuses
à l'humanité, essentielles au progrès de l'es-
prit public^ vous fermez cette école de vertus
civiques, ou les talents et le mérite appren-
draient, en plaidant la cause des citoyens de-
vant le juge, à défendre un jour celle du peu-
ple devant les législateurs. »
Ce que Robespierre avait prédit arriva : le
barreau essaya en vain de constituer, sous le
titre de Société d'hommes de loi, une associa-
tion de légistes offrant toutes les garanties de
savoir et de moralité; il fallut supporter le
contact des intrus, des hommes d'affaires tarés,
et l'institution fut dénaturée.
Dans les assemblées délibérantes, l'influence
des avocats se fit encore sentir jusqu'au coup
d'Etat du 18 brumaire; mais, à partir de cette
époque jusqu'à la Restauration, le barreau dut
se renfermer exclusivement dans la pratique
des affaires judiciaires. Il avait vu avec re-
gret l'élévation de Napoléon à l'empire,
pour les uns, par amour de la République,
pour les autres , par sympathie pour la
royauté proscrite.
Quoiqu'une loi antérieure eût reconstitué
l'ordre des avocats, en prescrivant la compo-
sition d'un tableau (22 ventôse, an XII), la
fortune du nouveau César ne les attira pas. A
Paris, sur deux cents membres inscrits, trois
seulement votèrent pour l'empire, a II fallait
moins que cela, écrit M. Pinard, pour expli-
quer des rancunes qui s'expliqueraient d'elles-
mêmes par la nature du pouvoir impérial, et
que le temps devait accroître. » (Le Barreau
au xixe siècle, I, si). Le barreau attendit plu-
sieurs années une organisation.plus complète.
Cambacérès, chargé de préparer un décret
organique, présenta plusieurs projets que
l'empereur repoussa, comme laissant trop de
liberté aux avocats. « Le décret est absurde,
lui écrivit une fois Napoléon ; il ne laisse au-
cune prise, aucune action contre eux. Ce sont
des factieux, des artisans de crimes et de
trahisons. Tant que j'aurai l'épée au côté, ja-
mais je ne signerai un pareil décret; je veux
qu'on puisse couper la langue à un avocat qui
s'en sert contre le gouvernement. » Le décret
du 14 décembre îsio donna toute satisfaction
à l'empereur, en mettant le barreau dans la
main des procureurs généraux et des minis-
tres de la justice, et en lui imposant l'obliga-
tion de prêter le serment politique.
Les avocats, sous l'empire, avaient été dé-
daignés par le souverain et par l'opinion. Les
derniers événements du règne et l'avènement
du régime suivant leur rendirent une grande
'importance. « Nulle part, la Restauration ne
fut accueillie comme au barreau : tout le
monde applaudissait; les opinions, les senti-
ments, les intérêts semblaient d'accord... L'u-
nanimité cache toujours des malentendus; il
n'y a rien de plus court que la lune de miel
de la politique; il ne fallait pas y regarder de
bien près pour surprendre, sous une simili-
tude apparente, des divisions qui ne prenaient
déjà plus la peine de se cacher et qui ne de-
vaient pas tarder à éclater. » (Pinard.) La
majorité des avocats, qui avait vu avec sa-
tisfaction la chute du régiine militaire, qui
avait applaudi au retour de l'antique royauté, i
devinrt promptement hostile à ses tendances ;
rétrogrades. L'opposition , qui comptait en
elle-même bien des différences d'opinions,
fut conduite par le barreau, dont on peut
dire , comme de la France , qu'il était centre
gauche. Berryer, Hennequin et d'autres en-
core faisaient, il est vrai, une brillante ex-
ception étalonnaient à la lutte plus de gran-
deur et d'éclat, en y apportant leur ardeur
et leur éloquence ; mais, que de noms célèbres
dans les rangs opposés 1 II suffit de citer les
frères Dupin, Mauguin, Mérilhou, Barthe,
Odilon-Barrot, Persil, Bernard (de Rennes),
Romiguières , . etc. , etc. L'ordonnance du
22 novembre 1822, qui, sur certains points,
donnait au barreau de précieuses prérogati-
ves, ne le réconcilia pas avec le gouverne-
ment; il continua ses attaques, combattit à
l'audience, à la tribune, dans les journaux,
se montra partout sur la brèche, et fut le pre-
mier à crier vengeance lorsque la monarchie
eut jeté le défi à l'opposition en violant la
charte.
La révolution de 1830 a eu pour les avocats
un caractère particulier, « c était moins une
victoire qu'un procès gagné; faute de juges
qui voulussent les entendre, ils s'étaient pour-
vus devant le peuple en interprétation de la
charte... On a appelé la révolution de 1830
une révolution d avocats: on a eu raison...
jamais révolution ne mérita mieux ce nom,
qui pour elle restera un éloge, puisqu'il lui
imprimait mieux qu'un autre le caractère lé-
gal qu'elle chercha à sedonnerdès l'origine.»
(Pinard.) On peut dire aussi que les avocats
en ont eu le bénéfice, puisqu'ils remplirent les
places vacantes dans l'administration et dons
la magistrature. Tout licencié en droit put voir
en perspective la simarre de garde des sceaux
ou l'habit brodé de pair de France.
Le barreau, sous le gouvernement de la
révolution de Juillet, fut moins uni que sous
le régime précédent. L'opinion démocratique
s'y dessina plus nettement à côté de l'opinion
légitimiste, représentée par d'anciens avocats
royalistes. C'est dans ces deux fractions du
barreau que l'opposition alla chercher ses
défenseurs, qui purent d'autant plus hardiment
invoquer les principes de liberté, que les mem-
bres du parquet, leurs adversaires alors, et
auparavant leurs confrères, avaient lutté pour
les faire triompher sous la Restauration. Le
combat fut vif-, le gouvernement dut subir
des attaques violentes, dont les procès politi-
ques furent l'occasion ; les théories les plus
radicales furent hautement défendues devant
le jury et même devant la Courtes pairs :
Marie, Bethmont, Ledru-Rollin ,' Crémieux,
Jules Favre, Michel (de Bourges), etc., se
firent connaître. On sentit que la société allait
être encore profondément remuée : le barreau
s'associa à ce mouvement des esprits, et, par
ses efforts pour obtenir la réforme parlemen-
taire et électorale, fut pour beaucoup dans la
révolution qui, le 24 février 1848, proclama la
république.
Aujourd'hui, les idées libérales et les prin-
cipes démocratiques trouvent toujours parmi
les avocats des défenseurs infatigables : le
barreau n'a pas failli à sa mission ; mais les
institutions ne lui sont pas aussi favorables.
« Depuis que les questions de presse , dit
M. Leberquier, ne sont plus portées devant le
jury, depuis que la plaidoirie, dans ces débats,
meurt en police correctionnelle, et que nul au
dehors n'a le droit de s'en rendre l'écho, le
barreau n'a plus de liens aussi étroits, de rap-
ports aussi directs avec le pays. » La profes-
sion d'avocat n'a peut-être plus le prestige
qu'elle avait il y a trente ou quarante ans,
sous le régime parlementaire; mais le barreau
est resté une école d'éloquence, de savoir et
de probité. Les traditions ne s'y effacent pas,
et il suffirait, pour le prouver, de citer, des
noms connus de tous : Berryer, Dufaure, Jules
Favre, Picard, Ollivier, Sénard, etc. Quels
plus frappants exemples du talent allié à la
fermeté des convictions et au profond senti-
ment de la liberté ? (Leberquier.)
Le barreau s'est trouvé, depuis soixante
ans, plusieurs fois en conflit avec la magis-
trature; le plus souvent, il a suffi de quelques
concessions de part et d'autre pour détendre
la situation ; quelquefois des arrêts solennels
ont été rendus, et le barreau a dû céder de-
vant les décisions de la cour suprême, qui,
notamment, lui a dénié le droit d'apprécier
publiquement les paroles ou les actes des ma-
gistrats, surtout pour les critiquer; les tribu-
naux lui contestent également celui d'em-
ployer dans son argumentation les mêmes
formes, les mêmes armes, la même vivacité
que le ministère public. M, Emile Ollivier
dit un jour dans un procès de presse :
« Le réquisitoire a fait appel aux passions
violentes ; cela est mauvais ; je le regrette. »
Il fut jugé par le tribunal de la Seine (30 dé-
cembre 1859) que ces paroles étaient inconve-
nantes, et l'avocat, sur son refus de les ré-
tracter, fut frappé de suspension. En réalité,
la question n'a pas encore été formellement
soumise aux tribunaux, qui, sans examiner le
droit, se sont arrêtés à la forme pour en ap-
précier la convenance. En fait, l'avocat, qui
connaît toutes les ressources de notre langue,
peut porter haut le drapeau de la défense et
faire entendre bien des appréciations sévères,
à la seule condition de les couvrir d'un voile
de respectueuse déférence et d'irréprochable
convenance.
— Le barreau à l'étranger. La puissance du
barreau est partout proportionnée à la mesure
de liberté politique dont jouissent les sociétés.
En Autriche, où la liberté commence à naître,
il en est de même du barreau. Les avocats
sont de véritables fonctionnaires, en nombre
limité , commissionnés et patentés par le
gouvernement; dans le reste de l'Allemagne,
l'organisation du barreau est presque identi-
que. Cet état de dépendance aie plus fâcheux
effet au point de vue moral. Le barreau, si
justement honoré dans les pays libres ou
dans lesquels subsistent encore les traditions
de la liberté, est là à peu près avili. Voici en
quels termes cet état d'avilissement est dé-
peint par M. Zink, président de chambre à la
cour suprême de Bavière, dans son ouvrage
intitulé De la justice et des droits des avocats.
« A peine est-on descendu dans l'arène judi-
ciaire, dit-il, tous les bons sentiments s'éva-
nouissent. L'amour de la vérité, la conscience,
la raison, la franchise, la bonne foi, tout dispa-
raît; on se tient pour absolument dégagé,
en exerçant la profession d'avocat , de toute
honnêteté dans la procédure, et c'est sans la
plus légère émotion, sans le moindre scru-
pule qu'on ment, en alléguant pour excuse les
vieux us et coutumes. » En Russie, l'anéan-
tissement et l'avilissement du barreau sont
encore plus complets. Les avocats y sont en
petit nombre; le gouvernement les désigne;
ils ne parient point en public; leur rôle se
borne a faire des écritures et à rendre des
visites aux juges. Au civil et au criminel, la
procédure est secrète : questions de fortune,
questions de liberté, questions de vie ou de
mort, tout s'y décide à huis clos. En Angle-
terre, le barreau existe à tous les degrés de juri-
diction et jouit d'honueursetde franchises con-
sidérables; cependant il peut être l'objet de
justes critiques. Les jeunes gens n'y sont pas
préparés par des études suffisantes ; le stage de
trois ans y est plutôt marqué par les dîners de
Temple-bar que par une sérieuse application
aux affaires. Les abords de la carrière, libres
en principe, y sont rendus difficiles, comme à
plaisir, par les nécessités de luxe et de dé-
penses imposées à l'avocat, même stagiaire.
Enfin, une fois inscrit au tableau, le barrisler
anglais vise moins à se rendre orateur disert,
savant légiste, qu'à devenir un gentleman ac-
compli. Le barreau français est incontestable-
ment plus savant, plus instruit, plus rompu
aux affaires ; par leur tenue et leurs habitu-
des, ses membres se rapprochent de la ma-
gistrature, tandis que les barristers et les ser-
geants anglais sont surtout des hommes du
monde. Il est vrai qu'avec l'organisation judi-
ciaire anglaise, l'instruction des affaires à
l'audience, les débats publics, les tribunaux
composés de magistrats et de jurés, la pro-
fession n'exige pas autant que celui qui
l'exerce soit, avant tout, un homme de cabi-
net. Toutefois, les avocats qui, parvenus à ta
célébrité, sont appelés à plaider devant les
grandes cours d'Angleterre où se jugent les
affaires les plus ardues, sont soumis à un tra-
vail de préparation écrasant, d'autant que, le
plus souvent, ils donnent une part de leur
temps à la politique. En Italie et en Belgique,
le barreau a une organisation et des franchi-
ses presque semblables à celles dont il jouit en
France. A Genève, les devoirs et les droits de
la profession sont tracés par une loi du 20 juin
1834 et par un règlement du 11 juillet 1836 :
les avocats y exercent en même temps le
ministère d'avoué.
— De l'éloquence du barreau en France. De
tout temps, nous avons eu des avocats diserts,
éloquents même ; mais combien les procédés
oratoires du barreau, au xvie et au xvu« siè-
cle, étaient différents de ce qu'ils sont au-
jourd'hui ! Il semble qu'alors l'ambition des
avocats était principalement d'écraser leurs
adversaires, non par l'imprévu des mouve-
ments de passion, mais sous le poids des cita-
tions érudites. Les plus bizarres, celles qui
avaient en apparence le rapport le plus éloigné
à la cause, étaient les meilleures. Les Dumou-
lin, les Pitnou, les Loysel, les Patru, les Le-
maistre ne plaidaient pas autrement; dans
l'affaire la plus vulgaire, il fallait faire passer
sous les yeux du lecteur ou de l'auditeur la
Bible, Hérodote, Homère, Horace, Platon,
saint Augustin, Tertullien, etc., sous peine
de passer pour ignorant, sans préjudice de
Gaïus, Théophile, Cujas et Barthole. En lisant
certaines plaidoiries contemporaines de Ra-
cine et de Boileau, on est étonné de voir que
les divagations de Petit-Jean et de l'Intimé,
dans les Plaideurs, ne sont pas une copie trop
chargée des ridicules amplifications de quel-
ques avocats j le juge, en les écoutant, devait,
comme Dandin, suer sang et eau,
Pour voir si du Japon
Il viendrait à bon port au fait de son chapon.
Tous, il est vrai de le dire, ne tombèrent pas
au même degré dans cet excès. Lemaistrc,
entre autres, bien que sacrifiant aussi à la
citation , parla un langage pur, sobre, con-
tenu, et parfois d'une vigueur extrême ; seu-
lement, on y 'sent trop le travail du cabinet.
Dans ses meilleures plaidoiries, la phrase peut
être élégante, châtiée, correcte; mais il n'en
sort rien de vivant, rien d'ému.
Plus tard, au xvinfl siècle et au commence-
ment du xixe, l'érudition a perdu du terrain,
mais au profit d'un dogmatisme sans profon-
deur. On aime les idées générales, exprimées
dans un stylo enflé et pompeux ; les mots de
260
BAR
vertu, de sensibilité et d'humanité reviennent
& chaque liane. Les Gerbier, les Tronchet,
les Delamalle , les Bellart sont considérés
comme les modèles à suivre. « Malgré la
pompe de la forme, les plaidoiries de l'an-
cienne école, châtiées, préparées à l'aise dans
le froid silence du cabinet, tombent à chaque
pas, et par là se mesure d'un trait la dis-
tance qui sépare la parole écrite de la parole
parlée... La cour d'assises, avec ses déchire-
ments et son imprévu, avec ses angoisses et
ses larmes, voilà ce qui a manqué a l'ancien
barreau et ce qui a rapproché le barreau mo-
derne des audiences tumultueuses de l'anti-
quité. C'est la justice criminelle qui a contri-
bué le plus, peut-être, à donner à la plaidoirie
tant de mouvement et de vivacité. » (Leber-
QtriER.)
Le barreau moderne se distingue par toutes
les qualités qui ont manqué à ses devanciers ;
il a été contraint, par la marche rapide des
affaires, de donner une large part à l'improvi-
sation: c'est là qu'est son triomphe ; les plaidoi-
ries que la sténographie nous a conservées ont
une vie, une vivacité d'allure, un mouvement,
qui permettent de se rendre compte de l'im-
pression qu'elles ont faites et que le lecteur
se sent disposé à partager. Devant la justice
civile, sans doute, les avocats s'adressent le
plus souvent à la raison des juges ; ils discu-
tent les textes et les faits devant des hommes
qui veulent, avant tout, être éclairés et qui
ne demandent pas à être émus. Certaines
plaidoiries sont des modèles d'exposition
claire, de discussion habile, de stratégie sa-
vante; là. encore il y a place aux pétillements
de l'esprit français, de même qu'aux théories
générales les plus élevées. Mais, dans les af-
faires dites de fait et devant la justice crimi-
nelle, le barreau moderne a déployé des res-
sources prodigieuses : l'art de l'éloquence, tel
qu'il est régi par Girard ou Batteux, a été
sacrifié aux exigences de l'improvisation ;
mais, suivant les talents divers, quelle pas-
sion, quel éclat, quelle ironie, quels sarcasmes,
quels coups de foudre! « Qu'il est beau de
voir, écrit M. de Sacy, l'homme de la parole
se lever soudainement, s'élancer sans prépara-
tion apparente dans la lice, saisir son adver-
saire par la pointe même de ses armes et les
retourner contre luil Quel plaisir, lorsque la
raison sort, pour ainsi dire, tout étincelante
de la fournaise et que, dans son ardeur toute
vive, elle enflamme le cœur en même temps
qu'elle éclaire l'esprit I J'ai assisté à quelques-
unes de ces luttes admirables. J'ai vu Tripier
et Dupin aîné aux prises, et se débattant l'un
contre l'autre dans leurs formidables étrein-
tes ; j'ai vu Chaix arracher presque de la bou-
che d'un accusé pâle, égaré, tremblant, l'aveu
do son crime... Dans une affaire soumise à la
plus haute juridiction politique du royaume,
Paillet n'a-t-il pas fait couler les larmes de
ses auditeurs? » M. de Sacy écrivait ces
lignes en 1843; aujourd'hui, que de noms il
ajouterait à ceux qu'il a cités I quels triomphes
oratoires, quels succès que ceux des Jules
Favre, des Lachaud et de tant d'autres I
En résumé, la plaidoirie, autrefois, était une
œuvre d'art ou d'érudition, dans laquelle on
recherchait l'observation de règles admises et
l'imitation de modèles classiques; à notre
époque, elle ne suit plus aucune règle : c'est
surtout une œuvre de passion et de mouve-
ment, trop frappée, peut-être, au coin per-
sonnel de chaque orateur pour qu'on songe à
l'imitation ; trop marquée de l'inspiration du
moment pour qu'on la sépare de l'affaire qui
l'a fait naître. Ce n'est pas une critique de
notre part: nous constatons seulement un
fait évident. Nos grands avocats laisseront
des souvenirs, sans doute; mais il en sera
d'eux comme des grands artistes de la scène,
on n'aura qu'une bien faible idée de ceux
qu'on n'aura pas entendus.
^ Un seul avocat, depuis trente ans, M. Chaix
d'Est-Ange } a publié un choix de ses plai-
doyers; maison retrouvera, dans la collection
des journaux le Droit et la Gazette des tri-
bunaux et dans la Tribune judiciaire, tous les
éléments d'une appréciation raisonnée de l'é-
loquence du barreau au xixe siècle.
— Bibliogr. Nous avons indiqué déjà (v.
Avocat) un certain nombre d'ouvrages à con-
sulter sur l'histoire sociale et judiciaire du
barreau; à ces indications, auxquelles nous
renvoyons , nous ajouterons les suivantes :
Barreau français, collection des chefs-d'œuvre
de l'éloquence judiciaire (1821, 16 vol. in-8"),
par Clair et Clappier; Barreau anglais, choix
de plaidoyers des avocats anglais (1824, 3 vol.
in-8o), par Clair et Clappier; Annales du bar-
reau français, choix de plaidoyers et mémoi-
res, depuis Lemaistre et Patru (1833-1847,
20 vol. in-8°) ; De la dignité de l'avocat (1858,
in-8o), par Aug. Bonjour; l'Ancien barreau
du parlement de Provence (1862, in-8°), par
Ch. de Ribbe; divers articles de M. Leber-
quier, dans la Revue des Deux-Mondes, de
1861 à 1863 ; le Barreau de Paris, études poli-
tiques et littéraires (1863, in-18), par M. Joly ;
le Monde judiciaire , par Norbert Billard.
Cette revue, qui paraît depuis. 1862, par li-
vraisons mensuelles in-12, a esquissé toutes
les physionomies intéressantes du barreau
contemporain.
Barreau au XIXe «Iode (le), par M. O. Pi-
nard, conseiller à la cour de Paris (Paris,
1865, 2 vol. in-8°). Cet ouvrage est à sa se-
conde édition; la première, publiée en 1843
(le Barreau, 1 vol. in-8°), a eu un certain
BAR
succès et s'est trouvée épuisée. M. Pinard en
a profité pour donner à son œuvre plus de
développement et d'étendue, tout en laissant
à ses jugements leur caractère de libre fran-
chise : le magistrat de 1865 n'a pas étouffé l'a-
vocat de 1843. On sent circuler dans ces pages
un souffle de tendresse pour le barreau, qui
n'enlève rien a l'impartialité des apprécia-
tions. M. Pinard n'a pas écrit une histoire rai-
sonnée de l'ordre des avocats à notre époque ;
il a seulement réuni un certain nombre de
portraits qui composent une galerie presque
complète, après quelques chapitres de consi-
dérations générales sur l'institution du bar-
reau et les phases qu'elle a parcourues jus-
qu'en 1830. Grâce à lui, des hommes oubliés
ou près de l'être ne mourront pas tout à fait.
Par lui, nous connaissons Delamalle, Bonnet,
Bellart, Tripier, et nous savons ce qu'ils va-
laient. C'est dans ce livre qu'on recherchera
plus tard et qu'on retrouvera, saisies au vif,
des individualités plus célèbres aujourd'hui:
Hennequin, Martignac, Mauguin, Dupin atné,
Philippe, son frère, Paillet, Chaix d'Est-Ange,
Bethmont, Marie, Michel (de Bourges), etc.
M. de Sacy a apprécié ainsi la première édi-
tion : « On ne reprochera pas a M. Pinard,
quoique avocat et très-bon avocat, de n'être
pas un écrivain. Il assouplit son style à toutes
les formes... Ses expressions sont vives, heu-
reuses, naturelles; on voit les hommes dont
il décrit le caractère; on les entend lorsqu'il
caractérise leur éloquence. Ses jugements
sont vrais, comme doivent l'être ceux d'un
honnête homme et d'un homme de goût. M. Pi-
nard a trop d'esprit pour n'avoir pas horreur
de l'exagération, quelle qu'elle soit. Il a trop
d'idées à lui pour ne pas comprendre les idées
même qu'il repousse... En un mot, le barreau
contemporain a rencontré dans M. Pinard un
juge plein d'équité, un critique capable d'é-
prouver la plus vive et la plus naturelle sym-
pathie pour le talent, un historien qui sait
fixer les souvenirs. ^ Ce jugement, que M. de
Sacy a reproduit dans ses Variétés littéraires
(I, 230), s applique, avec la même justice, à
l'édition de 18G5. Dans cette dernière, M. Pi-
nard a terminé son ouvrage par des mélanges
pleins d'intérêt, où il apprécie, d'après des
écrits récents, la vie et le caractère de Guil-
laume du Vair, de Lemaistre, du chancelier
d'Aguesseau et du président de Brosses. Il y
a un grand piquant de contraste entre ces
vénérables figures du temps passé et les phy-
sionomies si vivantes, si modernes du barreau
contemporain.
Burrcaud« Paria (HISTOIRE DU), par M. GaU-
dry, ancien bâtonnier. Sous ce titre, M. Gau-
dry consacre les loisirs d'une retraite volon-
taire à écrire l'histoire, à rappeler les titres
de gloire de Cette corporation libre qui a con-
servé, au milieu de la dissolution générale de
tous les liens, tant de cohésion, tant de con-
fraternité, tant d'attachement désintéressé à
la tradition et aux souvenirs du passé. L'His-
toire du barreau comprend le récit des pro-
cès qui ont eu le plus de retentissement. Un
grand nombre de faits importants do notre
histoire politique ont eu leur dénoûment de-
vant la justice, tels que le meurtre du duc
d'Orléans, sous Charles VI, la sublime épo-
pée de Jeanne Darc, les attentats contre les
souverains. Les personnages les plus haut
placés ont dû venir défendre leur vie devant
les tribunaux : Fouquet, le cardinal de Rohan,
le maréchal Ney. Comprise ainsi, l'Histoire
du barreau est une partie de l'histoire géné-
rale de la France, mais une partie que 1 émo-
tion des débats judiciaires, l'imminence de
condamnations graves, la discussion des prin-
cipes les plus élevés du droit public et du
droit privé, rendent éminemment dramatique.
M. Gaudry a puisé ses documents aux sources
les plus authentiques ; les plaidoyers et les
réquisitoires sont reproduits dans tout leur dé-
veloppement et dans toute leur exactitude, et
l'on peut suivre ainsi, en France, les progrés
de la littérature et de l'art oratoire. M. Gau-
dry n'a pas négligé les. détails biographiques,
toujours intéressants à connaître et qui don-
nent le secret du talent de l'orateur. Il a sur-
tout envisagé la formation de l'ordre et de
ses règles constitutives, la marche progres-
sive de son influence, d'abord en faveur de la
royauté, puis en faveur de la liberté. L'histo-
rien est un juge, et son premier devoir est
l'impartialité. M. Gaudry ne l'oublie pas. Il
rencontre parfois, à certaines époques de no-
tre histoire, quelques hommes, rares, Dieu
merci I grands par le talent, par les services
rendus, par l'éclat que leur parole jetait sur
l'ordre entier, mais dont l'orgueil ou quelque
passion a fait fléchir la conscience et qui n'ont
pas su conserver, en face du pouvoir, cette
hauteur sereine et calme, cette réserve éga-
lement éloignée de la faiblesse ou de l'affecta-
tion, dont notre barreau a donné tant d'exem-
ples. M. Gaudry passe avec regret devant ces
hommes, qu'il voudrait saluer du nom de maî-
tres, et dont il ne parle qu'avec chagrin.
Après un examen très-discret et très-mesuré
des procès de presse sous la Restauration,
l'honorable écrivain passe en revue les trois
grands recueils de jurisprudence publiés de
nos jours, c'est-à-dire le Jiecueil général des
lois et arrêts, de Sirey ; la Jurisprudence gé-
nérale, de Dalloz; enfin, le Journal du palais.
"L'Histoire du barreau de Paris s'arrête à
1830. Depuis quarante ans, les événements
ont marché. Des hommes , inconnus alors,
sont devenus célèbres. Los Jules Favre, les
BAR
] Lachaud, les Marie, ignorés en 1830, célèbres
aujourd'hui , attendent un biographe aussi
consciencieux, aussi équitable que M. Gaudry.
Les procès fameux, les causes politiques ou
criminelles importantes attendent un histo-
rien aussi exact. Il faut espérer que M. Gau-
dry ne voudra pas laisser sa tâche incomplète,
et qu'il donnera bientôt une suite à sa remar-
quable Histoire du barreau de Paris. Laisser
son œuvre inachevée, en présence de plusieurs
milliers de jeunes avocats avides de travaux,
de documents, de lecture, c'est presque un
crime. Si, au lieu d'être éditeur de livres clas-
siques, nous l'étions de livres de droit, nous
dirions à M. Gaudry : • C'est une faute. » "
BARBEAU (François), célèbre tourneur, no
à Toulouse en 1731, mort en 1814. Il a reculé
les limites de son art, soit par l'invention d'ou-
tils nouveanx, soit surtout par l'exécution do
pièces d'ivoire d'une délicatesse merveilleuse,
qui contiennent jusqu'à dix pièces différentes,
les unes dans les autres, travaillées dans le
même bloc , évidées et fouillées avec une
finesse inouïe. On cite surtout la merveille
connue sous le nom de kiosque, et que Napo-
léon 1er fit placer à Trianon, ainsi que des
sphères percées d'une infinité d'ouvertures, au
moyen desquelles l'artiste a travaillé dans
l'intérieur d'autres sphères s'einboltant les
unes dans les autres, de boules repercées en
dentelles, d'étoiles, etc. Plusieurs de ces pe-
tits chefs-d'œuvre figurent au Conservatoire
des arts et métiers. Le kiosque se compose
de douze colonnes circulairement placées, en-
tre lesquelles sont placés des candélabres, le
tout compliqué à l'infini de sphères repercées
et d'ornements de toutes sortes. Une commis-
sion de l'Institut, composée de Monge, Charles
et Périer, fit, le 10 juin 1800, le rapport le
Plus honorable sur la beauté des travaux de
artiste, que l'Athénée des arts couronna en
1807, en le proclamant le roi du tour. Barreau
s'était établi jeune à Avignon. Lors de la Ré-
volution, il fut nommé à des fonctions muni-
cipales; mais les réactions politiques le con-
traignirent d'abandonner cette ville en 1701.
C'est alors qu'il vint habiter Paris, où il tra-
vailla jusqu'à la dernière heure de sa vie,
c'est-à-dire jusqu'à quatre-vingt-trois ans.
BARREAU (Alexandrine-Rose), héroïne fran-
çaise, née à Sartens (Tarn), vers 1771, morte
à l'hôtel des Invalides d'Avignon en 1843. Lors
de la proclamation du danger de la patrie,
comme d'autres femmes de cette génération
héroïque, elle s'enrôla, avec son frère et son
mari, dans un bataillon de son département,
combattit à l'armée des Pyrénées-Orientales
et se fit remarquer surtout à l'attaque de la
redoute d'Alloqui, le 16 août 1734 (29 thermi-
dor an II). Son frère et son mari tombent à
ses côtés; l'artillerie vomit la mort autour
d'elle ; mais, d'un élan terrible, elle pénètre
dans la redoute avec deux grenadiers, et
venge les objets de sa tendresse en immolant
plusieurs ennemis; puis elle revient panser
ses chers blessés et les porter à l'ambulance.
Cette femme admirable servit enpore dans
d'autres campagnes de la République et de
l'Empire, et fut admise à l'hôtel des Invalides
d'Avignon. Les honneurs militaires lui furent
rendus à sa mort.
BARREAUX (Jacques Vallée, sieur des),
conseiller au parlement, né en 1602, mort en
1673. Il avait hérité de l'incrédulité de son
grand-oncle, Geoffroy Vallée, pendu et brûlé
en 1574, comme auteur d'un livre intitulé le
Fléau de la foy. Elevé par les jésuites de La
Flèche, qui avaient vainement tenté de le
garder au milieu d'eux pour tourner son esprit
à leur profit, il sortit de leurs mains armé en
guerre contre la religion, qu'il ne cessa d'ac-
cabler de ses sarcasmes. Comme il était de la
race des voluptueux, il se fut bientôt démis
de la charge de conseiller au parlement de
Paris, que lui avait achetée son père, maître
des requêtes et président au grand conseil.
Un jour que, rapporteur d'une affaire, il bâil-
lait à la lecture du dossier, la fantaisie lui prit
de brûler les pièces du procès pour couper
court à son ennui. Il convoqua les parties, et
réalisa froidement devant elles son projet
d'auto-da-fé. Cette solution lui coûta cent
écus. Le lendemain, il avait vendu sa charge
et se jetait à corps perdu dans la mêlée des
épicuriens et des impies. « Il pouvoit avoir
trente-cinq ans, dit Tallemant des Réaux,
quand il fit partie, avec un nommé Picot et
autres qui leur ressembloient, d'aller écumer
toutes les délices de la France, c'est-à-dire
de se rendre en chaque lieu dans la saison
de ce qu'il produit de meilleur. Balzac, qu'ils
visitèrent dans leur excursion, appela Des
Barreaux le nouveau Bacchus. Ils passèrent à
Montauban, et, dans le temple de ceux de la
religion (réformée), ils se mirent, un jour de
prêche, à chanter des chansons à boire au lieu
de pseaumes.. Ils ne pouvoient pas être ivres,
car c'étoit à huit heures du matin. Sans un
M. Daliez, galant homme de ce pays-là, on les
alloit jeter par les fenêtres. Il a continué ces
sortes de voyages assez longtemps, i II por-
tait partout son incrédulité , et un jour, il
courut grand danger d'être assommé en Tou-
raine par des paysans. Il était venu voir un
de ses amis à la campagne, et, sous le même
toit, se trouvaient deux cordeliers attardés, à
qui on avait accordé l'hospitalité. Des Bar-
reaux, après le souper, s'amusa à effrayer
ces religieux par l'audace de ses impiétés. Us
se sauvèrent en se signant, et allèrent deman-
«
BAR
der l'hospitalité au curé. Par malheur, cette
nuit-là, les vignes furent gelées. Les paysans,
~ui avaient appris ce qui était arrivé aux cor-
eliers, crurent que c'était Des Barreaux qui
était cause de cette calamité, et ils l'eussent
lapidé dans la propre maison de leur seigneur,
s'il ne se fût dérobé par la fuite à leur colère.
C'était vraiment un incrédule incorrigible. Un
jour de vendredi saint, il donna rendez-vous à
ses amis au cabaret de la Duryer, à Saint-
Cloud. En ce jour de grande pénitence, nos
épicuriens ne trouvèrent que des œufs, dont
on leur fit une omelette, dans laquelle ils or-
donnèrent de mettre du lard. Au moment où
ils commençaient à la manger, survint un
orajre, accompagné de coups de tonnerre si
terribles, qu'on crut que la maison allait s'é-
crouler. Des Barreaux, sans se troubler, prend
le plat et, le jetant par la fenêtre : « Voilà,
dit-il, bien du bruit pour une omelette I »
Cette exclamation si plaisante est passée en
proverbe. Cela fit grand scandale dans Paris,
et c'est depuis cette anecdote que Boileau,
dans la Satire des femmes, dit qu'il a vu plus
d'une Capanée
Du tonnerre dans l'air bravant les vains carreaux,
Et nous parlant de Dieu du ton da Des Barreaux.
Chose singulière, cet épicurien, cet athée, cet
esprit fort avait ses faiblesses : incrédule en
bonne santé, il devenait dévot jusqu'à la su-
perstition, à l'apparence de la plus légère ma-
ladie. C'est dans un de ces retours qu'il com-
posa le sonnet célèbre qui commence par ce
vers :
Grand Dieu! tes jugements sont remplis d'équité.
Encore Voltaire prétend-il que ce sonnet n'est
pas du fameux athée, et il l'attribue à l'abbé
Lavau. Aussitôt guéri, Des Barreaux se met-
tait à fronder de plus belle. Etant allé enten-
dre prêcher l'abbé de Bourzcis, il lui fit dire
par M"16 Saintot qu'il voulait faire assaut de
religion avec lui : « Je le veux bien, répondit
l'abbé, à la première maladie qu'il aura. »
Il habitait, dans le faubourg Saint-Victor,
une petite maison qu'il avait appropriée au
raffinement de sa dénauche et qu'il nommait
plaisamment Vile de Chypre. A la fin de sa
vie, il composa une chanson, dont les deux
vers suivants indiquent l'esprit :
Et, par ma raison, je butte
A devenir bita brute.
Un M. Chenaille, qui était son oncle pater-
nel, vint à mourir, laissant presque toute sa
fortune à des neveux qui étaient, comme lui,
de la religion réformée. Des Barreaux, fu-
rieux, dit à ses sœurs : « Encore, pour vous
autres , vous aurez le plaisir de le croire
damné ; mais, moi, je ne te saurais croire. »
Lorsqu'il mourut, Gui-Patin ne manqua pas de
lui consacrer quelques lignes : « Belle âme
devant Dieu, s'il y croyoit! au moins, il par-
loit bien comme un homme qui n'a guère do
foi pour les affaires de l'autre monde... On dit
qu'il en avoit un grain avant d'aller en Italie ;
mais, à son retour, il étoit achevé. Un rieur
disoit que la trop grande conversation des
moines l'avait gâté. » Cependant, Des Bar-
reaux parut réformer ses mœurs..., quand il
eut atteint soixante-dix ans; ce qui lui attira
cette épigramme :
Des Barreaux, ce vieux débauché,
Affecte une réforme austère;
11 ne s'est pourtant retranché
Que ce qu'il ne pouvoit plus faire.
BARRÉ-BANDE adj. m. Blas. A la fois
barré et bandé, on parlant d'un écu.
BARRE-DE-MONT (la), village de France
(Vendée), arrond. et à 45 kit. N.-O. des Sa-
bles-d'Olonne , petit port en face de l'île de
Noirmoutier ; 4,000 hab. Exportation de grains
et de sel ; marais salants aux environs.
BARREFORT s. m. (ba-re-for — rad. barre
et fort). Techn. La plus grosse des pièces de
bois tirées d'un sapin.
BARREIROS (Gaspard), géographe portu-
gais, né à Viseu, mort en 1574. Il était neveu
du géographe Jean de Barros, devint cha-
noine <FEvora et prit plus tard l'habit rde
Saint-François. Ses principaux ouvrages sont
les suivants : Chorographia (1561), où il a ré-
formé un grand nombre d'erreurs sur la géo-
graphie de l'Asie; Observations cosmoyraphi-
ques,oix il s'occupe surtout de la description
maritime de la Péninsule; Ophira regione, etc.
BARRELIER (Jacques), botaniste, né à Paris
en 1606, mort en 1673. Il étudia la médecine,
mais ne l'exerça point, et entra, en 1635, dans
l'ordre des dominicains. Il enseigna dès lors la
théologie, étudia la botanique dans ses heures
de loisir, suivit, en qualité d'assistant, le P. Th.
Tarco, général de son ordre, dans ses tournées
d'inspection, et recueillit une grande quantité
de plantes dans nos contrées méridionales, en
Espagne et en Italie. U les fit dessiner et gra-
ver, aidé par quelques libéralités de Gaston
d'Orléans, et prépara laborieusement le texte
d'une Histoire générale des plantes. Après un
séjour de près de vingt-cinq ans à Rome, il
revint s'établir dans la maison de la rue Saint-
Honoré, où il s'occupait à perfectionner son
ouvrage, lorsqu'il fut étouffé par un asthme.
Il avait légué ses manuscrits à son couvent
des Jacobins-Saint-Honoré. Mais ces maté-
riaux précieux furent malheureusement dis-
persés, et l'Histoire des plantes fut dévorée
par un incendie. Les planches seules furent
BAR
sauvées. C'est tout ce qui reste du vaste tra-
vail du P. Barrelier, ivec quelques citations
éparses. Quarante ans plus tard, Antoine de
J ussieu rassembla les planches, composa un
texte, et publia l'ouvrage sous ce titre : R. P.
Barrelieri plantœ per Galliam, Hispaniam et
Itaiiam observâtes... (1714), avec 334 planches
contenant 1,392 ligures d'un dessin correct,
mais dans des proportions un peu petites. Plu-
mier a consacré, sous le nom de Barrelicra,
un genre de plantes au savant dominicain.
BARRELIÈRE s. f. (ba-re-li-è-re — de Bar-
relier, nom d'un botaniste). Bot. Syn. do
barlérie.
BARRÊME s. m. (ba-rè-me — du noni de
Barrême). Ouvrage d'arithmétique élémen-
taire composé par Barrême, et qui, bien qu'a-
bandonné depuis longtemps, est toujours
resté populaire : Consulter son barrême.
— Art de Barrême, ou simplement Bar-
rême, Art de calculer, arithmétique : Avoir
oublié son barrême.
. . •■ Barrême n'est pas un livre à sentiments.
PlttON.
On y calcule, et jamais on n'y rit.
L'art de Barrême est le seul qui fleurit.
Voltaire.
BARRÊME (Bertrand -François), arithméti-
cien, comme il s'appelait lui-même, auteur du
Livre des comptes faits, né à Lyon, on ignore
en quelle année, mort à Paris en 1703. Il
devait avoir, cependant, au moins une cin-
quantaine d'années vers 1682, puisqu'il publia
à cette époque, un petit livret où il dit qu'il
enseigne son art avec son fils et son gendre,
et où il mentionne un grand nombre de livres
publiés par lui depuis longtemps, et qui avaient
été réimprimés plusieurs fois déjà, ce qui sup-
pose qu'il avait dû naître vers 1630 ou 1632.
Pourquoi ces détails minutieux , dira-t-on ;
pourquoi cette supputation à propos d'un per-
sonnage auquel les biographies les plus éten-
dues ne consacrent que quelques lignes? Pour-
quoi ? c'est parce que Barrême a fait beaucoup
parler de lui en son temps :
Non , Barrême n'est pas ce qu'un vain peuple pense.
Il a tout perdu par excès de célébrité, tout,
jusqu'à sa personnalité, jusqu'à son nom; Bar-
rême a été étouffé dans sa gloire comme un
agneau qu'on noierait dans le lait de sa mère.
Barrême n'est plus qu'un nom de livre, et l'on
ne se doute guère, aujourd'hui, que ces trois syl-
labes aient jamais constitué un nom d'homme.
• Eh bien, nous nous proposons de réhabiliter,
de' ressusciter Barrême, et de le placer telle-
ment haut, que le si connu M. Monginot ne
sera jamais qu'un gratte-papier, qu'un éplu-
cheur de comptes à côté de lui.
( On sait de Barrême que c'était un homme
honorable, estimé de Colbert, protégé de M. le
duc de La Feuillade, et qu'il s acquit à Paris,
par une sorte d'école de commerce qu'il y
ouvrit et par la vente de ses livres, une
fortune assez considérable; mais ce que l'on
ignore généralement, c'est que cet arithméti-
cien, si ferré, si méticuleux sur la tenue des
écritures de commerce, comme nous disons au-
jourd'hui, était possédé de la manie de l'aire des
vers latins et surtout des vers français, et
qu'il en a publié un certain nombre dans les
deux langues. Ce n'est pas là , toutefois , ce
qui l'a enrichi; il publiait ses vers en amateur j
par petites plaquettes, à ses frais, ayant sans
doute souci de les vendre, mais les vendant
fort peu, de telle sorte que ces plaquettes de
Barrême sont devenues de véritables curiosités
bibliographiques; et, à cause, non de leur mé-
rite, mais de leur extrême rareté, elles attei-
gnent dans les ventes des prix extraordinaires
et même extravagants. C'est ainsi qu'il en est
venu deux à notre connaissance, qu'un de nos
amis, bibliophile et même un peu bibliomane,
a payées récemment ensemble la bagatelle de
110 francs, et qu'il a bien voulu nous prêter :
la première, intitulée Satire latine et françoise
(anonyme, sans date ni indication de lieu,"
signée B. B.),la partie latine occupant vingt-'
quatre pages, et la partie française dix-sept,
en tout quarante et une pages ; la seconde, inti-
tulée Le Cayer curieux de Barrême, arithmé-
ticien, contenant plusieurs pièces sérieuses et
agréables, chez Jacques Langlois, imprimeur
ordinaire du roy, rue Saint-Jacques, à l'image
de Saint-Vincent, et chez Ribou, libraire, sur
le quai des Augustins , descendant le Pont-
' Neuf (sans date, 20 pages).
Ce Cayer curieux de Barrême, arithméticien,
débute, en effet; par un avertissement assez
curieux ; le voici : « Un cayer, pareil à celui-
cy, ayant eu le bonheur de plaire au roy pour
lui avoir esté présenté par monseigneur le duc
de La Feuillade, cette heureuse réception est
une auguste approbation, et comme une es-
pèce de privilège. » D'où l'on peut conclure
que Barrême ne sollicitait pas de privilège pour
ces sortes de publications, ne craignant pas,
sans doute, qu'on fût tenté de les réimprimer à
son détriment. Suit un sonnet à ce même duede
La Feuillade, et ce morceau est décoré du
nom de sonnet dédicatoire :
A l'un des confidents du plus grand roi du monde,
A cet heureux guerrier qui, dans le champ d'honneur,
A servi son monarque avec tant de valeur.
Qu'il s'est fait admirer sur la terre et sur l'onde.
A celui qui méprise et la fraude et la fronde,
A cet Argus royal qui fait tout son bonheur
De veiller pour son maître et pour son bienfaiteur.
Et d'une vigilance k nulle autre accoude.
BAR
A cet homme de cour qui sait être sans fard.
Qui prépare en triomphe un miracle de l'art.
Pour dresser de son Roy te portrait de parade;
A lui je viens offrir ce Cayer curieux,
i Parce que le seul nom du duc de La Feuillade
. Le peut mettre a couvert contre mes envieux.
Barrême avait donc des envieux de sa poé-
sie! Il faut bien le croire, puisqu'il en paraît si
persuadé, et qu'il éprouve le besoin de Se mettre
a couvert de leurs attaques sous l'égide de
M. de La Feuillade. Barrême ne craint pas un
refus de la part du duc, bien qu'on voie clai-
rement, par ce sonnet, que le duc était alors
tout occupé de la construction de la place des
Victoires et de la statue de Louis XIV, qu'il
allait y faire élever, le portrait de parade du
roi , comme l'appelle Barrême. Tout est un
peu de ce ton dans le petit recueil de l'arith-
méticien, et il affectionne surtout cette expres-
sion sur la terre et sur l'onde, qu'on y retrouve
plusieurs fois et qui Tappelle les deux vers
grotesques attribués au père Malebranche :
Il fait, en ce beau jour, le plus beau temps du monde
Pour aller à cheval sur la terre et sur l'onde.
Le poète ne manque pas de donner, à la
fin de son Cayer, la Liste des neuf livres qu'il
a composés et qu'il vend pour l'utilité du pu-
blic , avec privilège du roy pour vingt ans.
Il demeure au bout du Pont-Neuf, rue Dau-
phine.
1. Le livre des comptes faits, nouvelle et
quatrième édition, augmentée de beaucoup.
2.. Le livre facile pour apprendre l'arithmé-
tique de soi-même et sans maître.
3. Le livre des intérêts, au moyen duquel
on les peut tirer à quelque denier que ce soit :
Depuis 1 an jusqu'à 20;
Depuis l mois jusqu'à 12;
Depuis 1 jour jusqu'à 30;
Depuis 1 livre jusqu'à 30,000 livres.
Et, sans savoir l'arithmétique, on peut, à l'aide
de ce livre, diviser et partager toutes sortes
de sommes jusqu'à 30,000 livres, ou par un
regard ou par l'addition, fût-ce en cent quatre-
vingt-douze positions et plus, qui sont les di-
visions les plus difficiles à faire.
4. Le livre des monnoies étrangères de tous
les Etats de l'Europe, réduites en monnoie de
France, et celles de France à la leur, où l'on
voit, par des tarifs fidèles, le profit qu'on fait
de l'une à l'autre ; ouvrage nécessaire à la no-
blesse qui désire voyager, et aux négociants.
5. Le livre du grand commerce de France,
d'Angleterre, de Hollande, de Flandre, etc.,
où l'on fait des changes étrangers par l'addi-
tion, en quelque état que le change puisse
être.
6. Le livre des changes étrangers, pour les
faire par règle.
7. Le livre de géométrie, arpentage et toisé.
8. Le livre des aides et domaine (sic).
0. Le livre pour apprendre à tenir les livres
dé comptes par parties doubles. Pour celui-ci,
on le refait, et on le verra bientôt avec satis-
faction, car c'est un ouvrage achevé. Il a été
composé par Barrême, son fils et son gendre
professeurs, teneurs de livres. Us enseignent
chez eux l'arithmétique, les changes étran-
gers, à bien tenir les livres de comptes, les
fortifications , la géométrie , l'arpentage , le
toisé et autres sciences.
On voit que Barrême ne perdait pas de vue
les intérêts de son petit commerce. Même quand
il jugeait à propos de régaler le public de ses
sonnets, de ses vers en écho et de ses bouts-
rimés, il mettait invariablement au bout sa
réclame, son prospectus et son adresse.
Nous donnerons encore ici quelques vers de
la plaquette introuvable :
ÉLOGE DE L'ARGENT.
L'argent fait aujourd'hui le destin des humains;
L'argent est d'une force à laquelle tout cède;
L'argent sans s'émouvoir pousse les grands desseins ;
L'argent est aux malheurs un souverain remède;
L'argent est le pivot des banquiers, des marchands ;
L'argent est le recours des bons et des méchants;
L'argent est des auteurs le premier point de vue;
L'argent est un objet où visent tous les arts;
L'argent fait traverser les mers et les hasards,
Et l'argent est l'agent qui fait que tout remue.
L'argent seul peut changer un misérable sort ;
L'argent est une clef d'une douce puissance;
L'argent dans le péril nous peut ouvrir le port,
Parce qu'il charme tout lorsqu'on en fait l'avance.
Dans co vaste univers chacun lui fait la cour;
L'argent tient sous ses lois et l'honneur et l'amour ;
Pour l'honneur et l'amour il brise les obstacles.
L'argent gagne le cœur dans un chaste dessein;
L'argent rend beau le laid, et le malade sain,
Et l'argent en un mot fait presque des miracles.
Il termine cet éloge de l'argent parles quatre
vers, qui résument toute la pièce :
L'argent a tout pouvoir sur la terre et sur l'onde ;
L'argent sauve la vie et délivre des fers ;
L'argent ouvre les cieux et ferme les enfers;
L'argent fait tout le bieD et tout le mal du monde.
Une des curiosités du Cayer curieux, c'est
la série intitulée : Pour et Contre l'Argent,
qu'on peut dire écrite en partie double. C'est
une suite de quatrains disposés de telle sorte
qu'ils donnent un sens différent, selon qu'on
les lit d'une manière ou d'une autre. Lui-même
indique comme il suit ce qu'il a voulu faire :
BAR
Lisez séparément chacun de ces quatrains :
Ils font voir que l'argent est un bien nécessaire;
Mais, étant lus de suite, ils ont un sens contraire...
Et, en effet, il les place sous les yeux du
lecteur de cette façon :
C'est êtrehomme de bien... de fuir l'or et l'argent
D'aimer l'argent et l'or... on n'est pas raisonnable
Qui ne i'estime rien... se peut dire admirable
Il se fait un grand tort... qui va le ménageant.
Ces vers détestables ressemblent assez à
ceux des Racines grecques , mais s'ils sont
aussi mauvais que ceux-ci, ils ne sont pas à
beaucoup près d'une égale utilité.
Barrême paraît, du reste, avoir eu la rage
de rimer, et, ma foi, beaucoup de ses vers
valent bien ceux des Chapelain ou des Cotin.
Il dut chanter toutes les joies de famille ; mais
il n'a pas mis le public dans la confidence de
cette partie de son œuvre. Quand il s'agit de
ce qui concerne son état , c'est une autre
affaire : par exemple, il avait eu deux procès
contre un concurrent déloyal qui était venu
s'établir à la descente du Pont-Neuf, a. deux
pas de sa maison, et qui faisait des contre-
façons de ses livres et de ses méthodes, et il
les avait gagnés devant deux juridictions. 11
n'a garde de ne pas célébrer la chose en vers.
Parlant de ses juges, il dit :
Dans deux divers procès que j'avois intentés.
J'ai vu leurs dignes mains, pleines d'intégrités,
Elever la balance avec tant de justesse
Que mille spectateurs, dans ce royal endroit,
Virent avec plaisir que le côté qui baisse
Tomboit heureusement chargé de mon bon droit.
Et il finit par ce jeu de mots ad hominem,
contre son adversaire :
Sur son art de chicane il avoit trop compté,
Mais enfin ce compteur s'est trouvé hors de compte,
Puisqu'en toutes les cours il s'est vu débouté, ,
Tous ces vers-là sont loin d'être bons, mais
enfin ils témoignent dans cet arithméticien
une certaine culture et un certain goût pour
les lettres, et il nous a paru, puisqu'un heu-
reux hasard a mis à notre disposition les
susdites plaquettes de ce brave homme des
comptes faits, si connu par ses chiffres et
si peu par ses rimes, qu'on ne serait pas fiché
de voir un peu des vers de Barrême, que
personne ne soupçonnait d'en avoir fait.
Le nom de Barrême est devenu proverbial
et technique ; on l'applique souvent aux livres
analogues au sien, ainsi qu'aux calculateurs
habiles. Compter comme Barrême est une
expression populaire qui implique l'idée d'une
science infaillible dans les opérations de l'arith-
métique usuelle. ■
BARRÊME, ch.-l. de a. (Basses-Alpes), au
confluent du Bliois et de la Clawane ; arr. et
à 17 kil. S.-E. de Digne ; pop. aggl. 716 hab.
— pop. tôt. 1,066 hab. On nomme Val de Bar-
rême la plaine à l'entrée de laquelle se
trouve le village de ce nom,
BARREMENT, s. m. (ba-re-man — rad.
barrer). Art vétér. Ligature des veines d'un
cheval : Quelques artistes vétérinaires pensent
que le barrement de la veine n'est pas une
opération fort utile. (Lav.)
— Jurispr. anc. Cassation des gages.
BARBENS1S PAGUS, nom latin du Barrois.
BARREOLE s. f. (ba-ré-o-le — rad. barre).
Gymnast. Appareil servant à divers exercices,
formé de quatre poteaux reliés par un chapi-
teau et de deux barres de fer mobiles.
BARRER v. a. ou tr. (ba-rô — rad. barre).
Fermer au moyen d'une barre : Barrer une
porte, une fenêtre, ji Empêcher d'entrer ; Le
suisse de mon juge m'A barré dix fois sa porte.
(Beaumarch.)
— Par oxt.Obstruer, former, couper : Barrer
le passage. Barrer la rivière. Barrer la rue.
Ils arrivèrent, après une heure de marche, sur
tes bords d'une large rivière qui leur barrait
le chemin. (B. de St-P.) Quand on veut dé-
truire le blaireau, on commence par lui bar-
rer la voie de ses refuges. (Toussenel.)
— Effacer avec des barres, rayer, biffer :
Barrer une phrase. Barrer un article. Bar-
rer un compte.
— Fig. Mettre obstacle à : Même quand il
nous expose ces longs contre-temps qui barrent
sa fortune, le style de Richelieu ne marque ni
colère ni dépit. (Ste-Beuve.) Le comte était,
en effet, un de ces hommes droits qui ne se
prêtent à rien et barrent opiniâtrement tout.
(Balz.)
— Barrer le chemin à quelqu'un ou barrer
quelqu'un, Lui faire obstacle, empêcher l'ac-
complissement de ses projets : M. de Coët-
logon s'est intrigué dans toute cette affaire ; je
suis persuadée que c'est lui qui barre notre
chemin. (Mme de Sév.) La science titrée barre
le chemin à la science roturière. (Proudh.)
On va lui barrer bien et beau
Le chemin aux grandes fortunes.
La Fontaine.
Aux échanges l'homme s'exerce,
Mais l'impôt barre les chemins.
BÉRANOEIt.
— Mar. Barrer un navire, Contrarier sa
marche, en manœuvrant la barre maladroi-
tement.
— Chir. et art vétér. Lier, en parlant d'un
vaisseau : Barrer une veine.
BAR
261
I — Manég. Barrer des chevaux, Les séparer
au moyen d'une barre.
— Véner. Barrer une enceinte, La traver-
ser avec un limier, pour lever la bête.
— Techn. Soutenir, étayer, fortifier au
moyen d'une barre : Barrer une table, un
tonneau, un châssis. Il Agiter avec une barre,
en parlant des poches de soie plongées dans
un Dain.
— Jeux. Au jeu de creps, Barrer les dés,
Annuler le coup, au moment ou les dés sortent
du cornet.
— Intransitiv. Véner. Balancer sur la voie,
en parlant d'un chien ; sortir à tout moment
de la voie.
Se barrer, v. pr. Etre barré : Cette ri -
vière est trop large pour se barrer facilement.
— Fig. Se faire obstacle à soi-même : L'ab-
bé de Mailly avait des vues et une vaste ambi-
tion, et était fort attentif à ne se barrer sur
rien. (St-Sim.)
— Antonyme. Débarrer.
BARRÈRË (Pierre), médecin et naturaliste,
né à Perpignan vers 1690, mort en 1755. Il
s'est surtout occupé de botanique, et spécia-
lement de la botanique appliquée à la méde-
cine. Après un séjour de plusieurs années à
ia Guyane, il fut nommé (1727) professeur
de botanique à Perpignan, puis, en 1753, pre-
mier médecin de la province de Roussillon.
Ses ouvrages sont assez nombreux ; les plus
connus sont les suivants : Question de méde-
cine où l'on examine si la théorie de la bota-
nique ou la connaissance des plantes est néces-
saire à un médecin (1740), réfutation de Tho-
mas Carrère, qui niait l'utilité de cette étude ;
Essai sur l'histoire naturelle de ta France
éguinoxiale (1741); Ornithologiœ spécimen no-
vum, etc.
BARRKRE, conventionnel. V. Barerë.
BARRER1A ou BARRIÈRE (Pierre de),
évêque d'Autun, cardinal, né à Rodez, vivait
à la fin du xivo siècle. On a de lui un traité
du Schisme, où ilse prononce contre Urbain VI.
Il avait d'ailleurs refusé la barrette que lui
offrait ce pape, dont l'élection ne lui semblait
pas régulière, et il ne l'accepta que des mains
de Clément VII. Ce traité a été inséré dans
l'Histoire de l'Université de Paris, de Dubou-
lay, tome IV.
barrerie s. f. (ba-re-rî). Bot. Syn. de
poraqueiba.
BARRESWIL (Charles-Louis), chimiste fran-
çais, né à Versailles en 1817. Doué des plus
vives aptitudes pour la science qui devait lui
faire un juste renom, M. Barreswil apprit la
chimie sous la direction de MM. Robiquet,
Bussy et Pelouze, et fut bientôt mis par ce
dernier à la tète de son laboratoire-école.
Depuis cette époque, il a été nommé profes-
seur à l'école municipale Turgot et à l'école
supérieure du commerce de Paris. Il remplit
également les fonctions de commissaire ex-
pert près du ministre de l'agriculture et du
commerce. On doit à ce savant de remar-
quables travaux sur l'acide sulfurique, sur les
couleurs ; un grand nombre de mémoires, no-
tamment sur la digestion et la production du
sucre dans le foie, en collaboration avec
M. Claude Bernard ; enfin, deux ouvrages :
Appendice à tons les traités d'analyse chimique
(1848), et Chimie photographique (1854), le pre-
mier avec M. Sobrero, le second avec M. Da-
vanne.
BARRETO (le P. Melchior Nunez), mission-
naire portugais, né en 1520, mort en 1571.
V. Bareto.
BARRETO (Francisco de), gouverneur des
Indes portugaises, né au commencement du
xvie siècle, mort en 1574. Il commandait la
forteresse de Baçaîm, lorsqu'il fut appelé, en
1555, à remplacer Masearenhas dans le gou-
vernement des Indes. De retour en Portugal,
après avoir occupé ce poste pendant trois ans
et exilé CamoSns à Macao, il fut nommé
commandant général des galères. Le gouver-
nement ayant résolu, à cette époque, de con-
quérir les régions comprises entre les côtes
d'Abyssinie et le Rio-Cumana, et désignées
sous le nom de Monomotapa, Barreto fut mis,
en 1569, à la tête d'une expédition qui débar-
qua sur la côte d'Afrique, près de l'embou-
chure du Rio-Quilimané. Désirant s'emparer
des mines d'or de Masapa, qui, d'après la
tradition, étaient l'inépuisable source d'où la
reine de Saba avait jadis tiré ses trésors ;
Barreto s'avança dans les terres ; mais, après
avoir supporté avec son corps d'expédition
des fatigues de tout genre, il tomba malade
et mourut sur les bords du Rio-Sena.
BARRETO (Minoz ou Moniz de), fut d'abord
gouverneur de Malacca, puis nommé vice-roi
des Indes portugaises, en 1573, par le roi Doin
Sébastien. Appelé en 1589 au gouvernement
eénéral des côtes orientales de l'Afrique,
soutint une guerre sanglante contre les
peuplades noires, pénétra dans les Etats
du roi de Mongas et s'empara de sa capitale ;
mais il fut contraint de retourner à Mozam-
bique, pour réprimer les complots de son
lieutenant Pereira. Il mourut vers 1600, au
moment où il se préparait à envahir'le Mono-
motapa.
BARRETO (François), missionnaire portu-
gais, né à Montemayor en 1588, mort à Goa
en 1663. Il entra dans l'ordre des jésuites, lut
envoyé dans l'Inde, où il joignit à ses fonctions
262
BAR
évangéliques l'enseignement de la philoso-
phie et de la théologie, et devint visiteur de
sa compagnie à Malabar et à Goa. On a de
lui une Relation des missions à Malabar (Rome
1645).
BARRETO (Jean-François), diplomate por-
tugais du xvno siècle. 11 lit partie de l'ambas-
sade portugaise à la cour de France, et en
écrivit la relation. On a aussi de lui diffé-
rents écrits : Traité d'orthographe portugaise ;
Bibliotheca lusitana, une traduction portu-
gaise de l'Enéide, etc.
BARRETO DE RESENDE (Pedro), statisti-
cien portugais, mort à Lisbonne en 1651. S'é-
tant rendu dans l'Inde en 1629, avec le vice-
roi dom Miguel de Noronha, il s'établit a Goa,
et là, il rassembla tous les documents statis-
tiques et autres qu'il put trouver sur les Indes
portugaises. Il a réuni le résultat de ces inté-
ressantes recherches sous le titre de Breue
tratado ov epilogo de todos os vizorreys que
tem havido no hstudo da India, etc. (1635).
Cet ouvrage précieux n'a jamais été impri-
mé. La Bibliothèque impériale en possède un
manuscrit, qu'on croit être le manuscrit ori-
ginal.
Barreto N s. m. (ba-re-ton — dim. de
iam>).Techn. Petite barre.
BARRETONE s. f. (ba-re-to-ne — rad.
barrette). Bonnet de cérémonie du grand
maître de Malte.
BARHETT (J.-J. de), littérateur, né à Con-
dom en 1717, d'une famille qui avait suivi le
roi Jacques dans son exil, mort en 1792. Il fut, •
depuis 1762, professeur, puis inspecteur géné-
ral des études à l'école militaire. Il a traduit
divers ouvrages de Cicéron, V Histoire de Flo
rence de Machiavel et les Œuvres de Tacite.
BARHETT (George-Hénri), le plus habile
acteur comique des Etats-Unis, né à, Exeter
(Angleterre) en 1794, mort en septembre 1860,
passa très-jeune en Amérique, et fut sans
rival sur la scène, pendant une carrière de
plus de cinquante années. Il eut longtemps la
direction des théâtres de Bowery et de Broad-
way, à New-York.
BARRETT (George), aquarelliste anglais
contemporain, a pris part, depuis trente ans
environ, aux expositions de la Société des
peintres à l'aquarelle, dont il est membre. Ses
ouvrages sont très-goûtés en Angleterre.
Parmi ceux qui figuraient a l'exposition uni-
verselle de 1862, nous citerons : un Coucher
de soleil ; Refuge pendant la chaleur, le matin,
le soir ; Attelage de chevaux (soleil levant).
barrettade s. i. (ba-rè-ta-de — rad.
barrette). Autref. Coup de chapeau, bonne-
tade, salut obséquieux : On luy attiltroit des
salueurs qui luy faisoient des grandes révé-
rences et barrettades. (Desperriers.)
BARRETTE s. f. (ba-rè-tc — Ce nom qui
désigne une coiffure, principalement portée
au moyen âge, est d'origine celtique — en
écoss. bairead, bioraide, en irland. bairead,
signifient un bonnet, un chapeau, un casque,
une coiffure en général. Le terme celtique
s'est transformé dans la basse latinité en
birrelum, qui, à son tour, a donné naissance
à notre birrette, berret, béret ; à la baretta
du provençal ; à la berretta de l'italien, et à
la birretta de l'espagnol). Sorte de petit bon-
net plat : La barrette fut chez les Romains
la marque de la liberté. (Mézeray.) Vous avez
fait mention de ma barrette chargée de petits
saints. (Fén.) Je parle... à mon chapeau. — Et
moi je pourrais bien parler à ta barrette.
(Mol.)
Le texte de Molière, ainsi complété, montre
bien qu'il n'y a ici qu'un jeu de mots, et nul-
lement la locution introduite par l'Académie
et religieusement acceptée par les lexicogra-
phes. D'après elle et d après eux, parler à la
barrette de quelqu'un, ce serait lut parler har-
diment, le traiter sans ménagement. Comme
l'Académie savait que cela ne se dit pas, elle
en a conclu que cela ne se dit plus .- « Cette
phrase a vieilli, » dit-elle ; la vérité est
qu'elle n'a jamais existé, avec ce sens, que
dans les dictionnaires.
— Bonnet noir à trois ou quatre cornes, que
portent les ecclésiastiques, il Sorte de bon-
net rouge quadrangulaire, que portent lfis
cardinaux : La barrette de cardinal. Il Di-
gnité de cardinal : Il a reçu, il a refusé la
barrette. Tandis que le légat était confiné
à Macao, le pape lui envoyait la barrette.
(Volt.)
BARRETTE s. f. (ba-rè-te — dim. de barre).
Techn. Pivot qui occupe le centre du barillet
d'une montre, s Rayon d'une roue de montre.
Il Petite pièce dans laquelle on fait mouvoir
l'axe d'une roue de montre, et qui est, à cet
effet, fixée dans la platine, il Lame dont on
double, à l'intérieur, une tabatière. Il Sorte de
broderie : C'est avec les points de barrette
?'ue s'exécute ce qu'on appelle le crochet à jour.
Belèze.)
barreur adj. et s. m. (ba-reur — rad,
barrer). Véner. Se dit d'un chien dressé à
barrer le chemin au gibier, particulièrement
au chevreuil : Un chien barreur. Un barreur,
BARREUR s. m. (ba-reur — rad. barre.)
Navig. Celui qui tient la barre du gouvernail
d'une petite embarcation.
BARREY (Claude- Antoine), médecin fran-
çais, né à Besançon en 1771, mort en 1837. Il
abandonna l'état ecclésiastique, qu'il avait
BAR
embrassé en 17923 pour se livrer à l'étude de
la médecine, puis il alla pratiquer son art
dans sa ville natale. Barrey fut un des plus
ardents propagateurs de la vaccine, alors fort
attaquée, et il écrivit sur ce sujet : De la vac-
cine et de ses effets (Besançon 1813) ; Histoire
impartiale de la vaccine (Besançon, 1831). On
lui doit encore des mémoires sur les maladies
épidémiques (l8is) ; Sur l'influence de l'air at-
mosphérique dans les épidémies (1820), etc.
BARRHEAD , village manufacturier d'E-
cosse, près de Glascow. Filatures et fabriques
de tissus, fonderies de fer, ateliers de ma-
chines, 5,000 ouvriers.
BARRI s. m. (ba-ri). Nom vulgaire du
jeune verrat.
BARRI et non BARRIO (Gabriel) ,- huma-
niste et géographe italien , né dans les Ca-
labres, au xvie siècle. Il avait embrassé l'état
ecclésiastique, et il a fait preuve de beau-
coup de savoir dans la composition de plu-
sieurs ouvrages, tous écrits en latin. Le plus
remarquable est intitulé : De antiquitate et
situ Calairriœ (Rome, 1571), qui a été publié
dans plusieurs grands recueils, et qu'on a at-
tribué au cardinal Sirlet et au cardinal San-
torio. Citons encore Pro linyua laiina (1554),
De œternitate urbis, etc. (1570). Un des traits .
les plus curieux qui caractérisent ce savant,
c'est la profonde horreur que lui inspirait sa
langue maternelle. Dans son livre De antiqui-
tate, il lance des imprécations contre qui-
conque serait tenté de le traduire en italien.
BARRI (Giacomo), peintre et graveur, né
vers 1630, travaillait a Venise vers 1G70, et
mourut après 1684. Melchiori le place comme
peintre parmi les imitateurs du Titien, du
Tintoret et de Paul Véronèse; mais on ne
connaît aujourd'hui aucun tableau de sa main.
Il a exécuté deux gravures à l'eau-forte, d'a-
près Paul Véronèse : l'Adoration des bergers
et la Madeleine arrosant de parfums les pieds
du Christ. Mariette cite une troisième es-
tampe, d'après Filippo Gherardi, la Sibylle
montrant à Auguste la Vierge mère, estampe
signée. : Giacomo Barri Francese (Jacques
Barri, Français). Barri est auteur de l'ouvrage
suivant, dont les exemplaires sont rares :
Voyagepittoresque dans lequel sont indiqués
les chefs-d'œuvre des peintres les plus célèbres,
que l'on conserve dans les différentes villes de
l'Italie.,. (Viaggopittoresco,eto., Venise, 1671,
in-12). Ce livre a été traduit en anglais par
W. L. (William Lodge, Londres, 1679,' in-S<>).
BARRIA (Bahr-Abad), partie centrale de
l'Arabie, comprenant le Nedyed et les déserts
voisins.
BARRIAS (Félix- Joseph), peintre français,
né à Paris en 1822. Son père, qui était peintre
sur porcelaine, lui apprit les éléments du des-
sin. Il passa ensuite à l'école de M. Léon
Cogniet, et remporta le premier grand prix
de Rome en 1844. Il avait exposé, en 1840 et
1841, des portraits en pied; 1 année même où
il obtint le prix, il fit paraître au Salon d'au-
tres portraits et un tableau religieux : l'Edu-
cation de la Vierge. En 1847, il envoya de
Rome une Sapho, une Jeune Indienne portant
des fleurs et une Fileuse d'Alvito ; ces pein-
tures lui valurent une médaille de 3mo
classe. Ses tableaux de 1849 : les Sirènes et
Soldat gaulois et sa fille, prisonniers à Rome,
furent remarqués ; mais ce fut au Salon de
l'année suivante que parut l'ouvrage qui de-
vait fonder la réputation du jeune artiste :
les Exilés de Tibère. Cette belle composition,
comprise parmi les envois des élèves de l'é-
cole de Rome , et qui appartient par consé-
quent à l'Etat, fut accueillie par des éloges
unanimes : la franchise de l'exécution, l'ha-
bileté du coloris, la vigueur des attitudes,
l'heureux ajustement des draperies, l'ex-
pression mélancolique des figures, 'tout dé-
notait dans cette page un goût sûr et de
sérieuses études, et promettait à la France
un bon peintre de plus. M.- Félix Barrias
obtint une médaille de lre classe pour ce
tableau, qui, nous devons le dire, est resté
son œuvre capitale. En 1852, il n'exposa que
des portraits ; en 1853, un tableau assez ordi-
naire, représentant Dante Alighieri. Les Exi-
lés de Tibère reparurent à l'exposition de
1855, pour le plus grand honneur de l'au-
teur, qui remporta à ce concours européen
une médaille de 2me classe. Il exposa, en
même temps, une autre composition histo-
rique, les Pèlerins se rendant à Rome, pour le
jubilé de l'an 1300, bien inférieure aux Exi-
lés, et un excellent portrait de femme. Les
ouvrages que M. Barrias a envoyés depuis aux
salons n'ont rien ajouté à sa réputation.
Nous citerons seulement, pour mémoire : en
1857, Michel- Ange à la chapelle Sixtine; en
1859, Débarquement de l'armée française à
Old-Fort, vaste panorama un peu froid, mais
où les masses sont groupées avec talent ; en
186l,la Communion (souvenir de Ravenne) ;
une Conjuration des courtisanes vénitiennes
(1530), et Matvina; en 1863, la Picardie en-
tourée de ses villes principales, plafond allé-
gorique peint à la cire, commandé par le mi-
nistère d'Etat pour le musée d'Amiens; en
1864, l'Epître à Auguste (Horace, Auguste et
Mécène), et une Danseuse du iriclinium.
M. Barrias a exposé en outre, en 1857, 1859
et 1861, des portraits peints, pour la plupart,
avec une grande fermeté. Il a exécuté aussi
beaucoup de peintures décoratives : l'Histoire
des Jeux, au Cirque Napoléon (1S52); en col-
BAR
laboration avec M. Gosse, les Eléments, les
Saisons, les Mois, etc., au grand hôtel du
Louvre ; quatre tableaux dans la chapelle de
Saint-Louis, a l'église Saint-Eustache ; cinq
tableaux dans la chapelle de la Vierge, a l'é-
glise Sainte - Marie de Clignancourt ; une
grande composition de 6 mètres de long sur
6 mètres de haut, représentant l'Impératrice
Eugénie plaçant l'Œuvre des jeunes ouvriers
sous le patronage de la Vierge, dans la cha-
pelle de la maison Eugène-Napoléon, au fau-
bourg Saint-Antoine ; la Picardie appelant les
Arts à orner le musée d'Amiens, plafond de
l'escalier de ce musée ; la Gloire couronnant
les grands hommes picards, plafond du dôme
du même établissement, avec quatre penden-
tifs représentant les Artistes, les Poètes, les
Savants et les Guerriers de la Picardie, et
quatre figures en camaïeu : l'Art, la Poésie,
la Science et la Patrie. N'oublions pas, dans
un autre genre, les dessins élégants, délicats,
d'un sentiment bien antique, qui ont été faits
par M. Barrias pour les éditions elzéviriennes
d'Horace et de Virgile, publiées par Firmin
Didot. Un dernier renseignement : M. Barrias
a été décoré à la suite de l'exposition de 1859.
BARRICADANT (ba-ri-ka-dan), part. .prés,
du v. Barricader : La mère, ooi/ant l'entrée
faite, tomba devant l'ouverture en travers,
barricadant la brèche avec son corps. (V.
Hugo.)
BARRICADE s. f. (ba-ri-ka-de — Au pre-
mier abord, ce mot semble venir de barre,
barrer ; mais la plupart des étymologistes
le tirent ds barrique, et s'appuient sur les
Mémoires de la vie de J.-A. de Thou, t. XI,
liv. II, p. 93 (La Haye 1740), où il est dé-
montré que la Journée des barricades prit
son nom des tonneaux ou barriques avec les-
quelles on avait barré les rues. C'est à dessein
que nous soulignons aussi ce dernier mot,
parce qu'on sait que, dans ces fameuses jour-
nées, les moyens de résistance consistaient à
barrer avec des chaînes tendues les rues et les
ponts de la capitale. C'est donc une êtymo-
logie douteuse, à l'appui de laquelle, toute-
fois, paraît venir le verbe barriquer. (V. ce.
mot.) Barrière destinée à arrêter l'ennemi
dans les rues ou dans un passage étroit, et
formée de divers matériaux entassés : Faire
une barricade. Construire des barricades.
Enlever une barricade. Quelques-uns consen-
tiraient à voir tendre-des chaînes et faire des
barricades, pour le seul plaisir d'en dire ou
d'en apprendre lanom>e2Ze.(LaBruy .) LesFran-
çais savent construire des barricades , ils ne
savent pas élever des barrières. (Lord Chester-
fleld.) A la journée des barricades, Henri III
et le duc de Guise restèrent au-dessous de leur
position : l'un faillit de cœur, l'autre de crime.
(Chateaub.) Louis-Philippe ne monta sur le
trône qu'en revenant de l'hôtel de Ville, et en
passant sur les barricades. (Peyrat.) Nous
prenons chacun un fusil, et nous nous postons
derrière une barricade. (G. Sand.) En France,
le peuple ne sait qu'élever des barricades, le
gouvernement ne sait que construire des pri-
sons, (E. de Gir.) On a fait des barricades
contre la monarchie ; n en fera-t-on jamais
contre la bureaucratie? (E. de Gir.)
Jusqu'au front des maisons montaient les barricades,
Dans un cercle de fer la cité s'enfermait.
Mme DE QlRARDlN.
La morne barricade^ au coin de chaque rue,
Monte et vomit la mort de partout à la fois,
V. Hugo.
Aussitôt cent chevaux, dans la foule appelés,
De l'embarras qui croit ferment les délilCs.
Et partout des passants enchaînant les brigades,
Au milieu de la paix font voir les5 barricades.
• Boileau.
— Par anal. Obstacle naturel : L'Angle-
terre s'est emparée des îles Lucayes, longue
BARRtCADE qui ferme le golfe du Mexique,
(V. Hugo.)
— Opposition, difficulté : Le roi était poussé
par Louvois, esprit audacieux, accoutumé de-
puis longtemps à forcer toutes les barricades.
(L'abbé de Choisy.)
BARRICADES (journées des). Bien que les
barricades aient joué un grand rôle dans toutes
nos révolutions, l'histoire a néanmoins spécia-
lement consacré le nom de Journées des barri-
cades aux événements qui s'accomplirent le
12 mai 1588 et les 26 et 27 août 1648. Il est
facile de se rendre compte de cette distinc-
tion : dans ces dernières circonstances, les
barricades furent le drame tout entier, qui en
prit le nom, tandis que dans nos révolutions
modernes elles ne présentent qu'une face des
bouleversements auxquels elles ont servi de
prélude; accessoire caractéristique, il est vrai,
mais qui s'efface devant la grandeur tragique
du dénoûment.
1. — En 1588, la Ligue était arrivée à l'apo-
gée de sa puissance, et, disons-le, de son inso-
lence : son chef, le duc Henri de Guise, sous
prétexte de catholicisme et d'orthodoxie, ne
visait a. rien moins qu'à, réduire Henri III au
rôle de roi fainéant, et à ressusciter Charles
Martel. Le faible Henri, plus richement doué
sous le rapport de l'intelligence que sous celui
de la résolution et de l'initiative, voyait croître
le danger tous les jours, mais ne prenait que
des mesures impuissantes pour le prévenir ou
l'étouffer. La colère et l'exaltation du fana-
tisme montaient cependant de plus en plus au
cœur de la faction des Seize , qui s'emportait
en violentes invectives contre les favoris ,
d'Epernon surtout, et qui n'épargnait pas le
BAR
roi dans ses pamphlets pleins de fiel, d injures
et de menaces. Henri III avait eu beau éloigner
de la capitale les principaux chefs des ligueurs
et le duc de Guise lui-même ; ceux-ci n'avaient
rien perdu de leur influence sur l'esprit de la
population parisienne, toute dévouée aux in-
térêts des Seize, intérêts hypocrites et crimi-
nels, car ils servaient de pseudonyme à l'am-
bition de Philippe II, et cachaient les plus
exécrables desseins contre le pays, auquel les
Seize ne prenaient pas même la peine de dé-
guiser les sacrifices de sang, d'argent et de
liberté qu'on allait exiger de lui. Pour le
triomphe de cette abominable cause, la pré-
sence du duc de Guise était nécessaire à Pa-
ris, où, par ses ordres, les ligueurs avaient
tout préparé pour le coup qu'il méditait; mai3
leurs projets furent découverts; le roi lit ap-
porter ostensiblement des armes au Louvre
et manda quatre mille Suisses, qui étaient en
garnison à Lagny. A cette nouvelle, le duc da
Guise, qui était déjà à Gonesse, rétrograda
jusqu'à Soissons. Cependant il n'était pas
homme à abandonner un dessein caressé de-
puis si longtemps, et, puisque la ruse et les
complots avaient échoué, il se décida à entrer
dans Paris la tête haute, à la face du soleil ;
projet hardi, mais dans lequel il était secrète-
ment encouragé par Catherine do Médicis
elle-même, dont la profonde clairvoyance,
saris doute affaiblie par l'âge, fut mise alors
en défaut. Le malheureux Henri Ht, trahi par
sa propre mère, était incapable de prendra
par lui-même une résolution hardie et déci-
sive. Le 24 avril 1588, il envoya M. de Bel-
lièvre à. Soissons pour tâcher de négocier
avec les Guises; mais le duc ne répondit que
par des remontrances hautaines sur les troupes
étrangères que le roi avait fait entrer dans
Paris, et il annonça son intention d'aller en
personne se justifier auprès du roi des accu-
sations que ses ennemis portaient contre lui.
Lorsque Bellièvre lui eut rapporté cette ré-
ponse, Henri le Tenvoya aussitôt à Soissons,
porter au duc la défense formelle de revenir à
Paris. Bellièvre, chargé des instructions con-
tradictoires de la reine mère, s'acquitta molle-
ment de sa mission, ou bien le duc feignit de
ne pas comprendre, et, le lundi 9 mai, vers
midi, il fit son entrée dans Paris par la porte
Saint-Martin. Cette nouvelle se repandit dans
la capitale avec la rapidité de l'éclair; en un
instant la population presque entière se rua
dans les rues sur le passage du duc, aux cris
répétés de Vive Guise! « Comme une pelote
de neige, écrit Davila, s'augmente en roulant,
et devient bientôt aussi grosse que la mon-
tagne d'où elle s'est détachée; de même, 'au
premier bruit de son arrivée, les Parisiens
quittèrent leurs maisons pour le suivre, et, en
un moment, la foule s'accrut de manière qu'a-
vant d'être au milieu de la ville, il avait
déjà plus de trente mille personnes autour de
lui. » Le peuple était ivre de ioie : on en
voyait fléenir les genoux devant le duc, baiser
le bas de ses habits, lui faire toucher leurs
chapelets et s'en frotter ensuite les yeux. De
toutes les fenêtres, les dames jetaient devant
lui des rameaux et le couvraient de fleurs;
jamais homme n'avait excité un tel délire
d'enthousiasme, ce qui a fait dire à un écri-
vain du siècle suivant (Balzac) : « La France
étoit folle de cet homme-là, car c'est^ trop peu
dire amoureuse. » Quant à lui, il s'avançait
lentement, épanoui, radieux, à travers cette
foule idolâtre, disant des choses gracieuses à
ceux qui l'approchaient de plus près, adres-
sant aux plus éloignés des signes de la main,
saluant aux fenêtres, et tout cela avec une
grâce si enchanteresse, qu'un courtisan disait
que « les huguenots étaient de la Ligue quand
ils regardaient M. de Guise. «
Le duc alla descendre chez la reine mère,
à l'hôtel de Soissons, près de Saint-Eustache.
A son aspect, la reine mère pâlit et fut prise
d'un tremblement nerveux ; mais elle se remit
bientôt, et elle envoya prévenir le roi qu'elle
.■allait conduire au Louvre le duc de Guise.
Henri III entra en fureur : « Il est venu 1 s'é-
cria-t-il; par la mort-Dieu! il en mourrai»
Avant que ce serment homicide s'accomplît, le
roi devait dévorer bien des humiliations.
Lorsque le duc entra au Louvre avec la
reine mère, les Suisses formaient la haie, les
archers se tenaient dans les salles, et une
foule de gentilshommes étaient rangés dans
les appartements qu'il fallait traverser. L'air
morne avec lequel on reçut ses politesses
frappa le duc, et il sentit une frayeur sou-
daine l'envahir : ce n'était pas sans motifs,
car, dans ce moment même, la vie et la mort
du chef de la Ligue étaient débattues dans le
cabinet du roi. A l'aspect du duc, celui-ci blê-
mit et se mordit les lèvres de colère : «Je vous
avais fait dire que vous ne vinssiez pas, lui
dit-il. » ~ ■ Sachant, repartit le duc, les ca-
lomnies dont on me noircissait auprès de Votre
Majesté, je suis venu me remettre entre ses
mains et lui demander justice des accusations
de mes ennemis. Je ne serais cependant pas
venu si j'en eusse reçu une défense expresse.»
Ces derniers mots amenèrent une explication
assez vive entre le roi et Bellièvre, qui avait
reçu des instructions précises à cet égard. La
reine mère, effrayée de la colère qui parais-
sait sur le visage de son fils, le prit à part et
lui expliqua que la moindre violence faite au
duc exaspérerait le peuple, assemblé en foule
devant le palais. Guise saisit le moment, pré-
texta la fatigue du voyage, salua le roi et
sortit. Le lendemain, il se présenta de cou-
BAR
veau au Louvre, non plus avec quelques gen-
tilshommes, nîais avec une escorte de quatre
cents, tous bien armés. L'entrevue fut froide,
et, le jour suivant, le roi et le duc eurent
dans le jardin de la reine mère un long entre-
tien, où éclatèrent de part et d'autre les re-
proches et les récriminations. Durant ces deux
jours, la fermentation des esprits ne fit que
s'accroître dans la capitale, pleine d'étrangers,
d'aventuriers, appelés par la Sainte-Union,
de tous les coins du royaume, au secours de
la religion. Un édit du roi ordonna à toutes les
personnes non domiciliées de quitter Paris
sur-le-champ, si elles n'y étaient retenues par
des affaires impérieuses. Il y eut en même
temps des commissaires nommés pour en faire
la recherche; toutefois, ces perquisitions n'a-
menèrent aucun résultat, les bourgeois pre-
nant soin de cacher eux-mêmes dans leurs
maisons ces étrangers, les soldats guisards,
comme on les appelait. Poussé à bout, le roi
prit enfin une résolution décisive, en ne lais-
sant percer que l'intention de se rendre le
plus fort dans Paris, afin d'en chasser tous les
gens ds main qui excitaient le peuple à la sé-
dition, mais avec l'arrière-pensée de faire ar-
rêter et mettre à mort les principaux ligueurs.
Il rassembla sa noblesse au Louvre, et le pré-
vôt des marchands , ainsi que les colonels
qiiiu-teniers sur lesquels on comptait le plus,
reçut l'ordre de rassembler les compagnies
des bourgeois les plus aisés, qui ne pouvaient
que perdre aux troubles, et de les poster dans
le cimetière des Innocents, sur la place de
Grève, sur le pont Saint-Michel et aux envi-
rons du Petit-Chàtelet; tous ces préparatifs
s'exécutèrent dans la soirée du il mai 1588.
De son côté, le duc de Guise ne reste pas
oisif : il envoie des émissaires dans les quar-
tiers les plus pauvres, mais les plus populeux,
tels que ceux de l'Université, de la place
Maubert et des Halles ; i! fait dire à ses affidés
de se tenir sur leurs gardes, prêts à se ras-
sembler au premier signal ; qu'il se trame un
grand complot; que le roi a résolu la mort de
cent vingt des plus dévoués à la Ligue, et que
les gibets et les bourreaux les attendent déjà
à l'Hôtel de Ville. Puis, ses émissaires font
circuler la liste des proscriptions, en tête de
laquelle figuraient le duc lui-même, les curés,
les prédicateurs, et tous ceux que le peuple
affectionnait. ,
Le lendemain, 12 mai, dès les quatre heures
du matin, le roi monta à cheval et alla rece-
voir à la porte Saint-Honoré le régiment des
gardes françaises et les quatre mille Suisses
venus de Lagny, logés depuis quelques jours
dans les faubourgs. Ces troupes, formant six
mille fantassins d'élite, défilèrent en silence,'
avec recommandation expresse, sous peine de
la vie, de ne commettre aucune insolence par
la ville. Elles se rendirent directement au
cimetière des Innocents, où elles se séparèrent
en portant les armes hautes, au bruit des fifres ,
et des tambours, pour se rendre aux divers
postes qui leur avaient été assignés. Les
plates -formes de la Bastille étaient couvertes
de pièces d'artillerie, dont les gueules ouvertes
menaçaient la rue Saint- Antoine.
La grande ville, pendant ces préparatifs,
avait revêtu une physionomie morne et sinistre;
les boutiques étaient fermées partout, et Vil-
iequier, gouverneur de Paris, essaya inutile-
ment de les faire rouvrir, elles se refermaient
aussitôt après le passage de son cortège. Quel-
ques pourparlers eurent lieu entre la cour et
le duc; on alla jusqu'à offrir à ce dernier le
pardon de tous ses amis s'il consentait à sortir
de Paris; et comme quelques-uns de ses gens
lui conseillaient d'accepter : « Que celui qui
a peur s'en aille 1 1 s'écria-t-il. Cependant
les rassemblements étaient devenus formi-
dables dans la Cité et dans le quartier de
l'Université ; aux clameurs farouches des éco-
liers, répondaient les cris des bateliers des
ports et de la populace turbulente de la place
Maubert Tous, néanmoins, royalistes et gui-
sards, restaient immobiles, lorsque, sur les
dix heures du matin , le bruit se répandit
qu'un rodomont de cour, suivant l'expression
d'Etienne Pasquier , avait dit sur le pont
Saint-Michel qu'il n'y aurait femme de bien qui
ne passât par la discrétion d'un Suisse; suivant
d'autres, ce serait Crillon, colonel des gardes
françaises , aussi emporté dans ses propos
qu'intrépide et loyal, qui aurait cru effrayer
les bourgeois en criant que le premier qui
sortirait armé serait pendu, sa maison brûlée,
sa femme et ses filles livrées aux soldats. A
cette menace imprudente répondirent d'ef-
froyables cris de colère : les uns courent aux
armes, les autres dépavent les rues et tendent
les chaînes, derrière lesquelles ils roulent des
tonneaux qu'ils emplissent de terre, et qu'ils
appuient de planches, de solives, de meubles,
et de tout ce qu'ils rencontrent sous la main.
De cinquante en cinquante pas s'élèvent des
barricades, chacune gardée par un peloton
d'arquebusiers ; chaque maison se change en <
forteresse : les auvents sont abattus, et les t
fenêtres, ou se montrent les femmes résolues I
à se défendre comme les hommes, se garnis- '
sent de pavés et de projectiles de toute es-
pèce. On sonne le tocsin, les barricades s'a-
vancent, et les troupes, qui ne reçoivent point
d'ordres, se laissent investir dans leurs postes
respectifs. En moins de quatre heures , la
grande ville se trouva croisée de mille retran-
chements solides, derrière lesquels s'abritèrent
les séditieux , qui allèrent audacieusement
élever leur dernière barricade en face du
BAR
Louvre. Ce redoutable moyen de défense ,
combiné par les Seize, avait été imaginé, dit-
on, par Charles de Cossé-Brissac, second fils
du célèbre maréchal et l'un des cinq colonels
de Guise. Lors de la malheureuse expédition
des Açores (15S2), il commandait en second la
flotte française, et Henri III avait dit à cette
occasion qu'il n'était bon ni sur terre ni sur
mer. — « Je lui ferai voir, dit Brissac dans
la Journée des barricades, que j'ai trouvé mon
élément et que je suis bon sur le pavé. »
Un peu avant midi, les habitants du pont
Saint-Michel et des alentours (on sait qu'à
cette époque les ponts étaient bordés d'un
double rang de maisons) ouvrirent le feu
contre une compagnie de gardes françaises
établie sur le pont, et qui s'estima heureuse de
pouvoir gagner le Marché-Neuf, après avoir
capitulé. Cependant la lutte était encore
limitée à un seul point; le duc de Guise, in-
quiet du résultat et n'ayant pas compté sur
les irrésolutions, les incertitudes de Henri III,
se tenait dans" son hôtel, dont il avait fait as-
surer les derrières, prêt à prendre la fuite si
les circonstances se tournaient contre iui. On
vint lui apprendre le succès des barricades.
Il sortit alors, se montra dans la rue et donna
ouvertement ses ordres. Tandis que les maré-
chaux d'Aumont et de Biron faisaient de'
vaines tentatives de conciliation dans la Cité,
où les bourgeois leur répondaient qu'ils n'en-
tendraient à rien t-ant qu'on n'aurait pas fait
sortir les garnisons, le roi s'humiliait jusqu'à
■envoyer au duc message sur message pour le
prier d'apaiser la sédition : « Ce sont taureaux
échappés, répondit-il froidement, je ne puis
les retenir. » Sur les trois heures, un cri géné-
ra], cri de tumulte et d'horreur, s'éleva du côté
de la rue Saint-Jacques ; un coup de feu, tiré
de ce côté, devint le signal du combat. « Allons,
cria l'avocat La Rivière , allons prendre ce
b..... de roi dans son Louvre, n Les compagnies
des gardes françaises, que commandait Crillon,
furent ramenées à coups d'arquebuses du car-
refour Saint-Séverin jusque sur le Petit-Pont,
et de ce dernier point au Marché-Neuf, où
eut lieu une de ces scènes épouvantables que
les guerres civiles ont seules le triste privilège
de présenter. Les malheureux soldats, acculés
de tous côtés par la populace qui débouchait
de l'intérieur de la Cité et des abords du pont
Saint-Michel, durent cesser toute résistance
sous la grêle de balles, de tuiles et de pavés
dont ils furent assaillis. 0 Miséricorde 1 • criaient
les gardes françaises ; « Bonne France t Bons
catholiques 1 ■ criaient de leur côté les Suisses
en montrant leurs chapelets. Néanmoins il en
périt environ une soixantaine. L'ordre de re-
traite arriva enfin aux troupes royalistes, et
le peuple, sur les instances d'Aumont et d'O
consentit à ouvrir quelques barricades pour
les laisser passer ; mais les Suisses ayant re-
fusé d'éteindre les mèches de leurs arque-
buses, le peuple les chargea avec furie, et
ils n'échappèrent à un massacre général
qu'en se jetant à genoux et en criant Vive
Guise! Ils furent alors enfermés dans les bou-
cheries du Marché-Neuf. Pendant ce temps-là,
Biron se rendait auprès du duc de Guise, qui,
sûr de la victoire, voulut se montrer généreux
et consentit à s'interposer pour sauver les
troupes du roi. Il sortit de son hôtel en pour-
point blanc, tenant une simple baguette a la
main, et se dirigea vers le quartier de la
' Grève. Sur tout son passage, il fut accueilli
par les acclamations de Vive Guise! à Reims!
Il faut mener Monsieur à Reims! Guise affec-
tait de modérer ces cris, qui dévoilaient si
nettement sa secrète ambition. Au reste, lui-
même n'allait pas tarder à lever le masque.
Au son de sa voix, le peuple s'apaisa ; toutes
les barricades tombèrent devant lui. A mesure
qu'il arrivait devant les postes royaux, il sa-
luait poliment les soldats et leur faisait ouvrir
le chemin du Louvre. Pendant qu'il se rendait
ou Marché-Neuf, afin de délivrer ceux qui
étaient retenus prisonniers dans les bouche-
ries, un de ses capitaines se dirigeait, par son
ordre, vers le cimetière des Innocents, afin de
tirer de péril les compagnies établies sur ce
point. Toutes les troupes du roi purent alors
se retirer, mais nu-tête, sans tambours, les
armes basses et renversées; trop heureuses
encore d'échapper par cette humiliation à la
fureur du peuple. Toutefois les hostilités n'é-
taient pas terminées : le peuple garda son
attitude menaçante, et on continua de se for-
tifier au Louvre; néanmoins on ne pouvait
guère compter que sur les négociations. Elles
s'entamèrent dès que le duc fut rentré à son
hôtel, où la reine mère alla le trouver. Si ce
que rapporte Davila est exact, le duc se dé-
masqua dans cette conférence. Il demandait
la lieutenance générale du royaume, avec
l'autorité la plus étendue sur les troupes, au-
torité qui serait confirmée par les états géné-
raux; il exigeait dix places de sûreté en
France, avec l'argent nécessaire à la solde
des garnisons qu'il y mettrait: il insistait sur-
tout sur un édit qui déclarerait les princes de
Ja maison de Bourbon déchus, comme héréti-
ques, du droit de succession a la couronne. Le
comte de Brissac aurait le gouvernement de
Paris; ses parents et ses amis, ceux de Pi-
cardie, de Normandie, de Lyon et des princi-
pales provinces, avec des emplois militaires
et les grandes charges de la couronne. D'E-
pernon serait exilé, et ceux que le duc redou-
tait le plus; enfin, par une sorte de pressenti-
ment sinistre, il voulait que le roi se contentât
de sa garde ordinaire, et renvoyât les qua-
BAR
rante-cinq gentilshommes dont il avait cru
devoir , depuis quelque temps , se faire un
rempart contre les entreprises des Ligueurs.
A ces propositions exorbitantes, Henri III
bondit de colère ; mais il était le plus faible ,
et il dut avaler jusqu'à lu lie le calice amer
versé par un sujet vainqueur. La nuit fut
triste au Louvre. Catherine, effrayée de cette
puissance .irrésistible des passions populaires,
pleurait et s'agitait ; les ministres s'épuisaient
en délibérations inutiles. Cependant, ie lende-
main matin, la reine mère retourna à l'hôtel
du duc. Comme le peuple refusait d'ouvrir
les barricades pour laisser passer son car-
rosse, ses gens étaient obligés de les lui faire
franchir, à force de bras , dans sa chaise.
Pendant ce pénible trajet, un bourgeois s'ap-
procha de l'oreille de Catherine, sous prétexte
de i'aider, et lui dit que quinze mille hommes
étaient prêts à se mettre en marche pour in-
vestir le Louvre par la campagne. Sans don-
ner le moindre signe d'émotion, la reine mère"
dépécha aussitôt un de ses gentilshommes au
roi, pour le prévenir du danger dont il était
menacé. En effet , le tumulte recommença
dans l'après-midi, et le tocsin sonna dans le
quartier de l'Université. Les écoliers et les
moines prenaient les armes, et, au milieu
d'eux, des docteurs en Sorbonne, cuirassés,
les animaient à marcher sur la demeure royale.
Au Louvre! Au Louvre! tel était le cri géné-
ral qui retentissait dans ces quartiers.
Cependant le roi recevait, coup sur coup,
des avis alarmants sur l'attitude agressive du
peuple ; c'était une marée grondante qui mon-
tait à chaque instant, menaçant de tout en-
vahir. Après de longues hésitations , il se
décida à sortir du Louvre, une baguette à la
main et suivi d'une faible escorte, comme
pour se promener aux Tuileries. Il sortit de
Paris par la Porte-Neuve, qui était située au
bord de la Seine, à peu près au milieu de la
galerie actuelle du Louvre, et communiquait
du Louvre aux Tuileries, qui se trouvaient
alors dans le faubourg. Dans ce moment
même, Catherine discutait les propositions du
duc de Guise, qu'elle trouva aussi hautain,
aussi inflexible que la veille. Cependant elle
insistait, afin de traîner le débat en longueur.
Au plus fort de la discussion, arriva le sei-
gneur de Maineville, factotum du duc , qui
venait lui annoncer le départ du roi. A, cette
nouvelle imprévue, Guise s'écria : « Me voilà
mort, Madame ; pendant que Votre Majesté
m'amuse ici, le roi s'en va pour me perdre. »
— «J'ignorais cette résolution,» reprit froide-
ment Catherine; et elle reprit aussitôt le che-
min du Louvre.
■ O l'imprudent! à le téméraire! s'écria
Sixte-Quint, quand il sut que le duc de Guise
était venu à Paris se mettre entre les mains
du roi, qu'il avait si vivement offensé. — O le
faible prince! s'écria-t-il encore plus haut,
quand on lui dit que Henri avait manqué cette
belle occasion de se défaire d'un homme qui
semblait né pour le perdre. Sixte continua
sans doute ses exclamations en apprenant que
le duc, à son tour, avait laissé échapper le
roi. » (Anquetil):
Après être resté quelque temps aux Tuile-
ries, appuyé sur une pierre et versant des
larmes, Henri III monta précipitamment à
cheval. « O ville ingrate, s'écria-t-il en se
tournant vers Paris, je t'ai plus aimée que
ma propre femme 1 » Puis il se dirigea vers
Chartres, accompagné des princes, des grands
dignitaires et des conseillers d'État qui se
trouvaient auprès de sa personne. « Les uns
étaient sans bottes et sans manteau ; d'autres
en robe longue ; plusieurs suivaient à pied ; le
roi avait un éperon à l'envers. C'eût été un
spectacle grotesque, s'il n'eût été terrible. Les
courtisans croyaient entendre derrière eux
les cris et siffler les balles des ligueurs. Pal-
ma-Cayet assure que le corps de garde de la
porte de Nesle envoya de loin, au roi fugitif,
une salve d'arquebusades, et que le peuple lui
cria mille injures de l'autre bord de l'eau. Ces
coups de feu étaient la revanche providen-
tielle des royales arquebusades du 24 août 1572.
Parvenu sur la hauteur de Chaillot, Henri III
« se retourna devers la ville et jeta sur elle
sa malédiction, lui reprocha sa perfidie, son
ingratitude et déloyauté contre tant de biens
qu elle avait reçus de sa main, et jura qu'il
n'y rentrerait que par la brèche. »
Il n'y devait jamais rentrer. (H. Martin.)
Quand on s'est bien pénétré des récits des
écrivains du temps, Saint-Yon, l'-Estoile, Da-
vila, De Thou, Pasquier, Palma-Cayet, d'Au-
bigné, de Cheverny, Mathieu, et le bourgeois
de Paris auteur de l'Histoire de la Journée
des barricades, récits que notre grand histo-
rien (M. Henri Martin) a si admirablement
résumés, il est impossible de ne pas recon-
naître qu/j Henri III, quelque misérable prince
qu'il fût, était le véritable représentant de la
nationalité française , tandis que ls brillant
duc de Guise arrivait a Paris les mains pleines
de l'or espagnol, suivi du sanglant fantôme de
l'inquisition, que Philippe II avait attaché a
ses pas.
II. — En 1648, la résistance opiniâtre du par-
lement aux prétentions de la cour, et son refus
d'enregistrer les édifs bursaux, amenèrent un
des plus graves événements qui aient signalé
les troubles de la Fronde. Le ressentiment de
Mazarin et la colère d'Anne d'Autriche, dont
cette opposition froissait l'orgueil, étaient à
leur comble lorsqu'on reçut la nouvelle de la
BAR
263
victoire de Lens; succès brillant et inespéré
Sui exalta ies ardeurs vindicatives de la reine.
iès lors elle ne songea plus qu'à terrifier, par
un acte éclatant d'autorité, ceux qu'elle ne
considérait que comme des sujets arrogants et
des ennemis déclarés. Pour elle, le parlement
avait été vaincu à Lens avec les Espagnols,
et elle sut gagner à sa vengeance Mazarin et
le duc d'Orléans. Parmi les conseillers au
parlement, il en était un surtout qui avait
excité au plus au point les ressentiments de la
cour : c'était le vieux Broussel. Soit qu'il eût été
aijrri par le refus d'une compagnie aux gardes
qu'il avait demandée pour son hls, soit qu'il fût
réellement animé par le zèle du bien public, il
ne manquait jamais l'occasion d'ouvrir ou
d'appuyer un avis défavorable à la cour, et il
était impossible de faire dévier ses sentiments
d'opposition et d'en atténuer l'expression dès
qu'il s'agissait d'impôts; aussi le peuple le
bénissait-il tout haut et l'appelait-il son père.
Un président aux enquêtes, Potier de Blanc-
mesnil, et un autre président, Charton, qu'on
avait surnommé le président Je dis ça, parce'
que telle était sa manière de conclure, parta-
feaient avec le vieux Broussel le dangereux
onneur de résumer sur leurs têtes toutes les
haines du Palais-Royal. Le 26 août, le jeune
roi, accompagné de sa mère et d'un brillant
cortège, se rendit à Notre-Dame, où les cours
souveraines avaient été mandées pour assister
à un Te Deum en action de grâces de la vic-
toire de Lens. Au sortir même de cette céré-
monie, le bruit se répandit tout a coup parmi
le peuple que trois membres du parlement
allaient être arrêtés. Cette nouvelle alluma
une explosion terrible. Le peuple, si tranquille
une heure auparavant, se mit à crier de tous
côtés aux armes! et la foule, comme une mer
irritée, se mit à onduler dans tous les sens.
Le président Charton avait pu échapper à
l'exempt chargé de s'emparer de sa per-
sonne, mais Blancmesnil fut arrêté et conduit
à Vincennes. En même temps, le lieutenant
des gardes de la reine se rendait chez Brous-
Sel, qui demeurait dans la Cité, rue Saint-
Landry, un des quartiers les plus populeux et
les plus turbulents de la capitale. La vue d'un
carrosse arrêté à la porte du vieux Broussel
attira l'attention : bientôt une fenêtre s'ouvrit,
et la fille du conseiller, ainsi que sa vieille
gouvernante, y apparut criant, pleurant et
appelantdu secours. La Cité se souleva comme
un .seul homme contre ceux qui emmenaient
le protecteur du peuple. Le carrosse qui le ren-
fermait s'étant renversé sur le quai, entre les
obstacles qu'on y avait amoncelés, il faillit
être délivré ; un second se brisa de même ;
enfin Ccmniinges, le lieutenant des gardes ,
parvint à se jeter, avec son prisonnier, dans
un troisièmeet le conduisit à Saint-Germain.
L'émeute se déchaîna alors dans toute sa fu-
reur; les chaînes se tendirent de rue en rue,
et bientôt l'effervescence gagna la ville tout
entière. Des cris forcenés demandant Brous-
sel et la liberté éclatèrent de toutes parts, et
les noms de Mazarin et d'Anne d'Autriche
furent mêlés dans d'injurieuses imprécations.
Le maréchal de La Meilleraie, qui commandait
les gardes françaises, postées aux environs
du Pont-Neuf, les fit replier sur le Patais-
Royal ; puis, accompagné de Paul de Gondi,
resté si fameux sous le nom de cardinal de
Uetz, il se rendit chez la régente, où, par d'in-
décentes plaisanteries sur le vieux Broussel,
on croyait braver la fureur populaire. La
Meilleraie, qui avait vu les choses de près,
crut devoir affirmer que la révolte était sé-
rieuse. « Il y a de la révolte, répondit sèche-
ment la reine en regardant fixement Gondi, à
croire qu'on puisse se révolter. •
Cependant le tumulte augmentait de mo-
ment en moment. Gondi qui, dans son humeur
turbulente, voulait Concilier en lui les attri-
butions de médiateur et de chef de parti, c'est-
à-dire servir la reine, à laquelle il devait son
titre de coadjuteur de l'archevêque de Paris,
et conserver sa popularité, traça à la régente
un tableau effrayant de la sédition. Tandis que
chacun donnait son avis sur les mesures à
prendre dans cette grave circonstance : «Pour
moi, dit Guitaut, mon sentiment est qu'on
rende ce vieux coquin de Broussel, mort ou vif.»
t Le premier parti, répondit le coadjuteur, ne
serait ni de la pitié ni de la justice; mais j'a-
voue que le second pourrait apaiser les trou-
bles. » La régente rougit à ces paroles? ■ Je
vous entends, M. le coadjuteur; vous vou-
driez que je rendisse la liberté à Broussel ; je
l'étranglerais plutôt avec ces deux mains (et
elle les lui portait jusqu'au visage), et ceux
qui... » Mazarin lui parla alors à l'oreille et la
lit revenir à elle-même , puis il chercha à ré-
parer la violence de la reine par des compli-
ments, et il chargea le coadjuteur d'aller, ac-
compagné de La Meilleraie, annoncer au peuple
que Broussel allait être rendu à la liberté,
pourvu que chacun rentrât chez soi et que
l'ordre se rétablît. Bien qu'il' vit le piège, le
coadjuteur ne put l'éviter. Il sortit avec La
Meilleraie, homme tout pétri de bile et de
contre-temps, comme il le dit dans ses Mé-
moires; lequel, au lieu de prendre une conte-
nance pacifique, s'avança l'épée haute, à la
tête des chevau-légers, et se mit à crier: Vive
le roi! Liberté à Broussel! Le peuple, n'en-
tendant pas ses paroles, et interprétant son
geste dans un sens menaçant, se crut sur le
point d'être chargé par la cavalerie et cria
aux armes! Des coups de feu furent alors
échangés au milieu d'une effroyable confu-
sion, pendant laquelle le coadjuteur fut ren-
264
BAR
versé d'un coup da pierre. Comme il se re-
levait, un homme du peuple lui appuya sur la
tête le bout de son mousqueton, prêt à faire
feu : « Ah 1 malheureux ! s'écria Gondi, si ton
père te voyait!» Ces paroles prononcées au
hasard le sauvèrent. On reconnut sa figure et
son habit, et tout le peuple cria : Viae le co-
adjuteur! 11 parvint alors à se faire entendre,
dégagea La Meilleraie, qui était fort pressé,
et parvint à retourner avec lui au Palais-
Royal , où il conjura Anne d'Autriche de
rendre la liberté aux prisonniers. Anne ne lui
répondit que par des railleries, quoique son
récit fût appuyé de celui de La Meilleraie :
« Allez vous reposer, Monsieur, lui dit-elle ;
vous avez bien travaillé. » te coadjuteur se
retira confus et irrité; mais il dissimula son
ressentiment, tout en se promettant bien d'at-
tiser le feu qu'il avait contribue à calmer. En
se rendant à son hôtel, il harangua de nouveau
le peuple; monté sur l'impériale de son car-
rosse, où quelques hommes robustes l'avaient
hissé, il les engagea à rentrer chez eux et
n'eut pas beaucoup de pefne à réussir,» parce
que l'heure du souper approchait, dit-il dans
ses Mémoires; et j ai observé, à Paris, dans
les émotions populaires, que les plus échauffés
ne veulent pas ce qu'ils appellent se désheu-
rer. » La tranquillité, comme le calme entre
deux orages, parut alors régner sur la grande
ville, et Anne put croire que les événements
du jour n'avaient été que « feu de paille. »
Elle se faisait une étrange illusion. Pendant
toute la nuit, le coadjuteur fit agir des émis-
saires qui sillonnèrent la Cité, disant que la
cour devait emprisonner tojit le parlement,
décimer les conseillers et les bourgeois, pour
les faire pendre avec Broussel et les autres
prisonniers ; que la régente était déterminée à
tirer le jeune roi de Paris, puis à faire mettre
le feu aux quatres coins de la ville, qui serait
impitoyablement pillée et saccagée. Le lende-
main, Paris se soulevait tout entier et se
transformait en un vaste camp retranché, que
sillonnaient plus de douze cents barricades, si
fortement construites que « tout le reste du
royaume assemblé» n'eut pu les renverser. La
dernière s'élevait à la barrière des Sergents,
rue Saint-IIonoré, à quelques pas seulement
du Palais-Royal. Le parlement, après une
discussion des plus animées, se rendit en corps
au Palais-Royal , ayant en tête son premier
K résident Mole, qui adressa à la reine une
arangue pathétique pour la prier de rendre
a la liberté « messieurs les absents. » La co-
lère d'Anne d'Autriche éclata sans frein et
sans mesure : « 11 est bien étrange et bien
honteux, s'écria-t-elle, d'avoir vu, sans mot
dire, du temps de la reine, ma belle-mère, le
premier prince du sang à la Bastille (Condé),
et de s'emporter à de telles insolences pour
un conseiller au parlement I » Cet éclat mal-
séant révélait une bien grande, inintelligence
de la situation : derrière le vieux Broussel,
Anne ne voyait pas se dresser le peuple, fré-
missant, irrité. Mais qu'était le peuple à cette
époque, dans la pensée d'une reine? tandis
qu'un prince du sang!... Après ces paroles
imprudentes , Anne courut s'enfermer dans
son cabinet, où le président Mole et Mazarin
la rejoignirent et parvinrent à calmer un peu
son irritation fiévreuse. Elle finit par con-
sentir à rendre la liberté aux prisonniers,
mais à condition que le parlement ne se mêle-
rait plus des affaires d'Etat. Le parlement re-
fusa de résoudre une si grave question au
Palais-Royal, de crainte qu'on ne l'accusât
d'avoir délibéré sous la pression de la peur;
mais ilpromitde s'assemblerdansl'après-miâi,
et il reprit le chemin du Palais-de-Justice. Le
peuple s'imaginait qu'il allait revoir Broussel
et Blanemesnil ; quand il les eut vainement
cherchés des yeux, parmi tous les autres mem-
bres, quelques murmures éclatèrent. Cepen-
dant le parlement franchit sans obstacle les
deux premières barricades ; mais il fut arrêté
court à la troisième, dressée au coin de la rue
de l'Arbre-Scc. Il essaya de calmer les esprits
en répondant que la liberté des prisonniers n'é-
tait pas encore accordée, mais qu'on était sur
le point de s'entendre. Ces mots ambigus soule-
vèrent un cri général de fureur. Un marchand
de fer, nommé Roguenet, capitaine de ce quar-
tier, saisit le premier président par le bras, et,
lui appuyant le pistolet sur te front : «Tourne,
traître, s'écria-t-il, si tu ne veux 'être mas-
sacré, toi et les tiens ; ramène-nous Broussel,
ou le Mazarin et le chancelier en otages l »
Effrayés de cette explosion de colère, cinq
présidents à mortier, ainsi qu'une vingtaine de
conseillers, quittèrent leur rang et se confon-
dirent dans la foule. Quant à Mole, qui n'avait
çagné, à cette, démarche conciliatrice, que de
je rendre également suspect a la cour et au
peuple, il sut conserver sa dignité tout en
cédant à la force matérielle, et il ramena le
parlement au Palais -Royal, d'un pas aussi
grave, aussi calme, que s'il eût présidé à quel-
que cérémonie.. En voyant rentrer le parle-
ment, Anne, folle de colère, faillit s'emporter
à d'odieuses extrémités , tantôt songeant à
faire trancher la tête à Broussel et à la jeterau
peuple comme unsangLantdéfi ; tantôt Voulant
taire pendre quelques conseillers aux fenêtres
du palais. Mais, vaincue par les sollicitations
de Mole, du duc d'Orléans et de Mazarin,
émue surtout par la présence de la reine d'An-
gleterre, Henriette-Marie, qui se trouvait là
comme un exemple vivant de la fragilité des
grandeurs humaines, Anne courba enfin la
tête et subit la capitulation que lui dicta le
parlement ; elle signa la mise en liberté de
BAR
i Broussel et de Blanemesnil, et l'on fit sortir
publiquement du Palais-Royal deux carrosses
dans lesquels se trouvaient des parents et des
! amis des prisonniers, porteurs de cet ordre.
! Le peuple, néanmoins, resta toute la nuit sous
] les armes, et les clameurs devenaient parfois
I tellement menaçantes que Mazarin délibéra
i s'il ne quitterait pas à l'instant la capitale. La
! tempête ne put être apaisée que le lendemain
par la présence des deux conseillers, que les
lettres de rappel rejoignirent à quelques
lieues de Saint-Germain. Le 28 août, ils firent
leur rentrée au parlement au son des clo-
ches, au bruit des salves de mousqueterie ,
et au milieu des acclamations d'un peuple
immense, qui ne cessait de crier : Vive Brous-
sel! Vive notre libérateur.' Vive notre père!
i Jamais, dit M">B de Motteville dans ses Mé-
moires, jamais triomphe de roi ou d'empereur
romain n'a été plus grand que celui de ce
pauvre petit homme, qui n'avait rien de re-
jcommandable que d'être entêté du bien public
et de la haine des impôts. » Cette réflexion
est naïve et peint bien l'époque. Dès que
Broussel eut reparu au sein du parlement, les
barricades tombèrent comme par enchante-
ment, et, le jour suivant, Paris n'offrait plus
aucune trace de cette sédition redoutable : elle
s'était évanouie comme un rêve. •
Barricades (les), par Vitet (Paris, 182G).
M. Vitet, vivement frappé du caractère dra-
matique des sanglantes querelles qu'allumè-
rent en France l'ambition dés Guises , le
fanatisme catholique, l'imbécillité de Henri III,
a voulu rendre ses impressions, et, pour re-
tracer les scènes de la Ligue, sans avoir la
prétention de faire une tragédie en prose, il a
choisi la forme qui lui a semblé la meilleure,
c'est - à - dire la conversation , le dialogue.
Chaque événement, chaque situation devient
une scène. L'auteur n'a point songé cepen-
dant à composer un drame régulier, à distri-
buer son sujet selon certaines proportions, à
rendre l'action plus rapide, àladébarrasserdes
détails qui la surchargent, des accessoires qui
la retardent. Il a fait un portrait, une image
fidèle du monde réel de l'époque ; il a fait ce que
l'histoire ne peut pas faire, il a rendu à la vie
les hommes du temps passé, avec leurs idées,
leurs sentiments, leurs allures, et jusqu'à leur
manière de se vêtir. Il les a évoqués, pour
ainsi dire, de leurs tombeaux; il les a rappelés
sous nos yeux pour nous montrer leur nature
morale, comme de vieux portraits nous mon-
trent leur nature physique. En un mot, le livre
des Barricades est un livre d'histoire conçu
dans le seul but de l'art, dans le dessein de
peindre et de plaire. Doit-on appeler du nom
de drame cette suite de dialogues? Comme
dans un drame, il y a de l'unité, car l'unité
est nécessairement dans l'esprit de l'auteur et
dans les événements qu'il décrit ; comme dans
un drame, il y a aussi de l'intérêt, car qu'y
a-t-il au monde d'intéressant, si ce n'est le dé-
veloppement, le jeu naturel de toutes les pas-
sions qui agitent l'humanité?
Peu de lectures sont aussi attrayantes que
celle des Barricades. Une grande intelligence
de l'histoire et beaucoup d'esprit, un vrai ta-
lent de peintre, telles sont les qualités qui se
montrent avec éclat dans cet ouvrage. N'ou-
blions pas de dire que l'auteur a fait précéder
ses scènes d'un avant-propos plein de naturel
et de grâce, où il explique en quelques mots
ce qu'il a entrepris de taire, et d'une intro-
duction historique, où il résume l'histoire de la
Ligue depuis son origine jusqu'à la Journée
des barricades.
Barricades de 1848 (les), œuvre lyrique en
deux actes, de MM. Brisebarre et Saint-Yves,
musique de MM. Pilati et Gauthier, repré-
sentée pour la première fois à Paris , sur le
théâtre de l'Opéra-National , le 5 mars 1848.
Sur toutes les scènes parisiennes, grandes
et petites, la République fut chantée, accla-
mée, fêtée. Ce ne fut partout que cantates,
que couplets, et les pièces ne tardèrent pas a
donner sur toute la ligne des théâtres. La
première qui parut, et dont il serait presque
impossible aujourd'hui de retrouver la trace
si M. Théodore Muret n'avait eu soin de la
noter dans son Histoire par le théâtre, c'est
celle qui a pour titre les Barricades de ists.
Cette pièce, nous ignorons pourquoi, ne figure
pas dans les biographies dos auteurs et com-
positeurs. Voici ce qu'en dit M. Théodore Mu-
ret, à qui nous laissons toute responsabilité :
« Un demeurant de la première Révolution y
personnifiait mil sept cent quatre-vingt-neuf;
son fils représentait un homme de mil huit
cent trente, et son petit-fils, un gamin de la
nouvelle génération, car cette graine-là ne
périt pas, représentait le vingt -quatre fé-
vrier. Comme en 1830, l'élève de l'Ecole poly-
technique avait là son rôle; gardes nationaux
et ouvriers étaient à l'œuvre de concert-, les
femmes faisaient de la charpie pour les bles-
sés ; un sergent de la ligne refusait de tirer
sur le peuple, et dans un second tableau, le
trône était brûlé, comme il le fut en effet, sur
la place de la Bastille. Mais au moins si, dsins
ces quelques scènes, la victoire populaire fut
chantée , ce fut sans invectives brutales ,
comme on a le regret d'en trouver dans le
répertoire de Juillet. > Dans cette pièce de
circonstance, Joseph Kelm jouait avec beau-
coup de naturel le rôle du vieux vainqueur de
la Bastille.
BARRICADÉ, ÉE (ba-ri-ka-dô). Part, pas,
du v. Barricader. Fermé par une barricade,
BAR
soigneusement fermé : Electrisés par leur
chef, les soldats eurent bientôt fait de pénétrer
dans l'enceinte barricadée. (Balz.) Elle s'é-
lança vers la fenêtre, mais la fenêtre était
BARRICADÉE. (Al. Dum.)
Vit-on jamais repaire ainsi barricadé ?
V. HUGO.
BARRICADER v. a. ou tr. (ba-ri-ka-dê —
rad. barricade). Fermer au moyen do barri-
cades : Lagrange et Et. Arago doivent, au
point du jour, marcher sur les Tuileries et
barricader la rue Richelieu. (E. Sue.) Si
l'affaire s'engage ce soir, et c'est infaillible,
nous barricaderons la rue à la hauteur de
ma maison. (E. Sue.)
— Absol. Elever des barricades : On bar-
ricade déjà la rue Saint-Denis.
— Par cxt. Fermer soigneusement, avec
précaution : Pour éloigner les importuns, il
barricade sa maison.
. . . . Petit Jean, ramenai votre mallre,
Couchcî-le dans son lit, fermez porte et fenêtre ;
Qu'on, barricade tout, afin qu'il ait plus chaud.
Racine.
— Fig. Isoler, empêcher certains rapports,
certaines communications : On s'enferme de
plus en plus, on barricade, on bouche solide-
ment sa porte et son esprit. (Michelet.)
Se barricader, v.. pr. S'isoler, se fortifier
au moyen de barricades : Les insurgés se bar-
ricadaient dans les rues.
— Par ext. S'enfermer très-soigneusement :
Il était devenu si superstitieux et si poltron,'
qu'après le coucher du soleil il ne manquait
jamais de se barricader dans sa chambre.
(G. Sand.) En Angleterre, tout est fermé le
dimanche : les boulangers ne cuisent pas, les
restaurants se barricadent. (Vacquerie.) Ils
se barricadaient en dedans comme des assié-
gés. (V. Hugo.)
Disant ces mots, le vieillard le quitta,
Ferma sa porte et se barricada.
La Fontaine.
— Fig. Se mettre en gardé : L'abbé ne pou-
vait souffrir cet homme et se Barricadait con-
tre lui. (T. des Réaux.)
— So maintenir après avoir pénétré : Il
cherchait à déloger le désir absurde et fou gui
s'était barricadé dans sa cervelle, (Balz.)
— Antonyme. Débarricader.
BARRICADEUR s. m. (ba-ri-ka-deur— rad.
barricade). Faiseur de barricades, n Peu usité.
C'est une curieuse étude que celle de l'âge
des mots. Celui-ci, au premier aspect, a tout
l'air d'un néologisme. C'est cependant un mot
déjà bien vieux, il remonte tout au moins à
la première moitié du xvuo siècle, comme le
témoigne l'exemple suivant :
Il faut affamer ces ingrats,
Ces barricadeurs scélérats.
{Courrier burlesque de la guerre de Paris.)
BARRICADO s. m. (ba-ri-ka-do). Ichthyol.
Poisson peu connu, des côtes d'Afrique.
BARMENTOS (Lopez de), théologien espa-
gnol, né à Médina del Campo en 13S2, mort en
1469. Religieux de l'ordre de Saint-Dominique,
il professa' la théologie k Salamanque, de 14 JG
à 1433, et devint alors précepteur de l'in-
fant don Henri de CastiUe. Nommé suc-
cessivement évêque de. Ségovie, grand chan-
celier de Castille, évêque d'Avila et enfin
évêque de Cuença, il fut appelé à la dignité
d'inquisiteur général pour toute la Castille.
On a de lui plusieurs ouvrages théologiques,
notamment Clavis Sapientiœ, etc.
BARRIENTOS (Genès de), théologien espa-
gnol, mort en 1694, fit, comme le précédent,
partie de l'ordre des dominicains. Il se livra
avec succès à la prédication, se fit .entendre à
la cour de Charles II, et consacra le reste de
sa vie aux missions. Il se rendit dans la Ma-
laisie et devint évêque titulaire de Troja. On
a de lui un ouvrage théologique intitulé Ex-
pugnacion de el probabilismo (Manille, 1CS5).
BARRIER s. m. (ba-rié) — rad. barre).
Monn. Ouvrier qui manœuvre la barre du
balancier : Il y a plusieurs barriers qui font
tourner le balancier. (Trév.)
— Coût. anc. Employé qui percevait les
droits de barrage.
BARItlER (F. M.), médecin français, né à
Saint-Etienne vers 1815. Après avoir été reçu
docteur à la faculté de Paris, en 1840, il alla
se fixer à Lyon, où il est devenu successive-
ment chirurgien de l'hôpital de la Charité et
professeur de clinique chirurgicale à l'école de
médecine. M. Barner s'est adonné tout parti-
culièrement à l'étude et au traitement des
maladies des enfants, et s'est acquis une ré-
putation méritée. On a de lui plusieurs ouvra-
ges,, dont les principaux sont : Mémoire sur le
diagnostic de la méningite chez les enfants,
etc. (Paris et Lyon, 1842); Considérations sur
les caractères de la vie dans l'enfance (1842) ;
Traitépratique des maladies de l'enfance (1842,
2 vol.); Esquisse d'une analogie de l'homme
et de l'humanité (1846, etc.).
barrière s. f. (ba-riè-re) — rad. barre,
barrer). Clôture formée d'un assemblage de
pièces de bois : On a élevé une barrière à
l'entrée de cette rue. Ouvrir, fermer la bar-
rière. Escalader une barrière.
■ .. La parde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend pas nos rois.
Malherbe.
BAR
— Par ext. Porte d'uno ville : Les barrib-
res de Paris. La barrière du Trône. Confiant
est à une lieue à l'est des barrières de J'aris.
(Dulaure.) il Bureau à l'entrée d'une ville, où
l'on perçoit les droits d'octroi : Les marchan-
dises seront confisquées à la barrière.
J'ai de la fraude en pacotille
Qu'à la barrière on saisirait.
Béranoer.
Il Tout bureau où l'on perçoit une taxe, un
péage, un droit do douane, etc. : Il est bien à
désirer qu'on transporte ailleurs ces barriè-
res et ces commis qui rendent ce petit pays de
Genève ennemi du nôtre. (Volt.) Autrefois des
barrières séparaient lesprovinces : un chariot
de marcliandises, allant de Bretagne en Pro-
vence, était visité huit fois et payait sept droits
différents. (Droz.) d Absol. Zone qui entou-
rait extérieurement les anciennes barrières
de Paris : Aller à la barrière. Nous avons
bu du petit bleu à la barrière.
— Sorte de palissade qui, dans des jeux
publics ou des tournois, sépare les specta-
teurs des combattants ou des joueurs : Fran-
chir la barrière pour enirer en lice.
Aux athlètes, dans Pise, elle ouvre la barrière.
Boil-EAU.
Il Palissade qui, dans les tournois, coupait la
lice en deux, et que les champions se dispu-
taient : Forcer la barrière. Itompre la bar-
rière. Enlever la barrière. Combat à la bar-
rière. Les tournois, les combats à la barrière
sont peut-être de l'invention de ces Arabes.
(Volt.)
Soit qu'il se présente un rival
Pour la lice ou pour la barrière...
Malherbe.
Il Tenant de barrière, Chevalier qui défondait
la barrière.
— Par anal. Obstacle matériel qui sert do
séparation, de sauvegarde ou do défense :
Les Pyrénées sont une barrière élevée entre
la France et l'Espagne. L'Angleterre trouve
dans l'Océan une barrière qui explique son
insolence. Les places, presque toutes démante-
lées, n'opposaient qu une barrière impuissante
aux barbares. (Am. Thierry.)
Il s'était fait de morts une noMe barrière.
Racine.
Déjà, rompant partout leurs plus fermes barrières.
Des débris de leurs forts il couvre ses frontières.
Racine.
Le Rhône allier m'appelle, et je porte mes pas
Jusqu'à ces monts blanchis par d'éternels frimas,
Où semblent s'élever les barrières àa monde.
Deulle.
— Poot. Obstacle fictif que l'on est sup-
posé franchir pour entrer en lice ou pour pé-
nétrer quelque part : A l'instant que la bar-
rière de l'éternité s'ouvrira devant moi, tout
ce qui est en deçà disparaîtra pour jamais.
(J.-J. Rouss.)
Je laisse aux plus hardis l'honneur de la carrière.
Et regarde de loin, assis sur la barrière.
BOILEAU.
La victoire, en chantant, nous ouvre la barrière;
La liberté guide nos pas.
M.-J. Ciuïnier.
— Fig. Empêchement, obstacle, impossi-
bilité ou grande difficulté : La parole d'un
roi honnête homme est une barrière insurmon-
table. (Crillon.) Ceux qui eurent besoin de son
secours trouvèrent-ils jamais entre eux et lui
des barrières impénétrables? (Flôch.) Les
préjugés sont autant de barrières qui arrê-
tent d'abord les esprits superficiels et pares-
seux. (Nicole.) Nous croyons que la plus forte
barrière que la Providence oppose dans le
monde au progrès du crime, c'est la conscience.
(P. André.) En Angleterre, c'est la haute aris-
tocratie qui sert de barrière d l'autorité
royale. (Mmc de Staël.) Les institutions qui
servent de barrières au pouvoir lui servent en
même temps d'appui. (B. Constant.) Après une
si longue amitié, ces deux hommes trouvaient
entre eux une barrière élevée par la défiance
et par l'argent. (Balz.) Le respect est une bar-
rière qui protège également le grand et le
petit. (Balz.) Il le trouve calme, ferme et
plein de cette froide politesse, la plus infran-
chissable de toutes les barrières qui séparent
l homme élevé de l'homme vulgaire. (Alex.
Dum.) Le christianisme n'a pas eu besoiii de
mettre entre l'homme et la femme la darrière
du glaive. (Michelet.) £<3S barrières qui sépa-
raient les individus et les peuples tombent suc-
cessivement. (Bautain.) Le bannissement n'a-
jouterien à la force des garanties ni à la hauteur
des barrières. (E. do Gir.) Les abus ouvrent
la barrière aux révolutions, les réformes seu-
les les leur ferment. (E. de Gir,) La sépara-
tion met une barrière à tout mariage légal.
et ne laisse d'ouvert que le ehom'.r. de tudut-
tère et du concubinage. (L.-J. Larchor.)
De ce trône sanglant je m'ouvre les barrières.
Voltaire.
Ai-je donc élevé si haut votre fortune,
Pour mettre une barrière entre mon fils et moi?
Racine.
il Frein, ce qui retient dans certaines limi-
tes : Si vous aviez une fois rompu la barrière
de l'honneur et de la bonne foi, cette perte se-
rait irréparable. (Fén.)
— Législ. anc. Barrière des sergents , Pa-
villon ou les officiers publics alors appelés
sergents se tenaient pour attendre les pra-
tiques.
— Coût. anc. Droit de barrière, Privilégo
qu'avaient certains officiersdclacour, comme
le grand écuyer et le doyen des maréchaux,
BAR
de faire établir une sorte de balustrade de-
vant la porte principale de leurs hôtels.
— Cost. Bande ou ansette pour arrêter le
ruban d'un bracelet : Je mettrai mon manteau
et ma barrière de diamants. (Ch. Perrault.)
— Syn. Barrière, embarras, empêchement,
entraves, obstacle, trn-vei-so. Barrière ne dif-
fère guère du mot obstacle qu'en ce qu'il forme
une métaphore, et représente l'objet qui ar-
rête comme quelque chose qui a été dressé
tout exprès pour empêcher le passage. Uem-
barras rend difficile ce qu'on- veut faire, oblige
à y aller plus lentement, à prendre des pré-
cautions qui retardent. V empêchement est tout
ce qui rend l'action momentanément impossible,
soit dans les choses extérieures, soit dans les
facultés mêmes de celui qui voudrait agir.
Les entraves sont des empêchements présen-
tés sous la figure de liens qui retiennent les
pieds et s'opposent à la marche. Uobstacle
est extérieur : c'est tout objet matériel , tout
acte hostile que l'on rencontre dans l'exécu-
tion d'un projet, et qui force à lutter ou à
prendre des détours. La traverse est une ex-
pression figurée comme barrière, mais elle mar-
que un obstacle plus facile à surmonter, et
qui rend seulement la marche plus difficile,
plus pénible.
— Epithètes. Utile, protectrice, forte, impé-
nétrable, insurmontable, infranchissable, sûre,
puissante, indestructible, éternelle, faible,
fragile, vaine, inutile, impuissante, malen-
contreuse, regrettable, funeste, fatale.
— Encycl. Paris fut entouré de murs dès le
ve siècle, et des témoignages authentiques
nous démontrent l'existence d'une enceinte de
la Cité, formée d'une muraille qui était percée
de portes et flanquée de tours. Lorsque, plus
tard, Etienne Marcel, prévôt des marchands,
fortifia Paris, ce fut également en y faisant
relever les murailles que le temps et les
guerres précédentes avaient détruites , et
quand Charles V voulut mettre Paris a l'abri
des attaques du dehors, ce fut encore des for-
tifications qu'il édifia. Mais déjà, sous le règne
de Henri IV, il existait, outre l'enceinte des
murailles , une première fortification qu'on
appelait les barrières, et qui enserrait plusieurs
faubourgs. C'était là qu'allaient s'ébattre les
bourgeois dès le retour de la belle saison ,
et c'était aussi la promenade favorite des
écoliers et des clercs, qui s'en allaient faire
tapage à travers les chemins sinueux menant
dans les blés, où les jeunes filles venaient cueil-
lir des bluets, et parfois se laissaient aussi
cueillir quelques baisers, ça et là.
A cette époque, on sortait de Paris, non par
ces barrières, mais par seize portes que peu
à peu on oublia de fermer, puis de réparer, et
la ville, qui craquait dans sa ceinture de
pierre, finit par s'élargir tant et si bien que
les portes d'entrée se trouvèrent dans l'inté-
rieur : les faubourgs avaient envahi tout l'es-
pace compris entre le rempart et la barrière.
Aussi, lorsqu'en 1784 le ministre Calonne
fut sollicité d'accorder l'autorisation de ren-
fermer Paris dans une nouvelle enceinte, les
plans proposés par les fermiers généraux,
concessionnaires de l'entreprise , eurent-ils
leur ligne de moellons placée à peu près où
se trouvaient jadis les barrières , ce qui fit
tout naturellement donner ce nom de barrière
à chaque ouverture ménagée pour le passage
des gens qui, avant d'entrer dans la ville, de-
vaient acquitter le droit exigé sur les objets
de consommation.
Avant cette époque , l'emplacement de la
vieille enceinte s'était déjà garni de planta-
tions ; les boulevards ou remparts, disent les
almanaehs parisiens de 1767, sont des prome-
nades pour les carrosses et pour le peuple ;
ils ont cinq mille pas ou cinq quarts de lieue,
et sont arrosés tous les cinq jours pendant
cinq mois de l'été. Il s'y rend un grand nom-
bre de personnes de tous états, attirées par
la musique des cafés et par les parades des
saltimbanques. Ce fut alors que le gouverne-
ment intervint pour empêcher la ville d'aller
plus loin. Une déclaration royale du 16 mai
1765 défendit de construire aucun bâtiment,
en quelque manière et sous quelque prétexte
que ce fût, au delà des maisons déjà con-
struites à l'extrémité de chaque faubourg.
Il y avait alors des barrières par eau : celle
du port de la Conférence, qui se trouvait en
face de l'hôtel des Invalides, celle de la Râpée,
celle du port Saint-Paul et celle du port Saint-
Nicolas ; les barrières par terre étaient, selon
M. A. Delvau, qui en donne ta nomenclature
dans son Histoire anecdotique des barrières de-
Paris : celle des Anglaises, derrière le cou-
vent de ce nom, au faubourg Saint-Marceau;
Sainte-Anne, à l'extrémité de la rue Poisson-
nière; d'Antin, à l'extrémité de la Chaussée-
d'Antin ; Saint-Antoine, à l'entrée du faubourg
de ce nom ; Saint-Bernard, à l'extrémité du
quai du même nom ; Blanche , près de la rue
Saint-Lazare; des Carmes, à l'extrémité de
la rue de Vaugirard ; de Chaillot ; des Champs-
Elysées, à la grille; de Charonne; des Char-
treux, à la hauteur de la rue de la Bourbe; de
Clamart, près du Marché aux chevaux; de
Clichy: de la Conférence, à l'extrémité du
Cours-ia-Reine ; de la Courtille, au haut du
faubourg du Temple; de la Croix -Faubin,
faubourg Saint- Antoine ; Saint-Denis, au haut
du faubourg; Saint-Dominique, à l'extrémité
de la rue du même nom; delà Folie-Regnault,
faubourg Saint-Antoine ; Saint-GernTaia, der-
BAR-
rière le palais Bourbon; des Gobelins; de
Grenelle, au bout de la rue de ce nom ; Saint-
Honoré, à l'extrémité du faubourg; de l'Hô-
pital, près de la Salpêtrière ; Saint-Jacques ; du
Jardin-du-Roi, près de la rue Fer-à-Moulin ;
Saint-Laurent, au haut du faubourg; Saint-
Lazare, aujmut du faubourg; de Lourcine;
Saint-Marcel, au haut de la rue des Fossés;
Saint-Martin, au haut du faubourg ; du Marché-
aux-Chevaux,rue dePoliveau; Ménilmontant;
Saint-Michel, au haut du faubourg; Mont-
martre, au haut du faubourg; de Montreuil;
de Monceaux; Notre-Dame-des-Champs; Pic-
pus ; Plumet, au bout de la rue de Babylone ;
de la Pologne, au bout de laChaussée-d'Antin;
des Porcherons, au haut de la rue du même
nom ; des Poules, à l'extrémité de la rue de
Charenton ; de la Râpée ; de Reuilly ; de la
Rochefoucauld, à la Nouvelle-France; de la
Roulette, à l'extrémité de la rue des Brodeurs ;
du Roule ; de Sèvres ; du Temple, à l'entrée
du faubourg ; de Varenne, rue de Varenne ;
de Vaugirard et de la Ville-l'Evêque, à l'extré-
mité de la rue de l'Arcade, dans le faubourg
Saint-Honoré.
Pour la perception des droits d'entrée sur
les viandes, les boissons, la volaille, le gibier,
le charbon, etc., dix-neuf barrières étaient éta-
blies; c'étaient celles de Saint-Jacques, de Saint-
Michel, des Carmes, de Saint-Germain, de la
Conférence, de Chaillot, du Roule, de la Villo-
l'Evêque, de Saint-Denis, de Saint-Martin, de
Montmartre, de Sainte-Anne, du Temple, de
la Croix-Faubin, de Picpus et de Rambouillet.
De nombreux commis, dit M. de La Bédolliôre
dans son Nouveau Paris, y veillaient sous la
direction d'inspecteurs à pied et à cheval, de
contrôleurs et de brigadiers ; néanmoins, la
fraude était grande et les fermiers généraux
se trouvaient lésés; aussi était-ce une idée
toute fiscale que celle de l'établissement de
ces barrières, et par cela même elle avait pour
elle toutes les chances possibles d'être ac-
ceptée. Ce fut ce qui arriva, et, malgré les
vives réclamations des gens intéressés à ce
que l'octroi ne fût pas établi, les travaux
commencèrent vers la fin de cette même année
1784, du côté de l'hôpital de la Salpêtrière, et
bientôt Chaillot, le Roule, Monceaux, Clichy,
Montmartre, formant la partie nord, furent à
leur tour englobés dans la ceinture municipale;
mais on avait compté sans l'abbesse de Mont-
martre, Mnie de Rochechouart, qui s'opposa
formellement à l'empiétement projeté. On se
contenta de faire faire un angle rentrant au
mur pour laisser le territoire de Montmartre
en dehors de l'enserrement, et on continua les
travaux à Picpus. Un quidam, fils du peintre
Restout, osa demander de quel droit on lui
enlevait sa propriété. « Du droit canon, » lui
répondit-on. Ce droit-là a toujours raison,
Picpus fut englobé.
Cependant, au nord de Paris, on se plaignait
fort, surtout les propriétaires, maraîchers, ca-
baretiers , qui , au dire de Bachaumont , se
trouvèrent grevés d'impôts directs ou indi-
rects auxquels ils n'étaient point sujets, soit
par la diminution des loyers de leurs maisons,
soit par l'augmentation des denrées, impôts
dont ils se regardaient comme affranchis par
les limites de la capitale, fixées depuis long-
temps ; plusieurs particuliers ne se conten-
tèrent pas de se plaindre, ils intentèrent des
procès à la ferme, qui les laissa faire, s'arran-
gea de façon à les gagner et poursuivit son
œuvre, en ayant toujours grand soin de pré-
senter l'exécution du projet comme le seul
remède à apporter contre l'exercice de la
contrebande, qui, disait-elle, se faisait ouver-
tement et là ruinait.
Que l'assertion fût plus ou moins vraie, il
fallût bien l'accepter. Ce fut alors que les
Parisiens, pour se venger, firent le jeu de
mots que voici :
Le mur murant Paris rend Paris murmurant.
Ils s'amusèrent encore à colporter cette jolie
épigramme :
Pour augmenter son numéraire
Et raccourcir notre horizon,
La ferme à jugé nécessaire
De mettre Paris en prison.
C'était fort spirituel, mais cela n'émut nulle-
ment le ministre, qui, comme son prédécesseur
Mazarin, se contenta de dire : o Ils chantent,
ils payeront. « Il eut raison ; le peuple paya
les verrous et les grilles de cette prison quel-
que chose comme 25 millions, une bagatelle.
■Ce fut l'architecte Ledoux qui fut chargé
de construire les massifs édifices qui devaient,
comme deux Châtelets, flanquer chaque bar-
rière , et l'architecte , qui bien certainement
voulait qu'au besoin ces constructions, primi-
tivement et exclusivement destinées aux bu-
reaux des commis de barrière, pussent servir
de fortifications , éleva de véritables forte-
resses d'un aspect lourd, et concordant fort
mal avec l'ensemble du projet.
Plus que jamais le peuple murmura, en se
voyant si bien emprisonné, et lorsqu'en 1787
M. de Calonne quitta le ministère, ce ne fut
qu'un cri contre les fermiers généraux, M. La-
voisier en tête, qui avaient demandé l'établis-
sement des barrières, et contre le ministre qui
les avait fait exécuter. On adressa des sup-
pliques au roi, et le 7 septembre un arrêt du
conseil ordonna la suppression des travaux.
Le nouveau ministre, enchanté de l'occasion
qui lui était offerte de se montrer sous un jour
populaire, alla visiter la fameuse muraille en
. BAR
criant bien haut qu'il allait la faire jeter bas
et en vendre les morceaux ; mais lorsqu'il fut
arrivé sur les lieux, il réfléchit, et, prétendant
que les travaux étaient trop avancés, il se
contenta de les suspendre, tout en nommant de
nouveaux architectes et de nouveaux inspec-
teurs.
Les choses en étaient là lorsque la Révolu-
tion de 1789 éclata ; le peuple alors mit le feu
à quelques-unes des barrières, troua le mur
çk et là, mais ne toucha pas aux bâtiments,
ce qui permit à la Convention nationale de
rendre le décret suivant, le 13 messidor an II :
« Les bâtiments nationaux désignés sous le
nom de barrières de Paris sont érigés en mo-
numents publics. Les diverses époques de la
Révolution et les victoires remportées par les
armées de la République sur les tyrans y se-
ront gravées incessamment en caractères de
bronze. Le comité de Salut public est autorisé
à prendre toutes les mesures pour la prompte
exécution du présent décret, en invitant les
gens de lettres et les artistes à concourir et à
composer des inscriptions. »
Mais, à cette époque, il se passait tant de
choses entre le prononcé d'un décret et sa
mise à exécution, qu'il n'est pas étonnant
qu'on n'ait. plus songé aux fameux bâtiments,
qui restèrent inoccupés en attendant une pro-
chaine destination. Cependant ce n'était pas
le patriotisme qui manquait, puisque les com-
mis de barrières, privés de leur « gagne-pain »
par le décret qui supprimait les entrées des
villes, prêtèrent leur serment civique en ces
termes, selon l'adresse qu'ils envoyèrent à !a
Convention : « Que les ennemis de la consti-
tution apprennent que cette classe de citoyens
peu fortunés , affranchis des fers du despo-
tisme, bénit à jamais cette heureuse révolu-
tion; qu'ils sachent que l'amour de la patrie
inspire la vertu et le courage; qu'ils soient
enfin convaincus que la privation de leurs
emplois n'affaiblira jamais leur patriotisme, et
que, pleins de confiance dans la sagesse des
décrets des législateurs français, ils attendent
avec soumission ce qu'ils feront en leur faveur.
Et, pour ne laisser aucun doute sur la pureté
de nos sentiments, nous jurons aux pieds de ce
sénat auguste d'être fidèles à la nation, à la loi,
au roi, de verser la dernière goutte de notre
sang pour soutenir la constitution décrétée
par l'Assemblée nationale, acceptée par le roi,
et de nous conformer en tout point au décret
du 19 février, qui proroge nos fonctions jus-
qu'au 1er mai prochain. »
Ces fonctions furent prorogées davantage,
car ce ne fut que dans l'an V de la Répu-
blique que le Directoire établit un octroi mu-
nicipal de bienfaisance, dont le produit était
destiné aux hôpitaux ; en vertu de ce décret,
on répara les barrières , on y logea de nou-
veau les commis, et l'octroi provisoire dura
et dure encore. « L'architecte Ledoux , dit
Dulaure dans son Histoire 'de Paris, en vou-
lant donner des preuves de la fécondité de
son imagination, n'en a .souvent prouvé que
les écarts. Le luxe qu'il a prodigué dans ses
productions architecturales blesse toutes les
convenances. On voyait , avec mécontente-
ment et murmures, de fastueux édifices con-
sacrés à une perception oppressive pour toutes
les classes de la société et très-gênante pour
le commerce. C'était blanchir les sépulcres,
faire admirer les instruments de l'oppression. »
Ils n'étaient cependant pas si magnifiques,
ces lourds monuments !
A la fin de l'empire, Paris comptait soixante'
barrières; c'étaient les barrières des Aman-
diers, d'Aunay, de Belleville, Bercy, Blanche,
de la Boyauderie, de la Chapelle, de Charen-
ton, de la Chopinette, Clichy, du Combat,
Courcelles , Croulebarbe , de la Cunette, des
Deux-Moulins, de l'Ecole militaire, d'Enfer, de
Fontainebleau, de Fontarabie, des Fourneaux,
Franklin, de la Gare, de la Glacière,- de Gre-
nelle, d'Iéna, de Longchamp, du Maine, des
Martyrs, de Ménilmontant, de Monceaux, du
Mont-Parnasse, de Montreuil, de Montrouge,
de Lamotte-Piquet, de Neuilty, des Paillas-
sons, de Pantin, de Passy, de Picpus, Pigalîe,
Poissonnière, de la Râpée, des Rats, des
Réservoirs , de Reuilly , de Riom ,■ Roche-
chouart , de la Roquette , de la Rotonde de
Chartres , du Roule , Saint-Jacques , Saint-
Mandé, Sainte-Marie, de la Santé, de Sèvres,
des Trois-Couronnes, du Trône, de Vaugirard,
des Vertus, de la Villette.
Cinq de ces barrières furent supprimées
sous la Restauration ; ce furent, au nord, celles
de Riom, des Vertus et des Réservoirs; et, au
midi, celles des Paillassons et de Croulebarbe.
Mais, plus tard, elles furent rouvertes, et,
jusqu'en 1860, époque à laquelle les barrières
furent démolies, il s'y fit peu de changements.
La barrière de Neuilly quitta ce nom pour de-
venir barrière de l'Etoile, et une nouvelle fut
ouverte, celle de la Réforme ; les autres furent
à peu près conservées telles quelles. Ce fut
à la fin dé 1859 que le gouvernement impérial,
après avoir ordonné une enquête, formula
un projet de loi qui fut adopté par le Corps
législatif et le Sénat, et dont les dispositions,
en incorporant à Paris onze communes du dé-,
fiartement de la Seine, ordonnèrent la démo-
ition du mur d'octroi et des fameux bâtiments
ornés de soubassements, de colonnes doriques,
de bossages, de frontons et de péristyles, dont
l'architecte Ledoux avait décoré les barrières
de Paris.
Toutefois, les barrières n'ont pas complète-
BAR
265
ment .disparu; elles sont même plus nom-
breuses] aujourd'hui, mais elles ont été recu-
lées jusqu'aux fortifications, et on les appelle
portes. On en compte 66 (v. Paris), dont les
principales sont : celles de Bercy , Neuilly,
Picpus, Saint-ilandé, Montreuil, Ménilmon-
tant, des Prés-Saint-Gervais , du Canal de
l'Ourcq, du Canal Saint-Denis, d'Aubervillers,
de Clignuncourt, de Courcelles, de Villiers,
de la Révolte, du Roule . du poînt-du-Jonr,
de Sèvres, d'Iss.y, delà Plaine, do Plaisance,
de Montrouge, d'Arcueil et de Bicètre.
Et maintenant, disons un mot de celles qui,
parmi les barrières qui ne sont plus qu un
souvenir, appartiennent à l'histoire en raison
des faits ou des événements qui s'y sont ac-
complis.
En première ligne est la barrière de Clichy,
où se rassemblaient, sous la Révolution, les
membres du club de Clichy, et qui fut, en 1814,
le théâtre du dernier acte du drame militaire
politique que jouait la France. Ce fut le
28 mars de cette année mémorable que le
corps d'armée russe du comte de Langeron
s'avançait chassant devant lui des fuyards,
suivis eux-mêmes de mille hommes de troupes.
C'est par la barrière de Clichy qu'ils allaient
entrer ; le maréchal Moncey, à la tête d'une
poignée de braves, établit son quartier géné-
ral chez un restaurateur, le père Lathuile, à
cinquante pas de la barrière. Par ses ordres,
les postes des gardes nationaux s'installent
sur les monticules qui dominent les Ternes,
l'artillerie est placée au rond-point de l'Etoile,
et un fort retranchement est établi à la bar-
rière de Clichy, avec des charrettes et des
piles de bois empruntées au chantier voisin,
tandis que les gardes nationaux se placent en
embuscade aux fenêtres des bâtiments de
Ledoux. Déjà des tirailleurs reçoivent l'avant-
garde ennemie par un feu bien nourri, mais
ils sont obligés de se replier. Toutefois, ils font
une vigoureuse résistance sous les ordres du
chef de bataillon Odiot, et l'ennemi recule sous
le feu de l'artillerie qu'il ne peut faire taire.
Mais chacun sent qu on ne pourra longtemps
tenir de la sorte s'il ne vient du renfort. A cinq
heures du soir, la trompette sonne etl'armistice
est proclamé. Le 21 avril suivant, la duchesse
de Berrj7, ayant à sa droite le prince de Neuf-
chàtel et à sa gauche le même maréchal Mon-
cey, entrait dans la capitale par la barrière de
Clichy. Un an plus tard, dans la nuit du
20 mars 1815, le duc- de Berry repassait la
barrière, accompagnant Louis XVIII, qui
partait.
Vingt-cinq ans auparavant, un autre roi de
France, son prédécesseur, entrait dans Paris
par la barrière de Passy. Le peuple était allé
la veille chercher lafamille royale àVersailles,
et elle obéissait aux vœux du peuple.
Saluons l'arc de Triomphe de la barrière de
l'Etoile, c'est par cette barrière que le 15 dé-
décembre 1840 l'empereur Napoléon, mort,
mais vivant dans le souvenir de tous, rentra
à Paris pour être inhumé aux Invalides. Ce
fut un beau jour pour les Parisiens, qui n'ou-
blieront jamais les splendeurs du cortège et le
froid excessif qu'il faisait en ce mois anniver-
saire.d'Austerlitz. Les compagnons du grand
capitaine qui avaient passé la Bérésina pou-
vaient se croire encore en Russie. Dix-huit
mois se sont écoulés ; nous sommes en pleine
canicule, un cabriolet à quatre roues, attelé
de deux chevaux à la Daumont, franchit rapi-
dement la barrière. Arrivé devant la porte
Maillot, l'équipage redouble de vitesse en
s'engageant sur l'avenue de la Révolte ; les
chevaux s'emportent, un" homme saute de la
voiture... il tombe 1 C'est le prince royal, le
duc d'Orléans, qui expire dans la boutique d'un
épicier, le 13 juillet 1842, à quatre heures et
demie du soir. Voici les barrières de la Rotonde,
de Chartres et de Courcelles : un souvenir aux
bruyantes orgies de Philippe-Egalité, dans
sa Folie de Chartres, devenue le bois de Bou-
logne en miniature.
Les balles sifflent; Paris est en armes; on
est en juin 1848. C'est à la barrière Poisson-
nière que le canon résonne. Les insurgés sont
dans le clos Saint-Lazare; passons vite. C'est
à la barrière de La Villette que s'est signée la
capitulation de Paris, le 30 mars 1814, capitu-
lation dont le premier article contenait ces
lignes terribles : « Les troupes françaises, sous
les ordres des maréchaux ducs de Trévise et
de Raguse, évacueront Paris, » et dont le der-
nier disait : « La ville de Paris est recom-
mandée à la générosité des puissances alliées. »
Oui, ce fut à cette barrière, dans un cabaret
nommé le Petit Jardinet, que se réunirent,
pour signer ces actes, les hommes qui tenaient
entre leurs mains le. sort de la France.
Encore 18141 Ce fut le 3 mai que, par la
barrière de La Chapelle, S. M. Louis XVIII
entra à Paris, après avoir signé au château
de Saint-Ouen la fameuse déclaration. C'est
lorsqu'il fut arrivé devant cette barrière que
les édiles vinrent lui apporter les clefs de la
capitale. Louis XVIII prit les clefs, franchil
la barrière, et entra dans sa bonne ville. Sorti
en 1815 par la barrièw de Clichy, il rentrait
la même année par la barrière de La Chapelle,
sans cérémonial, comme quelqu'un qui revient
chez lui après une promenade, un peu forcée
toutefois.
Qu'on nous pardonne de citer la barrière de
Pantin et son dépotoir, mais un souvenir his-
torique s'y rattache encore. Lors de l'invasion,'
les Cosaques étaient acculés au pied des buttes
Saint-Chaumont, et quatre hommes derrière
34
266
BAR
une barricade les inquiétaient. Soudain un
officier russe veut en finir avec cet obstacle
irritant, il donne l'ordre de charger en tour-
nant la barricade sur le côté ; une vingtaine
d'hommes partent et vont s'enfoncer et dispa-
raître dans.... les matières qu'on apporte au
dépotoir. Liais voici la barrière de Belleville,
le mercredi des Cendres. C'est le jour de lu
descente de la Courtille , c'est-à-dire Une
avalanche de masques, de déguenillés, de gens
ivres, déchirés, beuglant, vociférant à qui
mieux mieux, insultant les passants; cohue
bruyante, avinée, qui, pendant des années, fut
considérée comme un spectacle curieux, et que
le dégoût a fini par faire heureusement dis-
paraître de nos mœurs. La barrière de la
Roquette n'aura, dans l'avenir, qu'un lugubro
renom , son voisinage avec la place des exé-
cutions. C-'est par la barrière du Trône que
passait saint Louis lorsqu'il s'en allait rendre
ta justice au pied du fameux chêne de Vin-
eennes, et c'est par cette même barrière que
les anciens rois de France faisaient leur entrée
à Paris. Le faubourg Saint-Antoine tient une
large place dans l'histoire de Paris. Ce fut par
la barrière de Charenton que, le 15 avril 1814,
à dix heures du matin, l'empereur d'Autriche
fit son entrée dans Paris, accompagné des sou-
verains alliés. Mais noyons dans le vin ces
douloureux souvenirs. Voici la barrière de
Bercy, avec ses joyeux canotiers et ses fri-
tures traditionnelles.
La barrière Fontainebleau vit Napoléon
franchir son seuil pour entrer à Paris, le
20 mars 1815, au retour de l'île d'Elbe; mais
malheureusement un souvenir plus triste pèse
sur elle : c'est là que, le 25 juin 1848, le général
Bréa fut lâchement assassiné par des forcenés
comme il en apparaît dans tous les bouleverse-
ments sociaux. Deux de ces misérables furent
fusillés au rond-point intérieur de la barrière,
devant l'arbre de la liberté, planté en février.
Douloureux épisode de cette terrible chose
qu'on appelle la guerre civile.
La barrière Croulebarbe a eu aussi son
drame , l'assassinat de la bergère d'Ivry. Un
arrêté préfectoral du 20 janvier 1832 porta
qu'à l'avenir l'exécution des condamnés à mort
aurait lieu sur la place semi-circulaire, ména-
gée en avant de la barrière Saint-Jacques. La
barrière n'existe plus : tant mieux pour elle 1
C'est la place de la Roquette qui a recueilli
son sanglant héritage : tant pis pour elle I
En 1792, la barrière de Grenelle s'appelait
barrière des ministres, nom qu'elle perdit
bientôt pour prendre celui de Grenelle ; encore
une barrière qui rappelle de lugubres exécu-
tions : ce fut là que tombèrent Mallet, Labé-
doyère et tant d autres... Mais écartons ces
sombres tableaux, et ne regrettons de la bar-
rière que le côté pittoresque qui lui était par-
ticulier. C'était ta coutume, surtout avant
l'établissement des chemins de fer, que, le
dimanche, les barrières de Paris fussent en-
vahies par un flot bruyant de promeneurs.
L'ouvrier était l'hôte assidu des cabarets et
des guinguettes qui fourmillaient dans ces
parages , -et aujourd'hui encore , bien qu'un
grand nombre de travailleurs, après avoir
passé tous les jours de la semaine enfermés
dans l'atelier, préfèrent aller demander, dans
la belle saison, le graad air des champs aux
localités desservies par les voies ferrées, bon
nombre d'entre eux s'acheminent encore , la
jour dominical, vers Belleville ou Ménilmon-
tant, en fredonnant ce refrain d'un chanson-
nier populaire :
Pour rigoler montons,
Montons it'la barrière!
Les broches tournent dans les cuisines d'im-
menses établissements culinaires, tandis que
des litres à douze, à seize, circulent sur des
tables autour desquelles viennent s'asseoir une
foule d'hommes, de femmes et d'enfants. Ces
agapes n'auraient rien de fâcheux si, par
malheur , le nombre des libations ne venait
trop souvent troubler la raison des convives
et métamorphoser la fête en collision. Que de
fois un brave ouvrier, la tête échauffée par
un vin frelaté, n'est-il pas sorti de la salle
commune d'un cabaret, les vêtements en lam-
beaux, le visage meurtri, après avoir dépensé
sottement en quelques heures le produit de
son travail de toute la semaine 1
Le soir venu, les barrières prennent un air
de fête. Les sons criards d'un orchestre se
font entendre, ouvriers et ouvrières, compa-
gnons charpentiers ou maçons, jeunes gens
de tous états, viennent se trémousser à qui
mieux mieux, tandis que la galerie les admire
en buvant des saladiers de vin sucré.
Parfois il arrivait qu'un ivrogne se laissait
choir le long du mur d'octroi qui reliait les
barrières entre elles ; c'était alors que quelque
filou s'approchait de lui pour l'aider, en appa-
rence, à se remettre sur ses jambes, mais, en
réalité, pour le dévaliser des quelques sous
qui lui restaient, ou tout au moins pour se faire
Ïiayer à boire par lui. C'est ce qu'on nommait
es rôdeurs de barrières, sorte de gens sans
profession avouable, souteneurs de tilles pour
la plupart, qui passaient leurs jours et leurs
nuits aux ditrérentes barrières de Paris, fuyant
tout travail et trouvant moyen de vivre aux
dépens du prochain, malfaiteurs de la plus
dangereuse espèce, que la suppression des
barrières a, sinon fait disparaître, du moins
réduits à un petit nombre.
— Econ. rur. Dans l'entretien d'un domaine,
les barrières doivent être considérées comme
BAR
le complément indispensable de toute clôture.
On en distingue de deux sortes : les barrières
de fermeture et les barrières de passage. Les
barrières de fermeture sont des espèces de
portes à claire-voie appendues a un poteau
de bois ou à une sorte de pilastre en maçon-
nerie. Les unes sont d'une seule pièce, c'est-
à-dire composées de traverses et de montants
assujettis par des gonds placés d'un seul côté ;
les autres sont formées de deux parties assu-
jetties chacune, d'un côté, au pilier qui la sou-
tient, et portant, de l'autre côté, l'une la serrure,
l'autre le pêne. Les barrières construites sous
cette dernière forme sont préférables, quoi-
qu'elles coûtent un peu plus cher. Construites
en cœur de chêne bien sain, et soigneusement
entretenues, elles peuvent durer plus de trente
ans. Le meilleur moyen de les préserver de
la destruction, c'est de les peindre à l'huile à,
trois couches, et de leur donner une couche
nouvelle tous les deux ou trois ans. Les bar-
rières d'une seule pièce coûtent moins cher,
mais elles sont moins commodes et durent
bien moins, parce que leur poids entraîne or-
dinairement le poteau qui les supporte , et
que, par suite, leur extrémité s'use en frot-
tant contre le sol.
Les barrières de passage sont destinées à
interdire aux animaux un passage que l'on
veut laisser libre pour les hommes. On les
construit le plus souvent à tourniquet ou en
guichet.
Il y a encore d'autres espèces de barrières;
quelques-unes sont construites d'après des
principes différents, mais elles servent toutes
au même usage. Chaque province, et quelque-
fois chaque localité, suit en cela des procédés
qui lui sont propres.
Barrière do Clicliy (la), drame militaire, par
M. Alex. Dumas, représenté pour la première
fois sur le Théâtre-National (ancien Cirque),
le 21 avril 1851. S'il n'y avait que des coups
de canon, la fusillade et le piétinement des
chevaux dans ce drame militaire, comme dans
presque tous ceux du même genre, nous n'en
parlerions pas. Mais, comme le dit spirituelle-
ment M. Théophile Gautier, M. Alex. Dumas a
poussé le chauvinisme jusqu'à parler français
dans .ce théâtre où tout est français, excepté
le langage qu'on y parle. A co titre seul, le
drame de la Barrière de Clichy a droit à une
place dans le Grand Dictionnaire.
On connaît la belle toile d'Horace Vernet,
placée au musée du Luxembourg^ et représen-
tant d'une manière si émouvante la défense
de la barrière de Clichy, au 30 mars 1814.
M. Alexandre Dumas , révélant une nouvelle
aptitude, a voulu écrire les feux de flle de cette
journée mémorable, reproduite par un pinceau
célèbre ; il a animé les héroïques combattants,
derniers soutiens de la fortune impériale ; il a
dégagé de la fumée du canon un drame où se
rencontre tout ce que peut comporter la dé-
clamation, l'emphase, l'enthousiasme, la déifi-
cation du soldat parvenu. En général amateur,
il a fait marcher les pelotons et les escadrons ;
il a parlé do gloire et de victoire , il a montré
Napoléon. Mais le dramaturge na pas perdu
pour cela ses droits, et l'action qui s attarde à
déblatérer contre les ennemis , a faire tonner
le brutal, n'en va pas moins à son but, qui
n'est pas seulement de jeter de la poudre aux
yeux des spectateurs du Cirque, comme on se-
rait tenté de le croire. Où s'arrête le boulet de
canon, commence la pièce véritable. Ce boulet
de canon a brûlé, en passant, les yeux du gé-
néral Bertaut, à la barrière de Clichy. Les
amis et les enfants du général profitent de
l'accident qui l'a fait aveugle, pour lui cacher
la prise de Paris par nos amis les ennemis, et
la première Restauration. Voilà qui est peu
vraisemblable, dira-t-on ; mais avec son talent
ordinaire, l'auteur de tant d'invraisemblances
dont tout le monde s'est amusé a tiré un ha-
bile parti de la situation , et le public ne s'est
pas lassé des longues factions que son conteur
favori lui a fait faire devant les malheurs de
la patrie. Qu'on ne nous demande plus, après
cela, d'analyser la barrière de Clichy : ses di-
verses péripéties composeraient un gros livre,
qui aurait singulièrement perdu en l'année où
nous sommes (1866), sous le rapport de l'ac-
tualité. « Pesez-moi la cendre d'Annibal, s'é-
crie Juvénal , et dites-moi le peu que cela
pèse! » On n'en dira pas autant de feu Na-
fioléon , si l'on veut tenir compte de tous les
ivres j épïtres, poèmes, drames, chansons,
mémoires et brochures de toutes sortes, dont
sa mémoire est surchargée. « Et quelle fa-
tigue cependant, pour la génération pré-
sente, écrivait M. Jules Janin dans les Débats
du 28 avril 1851, d'assister à cette longue pa-
rodie des droits et des devoirs de cette queue
avide et bruyante du monde impérial ! » Hé-
las 1 depuis le jour où M. Jules Janin parlait
ainsi, est-ce que la parodie a cessé? Les che-
vaux et les acteurs du Cirque ne sont pas en-
core fourbus.
Barrière de Clicliy (COMBAT DE LA), tableau
d'Horace Vernet. L'artiste a choisi le moment
où le maréchal Moncey donne au chef de ba-
taillon Odiot l'ordre d'empêcher les Russes de
s'emparer de Montmartre. Ce n'est donc pas,
à proprement parler, une bataille, un combat;
mais les blessés, les morts et les mourants, les
paysans chassés par l'ennemi de leurs paisi-
bles habitations, disent assez que la lutte a
commencé et que le danger est présent. Les
principaux personnages occupent le centre de
la composition : le maréchal, monté sur un
cheval qui se cabre, désigne du doigt au corn-
■BAR
mandant Odiot le fond du tableau, où l'on dis-
tingue, au milieu de la fumée, un cabaret qui
porte pour enseigne : Au père Lathitile. On
. fait noces et festins. Salon de mille couverts.
Odiot est à pied ; il est coiffé d'un chapeau à
grand panache blanc et tient à la main une
épée nue. Parmi les officiers et soldats qui
complètent ce groupe, on reconnaît Marguery-
Dupaty, l'homme de lettres, Charlet et Horace
Vernet lui-même. Les gardes nationaux sont
massés au troisième plan, en deçà de la bar-
rière de bois qui ferme l'entrée de Paris ;
les uns chargent leurs fusils ; d'autres pointent
les canons. Sur le devant du tableau, une
paysanne à demi vêtue et tenant dans ses
bras un enfant au maillot, est assise sur une
malle, près d'un matelas et d'autres menus
meubles; tout à fait à droite, deux jeunes sol-
dats, deux amis, blessés grièvement l'un et
l'autre, sont adossés à la palissade de bois;
l'un d'eux a la main gauche fracassée ; l'autre,
frappé mortellement peut-être, se renverse
sur son ami. A gauche, un lancier, à pied et
tête nue, tenant" d'une main sa lance et de
l'autre un pistolet, se retourne vers le maré-
chal; un vieux grenadier décoré, le bras gau-
che en écharpe, serre la main à un de ses
compagnons hors de combat comme lui et
assis sur un tas d'ustensiles rustiques. Un peu
plus loin, un dragon à cheval a le visage à
demi enveloppé de linges ensanglantés. De ce
côté, le fond du tableau est occupé par l'ar-
chitecture massive de la barrière de Clichy.
« Ce petit cadre, dans sa simplicité, émeut
plus qu'une mêlée sanglante, a dit M. H. Ac-
quier. Au mérite réel de donner les portraits
des principaux personnages, il joint une finesse
de touche, une sobriété de moyens et une har-
monie de couleur que l'on rencontre peu sou-
vent chez M. Horace Vernet. i Le Combat de
la barrière de Clichy a été peint en 1820, pour
M. Odiot, qui plus tard en a fait présent à la
Chambre des pairs. Il a figuré pendant long-
temps au musée du Luxembourg. 11 a été
gravé à la manière noire par Jazet, et sur
bois par M. L. Chapon, pour YHistoire des
peintres.
BARRIÈRE (Pierre), fanatique, né à Or-
. léans, conçut le projet d'assassiner Henri IV,
fut dénoncé par le dominicain Banchi , et
rompu vif à Melun, le 26 août 1593. Il soutint
jusque sur Véchafaud qu'il avait été excité au
meurtre du roi par Aubri, curé de Saint-André-
des-Arts, et par le Père Varade, recteur des
jésuites de Paris.
BARRIÈRE (Dom Juan de la), fondateur de
la congrégation des feuillants, né en 1544 à
Saint-Céré (Quercy), mort à Rome en 1600.
Nommé, à dix-huit ans, abbé de Feuillant, dans
le diocèse de Rieux, il se rendit à Paris pour
y achever ses études, fit profession à Tou-
louse en 1573, et résolut de faire revivre dans
son ordre la règle de saint Bernard avec toute
sa rigidité première. Pendant quatre ans, il
chercha vainement un religieux qui voulût
consentir à partager ses austérités. Il finit
toutefois par triompher de tous les obstacles,
et Sixte V, dans un bref de 1586, confirma
l'ordre nouveau, en l'affranchissant de l'obé-
dience de Citeaux. Pendant la Ligue, Dom
Juan resta fidèle à Henri III, dont il pro-
nonça l'oraison funèbre , au moment même
où les prédicateurs du temps exaltaient son
assassin Jacques Clément. Quelques-uns de
ses religieux, entraînés par les ligueurs, se
mirent en révolte ouverte contre lui. Dénoncé
au pape Sixte V, il se vit dépouillé de son
abbaye, interné à Rome, puis absous par Clé-
ment VIII.
BARRIÈRE (Dominique), dessinateur et gra-
veur français, né à Marseille en 1622 ou 1630,
suivant quelques auteurs, mais plus probable-
ment entre 1610 et 1615, car on a de lui une
gravure (Bataille près de Bornmel, d'après Le
Bourguignon) qui parut dans l'ouvrage de
Strada, lie bello Belgico, publié à Rome en
1640. D. Barrière vint se fixer de bonne heure
dans cette dernière ville, où l'on croit qu'il
mourut en 1678. Il y exécuta un grand nombre
d'estampes. » Il avait, dit Mariette, une fort
belle manière de traiter le paysage, qu'il avait
acquise par l'étude des oeuvres de Carrache.»
Parmi ses ouvrages, nous citerons : le Sacre-
ment de la pénitence, d'après N. Poussin ; les
Vertus théologales, d'après le Cortone; une
suite de vingt- deux planches dédiées à
Louis XIV et reproduisant diverses peintures
et des vues de la villa Aldôbrandini ; soixante-
dix-huit planches représentant des statues*et
des vues de la villa Pamphili- différentes
vues des monuments de Rome; des vignettes
pour les Poésies de Guillaume Dondini (Ve-
nise, 1665); des paysages et des marines, d'a-
près Claude Lorrain, etc. M. Charles Blanc
croit que plusieurs des estampes que l'on
attribue à ce dernier maître sont de Dom, Bar-
rière. Celui-ci signait quelquefois : D. Bin
(Dom. Barrière invenil).
BARRIÈRE (Jean-François), littérateur, né
à Paris en 1786, fut longtemps chef de divi-
sion à l'Hôtel de Ville, collabora à la Canette
de France, au Journal de Paris et au Consti-
tutionnel, p our la partie littéraire; enfin au
Journal des Débats depuis 1833. Il a publié,
avec M. Berville,la Collection des mémoires sur
la Révolution française, collection fort utile
et précédée de notices intéressantes, mais
conçues dans un esprit exclusif et réaction-
naire. M. Barrière a publié seul les Mémoires
de Mm<> Campan, de Loménie de Brienne, etc.
BAR
BARRIÈRE (Théodore), auteur dramatique,
né à Paris en 1823, est issu d'une honorable
famille de graveurs -géographes. Théodore
Barrière, à peine âgé de onze ans, se livrait
déjà à des travaux graphiques dont l'aridité
le porta à chercher un délassement dans la
lecture et le spectacle des œuvres dra-
matiques en vogue à cette époque. Il se lia
bientôt avec divers auteurs, et fit représenter
au théâtre de la Renaissance, le 6 février 1840,
les Payes de Louis XII, vaudeville en deux
actes, composé en collaboration avec Ferdi-
nand de Villeneuve. C'était le début insigni-
fiant d'un écolier de dix-sept ans. Le vaudeville
de Jeanne de Naples, joué au Gymnase des
enfants, en 1842, ne prouvait encore rien ; mais
la petite pièce de Rosière et Nourrice, donnée
la même année au théâtre Beaumarchais,
obtint un succès de bon aloi, qui lui valut
plus tard l'honneur d'être reprise au théitro
du Palais-Royal. Le sujet est bien simple.
Par un étrange concours de circonstances, uno
ingénue passe pour nourrice, tandis qu'une
commère délurée se voit sur le point de rece-
voir les honneurs accordés à la vertu. Au dé-
noûment, le bon droit triomphe, et la couronne
de rosière revient à l'innocente jeune filie. On
trouve déjà dans cette bluette le germe des
qualités par excellence de M. Théodore Bar-
rière : l'audace et l'habileté. Le côté scabreux
de l'action est sauvé, sans qu'il en coûte rien
à la gaieté. L'auteur sait s'arrêter à temps, et,
chez lui, la franchise plaisante n'a pas 1 allure
du genre graveleux. Le Seigneur des Brous-
sailles, comédie jouée à l'Odôon, en 1845, et
les Portraits, marivaudage en un acte, que la
Comédie-Française accueillit en 1848, renfer-
ment de très-bonnes scènes. La Viede Bohême,
de Mùrger, adroitement mise en scène, valut
à M. Barrière son premier triomphe- Les
Filles de marbre et les Faux Bons hommes l'ont
classé au rang des auteurs aimés du public,
de ceux à qui il pardonne, au besoin, bien des
chutes, assuré de les voir prendre aisément
leur revanche. M. Barrière a certainement
quelques-unes des qualités qui font les grands
auteurs comiques. Il ne lui manque ni la puis-
sance de conception, ni l'habileté de l'exécu-
tion, ni l'expression vigoureuse, nerveuse et
concise. Ses saillies font souvent l'effet de
l'emporte-plèce ; elles enlèvent le morceau,
arrachent le masque et montrent tout d'un
coup à nu les petits défauts et les travers, aux-
quels seuls, et malheureusement, il s'est atta-
qué jusqu'ici. Son influence sur le théâtre
contemporain est des plus évidentes; s'il n'a
pas absolument créé le type de Desgenais, cet
Alceste moderne, mêlé de Figaro et de Dio-
gène, c'est lui du moins qui 1 a vulgarisé sur
la scène, à ce point que, depuis les Filles de
marbre, on citerait peu de comédies où, sous
une peau quelconque, ne perce quelque peu
l'oreille du Desgenais de M. Barrière. Dans les
Faux Bons hommes, on trouve des scènes que
les comiques de premier ordre ne dédaigne-
raient pas de signer, et on a beaucoup soutenu
cette opinion que, malgré le décousu de sa
composition et le peu de soin avec lequel sont
traités quelques détails, cette pièce est une
des meilleures comédies du siècle. Malheureu-
sement, M. Barrière a semblé depuis abandon-
ner cette excellente voie. Voici ses œuvres dra-
matiques : les Pages de Louis XII, vaudeville
en deux actes, avec Ferdinand de Villeneuve
(Renaissance, 6 février 1840) ; Jeanne de Na-
ples ou la Reine fantôme (1348), vaudeville en
un acte, avec Adolphe Poujol (Gymnase des
enfants, 22 octobre 1842) ; Rosière et Nourrice,
vaudeville en un acte, avec Clairville, Anicet-
Bourgeois et Tournemine (Beaumarchais,
19 novembre 1842), reprise au théâtre du
Palais-Royal ; les Trois I emmes, comédie en un
acte et en prose, avec Maurice Saint-Aguet
(Odéon, 13 avril 1844); le Seigneur des Brous-
sailles, comédie en trois actes et en prose, avec
Georges Duval (Odéon, 28 mars 1845) ; Encore
un chapitre, vaudeville en un acte (Beaumar-
chais, 6 septembre 1845); les Sauvages pour
rire, vaudeville en un acte, avec Paul La-
marle et Auguste Vitu (Luxembourg, fé-
vrier 1846), non imprimé j les Fifres de la
Garde, vaudeville en deux actes, avec Paul
de Faulquemont (Beaumarchais, 29 mai 184") ;
les Charpentiers, drame en trois actes (Beau-
marchais, 25 septembre 1847) ; les Chroniques
bretonnes, vaudeville-féerie en un acte, avec
Clairville et de Faulquemont (Variétés, 28 no-
vembre 1847); les Portraits, comédie en un
acte et en prose, avec Adrien Decourcelles
(Comédie-Française, 27 juillet 1848) ; Un vilain
Monsieur, vaudeville en un acte, avec Decour-
celles (Variétés, 14 novembre 1848); \esDouze
Travaux d'Hercule, vaudeville en deux actes,
avec Adrien Decourcelles (Variétés, 23 no-
vembre 1848); la Petite Cousine, vaudeville
en un acte, avec Decourcelles (Variétés,
7 janvier 1849), reprise au théâtre du Vaude-
ville le 7 janvier 1855 ; Un Duel chez Ninon,
vaudeville en un acte, avec Michel Carré (Gym-
nase, 20 mai 1849); la Vie de Bohème, pièce
en cinq actes, mêlée de chants, avec Henri
Mùrger (Variétés, 22 novembre 1849) ; Lau-
rence, drame en deux actes, mêlé de chaDts,
avec Michel Cavrê et Jules Barbier (Gymnase,
17 janvier 1850) ; les Métamorphoses de Jean-
nette, vaudeville en un acte, avec Auguste
Supersac (Variétés, 20 janvier 1850); Quand
on attend sa belle, vaudeville en un acte, avec
Bayard (Palais-Royal, 29 septembre 1850); la
Plus belle Nuit de la vie, vaudeville en un
acte, avec Michel Carré (Palais-Royal, 12 oc-
tobre 185Ô) j Un Monsieur qui suit {es I emmes,
ÈAR
vaudeville en deux actes, avec Adrien Decour-
celles (Palais-Royal, 18 novembre 1850) ; YEn-
seignement mutuel, vaudeville on un acte,
avec Deeoureelles ( Palais - Royal , 17 jan-
vier 1851); le Jardin des Hespérides., bouffon-
nerie en un acte, mêlée de couplets, avec Léon
Battu et Michel Carré (Palais-Royal, 3 fé-
vrier 1S51) ; Manon Lescaut, drame en quatre
actes, mêlé de chants (suivi d'un épilogue),
avec JVIarc Fournier (Gymnase, 12 mars 1851);
Midi à quatorze heures, vaudeville en un acte
(Gymnase, 0 avril 1851) ; English exhibition,
vaudeville en deux actes, avec Eugène Grange
et Alfred Delacour (Palais-Royal, 12 juillet
1S51) : Un Roi de la mode, vaudeville en trois
actes, avec Decourcelles et Jules Barbier
(Variétés, 25 septembre 1851) -r Tambour bat-
tant, vaudeville en un acte, avec Decourcelles
et Morand (Palais-Royal, 30 octobre 1851) ; le
Piano de Berthe, vaudeville en un acte, avec
Alexandre Grasset et Jules Lorin (Gymnase,
20 mars 1852) ; Une Petite-Fille de la grande
armée, vaudeville en deux actes, avec Victor
Perrot (Gymnase, 8 mai 1852); Une Vengeance,
vaudeville en un acte, avec Decourcelles
(Variétés, 12 mai 1852); les Femmes de Ga-
varni, vaudeville en quatre actes, avec Adrien
Decourcelles et Léon Beauvallet (Variétés,
3 juin 1852) ; la Tête de Martin, vaudeville en
un acte, avec Eugène Grange et Decourcelles
(Palais-Royal, 22 juillet 1352); la Boisière,
drame en cinq actes, avec Jaime fils (Gaîté,
2 mars 1S53)'; Une Femme dans une fontaine,
vaudeville en un acte, avec Derosne et Lam-
bert Thiboust (Palais-Royal, 0 avril 1853) ;
Quand on veut tuer son chien..., proverbe-
vaudeville en un acte, avec Jules Lorin (Va-
riétés, 30 avril 1853), repris au Gymnase, le
n octobre 1864 ; les Filles de marbre, drame
en cinq actes, mêlé de chants, précédé d'un
prologue, avec Lambert Thiboust (Vaudeville,
17 mai 1853); le Lis dans la vallée, drame en
cinq actes et en prose, d'après Balzac, avec
Arthur de Beauplan (Comédie - Française ,
14 juin 1853) ; l'Ane mort, drame en cinq actes
et en sept tableaux, avec un prologue et un
épilogue, d'après Jules Janin, avec Jaime fils
(Gaîté, 18 juin 1853) ; les Moutons de Panurge,
grande lanterne magique en trois actes et
douze tableaux, dont un prologue, par vingt-
deux autres auteurs : MM. Jules Atteins, An-
tony Béraud, Louis Boyer, Clairville, Saint-
Agnan Choler, Cogniard frères, Jules Cordier,
Alexis Decomberousse, Decourcelles, Dama-
noir, Charles et Emile Gabet, Amédée de
Jallais, Judicis, Paul de Kock, de Léris.
Edouard Martin, Albert Monnier, Edouard
Plouvier, Charles Potier, Rimbaut, Salvador;
musique de Kriezel (Délassements-Comiques,
12 juillet 1853) ; la Vie d'une comédienne, drame
en cinq actes et en huit tableaux, avec Anicet-
Bourgeois (Porte-Saint-Martin, 22 mars 1854);
la Vie en rose, pièce en cinq actes et en prose,
mêlée de chants, avec Henri de Kock (Vau-
deville, 1" avril 1854); les Bâtons dans les
roues, comédie-vaudeville en un acte (Palais-
Royal, 2 octobre 1854); Monsieur mon fils!
comédie-vaudeville en deux actes, avecAdrien
Decourcelles (Variétés, 22 décembre 1854);
les Parisiens, pièce en trois actes et en prose
(Vaudeville, 28 décembre 1854), reprise à
l'Odéon, le 3 mai 1862 ; l'Histoire de Paris,
drame en deux parties et trente-quatre ta-
bleaux, avec Henri de Kock (théâtre impérial
du Cirque-, 11 août 1855); les Grands siècles,
drame en trois actes et dix-huit tableaux, avec
Henri de Kock (théâtre impérial du Cirque,
29 septembre 1855) ; les Infidèles, comédie en
un acte et en prose, avec Anicet-Bourgeois
(Vaudeville, 20 février 1856) ; Calino, charge
d'atelier, avec Antoine Fauchery (Vaudeville,
12 mars 1856) ; les Toilettes tapageuses, comé-
die en un acte, mêlée de coupiets, avec Du-
manoir (Gymnase, 4 octobre 1856); les Faux
Bons hommes, pièce en quatre actes eten prose,
avec Ernest Capendu (Vaudeville, 11 novem-
bre 1856), reprise au Gymnase ; le Château des
Ambrières, drame en cinq actes et en dix ta-
bleaux, avec Taillade (théâtre impérial du
Cirque, 22 décembre 1856) ; les Bourgeois gen-
tilshommes, comédie-vaudeville en trois actes,
avec Dumanoir (Gymnase, 13 juin 1857) ; les
Fausses Bonnes Femmes, pièce en cinq actes et
en prose, avec Capendu (Vaudeville, 7 jan-
vier 1858); X Héritage de monsieur Plumât,
comédie en quatre actes et en prose, avec Ca-
pendu (Gymnase, 17 mai 1858); Cendrillonj
comédie en cinq actes et en prose (Gymnase,
22 décembre 1858) ; YOutrage, drame en cinq
actes, avec Edouard Plouvier (Porte-Saint-
Martin, 25 février 1859); les Gens nerveux,
vaudeville en trois actes, avec Victorien Sar-
dou (Palais-Royal, 4 novembre 1850); le Feu
au couvent, comédie en un acte et en prose
(Comédie-Française, 13 mars 1860) ; Une pé-
cheresse, drame en cinq actes, avec MU1C Ré-
gnault de Prébois (Gaîté, 25 mai 1860) ; la
Maison du pont Notre-Dame, drame en cinq
actes et six tableaux, avec Henri de Kock
(Ambigu, 22 septembre 1860); Y Ange de mi-
nuit, drame en six actes, avec Edouard Plou-
vier (Ambigu, 5 mars 1861) ; Une Corneille qui
abat des noix , comédie-vaudeville en trois
actes, avec Lambert Thiboust (Palais-Royal,
8 octobre 1862) ; les Ivresses ou la Chanson de
l'amour, pièce en quatre actes, avec Lambert
Thiboust (Vaudeville, 13 octobre 1862) ; le Bout
de l'an de l'amour, causerie à deux (Gymnase,
26 mars 1863); le Jardinier et son Seigneur,
opéra-comique en un acte, musique de Léo
Délibes (Théâtre-Lyrique, lcf mai 1863); le
Démon du. jeu, comédie en cinq actes et
BAR
en prose (Gymnase, 16 juillet 1E62) ; l'Infor-
tunée Caroline, vaudeville en trois actes,
avec Lambert Thiboust (Variétés, 21 décem-
bre 1863); enfin, et sans préjudice du courant,
Un Ménage en ville, comédie en trois actes et
en prose (Gymnase, 17 octobre 1864).
Terminons cette biogrnpbie d'un de nos
vaudevillistes contemporains les plus sympa-
thiques au public par le 'passage suivant, ex-
trait d'une très-remarquable étude de M. Mon-
tégut : « Il serait impossible, dit l'éminent
critique de la Beoue des Deux-Mondes, de
tracer une esquisse complète, du théâtre con-
temporain sans s'arrêter un instant devant
cette physionomie, et cependant je ne sais pas
d'autour dramatique qui rende aussi difficile
la tâche du critique. Connaissez-vous ces jours
mêlés de pluie, de soleil, de neige, de vent, si
pleins de contrastes subits et de caprices irri-
tants, qu'on ne saurait dire s'il fait beau ou
mauvais temps? Connaissez-vous ces visages
dont l'inquiétante mobilité vous attire et vous
éloigne, qu'on ne surprend jamais au repos,
et dont on ne peut saisir le trait caractéristi-
que ? Tel est le talent de M. Théodore Bar-
rière. Violent, affecté, inégal, heurté, naïf et
artificiel, sincère et retors, exalté et prosaïque,
il autorise les jugements les plus contradic-
toires, rebute la sympathie qu'il appelle, fatigue
l'attention qu'il commande, rend excusable la
sévérité à outrance et difficile la justice. Il
connaît à fond toutes les ficelles de la scène,
et il ignore les premières lois de la composi-
tion. On ne sait avec lui si l'on a affaire à un
mélodramaturge, à un auteur comique ou à un
vaudevilliste... La nature toute spontanée de
M. Barrière manque du contre-poids des fa-
cultés réfléchies. Par là s'expliquent et ses
colères intempestives et les irrégularités de
son talent. Lorsque le tempérament parle en
lui et que la spontanéité lui vient en aide, il
trouve des mouvements d'éloquence -sauvage
ou des mots amers et sanglants; mais lorsqu'il
est de sang-froid, et que le secours momen-
tané que donnent ces mouvements de l'âme lui
fait défaut, alors il tombe affaissé sur lui-
même et se traîne péniblement. Il paye ces
rapides minutes de lièvre brûlante par une
prostration de plusieurs scènes, quand elle
n'est pas de plusieurs actes. Ce qu'il est en
bien, en mal, il le doit entièrement à sa na-
ture ; les ressources de l'art lui manquent
absolument. Il ne sait ni composer, ni combi-
ner, ni présenter ses sujets. Ses drames nous
ramènent à l'enfance de l'art, et font penser
involontairement aux peintures chinoises et
aux sculptures assyriennes. Pas de perspec-
tive , pas de distribution d'ombre et de lu-
mière; tous les personnages semblent super-
posés les uns aux autres et mis sur le même
plan. Et cependant, malgré tout, il y a dans
ces œuvres sans art des qualités dramatiques
précieuses, et, par exemple, quantité de mots
réellement comiques et qui peignent d'un trait
un caractère, un vice, une laideur morale. Çà
et là, la nature humaine est prise sur le fait,
brutalement, comme un papillon saisi soudain
par la main d'un enfant. Par instant, le dia-
logue s'anime et frise de très-près la véritable
comédie... Si la science des passions et des
mouvements de l'âme est inconnue'à M. Bar-
rière, personne, en revanche, n'a mieux attrapé
de notre temps les cris de la bête humaine.
» Quelque inférieur que soit le mérite litté-
raire des pièces de M. Barrière, elles ont pour
nous une sorte de valeur historique. Ce sont
des documents et des chroniques dialoguées
qui nous aident à juger l'état du goût public,
la situation morale des esprits, le mouvement
des mœurs. Ce sont des phénomènes litté-
raires qui, si l'on y regardait bien, correspon-
dent à des phénomènes sociaux. Littéraire-
ment, ces comédies nous aident a constater
deux faits importants : le premier, c'est que le
théâtre moderne traverse en ce moment un
état de transition; le second, c'est que la re-
production littérale de la réalité triomphe
définitivement... »
BARRIÈRE (traités de la), conclus en 1713
et 1715. Par le premier, Louis XIV reconnais-
sait aux Hollandais comme barrière Tournay,
Ypres, Me.nin, Fumes, Wanvick, Comines, etc.
Le deuxième avait pour but de faciliter la
possession des Pays-Bas par l'Autriche.
BARRIGUE DE FONTA1NIEU (Prosper-
François-Irénée), peintre français, né à Mar-
seille en 1760, mort dans la même ville en 1850.
Il servit d'abord dans la marine royale, prit
part en qualité d'enseigne de vaisseau, sous
les ordres de l'amiral d Estaing, à la guerre
de l'indépendance américaine, et avait rang
de lieutenant de vaisseau lorsque éclata la
Révolution. Forcé d'abandonner sa carrière et
de quitter la France, il se rendit en Italie, et
fit à. Naples la connaissance de Denis, paysa-
giste de talent, dont il prit des leçons. Bientôt
il devint assez habile pour pouvoir demander
à la peinture d'honorables moyens d'existence.
Revenu à Marseille, il participa, en 1798, à la
réorganisation de l'école de dessin de cette
ville. Il exposa à Paris, en 1801, 1802, 1806,
1817 et 1819, des vues d'Italie et de Provence.
Il obtint, en 1817, une médaille pour un tableau
représentant le Village de la Cava (royaume
de Naples), aujourd'hui au musée de Marseille.
Devenu aveugle en 1822, il conserva jusqu'à
sa mort, arrivée vingt-huit ans plus tard, une
inaltérable sérénité de caractère. Il avait été
promu au grade de capitaine de vaisseau et
nommé chevalier de Saint-Louis après 1815.
BAR
BARRILLIER s. m. (ba-ri-llé; Il mil.). 1
V. Barillard.
BARKILLOT (François), poëte, né à Lyon
en 1818, d'une famille d'artisans, mort en
1874. Il connut, dès l'enfance, les vicissitudes
aventureuses et les misères pitiorcsques à la
Jean-Jacques. Demeuré orphelin à l'âge de
sept ans. il vécut au hasard de la Providence
pendant deux ans, fut à la fin recueilli par un
aubergiste qui l'emmena a Moulins, lui confia
le lavage de la vaisselle dans son laboratoire,
et l'éleva graduellement au rang de marmiton
et de paletrenier. Dans ses heures de loisir, il
apprenait à lire sur les enseignes des boutiques,
comme il le dit avec bonhomie dans une de
ses préfaces, et il continua ses études dans un
alphabet acheté deux sous à quelque colpor-
teur. Il finit par retourner à Lyon et exerça
la profession d'imprimeur lithographe , qu il
n'a quittée qu'à l'âge de trente-sept ans, en
1855, pour se livrer entièrement à la littéra-
ture. Comme Burns et tous les robustes nour-
rissons du travail, M. Barrillot est un talent
naturel et spontané. Cependant, malgré son
originalité réelle , l'influence de Victor Hugo
se fait sentir dans ses premiers essais, qui pa-
rurent dans les feuilles lyonnaises et furent
très-remarques. Mais peu à peu sa personna-
lité poétique se dégagea des t imitations invo-
lontaires de la jeunesse , et il entra dans ia
plénitude et la virilité de son talent. Fixé à
Paris depuis 1843 , il a publié des vers dans
un grand nombre de feuilles littéraires et
artistiques, surtout à partir de 1850. On a par-
ticulièrement remarqué des satires de mœurs,
dont M. Saint-Marc Girardin a fait le plus
grand éloge dans un de ses cours. Il a ras-
semblé ses principaux morceaux dans les re-
cueils suivants : la Folle du logis; les Vierges,
où se rencontrent de nombreuses pièces dont
la grâce, le sentiment et la délicatesse con-
trastent de la manière la plus pittoresque avec
l'énergie passionnée de ses satires, dont il a
réuni les principales dans un volume intitulé
la Mascarade humaine (1863). Un choix de
ses poésies les plus gracieuses a été publié,
■ en 1859, par la librairie Larousse et Boyer,
sous le titre suivant : les Vierges du foyer.
C'est un des plus charmants recueils à l'usage
de la jeunesse qui aient été publiés de notre
temps, M. Barrillot a fait représentera l'Odéon
un Portrait de maître, comédie en vers, et le
Alyosotis, drame en vers (sur le théâtre Ri-
court). Il a en outre d'autres pièces en porte-
feuille, ainsi qu'un recueil de poésies inédites,
les Fleurs célestes.
BARRINGTON (Jean Shute, vicomte), pu-
bliciste et homme politique anglais , né à
Théobald en 1678, mort en 1734. Fils d'un
négociant, Benjamin Shute, il se livra à
l'étude du droit, devint l'ami de Locke, qui lui
inspira son amour pour la tolérance et la
liberté, et fit preuve d'un esprit à la fois si
délié et si plein de modération, que le minis-
tère wigh le chargea, sous la reine Anne, de
négociations importantes, bien qu'il n'eût en-
core que vingt-quatre ans. Nommé commis-
saire des douanes en 1708, adopté par un riche
pai'ticulier qui lui laissa toute sa fortune, hé-
ritier bientôt après d'un de ses parents, nommé
Barrington, dont il prit le nom et les armes,
il devint alors , ■ par sa fortune et par ses
tajents, un des «nefs des protestants dissi-
dents, dont il avait déjà défendu la cause dans
plusieurs écrits fort remarqués. Devenu mem-
bre du parlement en 1714, il fut créé vicomte
par George I"; mais, en 1723, il fut expulsé
de la Chambre des communes au sujet de
l'affaire de la loterie de Harburgh, dont il
était sous-gouverneur. Il mourut d'une chute
de cheval dans sa terre du comté de Berks.
Ses principaux ouvrages sont : les Droits des
protestants non conformistes (1705); Miscel-
lanca sacra (1725, 2 vol.), etc.
BARRINGTON (Daines), savant anglais, fils
du précédent, né en 1727, mort en 1800. Des-
tiné par son père à la judicature, il se livra à
l'étude des lois , mais ne tarda pas à y joindre
celle des sciences naturelles et des antiquités.
Il fut successivement nommé maréchal du
tribunal supérieur de l'amirauté (l75i), secré-
taire de l'administration de l'hôpital de Green-
wich (1753), juge dans les Galles du nord et à
Chester, commissaire général de l'approvi-
sionnement de Gibraltar et conseiller du roi.
Il était en outre membre de la Société royale
des sciences de Londres et de celle des anti-
quaires. On doit à ce remarquable êrudit plu-
sieurs ouvrages , dont les principaux sont :
Observations on the Statutes ckiefly the most
ancient from magna Charta, etc. (Observa-
tions sur les statuts , principalement les plus
anciens de la grande Charte, 1766, in-4»), livre
souvent réédité, et qui, aujourd'hui encore, fait
autorité en Angleterre; the Naturalisas Ca-
lendar (le Calendrier du naturaliste, 1767) ;
une traduction anglaise à'Orose, avec la tra-
duction anglo-saxonne par Alfred le Grand,
1773; enfin, Miscellanies (17S0, in-4"), recueil
de morceaux détachés sur les antiquités de
la jurisprudence et de l'histoire, sur la géogra-
phie, l'histoire naturelle, etc. Barrington s'y
révèle comme un observateur ingénieux et un
esprit original, qui aime à sortir des routes
battues.
BARRINGTON (Samuel), marin anglais,
frère du précédent, né en 1729, mort en 1800.
Il se signala par sa valeur et par son sang-
froid, surtout à la prise de Sainte-Lucie, con-
tribua pour une large part au ravitaillement
BAR
267
de Gibraltar , en 1782 , et mourut contre-
amiral.
BARRINGTON (Shute), théologien, fils de
Jean Barrington et frère des précédents, né à
Beeket en 1734, mort en 1826. Il devint suc-
cessivement chapelain ordinaire de George III,
qui l'avait pris en grande estime, chanoine de
Christ-churcb en 1701, évêque de Landaff en
1769, puis il échangea tour h tour ce siège
contre celui de Salisbury et celui de Durham.
Dans plusieurs de ses mandements et de ses
écrits, il s'efforça de démontrer que la causa
première de la Révolution française était dans
les corruptions de l'Eglise romaine. Il aimait
à s'entourer des hommes les plus distingués
de son temps, et il employa ses immenses
revenus, surtout ceux de son dernier évêché,à
fonder des sociétés charitables, des écoles, des
hôpitaux. La plupart de ses écrits ont été
réunis en un volume, publié a Londres en 1811.
BARRINGTONIE s. f. (ba-rain-gto-nî —
de Barrington, nom d'homme). Bot. Genre de
Îdantes de la famille des myrtacées, type do
a tribu des barringtoniées, renfermant deux
espèces, qui croissent dans l'Asie équatorialo.
BARRINGTONIE, ÉE ad], (ba-rain-gto-ni-ô
— rad. barringtonie). Bot. Semblable à la
barringtonie.
— s. f. pi. Tribu de la famille des myrta-
cées, ayant pour type le genre barringtonie.
BARRIO-ANGOLO (Gabriel-Perez), écrivain
espagnol qui florissait au commencement du
xvne siècle. Il occupa le poste de secrétaire
royal et composa, au sujet de ses fonctions,
un ouvrage intitulé : Direccion de secretarios
(Madrid, 1613).
BARRIQUAUT s. m. (ba-ri-kô — dimin. do
barrique). Petite barrique, il Le contenu d'une
petite barrique : Un barriquaut de sucre, de
café.
BARRIQUE s. f. (ba-ri-ke — rad. baril).
Gros tonneau pour le transport des mar-
chandises : Bemplir des barriques. Jeter les
barriques à ia mer*, l) Contenu d'une barrique:
Une barrique de sucre, de café, d'eau-de-vie.
— Fam. Terme de comparaison usité pour
désigner une personne très-grosse : C'est la
nièce de ce gros homme taillé en forme de
BARRIQUE. (E. Sue.)
— Métrol. Ancienne mesure do capacité,
équivalant au quart d'un tonneau : Ce vin
coûte cent francs la barrique. (Acad.) h Me-
sure de capacité , qui varie suivant le pays
et la nature des liquides : La barrique de vin
vaut, à Bordeaux, cent quatre-vingt-six litres.
— Fr.-maçonn. Nom que les francs-maçons
donnent à une bouteille ou à une carafe, ïors- .
qu'ils sont à table.
— Mar. Barrique à feu, Barrique pleine de
matières incendiaires.
— Pêch. Filet spécial pour la pêche de la
lamproie.
BARRIQUER v. a. ou tr. (ba-ri-kô — rad.
barrique). S'est dit autrefois pour barricader:
Le peuple commence de SB barriquer tiers la
rue Golande. (Est. Pasq.)
BARRIR v. n. ou intr. (ba-rir — rad. barre)
En parlant de l'éléphant , Pousser le cri
particulier appelé barrit : Les belluaires ont
levé les grilles des antres souterrains; toute la
ménagerie barrit, rauque, hurle et miaule au
grand soleil. (Th. Gaut.) Il On dit aussi bar-
ronner.
BARRIS s, m. (ba-riss). Mamm . Nom donné,
sur la côte de Guinée, à quelques singes, tels
que le troglodyte et le mandrill. (V.cesmots.)
V. aussi orang-outang et homme des bois.
BARRIS (Pierre-Joseph-Paul), magistrat
français, né a Montesquiou en 1759 , mort en
1824. Il voyagea dans diverses parties de l'Eu-
rope après avoir achevé ses études, et débuta
dans les fonctions publiques en 1790; en qua-
lité de commissaire du roi près le tribunal de
Mirande. Nommé député a l'Assemblée légis-
lative en 1791, il compta au nombre des mem-
bres les plus insignifiants de la plaine , fit
rendre un décret sur le remplacement des
membres des directoires administratifs à dé-
faut de suppléants, et se cacha pendant la
Terreur. Elu juge a la cour de cassation par
le collège du Gers en 1796, puis chargé, sous
le Directoire, de présider les tribunaux de
révision dans les départements du Rhin , il
fut nommé par Bonaparte conseiller à la cour
de cassation, président de la section crimi-
nelle de cette cour, et enfin baron. C'est avec
le même empressement qu'il signa tour à tour
les délibérations prises en faveur des Bour-
bons, puis de Napoléon, et en troisième lieu
des Bourbons, donnant ainsi l'exemple de la
faiblesse et d'une complaisance sans bornes
envers le pouvoir triomphant. Il présidait, en
1815, la section de la cour qui rejeta le pourvoi
du comte de Lavalette.
BARRIT s. ni. (ba-ri — lat. barritus, môme
sens). Cri particulier à l'éléphant,
BARROIEMENT s, m.' (ba-roî-man). Prat.
anc. Délai de procédure.
BARROILHET (Paul), chanteur français,
né a Bayonne le 22 décembre 1805, vint à
Paris à 1 âge de dix-neuf ans et fut admis en
1828, sur la recommandation de Rossini, au
Conservatoire. Un peu plus tard, il passa en
Italie et conquit dans toutes les grandes villes
de la Péninsule une certaine popularité aux
côtés de la Pasta et de Rubini, dans Elena. di
263
BAR
Feltrti, la Vestale, YAsscdio di Calais, llo-
berlo Devereux, Belisurio et Colombo. En 1835,
étant à Naples , il rencontra au théâtre San
Carlo le célèbre Nourrit et se lia avec lui
d'une étroite amitié. Après la mort de Nourrit,
il revint en France, sollicita et obtint aisé-
ment un engagement à l'Opéra, où ii débuta
Je 2 décembre 1840, dans Alphonse de la Fa-
vorite, ouvrage qui lui dut une partie de son
succès. Il obtint ensuite de brillants triomphes,
à côté de M. Duprez, dans les Martyrs, Don
Juan, Guillaume Tell, le Lazzarone. Le rôle
de Lusignan de la Reine de Chypre, et surtout
celui du roi dans Charles VI, lui fournirent
l'occasion de déployer les excellentes qualités
de son talent. Ces deux créations sont d'ail-
leurs restées ses meilleures. En 1847, l'Opéra
lui refusant une augmentation de traitement
(il touchait annuellement 50,000 fr. ), M. Bar-,
roilhet se retira, et, à compter de ce moment,
ne se montra plus que dans des concerts et
des soirées musicales. En 1845, il avait accepté
un engagement de saison à- l'Opéra Italien de
Londres. M. Barroilhet, qui a été pendant
quelque temps professeur de chant au Con-
servatoire, est un amateur de tableaux mo-
dernes ; on l'a vu réunir et vendre à plusieurs
reprises des collections assez curieuses. Cet
artiste, qui nous, était venu d'Italie, comme
Duprez, avec un magnifique timbre, a-t-il
redouté l'épuisement si commun aux chan-
teurs de ce temps-ci? Quoi qu'il en soit, on se
rappelle encore l'étendue, la souplesse et la
sûreté de sa voix, qui était celle d'un baryton,
mais d'un baryton plus rapproché du ténor
que de la basse. Il était parvenu a corriger
son accent méridional , et la pureté de son
style, son excellente méthode, l'avaient fait
vivement apprécier des Parisiens, malgré les
ornements étrangers qu'on lui a reproché
d'ajouter à la musique des maîtres qu il était
chargé d'interpréter.
BARROIR s. m. (ba-roir). Techn. Tarièro
do tonnelier.
BARROIS, comté ou duché de Bar, ancien
pays de France dans la Lorraine, cap. Bar-
te-Duc; forme aujourd'hui la presque totalité
du dép. de la Meuse. Les villes principales
du Barrois étaient Commercy, Saint-Mihiel,
Pont-à-Mousson. Le Barrois, qui faisait partie
du royaume d'Austrasie sous les rois de îa
dynastie mérovingienne , fut compris dans le
duché de la haute Lorraine, lors du démem-
brement de la monarchie de Charlemagne.
En 958,Brunon, archevêque de Cologne et frère
de l'empereur Othon II, partagea le gouver-
nement de la Lorraine avec son neveu Fré-
déric 1er, comte de Bar, qui prit le titre de
duc, et qui avait épousé une sœur de Hugues
Capet. De ce mariage naquit Thierri , duc de
Bar, qui eut pour successeur Frédéric II, mort
sans postérité mâle. Une des fille.s de ce der-
nier, Sophie, en épousant Louis, comte de Mont-
béliard, rit passer le Barrois dans cette maison.
Ses descendants ne portèrent que le titre de
comte. Henri III, comte de Bar, issu de Louis
de Montbéliard et de Sophie de Bar au hui-
tième degré, épousa Éléonore, fille d'E-
douard lerj roi d Angleterre, et, ayant donné
aide à ce monarque contre le roi de France, il
fut battu, fait prisonnier et conduit à Bruges.
Pour recouvrer sa liberté, il fut obligé de faire
hommage à Philippe le Bel de la partie du
Barrois située sur la rive gauche de la Meuse,
laquelle partie porta depuis le nom de Barrois
royal, et resta attachéeàla couronne. En 1354,
le comté de Bar fut érigé en duché, en faveur
de Robert, comte de Bar, arrière-petit-fils de
Henri III, dont nous venons de parler. De sa
femme Marie, fille du roi Jean, Robert eut
quatre fils , dont trois moururent sans posté-
rité; le dernier survivant, Louis, cardinal de
Bar, céda en 1419 le duché de Bar à son neveu,
René 1er d'Anjou, qui épousa Isabelle de Lor-
raine. Nicolas, troisième fils issu de ce ma-
riage, porta le titre de duc de Bar. Ce dernier
eut un lils, dont la postérité légitime s'éteignit
au premier degré, et une fille, Yolande, mariée
à Ferri de Lorraine, deuxième du nom, comte
de Vaudemont, qui hérita du duché de Bar, du
chef de son neveu, et le porta dans la mai-
son de Lorraine, dont il a depuis suivi les
f* ^nées.
BARROIS (François), sculpteur français,
Aè à Paris en 1656 , mort en 1726. Il est l'au-
teur d'une statue de la Religion, qui décore
extérieurement la chapelle du palais de Ver-
sailles, et d'un vase de marbre, orné de cornes
d'abondance, qui est placé dans la grande
allée du Tapis vert.
BARROIS (Jacques-Marie), libraire de Paris,
né en 1704, mort le 20 mars 1759. Ladvocat a
fait de lui l'éloge suivant : a II connaissait
non-seulement les éditions et les prix des
livres, mais leur contenu. » Barrois possédait,
en effet, une immense instruction, et l'on con-
sulte encore aujourd'hui, parmi les catalogues
fort nombreux qu'il a rédigés, son remar-
quable Catalogue des livres de Falconnet
(1763, 2 vol. in-8°). ■
MAUROIS (comte Pierre), général français,
né à Ligny (Meuse) en 1774 , mort le 19 octo-,
bre 1800, à Villiers-sur-Orge. Il s'engagea
le 12 août 1733, assista à la bataille de Wati-
^nies, à celle de Fleurus, à celle de la
Ro(!r, à la prise de Coblentz, au passage du
Rhin, d'abord sous les ordres de Marceau,
puis sous le commandement de Hoche. Placé
dans la division Desaix, il se distingua a la
BAR
bataille de Marengo. Dans la campagne d'Al-
lemagne, il prit part , comme colonel , aux
batailles d'Austerlitz , d'Iéna, de Halle, à la
prise do Lubeck, et à l'affaire de Mohrungen
en Pologne. Nommé général après la bataille
d'Eylau , il reçut, sur le champ de bataille de
Friedland, les insignes de grand officier de la
Légion d'honneur. Envoyé en Espagne après
la paix de Tilsitt, il se trouva à la bataille
d'Espinosa, à la prise de Madrid (1808), aux
batailles d'Ucles, de Medelin, de Talavera, à
la prise de Séville et à la bataille de Chi-
clana, etc. Nommé général de division le
11 juin 1811, Barrois fit l'expédition de Russie.
Au retour de l'île d'Elbe, il prit part aux ba-
tailles de Fleurus et de Waterloo, où ii fut
blessé grièvement. Licencié en 1815, il reprit
du service en 1830, et devint inspecteur gé-
néral d'infanterie et grand-croix de la Légion
d'honneur. Son nom est inscrit sur l'Arc de
triomphe de l'Etoile.
BARROIS, OISE adj. et s. (ba-roi, oi-ze).
Géc-gr. Habitant du Barrois-, qui appartient
au Barrois ou à ses habitants : Les Barrois
et les Barroises. La population barroise.
il Habitant de Bar-le-Duc ; qui appartient à
cette ville ou à ses habitants.
BARRONNER v. n. ou intr. (ba-ro-né).
Syn. de barrir.
BAR-ROOM s. m. (bar-roum — do l'angl.
bar, comptoir de cabaret ; room, chambre).
Salle d'auberge où se trouve le comptoir ,
et où les buveurs se tiennent debout.
BARROS (Jean de), célèbre historien por-
tugais, né a Viseu en 1496, mort en 1570.
Elevé à la cour d'Emmanuel le Grand, il se
fit remarquer par son application à l'étude ,
par son talent précoce, et il composa, à l'âge
de vingt et un ans, un roman de chevalerie,
intitulé : Cronica de emperador Clarimundo
(Coïmbre, 1520). Le roi Jean 111 se plut à lui
donner des témoignages de sa haute estime,
lui fit une position indépendante, et le nomma
successivement gouverneur des établisse-
ments portugais sur la côte de Guinée, tréso-
rier général des colonies , agent général des
mêmes contrées, place qui équivalait presque
à un ministère; enfin, il lui fit don do la pro-
vince de Maranhao au Brésil, à la charge de
la coloniser. Ces diverses fonctions fournirent
à Barros les moyens de composer son grand
ouvrage, intitulé : Asie ou faits et gestes des
Portugais lors de la découverte et conquête
des mers et terres d'Orient. Cette histoire, qui
s'étend de 1412 ii 1516, est divisée en décades,
a l'instar de celle de Tite-Live. Barros en
composa trois, dont la première parut à Lis-
bonne en 1552, et le nombre en fut porté à
treize par les continuateurs de son histoire,
Lavanha, Diego de Conto et Fernand de Vil-
laréal. Une des meilleures éditions de l'ou-
vrage complet est celle de Lisbonne (1778,
3 vol. in-fol., et 17 vol. in-4° avec des cartes).
Alphonse Ulloa l'a traduit en espagnol. Ce
vaste travail a placé Barros au premier rang
des historiens de son pays, et lui a valu le
surnom de Tite-Live portugais. Comme ce
dernier, il écrivit en effet pour célébrer la
gloire de sa patrie. Son style est élégant, vif
et pittoresque ; malheureusement, comme chez
ses compatriotes à cette époque, ses idées et
ses vues sont singulièrement rétrécies par
l'influence monacale et religieuse, alors domi-
nante. Barros a composé d'autres ouvrages,
notamment la première Grammaire portu-
gaise qui ait été publiée. L'inquisition paraît
avoir détruit plusieurs de ses productions.
BARROSO ( Michel Vie), peintre espagnol,
né à Consuegra en 1538, mort en 1590. Elève
de Becerra, qui s'était formé fui-même sous
Raphaël et Michel-Ange , Barroso apprit de
ce maître Sa peinture et l'architecture, tout en
étudiant les langues et la musique. Un tableau
qu'il peignit à Tolède en 1585 attira sur lui
1 attention, au point de lui valoir le titre do
peintre du roi. Philippe II le chargea de dé-
corer un des quatre angles du cloître des
Evangélistes, à l'Escurial. Il y exécuta, soit à
l'huile, soit à fresque, plusieurs compositions
remarquables par la légèreté de la touche, la
fraîcheur du coloris et l'entente de la perspec-
tive , mais qui pèchent par le dessin et qui
manquent de vigueur.
BARROT ou BAROT s. m. (ba-ro). Mar.
Bau qui soutient le grand mât. il Comm.
Baril pour les anchois salés.
BARROT (Camille-Hyacinthe-Odilon), homme
politique, né àVillefort(Lozère)eni79i,estfils
du conventionnel Jean- André Barrot, qui siégea
assez obscurément sur les bancs de la Plaine,
fmis au conseil des Cinq-Cents et nu Corps
égislatif. A vingt-trois ans , il fut admis, par
dispense d'âge, au nombre des avocats de la
cour do cassation. Nourri dans les idées de
liberté constitutionnelle , il ne regretta point
le dur régime impérial, et il accueillit la Res-
tauration , sinon avec un enthousiasme qui
n'était point dans sa nature calme et réflé-
chie , au moins avec faveur et avec l'espoir
de voir succéder à l'absolutisme militaire un
régime de liberté légale de presse, de tri-
bune et de discussion. Bientôt, cependant, la
marche rétrograde du gouvernement le jeta
dans l'opposition. Parmi les causes qu'il défendit
alors , il en faut citer une , minime en appa-
rence, mais qui, en réalité, soulevait la grave
question de la liberté des cultes. Des protes-
tants du Midi avaient refusé de tapisser la
façade de leurs maisons pour le passage de la
BAR
procession de la Fête-Dieu; condamnés à l'a-
mende , ils avaient échoué déjà dans deux
appels. M. Odilon Barrot les rit triompher de-
vant la cour de cassation. Cette affaire eut
beaucoup d'éclat. Lamennais, alors catholique
intraitable , s'écria dans le Conservateur : L,a
loi est donc athée? — Oui, répondit plus tard
l'avocat, elle l'est et doit l'être, si vous entendes
par là que la loi, qui n'existe que pour con-
traindre, doit être étrangère à la croyance
religieuse des hommes , qui est hors de toute
contrainte; elle doit l'être en ce sens qu'elle
protège toutes les religions et ne s'identifie avec
aucune. Telle est cette phrase célèbre qu'on lui
a tant reprochée et bien à tort, selon nous ;
car la loi ne doit punir que le mal, et le mal ne
saurait résider dans l'exercice volontaire de tel
culte plutôt que de tel autre. Qui dit religion dit
conscience, et la conscience est un asile sacré
uour ce qu'il y a de plus fort, pour la loi elle-
même. Evidemment, l'éminent jurisconsulte
voulait dire simplement que la loi ne pou-
vait permettre qu'un culte imposât ses formes
extérieures aux adeptes d'un autre culte;
et c'est par le plus criant abus de langage
que cette juste impassibilité qu'il réclamait
de la loi , au milieu de la diversité des
cultes, était assimilée à l'athéisme par son in-
tolérant adversaire. Cette période de la Res-
tauration est l'époque de ses grands triomphes
judiciaires. Il figurait alors parmi les sommi-
tés du parti libéral, et il présidait la société
Aide-toi, le ciel t'aidera. Sa pensée n'allait pas
au delà de la charte. Mais, par une inconsé-
quence dont sa vie offre plus d'un exemple,
en même temps que dans le fameux banquet
des Vendanges de Bourgogne, offert aux deux
cent vingt et un députés de l'opposition, il pro-
posait un toast au roi, et, déclarant que les
voies légales suffisaient au triomphe de la li-
berté, il ajoutait : Si ces voies étaient fermées,
alors il n'y aurait de ressource que dans le
courage des citoyens, et ce courage ne manque-
rait pas. Bientôt , à la suite de la publication
des ordonnances, la révolution de Juillet éclata
comme un commentaire en action des paroles
que l'orateur avait prononcées au nom des
électeurs de Paris. Jeté par les événements
hors des limites que peut-être il n'eût pas
voulu franchir, M. Odilon Barrot prit une part
assez active au mouvement, fut nommé secré-
taire de la commission municipale, qui remplit
pendant quelques jours les fonctions d'un
gouvernement provisoire, et contribua, as-
sure-t-on, à arrêter La Fayette, entraîné vers
la république , et à le rallier à la fameuse
fiction d'une monarchie entourée d'institutions .
républicaines. Il fut ensuite chargé de conduire
jusqu'à Cherbourg le roi déchu, conjointement
avec le maréchal Maison et M. de Schonen,
et nommé à son retour préfet de la Seine.
Pendant les six mois qu'il conserva ces fonc-
tions , il fut souvent en conflit d'autorité avec
M. Guizot, et dut se retirer quand la petite
coterie des doctrinaires l'emporta définitive-
ment sur le parti plus libéral de l'Hôtel de
Ville. Dans l'intervalle, il avait été nommé
député, et, pour la première fois,i! allait abor-
der cette tribune politique où il devait figurer
avec éclat jusqu'aux derniers jours du régime
parlementaire. Après la chute du ministère
Liifiitfre, il entra dans l'opposition , mais en se
séparant toutefois de la partie extrême de la
gauche, et devint bientôt le chef de la gauche
modérée ou opposition dynastique. Après l'in-
surrection des 5 et G juin, il fit triompher, de-
vant la cour de cassation , ce principe de la
charte, que nul ne peut être distrait de ses juges
naturels. Depuis , à l'exception du cabinet
Thiers , il a successivement combattu tous les
ministères qui se sont succédé. Il a. appuyé la
réforme électorale, mais limitée à un abaisse-
ment graduel du cens et à l'adjonction d'un
certain nombre de capacités. Le duel de sept
ans qu'il soutint contre M. Guizot, ses philip-
piques ardentes contre l'abaissement du pays,
la corruption électorale et l'esprit rétrograde
du gouvernement', lui donnèrent une grande
popularité , surtout parmi la bourgeoisie libé-
rale, et préparèrent, comme on le sait, la ré-
volution de Février, que M. Barrot et ses amis
étaient loin de prévoir et de désirer. A la suite
des élections de 1846, qui firent entrer à la
chambre deux cents fonctionnaires publics, la
gauche commença la fameuse campagne des
banquets réformistes (1847). M. Barrot en fut
lo promoteur et le héros; sa parole retentis-
sait alors dans toute la France, et il était re-
gardé par le plus grand nombre comme le re-
présentant de la probité politique , du libéra-
lisme légal et de la sincérité du système re-
présentatif. Lui-même était plein de confiance
dans l'avenir , et, malgré la coopération des
républicains au mouvement , il se croyait as-
suré, avec l'infatuation ordinaire aux chefs de
parti , de dominer les événements et de com-
mander à la tempête qu'il avait soulevée. On
sait qu'après avoir pris sous son patronage le
banquet du XII» arrondissement, il s'abstint
d'aller au rendez-vous qu'il avait donne au
peuple et à la garde nationale, comme on le lui
reprocha durement, voulut renfermer cette
immense agitation dans la fiction d'une résis-
tance légale, et se borna à demander la mise
en accusation du ministère. Jusqu'à la der-
nière heure, il conserva ses illusions. Nommé
pendant le combat chef d'un nouveau cabi-
net, il se flattait encore d'arrêter la guerre
civile par sa seule présence. Mais la monar-
chie s'écroulait au moment même,' entraî-
nant dans sa chute et la gauche dynastique et
jusqu'au souvenir de son chef, qui n'est jamais
BAR
revenu de sa déception et de son douloureux
étonnement. Il ne renonça point, toutefois, à
la vie publique ; mais cette dernière partie de
sa carrière ne fut ni brillante ni digne de son
passé. Nommé représentant à la Constituante,
il apporta dans cette assemblée les arrière-
pensées d'un régime qu'il avait manifestement
contribué à détruire et les aigres rancunes
d'un ambitieux déçu; participa à toutes les
mesures de réaction , essaya vainement do
faire prévaloir la théorie monarchique des deux
chambres, et présida la commission d'enquête
qui élabora, sur les événements de mai et do
juin , cette œuvre de partialité et de haino
dont M. Quentin Bauchard.fut le rapporteur.
Lors de l'élection du 10 décembre, il fut chargé
de composer le. premier ministère nommé par
. Louis Napoléon. Et c'est alors qu'il réalisa
d'une manière éclatante le fameux mot de
M. Guizot : Si vous éties à ma place, vous fe-
riez comme moi. Il fit mieux encore, et comme
tous ces vieux libéraux qui avaient blanchi
dans la guerre contre les ministères et les
gouvernements , il dépassa par l'àpreté de son
zèle réactionnaire les hommes d'Etat les plus
impopulaires de la Restauration. Il proposa
ou soutint les mesures qui hâtèrent la disso-
lution de la Constituante, combattit avec
passion toutes les propositions d'amnistie ,
supprima les clubs, après avoir fomenté
une révolution au nom du droit de réunion,
restreignit la liberté de la presse , et enfin
trompa l'Assemblée constituante et le pays
sur le véritable but de l'expédition de Rome ,
si manifestement contraire a la constitution et
au droit des gens. Malgré tant de concessions,
il fut littéralement congédié quand il fut de-
venu un instrument inutile ou un obstacle (oc-
tobre 49) , et il continua de figurer dans la coali-
tion monarchique qui travaillait à la fois à la
destruction de la république et à la ruine du
président. Par une inconséquence de plus , il
protesta contre le coup d'Etat du 2 décembre,
que ses mesures avaient tant contribué à ren-
dre possible. Mais sa protestation , d'ailleurs ,
n'était sans doute qu'une formalité légale, a
laquelle il n'attachait pas lui-même une grande
importance pratique, car il né tenta même pas
de se jeter dans la lutte qui en était la consé-
quence naturelle. Il rentra dès lors dans la vie
privée. Aux élections de 1864, il se porta comme
candidat, au nom de ces institutions libérales
dont il avait été l'un des destructeurs, mais il
ne fut pas nommé.
Comme orateur politique, M. Odilon Barrot
se distingue par son éloquence grave, austère,
qui porte l'empreinte de la moralité de son
caractère d'homme privé, mais qui est souvent
redondante et surchargée de vagues généra-
lités et de lieux communs. Comme orateur
judiciaire, il figure à juste titre parmi les
sommités du barreau moderne , et son nom
vivra honoré comme celui de l'un des avocats
les plus éminents et les plus consciencieux de
notre temps. Chez cet homme estimable, une
grande indécision s'allie à une grande honnê-
teté ; pourquoi donc a-t-il embrassé la carrière
politique, où l'honnêteté est parfois un bagage
nuisible; et où la décision est un engin toujours
nécessaire ?
BARROT (Victorin-Ferdinand), homme poli-
tique, frère du précédent, né à Paris en 1S0G.
Il exerçait la profession d'avocat lorsqu'il fut
nommé , en 1830 , substitut au tribunal do la
Seine. Six ans après, il reprit sa place au bar-
reau , fut élu à la Chambre des députés par
l'arrondissement de Loches (1842), se rangea
dans le centre gauche , s'occupa spécialement
de la question algérienne et obtint une vaste
concession de terres en Afrique. Nommé en
1848, par l'Algérie, représentant du peuple à la
Constituante, il vota avec la droite, et fut choisi ,
après le 10 décembre , comme secrétaire par
le président Louis Napoléon, dont il avait été
l'un des conseils devant la Cour des pairs.
Lorsque, le 31 octobre 1849, son frère se retira
du ministère, M. Ferdinand Barrot fut appelé
à prendre le portefeuille de l'intérieur, qu'il
garda jusqu'au 15 mars suivant. Il fut alors
envoyé à Turin comme ministre plénipoten-
tiaire ; mais il revint, au mois de novembre sui-
vant, siéger sur les bancs de l'Assemblée lé-
gislative, où il n'avait été envoyé que lors des
élections complémentaires. Après le coup d'E-
tat du 2 décembre, il fit partie de la commis-
.sion executive , fut nommé conseiller d'Etat,
et enfin promu à la dignité de sénateur en 1853.
BARROT (Adolphe), diplomate et frère dos
précédents, entra dans le corps diplomatique,
et fut successivement, sous le gouvernement de
Juillet, chargé d'affaires à Haïti, consul h Car-
thagène et consul général en Egypte. Sous la
république, il occupa le poste de ministre plé-
nipotentiaire à Lisbonne (1849), puis à Na-
ples (1851); enfin, sous l'empire, il a été
nommé envoyé extraordinaire et ministre
plénipotentiaire àBruxelles, en 1853, et ambas-
sadeur à Madrid en 1858. Il est entré au Sénat
en 1864.
BARROTER OU BAROTER v. a. OU tr. (ba-
ro-té — rad. barrot). Mar. En parlant d'un
navire, En remplir la cale j'usqu aux barrots
ou baux, jusqu'au pont inférieur.
BARROTIN OU BAROTIN S. Hl. (ba-ro-taill
— dim. de barrot). Mar. Petit barrot, comme
on en voit entre les baux.
— Barroiins d'écoutille, Bouts de barrots
qui se terminent aux hiloires, où ils sont
soutenus par les arcs-boutants. il Barroiins de
BAR
BAR
BAR
BAR
269
caillebottis. Pièces de bois avec lesquelles on
fait des caiilebottis.
earrow s. m. (ba-ro). Archéol. Nom an-
glais donné aux tumulus ou tombeaux anti-
ques, formés de terre entassée : Quelles que
soient leurs dimensions, les barrows, dolmens
et cromlechs impressionnent généralement le
spectateur. ( Michiels. ) On a trouvé dans les
uareows des urnes renfermant des cendres,
des coffres de pierre qui servirent de cercueils,
des ossements de chiens et de cerfs mêlés à ceux
des hommes. (Bachelet.)
— Encycl. On sait que les habitants primi-
tifs des îles anglaises ont longtemps, comme
ceux de la Gaule et de la Germanie, pratiqué
toutes les observances de la religion druidi-
que; il n'est donc pas étonnant qu'on ait
trouvé dans ces lies un grand nombre de ces
monuments curieux du culte de nos premiers
ancêtres, connus sous le nom de monuments
druidiques. Les savants anglais désignent
sous le nom de barroio un amas de terre
qu'on suppose avoir été élevé pour servir de
tombe à un chef, et qui, chez nous, s'appelle
ordinairement tumulus. Certains barrows ont
la forme d'un cône, souvent tronqué au som-
met; d'autres ressemblent à une cloche; quel-
ques-uns sont entourés de fossés, d'autres
sont au milieu d'une enceinte de pierres, et
d'autres n'ont rien qui les entoure. On a trouvé
dans quelques-uns des espèces de cercueils
formés de six pierres plates, mais trop courts
pour que le corps d un homme pût y être
étendu, ce qui fait supposer que les genoux
devaient être appuyés contre la poitrine et les
jambes contre les cuisses. Un mètre et demi
d'élévation, o'mq à six mètres à la base, telles
sont les dime'risions ordinaires des barrows.
Ceux qui en ont de plus considérables ren-
ferment des divisions intérieures, formées de
grosses pierres brutes, et l'on a toute raison
de croire qu'ils servaient de sépulture com-
mune à plusieurs membres d'une même fa-
mille, ou à plusieurs chefs ayant trouvé la
mort dans le même lieu; la forme de leur base
est. ordinairement elliptique.
Les galgals des Bretons sont semblables aux
barrows anglais. Quelques-uns , pourtant , of-
frent cette différence, qu'ils sont formés de
pierres au lieu de terre.
BARROW, fleuve d'Irlande, prend sa source
aux monts Sliebh-Bloom, dans le comté de
Queen's, passe à Carlow, New-Ross, et se
jette dans l'océan Atlantique à l'E. de Water-
ford, après un cours de 150 kil., presque en-
tièrement navigable. Les-affluents principaux
sont la Nor et la Suir,à droite. Il Barrow (dé-
troit de), détroit de l'Amérique du Nord,
dans le passage N.-.O, entre ceux de Lancas-
tre à l'E., de Melville à l'O., par 90» long,
0. et 74° lat. N. Il communique avec la mer
de Baffln par le détroit de Lancastre, avec
lequel on le confond quelquefois. Il BarrOw-
Upon-Soar, ville d'Angleterre, comté et à 12
kil. N. de Leicester, sur la Soar ; 6,300 hab. ;
beau calcaire bleu, donnant une chaux hydrau-
lique renommée.
BARBOW (Isaao), géomètre et théologien
anglais, né à Londres en 1G30, mort en 1C77.
N'ayant pu obtenir une chaire de grec à. Cam-
bridge, parce qu'on l'accusait d'être .partisan
des idées d'Arminius, il se mit à. voyager
(1655), visita la France, l'Italie, Smyrne,
Constantinople, et revint en Angleterre en
1659. L'année suivante, il fut nommé profes-
seur de grec à Cambridge, puis successive-
ment professeur de philosophie à Gresham
(1662), membre de la Société royale de Lon-
dres (1C63), et professeur de mathématiques
à l'Université de Cambridge (1664). C'est alors
qu'il compta au nombre de ses élèves Te grand
Newton, a qui il céda sa chaire en 1669, pour
l'attacher à cette université. Depuis cette
époque, il s'occupa surtout de théologie, de-
vint, en 1670, chapelain do Charles II, en 1675,
chancelier de l'université de Cambridge , et
fut enterré dans l'église de Westminster.
Bien qu'il se soit beaucoup occupé de théolo-
gie, c'estaux sciences mathématiques que Bar-
row doit sa réputation. La lecture d'Eusèbe
et de Scaliojer le conduisit à l'étude de la chro-
nologie, celle-ci a l'astronomie, qui l'obligea de
se livrer à la géométrie. Versé dans la con-
naissance du grec et de l'arabe, il put traduire
des traités d'Euclide, d'Archimède, d'Apollo-
nius et de Théodose, qu'il réduisit à de petits
volumes. Il a contribué par ses travaux aux
r progrès de la science; il est regardé notam-
ment comme l'inventeur du triangle différen-
tiel, d'où l'on déduit sur-le-champ la sous-tan-
gente d'une courbe quelconque, et qui a préparé
l'application du calcul différentiel à la géomé-
trie. Ses ouvrages les plus importants sont .-
Lectiones opticœ et geometricœ, etc. (Londres,
1674, in-l»), Lectiones habitai in scholis, etc.
(1684); et les éditions d'Archimède, des' Elé-
ments d'Euclide, des Coniques d'Apollonius, etc.
BARBOW (Jean), compilateur anglais du
xvmc siècle. On lui doit deux ouvrages qui
curent du. succès en Angleterre, un Diction-
naire géographique, et surtout un A brêgé chro-
nologique, ou Histoire des découvertes faites
par les Européens dans les différentes parties
du monde (Londres, 1756). Ce dernier ouvrage,
• qui ne parut avec le nom de son auteur qu en
1765, fut traduit en français par Targe, et
publié à Paris (1766, 12 vol. in-12).
BARROW (Jean), voyageur anglais, né en
17(,4, mort en 1S48. Il accompagna lord Ma-
cartney dans son ambassade en Chine, puis
au cap de Bonne-Espérance, et, de retour en
Angleterre, il fut appelé au poste de secré-
taire de l'amirauté. Dans ces fonctions im-
portantes, il rendit de véritables services à la-
science, par l'appui constant qu'il prêta aux
expéditions entreprises par les Franklin, les
Ross, les Back, etc., notamment dans les ré-
gions circumpolaires. Il fut nommé baronnet,
et devint membre de la plupart des sociétés
savantes de l'Angleterre, président de la Sor
ciété géographique de Londres, etc. Ses prin-
cipaux ouvrages sont : 7'ravels in South Africa
(Voyages dans l'Afrique méridionale, 17D7
1798, 2 vol. in-4°), traduit en français par de
Grand-Pré et par un anonyme, qu'on croit
être Walckenaer ; Voyages en Chine en 1794,
Londres (1804) , traduit en français par de
Castera; Voyages en Cochinekine (1806), trad.
en français par Malte-Brun ; A chronological
Htstory of Voyages into the arctic régions
(Londres, 1S3S) ; et une série de biographies
de marins célèbres, Anson, Drake, Smith, etc.
BARROYER v. n. ou int. (ba-roi-ié — rad.
barreau). Fréquenter le barreau, [\ V. mot.
DARROZZI (Giaeomo),arehiteeteitalien, plus
connu sous le nom de Vignole.
BARRUEL (abbé Augustin de), littérateur
français, né à Villeneuve-de-Berg en 1741,
mort en 1820. Membre de l'ordre des jésuites
lorsque ceux-ci furent expulsés de France, il
se rendit successivement en Bohême, en Mo-
ravie et à, Vienne, où il se livra k l'enseigne-
ment, puis il vint s'établir à. Paris en 1774,
avec la qualité d'aumônier de la princesse
de Conti. Bientôt après, il devint collabora-
teur de Fréron à l'Année littéraire, puis il lit
paraître les Helviennes ou Lettres provinciales
philosophiques (Paris, 1788, 5 vol.), dans les-
quelles il attaquait la philosophie de son temps
avec une extrême violence et en mettant en
cause les personnes mêmes. Il poursuivit son
système de polémique haineuse et passionnée
dans le Journal ecclésiastique, qu'il rédigea
jusqu'en 1792. A cette époque, il passa en
Angleterre, où il lit paraître ses Mémoires sur
le jacobinisme (1707, 1813. 5 vol.) , ouvrage
rempli d'exagération et de mensonges, mais
qui fit beaucoup de bruit, parce qu'on le pro-
hiba. Après le 18 brumaire, il publia un opus-
cule dans lequel il prêchait l'obéissance et la
soumission a l'autorité du premier consul. En
récompense de cet écrit, Bonaparte le nomma
chanoine de la cathédrale de Paris. Peu de
temps après, parut son livre Du pape et de ses
droits religieux (1803), apologie du concordat,
qui lui valut une réfutation vigoureuse de
1 abbé Blanchard. Il passa ses dernières an-
nées dans le même poste, bien qu'il se fût
toujours empressé d'apporter ses protesta-
tions de fidélité à chaque pouvoir nouveau.
Outre les ouvrages cités plus haut, mention-
nons : Collection ecclésiastique ou Recueil
complet des ouvrages faits depuis l'ouverture
des états généraux, relativement au clergé
(1731-32, 14 vol. in-8°); Histoire du clergé de
France pendant la Iléuolution (1794 et 1804,
2 vol.); Du principe et de l'obstination des ja-
cobins (I8l'4), etc. Tous ces ouvrages, dirigés
contre les principes de 1789, la Révolution,
les francs-maçons, etc., sont écrits par un
homme de talent, mais avec une partialité ré-
voltante, et un esprit de dénigrement qui leur
enlève toute autorité.
BARRCEL- BEAU VERT (Antoine- Joseph,
comte de), publiciste français, né en 1756 au
château de Beauvert près de Bagnols, mort
en 1817. Cousin de Rivarol, il s'affubla comme
lui du titre de comte, grâce auquel il lit un
bon mariage, obtint le commandement d'une
compagnie de réforme des dragons de Bel-
zunce, puis celui d'une compagnie de la mi-
lice de Bretagne, et vécut à Paris dans l'inti-
mité des gens de lettres. Lorsque éclata la
Révolution, et qu'il vit menacés les privilèges
d'une caste au sein de laquelle ii s'était intro-
duit de son autorité privée, il se crut profon-
dément lésé dans ses droits et devint un des
plus ardents défenseurs de la noblesse. Après
avoir habité quelque temps Bagnols, où il de-
vint commandant de la garde nationale, en
1790, il retourna a Paris. Il y publia quelque
temps un journal intitulé le Royaliste, s'offrit
comme otage de Louis XVI après la fuite de
-Varennes, accourut près du roi le 20 juin 1792,
ce qui lui fit envoyer le lendemain la croix de
Saint-Louis, et, après le 10 août, vécut dans
la plus profonde retraite, tant que dura la
Terreur. En 1795, il devint le principal rédac-
teur des Actes des apôtres, journal qui n'a de
commun que le titre avec celui du royaliste
Peltier. Condamné en 1797 à la déportation,
ii parvint à se soustraire à toutes les recher-
ches. Quelques brochures, qu'il publia contre
le 18 brumaire, le firent enfermer au Temple
pendant deux ans. Il en sortit en 1802, grâce
a l'intercession de Joséphine, qui, au lieu
d'une préfecture sollicitée en vers et en prose,
lui lit obtenir enfin, en 1S08, une place d'in-
specteur des poids et mesures à Besançon. En
1815, le comte Barruel ne pouvait manquer de
reparaître sur la scène, ce qu'il fit en jouant
un rôle exécrable, celui de dénonciateur. Un
rôtisseur nommé Biennais fut, entre autres,
dénoncé par lui comme un des auteurs des
massacres de septembre. Le tribunal con-
damna à cinq francs d'amende le calomnia-
teur, qui ne put fournir de preuve, et acquitta
Biennais ; mais celui-ci, ruiné par le seul fait
de cette calomnie, perdit la raison et se tua.
Le colonel comte de Barruel-Beauvert, comme
i! ne manqua jamais de se faire appeler de-
puis qu'il fut nommé commandant de la garde
nationale de Bagnols, a publié plusieurs écrits
qui se ressentent de son manque d'instruction
première, et qui n'ont point échappé à l'oubli.
Nous citerons seulement : Actes des philoso-
phes et des républicains (1807), et Lettres sur
quelques particularités secrètes de l'histoire
pendant Vin terrègne des Bourdons (l 8 1 5 , 3 vol) .
BARRURE s. I. (ba-ru-re — rad. barre).
Techn. Barre d'un corps de luth. J! Petite
irrégularité sur une pipe.
BARRUTINE s. f. (ba-ru -ti-ne). Comm.
Sorte de soie de Perse.
barry ou barri s. m. (ba-ri). Jeune
verrat.
BARRY (Gérald), savant anglais, également
connu sous le nom de Ciraldus Cambrensis,
né dans le pays de Galles vers 1146, mort
vers 1220. Il fut envoyé' en France pour y
achever ses études, et, de retour en Angle-
terre, il se signala par ses talents, mais sur-
tout par son caractère inquiet, ardent et am-
bitieux. A la mort de son oncle, l'évêque de
Saint-David, il fut appelé par le chapitre à
lui succéder; mais écarté de ce siège par
Henri II, il retourna à Paris, où il se livra
surtout à l'étude de la théologie et des décré-
tâtes, et où on lui offrit, en 1179, une chaire
de droit canon, qu'il refusa. L'année suivante,
il revint en Angleterre, fut chargé par l'ar-
chevêque de Cantorbéry d'administrer l'évê-
ché de Saint-David, dont le titulaire avait été
chassé, puis il futnommé chapelain de Henri II,
et, en 1185, secrétaire et conseiller du prince
Jean, en Irlande . Il y recueillit les ma-
tériaux de sa Topographie de l'Irlande, ou-
vrage rempli de fables et d'erreurs grossières,
que, pendant trois jours, il lut publiquement
à Oxford en 1187. Après avoir prêché la croi-
sade aux Gallois en 1188, il fut chargé d'ad-
ministrer te royaume en l'absence de Richard
Co3ur-de-Lion. Le siège de Saint-David, objet
de son ambition, étant de nouveau devenu
vacant en 1198, on l'engagea à se porter comme
candidat, n Un homme digne de l'épiscopat ne
doit pas le demander, mais être demandé, »
répondit-il. Désigné par le chapitre, il fut
écarté par le roi Richard,, comme il l'avait
été déjà par son prédécesseur. Barry prit la
détermination d'en appeler au pape ; il fit trois
voyages à Rome, mais sans succès, et, renon-
çant pour toujours aux affaires du monde, il
termina sa vie dans la retraite après avoir
refusé, en 1215, ce même évêchè de Saint-
David, que cette fois on lui avait offert. Barry,
dont le plus grand défaut était une vanité
excessive, professait pour les moines une
véritable aversion. Il ajouta, dit-on, à l'orai-
son dominicale cette variante : Seigneur, 'dé-
livrez-nous de la méchanceté des moines [A
.monachorum malilia libéra nos, Domine). Ses
principaux ouvrages sont : Topographia Hiber-
niœ, publiée avec son Historia Vaticinalis
de expugnatione Hiberniœ (Francfort, 1G02) ;
Itinerarium Cambriœ, (1585), etc.
RARRY (Melchisédech), fameux opérateur
du Pont-Neuf, né vers 1574, mort à Amiens
vers 1654, brillait k Paris dans la première
moitié,, et' même dès les premières années
du xvne siècle. Il se tenait sur la place
Dauphine et s'intitulait pompeusement méde-
cin chimique, par opposition aux galéniques
de la Faculté, indépendamment de leur singe,
de leur Marocain et du masque italien dont il
s'affublaient, les charlatans, qui aimaient à se
donner une physionomie étrangère afin d'ex-
citer plus fortement la e;>riositê de la foule,
se choisissaient des femmes qui pussent com-
pléter la physionomie exotique de la troupe.
Barry eut tour à tour des compagnes ita-
lienne, anglaise, flamande, etc.. Ses courses en
tout pays le mettaient à même de satisfaire
largement son goût pour la variété. Entre
autres excursions, Barry fit plusieurs fois le
voyage de Rome. La première fois qu'il s'y
rendit, la peste y exerçait de grands ravages,
et les cardinaux mêmes prenaient la fuite.
Notre médecin chimique alla trouver le pape
et lui vanta avec tant d'éloquence la vertu
de- son antidote, qu'il le détermina à rester,
ainsi que les hauts personnages qui se dispo-
saient à abandonner la ville. Puis, sans perdre
de temps, il fit élever un splendide théâtre
sur la place Navone, et travailla si bien avec
ses remèdes, qu'en moins de quinze jours la
maladie fut arrêtée. L'opérateur se vit com-
blé d'honneurs et de biens. Le pape lui fit pré-
sent d'une médaille d'or, frappée en son hon-
neur et portant, avec son effigie, l'inscription
suivante ; LnkocentjuS Decimus Baekido,
URBIS SANATOR1, AKNO SALUTIS M DC XL1V.
Barry rentra en France avec deux belles Ro-
maines, les signore Morini et Colombina, qui
ne purent se séparer de lui. Il arriva un jour
à la célèbre foire de Guibray, suivi de sa
troupe, troupe admirable, qui s'était récem-
ment augmentée d'un Trivelin, fils naturel
qu'il avait eu d'une Egyptienne. Ce Trivelin
était un beau garçon qui, ie premier, dansa
sur la corde sans balancier. La foule, attirée
par les riches décorations que Barry avait
rapportées de Venise, l'excellence et la répu-
tation de ses remèdes, la variété de ses pièces
italiennes, jouées par de bons acteurs, affluait
autour de lui et achetait son remède souve-
rain. Mais il faillit, dans cette ville, mourir
empoisonné publiquement par la Morini, qui
était jalouse et se croyait moins aimée que la
Colombina. Sa marchandise, employée à" pro-
pos, le sauva. Voyant son coup manqué, la
Morini corrompit le Trivelin et ramena à pro-
fiter de la confiance de son père pour lui voler
tout ce qu'il avait d'or et d argent et fuir de
Guibray. Barry descendit à Rouen, alors dé-
solé par le pourpre, et délivra la ville de cette
maladie. Puis il alla courir le royaume et les
pays étrangers, sans rien changer de son
fenre de vie, quoiqu'il fût septuagénaire. Ce
. nt à Amiens qu'iltermina son existence' aven-
tureuse. Un sauteur, qu'il avait amené de Por-
tugal, le vola de concert avec Colombina;
puis tous deux se sauvèrent en Hollande.
Son esprit succomba à ce coup, qui brisa en
même temps un corps ruiné par quatre-vingts
ans de travaux et de plaisirs, o Le grand
Barry, le favori des princes, le vainqueur de
la mort, s'en fut mourir à l'hôpital, où, dit
M. Fournel, touché enfin de la grâce, il pleura
amèrement ses fautes et eut la fin la plus
édifiante. » Il est vrai que le vieillard était
fou, ce qui nuit à l'effet dû tableau. Dancourt,
en 1702, a mis en scène ce contemporain de
Mondor, de Tabarin et de l'Orviétan, sous ce
titre : l'Opérateur Barry ; dans le prologue
de cette comédie, l'auteur fait dire à son hé-
ros : « Il y a quatre-vingt-treize ans, je fai-
sais un bruit de diable à Paris, i Ce qui
reporte à 1609 l'époque dont il est question.
Il existe en outre une Histoire de Barry, Fi-
landre et Alison, publiée à la suite du Voyage
de Guibray (1704), curieux et rarissime petit
livre qui fait comme la suite naturelle du Da-
man comique. Cette Histoire de Barry est ra-
contée par la propre fille de l'habile médecin
chimique, dans le plus grand détail. L'auteur
des spectacles populaires a esquissé celte phy-
sionomie, que les Biographies soi-disant géné-
rales et les dictionnaires de toutes sortes ont
oubliée. Nous ne pouvions, nous, laisser dans
l'oubli, un nom qui fit tant de bruit autrefois,
et qui revient souvent encore sous la plume
des chroniqueurs du vieux Paris.
BARRY ou BARRI (Paul de), écrivain ascé-
tique français, né à Leucate en 1587, mort en
1661, à Avignon. Membre de l'ordre des jésui-
tes, il devint provincial de la province de Lyon
et composa un assez grand nombre de livres
de dévotion mystique. La singularité de leurs
titres et des idées qu'ils contiennent, mais sur-
tout le ridicule dont Pascal les a couverts, les
ont seuls préservés de l'oubli qu'ils méritent à
tous les points de vue. L'un d'eux, toutefois, in-
titulé Pensez-y bien! est encore lu aujourd'hui
par quelques âmes dévotes, éprises des mys-
ticités.
BARRY (Spranger), célèbre acteur irlan-
dais, né à DuWin en 1719, mort en 1777. Fils
d'un orfèvre, il se sentit entraîné par un irré-
sistible goût pour le théâtre, et, abandonnant
la profession .paternelle, il débuta à Cork en
1744, avec le plus grand succès, dans le rôle
d'Othello. Son talent ne tarda pas a le faire
appeler à Dublin, puis, en 1746, a Londres, où
il joua au théâtre de Drury-lane. Bien que la
scène anglaise possédât alors des acteurs tels
que Garrick, Quin et Cibber, Barry se montra
leur digne rival. Il excellait surtout dans les
rôles passionnés, dans les situations pathéti-
ques, et jamais, dit-on, il n'a été égalé dans
le rôle d'Othello. L'affiuence qui se portait
chaque soir au théâtre pour entendre de tels
acteurs était si grande, qu'elle devint funeste
à plusieurs spectateurs, et qu'il n'était pas
rare alors d'entendre dire : " un tel est mort
d'une fièvre, d'un rhume donné par Garrick,
Quin ou Barry. « — De retour en Irlande, en
1758, ce dernier fit construire des salles de
spectacle à Dublin et à Cork; mais, en 1706,
il revint à Londres, où il continua a jouir do
la faveur du public jusqu'en 1773, année de
sa retraite.
BARRY (du), famille noble de Toulouse, qui
prétendait descendre des Barri-More d'Ecosse,
branche cadette 'des Stuarts. Elle avait pour
devise et pour cri d'armes : Boulez en avant.
Malgré ses prétentions à une antique et illus-
tre origine, elle n'est célèbre que pour avoir
donné son nom à la maîtresse de- Louis XV,
Mnie Du Barry. L'aîné de la famille était alors
le comte Jean du Barry de Cérès, né à Lévi-
gnac, prés de Toulouse, en 1722. Il fut d'abord
employé dans la diplomatie et remplit diverses
missions en Angleterre, en Allemagne et en
Russie. Disgracié sous le ministère Choiseul,
il se livra aux plaisirs et devint un des roues
les plus fameux de son temps, vivant noble-
ment du jeu et des femmes. Ce fut lui qui
trouva, dans un tripot, celle qu'on nommait
la petite Lange. Il exploita d'abord sa beauté
en la produisant dans le monde, puis la pré-
senta à Lebel, parvint à la donner comme
maîtresse à Louis XV et lui fit épouser son
frère Guillaume. Pendant tout le temps de la
faveur de cette femme, il vécut royalement
du Trésor public, s'enfuit en Suisselors de la
mort de Louis XV, puis revint à Toulouse, où
il se fit nommer colonel de la garde nationale
à l'époque de la Révolution. Prévenu de con-
spiration, en nivôse de l'an II, il fut condamné
à mort et décapité.
Son frère puîné, Guillaume,.comte du BaîîRY,
avait été officier ides troupes de la marine et
vivait fort maigrement à Toulouse, lorsqu'il
fut appelé à Paris par son aîné, pour donner
son nom à la maîtresse du roi. Aussitôt après
ce mariage, il revint dans sa ville natale y
dépenser les revenus que lui valut son iguo-
270
BAR
BAR
BAR
BAR
minie. Après la mort de la comtesse, il se re-
maria et eut un fils qui devint colonel.
Pour les autres détails, -voyez l'article ci-
dessous, consacré à la comtesse Du Barry.
Le plus jeune des trois frères , Elie du
Barry, créé comte d'Hngicourt et lieutenant
général, devint capitaine dos cent suisses du
comte d'Artois, et mourut en 1S30.
On compte encore quelques autres membres
de cette famille, qui s'élevèrent a des emplois
assez importants pendant la faveur de Mmc Du
Barry.
BARRY (Marie-Jeanne Gomard de Vauber-
nier, comtesse Mj), née à Vaucouleurs le
19 août 1743, décapitée le 18 frimaire an If
(8 décembre 1793). Nous avons inscrit ici son
nom officiel de Gomard de Vaubernier ; mais,
en réalité, ce nom ne lui appartenait point, et
c'est par une erreur longtemps consacrée
qu'on le fait figurer dans toutes les biogra-
phies et dans les ouvrages sur l'histoire de ce
temps. Certains écrivains, comme M. Cape-
figue, qui se sont donné pour mission de réha-
biliter, de glorifier même les anciennes pros-
tituées royales, ont cru sans doute- rehausser
M™e Du Barry en acceptant complaisamment
l'espèce de généalogie qu'elle s'était faite elle-
même, et en la faisant même descendre, par
les femmes, de Jeanne Darc. La vérité est
qu'elle était fille naturelle d'une pauvre femme,
nommée Anne Bécu, dite Quantigny, et qu'elle-
même se nommait simplement Jeanne Bécu.
Lors de son mariage, comme elle était déjà la
maîtresse du roi et qu'il s'agissait, pour la
produire à la cour, de lui constituer une posi-
tion, un état, comme on disait alors, on pro-
duisit un faux, acte de naissance, fabriqué par
les soins d'un pauvre abbé nommé Gomard,
qui fit placer dans cet acte le nom de son pro-
pre frère, Jean-Jacques Gomard de Vauber-
nier, mort depuis longtemps, comme père de
Jeanne Bécu. L'occasion parut bonne égale-
ment pour rajeunir l'idole de trois ans et la
faire naître en 1746; détail caractéristique et
où se trahissent bien les préoccupations de la
femme. L'abbé Gomard, qui semble avoir bien
connu le père de Mme Du Barry, s'il ne l'était
lui-même, fut récompensé de son zèle par des
largesses dont il avait le plus pressant besoin
(il manquait de tout, même d habits), et par
la place d'aumônier du roi. Les preuves in-
contestables de tout ceci se trouvent à. la bi-
bliothèque de Versailles , où sont déposés
quinze dossiers de papiers relatifs à M"" Du
Barry et à sa famille, et qui proviennent, en
grande partie, du château de Luciennes (ou
Louveciennes), appartenant, comme on le sait,
à la célèbre favorite. Le savant bibliothécaire
de Versailles, M. Le Roy, qui a étudié tous
ces documents en érudit, en a tiré des rensei-
gnements d'un vif intérêt pour un des mor-
ceaux de son excellent ouvrage : Curiosités
historiques (in-8<>, 1804, Paris, H. Pion), au-
quel nous emprunterons encore quelques dé-
tails dans le cours de cette notice.
Bien des années après la mort de Mme Du
Barry, des héritiers se disputèrent longtemps
les lambeaux de sa fortune : les Gomard d'un
côté, et de l'autre les Bécu. Ces derniers con-
testèrent même à- leurs rivaux le titre d'héri-
tiers. Ils démontrèrent que l'acte de naissance
produit lors du mariage de Jeanne Bécu avec
le comte Du Barry et déposé à la paroisse
Saint-Laurent, à Paris, était une pièce fausse,
et ils produisirent l'acte réel, levé à Vaucou-
leurs le 25 septembre 1827, et constatant que
M"ie Du, Barry était fille naturelle d'Anne
Bécu. Un jugement du tribunal civil de pre-
mière instance de la Seine, du 9 janvier 1829,
confirmé par arrêt de la cour royale de Paris,
du 22 février 1830, leur donna gain de cause
et les reconnut comme seuls et légitimes hé-
ritiers. Ces faits authentiques, attestés non-
seulement par les pièces de la bibliothèque
de Versailles, mais encore par les collections
et les journaux judiciaires, n'ont pas empêché
des historiens-romanciers, comme M. Capefi-
gue, de donner à Mm« Du Barry une naissance
nome, comme si, d'ailleurs, les turpitudes de
sa vie pouvaient être atténuées par le plus ou
moins d'éclat de son origine.
Il faut que les chevaliers de cette héroïne
du vice en prennent leur parti : elle était bâ-
tarde et de race populaire, et c'est tant pis
pour la roture. Quant à. son père, il n'existe
aucune pièce authentique pour fixer les con-
jectures, et les suppositions ont désigné tour
a tour cet abbé Gomard, cité plus haut, et un
certain religieux minime de Picpus, nommé
frère Lange (on sait qu'elle-même commença
sa carrière galante sous le nom de mademoi-
selle Langé). Quelques années après sa nais-
sance, sa mère épousa un petit commis aux
aides, nommé Rançon, que la favorite pen-
sionna plus tard.
Amenée jeune à Paris, la petite Bécu fut
placée d'abord dans un couvent par la protec-
tion du frère Lange, puis chez un sieur La-
bille, marchand de modes rue Saint-Honoré ;
enfin elle entra, comme demoiselle de com-
pagnie, chez une dame de La Garde, veuve
d'un fermier général, puis chez Mme de la
Verrière, autre salon financier fréquenté par
une nombreuse compagnie jle gentilshommes
spirituels et libertins. On sait ce qu'était alors
la haute société : l'exemple du vice et de la
corruption descendait du trône, et la vieille
monarchie s'éteignait, comme les antiques
empires de l'Asie, dans les paroxysmes d'une
débivuo.lie sans frein. Douée d'une beauté écla-
tante, dévorée de la passion du luxe, née pour
ainsi dire avec l'instinct du vice, la future
favorite trouva sa place naturelle dans cette
saturnale et passa par la prostitution pour ar-
river à la fortune. Suivant le témoignage h
peu près unanime des contemporains, elle fut
une des pensionnaires de la Gourdan, entre-
metteuse célèbre, dont la maison peuplée de
beautés vénales était le rendez-vous de tous
les riches débauchés. C'est pendant cette pé-
riode de sa vie qu'elle fut distinguée par un
roué fameux, le comte Jean Du Barry, qui lui
donna, dit-on, le surnom de l'Ange, a cause
de sa beauté. 11 parait d'ailleurs plus probable
qu'elle-même avait pris ce nom en souvenir
de son protecteur, le moine de Picpus, comme
nous l'avons remarqué plus haut, et sans doute
aussi parce que son propre nom de Bécu ne
brillait pas précisément par la grâce et la dis-
tinction. Nous savons déjà que celui de Vau-
bernier ne lui fut attribué que par le faux
acte de naissance qui servit pour son contrat
de mariage.
Une chose encore qui était alors de noto-
riété publique, c'est que le comte Du Barry
exploita la beauté de sa maîtresse pour soute-
nir le train de sa maison, et qu'il l'offrit au
fameux valet de chambre Lebel, dont le princi-
pal emploi est suffisamment connu. M"" Lange
(ou l'Ange, peu importe) fut présentée au roi
par l'ignoble pourvoyeur. Le débauché sexa-
génaire fut subjugué dès la première entre-
vue, et la pensionnaire de la Gourdan s'élova,
sans transition, de la condition de fille pu-
blique au rang si envié de maîtresse royale
(1768). Depuis la mort de Mme (Je Pompadour
(1764), Louis XV n'avait plus de maîtresse en
titre, et il commençait à se fatiguer de ses
obscures amours du Parc-aux-Cerfs. La beauté
du nouvel objet de sa passion, et sans doute
aussi l'expérience immonde qu'elle avait ac-
quise dans sa vie de libertinage, plongèrent
le vieillard dans une ivresse qui débordait en
confidences où sa dépravation s'étalait avec
naïveté. La petite Lange, qui avait passé par
l'école d'éqmtation du lupanar, en faisait voir
au vieux roi de toutes les façons. C'est ainsi
qu'il avouait à ses intimes que jamais il n'a-
vait trouvé tant de charme dans l'amour.
« On voit bien, dit avec une gaieté cynique le
duc d'Ayen, que Votre Majesté n'est jamais
allée voir les filles. ■ Parfois , cependant, il
paraissait sentir son abjection, et, un jour, il
dit au duc de Noailles : « Je sais bien que je
succède à Sainte-Foix... — Sirej reprit le duc
en s'inclinant, comme Votre Majesté succède
& Pharamond. » D'autres fois , l'épigramme
revêtait la forme poétique ; en voici une, que
l'on attribue généralement au duc de Ni-
vernais :
Lisette, ta beauté séduit
Et charme tout le monde ;
En vain la bourgeoise en gémit
Et la duchesse en gronde :
Chacun sait que Vénus naquit
De l'écume de l'onde.
Ces boutades montrent assez fidèlement
quelle était, dans l'origine, l'opinion de la cour
sur l'étrange liaison du roi. Malgré, sa pro-
fonde immoralité, cette société, par un reste
de dignité qui s'alliait k des répugnances aris-
tocratiques, ne prit point d'abord le soin de
dissimuler son dégoût. En outre, trait do
mœurs curieux à noter, les grandes dames
étaient outrées de voir le souverain choisir
une maîtresse d'une si basse extraction.
Cependant Louis XV. emporté, comme
toujours, par son sensualisme effréné; s'atta-
chait de plus en plus a cette Vénus impudi-
que qu'on chansounait, dans toute la France,
sous le nom de la Belle Bourbonnaise. Il brû-
lait du désir de l'afficher comme maîtresse en
titre (la maîtresse en titre était une véritable
institution dans l'ancienne monarchie) ; mais,
pour produire une telle femme à la cour, il
iallait qu'elle eût un nom, un titre, un état.
Le comte Jean Du Barry était marié, et, ne
pouvant réserver pour lui-même les avan-
tages d'une nouvelle infamie , il résolut de
marier M""» Lange à sqn propre frère, le
comte Guillaume Du Barry, afin de conserver
par cette alliance son ascendant sur l'esprit
de la nouvelle favorite, dont il avait préparé
la fortune. Le frère Guillaume était un pau-
vre officier gascon qui n'était pas plus scru-
puleux que le comte Jean. A la première ou-
verture, il accourut de Toulouse, muni du
consentement de sa mère, accepta, les yeux
fermés, toutes les conditions, et enfin épousa,
le îcr septembre 17G8, à la paroisse Saint-
Laurent, Mlle Lange, devenue Jeanne Go-
mard de Vaubernier. Le contrat de mariage,
qui existe à la bibliothèque de Versailles et
dont M. Le Roy a reproduit le texte dans l'ou-
vrage que nous avons cité plus- haut, stipu-
lait une entière séparation de biens entre les
deux époux, et laissait la nouvelle comtesse
Du Barry absolument libre de ses actions. Le
comte ne figurait dans cet acte singulier que
pour donner son nom. La comédie matrimo-
niale achevée, il retourna à Toulouse, grasse-
ment rente, pendant que Mme Du Barry venait
s'établir définitivement à Versailles. Elle eut
un hôtel en ville pour ses équipages et ses
gens, et un appartement dans le château, au-
dessus de celui du roi, qui pouvait, par diver-
ses communications, lui rendre visite à toute
heure et sans être vu (cet appartement fut,
dans la suite, approprié pour Marie-Antoi-
nette). Cependant, si la favorite était instulléa
au château, elle ne voyait le roi qu'on parti-
culier-, elle ne pouvait monter dans les car-
rosses de la cour; elle ne paraissait point aux
dîners, aux grandes réceptions; en un mot,
elle ne faisait point partie des dames; il fal-
lait? pour cela, qu'elle fut présentée. Lo roi le
désirait aussi ardemment qu'elle. Mais cette
présentation dut être laborieusement négo-
ciée comme une afTaire d'Etat, et les femmes
les plus décriées de la cour s'y montraient
opposées, sinon par délicatesse, au moins par
orgueil. Elle eut lieu cependant, en avril 17G9,
en présence de toute la cour et devant les
filles du roi. Mme Du Barry eut, dès lors, une
position officielle, une maison, une liste civile,
une cour ; et le grand Frédéric put baptiser,
en son langage soldatesque, la nouvelle sou-
veraine du nom de Cotillon II I. (Les deux
autres étaient Mmes de Châteauroux et de
Pompadour.)
Tous les Du Barry des deux sexes accouru-
rent du fond du midi, pour prendre part a la
curée ; moins, toutefois, l'époux honoraire, qui
dut continuer a s'engraisser de sa honte à
deux cents lieues de Versailles. Il exploitait,
d'ailleurs ? en conscience sa situation, et ii
fatigua si souvent la comtesse de ses exi-
gences pécuniaires, qu'elle finit par le mettre
a la portion congrue, en lui constituant une
rente de 5,000 livres et en obtenant une sen-
tence du Châtelet de Paris, du 1er avril 1772,
qui prononçait la séparation de ces deux
époux qui jamais n'avaient été réunis. Quant
au comte Jean, le ruffian émérite, il eut l'art
de conserver sa position et de rester auprès
de la comtesse, comme une manière de direc-
teur spirituel. Il en retira plus d'un million,
cominfe cela résulte des comptes aujourd'hui
déposés aux archives de Seine-et-Oise. En
outre, par l'influence de Mme Du Barry, il
maria son fils, le vicomte, personnage aussi
mal famé que lui, à une tille de grande mai-
son apparentée aux Soubise et aux Condé. Le
roi et la famille royale signèrent le contrat de
mariage, et le vicomte Du Barry fut nommé
capitaine des suisses du comte d'Artois, pen-
dant que sa femme trouvait, dans sa corbeille,
200,000 livres, petit cadeau de la favorite.
Cette dernière n oublia pas non plus sa propre
famille ; par ses soins, la mère Bécu fut trans-
formée en J/me de Montrable et installéo au
domaine de la Maison-Rouge, à Villiers-sur-
Orge. Le beau-père Rançon eut également
part à ces largesses, et, lorsqu'il fut devenu
veuf, il reçut une pension de 2,000 livres, que
la Révolution eut l'inconcevable distraction
de lui continuer, et qu'il toucha jusqu'à sa
mort, arrivée en 1801. Une nuée d oncles, de
tantes, de cousins, etc., reçurent également
des pensions.
Quant à ce que Mme Du Barry reçut elle-
même et dévora pendant les six années ou
elle fut reine de France, il serait, croyons-
nous, difficile de l'indiquer d'une manière pré-
cise. M. Le Roy, d'après les comptes des ar-
chives de Seinë-et-Oise et de la oibliothèque
de Versailles, porte à 12,500,000 livres lo total
des sommes que reçut la favorite,- ce qui re-
présenterait aujourd'hui au moins-30 millions.
Malgré l'énormité de cette somme, elle est
certainement bien au-dessous de la réalité.
Beaucoup de papiers, mémoires de fournis-
seurs, états de dépense, etc., ont été disper-
sés. Parmi ceux qui restent dans les collec-
tions publiques, on n'a qu'à jeter un coup
d'œil sur les seuls mémoires de fournisseurs,
dont MM. de Goncourt, Le Roi et autres ont
publié de nombreux extraits , et l'on sera
épouvanté de la prodigalité inouïe, du luxe
féerique, des dépenses fabuleuses de la trop
fameuse comtesse, qui occupait constamment
une armée de sculpteurs, dé peintres, de joail-
liers, d'orfèvres, de modistes, etc. La simple
description des objets énumérés dans ces mé-
moires formerait une véritable encyclopédie
du luxe, des modes et de la fantaisie, à cette
époque où la passion des ruineuses futilités,
des bijoux, des pierreries, des étoffes précieu-
ses, etc., fut poussée, comme on le sait, jus-
qu'à la folie. On y voit figurer, par exemple,
entre des milliers,d'articles, un moutardier de
5,184 livres, deux cuillers à sucre de 2,054 1.,
quatre flambeaux de 11,837 1., quelques dou-
zaines d'assiettes et plusieurs flambeaux de
30,174 1., une tasse à lait de 2,G87 1., un tapis de
12,4961., un portrait de la comtesse de 15,0001.,
un buste en porcelaine de 12,000 1., une pomme
de canne pour un valet de 546 1., des boucles
d'oreilles en diamants de 1 20,000 1., et ces robes
lamées d'or et d'argent, mordorées, souta-
chôes d'or, relevées de broderies, de la valeur
de 12,0001.; ces manchettes de 1,000 1.; ces gar-
nitures de peignoir de 3,000 1.; ces déshabillés
de 5,000 1.; ces toilettes de point d'Argentan de
9,000 1.; ces coiffes de nuit de 2,000 1., etc., et
ces notes de parfumeurs de plus de 50,000 1.,
et ces monceaux de joyaux, de bijoux, de dia-
mants, de perles, d'émeraudes, (le rubis; ces
meubles précieux, ces tableaux, ces sculptu-
res, dont rémunération donne le vertige et qui
eussent suffi a remplir un musée. Il faut rap-
peler encore que la favorite avait une maison
vraiment royale, ses pages, sa musique, son
aumônier, un peuple de valets qui occupaient,
avec les équipages, toute la rue de l'Orange-
rie à Versailles , plus deux vastes hôtels en
ville , enfin son pavillon de Luciennes , qui
était une merveille de richesse et d'art. On
sait aussi qu'elle puisait â pleines mains dans
le Trésor, où ses bons étaient reçus comme
ceux du roi.
Toutes ces profusions venaient s'ajouter
aux 40 millions et plus qu'avait coûtés Mme do
Pompadour, aux dépenses secrètes du Parc-
aux-Cerfs, et autres menus frais de galanteries
royales. Il ne faut pas oublier qu'alors, outre
la dette exigible, les dépenses publiques ex-
cédaient les revenus de près de 70 millions
par an. La France mourait de faim, mais les
plaisirs du roi n'en souffraient heureusement
point d'interruption.
Quand on vit que lo roi était entièrement et
définitivement subjugué par M'»e Du Barry,
une grande partie de la cour se tourna vers
l'astre nouveau, jusqu'au duc d'Ayen, mé-
chante langue qui avait décoché de sanglantes
épigrammes, jusqu'à un prince du sang, lo
comte de La Marche, cadet des Conti. La
bassesse des courtisans apparut là dans tout son
jour. Mais, on lo sait, c'était moins les vices
de la comtesse que le néant de sa naissance
que ce monde-là lui reprochait, et les grandes
dames ressentaient moins d'indignation contre
son immoralité que de jalousie contre ses suc-
cès. Elle tint son cercle, elle eut son parti ; le
maréchal de Richelieu, le prince de Soubise,
le'chancelier Maupeou et le duc d'Aiguillon
étaient les coryphées do cette coterie, qui de-
vint lo centre de l'opposition contre le minis-
tre Choiseul. Chose piquante, cette courtisane
qu'on accusait publiquement de sortir des plus
mauvais lieux, devint l'espoir et l'appui, du
parti jésuite, le drapeau do la cabale dévote
et antiphilosophique. Déjà, lors de la grande
affaire de 'la présentation, le duc de La Vau-
guyon, l'âme damnée de la compagnie, jugeant
qu il était plus habile d'exploiter les vices du
roi dans l'intérêt de la bonne cause que de les
combattre de front, s'était lestement rangé du
côté de la Du Barry et avait entraîné l'adhé-
sion de Mesdames, les pieuses filles du roi, en
leur représentant que cette femme pouvait
devenir un instrument utile au renversement
de Choiseul et des pailemBntSj et au rappel
des jésuites. L'ancienne pensionnaire de la
Gourdan se prêta d'assez bonne grâce à res-
taurer la religion, l'autorité et les Donnes
mœurs. Comme toutes les filles , elle avait
d'ailleurs une tendance au bigotisme,qui pou-
vait passer pour de la piété? et elle profitait
trop largement de l'absolutisme royal pour
n'en pas désirer l'affermissement. En outre,
elle avait elle-même besoin d'appui contro
Choiseul, qui ne dissimulait point la répu-
gnance qu'il ressentait pour elle, moins peut-
être par un scrupule de moralité que par ri-
valité d'influence, car il avait, dit-on, espéré
la même position pour sa sœur, l'altière et
spirituelle duchesse de Grammont. Onsaitquo
cet avilissant honneur était alors le rêve de
toutes les femmes de la cour.
Telle était cette société.
La puissance de la favorite se manifesta
par un fait caractéristique : le roi ferma le
Parc-aux-Cerfs et fit vendre à un sieur Sévin
la maison de Versailles désignée sous ce nom.
On expliquait cette influence non -seulement
par la beauté de la comtesse, mais encore par
ses boutades de courtisane, par ses emporte-
ments de bacchante, par les trivialités pitto-
resques de son langage, par son ton hardi, ses
gravelures et ses familiarités joviales, singu-
larités nouvelles et piquantes pour le vieux
débauché saturé d'ennui. On sait qu'elle trai-
tait souvent le roi comme un valet de comé-
die, l'appelant la France, le tutoyant, agaçant
par mille malices d'enfant gâté ce demi-dieu,
fatigué des plates adulations des courtisans.
On connaît cette anecdote : Un jour que
Louis XV, oubliant un moment son café, qu'il
avait coutume de faire lui-même, papillonnait
autour-de la comtesse occupée à se poser des
mouches devant sa psyché, la liqueur, en
bouillant, déborda sur le feu; sans se détour-
ner, la jolie effrontée cria au vieux Céladon :
« Eh! la France, va donc voir; ton café f...
le campt »
C'était par des échappées de cette nature,
par des saillies préméditées qu'elle secondait
les efforts de la cabale. Un jour, en racontant
qu'elle avait renvoyé un do ses laquais, elle
disait au roi : « J'ai chassé mon Choiseul,
quand chasserez- vous le vôtre? » Une autre
fois, elle faisait sauter des oranges dans ses
mains et s'écriait en riant : « Saute, Choiseul!
saute, Praslinl ■
Choiseul sauta en effet, et avec lui Pras-
lin. En décembre 1770, il fut brutalement con-
gédié par le roi, absolument comme Mme Du
Barry avait congédié son valet. A l'article
consacré a ce ministre, on verra que d'autres
causes encore ont déterminé sa chute ; mais il
est certain que la favorite y contribua large-
ment par ses obsessions.
Il s'agissait de faire sauter aussi le parle-
ment, en lutte contre la cour. Le roi hésitai J
à frapper un coup décisif. Bien stylée par
Maupeou, la comtesse ne perdit aucune occa-
sion pour exciter la colère du roi contre les
rooes noires. Un jour, entre autres, elle le
plaça devant un tableau que lui avait, à des-
sein , donné Maupeou . et qui représentait
Charles I" : « Tu vois, la France, si tu laisses
faire ton parlement, il te fera aussi couper la
tête. >
Ou sait les grands coups oui furent frappés
sur ce corps puissant, l'établissement du par-
lement Maupeou , la création de nouvelles
cours, etc. Ici encore, sans ajouter une foi
entière à toutes les anecdotes de ce temps, on
ne peut mettre en doute l'influence de M™" !>"■
BAR
Barry, qui se mêlait moins doctoralement que
Mme de Pompadour des affaires de l'Etat,
mais, enfin, qui s'en mêlait il sa manière. Il
est certain, d ailleurs, que le conseil se réunis-
sait souvent chez elle. C'est grâce à. son cré-
dit que l'abbé Terray entra au ministère, ainsi
que d'Aiguillon, qui peut-être était son amant.
Sa puissance était, dès lors, incontestée, et
ses ennemis n'osaient plus la combattre que
par des bons mots et des chansons. La plus
grande partie de la cour, les plus grands sei-
gneurs, les plus nobles dames, étaient à ses
pieds, littéralement. On n'imagine pas à quel
degré de courtisanerie byzantine, de lâcheté,
de servilité honteuse, descendit cette arro-
gante noblesse envers une créature qu'elle
avait d'abord accablée de ses mépris. Un De
Tresme s'intitulait le sapajou de AI""' la com-
tesse et mettait sa gloire à provoquer, par de
viles singeries, la gaieté triviale et insultante
de la courtisane. Des hommes d'Etat, comme
Maupeou, des magistrats, des princes et des
princesses courtisaient jusqu'à ses animaux
familiers et s'attachaient à capter les bonnes
grâces de sa perruche, de son singe et de son
hideux négrillon, le fameux Zamore, créature
grotesque qu'elle, habillait de soie, d'or et de
pierreries, et que Louis XV, dans un moment
de belle humeur, nomma, par brevet, gouver-
neur du pavillon de Luciennes, avec 1,200 li-
vres de traitement. On raconte même qu'un
jour, sortant à, peu près nue de son lit, elle se
fit, en riant, chausser ses pantoufles par le
nonce du pape et le grand aumônier, le car-
dinal de la Roche-Aymon. Il semble que cette
fille du ruisseau se complût avec volupté à
rendre à tous ces puissants les humiliations
qu'elle en avait reçues.
Cependant, au milieu de cet avilissement du
monde officiel, un simple prêtre, l'abbé de
Beauvais , prêchant devant la cour le ser-
mon du jeudi saint de 1773, osa se faire l'écho
de l'opinion publique, et prononcer devant les
courtisans stupéfiés les paroles suivantes :
« Salomon, rassasié de voluptés, las d'avoir
épuisé, pour réveiller ses sens flétris, tous les
genres de plaisir qui entourent le trône, finit
par en chercher d'une espèce nouvelle dans
les vils restes de la corruption publique. •
Néanmoins, il est certain qu'il fut un mo-
ment question de placer ces vils restes sur le
trône de France. On songea, du moins, à un
mariage morganatique. Cette solution était
vivement appuyée par le parti dévot, qui pla-
çait son espoir' en Mme Du Barry. On rappe-
lait l'exemple de M'uc de Maintenon, et le car-
dinal de Bernis fut chargé de faire pressentir,
à Rome, s'il serait possible de faire annuler le
mariage de la comtesse. On assure qu'une des
raisons canoniques alléguées dans le mémoire
était les faiblesses que cette dame avait eues
pour le comte Jean, frère de l'époux, ce qui
faisait de ce mariage une espèce d'inceste.
Pendant ces négociations burlesques, toute
la France répétait des vers et des couplets
dans lo genre de ce quatrain :
France, quel est donc ton destin,
D'être soumise à la femelle?
Ton salut vint d'une pucelle;
Tu périras par la catin,
Au reste, malgré les sommes considérables
journellement dépensées pour acheter le si-
lence des pamphlétaires ou soudoyer des thu-
riféraires, les libelles en vers ou en prose et
les couplets satiriques circulaient librement
de toutes parts, protégés par l'avidité du pu-
blic et probablement aussi par-les rancunes
du parti Choiseul.
Mais pendant que la favorite se berçait dans
les rêves dorés d'une alliance royale, un évé-
nement vint briser l'édifice de son étonnante
fortune. Louis XV fut frappé par ses propres
vices; une jeune fille à peine nubile, qu'on
avait livrée à sa dégoûtante lubricité, portait
en elle les germes de la petite vérole et les
lui communiqua (Bachaumont). Le 29 avril
1774, la maladie se déclara chez lui, compli-
quée d'un mal honteux qui couvait dans son
sang vicié. Le 10 mai, l'immonde vieillard
était mort. Pendant qu'on emportait au grand
trot, h Saint-Denis, son cadavre putréfié, qui
empestait l'air, la France entière éclatait en
transports de joie, et le peuple enthousiasmé
battait des mains au passage rapide de cette
pourriture, qui avait été un des puissants rois
de la terre, un demi-dieu.
Le lendemain de cette mort, si ardemment
désirée par la nation, le nouveau roi de France
envoya à M™« Du Barry une lettre de cachet
pour lui ordonner de se retirer à l'abbaye de
Font-aux-Dames. Au moment du départ, la
comtesse écrivit une humble supplique à Ma-
rie-Antoinette, qui, dès son arrivée en France,
avait grossi sa cour avec une servilité calcu-
lée , mais dont elle s'était ensuite fait une
ennemie en la surnommant la petite rousse et
en contribuant au renvoi de Choiseul.
Cette pauvre comtesse s'ennuyait fort dans
ce triste couvent , situé au fond d'une forêt
de la Brie , bien qu'elle eût emmené ses fem-
mes pour la parer et qu'elle eût fait venir son
architecte Ledoux, pour lui bâtir un petit
Luciennes. De tant de raillions puisés au Tré-
sor, il ne lui restait que des dettes énormes ;
mais elle avait toujours ses pensions (Louis XVI
lui conserva 150,000 livres par an), ses pro-
priétés et ses immenses richesses en diamants,
joyaux, meubles, objets précieux, etc. Après
avoir végété un an dans son abbaye, elle ob-
tint d'aller séjourner dans son domaine de
BAR
Saint- Vrain, près de Chartres, et enfin, au
commencement de 1776, sur ses suppliques
pressantes, le ministre Maurepas lui permit
de revenir habiter son pavillon somptueux de
Luciennes. Elle vécut tranquille et heureuse
dans cette royale demeure, jusqu'à l'époque de
la Révolution, livrée, comme toujours, à de
folles dépenses, donnant des représentations
théâtrales , recevant grande et nombreuse
compagnie, et occupée d'intrigues amoureu-
ses avec lord Seymour, auquel succéda le duc
de Brissac, le dernier de la bande, massacré a.
Versailles en septembre 1792.
Les richesses accumulées à Luciennes
avaient fait de cette résidence le point de
mire, l'eldorado des voleurs; aussi, de nom-
breuses soustractions y furent-elles commises,
par suite de la négligence ou peut-être de la
complicité des domestiques. Nous mention-
nons ces petits faits, parce qu'ils ont eu un ré-
sultat décisif sur la destinée de Mme Du Barry.
En 1776, un chevalier de Saint-Louis et deux
autres acolytes d'une suprême distinction se
présentent au château, se font introduire au-
près de la comtesse, lui mettent galamment
le pistolet sur la gorge, et, simplement, sans
esclandre, se retirent lestement après avoir
fait une ample moisson de diamants et de
bijoux.
En janvier 1791, d'autres gentilshommes
d'industrie, dans une expédition nocturne,
vinrent également puiser a cette mine , aussi
riche que le puits merveilleux des contes
orientaux. Cette fois , le vol fut beaucoup
plus considérable ; Mm0 Du Barry fit afficher
dans Paris un état détaillé des objets, en pro-
mettant 50,000 fr. de récompense a qui les fe-
rait retrouver. Cette énumération fait flam-
boyer aux yeux des cascades de diamants,
d'émeraudes, de saphirs, de perles, de camées,
de bracelets, de joyaux de toute nature, à
donner des éblouissements. Il suffira de dire
que les diamants, perles et pierreries s'y comp-
tent par milliers. La municipalité de Lucien-
nes fit quelques recherches, mais ne décou-
vrit rien ; il y a toute probabilité que ce fut
là un vol domestique; les circonstances ne
laissent que peu de doutes à cet égard.
On crut alors, assez généralement, que ce
vol était une fiction, un bruit habilement ré-
pandu par Mme Du Barry pour arranger plus
facilement ses affaires et faire passer secrète-
ment.ses bijoux à l'étranger, en même temps
que pour acquérir une sorte de titre a l'indul-
gence du public et de l'Assemblée, dans un
moment ou elle savait qu'on se disposait à
réduire le chiffre de ses pensions. Et, chose
curieuse, après avoir échangé, en 1784,
50,000 livres de rente contre une somme de
1,250,000 livres délivrée par le Trésor, elle
continua de toucher les 100,000 livres de rente
qui lui restaient des 150,000 que lui avait
laissées trop généreusement Louis XVI , et
elle les toucha jusqu'en 1793.
Quoi qu'il en soit, le vol de ses bijoux peut
bien avoir été réel, bien que probablement
exagéré ; le fait est positivement attesté dans
le testament que le duc de Brissac, son amant,
fit en sa faveur. Sur le bruit que ses voleurs
avaient été arrêtés en Angleterre, Mme Du
Barry partit pour Londres, où une partie de
ses pierreries était entre les mains de la jus-
tice ; et, comme la procédure devait durer un
certain temps, elle revint à Paris, mais re-
tourna deux fois encore en Angleterre pour
suivre cette affaire. La malheureuse femme
eût bien voulu sauver ce qui. lui restait en
France ; car, outre ses propriétés, le trésor de
Luciennes n'était pas épuisé, et il fallait pour
cela qu,'elle ne se mît pas dans le cas d être
inscrite sur la liste des émigrés : de la son
dernier retour, en pleine République, au mo-
ment où l'on posait provisoirement les scellés
à Luciennes. Toutes ses allées et venues
avaient paru suspectes, et, le 27 septembre
1793, elle fut arrêtée dans son château. Chose
digne de remarque, ni la Convention ni les
comités ne s'occupèrent de cette affaire, et le
dédain méprisant que ces grands corps pro-
fessaient pour la ci-devant courtisane du ty-
ran l'eût sauvée peut-être, si elle n'eût été
poussée à sa perte par des inimitiés et des
convoitises particulières. C'est, en effet, sur
les instances réitérées de la municipalité et de
la société populaire de Luciennes, que le co-
mité de sûreté générale, finit par autoriser
l'arrestation. Or, les principaux membres de
ces autorités locales étaient des domestiques
de la comtesse (notamment Zamore), qui
tous connaissaient les endroits du château où
elle avait caché le reste de ses trésors. Sans
compter tout ce qui a pu être enlevé par ces
patriotes de la livrée, les procès-verbaux
mentionnent encore d'interminables listes de
joyaux, de pierreries et d'objets précieux. Et
ce n'était pas encore le fond de cette mine de
Golconde. On conviendra, d'ailleurs, que cela
était de bonne prise, et qu'en s'emparant de
ces débris, la nation ne faisait que rentrer
dans une très-faible partie de son bien.
Une fois arrêtée, M"10 Du Barry était per-
due, et son jugement ne pouvait être que le
procès de l'ancien régime, de ses scandales,
de ses monstrueuses dilapidations. Mais c'é-
tait surtout de complot contre la République
qu'elle était accusée. Suivant l'acte d accusa-
tion, le vol dont elle s'était plainte n'était
qu'une feinte pour foire passer ses pierreries
aux princes et aux émigrés, dont elle secon-
dait les intrigues contre la France, Cette don-
née a été acceptée par les auteurs do certains
BAR
panégyriques, qui n'ont pas manqué de faire
un honneur à Mme Du Barry des faits dont la
République lui faisait un. crime. En réalité ,
comme nous l'avons dit, le vol des joyaux
semble constant ; et s'il est certain que la
comtesse ait porté à Londres le deuil du ty-
ran, visité Pitt et entretenu des relations sui-
vies avec les royalistes de l'intérieur et de
l'émigration, il n'existe aucun témoignage au-
thentique qui prouve qu'elle leur ait fait part
de ses richesses. La pauvre femme songeait
bien plutôt à les mettre en sûreté pour elle-
même, et c'est précisément cette préoccupa-
tion qui causa sa perte. Elle parut devant le
tribunal révolutionnaire le 17 frimaire an II.
Elle montra une extrême faiblesse, et s'éva-
nouit en entendant la lecture du jugement qui
la condamnait à mort. Ses anciens serviteurs,
Zamore en tête, avaient unanimement déposé
contre elle. Les biographes-romanciers qui ont
écrit qu'alors elle était encore d'une beauté
imposante ont pris cela dans leur imagination.
D'abord, elle avait cinquante ans bien accom-
plis , . ses cheveux étaient gris et elle était
chargée d'un embonpoint disgracieux, toutes
choses qui ne s'accordent guère avec la beauté..
Puis, sa dégradation morale, son affaissement,
sa lâcheté inspiraient le dégoût bien plus que
la colère, et n'étaient pas de nature à rappeler
le prestige qu'elle avait exercé. Pour gagner
du temps, elle fit des révélations, c'est-à-dire
qu'elle dénonça au hasard une infinité de per-
sonnes, dont plusieurs furent condamnées à
mort." Ensuite elle révéla, une à une, toutes
les cachettes où elle avait enfoui le reste de
ses bijoux et de ses richesses, car il y en avait
toujours , et peut-être même n'a-t-on pas
trouvé tout. Cela lui fit gagner une nuit d'exis-
tence, et fut cause de la mort du seul domes-
tique qui lui fût resté fidèle. C'était un mal-
heureux nommé Morin.
Le lendemain 18, l'ancienne maîtresse de
Louis XV fut conduite au supplice, dans la
même charrette que les banquiers Vandeny-
ver, et un député mis hors la loi, NoEl des
Vosges. Accroupie sur elle-mêmp. , folle de
terreur, le visage hideusement contracté, elle
poussa des hurlements affreux depuis la Con-
ciergerie jusqu'à la place de la Révolution.
Portée sur l'éehafaud, elle démandait grâce à
la foule, aux valets, à Sanson. « Encore un
moment, monsieur le bourreau 1 » criait-elle
au milieu des sanglots. Elle était obèse, ava-
chie, et le couteau refusait de mordre sur ces
chairs pantelantes qui avaient reçu les baisers
impurs et infects du roi bien-aimé. Telle fut
la fin de cette malheureuse , la seule des
femmes immolées par la Révolution qui ait
montré une telle lâcheté.
Les Lettres, Anecdotes, Mémoires et autres
recueils, publiés sous le nom de M'«c Du Barry,
sont apocryphes. Les Nouvelles à la main,
publiées en 1861 par Em. Cantrel, ne sont
également qu'une spéculation de librairie, plus
grossièrement besognée encore que les pasti-
ches de Mairobert , de Mme Guénard , de
P. Lacroix, de Lamothe-Langon, etc.
BARRY (Jacques), peintre irlandais, né à
Cork en 1741, mort en 1806. Fils d'un maçon,
dès l'âge de douze ou quinze ans; si l'on en
croit ses biographes, il faisait déjà des des-
sins pour les éditeurs, puis il apprit h peindre
à l'huile. Un de ses tableaux, exposé à. Dublin
et représentant la Légende de saint Patrick,
lui valut la protection du savant Burk, qui le
conduisit d'abord h. Londres, où il le présenta
à Reynolds, et lui fournit ensuite les moyens
d'aller étudier en Italie. Après un séjour de
cinq années k Rome, où il se passionna pour
les chefs-d'œuvre de la statuaire antique ,
Barry revint à Londres en 1770, exposaquel-
qùes tableaux d'un style classique, Vénus sor-
tant de la mer, Jupiter et Junon, Adam et
Eve, la Mort du général Wolf, Y Education
d Achille, etc., et fit pour l'église Saint-Paul
l'esquisse d'une grande composition décora-
tive, représentant le Christ insulté par les
Juifs. Ce projet n'ayant pas été accueilli,
Barry, irrité, publia une Dissertation sur les
causes réelles et imaginaires gui s'opposent au
progrès des arts en Angleterre (1775), sorte de
pamphlet, dont la première partie est une ré-
futation de Winckelmann et des autres écri-
vains qui dénient le génie artistique aux peu-
ples du Nord, et dont la seconde partie est
une glorification exclusive de la grande pein-
ture historique et allégorique. Les êpigrammes
qu'il décocha dans ce livre contre ses con-
frères, Jes autres peintres anglais, lui attirè-
rent les plus vives inimitiés. 11 vit même ses
anciens protecteurs s'éloigner de lui, et il se
trouva bientôt dans le plus grand dénûment.
Il obtint enfin de la Société des arts l'autori-
sation d'exécuter, à ses frais, dans la grande
salle des Adelphi, une série de peintures his-
toriques représentant les Progrès de l'huma-
nité. Il divisa ce grand ouvrage en six ta-
bleaux, dont chacun a plus de 13 m. de lon-
gueur. Le 1er représente Orphée inaugurant
la civilisation en Grèce; le 2e, la Glorification
de l'agriculture ; le 3e, le Couronnement des
vainqueurs aucc jeux Olympiques ; le 4e, le
Triomphe de la Tamise ; le 5e, une Assemblée
des membres de la Société des arts, distri-
buant leurs prix annuels ; le 6e, une Vue de
l'Elysée ou les grands hommes de l'antiquité
et des temps modernes jouissent de la béatitude
éternelle. Barry consacra six années (1777-
1783) à ce travail colossal, passant la nuit à
dessiner et à graver pour gagner sa vie.
. L'exhibition publique de ces six tableaux et
BAR
271
les gravures qu'il en fit (1792) lui rapportè-
rent à peine 700 liv. sterl.! Quant au mérite
de l'œuvre, il fut très-diversement apprécié
par les amateurs : les uns ne craignirent pas
de dire que Barry s'était élevé à la hauteur
des plus grands maîtres de l'Italie ; les autres
critiquèrent vivement l'obscurité de ce cycle
symbolique où s'entremêlent des divinités
païennes, des figures allégoriques etdes gentle-
men costumés à la mode du temps. Nommé
professeur à l'Académie en 1782, Barry pro-
nonça, selon l'usage, des discours qui excitè-
rent une vive curiosité ; mais, par 1 amertume
de ses critiques, il s'aliéna peu à peu tous ses
confrères et il finit par être expulsé de la
compagnie, en 1797, à l'occasion d'un pam-
phlet des plus violents, intitulé Lettre à la
Société des dilettanti. Après sa sortie de l'Aca-
démie, il entreprit une suite de compositions
analogues à celles des Adelphi et représen-
tant les Progrès de la théologie; il n'en exé-
cuta que le premier tableau, la Naissance de
Pandore, qui appartient aujourd'hui à l'Insti-
tution royale de Manchester, et qui a figuré
très-modestement à l'exposition de cette, ville,
en 1S57. D'un caractère bizarre, insociable,
d'un orgueil ridicule, voyant partout des en-
nemis qui Conspiraient contre lui, il se brouilla
avec Edmond Burk, son bienfaiteur, avec Rey-
nolds, qu'il disait être jaloux de son talent, et
se rendit lui-même la vie intolérable. 11 vivait
très-retiré et avait l'habitude de dire qu'il no
lui fallait que du pain, un toit et de la gloire.
Sauf la gloire, la destinée semble l'avoir pris
au mot. Tout chez lui avait un aspect si mal-
propre et si misérable, qu'on le désignait sous
le nom de sale Barry. On a publié, en 1809, les
ŒuvresdeJ. Barry, etc. (Londres, 2 vol. in-4»),
BARRY (John) , commodore américain , né
en Irlande en 174C, mort en 1803. Son père,
fermier aisé, ne contraria pas le goût de son
fils pour la marine, et le jeune Barry s'embar-
qua comme mousse. Il était âgé d'environ
quinze ans et avait déjà navigué plusieurs
années, lorsqu'il émigva en Amérique. L'ex-
périence qu'il avait acquise dans la marine
marchande et les connaissances pratiques dont
il avait fait preuve lui valurent une commis-
sion d'officier dans la marine continentale ,
lorsque éclatèrent les hostilités avec la
Grande-Bretagne. En 1776, il reçut le com-
mandement du brick Lexington , de 1 6 ca-
nons, et, quelques mois après, celui de la fré-
gate Effingham ; mais les glaces qui fermaient
le cours de la Delaware l'ayant empêché de
prendre la mer , il entra , comme aide dé
camp, dans l'état-major du général Cadwala-
der, et assista au combat de Trenton. Il re-
çut, peu après, le commandement du lialeigh,
de 32 canons, qu'il échoua pour l'empêcher de
devenir la proie de quelques navires ennemis
qui lui donnaient la chasse. En février 1781, il
passa sur Y Alliance, frégate de 36 canons, et
conduisit en France le colonel Laurens, chargé
d'une mission près de la cour de Versailles.
A son retour, après avoir fait plusieurs pri-
ses, il engagea un combat avec deux navires -
anglais, le vaisseau de ligne Atlanta et un
brick, et les captura après un combat de plu-
sieurs heures, pendant lequel il reçut une
grave blessure. Après la cessation des hosti-
lités, il fut chargé de diriger la construction
de la frégate United- States, qui lui était des-
tinée.
BARRY (George) , historien et géographe
écossais, né dans le comté de Berwick en
1748, mort en 1805. Il était second prédica-
teur à la cathédrale de Kirkwall, lorsqu'il fut
envoyé à l'île Shapinshay, une des Orcades,
pour y exercer le ministère évangélique. Il
s'occupa, d'une façon toute spéciale, d'orga-
niser et de répandre l'enseignement, et fut
nomme' inspecteur général des écoles de ce
groupe d'îles. Pendant ce temps, il réunissait
toutes les observations physiques, morales et
politiques qu'il eut l'occasion de faire dans les
Orcades, et il composa son History of the
Orkney islands, etc. (Edimbourg, 1805), avec
cartes et plans. Cet ouvrage, publié l'année
même de sa mort, renferme une foule de faits
ignorés, les-recherchesd'un savant et les vues
d'un homme de bien. Barry ne s'y montre pas
seulement observateur exact et minutieux, mais
encore peintre et philosophe. On lui doit, en
outre, un livre de statistique sur l'Ecosse, in-
titulé : Statistical account of Scotland (1792).
BARRY (Charles), architecte anglais, né à
Westminster en 1796, mort en 1SG0. Après
avoir étudié l'architecture en Angleterre, il
partit pour le continent, afin de compléter son
éducation artistique par la vue des grands
chefs-d'œuvre; visita la France, l'Italie, la
Grèce, l'Egypte, etc., et, de retour dans sa
patrie, commença cette série de monuments
qui l'ont placé au premier rang des architec-
tes de la Grande-Bretagne. Doué d'un génie
souple et fécond en ressources, il s'est essayé
tour à tour dans tous les styles et dans tous
les genres. Parmi les édifices élevés par lui,
on cite l'église Saint-Pierre, à Brighton ; l'A-
thenffium de Manchester, dans le style grec;
le Collège (Grammar School) d'Edouard VI, à
Birmingnam, dans le style gothique;, le club.
des Voyageurs, le club de la Réforme, le
collège des Chirurgiens , avec son élégante
bibliothèque, qui appartiennent au style mo-
derne. Mais son œuvre capitale est le nou-
veau Parlement (Bouse of parliamenl), im-
mense édifice commencé en 1840. En dépit
d'un site mal choisi et de fautes de détail, im-
posées à l'artiste par des circonstances indé-
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pendantes de sa volonté, ce palais est un des
monuments modernes les plus grandioses et
les plus imposants, et il justifie l'exclamation
que sa vue arracha à l'empereur Nicolas :
C'est un rêve de pierre!. C'est également sur
les plans de cet archictecte qu ont été con-
struites plusieurs dessplendides résidences de
campagne de l'aristocratie anglaise. Créé
chevalier par la reine, lors de l'inauguration
du parlement, Barry a été enterré à l'abbaye
de Westminster.
UARRY (Martin), physiologiste anglais, né
à Freston en 1802, mort en 1855. Après avoir
successivement étudié dans diverses univer-
sités de l'Ecosse, d'Angleterre, d'Allemagne
et de France, il se fit recevoir, en 1823, doc-
teur en médecine à. Edimbourg, et s'y établit.
Il y exerça, bien que fort riche, la pratique de
son art, mais surtout pour soulager les mal-
heureux, et il consacra le reste de son temps
aux études scientifiques. La question de l'em-
bryogénie animale ayant attiré son attention,
il résolut de porter la lumière sur ce point
encore plein d'obscurité. Dans ce but, il
se livra à de longs travaux préparatoires,
fréquenta les musées et les laboratoires de
Wagner, Valentin , Schwann, etc., et fit,
au microscope, une longue série d'expériences
du plus haut intérêt. En 1839, il présenta a la
Société royale de Londres le résultat de ses
travaux, et son mémoire, publié dans le re-
cueil do cette société sous le titre de Recher-
ches d'embryologie, lui mérita la grande mé-
daille d'or. Il y montrait comment s'opère le
développement de l'œuf et de l'embryon chez
les mammifères; et, le premier, il indiquait
avec précision les divers états que présente
l'œuf dans la trompe de Fallope, ainsi que
la séparation du jaune. Dans d'autres mé-
moires, insérés dans les Philosopkical tran-
sactions, dans le New Pinlosophical Journal
d'Edimbourg et dans les Archives de Muller,
il étudia successivement a les corpuscules du
sang, les fibres musculaires et autres tissus
organiques, la formation du ehorion, la pré-
sence des spermatozoïdes dans l'œuf, etc. »
Outre ces importants travaux, qui lui assignent
un rang distingué parmi les physiologistes,
Barry a publié une. relation de son Ascension
au Mont-Blanc et une traduction en anglais
de l'Ascension du Chimbarazo par de Humbohlt,
faite sur la prière de ce dernier. Nommé membre
de la Société royale de Londres, il recom- o
mença, de 1840 à 1855, à voyager pour réta-
blir sa santé ébranlée par les fatigues du ca-
binet, et s'établit à son retour dans le comté
de Suffolk, où il termina sa vie.
BAIïHY (sir Edmond), publieiste et magis-
trat anglais né en 1813, dans le comté de
Cork (Irlande). Il fut nommé procureur géné-
ral de la colonie de Victoria (1850), puis juge
à la cour suprême de cette même colonie, et
reçut des lettres de noblesse personnelle, en
1860. Placé, bien que catholique, à la tête de
l'université de Melbourne en qualité de chan-
, celier, il a beaucoup contribué a la propaga-
tion do l'instruction publique en Australie.
Outre des Adresses, ou discours officiels sur
ce sujet, il a publié un volume d'essais.
BAR11Y (Bernard-François), peintre fran-
çais contemporain, né à Marseille en 1813,
commença par exercer le métier de coiffeur.
Entraîné bientôt par sa véritable vocation, il
suivit assidûment les cours de l'Ecole des
beaux-arts de sa ville natale, et reçut de
M. Aubert, alors directeur de cette école, les
premières leçons de peinture. Il exposa, a
Marseille, en 1838, un Intérieur de forge et un
Naufrage. Il se rendit ensuite à Paris et entra
dans l'atelier de Gudin, Deux marines (Effet
de brouillard et Bateaux de pèche) qu'il ex-
posa, pour son début, au Salon de 1840; lui va-
lurent une médaille de 3e classe. A partir de
cette époque, il a pris part h presque toutes les
expositions qui ont eu lieu à Paris. Nous cite-
rons, parmi ses ouvrages les plus importants :
Combat àe VEuroias et de la Clorinde, en
18H (Salon, 1841); Sortie du port de Mar-
seille (effet de soleil couchant) et Pêche au
thon par les Catalans (Salon, 1843), qui ont
obtenu une médaille de ze classe; Chantier
de construction de Marseille lors de la mise
à l'eau du navire le Comte-de-Paris' (Salon,
1844); la Heine Victoria arrivant en vue du
Trëport, tableau commandé par Louis-Phi-
lippe (Salon, 1845) ; la Pêche aux bogues (ta-
bleau appartenant au musée de Lyon) et Vue
de l'anse du Pkaro (Salon, 1846) ; deux épiso-
des du Combat naval de Punto-Obligudo (mu-
sée de "Versailles) et François I"r visitant le
château d'If (Salon, 1848) ; les Naufragés et
la Coup de vent (Salon, 1848); Après la tem-
pête, Sortie du port de Marseille, effet du soir
(Salon, 1849) ; Navire échouant sur les rochers
du Pharo (Salon, 1852) ; Entrée du port de
Marseille, le Nouveau parlement de Londres
(Salon, 1855); Réception à Marseille du car-
dinal Patrizzi (Salon, 1857); Napoléon III
receuanÉ la reine Victoria à Cherbourg (Salon,
1859), tableau appartenant, ainsi que le pré-
cédent, au musée de Marseille; Vue de Mar-
seille prise de la résidence impériale (Salon,
"1861); deux Vues du canal de Suez (Salon,
1863); Ruines de Karnac et Vue de la première
cataracte du Nil. Ces deux derniers tableaux
représentent des épisodes du voyage du prince
Napoléon en Egypte. M. Barry a exposé une
foule d'autres tableaux dans sa viLle natale, où
son taienCdemarinisteestdesplus estimés. Peu
de peintres connaissent mieux que lui l'art
d'asseoir un navire sur les eaux ; il dessine à
merveille tous les détails du gréement et sait
donner aux vagues du mouvement, de la
transparence et cette qualité essentielle que
M. Théophile Gautier appelle la liquidité. En
général, il aime, comme W. Van de Velde, à
peindre les calmes et à faire flotter sur la mer
endormie de légers brouillards; ses marines,
d'une facture délicate et soignée, gagnent ainsi
en harmonie, en finesse, en poésie, ce qu'elles
perdent en animation.
BARS, ville de l'empire autrichien (Hon-
grie), comitat de Bars, au S.-E. d'Aranyos-
Maroth,sur le Grart, jadis ville libre royale, n
Bars (comitat de), province administrative de
Hongrie, dans le cercle de Presbourg, ch.-l.
Aranyos-Maroth ; 140,900 bab. Son territoire,
montagneux au N. et assez boisé, est fertile
en grains et vins.
BARS (comte de) , diplomate et patriote
polonais, mort vers 1816. Compagnon d'ar-
mes de Kosciusko dans la guerre avec la Rus-
sie, il se signala par sa valeur et son patrio-
tisme, participa à la délivrance de la Pologne
et à l'expulsion des Russes, puis il fut chargé
par le conseil suprême du gouvernement in-
surrectionnel d'une mission près de la Répu-
blique française en 1794. Lorsque Kosciusko eut
été écrasé par des forces supérieures, et que la
Pologne , malgré les plus vigoureux efforts,
eut été obligée de retomber, broyée et san-
glante, sous le joug odieux de la Russie, de
Bars quitta la France et se retira en Suisse.
Il y ve^ut dans l'intimité de Kosciusko, lors-
que ce grand citoyen vint s'y établir en 1814,
et il y termina sa vie.
BARSABAS (Joseph, saint), disciple de Jé-
sus-Christ. Il fut présenté par samt Pierre
pour remplacer Judas parmi les apôtres; mais
so'n compétiteur Mathias lui fut préféré. On
ne sait rien de certain sur sa vie et sur sa
mort. On croit, toutefois, qu'il subit le martyre
et eut la tête tranchée.
RARSARAS (Jude), disciple de Jésus-
Christ, frère du précédent, selon les uns, et,
selon d'autres, de Judas Thaddée, fut choisi
par les apôtres et par l'Eglise de Jérusalem
pour accompagner Paul et Barnabe à An-
tioche.
BAI1SAC, comm. du départ, de la Gironde,
arrond. de Bordeaux; pop. aggl. 1,518 hab. —
pop. tôt. 2,958 hab. — Vins blancs-très-re-
nommés.
BABSANIENS s. m. pi. (bar-sa-ni-ain).
Sectaires du vie siècle, appelés aussi semidu-
lites. Ils niaient la divinité de Jésus-Christ,
et l'unique sacrifice qu'ils admettaient con-
sistait a prendre, du bout du doigt, do la
fleur de farine qu'ils portaient à leur bouche.
BARSANUPLIUS, moine et anachorète de
Palestine, qui vivait vers le milieu du vie siè-
cie. Il est auteur d'un certain nombre d'écrits
ascétiques par demandes et réponses, ou-
vrages dont la plupart sont encore inédits.
Ils sont conservés dans les diverses biblio-
thèques d'Europe, et, entre autres, dans celle
de Paris. Evagre raconte la vie de ce saint per-
sonnage, qui s'était renfermé dans une cellule
des environs de Gaza, où il passait pour faire
un grand nombre de miracles.
BARSCA s. m. (bar-ska). Ichthyol. Poisson
du genre saumon.
BAB.SE s. f. (bar-se). Boîte d'ôtain dans la-
quelle s'expédie le thé de Chine.
BARSET s. m. (bar-sè — dimin. de bar).
Ichthyol. Petit 'bar.
BARSIM s. m. (bar-simm — nom arabe).
Bot. Espèce de trèfle, originaire de l'Asie, et
cultivée autrefois dans le midi de la France.
BARSINE, fille d'Artabase, l'un des vingt
satrapes de l'Asie, épousa un général de Da-
rius , Memnon le Rhodien, celui qui, seul
peut-être, aurait pu sauver le royaume de
Perse, et qui périt à la bataille d'Arbelles.
Prise avec la femme et la fille de Darius,
elle devint la maîtresse d'Alexandre, et, comme
elle était d'une beauté extraordinaire, elle fut
la première, dit Plutarque, qui fit connaître
les plaisirs de l'amour au fougueux adolescent
qui allait conquérir cent nations en l'espace de
dix années.
Barsine eut d'Alexandre un fils, auquel fut
donné le nom d'Hercule, et qui, avec son frère
Arrhidée, son autre frère Alexandre /Egos,
et toute la race du conquérant, périt-bientôt
par le glaive.
Deux soeurs de Barsine furent mariées par
Alexandre : l'une à Ptolémée, fils de Lagus, et
l'autre a Eumène.
BARSOTT1 (Thomas-Gaspard-Fortuné), pro-
fesseur de chant, né à Florence en 1786. Ap-
pelé en 1809 à Compiègne pour donner des
leçons de piano et de chant aux enfants de
la reine d'Etrurie, Barsotti se fixa à Nice lors-
que l'empereur relégua a Rome l'infante d'Es-
pagne, et occupa dans cette ville le poste de
maître de chapelle et d'organiste de la cathé-
drale. En 1815, il se rendit a Marseille et fonda,
quelques années après, un cours de chant pour
les femmes et un cours de musique au collège.
Une école gratuite de musique fut établie en
1821, àMarseille, sur la proposition de AI. Bar-
sotti, qui en fut nommé directeur, et qui, dans
ces fonctions, montra autant d'intelligence et
de goût artistiques que de dévouement.
Barsotti a publié quatre airs variés pour
piano, six nocturnes à deux voix, un Domine
salvum à trois voix et une méthode de musique
à l'usage de l'école gratuite de Marseille.
BARSOWITE s. f. (bar-so-vi-te — de Bar-
sowisky, nom de lieu). Miner. Nom d'un sili-
cate d'alumine et de chaux, qui a été trouvé
dans les sables aurifères de Barsowisky,'dans
l'Oural, et que l'on range parmi les -werné-
rites.
BARSCIHA, métropolitain de Nisibe et héré-
tique célèbre, mort en -489. 11 se fit l'apôtro
fervent du nestorianisme , proclama la né-
cessité du mariage pour les évêques , les
prêtres et les clercs, s'appuyant sur cette pa-
role : Melius est nubere quant uri. Barsuma fit
mettre à mort son antagoniste Babuceus, évê-
<me de Séleucie, et se livra, avec le concours
de Sirouz, roi de Perse, à une guerre achar-
née contre les partisans de l'Eglise d'Orient.
BARSZCZ s. m. Art culin. Nom d'un po-
tage très-usité en Pologne, et qui est fait
avec du jus de betterave, des morilles, des
oignons, des poireaux et un mélange de
viande de bœuf, de charcuterie, de gibier et
de volaille.
BART (Jean), né a Dunkerque le 21 oc-
tobre 1650, mort le 27 avril 1702. Cet illustre
marin , dont le souvenir est resté si vivant
dans la mémoire du peuple, et des gens de
mer, et qui est devenu un type, une person-
nification, comme Bayard pour la chevalerie,
n'était pas précisément fils d'un pêcheur ,
comme on l'a répété, mais appartenait à une
famille de marins dunkerquois dont plusieurs
membres étaient parvenus à des grades supé-
rieurs. On a même prétendu qu'un de ses ar-
rière-grands-oncles, passé en Allemagne dans
le xiii" siècle, se serait élevé a la dignité de
grand maître de l'ordre Teutonique ; mais c'est
là une tradition fort douteuse. Il est peu de hé-
ros auxquels on n'ait fait ainsi, après coup ,
une généalogie plus ou moins fabuleuse. Cor-
nil Bart, le père de Jean, fut un de ces vail-
lants corsaires comme Dunkerque en a fourni
un si grand nombre dans toutes nos guerres
maritimes. Embarqué dès l'âge de douze ans,
Jean Bart devint, quelques années plus tard,
second maître à bord d'un brigantin qui por-
tait le nom peu épique de 'Cochon gras, et qui
avait pour mission de croiser dans la Manche
et de surveiller les mouvements des Anglais.
Vers 1666, il alla servir dans la marine hollan-
daise sous l'illustre Ruyter , prit part aux
guerres contre les Anglais et revint à Dunker-
que avec le grade de second lieutenant, au mo-
ment où la guerre éclatait entre la Hollande et
la France (1672). Ce fut alors qu'il commença
sa carrière de corsaire, d'abord comme second,
puis comme capitaine, et pendant six années,
jusqu'au traité de Nimègue (1678), ses courses
audacieuses contre les vaisseaux hollandais,
ses exploits et ses prises se multiplièrent à l'in-
fini; sa renommée se répandit jusqu'à la cour.
Sur la recommandation de Vauban, le hardi
corsaire, dont le nom était déjà la terreur des
armateurs ennemis, fut nommé par Louis XIV
lieutenant de vaisseau dans la marine royale
(8 ianvier^679). Il servit en cette qualité jus-
qu en 1681, époque où Colbertlui fit donner le
commandement de deux frégates pour aller
croiser contre les pirates de Salé. Cette cam-
pagne fut assez brillante, et il ramena 150 Mau-
res prisonniers, parmi lesquels le fils du gou-
verneur de Salé et d'autres personnages im-
fortants. Lorsque la guerre se ralluma entre
Espagne et la- France (1683), il fit de bril-
lantes croisières dans la Méditerranée, fut
nommé, en 1686, capitaine de frégate, et com-
mença dès lors à jouer un rôle éclatant dans
l'universelle conflagration de l'Europe. Ce fut
lui qui inspira Vidée neuve de réunir des cor-
saires en escadre, d'en former une division de
course composée de frégates légères, d'une
marche supérieure, armée d'un équipage
nombreux et aguerri, pouvant' se subdiviser,
s'éparpiller ou se fondre en un seul corps,
suivant les circonstances et les besoins, et
destinée à ruiner le commerce ennemi, harce-
ler les escadres, les attaquer de front dans
l'occasion, pouvant jouer, en un mot, le double
rôle d'une flotte légère et d'une armée de ligne.
.A cette époque, sa renommée était si bien
consacrée, que lorsqu'il s'agissait de quelque
expédition aventureuse et téméraire, on en
chargeait de préférence l'intrépide marin.
C'est ainsi qu'au commencement de 1G89, il
fut chargé de transporter un chargement de
poudre et autres munitions, de Calais à Brest,
a travers les croiseurs anglais et hollandais.
Il naviguait de conserve avec Forbin, et ils
eurent sur leur route de sanglants combats à
soutenir ; mais ils remplirent heureusement
leur mission. C'est pendant un de ces com-
bats qu'ayant vu son fils (un enfant de dix
ans) pâlir aux premières volées du canon, le
rude marin le fit attacher au grand mât et l'y
laissa jusqu'à la fin de l'action. Ce trait ne
semble-t-il pas emprunté à quelque épopée
des guerriers barbares? Cependant Jean Bart
n'était point l'homme farouche et inculte que
nous représente la tradition populaire. Mais
en cette circonstance (si elle est exactement
rapportée), outre la fierté de race et le désir
d'endurcir son fils aux terribles émotions du
métier, peut-être voulait-il agir sur son équi-
page, l'exalter par un exemple de dévoue-
ment au devoir militaire et d'effrayante abné-
gation. L'enfant devint vice-amiral.
Dans une nouvelle expédition avec Forbin ',
tous deux furent faits prisonniers dans la
Manche, après un furieux combat contre doux
vaisseaux anglais, et conduits blessés à Ply-
mouth. Douze jours après, par une nuit de
brouillard, ils s'évadèrent de leur prison, se
jetèrent dans une yole norvégienne dérobée
dans le port, et s'enfuirent avec un autre com-
pagnon et deux mousses. Jean Bart rama
presque sans se reposer pendant deux jours
et demi , tandis que Forbin , dont, les blessu-
res saignaient encore, tenait le gouvernail.
Enfin , les hardis fugitifs abordèrent sur la
côte de Bretagne, à quelques lieues de Saint»
Malo, après avoir fait 56 kil. en moins de qua-
rante-huit heures. Au reste , la résistance
héroïque qu'ils avaient faite avant de se ren-
dre avait permis aux bâtiments marchands
qu'ils escortaient de gagner le large et d'é-
chapper aux Anglais. Tous deux furent nom-
més capitaines de vaisseau:
Jean Bart reprit presque aussitôt la mer, à
la tête de plusieurs frégates, et no tarda pas
à tirer une ample vengeance d,e sa mésaven-
ture, par de nombreuses prïses et de nou-
veaux succès sur les vaisseaux ennemis.
En 1690, il commandait la frégate VAlcyon,
qui faisait partie de l'armée navale sous
les ordres de Tourville, et il prit part au»
opérations qui eurent lieu dans la Manche
l'année suivante. Ce fut au retour de cettr-
campagne qu'il renouvela la proposition du
projet qu'il avait déjà soumis, de créer une es-
cadre du Nord destinée à détruire le com-
merce des Hollandais dans le Nord et dans la
mer Baltique. Cette fois, on accueillit sa pro-
position, et lui-même fut chargé de surveiller
l'exécution de l'armement. Les préparatifs
achevés, il s'agissait de sortir de Dunkerque.
La rade était bloquée depuis plusieurs mois
par 35 ou 40 navires anglais et hollandais.
Jean Bart, qui n'avait quo 7 frégates et 1 brû-
lot, passa à travers la flotte ennemie (juillet
1692), enleva le lendemain 4 navires anglais
richement chargés, brûla, quelques jours plus
tard, so bâtiments marchands, fit une descente
en Angleterre , prés de Newcastlo, détruisit
200 maisons et revint h Dunkerque chargé de
prises. Il en repartit bientôt avec 3 vais-
seaux de son escadre, courut sur les mers du
Nord, dispersa une flotte hollandaise et ren-
tra bientôt, traînant à sa suite 16 navires char-
gés de grains et autres marchandises. Mandé
S la cour avec Forbin, qui servait sous lui, il
y parut simple et familier comme à son bord,
et fut, pour les femmelettes de VŒil-de^bœuf,
un objet de curiosité et quelquefois de raillerie.
u Allons voir, disait-on, le chevalier de Forbin
qui mène l'Ours. » Le bon et héroïque marin, un
peu rude peut-être dans sa forte bonhomie plé-
béienne, n'était point cependant, nous le répé-
tons, le personnage trivial et grossièrement
burlesque des récits traditionnels. Qui ne con-
naît toutes les sottes anecdotes dont on a sur-
chargé l'histoire de l'illustre murin : Jean
Bart fumant sa pipe dans les appartements du
roi, jurant et sacrant, bousculant les plus
grands seigneurs, brusquant le roi lui-même
(Louis XIV!), tirant son sabre chez le payeur
royal et menaçant de le couper en morceaux
s'il ne le paye en or, tutoyant les ministres,
imaginant de faire doubler ses culottes en
drap d'argent pour faire l'élégant, et mille au-
tres contes absurdes qu'il serait oiseux de
rappeler? NLSaint-Sîmon, ni les Mémoires de
Forbin, ni le Mercure, ni aucun auteur con-
temporain ne disent un mot de ces plates
bouffonneries de caserne, qui ne commencè-
rent à être enregistrées par les écrivains que
plus de soixante ans après la mort de Jean
Bart, et qui, à cette époque même, furent ré-
futées par le Mercure (numéro du 17 janvier
1781). C'est surtout Richer, dans sa Vie de
Jean Bart, travail qui contient cependant des
parties estimables, c'est Richer, disons-nous,
qui contribua le plus à accréditer ces histo-
riettes , qu'il accepta sans discernement. A
l'exception du sobriquet de l'Ours, Forbin n'en
mentionne aucune. Cependant, on remarquera
qu'il est généralement assez malveillant pour
son ancien commandant ; il a pour lui des dé-
dains de gentilhomme; il déprécie ses actions
autant qu'il le peut et il essaye même de s'en
attribuer en partie le mérite ; il tourne en ri-
dicule sa simplicité, ses manières communes,
et il n'eût certes pas manqué de s'égayer de
ces excentricités, si elles eussent eu quelque
réalité- Il est tout à fait certain que ce sont
là de pures légendes. Les actions audacieuses
de Jean Bart avaient frappé vivement l'ima-
gination populaire et devinrent le thème iné-
puisable de merveilleux récits, tandis que lui-
même se transformait en un type de fantaisie-
personnification grotesque du loup de mer ,
comme La Ramée était celle du soldat. Ce*
' formations de mythes populaires sont fort
communes; mais que penser des historiens
qui les adoptent sans examen ? Et que penser
aussi de M. Eug. Sue, qui dit à ce sujet dans
son Histoire de la Marine: « Si ces anecdotes
ne sont pas authentiques, elles méritent de
l'être?' Qu'y gagnerait la mémoire du héros?
C'est montrer vraiment un peu trop de partia-
lité pour les fictions.
Jean Bart était, nous l'avons dit, un homme
simple, aux allures un peu populaires; mais
les deux portraits authentiques qu'on a de lui
ne donnent nullement l'idée d'uu matelot bru-
tal et farouche, ni d'un matamore théâtral. Il
était de forte carrure, assez haut de tailje,
bien fait de corps, avec une physionomie ou-
verte, les traits accusés, les yeux bleus, les
cheveux blonds, le type flamand, suivant
BAR
Forbin, qui le jugeait on rival et en homme
de cour, il était très-timide, parlait peu et
dans 'un français mélangé de nombreuses lo-
cutions flamandes. Il est vraisemblable, en
effet, que lui, qui n'avait point quitté la mer,
devait se trouver plus à 1 aise à son bord que
dans les salons de Versailles, sous les yeux
de mille courtisans. Mais comment supposer
que cet homme, un peu gauche et timide, etqui,
d'ailleurs, était rompu à la sévère discipline
militaire, au respect de la hiérarchie, qui
avait servi sous Iîuyter et Tourville, qui s é-
tait souvent trouvé en contact avec des hom-
mes de la haute société, avec des fonction-
naires aux mœurs élégantes et polies,, qui
était allié par son second mariage aux pre-
mières familles de Dunkerque; comment sup-
poser qu'un tel homme ait jamais eu ou ait
conservé les formes d'une manière de goujat
de taverne , qu'il ait fumé au nez d'un roi
comme Louis XIV, donné des coups de poing
aux grands officiers de la couronne, et com-
mis toutes les excentricités que l'on connaît
et dont la moindre l'eût certainement conduit
à la Bastille? Ces anecdotes ont en elles-mê-
mes un caractère antihistorique qui suffirait
déjà à les faire rejeter. En outre, répétons-le,
elles ne sont attestées par aucun des contem-
porains, et on n'en trouve les premières tra-
ces imprimées que près de quatre-vingts ans
après la mort du héros dunkerquois. M. Van-
derest, de Dunkerque, les a réfutées en dé-
tail dans son Histoire de Jean Bart , ou-
vrage un peu prolixe, mais plein de recher-
ches sérieuses, composé sur des pièces au-
thentiques, et qui a été adopté, en 1841, pour
les écoles de la marine.
On a répété aussi, sur la foi de Forbin, que
Jean Bart ne savait ni tire ni écrire, qu'il avait
seulement appris à griffonner son nom. Eug. Sue
prétend que sa signature est informe, illisible,
évidemment tracée de routine et à grand'peine.
Sans doute, il est probable que son instruc-
tion première ne fut pas fort étendue, puis-
que, dès l'âge de douze ans, on le voit presque
constamment en mer. Mais comment admettre
qu'un capitaine aussi expérimenté, qui a com-
mandé en chef, qui a conduit des flottes, et
qui, nécessairement, avait les connaissances
mathématiques et nautiques requises pour
cela, comment admettre qu'il fût resté dans
une ignorance aussi complète? Il D'est per-
sonne qui ne sache que la marine exige un
ensemble de connaissances positives qu'aucune
routine ne peut remplacer. Quoi I un chef
d'escadre capable de diriger une flotte a tra-
vers les mers, d'exécuter les calculs journa-
liers de sa marche, d'aborder sûrement à un
rivage fixé d'avance; un homme possédant
forcément des notions précises d'astronomie,
de mathématiques, de géographie, etc., et qui
avait sous ses ordres des officiers nobles du
premier mérite, un tel homme n'aurait pas su
lire I Une pareille supposition est tellement
absurde, qu'il ne semble pas nécessaire de la
réfuter. On possède, aux archives de la Marine,
plusieurs lettres ou dépêches de Jean Bart; ces
pfèces sont simplementsignées de lui, comme
la plupart des dépêches des généraux, am-
bassadeurs ou autres personnages accablés
d'affaires nombreuses; mais ces signatures,
bien loin d'être informes, évidemment tracées
de routine, sont, au contraire, très-lisibles,
écrites avec précision et fermeté, et ayant
une forme trop caractérisée pour qu'il soit
raisonnable de supposer que celui qui les a
tracées ne savait pas écrire. La même fer-
meté calligraphique se remarque encore dans
les autres signatures de l'illustre marin qu'on
a pu observer sur divers registres officiels de
Dunkerque et a d'autres endroits. Il est donc à
peu près certain, et c'est ici l'opinion d'hommes
fort compétents, que la prétendue ignorance
absolue de Jean Bart doit être mise au rang
des fables. En outre, il est positif qu'il par-
lait plusieurs langues, et notamment l'an-
glais.
En 1693, Louis XIV, voulant réparer le dé-
sastre naval de la Hogue, donna à Tourville
le commandement d'une nouvelle flotte, dont
Jean Bart faisait partie avec le commande-
ment du vaisseau le Glorieux. Il prit part à la
brillante journée de Lagos etdétruisit, pour son
compte, C bâtiments ennemis de 24 à 50 canons.
Il reçut ensuite l'ordre de se rendre à Dunker-
que pour prendre le commandement de 6 fré-
gates, afin d'aller chercher à Vlecker 100 na-
vires chargés de blé. Il remplit heureusement
sa mission et amen a la flotte à Dunkerque, après
un terrible combat contre les escadres anglai-
ses et hollandaises qui lui fermaient la nier et
qui déjà s'étaient emparées de la flotte. Cette
expédition mémorable, dont le souvenir fut con-
servé par une médaille, rendit un grand ser-
vice à la France, car le blé était alors fort
rare et d'une cherté inouïe. Il tomba de 30 li-
vres à 3 livres le boisseau.
Dans la même année, il prit encore 3 fré-
gates anglaises et des transports chargés de
munitions. En octobre 1694, LouisXIV accorda
à Jean Bart des lettres de noblesse, la croix
de Saint-Louis et le droit de porter une fleur
do lis d'or dans ses armoiries.
C'est vers cette époque qu'il faillit, dit-on,
prendre en mer le roi Guillaume d'Orange, qui
retournait de Hollande en Angleterre. Ce fait
est attesté par la Gazette de la Haye du 18 no-
vembre 1G94. On comprend aisément quelles
eussent été les conséquences d'une telle cap-
ture, qui, probablement, aurait ramené Jac-
ques II sur le trône d'Angleterre et peut-être
mis fin à la guerre.
BAR
En 1696, l'expédition d'Angleterre rêvée
par Louis XIV ayant avorté, Jean Bart reçut
l'ordre d'aller croiser avec son escadre dans
la mer du Nord. Bloqué dans la rade de Dun-
kerque par 14 vaisseaux anglo-bataves, il n'en
traversa pas moins cette flotte avec 9 vais-
seaux et 6 frégates, rencontra au nord du
Texel la flotte marchande hollandaise de la
Baltique escortée par 6 frégates dont il s'em-
para après un combat fort vif; 40 vaisseaux
marchands environ tombèrent également en
son pouvoir. Mais bientôt, une flotte de 13 vais-
seaux de guerre' ennemis arrivant à pleines
voiles, il brûla ses prises à la vue de l'ennemi,
et, quand elles furent entièrement consumées,
se retira lentement en ordre de combat sans
qu'on osât l'attaquer. La hardiesse et l'habi-
leté de ses manœuvres en cette occasion ont
été justement admirées. Cette retraite de lion
devant des forces plus que doubles répond
suffisamment à ceux qui ont dit, après Forbin ,
que le vaillant corsaire n'était propre qu'aux
coups d'audace, aux actions hardies, et qu'il
n'entendait rien aux grandes opérations na-
vales. On peut rappeler encore que c'est avec
des escadres qu'il accomplit ses actions les
plus glorieuses et qu'il montra souvent autant
de prudente habileté dans la combinaison de
ses plans que d'héroïsme aventureux dans
leur exécution. Il ne sera pas sans intérêt de
reproduire à ce sujet les réflexions suivantes
du comte de Circourt : « Ce n'est plus ici l'i-
gnorant capitaine de corsaire que M. de For-
bin a prétendu et d'autres après lui; c'est au
contraire un sage, prudent et très-judicieux
chef d'escadre. Il faut lire ses dépêches, ainsi
que celles de M. Vergier, commissaire géné-
ral de l'escadre, pour comprendre le calme,
la maturité, la ténacité de ses résolutions, la
foudroyante énergie de son exécution et l'en-
traînement qu'il exerçait sur des hommes tels
que M. de Saint-Pol de Renneville, la Pinau-
dière, d'Oroignes et autres gens de naissance,
de capacité et de coup d'œil, capables de cri-
tique, et qui auraient dû être portés à en faire
si Jean Bart, homme de la bourgeoisie, n'a-
vait pas été un marin d'un talent supérieur
en même temps que d'une bravoure écla-
tante. » (Cité dans l'ouvrage de M. Vanderest.)
Jean Bart termina cette brillante campagne
en passant au travers de 33 vaisseaux qui
lui barraient la route des ports de France.
Louis XIV le récompensa de ses nouveaux
services par le grade de chef d'escadre. On
raconte à ce sujet que ce fut le roi lui-même
qui lui annonça sa nomination par ces mots :
« Jean Bart, je vous ai fait chef d'escadre ; •
et que l'intrépide marin aurait répondu :
« Sire, vous avez bien fait. » Si cette réponse
est exacte, on doit la considérer comme la
parole d'un homme qui a la conscience de sa
force et des nouveaux services qu'il pourra
rendre ; peut-être aussi comme une revanche
du mot que le roi lui avait dit l'année précé-
dente, qui avait été moins féconde en prises
et en succès : « Jean Bart, vous avez été
moins heureux cette campagne que les pré-
cédentes. » Reproche cruellement injuste ,
adressé à un tel homme, et qui peint bien les
exigences aveugles et insatiables de la puis-
sance absolue. Jean Bart, malgré sa modestie,
en avait été intérieurement choqué, car il le
rappela dans la dépèche où il annonçait au
comte de Toulouse, amiral de France, ses
succès de la campagne de 1696T
L'année suivante, il fut chargé de conduire
à Dantzig le prince de Conti, qui allait tenter
de se mettre en possession de la couronne de
Pologne. Il fallait passer sur une mer cou-
verte d'ennemis ; seul, il fut jugé capable de
remplir cette mission périlleuse et presque
impossible. Il mit à la voile le 6 septembre.
Vers l'embouchure de la Meuse, il rencontra-
9 gros vaisseaux, auxquels il échappa. Le
danger passé, le prince lui dit: «Attaqués,
nous étions pris. — Jamais, répondit Jean
Bart ; nous aurions tous sauté : mon fils était
à la sainte-barbe avec ordre de mettre le feu
au premier signal. » Le prince épouvanté ré-
pliqua : « Le remède est pire que le mal; je
vous défends de vous en servir tant que je
serai sur votre vaisseau. »
Arrivé à Dantzig, le prudent Conti ne sut
ou ne put entreprendre rien de sérieux. Il fal-
lut le ramener en France. Chemin faisant,
Jean Bart enleva 5 vaisseaux, qu'il laissa en
dépôt au roi de Danemark.
Cette même année {iG97),fut signée la paix
de Ryswick, et Jean Bart se reposa pour la
première fois de sa vie. Le glorieux marin
vivait à Dunkerque, au milieu de sa famille,
avec une simplicité plébéienne, lorsque éclata
la guerre de la succession d'Espagne. Chargé
du commandement d'une escadre, il en pres-
sait l'armement avec tant d'activité qu'il
contracta une pleurésie et mourut le 27 avril
1702, au moment où la France aurait eu le
plus grand besoin de ses services. Il n'avait que
cinquante-deux ans. Sa perte fut vivement
sentie, non-seulement par la nation, mais, ce qui
estplu3 rare, parle monde officiel, par la cour
et par le roi lui-même, qui fit une pension de
2,000 liv. à la veuve de l'illustre marin. De tant
de prises qu'il avait faites , de tant de millions
qu'il avait rapportés a l'Etat , l'honnête et
grand marin n'avait rien gardé pour lui-
même, car il ne laissa qu'une fortune médio-
cre à sa famille. Peu de temps après sa mort,
on sentit mieux encore quel homme la France
avait perdu, au moment où elle s'engageait
dans cette terrible guerre qui la mit au bord
BAR
de l'abîme. Un officier de grand mérite, M. de
Pontis, illustré par sa fameuse expédition de
Carthagène, succéda à Jean Bart dans le
commandement de l'escadre de Dunkerque;
mais bloqué par plusieurs navires anglais et
hollandais, il n'osa sortir et resta, pendant
toute la campagne, tristement confiné dans
le port. « Ah ! disaient les Dunkerquois, on
voit bien que le pauvre M. Bart n'est plus là! »
Quatre ou cinq fois, en effet, l'audacieux
capitaine avait exécuté cette manœuvre éton-
nante, avec quelques vaisseaux et quoiqu'il
fût bloqué par 30 et 40 navires ennemis. Un
épisode inouï peut-être dans les annales de la
marine, c'est que, dans la campagne de 1696,
avec 7 frégates légères, il obligea les Anglais
et les Hollandais à conserver en mer pen-"
dant cinq mois 52 vaisseaux divisés en trois
escadres.
En 1845, Dunkerque a érigé à son illustre
enfant une statue, œuvre de David d'Angers.
Marié deux fois, Jean Bart eut treize enfants,
dont six seulement lui survécurent. Son fils
aîné, François-Cûrnil Bart, né à. Dunkerque
en 1677, suivit son père, pour ainsi dire, au
sortir du berceau, prit une part brillante aux
guerres maritimes de son temps, fut nommé
vice-amiral en 1753 et mourut deux ans plus
tard, âgé de 78 ans. Il eut lui-même deux fils,
dont l'un, Gaspard-François Bart, entra dans
le génie, devint chef de brigade et mourut
en 1782; l'autre, Philippe-François Bart, ser-
vit dans la marine, s'éleva au grade de chef
d'escadre et mourut en 1784. C était le der-
nier descendant mâle, en ligne directe, de Jean
Bart.
Un frère du héros dunkerquois , Gaspard
Bart, qui fut lui-même un brave capitaine de
corsaire, eut un fils Pierre-Jean Bart, né à
Dunkerque en 1712, qui servit avec quelque
éclat dans la marine et eut les deux jambes
emportées par un boulet en 1759, en se défen-
dant contre 3 frégates anglaises. Le dernier
rejeton des Bart est mort lieutenant de vais-
seau en 1843, à l'île Bourbon. Les filles ou
nièces de Jean Bart ont eu de nombreux en-
enfants et petits-enfants; mais nous croyons
que le nom même de Bart est éteint.
Bor» (Jean), statue en bronze, par David
d'Angers, inaugurée à Dunkerque, en 1844.
Le célèbre marin est debout, la tète tournée
vers la droite , agitant son épée d'une main ,
comme pour diriger ses matelots a l'abordage,
et tenant un pistolet dans son autre main qui
est baissée. Il a son habit serré par une large
ceinture, a laquelle est accroché un second
pistolet. Il est coiffé d'un vaste chapeau à
plume, et chaussé de grandes bottes à chau-
dron. Un de ses pieds est posé sur un agrès
de navire, et, derrière lui, est une coulevrine.
Cette statue, d'une tournure fïère et énergique,
a été lithographiée par M. E. Marc. <
BARTALAI s. m. (bar-ta-16). Bot. Nom
vulgaire du chardon féroce (enecus ferox de
Linné).
BARTAS (Guillaume de Saixuste, sieur du),
poète et gentilhomme protestant, né a Mont-
fort, près d'Auch, vers 1544, mort en 1590. Il
sortait à peine de l'enfance que la passion de
la poésie s'emparait de lui. Son début fut la Muse
chrétienne, une réaction très-accentuée contre
l'école païenne qui dominait alors, réaction
double, car elle concernait non-seulement le
fond , mais aussi la forme. « Du Bartas , dit
M. Sainte-Beuve, renfle l'accent et proteste
contre les mignardises. C'est à la Bible qu'il se
prend, c'estaux sujets sacrés qu'il demande une
moralité élevée et salutaire... Pur malheur,
les vers ne répondent pas tout à fait à l'in-
tention... On y sent je ne sais quoi d'incorrect
et ùî arriéré en rudesse, si on les compare aux
jolis couplets de la même date qui se modu-
laient à la cour des Valois. Du Bartas gagnera
beaucoup avec les années, mais, en obtenant
le mérite, il n'obtiendra jamais la grâce... »
M. Philarète Chasles a peu de goût pour lui ;
pourtant, il reconnaît que « sa roideur et son
emphase le garantissent de la trivialité et le
rapprochent quelquefois de la concision et de
la vigueur... Il dit toujours quelque chose, bien
ou mal, ajoute-t-il , et méprise les mots para-
sites. » Du Bartas, qui, dans un sonnet, en
1574, se faisait gloire de n'être ni de robe ni
d'épée, et de vivre d'une vie oisive dans son
manoir, fut obligé de prendre part aux guerres
de religion. Il en gémit dans la préface de la
Semaine o,u Création du monde, qui eut un
succès d'enthousiasme. Les psaumes de Marot
n'étaient qu'une maigre pitance pour les pro-
testants. Ils se jetèrent avec avidité sur cette
poésie ample, éloquente, saturée de sentiment
biblique, où l'œuvre divine est parfois digne-
ment célébrée. Gœthe a pris feu à ce poème et
a dit de Du Bartas : « Il y étale successivement
les merveilles de la nature : il décrit tous les
êtres et tous les objets de l'univers, à mesure
qu'ils sortent des mains de leur céleste auteur.
Nous sommes frappés (il parle de lui et de ses
compatriotes) de la grandeur et -de la variété
des images que ses vers font passer sous nos
yeux; nous rendons justice à la force et à la
vivacité de ses peintures, à l'étendue de ses
connaissances en physique, en histoire natu-
relle... Notre opinion est que les Français
sont injustes de méconnaître son mérite,
et qu'à l'exemple de cet électeur de Mayence,
qui fit graver autour de ses armes sept
dessins représentant les œuvres de Dieu pen-
dant les sept jours de la création, les poètes
français devraient aussi rendre des hommages
BAR
273
à leur ancien et illustre prédécesseur, attacher
à leur cou son portrait et graver le chiffre de
son nom dans leurs armes. » Mais Gœthe ne
s'illusionne pas; il ajoute tristement, après
avoir cité une pièce dont nous allons donner
une strophe : « Je suis convaincu que les lec-
teurs français persisteront dans leur dédain
pour ces poésies si chères à leurs ancêtres,
tant le goût est local et instantané ; tant il est
vrai que ce qu'on admire en deçà du Rhin,
souvent on le méprise au delà, et que les
chefs-d'œuvre d'un siècle sont la rapsodie d'un
autre! » Le fragment dont il s'agit est celui
dans lequel Dieu jette un regard sur son œuvre
accomplie; le poète décrit tout ce qui passe
devant lui, entre autres choses :
Ici la pastourelle, a travers une plaine,
A l'ombre, d'un pas lent, son gras troupeau ramené ;
Cheminant, elle file, et, & voir sa façon,
On diroit qolelle entonne une douce chanson.
Gœthe a raison de trouver ces vers remar- '
quables ; mais il surfait singulièrement ia va-
leur de Du Bartas. Il n'a, du reste, mis en
relief que ce qui en valait la peine. Il s'est bien
gardé de citer des vers comme ceux-ci, ou il
est dit de l'Eternel :
11 œillade tantôt les champs passementés
Du cours entortille" des fleuves argentés...
Or' son nez a longs traita odore une grand'plaine.
Où commence à fleurir l'encens, la marjolaine...
Son oreille or' se pait de la mignarile noise
Que le peuple volant par les forets dégoise...
Et bref Vorcillc'Vœit, le nez du Tout-Puissant,
En son œuvre n'oit rien, rien ne voit, rien ne sent,
Qui ne prêche son los
Voilà qui justifie presque Du Perron , qui a
porté un jugement très-sévère sur Du Bartas,
qu'il traite de fort méchant poète. Des contem-
porains , admirateurs naïfs , ont compliqué
sa biographie d'une légende. Un essaim d a-
beilles serait venu s'établir dans un trou de la
muraille du château de Du Bartas etne l'aurait
jamais quitté, y produisant du miel tous les
ans. Ces abeilles sont d'une invention mal-
heureuse. C'est plutôt le logis de Vauquelin
de la Fresnaie ou de Passerat qu'elles eussent
choisi. Colletet fils a joint la note suivante à
la vie de Du Bartas par Guillaume Colletet :
« Jean Beaudouin, dont le nom a été si connu
dans l'empire des lettres, et duquel nous avons
de si fidèles traductions, m'a-dit autrefois que
Ronsard, qui était fort adroit à jouer à la
paume, et qui ne passait guère de semaine sans
gagner partie aux plus grands de la cour, étant
un jour au jeu de l'Aigle dans notre faubourg
Saint-Marcel, quelqu'un apporta la Semaine de
Du Bartas, et qu'oyantdire que c'était un livre
nouveau, il fut curieux, bien qu'engagé dans
un jeu d'importance, de le voir et de 1 ouvrir,
et qu'aussitôt qu'il eut lu les vingt ou trente
premiers vers, ravi de ce début si noble et si
pompeux, il laissa tomber sa raquette, et, ou-
bliant sa partie, il s'écria : « Oh ! que n'ai-je
fait ce poème I II est temps que Ronsard des-
cende du Parnasse et cède sa place à Du Bartas,
que le ciel a fait naître, un si grand poëte .»
Guillaume Colletet, mon père, m'a souvent
assuré de la même chose; cependant, je m'é-
tonne qu'il ait omis cette particularité... » Ce
qu'il y a de vrai, c'est que cette anecdote
courut et que Ronsard protesta , en ces termes
superbes, contre les paroles qu'on lui avait
prêtées :
Us ont menti, Dorât, ceux qui te veulent dire,
Que Ronsard, dont la muse a contenté les rois,
Soit moins que Du Bartas, et qu'il ait, par sa voix.
Rendu ce témoignage ennemi de sa lyre...
J'aurois menti moi-même en le faisant paraître.
Des contempteurs prétendirent que Du Bartas
avait dépouillé un auteur grec du moyen âge,
Georges Pisidès, qui a décrit ea vers hendé-
casyllabiques l'œuvre des six jours. Il voulut
prouver qu'il pouvaitaller plus loin ets'occupa
de la Seconde Semaine, qui devait renfermer
l'Eden et la suite ; mais il n'en publia que deux
jours. Après sa mort, on imprima successive-
ment quelques parties, qu'on trouva dans ses
papiers. Le tout n'est qu'un chaos, dont on ne
pouvait extraire deux vers présentables. Cette
Seconde Semaine fut en butte à des critiques
assez aigres. Du Bartas répondit par son Brief
A avertissement, imprimé en décembre 1584,
où il le prit de très-haut, s'autorisant de la
Cité de Dieu de saint Augustin, qui lui aurait
inspiré ces journées mystiques. If gourmanda
ensuite ceux qui s'étaient moqués de ces vers
détachés de la description du cheval, et imi-
tatifs du galop :
Le champ plat bat, abat, détrappe, grappe, attrape
"Le vent qui va devant.
« Mais, ô bon Dieu ! s'écrie- t-il, ne voient-ils
pas que je les ai faits ainsi de propos délibéré,
et que ce sont des hypotyposes?. » Gabriel
Naudé raconte, à ce propos, que Du Bartas se
claquemurait quelquefois chez lui et, se met-
tant à quatre pattes, soufflait, gambadait et
caracolait, comme pour entrer dans la peau da
son sujet.
Il ne fit pas seulement œuvre de poëte,
Henri IV lui confia plusieurs missions diplo-
matiques , en Angleterre , en Ecosse et en
Danemark. Il fut très-bien accueilli à la cour
de Jacques VI, qui témoigna de la haute estime
qu'il avait de son talent, en traduisant en an- '
glais un morceau de la Seconde Semaine, ce
qui engagea Du Bartas à traduire, de son côté,
enJfrançais le cantique de Jacques sur la ba-
35
274
BAR
taille de Lépante. Il eut une fin de soldat.
» Comme il commandait, dit De Thou, une cor-
nette de cavalerie, sous les ordres du maréchal
de Matignon, gouverneur de la province, les
chaleurs, les fatigues de la guerre et quelques
blessures mal fermées l'emportèrent au mois
de juillet (1590), à la fleur de son âge, à
quarante-six ans. » Il eut l'honneur d'être
traduit en plusieurs langues, voire même en
danois, et de donner au Tasse l'idée de son
poème des Sept Journées.
BARTAVELLE s. f. (bar-ta-vè-lc). Ornith.
Un des noms vulgaires de la perdrix grecque
ou de roche : La bartavelle niche sur la terre,
dans les feuilles. (Buff.) Il existe une variété
blanche de la bartavelle. (P. Gervais.) La
bartavelle est excessivement rare. (Chapus.)
On servit des ailes de bartavelle à la purée
de champignons. (Bril.-Sav.) il V, Perdrix.
BARTELS (Ernest-Daniel-Auguste), mé-
decin allemand, né èi Brunswick en 1778, mort
à Berlin en J838. Après s'être fait recevoir
docteur en médecine à l'université d'Iéna, il
fut successivement appelé a professer l'ana-
tomie et la physiologie a Helmstœdt (1803), à
Marbourg (1810) et à Breslau. La réputation
qu'il s'acquit comme savant et comme prati-
cien le fit nommer par le gouvernement prus-
sien professeur de clinique médicale à l'uni-
versité de Berlin, en 1827; il reçut, en outre, le
titre de conseiller du roi de Prusse. On lui
doit un grand nombre d'ouvrages écrits en
allemand. Les principaux sont : Fondements
d'une nouvelle théorie de la chimie et de la
physique (1804); Remarques anthropologiques
sur le crâne et le cerveau chez l'homme (Berlin,
1806) ; Plan systématique d'une biologie géné-
rale (Francfort, ISOS); Physiologie de la force
vitale chez l'homme (1810) i Euchariston ou
Rapports du monde avec la divinité (1819) ;
Principes des sciences naturelles (i82l); Con-
sidérations sur ta philosophie de la religion et
ses principaux problèmes (1828) ; Physiologie
pathogénique, etc. (1829); Traité théorique et
pratique sur les fièvres nerveuses, etc. (1837-
1838, 2 vol.), etc.
BARTENSTEIN, ville de Prusse, prov. de
la Prusse orientale, régence et à 45 kil. S. de
Kœnigsberg , 24 kil. S.-O. de Friedland ;
4,111 hab. Il Ville du Wurtemberg, cercle du
Jaxt, à 12 kil. N.-O. de Gerabronn, près de
l'Ette; 1,100 hab. Beau château, résidence
des princes Hohenlohe-Bartenstein.
BARTENSTEIN (Jean -Christophe de), cé-
lèbre jurisconsulte allemand, né en Bohême
vers 1690, mort à Vienne en 1766. H fut vice-
chancelier d'Autriche et de Bohême, et, en cette
qualité, rédigea plusieurs manifestes, dont le
plus remarquable est la déclaration de guerre
contre la France en 1741. Ce jurisconsulte
écrivit, pour l'instruction de celui qui fut plus
tard l'empereur Joseph II, un ouvrage inti-
tulé : Droit de la nature et des gens (Vienne,
1790, in-8°).
BARTENSTEIN (Laurent- Adam) , savant et
poète allemand, né à Heldbourg en 1717, mort
en 1796. Il se livra, à Cobourg, aux plus sé-
rieuses études, fut chargé de diriger l'éduca-
tion de deux comtes d Auersberg, et, après
avoir été nommé recteur de l'école de Cobourg
en 1743, il devint successivement professeur
d'éloquence et de poésie en 1757, et de ma-
thématiques en 1765. On a de lui plusieurs
ouvrages écrits soit en latin , soit en aile -
mand, dont les principaux sont : Religionis chris-
tianœ excellentia, etc. (Cobourg, 1757); Rudi-
ments simplifiés de la langue grecque ( en
allem. (Cobourg; 1768); Cur Virgtlius moriens
AZneida comburi jusserit (Cobourg, 1772).
BARTFELD, ville de l'empire autrichien,
Hongrie, cercle de Kaschau, comitat de Saros,
à 30 kil. N. d'Eperies, sur la Tépla; 5,000 h.
Sources ferrugineuses acidulées renommées ;
bains les plus fréquentés de la Hongrie; pa-
peteries et forges.
BARTH, ville de Prusse, prov. de Pomé-
ranie, régence et à 26 kil. N.-O. de Stralsund;
4,000 hab. Située sur la lagune de Binnen-See,
dans la Baltique, elle a un port pour petits
bâtiments et fait le commerce de graines et
lainages.
BARTH (Gaspard de). V. Barthids.
BABTR (Jean-Charles), dessinateur et gra-
veur allemand contemporain, né à Ilildburg-
hausen, en 1792, élève de J.-G. Muller. Il tra-
vaillait à Francfort dès 1810, et grava, à
cette époque, une vingtaine de pièces, d'après
Cimabue, Giotto et autres peintres anciens,
pour un recueil ( Ceschichte der Mahlerei in
italien, tin.) publié par F. et J. Riepenhausen
(Tùbinge, in-fol.). Il prit ensuite des leçons
de Cornélius et rejoignit ce maître à Rome,
en 1817. Il grava d'après lui, avec Samuel
Amsler, le frontispice des Niebelung en, planche
remarquable qui ligura à l'exposition de Paris,
en 1824. Devenu l'ami d'Overbeck, il grava la
fresque du palais Bartholdi dans laquelle ce
grand peintre avait représenté les Années
maigres dont parle la Bible. On doit encore à
Charles Barth : une planche pour YOndine de
Fouqué, d'après Kolbe; la Charité, d'après
C. Vogel; une Tête de Christ, et une Madone
d'après Holbein; unç Vierge (Mater amabilis),
d'après Andréa del Sarto ; le portrait de Ra-
phaël, d'après la peinture de ce maître qui est
au musée de Munich ; les portraits de Pie IX,
du peintre C. Fohr, du poëte Ruckert, de
Frédéric Schlégel, etc.
BAR
BARTH (Joseph), chanteur allemand, mort
à Vienne en 1865. C'est à cet artiste distingué,
ténor longtemps applaudi sur les scènes ly-
riques d'Allemagne, qu'on doit la conservation
du manuscrit d'Adélaïde, que Beethoven, diffi-
cile à l'excès pour ses compositions, voulait
brûler. « Barth, dit l'Echo de Berlin, ayant
demandé à chanter une dernière fois, devant
Beethoven, l'ouvrage que celui-ci voulait dé-
truire, le compositeur aurait renoncé à son
projet, et voilà comment aurait été conservée
a l'art une des plus nobles inspirations de l'il-
lustre maestro.
BARTH (Jean-Baptiste-Philippe), médecin
français, né à Sarreguemines vers 1812. En-
voyé à Paris pour y étudier la médecine, il
obtint en 1834 la médaille d'or au concours des
internes, et passa sa thèse de docteur en 1837.
Devenu presque aussitôt chef de clinique à
l'Hôtel-Dieu , il fut successivement nommé
agrégé de la faculté en 1839, médecin du bu-
reau central en 1840, et enfin médecin de
l'Hôtel-Dieu. En 1854, il a été élu membre de
l'Académie de médecine. Outre des mémoires
importants, publiés dans les Archives générales
de médecine de 1839 à 1849, on lui doit, en
collaboration avec M. H. Roger, un excellent
Traité pratique d'auscultation (1844, in-18),
lequel a eu plusieurs éditions.
BARTH (Henri), célèbre voyageur et géo-
graphe allemand, né à Hambourg le 8 avril 1824,
mort à Berlin en 1865. U préluda à ses explo-
rations par des études d'archéologie, de philo-
logie, d'histoire et de géographie ; il s'appliqua
surtout à bien connaître la langue arabe. Après
avoir fait une excursion de curiosité en Sicile,
et présenté à l'université _ de Berlin une thèse
très-remarquée sur le Commerce de l'ancienne
Corinthe, il parcourut la régence de Tripoli et
la province de Marmarique, s'avançant au
delà des limites atteintes par les voyageurs
européens. En 1845, il explora de nouveau la
régence de Tunis et celle de Tripoli, parvint
jusqu'à Bengazi, l'ancienne Bérénice, et pé-
nétra en Egypte après avoir été dépouillé et
laissé pour mort par des Arabes pillards. Il
remonta ensuite le cours du Nil jusqu'à la
seconde cataracte, pénétra par le désert jus-
qu'à la ville d'Assouan, passa en Asie en 1846,
traversa l'Arabie Pétrée et la Palestine, visita
les îles et les côtes de Syrie, et parcourut
toutes les anciennes provinces grecques de
l'Asie Mineure, dont il restitua les noms ori-
ginaux. Il employa l'année 1847 à un séjour
a 'Constantinople, suivi d'un voyage de six
mois en Grèce. En 1849, il publia à Berlin sa
première relation de voyages : Exploration des
côtes de la Méditerranée dans les années 1845,
etc. Mais ce qui valut surtout à l'intrépide
voyageur une célébrité européenne, ce furent
les excursions qu'il fit en Afrique, au milieu
des plus grands périls, de 1S50 à 1854, et la
relation en cinq gros volumes qu'il en a publiée
sous le titre de Voj/ajcs et découvertes dans le
nord et le centre de l'Afrique, et Journal de
l'expédition entreprise dans ces contrées sous les
auspices du gouvernement de Sa Majesté Bri-
tannique. Nous allons donner quelques détails
sur cette expédition qui restera à jamais cé-
lèbre dans les annales de la géographie.
« L'expédition, dit M. Vivien de Saint-Martin,
se préparait à Londres ; James Richardson en
avait tracé le plan, et elle devait avoir, comme
celle d'Oudney et Clapperton en 1821, ou pour
mieux dire comme toutes les expéditions an-
glaises, un caractère à la fois commercial et
scientifique. James Richardson n'était pas un
homme de science; il fallait lui adjoindre de
bons observateurs. A la suggestion du che-
valier Bunsen, alors ambassadeur de Prusse
à Londres, ce fut à l'Allemagne que l'Angle-
terre les demanda. Sur les indications de la
Société de géographie de Berlin, on jeta les
yeux sur le docteur Overweg, naturaliste et
féologue; celui-ci, qui était de Hambourg,
étermina à son tour son compatriote Henri
Barth à se joindre à l'expédition.
» La position des deux jeunes Allemands était,
à l'origine, tout à fait subordonnée, et cependant
l'extension imprévue que l'expédition a prise,
les découvertes mémorables qui l'ont signalée,
le vif et constant intérêt qui s'y est attaché,
son retentissement en Europe, et l'éclat qui
l'a couronnée, tout cela est du à l'impulsion
que les deux jeunes savants lut imprimèrent
dès le début, à la direction qu'ils lui donnèrent,
à l'activité surhumaine qu'ils y ont déployée,
et peut-être plus encore a la froide. et persé-
vérante énergie qui n'a pas faibli un instant
chez Barth, au milieu des rudes épreuves que
pendant cinq ans il eut à traverser.
» Ses compagnons tombent, l'un après l'autre,
épuisés par la fatigue et minés par le climat ;
il se voit seul, et un moment presque sans
ressources au fond de ces contrées dévorantes ;
il est entouré de peuplades inconnues, dans
des pays où chaque pas est un danger, chaque
regard un soupçon ou une menace, et sans
aucun moyen de communiquer avec l'Europe ;
§endant d'es mois entiers, sa vie est à la merci
'un mot, d'un hasard , d'une imprudence ou
d'un caprice : n'importe, rien ne le détourne
de son but! Il observe, il étudie; et, depuis la
région du lac Tchad jusqu'à la mystérieuse
Tombouctou, où il a réussi à pénétrer, il re-
cueille de toutes parts une ma*se incroyable
d'informations, au milieu des dangers comme
dans les moments les plus calmes. Il a foi en
Dieu et en lui-même, et sa confiance ne sera
pas trompée. Seul de tous ceux qui ont eu part
à l'expédition, il a. revu sa patrie après cinq
BAR
années de travaux, de fatigues et de dangers
inouïs, et les acclamations qui ont salué son
retour inespéré le payèrent en un jour de cinq
années de souffrances, p
Aujourd'hui, Barth est considéré par les
autorités les plus compétentes en géographie
comme le plus méritant et le plus utile de ces
hardis explorateurs qui, de nos jours, ont
cherché à pénétrer dans les profondeurs in-
connues de l'Afrique. Grâce à ses explorations,
on a maintenant des données exactes et cer-
taines sur toute la partie de l'Afrique centrale
qui s'étend deBaghcnni à l'est, jusqu'à Tom-
bouctou à l'ouest. On sait que ces contrées, au
lieu de n'être, ainsi qu'on 1 avait présumé jus-
qu'alors, qu'une longue suite de déserts par-
semés de quelques oasis, sont habitées par de
nombreuses populations vivant encore, il est
vrai, à l'état barbare. Barth y a constaté
l'existence de nombreuses terres fertiles, pro-
duisant en abondance les grains de toute sorte,
le coton, le sucre et l'indigo. Il y a déterminé
la position de belles et vastes forêts de haute
futaie ; il en a parcouru les lacs et les princi-
paux cours d'eau, et il a reconnu que le Niger
est navigable à l'est sur une étendue de plus de
600 milles anglais, et à l'ouest sur une étendue
de 350 milles. A M. Barth revient aussi le mé-
rite d'avoir découvert le grand fleuve de Be-
mrwé, sur lequel il n'existait depuis des siècles
que des données très-obscures. Cette expédi-
tion, commencée le 2 avril 1850, à Tripoli,
s'est prolongée jusqu'au 12 août 1854. Six mois
furent employés à traverser le territoire de la
Régence et le Sahara, non sans avoir à courir de
grands dangers, tant de la part des hommes que
des éléments. C'est d'Agades, capitale de la Ni-
gritie orientale, que datent les véritables décou-
vertes de l'intrépide voyageur. Il parcourut
successivement le Damergu, le Tessawa, le
Kassena, le Borna, le Ngorna, fit un long
séjour dans les capitales de ces trois Etats,
Kano, Kuka-wa et Adamawa, et recueillit des
renseignements précieux, tant sur leur orga-
nisation politique que sur leur situation éco-
nomique. Lorsque 1 esprit d'entreprise des Eu-
ropéens se sera mis en rapport avec ces
contrées, en remontant les grands cours d'eau
explorés par l'intrépide voyageur, c'est encore
dans son livre qu'il faudra chercher des indi-
cations sur les besoins matériels à satisfaire.
Dans son désir de tout connaître, le docteur
Barth, surmontant ses répugnances, fit partie
de deux grandes chasses aux esclaves. Dans
le cours de ses pérégrinations, l'illustre voya-
feur, qui était, en général, assez bien muni
'argent et à qui le mandat qu'il tenait du gou-
vernement anglais donnait un certain pres-
tige, fut la plupart du temps assez bien ac-
cueilli par les divers souverains et chefs afri-
cains. Les plus exigeants ne firent guère que
l'importuner de leurs plaintes de pauvreté.
Un de ces chefs, El Bakay, fut son protec-
teur à_ Tombouctou, où il séjourna depuis le
27 août 1853 jusqu'à la fin de mars 1854. La
populace, ayant fini pardécouvrir qu'il n'était
pas musulman, demandait chaque jour sa
mort ou son expulsion. Barth, malgré les désa-
gréments que lui causaient ces clameurs, put
encore recueillir, pendant ces sept mois, assez
de renseignements historiques, politiques et
commerciaux sur Tombouctou, pour remplir
son quatrième et son cinquième volume. U fut
notamment assez heureux pour découvrir l'his-
toire de l'empire de Songhag d'Ahmed Baba.
En mars 1854, le séjour de Tombouctou étant
devenu très-dangereux, Barth partit escorté
par son protecteur El Bakay, qui l'accompagna
jusqu'à Say, où il reprit, par le Sahara et la
régence de Tripoli, la route qu'il avait déjà
parcourue. On se fera une idée des fatigues de
ces longs voyages par l'étendue des pays tra-
versés, qui est de 25° entre Tripoli et Yola,
et de 190 entre Baghermi et Tombouctou.
En mourant, Barth a laissé des manuscrits
précieux qui devaient faire suite à son grand
ouvrage et qui sont, dit-on, de nature à jeter
une vive lumière sur l'ethnographie, encore si
peu connue, du nord de l'Afrique. La mort l'a
frappé au moment où il se disposait à livrer à
l'impression cette conclusion de son beau tra-
vail. U est à désirer que la science n'ait pas
à déplorer cette lacune dans les travaux du
savant et courageux voyageur, et, en cela,
l'ethnographie peut s'en rapporter à la stu-
dieuse Allemagne.
BARTHE (Nicolas-Thomas), poëte et auteur
dramatique, né à Marseille en 1734, mort à
Paris en 1785, était fils d'un riche négociant
de Marseille, qui le destinait au barreau. Il lit
donc de sérieuses études chez les pères de
l'Oratoire, mais une impérieuse vocation litté-
raire déjoua, comme cela arrive souvent, l'or-
gueil de ce père qui, sans tenir compte des
aptitudes réelles, prétendait engager, suivant
son bon plaisir, l'avenir de son fils. Barthe se
ré volta contre cette décision despotique, et vint
très-jeune à Paris, où il débuta dans la carrière
littéraire par quelques pièces de poésie. Son
Epitre à Thomas sur le génie, considéré par
rapport aux beaux-arts, fut remarquée et
avec raison.
Doué d'un esprit plein de finesse et fécond
en reparties heureuses, aimable, enjoué, ai-
mant la dissipation et les plaisirs, Barthe se
vit bientôt fort recherché par les grands sei-
gneurs et les hommes de lettres de son temps.
En 1764, il débuta au théâtre par une pièce
en vers, intitulée Y Amateur, et fit jouer suc-
cessivement : les .Fausses Infidélités ; la Mère
jalouse et Yllomme personnel. Toutes ces
BAR
pièces sont écrites avec verve et esprit; la
versification en est facile et élégante ; mais, à
l'exception des Fausses Infidélités, dont le suc-
cès fut très- vif et qui est restée au répertoire,
ses comédies manquent d'action et d'intrigue,
et présentent un plan mal conçu. Comprenant,
après l'échec de 1 Homme personnel, qu'il man-
quait des qualités nécessaires à l'auteur co-
mique, Barthe renonça au théâtre et composa
un A rt d'aimer, en quatre chants, dont quelques
fragments seuls ont été publiés. Qui n eût cru,
dit un biographe, d'après la lecture des épltres
de Barthe, que c'était à la fois un « homme
d'esprit et un homme aimable, c'est-à-dire un
homme de bonne compagnie? Puisqu'il faut
le dire, il manquait absolument de cette poli-
tesse, qui est la superficie agréable de la bonté.
Comme il avait un caractère impétueux et
irascible, son commerce n'était pas sans épines.
Son amour-propre était sans cesse agresseur
de l'amour-propre d'autrui. Il abusait du moi.
On a dit que, dans sa comédie de YEgoïste, il
était, du moins, plein de son sujet. Poursefaire
une idée juste de Barthe, il faut lui appliquer le
caractère de la coquette, qui ne veut plaire
qu'environnée de ses adorateurs, et qui tour-
mente chacun en particulier. Voila pourquoi cet
homme, qu'on fuyait dans le tête-a-tête, était
recherché dans les sociétés les plus brillantes,
dont il faisait les délices par son esprit et son
amabilité. Parmi les gens de lettres, il comp-
tait plusieurs amis, surtout l'orateur Thomas,
qui 1 avait choisi pour le confident de ses pen-
sées et de ses affections. Barthe mérita l'ami-
tié de celui dont, suivant Saint- Lambert « tes
actions vertueuses n'étaient pas des saillies,
parce que ses vertus étaient des habitudes. »
Barthe pouvait se promettre une longue car-
rière, avec du régime; mais U se livrait à des
excès qui rendent la santé malade, comme dit
Montaigne... Il dînait et soupait trop : le lende-
main d un jour où il avait soupe en ville, il se
réveille avec une indigestion, il est attaqué
de coliques violentes et d'un vomissement
qui, par les efforts qu'il occasionne, cause un
étranglement dans une hernie qu'il portait
depuis quelques années. On court chercher
des chirurgiens, il en arrive quatre à la fois.
Barthe appelle en souriant un de ses amis et
lui dit à 1 oreille : « Ce n'est pas moi, c'est vous
qui payerez ces gens là. » Les praticiens exa-
minent l'état du malade, et décident qu'il faut
faire l'opération. Barthe leur dit : « Messieurs,
j'y consens ; mais je n'en attends aucun suc-
cès ; rien ne peut me rendre à la vie. Laissez-
moi seulement faire mon testament avant de
faire votre opération. » On le met dans un
bain pour calmer ses douleurs, qui étaient
horribles. Là, il dicte son testament avec la
voix ta plus ferme, l'air le plus assuré ; il se
rappelle, avecune présence d esprit incroyable,
les moindres détails de ses affaires. Un de ses
amis venait lui apporter un billet de loge
pour la première représentation de Ylphigé-
nie en Tauride, de Piccini. « Mon cher ami,
lui dit Barthe, on va me porter à l'église, je
ne puis aller à l'opéra; n et il ne parle plus
que de musique et d'opéra, plaisantant sur
ce fauteuil académique qui avait été le rêve
de son ambition. « Il serait plus doux que ma
baignoire, ajoutait-il. » Telle fut la fin d'un
homme qui avait vécu comme Ovide, et qui
vit la mort de près, du même œil que Mon-
taigne l'avait vue de loin. René Perrin a publié
un choix des poésies de Barthe (1810, in-18),
et M. Fayole,ses (Euvres choisies (igi\, in-12).
Voici la liste des œuvres de Barthe, qu'on a
voulu comparer à Gresset, mais qui se rap-
proche beaucoup plus do Desmahis. Littéra-
ture : Le Temple de l'hymen, poëme (1755);
seize épîtres, savoir : A M. Thomas; A M. le
baron d'Aiguines; A Thémire; Conseils à une
jeune personne qui entre dans le monde; A un
Amant trahi; le Déclin de la jeunesse; A
Mme Du Bocage; Sur l'Amitié des femmes ; A
j/inos Seymandi; A Afr»e P...; Sur le Cou,
A Mme la marquise de...; A M. Dulard; A
mon Médecin; A un Ami; A Mmc de... Poésies
diverses : Lettres de l'abbé de Bancé à un ami;
Fragments du poëme inédit de Y Art d'aimer;
Fragments du Livre XI de YEnéide; Statuts
pour l'Académie royale de musique; Im-
promptu à une jeune mariée ; Inscription pour
une petite maison de campagne, etc. L'Epîtreà
Thomas fut le nœud de la liaison constante do
ces deux hommes, qui ne paraissaient guère
devoir sympathiser ensemble. Aussi Thomas
disait-il de Barthe : « Il m'a fait trouver dans
l'amitié tous les orages de l'amour. » L'épître
sur Y Amitié des femmes valut à l'auteur une
charmante réponse en vers, de M»'o Fanny
de Beauharnais. Théâtre : Y Amateur , comé-
die en un acte et en vers (Comédie-Française,
5 mars 1764). Le héros de la pièce est un nou-
veau Pygmalion qui s'éprend d'un buste en
marbre, représentant une charmante jeune
fille. Après quelques péripéties, l'amateur
épouse Y original de son marbre adoré. Quoique
l'ouvrage eut réussi, Barthe le retira pour y
faire des corrections ; les Fausses Infidélités,
comédie en un acte et envers (Comédie-Fran-
çaise, 25 janvier 1168), dix.- huit représenta-
tions à l'origine; la Mère jalouse, comédie
en trois actes et en vers (23 décembre 1771) ;
elle n'obtint d'abord que cinq représentations,
mais l'auteur l'ayant retouchée, elle a été re-
prise avec succès et s'est maintenue long-
temps au répertoire ; YHonane personnel ou
YEgoïste, comédie en cinq actes et en vers
(Comédie-Française, 21 février 1778), huit
représentations pou suivies.
• Colardeau, dit-on, étant au lit de la mort,
BAR
BAR
BAR
BAR
275
Barthe alla lui lira cette comédie sans lui
faire grâce d'un hémistiche. Quand il eut fini,
Colardeau lui dit d'une voix presque éteinte :
« Mon ami, vous n'avez oublié qu'une chose
dans votre comédie ; c'est un auteur qui lit sa
" pièce à un ami mourant. » On a démenti le fait,
et l'on sait, dit un biographe, que des amis
de Barthe, lors de la représentation de sa
comédie, l'avaient engagé lui-même a tirer
parti de ce trait d'égoïsme, connu depuis cin-
quante ans.
BARTHE (Félix), magistrat et homme d'E-
tat, né à Narbonne en 1795, mort en 18G3. Il
étudia le droit à Toulouse et se fit inscrire en
1817 sur le tableau des avocats à la cour
royale de Paris. Lancé dès sa jeunesse dans
les conspirations du libéralisme, il s'affilia à
]a société secrète des carbonari et prêta le
serment classique de haine à la royauté.
Membre de la haute vente, il prêta souvent le
secours de son talent à des accusés politiques
de son parti, notamment au colonel Caron et
aux sergents de la Rochelle. La Restauration
eut peu d'ennemis, plus véhéments et plus
agressifs. En 1830, il s'associa à la protesta-
tion des journalistes, joua un rôle actif dans
la révolution, partagea les travaux de la com-
mission municipale et fut nommé par Dupont
(de l'Eure) procureur général près la cour
royale de Paris. Peu de temps après, les élec-
teurs de Paris l'envoyèrent a la Chambre des
députés. Il fut ensuite ministre de l'instruc-
tion publique (décembre 1830) , garde des
sceaux (mars 1831), premier président de la
cour des comptes et pair de France (avril 1834).
Il occupa.encore une fois le ministère de la
justice dans le cabinet Mole, fut révoqué en
1848 de ses fonctions à la cour des-eomptes,
réintégré l'année suivante, et appelé au Sénat
en 1852. Comme ministre de la justice, on lui
doit quelques améliorations dans le code pé-
nal. Mais l'ancien conspirateur de la Restau-
ration avait bien oublié le libéralisme de sa
jeunesse, et il subit beaucoup d'attaques pour
son esprit rétrograde et pour la rigueur avec
laquelle il poursuivit les accusés politiques de
juin 1832. M. Barthe a laissé quelques écrits.
BARTHE (Marcel), homme politique et avo-
cat français, né à Pau en 1813. Son père,
maître ouvrier, le fit élever avec soin et l'en-
voya à Paris pour y faire son droit. Le jeune
homme, entraîné par ses goûts littéraires, prit
une part active dans la grande querelle des
classiques et des romantiques, publia des
articles dans l'Artiste et le Temps, et, de re-
tour dans sa ville natale, il se ht inscrire au
tableau des avocats. Il se livra alors avec ar-
deur à l'étude des questions sociales que Fou-
rier et Saint-Simon avaient mises il l'ordre
du jour, se montra partisan des idées phalans-
tériennes ; mais, loin de professer, en matière
politique , l'indifférence recommandée par le
chef de l'école sociétaire, il fit une vive oppo-
sition à la monarchie de Juillet et se rangea
parmi les membres du parti avancé, qui l'en-
voya siéger au conseil municipal. Elu député
à la Constituante, lors des élections complé-
mentaires du mois de juin 1848, il devint
membre du comité de l'instruction publique,
se prononça contre les idées socialistes, sui-
vit la politique représentée par le général Ca-
vaignac et, après l'élection présidentielle, il
vota le plus souventavec la gauche. Non réélu
à l'Assemblée législative, il revint prendre sa
place au barreau de Pau , où il publia ,
en 1850, une brochure intitulée Du Crédit
foncier. Toujours fidèle à ses Convictions li-
bérales, M. Marcel Barthe est resté longtemps
à l'écart de la politique active. Ayant posé,
en 1865, sa candidature dans les Basses-Py-
rénées , en opposition à celle du candidat
officiel, il échoua ; mais il n'en sortit pas
moins de la lutte avec une importante minorité
de 0,000 voix.
BARTHE (Paul de la). V. Thermes (de).
BARTHE-DE-NESTE (La), bourg de France
(Hautes-Pyrénées), ch.-l. de cant., arrond. et
a 25 kil. E. de Bagnères-de-Bigorre ; pop.
aggl., 745 hab. — pop. tôt., 800 hab. Ruines
d'un vieux château.
BARTHEL (Jean-Gaspard) , jurisconsulte
allemand, né à Kissingen, dans le "Wurtz-
bourg, en 1697, mort en 1771. Il perfectionna
ses études à Rome, où il suivit les leçons du
cardinal Lambert'mi, depuis Benoît XIV. De
retour a \Vurtzbourg, il fut nommé successi-
vement professeur de droit canonique, cha-
noine du chapitre et vice-chancelier de l'uni-
versité. Barthel a laissé la réputation d'un
savant jurisconsulte. Tous ses ouvrages
portent l'empreinte d'un zèle ardent pour la
religion catholique, et on lui reproche sa
violence envers les protestants. Ses princi-
pales œuvres sont : Ùistoria generalis pacifi-
cationum imperii, etc. (1736) ; Se jure refor-
mandi antiquo et novo (1744) ; De restituta cano-
aiicarum in Germaniaelectionum politia (1749) ;
Tractatus de eo quod circa Ubertatem exer-
citii religionis ex lege divina et ex lege imperii
justumest(nsi).
BARTHEL (Jean-Christian-Frédéric),peintre
et graveur allemand, né à Leipzig en 1775.
Comme peintre, il s'est surtout fait connaître
par ses tableaux composés pour le château de
Brunswick, et parmi lesquels on cite le Dieu
du jour, les Quatre Heures, etc. Comme gra-
veur, il a fait preuve d'un talent réel dans les
soixante-dix planches qu'on doit à son burin,
ît dont la plus remarquable est une Grotte, d'a-
près Thormeyer. Enfin il a composé, sous le
titre de Eumorphia (Leipzig, 1807), un ou-
vrage sur les rapports de la philosophie avec
les beaux-arts.
BARTHEL (Jean-Chrétien), organiste alle-
mand, né en 1776, mort en 1831. A l'âge de
cinq ans, il reçut des leçons de piano du fa-
meux Roesler; et deux ans après, son père
lui donna un maître de violon. Les progrès de
l'enfant furent si rapides, qu'il émerveilla
Mozart, qui l'entendit à Leipzig exécuter un
concerto de piano. Stiller et Goerner perfec-
tionnèrent ses études sur le violon et 1 orgue.
A seize ans, Barthel était nommé directeur des
concerts de la cour de Schœnebrunn, puis di-
recteur de musique à Greitz. Après plusieurs
années de séjour dans cette ville, il entreprit
un voyage en Allemagne, où il produisit une
telle sensation, qu'on lui offrit la place d'or-
faniste de la cour à Altenbourg. Ses nom-
reuses compositions de musique religieuse
sont encore manuscrites ; on n'a publié de lui
qu'un recueil de 18 danses pour le piano, sous
le titre de Flore musicale.
BARTHE -LABAST1DE, homme politique
français, né à Narbonne en 1775. Il est resté
comme un des plus curieux types deceshommes
aveugles et de ces courtisans ineptes qui, au
début de la Restauration, eurent l'ingénieuse
idée de vouloir ressusciter tout entier l'ancien
régime et de supprimer, avec quelques petits
décrets, l'œuvre immortelle de la Révolution.
Devenu, en 1815, membre de la Chambre in-
trouvable, M. Barthe-Labastide, plein d'en-
thousiasme pour l'absolutisme et le système
du bon plaisir, obtint de remarquables succès
de fou rire, par les singulières propositions
qu'il s'avisa de mettre au jour, ainsi que par
1 enthousiasme de commande auquel il savait
se livrer à l'occasion. On parla beaucoup, en
ce temps, de la sensibilité qu'il flt éclater, le 13
janvier 1818, en déplorant, au milieu de la
Chambre, la perte que la France avait faite,
sous Louis XIII, en la personne du cardinal
de Richelieu. Il proposa de regarder comme
factieux quiconque signerait des pétitions
pour le maintien de la Charte, de mettre à la
disposition de l'Etat les bois ayant appartenu
jadis à des communautés, afin de doter de
nouvelles corporations religieuses, dont le be-
soin se faisait absolument sentir ; il combattit
le mode d'avancement par ancienneté, tout à
fait révoltant pour un gentilhomme, demanda
qu'on diminuât le nombre des soldats pour
augmenter celui des missionnaires, etc., etc.
Après avoir fait partie de toutes les Chambres
de la Restauration, il reparut sous Louis-Phi-
lippe, comme député. Daumier, le célèbre ca-
ricaturiste, le voyant voter avec le même en-
thousiasme pour la nouvelle monarchie, plus
que jamais ministériel et croyant plus que
jamais à l'infaillibilité du plus fort, s'empara
de ce type avec son terrible crayon, et s'en
servit longtemps pour amuser les lecteurs de
la Caricature et autres journaux satiriques du
temps.
barthélemite s. m. (bar-té-le-mi-te —
du nom de dom Barthilemi). Hist. ecclés.
Clerc séculier de la congrégation fondée par
dora Barthélemi Halhauser.
BARTHÉLÉMY, mot d'origine syriaque, qui
est une corruption de Bar-Tholmai, le fils
de Tholmai ou Tholomée, c'est-à-dire Ptolé-
mée. C'est ainsi, dit d'Herbelot, que les Sy-
riens et les Juifs appellent celui que les La-
tins, après les Grecs, nomment Bartholomœus,
et les Français Barthélémy.
BARTHELEMY (SAINT-), une des Antilles,
seule colonie que possède la Suède dans le
nouveau monde; 16,000 hab.; ch.-l. Gustavia;
sucre, indigo, tabac.
. BARTHÉLÉMY Ou BARTHOLOMÉ (Saint),
c'est-à-dire en hébreu fils de Tholomée ou fils
qui arrête les eaux, l'un des douze apôtres
choisis par Jésus-Christ. On croit qu'il naquit
à Cana en Galilée, et qu'il est le même que
le disciple Nathanael. Eusèbe nous apprend
que saint Barthélémy alla porter les lumières
de l'Evangile en Arabie, en Perse, en Ethio-
pie, et jusqu'aux contrées que nous nom-
mons aujourd'hui les Indes. Il ajoute que
saint Pantène, envoyé au nic siècle dans ces
régions éloignées pour combattre les doctrines
des brahmanes, y trouva des traces du séjour
de saint Barthélémy, et qu'on lui montra une
copie de l'Evangile de saint Matthieu, que le
saint apôtre y avait laissée. A son retour de
l'Inde, saint Barthélémy vint rejoindre saint
Philippe à Hiérapolis en Phrygie, puis se ren-
dit en Lycaonie, où il prêcha l'Evangile. Il
répandit aussi les lumières de la foi dans
d'autres contrées, en dernier lieu en Arménie,
Su il souffrit le martyre sur l'ordre du gouver-
neur d'Albanopolis. Il fut écorché vif et en-
suite crucifié. Ce double supplice était alors
en usage en Egypte, en Perse et dans les
pays voisins. Cet apôtre n'a laissé aucun écrit,
et l'Evangile donné sous son nom a été déclaré
apocryphe par le pape Gélase. Les reliques de
saint Barthélémy ont été apportées à Rome
en 983, et ont été placées sous le maître-au-
tel de l'église bâtie en son honneur. Sa fête se
célèbre le 24 août.
Bartbclera; (REPRÉSENTATIONS DIVERSES DE
saint). — Un diptyque grec du vme ou du ixe
siècle, publié par Paciaudi (Antiguitates chris-
iianœ, p. 389) , représente saint Barthélémy à
mi-corps, tenant à la main une espèce de cou-
teau, iusU'urnent de son supplice. Ce genre de
représentation est celui qui a été le plus fré-
quemment suivi dans les monuments du moven
âge et des temps modernes. Jean Molanus
(Uistoria imaginum sacrarum), condamne l'u-
sage, adopté oar certains artistes, de donner à
l'apôtre le costume d'un personnage de con-
dition noble ; mais il blâme surtout ceux qui
l'ont représenté écorché et portant sa neau au
bout d'un bâton ; la dignité de l'art religieux
ne saurait admettre, en effet, une image aussi
révoltante, et l'on s'étonne à bon droit que
Michel-Ange ait cru devoir figurer ainsi le
saint, dans son célèbre Jugement dernier.
D'autres artistes n'ont pas fait preuve de
moins de réalisme, en peignant les horribles
détails du martyre de saint Barthélémy. Ribera
s'est particulièrement complu dans ce sujet,
qu'il a traité de plusieurs façons différentes
(v. ci-après). Une estampe de Jean Couvay,
d'après Poussin, montre le saint, lié sur un
banc par le bourreau, près d'une statue de
Jupiter, à qui il refuse de sacrifier ; au ciel,
des chérubins apportant la palme du martyre.
Une sculpture d'Agrate; dans la cathédrale de
Milan,- représente l'apotre écorché vif; cet
ouvrage, d'une exécution fort remarquable,
ne le- cède point en réalité aux compositions
de Ribera. On doit encore à ce dernier di-
verses ligures isolées de saint Barthélémy;
deux des plus belles se voient au musée royal
de Madrid ; l'une montre l'apôtre à mi-corps,
là tête un peu penchée et nous regardant d'un
air rêveur, le front presque chauve, le corps
enveloppé d'une draperie blanche qui ne laisse
voir que la main gauche, tenant un couteau ;
l'autre figure est en pied : le saint est assis
sur une pierre, drapé dans un ample manteau
blanc, qu'il retient sur sa poitrine ; il tient a
la main l'instrument de son supplice ; sa tête
vénérable est admirablement éclairée ; la dra-
perie fait illusion. Nous citerons encore, entre
autres représentations de saint Barthélémy,
une peinture de l'école florentine du xivu
siècle et une figure en pied de l'école om-
brienne du xvc siècle, au musée Napoléon UI
(nos 40 et 128). Un tableau de Cimabue, aux
Offices à Florence ; une figure en buste, attri-
buée à j.-B. Franck, au musée de Dresde;
une estampe de Lucas de Leyde ; une gravure
de Coelemans, d'après Séb. Bourdon, et une
autre de Collaert, d'après J. Stradano; une
statue de Thorwaldsen, gravée par P. Folo,
etc. V. Apôtiîes, Cène, Descente du Saint-
Esprit, Assomption de la Vierge, Ascension
de Jésus-Christ, etc.
Barthélémy (MARTYRE DE SAINT), tableau de
Ribera; musée royal de Madrid (n° 42). Ribera
a traité plusieurs fois ce sujet, dont les dé-
tails horribles plaisaient à son imagination
violente. Le tableau du musée de Madrid est
justement célèbre ; il a environ 2 m. 80 en
hauteur et autant en largeur. Les person-
nages sont de grandeur naturelle. L'apôtre a
les mains liées à une traverse de bois, que les
bourreaux hissent contre un arbre. Sa jambe
droite est pliée et portée en arrière, tandis
que l'autre, posée à terre, est tenue par un
jeune homme au visage imberbe. D autres
bourreaux entourent le groupe principal, et,
dans lefond, sont placésquelquesspectateurs.
La figure du saint est peu poétique ; son corps
amaigri a une attitude complètement dépour-
vne de noblesse ; mais on ne saurait assez
louer la correction du dessin, la vigueur du
modèle, la puissance du coloris. La tête du
bourreau qui est placé au premier plan so
détache en pleine lumière ; elle est vivante.
— Un autre tableau du même musée (nn 2S5)
représente le saint, les bras étendus et atta-
chés par les poignets, levant vers le ciel des
regards pleins de foi et d'espérance, tandis
que son bourreau, un couteau à la main,
détache, avec une tranquillité féroce, un lam-
beau de l'épiderme du bras. Les deux per-
sonnages sont à mi-corps. Leurs visages, tiès-
rapprochés l'un de l'autre, offrent un contraste
énergiquement rendu. Cette toile n'a guère
plus d'un mètre de haut.
Le palais Pitti, à Florence, possède un
autre Martyre de saint Barthélémy, de Ribera,
dont on vante les beaux effets de lumière ; les
ombres ont malheureusement noirci. Ici, le
saint est renversé tont de son long sur le dos.
Un de ses bras est relevé et attaché avec une
corde; le bourreau en entame la peau.
A Gênes, dans le palais Spinola, la scène
offre plus d'intérêt.. Saint Barthélémy, dé-
pouillé de ses vêtements, est étendu au pre-
mier plan dans une attitude très-naturelle et
d'un grand effet; son visage est rayonnant
d'espérance. Un inquisiteur païen, vieillard en
manteau rouge, l'exhorte vainement à sacri-
fier à Hercule, dont il lui montre une statua
placée à droite entre deux colonnes. L'apôtro
regarde le ciel où lui apparaît un ange. Pen-
dant ce temps, le bourreau continue froide-
ment son horrible besogne ; il a détaché la
peau de l'av'ant-bras. Cette composition, sa-
vamment éclairée, impressionne vivement.
Mais nulle part Ribera n'a poussé plus loin la
puissance de l'expression, nulle part il n'a été
plus réaliste et plus violent que dans une eau-
forte exécutée par lui à Naples, en 1624, et
dédiée au prince Philibert : le saint, ayant
pour tout vêtement une ceinture, est attaché
par les poignets à un tronc d'arbre écimé ; un
de ses genoux est posé sur un rocher. Un
bourreau quelque peu obèse, la tête entourée
d'un mouchoir, les jambes demi-nues, les
manches de son habit retroussées, écorché le
. martyr , avec une bonhomie effrayante j il
passe sa main sous la peau pour mieux la dé-
tacher de la chair, et tient entre ses dents le
couteau avec lequel il a fait les premières en-
tailles. Un de ses aides, placé à droite, aiguise
un autre couteau et se retourne vers le saint,
en riant d'un rire cynique. A gauche, un sol-
dat et un autre personnage assistent froide-
ment à cette scène hideuse. Dans le fond, entre
le bourreau et sa victime, on aperçoit trois
vieillards qui conversent. Le saint parait com-
plètement étranger à ce qui se passe autour
de lui ; il a les yeux levés vers le ciel qui s'en-
tr'ouvre, et laisse voir une main tenant la cou-
ronne et la palme du martyre. Mariette a pu-
blié une copie de cette belle estampe.
Un tableau du musée de G renoble, que M. Clé-
ment de Ris regarde comme « un magnifique
échantillon de la belle manière de Ribera » , se
rapproche beaucoup de la composition que
nous venons de décrire. Saint Barthélémy,
vu de profil," est assis sur un tertre, au pied
d'un arbre ; il a les bras liés, l'un au tronc,
l'autre à une branche ; une de ses jambes est
retenue au moyen d'une corde par un des
bourreaux. A la droite du saint, un soldat de-
bout tient une lance ; plus loin, trois hommes,
dont deux ont la tête recouverte d'un capu-
chon.
D'autres tableaux de Ribera, représentant
le même sujet, figurent aux musées de Nantes,
de Munich, etc.
BARTHÉLÉMY (Pierre), prêtre de Mar-
seille qui, pendant la première croisade, pré-
tendit avoir retrouvé à Antioche la lance qui
avait percé Jésus-Christ. Accusé d'imposture,
il se soumit à l'épreuve du feu et mourut de
ses blessures (1099).
BARTHELEMY DE GLANVIL, religieux
franciscain du xiii" siècle, suivant les uns,
du xivc, suivant les autres. Nommé quelque-
fois Barthélémy l'Anglais, il est connu comme
auteur d'un livre intitulé : Propriétés des
choses (Liber de Proprietatibus rerum), pour
lequel il s'est beaucoup servi du Traité des
animaux d'Albert le Grand, dont il paraît
avoir été contemporain. Ce livre, dans lequel
est embrassée l'histoire du ciel et de la terre
.et de tout ce qu'ils contiennent, a fait long-
temps les délices de nos pères. Il eut surtout
un grand succès au xivo et au xv« siècle,
époque à laquelle il avait déjà été traduit en
français. On peut se faire une idée de la
vogue qu'il eut alors, soit par le nombre des
manuscrits que l'on en retrouve encore dans
les bibliothèques, soit par celui de ses éditions
imprimées. Un manuscrit curieux de la fin du
moyen âge, intitulé ; Propriètez des testes
qui ont magnitude, force et pouuoir en leurs
brutalitez, et contenant une sorte de zoologie
populaire , entremêlée d'histoires fabuleuses
sur les animaux, a été presque entièrement
copié sur l'ouvrage de Barthélémy. « Les di-
vers détails qu'on y trouve, dit M. Ponchet,
sont souvent de la plus extrême puérilité ;
mais ils peuvent servir à caractériser la
forme que l'on donnait alors à la zoologie élé-
mentaire. Du reste, si l'auteur fait souvent
preuve de peu d'instruction en tronquant ou
en confondant les opinions des naturalistes
qui l'ont précédé, il faut avouer que, par com-
pensation, il ne parle d'eux qu'avec de prodi-
gieux témoignages de respect ou d'admira-
tion ; il les nomme le docteur Pline, le souve-
rain et grand Aristote, etc. i
BARTHÉLÉMY, de Cologne, savant littéra-
teur, né dans cette ville en 1460, mort en
1514, étudia les lettres grecques et latines à
Deventer, sous le célèbre Hégius, et fut le
condisciple d'Erasme. Il travailla toute sa vie
à faire revivre, en Allemagne, les études clas-
siques ; mais l'âpreté qu'il apportait dans ces
tentatives lui suscita de puissants ennemis,
dontles injures empoisonnèrent son existence.
Il mourut pauvre. Ses principaux ouvrages
sont : Sylva carminum (1491) ; Dialogus my-
thologicus (1496); Epislola mythologica (1499);
Canones (1500), etc.
BARTHÉLÉMY (Nicolas), poète latin, né à
Loches, en Touraine, en 1478, mort vers
1535. Il était ami de Guillaume Budé, ainsi que
le prouve une longue lettre badine qu'il lui
écrivit sur Ylnutilité de l'étude. Cette facétie
épistolaire n'empêchait pas Barthélémy de se
livrer avec ardeur au travail, comme le prou-
vent ses nombreux ouvrages, notamment :
Epigrammata, Momiœ, etc. (1514), d'où Rabe-
lais a tiré le conte do Dodin et du Cordelier,
qu'on lit dans le Pantagruel ; De vita activa et
contemplatiua (1523) ; Ennœce ou Méditations
(1531), etc.
BARTHÉLÉMY DES MARTYRS — (Bartho-
lomœus a Martyribus), archevêque de Lis-
bonne en 1541, mort en 1590. Il entra fort
jeune chez les dominicains et, en 1551, devint
précepteur de l'infant don Luis, puis arche-
vêque de Braga en 1559. Appelé a siéger au
concile de Trente, il s'y rendit à pied, malgré
un trajet de près de 1,400 kil., et appuya
fortement sur la réforme du clergé. Il se lia
d'une vive amitié avec saint Charles Borro-
mée et le cardinal Grislerio, qui devait être
pape sous le nom de Pie V. Il convoqua, en
Portugal, le concile provincial de 1566, qui
dura sept mois, et où furent arrêtés un grand
nombre de points de .discipline. On a de. lui
plusieurs ouvrages , dont un, Stimulus Pas-
torum , a été traduit en français par G. de
Melo, sous le titre de : le Devoir des Pasteurs
(Paris, 1699, in-X2j.
276
BAR
BARTHÉLÉMY (l'abbé Jean-Jacques), éru-
dit, littérateur et antiquaire, auteur du Voyage
du jeune Anacharsis, né h Cassis (tSouches-du-
Rhone) le 20 janvier 1716, mort le 30 avril 1795.
Il fit ses études au collège des oratoriens de
Marseille et sa théologie chez les jésuites. « Je
m'étais de moi-même , dit-il , destiné à l'état
ecclésiastique. » Non qu'il fût emporté, comme
on le pourrait croire, par une ardeur religieuse
excessive, niais bien plutôt, à ce qu'il semble,
parce que l'Eglise lui apparaissa.it comme l'a-
sile des paisibles études , des doctes recher-
ches, des loisirs studieux. Dès le collège, en
effet , il montra des goûts littéraires très-pro-
noncés, et l'on peut dire même que l'étude, le
commerce des Muses , dans le sens large de
cette expression , fut la seule passion vive de
cette âme modérée , affectueuse et douce. Sa
jeunesse s'écoula a étudier un peu superfi-
ciellement, au sortir des classes, l'hébreu ,
l'arabe, le ohaldéen, les médailles, les mathé-
matiques, l'astronomie. A vingt-neuf ans, il
fallut choisir une carrière, car il avait décidé-
ment renoncé à entrer dans les ordres , se
bornant à garderie petit collet de l'abbé mon-
dain. Ce fut alors qu il partit pour Paris (1744).
Recommandé à Gros de Boze , garde du cabi-
net des médailles, il tomba, dès son entrée dans
le monde, en pleine compagnie d'académiciens
et de gens de lettres, c'est-à-dire dans le mi-
lieu qui convenait le mieux à ses goûts et au
développement de ses facultés. Lui-même nous
raconte gaiement que dans sajeunesse il pous-
sait si loin la vénération pour ceux qui culti-
vent les lettres, qu'il retenait avec respect
jusqu'aux noms de ceux qui envoyaient des
énigmes au Mercure. Plus tard , on retrouve
.encore chez lui quelque chose de cette véné-
ration. En parlant de l'époque où il était par-
venu à la fortune , il dit : • J'aurais été en
voiture, si je n'avais pas craint de rougir en
trouvant sur mon chemin des gens de lettres
à pied qui valaient mieux que moi. » Mais le
spirituel Provençal ne surfait-il pas légère-
ment ici ses craintes... et ses scrupules? Soze
l'associa à ses travaux , en fit son adjoint au
cabinet des médailles, lui apprit la numisma-
tique , qu'il n'avait fait qu'effleurer, enfin le
fit entrer à l'Académie des inscriptions (1747).
En 1753, Barthélémy succéda a son maître, et
sa plus chère préoccupation fut, dès lors, d'en-
richir le cabinet confié à ses soins. Aussi ac-
cepta-t-il avec empressement l'offre que lui
fit M. de Choiseul (alors Stainville), ambassa-
deur à Rome, de l'emmener en Italie et de fa-
ciliter ses recherches. Il fit, dans la Péninsule,
des excursions d'antiquaire et d'érudit, dont
il nous a laissé quelques détails dans ses Let-
tres au comte de Caylus, occupé surtout à
rechercher et à acquérir les médailles rares
pour augmenter le cabinet du roi. Cette chasse
aux médailles est semée de piquants épisodes;
il y a certains petits bronzes frustes de per-
sonnages inconnus qu'on voit Barthélémy
convoiter avec une passion comique et char-
mante, et dont il négocie l'achat, 1 échange ou
la cession avec autant de gravité que s'il s'a-
gissait des frontières d'un empire, opposant à
la finesse italienne des chefs-d'œuvre de stra-
tégie et toute la rouerie d'un diplomate ou d'un
amoureux. 11 fit ainsi une assez belle moisson
et augmenta notablement sa chère collection,
qui s'accrut, dit-on, du double pendant sa lon-
gue administration. C'est pendant ce séjour de
deux ans en Italie, a la vue des monuments
épars de l'antiquité , qu'il conçut la pensée de
son Jeune Anacharsis. Il avait songé d'abord à
faire voyager un étranger, un Français, dans
la Péninsule vers le temps de Léon X-, mais
la Renaissance lui étant moins familière que
les temps anciens, il renonça à cette idée pre-
mière et s'arrêta à la fiction d'un Scythe vi-
sitant la Grèce vers le temps de Philippe. Ce
fut là le germe de son ouvrage, qu'il mit en-
suite trente années à combiner, a écrire et à
perfectionner.
A son retour, il s'attacha complètement aux
Choiseul , qu'il ne quitta plus , dans la bonne
comme dans la mauvaise fortune, c'est-à-dire
qu'il les suivit à Chanteloup quand Choiseul
eut été renvoyé du ministère. Il est vrai que
cette mauvaise fortune se composait encore
d'une grande maison seigneuriale visitée par
toute la cour. On sait qu'alors Vabbé était un
personnage en quelque sorte indispensable
dans toutes les maisons nobles et riches ; c'é-
tait un familier qui tenait le milieu entre les
amis et les serviteurs ; quand il était instruit
et bel esprit, on ne l'en estimait que mieux. Il
est inutile de rappeler que la plupart de ces
abbés n'étaient point prêtres ; c'étaient de sim-
ples tonsurés qui étaient restés à mi-chemin
du sacerdoce , comme Barthélémy, qui était
l'abbé en titre de la maison de Choiseul , mais
avec un degré d'intimité de plus. Sa fortune
avait été faite par Choiseul lors de son minis-
tère; les pensions, les bénéfices, les sinécures
dont son patron le fit gratifier, lui avaient com-
posé un revenu annuel d'environ 40,000 livres.
Il est vrai qu'il perdit quelque chose lors de
la disgrâce du ministre; mais il lui resta en-
core un bon revenu ; et en allant s'installer à
Chanteloup avec les exilés, il eut cette bonne
chance que ses intérêts ne souffrirent point de
sa fidélité. Il était d'ailleurs sincèrement atta-
ché à cette maison ; peut-être même nourris-
sait-il en secret un sentiment plus tendre pour
M">o de Choiseul, femme charmante négli-
gée par son époux. « Le Provençal, écrivait
Mme Du Deffant àWalpole, est un peu jaloux,
un peu valet, et peut-être un peu amoureux. •
C'est d'ailleurs tout ce que cette dame (peu
BAR
indulgente, comme on le sait) a trouvé à dire
sur cette liaison qui, très-probablement s'est
tenue dans les limites d'une amitié un peu
tendre et familière, mais respectueuse et hon-
nête.
En ces longues et heureuses années de sa
vie, Barthélémy justifiait déjà les bontés dont
il était l'objet, par ses mémoires Sur divers
points de l'archéologie et des langues ancien-
nes, et l'érudition que l'on trouvait dans ces
mémoires était d'autant mieux goûtée qu'elle
était assaisonnée par les grâces du style et par
la finesse des aperçus. Il a surtout rendu de
grands et réels services à la science des mé-
dailles, et, dans un demi-siècle de recherches
et de pratique, il a su mettre en lumière tout
ce que l'histoire peut en tirer de renseigne-
ments et de découvertes inattendues.
L'abbé Barthélémy resta complètement étran-
ger au mouvement philosophique de son siècle."
Il était de l'école de Pontenelle, au moins sous
le rapport de l'indifférence prudente et réflé-
chie, et il ne se rangea ni dans le camp de
ceux qui attaquaient les institutions du passé,
ni parmi ceux qui les défendaient. Ces fortes
passions n'allaient point à sa nature tempérée,
un peu molle, amie du repos, des doux loisirs
et des paisibles études. Sorte d'épicurien litté-
raire , il fuyait le bruit, l'éclat, la région des
tempêtes, et vivait en sage entre ses médailles,
son académie et quelques salons dont celui de
M'»e de Choiseul était le centre. Il vieillit dou-
cement ainsi, composant lentement, amoureu-
sement son grand ouvrage, qu'il différait tou-
jours de publier. Il mit ainsi trente années à
l'édifier, et, dans ses derniers jours, il regrettait
de ne l'avoir pas commencé dix ans plus tôt,
et de n'avoir pu le finir dix ans plus tard.
Enfin , pressé de sollicitations , il se résigna à
le mettre au jour. On était à la veille de la
Révolution. L'apparition d'un livre de minu-
tieuse et sincère étude sur la vie antique ne
fut point sans étrangeté, dans un temps si
violemment tourmenté de questions vivantes et
palpitantes, où l'on ne s'occupait guère de l'an-
tiquité, sinon pour y chercher des sujetsde tra-
gédie ou des thèmes à déclamations chaleu-
reuses contre le présent. Les états généraux
étaient déjà convoqués au moment ou le jeune
Anacharsis entrait ainsi à pleines voiles dans le
port d'Athènes. Malgré les préoccupations pu-
bliques, la sensation fut immense et le succès
universel. Les lettrés, les gens du monde, les
femmes surtout accueillirent avec enthou-
siasme cette peinture élégante de la Grèce.
Ce fut le dernier grand succès littéraire du
xvme siècle. (A l'article Anachaksis (t. I<=r),
nous avons donné une notice sur cet ouvrage,
et nous n'avons qu'à ajouter ici quelques mots,
car il est peu de livres plus connus.) On sait
quel en est le plan. Sous la fable ingénieuse d'un
voyageur scythe qui , au rv<= siècle av. J.-C., se
promène à travers la Grèce , de ville en ville ,
studieux et attentif à tout, Barthélémy a coor-
donné tout ce qu'il avait recueilli de notions
sur la vie hellénique à cette époque. Mœurs,
religion, histoire, législation, philosophie,
œuvres d'art , fêtes , etc. , il embrasse tout
dans son vaste plan. L'ouvrage est précédé
d'une introduction élégante et animée, qui est
comme le frontispice du monument et qui ré-
sume l'histoire des' siècles antérieurs de la
Grèce. Le voyage proprement dit s'ouvre par
une visite à Epaminondas et se termine par la
bataille deChéronée et le portrait d'Alexandre.
Il n'est pas nécessaire de rappeler les princi-
pales scènes ou descriptions qui sont enfer-
mées dans ce cadre , les rencontres d'hommes
célèbres, les dissertations érudîteSj la visite à
Xénophon, les tableaux de la vie publique
et de la vie privée, les jugements portés sur
les constitutions et sur les mœurs, les dis-
cours de Platon au cap Sunium, etc. ; tout
cela est universellement connu , car le livre
a été dans toutes les mains ; il eut de suite
trois éditions et fut traduit dans plusieurs
langues. La Grèce, un peu oubliée, devint un
engouement dans les sociétés littéraires et les
salons. M>ac Lebrun nous raconte, dans ses Mé-
moires, l'histoire d'un souper improvisé après
la lecture de morceaux d'Anacharsis : tous
les convives étaient costumés à la grecque ;
Lebrun-Pindare récita des imitations d'Ana-
créon ; la cuisine même avait une saveur d'an-
tiquité : on servit un gâteau fait avec du miel
et du raisin de Corinthe; on but du vin de
Chypre; et si l'on n'alla pas jusqu'au brouet
noir, comme M"'C Dacier, c'est qu'apparem-
ment on manquait de l'érudition spéciale qui
eût été nécessaire pour le manipuler.
Sans doute, cette étude curieuse et patiente
manque de profondeur et d'ensemble ; c'est
une mosaïque , si on le veut , et ce n'est pas
ainsi que les Otfried Muller et les antiquaires
de grande race ont compris la Grèce ; sans
doute, Barthélémy se tient trop à la surface
des choses, au sens académique, à l'interpré-
tation convenue ; il recherche trop l'élégance
fleurie des Dorât et des Marmontel, et il pense
trop à Paris en peignant Athènes; mais tel
qu'il est, ce livre n'en est pas moins un chef-
d'œuvre pour l'époque où il parut, et, aujour-
d'hui encore , quoique nous ayons mieux l'in-
telligence et le sentiment de l'antiquité, il nous
apparaît comme un monument d'une impo-
I santé architecture et que peu d'hommes seraient
I capables d'édifier.
Quelques mois après la publication de son
ouvrage, Barthélémy fut appelé à l'Académie
1 française (août 1789) ; mais bientôt sa vie stu-
! dieuse et tranquille fut troublée par les évé-
BAR
nements. Ses amis furent dispersés et bannis,
ses pensions supprimées, les académies abolies.
Il lui restait cependant son cabinet des mé-
dailles, où il attendait, dans le silence et la
douleur, la tin de la tourmente. Dénoncé par
un employé subalterne , il fut urrêté le 2 sep-
tembre 1793 et enfermé aux Madelonnettes ;
mais il n'y resta que seize heures. Dès que son
arrestation fut connue, il y eut émotion au
Comité de sûreté générale et à la Convention.
On le fit mettre en liberté, et le ministre de
l'intérieur, Paré, avec un empressement ho-
norable, proposa au vieillard la place de garde
général de la bibliothèque. Barthélémy, affaibli
d'ailleurs par l'âge, n'accepta point et se con-
tenta de rester a ses médailles. Il s'éteignit
dix-huit mois plus tard, à l'âge de quatre-vingts
ans.
Dans une séance de la Convention, le vieux
Dusaulx , le traducteur de Juvénal et l'histo-
rien de la prise de la Bastille , prononça à la
tribune un "éloge touchant de l'auteur à'Ana-
charsis.
« Barthélémy, dit M. Sainte-Beuvej marque
la fin du xvm<= siècle dans son plus honorable
déclin. Doux, savant, modeste, né pour la vie
académique -et pour ses ingénieuses recher-
ches, né pour la vie privée , pour ses plus af-
fectueuses et ses plus agréables élégances, il
offre en lui un composé des plus distingués et
tout à fait flatteur; mais il n'eut pas le grand
goût , ni même cet autre goût qui n'est pas le
plus simple ni le plus pur, mais qui , aux épo-
ques avancées , trouve des rajeunissements
imprévus. Il manque d'essor, de chaleur et de
flamme. Il n'a pas ce sentiment vif de la vé-
rité, cette ardeur, parfois sèche et plus sou-
vent féconde, qui ne s'attache qu'à elle et re-
jette les faux ornements. Il reste trop aisé-
ment entre la réalité et la poésie, à mi-chemin
de l'une et de l'autre , c'est-à-dire en partie
dans le roman. Il n'a pas assez d'imagination
pour revenir , par une évocation heureuse , à
îa vérité historique vivante. Et pourtant, ù
défaut de puissance, il y a dans sa manière
un ton soutenu, une douce mesure, une cer-
taine harmonie qui , aux bons endroits , et
quand on s'y prête à loisir, n'est pas sans ac-
tion ni sans charme. »
Outre le Voyage du jeune Anacharsis en
Grèce, dont on ne compte plus les éditions,
Barthélémy a donné de nombreux mémoires,
dont la plupart ont été insérés dans le recueil
de l'Académie des inscriptions. Voici la liste
des principaux :
Réflexions sur l'alphabet et sur la langue dont
on se servait autrefois à Palmyre (1754).
Mémoire dans lequel on prouve que les Chi-
nois sont une colonie égyptienne (17SS).
La mosaïque de Palestrine, avec des expli-
cations (1760).
Lettre sur les médailles trouvées à Vieille-
Toulouse (1764).
Lettre à M. le marquis Olivicri , au sujet de
quelques monuments phéniciens (17C6).
Entretiens sur l'état de la musique grecque,
vers le ive siècle avant l'ère vulgaire (1777).
Les Ruines de Palmyre.
Les Ruines de Balbec, ou Héliopolis.
Les Antiquités d' Herculanum.
Les Tables d'Héraclée.
Des Médailles de Marc-Antoine.
Rapport fait à la commission temporaire dos
arts en janvier 1795, sur une édition com-
plète des œuvres de Winckelmanu.
Recherches sur le partage du butin chez les
peuples anciens.
Fragments d'un voyage littéraire en Italie.
Réflexions sur quelques peintures mexicaines.
Instructions pour M. Dombey, sur son voyage
au Pérou.
Mémoire lu à la commission des monuments,
établie par décret du 18 octobre 1792.
Essai d'une muselle histoire romaine (pa-
rodie).
Fragment d'un traité de la science des mé-
dailles.
Instructions pour M. Ilouel , sur son voyage
de Naples et de Sicile.
Mémoire sur le cabinet des médailles, pierres
gravées et antiques.
Un Recueil de vingt lettres.
Remarques concernant les droits des anciennes
métropoles sur les colonies.
Dissertation sur une ancienne inscription grec-
que (1792).
Voyage de l'abbé Barthélémy en Italie, pu-
blié par Serieys (1801).
Quelques morceaux d'archéologie insérés
dans le Recueil d'antiquités du comte de Cay-
lus (1752 et années suivantes).
Diverses dissertations dans le Journal des
savants, en n 00, 1761, 1763 1790; entre autres,
deux lettres sur les médailles phéniciennes,
(17G0 et 1763), une lettre sur des médailles sa-
maritaines (1790).
Il faut ajouter encore un petit poëme hé-
roïcomique , la Chunteloupée , production fort
médiocre.
L'édition la plus complète des Œuvres de
Barthélémy est celle de Villenave (1821, 4 vol.
in-8°).
BARTHÉLÉMY (Régis-François), historien
français, né à Grenoble en 1739, mort en 1812.
Il entra dans les ordres, fut nommé chanoine
de la cathédrale de Grenoble et consacra la
BAR
plus grande partie de son temps à compuîseï
tes archives de son chapitre, celles des monas-
tères et de la chambre des comptes. Il y trouva
un. nombre considérable de matériaux impor-
tants concernant le Dauphiné, ce qui le dé- .
termina à en écrire l'histoire. Cette Histoire
de Grenoble et des Dauphins forme 2 volumes
in-folio, qu'il légua à M. Albert Duboys et qui
n'ont point été imprimés. On a de lui une
Oraison funèbre de Louis X V et un Eloge his-
torique de Marguerite de Bourgogne.
BARTHÉLÉMY (Jean-Simon), peintre fran-
çais, né à Laon en 1742, mort en 1811. Elève
de Halle, il se fit connaître, en 1770, par un
plafond de salle de bal qu'il peignit pour l'am-
bassadeur d'Autriche, se rendit quelque temps
à Rome pour y étudier les maîtres et fut ap-
pelé, en 1779, à faire partie de l'Académie de
peinture. On cite, parmi ses meilleures toiles :
le Siège de Calais, Napoléon visitant le dé-
troit de Suez (1808), Napoléon au mont Sinaï
(1809), etc.
-BARTHÉLÉMY (abbé Louis), littérateur
français, né à Grenoble en 1750, mort en 1815.
Il habita quelque temps lu Suisse, puis se ren-
dit à Paris, où il publia, en 1785, sa Gram-
maire des dames, ouvrage qui eut un grand'
succès et de nombreuses éditions. Quand
éclata la Révolution, il en adopta les idées et
les défendit dans quelques brochures ; mais,
vers la fin de 1791, il jugea prudent d'aller
chercher dans le Beaujolais une retraite où
il se fit oublier. On lui doit de nombreux ou-
vrages, dont les principaux sont : la Canta-
trice grammairienne ou l'Art d'apprendre l'or-
thographe par le moyen de chansons , etc.
(Lyon, 1787), ouvrage qui "n'obtint point la vc -
gue de sa grammaire- Tableau de l'histoire de
France (1788, 2 vol.); Mémoires secrets de
madame de Tencin, etc. (Grenoble, 1790,2 vol.);
Tableau de la cour de Rome (1791); Nouvel
abrégé des sciences et des arts, etc. (l80S);
L'ami des peuples et des rois, etc. (1S09).
BARTHÉLÉMY (le marquis François i>k), né
à Aubagne, dans les Bouches-du-Rhône, en
1750, mort à Paris le 3 avril 1830. II fit son
apprentissage de diplomate dans les bureaux
du duc de Choiseul, alors ministre des affai-
res étrangères, suivit le baron de Breteuil en
Suisse et en Suède et devint secrétaire de lé-
gation à la cour de Stockholm. Après avoir an-
noncé à la cour de Londres l'acceptation de la
constitution par Louis XVI, il alla en Suisse
remplir le poste de ministre plénipotentiaire,
et prêta le serment exigé des fonctionnaires
publics. Après la grande lutte de la France
contre l'Europe, la paix semblait une espèce
d'utopie à peu près irréalisable ; Barthélémy,
chargé de tenter l'aventure, eut l'honneur do
signer, à Bàle,avec le plénipotentiaire prus-
sien, le premier traité conelirpar la Républi-
que française ; bientôt après , un nouveau
traité conclu, par ses soins, avec l'Espagne,
mit le comble à la réputation d'habileté de ce
diplomate. Son nom devint très -populaire en
France, et tellement respecté en Europe, que,
lorsqu'il quitta la Suisse, les autorités do Baie
l'accompagnèrent à quelque distance de la
ville. Jusque-là, il n'avait pas encore trouvé
l'occasion de changer son drapeau. En juin
179c, il fut élu membre du Directoire, par
l'influence de la société royaliste de Clichy ;
mais son caractère faible et indécis n'était pas
à la hauteur des événements. Il se borna à
marcher sur les traces de son collègue Carnot,
dont naturellement il partagea le sort dans la
journée du 18 fructidor. Il lut emprisonné au
Temple, avec Pichegru, Aubry, Barbé-Mar-
bois, Tronçon du Coudray, Ramel et plusieurs
autres, puis transporté a Cayenne, avec Pi-
chegru et d'autres clichiens. Il s'évada bien-
tôt, avec sept de ses compagnons, gagna les
Etats-Unis , puis passa en Angleterre. Son
nom fut alors porté sur la liste des émigrés.
Après le 18 brumaire, Barthélémy rentra on
France, fut nommé vice-président du Sénat
conservateur, commandeur de la Légion d'hon-
neur et connu; de l'Empire. Toutes ces faveurs
ne l'empêchèrent pas de présider le Sénat
dans la séance où fut proclamée la déchéance
de Napoléon, et même de complimenter l'em-
pereur de Russie sur sa modération et sa ma-
gnanimité. Après la seconde Restauration, il
fut promu au rang de grand-officier de la Lé-
gion d'honneur et entra à la Chambre des
pairs. Bientôt ministre d'Etat, il fut créé mar-
quis. Dès lors, l'ancien directeur de la Répu-
blique attacha son nom à plusieurs mesures
des plus réactionnaires, particulièrement en
proposant à la Chambre de supplier le roi de
modifier la loi sur les élections, que la cour
trouvait trop démocratique. Il ne vécut pas
assez pour voir les glorieuses journées de
Juillet , qui l'eussent probablement trouvé
prêt à se rallier, comme toujours, au nouvel
ordre de choses.
BARTHÉLÉMY (Antoine-Joseph), juriscon-
sulte belge, né à Bruxelles en 1764, mort en
1832. Fils d'un valet de chambre du baron
Stassart, il fit ses études de droit à Louvain
et s'acquit bientôt, au barreau de Bruxelles,
par ses talents et par sa probité, une haute
considération. Devenu membre du conseil pro-
visoire de cette ville, en 1794, après la con-
quête de la Belgique par les Français, il se
signala par son dévouement aux intérêts de
son pays et par sa fermeté. Le conventionnel
Ilaussman, irrité de voir le conseil s'opposer
& la levée d'énormes contributions dont U
BAR
BAR
BAR
BAR
277
avait frappé Bruxelles, s'écria avec emporte-
ment : « Sais-tu qu'il y va de ta tête, citoyen
Barthélémy? — 11 en jaillira du sang et non
fl« l'or, • lui répondit celui-ci sans s'émouvoir.
En 1822, il entra dans la seconde chambre des
étatt- généraux, vota, en 1830, l'exclusion de
la maison de Nassau, fut appelé, en 1831, an
ministère de la justice, qu'il garda quelques
mois, et, enfin, il obtint la vice-présidence
de la Chambre des représentants. On lui doit
quelques ouvrages,, dont le style manque sou-
vent de goût et de correction. Nous citerons :
Exposé succinct de l'état des Pays-Bas depuis
le xve siècle (Bruxelles, 1814); Des gouver-
nements passés et du gouvernement à créer
(Bruxelles, 1815).
BARTHÉLÉMY (Eloy), médecin vétérinaire,
né à Besnes (Meuse) en 1785, mort en 1851,
fut admis, en 1802, à l'école vétérinaire de
Lyon, remplit ensuite les fonctions de vétéri-
naire dans divers régiments, et obtint définiti-
vement, le 23 décembre 1S13, la chaire d'ana-
tomie et de physiologie, puis celle de patho-
logie et de clinique en 1818. Nommé membre
correspondant de la Société centrale d'agri-
culture en 1819, il devint membre titulaire de
l'Académie royale de médecine en 1824. Il ne
tarda pas cependant a abandonner l'enseigne -
ment pour se livrer, à Paris, à la pratique
plus lucrative de Son art. Nommé chevalier
de la Légion d'honneur en 1825, il fut promu
au grade d'officier du même ordre en 1847.
BARTHÉLÉMY (Auguste -Marseille), poëte
français, né à Marseille en 1796, mort en 1867.
Il rit d'exeellentesétudes ou séminaire de Juil-
ly, d'où il sortit pour se livrer presque aussi-
tôt a ce qui devait être la seule passion sincère
et durable de sa vie, la poésie. Ses premiers
essais ne dépassèrent pus tout d'abord un petit
cercle durais, ou allèrent s'enfouir dans les co-
lonnes de quelques feuilles départementales.
Bieniôt, cependant, il eut l'habileté d'attirer
sur lui l'attention en publiant, du ns le Drapeau
blanc,un article contre la liberté de la presse,
qui lui valut une gratification de 1 ,500 fr; de ia
part du gouvernement. Mais ce ne fut que plu-
sieurs années après, en 1825, qu'il se décida à
venir demander k Paris la réputation dorée
après laquelle il aspirait. Ce fut alors qu'il asso-
cia sa muse à celle de son compatriote Méry,
don ton connaît l'étonnante facilité, et que Bar-
thélémy appelait son hémistiche vivant. Sidi-
Mahmond venait d'arriver à Paris, pour assis-
ter, en qualité d'ambas.sudeurdudeydeTunis,
au sacre de Charles X. Nos deux poètes prirent
ce prétexte pour fulminer quelques centaines
de vers contre le xix" siècle, dans trois épi-
tres qui furent réunies sous le titre de Si-
diennes. « Nous nous servîmes du nom de Sidi
comme d'une enseigne de modes, pour attirer
sur nos vers les regards du public... » C'est
dans une préface des deux poëtes que nous
trouvons cette déclaration , et nous devons
ajouter qu'ils réussirent au delà sans doute de
leurs espérances. A partir de ce moment jus-
que vers 1833 environ, les deux compatriotes
ouvrirent boutique d'alexandrins, satiriques,
sous la raison sociale Barthélémy et Méry, et
l'on vit paraître successivement la ViUéliude,
contre le ministre Villèle ; les Grecs, épître au
Grand Turc; les Jésuites, épître au président
Séguier ; Rome à Paris ; la Peyronnéide, sa-
tire contre le ministre Peyronnet; Une soirée
chez M. de Peyronnet ; la Censure ou le Con-
grès des ministres, autant de coups de fronde
décochés contre le système gouvernemental,
aux applaudissements de l'opposition libérale.
Quand vint le ministère Martignac avec ses
demi-concessions et ses demi-teintes, les deux
poètes comprirent que la continuation de. leurs
attaques aurait mauvaise grâce et semblerait
un parti pris. Ils quittèrent le fouet de la sa-
tire pour ajuster leurs voix au ton plus élevé
de l'épopée. Us écrivirent Napoléon en Egypte,
grand poème apologétique, en huit chants,
que Barthélémy voulut aller otîrir lui-même
au duc de Reichstadt, prisonnier de la maison
d'Autriche, à Vienne. Il partit donc pour
Vienne « avec un poème à offrir et rien k de-
mander, » dit M. Louis Reybaud. Nous vou-
lons bien le croire , si invraisemblable que
cela paraisse. Quoi qu'il en soit, d'ailleurs,
le poste n'eut pas même la satisfaction d'être
admis auprès du jeune duc, et s'en revint à
Paris, où il fit presque immédiatement paraî-
tre sa brochure du Fils de l'homme, qui fut
saisie et lui valut trois mois de prison et
1,000 fr. d'amende. Méry, qui alors était à
Marseille et n'avait collaboré que de loin au
Fils de l'homme, n'était pas en cause, et ce fut
en vain que Barthélémy présenta lui-même sa
défense dans un Plaidoyer en vers, plein d'es-
prit et d'ironie. Pendant la durée du procès,
le ministère Martignac avait été dissous, et
la plume du satirique n'avait pas chômé : Wa-
terloo, petit poSme de quelques feuilles, était
venu signaler comme déserteur le général
Bourmont, devenu ministre, et la Satire poli-
tique, publiée au commencement de 1830, avait
dénoncé les lueurs sanglantes dont commen-
çait à s'éclairer l'horizon. Quelques mois plus
tard, la révolution de Juillet éclatait, ba-
layant un trône pour le remplacer par un
autre. Méry, de retour à Paris, se mit à l'œu-
vre avec Barthélémy, et ils chantèrent la vic-
toire, dans un poème intitulé Y Insurrection.
Louis-Philippe eût été bien ingrat' de ne pas
remercier Barthélémy des. coups d'encensoir
qu'il lui prodiguait dans ses vers; il le geati-
Jia d'une pension de 1,200 fr. Candide monar-
que 1 Sa parcimonie devait lui coûter bien
cher. Barthélémy, irrité du maigre prix au-
quel on cotait ses louanges, reprit son car-
quois et ses flèches ; il se fit républicain et
fonda sa fameuse Némésis, journal hebdoma-
daire dans lequel il flétrit périodiquement en
vers, en collaboration avec Méry, tous les
actes du "nouveau gouvernement. Pendar.t
cinquante - deux semaines consécutives , a
heure fixe, on entendit siffler les lanières de
cette Némésis, fouettant de droite et de gau-
che, en aveugle, véritable énergumène déver-
sant un peu sur tout et sur tous ses torrents
d'un fiel acre et mordant, auquel il ne man-
quait que de puiser sa source dans une con-
viction sincère et désintéressée. On ne peut
nier que , dans la Némésis, les deux auteurs
n'aient fait preuve d'un grand talent, d'une
immense facilité de versification, et n'aient
souvent trouvé de belles veines satiriques
dignes d'être comparées aux meilleures pages
d'Aristophane et de Juvénal. On n'a pas en-
core oublié l'immense retentissement qu'obtin-
rent ces ardentes philippiques, qui exposaient
avec une éloquence enflammée les passions
démocratiques du moment. Jamais tant de
verve, d'ironie, de poétique indignation n'avait
poursuivi, en France, les gouvernants et les
ministres, n'avait frappé de- traits plus acérés
tous ceux qui doivent des comptes à l'opinion
publique. Ce succès, il faut bien le dire, tenait
autant à la disposition des esprits qu'au mé-
rite de l'œuvre elle-même; un poëte était bien
sur de trouver de l'écho en France, lorsqu'il
faisait passer par les verges de la satire les
hommes qui l'avaient trahie et ceux qui la te-
naient alors sous l'oppression. Mais après
cette mémorable campagne, le fouet vengeur
tomba tout à coup des mains du satirique. On
vit M. Barthélémy, brusquement, sans transi-
tion, passer avec armes et bagages dans le
camp de ceux qu'il avait si vaillamment
combattus. Adorant ce qu'elle avait brûlé, sa
muse quitta le ton de la satire pour entonner
une palinodie dithyrambique ; et, comme pour
rendre ce scandale plus éclatant, le pottte
arbora son nouveau drapeau en 1832, à pro-
pos de l'état de siège, que venait de flétrir un
arrêt de la cour de cassation elle-même.
L'étonnement fut grand ; l'opinion publique se
montra sévère, et il faut bien reconnaître
qu'elle en avait le droit, après avoir accueilli
les productions antérieures avec tant d'en-
thousiasme. Mais quelle était la cause d'un
revirement si soudain? C'est M. Barthélémy
qui répond lui-même :
Comme un coup de tamtam.jin bruit inattendu,
En signalant mon nom, a dit : Il est vendu !
Différents bruits publiaient qu'il avait vendu
en effet sa plume à la police, pour une somme
que l'on faisait varier de 22,000 à 157,000 fr.
La colère du poëte s'allume ; avec une hau-
teur et un ton de mépris qui ne peuvent con-
venir qu'à une innocence incontestée, il répond
à ses accusateurs en les appelant des Curius
de saturnales.
Nous ne venons certes pas faire à M. Bar-
thélémy un procès rétrospectif; l'opinion a
rendu son verdict depuis longtemps, et d'ail-
leurs le jeune poëte de la Restauration est
devenu un vieillard à cheveux blancs ; mais
nous ne pouvons nous empêcher de déclarer,
après avoir lu et relu sa prétendue Justifica-
tion, brochure en vers qu'il fit paraître peu de
temps après la Justification de l'état de siège,
que l'homme qui étaye sa défense sur d'aussi
tristes maximes doit être dans une situation
désespérée. « Fade calomnie I » s'écrie-t-il. Fade
calomnie, en effet : qu'un homme se vende en
ce siècle où tout craque de corruption, est-ce
donc là chose bien neuve et bien piquante ?
Le moyen, d'ailleurs, de croire que Juvénal
se soit vendu 1 Sachez, dit-il,
Sachez que mes vers seuls, satire, ode ou poème,
Me font les revenus du ministre lui-même.
Dans sa préface, M. Barthélémy nous a dit:
« Ahl Curius de saturnales, vous venez atta-
quer sous son chaume l'indigent et solitaire
Juvénal... » Toutefois, ce n'est là qu'une con-
tradiction sans importance. Mais voici qui est
plus grave : abordant hardiment le fond de la
question, M. Barthélémy veut nous prouver
que le changement est presque une loi de la
nature, la marque d'un esprit supérieur, à peu
près comme on a dit que l'ingratitude est 1 in-
dépendance du cœur. Nous avons déjà cité
ailleurs cette tirade; niais elle est trop cu-
rieuse pour que nous ne la citions pas encore
ici :
Quoi ! dans ce tourbillon qui dévore les âges,
Disloquant nos vertus, nos mœurs et nos usages;
Dans cet immense crible où roulent ballottés
Nos chartes, nos états, nos lois, nos libertés,
Un être à cerveau faible, à caduque poitrine,
Un atome orgueilleux ferait une doctrine,
Et, la fixant du doigt a l'éternel compas.
Verrait changer le monde et ne changerait pas !
Non, le doute et l'erreur sont dans toute pensée;
Nous sommes tous, sans but et sans route tracée,
Des aveugles assis sur le bord du chemin ;
Le crime d'aujourd'hui sera vertu demain.
J'ai pitié de celui qui, fier de son système,
Me dit : • Depuis trente ans, ma doctrine est la
[môme ;
Je suis ce que je fus, j'aime ce que j'aimais. »
L'homme absurde est celui qui ne chanye jamais ;
Le coupable est celui qui varie à toute heure
Et trahit, "en changeant, sa voix intérieure.
Nous le répétons, voila de tristes maximes :
Le crime d'aujourd'hui sera vertu demain I
Vous vous, trompez, monsieur Barthélémy;
l'arrêt qui rangera parmi les hommes ver-
tueux les assassins comme Jean sans Terre,
Richard III, Charles IX, Henri III, ou les'
traîtres comme le connétable de Bourbon,
Fouché, Talleyrand et Bourmont, cet arrêt,
la postérité ne l'a pas encore rendu. Nous ne
sommes plus au lendemain de leurs crimes ;
cependant, l'histoire tient toujours ces hom-
mes cloués à sen implacable pilori; et toute
la gloire de Napoléon n'a pu encore effacer
la tache qu'a étendue sur sa mémoire la mort
du dernier des Condés. Eh quoi I parce qu'il
aura plu k un écrivain de renier impudemment
ses principes, la -fidélité et le dévouement
tomberont d'un seul coup de. leur piédestal 1
et tant de personnages, illustres précisément
parce qu'ils n'ont jamais changé, ne seront
que des hommes absurdes!
L'homme absurde est celui qui ne change jamais !
Oh! quelle morale commode I II ne s'agit plus
de dire, comme le poète latin :
Jusium ac tenaeem propositi virum...
L'homme juste d'Horace , que nous avons
admiré de si bonne foi, n'est plus qu'un sot,
un homme absurde qui fait pitié à M. Barthé-
lémy. Grâces donc soient rendues à la Justifi-
cation de l'auteur de la Némésis! Son nouveau
code de morale est destiné à tirer d'inquiétude
bien des gens qui avaient eu jusqu'ici la fai-
blesse de se préoccuper du nom qu'on donne-
rait à l'apostasie de leurs principes. Désor-
mais, ils pourront renier leurs amis et leurs
opinions au gré de leur intérêt ou 3e leurs
caprices, et s'ils s'obstinent, dans quelques cir-
constances, à se croire liés par la loyauté, la
délicatesse ou tout autre sentiment, personne
n'aura le droit d'en rendre responsable M. Bar-
thélémy. '
Cependant, comme on est tenté d'abuser
des meilleures choses, le poète prend soin de
poser certaines limites aux changements ef-
frénés qu'on pourrait se permettre en vertu de
sa maxime. Il la corrige donc par celle-ci :
Le coupable est celui qui varie h. toute heure.
Tous les ans, tous les mois, toutes les semai-
nes même, rien de plus légitime; mais à toute
heure 1 en vérité, M. Barthélémy ne saurait se
prêter à une semblable tolérance. Combien de
temps a-t-il fallu à M. Barthélémy pour ,;ue
ses yeux se soient ouverts et pour qq il aï+ re-
connu le mauvais teint de la couleur d>; dra-
peau sous lequel il avait longtemps combattu?
Il ne nous le dit pas, mais il nous fait entendre
clairement qu'il a fallu plus d'une heure, et
dès lors nous n'avons rien à dire, il est exempt
de tout reproche.
Une chose digne de remarque, c'est qu'à
partir du jour ou s'est opéré ce changement
merveilleux qui prouva'à tout le monde qu'il
ne fallait pas ranger M. Barthélémy parmi les
tenaces propositi d'Horace, il n'a plus joué
qu'un rôle très-effacé dans la poésie contem-
poraine. Le météore éclatant de sa popularité
s'éteignit subitement; son talent même baissa.
Juvénal s.e mit à rimer laborieusement des
fadeurs didactiques, et bien pis encore , la
Bouillotte, le Baccarat, Syphilis, etc. 11 n'en
est pas moins vrai que , pendant quelques
années, il a tenu dans notre histoire littéraire
une place importante que le poste, sinon
l'homme, a droit de revendiquer.
Si , comme nous le pensons , l'auteur des
ïambes mérite le premier rang dans la satire
politique, Barthélémy mérite le second. Son
vers est facile, correct, bien frappé, souvent
énergique et même brutal, ce qui est permis à
la satire. Parfois aussi il va jusqu'à la trivialité,
mais sa trivialité est toujours pittoresque. Ce
qu'on remarque surtout en lui, c'est l'art de
tirer parti des sujets les plus ingrats, ainsi
qu'une prodigieuse facilité de versification,
dont il abuse quelquefois dans une recherche
puérile des difficultés. Sans parler des innom-
brables productions dans lesquelles il a épar-
pillé son talent, deux de sesœuvres suffiraient
peut-être à sauver son nom de l'oubli : nous vou-
lons parler de la Némésis et de son excellente
traduction de l'Enéide, qui, à notre avis, doit
être préférée à toutes celles qui nous avaient
été données jusqu'à ce jour.
Voici la liste des œuvres de M. Barthélémy,
avec ou sans la collaboration de M. Méry :
Ode au sacre (1825); les Sidiennes, épîtres-
satires sur le xix« siècle, avec Méry (1825);
Epitre à M. le comte de Villèle (1825); les
Jésuites, épître à M. le président Séyuier,
avec Méry (1826) ; les Grecs, épitre au Grand
Turc, avec Méry, et non seul, comme le pré-
tend la Biographie générale (1826); la Vitlé-
liade , avec Méry (1826); Borne à Paris
(1826); Biographie des quarante de l'Académie
française, Malagutti et lialta-, la Peyron-
néide, la Guerre d'Alger, la Censure ou le
Congrès des ministres, Une soirée chez M. de
Peyronnet, avec Méry (de 1826 à 1828) ; Etren-
nés à M. de Villèle (1828) ; Napoléon en
Egypte, avec Méry (1828); le Fils de l'homme
(1829); Procès du fils de l'homme, brochure
(1829) ; Waterloo, avec Méry (1829) ; Epitreà
M. de Saintine (1830); la Bourse ou la prison
(1830); l'Insurrection, avec Méry (1831); Né-
mésis, journal hebdomadaire, avec Méry (de
mars 1831 à juin 1832). A partir de ce mo-
ment, Méry ne collabora qu à de rares inter-
valles avec son compatriote, qui fit paraître :
la Justification de l'état de siège (1832) ; Ma
Justification (1832); les Bouse journées dç la
Révolution (de 1831 à 1835) ; la Dupinade, avec
L. Reybaud (1831); l'Ecole du peuple ou l'In-
struction primaire (1833); l'Enéide, traduction
(1838); la Bouillotte (1839); la Syphilis, tra-
duction en vers du poème latin de Fracastor ;
le Baccarat (1843) ; Nouvelle Némésis (1844) ; la
Vapeur (1845) ; le Deux décembre, poëme apo-
logétique publié dans le Siècle, et enfin une
foule de poésies fugitives, odes, épîtres, etc.,
disséminées dans les recueils, ou publiées en
brochures à diverses époques.-
BARTHÉLÉMY ( Jean-Joseph-Hippolyte ) ,
homme politique et magistrat français, né à
Lauterbourgenl802,morten 1863. Il venaitde
se faire recevoir licencié en droit à la faculté de
Strasbourg, lorsque le duc d'Angoulême en-
vahit l'Espagne, à la tête d'une armée fran-
çaise, pour y rétablir le pouvoir absolu. Bar-
thélémy partit aussitôt pour la Péninsule et
grossit le petit nombre de Français qui, pour
protester contre cette odieuse intervention,
combattirent avec Carrel dans les rangs des
libéraux espagnols. De retour en France, il se
fit inscrire comme avocat au barreau de
Strasbourg (1825), et, après la révolution de
Juillet, il fut nommé procureur du roi à Bé-
thune, par Dupont de l'Eure, puis conseillera
la cour de Poitiers en 1840. En 1848, le dé-
partement de la Vienne l'envoya siéger à
l'Assemblée constituante, où il fit partie du
comité de la justice. Barthélémy, dont le libé-
ralisme s'était singulièrement attiédi , vota
presque constamment avec la droite. Non
réélu à l'Assemblée législative, il fut nommé,
en 1852, conseiller à la cour impériale de
Lyon.
BARTHÉLÉMY (Antoine- Auguste), homme
politique français, né à Paris en 1802. Après
avoir été quelques années à la tête d'une im-
primerie, il se fixa, en 1829, à Bailleau-1'E-
vêque ; dans le département d'Eure-et-Loir,
et se signala aussitôt par l'ardeur de ses opi-
nions libérales. Aussitôt après la révolution
de Juillet, il fut nommé maire de Bailleau,
élu conseiller général en 183C, et choisi par le
gouvernement provisoire, en 1848, pour être
commissaire de la république. Envoyé par
57,000 suffrages à l'Assemblée constituante, il
vota avec les républicains qui avaient pour
organe le National, se rallia à la proposition
Râteau, fut réélu à la Législative, où il suivit
la même ligne de conduite politique dans les
rangs de la gauche, et enhn, après le coup
d'Etat du 2 décembre, vécut complètement
dans la retraite.
BARTHÉLÉMY (Emmanuel), homme politi-
que français, né à Marseille en 1804. Issu
d'une famille qui professait un culte idolâtre
pour le trône et l'autel , mais doué d'une
intelligence aussi élevée que pénétrante, le
jeune Barthélémy ne tarda pas à embrasser
avec ardeur les idées libérales et à se montrer
un ennemi déclaré de la Restauration. Devenu
courtier de marchandises, il conquit, dans sa
ville natale, une grande position, une réelle
influence, se mit au premier rang parmi les
chefs du parti radical, et, lorsque éclata la
révolution de 1848, il fut chargé de diriger
l'administration municipale de Marseille. Bien-
tôt après, le département des Bouches-du-
Rhône l'envoyait à la Constituante par plus
de 70,000 voix sur moins de 80,000 votants.
Membre du comité de l'Algérie et des colo-
nies, il monta plusieurs fois à la tribune et'
vota avec le parti démocratique. Après l'élec-
tion du président de la république, il se pro-
nonça contre la politique de l'Elysée, vota
contre l'interdiction des clubs, contre le cau-
tionnement des journaux et blâma l'expédition
de Rome tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Il ne fut pas réélu à l'Assemblée législative.
BARTHÉLÉMY (Math. -Barthélémy ThOUIN",
dit), vaudevilliste français, né à Pans en 1804,
a fait jouer sous son nom seul. le vaudeville
de l'Audience du roi (1832), et a donné, en
collaboration avec divers auteurs, entre autres
MM. Brunswick et Michel Masson, environ
trente pièces représentées sur les théâtres de
genre. Nous citerons principalement : les
Cuisiniers diplomates (182S); le Conseil de ré-
vision (1832); l'Art de ne pas monter sa garde
(1833); la Sonnette de nuit (1836); les Pages
du czar (1837) ; Cantatrice et marquise (1843);
Un Voyage à Paris (1845) ; l'Hospitalité d'une
grisette (1847) ; Un Déluge d'inventiojis (1849);
le Roi, la dame et le valet (1853), etc. Quel-
ques-unes de ces pièces ont joui d'une cer-
taine vogue.
BARTHÉLÉMY (Anatole-Jean-Baptiste-An-
toine dis), archéologue français, né à Reims
(Marne) le 1" juillet 1821, est fils de Claude-
Félix-Hyacinthe de Barthélémy, ancien pré-
fet. Elève de l'Ecole des chartes, il entra dans
l'administration, occupa les fonctions de se-
crétaire général de la préfecture du départe-
ment des Côtes-du-Nord, et fut nommé ensuite
sous -préfet de l'arrondissement de Belfort
(Haut- Rhin), puis sous-préfet de l'arrondisse-
ment d'Yvetot. On doit à M. Anatole de Bar-
thélémy, qui a été nommé correspondant du
ministère de l'instruction publique, un certain
nombre de travaux d'archéologie ou de nu-
mismatique. Nous citerons : Rapport sur quel-
ques monuments religieux et féodaux du dé-
partement de la JLfiire (Caen, 1842, in-S°);
Essai sur l'histoire monétaire du prieuré de
Souvigny (Clermont-Ferrand , 1846, in-8") ;
Monnaies des Auterci (1847, ih-8°), extrait de.
la Revue numismatique ; Nouveau manuel
278
BAR
BAR
BAR
BAR
complet de numismatique ancienne (1851 ,in-18);
Jean de Fabas (Saint-Brieuc, 1854, in-is);
Diocèse de Saint-Brieuc, histoire et monu-
ments (Saint-Brieuc etParis, 1854, grand in-8°,
avec un atlas de 13 grandes planches); Etude
sur la révolution en Bretagne (1858, in-8°), en
société avec M: Geslin de Bourgogne ; Nu-
mismatique mérovingienne ; Etude sur les mon-
nayers, les noms de lieux et la fabrication de
la monnaie (1865, in-8°), extrait de la Revue
archéologique, etc. M. Anatole de Barthélémy
possède une collection de monnaies champe-
noises fort estimée des amateurs.
BARTHÉLÉMY (Edouard-Marie de), archéo-
logue et historien français, frère du précé-
dent, né à Angers (Maine-et-Loire) le 21 no-
vembre 1830,aégalementembrassé lacarrière
administrative ; il est devenu auditeur au con-
seil d'Etat. Collaborateur au Bulletin monu-
mental du laborieux antiquaire M.deCaumont,
il a publié un grand nombre de mémoires re-
latifs au département de la Marne, tels que :
Essai historique sur les comtes de Champagne
(Châlons, 1853, in-8°) ; Etudes biographiques
sur les hommes célèbres nés dans le départe-
ment de la Marne (Châlons, 1853, in-12);
Claude d'Epense, David Blondel et Perrot
d'Ablancourt (1855, in-8") ; Châlons pendant
l'invasion anglaise (1852, in-8<>) ; Correspon-
dance inédite des rois de France avec le conseil
de ville de CUûlons-sur-Marne (1855, in-12);
ia Réforme et la Ligue à Châlons (1851, in-8u);
Statistique monumentale de l'arrondissement
de Sainte- M enehould (Caen et Paris, 1852,
in-8°); Cartulaires de l'évêché et du chapitre
de Saint-Etienne de Châlons-sur-Afarne (Châ-
lons et Paris, 1853, in-8°) j Abbayes du dépar-
tement de la Marne (Pans, 1853, in-12), etc.
Il a résumé tous ces travaux dans une His-
toire de la ville de Châlons-sur-Marne et de
ses institutions, depuis son origine jusqu'en
1789 (Châlons, 1859, in-8°), ouvrage qui a
obtenu, en 1855, une mention honorable de
l'Académie des inscriptions. On a encore de
M. Edouard de Barthélémy : la Noblesse en
France, avant et après 1789 (1858, in-18); De
la noblesse au xix« siècle et du rétablissement
des dispositions principales applicables à l'u-
surpation des titres (1858, in-is) j les Princes
delà maison de Savoie (grand in-12, 1860),
actualité du genre sérieux : Etude historique
sur le règne de François II (brochure, lgfll) ;
les Livres nouveaux (2 vol. in-8°, 1862). Il a
donné, d'après un manuscrit autographe con-
servé au château de la Roche-Guyon, une édi-
tion nouvelle et intéressante du fameux livre
des Maximes, sous le titre : Œuvres inédites
de La Rochefoucauld, publiées d'après les ma-
nuscrits conservés par sa famille {m-8°, 1862),
titre qui ne tient pas tout ce qu'il promet, at-
tendu qu'il s'agit moins des œuvres inédites
(elles sont peu nombreuses) que d'une forme
différente et de la première ébauche d'œuvres
connues. Une Notice historique sur le duc de
La Rochefoucauld, signée de M. E. de Barthé-
lémy, occupe la première partie du volume.
Citons aussi de cet écrivain : les Amis de la
marquise de Sablé , recueil de lettres des
principaux habitués de son salon, annotées et
précédées d'une introduction historique sur la
société précieuse au xviic siècle (in-S», 1865).
Enfin M. Edouard de Barthélémy a publié, avec
M. Louis de La Roque : Catalogue des gentils-
hommes du Bourbonnais, Nivernais et Donsiois,
qui ont pris part ou envoyé leur procuration
aux assemblées de la noblesse pour l'élection
des députés aux états généraux de 1789, d'après
les documents officiels (1865, in-8") ; Catalogue
des gentilshommes d'Artois, Flandre et Hai-
naut, qui ont pris part, etc. (1865, in-S°) ; Ca-
talogue des gentilshommes de l'Ile-de-France,
Soissonnais, Valois, Vermandois, qui ont pris
part, etc. (1865, in-R°)-, Catalogue des. gentils-
hommes d'Alsace, Corse et Comtat Venaissin,
qui ont pris part, etc. (1865, in-8°), etc., etc.
BARTHELEMY-SAINT- HILÀ1 RE (Jules),
érudit et philosophe , né à Paris en 1805.
Longtemps attaché au ministère des finances,
il n'en écrivit pas moins dans le Bon sens, qu'il
ivait fondé avec Rodde et Cauchois-Lemaire,
sans le Constitutionnel, dans le National et
autres journaux d'opposition. Vers 1833, il se
livra entièrement à ses travaux d'érudition et
entreprit, pour faire suite au Platon de
M. Cousin, cette traduction complète d'Aris-
tote qui sera le monument littéraire de sa vie,
et qui lui fit donner la chaire de philosophie
grecque et latine au collège de France (1838).
L'année suivante, il fut appelé à l'Académie
des sciences morales et politiques. En 1848, le
savant professeur rentra dans la politique et
devint chef du secrétariat du gouvernement
. provisoire, puis représentant du peuple à la
Constituante et à la Législative. Il vota avec
le parti républicain modéré, quelquefois avec
la droite, prit part (comme administrateur du
Collège de France) à la suspension du cours
de M. Michelet, et encourut des attaques assez
vives pour d'autres actes inspirés par l'esprit
de réaction. Toutefois, après le 2 décembre, il
quitta sa chaire et la direction du collège de
France, quoique le pouvoir ne lui imposât pas,
dit-on, de prêter un serment contraire à ses
convictions, qui se réveillaient, il faut l'a-
vouer, un peu tard. On n'en doit pas moins
rendre justice à cet acte de conscience et de
désintéressement. Outre ses travaux sur Aris-
tote et sa grande traduction, on a de lui : De
l'école d'Alexandrie, précédé d'un Essai sur
la méthode des alexandrins et le mysticisme!
Des védas; Du Bouddhisme ; des rapports sur
diverses questions de philosophie ancienne , etc.
BARTHÉLÉMY (Massacre de la SAINT-),
24 août 1572. Au moment d'esquisser ce tragi-
que épisode, dont le récit semble un feuillet
sanglant détaché de l'histoire de quelque mo-
narchie barbare de l'Orient, nous nous trou-
vons en présence des solutions diverses que
les écoles historiques ont données tour à tour,
de ce que M. Henri Martin, notre cher et
grand historien, a nommé le problème de la
Sa in t-Barthélemy .
L'extermination générale des protestants
a-t-elle été préméditée longtemps àl avance par
la grande reine et poursuivie jusqu'au dénoû-
mentavecune admirable dissimulation, comme
l'affirment cyniquement Davila, Capilupi, et
d'autres panégyristes, fanatiques, pour qui les
forfaits des grands sont toujours des traits de
génie, et comme l'ont cru ensuite les protes-
tants et les historiens de l'école philoso-
phique?
Ce grand crime fut-il entièrement politique,
comme d'autres ont cherché à l'établir, dans
une pensée de réhabilitation, et fut-il provo-
qué par quelques complots des réformés ? Les
représentants de la religion dominante n'y
eurent-ils aucune part, et ne doit-on l'attri-
buer qu'à une explosion du fanatisme popu-
laire, etc.?
Toutes ces théories, et d'autres encore, ont
eu leurs partisans. Et même, fait qui pourrait
sembler extraordinaire à qui ne tiendrait pas
compte des égarements de l'esprit de système,
après le'xviu» siècle, après la Révolution, à
notre époque même, ces sacrifices humains
ont trouvé des apologistes, non-seulement
parmi les énergumènes qui s'imaginent défen-
dre la religion en glorifiant toutes les violen-
ces dont elle a été le prétexte, mais encore
parmi les théoriciens d'une philosophie dé-
voyée, qui prétend justifier tous les faits de
l'histoire en les rattachant à un plan immua-
ble et providentiel.
Nous n'avons pas, on le comprend , à discuter
ici toutes ces doctrines, qui ont été discutées
tant de fois, et notre tâche doit se borner à
résumer les faits aussi exactement que les do-
cuments nous permettent de les entrevoir,
sans passion, sans esprit de parti, mais aussi
avec une consciencieuse fidélité, et sans au-
cune de ces complaisances dont on ne trouve
que trop d'exemples parmi les écrivains qui
ne recherchent que les vogues fructueuses ou
les éphémères succès de parti.
On sait qu'après la paix de Saint-Germain,
Coligny, le grand amiral et le chef des protes-
tants, fut attiré à la cour par Catherine de
Médicîs et Charles IX, à force de caresses et
d'obsessions. Le vieux capitaine s'était remis
avec une confiance héroïque entre les mains
de ses ennemis, non qu'il fût bien assuré de
ne pas marcher à sa perte, mais dans le désir
de contrebalancer la faction espagnole et lor-
raine, de guérir les maux de la France, épui-
sée par les guerres civiles, et d'employer les
énergies nationales dans une guerre étran-
gère, aux Pays-Bas, qu'ensanglantait le duc
d'Albe; expédition qui, dans sa pensée, avait
pour but l'extension de nos frontières et l'af-
franchissement des protestants de ce pays.
Dès que l'amiral crut voir une chance sérieuse
de décider le roi à entreprendre cette guerre,
il vint à Blois, où était alors la cour (septem-
bre 1571). < Nous vous tenons maintenant, lui
dit Charles TX avec une gaieté bienveillante;
vous ne nous échapperez plus. » Plus tard, on
chercha dans ces paroles une équivoque sinis-
tre ; mais il est vraisemblable qu'alors Char-
les IX, un peu las de la tutelle de sa mère et
des Guises, et qui se défiait de son frère, le duc
d'Anjou, était préoccupé surtout, quelles que
fussent, d'ailleurs, ses arrière-pensées, du dé-
sir de s'attacher le vaillant capitaine. Ce
n'était point le sentiment moral, absolument
nul chez lui, mais l'intérêt personnel qui par-
lait. Violemment capricieux, fantasque, par-
fois même à demifou , il était d'ailleurs inha-
bile pour une si longue perfidie. Capable de
commettre le crime, U ne semble pas que son
tempérament le rendît propre à le méditer.
Cependant, qui pourrait affirmer d'une ma-
nière absolue que Ce furieux, dépravé par
une éducation italienne, nourri dans les prin-
cipes de Machiavel et des Borgia, fût entière-
ment de bonne foi ? Un de ses grands admira-
teurs nous dit crûment : « Le roy ne faisoit
point de difficulté de fausser sa foi toutes et
quantes fois qu'il vouloit et lui venoit en fan-
taisie. » (Brantôme, Vie de Charles IX.)
Quoi qu'il en soit, il reçut l'amiral comme
un sauveur; il l'appela son père; il lui accorda
tous les égards pour lui et pour son parti ;
il fit son entrée solennelle dans Paris en lui
donnant la place d'honneur, à sa droite ; il fît
abattre, à sa requête, une pyramide élevée
rue Saint-Denis, sur l'emplacement de la mai-
son d'un marchand nommé Gastine, brûlé pour
avoir prêté son logis à une assemblée de pro-
testants; enfin il parut vouloir se conduire
entièrement d'après ses avis. Le parti lorrain,
les Guises semblaient en pleine disgrâce ; les
ultra-catholiques remplissaient les chaires de
leurs déclamations, et le prédicateur du roi,
lui-même, Sorbin de Sainte-Poix, attaquait
hardiment Charles IX, et ne craignait pas
d'exhorter le duc d'Anjou à poursuivre l'œu-
vre de l'anéantissement des hérétiques, en
apparence abandonnée par son frère.
Quant à Catherine, nul douté qu'elle n'ait
constammentnourri l'idée de détruire les chefs
protestants, et particulièrement Coligny ; mais
il est peu probable qu'elle eût un plan arrêté.
Fausse, implacable et perfide, mais flottante,
irrésolue, embarrassée dans ses propres intri-
gues, elle était partagée entre la s"if du pou-
voir, la crainte des Guises, ses redoutables
alliés, et sa préférence pour son fils Anjou, la
méprisable femmelette italienne. Le fond de
sa politique n'était que mensonge et trahison ;
mais elle aussi nous apparaît comme bien plus
propre à exploiter les événements qu'aies di-
riger, à saisir les occasions qu'à les faire naî-
tre. Toutefois, si l'on peut lui contester l'ef-
froyable mérite d'avoir seule combiné de
longue main, ourdi, dirigé te complot, il est
indubitable qu'elle avait depuis longtemps
promis sa coopération pour cette œuvre san-
glante, que la faction ultra-catholique pour-
suivait depuis longtemps avec une implacable
ténacité. Capilupi rapporte qu'en 1568 elle eut
une conversation avec le nonce, qui la pres-
sait sur cet objet. Catherine donna l'assurance
« qu'elle et Sa Majesté n'avaient rien plus à
cœur que d'attraper un jour l'amiral et ses
adhérents et d'en faire une boucherie mémo-
rable à jamais. »
Cependant, tandis que Coligny nourrissait
l'esprit du roi des plus vastes projets : exten-
sion des frontières et du patronage de la
France, organisation de la marine, abaisse-
ment de la puissance espagnole, non-seule-
ment dans les Pays-Bas, mais encore dans
le nouveau monde ; tandis que le grand pa-
triote rêvait d'effacer toutes les divisions
de partis en occupant toutes les forces et
toutes les volontés dans de grandes entrepri-
ses nationales, l'odieux complot s'organisait
autour de lui. Jeanne d'Albret était morte en
juin 1572, empoisonnée, suivant l'opinion gé-
nérale alors et contestée depuis. Strozzi, la
vieux La Garde (dont le nom sinistre rappe-
lait les massacres de Cabrières et de Mérin-
dol), vidaient les arsenaux de La Rochelle, la
place forte des protestants, sous le prétexte
d'armer la flotte pour l'expédition des Pa3rs-
Bas. La faction espagnole, les Tavannes, les
Gondi, etc., combattait ouvertement les plans
de l'amiral. Les Guises introduisaient suc-
cessivement une armée dans Paris, gen-
tilshommes de leurs innombrables fiefs, spa-
dassins nourris par eux , clients de toute
condition que leur fournissait le parti, etc. Ap-
puyés sur le puissant clergé de Pari<i et sur le
gros de la population, soutenus par une partie
de la cour, ils apparaissaient déjà comme les
maîtres de la situation. Les protestants, au
contraire, quoique représentés dans la capi-
tale par l'élite de leurs chefs et de leurs
hommes d'épée, n'étaient pas en nombre suffi-
sant pour se protéger eux-mêmes et défendre
leurs coreligionnaires de Paris. Des rumeurs
sinistres leur venaient de toutes parts; de fu-
rieux prédicateurs , les évêques Sorbin et
Vigor, le cordelier milanais Panigarola et cent
autres tonnaient contre eux et prêchaient nuit
et jour leur extermination. Mais, outre leur
fierté naturelle, le devoir les retenait autour
de leur chef. Quant à Coligny , sans fermer les
yeux sur le danger, il se croyait assez sûr du
roi pour dominer la situation, couvrir son
parti et réaliser ses projets patriotiques. Sa
confiance était telle, qu'il fit remettre au roi,
avant l'époque fixée par le dernier traité de
paix, trois des places de sûreté des protes-
tants, La Charité, Sancerre et Cognac. D'ail-
leurs, il l'avait dit récemment : « J aime mieux
être traîné mort par les rues de Paris que de
rentrer dans la guerre civile. « (Db Thou).
Après avoir longtemps balancé, tergiversé,
dissimulé, Catherine entra décidément en lutte
contre l'amiral, dont l'influence semblait me-
nacer la sienne, se prononça pour le parti
espagnol et papal, obséda Charles IX pour lui
arracher la promesse de la paix ; et enfin, don-
nant un corps aux vagues pensées de meurtre
qui flottaient dans son esprit depuis bien des
années, elle tint conseil pour se défaire de
l'amiral (Mémoires de Tavannes).
C'est sous ces auspices et au milieu des
complots de toute nature que furent célébrées,
à Notre-Dame, les noces de Henri de Navarre
et de Marguerite, sœur de Charles IX. Ce
mariage mixte était un gage d'alliance et de
paix avec les réformés, et le roi le conclut
malgré l'opposition du saint-siége. Qui n'au-
rait alors cru à sa bonne foi ? Cette cérémonie
était, pour les catholiques, l'abomination de la
désolation. Ils avaient prédit que les noces
seraient vermeilles, c'est-à-dire qu'elles se-
raient ensanglantées par un combat ou un
massacre. Aux protestants restés hors de
l'église pendant la messe, ils disaient inso-
lemment : « Vous y entrerez bientôt malgré
vous. ■
Néanmoins, malgré les plus furieuses exci-
tations, le mariage se célébra paisiblement le
18 août, et les fêtes durèrent quatre jours. Le
jour même du mariage, on fit signer a Char-
les IX un ordre aux gouverneurs d'arrêter
tout courrier ou tout autre qui passerait les
monts dans six jours. Or, le sixième jour
après la date de cette lettre fut le 24 août,
jour de la Saint-Barthélémy. Coïncidence for-
tuite peut-être, mais bien étrange. On sait, en
effet, que cette arrestation des courriers ,
cette interruption de communications était
une vieille coutume de guerre, coutume qui
s'est perpétuée jusqu'à nos jours et qui était
toujours le signe d'un mouvement ou d'un pro-
jet de mouvement.
Evidemment, le massacre était arrêté en
principe, et Tavannes nous donne, dans ses
Mémoires, un plan que lui-même avait sug-
géré pour exterminer les protestants pendant
les fêtes du mariage, au moyen d'un guet-
apens de combat simulé.
Cette farce sanglante ne put avoir lieu;
mais les bals et mascarades furent du moins
égayés par d'étranges mystifications contre
Navarre, Condé et les protestants, qui furent
battus, ridiculisés, retenus en enfer, pendant
que leurs femmes, costumées en nymphes,
triomphaient aux bras de danseurs orthodoxes
en des ballets dont l'impudicité dut seule être
un supplice pour l'austérité des huguenots.
C'est par ces significatives et menaçantes
comédies que Catherine, Anjou, les Guises et
toute la faction préludaient à l'assassinat.
Le premier acte du drame fut combiné et
débattu entre deux femmes. Catherine de
Mèdicis fit venir en secret la duchesse de Ne-
mours, veuve du grand Guise (qui avait été
tué par le protestant Poltrot), et la mit en de-
meure de poursuivre la vengeance de sa mai-
son en tuant Coligny. La reine mère , suivant
le témoignage de graves historiens (De Thou,
et Mémoires de V Estât de, France), avait fait
la combinaison machiavélique de détruire les
uns par les autres, huguenots, lorrains et po-
litiques, et d'écraser ensuite les Guises, vain-
queurs présumés. A tout hasard, ceux-ci, qui
avaient des forces considérables sous la main,
consentirent à se charger de l'horrible initia-
tive. Leur furie de sang était telle, que le
jeune Guise voulait d'abord que sa mère elle-
même tuât, d'une arquebusade, l'amiral dans
les salles du Louvre (Lettre du nonce Sal-
viati). Mais on s'arrêta h des moyens plus pra-
tiques. Les Guises nourrissaient depuis long-
temps un assassin spécial pour tuer Coligny,
Maurevert, experten ces besognes sanglantes.
On le cacha chez le chanoine Villemur, au
cloître Saint-Germain l'Auxerrois, et pendant
trois jours il attendit le passage de 1 amiral,
cache derrière un treillis de fenêtre, avec une
arquebuse chargée de balles de cuivre. Le
vendredi 22 août, comme Coligny revenait à
pied du conseil et lisait une requête en se ren-
dant à son petit hôtel de la rue Béthisy, il
passa devant la fenêtre fatale, et reçut le coup
de feu presque à bout portant. Une balle lui
emporta l'index de la main droite ; une autre
se logea dans son bras gauche. En présence
de l'illustre victime, la main du misérable
avait tremblé ; il s'enfuit par les derrières do
la maison, sur un cheval tiré de l'écurie des
Guises et qui l'attendait, sellé et bridé, dons
l'arrière-cour.
Sans s'émouvoir, Coligny montra, de sa
main mutilée, la fenêtre d où était parti lo
coup, et dit aux amis qui l'entouraient : « Aver-
tissez le roi. »
Charles IX jouait à la paume avec le duc
de Guise et Téligny, gendre de l'amiral. Il pâ-
lit, jeta sa raquette avec colère, ordonna une
enquête, défendit aux bourgeois de s'armer,
jura qu il punirait les coupables, et envoya
un détachement de ses gardes pour protéger
l'amiral en son logis. Sans doute, tout cela
prouverait assez qu'il n'était pas encore dans
la confidence du complot. Mais on doit remar-
quer que la reine mère elle-même affecta une
violente indignation, à la nouvelle de ce crime
qu'elle avait préparé.
Quoi qu'il en soit, Charles IX, sur l'invita-
tion de Coligny, se rendit dans l'après-midi
auprès du blessé et l'accabla de marques d'in-
térêt. Catherine et Anjou l'avaient accompa-
gné, soit pour masquer leur complicité, soit
plutôt pour épier les paroles de la victime.
Cependant, quoique l'illustre chirurgien
Ambroise Paré répondît de la vie de l'amiral,
et que le crime parût manqué, Paris était
plein de l'agitation qui précède les grandes
crises. Les gentilshommes protestants se con-
centraient autour de l'hôtel de la rue Béthisy,
accusant hautement les Guises de l'assassinat.
Les quartiers, sous l'impulsion des confréries
et du clergé, prenaient les armes, malgré les
défenses du roi. Anjou, pour ne point laisser
la première place au duc de Guise, à la této
du parti catholique, se promenait dans un co-
che à travers la ville, semant sur sa route le
faux bruit que Montmorency (le chef des po-
litiques) allait tomber sur Paris avec un gros
corps de cavalerie ; sûr moyen d'augmenter
l'émotion et de hâter, par une panique, le
massacre des protestants.
Le 23, conseil chez la reine mère, auquel
assistaient Gondi (Retz), le chancelier Biraguo,
le maréchal de Tavannes, Anjou et le duc de
Nevers. ■ Des quatre conseillers qui aidèrent
la veuve et les fils de Henri II à souiller nos
annales d'une tache ineffaçable, trois étaient
étrangers à la France. Ils arrêtèrent leur
plan, puis allèrent, tous les six, trouver le roi
dans son cabinet au Louvre. Heure fatale ,
qui décida pour Charles IX de la gloire avec
Coligny, ou de la honte éternelle avec Cathe-
rine, du rachat de sa jeunesse égarée, ou de
sa damnation dans l'histoire. La destinée de
la France était suspendue à un mot, à ,un
geste d'une tête faible , d'un esprit sans
boussole, presque d'un insensé...» (Henri
Martin.)
Ainsi, Charles IX ne savait rien encore de
l'effroyable projet, telle est l'opinion assez gé-
néralement adoptée aujourd'hui. Toutefois, il
convient de rappeler que d'autres historiens,
comme Audin <jt Sismondi, par exemple, ont
BAR
BAR
BAR
BAR
279
admis que, sans qu'il y eût rien de positive-
ment arrêté, l'idée de se débarrasser d'un
seul coup de tous les chefs du parti n'était pas
tout à fait nouvelle pour Charles. Davila dit
positivement que ce fut le roi qui autorisa le
duc de Guise à tuer Coligny. Mais il est con-
tredit par les récits de Tavannes, de la reine
Marguerite et du duc d'Anjou.
S'il y a incertitude sur ce point, nous savons
. du moins ce qui se passa dans ce conseil fa-
meux du 23 août. Catherine exposa cynique-
ment le plan de la faction ; elle affirma que les
huguenots s'armaient de toutes parts, que la
guerre civile allait infailliblement recommen-
cer, et qu'il valait mieux la terminer dans
Paris, pendant qu'on avait les chefs sous la
main. Les catholiques, d'ailleurs, étaient ré-
solus d'en finir, et, si le roi ne se mettait à
leur tête, ils nommeraient un capitaine général
(ce qui se fit dans la Ligue) ; on ne pouvait
punir Guise pour le meurtre de l'amiral, car
elle-même et ie diic d'Anjou avaient été de la
partie; il fallait achever l'œuvre, car Coligny
était un ennemi de l'autorité royale , etc.
Charles IX, dit-on, lutta longtemps contre sa
mère et ses odieux conseillers, et finit par se
déterminer tout à coup, sur cette insinuation,
que peut-être il avait peur des huguenots...
Alors il éclata avec frénésie : « Par la mort
Dieu I vociféra cet insensé, puisque vous trou-
vez bon qu'on tue l'amiral, je le veux, mais
aussi tous les huguenots de France, afin qu'il
n'en demeure pas un qui me le puisse repro-
cher après. Par la mort Dieul donnez-y ordre
proinptement. •
Les conjurés passèrent le reste du jour et
une partie de la nuit à préparer l'exécution de
leur forfait. Guise, Aumale, Montpensier, le
bâtard d'Angoulême, furent mandés dans l'af-
freux conciliabule. On se distribua les meur-
tres ; chose facile, car on avait la liste des hu-
guenots et de leurs logis.
Le prévôt des marchands, Le Charron, re-
çut du roi différents ordres dont il ne comprit
que trop la portée ; il se récria, mais on le
menaça d'être pendu s'il n'obéissait (Bran-
tôme, Vie de Tavannes). Toutefois, il n'envoya
ses ordres que le lendemain, alors qu'ils
étaient devenus mutiles. L'autorité régulière
de l'Hôtel de Ville paraît donc n'avoir eu
qu'une faible part au massacre .{Archives cu-
rieuses, t. VII, p. 213).
Mais les conjurés s'étaient prudemment mis
en mesure de se passer d'elle. Un de leurs
séides, Marcel, ex-prévôt des marchands,
avait été chargé de réunir à l'Hôtel de Ville
les chefs de confrérie, les capitaines de quar-
tier, tous les meneurs dont on était sûr, pour
leur communiquer le mot d'ordre. Le signal
indiqué était 1 horloge du Palais de Justice,
qui devait être sonnée au point du jour; les
bons catholiques se reconnaîtraient à un mou-
choir blanc au bras et une croix blanche au
chapeau.
Au coucher de la reine mère, il se passa une
scène caractéristique. On sait que Henri de
Navarre et Coudé étaient au Louvre, avec leurs
gentilshommes, leur maison. Tous ces protes-
tants étaient destinés à être sacrifiés, sauf les
deux princes, dont la mort fut mise en délibéra-
tion, mais que l'on convint d'épargner pour ne
point laisser le parti des Guises sans contre-
poids. Le Louvre, la maison du roi allait donc,
dans quelques heures, être souillée du sang des
hôtes du roi. Eh bien, le soir, à l'heure accou-
tumée, Catherine congédia froidement sa fille
Marguerite, la nouvelle reine de Navarre, qui
n'était point dans le secret ; et comme son au-
tre tille, la duchesse de Lorraine, priait pour
sa sœur, disant qu'il n'y avait point de pitié
d'envoyer cette malheureuse dans les appar-
tements de son mari, où le sang allait couler,
la reine mère commanda plus rudement. « Quoi
qu'il advienne, dit-elle, il faut qu'elle y aille,
de peur de leur faire soupçonner quelque
chose. » Ce trait seul peut faire juger de la
valeur des fantaisies paradoxales de certains
historiens, comme MM. Alberi et Charrière,
qui ont célébré avec emphase le cœur de mère
de Catherine de Médicis.
Et le péril n'était point imaginaire : on con-
naît, par les Mémoires de la reine Margue-
rite, les scènes affreuses qui ensanglantèrent
sa chambre à coucher, et jusqu'à son lit.
Cependant, les préparatifs s'achèvent dans
le silence de la nuit; vers minuit, les 1,200 ar-
quebusiers du régiment des gardes commen-
cent à occuper les positions convenues; les
assassins volontaires s'arment dans les quar-
tiers; Guise réunit les capitaines français et
suisses et leur communique sa furie sauvage :
« La bête est prise au piège, dit-il; il faut se
soûler de son sang : c'est le roi qui le veut ! »
Au moment de donner le signal de la tuerie,
cette misérable Catherine eut, dit-on, un mo-
ment d'anxieuse hésitation, non par pitié,
mais par effroi ; mais ce moment fut court, et
bientôt elle envoya l'ordre de sonner la cloche
la plus voisine du Louvre, celle de Saint-
Germain l'Auxerrois, à laquelle répondit un
peu plus tard le glas de la tour de 1 Horloge.
Elle vint ensuite, avec son fils Anjou, se placer
dans une petite chambre qui donnait du côté
de l'église, pour mieux voir le commencement
de la grande entreprise. Un coup de pistolet
éclata et fit tressaillir ces deux lâches assas-
sins. Dans le récit qui lui est attribué, Anjou
prétend même que lui et sa mère furent telle-
ment espris de terreur, qu'ils donnèrent un
contre- ordre. Que cette assertion soit vraie
ou fausse, il était trop tard : bientôt le tu-
multe, les hurlements, les cloches, les arque-
busades annoncèrent que les matines de Paris
étaient commencées.
L'aube se levait ; mais les sombres rues du
vieux Paris étaient encore plongées dans
l'obscurité, et le massacre commença à la
lueur sanglante des torches. Ce jour, qui se
levait lentement pour éclairer ces scènes
d'horreur, eût dû être doublement sacré pour
des chrétiens : c'était un dimanche, et c'était
la fête de l'un des fondateurs du christianisme,
l'apôtre martyr saint Barthélémy.
Coligny, veillé par Ambroise Paré et par le
pasteur Merlin, gardé par une poignée de gen-
tilshommes protestants répandus dans les
maisons voisines, par deux postes de gardes
du roi, reposait avec une entière confiance,
se croyant sauvegardé surtout par la parole
royale, par les traités, par la foi publique,
par tout ce qu'il y a de respecté parmi les
hommes.
C'est par lui que le massacre commença.
Le duc de Guise n'avait point voulu laisser
à d'autres la mission d'achever cette illustre
victime, qui lui appartenait, dont il était l'as-
sassin en titre. Il prit avec lui d'Aumale, le
bâtard d'Angoulèine, une grosse troupe de
soldats, et envahit la rue Béthisy ; les gardes
du roi et Cosseins, feur capitaine, se joignent à
lui et se transforment, sans hésitation, de
protecteurs officiels, en lâches meurtriers. Les
portes sont enfoncées, les serviteurs tués ou
mis en fuite ; Sarlabous, gouverneur du Havre,
Attin, attaché au duc d'Aumale, l'allemand
Behme (ou Besme), sicaire de Guise, et quel-
ques autres se présentent en hurlant devant
1 amiral; l'auguste- vieillard les reçoit avec un
calme si extraordinaire, que les meurtriers
français s'arrêtent; Behme s'avance, et, après
quelques paroles, plonge un épieu énorme
dans le ventre de Coligny; puis tous l'achè-
vent avec d'horribles jurements. Guise s'im-
patientait dans la cour : « Behme, as-tu fini ?
— C'est fait. — Jette-le donc, qu'on le recon-
naisse. » Et le cadavre bondit sur le pavé ; la
tête était inondée de sang, méconnaissable ;
cependant Angoulêmo torcha la face et ait:
« Ma foi, c'est bien lui. » Et ces illustres sei-
gneurs descendirent dans la bassesse et la vi-
lenie jusqu'à donner des coups de pied au
visage du grand martyr. Un italien nommé
Petrucci, valet de Gonzague, duc de Nevers,
coupa la tête et la porta à la famille royale.
Ce morceau de roi fut embaumé avec soin et
envoyé au pape. Le hideux trophée partit
pour Rome, mais il n'existe aucun témoignage
historique qui permette d'affirmer qu'il arriva
à sa destination.
D'autres vengeurs de la religion, écumes
par les meneurs dans les ruisseaux de Paris,
dépecèrent le cadavre, le traînèrent à travers
les rues, et allèrent le suspendre par les pieds
au gibet de Montfaucon.
Au Louvre, le massacre commença vers
cinq heures. Les malheureux désignés comme
victimes , dont la plupart partageaient la
veille les jeux du roi, furent surpris un à
un, désarmés, abattus comme des moutons,
soit dans les appartements , soit dans la
cour, sous les yeux du roi, qui, d'une fenêtre,
assistait h la tuerie. Là tombèrent les plus
vaillants et les plus loyaux capitaines, la
fleur de la France et de la réforme , les
Pardaillan, les Clermont de Piles, les Saint-
Martin, les Bcoures et tant d'autres. ' Ces
malheureux, de la cour, adressaient à cette
fenêtre les appels les plus pathétiques, et
ne trouvaient dans le roi, dans leur hôte,
dans ce magistrat de la justice commune, que
l'œil sauvage, égaré, furieux, d'un misérable
fou. » (MlCHIiLET.)
Quant à Navarre et Condé, ils avaient été
mandés auprès du roi, qui leur dit avec une
violence frénétique : « Je ne veux qu'une re-
ligion dans mon royaume ; la messe ou la mort,
choisissez! » Navarre, le leste sauteur, qui,
plus -tard, devait faire avec sa grâce gas-
conne le saut périlleux, se tira de péril avec
quelques concessions de paroles. Condé, per-
sonnage aussi frivole, se montra cependant
plus ferme et plus digne. Mais on avait décidé
de les épargner tous deux. Le roi cependant
menaça le dernier de lui faire trancher la
tête s il n'abjurait sous trois jours. Ils s'y ré-
signèrent, comme on le sait, un peu plus
tard.
Le carnage s'étendait par toute la ville j des
bandes de furieux, sous la conduite des Guises,
des Aumale, des Montpensier, des Tavannes,
des Nevers, des gardes du roi, etc., après
avoir égorgé les gentilshommes protestants
agglomérés dans le quartier de l'amiral, pas-
sèrent ensuite aux magistrats, aux bourgeois,
aux artisans accusés d'hérésie. Comme on l'a
vu dans toutes les proscriptions, des voisins
dénonçaient leurs concurrents ; des parents,
ceux dont ils attendaient l'héritage. Le sau-
vage Tavannes hurlait partout : « Saignez !
saignez t la saignée est bonne en août comme
en mail «(Brantôme, Tavannes.)
On avait lancé dès le principe, pour justi-
fier la furie des tueurs et diminuer l'horreur
du forfait, la calomnie banale invariablement
employée dans tous les temps contre les pro-
scrits : les huguenots conspirent 1 il faut les
écraser pour sauver la religion et le roi... Or,
outre qu'on ne trouva aucune pièce, aucun
indice qui pût donner la moindre apparence
de réalité à ce roman, la plupart de ces pré-
tendus conspirateurs furent surpris dans leur
lit ; et, quoiqu'ils se sentissent enveloppés de
trahisons, ils comptaient tellement sur la foi
royale, qu'ils n'avaient même rien concerté
pour leur défense, précaution que n'eussent
certainement pas oubliée des conspirateurs.
La Rochefoucauld, ami intime du roi et qui.
avait folâtré avec lui la veille jusqu'à minuit,
vit tout à coup entrer chez lui six hommes
masqués; il croit à une de ces mascarades
familières à Charles IX, qui, dans ses.gaietés
étranges, allait souvent surprendre et fouetter
les hommes et même les femmes de la
cour. Le malheureux riait encore qu'il avait
déjà le couteau dans la gorge. Ces masques
sinistres étaient des gens du duc d'Anjou. Ce
furent également des gardes d'Anjou qui ar-
quebusèrent sur un toit, où il s'était réfugié,
Téligny, gendre de l'amiral, ainsi que le sei-
gneur de La Force et l'un de ses fils. Le plus
jeune, un enfant de douze ans, fut sauvé par
son admirable présence d'esprit. On connaît
ce touchant épisode ;
De Caumont, jeune enfant, l'étonnante aventure
Ira, de bouche en bouche, h la race future !
Renversé avec son père et son frère, il con-
trefit le mort sous ces cadavres, qui l'avaient
couvert de sang. Le soir, il se découvrit à un
homme du peuple, un pauvre marqueur de jeu
, de paume, qui le conduisit secrètement à
l'arsenal, chez Biron, parent des La Force.
Un assez grand nombre de protestants lo-
geaient hors des murs, au faubourg Saint-
Germain, Des bandes d'assassins leur avaient
été expédiées, mais elles se dispersèrent en
route pour égorger et piller dans les quartiers.
Eveillés par l'effroyable tumulte de Paris, les
protestants crurent à un mouvement suscité
par les Guises. Ils descendirent vers la rivière,
en face du Louvre, pour aller se ranger au-
tour du roi; mais ils s'enfuirent en voyant de,s
suisses, des gardes du roi et des courtisans
tirer sur eux de l'autre rive et monter sur des
bateaux pour les poursuivre. C'est alors, as-
sure-t-on, que Charles IX, irrité de voir cette
proie échapper à la boucherie, saisit une ar-
quebuse avec la fureur d'un maniaque sangui-
naire et tira, à plusieurs reprises, sur les fu-
gitifs. De nos jours, nous ne l'ignorons point,
on a révoqué ce fait en doute. Mais, outre
qu'il est attesté par plusieurs récits du temps,
il n'a rien d'invraisemblable de la part d'un
homme dont on connaît les sauvages instincts
de chasseur, qui éventrait de sa main les ani-
maux forcés, se couvrait de leur sang, leur
arrachait les entrailles avec frénésie, et cou-
pait la tête aux ânes et aux mulets qu'il ren-
contrait sur sa route. (Papyre-Masson, Vie de
Charles IX.) On sait aussi qu'après avoir re-
culé d'abord devant l'exécution d'un tel.for-
fait, il se montra l'un des plus furieux quand
le sang eut commencé de couler, et que sa
violence habituelle, qui touchait si souvent a
la démence, se tourna en une véritable folie
de meurtre et de carnage. Ceci, d'ailleurs,
n'est qu'une circonstance accessoire ; et, en
supposant qu'elle n'eût aucune réalité, l'hor-
reur si justement attachée au nom de Char-
les IX n'en serait que bien faiblement dimi-
nuée. Mais, nous le répétons, elle est fort
probablement vraie, car elle est attestée, non-
seulement par les écrivains protestants, par
les Mémoires de l'Estat de France (folio 212,
au verso), par le Réveille-matin des Français
(dans les Archives curieuses, t. VII, p. 187),
etc., mais encore par Brantôme, qu'on ne peut
accuser de malveillance , car il considère
Charles IX comme le type du rot/ parfait. Or,
voici ce qu'il dit à ce sujet : « Et y fut plus
ardent que tous; si que, lorsque le jeu se
jouoit, et qu'il fut jour, et qu'il mit la teste à
la fenestre de sa chambre, et qu'il voyoit au-
cuns, dans les fauxbourgs de Saint-Germain,
qui se remuoient et se sauvoient, il prit une
grande arquebuse de chasse qu'il avoit , il en
tira tout plein de coups à eux, mais en vain,
car l'arquebuse ne tiroit si loin. Incessamment
crioit : tuez, tuez ! Il n'en voulut sauver aucun,
sinon Ambroise Paré, son premier chirurgien,
et sa nourrice. • (Brantôme, Vie de Char-
les IX.)
Suivant la tradition, il aurait tiré du balcon
du rez-de-chaussée qui est 'à l'extrémité de
l'aile du Louvre construite sous son règne par
Jean Bullant. En floréal de l'an II, on avait
placé là un poteau infamant avec cette in-
scription : C'est de cette fenêtre que l'infâme
Charles IX, d'exécrable mémoire, a tiré sur le
peuple, avec une carabine.
On a essayé d'établir que cette partie des
constructions n'était pas complètement ache-
vée en 1572. Dans cette hypothèse, cela ne
prouverait pas que Charles IX n'a pas tiré,
mais simplement qu'il n'a pas tiré de ce balcon.
D'ailleurs, cette discussion est oiseuse; Bran-
tôme et les autres relations ne parlent pas du
balcon traditionnel, mais disent seulement que
le roi tira de la fenêtre de sa chambre. Or,
cette fenêtre donnait également sur la Seine,
et faisait partie des bâtiments de Pierre
Lescot, masqués aujourd'hui par ceux de
Perrault.
Au moment de la fuite des protestants du
faubourg Saint-Germain, Guise, Aumale, An-
goulème coururent, avec des cavaliers, à la
porte Bucy;mais, s'étant trompés de clefs, ils
perdirent un temps précieux, pendant lequel
les fugitifs, sous la conduite du vidame de
Chartres, de Jean de Rohan, de Montgom-
mery et d'autres chefs, gagnèrent Vaugirard
et filèrent rapidement, avec l'intention de se
réfugier en Normandie. Les égorgeurs les
poursuivirent jusqu'à Montfort-l'Amaury , mai?
sans pouvoir les atteindre.
Jusqu'à présent, nous avons vu que le mas-
sacre était l'œuvre de la cour, des princes,
des seigneurs, des confréries religieuses, des
gardes du roi et des princes, des clients et si-
caires des Guises, et d'un certain nombre de
fanatiques et de bandits. Sans doute, on re-
marque aussi la présence de bourgeois de la
milice, comme 1 orfèvre Crucé, le boucher
Pezou, ie libraire Kœrver et d'autres qui gui-
daient des bandes composées d'hommes triés,
d'assassins choisis; sans doute, des misérables
sortis de la cour des Miracles, des prisons et
des bouges, des artisans même et des gens
de commerce, égarés par des prédications
incendiaires , se mêlèrent spontanément à
l'élite des égorgeurs; mais le mouvement n'en
fut pas moins préparé, commandé, dirigé par
les chefs de cette société : c'est une tuerie
officielle, il est impossible d'élever à cet égard
le moindre doute ; et le système des Bûchez,
des Capefigue et autres, qui consiste à repré-
senter cette horrible exécution comme un acte
de foi et d'entraînement populaire, comme
l'œuvre spontanée de la population de Paris,
ce système est aussi faux qu'il est odieux.
Après le départ de Guise, vers midi, à tra-
vers la ville inondée de sang, le prévôt des
marchands et les êchevins se dirigèrent vers
le Louvre et vinrent supplier le roi de faire
cesser les pilleries, saccagements et meurtres
que commettaient ses gens, ceux des princes
et princesses, seigneurs, gentilshommes, gar-
des, archers, suisses, etc., et toutes sortes de
gens sous leur ombre. Voilà qui précise bien,
comme on le voit, la physionomie de ce pré-
tendu mouvement populaire et la part qu'y
prirent les magistrats municipaux, les repré-
sentants de la ville. Il fallait un grand cou-
rage pour oser faire une telle démarche en un
pareil moment. Charles IX, par une réaction
naturelle, était tombé de la trénésie dans une
sorte d'atonie hébétée; il accueillit les muni-
cipaux et les autorisa a faire désarmer, à ré-
tablir la tranquillité. Ordre dérisoire ! On
continua d'égorger dans les rues, dans les
maisons, dans les prisons et partout.
Le lundi, il y eut un moment d'affaissement
et de lassitude; mais un cordelier imagina un
miracle : il cria partout qu'une aubépine ve-
nait de fleurir au cimetière des Innocents.
Alors, toutes les cloches des paroisses, des
couvents, des chapelles se mirent à sonner à
.la fois, comme pour célébrer la justice de
Dieu, manifestée par un prodige éclatant.
Cette incessante et formidable sonnerie ral-
luma la fureur attiédie des assassins. Le mas-
sacre recommença avec un redoublement de
barbarie. On éventrait les femmes enceintes
pour arracher de leurs flancs les petits hugue-
nots, qu'on jetait àla voracité des pourceaux et
des chiens. Dans certaines maisons où tout
avait péri, on emportait les petits enfants dans'
des hottes et on les jetait du haut des ponts à
la rivière, comme des portées d'animaux. De
petits misérables de dix ans étranglaient des
enfants au berceau, ou les traînaient par !«•;
rues, la corde au cou. De tous côtés, le p*'"..r-
tre, le pillage, le viol, la dévastation t'^a mai-
sons ; les ruisseaux étaient gonflés de sang et
le vomissaient à flots dans le fleuve, qui rou-
lait incessamment des cadavres. Du Louvre,
les grands seigneurs et les nobles dames pou-
vaient contemple^ dans un doux loisir, le san-
glant défilé des victimes. « Le roy, dit Bran-
tôme, prit fort grand plaisir à voir passer
sous ses fenestres plus -de quatre mille corps
de gens tués ou noyés, qui flottoient aval de
la rivière, p Ces horreurs faisaient d'ailleurs
les délices de cette cour de prostituées, de
femmelettes et d'assassins. Lès filles d'hon-
neur, les dames et la reine mère avaient déjà,
la veille, passé d'agréables heures à faire la
revue obscène des gentilshommes tués dans
la cour et dépouillés de leurs vêtements, et à
juger par elles-mêmes le procès pour cause
d'impuissance intenté à l'intrépide baron de
Pont par son impudique épouse, l'héritière des
Soubise.
Le massacre continua le lendemain mardi
avec une nouvelle furie, et, pendant plusieurs
jours encore, il y eut des meurtres isolés,
mais nombreux. Parmi les victimes les plus
notables des derniers jours, il faut rappeler
l'historien Pierre de La Place et l'illustre Ra-
mus, immolé à l'instigation d'un ignare et
envieux rivai , le professeur Charpentier ,
créature des jésuites. Suivant une tradition, le
statuaire Jean Goujon aurait été tué le 24,
d'une arquebusade , sur son échafaudage
même, pendant qu'il travaillait aux bas-re-
liefs de la cour du Louvre. Il semble peu pro-
bable qu'en un tel carnage, où périssaient ses
coreligionnaires, le grand artiste ait eu le
sang-froid de monter là pour ciseler des figu-
res, à moins que ce ne fût pour s'y réfugier
comme en un lieu d'asile. Son nom ne se trouve
point sur les listes des morts, qui sont d'ail-
leurs très-incomplètes. Un autre réformé illus-
tre , Bernard Palissy, qui travaillait pour
Catherine, hors des murs, aux Tuileries, fut
sauvé, soit par la protection de la reine mère,
soit par un oubli des tueurs.
Le pillage accompagnait nécessairement la
tuerie. Pour beaucoup même, le massacre'
était une industrie ; on vendait la vie à des
proscrits, puis on les tuait après les avoir dé-
pouillés ; ou vendait les cadavres à des parents
280
BAR
en larmes, puis on allaitait les vivants par-
dessus les morts. Des plaideurs égorgeaient
leur partie adverse ; des candidats aux charges
tuaient les occupants. Les haines particulières
s'assouvissaient. Les Guises notamment, firent
tuer beaucoup de leurs ennemis, et entre au-
tres Salcède, qui cependant était catholique,
puis Tirent dévaliser son hôtel et transporter
tout le butin chez eux. Charles IX et les
princes levaient la dîme sur le saccageaient
des lapidaires et autres riches huguenots tués
par leurs soldats; ils vendaient les charges de
ceux qu'ils livraient à la mort; ils brocantaient
l'assassinat.
Le 24, après la visite du prévôt etdeséche-
vins, Charles, malgré l'exécution du Louvre
faite par lui, avait effrontément écrit aux
gouverneurs de provinces et aux ambassadeurs
que le massacre était entièrement l'œuvre des
Guises, le résultat d'une rivalité de famille en-
tre eux et les Chàtillon (la famille de l'amiral),
une sorte de vendetta a la manière des fac-
tions italiennes, et que lui-même avait eu
assez à faire à se garder dans son Louvre.
Ceci était une combinaison des Italiens de la
reine mère, conforme à la méthode classique
d'user les partis les uns par les autres. On es-
pérait, par cette fiction, par ce mensonge
officiel, conserver L'alliance des souverains
protestants, après avoir, par la réalité terrible
du massacre, contenté la faction des ultra-
catholiques, l'Espagne et le saint-siége. Au
retour de leur chasse aux fugitifs, Guise et
Aumale se montrèrent mécontents ; ils vou-
laient bien (c'était la fortune de leur maison)
rester les chefs du parti, mais non que le roi
dégageât sa responsabilité et rompît toute so-
lidarité avec eux. D'un autre coté, on crai-
gnait que Montmorency, chef des politiques,
des modérés, en voyant le roi renier le massa-
cre, ne marchât sur Paris comme pour venir
au secours de Charles, contre l'omnipotence
des Guises. Il eût rallié, sans aucun doute, des
flots de huguenots ainsi qu'un grand nombre
de catholiques honnêtes, que révoltaient tant
d'atrocités, et que la terreur réduisait au si-
lence.
Charles allait encore ■ se retrouver entre
deux partis, dont aucun ne serait le parti du
roi. » (Henri Martin.)
On lui fit faire une nouvelle volte-face, et,
le mardi 26, ce misérable insensé vint se dé-
mentir solennellement lui-même en plein par-
lement, et déclarer, avec un cynisme sauvage,
que tout ce qui se faisait avait lieu par son
ordre exprès, et qu'il avait ainsi voulu pré-
venir les complots de Coligny et de ceux de
la religion. Le président Christophe De Thou,
qui avait le massacre en horreur, eut cepen-
dant la lâcheté d'en faire l'apologie, de célé-
brer l'admirable sagesse du roi et de commen-
ter avec emphase le mot de Louis XI : Qui ne
sait dissimuler, ne sait régner. Les membres
du parlement, troublés peut-être par les cris
des victimes, qu'ils pouvaient entendre de
leurs sièges, s'abîmèrent dans la platitude et
l'ignominie. Ils instruisirent le procès de Coli-
gny et de ses complices, et, après deux moi3 de
procédure, rendirent toutes sortes d'arrêts flé-
trissants, ordonnèrent que l'anniversaire de
la Saint-Barthélémy serait célébré à perpétuité
par une procession, et finalement, pour asso-
cier la justice aux glorieux exploits des mas-
sacreurs, envoyèrent à la mort deux protes-
tants du plus noble caractère : le capitaine
Briquemaut, âgé de soixante-dix ans, et le
maître des requêtes Cavaignes, qui furent te-
naillés et pendus, aux flambeaux, à. la Grève,
en présence de toute la cour. On pendit en
même temps un mannequin représentant Co-
ligny.
Le lendemain du lit de justice, Charles IX
alla visiter les restes de- Coligny au gibet de
Montfaucon, devenu un lieu de pèlerinage
pour tous les fervents catholiques. « Ainsi
qu'il commençoit à rendre quelque senteur, le
roi l'alla voir. Aucuns qui estoient avec lui
bouchoient le nez à cause de la senteur, dont
il les en reprit, et leur dit : » Je ne le bouche
■ comme vous autres, car l'odeur de son en-
• nemi est très-bonne. » (Brantôme.)
Le 28, le clergé fit célébrer un jubilé extra-
ordinaire en l'honneur delà victoire mémora-
ble. Le roi et la cour figurèrent en grande
pompe dans les processions, stations, etc.
Au milieu de ces farces tragiques, la Saint-
Barthèlemy se poursuivait dans les provinces.
En même temps qu'il avouait hautement le
crime, le revendiquant pour lui-même, le roi
avait fait expédier de nouvelles lettres, dé-
mentant celles de la veille, aux' gouverneurs,
qui reçurent en outre diverses instructions
relativement aux huguenots. Les ordres de
massacre furent transmis verbalement par
des envoyés spéciaux ; Tavannes l'affirme po-
sitivement. Partout, d'ailleurs, il n'y avait
qu'à laisser le champ libre aux meneurs ec-
clésiastiques et aux confréries, qui s'embar-
rassèrent peu des tergiversations de la cour
et procédèrent à l'exécution avec une ra-
pidité et une sûreté de main extrêmement
remarquables. On avait commencé par em-
prisonner les plus notables des huguenots;
puis on les massacra dans les prisons; enfin,
la tuerie s'étendit de maison en maison, sur
les places et dans les rues, accompagnée des
scènes habituelles de pillage et de dévasta-
. tion. Les victimes furent presque exclusive-
ment des marchands, des fabricants, des
bourgeois, des artisans et un certain nombre
de gens de robe ; très-peu de gentilshommes
BAR
d'épée ; ceux-ci, sans doute, avaient eu le
temps et les moyens de se mettre en sûreté.
A Paris, au contraire, bien que lés listes don-
nent beaucoup de gens de commerce et d'in-
dustrie , le nombre des nobles sacrifiés fut
relativement très-considérable. La paix en
.avait amené beaucoup, outre ceux qui accom-
pjgnaient Condé, Navarre et Coligny.
A Troyes, le conseil qui arrêta le massacre
se tint chez l'évêque Bauffremont. A Orléans,
il commença à la réception d'une lettre pres-
sante de l'évêque Sorbin, prédicateur du roi.
A Lyon, les principaux protestants avaient
été emprisonnés à l'archevêché et dans des
couvents, où ils furent égorgés par des bandes
organisées par les confréries. On procéda en-
suite au massacre à domicile et dans les rues.
Parmi les victimes, figure l'illustre composi-
teur de musique Claude Goudimel. Le gouver-
neur Mandelot, qui avait des ordres, ferma
les yeux, et, peu de temps après, supplia la
reine mère de ne pas l'oublier dans la distri-
bution des biens confisqués aux réformés.
C'est d'ailleurs ce qui se passa partout. La
plupart des égorgeurs s'enrichirent des dé-
pouilles des victimes. Ces ardents catholiques
avaient une sainte horreur des protestants,
mais non de leurs biens ; ils pensaient, comme
le César romain , que l'argent sent toujours
bon. D'ingénieux assassins tirèrent même parti
des cadavres, jusqu'à en vendre la graisse.
On sait quelle était la force des anciens pré-
jugés sur les merveilleuses vertus curatives
de la graisse humaine.
On tua encore à Meaux, à Rouen, a Angers,
à Saumur, à Toulouse, à Bourges, a La Cha-
rité, etc. Les exécutions se prolongèrent jus-
qu'en septembre, et même jusqu'en octobre, en
divers endroits. Ce fut une véritable campa-
gne. Le 3 octobre, le jésuite Edmond Auger
vint prêcher le massacre a Bordeaux. Il an-
nonça que c'était l'archange Michel qui ava't
accompli la grande œuvre de justice, fit honte
aux Bordelais, au gouverneur, aux magistrats,
de leur mollesse, et décida enfin l'exécution,
qui s'accomplit quasi-légalement, sous la di-
rection des jurats.
L'œuvre de sang ne s'exécuta heureuse-
ment point dans la France entière. Montmo-
rency, dans l'Ile de France ; Longueville, en
Picardie; Matignon, en basse Normandie;
Chabot de Charny, en Bourgogne; Signgnes,
a Dieppe; les magistrats municipaux, à Nan-
tes ; de Gordes, en Dauphiné ; Joyeuse, en
Languedoc, et jusqu'au farouche comte de
Tende, en Provence, et au violent Saint-Hé-
rem, en Auvergne, préservèrent de ces hor-
reurs leurs gouvernements ou-leurs villes, du
moins en grande partie. Bayonne fut épar-
gnée ; mais la noble lettre qu'on attribue au
comte d'Orthez, son gouverneur, est aujour-
d'hui fort contestée. De même, le salutdes ré-
formés de Lisieux n'appartient pas à Hen-
nuyer, qui n'était pas alors dans la ville.
Le chiffre total des morts serait difficile à
déterminer d'une manière rigoureuse, tant il
y a de différence entre les diverses esti-
mations. En prenant une moyenne, on arrive
à peu près à 25,000 (dont 4,000 environ pour
Paris ) , chiffre assez généralement admis
comme probable. Perte énorme, car cette gé-
nération de martyrs était une élite soit par le
caractère, soit par la moralité; on n'ignore
point que la plupart des hommes de quelque
valeur étaient sortis de la vieille Eglise pour
entrer dans la réforme, et que celle-ci était
incroyablement riche en capacités de tous les
genres, avant qu'elle eût été moissonnée par
les persécutions.
Le massacre de la Saint-Barthélémy fut
glorifié par les portes, ces serviteurs de tous
les succès. Les illustres de la fameuse Pléiade,
les Jodelle, les Baïf, les Dorât, vinrent don-
ner leur coup de pied au lion abattu, et insul-
tèrent, en leur langue emphatique et pédan-
tesque, le grand Coligny, l'admirable citoyen,
qui reçut les crachats des cuistres et des va-
lets par-dessus le coup de poignard des as-
sassins.
Il y a, d'ailleurs, toute une littérature con-
sacrée au panégyrique des matines d'août.
« On ne saurait lire sans un soulèvement de
cœur, dit M. Henri Martin, même les titres
de tous ce3 pamphlets en vers et en prose,
qui semblent écrits avec de la boue et du sang
par des massacreurs ivres, mélange de fureurs
stupides et de bouffonneries de charnier. »La
plupart sont réunis dans les recueils de V Es-
toile, vol. no 2, dans les manuscrits de la Bi-
bliothèque.
Mais l'indignation fit aussi jaillir le vers.
Les suivants sont magnifiques de colère et
d'indignation :
Par une vengeance divine,
Les chiens mangèrent Jézabel ;
La charogne de Catherine
Sera différente en ce point
Que les chiens n'en voudront point.
La cour de Rome reçut la grande nouvelle
avec des transports inexprimables de joie. Le
cardinal de Lorraine (un Guise) compta
1,000 écus d'or au courrier qui lui apporta les
dépêches , et écrivit à Charles IX une lettre
délirante d'enthousiasme. Le canon tira au
château Saint-Ange. Le pape Grégoire XIII,
accompagné du sacré collège, alla proces-
sionnellement dans trois des églises de Rome,
rendre de solennelles actions de grâces à Dieu,
publia un jubilé universel, fit frapper une
BAR
médaille commémorMA o (comme on avait
fait à Paris), et commanda au célèbre Vasari
un tableau, qui se voit encore à la chapelle
Sixtinc et qui représente le massacre des hé-
rétiques, avec cette inscription : Le pape ap-
prouve le meurtre de Coligny (Pontifex Coli-
gnii necem probut). Le cardinal de Lorraine
fit placer sur la porte de l'église Saint-Louis
une inscription pour remercier Dieu de la vic-
toire remportée par Charles IX, grâce aux
conseils et aux prières du saint-siége.
Le pape envoya, e.n outre, le cardinal Fa-
bio Orsini, comme légat en France, pour féli-
citer et remercier le roi, et lui demander de
compléter son œuvre en établissant l'inquisi-
tion et en recevant les canons du concile de
Trente. En passant à Lyon, cette Eminence
bénit solennellement les massacreurs, qui vin-
rent pieusement s'agenouiller devant elle sur
la place de la cathédrale.
Philippe II ne montra pas moins de joie.
Mais dans les autres pays de l'Europe, cette
grande action ne parut pas aussi sainte, et
provoqua presque partout un sentiment de
répulsion et d'horreur.
On sait que la Saint-Barthélémy suscita la
quatrième guerre de religion. Ces huguenots,
qu'on avait crus anéantis, se relevèrent plus
indomptables que jamais.
Mais elle eut un résultat bien plus inattendu
encore et d'une bien autre portée : elle tua la
vieille Eglise du moyen âge, l'Eglise de l'in-
tolérance et de l'inquisition, qui fut, dès ce
moment, condamnée par tous les esprits sains,
! par tous les cœurs droits; ce quelle-même
' avait pris pour une victoire , était un sui-
, cide. Tous les catholiques honnêtes et loyaux,
et c'était le plus grand nombre , furent
| pénétrés d'horreur et commencèrent, dès
lors, a s'apitoyer sur le sort des religion-
! naires. A cette réaction de l'opinion se joignit
un grand mouvement d'idées philosophiques
et politiques qui, commencé par les Montai-
' gne, les Hotman, les Bodin, se continua à
! travers toutes les catastrophes et les guerres
civiles, et finalement amena le triomphe de
l'idée protestante, du moins en ce qu'elle avait
de philosophique et de vrai, c'est-à-dire la
liberté de conscience et d'examen. A ce point
de vue donc , on peut dire que les extermina-
teurs se sont frappés eux-mêmes, et que les
victimes ont triomphé des bourreaux. On sait
que Voltaire, le grand citoyen cosmopolite,
avait la fièvre et gardait le lit, le jour anni-
versaire de la Saint-Barthélémy. Le fait a été
constaté par des médecins
Ce drame, le plus triste et le plus sanglant
de notre histoire, a fourni à la langue un
terme expressif pour désigner une exécution
collective, générale, mais où, heureusement,
le sang répandu n'est pas toujours du sang
humain :
« Pendant qu'on rédigeait la déclaration
des droits de l'homme et les articles de la
nuit du 4 août, nuit désastreuse qu'on peut
appeler la Saint- Barthélémy des propriétés, le
royaume était désolé par le fer et par le feu
autant que par la disette. » Rivarol,
« Le château I le château ! ils n'ont plus que
ce mot-là à la bouche, les lâches esclaves
qu'ils sont ! Vois-tu, Vermot, si je ne me re-
tenais, je ferais une Saint-Barthélémy à moi tout
seul. — Il est sûr que d'assister à de pareilles
infamies, cela vous fait prendre la vie en dé-
goût; il n'y a plus de patrie, mon vieux
Toussaint Gilles, il n'y en a plus. »
Charles de Bernard.
« Marat, dans tous ses pamphlets, écho des
jacobins ou des cordeliers , soufflait chaque
jour les inquiétudes , les soupçons, les ter-
reurs au peuple. « Citoyens, disait-il, veillez
» autour du palais, asile inviolable de tous les
■ complots contre la nation. On y bénit les
» armes de l'insurrection contre le peuple; on
» y prépare la Saint- Barthélémy des pa-
» triotes. » Lamartine.
«.On rencontre des colombes à Venise
comme on renconire des chiens à Paris. On
sait qu'aux anciens temps; le jour des Ra-
meaux, il était d'usage de lâcher une multi-
tude de pigeons avec un petit rouleau de pa-
pier à la patte, ce qui les forçait de tomber
après quelques instants de lutte. Le peuple se
ruait dessus et leur tordait le cou pour sou-
per : c'était la poule au pot de Henri IV. Il
arriva que, chaque année, trois ou quatre pi-
geons échappèrent à cette Saint- Barthélémy
et se réfugièrent sur les plombs du palais du-
cal, où ils se multiplièrent à l'infini. »
Arsène Houssaye.
BARTHÉLÉMY DE GROA1N (SAINT-), ha-
meau de France (Isère), arrond. et à 22 kil.
S.-O. de Grenoble, cant. de Vif, 150 hab. Cu-
rieuse fontaine ardente dont les eaux, con-
stamment en ébullition, laissent dégager en
abondance des gaz qui s'enflamment sponta-
nément à l'air.
BARTHÉLÉMY (salle). Nom un peu vague
donné à un édifice construit à Paris, rue du
Château-d'Eau, il y a une vingtaine d'années,
par l'architecte Charles Duval. C'et> un
3AR
théâtre où l'on devait donner des concerts et
des bals, sans préjudice des spectacles. On a
essaye, mais vainement, de remplir ce pro-
gramme. Le comité franco-polonais y a fait,
en 1863, au profit des blessés polonais, une
série de conférences très-suivies, qui ort été
publiées, chez Didier; sous le titre de Confé-
rence de la salle Barthélémy.
A l'ordinaire, la salle Barthélémy est exclu-
sivement consacrée à des bals assez fréquen-
tés, surtout pendant le carnaval. Ce n'est pas
la fine Heur de la gentry parisienne qui s'y
rend, et les costumes des titis, des chicardset
des balochards, n'y sont pas de la première
fraîcheur ; mais le public de l'endroit paraît
s'amuser tout autant, sinon plus, que celui de
l'Opéra. En matière de danse, c'est là l'essen-
tiel.
Barlbélemy (SCENE DE LA SAINT-) , tableau
de.Camille Roqueplan ; Salon do 1834. L'ar-
tiste a puisé le sujet de sa composition dans
la Chronique du temps de Charles IX, de Mé-
rimée. Diane de Turgis conjure le huguenot
Bernard de Mergy, son amant, de renoncer à
sa religion, et de ne pas aller se faire tuer
dans le massacre de ses frères. Elle est à ge-
noux, la tète et le corps renversés en arrière,
la main gauche appuyée sur le bras de Mergy,
qu'elle essaye d'arrêter, la main droite rete-
nant le rideau qui cache en partie la fenêtre
par laquelle celui-ci veut s'élancer. Cette
amante éplorée exprime à merveille, par son
attitude, ses terreurs et sa tendresse. Bernard
cherche à l'écarter ; il a entendu les cris des
malheureux qu'on immole dans la rue ; il a
saisi son épée ; il est impatient de venger ses
coreligionnaires. C'est exactement, comme
on voit, la scène pathétique du quatrième
acte des Huguenots. Roqueplan a traité ce
sujet dans les proportions d'un tableau d'his-
toire, tout en conservant la manière vive,
légère, pleine de hardiesse et de séductions,
qui a fait le succès de ses petites peintures :
« Il a mis au carreau, sur une toile do dix
pieds, a dit Gustave Planche, une aquarelle
qui aurait eu bonne grâce dans un album, et
qui, j'en suis sur, aurait fait les délices d'un
salon ; il a espéré que la coquetterie cha-
toyante de son pinceau, son habileté à traiter
les étoffes, le dispenseraient, même dans un
cadre aussi vaste, du choix des lignes, de la
logique du dessin, et de l'achèvement indi-
viduel des morceaux. Toutes les qualités, en
effet, qu'il a montrées dans ses improvisations
quotidiennes, se retrouvent au même degré
dans ce tableau. Mais ces qualités, très-suf-
fisantes pour la destination qu'elles avaient
d'abord reçues, sont loin de convenir au nou-
veau dessin de M. Camille Roqueplan. La
robe est d'une couleur éclatante, la croisée
est bien faite, le vêtement de Bernard est
heureux ; mais où sont les membres de Diane?
Est-il possible de les deviner sous les plis de
l'étoffe ? Comment justifier le geste et l'atti-
tude de Bernard ? » Nous ne saurions contester
la justesse de cette critique ; mais s'il est vrai
de dire que l'artiste n'a pus déployé dans
l'exécution de son tableau, l'énergie, la fer-
meté voulue, si le visage de Mergy, par
exemple, qui est vu de profil perdu, n est pas
peint avec assez do précision, et si le mouve-
ment du bras droit de ce personnage est peu
heureux, il est juste aussi de reconnaître quo
la tète de Diane est d'un modèle large et puis-
sant à la fois, et que ses mains sont touchées
avec une adresse extraordinaire. La Scène de
la Saint-Barthélémy a été lithographiée dans
Y Artiste (1834), par de Frey.
BARTHELMESS (Nicolas), graveur alle-
mand contemporain, né à Nuremberg, élèvo
do J. Keller, a exposé à Paris : en 1857, le
Christ en croix; en 1861,1e Dimanche, d'après
Siegert, et l'Enfant aveugle, d'uprès Salentin ;
en 1804, Dans l'église, d après Vautier. Cette
dernière gravure a obtenu une médaille.
BARTHELMONT (Hippolyte), plus connu
sous le nom anglais 'de Bartleman, composi-
teur et violoniste, né à Bordeaux en mi,
mort en 1803. Il commença sa réputation
comme compositeur en faisant représenter à
Londres, en 17G0, l'opéra de Pélopidas, qui
obtint un si grand succès que Garrick vint lui
proposer sur-le-champ de travailler pour son
théâtre. M. Félix rapporte, à ce sujet, une pi-
quante anecdote qui montre la facilité d'exé-
cution de Barthelmont. Garrick, craignant que
le musicien français n'éprouvât quelque diffi-
culté à composer sur des paroles anglaises,
prit une plume et se mit a écrire des vers
pour un air. Tandis qu'il traçait ses hémisti-
ches, Barthelmont, regardant par dessus l'é-
paule de Garrick, écrivait en même temps
une musique appropriée aux paroles. Le grand
acteur, s étant levé, remit le papier à Bar-
thelmont en lui disant : «Tenez, monsieur,
voici mes paroles; » à quoi le musicien répon-
dit : « Tenez, monsieur, voici ma musique. •
L'accord était parfait, et, sur-le-champ, Gar-
rick commanda à Barthelmont la musique de
la farce intitulée : Le Jour passe à travers les
rideaux. Cependant ses rapports avec Gar-
rick ne tardèrent pas à être rompus. En nos,
Barthelmont fit un voyage à Paris , où il
donna la pastorale intitulée le Fleuve Scaman-
dre, jouée au Théâtre-Italien. Peu de temps
après, il retourna à Londres, où il fit représen-
ter successivement le Jugement de Paris, la
Ceinture enchantée et la Fille des chênes. Il
était à cette époque chef d'orchestre du
Waux-Hall. En 1777, il lit un voyage eu Allô-
BAR
BAR
BAR
BAR
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magne et de là en Italie, où il épousa une
cantatrice célèbre. De retour à Londres, il y
fixa sa résidence, et ses qualités personnelles,
autant que ses talents, lui valurent l'estime
. générale. On a encore de lui des trios et des
solos de violon. — Son fils, Jacques Barthel-
mont, né à Londres en 1769, d'autres disent
en 1778, mort vers 1821, se rendit également
célèbre comme musicien , comme chanteur,
comme compositeur. Sa voix était une excel-
lente basse-taille ; on ne connaît de lui que
le titre d'un grand air accompagné de réeita-
tit, intitulé the Tempest.
BARTHÉSiE's. f. (bar-té-zî — du nom de
Barthcs , médecin français). Bot. Syn. de
myraine.
BARTUET (Armand), littérateur français,
né à Besançon, le 15 avril 1820, vint étudier le
droit à Paris dès 1838 et se tourna bientôt
vers les lettres. En 1846, il publia des articles
dans l'Artiste et le Corsaire-Satan, puis donna
en mars 1849, au Théâtre-Français, une co-
médie en vers qui, interprétée avec beaucoup
de charme par M'1" Ritchel, eut un grand
succès. Cette pièce, qui rappelle la Ciguë de
M. Emile Augier, brille plutôt par la grâce et
la fraîcheur des détails que par l'intrigue. En
1853, il écrivit pour le même théâtre une co-
médie grecque en trois actes et en vers, le
Chemin de Corinthe, qui fut imprimée, mais
dont la représentation n'eut pas lieu; une au-
tre comédie en cinq actes, intitulée le Veau
d'or, reçue à correction, est demeurée dans
les cartons. On lui doit en outre un opéra co-
mique en un acte, Chaprlle et Bachaumout
(théâtre de l'Opéra-Comique , 1858). M. Ar-
mand Barthet a publié, en 1852, un volume de
Nouvelles, et, en 1853, un recueil de poésies,
la Fleur du panier. Il a traduit en français les
Odes gaillardes d'Horace (Paris, 1862), pâle
et infidèle copie du texte, mais rehaussée par
un style pur, simple et élégant.
BAKTHEZ (Paul- Joseph), célèbre médecin,
né à Montpellier le 11 décembre 1734, mort à
Paris le 15 octobre 1806. Son père, mathéma-
ticien distingué, était ingénieur de la province
de Languedoc et résidait habituellement à
Narbonne. Ce fut dans cette ville que Bar-
thez passa son enfance et qu'il reçut sa pre-
mière éducation. « Dès l'âge de quatre ans,
dit M. Lordat , on vit paraître en lui cet
amour effréné de l'étude qui fut toute sa vie
sa passion dominante. » Il ht ses études clas-
siques dans le collège que les pères de la doc-
trine chrétienne avaient à Narbonne. Ses
succès scoslastiques furent tels que jamais il
n'eut un concurrent pour la première place et
que ses régents se plaignaient toujours qu'il
était trop fort pour la classe où il se trouvait.
En 1750, il alla commencer ses études médi-
cales à Montpellier, et fut reçu docteur trois
ans après, avant d'avoir atteint sa vingtième
année. En 1754, il se rendit à Paris, où il in-
spira un vif intérêt à Falconet, médecin con-
sultant du roi. Falconet présenta Barthez à
plusieurs hommes d'un mérite littéraire émi-
nent, au président Hénault, à Mairan , au
comte de Caylus, à D'Alembert, à Barthélémy.
Ce dernier se lia avec lui d'une manière in-
time. Mais l'homme à qui Barthez s'attacha
plus particulièrement fut D'Alembert. C'é-
tait apparemment dans sa société qu'il avait
pris un goût décidé pour les anecdotes; ils
faisaient quelquefois assaut d'historiettes, et
l'on sait qu'en ce genre D'Alembert était un
rude jouteur. Après un an de séjour'à Paris,
ses amis lui firent obtenir le titre de médecin
ordinaire dans les armées, et il fut envoyé, en
cette qualité, à l'armée d'observation qu'on
avait placée dans le Cotentin. Une épidémie
meurtrière, qui se manifesta dans le camp de
Granville, lui fournit bientôt l'occasion d'exer-
cer ses talents comme praticien et comme ob-
servateur. Il exposa le résultat de ses obser-
vations dans un mémoire présenté à l'Académie
des sciences. . # •
En 1757, Barthez quitta la Normandie pour
se rendre à l'armée de Westphalie, en qualité
de médecin consultant. Atteint de la fièvre
des camps, il dut bientôt revenir à Paris pour
rétablir sa santé. Le président de Lamoignon-
Malesherbes , dont Falconet et Mairan lui
avaient ménagé la faveur, lui fit obtenir le
titre de censeur royal, et lui assigna une pen-
sion de 1,200 fr. pour travailler à un commen-
taire qui devait être joint à la traduction de
Pline par Poinsinet de Sivry. Il fut ensuite
nommé rédacteur du Journal des savants pour
la partie de la médecine, à la place de Lavi-
rotte, qui venait de mourir. En même temps,
il fit, pour Y Encyclopédie, les articles Eva-
nouissement, Extenseurs, Extispir.e, Fascina-
tio7i, Face, Faim, Femme (physiologie), Flé-
chisseurs, Force des animaux. Une chaire va-
cante dans l'université de Montpellier ayant
été mise au concours en 1760 , il s'inscrivit
parmi les contendants, et obtint l'unanimité
des suffrages. Son installation se fit le 17 avril
1761. [1 se livra dès lors avec zèle aux travaux.
de l'enseignement, et professa successivement
toutes les branches de l'art de guérir, avec le
filus brillant succès. Ceux qui suivaient ses
eçous n'en parlaient qu'avec enthousiasme.
Les moins prévenus en sa faveur disaient de
lui ce que Haller avait dit de Boerhaave :
« D'autres peuvent l'égaler en savoir, mais il
n'a point de rival dans l'art d'enseigner. ■ Im-
hert, chancelier et juge de l'université de mé-
decin?, ne résidant point h, Montpellier, Bar-
thez fut nommé son adjoint et son survivancier,
le 2 mars 1772. La même année, il publia tin
discours, De principio vitali hominis, dans le-
quel se trouve l'ébauche de son système de
philosophie médicale. En 1778, il développa
plus complètement sa doctrine dans l'ouvrage
intitulé : Nouveaux éléments de la science de
l'homme.
La haute considération dont Barthez jouis-
sait comme professeur et comme médecin ne
pouvait suffire à son ambition; la considéra-
tion du rang le tentait. Pour l'obtenir, il entra
dans la carrière de la magistrature, qui était
alors le chemin des emplois civils les plus ho-
norables. Dès 1778, il avait pris les degrés de
bachelier et de licencié en droit dans la fa-
culté de Montpellier. En 1780, i! soutint des
thèses publiques de droit français, et acquit
une charge de conseiller à la cour des aides
de Montpellier. Muni de ce titre, il revint à
Paris en 17S1, et, à la mort de Tronchin, fut
nommé médecin du duc d'Orléans. Il ne tarda
pas a devenir un des praticiens les plus re-
cherchés de Paris. Cette vogue lui Ht" natu-
rellement des ennemis parmi ceux qui étaient
depuis longtemps en possession de la confiance
du public. Barthez ne s'était pas renfermé
dans l'étude et la pratique de" la médecine ; il
avait embrassé presque toutes les connais-
sances humaines. La malignité de ses rivaux
trouva, dans cette circonstance, un moyen de
mettre en doute ses connaissances et son ha-
bileté dans l'art de guérir. > Barthez, disait
Bouvart, est un excellent professeur ; c'est un
homme universel qui sait le droit, la physique,
les mathématiques, et même de la médecine. >
Depuis ce mot, Barthez tenait, dit-on, pour
suspect tout compliment sur l'universalité de
ses connaissances, et il répondait brusque-
ment : « Non, non : j'ai étudié un peu de tout,
mais j'ai appris beaucoup de médecine. » ,
A la mort d'Imbert (1785), Barthez devint
chancelier titulaire de la faculté de Mont-
pellier. Il fut associé à l'Académie des scien-
ces, à celle des inscriptions et belles-lettres,
à la société royale de médecine et à la plupart
des académies de l'Europe. Il fut nommé suc-
cessivement médecin-consultant du "roi, mé-
decin en chef de tous les régiments de dra-
gons, membre du conseil de santé établi en
1788, membre du conseil d'Etat. A l'ouver-
ture des états généraux, il publia un écrit in-
titulé : Libre discours sur la prérogative que
doit avoir la noblesse dans la constitution et
les états généraux de la France. L/objet de cet
opuscule était d'établir qu'il importait, pour
f 'revenir le renversement de la monarchie, que
a noblesse eut le droit de délibérer séparé-
ment dans les états généraux. Après la réu-
nion des trois ordres, il se prépara à quitter
Paris, et ne songea plus qu'à se faire oublier
de la Révolution. Il partit vers la fin de no-
vembre 1789, et se rendit à Narbonne. Il passa
les années de la Terreur dans le Languedoc,
habitant tour à tour Narbonne, Carcassonne,
Toulouse, Montpellier, et exerçant la méde-
cine gratuitement. Lorsque les universités fu-
rent dissoutes, et que l'on substitua les écoles
de santé aux anciennes facultés de médecine
(frimaire an III), Barthez ne fut point compris
sur la liste des professeurs qui devaient com-
poser l'école" de Montpellier. Mais , sous le
gouvernement consulaire, Chaptal rendit à
cette école un membre qui lui appartenait à
tant de titres. Au commencement de l'année
1802, le premier consul créa deux places de
médecins du gouvernement, auxquelles il atta-
'cha 6,000 fr. d'honoraires : il en donna une à
Corvisart et l'autre à Barthez.
La vieillesse de Barthez ne fut pas heu-
reuse. M. Lordat, son ami et son admirateur,
reconnaît que ce fut en partie la faute de son
caractère. Son amour de l'indépendance l'a-
vait toujours tenu très-éloigné du mariage. Le
célibat lui devint odieux, lorsque le mariage
n'était plus de saison. Il ne pouvait supporter
l'un, il n'osait se résoudre à l'autre, et ce com-
bat le tourmenta plusieurs années. Son hu-
meur difficile, qui faisait le supplice de ceux
qui le servaient, le rendait insupportable à
lui-même. Mais ce qui le tourmentait le plus
vers la fin de sa vie, c'était tout ce qu'il ju-
geait capable de porter quelque atteinte à sa
gloire. Les plagiats, les critiques, le refus de
reconnaître son droit de propriété sur une doc-
trine étaient pour lui une cause de chagrins,
de blessures profondes. Plus jeune, il se con-
solait de ces désagréments : un vol de quel-
ques idées lui faisait peu de tort, disait-il, tant
qu'il conservait le moule pour en produire
d'autres. Fouquet, qui ne 1 aimait pas, disait
spirituellement que ceux qui attribuaient de
la sensibilité à Barthez confondaient l'irritc-
bilité avec la sensibilité, faisant allusion à la
confusion faite, avant Haller, par les physio-
logistes des propriétés vitales exprimées par
ces deux mots. En 1805, Barthez quitta Mont-
pellier et vint à Paris, où il donna, d'après le
désir de Chaptal, une seconde édition de son
plus important ouvrage , les Nouveaux élé-
ments de la science de l'homme. Il y mourut de
la pierre le 15 octobre 1806.
Le principe fondamental de la philosophie
biologique de Barthez est que l'unité vitale
n'est pas le résultat, mais le principe du per-
fectionnement des organes. Barthez est le
fondateur du vitalisme proprement dit, bien
différent du vitalisme analytique de van Hel-
mont, de Bordeu, de Bichat. Van Helmont
avait prétendu que chaque organe du corps
humain, le cœur, l'estomac, la rate, etc., a
une vie propre et séparée de la vie commune.
Aux vies propres de van Helmont, conservées
et gouvernées par autant à'archées ( v. ce
mot), avaient succédé les sensibilités propres
de Bordeu. Bordeu, qui avait une grande ad-
miration pour van Helmont, avait mis de coté
les archées ; mais il avait gardé les vies pro-
pres, auxquelles il avait donné le nom de sen-
sibilités. Ces sensibilités des divers organes
formaient, par leurs concours et leur harmo-
nie, la sensibilité générale ou la vie commune,
c'est-à-dire ce que nous appelons tout simple-
ment la vie. Barthez s'efforça d'établir que les
forces ou propriétés vitales particulières ne
sont pas des éléments, des facteurs de la vie
commune, mais des expressions diverses, des
modes, des effets d'un principe unique, auquel
il donna le nom de principe vital. Dans le sys-
tème de Barthez, la vie est conçue comme dé-
rivant d'une force simple et unique, qui crée,
conserve et ordonne les organes et les fonc-
tions, et non de l'ensemble, de la synthèse
des fonctions et des propriétés vitales. « La
bonne méthode de philosopher dans la science
de l'homme exige, dit-il, qu'on rapporte à un
seul principe de la vie, dans le corps humain,
les forces vivantes qui résident dans chaque
organe et qui en produisent les fonctions. » Ce
principe vital, Barthez le sépare tout à la fois
et des forces purement mécaniques et chimi-
ques, et de l'ùine pensante. Ce principe vital
a-t-il une existence propre? est-il une sub-
stance, ou bien doit-on le considérer soit comme
une faculté survenant d'une manière indéfi-
nissable à la matière organisée, soit comme
un attribut particulier de l'âme, attribut qui
échappe complètement au sens intime? Bar-
thez déclare cette question insoluble ; sa doc-
trine, dit-il, n'est pas engagée dans les solu-
tions différentes qu'on peut lui donner. Ce qui
importe, ce qui est essentiel en physiologie et
en médecine, c'est que le principe vitalj si l'on
en fait un attribut de la matière organisée ou
de l'âme, soit absolument et rigoureusement
mis à part et des autres attributs de la ma-
tière, et des autres attributs de l'âme.
Barthez possédait à un très- haut degré
toutes les facultés de l'esprit : il apporta, dans
les sciences médicales, une. mémoire prodi-
gieuse, une vaste érudition, une grande puis-
sance de méditation et de raisonnement. Il
savait considérer les faits sous toutes leurs
faces, les rapprocher, les grouper, en saisir
les rapports, et de ces rapports tirer des idées,
des vues originales, ingénieuses et même pro-
fondes. Malheureusement, il n'avait ni le ta-
lent, ni le goût des expériences ; ce talent et
ce goût 'qui lui manquaient, il en faisait bon
marché : « Un homme doué de la force de ju-
fement et de la sagacité nécessaires, peut,
it-il, contribuer beaucoup plus aux progrès
réels d'une science de faits, que celui qui est
principalement occupé à ajouter à cette science
par des tentatives expérimentales. » Il don-
nait, comme on voit, la préférence au tour de
génie qui lui était propre. Mais, dans les scien-
ces expérimentales, la méditation et le raison-
nement ne sauraient suffire pour faire des dé-
couvertes. La vérité est qu'il a créé un grand
système, mais qu'il n'a pas agrandi le domaine
de la biologie positive.
Barthez était un causeur agréable et spiri-
tuel. M. Lordat remarque que, dans la con-
versation, il avait peut-être le tort de se char-
ger du rôle le plus long, et, comme le disait
Voltaire de Diderot, d'érre meilleur pour le
monologue que pour le dialogue. On cite de
nombreuses anecdotes qui témoignent de la
vivacité de ses reparties.
M. Lamure, lui rapportait quelqu'un, dit
assez ouvertement qu'il ne croit pas à la mé-
decine. — Parbleu, répondit Barthez, s'il parle
de la sienne il a fort raison.
Un de ces médecins pour qui la pratique
n'est que l'art de gagner de l'argent, lui disait
d'un ton ironique : Je m'imagine, monsieur,
que, dans votre livre des Maladies goutteuses,
vous nous apprenez à guérir la goutte. —
Non , monsieur , répond Barthez , rassurez-
vous ; je vous y enseigne, au contraire, l'art de
la faire durer longtemps. Et, en effet, gou-
verner la santé des goutteux de manière à
empêcher la goutte de les tuer, au lieu de rê-
ver une cure absolue, qui est impossible, voilà
toute la thérapeutique du traité des Maladies
goutteuses.
Un grand seigneur convalescent d'une ma-
ladie grave, entendant ses deux médecins,
Larry et Barthez, se renvoyer modestement
l'un a l'autre la gloire de sa guérison, leur dit :
Asinus asinum fricat. Barthez répond sur-le-
champ : Point d'impatience, monseigneur, nous
vous frotterons à notre tour.
Un jour, le cardinal de Brienne, archevê-
que de Sens, lui montrait un rayon de sa bi-
bliothèque où étaient rangés un grand nombre
de livres richement reliés, qui avaient tous
pour sujet les cérémonies particulières de son
église métropolitaine; Barthez, après avoir
feuilleté quelques moments, lui dit : Je vois
bien les cérémonies de Sens; mais vous serait-il
aussi facile de me montrer le sens des cérémo-
nies? On reconnaît à ce calembour, qui ne pa-
raît pas avoir été fort goûté du ministre, l'ami
de D Alembert, et l'homme d'un siècle où de-
vant la liberté de l'esprit disparaissait l'iné-
galité des rangs.
Terminons en citant une épigramme de
Rulhière sur Barthez. Dans ses Nouveaux élé-
ments de la science de l'homme, Barthez s'ef-
forçait d'élever à la hauteur d'une analogie
scientifique la comparaison faite de tout temps
par les poètes entre le sommeil et la mort.
D'après cette analogie et d'après un certain
nombre d'observations , il inclinait à croire
que l'homme £oûte un certain plaisir à mou-
rir. Cette opinion paradoxale inspira à Rul-
hière les vers suivants :
Ce magistrat, docteur en médecine.
Et chancelier de la gent assassine,
Dans je ne sais lequel de ses fatras,
Prône beaucoup le moment du trépas.
Agoniser est un plaisir extrême,
Et rendre l'âme est la volupté" même.
On reconnaît a l'œuvre "ouvrier :
Un juur de deuil lui semble un jour de noce;
C'est bien avoir l'amour de son métier ;
Vous êtes bien orfèvre, monsieur Josse.
Barthez a laissé, outre les Nouveaux élé-
ments de la science de l'homme, les ouvrages
suivants : Nova doctrina de functionibus ua-
tvrœ humanœ (Montpellier, 1774) ; Nouvelle
mécanique des mouvements de l'homme et des
animaux (Carcassonne, 1798), ouvrage qui est
considéré comme un chef-d'œuvre ; et qui avait
déjà été publié, en partie, dans le Journal des
sauants, de 1783 à 1788; Discours sur le génie
d'Hippocrate (Montpellier, 1801); Traité des
maladies goutteuses (Paris, 1802); Traité du
beau (Paris, 1807), ouvrage posthume, publié
par le frère de Barthez ; Consultations de mé-
decine (Paris, 1810), ouvrage posthume, pu-
blié par Lordat; Consultations de médecine
(Paris, 1820), ouvrage posthume, publié par
Lordat.
BARTHEZ (Antoine-Charles-Ernest de),
médecin, né à Narbonne vers le commence-
ment de ce siècle. Il est le petit neveu de l'il-
lustre professeur de Montpellier. Lui-même
a publié des travaux remarquables, entre au-
tres : Traité clinique et pratique des maladies
des enfants (1843 et 1854), couronné par l'A-
cadémie des Sciences et par l'Académie de
médecine.
BArthézianisme s. m. (bar-té-zi-a-ni-
sme — rad. Barthez, nom d'homme). Philos,
méd. Vitalisme barthézien.
BARTHÉZIEN, ENNE adj. (bar-té-zi-ain ,
ène— rad. Barthez). Qui se rapporte à Barthez:
Idées barthéziennes. Doctrine barthézien'ne.
Ecole bakthéziknne. Les idées barthéziennes
se sont simplifiées en devenant le drapeau
d'une école. (Chauffard.)
— Vitalisme barthézien, Doctrine médicale
de Barthez et de l'école de Montpellier : Le
vitalisme barthézien est une sorte d'unita-
risme physiologique ; il se distingue franche-
ment du vitalisme analytique de Bordeu et de
Bichat: (F. Pillon.)
— Encycl. I. — Principes généraux du vi-
talisme barthézien. A l'époque où Barthez
produisit son système de philosophie médicale,
quatre doctrines principales régnaient dans les
sciences biologiques : celle des mécaniciens,
celle des animistes ou stahliens, celle de Hal-
ler et celle de Bifrdeu. Les mécaniciens né
voyaient, dans les fonctions de l'économie vi-
vante, que des phénomènes dépendant de la
structure et de la constitution chimique des
corps organisés, des phénomènes explicables
par les principes de physique et de chimie
auxquels on rapporte tout ce qui se passe dans
la matière brute. Les animistes admettaient
la nécessité d'un moteur intelligent et pré-
voyant pour animer la machine humaine ,
pour régulariser et perpétuer le fonctionne-
ment de ses organes, et, attribuaient ce rôle à
l'âme pensante. Haller et son école regar-
daient la machine humaine comme différant
de celles que l'art construit en ce que certai-
nes des pièces qui la composent, outre les
propriétés générales de la matière et celles
qui dérivent nécessairement de leur contex-
ture, possèdent des forces particulières qui
n'existent que dans les corps vivants; ces
forces particulières, au moyen desquelles le
vitalisme hallérien expliquait toutes les fonc-
tions et tous les actes de la vie, étaient l'irri-
tabilité, résidant dans la fibre musculaire, la
sensibilité, localisée dans les nerfs, et la faculté
de transmettre aux muscles l'impression d'un
stimulus éloigné, faculté appartenant encore
au système nerveux. Enfin, Bordeu et ses
disciples représentaient le corps comme un
assemblage d'organes dont chacun vit d'une
vie propre, c'est-à-dire jouit du sentiment et du
mouvement; car vivre, disaient-ils, n'est autre
chose que sentir et se mouvoir en vertu de la
sensation. Chaque vie élémentaire leur appa-
raissait comme le résultat de l'organisation et
de la disposition de la matière, et la vie générale
comme la somme et la synthèse des vies élémen-
taires. Us ajoutaient que l'estomac, le cœur et le
cerveau exercent sur les autres organes une
espèce de suprématie, et forment comme le
gouvernement de cette confédération ; que les
mouvements vitaux ne sont jamais sponta-
nés, qu'ils sont toujours dirigés par le senti-
ment; en d'autres termes, que ce sont des
réactions déterminées par des incitations ; que
le sentiment a toujours son origine dans les
impressions faites sur nous par les objets ex-
térieurs ; que le sentiment et le mouvement ne
sont pas seulement susceptibles d'augmenta-
tion et de diminution dans chaque organe,
mais que les propriétés dont ils dépendent
sont un bien que les organes possèdent en
commun et dont chacun peut s'approprier une
plus grande portion aux dépens des autres-,
36
ÏS2
BAR
BAR
BAR
BAR
que l'estomac, le cerveau et le cœur sont les
principaux centres d'où partent le sentiment
et le mouvement, et où ils reviennent après
avoir circulé; que toutes !es fois qu'un or-
gane agit, soit pour exécuter, ses fonctions
propres, soit autrement, il influe sur les au-
tres organes, soit en leur donnant de l'activité,
soit en leur en soustrayant; que la condition
de cette influence est la propagation des mou-
vements excités en un point, au moyen de la
continuité des fibres intermédiaires; que le
tissu cellulaire est un des moyens d union
auxquels il faut attribuer le principal rôle
dans cette transmission des ébranlements ;
que les organes homologues ne présentent
pas le mémo degré d'activité chez tous les in-
dividus bien portants, et que les divers tempé-
raments s'expliquent par les différences qui
s'observent dans la proportion de leur éner-
gie ; que la maladie, quand elle ne dépend pas
d'un vice anatomique, est l'effet d'une altéra-
tion vicieuse de l'action d'un organe; que les
altérations morbitiques se réduisent toutes à
l'augmentation et à l'affaiblissement exces-
sif du mouvement et du sentiment; que ces
aberrations de l'énergie naturelle ne sont pas
des états absolument stagnants, mais pré-
sentent une inarche, un progrès régulier, par
lequel elles tendent à certaines solutions dé-
terminées; que la thérapeutique consiste à
hâter, par divers moyens appropriés, la ter-
minaison ou solution naturelle de la maladie,
quand on peut juger, d'après des observa-
tions antérieures, que la tendance est favo-
rable; qu'en outre, on peut quelquefois, par
des moyens violents, suspendre, étrangler une
maladie dont on redoute la crise naturelle ,
mais que ces tentatives sont toujours très-
dangereuses.
Il importait de signaler les caractères prin-
cipaux dos quatre grandes doctrines que Bar-
thez avait trouvées se disputant et se parta-
geant les esprits, et d'insister en particulier
sur le vitalisme de Bordeu, afin de mettre
dans tout son jour l'originalité du système
barthézien. Abordoiîs, maintenant, l'examen
de ce système, et d'abord voyons les princi-
pes de méthodologie qui lui servent de fonde-
ment. Ces principes, que Barthez pose dans
un discours préliminaire, sont les suivants :
l° La philosophie naturelle a pour objet la
recherche des cattses des phénomènes de la
nature, mais seulement en tant qu'elles peu-
vent être connues d'après l'expérience.
2° On entend par cause ce qui fait que tel
phénomène vient toujours à la suite de tel au-
tre, ou ce dont l'action rend nécessaire cette
succession , qui est d'ailleurs supposée con-
stante. Il ne paraît pas qu'aucune action corpo-
relle, ni aucune action de l'âme sur ses pro-
pres facultés puisse nous faire concevoir ce
rapport nécessaire de succession d'un phéno-
mène à un autre, qui constitue l'idée de causa-
lité. Mais quand la succession d'un phéno-
mène à un autre est constante, l'esprit humain
qui l'observe assidûment, et qui souvent peut
même la prévoir, est porté à croire que ces
phénomènes se succèdent parce qu'ils sont
enchaînés l'un avec l'autre ; de la succession
qu'il a vue constante, il infère la succession
nécessaire. L'imagination , qui voit tous les
changements comme dépendant d'une action
ou d'un mouvement, rapporte cette liaison in-
time a Vidée d'un pouvoir nécessaire, qui ré-
side et qui agit pour produire le phénomène im-
médiatement suivant. L'idée de cette puissance
est donc une fiction de l'imagination. Mais
l'esprit humain donne à cette puissance, dont
l'idée est indéterminée, le nom de cause. A
force de voir comme constante la signification
de ce mot de convention, dont il fait un usage
perpétuel, il est enfin entraîné à croire que
î'idéo même que ce mot désigne a de la
réalité.
3« L'expérionco ne nous apprend rien sur
l'essence des causes qui produisent- les phé-
nomènes; elle nous apprend seulement l'ordre
dans lequel un phénomène succède à un autre,
et les lois que le premier suit dans la produc-
tion du second. Quand une boule, frappée par
un ressort qui se détend, reçoit une impulsion
qui lui fait parcourir un trajet, l'observation
attentive du fait ne m'apprend rien sur l'es-
sence de la cause motrice; elle ne m'instruit
que des conditions de la succession de ces
oeux phénomènes ; par exemple, de la néces-
sité de la courbure du ressort, de la propor-
tion qui existe entre le degré de cette cour-
bure et l'intensité de l'impulsion.
40 Les causes ne nous étant connues que
par les lois que découvre l'expérience, le nom
de causes expérimentales doit leur être appli-
qué, afin de bien marquer le sens dans lequel
on se renferme lorsqu'on emploie le mot cause.
On peut leur donner aussi les noms synony-
mes et pareillement indéterminés de principe,
de puissance, de force, de faculté, etc. Il est
utile et commode de spécifier chaque cause
expérimentale par un nom qui ne préjuge
rien sur son essence, mais qui ait une signi-
fication simplement conventionnelle ou qui
fasse allusion à ses effets.
50 La détermination des lois d'une force
étant faitt, on les compare avec les lois sui-
vant lesquelles s'exécutent les phénomènes
les plus analogues à celui qui a été l'occasion
de cette recherche : si elles se trouvent ri-
goureusement identiques, on doit regarder
tous ces phénomènes comme étant de la même
nature, c'est-à-diro comme des effets d'une
même cause. Leurs causes respectives sont
en effet indiscernables pour nous. Ainsi, les
lois de la pesanteur une fois fixées, Newton a
dû reconnaître la même force comme une
des causes qui meuvent les astres, en décou-
vrant les rapports des lois que suivent les
graves, en tombant, avec celles des mouve-
ments des planètes.
6° Mais des phénomènes qui auraient quel-
que ressemblance, sans suivre les mêmes lois
dans leur exécution, doivent être rapportés à
des causes ou facultés différentes ; à plus forte
raison doit-on distinguer les causes de ceux
qui n'ont rien de commun entre eux.
7° La détermination du nombre des forces
de la nature ne doit jamais être considérée
comme définitive, puisque de nouvelles dé-
couvertes peuvent en diminuer le nombre, en
faisant rentrer deux ou plusieurs ordres de
faits, que l'on avait séparés d'après un pre-
mier coup d'œil, sous le' domaine de la même
force, et en montrant que les différences d'a-
près lesquelles on avait fait la séparation dé-
pendent de circonstances accessoires qui mo-
difient cette faculté.
8° Si l'on a procédé avec sévérité en se
conformant exactement aux règles de la mé-
thode, il ne doit jamais arriver qu'on ait à
augmenter le noinbre des forces pour classer
des faits déjà réunis dans une même classe.
Ce serait une preuve qu'on en aurait réuni
d'essentiellement différents, ce qui serait une
infraction au précepte. Il faut se tenir en
garde contre 1 envie que l'amour-propre in-
spire à presque tous les hommes, de réunir
des faits disparates, afin de diminuer le nom-
bre des forces ou causes expérimentales. Cette
réduction n'est utile que lorsqu'on peut dé-
montrer la concordance des faits associés.
9° Les anciens ont eu trop de facilité h mul-
tiplier, dans l'étude de la nature, le nombre
des causes expérimentales. Ils ont introduit sou-
vent une cause ou faculté nouvelle pour rendre
raison de phénomènes qu'ils auraient pu ex-
pliquer par leur analogie avec d'autres, phé-
nomènes dépendant des facultés qu'ils avaient
déjà admises. Les modernes ont porté trop
loin leurs préjugés sur l'imperfection de la
philosophie ancienne. Elle n'est pas répré-
hensible pour avoir établi des causes ou des
facultés occultes ; mais elle l'est pour n'avoir
pas limité le nombre de ces facultés d'après
l'état présent des connaissances positives sur
les résultats des faits. La plupart des moder-
nes sont tombés dans un défaut opposé en
réduisant, dans les sciences naturelles, le
nombre des causes expérimentales fort au-
dessous de celui qu'indique l'observation.
C'est ainsi que quelques-uns d'entre eux ont
voulu rapporter toutes les forces motrices des
corps à la seule force de communication du
mouvement par l'impulsion.
Nous venons de voir les bases sur lesquelles
Barthez élève l'édifice de la science de
l'homme. Passons à l'édifice lui-même.
En examinant tout ce qui se passe dans un
corps vivant, Barthen voit un certain nombre
d'actes élémentaires dans lesquels tous les
autres se résolvent : ce sont des sensations,
des mouvements, des transmutations des sub-
stances étrangères en celles des corps, des
générations et des régénérations, etc. Ces
phénomènes diffèrent trop de ceux que la phy-
sique considère, pour qu'il ne faille pas les
rapporter a des causes différentes de celles
de ces derniers; de là découle, suivant la phi-
losophie exposée plus haut, la nécessité : l" de
les attribuer à des principes d'action, à des
forces ou à des facultés particulières, d'une
nature inconnue, qui se trouvent dans le corps
vivant; t° de désigner ces facultés par des
noms qui rappellent' seulement les phénomè-
nes qu'elles produisent, tels que force sen-
sitive, motrice, ass imitatrice, plastique, etc. ;
3° d'assigner, d'après l'examen approfondi de
tous les faits connus, les lois suivant les-
quelles s'exécutent les actes relatifs à cha-
cune de ces facultés. Nous voilà sortis du
mécanicisme ; mais rien jusqu'ici ne nous em-
pêche de nous arrêter au vitalisme de Haller
ou au vitalisme de Bordeu, c'est-à-dire de
considérer les phénomènes vitaux comme dé-
rivant soit de plusieurs forces vitales distinc-
tes, soit d'une seule force vitale possédée en
commun par plusieurs individualités organi-
quement associées.
Barthez ne nous le permet pas. Deux consi-
dérations, suivant lui, s'élèvent et contre la
pluralité essentielle des forces vitales, et con-
tre l'idée d'une république d'organes conçus
comme des individus animés de la même force
et se communiquant mutuellement cette force
selon leurs besoins respectifs. D'abord il est
facile de voir que, dans les diverses combinai-
sons des phénomènes vitaux qui constituent
une fonction ou une maladie, ces actes élé-
mentaires, qui ont entre eux une sorte de dépen-
dance, ne sont pas liés les uns aux autres d une
manière constante et nécessaire. Ainsi les ac-
tes élémentaires successifs qui constituent la
nutrition, tels que l'appétit spécial, les mou-
vements instinctifs nécessaires pour introduire
dans le corps ce qui peut le satisfaire, la di-
gestion, la distribution de la matière alibile,
l'élection que fait chaque partie des éléments
qui lui conviennent et de la quantité propor-
tionnée à ses besoins, la conservation des for-
mes malgré les décompositions et les recom-
positions journalières, tous ces actes sont
tellement adaptés a une fin, ils sont si diffé-
remment modifiés selon les besoins acciden-
tels, il est si impossible d'apercevoir dans leur
filiation rien qui ressemble aux effets d'une
réaction incitative, qu'on ne saurait les consi-
dérer comme enchaînés par une loi invariable
analogue à celles qui lient les phénomènes
mécaniques. En second lieu, les diverses par-
ties du corps sont associées dans leurs fonc-
tions et dans leurs souffrances, de telle sorte
qu'il est impossible d'expliquer cette associa-
lion par la communication réciproque de leurs
propriétés. Ainsi, plusieurs organes éloignés
sans qu'aucune connexion anatomique parti-
culière les unisse, et sans que les uns puissent
exercer sur les autres aucune excitation pro-
prement dite, entrent en action simultanément
et successivement pour accomplir une fonc-
tion-automatique, par exemple, l'éternuement,
avec un ordre imperturbable et parfaitement
approprié au but; d'autres, aussi étrangers
l'un à l'autre, en appparence, et anatomique-
ment parlant, souffrent ensemble ou se soula-
gent alternativement dans leurs affections. De
ces considérations, Barthez conclut, contre
Haller, que la sensibilité, la force motrice, etc.,
ne sont pas des forces primitives, élémen-
taires, indépendantes, mais qu'elles dérivent
d'un principe unique; contre Bordeu, que les
organes sont soumis passivement à cet agent
unique, dont ils ne font qu'exécuter les ordres,
et qu'on doit les comparer, non aux citoyens
d'une république, mais aux sujets d'une mo-
narchie.
Soit, disent les partisans de Stahl, il faut
reconnaître dans le système physiologique un
principe d'unité, d'individualité ; mais ce prin-
cipe d unité n'est autre que l'âme ; il ne faut
pas multiplier les causes sans nécessité. Il ne
faut pas les réduire sans y être autorisé par
les règles de la philosophie naturelle, répond
Barthez. Or, entre l'individualité vitale et
celle de notre être moral, il y a cette diffé-
rence essentielle, que nous avons conscience
de cette dernière, tandis que l'autre est étran-
gère au sens intime. Il faut donc distinguer
l'unité physiologique de celle de conscience, et
en désigner le principe par un nom différent
de celui dont on se sert pour exprimer l'être
pensant. A la cause de l'unité physiologique,
Barthez donne le nom de principe vital ; c'est
d'ailleurs au sens de cette dénomination qu'il
attache de l'importance, non à cette dénomi-
nation elle-même. Le principe vital est, dans
l'économie, )e principe du mouvement, du sen-
timent, de l'assimilation, comme l'âme pen-
sante est le principe du jugement, du raison-
nement, de l'imagination et de la réflexion.
Forces motrice, sensitive, assimilatrice, ne
sont que des modes d'action du principe vital.
Etudier les lois de la force motrice, c'est con-
sidérer le principe vital en tant qu'il imprime
des mouvements à quelque organe; étudier
les lois de la force assimilatrice, c'est consi-
dérer le principe vital en tant qu il transforme
en la suostance du corps celle des matières
qui ont servi d'aliment.
Mais quelle idée doit-on se faire du principe
vital? Quelle est la nature de ce principe?
Barthez déclare cette question insoluble :
« J'observe avant tout, dit-il, qu'il est inutile
de discuter si le principe vital -est ou n'est pas
une substance, parce qu'il me paraît impossi-
ble de donner un sens clair au mot substance.'
Le principe vital est une valeur inconnue, x
ou y. On peut, à volonté, voir dans l'a prin-
cipe vital, un être distinct ou une modalité de
la substance organisée; il est indifférent, en'
philosophie médicale, de professer l'une ou
l'autre opinion. «Il ne m'importe, dit Barthez,
qu'on attribue ou qu'on refuse une existence
particulière et propre à cet être que j'appelle
principe vital. » Ce qui importe, c'est « qu'il
soit conçu par des idées distinctes de celles
qu'on a des attributs du corps et de l'âme, »
« Qu'on pèse ces paroles, dit M. Lordat; Bar-
thez ne prononce pas que la cause de la vie
est distincte du corps et de l'âme, mais que
nous devons l'étudier séparément et d'une
manière immédiate, en nous servant pour cela
de notre pouvoir d'abstraire ; parce que, si
elle est une modalité qui provienne de l'orga-
nisation, le mode d'arrangement des molécu-
les pour produire ces effets échappe à nos
conceptions, et que si les phénomènes physio-
logiques dépendent de l'àme, cet être agit ici
par des lois fort différentes de celles qu'il
suit dans l'exercice des fonctions intellec-
tuelles ; d'où il résulte que ni la connaissance
des propriétés sensibles de la matière, ni
celle des attributs de l'âme en tant qu'elle
pense, ne nous sont d'aucune utilité pour dé-
couvrir les lois de la cause de la vie... Ainsi,
on peut être barthézien tout en étant matéria-
liste, spiritualiste, animiste. Le matérialiste, à
qui il plaît de croire que l'unité morale est le
résultat de l'arrangement de la matière, aura
bien plus de facilité à se figurer que cet ar-
rangement peut produire une unité d'un autre
ordre ; le spiritualiste supposera une âme sen-
sitive substantielle; l'animiste croira que
l'âme pensante exécute à son insu, mais par
des lois particulières, les fonctions vitales. 1
A plusieurs reprises Barthez avertit qu'en
personnifiant le principe vital , il n'entend rien
préjuger sur sa nature ; il professe à cet égard
le scepticisme. « Il se peut sans doute, dit-il,
que, d'après une loi générale établie par l'au-
teur de la nature, une faculté vitale, douée de
forces motrices et sensitives, survienne né-
cessairement (et d'une manière indéfinissable)
U la combinaison de matière dont chaque corps
animal est formé, et que cette faculté ren-
ferme la raison suffisante des suites de mou-
vements qui sont nécessaires à la vie de l'a-
nimal dans toute sa durée ; mais il peut être
aussi que Dieu unisse, à la combinaison de
matière disposée pour la formation de chaque-
animal, un principe de vie qui subsiste par
lui-même et qui diffère dans l'homme de l'âme
pensante... Je crois devoir répéter qu'il est
possible que le principe vital ne soit qu'une
faculté innée ou qui advient au corps animal,
et qui y produit et dirige, suivant des lois pri-
mordiales, toutes les chaînes de mouvements
spontanés dont ce corps est susceptible. Un
art divin peut faire que, dans un système de
matière, les mouvements automatiques do
chaque partie concourent à la formation et à
la réparation du tout... Je personnifie le prin-
cipe vital pour pouvoir en parler d'une ma-
nière plus commode. Cependant, comme je no
veux lui attribuer que ce qui résulte immédia-
tement de l'expérience, rien n'empêchera que,
dans mes expressions qui présenteront ce
principe comme un être distinct et existant
par lui-même, on ne substitue la notion abs-
traite qu'on peut s'en-faire comme d'une sim-
ple faculté vitale du corps humain, qui nous
est inconnue dans son essence, niais qui est
douée de forces motrices et sensitives. » On
doit remarquer que le scepticisme systémati-
que de Barthez sur la nature du principe vi-
tal est la conséquence logique de la méthode
qu'il préconise en philosophie naturelle ; cette
méthode ne lui permet pas de dépasser la
sphère de l'expérience, de connaître autre
chose que des causes expérimentales ; toute
cause, d'après cette méthode, est occulte par
son essence, manifeste par ses lois d'action;
la pensée doit s'interdire toute recherche ,
toute spéculation sur l'essence des causes ;
elle ne doit s'occuper que des lois qu'elles
suivent en se manifestant.
II. — Physiologie, patuologie kt théra-
peutique barthéziennus. Toute la physiolo-
gie de Barthez sort de ce principe que les for-
ces motrice, sensitive, plastique, etc., ne sont
que des modes d'action d une cause unique. Bar-
thez applique successivement ce principe à la
sensibilité, à la motricité, à la chaleur vitale,
aux sympathies.
Barthez prend le mot sensibilité dans un
sens moins étendu que l'école de Bordeu,
moins restreint que l'école de Haller. L'école
de Bordeu rapportait à la sensibilité tous les
mouvements, toutes les mutations de substan-
ces, tous les actes plastiques, en un mot tous
les phénomènes de la vie, absolument comme
Condillac faisait dériver toutes les opérations
mentales de la sensation. Elle établissait un
rapport, un lien nécessaire d'une part entre
le sentiment et l'excitation qui le produit, ce
qui faisait de la sensibilité une modification
purement passive; d'autre part, entre l'im-
pression et la réaction qui lui succède , ce
qui faisait de la sensibilité le point de départ
et la source de tous les phénomènes vitaux.
Pour Barthez, la sensibilité est un attribut du
principe vital, mais non l'unique attribut de
ce principe ; le principe vital est sensitif, mo-
teur, assimilateur, etc.; il n'est pas moteur,
assimilateur, parce qu'il est sensitif. De plus,
il est actif, lion passif, dans la sensibilité; il
perçoit les impressions faites sur le corps, et
cette perception vitale se manifeste par les
phénomènes de réaction, mais les impressions
ne sont pas toujours, ne sont pas nécessaire-
ment suivies de perception et de réaction. La
perception vitale des impressions suppose,
dans le principe sentant, un état analogue a
celui que nous appelons attention quand il
s'agit de l'âme. • La sensibilité, dit Barthez,
est une force active, en ce sens qu'elle est
une cause inhérente h. l'animal des phénomè-
nes du sentiment; que les effets en sont spon-
tanés, et qu'elle survient à l'occasion des or-
ganes, mais non pas d'une manière nécessaire.
C'est par une suite des idées matérielles et
grossières dont l'esprit humain a peine à se
dépouiller, qu'on a cru communément que la
sensibilité est une modification passive , et
que tout sentiment doit être produit dans- les
organes du corps vivant par un effet néces-
saire des impressions que reçoivent ces orga-
nes. L'idée du sentiment n'a rien de commun
avec l'idée du mouvement ; et, par conséquent,
il est impossible de concevoir comment des
ébranlements quelconques, communiqués à un
organe quelconque par des corps qui lui sont
extérieurs, peuvent donner à cet organe la
faculté de sentir... Ce n'est pas la sensibilité
qui est' le principe de vie dans l'homme et
dans les animaux. C'est sans aucun fonde-
ment qu'on affirme que les mouvements du
cœur, ceux de la respiration après la nais-
sance, etc., sont toujours le produit des im-
pressions que ia sensibilité reçoit de causes
irritantes... Le préjugé seul peut avoir per-
suadé, d'après ce qu on voit communément
dans les phénomènes de l'irritabilité des mus-
cles, que les opérations de la faculté motrice
des organes ne sont jamais spontanées et im-
primées directement par le principe vital, et
doivent toujours être déterminées par des
causes qui affectent la sensibilité. » On re-
marquera cette affirmation de Barthez, qui est
aussi celle de Condillac, que le sentiment et
le mouvement sont deux faits, deux idées ir-
réductibles, que le sentiment natt à l'occasion
des ébranlements communiqués aux organes,
mais qu'il ne dérive pus par transformation
do ces ébranlements. Barthez et Condillac
BAR
BAR
BAR
BAR
283
soïâ irùs-cloignés sous ce rapport du matéria-
lisme allemand contemporain, qui voit dans la
pensée même un mode du mouvement.
L'école de Halter attachait inséparablement
la sensibilité aux nerfs et n'admettait d'autre
sensibilité que celle de conscience. Barthez
repousse et la localisation de là sensibilité
dans le système nerveux, et le sens restreint
donné par Haller au mot sensibilité. Il pro-
fesse qu'au-dessous de la sensibilité de con-
science il y a la sensibilité vitale. Ces deux
sensibilités ne sont pas deux espèces, mais
deux degrés différents de la même faculté, la-
quelle est répandue dans toutes les parties du
corps. Pour le prouver, Barthez oppose à
Haller un certain nombre de faits qui ne peu-
vent s'expliquer par la localisation et desquels
il résulte, selon lui: i» que des organes dé-
pourvus de nerfs sont, dans certains cas, le
siège de sensations de conscience très-vives ;
20 que des parties qui ne font point éprouver
habituellement des sensations de conscience
en acquièrent quelquefois accidentellement.
De la sensibilité, Barthez passe au mouve-
ment. Il distingue dans l'économie deux es-
pèces de forces motrices, des forces motrices
proprement dites produisant des mouvements
a progrès sensible, et des forces toniques qui
produisent des mouvements à progrès insen-
sible. Les unes et les autres se subdivisent en
forces de contraction et forces de dilatation.
Du reste, toute manifestation de ces forces,
tout mouvement, mouvement à progrès sen-
sible ou mouvement tonique, mouvement de
contraction ou mouvement de dilatation, doit
être considéré comme l'effet d'une opération
immédiate du principe vital.
Analysant les forces motrices à progrès
sensible, Barthez distingue, dans l'action mus-
culaire, outre la contractilité, une force spé-
ciale qu'il appelle force de situation fixe.
Qu'est-ce que c'est que cette force de situa-
tion fixe? Elle consiste dans ce fait que la con-
traction s'arrête, à l'ordre de la volonté, à tel
ou tel degré de raccourcissement, et que, ce
degré de contraction une fois fixé, les fibres
contractiles résistent à leur allongement avec
une ténacité qui surpasse de beaucoup celle
dont est capable la chair musculaire, en vertu
de la consistance et de la cohésion physique
qu'a pu lui donner ce degré de contraction.
Cette force de résistance tient à l'état, non a
l'acte de contraction -, elle est indépendante de
cet acte; c'est un mode particulier d'action
du principe vital. Comme exemple de sa force
de situation lixe, Barthez cite le tour singulier
que faisait Milon de Crotone et qu'on appelait
le tour de lu grenade. Milon tenait une gre-
nade dans Sa main, sans la déformer, et pour-
tant sans qu'aucun autre athlète, quelque ef-
fort qu'il fit pour cela, pût la lui arracher.
h Qn voit, dit Barthez, que Milon donnait
alors aux muscles fléchisseurs des doigts de
sa main un degré de contraction qui était peu
considérable en comparaison de la contraction
qu'il leur eût donnée, s'il eût voulu comprimer
violemment la grenade ; et cependant, il est
clair que ce degré de contraction médiocre
était rendu permanent par l'action de la force
de situation fixe, qui agissait dans les parties
de ces muscles fléchisseurs des doigts de
sorte que personne ne pouvait étendre ces
doigts et ouvrir cette main... » Il existe donc,
continue-t-il, une force do situation lixe des
parties des fibres musculaires, et cette force
est entièrement différente de la force de con-
traction des muscles. »
Après cette analyse de l'effort musculaire,
Barthez s'occupe des forces toniques. Il mon-
tre qu'une contractilité indéterminée ne suffi-
rait pas pour rendre raison de tous les phéno-
mènes de mouvement vital; que, dans les
diverses fonctions , les réactions toniques
doivent nécessairement être réglées d'après
l'objet de ces fonctions ; que, par exemple,
les contractions d'un conduit doivent avoir
une direction déterminée qui en fasse de vrais
mouvements •périscaltiques.cu antipéristalti-
ques, selon les circonstances ; en un mot, que,
dans les fonctions, les tendances, l'intensité,
l'ordre de succession des oscillations toniques
doivent être régis par une cause qui les ap-
proprie à un but et les modifie selon la variété
des besoins : preuve évidente que les forces
toniques ne sont que les manifestations du
principe vital. Il ajoute' que l'action de ces
forces forme un acte, élémentaire de l'opéra-
tion qui conserve aux parties vivantes la con-
stitution chimique naturelle et la cohésion
moléculaire qui leur est propre, malgré l'ef-
fort divellent des agents extérieurs. Il croit
reconnaître l'affaiblissement de ces forces
dans le ramollissement des os, dans la réduc-
tion des muscles en une substance pulpeuse,
dans la cessation de l'expansion et de la ré-
nitence des chairs qui survient au moment
de la mort, dans la tendreté extrême des
chairs des animaux qui ont péri par l'électri-
cité, par le froid, par le poison, ou par quelque
autre cause violente.
Le principe vital exerce son action non-
seulement sur les solides, mais encore sur les
fluides de l'économie. Barthez observe dans
les fluides des phénomènes qui ne lui parais-
sent pas explicables par les lois de la physique
et de la chimie, et qui sont propres aux corps
vivants; il n'hésite pas à placer ces phéno-
mènes sous l'empire de la puissance qui en
opère de semblables dans les parties organi-
sées, et, comme il ne voit aucune raison de
penser que cet empire s'exerce par l'intermé-
diaire des solides, il trouve naturel de con-
clure que le principe vital agit immédiate-
ment aussi bien sur les uns que sur les autres,
o II est'aisé de comprendre, dit M. Lordat, l'in-
fluence que peut avoir, sur la pathologie et la
thérapeutique, cette idée de l'action directe
et immédiate du principe vital sur les fluides.
Les éternelles disputes des humoristes et des
solidistes pour savoir où réside la première
altération morbifique, si c'est dans les fluides
ou dans les solides, sont absolument sans in-
térêt pour celui qui porte son attention sur les
affections de la cause conservatrice des uns
et des autres, qui voit dans ces altérations le
résultat de l'impuissance ou des détermina-
tions de cette cause, et qui observe l'harmonie
avec laquelle marchent communément les
phénomènes corrélatifs dans les solides et
dans les humeurs. »
De l'action motrice exercée par le principe
vital sur les solides et les fluides de l'écono-
mie à la chaleur vitale, il y a, dans le système
barthézien, une transition très-natnrelie. Fi-
dèle à sa méthode, Barthez ne recherche pas
quelle est la nature intime, l'essence de la
chaleur; il fait bon marché de la théorie du
calorique-substance. Il voit qu'une des causes
productrices de la chaleur est le frottement;
il en conclut que vraisemblablement la cha-
leur est une espèce de mouvement particulier
qui se produit dans les particules des corps,
indépendamment de toute absorption d'une
substance calorique, fluide ou autre, qu'on sup-
poserait y être combinée suivant une affinité
quelconque, o Je me fonde principalement, dit-
il, sur ce que la chaleur que cause le frotte-
ment par l'effet d'une compression uniforme
est sensiblement inépuisable. C'est ce qu'indique
une expérience de M. Rumfovd qu'on n'a point
encore complètement réfutée, et dont il a con-
clu qu'il ne voit pas la possibilité de l'expli-
quer sans abandonner l'hj'pothèse du calori-
que considéré comme un corps particulier. »
On voit que le nom de Barthez ne doit pas
être oublié dans l'histoire de la théorie dyna-
mique de la chaleur. Le fait qu'il oppose au
calorique-substance, savoir, que la quantité de
chaleur développée par le frottement et la
compression est sensiblement indéfinie, ce fait,
disons-nous, a été le point de départ de la
conception aussi grande que féconde qui pro-
duit aujourd'hui une véritable révolution clans
la physique générale. ,
Mais rentrons dans la physiologie. Si la
chaleur naît du mouvement, si elle doit être
considérée comme une espèce de mouvement
particulier produit dans les particules des
corps, il est tout naturel de penser qu'un corps
vivant, doué de la faculté de mouvoir ses
parties, possède en lui le moyen de dévelop-
per de la.chaleur, et qu'il n'est pas nécessaire
de chercher au dehors la cause de ce phéno-
mène : qui dit force motrice, dit force calori-
fique. L'induction devient plus forte si l'on
songe que les variations de la température
du corps coïncident le plus souvent avec des
altérations sensibles des' phénomènes de mou-
vement. Les lois de la chaleur vitale mon-
trent d'ailleurs clairement qu'elle est sous
l'empire immédiat du principe de vie, lequel
en produit une plus ou moins grande quantité
selon les besoins. Parmi ces lois, la plus im-
portante à considérer est que, dans chaque
animal vivant, la chaleur reste presque tou-
jours à un .degré à peu près constant, quoique
cet animal soit exposé à de grandes intempé-
ries de chaud et de froid. Barthez en conclut:
1» que cette constance de la chaleur vitale,
nonobstant les différences extrêmes de la
température extérieure, paraît tenir à une
faculté que possède le principe vital, d'aug-
menter dans les solides et dans les fluides les
mouvements particuliers d'où dépend la gé-
nération de la chaleur interne, et de produire
dans ces mêmes parties un état opposé qui ré-
siste jusqu'à un certain point à la propagation
de celle qu'une température ambiante extrê-
mement élevée tend à y introduire; 2° que la
cause de la vie est déterminée à augmenter le
travail calorifique ou à exécuter l'action con-
traire par la perception du froid ou du chaud
extérieur; cette détermination est liée à la
sensation par une de ces lois primordiales qui
enchaînent un acte conservateur à la sensa-
tion vitale excitée par une cause nuisible,
n C'est ainsi, dit-il, que le principe vital fait
brûler, dans le corps qu'il anime, un feu qui
est toujours à peu près le même, qui s'isole
sous le soleil du Sénégal, et qui ne s'éteint
pas dans les glaces de la Sibérie. ■ La lutte du
principe vital contre le froid se comprend fa-
cilement; il ne s'agit que de développer une
plus grande quantité de chaleur en augmen-
tant les « mouvements d'agitation dans les
solides et les mouvements intestins des fluides. »
Mais comment isoler la chaleur vitale de la
chaleur extérieure, quand cette dernière est
excessive? Ici la tâche dû principe vital est
complexe. « Lorsque l'homme vivant, dit
Barthez, doit rester moins chaud que l'air ex-
térieur et les corps environnants, il ne suflit
pas que la force génératrice de la chaleur vi-
tale soit diminuée ou même entièrement arrê-
tée ; mais il faut encore une autre cause
existante dans le corps de cet homme, qui
l'empêche de recevoir la communication de
la chaleur extérieure, comme la reçoivent les
corps environnants inanimés. Cette cause in-
térieure ne peut être qu'une action particu-
lière du principe vital dans le corps humain
qui en fixe toutes les parties avec un'tel effort,
qu'elles sont moins susceptibles du mouvemei t
de chaleur qui pourrait leur être communiqué
du dehors. Le principe vital ne se borne point
alors à arrêter tous les mouvements des soli-
des et des fluides par lesquels il pourrait ex-
citer la chaleur animale; mais il contracte les
fibres avec la plus grande violence pour ré-
sister a. la dilatation que tend à y produire la
chaleur de l'air et des corps extérieurs. •
Barthez rencontre ici cette observation des
zoologistes que, dans les diverses espèces, il
existe une proportion entre l'étendue des or-
ganes respiratoires et l'intensité de la chaleur
vitale. Buffon, devançant Lavoisier, en avait
conclu que, plus la surface des poumons est
étendue, plus le sang devient chaud, et plus
il communique de chaleur à toutes les parties
du corps ; eu un mot, que le degré de chaleur,
dans l'homme et dans les animaux, dépend de
l'étendue et de la force des poumons qui sont
les soufflets de la machine animale dont ils
entretiennent et augmentent le feu. » Mais Bar-
thez était trop en garde contre le chimisme,
trop préoccupé du rapport qu'il constatait
entre le mouvement et la chaleur, pour ne
pas repousser cette conclusion. Il donna au
fait anatomique, observé par les zoologistes,
une interprétation toute contraire à celle de
BufTon. « On peut très-bien penser, dit-il,
qu'à proportion de ce que les causes produc-
trices de. la chaleur dans les diverses espèces
d'animaux sont plus actives, et qu'elles doivent
être plus modérées par l'effet rafraîchissant de
l'air inspiré, pour que le degré de chaleur qui
est propre à chaque espèce soit bien fixé ; il
faut que le sang reçoive cette impression de
l'air inspiré dans une plus grande étendue de
surface du poumon. Les mouvements qui pro-
duisent la chaleur vitale ne se continuent
point un certain temps avec la même force
dans les solides et les fluides, sans faire mon-
ter leur échauffemeut au delà du terme qui
est marqué à la chaleur naturelle de chaque
animal. » Ainsi, pour Bavthez, le poumon n'est
pas, comme le pensait Buffon, et comme Ta
démontré Lavoisier, le soufflet qui entretient
le feu vital ; c'est le réfrigérant destiné à modé-
rer ce feu, à en fixer le degré propre à chaque
espèce; la respiration n'est pas la source de
la chaleur animale; elle en est le régulateur,
parce qu'elle l'empêche de s'accroître indéfi-
niment.
La doctrine des sympathies devait tenir
une grande place dans une physiologie dont
le principe fondamental est 1 unité du sys-
tème vivant ; aussi Barthez lui a-t-il accordé
une attention spéciale. Deux conditions sont,
suivant lui, nécessaires pour qu'un phéno-
mène mérite le nom de sympathie : il faut
l° que la coïncidence ou la succession de l'af-
fection primitive et de l'affection secondaire
no puisse pas être attribuée au hasard;
2" qu'elle ne dépende pas d'une liaison méca-
nique des deux organes. Voilà les sympathies
nettement distinguées des rapports purement
mécaniques. Barthez fait une autre distinc-
tion, celle des sympathies et des synergies.
Une sympathie, dit-il, est une simultanéité
ou une succession d'affections sans but, tan-
dis qu'une synergie est une coopération de
plusieurs orgunes que le principe vital fait
concourir à une fin quand il y est déterminé
en vertu des lois primordiales qui le régissent.
Il fait ensuite deux grandes classes de tous
les phénomènes sympathiques. Dans l'une sont
comprises toutes les relations de ce genre qui
existent entre deux organes; c'est ce qu'il
nomme sympathies particulières ; dans l'autre,
celles qu'on observe entre un organe et le
système vivant entier. La première classe est
subdivisée en deux sections; il met clans la
première les sympathies que l'observation fait
découvrir entre des organes qui ne sont asso-
ciés par aucun lien anatomique, ni par aucun
rapport appréciable ; il range dans la seconde
celles des organes qui ont entre eux certaines
relations sensibles, comme la ressemblance de
structure et de fonctions. Avec le principe vi-
tal, rien de plus facile à expliquer que les
sympathies; sans le principe vital, elles sont
inexplicables. Dans le système barthézien,
l'influence de chaque organe est de deux sor-
tes : d'abord,. il intéresse l'économie vivante
par les fonctions qu'il y remplit, ensuite il est
comme un sens particulier où le principe de
vie ressent, d'une manière spéciale, les im-
pressions et les lésions que cet organe reçoit;
ies sensations vitales qu'elles occasionnent
amènent des changements tantôt dans un au-
tre organe déterminé, tantôt dans l'ensemble
des autres organes. « Cette seconde espèce
d'influence qui explique, d'une manière très-
simple, les sympathies et les synergies, a été,
dit M. Lordat, méconnue par les solidistes les
plus récents. Comme les phénomènes sympa-
thiques et synergiques sont les phénomènes
d'unité par excellence, il est tout naturel que
les physiologistes de cette secte aient de la
répugnance à méditer sur des faits qui font le
procès à leur doctrine, et qu'ils s'efforcent de
réduire toute l'influence des organes à celle
qu'ils exercent par leurs usages. »
Nous avons vu quels sont, dans le système
barthézien^ les principaux modes de l'action
vitale ; il s agit maintenant d'examiner les lois
selon lesquelles varie la quantité de cette
même action. Sous ce rapport, Barthez dis-
tingue les forces en forces agissantes et forces
radicales. Les forces agissantes sont celles qui
se déploient actuellement et on vertu des-
quelles les organes exécutent leurs fonctions.
Mais on sent que ces forces, susceptibles de
décroissement et d'épuisement, le sont ausM
d'augmentation, de renouvellement, et aussi
d'un surcroît excessif dont la cause est en de-
dans de nous. Ainsi, la force des muscles s'af-
faiblit par la durée on par l'intensité de leur
travail, au point qu'ils deviennent incapables
d'un effort; mais le repos leur rend toute leur
vigueur, la vue d'un danger ou une violente
passion exalte leur pouvoir, et un accès de
frénésie peut le porter à un degré incroyable.
Il faut donc reconnaître, indépendamment des
forces agissantes, d'autres forces qui sont en
puissance, en réserve, pour ainsi dire, et que
le principe vital ne déploie qu'au besoin : ce
sont les forces radicales. La force agissante
et la force radicale ne sont pas dans un rap-
port nécessaire, et l'intensité de l'une n'est
pas toujours la mesure de l'autre. Barthez fait
remarquer l'importance qu'il y a, dans une
maladie, à distinguer si les forces radicales
sont ou ne sont pas atteintes.
Le tempérament est défini, par Barthez, l'en-
semble des affections constantes qui spéci-
fient, dans chaque homme, le système des for-
ces du principe vital. Pour découvrir, autant
qu'il est possible, le tempérament d'un indi-
vidu, on peut suivre deux méthodes, l'une di-
recte, l'autre indirecte. La première consiste
à déterminer par toutes les observations qu'on
peut recueillir : 1° quel est, quand l'individu
jouit de la meilleure santé, le degré de ses
forces radicales, soit dans le système entier,
soit dans chaque organe; Z» quelles sont les
modifications que les habitudes particulières
ont introduites dans l'exercice ordinaire des
forces agissantes des diverses parties. La
méthode indirecte de connaître te tempéra-
ment consiste k réunir, touchant le degré des
forces agissantes, toutes les présomptions que
peut fournir la considération 1<> des mœurs et
du caractère de l'âme, dont la manière d'être
a bien souvent de l'analogie avec celle du
principe vital; 2» des qualités physiques des
solides et des fluides, qui ont fréquemment
aussi certains rapports harmoniques avec les
affections permanentes du système des forces.
Barthez s'occupe ensuite du tempérament en-
démique, c'est-à-dire des modifications parti-
culières des forces vitales, en tant qu'elles
spécifient les diverses nations. Le tempéra-
ment, sous ce point de vue, a des rapports
sensibles avec certaines causes générales aux-
quelles l'homme est soumis dans les différents
lieux de la terre. Ces causes sont d'un ordre
naturel ou d'un ordre politique. Les premières
sont le climat et la nature du terrain ; les se-
condes sont les différentes manières de vivre
des peuples et la forme des gouvernements.
Barthez note que, chez les habitants des pays
chauds, comparés à ceux des pays froids, les
forces radicales du tempérament sont con-
stamment dans un état de langueur relative ;
que l'exercice des forces motrices, soumises
à la volonté, y est généralement plus faible,
et que l'action des forces sensitives s'y déve-
loppe avec plus de vivacité.
Pas plus dans le vitalisme barthézien que
dans l'animisme, la nécessité de la mort na-
turelle ne s'explique par des raisons physi-
ques. « Les lois primordiales, de la constitution
du corps vivant, dit Barthez, produisent seules
les variations de la mortalité dans les divers
âges. La première cause de la mort naturelle
est la nécessité de ces lois qui règlent la du-
rée et la fin, comme l'origine et le développe-
ment de la vie. »
Nous arrivons à la pathologie et à la théra-
peutique barthéziennes. » Barthez, dit tres-
bien M. Lordat, voit tout dans l'unité vitale ;
c'est cette unité qui est le svbslratum de la
modification morbide et non pas une partie
quelconque. Lorsque, pour s'accommoder au
langage commun, il consent à dire que telle
maladie appartient h tel système d'organes,
que les écrouelles, par exemple, sont une ma-
ladie du système lymphatique, cette manière
de parler n'a pas, dans sa bouche, la même
acception que chez les solidistes; elle signifie
seulement que, dans cette maladie, la cause
active de l'individualité vitale, qui est vicieu-
sement modifiée, exécute ses actes morbides
plus particulièrement sur le système en ques-
tion que sur les autres parties du corps. »
•Ainsi, le vitalisme barthézien répugne à toute
localisation pathologique, comme à toute loca-
lisation physiologique ; ce ne sont pas les
organes qui sont malades, c'est le principo
vital; les maladies, comme les fonctions, ne
sont que les modes d'affection et d'action dus
principe vital. « Bordeu avait rapproché la
médecine du corps vivant, drt Broussais ; Bar-
thez l'ôloigna des organes et la reporta dans
les nues; » Dans le système barthézien, les
maladies se résolvent en un nombre circon-
scrit de phénomènes élémentaires que pré-
sente le principe de vie vicieusement modifié :
ce sont des altérations de la sensibilité, un
exercice insolite des mouvements, une aberra-
tion des actes assimilateurs,etc. C'est là ce que
Barthez nomme les éléments des maladies. Il y
joint l'excès et le défaut de l'action vitale, et
les violations de la constitution des solides et des
fluides, en tant qu'elles s'opposent à l'exercice
régulier des facultés, ou qu'elles affectent pé-
niblement la sensibilité, ou troublent l'harmo-
nie des fonctions.
L'animisme réduisait presque la thérapeu-
tique à la nullité, puisque, selon Stahl, la plu-
part des maladies sont des efforts médicateurs,
et que l'âme qui les exécute est toujours
284
BAR
mieux éclairée que les médecins sur les be-
soins de son corps. Barthez repousse cette
espèce d'optimisme physiologique. Son prin-
cipe vital n'étant pas intelligent comme l'âme
de Stahl, n'est pas toujours conservateur et
médicateur. Les maladies , dans le système
barthézien, n'ont pas toujours les mêmes rap-
ports avec les intérêts du sujet malade. Il est
des circonstances où, ne dépendant que du
défaut de l'énergie nécessaire pour l'exercice
régulier des fonctions, on n'en peut attendre
aucun résultat avantageux. Dans d'autres cas,
elles sont l'effet d'une propension naturelle ou
acquise du principe vital a mésuser de ses
facultés, à prendre des déterminations sans
objet qui, au lieu de tendre a la conservation
du système, le fatiguent en pure perte ou tour-
nent à son détriment. Enfin, il est des mala-
dies qui amènent un changement heureux
dans la manière d'être de l'individu, de sorte
qu'on les doit regarder comme des opérations
utiles, de véritables fonctions. Ici l'on voit or-
dinairement un ordre assez fixe dans la réu-
nion et dans la succession des actes constitu-
tifs de la maladie. Il faut néanmoins convenir
que ces sortes d'opérations inaccoutumées
sont presque toujours suspectes , tant parce
que la cause qui les rend nécessaires peut
avoir affaibli le principe de réaction, que parce
que la marche d'une tonction extraordinaire a
rarement la régularité de celles qui s'exécu-
tent tous les jours. Ajoutez encore que cette
' espèce de fonction peut vicieusement se con-
tinuer après la destruction de la cause exci-
tative et durer ainsi sans objet. Distinguer les
éléments dont chaque maladie se compose,
c'est-à-dire les affections que la cause de la
vie y éprouve et les actes simples qu'elle y
produit; déterminer si telle ou telle opération
morbide est utile ou nuisible, conservatrice
ou destructive ; reconnaître les éléments mor-
bides ou les groupes d'éléments morbides qui
sont stagnants ou pernicieux , et ceux qui
tendent spontanément à une solution favora-
ble : tel doit être, selon Barthez, le but de la
science médicale, tel est le fondement de la
thérapeutique.
Barthez rapporte à trois classes toutes les
méthodes thérapeutiques connues. La pre-
mière comprend les méthodes naturelles, la
seconde les méthodes analytiques, la troi-
sième les méthodes empiriques. Les métho-
des naturelles sont celles qui ont pour objet
de favoriser, d'accélérer ou de régulariser la
marche des maladies qui tendent spontané-
ment à une solution heureuse. Barthez définit
les méthodes analytiques « celles où, après
avoir décomposé une maladie dans les affec-
tions élémentaires dont elle est le produit, on
attaque directement ces éléments de la mala-
die par des moyens proportionnés à leurs rap-
ports de force et d'influence. » Les méthodes
empiriques sont celles dont l'expérience a
constaté l'efficacité, mais dont les effets im-
médiats et primitifs n'ont point, avec la gué-
rison de la maladie, un rapport que notre es-
prit puisse saisir. Les méthodes empiriques se
subdivisent en trois espèces : les imitatrices,
les perturbatrices et les spécifiques. Les mé-
thodes imitatrices sont celles qui tendent à dé-
terminer la nature à des mouvements de liè-
vre ou autres, analogues à ceux par lesquels
elle guérit souvent des maladies semblables.
Les méthodes perturbatrices ont pour but de
faire disparaître des affections morbides de
genre divers par l'effet d'un trouble, d'une
commotion qui a fortement ébranlé la puis-
sance vitale. Enfin, on nomme spécifique toute
méthode dont l'effet immédiat est de dissiper
une affection morbide directement par une
sorte d'incompatibilité entre la modification
constitutive de cette affection et celle que la
puissance vitale reçoit de l'impression du re-
mède.
III. — Critique du vitalisme caiît:iî';1!ien.
V. Principe vital.
BARTH1US (Gaspard dr), savant philologue
et critique allemand, né en 15S7 a CusLrin,
mort en 1658. A douze ans, il traduisit en vers
latins les psaumes de David. On a de lui des
poésies latines, des commentaires estimés sur
Olaudien, Staee, etc. Son principal ouvrage
a pour titre : Aaversaria.
BARTHOLD (Frédéric-Guillaume), historien
allemand, né en 1779 à Berlin, mort en 1858.
Ayant connu l'historien AVilkcn, dont il devint
bientôt l'ami, il abandonna les études théolo-
giques pour s'adonner tout entier à l'étude de'
l'histoire. Après avoir passé quelque temps à
écouter les leçons de Raumer et de Wachler,
qui professaient à Breslau , il fut nommé lui-
même professeur d'histoire, d'abord au collège
Fridencianum de Kœnigsberg (182G), puis a
l'université de Greifswald (1834). Nous cite-
rons parmi ses ouvrages, écrits en allemand
avec autant de savoir que de conscience :
Jiapports intimes de Jean de Werth avec son
temps (Berlin, 1826); la Campagne romaine du
roi Henri de Lutzelbiirg (1830-31, 2 vol.);
Histoire de Iiugen et de la Poméranie (1839-15,
5 vol.); les Personnages historiques des mé-
moires de J. Casanova (1845); l'Allemagne et
les huguenots (1848) ; Histoire des villes alle-
mandes et de la bourgeoisie allemande (1850-51 ,
3 vol.) ; Histoire de la Hanse allemande (1854,
3 vol.) ; Histoire de la constitution militaire
et de l'art militaire des Allemands ( 1 8 5 5) , etc.
BARTHOLDI (Frédéric-Auguste), sculpteur
français contemporain, né à Colmar, élève
d'Ary Schert'er, Il a exposé en 1855, dans
BAR
l'avenue des Champs-Elysées, une statue co-
lossale du général Rapp, morceau énergique
qui n'avait pu être admis, à cause de ses di-
mensions, dans le palais de l'Industrie. Parmi
les ouvrages de cet artiste qui, depuis, ont
figuré aux expositions, on a remarqué, en 1859,
le Génie dans les griffes de la Misère, groupe
en bronze, bien mouvementé, d'une conception
originale et forte; en 18G1, un Monument élevé
à la mémoire de Martin Schon, ouvrage en
grès des Vosges, destiné à la cour du musée
de Colmar; en 18G3, une Fontaine monumen-
tale surmontée de la statue du général Bruat,
destinée a la ville de Colmar; en 1864, le
Martyr moderne, espèce de Prométhée dévoré
par un vautour à deux tètes, ouvrage d'un
modelé vigoureux mais d'un dessin un peu
lourd. M. Bartholdi a fait aussi quelques ta-
bleaux, représentant pour la plupart des vues
d'Egypte.
BARTHOLDY (Jacob-Salomon) , diplomate
prussien, né à Berlin en 1779, mort en 1855.
Après avoir étudié le droit et la philosophie à
Kœnigsberg, ilséjournaquelquetempsà Paris,
à Rome et à Naples, et fit un voyage en Grèce.
On raconte qu'à son retour de ce pays il envoya
à l'académie des Arcades de Rome de l'eau de
Trépi et du miel de la Sabine, comme prove-
nant du mont Plymette et de la fontaine de
Castalie. Les bons Arcadiens, qui n'y voyaient
pas malice, célébrèrent ce don par de nom-
breux sonnets, ce qui ne manqua pas de réjouir
■infiniment Bartholdy et ceux qu'il avait mis
dans le secret. En 1805, il abjura le judaïsme
et se fit protestant; comme il se vantait plus
tard de cette abjuration en présence du car-
dinal Vidoni, celui-ci lui répondit : « Quel
mérite y a-t-il à cela? vous n'avez fait que
changer d'appartement dans la maison du
diable. » Après la bataille d'Iéna, Bartholdy
conçut une naine violente contre Napoléon, et
parcourut l'Allemagne en tout sens afin de lui
susciter des ennemis; il s'engagea même
comme volontaire en 1809, signala sa bravoure
dans les guerres de l'époque , et fut griève-
ment blessé à Ebersberg. Employé en 1813
dans la chancellerie d'Etat de Prusse, il suivit
en 1814 les troupes alliées à Paris. Après
avoir pris une grande part aux travaux du
congrès de Vienne , Bartholdy fut nommé
consul général de Prusse en Italie, en rési-
dence à Rome. La manière dont il remplit ces
fonctions donne à croire que ce poste lui avait
été confié par la Sainte-Alliance, afin do sur-
veiller de plus près les dernières convulsions
politiques de l'Italie. Il était, au reste, ennemi
déclaré des révolutionnaires, et avait coutume
de dire que , si les gouvernements étaient
forcés de marcher avec leur temps, ils ne de-
vaient jamais se laisser entraîner par les
masses et par les oppositions. Il a écrit un
livre sut le carbonarisme qui accuse ses opi-
nions peu libérales, mais qui n'en fut pas moins,
dans la position qu'occupait l'auteur en Italie,
un acte de courage. Bartholdy fut l'ami de
Metternich, de Consalvi, de Médicis et de la
plupart des diplomates qui essayèrent, en 1815,
d'enchaîner la révolution. Il était artiste, grand
collectionneur d'objets d'art, et en avait réuni
une grande quantité ; après sa mort, ces ri-
chesses ont été acquises par le roi de Prusse
et font aujourd'hui partie du musée de Berlin.
Bartholdy était d'une laideur proverbiale.
Outre l'ouvrage cité plus haut, il a publié :
Mémoires pour seruir à la connaissance de
la Grèce moderne et de la république ionienne
(Berlin, 1805); la Guerre des Tyroliens (Ber-
lin, 1814); Traits de caractère du cardinal
Consalvi (Stuttgart, 1825); une comédie en
vers très-médiocre et de nombreux articles
politiques dans la Gazette d'Augsbourg.
DARTHOLE, célèbre jurisconsulte. V. B.\n-
TOLE.
BARTHOLIN ou BARTOLINI (Richard)"
poëte et littérateur italien, né à Pérouse au
xve siècle, mort après 1519. Etant entré dans
les ordres, il devint chanoine de Spolète, puis
aumônier du cardinal de Gurck, qu'il suivit
dans son archevêché de Saltzbourg. Son talent
pour la versification lui fit décerner le laurier
poétique par l'empereur Maximilien. ' Son
oeuvre principale est un poème en vers latins,
De Bello norico (Austriados, 1516), dont le
sujet est la guerre que soutint la maison
d'Autriche contre les ducs de Bavière et les
comtes Palatins. Dans cette couvre, on voit
apparaître pêle-mêle Diane, Mercure, Apol-
lon, les papes, l'empereur et les électeurs. Pic
de la Mirandole lui ayant reproché cette faute
de goût, Bartholin essaya de se justifier par
l'exemple d'Homère et de Virgile, qui ont
rempli leurs vers des noms des divinités
païennes. On possède encore- la lettre de Pic
de la Mirandole et la réponse du poète. Outre
ce poème, citons Hodmporicon (1515), où l'on
trouve des détails intéressants sur la géogra-
phie et les mœurs de l'Allemagne; De Con-
ventu Attgustensi concinna (1518), etc., etc.
BARTHOLIN (Gaspard), né h Malmoê, en
Scanie, en 1585, mort en 1630. Il parcourut
l'Allemagne, la France, l'Angleterre et l'Italie,
où il se ha avec les principaux savants de ces
contrées. Après avoir relusé une chaire de
langue grecque à Sedan, il professa la méde-
cine à Padoue, à "VYïttemberg et enfin à Co-
penhague, où il fut nommé recteur de l'uni-
versité en 1618. Possédant une érudition
presque universelle, il composa quarante-neuf
ouvrages sur divers sujets. Les principaux
sont : Paradoxa medica (1G10); Anatomicœ
BAR
Institutions (161 })> traduit en français par
Duprat (1647); lîlietorica major (1616); Ma-
nttductio ad veram Psycoloqiam, etc. (10 19);
Logica major locupleta (1625); De Pygmœis
(1028); Systema pliysicum (1028), etc.
BARTÎIOLIN (Bartole, Barthélémy, ou
Berthel), fils aîné du précédent, né en 1614,
mort en 1690, compte parmi les enfants cé-
lèbres par leur érudition précoce. On le vit
prononcer en public, à l'âge de quatorze ans,
des discours en grec. Par la suite, il devint
professeur d'éloquence et antiquaire du roi
Frédéric III. On ne connaît de cet érudit que
sa Bibliotheca selecta, publiée en 1669.
BARTHOLIN (Thomas), frère du précédent,
né à Copenhague en 1616, mort en 1680, est
le membre le plus célèbre de cette famille.
Lorsqu'il eut parcouru la plus grande partie
de l'Europe, entrant partout en relation avec
les savants les plus distingués, il revint à
Copenhague, fut nommé, on 1648, professeur
d'anatomie dans cette ville, et publia sur cette
science un grand nombre d'observations nou-
velles et de découvertes dont on ne saurait,
néanmoins, lui attribuer toute lagloire. Un in-
cendie ayant réduit en cendre sa riche biblio-
thèque en 1670, il reçut de Christian V, à
titre de dédommagement, les émoluments de
médecin du -roi, une exemption d'impôts, la
direction de la bibliothèque de l'université, et
enfin le titre de conseiller d'Etat en 1075. On
a de ce savant plus de soixante-dix ouvrages,
parmi lesquels nous citerons : Anatomia (1640) ;
De luce Animalium (1647); De lacleis thora-
cicis, etc. (1652); Hisloriarum anatomicarum
et medicarum centuriçe (1654-60) ; De Medicina
Danorum domestica (1666) ; De Medicis poetis
dissertalio (1669) ; De morbis biblicis (1672);
Actamedica et philosopkica Hafniensia (1672,
1679, 5 vol.), ouvrage périodique rempli de faits
curieux ; De Peregrinatione medica (1674), etc.
BARTHOLIN (Erasme), frère des précé-
dents, né à Roskild en 1625, mort en 1G94,
voyagea en Italie, et, de retour à Copenhague,
y enseigna tour à tour la géométrie et la
médecine. Ses principaux ouvrages sont : De
Cometis annorum 1664 et 1665; Expérimenta
crystalli islandici,etc. (1669); De Natures miri-
bilibus quœstiones (1674).
BARTHOLIN (Gaspard), neveu du précé-
dent et fils de Thomas, né en 1655, mort
en 1738, professa la médecine à Copenhague
et fut nommé médecin du roi. Parmi ses nom-
breux ouvrages nous citerons seulement :
Exercitationes miscellaneœ (1G75); Spécimen
philosophiœ naturalis (1G92) et Spécimen his-
toriœ anatomicœ, etc. (1701), lequel est le
meilleur de ses ouvrages.
BARTHOLIN (Thomas), frère du précédent,
mort en 1690, étudia la médecine, la juris-
prudence, les antiquités, professa le droit et
l'histoire et devint archiviste du roi de Dane-
mark. Son ouvrage le plus important est :
Antiquitates danicœ (1689).
EARTHOLINE s. f. (bar-to-li-ne — de Bar-
thotini, nom d'homme). Bot. Genre de plantes
monocotylédonos, do la familto des orenideos,
voisin des orchis et des ophrys, et compre-
nant une seule espèce, qui croit au cap de
Bonne- Espérance.
Borihoio, personnage du Barbier de Séville,
de Beaumarchais , devenu le type .du tuteur
jaloux. Bartholo est tuteur de Rosine; il exerce
la profession de médecin, ce qui déplut beau-
coup aux critiques du temps, désolés de voir
renouveler par Beaumarchais les anciennes
plaisanteries de Molière contre la Faculté; il
veut épouser sa pupille Rosine, que Figaro
lui enlève pour la donner au comte Almaviva.
Ce. personnage est parfaitement réussi. Très-
important dans le Barbier de Séville, il devient
très-seconduire dans le Mariage de Figaro.
Dans la Mère coupable, il a disparu, de même
que son ex-gouvernante Marceline ; leur fils
et leur bru, Figaro et Suzanne y ont seuls des
rôles.
Nous ne pouvons mieux faire connaître le
caractère de Bartholo qu'on reproduisant ici
une des scènes du Barbier de Séville, où ce
caractère se révèle de la manière la plus pi-
quante et la plus complète. C'est un tableau
plein de finesse, d'observation et de vérité,
que Molière, le maître, eût envié à Beaumar-
chais, son digne élève :
rosine. Vous étiez avec quelqu'un, mon-
sieur?
bartholo. Don Bazile, que j'ai reconduit,
et pour cause. Vous eussiez mieux aimé que
c'eut été M. Figaro?
eosine. Cela m'est fort égal, je vous assure.
bartholo. Je voudrais bien savoir ce que
ce barbier avait de si pressé à vous dire.
nosiNE. Faut-il parler sérieusement? Il m'a
rendu compte de l'état de Marceline, qui même
n'est pas trop bien, à ce qu'il dit.
nAETiiOLO. Vous rendre compte! Je vais
parier qu'il était chargé do vous remettre
quelque lettre.
rosine. Et de qui, s'il vous plaît?
bartholo. Oh 1 de qui? De quelqu'un que
les femmes ne nomment jamais. Que sais-je,
moi? Peut-être la réponse au papier de la
fenêtre.
rosine (à part). Il n'en a pas manqué une
seule. (Haut). Vous mériteriez bien que cela
fût.
BAR
bartiiolo regarde les mains de Rosine. Cela
est : vous avez écrit.
rosine, avec embarras. Il serait assez plai-
sant que vous eussiez le projet de m'en faire
convenir.
bartholo, lui prenant la main droite. Moi 1
Point du tout ; mais votre doigt encore taché
d'encre 1 Hein? rusée s'ignora 1
rosine (à part). Maudit homme 1
bartholo, lui tenant toujours la main. Une
femme se croit bien en sûreté parce qu'elle
est seule.
rosink. Ahl sans doute... la belle preuve!
Finissez donc, monsieur, vous me tordez le
bras. Je me suis brûlée en chiffonnant autour
de cette bougie, et l'on m'a toujours dit qu'il
fallait aussitôt tremper dans l'encre... C'est ce
que j'ai fait.
bartholo. C'est ce que vous avez fait?
Voyons donc si un second témoin confirmera
la déposition du premier. C'est ce cahier do
papier où je suis certain qu'il y avait six
feuilles; car je les compte tous les matins";
aujourd'hui encore.
rosine (à pari). Oh! imbécile!...
bartholo comptant. Trois, quatre, cinq...
rosine. La sixième...
bartholo. Je vois bien qu'elle n'y est pas,
la sixième.
rosine, baissant les yeux. La sixième?... Jo
l'ai employée à faire un cornet pour des bon-
bons que j'ai envoyés à la petite Figaro.
bartholo. A la petite Figaro ! Et la plume
qui était toute neuve, comment est-elle deve-
nue noire? Est-ce en écrivant l'adresse de (a
petite Figaro?
rosine (à part). Cet homme a un instinct de
jalousie... (Haut.) Elle m'a servi à retracer
une fleur effacée sur la veste que je vous
brode au tambour.
bartholo. Que cela est édifiant! Pour qu'on
vous crût, mon enfant, il faudrait ne pas rougir
en déguisant coup sur coup la vérité; mais
c'est ce que vous ne savez pas encore.
ROSINE. Eh ! qui ne rougirait pas, monsieur,
de voir tirer des conséquences aussi malignes
des choses les plus innocemment faites?
bartholo. Certes, j'ai tort; se brûler le
doigt, le tremper dans l'encre, faire des cor-
nets aux bonbons pour la petite Figaro, et
dessiner une veste au tambour, quoi de plus
innocent 1 Mais que de mensonges entassés
pour cacher un seul fait!... Je suis seule, on
ne mevoit point ; je pourrai mentir à mon aise :
Mais le bout du doigt reste noir, la plume est
tachée, le papier manque ; on ne saurait penser
à tout. Bien certainement, signora, quand
j'irai par la ville, un bon double tour me ré-
pondra de vous.
Après une telle scène , on comprend que
Bartholo ait mérité l'honneur de devenir pro-
verbial.
BARTHOLOMEW (Annie Faycrmann), artiste
peintre et femme de lettres anglaise, née
en 1S06 dans le comté de Norfolk, morte
en 1862. Elle.se fit connaître par des tableaux
représentant des fleurs, des fruits, des scènes
champêtres traitées avec un véritable talent,
et par un volume de vers, intitulé les Chants
d'Azraël (i84o). Devenue veuve d'un poète
distingué, W. Turnbull, qu'elle avait épousé
en 1827, elle se remaria, vers 1842, avec un
des bons peintres de fleurs de Londres, V. Bai--
tholomew. Elle a composé en outre pour le
théâtre quelques pièces, dont une des meil-
leures, intitulée : Ce n'est que ma tante, a été
jouée avec succès en 1849.
BARTIN, ville de la Turquie d'Asie (Anatolie),
sur la rivière du même nom, le Parthenius des
Latins, près de son embouchure dans la mer
Noire, au N.-E. de Koutaièh; 10,000 hab. Port
pour petits bâtiments.
BARTLETT (John K.), ethnologiste améri-
cain, né à Providence (Rhode-Island) en 1805.
Il accomplit d'immenses voyages dans toute
l'étendue du continent américain, et a consigné
le résultat de ses explorations dans un ou-
vrage d'un haut intérêt : Délation de voyages
et d'aventures dans le Texas, le Nouveau
Mexique, la Californie, etc., de 1850 à 1653.
Il était connu déjà par un travail sur les .Pro-
grès de l'ethnologie, et il prépare un grand
ouvrage sur les diverses -tribus indiennes.
BARTLING1E s. f. (bar-lain-jî — do Ba'rtlinn,
botaniste anglais). Bot. Genre do la famille
des myrtacées, comprenant un sous-arbris-
seau qui croît en Australie.
BARTOLE ou BARTHOLE, célèbre juriscon-
sulte italien. Sa naissance, que certains his-
toriens avaient donnée à tort comme illégitime,
remonte, suivant les uns, à 1300, suivant les
autres, à 1313. 11 naquit à Sassoferrato, et son
père, nommé François Bonnacursi, lui fit don-
ner de bonne heure les éléments d'une forte
instruction. A quatorze ans, Bartole avait
terminé ses humanités, et, séduit par l'intérêt
de la science juridique, il abordait l'étude du
droit. A vingt ans, il était reçu docteur par la
faculté de Bologne, une des plus célèbres de
cette époque. Ces rapides succès le désignèrent
à l'attention du gouvernement, qui le nomma
assesseur criminel. Mais le jeune magistrat
était un peu trop imbu de cette idée préconçue,
toujours regrettable chez un juge, que tout
accusé doit être coupable. De plus, la législa-
tion criminelle dft l'époque, fort incomplète,
BAR
BAR
BAR
BAR
28c
laissait un vaste champ à l'arbitraire du juge.
Bartole, a qui manquait l'indulgence que
donnent l'expérience et la longue pratique des
hommes, se fit remarquer par une sévérité que
les plaintes changèrent en dureté. Bientôt il
devint pour le peuple un objet de haine, et,
telle était l'aniinosité qu'il avait fait naître
autour de lui, que, malgré son courage, il dut
chercher son salut dans la retraite. A vingt-six
ans, il se démit de ses fonctions de juge. Mais
un esprit aussi actif et aussi vigoureux que le
sien ne pouvait rester dans l'inaction. Il se
réfugia a Pise, dont l'université l'accueillit
avec enthousiasme. C'était alors le beau temps
de la science du droit; la théologie et le droit
se partageaient tous les esprits éclairés ou
avides de lumières. Son enseignement réu-
nit bientôt autour de sa chaire toute la jeu-
nesse studieuse qui , abandonnant les autres
professeurs, ne voulut recevoir que ses leçons.
Pendant onze ans, Bartole conserva à 1 uni-
versité de Pise cette éminente position. Mais
lajalousiede quelques-uns de ses collègues, et,
il faut le dire aussi, la hauteur de son carac-
tère l'obligèrent à quitter ces fonctions comme
il avait déjà abandonné la magistrature. C'est
alors qu'il se renditàPérouse,où il fut accueilli
avec un empressement digne de sa haute ré-
putation. Peu de temps après, les habitants de
Pérouse, ayant quelques immunités à deman-
der à Charles IV, ne voulurent pas d'autre
ambassadeur auprès de l'empereur que Bar-
tole. Précédé par la gloire qu'il ne devait
qu'à ses travaux, le savant professeur se vit
entouré d'honneurs et de privilèges réservés
k la noblesse. Nommé conseiller privé, il prit
part aux travaux de Charles IV. Ses remar-
quables aptitudes et ses travaux considérables
lui rendirent l'économie politique familière,
non traité du Gouvernement de la tyrannie, qui
Sous est parvenu, et dont il avait puisé les
principes chez Aristote , donne un 'certain
crédit a l'opinion soutenue par quelques his-
toriens, que Bartole fut un des rédacteurs de
la Bulle d'Or, qui est la charte fondamentale
de l'ancienne constitution germanique. La lin
de la vie de Bartole fut consacrée à la ré-
daction des livres qu'il nous a laissés. On
reste en admiration devant une existence si
courte et si complètement consacrée à la
science, car Bartole mourut k Pérouse en
1356. Ses œuvres, souvent réimprimées de-
puis, furent réunies après .sa mort. Certaines
éditions sont complètes, d'autres ne contien-.
nent que quelques traités. Il faut citer : Bar-
toli, a Sasso-J'errato, Opéra omnia, cum addi-
tionibus Ant. de Pralo velere (Venetiis, 1499,
4 vol. in-f°) ; Bartoli , comment, in codicem
(Liigduni, 154", 2 vol. in-f") ; La Tiberiade di
Bartole da Sasso-Ferrato del modo di dividere
l'alluvioni, Visoli et gl' alvei, con l'annotntioni
cd esposilioni di Claudio Tobaldatii dal Mon-
talboddo. In Borna, Mer Cigliotto {1587, in-4»),
« Ce traité, rare et singulier, a dit l'éminent
procureur général Dupin, est fort utile pour
décider du profit des alluvions, etc., entre des
propriétaires de terrains sur des rives oppo-
sées. »
L'influence de Bartole -et de ses livres a
été considérable sur la marche de la science
du droit. Il vint à une époque de régénération,
où , pleins d'ardeur pour cette admirable
science qui lient a toutes les forces vives
d'une nation, qui est, sinon sa vie, au moins
la règle de sa vie, pleins d'enthousiasme pour
ces lois qui, nées au pied du Capitole, avaient
fait le tour do l'Europe, apportant avec elles
la civilisation et le progrès, les adeptes avaient
besoin d'un guide assez érudit pour leur ou-
vrir et leur dévoiler les mystères du passé ;
mais doué aussi d'un esprit droit, assez élevé
pour comprendre et développer ce droit an-
cien qui restait encore le droit nouveau. Ce
qui a fait la supériorité de Bartole, c'est ce
principe civilisateur qu'il professait avec éner-
gie et dont toutes ses œuvres portent l'em-
preinte; c'est que la première base pour les
institutions humaines, le premier guide pour
l'esprit humain, c'est la raison. Aussi son in-
fluence ne se borna-t-elle pas à son siècle. En
Italie, et même dans d'autres contrées, ses
opinions avaient force de loi. Dans le droit
coutumier, dans certaines ordonnances, dans
de nombreuses lois, on retrouve la trace de
cotte influence. Des phrases entières, emprun-
tées à ses œuvres, ont été introduites dans
des textes législatifs. Quel plus bel éloge pour
un jurisconsulte? Les Œuvres de Bariole sont
peu consultées aujourd'hui ; mais il ne faut
voir dans cette indilférence apparente que la
preuve de l'excellence même de ses livres.
Les principes enseignés par Bartole, les vé-
rités énoncées, les opinions émises se retrou-
vent chez tous les auteurs qui sont venus
après lui. Dumoulin, puis Pothîer, puis enfin
nos jurisconsultes contemporains n'ont-ils pas
profité des grandes leçons du professeur de
Pérouse? Dumoulin, que ses travaux avaient
placé lui-même au premier rang des juriscon-
sultes de son temps, appelait Bartole le pre-
mier et le coryphée des interprètes du droit.
Un tel éloge, émanant du sévère Dumoulin,
suffirait à la gloire d'un homme. Il faut con-
sulter sur les Œuvres de Bartole une étude
remarquable de Savigny. (Sayigny, Histoire
du droit romain uu moyen âge, tome II, p. 230
et suiv.)
BARTOLI (Minerve), femme poëte italienne,
née à Urbin au xvie siècle. On ne sait rien de
sa vie, ses vers, qui n'ont ptint été réunis,
se trouvent imprimés dans divers recueils, no-
tamment dans les Egloghe e rime de Fr. Ric-
ciuoli (Urbin, 1594); dans le Poésie d'Ales-
sandro Miari (1591); dans le Parnasso de
Poetici ingegni, de Pajoli (1601), etc.
BARTOLI (Cosme), célèbre littérateur ita-
lien, né à Florence au xvie siècle. Egalement
remarquable par ses connaissances littéraires
et scientifiques, il fut, en 1540, chargé de ré-
diger les règlements de Y académie degli Umidi,
dont il était un des premiers membres. Nommé
résident à Venise par le grand-duc en 1568, il
resta trois ans dans cette ville, et, à son re-
tour, il fut fait prieur de l'église Saint-Jean-
Baptiste. Ce savant homme a laissé de nom-
breux ouvrages, dont les plus estimés sont :
Masilio Ficino sopra l'amore ovvero Convito di
Ptattone, etc. (Florence, 1544), simple édition
du texte de Ficin avec un discours sur la
nouvelle orthographe employée dans l'ou-
vrage; VArc/iitettura di Leon-Batista Alberti
(f550) ; Opuscoli morali di L.-B. Alberti (156S) ;
Manlio Seuerino Boezio, délia consolazione, etc.
(1551); ces trois derniers ouvrages sont des
traductions; Vita di Federigo Barbarossa
(155S); Biscorsi istorici universali (1569), etc.
— Son frère, Georges Bartoli, dont on ignore
à la fois la date de la naissance et de la mort,
fut comme lui membre de l'académie floren-
tine. Il a laissé un traité intitulé : Degli Cle-
menti del parlar toscano (Florence, 1584).
BARTOLI (le P. Erasmo), connu aussi sous
le nom du P. Baimo , traduction vulgaire
A'Erasmo, compositeur de musique religieuse, ■
né à Gaete en 1606, mort en 1656. Il était
prêtre séculier depuis trente ans , lorsqu'il
entra chez les oratoriens de Naples, où il se
livra avec ardeur a la culture de la musique.
Ses œuvres , conservées chez les oratoriens
de Naples, se composent de motets, psaumes,
messes, vêpres, cantates spirituelles, et de
répons pour les principales fêtes de l'année.
BARTOLI (Daniel), savant italien, né à
Ferrare en 1608, mort en 1G85. Il entra dans
l'ordre des jésuites, se livra tour à tour à l'en-
seignement et à la prêdieatr-n, puis s'adonna
entièrement à la composition de divers ou-
vrages, écrits en un style pur et précis, mais
qui n'est pas toujours exempt du faux goût de
1 époque. Le plus important de ces ouvrages
est l'Histoire de la compagnie de Jésus (Rome,
1653-75, 6 vol.), rédigée d'après des documents
originaux et remplie de faits curieux puisés
aux meilleures sources. Ses autres travaux,
dont la partie théologique est médiocrement
estimée, ont été réunis et publiés à Venise
en 1707. L'un d'eux, VUomo di lettere, a été
traduit en français par le P. Livoy.
BARTOLI (Dominique), poste italien, né en
1629 près de Lucques, mort en 1698. Fils d'un
paysan, il fit d'excellentes études à Lucques,
et se distingua autant par l'étendue de ses
connaissances que par les agréments de son
esprit. Il devint l'ami du P. Beverini, qu'il aida
dans sa traduction de VEnéide. Ayant publié,
en 1687 , sous l'anagramme de Nicodemo
Librato, une lettre dans laquelle il signalait les
fautes de langue qu'il avait trouvées dans le
Psalmisla toscano du poète Loreto Mattei,
celui-ci lui répondit en signant de son ana-
gramme Orelto Tametti. Pendant toute une
année, il y eut entre ces deux adversaires
échange de répliques et de contre-répliques.
Mais au lieu do devenir, comme on le voit
trop souvent dans les querelles de ce genre,
ennemis irréconciliables, ils finirent par s'a-
dresser des sonnets remplis d'éloges , de-
vinrent amis, s'envoyèrent leurs portraits et
cimentèrent complètement leur amitié lors-
qu'ils se virent a Rome, où Bartoli fit un
voyage en 1693. On a de lui : YAsta d'Achille
che ferisce per sanare el Psalmista toscano, etc.
(Madère, 1695), recueil de pièces touchant la
controverse dont nous venons de parler; Can-
zoniero (1695) ; Rime viocose giocose (1703).
BARTOLI (Pietro Santi), peintre et graveur
italien, né à Bartola, ou, selon 'd'autres, à
Pérouse en 1635, mort en. 1700. Elève de
P. Le Maire et de Nicolas Poussin, il apprit
de ce dernier à dessiner avec goût les monu-
ments antiques. On ne connaît de lui qu'un
tableau original dans l'église de Porto. Il
excellait à copier les grands maîtres, sachant
contrefaire jusqu'à l'ancienneté des vernis; il
lit des répétitions si exactes des tableaux du
Poussin, de Lanzi, que peu s'en fallut quel-
quefois que l'auteur lui-même n'y fut trompe.
Mais c'est surtout comme graveur que Bartoli
s'est fait connaître. On lui doit plus de mille
pièces exécutées avec beaucoup de talent
d'après les débris d'antiquités trouvées à Rome.
Nous citerons parmi ses recueils de gravures :
Admiranda Romanorum antiquitatum ac vele-
ris sculpturœ vestigia (Rome, 1693, in-fo,
84 pi.) ; Homanœ magniludinis monumenta
(138 pi.); Veteres arcas Augustorum triumphi
insignes (Rome, 1690, in-fo, 40 pi.) ; Gli antichi
sepolcri, ovvero mausolei romani ed etrusc/ti
trovati in Roma (Tombeaux antiques ou mau-
solées romains et étrusques trouvés à Borne
1697, in-f<', uo pi.); Le Pilture anticlie délie
grotte di Borna e del sepolcro de' Nasoni
(Peintures antiques des grottes de Rome et du
tombeau des Nasons, 1700, in-f», 75 pi.) ; Le
anliche lucerne sepolcrati, etc." (Lampes sépul-
crales antiques.. -,'m-fo, uOpl.); Bas-reliefs de
la colonne l'rajane (128 pi.) ; Bas-reliefs de la
colonne Antonine (75 pi.); Nummophilacium
reginœ Christinœ, etc. (Médaillier de la reine
Christine... 03 pi.) ; Muséum Odescalchumt sive
Thésaurus antiquarum gemmarum, etc. (Musée
Odescalchi ou Recueil de pierres gravées anti-
ques faisant partie de la collection de la reine
Christine, 102 pi.). La plupart de ces recueils,
extrêmement précieux pour l'étude de l'art
antique, sont accompagnés de descriptions et
de notes dues au savant Bellori. Le comte de
Caylus a publié, en 1757, un Recueil de pein-
tures antiques, d'après des dessins coloriés faits
par Bartoli, avec les descriptions par P. Ma-
riette. Ces dessins, au nombre de trente-trois,
sont conservés au cabinet des estampes de
Paris. On doit encore à Bartoli plusieurs gra-
vures d'après des peintres modernes, entre
autres 85 planches d'après les peintures, gri-
sailles et arabesques de Raphaël au Vatican ;
Y Histoire de saint Pierre et de saint Paul,
suite de 18 pièces d'après Lanfranc; la Nati-
vité, Saint Charles, Coriolan fléchi par sa
mère, d'après Ann. Carrache; Jupiter fou-
droyant les géants (8 pièces), Jupiter enfant
allaité par la chèvre Amalthée, Hylas enlevé
par les nymphes", la Continence de Scipion,
Histoire de Constantin (12 pièces), Sophonisbe
présentée à Massinissa, d'après Jules Romain ;
la Nativité de la Vierge, d'après l'Albane; la
Prédication de saint Jean, d'après Fr. Mola ;
Daniel dans la fosse aux lions; le Mariage de
la Vierge, d'après le Cortone; lo métamor-
phosée en vache, d'après Pietro Testa, etc.
BARTOLI (Francesco), graveur italien, fils
et élève de Pietro Santi Bartoli-, né vers 1675.
Il a gravé avec son père les planches du re-
cueil intitulé : Le pilture antic/ie délie grotte di
Roma, etc. (V. l'article précédent.)
BARTOLI (Jean-Baptiste), écrivain ecclé-
siastique italien, né à Venise en 1695, mort
vers 1765. Après avoir été successivement
chanoine à Ceneda, professeur de droit canon
à Padouè et évêque de Feltre, il fut nommé
archevêque de Nazîanze et passa le reste de
sa vie à Rome. Ses principaux ouvrages- sur
le droit canon et la théologie sont : De JEqui-
tate (Venise, 1728) et Jnstitutiones juris ca-
nonici (1749).
BARTOLI (Joseph), antiquaire italien, né à
Padoue en 1707, mort en 1788. Il s'adonna
d'abord à la poésie et à la philosophie ; puis,,
pour obéir au désir de son père, il étudia la
jurisprudence, se fit recevoir docteur en 1730
et commença même à exercer la profession
d'avocat; mais le dégoût que lui inspirèrent les
détours de la chicane la lui fit bientôt aban-
donner. Appelé, peu de temps après, à pro-
fesser la physique à l'université de sa ville
natale, il quitta sa chaire au bout de trois ans
pour aller habiter successivement à Bologne,
à Udine et à Turin, où il fut nommé profes-
seur de belles-lettres. Il y reçut le titre d'an-
tic.uaire royal, s'acquit une grande réputation
par ses leçons et ses travaux, voyagea en
France, se lia, à. Paris, avec les savants les
plus distingués et devint membre correspon-
dant de notre Académie des inscriptions. On
lui doit des poésies, des opuscules et des dis-
sertations sur l'archéologie, qui sont remar-
quables par l'étendue autant que par la variété
de l'érudition. Nous citerons : Due disserlazioni
(Vérone, 1745) ; l'une de ces dissertations con-
tient la notice du musée d'insciiptions do Vé-
rone ; Lettere apologeliche sopra alcuni novel-
lieri el giornalisti, etc.
bartoline s. f. (bar-to-li-nc). Bot. Syn.
de tridace.
BARTOLINI, littérateur italien. V. Bartho-
lin (Richard).
BARTOLINI (Lorenzo) , célèbre sculpteur
italien, naquit en 1777 à Saviniana, près de
Prato, en Toscane. Il fut d'abord destiné par
son père, qui était serrurier , a exercer la
même profession; mais, entraîné par sa voca-
tion d'artiste, il alla à Florence, étudia le des-
sin sous la direction d'un peintre français
nommé Desmarets, et entra comme apprenti
dans un atelier où l'on confectionnait clés ob-
jets d'art et d'ornement en albâtre. Devenu
très-habile dans ce genre de travail, il partit
pour Paris, n'ayant guère que vingt ans; il
mena assez longtemps dans cette ville une
existence des plus précaires, mais, après avoir
perfectionné son talent à l'école du sculpteur
Lemot, il prit part aux concours de l'Acadé-
mie des beaux-arts et remporta un second
prix de sculpture pour un bas-relief représen-
tant Cléobis et Biton, qui fut très-admiré, et
que quelques connaisseurs jugèrent même
supérieur à celui qui avait obtenu le premier
prix. A partir de cette époque , Bartolini vit
sa réputation grandir rapidement et obtint
de nombreuses commandes, du gouverne-
ment français. Denonj directeur général des
musées, lui fit confier, entre autres travaux,
l'exécution d'un des bas-reliefs de la colonne
Vendôme et celle d'un buste de Napoléon,
pour l'Institut. L'empereur, qui avait pour lui
une estime toute particulière, le chargea, en
1S0S, d'aller fonder une école de sculpture à
Carrare. Pendant les Cent-Jours , Bartolini
suivit Napoléon à l'île d'Elbe; après la bataille
de Waterloo, il revint à Florence où il se fixa
définitivement et où il exécuta un nombre
considérable d'ouvrages. Sa mort, arrivée le
20 janvier 1850, fut un deuil public pour l'I-
talie. Une foule immense assistait à ses funé-
railles qui furent célébrées avec une pompe
extraordinaire. Les cordons du poêle étaient
tenus par le maestro Rossini, M. Walewski
alors ministre de la République française en
Toscane, le président en exercice et le prési-
dent sortant de l'Académie royale des beaux -
arts de Florence. Bartolini avait été nommé
professeur de cette académie en 1840. Aucun
statuaire moderne, si l'on excepte Canova,
n'a joui A'.vme réputation égale à la sienne;
membre des principales académies de l'Europe,
correspondant de l'Institut, décoré de la Lé-
gion d honneur et de divers ordres étrangers,
il ne cessa d'être accablé de commandes aux-
quelles son excessive fécondité eut peine à
satisfaire. Praticien des plus habiles, il excel-
lait particulièrement à rendre le moelleux, le
poli de la chair, et drapait ses figures avec
grâce. Son mérite, toutefois, a été beaucoup
exagéré par ses compatriotes, qui l'ont pro-
clamé le premier sculpteur du xixo siècle. On
peut lui reprocher d'avoir souvent poussé jus-
qu'à la sécheresse le fini de l'exécution , d'avoir
cherché à dissimuler, sous des contours' gra-
cieux, la vulgarité des attitudes et la mesqui-
nerie du style, et de ne pas avoir su commu-
niquer au marbre cette chaleur d'expression,
cette apparence de vie qui est le triomphe de
la statuaire. Pour tout dire, il ne fit que con-
tinuer la manière gracieuse et un peu effé-
minée de Canova, mais sans avoir l'élévation
de sentiments et la conception poétique de ce
maître. Parmi les nombreux ouvrages que
Florence conserve de Bartolini, on remarque:
la Charité, groupe en marbre, que l'on re-
garde comme son chef-d'œuvre et qui décore
un des salons du palais Pitti; une copie de la
Vénus de Médicis, au palais Martelli ; la sta-
tue de Machiavel, dans l'une des niches du
portique des Offices ; celle d'ArnoIfo di Lapo,
dans la cathédrale ; un buste en marbre blanc
pour le tombeau du professeur Nespoli, dans
l'église de la Santissima-Annunziata; les mau-
solées de la princesse Charlotte Bonaparte,
de la comtesse Zamoyska, de Vittori Fossom--
brini, de l'architecte I.eone-Battista Alberti,
dans l'église de Santa-Croco. Citons encore :
à Milan, une belle statue, la Confiance en Dieu,
que la marquise Trivulzio a fait exécuter en
1 honneur de son mari ; à Lausanne, dans la
cathédrale, le mausolée de lady Stafford-Can-
ning, morte en IS17; en Angleterre, une Bac-
chante, appartenant au duc de Devonshire.
Bartolini a exécuté une foule de bustes, entre
autres ceux de Denon, de Mme Regnaud de
Saint-Jean-d'Angely , de Mm« de Staiil , de
lord Byron, de la marquise Guiccioli, de Met-
ternieh, de Thiers, de Casimir Delavig-ne, de
Crescentini, de Méhul, de Lislz, de Cherubini, '
de Pie IX, etc. 11 a exposé aux salons de Pa-
ris : en 1S34, le buste de Rossini; en 1840, le
modèle en "marbre d'un monument consacré à
la mémoire de M. Nicolas Demidofï; en 184 1,
A min a (nymphe de l'Arno), statue de mar-
bre; en 1845, la Nymphe au scorpion, statue
de marbre. On dit de cet artiste célèbre qu'il
était franc , généreux , enthousiaste de son
art, mais en même temps entêté, violent et
d'une légèreté extrême II était excellent mu-
sicien : à Paris, il fut admis à faire une partie
dans les fameux quatuors de Rode ; à Carrare,
il organisa et dirigea un orchestre qui initia
la population aux beautés de la musique alle-
mande,
BARTOLO di maestro Fredi, peintre italien,
né à Sienne vers 1330, mort dans la même
ville en 1416. Son père, maestro Fredi , était,
au dire de Vasari, un artiste très-estimé en
son temps. Bartolo fut élève des frères Lo-
renzetti. L'église de San-Gimignano a de lui
un tableau-datê de 1356, et l'église Saint-Au-
gustin de la même ville une autre peinture,
d'une exécution supérieure, sur laquelle Vasari
a lu la date de 13SS, et le père délia Valle,
celle de 1358. Un panneau d'autel de l'église
des franciscains de Montalcino est daté de
1382. Quoique son talent ne soit pas de pre-
mier ordret Bartolo parait avoir été très en
crédit à Sienne où il exécuta des travaux con-
sidérables; et où il fut nommé l'un des prieurs
de la République, en 1372, 1381, 1382 et 1401.
Les tableaux portatifs de cet artiste sont ex-
cessivement rares : le musée Napoléon III a
de lui une Présentation au temple, provenant
de la collection Campana. Un amateur anglais
possède une Adoration des rois, exposée à
Manchester en 1S57, composition très-riche en
couleur, avec des chevaux et des chameaux.
Bartolo ne fut pas, comme l'a dit Vasari, le
père du peintre Taddeo dit Bartolo ; mais c'est
de lui que descend la noble famille siennoise des
Bartoli Battilorï. Il parait, d'ailleurs, avoir eu
un fils du nom de Taddeo, qui fut peintre et
que les actes du temps, conservés a Sienne,
nomment : Thaddœus magistri Bartholi ma-
gistri Fredi.
BARTOLO (Taddeo di), peintre italien, né à
Sienne en 1363, mort en 1422. Vasari s'est
trompé en lui donnant pour père le peintre
Bartolo di maestro Fredi ; cette erreur a été
reproduite par la plupart des biographes. Des
documents authentiques prouvent que Bartolo,
le père de Taddeo, exerçait la profession de
barbier. On ne sait pas de qui cet artiste fut l'é-
lève : Lanzi dit qu'il prit d'abord Ambvogio'
Lorenzetti, son compatriote, et qu'il imita
ensuite Giotto. En 1390, il décora la voûte
du vestibule du Palais Public de Sienne
d'une fresque représentant un Christ , en
buste, de proportions colossales, entouré de
cinq têtes de chérubins et des quatre évan-
gélistes. Ces peintures, d'un grand caractère,
existent encore , ainsi qu'un Couronnement -
de la Vierge que Taddeo exécuta peu après
au-dessus de la porte du Campo Santu, a
Pise. En 1391, il peignit, dans l'église de
280
BAR
BAR
BAR
BAR
San-Gimignano, les Apôtres, le Paradis et
Y En fer. Après avoir travaillé quelque temps
à Pérouse et à Padoue, il revint dans sa villa
natale où, selon Vasari, il fut chargé, «comme
étant le meilleur peintre de son temps, » de
décorer la chapelle du Palais Public. Il y
peignit, de 1400 à 1414, divers traits de la Vie
de la Vierge, et, dans une salle contiguë, plu-
sieurs personnages de l'antiquité, en costumes
siennois, accompagnés chacun d'une légende
latine ou italienne : ces figures, dont on vante
l'originalité et la noblesse, ont été imitées par
le Pérugin dans les Stanze de la Bourse de
Pérouse. En 1418; Taddeo exécuta dans la
sacristie de l'oratoire de Saint-Antoine, à Vol-
terre, diverses figures de saints : cet ouvrage
est le dernier qu'on connaisse de lui. Au dire
de Lanzi, les petits tableaux de ce maître va-
lent mieux que ses fresques; ces tableaux
sont très-rares hors de l'Italie : le Louvre
possède un beau retable en trois comparti-
ments, signé Thadeus Bariola de Senii et daté
de 1390; le sujet central représente la Vierge
entourée de chérubins et tenant sur les ge-
noux l'enfant Jésus qui joue avec un moineau;
dans les compartiments latéraux figurent, d'un
côté, saint Gérard et saint Paul, avec un mé-
daillon de saint Grégoire ; de l'autre, saint
André et saint Nicolas de Myre, avec un mé-
daillon de saint Louis, roi de France. Ces
diverses figures sont peintes en détrempe sur
fond d'or.
•BARTOLO {Domenico), peintre italien, né à
Sienne, florissait vers 1446. H fut l'élève de
son oncle Taddeo, dont il perfectionna la ma-
nière. Suivant Lanzi, il s'éloigna plus rapide-
ment qu'aucun de ses contemporains de la
sécheresse de l'ancienne école ; il apporta plus
de correction dans le dessin, plus dé régula-
rité dans la composition et la perspective et
fit preuve d'une variété d'idées inconnue jus-
qu alors. On cite comme son meilleur ouvrage
les_ cinq fresques qui décorent l'infirmerie de
l'hôpital des Pèlerins, à Sienne; elles repré-
sentent la Charité chrétienne envers les ma-
lades, les Mourants et les enfants trouvés;
l'Indulgence accordée à l'hôpital par Célcs-
tin III ; des saints, des patriarches, dos pro-
phètes, Raphaël et le Pinturicchio, en peignant
a Sienne, rirent, dit-on, plusieurs emprunts à
ces ouvrages : ils imitèrent les costumes, et
on ajoute même le noble mouvement des
chevaux peints par Bartolo.
BARTOLOMEO (Fra) ou BARTOI.OMMEO,
célèbre peintre italien (connu encore sous les
noms de Barlolomeo del. Faltorino, Baccio
delta Porta, Fra Barlolomeo di Son-Marco,
et plus particulièrement en Italie sous celui
de II Fraté), naquit à Savignano,à 10 milles
de Florence, en 1469. Son aïeul faisait le
métier de facteur-commissionnaire , d'où le
nom de del Fattorino que reçut son père et
qui lui a été donné quelquefois à lui-même. Le
jeune Baccio (abréviation toscane de Bartolo-
meo) entra à- l'école de Cosimo Roselli, habile
peintre florentin et perfectionna le talent qu'il
acquit sous la direction de ce maître par l'é-
tude des antiques et surtout par celle des
chefs-d'œuvre de Léonard de Vinci. A cette
époque, il se lia intimement avec son con-
disciple Mariotto Albertinelli et exécuta avec
lui, par la suite, un grand nombre de pein-
tures. Devenu maître à. son tour, Baccio éta-
blit son atelier près de la porte de San-Pier-
Gattolini, d'où lui vint le surnom de délia
Porta. Naturellement enclin à la dévotion, il
s'exalta en écoutant les pi'édications de Savo-
narole, fit la connaissance du fougueux domi-
nicain et se laissa si bien endoctriner par lui
qu'un jour, à la suite d'un sermon sur les
mauvais livres et les peintures licencieuses,
il alla chercher ses études faites d'après le
nu et les livra aux flammes d'un feu de joie
allumé, à l'occasion du carnaval, sur la place
publique de Florence. Son exemple fut imité
par Lorenzo di Credi, par Botticelli, et par
plusieurs autres peintres auxquels on donna
le surnom ironique de pleureurs. Plus tard,
lorsque Savonarole, poursuivi par ses enne-
mis, se réfugia dans le couvent de San-Mareo,
Bartolomeo l'y suivit avec environ cinq cents
partisans. On fit le siège du monastère ; il y
eut du sang de versé ; Bartolomeo prit peur,
si l'on en croit Vasari, et fit le vœu, s'il échap-
pait au danger, d'entrer en religion. Il tint sa
promesse, et, le 86 juillet 1500, à l'âge de trente
et un ans, il revêtit l'habit des frères prêcheurs
dans le couvent de Prato d'où il fut envoyé,
quelques mois après, dans celui de San-Mar-
co; a partir de cette époque, on lui donna le
nom de fra Bartolomeo di San-Mareo où sim-
plement de fraie (moine). Il passa quatre ans
entiers sans s'occuper de peinture et ne reprit
les pinceaux qu'à la sollicitation de ses supé-
rieurs et de ses amis. Il était rentré depuis
peu de temps dans la carrière artistique, lors-
que Raphaël, qui n'était encore qu'un jeune
homme (1504), mais qui avait déjà peint son
fameux Sposalizio, arriva a Florence. Les
deux artistes se lièrent promptement d'une
étroite amitié; ils travaillèrent ensemble et
se perfectionnèrent mutuellement ; fra Barto-
lomeo donna à Raphaël d'utileS leçons sur
l'emploi des couleurs et Raphaël enseigna a
Bartolomeo les règles de la perspective. Lo
frate, que ses supérieurs avaient dispensé de
suivre les offices, exécuta un très-grand nom-
bre de peintures, soit à l'huile, soit à fresque,
pour les couvents de son ordre. En 1508, il fit
un voyage à Venise et fut chargé par les do-
minteains de Murano de peindre un tableau
pour leur église, mais il ne l'exécufa qu'après
être revenu à Florence. En Î509, il s associa
de nouveau avec Albertinelli et travailla avec
lui pendant près de trois ans. En 1512, il se
rendit h Rome, désireux de revoir son ami
Raphaël qui était alors dans tout l'éclat de
sa renommée : les peintures de ce dernier au
Vatican et les premières fresques de la cha-
pelle Sixtine exécutées par Michel-Ange pro-
duisirent une telle impression sur lui qu'il
Conçut une défiance profonde de son propre
talent. En vain Raphaël le pressa de rester
avec lui; en vain il lui offrit une part dans
ses travaux : le modeste artiste revint à Flo-
rence, après un assez court séjour h Rome,
laissant inachevée une figure de saint Pierre
que Raphaël ne dédaigna pas de terminer:
Les chefs-d'œuvre qui T'avaient si fort émer-
veillé ne furent pas sans influence sur son
style. Pour répondre aux envieux qui lui
avaient reproché d'être incapable de peindre
des figures de grandes proportions, il exécuta
un saint Marc colossal, dont le visage a une
expression sublime et presque terrible de
force, de puissance, d'inspiration, véritable
chef-d'œuvre, qui rappelle la manière gran-
diose de Michel-Ange. Les critiques l'avaient
accusé aussi de ne pas savoir peindre le nu :
afin de leur prouver qu'il n'ignorait aucune
partie de son art, il peignit un saint Sébastien
absolument nu, d'un coloris et d'un dessin si
parfaits, d'une beauté si suave, que tous les
artistes s'accordèrent à le louer. Mais les
religieux de San-Mareo, dit Vasari, ayant ap-
pris dans leurs confessionnaux que cette trop
séduisante imitation de la nature, était parti-
culièrement appréciée des dévotes, retirèrent
le tableau de l'église et le placèrent dans la
salle de leur chapitre. Quelques années après,
ce chef-d'œuvre fut acheté par Gio-Battista
délia Pala, qui l'envoya à François I". L'assi-
duité excessive que fra Bartolomeo apportait
au travail et l'habitude qu'il avait de peindre
en laissant la fenêtre de son atelier ouverte
déterminèrent chez lui une paralysie des plus
alarmantes. Envoyé par les médecins aux
bains de San-Filippo, près de Radieafone, il y
tomba plus dangereusement malade encore,
des suites d'une indigestion de figues, et revint
mourir à Florence, le 9 octobre 15 17, à l'âge de
quarante-huit ans. Fra Bartolomeo est un des
plus brillants génies qu'ait produits l'école ita-
lienne : tous les historiens de cette école, tous
les connaisseurs ont fait à l'envi son éloge. « Il
donna tant de charme à ses figures par son
coloris et inventa tant de choses nouvelles,
dit Vasari, qu'il mérite d'être compté parmi
les bienfaiteurs de l'art. «Suivant Lanzi, « il
sut être grand dans toutes les parties de la
peinture, lorsqu'il voulut en prendre la peine :
son dessin est très-châtié, et quelquefois même
ses têtes, lorsqu'elles sont jeunes, semblent
plus arrondies que celles de Raphaël, et d'une
carnation préférable. Il le cède à peine aux
meilleurs peintres lombards pour l'empâte-
ment et pour la transparence des couleurs, s
Le comte Algarotti place fra Bartolomeo au-
dessus de Michel-Ange, parmi les peintres
florentins ; l'abbé Lastri l'égale presque à An-
dréa del Sarto ; Richardson ne craint pas de
dire que, s'il eût eu l'imagination heureuse de
Raphaël, il ne serait point resté au-dessous
de lui. La vérité est, comme l'a fait remar-
quer M. Jeanron, que le Fraie réunissait dans
ses œuvres toutes les conditions du grand art
italien : ■ Il s'est montré expressif comme
Léonard de Vinci, gracieux comme Raphaël
et Andréa del Sarto, imposant comme Michel-
Ange, savant, enfin, et inspiré de la science
de tous ces maîtres, mais sans servilité, sans
efforts, sans affectation et sans écarts. » In-
venteur des mannequins à ressorts qui per-
mettent d'étudier à loisir les plis des drape-
ries, fra Bartolomeo fut, de tous les peintres
de son temps, celui qui sut former ces plis
avec le plus de vérité, de richesse et de grâce,
et, pour tout dire, de la manière la plus con-
forme aux mouvements du corps. Il se distin-
gua aussi par son entente do la perspective et
par le bon goût de son architecture. Il a re-
présenté souvent la Vierge avec l'enfant Jé-
sus, assise sur un trône et entourée de saints;
dans les compositions de ce genre, il aimait a
grouper les saints sur des escaliers d'une or-
donnance majestueuse, au pied delaMadone,
dont de jolis anges relèvent le manteau, tandis
que d'autres soutiennent, au-dessus'de sa tête,
un riche pavillon ou baldaquin. Rien de plus
savant d'ailleurs que la distribution des ta-
bleaux du Frate : on y retrouve la symétrie et
parfois même la froide monotonie des œuvres
cle l'ancienne école. C'est avoir fait suffisam-
ment l'éloge de son coloris que d'avoir montré
Raphaël recevant de lui des leçons sur cette
partie de l'art. Si quelques-uns de ses tableaux
ont noirci avec; le temps, il faut sans doute
l'attribuer à l'emploi qu'il fit, suivant Vasari,
du noir d'imprimeur et du noir d'ivoire brûlé
pour les ombres; il abandonna peu à peu cette
méthode et s'éleva, dans ses derniers ouvra-
ges, à la solidité de couleur du Titien. Parmi
les nombreuses peintures du Frate que pos-
sède Florence, nous citerons : au musée des
Offices, Job, Isaxe, le Père éternel, la Vierge
et l'Enfant Jésus, la Présentation et la Acti-
vité (deux petits tableaux réunis en forme de
diptyque, avec l'Annonciation, peinte en gri-
saille sur le revers) , la Vierge avec l'En-
fant, assise sur un trône et entourée de saints,
œuvre capitale que l'artiste ne put achever
avant de mourir ; au palais Pitti, une Descente
de croix, le fameux Saint Marc dont nous
avons parlé , Jésus-Christ apparaissant aux i
évangélistes, une Madone entourée de saints, i
une Sainte Famille et un Ecce Homo (fres- i
que) ; au couvent de San-Mareo, un Christ en
croix entouré de saints, une Madone, etc.; à
l'hôpital de Santa-Maria-Nuova, un Jugement
dernier, magnifique fresque commencée par
le Frate, achevé par Albertinelli, et qui est
malheureusement très-endommagée; dans l'é-
glise de l'hôpital de Saint-Boniface, Sainte
Brigitte donnant la constitution de son ordre;
dans la galerie de l'Académie des beaux-arts,
l'Apparition de la Vierge à saint Bernard, la
Vierge et l'Enfant avec sainte Catherine et
plusieurs saints, le Christ au tombeau, tableau
peint sur le dessin de fra Bartolomeo par son
élève fra Paolino da Pistqja, deux fresques
représentant la Vierge avec l'Enfant, plusieurs
portraits de saints dominicains, etc.; au palais
Panciatichi, une Vierge dite délia Stella (il
l'étoile) ; au palais Strozzi, une Sainte Famille,
etc. Les ouvrages les plus remarquables de
fra Bartolomeo, dans les autres villes de l'Italie
et à l'étranger, sont: à Prato, dans l'église, une
Madone; à Pistoja, dans le couvent des domi-
nicains, une belle Cène; à Rome, la Présenta-
lion au Temple, au Capitule; une Sainte
Famille, au palais Doria; le Mariage de sainte
Catherine , au palais Braschi ; une figure de
Saint Paul et le Saint Pierre terminé par
Raphaël, au Quirinal; à Naples, une magni-
fique Assomption , au musée degli Studj ; a
Gènes, une Madone, au palais Vivaldi-Pas-
'qua; à Paris, la Salutation angélique et une
Vierge avec l'Enfant Jésus , sainte Catherine
et plusieurs saints, au Louvre ; à, Besançon,
une Madone entourée de saints, dans la cathé-
drale; au musée du Belvédère, à Vienne, une
Présentation au Temple; à la Pinacothèque cle
Munich, une Sainte Famille et une Madone;
au musée de Berlin, une Assomption, peinte
en collaboration avec Mariotto Albertinelli ;
en Angleterre, dans la collection du comte do
Cowper, une Sainte Famille, etc.
BARTOLOMEO DI GENTILE DA URDINO
(Barthélémy, fils ou élève de Gentile d'Urbin),
peintre italien, florissait vers la fin du xv<= siècle
et au commencement du xvic. Le Louvre a
de lui un tableau, signé et daté de 1497, re-
présentant la Vierge avec l'Enfant Jésus, as-
sise sur un trône cintré et incrusté de marbre
précieux. Lanzi dit avoir vu cette peinture
au couvent de Saint-Augustin, à Pesa.ro, et il
cite un autre tableau du même artiste, daté
de 150S.
BARTOLOMMEI (Jérôme), poëte italien, né
à Florence en 1584, mort en 16G2. Il devint
membre de l'académie de la Crusca, de l'a-
cadémie Florentine, et vécut h Rome sous le
pontificat d'Urbin VIII, qui lui fit une pension.
On a de lui dix tragédies publiées à Florence
en 1655; V America (1650), poëme héroïque
dontAmericVespuceestle héros ; Drammimu-
sicati morali (1S56) , au nombre de quatorze ;
Dialoghi sacri musicali, etc. (1657) ; enfin, une
sorte de poétique du théâtre, considéré comme
ayant pour objet de réformer les mœurs, et
intitulée Didascalia , cioè dottrina comica
(1653). — Son fils, Mathias-SIarieBARTOLOMMKi,
né à Florence en 1640, mort en 1605, se livra
comme lui h l'art théâtral. Il joua tout jeune
des comédies sur le théâtre du cardinal Léo-
pold de Toscane avec d'autres jeunes gens de
famille noble, composa quelques pièces pour
ces représentations , et s'attira les bonnes
grâces du grand-duc Cosmo III, qui le nomma
gentilhomme de sa chambre et le chargea de
se rendre en France pour y faire part au roi
de son avènement. Les académies Florentine
et de la Crusca le comptèrent au nombre de
leurs membres. On a de lui six comédies en
vers et en prose : Amorc opéra a easo (1068);
La Sofferenza vince Forttina (1G69); Le Gélose
cautele (1GC9) ; Il Finto mareficse (1670); La
Prudenza vince Amore (1682); Trallenimento
scenico (1697). Toutes ces pièces ont été pu-
bliées séparément. C'est à Bartolommei qu'on
doit la publication du charmant poëme villa-
geois de Baldovini, intitulé Lamento di Cecco
da Varlungo.
BARTOLOZZ1 (Francesco), l'un des plus cé-
lèbres graveurs du xvmo siècle, naquit à Flo-
rence, en 1730. Il apprit le dessin dans cette
ville sous la direction d'Ignace Hugford et do
D. Ferretti, et se rendit ensuite à Venise où il
prit des leçons de Joseph Wagner, graveur
habile, qu'il ne tarda pas à surpasser. De Ve-
nise il alla à Milan où il travailla pendant
quelque temps ; puis il passa en Angleterre,
en 1704, se fixa dans le voisinage de Londres
et exécuta un nombre considérable de plan-
ches à l'eau-forte, au burin et au pointillé
pour les éditeurs de cette ville, particulière-
ment pour John Boydell. La pureté de son
dessin, la finesse et la suavité de son exécu-
tion, firent rechercher ses œuvres par tous les
amateurs de l'Europe. Il conserva ses qualités
jusque dans sa plus grande vieillesse. En 1806,
à l'âge de soixante-seize ans, il se rendit en
Portugal, sur l'invitation du roi , y travailla
avec la même ardeur et le même succès, et
mourut à Lisbonne en 1813. Il peignait aussi
en miniature et au pastel, et se montra égale-
ment habile dans ces deux genres. Son œuvre
gravé se compose d'environ sept cents pièces
parmi lesquelles nous citerons : la Vierge à la
chaise, \a.Vierge aux poissons, d'après Raphaël j
le Jugement de Salomon, d'après Paul Véro-
nèse; Tobie conduit par l'ange, d'après Carie
Maratte ; la Sainte Famille, la Circoncision ,
Saint François dans le désert, et 55 fac-similé
de dessins, d'après le Guerchin; le Massacre
des Innocents, Saint François en extase, Jupiter
cl Europe, Ecce Homo, d'après le Guide; la
Sainte Famille, Bacchtts et Ariane, Narcisse,
Atalanle et Uippomènc , d'après Benedetio
I.uti; Rebecca cachant les idoles de son frère,
Céphale et l'Aurore, Sacrifice à Diane, Loo-
coon et ses enfants, d'après ie Cortone ; le Si-
lence, des têtes de moines, d'adolescents, d'a-
près An. Carrache ; Abraham traitant les trois
anges, X Echelle de Jacob, d'après Louis Car-
rache ; la Femme adultère, la Naissance de la
Vierge, la Naissance de Pyrrhus, Clytie, d'a-
près Aug. Carrache; Saint Luc peignant la
Vierge, d'après Simone Cantarini ; des hommes
nus, une tête de Vierge, des tètes de vieil-
lards, de jeunes femmes, d'après Léonard de
Vinci ; les peintures de la Crotta Ferrata, suito
de 13 planches, d'après le Dominiquin; la Ma-
donna del Sacco, d'après Andréa de! Sarto ;
Vénus, Cupidon et un satyre, d'après I.uca
Giordano ; Prométhce, d'après Michel-Ange;
Prométhée , d'après Luca Gambiaso ; deux
Bacchanales d'enfants, d'après Franceschini;
le Sacrifice de Noé, le Départ de Jacob, le Dé-
tour de Jacob, Tobie enterrant ses frères, YA-
dorotion des bergers, la Fuite en Egypte, le
Bepos de la sainte Famille, la liésurrection
de /^«.ïare, etc., d'après BenedettoCastiglione ;
le- Testament d'Eudamidas, Buines antiques,
d'après Nicolas Poussin; Sainte Cécile, Ju-
piter et Junon, Neptune et Amphitrite , le
Triomphe de Vénus, Vulcain et Vénus, Apollon
et l'Amour, Sacrifice à Cupidon, le Jugement
de Paris, Nymphes au bain, Achille et Chry-
sèis, la Mort de Didon, Héloïse et Abailnrd,
Ariane, Niobé, Sapho, le Plaisir, la Prudence,
l'Histoire , la Musique , une foule d'autres
sujets mythologiques ou allégoriques , des
vignettes pour YOrlando furioso, pour les Mé-
moires de Th. Hollis, etc., d'après Gio-Bat-
tista Cipriani ; \a.lialigion, la Toilette deVènus,
les Saisons, Pénélope, Hébè, Antiope, Télè-
maque et Mentor, Benaud et Armide , Tan-
crede et Clorinde, Socrale dans sa prhon, et
divers sujets historiques , mythologiques ou
allégoriques, d'après Angelica Kauffmann; la
Mort de lord Clwlam , d'après Copley ; la
Mort de Coolc, d'après J. Webber; des pay-
sages historiques, d'après le Guaspre, P. Pâ-
te!, F. Zuccharelli; le Cortone, Paul Brill,
le Dominiquin; environ 70 portraits d'après
J. Reynolds, Th. Lawrence, Gainsborough,
Copley, R. Cosway, G. Romney, W. Hamil-
ton, Nat. Hone, Rosalba Carriera, Northcotc,
P. Violet, J. Smart, James Nixon, Corn. Jans-
sen, Hans Holbein, P. Lely, etc. Bartolozzi a
gravé, en outre, des planches pour plusieurs
ouvrages, notamment pour les Buines du pa-
lais de Dioclétien à Spalatra , par R. Adam
(1764, in-fol.),et il a collaboré activement à
la publication de Bracci intitulée : Memorie
degli antichi incisari, etc. (2 vol. in-fol., 1784).
BARTOLUCCI (Vincent), jurisconsulte ita-
lien, né à Rome en 1753, mort en 1828. Doué
d'une vive intelligence et élevé par une mère
qui lui inspira le goût de l'étude, il apprit le
droit à l'université de la Sapienza à Rome, et
se signala bientôt comme un des premiers
avocats de cette ville. Nommé par Pie VI
avocat fiscal consistorial, il remplit cette im-
portante fonction jusqu'à l'époque de la réu-
nion des Etats romains à l'empire français.
Napoléon l'appela alors au poste de premier
président de la cour impériale de Rome , puis
il le fit entrer, en jsil, au conseil d'Etat sié-
geant à Paris, et lui donna le titre de comte.
Après la chute de l'empire, Bartolucci retourna
à Rome, où on lui rendit son ancien poste
d'avocat fiscal. Ce fut lui qui rédigea le bref par
lequel le pape rendit aux séculiers le droit do
devenir membres de la magistrature dans les
Légations, et qui s'efforça d'amoindrir les
vices de la procédure romaine, en diminuant
un peu le nombre dos tribunaux d'exception,
qui ne s'élevaient pas alors a moins de vingt-
quatre.
BARTON (Elisabeth), plus connue sous lo
nom de la Nonne ou de la Sainte de Kent,
visionnaire anglaise, née dans le comté do
Kent vers 1500, morte en 1534. Elle était ser-
vante dans la paroisse d'Abd'mgton, lorsque,
atteinte d'hystérie et, par suite, de convulsions
fréquentes, elle tira parti de ce misérable état
pour se dire inspirée et sujette à des extases
prophétiques. Un fait des plus simples, em-
oelli et propagé par l'imbécile crédulité des
masses, établit sa réputation de visionnaire.
Veillant l'enfant de son maître alors à l'agonie,
elle eut une crise, à la suite de laquelle
elle annonça d'un ton de sibylle que l'enfant
allait mourir. Au même moment, l'eûfantrendit
le dernier soupir. U n'en fallut pas davantage
pour la transformer en prophétesse. Le curé
de la paroisse, nommé Masters, s'empressa
de saisir l'occasion qui s'offrait à lui pour
exploiter cette espèce de miracle en faveur de
la religion. Il chercha à persuader à Elisa-
beth qu'elle était -vraiment inspirée; puis, ses
convulsions ayant cessé, il la poussa à les con-
trefaire, et lui fit apprendre des éluciibrations
en vers et en prose, composées par lui et par
quelques moines, qu'elle répétait à la suite de
prétendues extases, et que Masters recueillait
alors publiquement comme des inspirations
du Saint-Esprit. Quelque grossière que fût
l'imposture, elle n'en eut pas moins le plus
grand succès. Non -seulement, comme tou-
jours, la multitude s'y laissa prendre, mais
encore les personnages les plus distingués du
BAR
BAR
BAR
BAR
287
temps. Henri VIII, ayant entendu parier des
extases d'Elisabeth, en entretint son chance-
lier Morus, qui, d'abord incrédule, finit pai
croire à l'inspiration de l'ancienne servante,
laquelle s'était retirée dans le couvent du
Saint-Sépulcre, à Cantorbéry. Le chancelier,
après une longue conférence avec Elisabeth,
lînit par faire partager sa crédulité au célèbre
évêque Fisher, son ami. Plusieurs ecclésiasti-
ques furent chargés de l'examiner, et tous
s'empressèrent naturellement de professer les
mêmes idées que le curé Masters. Selon toute
probabilité, elle fût morte en paix et en odeur
de sainteté dans son couvent, si, au moment
où l'affaire du divorce de Henri VIII com-
mençait à alarmer l'Eglise romaine, l'inspi-
teur de ses prophéties n'avait eu la ma-
lencontreuse idée de lui faire annoncer que,
si Henri VIII épousait Anne de Boulen du
vivant de Catherine d'Aragon, il perdrait
sa couronne et mourrait un mois après son
mariage. La prédiction ne s'accomplit pas ;
mais on n'en répandit pas moins le bruit
qu'aux, yeux de Dieu Henri n'était plus roi
depuis qu'il était hérétique, et le parti catho-
lique se fit partout l'écho de ces rumeurs, afin
d'appeler le peuple à la révolte. Le chapelain
de Catherine d'Aragon, Thomas Abel, entra
dans cette espèce de conspiration, à laquelle
prirent également part les ambassadeurs du
pape. Il n'en fallait pas tant pour provoquer
l'irritation du terrible Henri VIII. Arrêtée en
1533, avec plusieurs de ses complices, Elisa-
beth fut traduite avec eux devant la chambre
étoilée et soumise à la question. Le parlement
la condamna, avec six de ses complices, au
nombre desquels étaient Masters et le docteur
Bûcking, amant de l'illuminée, à avoir la tête
tranchée, ce qui eut lieu en 1534 . Avant de mou-
rir, Elisabeth reconnut la justice de cet arrêt;
mais, d'après Lingard, tout en confessant sa
faute, elle déclara qu'elle était une pauvre
femrne ignorante, victime de sa propre cré-
dulité et encouragée dans son illusion par des
prêtres lettrés, entre les mains desquels elle
avait été un pur instrument. Thomas Abel et
Fisher, qui avaient été compris dans le procès,
furent condamnés à la prison et à la confisca-
tion de leurs biens. Quant à Thomas Morus,
les rapports qu'il avait eus avec Elisabeth
devinrent bientôt après une des causes qui
amenèrent sa fin tragique.
BARTON (Benjamin -Smith), médecin et
naturaliste américain, né à Luncastre (Pen-
s^lvanie) en 1766, mort en 1815. Envoyé en
Europe pour y apprendre la médecine, il étudia
à Edimbourg et à Gœttingue. De retour en
Amérique, il fut successivement appelé à pro-
fesser a Philadelphie l'histoire naturelle et la
médecine; puis il remplaça, en 1790, le doc-
teur Rush comme professeur des instituts de
médecine. Il est le premier savant des Etats-
Unis qui se soit occupé d une façon sérieuse
de la botanique, et qui ait fait tous ses efforts
pour en propager 1 étude. Atteint d'une hé-
moptysie, il se "rendit en France et en Angle-
terre, espérant trouver la guérison dans un
changement de climat; mais son espoir fut
déçu, et il mourut peu de temps après son
retour en Amérique. Nous citerons parmi
ses ouvrages, tous écrits en anglais : Essai
d'une matière médicale pour les Etats-Unis
(1798); Nouveaux aperçus sur l'origine des
tribus et des nations de l'Amérique (179S);
Fragments de l'histoire naturelle de la Pe/i-
sylvanie (1799) ; Notes relatives à quelques
antiquités américaines (1796); Eléments de
botanique, ou Esquisse de l'histoire naturelle
des végétaux (1804, 2 vol.).
BARTON (Bernard), poëte anglais, connu
sous le nom du Poète quaker, parce qu'il ap-
partenait à cette secte; né en 1784, mort
en 1840. Il était commis de banque à Wood-
bridge , où s'écoula son existence , lorsqu'il
publia, en 1S12, son premier volume de vers,
intitulé : Metrical effusions. Bien que ces
poésies fussent loin de révéler un grand génie
poétique, elles firent néanmoins la réputation
de leur auteur surtout parce que jusqu'alors
on avait considéré la secte des quakers comme
radicalement hostile aux lettres et aux arts.
Barton fut bientôt en relation épistolaire avec
les hommes les plus distingués de son temps, et
il continua à produire des poésies, qui manquent
souvent de correction, mais qui sont écrites
avec facilité, et empreintes de ce charme que
donne le sentiment profond et vrai de la na-
ture. Ses principaux ouvrages sont : Poems
(l820h Other Poems (1822) ; Poetics Vit/ils
(1824); Dévotion verses (1826) ; A Widow's taie
and other Poems (1828) ; The Reliquary (1836) ;
Household verses (1845), etc.
BARTON, général américain, né a Frede-
ricksburg (Virginie) en 1829, sorti de l'école
militaire de Westpoint en 1849, pour entrer
comme sous-lieutenant dans le 3e régiment
d'infanterie. Promu capitaine en 1857, il donna
sa démission en juin 1861, et embrassa la cause
confédérée. Il reçut, dans l'armée du Sud, le
grade de colonel, et servit d'abord, sous le
général Bragg, dans le Tennessee. Envoyé,
avec la division du général Stevenson, au se-
cours de la place forte de Wicksburg, mena-
cée par le général unioniste Sherman, il arriva
assez à temps pour participer à la- bataille
dans laquelle Sherman, si heureux depuis, fut
complètement battu. Il resta à Wicksburg-,
contribua énergiquement à la défense de la
place, attaquée par le général Grant, et de-
meura prisonnier lors de la capitulation. Après
l'échange, il fut nommé brigadier général, et
servit jusqu'à la fin des hostilités, en Virginie,
dans le corps d'armée du général Longstreet.
BABTONIE s. f. (bar-to-nî — de Barton,
botan. américain). Bot. Genre de plantes de
la famille des loasées, comprenant deux es-
pèces, qui croissent dans l'Amérique du Nord :
La bartonie dorée aime les teires légères.
(Vilmorin.) u On l'appelle aussi barton. Syn.
de centaurelle»
— Encycl. Le genre bartonie, dédié au bo-
taniste Barton, de Philadelphie, appartient à
la famille dés loasées. On en connaît deux
espèces, l'une annuelle, l'autre vivace, qui
croissent dans l'Amérique du Nord. Ces plantes
sont hérissées de poils roides et urticants. I.a
bartonie dorée, originaire de la Californie, e.-.t
cultivée dans nos jardins. C'est une plante
annuelle, dont les grandes fleurs présentent
cinq pétales d'un beau jaune d'or, jaune orangé
à la base, comme vernissés, et de longues
étamines de même couleur, réunies en élégant
faisceau. Ces fleurs s'épanouissent en juillet
et août. La bartonie dorée n'aime que les
terres légères, exposées.au midi.
BARTONIOÏDE adj. (bar-to-ni-o-i-de — •
de bartonie, et du gr. eidos, aspect). Bot.
Qui ressemble à la bartonie : L'eucnide bar-
tonioïde, comme la. plupart des loasées, ré-
clame un sol léger et sec. (Vilmorin.)
BARTON-ON-HUMBER, ville d'Angleterre,
'comté et à 50 kil. N. de Lincoln, sur la rive
droite de l'Humber. Fabriques importantes de
briques, tuiles, cordes-et toiles à voile; grand
commerce de grains et de bétail; 3,500 hab.
BARTON -UPER-IRWELL, ville d'Angle-
terre, comté de Lancastre, à 10 kil. O. de
Manchester, sur l'Irwell; 9,000 hab. Houille,
blanchisseries ; aux environs, bel aqueduc sur
l'Irwell.
BARTRAM (Jean), célèbre naturaliste amé-
ricain, né en Pensylvanie enl699,morten 1777.'
Poussé par son goût pour les voyages et pour
le spectacle des grandes beautés de la nature,
il fit de longues excursions dans diverses ré-
gions encore inconnues et couvertes de forêts
vierges, de l'Amérique du Nord, visita l'Onon-
dago, le lac Ontario , l'Oswego, en 1743, par-
courut les bords de la rivière Saint- Jean, en
17G5 et 1766, etc. , et publia les résultats de
ces voyages, sous le titre de : Observations on
the Inhabitants, Climate , Soil, Productions,
Animais, etc. (Londres, 1751). On trouve un
extrait de son journal de voyage en Floride
dans la Description of the Last-Florida, de
Guill. Sork. — Son fils, Guillaume Bartram,
mort en 1800, partagea sa passion pour les
voyages. Il reçut le titre de botaniste du roi
d'Angleterre, visita la Caroline, la Géorgie, la
Floride, le pays des Chiroquois, des Chac-
tas, etc. , recueillit d'intéressantes observa-
tions , tant sur les peuplades que sur les
productions de ces contrées , et se fixa à De-
laware, où il se livra, pour les répandre dans
le commerce, à la culture des plantes rares et
utiles. On a de lui , en anglais : Voyages à
travers la Caroline du Nord et du Sud, la
Géorgie, etc. (1791, trad. en franc, par P.-V.
Benoist, 1799, 2 vol.).
BARTRAMIE s. f. (bar-tra-mî — de Bar-
tram, nom d'un naturaliste américain). Bot.
Genre de mousses vivaces, qui forment des
gazons touffus sur la terre et les rochers
humides.
— Ornith. Division du genre chevalier.
BARTRAMIE, ÉE adj. (bar-tra-mi-é — rad.
bartramie). Bot. Qui ressemble à la bartramie.
— s. f. pi. Tribu de mousses, ayant pour
type le genre bartramie.
bARTramioïde adj. (bar-tra-mi-o-i-de
— de bartramie, et du gr. eidos, aspect). Bot.
Qui ressemble à la bartramie.
— S. f. pi. Syn. de bartramiées.
BARTSCH (Jean), médecin hollandais, mort
en 1735. Ayant connu le célèbre Linné, alors
en Hollande, il se lia avec lui d'une étroite
amitié, développa au contact de cet illustre sa-
vant son goût pour les sciences naturelles, et
fut nommé, sur la proposition de ce dernier,
médecin de la Compagnie hollandaise à Suri-
nam. Bartsch, qui avait accepté ce poste avec
joie, setrouva,enarrivantà laGuyane,en butte
a des vexations et à des tracasseries de la part
du gouverneur, et fut emporté en moins de six
mois par l'insalubrité du climat. On a de lui une
intéressante dissertation , intitulée De Calore
corporis humani hydraulico (Leyde, 1737).
Linné a écrit sur ce savant une touchante
notice, et donné le nom de bartsie à un genre
de plantes.
BARTSCH ( Johann - Gottfried ) , graveur
allemand, né a Schweidnitz en Silésie, tra-
vaillait à Berlin vers la fin du xvno siècle. U
a gravé au burin, d'après les tableaux du
musée de cette ville et de la galerie de Sans-
Souci, une centaine de pièces, parmi lesquelles
nous citerons : l'Annonciation , d'après Paul
Véronèse ; un Christ ; Cupidon aiguisant ses
flèches, et divers portraits, d'après Le Titien ;
un Ecce Homo, d'après le Caravage; Saint
Sébastien, d'après le Guide; Saint Pierre,
d'après le Guerchin; la Vierge et l'enfant
Jésus entourés de saints, d'après Van Dyck;
Sainte Catherine , d'après Palma le Vieux;
Méléagre et Atalante , d'après Rubens: la
Naissance d'Adonis, d'après Séb. Bourdon;
Vénus et Cupidon, d après Gov. Flinck; les
'Trois Parques, d'après Michel-Ange; plu-
sieurs portraits; seize Vues de Potsdam, etc.
C'est par erreur que Basan et Gori ont fait
naître cet artiste en Angleterre.
BARTSCH (Adam von), écrivain, dessina-
teuretgraveurautrichien,néàVienneen 1757,
mort dans la même ville en 1320 ou 1SÎ1. U
était premier garde de la Bibliothèque impé-
riale et membre de l'Académie des beaux-arts
de Vienne. Il a publié plusieurs ouvrages très-
estimés, relatifs à l'art de la gravure ; le plus
important est le Peintre Graveur (21 vol. jn-8°,
Vienne, 1803-1821), catalogue raisonné de
l'œuvre de la plupart des graveurs antérieurs
au xix" siècle. Ce recueil, pour lequel Bartsch
a fait plus d'un emprunt à notre savant Ma-
riette, est devenu en quelque sorte le vade-
mecum des amateurs d'estampes, et il est cité
constamment par les écrivains qui s'occupent
de la même matière. D'ordinaire, pour rap-
peler que telle ou telle estampe a été décrite
par Bartsch, on se borne à placer entre pa-
renthèses, à la suite de la composition, l'ini-
tiale B, suivie du numéro sous lequel cette
estampe se trouve rangée dans le Peintre
Graveur. Bartsch a gravé lui-même, à l'eau-
forte et au burin, plus de 500 pièces, parmi
lesquelles nous citerons plusieurs Madones,
d'après Raphaël, P. Véronèse, le Guerchin,
Louis Carrache, An. Carrache, Murillo, le
Parmesan, le Baroche; le Massacre des Inno-
cents, d'après Pierino del Vaga; la Résurrec-
tion, Apollon et les Muses, d'après Jules
Romain; V Assomption , d'après N. Poussin;
Jésus au jardin des Oliviers; la Résurrection
du fils de Naïm, d'après Carie Maratte; le
Martyre de saint Etienne, d'après Raphaël ;
la Présentation au temple, la Mise au tombeau ,
le Baptême de l'Eunuque, d'après Dietrich ; le
llepos en Egypte , d'après van Eckhout ; le
Triomphe de la religion , le Père Eternel
d'après R. Lafage ; le Martyre de saint André,
d'après G. Courtois; les Funérailles de Decius
Mus, Borne triompluinle , d'après Rubens;
divers sujets mythologiques, d'après l'antique ;
de nombreuses études à' Animaux , d'après
H. Roos, A. van deVelde, P. Potter, Ber-
ghem, van B]oemen, Ph. Wouwernian, Cara-
phuysen, J.-B. "Weenix, Rugendas, L. Pfoor,
A. Cuyp, W. Romey', Van der Meer le
Jeune, etc.; des fac-similé de dessins de
Rembrandt, de R. Lafage; le Concert, d'après
Mieris; le Départ de la sorcière, la Joie de la
cave, d'après Corn. Visseher; la Fille de
chambre, d'après Kinninger; des paysages,
d'après Brand, Dietrich, Molitor; enfin, divers
portraits, dont quelques-uns de peintres et de
graveurs.
BARTSCHIE s. f. (bar-tchî — de Bartsch,
nom d'homme). Bot. Division du genre
bartsio,
BARTSIE s. f. ( bar-tsî — de Bartsch, nom
d'homme). Bot. Genre de plantes de la famille
des personées, qui comprend deux ou trois
espèces herbacées, vivaces, se rapprochant
des rhinanthes ou cocrètes.
baruce s. f. (ba-ru-se). Bot. Fruit du
sablier (Aura crépitons).
BARUCH (mot hébreu qui signifie béni).
L'un des douze petits prophètes, disciple de
Jérémie, qui lui dictait ses prophéties, pour
qu'il en fît une lecture publique dans le
temple en présence du peuple et des grands,
comme il est dit dans le trente-sixième cha-
pitre de Jérémie. Il accompagna aussi son
maître , lorsque celui-ci s'enfuit en Egypte.
De là, suivant la tradition, il serait allé à Ba-
bylone où il mourut. Il existe dans la Bible
un livre dit de Baruch, qu'on attribue au com-
pagnon de Jérémie, mais que l'on range plus
généralement au nombre des livres apocry-
phes. Dans ce livre, Baruch est représenté
résidant à Babylone au moment où les Chal-
déens s'emparèrent de Jérusalem et la mirent
à feu et à sang. Malheureusement, le texte
hébraïque n'explique pas clairement si c'est
pendant ou après la prise de Jérusalem que
Baruch se trouvait à Babylone. Plusieurs
inexactitudes historiques que contient ce
livre, et différentes citations empruntées à
des livres postérieurs, tels que ceux de. Né-
hémie et de Daniel, font douter de l'authenti-
cité de l'écrit de Baruch. Aussi n'est-il admis
ni par les juifs, ni par les Pères de l'Eglise.
Il est également à peu près prouvé que ce
livre a été composé originairement en grec.
Or, il est supposabie que s'il eût été réelle-
ment de Baruch, il aurait été écrit en hébreu.
Dans le premier chapitre, il est dit que
Baruch ayant lu son livre dans une assemblée
publique, les Juifs firent une collecte pour
l'envoyer à ceux qui étaient à Jérusalem.
Dans le second chapitre, le prophète, prenant
la parole au nom de son peuple , confesse les
fautes qu'il a commises, et supplie Dieu de se
montrer miséricordieux. Dans le troisième cha-
pitre, il continue à essayer de fléchir le cour-
roux du Seigneur- puis, s'adressant au peuple
d'Israël, il lui explique pourquoi il s'est attiré
la colère de l'Eternel, et l'exnorte à suivre les
voies de la sagesse dont il s'est écarté. Dans
le quatrième chapitre, U relève le courage des
Juifs : « Prenez courage, mes enfants, dit-il,
et élevez vos cris jusqu'au Seigneur; il vous
délivrera de la main des puissants, vos enne-
mis! » Le chapitre cinq, qui est fort court,
contient un beau passage, vraiment lyrique.
Il commence ainsi : « Dépouille-toi, Jérusalem,
de la robe de deuil, et te vêts de beauté et de
gloire, etc.. » Le sixième et dernier chapitre
porte ce titre : « Copie de l'Epître que Jérémie
envoya à ceux qui devaient être menés pri-
sonniers à Babylone , pour leur annoncer ce
que Dieu lui avait commandé. » Dans cette
lettre,' il déclare aux Juifs qu'ils resteront à
Babylone jusqu'à la septième génération. Il
leur recommande de ne pas adopter les mœurs
et les croyances de leurs maîtres ; de ne pas
adorer les idoles, dont il démontre l'inanité et
l'impuissance. Il insiste a plusieurs reprises
pour les avertir de ne pas se laisser entraîner
par l'imposture des prêtres, simulant de faux
miracles. Ce dernier chapitre, qui est le plus
long de tous, donne des détails curieux sur
les mœurs , les usages et la vie des Babylo-
niens. Une chose assez remarquable, c'est que
l'auteur, contrairement a l'habitude des autres
prophètes, s'attache à démontrer, a posteriori,
le néant de l'idolâtrie, en faisant appel au bon
sens, et non pas exclusivement à la foi aveugle
du peuple de Dieu.
Baruch est peut-être moins connu comme
prophète, que par suite de l'interrogation naïve
de notre La Fontaine (interrogation devenue
proverbiale), un jour que Racine avait mené
le Bonhomme à l'office du soir. C'était pendant
la semaine sainte, et, pour l'occuper, le poëte
lui avait mis dans les mains un volume de la
Bible. La Fontaine tomba sur la belle prière
des Juifs dans le prophète Baruch. Plein
d'admiration, il s'empressa de dire à Racino
au sortir de l'office : « Quel était donc ce Ba-
ruch ? c'était un bien beau génie ! » Et les
jours suivants il disait à toutes les personnes
qu'il rencontrait ; ■ Avez-vous lu Baruch?
c'était un bien beau génie I » Il est probable
que, dans son esprit, Baruch allait alors de
pair avec Platon et Rabelais ; il confondait
en effet assez facilement le sacré et le profane.
Cette interrogation s'emploie par analogie
avec le mot singulier du fabuliste, quand on a
l'esprit rempli d'une chose que l'on considère
comme une soudaine découverte, et dont on
reste fortement frappé.
« Depuis que j'ai lu cet écrit véritablement
sauveur, je dis à tous les patriotes que je ren-
contre : o Avez-vous lu Philippeaux ! « et je
le dis avec autant d'enthousiasme que La Fon-
taine disait : « Avez-vous lu Baruch? »
Camille Desmouxins,
« Peut-il exister, en dehors des divers sys-
tèmes politiques , aux confins des doctrines
qui se combattent* et se font la guerre, un
terrain plus ou moins neutre, une sorte de
lisière, où l'on est bien venu à errer un mo-
ment, h se souvenir de ces choses vieilles
comme le monde et éternellement jeunes
comme lui, du printemps, du soleil, de l'amour,
de la jeunesse; à se promener même (si la
jeunesse est passée) un livre à la main, et il
vivre avec un auteur d'un autre âge, sauf à
en raffoler tout un jour et à demander ensuite,
en rentrant dans la ville, à chaque passant
qu'on rencontre : a L'avez-vous lu? »
Sainte-Beuve.
« Ce fut là un trait de lumière pour Chape-
lier. Il se rendit successivement chez tous ses
collègues de la députation de Bretagne, et à
mesure qu'il arrivait chez l'un d'eux :
« Avez-vous lu Baruch? Je veux dire,
savez-vous ce que c'est qu'un club?
— Non.
— Je le sais, moi ; Mirabeau vient de me le
dire. Un club, voyez-vous, ce sont dix hommes
réunis qui en font trembler cent mille qui
restent séparés. » George Duval.
« Ces documents authentiques sont, en défi-
nitive, ceux qui ont servi à tout le monde ,
journaux, mémoires, procès-verbaux, pièces
officielles, etc. ; et M. Ternaux n« les a cer-
tainement pas inventés, c'est-à-dire décou-
verts, comme sa mention spéciale pourrait le
faire croire aux naïfs; il ne lui reste que le
mérite de s'en servir à la manière de M. Gra-
nier de Cassagnac et antres historiens de la
même étoffe, mais plus pesamment qu'eux.
Parfois, s'imaginant que personne n'a lu Ba-
ruch, il nous donne avec solennité des rapso-
dies qui ont traîné partout... »
Louis Combes.
BARUFFALDI (Jérôme), littérateur et poëte
italien, né à Ferrare en 1675, mort en 1753.
Fils d'un antiquaire distingué , il reçut l'édu-
cation la plus solide et la plus variée, em-
brassa l'état ecclésiastique en 1700 , et fut
bientôt muni d'un bon bénéfice. Il sacrifia
d'abord au mauvais goût du temps ; mais
ayant eu la bonne fortune de faire connais-
sance avec le vieux poëte Alphonse Gioja, il
apprit de celui-ci à rejeter de son style la
recherche et les concetti , alors en si grand
honneur. La prédication, à laquelle il se livra
avec le plus grand succès dans diverses villes
d'Italie, étendit sa renommée jusqu'au delà
des monts. Il reçut même des propositions
pour se rendre en France; mais il refusa. Des
dénonciateurs l'ayant accusé, sans aucune
preuve, de s'être servi de documents entre
ses mains pour favoriser des intérêts con-
traires à ceux, du souverain, dans un procès
288
BAR
BAR
BAR
BAR
da domaine de Ferrare , Baruffaldi fut exilé,
sans avoir été entendu, en 1711. Après deux
années d'exil, il put rentrer dans sa ville natale,
où il fut successivement appelé à professer la
théologie et les belles-lettres. Il y remplit en
même temps les fonctions de grand vicaire de
l'archevêque de Ravenne, et fut nommé, en
1720, archiprêtre de l'église collégiale de Cento,
ce qui l'obligea depuis lors à nabiter tour à
tour Cento et Ferrare. Il avait établi chez lui,
dans cette dernière ville, une société litté-
raire qui devint l'académie de la Vigna. En .y
entrant, chaque membre prenait un nom aca-
démique. Baruffaldi choisit celui d'Enante Yi-
gnajuolo, que portent plusieurs de ses produc-
tions. Les ouvrages de ce savant aimable et
spirituel sont écrits en latin et en italien, en vers
et en prose. Mazzuchelli en a dressé la liste,
qui dépasse la centaine. Nous nous bornerons
à citer : Délia Storia di Ferr ara (l~0Q); divers
-poëmes, intitulés : la Tabaccheide (1714); //
Grilla (1738) ; H Canepajo (1740), un des meil-
leurs poëmes didactiques italiens, a3'ant pour
sujet la culture du chanvre; / liaccanali (1710);
des tragédies : Ezzclino (1721) ; Giocasla la
giovine (1725): la Deifobe (1727) ; // Sacrifizio
d'Abele (1739). — Le neveu du précédent,
Jérôme Baruffaldi, né a Ferrare en 1740,
mort en 1817, s'est fait connaître comme un
savant bibliographe. Il étudia chez les jésuites,
qui le comptèrent bientôt au nombre de leurs
membres, se livra a l'enseignement de la rhé-
torique, et, lors de la suppression de l'ordre
de Jésus, il vint s'établir dans sa ville natale,
où il reçut la place d'inspecteur des études
pour toute la province, et le titre de secré-
taire perpétuel do l'académie. On a de lui plu-
sieurs catalogues, notamment celui qui, sous
le titre de : Saggio délia tipografia lerrarese
(1777), cite les ouvrages imprimés à Ferrare
de 1471 a 1500; Dei Notizie dclla Accadcmia
lilteraria Ferrarese (1787) ; la Vie de Claudio
Tcdeschi (1784) ; la meilleure biographie qu'on
possède de VArioste (1807), etc.
BAKUFFI (Joseph-Philippe), voyageur et
publiciste italien, né à Mondovi (Piémont)
vers le commencement de ce siècle. Il est pro-
fesseur de philosophie à Turin et docteur de
la faculté des sciences. Il a parcouru une
partie de l'Europe, la Grèce, la Turquie,
l'Egypte, etc., et il a donné le résultat de ses
explorations dans des relations pleines d'in-
térêt : Pérégrinations d'automne ; Voyage en
Orient ; Voyage en Russie ; De Turin aux Pyra-
mides, etc. Ces vastes excursions ne lui ont
point fait oublier, comme à la plupart des
voyageurs, de visiter en artiste et en archéo-
logue son propre pays, ainsi que le témoignent
ses Promenades à l'intérieur de Turin. Il a
publié aussi beaucoup d'écrits sur diverses
questions scientifiques, économiques ou poli-
tiques ; un cours de physique appliquée à l'agri-
culture , des leçons sur le percement de
l'isthme de Suez, etc.
BABUTËL (Grégoire ms), poète languedo-
cien, né à Villefranche de Lauraguais vers
1620, mortverslaflnduxviiosiecle.il futundes
élèves du célèbre Pierre de Goudelin , se
signala par quelques poésies qui donnèrent
de grandes espérances et, cessa bientôt de pro-
duire. Son œuvre la plus remarquable est un
poème sur le jeu du lansquenet, qui remporta,
en 1651, lé premier prix a l'académie des jeux
floraux de Toulouse. I! le publia, augmenté de
quelques autres poésies , sous ce titre : le
Triomphe de l'Eglantine (Toulouse, 1651).
BARUTEL (le P. Thomas- Bernard), prédi-
cateur français, né à Toulouse en 1720, mort
en 1792. Il entra dans l'ordre des dominicains
et se livra avec beaucoup de succès à la pré-
dication. Il improvisait presque toujours ses
sermons, ne se servant, dit-on, pour aider sa
mémoire, que de courtes notes ou même de
signes, tracés sur son crucifix à l'aide d'un
canif. Ayant refusé, sous la Révolution, de
prêter le serment exigé par la constitution
civile du clergé , Barutel fut envoyé avec
quelques autres dominicains a la chartreuse
de Saix, où il termina sa vie. On a de lui :
Sermons, Panégyriques et Discours (Toulouse,
1788, 3 vol.).
Baruth s. m. (ba-rutt). Métrol. Unité de
poids employée dans les Indes pour peser le
poivre, et valant environ 20 kilo. 11 On dit
aussi BARUL.
" lîtlfVICUM , nom latin de Berwick-sur-
Tweed.
BARWALDE , ville de Prusse , province de
Brandebourg, régence et à 40 kil. N. de Frane-
fort-sur-1'Oder, sur le lac de son nom ; 3,000 h.
En 1631, traité d'alliance entre la France et
Gustave-Adolphe.
BARW1CK (Pierre), médecin anglais, né
vers 1619 à Wetherstack, mort à Londres en
1705. Elève de l'université de Cambridge, il
se signala par son dévouement lors de l'épou-
vantable peste de Londres en 1665, devint un
praticien remarquable, surtout pour le traite-
ment de certaines maladies , telles que les
fièvres et la petite-vérole, et se montra un
des plus ardents défenseurs de la découverte
de Harvey sur la circulation cfu sang. Après
la restauration, Charlesll le nomma son mé-
decin ordinaire, en récompense de son con-
stant attachement à la cause royale. On a de
lui quelques ouvrages, écrits en un style élé-
gant et facile : Défense de la découverte de la
circulation du sang par Harvey* On lui attri-
bue aussi un livre qui a pour titre : De ils qute
medicorum animos exagitant (1071).
BAR-WOOD s. m. (ba-rou-odd). Techn.
Nom d'un bois do teinture, qui paraît, être
une variété de santal rouge, et que l'on tire
de la colonie do Sierra-Leone, en Afrique, où
il est fourni par un grand et bel arbre nomme
baphia nitida, par Afzelius. On en fait usage,
surtout en Angleterre, pour obtenir dos
nuances rouges et brunes d'une grande
beauté, il On l'appelle aussi camwood.
BABY (Hendrick), graveur flamand, né à
Anvers vers 1625, travaillait à Amsterdam et
a Gouda de 1659 à 1670. Il a imité Corn. Vis-
cher, dont M. Ch. Blanc pense qu'il fut peut-
être l'élève. Il signait souvent H. B. Parmi
ses estampes, exécutées à l'eau-forte et au
burin, on remarque l'Eté et V Hiver, repré-
sentés par des enfants, d'après A. Van Dyck;
Le vin rend insolent et Gare à l'eau! d'après
F. Miéris; un Mendiant, d'après Brauwer; le
Chirurgien de village , d'après Jean Lievins;
le Ménage champêtre, d'après P. van Aersten ;
lés portraits de Grotius, d'après Miereveit-
de l'amiral Trotnp et de l'amiral Ruylcr,
d'après F. Bol; de J. de Witt, d'après Nets-
cher; du peintre Comelis Ketel, d'après lui-
même; et de plusieurs autres personnages,
d'après G. Terburg, van Vliet, J. de Baan,
J. Colaert, Chr. Pierson , J. Westerbaen,
A. Bakker, C. van Diemer, etc.
barybas s. m. (ba-ri-bass — du gr. barus,
lourd; bas, part. prés, de bainô,jo marche).
Entom. Genre d'insectes coléoptères penta-
meres, de la famille des lamellicornes, com-
prenant trois espèces, qui vivent dans l'Amé-
rique méridionale.
barycère s. m. (ba-ri-sè-re — du gr.
barus, lourd; keras, corne). Entom. Genre
d'insectes hyménoptères, do la famille dos
ichncu'mons, voisin des chryptes, dont l'uni-
que espèce connue habite la Saxe : les ba-
rycères ont des pattes longues et grêles.
(Blanchard.) n Genre d'insectes coléoptères
tetramères, de la famille des charançons,
comprenant une seule espèce qui habile le
Brésil.
BARYCOÏE s. .. (ba-ri-ko-î — du gr. barus,
lourd; a/couô, j'entends). Pathol. Dureté d'o-
reille, légère surdité. Il On dit aussi barycoïtb.
BAUYE (Antoine-Louis), célèbre sculpteur
français contemporain, est né a Paris en 1795.
Destiné par son père à l'orfèvrerie, il apprit
chez Fourier tous les secrets de ce métier,
qu'il exerça exclusivement jusqu'en 1817. A
cette époque, il prit des leçons de Bosio et de
Gros, et fit sous ces maîtres de rapides pro-
grès. Il remporta, en 1819, une médaille d'ar-
gent au concours de gravure sur pierre (le
sujet du concours était Milon de Crolone), et,
en 1820, le deuxième grand nrix de ronde-
bosse (la Malédiction de Caïn), Il concourut
encore deux fois ; mais ses compositions n 'avant
pas été jugées suffisamment académiques
il dut renoncer à l'honneur, trop souvent mor-
tel pour le talent, d'être pensionné pendant
cinq ans aux frais de l'Etat, et il lui fallut
pour vivre revenir à son ancien métier d'or-
t'évre et de fondeur, ou'il n'a plus quitté.
Toutefois, il n'abandonna pas le grand art de
la statuaire. Outre un cadre de médailles mo-
delées, il envoya plusieurs bustes au Salon de
1827. En 1831, il exposa un Saint Sébastien
et divers groupes d'animaux, entre autres un
Tigre dévorant un crocodile. Une médaille de
2' classe lui fut décernée à cette occasion ;
mais il est probable que le jury voulut récom-
penser le Saint Sébastien , œuvre médriocre
traitée dans les données classiques, et non les
groupes d'animaux , sujets qui paraissaient
alors peu dignes d'un art élevé. Le public fut
plus intelligent. Il admira beaucoup'le Tigre
dévorant un crocodile. Les journaux se mon-
trèrent en général très-favorables aussi a cet
ouvrage. « La vérité de ce groupe est telle,
écrivit M. F. Lenormand, qu'on se sent pour-
suivi, après l'avoir vu, par une odeur de mé-
nagerie... Tout est original et fort dans ce
morceau qu'on peut comparer aux plus par-
faits ouvrages qui nous soient restés de l'an-
tiquité en ce genre. » Gustave Planche, qui
débutait alors dans la critique d'art, mais qui''
avait déjà cette sûreté de coup d'œil et cette
intelligence du beau qu'on lui a reconnues plus
tard, pressentit l'avenir du grand sculpteur :
« M. Barye, dit-il, s'est créé dans l'étude et la
reproduction des animaux une spécialité per-
sonnelle ; il a bien fait, à notre avis, de suivre
son goût et de s'isoler ainsi de toute imita-
tion... Son Tigre se distingue surtout par une
grande vérité d'attitude, par une grande finesse
de modelé. Je ne crois pas qu'on puisse copier
plus fidèlement la nature. Je reprocherai seule-
ment à l'artiste d'étouffer la vie de ses ani-
maux sous une multitude de détails reproduits
trop petitement... Moins littéralement exacte,
la sculpture de M. Barye serait plus grande
et plus belle ; elle serait moins réelle, mais
plus vraie; elle gagnerait en élévation ce
qu'elle perdrait en fidélité. Toutefois, et mal-
gré ces critiques, le groupe de M. Barye est
admirable. Personne peut-être ne pourrait
faire aussi bien, et l'auteur seul peut faire
mieux. » M. Barye fit mieux, en effet. Le mo-
dèle en plâtre du Lion combattant un serpent,
exposé au Salon de 1833, excita les plus vifs
applaudissements. Les connaisseurs furent
unanimes à reconnaître que la sculpture d'a-
nimaux, n'avait rien produit de plus émouvant,
de plus vrai. D'autres groupes qui figurèrent
au même Salon, Charles VI à cheval dans la
forêt du Mans, un Cavalier du xvo siècle,
furent également très-admirés. Le gouverne-
ment décora l'artiste; le jury ne le jugea pas !
même di^ne d'une médaille. M. Barye1 redou-
bla d'ardeur et fit chef-d'œuvre sur chef-
d'œuvre. Il exposa successivement : en 1834,
une Gazelle morte et un Ours dans son auge
(appartenant tous deux au duc d'Orléans); un
Eléphant (au duc de Nemours) ; un Jeune lion
terrassant un cheval (au duc de Luynes): un
Ours, une Panthère décorant une gazelle, tous
ouvrages en bronze; en 1 335, un Tigre (bronze),
commande du ministère de l'intérieur; en
1836, un Croupe d'animaux en pierre, et le
Lion au serpent, exécuté en bronze, pour être
placé dans le jardin des Tuileries.
Le duc d'Orléans, dont Barye avait sculpfé
un buste qui fut exposé en 1833, lui commanda
un surtout de table. Les cinq groupes princi-
paux destinés à former ce surtout étaient cinq
chasses: au tigre, au taureau, au lion, à l'élan
et aux ours. Présentés au Salon de 1837, ils
furent refusés. « Le jury, dit à ce propos
G. Planche, le jury n'a pas craint de déclarer
que ces groupes, supérieurs au Lion des Tui-
leries, n'étaient pas assez faits, que ce n'était
pas de la sculpture, mais de l'orfèvrerie. Mer-
veilleuse pénétration ! Adorable et sainte igno-
rance 1 ■ Et le mordant critique ajoute : « Ne
faut-il pas voir dans l'exclusion de M. Barye
le souvenir du pont de la Concorde et du cou-
ronnement de l'arc de l'Etoile? M. Thiers
a offert à M. Barye la .décoration des quatre
coins du pont de la Concorde; or, ces quatre
coins avaient été partagés, sous la Restaura-
tion, entre les sculpteurs de la quatrième
classe. Plusieurs sculpteurs de l'Institut ont
présenté des projets pour le couronnement de
l'arc de l'Etoile ; la destinée malheureuse de
ces projets est un nouvel argument contre
M. Barye. Tout cela est d'une probabilité affli-
geante, tout cela est digne de colère et de
pitié; et ce qui ajoute encore au scandale de
cette exclusion, c'est que personne en Franco,
excepté M. Barye, ne sait modeler un cheval
ou un lion. » C'était aussi sur la demande de
M. Thiers que l'artiste avait fait un projet de
couronnement de l'Arc-de-Triomphe. Il avait
imaginé de représenter l'oiseau impérial, pour
ainsi dire, encore soutenu par le vent, au mo-
ment où il va saisir sa proie : cette proie,
c'était un monceau de canons, de boulets, les
insignes des villes, des provinces, des em-
pires où se sont promenées nos armées. La
crainte de blesser l'amour-propre des puis-
sances fit renoncer a ce magnifique couronne-
ment. M. de Romieu fit et cette occasion un
mot qui eut du succès : « Le vent, dit-il, s'op-
pose à l'exécution de ce beau projet. » Bien
des gens crurent qu'en effet l'énorme aigle de
fonte, de 23 m. 35 d'envergure, qui aurait sur-
monté l'arc de l'Etoile, n'aurait pu résister au
vent, soufflant de l'avenue des Champs-Ely-
sées... Aujourd'hui que le vent a tourné et
que l'aigle napoléonnienne peut planer au
grand iour, pourquoi ne reprendrait-on pas le
projet de M. Barye? Il est digne du magni-
fique monument élevé à la gloire des armées
françaises.
Repoussé systématiquement par le jury,
mais aporécié de plus en plus par le public,
M. Barye finit par se tenir tout a fait à l'écart
des expositions pour s'adonner tout entier à
la production des bronzes destinés au com-
merce. Il sut élever cette industrie à la hau-
teur de l'art. Parmi les innombrables ouvrages
qu'il a exécutés en ce genre, il nous suffira de
citer : Angélique et Roger montés sur l'hippo-
griffe (dont le premier modèle a été exécuté
pour le duc de Montpensier, en 1846); Thésée
combattant le centaure Biénor ; Indien monté
sur un éléphant qui terrasse un tigre; Guerrier
tartare arrêtant son cheval; Cavalier africain
surpris par un serpent; Gaston de Foix ;
Charles VII ; Bonaparte à cheval; les Grâces;
Python avalant une gazelle; Python étouffant
un crocodile; Singe monté sur une antilope;
Chiens d'arrêt ; Loup tenant un cerf à la gorge;
Lion dévorant une biche ; Tigre surprenant une
antilope; Cerf terrassé par deux lévriers ; Cerf
qui écoute; Cerf frottant ses bois contre un
arbre; Taureau terrassé par un ours; Aigle
tenant un héron ; Crocodile dévorant une anti-
lope; Lions, Tigres, Panthères, Jaquars, Ours,
Chiens, Chevaux, Taureaux, Cerfs, Cigognes,
Oiseaux divers, groupés ou isolés dans des at-
titudes extrêmement variées. M. Barye a exé-
cuté, en outre, beaucoup d'aquarelles très-
intéressantes, représentant pour la plupart des
animaux féroces. Il en a exposé plusieurs aux
Salons de 1831, 1833 et 1834, et en a fait quel-
ques-unes de grande dimension pour les princes
d'Orléans. En 1847( il termina pour le jardin
des Tuileries un Lion assis (bronze), morceau
d'une simplicité et d'une grandeur magis-
trales, que beaucoup de connaisseurs regardent
comme son chef-d'œuvre. En 1848 et en 1850,
il fut désigné par les artistes pour faire partie
de la commission chargée du classement des
sculptures envoyées au Salon. Il exposa lui-
même, en 1850, deux de ses meilleurs ou-
vrages : un Centaure et un Lapithe (groupe en
plâtre, commande du ministre de l'intérieur),
et un Jaguar dévorant un lièvre. Ce dernier
groupe (aujourd'hui au Luxembourg) reparut,
exécuté en bronze, à l'Exposition universelle
de 1855, et soutint dignement la réputation du
maître. M. Barye fut nommé officier de la
Légion d'honneur à la suite de ce concours
solennel, et obtint pour ses petits bronzes, ex-
posés dans les galeries de l'Industrie, la grande
médaille d'or. Depuis 1855, il n'a rien envoyé
aux Salons, mais il a pris part aux diverses
expositions des produits industriels. Un grand
peintre avec lequel il a plus d'un point de res-
semblance, Decamps, disait de lui, il y a quel-
ques années : « Ce génie piquant et original»
aux aptitudes et études spéciales, qui eût dé-
coré nos places de monuments uniques au
monde, s'est trouvé trop heureux de pouvoir
formuler ses idées dans les maigres propor-
tions d'un surtout d'un usage impossible...
Il est triste de constater qu'un talent qui, seul
peut-être, eût du doter son pays d'un monu-
ment vraiment original, se vit réduit h la fabri-
cation de serre-vaiiers... »
Decamps avait raison : le grand sculpteur
d'animaux eût été dIus apte que personne à
décorer une de nos places publiques de quel-
que groupe grandiose ; il lui eut suffi pour
cela d'élever aux oroportions monumentales
l'une ou l'autre de ses chasses, son Thésée,
son Lapithe, son Eléphant écrasant un tigre,
son Charles VI. On lui a fourni; il est vrai,
une occasion de montrer ce dont il était cupa--
ble dans la grande sculpture; M. Lefuol,
l'archiiecte du nouveau Louvre, lui a confié
l'exécution de quatre groupes allégoriques
d'hommes et d'animaux, représentant l'Ordre,
la Force, la. Paix, la Guerre. Ces groupes, qui
décorent les pavillons Daru, Denon, Colbert
et Turgot, se font remarquer par leurs lignes
sévères, leur modelé soure et pur; mais ils
sont malheureusement noyés dans les reliefs
de toute sorte qui surchargent ces pavillons.
L'artiste a dû se conformer, d'ailleurs, à un
programme officiel qui a nécessairement gêné
son inspiration. Ce n'est donc pas sur ces
sculptures architecturales qu'il faudrait juger
le maître. Sa véritable puissance a consisté à
créer des groupes isolés, des scènes animées,
terribles, émouvantes, dans lesquelles il a re-
présenté des animaux luttant. C'est en cela
qu'il a fait preuve d'originalité, qu'il s'est
montré grand poète autant qu'habile prati-
cien. M. Thoré écrivait en 1844 : ■ M. Barye
a restitué dans la sculpture un élément com-
plètement oublié depuis quelques générations
d'artistes, l'élément de la fantaisie, de la
finesse et de la vivacité. M. Barye est un
homme du siècle de Benvenuto. » M. Maxime
Du Camp a dit de son côté : < Contrairement
à la plupart des sculpteurs de notre époque,
qui n'admettent qu'une sorte d'immobilité con-
venue et qui repoussent, comme n'étant pas
traditionnel, tout geste exagéré ou seulement
violent, M. Bary&_a cherché le mouvement;
il l'a étudié sur nature, l'a trouvé et l'a rendu
avec une éclatante vérité. » Ce profond amour
du vrai n'exclut pas, d'ailleurs, le sentiment
poétique qui transfigure et idéalise la réalité.
Suivant la remarque de M. Th. Gautier, «M. Ba-
rye ne traite pas les bêtes au point de vue pui e-
ment zoologique; quand il fait un lion, un
tigre, un ours, un éléphant, il ne se contente
pas d'être exact et vrai au plus haut degré ;
il sait que la reproduction de ta nature ne con-
stitue pas l'art; il agrandit, il simplifie, il
idéalise les animaux et leur donne du style; il
a une façon fière, énergique et rude qui en
fait comme le Michel-Ange de la ménagerie. »
Nous ne pouvons mieux résumer notre pensée
sur le célèbre artiste qu'en disant, avec un de
ses biographes, M. Emile Lalné, a qu'il appar-
tient à l'antique par sa manière de comprendre
la structure humaine; au xvio siècle, par
l'habileté avec laquelle il groupe ses person-
nages de manière à faire valoir sa composi-
tion de tous les côtés; enfin, à notre temps,
par la multiplicité de ses inspirations, par
l'exagération de quelques-unes d'entre elles,
par la furie romantique de ses chasses et de1
ses luttes d'animaux. » Pour tout dire, ce fon-
deur, ce fabricant de serre-papiers, cet or-
fèvre, qui n'est pas même académicien, est l'un
des plus grands sculpteurs des temps mo-
dernes, le premier de tous dans sa spécialité.
BARYENCÉPHALIE s. f. (ba-ri-an-sé-fa-li
— du gr. barus, pesant; enkephalon, cer-
veau), Physiol. Imbécillité, idiotisme.
BARYGAZA, nom ancien deBarotsche. V.ce
mot.
BARYGLOSSIE s. f. (ba-ri-glo-sî — du gr.
barus, pesant; glossa, langue). Pathol. Pe-
santeur, embarras de la langue.
BARYMÉTRIE, s. f. (ba-ri-mé-trî — du
gr. barus, lourd; metron, mesure). Phys. Dé-
termination de la pesanteur.
BARYNOTE s. m. (ba-ri-no-te — du gr.
barus, lourd ; notos, dos). Entom. Genre d'in-
sectes coléoptères tetramères, de la famille
des charançons, comprenant environ quinze
espèces, qui toutes habitent l'Europe.
BARYOSME s. m. (ba-ri-o-sme — du gr.
barus, pesant, fort; osmè, odeur).. Bot. Syn.
des trois genres, barosme, coumaroune et dip~
iérix.
barypenthe s. m. (ba-ri-pan-te — du
gr. barus, lourd; penthis, chagrin). Entom.
Genre d'insectes névroptères de la famillo
des phryganes, comprenant deux espèces qui
vivent au Brésil.
BARYPHONE s. m. (ba-ri-fo-no — du gr.
barus, lourd; phonê, voix). Ornith. Syn. do
momot.
BARYPHONIE s. f. (ba-ri-fo-iû — du gr.
BAR
BAR
BAR
BAR
289
barus, lourd ; phonê, voix). Méd. Faiblesse
de la voix, difficulté à émettre des sons.
BARYPHONIQUE adj. (ba-ri-fo-ni-ke —
rad. baryphome).Méd. Relatif àlabaryphonie.
BARYPLOTÈRE s. m. (ba-ri-plo-tè-re —
du gr. barus, lourd; plôlès, nageur). Ornith.
Famille d'oiseaux aquatiques, comprenant les
espèces qui nagent pesamment.
BARYPODE s. m. (ba-ri-po-de — du gr.
barus, lourd- pous , podos K pied). Entom.
Genre de coléoptères tétramères.
BARYSCÈLE s. m. (ba-ri-cè-le — du gr.
barus, lourd; skelis, cuisse). Entom. Genre
d'insectes coléoptères hétéromères, de la fa-
millo des ténébrions, comprenant deux espè-
ces qui vivent en Australie.
BARYSOME s. m. (ba-ri-so-me — du gr.
barus, lourd; s&ma, corps). Entom. Genre
d'insectes coléoptères pontamères, de la fa-
mille des carabiques, voisins des harpales, et
comprenant trois espèces, deux des Indes et
une du Mexique : Les barysomes sont des in-
sectes au-dessous de la taille moyenne. (Dupon-
chol.)
BARYSTOME s. m. (ba-ri-sto-me — du gr.
barus, lourd; stoma, bouche). Entom. Genre
d'insectes coléoptères tétramères, de la fa-
mille des charançons.
BARYSTRONTIANITE s. f. (ba-ri-stron-
ti-a-ni-te — de baryte et de strontiane). Miner.
Variété de barytine dans laquelle le sulfate
de baryte est associé à du carbonate de
strontiane. On l'appelle aussi stromnite ,
parce qu'elle a été trouvée à Stromness,
dans les Orcades.
BARYTE s. f. (ba-ri-te — du gr. barus,
lourd). Chim. Protoxyde de baryum, de cou-
leur blanchâtre, et remarquable par sa pesan-
teur. Elle n'existe pas pure naturellement :
On ne connaît pas la nature intime ni les prin-
cipes constituants de la baryte. (Fourcroy.)
La baryte pesante, écoutant d'autres lois.
Aux acides s'unit des nœuds les plus étroits.
Delille.
Il V. Barvum.
— Miner. Baryte aérée, Nom que l'on don-
nait au carbonate de baryte, lorsque l'acide
carbonique s'appelait acide aérien, il Baryte
carbonatée, Carbonate de baryte naturel, l!
Baryte sulfatée, Sulfate de baryte naturel.
— Encycl. V. Baryum.
BARYTICO-ARGENTIQUE adj. (ba-ri-ti-
ko-ar-jan-ti-ke). Chim. Qualification donnée
à une combinaison d'un sel barytique et d'un
sel argentique.
BARYTICO-CALCITE s. f. (ba-ri-ti-ko-
kal-si-te). Miner. Minéral composé de carbo-
nate de chaux et de carbonate de baryte.
BARYTICO-SODIQUE adj. (ba-ri-ti-ko-so-
di-ke). Chim. Qualification donnée à une
combinaison d'un sel de baryte et d'un sel de
soude.
BARYTIFÈRE adj. (ba-ri-ti-fè-re — de
baryte et du lat. fero, je porte). Chim. et mi-
ner. Qui contient la baryte accidentellement
ou à l'état de simple mélange : Calcaire ba-
rytifère. Minerai barytifére.
barytile s. f. (ba-ri-ti-le — rad. baryte).
Miner. Baryte sulfatée.
BARYTILITHE s. f. (ba-ri-ti-li-te — de ba-
ryte et du gr. Uthos, pierre). Miner. Syn. de
barytile.
BARYTINE s. f. (ba-ri-ti-ne — rad. baryte).
Miner. Sulfate de baryte naturel, contenant
34,4 d'acide sulfurique et 65,7 de baryte.
— Ehcycl. La barytine a été longtemps dé-
signée sous le nom de spath pesant ; sa den-
sité est en effet considérable et s'élève pres-
que à 4,47. Ses cristaux selon Haiiy dérivent
d'un prisme droit, k base rhomboïdale. C'est
un corps sans éclat, généralement opaque,
quelquefois translucide sur les bords, d au-
tres rois, mais rarement, demi-transparent et
même diaphane. Il est dur ; sa couleur est or-
dinairement d'un blanc plus ou moins teinté
de jaune, de rouge, de bleu ou de brun. Lors-
qu'on le chauffe, il décrépite; au chalumeau,
il fond et passe à l'état de sulfate de baryum.
On rencontre fréquemment la barytine dans
les gîtes de minerais de plomb, d'argent, de
mercure, etc., de la Norvège, de la Saxe, de
la Bohème, de la Turquie, de la Savoie et de
l'Angleterre. Elle se trouve aussi en veines
ou petits amas dans des roches granitiques,
comme par exemple, à Royat en Auvergne,
et enfin dans les grès et les argiles des ter-
rains secondaires, jusque dans les premiers
étages du terrain jurassique. Quelquefois on
trouve, dans les terrains situés à la jonc-
tion des granités et des formations secon-
daires, des coquilles transformées en barytine.
Parmi les principales variétés de ce minéral,
nous citerons : la barytine compacte , dont
certains échantillons Sont bitumineux ;on doit
rapporter à cette variété une roche abondante
à Konsberg en Suède, qui répand une odeur
fétide par le frottement, et qu'on a nommée
par cette raison pierre puante ; la barytine
globuleuse radiée : cette variété , appelée
pierre de Bologne, a beaucoup attiré 1 atten-
tion des savants. Elle a en effet servi à pré-
parer le fameux phosphore de Bologne, qui
n'est autre chose, comme il est facile de s'en
convaincre par l'analyse chimique, que du
sulfate de baryum;\s. barytine conerétionnée,
dont une modification a reçu le nom de pierre
de tripes, parce que sa forme est à peu près
celle des intestins ; la barytine laminaire ou
lamellaire, formée de lamelles souvent très-
larges; la barytine grenue ; enfin la barytine
fibreuse. La pesanteur considérable de la
barytine a désigné de tous temps ce minéral
aux falsificateurs pour sophistiquer diffé-
rentes substances, et surtout la céruse, ou
blanc de plomb, une des matières qui sont
le plus souvent fraudées de cette façon.
BARYTINIQUE adj. (ba-ri-ti-ni-ke — rad.
barytine). Chim. Relatif à la barytine.
BARYTIQUE adj. (ba-ri-ti-ke — rad. baryte).
Chim. Relatif à la baryte ou au baryum.
BARYTITE s. f. (ba-ri-ti-te — rad. baryte).
Miner. Syn. de barytine.
BARYTOCALCITE s. f. (ba-ri-to-kal-si-te— -
de baryte et du lat. calx, calcis, chaux). Miner.
Nom donné successivement à trois minéraux
résultant de l'union du carbonate de chaux
avec le carbonate de baryte.
— Encycl. La matière désignée le plus ordi-
nairement sous le nom de barytocalcite a été
découverte à Alston-Moor, dans le Cumberland.
Elle se présente en cristaux vitreux, trans-
parents, d'un blanc jaunâtre et appartenant au
système klinorhombique. Leur dureté est
égale à 4, et leur densité à 3,6. Ils renferment,
sur 100 parties, 66,3 de carbonate de baryte et
33,7 de carbonate de chaux. On trouve à
Bromley-Hill, dans le Cumberland, et à Fallow-
rield, dans le Northumberland, une autre ba-
rytocalcite ayant identiquement la composi-
tion chimique de la précédente, mais cristalli-
sant en prismes droits à base rhombe. On en
a fait une espèce spéciale sous le nom â'alsto-
nite. Enfin on a désigné sous le même nom de
barytocalcite un calcaire barytifère ciivable
en rhomboèdres et présentant une densité de
2,83.
BARYTON ou moins bien BARITON s. m.
(ba-ri-ton — du gr. barus, grave, et de ton).
Mus. Voix intermédiaire entre la basse et le
ténor : Baryton bas ou grave. Baryton
aigu ou ténorisé. Un beau baryton. Le bary-
ton est peut-être le genre de voix le plus com-
mun en France. (Bouillet.) h Baryton-Martin,
Nom que l'on a donné aux voix de baryton
dont le timbre exceptionnel est pareil à celui
que possédait le célèbre chanteur Martin.
— Par ext. Personne qui a une voix de ba-
ryton : Vous feriez un excellent baryton.
— Encycl. Le baryton est aussi qualifié
troisième ténor, basse chantante ou basse taille
(le ténor s'appelait jadis taille, en France). A
propos de ce dernier terme, il importe de si-
gnaler l'erreur commune qui confond les bas-
ses tailles avec les basses proprement dites.
Cette confusion provient de ce que les rôles
écrits pour ces deux sortes de voix sont rem-
plis en France par les mêmes chanteurs.
La portée ordinaire de la voix de baryton
s'étend du la grave (clef de fa) au fa au-des-
sus de la portée. Mais les compositeurs ac-
tuels, y compris Rossini lui-même, ayant
poussé les ténors aux si et ut aigus, ont été
contraints, pour produire dans les duos les
tierces si caressantes à l'oreille, de hausser
les barytons jusqu'au fa dièse, au sol et même
au delà. Pour ne citer qu'un petit nombre
d'exemples, Rossini a écrit des 'sol pour Assur
dans Semiramide. Verdi a confié des sol au
comte de Luna à'Il Trovatore, à Rigoletto
dans l'opéra de ce nom, et même des la bémol
aigus à YEziod'Attila. Meyerbeer n'a pas craint
d'insérer un sol dièze de ténor dans le grand
air d'Hoel, au premier acte du Pardon de
Ploêrmel, et M. Clapisson a fait vocaliser
Faure sur les notes aiguës du ténor; dans sa
création du Sylphe.
Les barytons d'aujourd'hui ne sont plus,
pour ainsi dire, que des ténors paresseux. Ils
chantent entièrement de poitrine, et il n'existe
plus qu'une faible, ligne de démarcation entre
eux et les ténors graves de l'école italienne,
tels queDonzelli,Reina, Davide et même Gar-
cia; car l'étendue de la voix du ténor grave
s'espaçait seulement du la grave au la aigu.
Otello de Rossini a été écrit pour ténor grave.
En 1855, on a entendu le baryton français
Merly chanter le rôle du second ténor, lors de
la reprise de la Vestale.
Le baryton n'a pas marqué dans l'ancienne
école française. On n'a point de nom à citer
avant Lays, qui était plutôt un ténor grave,
et pour lequel furent écrits spécialement Ana-
créon, Panurge et la Caravane. Les- airs d'A-
nacréon font partie du répertoire des barytons.
Après Lays, on ne voit plus figurer en cette
qualité, à l'Académie impériale de musique,
que Dabadie, chanteur gras et blond qui ne
put aspirer qu'au second rang. De Dabadie,
qui fit entendre, à peu près, Pharaon de Moïse,
et Guillaume Tell, à Barroilhet, aucun eom-
-positeur n'écrivit expressément un rôle de
cette nature. A partir seulement de l'appari-
tion de Barroilhet, jusqu'à la venue de Bon-
nehée et de Faure, ses véritables successeurs
médiats, les barytons ont été chargés de rôles
importants.
Le répertoire de cet emploi est toutefois assez
borné a l'Académie impériale de musique.
Voici jusqu'à ce jour, et sauf erreur, les seuls
rôles écrits pour cette nature de voix : Pha-
raon dans Moïse, Guillaume Tell dans l'opéra
de ce nom, Jolicœur du Philtre, Alphonse de
la Favorite, Charles VI dans l'opéra de ce nom,
Ashton dans Lucie de Lammermoor, Don Sé-
bastien dans l'opéra de ce nom, Giij' de Mont-
fort des Vêpres siciliennes, le comte de Luna
du 2'rouvêre, Julien de Médicis dans Pierre
de Médicis. Stello de Nici de la Magicienne,
le Juif errant dans l'opéra de ce nom écrit
par Halévy, et enfin Nélusko de ['Africaine.
En ce moment, Bonnehée, à son déclin, et
Faure, dans tout l'éclat de son adminible ta-
lent, se partagent les rôles de cet emploi à
notre Opéra.
Dans l'école italienne, les baiytons, comme
parties importantes, ne datent guère que de
L'avènement de Rossini, qui composa des rôles
pour les artistes de ce genre dans, entre autres
partitions. Moïse, Semiramide, Otello, Cene-
rentola, Yltaliana in Algieri, Il Barbierc di
Siniglia, la Gazza Ladra, etc.. En dehors du
personnage confié àTamburini dans / Puri-
tain, Bellini a peu écrit pour cette voix. Dans
l'œuvre de Donizetli, au contraire, on trouve
Lucia di Lammermoor, YElisir d'Amore, Il
Furioso Torquulo Tasso, le triomphe deRon-
coni et le cheval de bataille de tous les ba-
rytons italiens, Belisario, Lucrezia Borgia,
Parisina, Maria di liolum. Verdi a composé
expressément pour les barytons, comme pre-
miers partenaires, Nabucco, 1 Due Foscuri,
Macbeth, Rigoletto, et leur a tracé de grandio-
ses ligures Jnns Ernani, I Masnadieri, Luisa
Muller, Il Trovatore, Un Ballo in maschera,
Simon lioccanegra, la Bataglia di Legnano,
et la Forza del Destino, sa dernière œuvre.
C'est principalement à ces deux derniers maî-
tre.', qu'est due l'émancipation du baryton qui,
jadis subordonné à Yamoroso Trenole, presse
insiiiitenant le parquet de nos scènes lyriques
d'un pied non moins souverain.
Les plus célèbres barytons qu'il nous ait
été donné d'entendre au théâtre italien de Pa-
ris sont : Pellegrini.. Tamburini, Ronconi,
Graziani et Délie Sedie.
Dans le répertoire de l'Opéra-Comique fran-
çais, un seul baryton a laissé une trace écla-
tante , Martin ; et encore Martin était-il à
proprement parler plutôt un ténor grave qu'un
vrai baryton. Ses rôles, écrits pour une voix
exceptionnelle qui réunissait le timbre du
ténor , du moins par les notes superlaryn-
giennes, aux cordes basses du baryton, ren-
ferment des traits suraigus et des tenues en
voix de tête qui faisaient pâmer d'aise les di-
lettantes d'alors, et ne seraient certainement
pas tolérés aujourd'hui. Ma tante Aurore,
Jean de Paris, le Nouveau Seigneur du village,
Joconde, Jeannot et Colin, le Petit Chaperon
rouge, les Voitures versées et la Fête du vil-
lage voisin , contiennent des airs capitaux
écrits complètement en dehors de l'échelle
barytonale. Après Martin, le baryton se relè-
gue dans l'ombre au théâtre de l'Opéra-Comi-
que, jusqu'à la venue de Chollet, qui ténorisa
sa voix pour créer Zampa, entre autres œu-
vres. Et certainement Zampa, composé pour
ténor grave, sortirait bien plus dans le timbre
du baryton que dans celui du ténor, notam-
ment pour le fameux quatuor en canon du pre-
mier acte, dont la phrase :
La voilà, que mon âme est émue!
écrite dans les notes au-dessous du médium,
offre au ténor un obstacle presque insurmon-
table. Du reste, on sait que Ronconi a souvent
chanté ce rôle, en Italie, et avec une autorité
et un succès que n'atteindront jamais nos
Montaubry les plus pommadés de la place
Boïeldieu.
De nos jours, l'emploi du baryton n'est pas
nettement déterminé à l'Opéra-Comique. Ce
chanteur doit cumuler les rôles de basse. Bus-
sine, chargé du répertoire Martin, a cependant
pu créer trois rôles tout à fait classés, dans
Giralda, la Chanteuse voilée, les Porcherons,
qui ont commencé à ce théâtre l'ère du bary-
ton proprement dit. A Bussine succéda Faure
qui , pour ses débuts , et avant qu'on lui
eût écrit des rôles spéciaux, dut chanter ba-
rytons et basses, Joconde et Pierre le Grand,
Jean de Paris et Falstaff, la Fête du village
voisin et le Caïd. Les esprits exigeants regret-
tent cette confusion et le déclassement des
voix, toujours préjudiciables à l'artiste. Plus
soigneux ou plus intelligent, le théâtre Lyri-
que a ses barytons spéciaux, qui se bornent
ou sont assujettis aux seuls rôles de leur em-
ploi.
Ajoutons, pour terminer, que la voix de ba-
ryton, l'organe viril par excellence, est la
voix la plus commune en France, et que la
raréfaction croissante des ténors rend les
barytons de plus en plus nécessaires à l'inter-
prétation de nos grandes compositions lyri-
ques. ■
— Baryton ou Violoncelle d'amour, instrument
à cordes, aujourd'hui délaissé, qui portait six
cordes de boyau sur le chevalet, et six autres
cordes métalliques passant sous la touche : on
employait l'archet pour les premières; les au-
tres se pinçaient avec les doigts. Le baryton
s'accordait à l'octave grave de la viole d'a-
mour. Le son de cet instrument, propre sur-
tout aux arpèges, était essentiellement mélan-
colique. Pendant les vingt-cinq années environ
que Joseph Haydn passa au service du prince
Nicolas Esterhazy , en qualité de maître de
chapelle, le grand musicien composa, pour ce
seigneur, fort habile exécutant sur le baryton,
plus de cent cinquante morceaux concertants
dont la partie principale était confiée à cet
instrument. Le plus grand nombre de ces ou-
vrages fut anéanti dans un incendie, qui con-
suma tout un quartier de la ville d'Eisenstadt
(Hongrie); le reste fait partie, assure-t-on, de
la collection de musique originale appartenant
à la famille Esterhazy. On ne connaît point
d'autres pièces composées spécialement pour
le baryton.
BARYTON adj. m. (ba-ri-ton — du gr. ba-
rus, grave, et do ton). Gram. gr., Se dit des
mots qui n'ont pas d'accent tonique sur la
dernière syllabe, cette dernière syllabe, dans
ce cas, étant aussi marquée de l'accent grave :
Mots barytons
— Substantiv. Mot, verbe baryton : Ce
verbe est un baryton,
barytonner v. n. ou intr. (ba-ri-to-nô
— rad. baryton). Chanter d'une voix de ba-
ryton, il On dit aussi barytomser. '
— Par ext. Jouer d'un instrument quel-
conque, monté au diapason d'une voix do
baryton : Ils s'en allaient, dodelinant de la
tète, barytonnant du c. (Rabelais.)
BARYTOPE s." m. (ba-ri-to-pe — du gr. 6a-
rus, lourd, pous, pied). Entom. Genre d'in-
sectes coléoptères tétramères, de la famille
des chrysomèles, formé aux dépens des éro-
tyles, et renfermant environ quinze espèces.
BARYTO-STRONTIANITE S. f. (ba-ri-to-
stron-ti-a-ni-te). Miner. Composé de baryte
et de strontiane.
baryum s. m. (ba-ri-omm — dugr. barus,
lourd, à cause de la densité considérable de
ses composés). Chim. Métal d'un blanc d'ar-
gent, fusible avant la température rouge, et
ayant une densité de 4,97.
— Encycl. On rencontre abondamment dans
la nature le sulfate, et plus rarement le car-
bonate barytique. Le carbonate fait surtout
partie d'un minerai connu sous, le nom de ba-
ryto-calcite , qui n'est autre qu'un carbonate
double de baryum et de strontium , et qui se
trouve mêlé à certains minerais de manganèse.
On trouve aussi des traces de ce métal dans
quelques eaux minérales, mais ;il n'existe pas
à l'état natif. Scheele, le premier, a distingué,
en 1774, la baryte ou oxyde de baryum, de la
chaux. Quant au métal, c'est Davy qui, en
1808, a réussi à l'isoler.
— Préparation. Le procédé de Davy con-
sistait à placer une petite capsule faite avec de
l'hydrate de baryte sur une lame de platine
communiquant avec le pôle positif d'une pile
à auges de 500 éléments. La capsule était,
remplie de mercure, dans lequel venait plon-
ger le pôle négatif de la pile. Il se produisait
alors un amalgame de baryum, qui, soumis à
la distillation dans une cornue de verre con-
tenant des vapeurs de pétrole , laissait pour
résidu le baryum. C'est le même procédé, du
reste, qui permit d'isoler, pour la première
fois, le potassium et le sodium.
On peut encore préparer l'amalgame d'une
manière semblable, en employant, au lieu de
baryte, une dissolution très-concentrée de
chlorure de baryum, placée sur le mercure et
entourée d'un mélange frigorifique, et en fai-
sant usage de deux piles de 100 couples cha-
cune. A la fin, on expulse le mercure de l'a-
malgame produit, en chauffant ce dernier
.dans un creuset de fer muni de son couvercle,
pour garantir le baryum chaud du contact de
l'air. Suivant Davy, le baryum s'obtient en-
core, mais dans un état moins grand de pu-
reté, lorsqu'on décompose la baryte anhydre
par du potassium en vapeur, à une tempéra-
ture très-élevée. Clarke a conseillé de prépa-
rer le baryum en plaçant de la baryte anhydre
dans une petite capsule de charbon, et en di-
rigeant ensuite sur ce corps le jet du chalu-
meau a gaz tonnant (mélange de deux vo-
lumes d'hydrogène et d'un volume d'oxygène).
Si la baryte est bien anhydre et que l'on ait
fait passer le mélange gazeux à travers une
huile, une effervescence ne tarde pas à se ma-
nifester, et l'on voit se former de petits glo-
bules métalliques. Si la baryte était hydratée
ou que le gaz fût humide, il se formerait une
masse vitreuse ou cornée, sans aucune trace
de métal réduit. Selon Bunsen, le meilleur
mode de préparation consiste à faire un mé-
lange pâteux de chlorure de baryum et d'eau
acidulée par de faibles quantités d'acide chlor-
hydrique ; ce mélange étant porté à la tem-
pérature de 100», on le soumet à l'action du
courant d'une pile dont le pôle positif est for-
mé par un fil de platine amalgamé; dans ces
conditions, il se produit un amalgame dur,
bien cristallisé et d'un blanc d'argent ; il suf-
fit ensuite de placer cet amalgame dans une
nacelle de charbon complètement calciné et
de le chauffer fortement dans un courant
d'hydrogène, pour obtenir le baryum sous la
forme d une masse spongieuse, dénuée d'éclat
métallique, excepté dans les cavités où cet
éclat se rencontre quelquefois. Mathiessen a
obtenu le baryum par la méthode générale-
ment employée pour le strontium, mais le mé-
tal se présente alors sous la forme pulvéru-
lente.
— Propriétés. Suivant Davy, le baryum est
d'un blanc d'argent, mais un peu moins bril-
lant que la fonte. Son brillant rappelle celui
du fer, d'après Clarke ; et, selon Mathiessen,
il forme une poudre jaune.
Le baryum a une densité de 4,0 ou même
un peu au-dessus. L'acide sulfurique concen-
tré l'attaque rapidement en dégageant de
l'hydrogène. Il est ductile et peut être réduit
en feuilles par le battage, quoique avec iliffi-
37
290
BAR
BAR
BAR
BAR
culte. Il fond avant la chaleur rouge, et ne se ,
volatilise pas à cette température. A l'air, il
s'oxyde en s'échauffant. Il peut, si on le
chauffe , brûler avec une flamme rouge
sombre ; sa flamme est verdàtre lorsqu'on le ,
fait brûler dans le jet du chalumeau à gaz
tonnant. |
L'eau est décomposée par le baryum à la ,
température ordinaire ; de l'hydrogène se dé-
gage, et il se forme de l'hydrate de baryum
Formules atomiques.
B.»+.(g|0) - *&\» +
H)
H
Baryum. Eau. Hydrate de baryum. Hydrogène.
Formules équivalentes.
Ba + 2HO = BaO,HO + H
Baryum. Eau. Hydrate do baryum. Hydrogène.
— Composés de baryum. Le baryum est un
métal diatomique ; il peut se substituer, dans
les acides, à deux atomes d'hydrogène, mais
jamais à un seul atome de ce corps. Il en ré-
sulte que, lorsqu'on prépare le sel de baryum
h l'aide d'un acide dont l'atomicité est paire,
c'est-à-dire qui renferme un nombre pair
d'atomes d'hydrogène typique, la substitution
a Heu sans que la molécule se double, chaque
groupe de deux étant remplacé par Ba, ainsi
l'on a :
SO'"|Q1
H' |°
Acide sulfurique.
o»
so
Ba"j
Sulfate de baryum.
Si, au contraire, le sel barytique qu'il s'agit
d'obtenir dérive d'un acide d'atomité im-
paire, c'est-à-dire renfermant un nombre im-
pair d'atomes d'hydrogène typique , la substi-
tution n'est possible qu'à la condition que la
molécule de l'acide se double. Par exemple,
AzO'l
dans l'acide azotique t., jO, il n'est pas pos-
sible de remplacer H* par Ba" puisque cet
acide ne renferme qu'un seul H ; mais si l'on
suppose deux molécules d'acide azotique voi-
AH>.
sines tt ) on comprend aisément que les
AzO'i0'
deux H renfermés dans ces deux molécules d'a-
cide azotique puissent être remplacés par un
atome de baryum indivisible, lequel rivera les
deux molécules en une seule, représentée par la
AzO'l
formule Ba"!o*. Il en serait de même avec
AzOM
un acide triatomique, comme l'acide phospho-
PO'"l
nque u»!"*- Ic'j >' est vrai, on pourrait rem-
placer H* par Ba sans que la molécule se dou-
blât; on obtiendrait de la sorte le sel acide
PO'")
Ba"[o'; mais le sel neutre résultant de la
H \
substitution du baryum à la totalité de l'hy-
drogène de l'acide phosphorique ne peut se
produire que par le doublement de cet acide,
parce qu'alors seulement il y a un nombre
d'atomes d'hydrogène divisible par deux. Le
phosphate neutre de baryum a pour formule
PO"')
Ba" O'.
Ba"
Ba"
PO"'
O'
En vertu de sa diatomicité, le baryum se
combine avec deux atomes de chlore de brome,
d'iode et de fluor. Il peut remplacer H' dans
une double molécule d'eau, en donnant nais-
sance à un hydrate, il s'unit à un atome d'oxy-
gène ou de soufre diatomiques; et, enfin, il se
substitue à l'hydrogène des acides et donne
naissance à toute une série de sels.
Outre cet ensemble de composés dont nous
Tenons de parler, on en conçoit un autre dans
lequel, au lieu de Ba, fonctionnerait le groupe
diatomique BaO. Ba et O peuvent, en effet,
s'unir paruii seul de leurs centres d'attraction,
en formant le radical diatomique BaO, auquel
nous donnerons le nom de barytile. La figure
suivante, où tZ représente un atome diato-
mique d'oxygène ou de baryum avec ses deux
centres d'attraction, montre la possibilité théo-
rique de ce mode de groupement : on a, en
effet, le groupe suivant Ba : ' — —, Ba, où l'on
voit deux centres d'attraction libres en a et en p.
Ce groupe est susceptible, comme l'atome de
baryum, de se saturer en donnant naissance à
une seconde série de composés barytiques.
Ces derniers composés sont cependant infini-
ment moins stables que ceux qui renferment
l'atome simple de baryum. On ne connaît
guère, dans cette série, que l'oxyde et le chlo-
rure «le barytile. Les composés barytiques
que nous étudierons en détail sont les suivants:
Première série.
Chlorure de baryum. Ba Cl*
Bromure BaBr1
Fluorure. BaFl1
Iodure Ba I"
Cyanure. ........... BaCy1
Oxyde BaO
Sulfure Ba S
Hydrate. BaH'O1
Sels divers Ba A* O*
Deuxième série.
Bioxyde BaO" O
Chlorure de barytile BaO" Cl1
■ — Chlorure, de baryum Ba" Cl* + 2aq (anc.
not. Ba Cl + 2 HO). On peut obtenir ce sel par
plusieurs méthodes différentes.
1 ° On dissout le carbonate de baryte naturel
(wilhérite) dans l'acide chlorhydrique étendu ;
on filtre la solution , on l'évaporé et on la
laisse cristalliser par le refroidissement.
Formules atomiques.
»> + .(5|) -
Carbonate de- baryum. Acide chlorhydrique-
cf j + Ho + ce
Chlorure de baryum. Eau. Anhydride carbonique.
Formules équivalentes,
BaO, CO1 + Hcl
Corbonate de baryum. Acide chlorhydrique.
Ba Cl + HO + CO»
Chlorure de baryum. Eau. Anhydride carbonique.
2° On calcine fortement, dans un creuset,
un mélange intime de sulfate de baryte natu-
rel (spath pesant) et de carbone ; le sulfate est
alors converti en sulfure, que l'on purifie en
lessivant la masse avec de l'eau' bouillante ,
filtrant et abandonnant la liqueur filtrée au
refroidissement, pour que le sulfure cristallise.
Ce sulfure, dissous dans un excès d'acide
chlorhydrique, donne une solution de chlo-
rure barytique, laquelle, convenablement con-
centrée par l'ébullition , laisse déposer ce sel
en beaux cristaux par le refroidissement. La
transformation du sulfate de baryum en sulfure
du même métal, et celle du sulfure en chlo-
rure sont exprimées par les équations sui-
vantes :
Formules atomiques.
B°a> + «b
Sulfate de baryum. Carbone.
2CO' + BaS
Anhydride carbonique. . Sulfure de baryum.
BaS + «g]) .
Sulfure de baryum. Acide chlorhydrique.
BaCl1
H
+ H(
Chlorure de baryum. Acide sulfhydrique.
Formules équivalentes.
SO', BaO -r 2C
Sulfate de baryum. Carbone.
2 CO' + BaS
Anhydride carbonique. Sulfure de baryum.
BaS + . H Cl
Sulfure de. baryum. Acide chlorhydrique.
BaCl + H S
Chlorure de baryum. Acide sulfhydrique.
3° On chauffe pendant une heure au rouge
vif, un mélange de sulfate de baryte et 3e
chlorure de calcium, fait en proportions équi-
valentes, il so produit du chlorure de baryum
et du sulfate de chaux.
SO'"
Ba"
Sulfate de baryum.
Ba" Cl1
Chlorure de baryum
Formules
BaO, SO'
Sulfate barytique.
CaO, SO'
Sulfate de chaux.
Formules atomiques.
O' + CaCl1
Chlorure de calcium.
+ Ca" ju
Sulfate de chaux.
équivalentes.
+ CaCl
Chlorure de calcium.
+ BaCl
Chlorure de baryum.
On pulvérise ensuite la masse et on la reprend
par Veau bouillante , pour séparer le chlorure
de baryum qui s'est formé. Cette opération
doit être exécutée aussi rapidement que pos-
sible. Sans cette précaution , le sulfate de
chaux entrerait en solution et transformerait
le chlorure de baryum en sulfate de baryte, en
régénérant du chlorure de calcium ; en un
mot, on donnerait naissance à une seconde
décomposition inverse de la décomposition
opérée par voie sèche et due à l'insolubilité
du sulfate de baryum.
Lorsqu'on a séparé par l'eau le chlorure de
baryum, on évapore la liqueur filtrée , jusqu'à
ce qu'elle se prenne en cristaux par le refroi-
dissement. On peut faciliter beaucoup la réac-
tion du sulfate de baryte sur le chlorure cal-
cique, en ajoutant à ce mélange du charbon
en poudre et de la limaille de fer. Au lieu de
sulfate de chaux, il se produit alors un mê-
lango de sulfure de fer et d'oxysulfure de
calcium, dont on sépare le chlorure de baryum
par l'eau, comme dans le cas précédent.
4» On chauffe, à une haute température, un
mélange de sulfate de baryum naturel, de chlo-
rure de manganèse obtenu comme résidu dans
la fabrication du chlore, et de charbon. La
masse est reprise par l'eau après qu'elle est
refroidie, et la liqueur, concentrée jusqu'à ce
qu'elle abandonne du chlorure de baryum, cris-
tallise en se refroidissant. La réaction est la
suivante :
Formules atomiques.
SO'"
Ba"
O'
+
MnCl'
+ 4C
Sulfate de baryum. Chlorure de manganèse. Carbone.
BaCl' 4- MnS 4- 4CO
Chlorure de bar. Sulfure de mang. Oxyde de carbone.
Formules équivalentes
BaO, SO' 4- MnCl 4- i C =
Sulfate de baryum Chlorure de manganèse. Carbone.
BaCl 4- MnS 4- *CO
Chlorure de bar. Sulfure de mang. Oxyde de carbone.
Le chlorure de baryum ainsi obtenu n'est
point encore pur ; il renferme de petites quan-
tités de chlorures de calcium, de strontium,
d'aluminium, de fer et de plomb. On "le débar-
rasse facilement des deux premiers de ces
corps en le pulvérisant et le lavant à l'alcool
bouillant ; pour éliminer lés autres impuretés,
le meilleur moyen consiste à le dissoudre dans
l'eau, à verser de l'eau de baryte dans la solu-
tion, à filtrer, à saturer l'excès de baryte par
l'acide chlorhydrique pur et à faire cristalliser.
Le chlorure de baryum est un sel incolore
qui présente une saveur désagréable, à la fois
salée et amère. 100 parties d'eau en dissolvent
cinq parties à 15» 43, et 77 parties à 105°. Il
est insoluble dans l'acide chlorhydrique con-
centré et dans l'alcool absolu ; il cristal-
lise en prismes à quatre pans très-larges, ce
qui le distingue du chlorure de strontium, le-
quel cristallise en longues aiguilles. Ses cris-
taux décrépitent lorsqu'on les projette sur des
charbons ardents; leur densité est égale à
2,66. A 100°, le chlorure de baryum perd son
eau de cristallisation et reste sous la forme
d'une masse blanche, qui fond au rouge vif et
se prend en une matière transparente après
refroidissement. La densité du chlorure an-
hydre est égale à 3,8 environ. Ce corps n'est
point alcalin; mais, si on le chauffe au rouge
dans un courant de vapeur d'eau, il le devient,
parce qu'il se produit alors de l'acide chlorhy-
drique qui se dégage et de l'hydrate de ba-
ryum. Il est vivement attaqué à chaud par le
soufre en vapeur, qui le convertit partiellement
en sulfure, et il est sans action sur l'anhydride
sulfurique à la température ordinaire. Selon
M. H. "Wùrtz, il décompose complètement les
silicates, lorsqu'on le fond avec eux.
Le chlorure de baryum, à l'état de solution
concentrée, est décomposé par l'azotate de po-
tassium ou de sodium, avec production d'azo-
tate barytique et de chlorure alcalin. Il forme
un composé cristallisable avec le glycocolle et
empêche le sang de se coaguler et de se pu-
tréfier.
Le chlorure de baryum est surtout employé
dans les laboratoires comme réactif, soit pour
reconnaître qualitativement les sulfates , soit
pour les doser.
— Bromure de baryum. Ba"Br' (anc. not.
BaBr), cristallisé Ba"Br'4-2aq (anc. not.
Ba Br 4- 2 H O ). On peut préparer ce corps en
traitant le sulfure, 1 hydrate ou le carbonate
de baryum par l'acide bromhydrique, ou en dé-
plaçant le ■ soufre du sulfure de baryum au
moyen du brome. Ce sel est fort soluble dans
l'eau et cristallise difficilement; il est aussi
très-soluble dans l'alcool, ce qui permet de le
séparer du chlorure, que ce liquide ne dissout
presque pas ; il est isomorphe avec le chlo-
rure.
— Fluorure de baryum. Ba FI1 ( anc. not.
BaFl). On obtient ce corps en traitant l'eau
de baryte par l'acide fiuornydrique ou en pré-
cipitant un sel soluble de baryum par un
fluorure alcalin. C'est un corps blanc, inso-
luble dans l'eau et soluble dans les acides
chlorhydrique, azotique etfluorhydrique éten-
dus ; il se combine avec le chlorure de baryum,
et cette propriété rend difficile de l'obtenir en
précipitant un sel de baryte par un fluorure.
Il faut généralement préférer le procédé qui
consiste à saturer l'eau de baryte par l'acide
fluorhydrique. En précipitant les sels de ba-
ryte par l'acide hyârofluosilicique, on obtient
un fluorure double de silicium et de baryum,
Si FI' Ba Fls (anc. not. Ba FI, ' Si FI').
— Iodure de baryum Bal' (anc. not. Ba I).
Le meilleur procédé pour obtenir ce sel con-
siste à dissoudre de l'iode dans une solution
aqueuse de sulfure de baryum. On filtre pour
séparer le soufre précipité ; on évapore jus-
qu à siccité la liqueur filtrée, en opérant vite,
pour éviter autant que possible l'action de
l'air. La masse est dissoute dans une très-pe-
tite quantité d'eau, et la solution rapidement
filtrée et évaporée dans un matras, dans le
plus court espace de temps possible. Le résidu
est dissous de nouveau dans l'eau bouillante,
et cristallise par le refroidissement en fines
aiguilles qui, au dire de Craft, renferment 7
molécules d'eau de cristallisation et sont fort
solubles dans l'alcool. Chauffées hors du con-
tact de l'air, elles abandonnent leur eau et
laissent le sel anhydre, lequel résiste à l'effet
de la chaleur seule ; mais, au contact de l'air,
il se décompose, même à la température ordi-
naire : à chaud, cette décomposition est plus
rapide et s'accompagne d'un dégagement de
vapeurs violettes d'iode ; il reste, comme ré-
sidu, de la baryte.
Viodure de baryum peut aussi être préparé
par l'action de l'acide îodliydrique gazeux sur
ta baryte anhydre chauffée au rouge ; la ré-
action s'accompagne de production de lu-
mière.
— Cyanure de baryum. Ba" Cy1 (anc. not.
BaCy). On peut obtenir ce corps à l'état an-
hydre, en calcinant en vase ctos du ferro-
cyanure de baryum; et on l'obtient à l'état
hydraté, en saturant de l'eau de baryte par de
l'acide cyanhydrique. Suivant MM. Margue-
rite et de Bourdeval, ce sel se formerait faci-
lement, et en quantité notable, lorsqu'on fait
passer de l'air sur un mélange intime de car-
bonate de baryte et de charbon. Le cyanure
barytique est très-soluble dans l'eau, d'après
F. et F.. Rodgers ; il y est modérément solu-
ble, d'après Schulz. L'alcool le dissout peu.
L'anhydride carbonique le décompose. Chauffé
à 300°, dans un courant de vapeur d'eau, il
perd la totalité de son. azote, à l'état d'ammo-
niaque.
— Oxydes de baryum. Le baryum forme
avec l'oxygène un protoxyde Ba O et un bi-
oxyde ou oxyde de barytile Ba O' = Ba O, O.
Ces corps sont représentés par les mêmes
formules dans les deux notations.
— Protoxyde de baryum ou baryte. Ce corps
a été découvert par Scheele, en 1774 ; il est
gris et spongieux , sa saveur est acre, et sa
densité est de 5,54. Il ne fond qu'aux plus
hautes tempérarures du feu de forge ou du
chalumeau à gaz oxygène et hydrogène, il
est indécomposable par la chaleur. Exposé à
l'air, il en attire l'humidité et l'anhydride carbo-
nique, et tombe en poussière. Son affinité pour
l'eau est si grande que , lorsqu'on projette
quelques gouttes de ce liquide snr un frag-
ment de baryte, la chaleur produite par la
réaction peut aller jusqu'il rendre la baryte
incandescente ; il se forme alors de l'hydrate
Ri"l
de baryum £j.îO' (anc. not. BaO, HO). La
baryte s'unit avec l'alcool ou l'esprit-de-bois
complètement anhvdre, en formant les com-
posés Ba"0 2C'H«0 et Ba"0'2CH*0 (anc.
notBaOC'H'O' et BaOC'H'O'). M. Ber-
thelot a observé que la dissolution de la ba-
ryte dans l'alcool, très-facile lorsque le li-
quide est absolu , n'a plus lieu dès qu'il est
hydraté. Il suffit de souffler sur une solution
de baryte dans l'alcool absolu pour que l'hu-
midité de l'haleine en précipite la baryte.
Le chlore décompose la baryte en oxygène
et chlorure de baryum.
Formules atomiques.
2BaO + 2C1' = 2BaCl' + O'
Baryte. Chlore. Chlorure de baryum. Oxygène.
Formules équivalentes.
BaO 4- Cl = BaCl 4- O
Baryte. Chlore. Chlorure de baryum. Oxygène
Sous l'inffuence de la chaleur, et suivant la
température , le soufre" transforme la baryte
en un mélange de sulfate et de sulfure ou de
sulfate ou dTiyposulfite de baryum. Le phos-
phore se comporte avec ce corps d'une ma-
nière analogue.
Le protoxyde de baryum est un anhydride
basique qui fait la double décomposition avec
les acides et se combine directement à leurs
anhydrides en donnant naissance à des sels.
Les vapeurs d'anhydride sulfurique, en pas-
sant sur de la baryte chauffée au rouge som-
bre dans un tube de verre, transforment ce
corps en sulfate barytique. La réaction s'ac-
compagne d'une vive incandescence.
L'acide sulfurique' concentré, versé sur de
la baryte caustique peut porter ce corps à
l'incandescence. Ce phénomène permet de
distinguer la baryte de la strontiane (oxyde
de strontium).
Chauffé au rouge sombre dans un courant
d'air sec, \& protoxyde de baryum absorbe un
second atome d'oxygène et se convertit en
bioxyde.
On obtient la baryte à l'aide de plusieurs
procédés : On peut la préparer en décompo-
sant, à une température élevée, le carbonate
de baryte ; mais dans ce cas les vases sont
plus ou moins altérés, et, par suite, la baryte
obtenue est impure. On peut toutefois favo-
riser cette décomposition en ajoutant au car-
bonate de baryte 7 à S pour 100 de son poids
de charbon; 1 anhydride carbonique du carbo-
nate est décomposé par le charbon et se trans-
forme en oxyde de carbone, qui se dégage :
c'est ce qui est exprimé par l'équation sui-
vante :
CBaO'4-C=Ba0 4-2CO (dans les 2 not.)
Toutefois, la baryte ainsi obtenue est toujours
mélangée de charbon.
La baryte s'obtient plus facilement en dé-
composant l'azotate do baryum par la cha-
leur, dans une cornue de porcelaine. Au début,
on doit chauffer modérément, parce que l'azo-
tate de baryum fond et se boursoufle beau-
coup. Mais, vers la fin, il est nécessaire d'éle-
ver la température jusqu'au rouge vif. Lors-
qu'au lieu d'opérer dans une cornue, on se
sert d'un creuset, il peut arriver que la baryte
se transforme partiellement en carbonate, en
absorbant l'anhydride carbonique qui se foru;e
CAR
dan3 le fourneau même par la combustion du
charbon.
On se sert de vases de porcelaine pour cette
opération, parce que les vases de platine et
de terre sont fortement attaqués et donnent
un produit souillé soit par le platine, soit par
la silice, l'alumine, l'oxyde de fer et les autres
matières dont les creusets de terre sont for-
més. Avec la porcelaine,le même inconvénient
sa présente, mais à un degré moindre. L'atta-
que des vases dont on se sert étant favorisée
par la fusion de l'azotate de baryte, au début
de l'opération, on a conseillé de mêler l'azo-
tate avec un peu plus que son poids de sulfate
de baryte, afin de l'empêcher de fondre; on
peut avoir recours à cette méthode toutes les
Fois que la présence du sulfate de barj'te ne
nuit pas, comme, par exemple, lorsqu'on se
propose de préparer de l'hydrate de baryum.
Enfin, si l'on se proposait d'obtenir de la ba-
ryte absolument pure, il faudrait calciner
l'iodate de baryum, qui abandonne facilement
son iode et les f de son oxygène sans fondre
et sans se boursoufler. .
— Hydrate de baryum. Ba" H' O' ( anc. not.
BaHO), synonymes: baryte caustique, oxyde
de baryum hydraté, hydrate de baryte. Lors-
qu'on arrose de la baryte caustique avec de
1 eau, cet oxyde et ce liquide se combinent en
dégageant beaucoup de chaleur, et en aug-
mentant beaucoup de volume. C'est générale-
ment par ce moyen qu'on produit l'hydrate de
baryum dans les laboratoires.
Formules atomiques.
Ba"0 + H'O = Ba"H10'
Baryte. Eau. Hydrate de baryum.
Formules équivalentes.
BaO + HO = BaO, HO
Baryte. Eau, Hydrate de baryum.
On peut cependant le préparer en faisant
bouillir une solution de sulfure de baryum
avec de l'oxyde de cuivre, jusqu'à ce que la
liqueur filtrée ne précipite plus les sels de
plomb en noir. On filtre alors; on concentre
en évaporant, et on laisse refroidir la liqueur.
L'hydrate barytique se dépose en cristaux.
Dans cette réaction, le soufre du sulfure de ba-
ryum se porte sur le cuivre, et l'oxygène de
l'oxyde de cuivre sert à oxyder le baryum.
Formules atomiques.
CuO -f BaS H- H"0 =
Oxyde de cuivre. Sulfure de baryum. Eau.
BaH' O1 -f- CuS
Hydrate de baryum. Sulfure de cuivre.
Formules équivalentes,
CuO 4- BaS + HO =
Oxyde de cuivre. Sulfure de baryum. Eau.
BaO, HO ' + CuS
Hydrate de baryum. Sulfure de cuivre.
Un autre procédé, qui est excellent pour
préparer l'hydrate de baryum, consiste à dé-
composer l'azotate de baryte par la soude. A
cet effet, on fait une solution de soude de 1,10
à 1 , 1 5 de densité, que l'on mêle avec une quan-
tité équivalente d azotate de baryte finement
pulvérisé. On maintient le mélange en ébulli-
tion pendant quelque temps, en y ajoutant de
temps à autre de petites quantités d'eau pour
faciliter la solution. Lorsque tout est dissous,
on filtre le- liquide bouillant et on le recueille
dans un flacon que l'on bouche avec soin. Par
le refroidissement, il se forme d'abondants
cristaux d'hydrate de baryum. Ces cristaux,
séparés de l'eau mère qui surnage sont en-
suite exprimés à la presse et redissous dans
l'eau bouillante, qui les abandonne de nouveau
en se refroidissant. Deux ou trois pressions et
cristallisations successives suffisent pour les
avoir tout à fait purs.
Au lieu d'azotate barytique, on pourrait em-
ployer, dans cette préparation, le chlorure de
.baryum, mais on préfère l'azotate parce qu'il
donne naissance à de l'azotate sodique dans
la double décomposition, et que, dans le cas
où la purification du produit serait incomplète,
l'azotate de sodium nuirait moins que le chlo-
rure de sodium,- qui pourrait souiller l'hydrate
de baryum si l'on avait fait usage du chlorure
de baryum pour le préparer.
L'hydrate de baryum cristallise par le re-
froidissement de sa dissolution saturée à
chaud,' en prismes incolores à quatre ou six
pans terminés par des pyramides à quatre fa-
ces. Ces cristaux renferment huit molécules
d'eau de cristallisation et répondent, par con-
séquent, h la formule BaH50' + 8aq (anc.
not. Ba O, H O + 8 H O) ; ils se dissolvent dans
20 parties d'eau à 15° et dans 2 parties d'eau
bouillante. Leur solution, connue sous le nom
d'eau de baryte , a une réaction fortement al-
caline, est très-caustique et absorbe l'anhy-
dride carbonique de l'air en formant une cou-
che de carbonate barytique qui nage à. sa
surface. Ces cristaux sont efflorescents lors-
qu'on les abandonne dans le vide au-dessus
d'un vase contenant de l'acide sulfurique ; ils
abandonnent les sept huitièmes de leur eau de
cristallisation et laissent une matière qui ré-
pond à la formule BaH' O* + aq (anc. not.
BaO,HO + HO), qui fond à 100°, etqui,àla
température rouge, abandonne le res,ta de
BAR
l'eau de cristallisation en laissant l'hydrate
normal BaH'O' (anc. not. BaO, HO).
L'hydrate normal, lorsqu'on le chauffe seul,
ne donne pas de baryte anhydre au-dessous
de la chaleur rouge ; mais lorsqu'on le chauffe
dans un courant d'anhydride carbonique , il
perd de l'eau et donne naissance à du carbo-
nate de baryte; il se déshydrate également
âuand on le calcine dans un courant d'air, et
se transforme en bioxyde de baryum.
Formules atomiques.
BaH'O' + CO' >=
Hydrate de baryum. Anhydride carbonique.
CO")
ëa" r
4-
H'O
Carbonate de baryum.
Eau.
îBaH'O1 .
.+
oj
Hydrate de baryum.
Oxygène.
2 BaO'
+
2 H'O
Bioxyde de baryum.
Eau.
Formules équiva
lentes.
BaO,HO . +
CO'
Baryte hydratée.
Anhydride carbonique
BaO.CO' +
HO
Carbonate de baryum.
Eau.
BaO, HO
+
0
Baryte hydratée.
Oxygène.
BaO'
+
HO
Bioxyde de baryum.
Eau.
L'hydrate de baryum'esi fort employé comme
réactif dans les laboratoires ; on s'en sert pour
doser l'anhydride carbonique , pour précipiter
les oxydes métalliques et pour séparer la
magnésie des alcalis. M. Wurtz l'a employé
avec avantage pour déterminer les quantités
d'un acide quelconque qui se forme lorsqu'on
saponifie un éther composé. Il chauffe, a cet
effet, dans des tubes scellés, l'éther composé
avec un excès d'hydrate de baryte. Quand la
décomposition est complète, deux cas peuvent
se présenter : l'acide formé donne un sel de
baryum insoluble, ou il forme* avec le métal
un sel soluble. Dans le premier cas, le sel in-
soluble se trouve déposé au fond du tube ; on
n'a qu'à le recueillir, le laver, le sécher et le
peser; dans le second cas, on fait passer un
courant d'anhydride carbonique à travers la
liqueur que le tube contient; tout le baryum
qui est resté à l'état d'hydrate se précipite,
tandis que celui qui est passé à l'état de sel
reste dissous. On filtre, on lave le précipité,
on réunit les eaux de lavage à la liqueur et
l'on dose le baryum que cette dissolution ren-
ferme, par le procédé que nous indiquerons
en nous occupant du'dosage de ce métal. Du
poids du baryum on déduit celui de l'acide de-
venu libre pendant la saponification de l'éther.
Bioxyde de baryum. Ba O* ( même formule
dans les deux notations). On obtient ee corps
en chauffant de la baryte anhydre ou de l'hy-
drate de baryum, au rouge sombre, dans un
courant d'oxygène ou d'air exempt d'anhy-
dride carbonique. La baryte anhydre convient
mieux que l'hydrate de baryum, parce que ce
dernier corps se fond et devient ainsi moins
apte a absorber l'oxygène. On peut cependant
faciliter CeJ.te absorption en mêlant l'hydrate
avec de la chaux ou de là magnésie, parce
que ces corps s'opposent à la fusion et entre-
tiennent la porosité de la masse. On peut en-
core préparer le bioxyde de baryum en arro-
sant de la baryte, portée au rouge, avec de
petites portions successives de chlorate de
potasse, jusqu'à ce que l'on ait employé un
poids de ce sel égal a quatre fois celui de la
baryte. On lave ensuite avec de l'eau pour sé-
parer le chlorure de potassium qui prend nais-
sance dans la réaction, et il reste du bioxyde
de baryum à l'état d'hydrate.
Le bioxyde de baryum se présente sous la
forme d'une poudre grise, un peu moins solu-
ble que la baryte anhydre. Au rouge blanc, il
perd la moitié de son oxygène et se convertit
en baryte. Il perd également la moitié de son
oxygène lorsqu'on le chauffe au rouge dans
un courant de vapeur d'eau. Le produit est
alors de l'hydrate de baryum. La propriété
qu'a la baryte d'absorber l'oxygène lorsqu'on
la chauffe au rouge dans un courant d'air, et
d'abandonner ensuite cet oxygène lorsqu'on
élève encore la température en faisant passer
un courant d'eau sur l'oxyde, a été utilisée par
M. Boussingault pour extraire l'oxygène de
l'air par une méthode continue. A cet effet, il
place dans un tube de porcelaine de l'hydrate
de baryum mêlé de chaux , et chauffe le tube
au rouge, en ayant soin de le faire traverser
Ear un courant d'air débarrassé d'acide car-
onique, courant qu'il produit au moyen d'un
aspirateur. Dès que la conversion de l'hydrate
en peroxyde est complète, on arrête l'arrivée
de l'air dans le tube à travers lequel on di-
rige de la vapeur d'eau, pendant qu'on en
élève la température, et l'on procède ainsi
tant qu'il continue à se dégager de l'oxygène.
Quand tout dégagement gazeux a cessé, on
abaisse la température, on remplace le cou-
rant de vapeur par un courant d'air, et l'on
continue ainsi indéfiniment à oxyder la baryte
aux dépens de l'air et à la réduire au moyen
de la chaleur et de la vapeur d'eau. Au lieu
d'hydrate de baryum, on pourrait employer
BAR
la baryte anhydre et décomposer le bioxyde
formé au moyen de la chaleur seule sans
l'aide de là vapeur d'eau; mais on serait alors
obligé d'élever beaucoup plus la température,
et si la baryte renfermait des traces de silice
et d'alumine, ce qui arrive souvent, elle ne
tarderait pas à se transformer en une masse
dure,'demi-vitrifiée, qui n'absorberait plus
l'oxygène qu'avec difficulté.
Le bioxyde de baryum est décomposé par
le charbon, le phosphore, le soufre et l'hydro-
gène, à la chaleur rouge, et par l'acide sulf-
hydnque à la température ordinaire. Chauffé
Sur une lampe à alcool à large flamme, dans
un courant d'oxyde de carbone, il devient in-
candescent, et 1 on voit de petites flammes qui
s'élèvent à sa surface et qui proviennent pro-
bablement de l'oxygène abandonné par le îï-
oxyde encore indécomposé. Un phénomène du
même genre, mais beaucoup plus brillant, se
.manifeste lorsqu'on chauffe le bioxyde de
baryum dans l'anhydride sulfureux ; il se pro-
duit alors du sulfate de baryum par addition
directe.
Formules atomiques.
Ba"0' + SO'
Bioxyde de baryum. Anhydride sulfurique.
• ' Ba"SO*
Sulfate de baryum.
Formules équivalentes.
BaO' + SO1
Bioxyde de baryum. Acide sulfureux anhydre.
BaO,SO*
Sulfate de baryum.
Lorsqu'on traite le bioxyde de baryum par
l'acide sulfurique concentré et qu'on aide la
réaction en chauffant légèrement, il se dégage
de l'oxygène, en même temps qu'il se forme
du sulfate barytique.
Formules atomiques.
BaO' + Sg;"|0' =
Bioxyde de baryum. Acide sulfurique.
SO'")
Ba" i0' + °
Sulfate de baryum. Oxygène.
Formules équivalentes.
BaO1 4- SO',HO
BAR
291
Bioxyde de baryum.
SO',BaO
Sulfate de baryte.
Acide sulfurique.
+ O
Oxygène.
Si la température ne dépasse pas 50°, une
portion de 1 oxygène est à l'état d'azote : mais
si elle atteint70",onn'obtientplusquedei'oxy-
gène ordinaire. Lorsqu'on projette du bioxyde
de baryum dans de l'eau, il se diffuse dans ce
liquide et forme un hydrate qui a probable-
ment pour formule BaO' + 6aq (anc. not.
BaO' + 6HO); cet hydrate se dépose en
écailles cristallines lorsqu'on ajoute de l'eau
oxygénée à de l'eau de baryte concentrée. Il
est légèrement soluble dans l'eau chaude et
se décompose dans l'eau bouillante en oxygène,
qui se dégage, et en hydrate de baryum, qui
reste dissous.
Le peroxyde de baryum anhydre et le per-
oxyde hydraté se dissolvent tous les deux dans
l'acide chlorhydrique, en donnant de l'eau
oxygénée et sans dégager d'oxygène.
Formules atomiques.
2
'(II)
Acide chlorhydrique.
H)
Ba"0' +
Bioxyde de fcaryum.
Ba"Cl> + J.JJO'
Chlorure de baryum. Bioxyde d'hydrogène.
Formules équivalentes.
BaO' + .. HC1
Bioxyde de baryum. Acide chlorhydrique.
BaCl + HO'
Chlorure de baryum. Eau hydrogénée.
Quand on mêle le peroxyde de baryum avec
de l'eau acidulée, en présence de l'oxyde
d'argent, du peroxyde de manganèse ou du
peroxyde de plomb, il se dégage de l'oxygène,
et l'oxyde de baryum, aussi bien (que l'autre j
oxyde métallique, se trouve réduit, de sorte
que le bioxyde de baryum agit ici à la manière
d'un corps réducteur. V. Eau oxvqenée.
L'oxyde, le sulfate ou le carbonate d'argent,
introduits dans une solution acide de peroxyde
de baryum, sont en partie réduits à l'état d'ur-
gent métallique; mais la quantité d'oxygène
dégagé est toujours inférieure à la moitié de
celle qui se trouve dans le peroxyde. La pro-
portion du métal réduit augmente quand la
quantité du sel d'argent devient plus considé-
rable, et diminue quand la température s'é-
lève. Une faible quantité d'un composé argen-
tique ou de toute autre substance semblable,
peut décomposer des quantités considérables
de peroxyde de baryum. L'iode décompose
une quantité de ce corps strictement équiva-
lente au poids de l'iode employé, en mettant
en liberté l'oxygène.
Formules atomiques.
Ba"0' + I' = Ba"!' + O'
Bioxyde de baryum. Iode. lodure de barynm. Oxyg.
— Sulfures de baryum. On a décrit jusqu'à
ce jour un protosulfure de baryum Ba"S , un
' Ba" )
sulfhydrate de baryum „, IS', un trisutfure
de baryum Ba S'" S et un pentasulfure de ba-
ryum BaS'" S.
Protosulfure de baryum Ba S (anc. not. BaS).
On prépare ce corps soit en faisant passer de
l'acide sulfhydrique ou du sulfure de carbone
en vapeurs surde la baryte chauffée au rouge,
soit en réduisant le sulfate de baryte dans un
courant d'hydrogène ou d'hydrogène carboné.
Ces deux procédés fournissent Un produit pur.
Toutefois, lorsqu'il s'agit de préparer du sul-
fure de baryum sur une grande échelle , dans
un but industriel, on préfère calciner le sulfate
de baryte natif avec du carbone bien pulvé-
risé. Il est avantageux d'ajouter des résidus,
des huiles ou de I amidon au mélange, pour
lier la masse et produire une fusion partielle.
Une méthode bien préférable, cependant, con-
siste à fondre le sulfate avec un tiers de son
poids de matières bitumeùses, et à chauffer le
tout au rouge, pendant une heure, dans un
creuset. La matière goudronneuse pénétre
alors complètement le mélange, et chaque
farcelle de sulfate se trouve en contact avec
agent réducteur. On peut encore calciner
un mélange de 100 parties de spath pesant,
ZOO parties de sel commun et 15 parties de
charbon en poudre, dans un fourneau à réver-
bère. Le chlorure de sodium sert ici à mettre
la masse en fusion et à faciliter la réaction.
De quelque manière que l'on ait opéré, le
sulf&ie de baryum reste mélangé avec un excès
de charbon et de sulfate de baryte indécom-
posé ; on l'extrait en épuisant la niasse refroi-
die par l'eau bouillante, filtrant et laissant
cristalliser le sel par refroidissement.
Le sulfure de baryum se présente en un
masse blanche d'une odeur hépatique et de sa-
veur alcaline. Il est facilement soluble dans
l'eau. Exposé à l'air, il absorbe simultanément
l'eau et 1 anhydride carbonique, et se conver-
tit en carbonate de baryum, en dégageant de
l'acide sulfhydrique. Si on le chauffe au con-
tact de l'air, il s'oxyde lentement; mais si on
le porte au rouge dans une atmosphère de va-
peur aqueuse, il se transforme en sulfate ba-
rytique, et de l'hydrogène est mis en liberté.
Le sulfure de baryum en solution dans l'eau
est facilement décomposé, à l'ébullition , par
les oxydes de cuivre, de fer, etc., avec for-
mation d'hydrate de baryum et d'un sulfure de
cuivre, de" fer, etc. Tous les acides et même
les anhydrides acides faibles, comme l'anhy-
dride carbonique, le convertissent en sels de
baryum et mettent en liberté de l'hydrogène
sulfuré. Le chlore, le brome, l'iode précipitent
le soufre du sulfure de baryum, et donnent un
chlorure, un bromure et un iodure de ce mé-
tal. Il résulte de ces diverses réactions que,
soit à cause de la facilité avec laquelle il se
laissa attaquer, soit à cause du peu de peine
qu'on a à le produire, le sulfure de baryum
sert généralement de matière première pour
préparer les autres composés de baryum.
Le sulfure impur, tel qu'il est obtenu'par la
calcination du spath pesant avec une matière
carburée, acquiert la propriété de briller dans
l'obscurité lorsqu'il a été exposé pendant
quelque temps aux rayons solaires. On l'a ap-
pelé pour cette raison phosphore de Bologne,
En présence de l'eau, le protosulfure de ba-
ryum se convertit en un mélange d'hydrate et
de sulfhydrate de baryum.
Formules atomiques.
2BaS + 2(h!°) "
Sulfure de baryum.
Ba")
Eau.
Ba")
W' . + BH>
Sulfhydrata de baryum. Hydrate de baryum.
Formules équivalentes.
2BaS + 2HO h"
Sulfure de baryum. Eau. '
BaS.HS + BaO.HO
Sulfhydrate de baryum. Hydrate de baryum.
La quantité de substances qui subit cette
double décomposition varie avec la tempéra-
ture de l'eau.
Lorsqu'on chauffe le sulfure de baryum im-
pur, obtenu parla calcination du sulfate, pen-
dant 24 heures, dans un vase scellé, avec une
quantité d'eau insuffisante pour toutdissoudre,
et qu'on répète l'opération un grand nombre
de fois, ou remarque que les diverses solutions
que l'on obtient présentent des caractères
différents. Les deux premières sont d'un jaune
pâle ; sous l'influence de l'acide chlorhydrique
elles donnent un abondant dégagement d'hy-
drogène sulfuré et un dépôt de soufre ; elles
forment dans la solution des sels de manga-
nèse, un précipité couleur de chair, en même
temps que de 1 acide sulfhydrique se dégage.
Ces réactions démontrent que la liqueur ren->
ferme à la fois du sulfhydrate et du polysul-
fure de baryum. La troisième solution se com-
porte comme celles qui renferment du proto-
sulfure de baryum avec un léger excès d'hy-
drogène sulfuré. La quatrième renferme aussi
292
BAR-
BAR
BAR
BAR
du protosulfure de baryum, en même temps
qu'un peu de baryte libre ; la proportion de
ce dernier corps va en augmentant dans les
cinquième, sixième et septième solutions. Le
produitde la huitième et de la neuvième opéra-
tion, se comporte comme de l'eau de baryte
pure, et donne avec les sels de manganèse un
simple précipité blanc d'oxyde manganeux.
Lorsque, au Heu de chauffer le protosulfure de
baryum avec des quantités d'eau successives
dont chacune serait insuffisante pour le dissou-
dre entièrement, on le traite d'emblée par une
quantité considérable de ce liquide, la liqueur
renferme seulement du protosulfure de baryum
ou un mélange de sulfhydrate et d'hydrate
du même métal, formé d après l'équation que
nous avons donnée plus haut. Abandonnée
pendant plusieurs années dans un flacon bou-
ché, la solution de protosulfure de baryum,
laisse déposer d'abord des cristaux d'hydrate
de baryum, puis des écailles qui sont formées
d'un mélange d'hydrate de baryum et de sul-
fure de baryum hydraté, Ba, S 3 H1 0 (anc.
not. Ba S, 3 H O) , et finalement de doubles py-
ramides à six faces, renfermant les mêmes
substances, mais plus riches en sulfure de ba-
ryum que les écailles qui les ont précédées.
Les eaux mères, soumises à l'ébullition dans
une cornue, laissent dégager une quantité no-
table d'hydrogène sulfuré et donnent en se
refroidissant, un dépôt de protosulfure de ba-
ryum hydraté, sous forme d'une poudre blan-
che, tandis qu'une certaine quantité de su,l-
fhydrate de baryum reste dissoute.
Sulfure de baryum hydraté. Ba"S,3H'0
(anc. not. BaS, 3 H O). C'est une poudre blan-
che qui passe rapidement au jaune. Ce corps,
dissous dans une quantité d'eau considérable,
donne une liqueur qui précipite des sels de
manganèse sans donner lieu a aucun dégage-
ment d'hydrogène sulfuré , ce qui indique
qu'elle renferme un protosulfure, et non un
sulfhydrate. Toutefois, le même sel traité par
une faible quantité d'eau, lui abandonne du
sulfhydrate de baryum, tandis qu'il reste un
résidu d'hydrate de baryum non dissous.
Sulfhydrate de baryum èiiS' (anc. notât.
BaS, H S). On fait une bouillie avec de l'eau
et de l'hydrate ou du sulfure de baryum ; on
chauffe, et l'on dirige à travers cette masse
un courant d'hydrogène sulfuré, jusqu'à satu-
ration. On évapore la liqueur ainsi obtenue,
en évitant le contact de l'air; on l'abandonne
ensuite au refroidissement. Elle donne alors
des cristaux de baryte, en même temps que
des prismes jaunes. Le liquide restant peut
être évaporé dans un espace abrité de l'air; on
obtient dans ce cas des prismes blancs et opa-
ques. On peut aussi y ajouter de l'alcool, filtrer
pour séparer le sulfure et l'hyposulfite qui ré-
sultent de l'action de l'air contenu dans l'al-
cool, et refroidira 10°; de cette manière, il
se produit de très-jolis prismes transparents
à six faces. De même, on peut préparer du sul-
fhydrate de baryum en abandonnant à la cris-
tallisation une solution de baryte et de sulfure
barytique, séparant les cristaux, évaporant
la liqueur mère et la laissant finalement se
solidifier par le refroidissement, lorsqu'elle
est assez concentrée. Les cristaux ainsi pré-
parés sont jaunâtres et hydratés; soumis a
l'action de la chaleur, ils perdent leur eau et
deviennent blancs ; a l'air, ils s'effleurissent
et deviennent également blancs, mais en se
convertissant dans un mélange de sulfate et
d'hyposulfite de baryum. Si on chauffe ce corps
dans une cornue, il perd son eau de cristalli-
sation sans éprouver de fusion. Quand la tem-
Férature se rapproche du rouge, il dégage de
acide sulfhydrique et laisse en dernier lieu
du protosulfure de baryum, d'un jaune obscur,
qui devient blanc en se refroidissant. Une so-
lution de sulfhydrate de baryum donne, lors-
qu'on la verse dans une solution d'un sel man-
ganeux quelconque, un précipité de sulfuro
de manganèse, couleur de chair, en même
temps qu'il se dégage de l'hydrogène sulfuré
en abondance. Ce sel se décompose par l'é-
bullition avec l'eau, en dégageant de l'hydro-
gène sulfuré ; l'alcool ne le dissout pas. L'iode
.en sépare du soufre et le transforme en iodure
de baryum et acide iodhydrique.
Trisulfure de baryum. BaS' (dans les deux
notations). On affirme que ce corps prend nais-
sance, en même temps que du sulfate de ba-
ryte, lorsqu'on chauffe fortement huit parties
de baryte avec six parties de soufre ; 1,78 par-
ties de ce dernier corps s'évaporent pendant
la réaction, et il reste un mélange qui aban-
donne à l'eau le trisulfure, que l^m peut ainsi
séparer du sulfate resté non dissous. Lors-
qu'on chauffe ce trisulfure au rouge, dans un
courant de vapeur d'eau, il donne lieu à un
dégagement d'acide sulfhydrique, et produit
du sulfate de baryum.
Pentasulfure de baryum. BaS' (dans les
deux notations). On le prépare en faisant
bouillir une solution aqueuse de protosulfure
ou de sulfhydrate de baryum. On l'obtient
aussi, mélangé d'hyposulfite, en faisant bouillir
de l'eau de baryte avec du soufre. Sa solution
est jaune, anière, alcaline et caustique ; éva-
porée dans le vide, elle laisse une masse amor-
phe d'un jaune pâle ; à l'air, elle se décompose,
du soufre se dépose, et il se produit de l'hy-
posultite de baryum.
— Oxysulfures de baryum. Nous avons déjà
dit que, lorsqu'on abandonne pendant long-
temps dans un vase fermé une dissolution de
sulfure de baryum dans l'eau, il se dépose
d'abord des cristaux d'hydrate barytique, puis
des cristaux formés à la fois par de 1 hydrate
et du sulfure de baryum : ces cristaux sont
un véritable oxysulfure hydraté. Leur for-
mule est Ba'" S'O', 58 aq (ancienne notation
Ba'S'O*, 58 HO). Après ces cristaux, il s'en
dépose d'autres en petits grains, qui ont pour
formule Ba'"SOl0H' (ancienne notation
Ba'SO-1- loHO). Unesolutiondeprotosulfure
modérément évaporée laisse déposer , au
bout de deux mois environ, de larges tables
cristallines transparentes, dont la forme est
celle d'un dodécaèdre hexagonal ayant ses
sommets tronqués. Ces cristaux renferment
Ba'S'O + 2811'O
ou BaO + 10H'O + 3(BaS,6H'O).
ou (anc. not. Ba1 S' O + 28 H O
Ba O + 10 H O + 3 [Ba S + 6 H O]).
Ces oxysulfures sont très-facilement décom-
posables; l'eau bouillante les résout en hy-
drate et sulfhydrate de baryum, et peut-être
sont-ils de simples mélanges de ces deux
corps.
— Séléniure de baryum, Ba" Se (dans les
deux notations). On l'a préparé en calcinant
le sélenite barytique avec du charbon pulvé-
risé, ou dans un courant d'hydrogène. C'est
un corps soluble dans l'eau, mais décompo-
sable par ce liquide, à la manière du sulfure,
en hydrate de baryum et polyséléniure capable
de donner, lorsqu'on le traite par l'acide sul-
furique , un dégagement d'hydrogène sélé-
nié, accompagné d'un dépôt de sélénium.
— Phosphure de baryum, Ba"P'? (anc. not.
BaP). Lorsqu'on dirige des vapeurs de phos-
phore sur de la baryte chauffée au rouge
sombre, il se produit un corps connu sous le
nom de phosphure de baryte, et qui est un mé-
lange de phosphure et de phosphate de ba-
ryum. Peut-être la réaction est-elle conforme
à l'équation suivante :
Formules atomiques.
8BaO + 12P
Baryte. Phosphore.
5 BaP' + .(PBa'i0'
Phosphure de baryum. Phosphate de baryte.
Formules équivalentes.
8BaO + 6P
Baryte. Phosphore.
5BaP . + PBa'08
Phosphure de baryum. Phosphate de baryte.
— Sels oxygénés de baryum. Les seuls ,
parmi ces sels, qui méritent d'être étudiés en
détail, sont 1 azotate , le sulfate , le phos-
phate et le carbonate.
( Az O'Tï
Azotate de baryum v njirt O* (anc. notât.
BaO,AzO'). On prépare ce sel en traitant le
sulfate de baryum, ou mieux le carbonate, par
l'acide azotique étendu. Si la liqueur renferme
du fer, on le précipite à l'état d'hydrate au
maximum, au moyen de l'eau de oaryte ; il
suffit ensuite de faire cristalliser le sel deux
fois, pour l'obtenir très-pur. On peut encore
obtenir l'azotate barytique, en faisant bouillir
du sulfure de sodium avec de l'azotate de
soude; par le refroidissement de la liqueur,
il se sépare des cristaux à'azotate de baryum,
et la liqueur retient en solution du sulfure de
sodium.
L'azotate de baryte cristallise en octaèdres
réguliers, toujours anhydres; 100 parties d'eau
en dissolvent 5 parties à 0°, et 35, 18 parties
à 1010,5; il est complètement insoluble dans
l'alcool et l'acide azotique concentré.
Sous l'influence de la chaleur, l'azotate de
baryum perd les éléments de l'anhydride azo-
tique, à l'état de bioxyde d'azote et d'oxy-
gène, et laisse un résidu de baryte anhydre.
„/(AzO')
Formules atomiques.
, = 2Ba"0 + 4AzO + 3/
Y B2W = "Ba"0 + 4Az0+3(oi)
Azotate de baryte. Baryte. Bioxyde d'azote. Oxygène.
Formules équivalentes.
BaO.AzO' = BaO + AzO' + 30
Azotate de baryte. Baryte. Bioxyde d'azote. Oxygène.
Lorsque la chaleur est modérée, la réduction
s'arrête à l'azotite de baryte.
Formules atomiques.
(AzO')')0, = (AzO)'j0, Oi
Ba"!0 Ba(u + O1
Azotate de baryte. Azotite de baryte. Oxygène.
Formules équivalentes.
BaO,AzOs = BaO, AzO' + Os
Azotate de baryte. Azotite de baryte. Oxygène.
SO1")
Sulfate de baryte „ „ \0* (ancienne, notât.
BaO,SO*). Le sulfate de baryte est très-
abondant dans la nature. Les minéralogistes
le désignent sous les noms de baryte sulfatée,
spath pesant, ou baryf'ne. On le rencontre
dans les amas et les filons métallifères, et par-
ticulièrement dans ceux d'argent, d'antimoine,
de cuivre et de mercure. Tantôt on le trouvé
en cristaux nets et transparents , tantôt en
rayons, en stalactites, en masses fibreuses,
grenues compactes ou lamellaires. Ses cris-
taux dérivent du prisme droit à base rhoni-
boldale de 101*>, 4', et présentent trois clivages.
Le sulfate de baryte naturel a une densité
de 4,7, ce qui, joint" au triple clivage de ce
minéral, le rend très-facile à reconnaître.
Le sulfate de baryte est un des corps les
moins solubles dans l'eau que l'on connaisse ;
aussi le prépare-t-on par double décomposi-
tion, en versant de 1 acide sulfurique dans
un sel de baryum soluble. Il se précipite, dans
ce cas, sous la forme d'une poudre blanche
très-pesante.
Le sulfate de baryte se dissout facilement
dans l'acide sulfurique concentré et bouillant.
L'eau le précipite de cette solution, qui d'ail-
leurs l'abandonne cristallisé en aiguilles fines
et brillantes, lorsqu'elle se refroidit. Toutefois,
d'après Berzelius, les aiguilles seraient un bi-
sulfate de baryte représenté par la formule
(SO1)"1)
Ba" O4 (anc. not. 2 SO', BaO, HO), que
H' )
l'eau dédoublerait en acide sulfurique et sul-
fate neutre.
Le sulfate de baryte peut être artificielle-
ment obtenu cristallisé, comme le sulfate na-
turel ; il suffit pour cela de le prendre récem-
ment précipité, de le chauffer à 250° dans un
tube scellé à la lampe, avec une dissolution
de bicarbonate de soude, dans laquelle il se
dissout sensiblement et du sein de laquelle il
se dépose ensuite en cristaux.
Le sulfate de baryte bout à une tempéra-
ture élevée, et est indécomposable par la cha-
leur seule. Calciné avec du charbon, du fer ou
tout autre agent de réduction, il perd son
oxygène et se transforme complètement en
sulfure de baryum.
Phosphates de baryte. On obtient un phos-
phate de baryte neutre, dont la formule est
fP0"2!J0' (anc. not. 3BaO,PO'), en préci-
pitant une dissolution de chlorure de baryum
par le phosphate de soude tribasique.
Si, au lieu de phosphate de soude tribasique,
on emploie pour cette précipitation du phos-
P O'" I
phate de soude du commerce na! [O* (anc.
Hi
not. . 2naO,HO ,PO"), il se forme un phos-
phate bibarytique, qui répond à la formule
(PO'")1)
Ba"' 0'(anc. not.2 Ba O, K >; P O'J.Ce phos-
H')
phate, mis à digérer avec de l'acide phospho-
rique concentré, se transforme en un sel bi-
(POm)'l
acide, dont la formule est Ba" SO' (anc. not.
W)
2 HO, BaO; PO'), et qui est soluble dans l'eau
sans décomposition Les deux autres phos-
phates sont des corps blancs pulvérulents, in-
solubles dans l'eau, mais solubles dans l'a-
cide chlorhydrique azotique et dans l'acide
phosphorique étendus. On se fonde souvent,
dans les analyses, sur cette solubilité du phos-
phate de baryte dans les acides, pour séparer
l'acide phospnorique de l'acide sulfurique avec
lequel il se trouve très-souvent mélangé.
CO">
Carbonate de baryte. B^„ O* (anc. notât.
BaO, CO'). Ce sel existe dans la nature, où il
accompagne presque toujours les minerais de
plomb ; on lui donne le nom de withérite. On
l'emploie en Angleterre comme mort aux rats.
Il est incolore et presque insoluble dans l'eau ;
mais il devient plus soluble dans une eau char-
gée diacide carbonique. Chauffé au feu de
forge, il perd son acide carbonique pour don-
ner de la baryte. On peut le préparer par
double décomposition, en traitant un sel de
baryte par un carbonate soluble. Ce sel cris-
tallise en prismes rhomboïdaux de 118°57'; sa
densité est de 4,29.
Outre les divers sels de baryum que nous ve-
nons de citer, on a préparé les composés sui-
vants du même métal, que nous nous bornerons
OS")
à énumérer : le sulfocarbonate, „ „ S1 (anc.
not. BaS,CS'); un sulfarséniate/AS|'"!,Hs*
(anc. not. (BaS)'ASS'); un métasulfarsé-
niate, <AS b!» js (anc- not BaSASS«); unpy-
rosulfarséniate, 'ASB7<«js' ( ar,c- not. ( BaS )■
ASS') ; un sulfotellurite, TBf»|s' (anc. notât.
Ba"S,TeS'); un perchlorate, ^g^'!0' (anc-
notation, BaO, CIO'); un chlorate, ^C1g2"i0,
( ancienne notation, BaO, CIO' ) ; un chlorite,
Ba"i0' (anc- not' Ba0'C10'); un tomate,
^Bf Ba"l0' (m'Mt'Ba0iBr0')i,111P™dale
baryque,I' Bu' O" (anc. not. 5 BaO, 10'); un
second périodate, I* Ba* H" O11 (anc. notation
(BaOHO)' (IO')!); un troisième périodate,
I'Ba'H'O" (anc. not. (BaO)' (HO)* IO') , qui
n'est autre que le premier dans lequel Ba' ont
été remplacés par H'; un iodate,v „'„0' (anc.
SO"
not. BaO, IO') ; un sulfite, g^„0' (anc, not,
BaO, SO') ; un dithionate, j^,, 0' (anc. r.ot.
BaO, S5 O5) ; un hyposulrite,SB^"j01 (anc. not.
BaO, S'O')'; unséléniate, Seg^"j03 (anc. not.
BaO,SeO'); un sélenite neutre, g^»!0' (anc.
(SeO")=J
not. BaO, SeO')t et. un sélenite acide, Ba" O5
H2]
(anc. not. SeO',BaO,HO) ; un tellurate neutre,
Ba"!0' (anc.not.BaO.TeO1); un diiellurate,
'Te0Ba"i0' (anG-not- Ba°. 2TeO"), et unto-
tratellurate,(Te°32.'|o5(anc.not.BaO(TeO')*);
un tellurite,1^,, O' (anc. not. BaO.TeO') ; et
un tétrateliurite> (Te<Ba"!0'
i TeO') ; un phosphite acide,
(anc. not. BaO,
Bu"}0' |' + aq
H
phos-
(anc. not. PO', 2 BaO, HO + HO) ; un
phite biacide, Ba" 0' -f- 3 aq (anc. notât.
V H'| )
PO*, BaO, 2 H 0 ■+- 3 HO ) ; un hypophosphite,
'(PII)'] \
Ba"}0' + aq (anc. not. BaO, PO + 3 aq) ;
H') /
un arséniate neutre, un arséniate acide, un
cyanate, un borate, et des silicates divers.
— Caractères distinctifs des sels de ba-
ryum. Les sels de baryum sont incolores lors-
qu'ils ne dérivent pas d'un acide coloré. On les
reconnaît aux caractères suivants :
Potasse : Précipité blanc d'hydrate de baryte
soluble dans un excès d'eau.
Ammoniaque : Pas de précipité si l'ammo-
niaque n'est pas carbonatée.
Carbonates alcalins : Précipité blanc de
carbonate de baryum.
Acide sulfurique et sulfates solubles: Préci-
pité blanc insoluble de sulfate de baryum.
Cette réaction est caractéristique.
Acide hydrofluosilicique : Précipité blanc
cristallisé.
Chromâtes de potasse : Précipité jaune so-
luble dans un excès d'acide.
Acide oxalique : Pas de précipité, si ce n'est
dans les solutions très-concentrées.
Oxalates neutres : Précipité blanc, même
dans les solutions étendues.
Sulfhydrate d'ammoniaque : Pas de pré-
cipité.
Cyanoferrure et cyanoferride de potassium :
Pas de précipité.
Phosphates, arséniates, borates et iodates
solubles : Précipités blancs solubles dans les
acides. ,
Les sels de baryte colorent en iaune ver-
dâtre la flamme du chalumeau.
Les composés barytiques, chauffés dans la
flamme intérieure du chalumeau, rendent la
flamme extérieure verte. Ils communiquent
de même une coloration verte à la flamme de
l'alcool. Cette flamme, examinée au spectro-
mètre de MM. Bunsen et Kirchkoff, présente
plusieurs larges raies vertes situées dans le
voisinage des lignes B et E de Franenhofer,
une brillante raie jaune qui coïncide avec la
raie D, une brillante raie orange jus^e au delà,
de cette dernière, et deux raies rouge orangé
plus faibles, dont l'une coïncide à peu près
avec la ligne C.
— Dosage du baryum. Le baryum se dose à
l'état de sulfate, le plus généralement. Le
sel à essayer est dissous dans l'eau ou dans
l'acide chlorhydrique, puis additionné d'acide
sulfurique jusqu'à cessation de précipité. Ce
précipité est du sulfate ds. baryte complète-
ment insoluble dans l'eau et presque entière-
ment insoluble dans les acides. La ténuité
extrême du précipité exige quelques précau-
tions pour le recueillir etïe laver ; car il passe
aisément h travers les pores du filtre. Il
faut, lorsque le précipité est bien rassemblé,'
décanter le liquide sur un filtre, en ayant soin
de ne pas remuer le précipité. Dès que le
liquide est filtré, on verse de l'eau bouillante
sur le sulfate, on l'agite et on le jette sur un
filtre, puis on le lave avec de 1 eau chaude
jusqu'à ce que l'eau du lavage ne précipite
plus par le chlorure de baryum. Le précipité
est ensuite desséché, calciné et pesé. 100 par-
ties en poids de sulfate correspondent à
58,78 parties de baryum et à 65,64 de baryte,
— Séparation du baryum d'avec les autres
métaux. La propriété qu'a le baryum d'être
précipité par l'acide sulfurique fournit le
moyen de séparer ce métal de tous les autres
éléments, à l'exception du strontium, du cal-
cium et du plomb.
On peut le séparer du strontium et du cal-
cium au moyen de l'acide hydrofluosilicique,
qui est sans action sur les solutions salines de
ces derniers métaux et qui donne au contraire,
avec des sels barytiques, un précipité blanc
de fluorure double de baryum et de silicium,
BaFl", Si FI1. Ce précipité est quelque peu
soluble dans l'alcool ; mais on peut rendre la
séparation complète en ajoutant de l'alcool à
la liqueur et chauffant légèrement ; il faut un
certain temps pour que le précipité se dépose,
lorsque les liqueurs sont très-concentrées. On
BAR
BAR
BAS
BAS
293
le recueille sur un filtre pesé et séché à une
chaleur modérée. 100 parties de ce fluorure
double correspondent à 49 ,0 1 parties de baryum
et à 57,73 de baryte. Pour les autres modes de
séparation, v. Strontium et Calcium.
Quant à la séparation du baryum d'avec le
plomb, elle s'effectue à l'aide de l'acide suif-
hydrique , qui précipite complètement le
plomb de ces sels, à l'état de sulfure, et qui
est entièrement sans action sur les composés
barytiques.
— Thérapeutique. Les sels solubles de ba-
ryte, pris à haute dose , agissent sur l'éco-
nomie comme des poisons énergiques. Les
symptômes qu'ils produisent sont dus en partie
à l'irritation locale qu'ils occasionnent, mais
surtout aux effets secondaires qu'ils exercent
sur le système nerveux, après avoir été ab-
sorhés, ce qui pourrait, jusqu'à un certain
point, les faire rapprocher des poisons narco-
tiques. On a conseillé le chlorure de baryum,
à faibles doses , contre les maladies scrofu-
leuses, les engorgements des viscères, les tu-
meurs blanches, les glandes lymphatiques, les
cancers, l'hydropisie; il n'est toutefois em-
ployé aujourd'hui que dans les cas de tumeurs
blanches ou de scrofules en général. M. Tas--
sani assure en avoir retiré d^xcellents effets
contre le tétanos traumatique. C'est un médi-
cament qui ne doit être administré qu'avec la
plus grande prudence. M. Payaux, qui s'est
occupé de l'emploi thérapeutique du chlorure
de baryum, conseille d'employer ce médica-
ment contre la scrofule qui se développe sur
des .sujets à tempérament non lymphatique et
à constitution irritable, parce qu'alors on doit
attendre d'heureux effets d'une médication
hyposthénisante. De même, le chlorure de 6a-
ryum serait indiqué dans les ophthalmies avec
photophobie extrême, dans les arthrites scro-
fuleuses qui s'accompagnent de douleurs très-
vives, dans les caries ou affections tubercu-
leuses des os qui se produisent chez des sujets
à fibres sèches. M. Payaux fait dissoudre de
0 gr. 05 à 0 gr. 15 de chlorure de baryum dans
100 gr. d'eau et recommande aux malades' de
prendre. ce liquide par cuillerées, de deux en
deux heures. Au bout de deux ou trois jours, il
faut augmenter la dose du chlorure de baryum.
De 0 gr. 05, on peut aller jusqu'à donner
0 gr. 35 par jour de ce sel sans produire aucun
effet nuisible, et en observant au contraire une
amélioration graduelle de tous les phénomènes
morbides.
— Pharmacie. On a conseillé les prépara-
tions suivantes de chlorure de baryum :
Emploi du chlorure de baryum (Mongiardini.)
pr : Chlorure de baryum pur. 4 grainm.
Eau 20
à prendre depuis 4 jusqu'à 50 gouttes par
jour contre les affections scrofuleuses et la
blépharoblennorrhée.
ou pr : Chlorure de baryum. 0,30 centigr.
Eau 180,00
à prendre 4 gouttes matin et soir.
Collyre au chlorure de baryum.
pr : Chlorure de baryum, 0,60 centigr.
Eau 30,00
Mucilage de coings. . 2,00
Laud. de Rousseau. . 2,00
Mêlez. — Contre les maladies scrofuleuses des
yeux.
Potion antiscrofuleuse.
pr : Chlorure de baryum, 0,10 centigr.
Eau distillée 200,00
Sirop de sucre. . . . 50,00
Mêlez. — 3 ou 4 cuillerées à café par jour.
Solution de chlorure de baryum. (Sichel.)
pr : Chlorure de baryum. . . 2 gramm.
Eau distillée 15
10 à 15 gouttes dans un verre d'eau sucrée
contre les affections strumeuses.
Pilules de chlorure de-baryum. (Walsch.)
pr : Chlorure de baryum. ... 1 gramm.
Mucilage de gomme
adragante.
oudredegui
Mêlez et faites 200 pilules. — A prendre 3 par
jour en augmentant progressivement jusqu'à
20, après le repas.
Technologie du baryum, ou applications du
baryum. Depuis un certain nombre d'années,
les composés barytiques ont acquis une cer-
taine importance dans les arts.
On a proposé l'hydrate de baryte pour pré-
cipiter le sucre cristallisable que renferment
les mélasses, et le séparer ainsi des chlo-
rures alcalins qui l'empêchent de cristalli-
ser. Le précipité barytique, convenablement
lavé, est soumis à l'action simultanée de l'eau
et de l'anhydride carbonique. Le sucre se
régénère et reste en solution dans l'eau, tan-
dis que la baryte se précipite à l'état de car-
bonate. On filtre, on retire le sucre de la li- '
qi'i-ur en la faisant évaporer, et l'on trans-
forme le carbonate de baryte en baryte, en
calcinant fortement le sel après l'avoir mé-
langé avec du charbon. La baryte ainsi régé-
nérée donne l'hydrate de baryte lorsqu'on la
traite par l'eau et peut servir à une nouvelle
opération.
M. Robert de Massy s'est fait breveter
en 1854, pour un procédé d'extraction du
sucre, où l'emploi de la chaux se trouve rem-
placé par celui de la baryte. On introduit la
baryte hydratée dans le jus sucré; il se forme
des cristaux de sucrate de baryte ; on porte à
la presse et on obtient des tourteaux qui con-
tiennent tout le sucre des jus sucrés ; on n'a
plus qu'à délayer dans l'eau et qu'à traiter
par l'acide carbonique, pour obtenir un sirop,
qu'on fera facilement cristalliser. On évite
ainsi la formation des mélasses et on écono-
mise le noir animal , les sirops n'ayant pas
fermenté. Les combinaisons du sucre avec la
baryte avaient été précédemment étudiées par
M. Péligot.
On mêle le sulfate de baryte à la céruse
(carbonate de plomb), et on le fait ainsi servir
à la peinture. Toutefois, le sulfate naturel
n'est ni assez divisé ni assez pur pour cet
usage. On obtient du sulfate artificiel en pré-
cipitant le chlorure de baryum par l'acide sul-
furique , lavant et desséchant le précipité.
Quant au chlorure , on le prépare au moyen
du chlorure de manganèse, par le procédé
que nous avons déjà décrit en nous occupant
de ce sel.
Le sulfate de baryte s'emploie à la fabrica-
tion des papiers peints, et pour la peinture au
silicate de potasse.
M. Kuhlman le prépare en condensant
l'acide chlorhydrique, résidu de diverses fabri-
cations , sur le carbonate de baryte ; il se
forme du chlorure de baryum, et on précipite
par l'acide sulfurique. 11 utilise aussi, pour sa
préparation, les chlorures de manganèse (ré-
sidus des fabriques de soude) employés jus-
que-là seulement à l'épuration et à la désin-
fection des fosses d'aisance. Il ajoute aux
eaux contenant ces chlorures du sulfate de
baryte naturel, toujours impur; par la cha-
leur, il obtient une substance frittée, composée
de sulfure de manganèse insoluble, qu'on sé-
pare par suite aisément, et de chlorure de
baryum. On traite par l'acide sulfurique, et on.
obtient du sulfate de baryte pur, en même
temps qu'on revivifie l'acide chlorhydrique.
BARYXYLE s. m. (ba-rik-si-le — du gr.
barus, lourd ; xulon, bois). Bot. Syn. d'une
division du genre casse.
BARZAKH , mot arabe qui désigne, chez les
musulmans, l'intervalle de temps qui s'écoule
entre la mort d'un homme et sa résurrection,
au jour du jugement dernier. De là l'expression
arabe, entrer dans le barzakh, qui, dans le Co-
ran, a la signification d'entrer dans le tombeau.
Le barzakh est une espèce de limbes, d'étape, de
séjour provisoire avant d'arriver, soit au para-
dis, soit en enfer. Lagénéralité[des savants mu-
sulmans admettent que, durant ce temps, l'âme
n'éprouve ni les jouissances du paradis, ni les
tourments de la géhenne. Cependant quelques
auteurs , entre autres Soyonthi , prétendent
qu'il est donné à l'àme de jouir par anticipa-
tion , dans le barzakh, de la vision béatifique.
BARZELOTTI (Jacques), médecin italien,
né dans la province de Sienne en 1708, se
distingua de bonne heure dans l'exercice de
la médecine et publia divers mémoires scien-
tifiques qui lui valurent la chaire de chirurgie
à l'université de Sienne. Il y professa avec
tant de succès, que lors de la réunion de l'u-
niversité de Sienne à celle de Pise, en 1810,
il fut chargé dans cette dernière ville, non-
seulement de son cours de chirurgie, mais
d'un nouveau cours de médecine légale. De
cette époque, et surtout de la publication de
sa Médecine légale (Pise, 1819), date sa no-
toriété. Cet ouvrage fut suivi des Questions
de médecine légale (Pise, 1835, 3 vol.). C'est
par ses soins que fut publiée la grande Ana-
tomie de son professeur Mascagni. Pour vul-
gariser les connaissances médicales, il publia
ensuite le Curé instruit dans la médecine (Il
Parroco eslruito nella medicina, 1825); V Epi-
tome di medicina pratica razionale (Naples,
1820); YEpitome délie instituzioni di chirurgia,
et plusieurs autres travaux scientifiques. Bar-
zelotti est mort à Pise, le 9 novembre 1839.
BARZEINA (le P. Alphonse), missionnaire
espagnol , surnommé X apôtre du Pérou , né à
Cordoue en 1528, mort à Cusco en 1598. Après
avoir étudié la théologie sous le célèbre Jean
d'Avila, il entra dans l'ordre des jésuites, se
livra quelque temps à la prédication dans
l'Andalousie et partit en 1559 pour l'Amé-
rique, afin de se consacrer à l'œuvre des mis-
sions. Arrivé au Pérou, il apprit les langues
du Tucuman et du Paraguay, et passa le reste
de sa vie à convertir les indigènes de ces
contrées. On a de lui, outre de petits livres
d'instruction religieuse, un ouvrage aujour-
d'hui fort rare et regardé comme le premier
qui ait été imprimé au Pérou , sous le titre
de : Lexica et prœcepta grammatica, item li-
ber confessionis etprecum, in guinque Indorum
linguis, etc. (Lima, 1590, in-folio).
BARZONI (Victor), publiciste italien, né
en 1768 à Lonato, mort en 1829. Elevé àBres-
cia dans les idées de l'ancien régime, non-
seulement il ne se sentit pas converti soudain,
comme tant d'autres, aux principes d'éternelle
justice que proclama la Révolution française,
mais encore il devint un de ses plus violents
agresseurs. Ne voyant, dans cette immense
rénovation sociale, que le triste côté des excès
commis et fatalement inévitables dans de pa-
reilles crises , il fit paraître , en 1794 , sous le
titre de : le Solitaire des Alpes, un pamphlet
sous forme de dialogue, dans lequel il l'attaque
avec passioij. Son hostilité se transforma en
haine, lorsqu'il vit nos armées envahir l'Italie
en 1796, en faire- le théâtre d'une guerre san-
glante et dévastatrice , et surtout lorsque ,
l'année suivante, le général Bonaparte, après
s'être emparé de Venise , livra cette ville à
l'Autriche, par le traité de Campo -Formio
(1797), ainsi que toutes les possessions véni-
tiennes , dans lesquelles se trouvait comprise
Brescia. Profondément indigné , comme pa-
triote, par cette cession d'un peuple, courbé
depuis lors sous un joug odieux, Barzoni exhala
sa haine dans une brochure intitulée les Hu-
mains en Grèce (i"9~), qui eut dans toute l'Ita-
lie le plus grand retentissement. Il y désignait
trop clairement Bonaparte sous le nom de
Flaminius , l'empereur François II sous celui
du roi Philippe, et les Italiens dans les Grecs
opprimés , pour qu'on pût s'y méprendre.
Bien que publié sous le voile de l'anonyme,
on connut bientôt l'auteur de cet ouvrage. Bo-
naparte ordonna de l'arrêter , et fit saisir tous
les exemplaires de la brochure qu'on put trou-
ver. Barzoni n'en resta pas moins à Venise ,
et bientôt après , ayant eu dans un café avec
l'envoyé de la France, Villetard, une violente
altercation, il se précipita sur lui, un pistolet
à la main. A cette nouvelle , Bonaparte , dont
l'irritation déjà était extrême , voulut qu'on
s'emparât de Barzoni et qu'on lui appliquât la
peine des assassins ; mais grâce au généreux
Villetard, qui lui procura un passe-port, Bar-
zoni put gagner les Apennins et se réfugier en
Toscane. De là, il se rendit à Milan, où il pu-
blia Revoluzioni délia republica veneta, ou-
vrage qui, peu de temps après, fut traduit en
Angleterre, où il eut un grand suecè,s. Lorsque
la péninsule fut tombée tout entière au pou-
voir des Français, il alla habiter quelque temps
l'Autriche, puis il gagna l'île de Malte (1804),
dont les Anglais s'étaient emparés. Là, il fit
paraître en italien un journal politique , le
Carthaginois, dans lequel il fit une guerre sans
relâche à Napoléon. De retour à Milan, en 1814,
il publia les Descrizioni, réunion d'études di-
verses sur les Apennins, les prisons de Venise,
la peste de Malte , et sur des statues qu'il dé-
crit. Quelque temps après, il se retiraà Naples,
où il termina une vie si pleine d'agitation.
Outre les ouvrages déjà mentionnés ,' citons
encore son histoire de la Révolution, intitulée
la République française (Venise, 1799), où l'on
trouve quelques faits curieux , et ses Motifs
de la rupturedu traité d' Amiens (Malte, 1804),
contenant de précieux renseignements diplo-
matiques. Tous les ouvrages de cet auteur,
aveuglé'bien souvent par l'esprit de parti, sont
remplis d'assertions inexactes et de déclama-
tions passionnées.
Bnrzuuiinnièh (livre de Barzou ) , grand
poëme cyclique persan , qui contient environ
soixante mille beits ou doubles vers, et qui
débute d'une manière assez semblable au com-
mencement du Schah-Naméh. Il en existe ,
à la Bibliothèque impériale, un manuscrit com-
posé de deux forts volumes in-4° , qui furent
apportés a Paris par Anquetil-Duperron. An-
quetil-Duperron 1 attribuait à un poste nommé
Ataî , qui aurait vécu après Ferdouci. Kose-
garten a donné quelques détails sur cet ou-
vrage. Il roule en grande partie sur les exploits
du héros principal Barzou , fils de Souhrab ,
le fils de Roustem , ses combats héroïques
contre les géants, les dives, et diverses autres
aventures. Les événements se passent à l'é-
poque du roi Keikawous d'Iran et d'Efrasiab
de Touran. Les héros du Schah-Namèh, Sâl ,
Roustem , Souhrab , etc. jouent encore ici la
plupart des rôles , et conservent leurs carac-
tères distinctifs, jusqu'à leurs surnoms Destan,
Tehemten, etc.. Le poëme commence par la
• mort de Souhrab , tué par son père Roustem ,
qui ne l'a pas reconnu , exactement comme
dans le Schah-Namèh. Une chose assez re-
marquable , c'est que le Barzounaméh ne con-
tient pas, en tête du poëme, les louanges ha-
bituelles du prophète et de Dieu. Faut-il en
induire qu'il est l'œuvre d'un parsi ? Dewlet-
schah ne parle de rien de semblable dans son
histoire des poëtes persans.
BARZYKOWSKI (Stanislas) , patriote polo-
nais, né en 1792 à Droycon, dans la Mazovie.
Malgré sa jeunesse, il était secrétaire du con-
seil d'Etat lorsqu'eut lieu, en 1815, la chute
définitive de Napoléon. Il se rendit alors en
Allemagne , et , après avoir complété son in-
struction dans diverses universités, il revint
dans son pays natal en 1818. Nommé député
de la diète en 1824 , il se signala en y défen-
dant avec éloquence les intérêts de sa patrie
et de la liberté , protesta en 1829 contre la
violation de la constitution polonaise par Ni-
colas, et devint , lors de la révolution de 1830,
un des cinq membres du gouvernement na-
tional, qui avait à sa tête le prince. Adam
Czartoryski. Barzykowski paya de sa personne
dans les sanglantes batailles qui aboutirent à
l'écrasement momentané de sa patrie. Il prit
alors le chemin de l'exil, et vint demander
l'hospitalité à la France.
BAS, ASSE adj. (bà, â-se. — On présume
q;ue cet adjectif, qui, aujourd'hui, a une allure
si profondément indigène et nationale, doit
être rattaché à un radical celtique qu'on re-
trouve dans l'irlandais bass, le gallois bas et
bazu, abaisser. Par une anomalie extrême-
ment singulière, le mot breton baz, actuelle-
ment usité, présente, dans certains cas, un
sens diamétralement opposé : il signifie peu
profond, sens bizarre, mais que nous retrou-
vons dans le français bas-fond. Aussi M. Chf-
vallet voit-il dans ce mot un exemple de ces
caprices philologiques si nombreux, consacrés
par l'usage). Peu élevé, dont la hauteur n'est
pas grande : Une maison basse. Une porte
basse. Un homme bas de taille. Un chapeau
bas de forme. Le lynx est moins gros que le
loup et plus bas sur ses jambes. (Buff.)
Inquiet, j'avançai, d'un pas discret et sur,
Vers la fenêtre basse et sous l'angle du mur.
Lamartine.
Il Dont le niveau est moins élevé qu'à l'ordi-
naire : Des eaux basses. La rivière est très-
, BASSE.
— Inférieur par sa situation; situé en un
lieu moins élevé : Les basses 'régions de l'air.
La salle basse. Les basses terres. Le bas pays.
La basse Bourgogne. La basse Bretagne. Le
bas Rhin. La basse Seine. Les basses Alpes.
Le bas Médoc. Les basses Pyrénées. Dans les
terrains secs, la chair de mouton est de meil-
leure qualité que dans les plaines basses. (Buff.)
— Baissé ou abaissé, qui se tient peu haut
ou incliné : Le bison porte basses ses cornes
noires et courtes. (Chateaub.)
— Peu avancé, en parlant de l'âge : Le bas
âge. Un enfant en bas âge.
— Peu intense, en parlant du son : Prendre
un ton bas, trop bas. Elle me répondit un « oui
Monsieur, « si bas, si bas/... (Sterne.)
— De moindre ou faible prix, de moindre
ou petite valeur : Les basses viandes. Les
basses cartes. De l'or de bas aloi.
— Fig. Peu relevé, peu noble : Mot bas.
Style bas. Genre bas. Basse plaisanterie.
Il ne faut rien de bas et de faible dans les arts
qui ne sont pas absolument nécessaires. (Fén.)
Ah! Welches, quand je vous donne du grand,
vous dites que je suis boursouflé; quand je vous
donne du simple, vous dites que je suis bas.
(Volt.) Les mots, comme les familles, sont ex-
posés à perdre leur noblesse et à descendre des
significations élevées aux basses significations.
(E. Littré.)
De ce vers, direz-fous, l'expression est basse.
Eoileau.
Il Moins élevé en dignité : Les bas officiers
d'un chapitre. Les bas emplois d'une adminis-
tration. Il Moins pur, dégénéré : La basse
latinité. La basse grécité. Le bas latin. Le bas
grec. Bientôt, un monstrueux idiome, composé
de tous les patois provinciaux, reléguera la
langue vraiment française dans les biblio-
thèques, et dominera parmi nous sous le nom de
bas français, comme les Romains virent la
basse latinité régner dans le Bas-Empire. (Clé-
ment.) il Peu ou moins illustre, peu ou moins
grand : Une basse extraction. Le B\s-Empire.
Justin était de basse naissance. (Boss.) Gédéon
disait : Ma famille est la plus basse de Ma-
nassé. (Fléch.) Il n'y a point de si dangereuses
passions que celles qui sont d'une bassk ori-
gine. (Chateaub.)
La victime est trop basse, et l'injure trop grande.
Corneille.
. . . Ne savez-vous pas que, sur ce mont sacre",
Qui ne vole au sommet tombe au plus bas degré?
Boile.au.
. Je n'attendais pas
Un courage aussi grand dans un rang aussi bas.
Voltaire.
— Vil, méprisable, rampant ; qui a des sen-
timents peu élevés : Un homme bas. Un esprit
bas. C'est une chose monstrueuse que d'être
élevé au plus haut poste et d'avoir l'àme la plus
basse du monde. (St-Bernard.) Ils sont bas et
timides devant les princes et les ministres.
(Pasc.) Il y a des esprits élevés qui ont l'âme
basse. (Bourdal.) II est, comme le chien de
chasse, né bas et caressant. (Chamf.) Les gens
intéressés sont bas et capables de tout. (Bonnin.)
S'il est pour me trahir des esprits assez lias
Corneille.
Souvent au plus haut rang est le cœur le plus bas.
DE LILLE.
[1 Grossier , sans dignité , en parlant des
choses : Des sentiments bas. Des idées basses.
Mais aussi n'ai- je pas cette basse malignité de
haïr un homme à cause qu'il est au-dessus des
autres. (Voiture.) Sa grande âme a dédaigné
ces moyens trop bas. (Boss.) Les plus hautes
productions des plus grands d'entre les hommes
sont encore basses et puériles. (Pasc.) Je vous
demande si une action aussi basse ne doit pas
éveiller l'animadversion de tous les gens de
bien^ (J.-J. Rouss.) A quelque état que par-
vienne un homme imbu de maximes basses, il
est honteux de s'allier à lui. (J.-J. Rouss.)
Le despotisme a quelque chose de bas et de
grossier. (B. Const.) N'y a-t-il pas un manque
de courage, accompagné d'un peu de vengeance
BASSE, au fond du cœur d'une prude. (H. Beyle.)
La peur est une passion basse qui dégrade
l'homme. (Maquel.)
Madame, je n'ai point des sentiments si bas.
Racine.
Un esprit nésans fard, sans basse complaisance,
Fuit ce ton radouci..... Boileau.
Redoutant la basse servitude,
La libre vérité tut toute mon étude.
Boileau.
— Humble, humilié : Voyez comme elle s'a-
baisse, cette tête auguste devant laquelle s'in-
cline l'univers : la terre, son origine et sa sépul-
ture, n'est pas encore assez basse pour la
recevoir. (Boss.)
294
BAS
— Vue basse, Défaut de la vue qui empêche
de voir distinctement aune certaine distance :
Avoir la vue éasse. Il Fig. Défaut de perspica-
cité : II faut avoir la vue bien basse pour ne
»as deviner ce qui va arriver. Certains poli-
tiques qui passent pour des lynx sont souvent
des hommes à vue /tos-basse.
— Voix basse, ton bas, Voix qui manque
d'élévation, voix ou ton qu'on n'élevé guère en
parlant ou en chantant : Avoir la voix basse.
Répondre à voix basse. Prendre un ton trop
bas. La comtesse Marguerite vous accompagne-
t-elle à Stockholm? dit Christian à voix bassk.
(G. Sand.)
Les groupes s'en allaient en causant à voix bassr
Lamartine. >
Il Fig. Modestie^ absence de prétentions, mo-
dération : Vous aviez le ton trop bas Svec ce
misérable.
Avec tant de faiblesse, il faut la voix plus basse.
Corneille.
— Oreille basse, tête basse, queue basse,
Attitude de honte, de confusion : Le chien
sortit 2'oreillë et la queue basses. Je partis
2'oreille basse, comme un chien battu.
11 faut aimer, pour qu'à, l'heure où tout passe,
A l'âge où toutes (leurs quitteront le chemin.
Dans les landes du soir en entrant lêle basse.
Nous nous serrions la main.
Sainte-Beuve.
— Vin bas, Vin du fond du tonneau, et, par
conséquent, de qualité inférieure.
— Temps bas, jour bas, ciel bas, Temps, jour,
cielrendu sombre par des nuages lourds et peu
élevés : Ilien de plus triste que la paroisse de
Saint-Merry, par ce jour d'hiver bas et nei-
geux. (E. Sue.) Le ciel était yris, bas, plu-
vieux. (Lamart.) il Jour bas, Signifie aussi jour
sur le point de finir : Le jour, est bien bas, la
nuit arrive.
— Messe basse ou basse messe, Messe non
chantée et dite à voix basse : Ce matin, je suis
allée à la basse messe toute seule. (L. Lava.)
Il Fam. Dire des messes basses, Se plaindre,
murmurer entre ses dents : As-tu bientôt fini
de dire tes messes basses?
— lias chœur, Partie du chœur d'une église,
occupée par les chantres et les clercs, par
opposition à celle qu'occupent les chanoines.
Il Chantres et clercs qui occupent cette partie
du chœur : Tout le bas chœur se mit à chu-
choter.
— Chambre basse, Chambre des communes
en Angleterre. V. Chambre.
— Bas peuple, populace, partie infime du
peuple, celle qui est complètement dépourvue
de politesse et d'éducation : Le bas peuple en
vaudra certainement mieux, quand les princi-
paux citoyens cultiveront la sagesse et la vertu.
{Voit.)
— Basse justice, Justice exercée par un
soigneur qui ne pouvait pas prononcer de
sentences capitales ni d'amendes au-dessus
d'un certain taux, il Bas justicier, Celui qui
exerçait la juridiction de basse justice.
— Bas commerce, Petit commerce, com-
merce de petit détail : C'est la même négli-
gence qui lui a fait dire que tout le bas com-
merce était infâme chez les Grecs. (Volt.)
— Bas prix, Prix faible, peu considérable,
pou élevé : Acheter quelque chose à bas prix.
Les prix trop bas découragent les producteurs.
(Droz.) il Peine ou sacrifice peu considérable,
peu pénible, peu onéreux : Peut-on laisser
aliéner les cœurs qu'on peut gagner à si bas
prix? (Mass.)
— Bas étage7 Etage peu élevé au-dessus du
rez-de-chaussee : Les bas étages sont les plus
chers et les moins sains. Il Fig. Etat, caractère
ou origine peu noble, peu distingué : Un
homme de bas étage. Ses amours furent des
amours de bas étage. (Balz.) •
— Bas côté, Partie latérale d'une route,
destinée aux piétons : Elle méprit le bras et
marcha avec moi sur le bas côte de la route.
(G. Sand.)
— Basse-fosse, Cachot très-profond dans une
prison : Mettre un condamné dans les basses-1
fosses, il Cul de basse-fosse, Cachot souterrain
creusé dans la basse-fosse même : Comme on
le redoutait, on le jeta dans un cul de basse-
fosse, il Se dit, par analogie, d'un lieu bas,
obscur et humide : Son logement est un véri-
table CUL DE BASSE-FOSSE.
— Bas bout, Extrémité la moins honorable,
celle qui est la plus rapprochée de la porte ;
S'asseoir au bas bout de la table. Rester au
bas bout de la salle.
— Bas lieu, Basse origine : Un homme né en
bas lieu. Combien a-t-on vu de rois venir de
bas lieu I
— Bas lieux, bas monde, Le monde d'ici-
bas, la terre : Tout gouvernement, dans ce
bas monde, est une chose détestable. (Chateaub.)
Rien n'est sûr en ce bas monde. (Brill.-Sav.)
... En ce bas monde, il n'est nuls biens parfaits,
Et tout ne peut aller au gré de nos souhaits.
Regnard.
La Renommée en a parlé, sans doute,
Plus d'une fois 4 la table des dieux;
Mais ses cent voix, dans la céleste voûte.
Mentent souvent; comme dans ces bas lieux.
Malfilatrë.
— Métaphor. et triv. Les pays bas, Le der-
rière. Il L'étui des pays bas, Lu culotte :
Par cas fortuit, l'enfant.de chœur Lucas
Avait use l'étui des pays bas.
Gresset.
BAS
— Maître des basses œuvres, Vidangeur.
— Basses classes, En termes de collège,.
Classes inférieures, élémentaire» : // n'a fait
nue ses basses classes, u Se dit aussi des rangs
les moins élevés de la société : Dans la répu-
blique, il n'est pas rare de voir un homme de
la basse classe arriver aux plus hautes di-
gnités.
— Basses régions de l'âme, Régions imagi-
naires de l'unie, dans lesquelles on suppose
que s'exécutent les fonctions les plus gros-
sières, celles qui sont le plus directement en
rapport avec les sens.
— A basse note ou En basse note, Tout doux,
sans bruit, sans éclat, en petit comité : On fit
briller le vin de Saint-Laurent, et, en basse
note, entre Monsieur et Madame de Chaulne
et moi, votre santé fut bue. (M"i« de Sév.)
Mademoiselle Clairon va jouer, A basse note,
Arménide et Electre sur notre petit théâtre de
Ferney. (Volt.) Cette locution a vieilli.
— Au bas mot, A la moindre évaluation, au
moindre prix possible : Vendre une marchan-
dise au bas mot. Cela vaut 120 fr. au bas mot.
— Faire main basse sur, Piller, saccager
complètement : Les soldats firent main basse
sur le butin.
Fais main basse sur tout: le bonhomme a bon dos.
RÉONARD.
Il Fig. Traiter sans ménagement : Bans le
monde, on épargne souvent les vices; mais on
fait toujoursMAiw basse sur les défauts.(Ac&d.)
— Loc. prov. Les eaux sont basses, Les res-
sources sont beaucoup diminuées : Je fais peu
de dépense; mes eaux sont basses.
— A porte basse, passant courbé, Il faut
s'accommo.der, se plier aux circonstances.
— Manég. Cheval bas de terre, Cheval qui
a les jambes courtes, qui est peu élevé sur
ses jambes : Les chevaux d'Espagne de belle
race sont bien épais, bien étoffés, bas de terre.
(Buff.)
— Art milit. Basse enceinte, Fausse braie.
H Basse place, Casemates et autres ouvrages
de môme nature.
— Mar. Bas mâts, Grand mât, mâts de mi-
saine, d'artimon et de beaupré, mâts dont le
pied atteint le pont, au lieu que les autres
sont fixés à d'autres mâts. Il Basses voiles,
basses vergues, basses bonnettes, Voiles, ver-
gues, bonnettes des bas mâts. Il Batterie basse,
La plus rapprochée de la ligne de flottaison.
Il Basse marée, Reflux. (V. Marée.) il Bas de
bord ou de bas bord, par opposition à de haut
bord, Qui a ses œuvres mortes peu élevées :
Vaisseau bas DB bord ou de bas bord.
— Mus. Grave, en parlant d'un son : Un
ton bas. il Corde basse, Corde qui donne des
sons graves.
— Chorégr. Danse basse, Danse exécutée
avec une certaine dignité, et sans faire des
pas qui élèvent beaucoup de terre : La cou-
rante et le menuet sont des danses basses.
— Véner. Oiseau bas, Oiseau maigre, ma-
lade, impropre à la chasse.
— Bot. Radicule basse, Celle qui est tournée
vers la base du fruit.
— Syn. Bas, abject, «il. V. ABJECT.
— Antonymes. Elevé, haut, relevé, sublime.
BAS adv. (bâ). A une élévation peu con-
sidérable, dans une situation peu élevée :
Vous êtes assis trop bas. On a coupé cet arbre
trop bas. Voire robe est attachée trop bas. Ce
tonneau est percé bien bas. Ce bidet, tout en
marchant la tête plus bas que les genoux, fai-
sait encore gaiement ses huit lieues par jour.
(Alex. Dum.)
— Vers la terre, d'une façon inclinée : Il
portait bas la tête.
Il lui fallut à jeun retourner au logis,
Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris.
Serrant la queue et portant bas l'oreille.
La Fontaine.
— Après l'endroit où l'on en est, dans un
livre, dans un écrit quelconque, est toujours
accompagné de plus : Ainsi qu'on le lira plus
bas. Nous expliquons plus bas ce que nous ne
faisons qu'indiquer ici. il A une époque moins
reculée : Mettre un peu plus haut, un peu plus
bas le commencement d'Artaxerce. (Boss.)
Descendez plus bas dans l'histoire, et vous
verrez les peuples de plus en plus asservis.
(Michelet.)
— A voix basse : Parler bas. Vous lisez
trop bas. Il parle bas dans la conversation , il
articule mal. (La Bruy.)
...... Ho! prenez-le plus bas;
Si vous soufflez si haut, l'on ne m'entendra pas.
Racine.
. , . . . . Quelques religieux -■
Priaient las, et te chœur était silencieux.
A. de Musset.
Bas à quelqu'un, tout le long d'une allée ,
Certain auteur sa pièce récitait,
Dont l'autre ayant la cervelle troublée,
Bas contre lui de son côté pestait;
Lorsqu'un passant, coupant leur promenade,
Au-devant d'eux fit un grand bâillement:
* Paix! a l'auteur souffla son camarade,
Un peu plus bas, cet homme vous entend. ■
Il D'une voix grave, sur un ton grave, peu
aigu, peu élevé : Vous chantez trop bas. Vous
avez pris trop bas; je ne puis chanter avec
vous sur ce ton; ma voix ne descend pas si* bas.
— Fig. Dans une position humble ou vile :
Nulle injure ne peut nous mettre si bas devant
les hommes, que nous ne soyons encore plus bas
BAS
devant Dieu par nos péchés. (Paye.) Cette in-
jure part de trop bas. La fortuite est accou-
tumée à prendre bien bas ceux qu'elle veut
mettre bien haut. (Volt.) Plus ils se trouvent
bas, moins ils se croient à leur place. (Mass.)
Le peuple a besoin qu'on le tienne bas, pour
son propre repos. (Fen.) La femme est toujours
plus haut ou plus bas que la justice. (Miche-
let.) Les gens tombés bien bas peuvent encore
se relever, et beaucoup espérer, lorsqu'ils se re-
pentent. (E. Sue.) Plus elle a oublié la hon-
teuse position où elle est placée, plus elle est
bas descendue. (Alex. Dum.)
Dédaigne un faux encens qu'on t'offre de si bas.
Lamartine.
— Etre bas, Etre presque ruiné : Vous êtes
donc ruiné? — Non, mais je suis bien bas. Il
Etre très-malade, être voisin de la mort : Il
nous parut si bas que, malgré notre bonne vo-
lonté, nous laissâmes ce pauvre diable entre la
vie et la mort. (Le Sage.)
Quoi! l'oncle de Monsieur serait défunt! — Hélas!
Il ne vaut guère mieux, tant le pauvre homme est
[bas!
Reonard.
Il Etre abattu, renversé, défait.
Unissons-nous ensemble, et le tyran est bas.
Corneille.
Ce sens a vieilli, n Etre presque entière-
ment détruit : Le gibier en France est bien
bas, et la destruction sévit bien atrocement sur
lui. (Toussenel.) Il Etre déconsidéré : Ah! ma-
demoiselle, les perruquiers sont bien bas , ils
sont bien bas ! Ils sont bien bas , les pauvres
perruquiers! (Scribe.)
— Etre bas percé, Etre ruiné, à sec, comme
un tonneau qu'on perce bas, pour achever
de le vider : Cet homme est bas percé.
— Mettre, jeter bas, Quitter, déposer, ôter:
Mettre bas les armes. Mettre bas son chapeau.
Mettre l'habit bas. Ils mirent bas les armes,
pour les regarder. (Fén.) A ces mots, il se leva,
mit bas sa redingote et sa cravate. (Al. Dum.)
■ Vous voyez qu'Etéocle a mis les armes bas.
Racine.
Je n'ai point cru devoir mettre les armes bas.
Corneille.
Le disciple aussitôt droit au coq s'en alla,
Jetant bas sa robe de classe.
La Fontaine.
Je dois bientôt, il me le semble ,
Mettre pour jamais habit bas.
BÉOANGER.
Il Vaincre, abattre, renverser : Il a mis bas
les puissants. (Boss.) Cromwell ne songeait
plus au peuple, et avait toujours présente à'
l'esprit cette rude besogne de jeter bas un roi.
(V. Hugo'.)
. . . . Je n'aspirais au bonheur de vous plaire,
Qu'après avoir mis bas un si grand adversaire.
Corneille.
Il Abandonner, renoncer à : Mettre bas son
orgueil. Allons donc, Messieurs, mettez bas
vos rancunes. (Mol.)
Vous qui venez ici, mettez bas l'espérance.
A. de Musset.
, . . J'avais mis bas, avec le nom d'alné,
L'avantage du trône où je Buis destiné.
Corneille.
— Mettre bas les armes, Cesser la lutte : Il
n'avait plus de vivres, nul espoir d'être secou-
ru : il mit bas les armes. (Mérimée.) il Re-
noncer à la discussion : Je ne suis pas vaincu,
mais je mets bas les armes. Il Ellipt. Bas les
armes! Déposez les armes ; rendez-vous. Il
Armes bas! Commandement adressé à une
troupe de soldats, pour lui faire déposer ses
armes à terre.
— Mettre chapeau bas, Se découvrir par
respect : On ne peut lui parler sans mettre
chapeau bas. Il Fig. Donner des marques de
respect : Il met chapeau bas devant les puis-
sants,parce qu'il espère devenir puissant aussi..
Il Elliptiq. Chapeau bas , En mettant cha-
peau bas, en se découvrant par respect : On
ne lui parle que chapeau bas.
Tous les plus gros messieurs me parlaient chapeau bas.
Racine.
En joue il vous met sans qui vive,
Mais je l'aborde chapeau bas.
BÉRANGER.
Il Se dit aussi par forme de commandement :
Chapeau bas! Mettez chapeau bas,, décou-
vrez-vous : La cour, Messieurs, chapeau bas I
Chapeau bas ! chapeau bas!
Gloire au marquis de Carabas !
BÉRÀNOER,
— Mettre bas, Faire ses petits, en parlant
des femelles des animaux : La lionne met bas
dans des lieux très-écartés. (Buff.) Les ani-
maux ne mettent bas que dans la saison où
les petits peuvent trouver la nourriture conve-
nable et un abri. (Maquel.) n Véner. Quitter
son bois, en parlant du cerf et d'autres ani-
maux : Ce cerf vient de mettre bas. Les vieux
cerfs mettent bas avant les jeunes. (Trév.)
— Mar. Mettre bas, Amener, abaisser :
Mettre bas les voiles. Mettre" pavillon bas.
Ses trois vaisseaux en rade avaient mis voiles bas.
Corneille.
Il On dit fig. Mettre pavillon bas, pour Baisser
pavillon, Se reconnaître vaincu : Il ne trouva
rien à répliquer et mit pavillon bas. Il Ame-
nez tout bas, et ellipt. Tout bas! Baissez com-
plètement, en parlant d'une voile ou d'une
vergue. H Couler bas, Etre coulé bas, S'en-
foncer complètement dans l'eau ; L'embarcar
BAS
tion fut coulée bas. Aussitôt que le capitaine
eut quitté le bord, le navire coula bas. I! Bas-
les-branles! Quittez les hamacs, levez-vout,.
— Loc. adv. Tout bas, A voix très-basse,
tout à fait bas : Il me parlait tout bas ri
l'oreille. Voici un échantillon de la morale des
bons pères : Pour se mettre la conscience en
paix, après avoir dit tout haut : Je jure que
je n'ai pas fait cela, on ajoute tout bas : au-
jourd'hui, (Pasc.) Il ne cessait de répéter tout
bas au lieutenant qu'il trouverait l'affaire mal
engagée, pour être portée devant un tribunal.
(G. Sand.) Louis XIV, de retour de la chasse,
était venu incognito voir jouer les comédiens
italiens qui étaient au château. Dominique
jouait dans la pièce; mais, malgré l'excellent
jeu de cet acteur, la pièce parut insipide à Sa
Majesté, qui dit à l'arlequin : Dominique,
voilà une mauvaise pièce. — Monsieur, répon-
dit le comédien, dites cela tout bas, je vous
prie; car si le roi venait à l'entendre, il me
congédierait avec ma troupe. — Cette réponse
faite sur-le-champ fit admirer la présence d'es-
prit de Dominique.
Je récitais tout bas les psaumes consacrés.
Lamartine.
Tu chanteras tout bas, bien bas.
Tes doux refrains de femme.
De l'Ecluse.
Il Intérieurement , sans parler : Contentez-
vous de prier tout bas. On doit étudier sa
leçon tout bas et sans parler. On leur dispute
tout bas l'éclat et la prééminence de leurs an-
cêtres. (Mass.) La vile tourbe bourdonne et
triomphe; le sage se tait, cède et gémit tout
bas. (J.-J. Rouss.)
C'est alors qu'on trouva, pour sortir d'embarras.
L'art de mentir tout haut, en disant vrai tout bas.
Boileau,
Mais, malgré ses efforts, il frémissait tout bas
Qu'on applaudit en lui des vertus qu'il n'a pas.
Voltaire.
Il A part soi :
Un sage suit la mode, et fotil bas il s'en moque.
Destouciies.
Il Secrètement, sans bruit, sans ostentation :
Il est prudent d'être heureux tout bas. (Al.
Karr.)
Il suffit que mon cœur me condamne tout bas.
Racine.
il Boiter tout bas, Boiter beaucoup, s'incliner
très-bas en boitant :
Monsieur, où courez-vous? C'est vous mettre en
Et vous boitez tout bas [danger.
Racine.
— A bas, Par terre : On a mis cet arbre k
bas. On parle de jeter k bas tout ce quartier.
Je fais jeter de grands arbres À bas, parce
gu'ils font ombrage ou qu'ils incommodent me»
jeunes en/an<s.(M<ncdeSév.) Si l'on m'insulte,
je mets mon homme k bas. (Balz.) |] En l'état
d'une personne renversée de sa position, ou
d'une chose détruite ou empêchée : Il n'est
pas encore temps de mettre k bas Mazarin.
(De Retz.) C'est maintenant que je triomphe et
que j'ai de quoi mettre k bas votre orgueil.
(Mol.)
Il le peut élever, il le peut mettre à bas.
Corneille.
Le protecteur à bas, adieu le protégé.
C. D'IlARLEVILLE.
La mort met tout à bas avant le jour et l'heure.
A. Barbier.
Peste soit de ces coups où Von ne s'attend pas!
Voilà ma pièce au diable et mon théâtre n bas,
PlKON.
Puisque le tyran est a bas.
Laissez-nous prendre nos ébats.
Bératîger.
Des peuples nus. des milliers de proscrits,
Jettent a bas leurs vieilles servitudes,
En maudissant leurs tyrans abrutis.
A. Barbier.
Il Se jeter, Sauter à bas de ou en bas de, Des-
cendre précipitamment de, sauter do dessus :
Sauter à bas ou en bas de l'arbre. Se jeter
À bas ou en bas de son lit. Il saute k bas de
son lit. (J.-J. Rouss.) Ledamestique se jette
k bas de son siège. (Gér. de Nerv.l II sauta
en bas de son lit et courut à la fenêtre. (Alex.
Dum.) Il Interject. A bas! Cri d'improbation
dont le sens varie avec l'intention de ceux
qui le poussent : A bas l'orateur! k bas! A
bas la tyran! Cette expression est très-usitée
chez les Français, et surtout chez les Pari-
siens ; c'est un mot énergique de proscrip-
tion, employé tour à tour contre le parti qui
a le dessous, et qui est surtout à l'usage du
peuple : A bas le veto! A bas les royalistes ! A
bas le côté droit! A bas la montagne! A bas
les jacobins! A bas les terroristes! A bas les
sans-culottes! A bas les muscadins! A bas les
saints! A bas les athées! A bas les collets
noirs! A bas les cocardes! A bas Cabet! etc.,
etc. A la première représentation à'Abdilly,
roi de Grenade, un abbé, un de ceux qu'on
nommait alors abbés de cour, avait pris une
place aux premières galeries. Le parterre, de
mauvaise humeur,' se mit à crier : A bas
l'abbé! Celui - ci fit d'abord bonno conte -
nance ; mais, voyant que la clameur conti-
nuait, il se leva tranquillement et, s'adres-
sant au parterre : « Messieurs, dit-il, depuis
qu'on m'a volé une montre d'or en votre
compagnie, j'aime mieux qu'il m'en coûte
une place aux loges que de risquer encore
ma tabatière. > Tout le monde applaudit, et
on le laissa tranquille. Une scène du même
genre se produisit à la promiôrc représenta-
tion du Brutus de Voltaire. Un jeune et se-
BAS
raillant abbé, placé sur le devant d'une logo,
se vit apostropher par le parterre, qui criait :
A bas la calotte! L'abbé, impatienté de ces
clameurs, prit sa calotte et dit, en la jetant:
« Tiens, parterre, la voilà, tu la mérites
bien. »
— Jeux. Au trictrac, Tout-à-bas, se dit en
prenant deux dames à la pile.
— En bas, Au-dessous, à la partie basse :
Que faites-vous là-haut, on vous attend en bas.
Il Vers la partie basse, vers la terre : Tomber
la tête en bas.
Au-dessus de la grotte, un lierre enraciné
Laisse flotter en bas ses festons et ses nappes.
Lamartine.
I) Se dit en parlant des degrés inférieurs
de la société, ou simplement d'une condition
peu élevée : La religion catholique partit d'Ks
bas pour arriver aux sommités sociales. (Cha-
teaub.) En général, les confidences vont plutôt
ex bas qu'en haut. (Balz.) Lorsque, sans mo-
tifs, on trouve en haut que tout va bien, il est
rare ju'en bas onn'ait pas raison deseplaindre
que tout va mal. (E. de Gir.)
Laissons gronder en bas cet orage irrita
Qui toujours nous assiège,
Et gardons au-dessus notre tranquillité
Comme le mont sa neige. Y. Hugo.
li Sur la terre, par rapport à Dieu : Dieu se
réserve à lui seul les choses d'en haut; il par-
tage avec les rois celles d'EN bas. (Boss.)
— De haut en bas, du haut en bas, Depuis
les parties les plus élevées jusqu'aux plus
basses : Etre crotté du haut en bas. Ramo-
nez-ci, ramonez-là, la cheminée du haut en
bas. (Cri des ramoneurs.) Rouler du haut en
bas d'un escalier. \\ Fig. Dédaigneusement :
Pour trois ou quatre degrés de soleil de plus
ou de moins, il ne faut pas traiter les gens de
haut en bas. (Volt.) Ce nouveau Sacrale a des
qualités qui lui sont communes avec l'ancien :
aussi bien que l'autre, il regarde le monde de
HAUT EN BAS. (Balz.)
— Par en bas, dans la partie basse : Sa
taille est devenue plus fine par en bas. (Mme
deSév.)
— En en bas, Dans une position renversée :
Vous avez mis les fleurs en en basI (Mol.)
Inus. Cette locution était apparemment po-
pulaire du temps de Molière.
— Par bas, Dans, la partie inférieure : Il y
a quatre chambres par bas. (Acad.) Ce sens a
vieilli, h Par le bas, par les selles : Evacuer
par haut et par bas.
— Ici-bas, Sur la terre : Rien ici-bas n'est
plus grand que la vertu. (Mass.)
Rien de ce qui s'agite ici-bas ne me tente.
Lamartine.
. . . Sur cette mer qu'ici-das nous courons,
Je songe à me pourvoir d'esquif et d'avirons.
Boileau.
... Il n'est point ici-bas de bonheur
Si la vertu ne règle et l'esprit et le cœur.
Du Rësnel.
Quelque trouble ici-bas que mon âme ressente,
• La Foi, fille du ciel, devant moi se présente.
L. Racine.
L'Eglise, à la douleur destinée ici-bas.
Prit naissance à la croix et vit dans les combats.
L. Racine.
Un Dieu qui prit pitié de la nature humaine,
Mit auprès du plaisir le travail et la peine.
La crainte l'éveilla, l'espoir guida ses pas :
Ce cortège aujourd'hui l'accompagne ici-bas.
Voltaire.
— Là-bas, Dans la partie basse que voilà :
J'étais là-haut au troisième, vous me cherchiez
lA-bas à la cave. « Dans cet endroit que voilà
plus loin : Il est parti; le voilà déjà là-bas.
Vois-tu douze cygnes Id-bas ?
— Non, dit-il, je ne les vois pas.
Scarron.
Le vois-tu bien là-bas, là-bas.
Là-bas, là-bas ? dit l'espérance;
bourgeois, manants, rois et prélats
Lui font de loin la révérence.
BÉRANOEB.
Il Dans un endroit déterminé, éloigné de ce-
lui-ci : Qu'avez-vous fait de vos enfants ? — Ils
sont là-bas au pays. Il Dans les enfers; dans
l'autre monde :
Et pourquoi s'aller faire une affreuse peinture
D'un mal qu'assurément on ne sent point là-bas.
De Chaulieu.
Sçarron sentant approcher son trépas
Bit à la Parque ; Attendez, je n'ai pas
Encore fait de tout point ma satire.
— Ah! dit Clothon, vous la ferez là-bas;
Marchons, marchons, il n'est point temps de rire.
•**
— Gramm. Quand on occupe un logement
composé de pièces placées à différents étages,
et qu'on se trouve dans l'une des pièces d'un
étage supérieur, on peut dire descendre en bas,
pour signifier descendre à l'étage inférieur.
Mais, dans un sens plus général, !a locution
descendre en bas présente un pléonasme vi-
cieux ; il faut se borner à dire descendre.
— Syn. Bas (jeter à, meure à), abattre, dé-
molir, détruire, renverser, ruiner. V. ABAT-
TRE,
BAS s. m. (bâ — même étym. que bas, adj.)
La partie inférieure, la partie basse : Le bas
de ta montagne, de la tour, de l'arbre, de la
maison. Le bas de la rivière,Ae la ville, de la
contrée, du pays. Le bas du visage. Le bas du
corps. Le bas du tonneau. Le bas de l'escalier.
£cbas d'unerobe. Le bas de la page. Leurs noms
sont au bas de cette page. (Pasc.) Il y avait, au
bas de votre lettre, trois écritures différentes.
(Volt.) Eh guoit la cérémonie est déjà termi-
BAS
née t-^ Mon Dieu, oui.... le temps d'apposer sa
signature au bas de ce grand registre. (Scribe.)
Leur voiture s'est brisée au bas de la montagne.
(Scribe.) Il y a trois heures que nous soupirons
au bas de la croisée. (Etienne.)
— Le fondement : Aller, Evacuer par le
haut et par le bas. L'opération... fut prodi-
gieuse par le bas. (St-Sim.)
— Fig. Ce qui est vil, méprisable, gros-
sier : Le fond y est le même que dans les con-
ditions les plus ravalées ; tout le bas, tout le
faible, tout l'indigne s'y trouvent. (La Bruy.)
— Loc. fam. Le bas du pavé, proprement,
La partie du pavé la plus rapprochée du
ruisseau, et, fig., La position la moins hono-
rable : De longtemps tes pauvres ne quitteront
LE BAS DU PAVÉ.
— Le bas du monde, ou simplement U bas,
Le peuple, la partie la moins distinguée de
la société : Je ne dois pas me fort soucier de
ce qui se passe dans le bas du monde, parmi les
esprits inférieurs. (Balz.)
Toujours même impudeur, même luxe effronté,
Dans le haut et le bas, même immoralité.
A. Barbier.
— Le tonneau est au bas, lé tonneau est
presque vide, et, fig., Etre au bas, Etre
réduit presque à rien : Notre argent est au
bas, il faut y remédier. (Hamilt.)
— Haut et bas, Alternative ou opposition
de bien et de mal, de prospérité et de mal-
heur : N'admirez-vous pas comme cette vie est
mêlée de haut et de bas, de blanc et de noir?
(Volt.) Après des hauts et des bas, le notaire
entendit enfin sonner l'heure de sa déconfiture.
(Balz.) Le christianisme a fait voir le haut et
le bas de notre cœur. (Chateaub.) Il Signifie
aussi, Inconséquences brusques dans les ac-
tions ou le caractère ." Qu'est-ce que c'est donc
que cela?- A chaque, instant des hauts, des
bas , me pousser de ma place , m'y remettre,
m'en ôter encore! (Scribe.) IV y a des hauts
et des bas dans l'esprit de cet homme, dans
sa conduite, dans son humeur, dans ses ou-
vrages. (Acad.)
— Littér. et b.-arts : Genre bas, trivial :
Le bas est si voisin du familier et du simple,
qu'on les confond tous les jours. Le naïf est une
nuance du bas. (Fonten.) Le trivial et le bas
défigurent la tragédie. (Volt.)
— Mus. Sons graves : Le bas ou les bas de
la voix , d'un instrument. Cet instrument est
faible dans les bas. Votre voix fausse dans le
bas.
— Mar. Le bas ou les bas d'un navire, La
partie intérieure du navire, située au-dessous
do la ligne de flottaison, il Le bas de l'eau, La
marée basse.
— Astrol. Le bas du ciel, La troisième et
la quatrième maison du ciel, où se trouve le
nadir, partie du ciel la plus basse, ou, plus
exactement, la plus éloignée de nous.
— Typogr. Bas de casse, moitié inférieure
de la boîte à compartiments appelée casse.
On dit aussi casseau inférieur. Il Lettres bas de
casse, Lettres minuscules, que l'on tient ordi-
nairement dans les compartiments inférieurs
de la casse.
— Antonymes. Cime, comble, dessus, haut,
sommet.
— Homonymes. Bah 1 bât, bat et bats (du
verbe battre).
BAS s. m. (bà — Abrév. de bas-de-chausse).
Vêtement souple dont on se couvre la jambe
et le pied : Un bas de laine, de soie, de coton.
Je permettrais bien que ma maîtresse fit des
livres ; mais, pour ma femme, je veux quelle ne
sache faire que des chemises et des bas. (Dider.)
Je n'ai pas une paire de bas à me mettre aux
pieds, quine soient troués. (Mirab.) Quand le mé-
tier à bas fut inventé., que d'alarmes conçurent
tes personnes qui faisaient /es bas à l'aiguille!
(Droz.) L'abbé se taisait et examinait d un air
piteux ses bas de laine noire, où ne manquaient
pas les reprises. (J. Sandeau.) Il comparait la
vie à un bas, dont une seule maille échappée
laissait déchirer toute la trame. (Balz.) On
connaît ce mot de l'ambassadeur anglais sur
M. de Talleyrand : C'est de la boue dans un
bas de soie. (Chateaub.) Les premiers bas de
tricot ne datent que du règne de François 7".
(Bouillet.)
J'ai son signalement : c'est une plume verte,
Avec des Sas orange
A. de Musset.
Un grand seigneur tant soit peu jardinier,
Dans son enclos, armé de la serpette,
Allait taillant la branche peu discrète,
Et des bourgeons le luxe printanier.
Or, tout à coup, l'outil outre mesure
S'abandonnant, égaré par la main,
Taille une jambe, au lieu d'un arbre nain,
D'où le seigneur reçut large blessure.
Le gros Lucas lors de se lamenter,
Les yeux au ciel, la pâleur au visage ;
Ah, monseigneur, dit-il, c'est grand dommage!
Le joli bas que venez de gâter ! "**
— Pop. Bas de soie de la cuisinière, Profit
qu'une cuisinière de grande maison retire de
la vente des graisses, jus de viandes, etc. :
Les bas de soie DE la cuisinièrb ne sont pas
connus dans cette maison.
— Prov. Cela lui va comme un bas de soie,
Cela lui sied parfaitement.
— Mar. Nom donné à des entraves de fer
que l'on met aux pieds des hommes que l'on
veut punir : Se faire mettre les bas.
— Encycl. Les peuples anciens ne connais-
saient pas l'usage des bas; mais les dames
BAS
romaines entouraient leurs pieds et leurs jam-
bes de bandelettes qu'elles nommaient fasciœ
crurales,et les petits-maîtres de Rome sui-
vaient leur exemple. Pendant le moyen âge.
on portait des espèces de caleçons à pied que
l'on découpait dans des pièces d'étoffe, abso-
lument comme les autres parties du costume.
Dans la seconde moitié du xvie siècle, on ima-
gina de détacher la partie inférieure de ce
vêtement, et alors prirent naissance les bas.
Un peu plus tard, au lieu de confectionner
les bas suivant l'ancien u'sage, on eut l'idée
de les faire à l'aiguille. Cette invention, qui
produisit les bas tricotés, est généralement
attribuée à l'Anglais William Rider, qui l'au-
rait faite vers 1564. Il paraît que les bas ainsi
fabriqués furent d'abord en soie, et l'on as-
sure que les premiers que l'on vit en France
furent portés par Henri II, le jour des noces
de sa sœur Marguerite avec Emmanuel-Phi-
libert, due de Savoie (1569); cependant Oli-
vier de Serres et Brantôme affirment que
l'usage des bas remonte à une date plus an-
cienne. Quelques années après, parut une in-
vention bien plus importante, celle du métier
à bas ou machine à tricoter. H existe plusieurs
opinions contradictoires sur l'auteur de ce
nouveau progrès ; mais les écrivains les plus
compétents en font honneur à un autre An-
glais, nommé William Lee ou Lea, qui l'avait
déjà réalisé en 1509. Quoi qu'il en soit, il est
certain que Lea, ayant été méconnu dans son
pays, tourna ses regards vers la France el
que, cédant aux promesses de Sully et
d'Henri IV, il se transporta à Rouen avec les
quelques ouvriers qu'il avait formés. La nou-
velle industrie était déjà florissante dans la
cité normande, quand la mort d'Henri IV vint
faire craindre à l'inventeur que le successeur
de ce prince ne lui accordât pas les privilè-
ges qu'on, lui avait promis, Lea se rendit à
Paris pour faire valoir ses droits, mais la
mort le surprit au milieu de ses démarches.
Les ouvriers, se trouvant alors livrés à eux-
mêmes, retournèrent en Angleterre, avec
leurs métiers, qui, cette fois, y furent si bien
appréciés que le gouvernement en prohiba
l'exportation. La France perdit ainsi une
branche d'industrie qu'elle avait exploitée la
première, et elle ne la recouvra que sous le
règne de Louis XIV. A cette époque, un mé-
canicien, appelé Jean Hindret ou Hindres ,
obéissant aux conseils du grand Colbert, se
rendit chez nos voisins et, après avoir réussi
à surprendre le secret des métiers à bas, vint,
en 1656, fonder dans le château de Madrid,
au bois de Boulogne, une manufacture que
l'on regarde comme l'origine de notre fabri-
cation mécanique des tissus à mailles. Les
premiers métiers ne produisaient que des bas
unis, mais on ne tarda pas à les modifier de
manière à pouvoir en obtenir des bas à fleurs,
des bas chinés, des 6a* tigrés, etc. Tous ces
perfectionnements eurent lieu en Angleterre,
à partir surtout de 1769, et ils furent importés
sur le continent par une foule d'industriels,
qui, comme cela arrive ordinairement en pa-
reil cas, s'en attribuèrent l'invention.
BAS ou BASSE (Martin) , graveur hollan-
dais, qui vivait vers 1C00 et qui avait eu pour
maître Wierix . Il a laissé des portraits re-
marquables , entre autres celui du jésuite
Gening et celui de Philippe Bosquieri. Il a
aussi gravé un Saint Pierre et saint Paul
pour un frontispice daté de 1622. — Un autre
graveur du même nom, mais dont le prénom
était W.illiam, a laissé des paysages et Une
Vierge avec l'Enfant Jésus et saint Jean.
BASAAL s. m. (ba-za-al). Bot. Genre de
plantes, de la famille des antidesmées, qui
croît sur les côtes sablonneuses du Malabar.
Il Selon Jussieu, espèce du genre ardisie.
BASACLE s. m. (ba-za-kle). Pêch. Endroit
où l'on renferme le poisson.
BASAÏTI (Marco), peintre italien du com-
mencement du xvre siècle. Il naquit dans le
Frioul, de parents grecs, mais toute sa vie
s'écoula a Venise. On a pourtant retrouvé de
lui, dans le Frioul, une Descente de croix. Les
œuvres que ce peintre a laissées à Padoue et
à Venise sont nombreuses et très-estimées ;
la Prière au Jardin et la Vocation de saint
Pierre passent pour ses deux chefs-d'œuvre.
On cite encore une belle Assomption, qui se
voit à Saint-Pierre et Saint- Paul de Murano.
Le fini et l'élégance de ses tableaux marquent
à cette belle époque de la peinture italienne,
et son coloris, quoique un peu faible, en man-
que pas d'agrément.
BASAL, ALE, adj. (ba-zal, a-le — rad. base).
Hist. nat. Relatif a la base ; qui a quelque
particularité remarquable dans la base : Le
polypier s'accroît par gemmation basale irré-
gulière. (M. Edwards.)
BASALTE s. m. (ba-zal-te — . lat. bas'qltes,
même sens). Géol. Roche volcanique d'un noir
plus ou moins foncé, à base compacte de la-
Dradorite, renfermant du pyroxène noir, et
presque toujours de l'oxjde de fer magnéti-
que, fréquemment du poridot, et quelquefois
des feldspaths en cristaux, qui lui donnent la
Structure porphyrique : La pierre de touche
est une sorte de basalte. (Acad.) La grande
dureté du basalte est la principale cause de
la rareté de son emploi dans les arts, (Dela-
fosse.) Le basalte s'élève majestueusement en
colonnes prismatiques. (M.-Brun.) Le basalte
éruptif a quelquefois formé des plateaux. (Fi-
guier.) L'église et la tour sont bâtis avec une
BAS
295
espèce de grès rougeâtre, dont la couleur est
assez agréable à l'œil, et qui parait être du
basalte altéré. (A. Hugo.)
— Encycl. Le basalte forme des plateaux
souvent très-étendus (basalte en nappes), des
buttes isolées (basalte en buttes), ou des riions
rattachés à des éruptions volcaniques. La
discussion sur l'origine ignée ou sédimentaire
des basaltes marqua le commencement de la
querelle des neptnniens et des plutonistes :
c'est à ce titre que nous allons en dire quel-
ques mots ici. Après Descartes , Leibnitz ,
Buffon , Linné , dont le génie devança en
quelques points l'expérimentation par de har-
dies inductions ; de Saussure , Pallas , Vv'er-
ner, firent suivre aux études géologiques une
voie moins large , mais plus sure. Werner
(1775), l'illustre professeur de Freyberg, aprèa
des explorations dans une petite partie de
l'Allemagne, et en présence des basaltes de
Saxe et de Hesse , qui consistent en masses
tabulaires, recouvrant des collines sans liaison
avec les vallées actuelles, établit que les gra-
nits , les basaltes , toutes les roches cristalli-
nes, sont des dépôts de la mer, tout aussi bien
que les roches stratifiées et fossilifères. Selon
lui, le dépôt de l'Océan chaotique donne , par
voie chimique, les roches cristallines ; par voie
mécanique, les roches sédimentaires. Pendant
la solidification , il s'est produit des fissures ,
qui , remplies par l'eau , ont donné les filons
métallifères. L activité interne du globe était
ainsi méconnue. Dès 1763, Desmarest recon-
nut l'origine ignée des basaltes. C'est ainsi
que s'engagea la longue querelle des neptu-
niens^et des plutonistes, querelle où, des deux
côtés , on déploya tant d ardeur, que les per-
sonnalités ne manquèrent pas pour égayer la
galerie. Les neptuniens furent battus sur le
terrain scientifique : mais ils accusèrent leurs
adversaires de vouloir faire revivre le dogme
païen d'une succession éternelle, et de nier la
création. L'éloquence de Werner, le charme
avec lequel il exposait sa théorie ; passionnè-
rent ses élèves au point que Cuvier lui-même
se crut obligé a une grande réserve , lorsqu'il
cita l'opinion contraire de Hutton sur la for-
mation des basaltes, dans son Rapport sur les
progrès des sciences naturelles depuis 17S9 (pu-
blié en 1S08). Pourtant, dès 1785, Hutton et
son disciple John Playfair avaient établi l'ori-
gine éruptive des granits et des basaltes, et
montré l'existence de là chaleur interne. Les
expériences de sir James Hall (1805) avaient
démontré la transformation des roches par la
chaleur. Dolomieu avait battu en brèche les
théories de Werner. Maintenant la querelle est
vidée, et les efforts des géologues s'appliquent a
déterminer, dans la formation d'une roche cris-
talline , la part de l'action ignée et celle de
l'action sédimentaire. Les lecteurs qui vou-
dront approfondir ce sujet feront bien de
consulter les travaux de M. Elie de Beaumont
sur les terrains jurassiques des Alpes, et les
remarquables Etudes et expériences synthéti-
ques sur le métamorphisme et la formation des
roches cristallines, de M. Daubrée.
Il est probable que Werner eût renoncé à
soutenir sa théorie , si , sortant de la Saxe , il
avait visité les volcans éteints de l'Auvergne,
examiné les basaltes produits évidemment par
les courants qui s'en échappaient. L'origine
ignée est plus difficile à expliquer pour les
basaltes en nappes ou en buttes de la Saxe.
Pourtant, ces basaltes offrent tous les carac-
tères des laves déposées sur des terrains ho-
rizontaux , et, lorsqu'on peut pénétrer sous la
masse basaltique, on voit que la partie infé-
rieure présente des appendices qui indiquent
une matière liquide qui s'esT, moulée dans les
crevasses.
L'origine ignée est bien plus visible pour
le basalte en liions. Les masses basaltiques
présentent souvent une apparence cristalline;
elles sont divisées en colonnes prismatiques ,
le plus souvent verticales, quelquefois horizon-
tales : ce ne sont pas la des cristaux. Les sec-
tions des prismes sont irrégulières : cette ap-
parence résulte des gerçures qui se sont pro-
duites pendant le relroidissement.
Mais à quelle époque les basaltes ont-iis
commencé à sortir du sein de la terre? Evi-
demment leur apparition est récente, compa-
rée k celle des granits et des porphyres. Il
semble qu'elle n'ait commencé qu'à l'époque
de la craie. Dès lors, les basaltes ont continué
à travers tous les dépôts de sédimentjusqu'à l'é-
poque actuelle ; non-seulement ils ont formé,
sur la pente des montagnes et dans les vallées,
des coulées qui se rattachent à des bouches
de volcans éteints, comme dans l'Eiffel, l'Au-
vergne et le Vivarais, mais encore ils coulent
de nos jours en Islande.
Du reste, il n'y a pas de ligne nettement
tranchée entre l'émission des dernières roches
granitiques et porphyriques et celle des plus
anciens basaltes. « 11 y a liaison, dit M. Cons-
tant Prévost, alternance même, entre les ba-
saltes et les premiers produits de la cause
ignée , comme il y a rapports intimes entre
eux et les laves qui s'écoulent par la bouche
de quelques volcans modernes. » Certains vol-
cans, comme celui de Mosenberg, ont fourni,
par diverses bouches, tantôt l'un des produits,
tantôt l'autre, comme pour montrer qu'ils ap-
partiennent à une seule et même opération de
fa nature. Non-seulement les dépôts basalti-
ques sont le résultat de l'action du feu; mais
encore la matière qui les a formés a dû jouir
d'une grande fluidité. C'est ce que prouvent la
296
BAS
cristallinité des masses principales et la dis-
position de certains filons dans le sein de la
terre. Ces filons ne présentent pas leurs affleu-
rements à la surface du sol ; ils partent , au
contraire, de l'intérieur, et se terminent par le
haut en masses effilées, quelquefois bifurquées,
qui se perdent dans la roche qu'elles traver-
sent. Quelquefois Us se glissent entre deux cou-
ches, qu'ils suivent sur une étendue.plus ou
moins considérable ; ou bien ils se ramifient
à l'infini et s'élancent dans toutes les direc-
tions, où ils remplissent jusqu'aux moindres
fissures. En certains endroits, le granit lui-
même a été crevassé dans tous les sens et tra-
versé par une multitude de filons basaltiques.
A la montagne de Chamarelle , près Ville-
neuve-de-Berg , le basalte a percé d'énormes
masses calcaires et s'est introduit dans leurs
moindres fissures , de telle sorte que, sur un
échantillon de quelques centimètres , on ren-
contre quelquefois plusieurs alternatives de
calcaire et de basalte.
D'après M. Beudant, les dépôts basaltiques
sont beaucoup plus éparpillés à la surface du
globe que les Ltves en courants déterminés.
Cela tient; sans doute, à leur mode d'émission ;
il n'y avait point encore alors de centre volca-
nique, et l'action intérieure du globe, s'exer-
çant partout , s'est manifestée dans les points
de plus faible résistance, par des déchirures qui
çà et là ont donné passage aux éruptions. En
France , on trouve des basaltes depuis l'Au-
vergne jusqu'aux Pyrénées. Du côté du Rhin,
les dépôts basaltiques s'étendent depuis les
Ardennes jusqu'au delà de Cassel, se dirigeant
ensuite vers l'est, a travers la Saxe, la
Bohême, etc. L'Irlande, l'Ecosse, l'Italie et
plusieurs contrées de l'Asie en présentent des
gisements très-considérables. Le basalte se
rencontre également en Abyssinie, en Amé-
rique, dans plusieurs parties de la chaîne des
Andes, aux Antilles, h Sainte-Hélène , à l'As-
cension, et dans la plupart des îles de la mer
du Sud.
Les masses basaltiques sont particulière-
ment remarquables par la tendance constante
des roches principales à se diviser en longs
prismes, dont les dispositions variées forment
parfois un spectacle admirable. Cette division
est évidemment l'effet du retrait qui a eu lieu
à la suite du refroidissement ; mais par le con-
cours de quelles circonstances ce retrait a-t-il
donné lieu à des formes aussi constantes et
presque toujours aussi régulières ? Cette ques-
tion sera examinée au mot retrait. Nous ferons
seulement observer, quant à présent, que cette
disposition singulière n'est nullement particu-
lière au basalte , puisque des matières d'une
tout autre composition et même évidemment
d'une tout autre origine , telles que le gruns-
tein, le porphyre, certaines marnes et le gypse
à ossements , affectent des formes analogues.
Les prismes du basalte, quoique présentant
partout des caractères généraux identiques,
se distinguent néanmoins par des différences
de détail très-intéressantes. Ici, on les voit con-
verger au sommet d'une butte, qui se présente
alors comme un immense gerbier. Telle est la
disposition que l'on remarque dans le rocher
de-Bonnerie, qui domine la ville de Murât, en
Auvergne. Là , ils offrent des colonnades ma-
gnifiques, de l'effet le plus pittoresque. Ailleurs,
toutes les colonnes, brisées à la même hauteur,
présentent une sorte de pavé composé de piè-
ces à pans régulièrement accolées, s'étendant
sur un espace plus ou moins considérable , et
quelquefois disposées en amphithéâtre les unes
au-dessus des autres.
L'aspect grandiose et imposant de ces pavés,
leur a fait donner le nom de pavés ou chaussées
des géants. Les chaussées les plus fameuses
sont en Irlande, où l'on cite particulièrement
l'immense chaussée des géants située auprès
du cap de Fairhead. En France, l'Auvergne,
le Vivarais et le Velay en offrent aussi de
très-remarquables.
On trouve quelquefois, au milieu des masses
basaltiques ou des roches trappéennes qui leur
ressemblent, de vastes excavations formant
des grottes ou des ponts naturels, aussi éton-
nants par la régularité que par la grandeur de
leurs proportions. Telle est la grotte des Fro-
mages (die Kasegrotte), située sur les bords du
Rhin , entre Trêves et Coblentz, près de Ber-
trich-Baden , et ainsi nommée à cause de la
disposition de ses colonnes, toutes formées de
pièces arrondies qui les font rassembler d'un
peu loin à des piles de fromages. La grotte
de Fingal, dans l'île de Staffa, l'une des
Hébrides , est encore plus remarquable. Cette
grotte, creusée dans une masse de trapps, est
continuellement envahie par la mer, qui s'y
engouffre avec furie , à une profondeur de
50 m. Les parois, hautes d'environ 20 m., sont
formées de colonnes prismatiques de la plus
grande régularité ; elles soutiennent un plan-
cher divisé lui-même en prismes réguliers,
mais couchés en différentes directions.
Il résulte des analyses auxquelles on a sou-
mis divers échantillons de basalte, que, sur îoo
parties, il contient, en moyenne, 44 à 50 de si-
lice , 15 à 1G d'alumine , 20 à 24 de fer oxydé ,
8 à 9 de chaux, 2 de magnésie, 2 à 3 de soude
et 2 d'eau.
Quoique le basalte soit généralement noir,
il devient accidentellement gris , verdâtre ou
rouge , soit par le mélange avec d'autres
substances minérales , soit par la décomposi-
tion. Sa pâte est homogène, niiiis il prend quel-
quefois un aspect différent s'il contient des
BAS
cristaux d'amphibole, de péridot, d'olivine ou
de fer titane. Quelques géologues le désignent
alors sous le nom de basanite.
Le basalte n'est pas facilement décomposa-
ble. Dans certains cas, on le voit résister in-
définiment à tous tes agents atmosphériques.
Lorsqu'il se décompose, il se réduit en une ma-
tière argileuse très-fertile, qui souvent garde
la structure des roches dont elle provient, c'est
ce qu'on nomme les wackes; ou bien, il se dé-
sagrège en sphères d'une épaisseur variable.
Sa cassure est demi-cristalline et même un
peu terreuse. Il agit sur le barreau aimanté,
et donne, par la fusion, un émail noir assez
beau.
La pierre basaltique est employée pour les
constructions, bien qu'il soit difficile de ia tail-
ler. Elle sert aussi de pierre de touche, eu
égard à sa dureté et à sa résistance à l'action
des acides; mais elle ne vaut pas, sous ce rap-
port, le schiste siliceux des terrains de tran-
sition. Les anciens Egyptiens en ont fait des
sphinx ; et on en fabrique encore des vases ,
des statuettes, des bassins, des dallages, mais
seulement dansles pays mêmes où on le trouve.
On peut citer, parmi les constructions en pierre
basaltique, la cathédrale de Clermont-Fer-
rand.
BASALTIFORME adj. (ba-zal-ti-for-me —
de basalte et de forme). Géol. Qui ressemble
au basalte.
BASALTIGÈNE adj. (ba-zal-ti-jè-ne — de
basalte et du lat. genus, origine). Miner. Qui
se produit dans les terrains basaltiques.
BASALTINE s. f. (ba-zal-ti-ne — rad. 6a-
salte). Miner. Pyroxene à base de chaux, de
magnésie et de fer, d'un vert foncé tirant
sur le noir.
— Encycl, La basaltine est surtout remar-
quable en ce qu'elle contient jusqu'à 12 p. 100
d'alumine, qui paralty jouer le rôle d'un acide.
Elle se présente ordinairement en petites la-
mes disséminées dans les basaltes, les porphy-
res, les mélaphyres, en un mot, les roches
volcaniques modernes. C'est pour cela qu'on
l'appelle souvent pyroxene des volcans. Ceux
des cristaux qui sont déterminables présen-
tent des formes dérivant du système klin-
rhombique ; ils présentent souvent des hémi-
tropies. Us fondent au chalumeau, mais il
faut pour cela élever beaucoup la tempéra-
ture.
BASALTIQUE adj. (ba-zal-ti-ke -— rad. ba-
salte). Miner. Formé de basalte ; relatif au
basalte : Terrain basaltique. Lave basalti-
que. La fameuse chaussée des Géants et la
grotte de Fingal sont basaltiques. (Acad.)ie
pays basaltique le plus célèbre, à juste titre,
est le èomtéd'Antrim, sur la côte septentrionale
d'Irlande. (Brongniart.) Les roches basalti-
ques des mers du nord n'ont pas un caractère
si complet. (Balz.)
J'ai la grotte enchantée, aux piles basaltiques.
y. Huoo.
— Encycl. Terrain basaltique. L'ensemble
des masses plutoniques qui constituent ce
qu'on appelle le terrain basaltique a com-
mencé a faire éruption à la surface du sol
dans les derniers temps de la période tertiaire,
appelée pliocène. C'est au moment où les tra-
chites vont disparaître, que l'on trouve géné-
ralement les premières traces de basalte, la
roche dominante des terrains basaltiques. Dès
lors, jusqu'à l'époque où parurent les volcans
à cratère, les formations de ce genre furent
à peu près exclusivement les seuls produits
de la cause ignée. Peu différent de la lave
quant à sa composition minéralogique, le ba-
salte en diffère surtout par son mode d'érup-
tion ; les ouvertures par lesquelles il s'est fait
jour ne présentent jamais les apparences de
véritables cratères; ce sont des crevasses
disséminées indistinctement dans la plaine ou
sur les hauteurs, et n'affectant aucun ordre
ni aucune forme déterminée. La plupart ont
été recouvertes par les matières liquides qu'el-
les avaient rejetées et qui se sont répandues
tout autour en nappes plus ou moins profon-
des. Quelques-unes sont signalées par des
masses de scories affectant, comme les cratè-
res, des formes coniques. Cette ressemblance,
qui a trompé plus d'une fois les observateurs,
n'est cependant qu'apparente ; car ces scories
sont ordinairement percées de filons basalti-
ques; plus souvent encore, elles sont soudées
et très-intimement liées au basalte qui les en-
toure.
Les terrains basaltiques se trouvent répan-
dus sur tous les points du globe, et partout
ils présentent des caractères identiques, à peu
près analogues à ceux que nous offrent les
laves vomies par nos volcans modernes. V.
pour plus de détails, le mot basalte.
BA3ALTOÏDE adj. (ba-zal-to-i-de — de ba-
salte, et du gr. eidos, aspect). Min. Qui res-
semble au basalte,
basalys s. m. (ba-za-liss — du gr. oasis,
marche, mouvement; alus, désœuvrement).
Entom. Genre d'insectes hyménoptères, de
la famille des oxyures, comprenant une seule
espèce, qui habite l'Angleterre.
RAS AN (Pierre-François), graveur à l'eau-
forte et au burin, et célèbre éditeur d'estam-
pes, né à Paris en 1723, mort en 1797. Il
reçut d'Etienne Fessart, son oncle maternel,
les premières notions du dessin et de la gra-
vure, et se perfectionna dans ce dernier art
BAS
sous la direction de Jean Daullé. Encouragé
par le savant amateur Mariette, dont il était
l'ami, il entreprit de former une collection
d'estampes rares, parcourut dans cette inten-
tion les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Italie, et, à
son retour, fonda, comme éditeur et marchand
d'estampes, un établissement qui contribua h
sa fortune et à sa réputation. Il passait à bon
droit pour être l'un des plus habiles connais-
seurs de son temps. Le duc de Choiseul dit
un jour, en parlant de lui, qu'il était le maré-
chal de Saxe de la curiosité. On lui doit un
grand nombre de catalogues de vente, rédi-
gés avec une grande sûreté de jugement, et
un ouvrage plus important qui est entre les
mains de tous les amateurs d estampes ; Dic-
tionnaire des graveurs anciens et modernes,
suivi d'un catalogue des estampes gravées d'a-
près Rubens (Paris, 1767, 3 vol. in-12, et 1789,
2 vol. in-so) ; Basan a exécuté ou dirigé la
gravure de plus de 600 pièces. Parmi celles
qui ont été gravées par lui, nous citerons :
Jésus-Christ rompant le pain, d'après Carlo
Dolce ; Ecce Homo, d'après le Caravage ; Ma-
deleine pénitente, d'après Mola; Saint Mau-
rice , Ariane abandonnée, d'après Luea Gior-
dano- les Apprêts militaires, le Concert fla-
mand, le Grimoire d' Hippocrale , l'Instant
critique, les Joueurs de cartes, la Lecture dia-
bolique, d'après D. Temers; les Buveurs, les
Musiciens, le Passe-temps de l'hiver, d'après
Isaac van Ostade; la Jardinière, le Déjeuner
hollandais, le Lever hollandais, d'après F. van
Miéris; le Chanteur gothique, les Plaisirs va-
riés, d'après And. Both ; le Magister hollan-
dais, d'après Terburgh ; la Femme rusée, d'a-
près C. Bega; les Cavaliers en maraude,
d'après Ph. Wouwerman; l'Esclave à l'encan,
d'après Poelenburg; la Consolation des vieil-
les, d'après Brecktencamp ; le Bénédicité, d'a-
près G. Kalf ; la Vue d'un vieux château fla-
mand, d'après Van Goyen; quatre Vues des
environs de Naples, d'après J. Vernet; une
Vue de ferme, d'après J.-B. Leprincc; des
Animaux, d'après Oudry ; des portraits, etc.
BASAN, petite contrée de l'ancienne Pales-
tine. V. Batanée.
BASANE s. m. (ba-za-ne). Entom. Genre
d'insectes coléoptères hétéromères, de la fa-
mille des taxicornos, comprenant une seule
espèce, qui habite l'île de Java.
BASANE s. f. (ba-za-ne — d'un mot arabe
qui sert à désigner une peau de mouton tan-
née). Peau de mouton tannée avec un soin
spécial et servant à divers usages de sellerie,
de maroquinerie, etc. : Un bureau couvert en
basane. Une reliure en basane. Devant la ta-
ble, un vulgaire fauteuil de bureau en basane
rouge, blanchie par l'usage. (Balz.) La basane
est une peau de mouton simplement passée au
(au. (Frartcœur.)
— Basane en croûte, Celle que l'on sèche
sans huile, et qui doit être mise en couleur.
Il Basane en huile, Celle qu'on sèche à l'huile,
et qui doit être teinte en noir ou employée
en nature. Il Basane tannée ou de couche,
Celle qu'on prépare à la manière du veau, et
qui sert plus particulièrement de tenture
Ïiour les appartements ou de garniture pour
es meubles. Il Basane alude, Celle qu'on pré-
pare par l'alun, et qui sert surtout pour la
reliure.
— Encycl. On distingue cinq espèces de
basane : la basane tannée ou de couche , la
basane coudrée, la basane chipée, celle qui est
passée au mesquis, et l'alude. On prépare la
basane de couche ou tannée en l'étendant à
plat dans la fosse, comme les peaux de veau,
mais en l'y laissant séjourner moins long-
temps ; elle sert, entre autres usages, à faire
des tapisseries de cuir doré ; celle qu'on ap-
pelle coudrée, après avoir été dépouillée de sa
laine au moyen de la chipure, est brassée et
rougie dans l'eau chaude avec le tan. La 6a-
sane chipée reçoit un apprêt particulier nommé
chipage, et consistant à la faire tremper dans
une dissolution de tan qui la pénètre. On
passe au mesquis quand on remplace le tan
par le roudou ou redoul; enfin, les adules sont
préparées avec de l'alun , elles sont ordinai-
rement teintes en jaune, en vert, en violet,
etc., et ne s'emploient guère que pour la re-
liure.
BASANÉ, ÉE (ba-za-né) part. pass. du v.
Basaner. Bistré : Teint basané, hemme basa-
née. Vous avouerez, quand vous aurez vu cette
Indienne, qu'il y a des faces basanées qu'on
peut envisager sans horreur. (Le Sage.) Imagi-
ner l'homme, c'est s'en représenter un de grande
ou de petite taille, blanc ou basané. (Boss.)
Les Vénitiens ont le nez grand, les traits car-
rés et durs, l'œil fin, le teint basané. (Vitet.)
Karl commença à se montrer jaloux, et de-
manda la suppression de son rival basané.
(Th. Gautier.)
.... Ses mains basanées.
Aux palmes de Mars deslin<!os,
Cueillent le myrte de Cypris.
J.-B. Rousseau.
basaner v. a. ou tr. (ba-za-ne — rad. ba-
sane). Bistror, donner une couleur de basane:
Le soleil lui a basané la peau. Il ne faut
qu'un hâle qui basanera ou noircira votre
femme comme une Moresque. (Cholières.)
Se basaner, v. pr. Devenir basané : Les
teints délicats se basanent promptement au
soleil-
basanier, ière s. (ba-za-nié, iè-re —
. BAS
rad. basane). Comm. Celui, celle qui vend de
la basane.
basamste s. m. (ba-za-ni-ste — gr. ba-
sanistes, celui qui torture). Crust. Genre de
crustacés parasites suceurs, voisins des lor-
nées : On connaît deux espèces de baSanistes
qui vivent sur des poissons d'eau douce. (Milnc
Edwards.)
basanite s. f. (ba-za-ni-te — du gr. 6n-
sanos, pierre de touche). Miner. Roche basal-
tique qui contient des cristaux de pyroxene:
La basanite a la cohésion, la cassure et la
dureté du basalte, (Brongniart.)
BASANOMÉLAN s. m. (ba-za-no-mé-lan
— du gr. basanos, pierre de touche; mêlas,
noir). Miner. Une des variétés métalloïdes
du fer oligiste spécuiaire.
— Encycl. Le basanomélan, que les Alle-
mands désignent sous le nom à'eisenrose, est
formé de petites lamelles hexagonales dispo-
sées en forme de rosaces. Ces lamelles, d'un
gris noirâtre, analogue à celui du fer métalli-
que, sont épaisses et empilées les unes sur
les autres. On les rencontre dans un certain
nombre de localités, et spécialement au Saint-
Gothard, dans la vallée de Tavestch.
BAS-BLEU s. m. Par dénigr. Femme au-
teur, bel esprit, pédante : Beaucoup de fem-
mes se font baslbleus quand nul ne se soucie
de voir la couleur de leurs jarretières. (M.
Guinot.) Le bas-bleu est l'héritière en droite
ligne des femmes savantes de Molière. (Boi-
tard.) En France, excepté les bas-bleus, tou-
tes les femmes ont de l'esprit. (Mme e. de Gir.)
— Par ext, Etat do bas-bleu, de femme
auteur : La femme incomprise est une aspi-
rante au bas-bleu. (Boitard.)
— Encycl. La locution bas-bleu paraît avoir
pris naissance en Angleterre ; elle n'est que la
traduction littérale du sobriquet bluc-stocking
par lequel les Anglais imaginèrent de ridicu-
liser les femmes qui, négligeant les soins do
leur ménage, s'occupaient de littérature et
passaient leur temps à écrire de la prose
ou des vers. L'origine de ce sobriquet est
racontée de diverses manières et paraît se
rattacher à mistress Montague, qui s'est fait
un nom dans les lettres anglaises. Cette dame,
dont l'esprit était réellement distingué, préfé-
rant les plaisirs intellectuels aux frivoles amu-
sements du monde, réunissait chez elle, une
fois par semainej celles de ses amies qui par-
tageaient ses goûts, et pour qui une conver-
sation instructive et agréable offrait plus de
charmes que le jeu ou la d;inse. Quelques
hommes étaient admis dans ces réunions; l'un
des plus assidus était un certain Stillingileet,
auteur de plusieurs ouvrages qui eurent du
succès dans son temps. Ce Stillingileet avait
la manie de porter toujours des bas bleus, et
le public railleur appela les soirées de mistress
Montague le club des bas bleus ; puis, par une
extension toute naturelle, le nom de bas-bleu
fut donné à chacune des dames qui fréquen-
taient ce club. Selon une autre version ,
mistress Montague réunissait dans son cercle
tous les hommes de lettres les plus distingués
de l'Angleterre ; il ne s'agit plus de femmes,
comme on voit. Un étranger illustre, qui ve-
nait d'arriver en Angleterre, témoigna le désir
d'être introduit chez cette dame ; on lui pro-
posa de l'y conduire immédiatement, mais il
refusa cette offre en s'excusant sur ce qu'il
était encore en habit de voyage. La chose fut
rapportée à la belle lady, et elle répondit que
l'étranger faisait beaucoup trop de cérémo-
nies et que, dès qu'on avait de l'esprit ou du
savoir, on pouvait se présenter chez elle,
même en bas bleus. Mills, dans son History of
Chivalry, donne à la locution une origine toute
différente: il se forma, dit-il, àVenise, en 1400,
une société littéraire qui prit le nom de Societa
délia Calza (société du bas), et dont tous les
membres s'engageaient à porter des bas bleus,
comme signe distinctif ; cette société fut con-
nue d'abord en France, et c'est là que la dé-
nomination de bas-bleu prit naissance; elle
s'introduisit ensuite en Angleterre, où elle fut
généralement appliquée aux femmes de lettres ;
mais Mills ne nous dit pas pourquoi.
Sans rejeter aucune de ces versions, qui
peuvent toutes avoir leur part de vérité, ne
pourrait-on pas dire qu'on anommé bas-bleus les
femmes auteurs, parce qu'elles semblent vou-
loir usurper une fonction qui n'est ordinaire-
ment remplie que par les hommes. On sait, en
effet, que les femmes portent ordinairement
des bas blancs, parce qu'elles aiment à mon-
trer leurs jambes, quand elles sont bien faites,
et que la couleur blanche en fait mieux res-
sortir les formes. Dans les pays où la mode
est différente, on voit, il est vrai, les femmes
porter des bas de couleur ; mais ils sont rouges
alors ou d'une couleur très- voyante ; la cou-
leur bleue est trop terne pour qu'elle ait ja-
mais été adoptée, si ce n'est par de grossières
paysannes. Mais quand une femme affiche la
prétention de paraître savante, elle renonce
en quelque sorte aux goûts et peut-être aux
charmes de son sexe, elle devient un homme,
et il n'y a plus de raison pour qu'elle ne porte
pas des bas bleus. Cette explication .c ■udali-
sera peut-être quelques-uns de nos ir.nrma-
teurs modernes qui veulent émanciper la
femme, comme ils disent, qui la poussent &
cultiver toutes les carrières, à se faire rece-
voir bachelière et doctoresse, qui voudraient
lavoir professer dans les chaires publiques,
pratiquer la médecine et lu chirurgie, plaider
BAS
devant les tribunaux, monter peut-être sur le
siège des juges; nous le regretterions bien
sincèrement, mais nous devons faire observer
que c'est le peuple, c'est-à-dire tout le monde,
qui cr,ée les locutions nouvelles, et tout le
monde n'est pas encore convaincu que la
femme doit renoncer à charmer l'homme par
sa douceur, par sa grâce, par sa beauté, pour
se faire admirer de lui par l'éclat seul du
génie. Loin de nous, d'ailleurs, la pensée de
nier le génie de certaines femmes ; nous en
connaissons, même parmi les -vivantes, qui
sont dignes d'être placées au premier rang
parmi les écrivains et parmi les personnages
illustres; mais ce sont des exceptions, et
nous croyons qu'il n'est pas à désirer que
l'exception devienne la règle.
Tlas-Dicu (le), vaudeville de MM. Ferdinand
Langlé et Villeneuve, représenté pour la pre-
mière fois à Paris, surle théâtre des Variétés,
en février 1842. Un étudiant de dixième année,
portant béret blanc, redingote de velours, pan-
talon à la cosaque, blague et pipe suspendues
à la boutonnière, gilet écossais et barbe moyen
âge ; un étudiant flambant et flambard, chicard
et ehicandard, ballochard et chocnosophe; un
étudiant chaloupeur, bahuteur et eancanneur,
dansant la robert-macaire et la saint-simo-
nienne avec tout le relief désirable, culottant
les pipes dans la dernière perfection, jouant
avec son nez de tous les instruments à vent,
cornet à piston, cor de chasse, etc., possédant
en outre une foule de petits talents de société
qui font le désespoir des municipaux, et con-
duisent au violon plus sûrement qu'aux fonc-
tions de substitut, tel est le héros de la pièce,
joué avec une gaieté et une vérité charmantes
par le superbe Levassor. Tout le monde l'a
applaudi dans ce rôle, qui est demeuré un de
ses meilleurs. Aujourd'hui, ce qui reste de plus
clair dans le vaudeville des Variétés, bien
démodé, bien rococo et bien terne, absurde
comme un étudiant chauve qui n'a pu se
frayer une place qu'au caboulot abject et
nauséabond, c'est, le croirait-on — la bro-
chure fermée et le souvenir de Levassor
écarté — c'est une jolie page, bien digne d'être
conservée, de M. Théophile Gautier : « Le Bas-
Dieu, dit-il, sans doute ainsi appelé parce qu'il
porte des bas noirs, a existé de tout temps, et
il n'y a réellement pas grand mal ; ces pauvres
bas-bleus, les a-t-on bafoués, et vilipendés I
Qu'importe, après tout, qu'une femme bar-
bouille quelques mains de papier ! est-il donc
si nécessaire que l'homme conserve le mono-
pole d'écrire .des billevesées? Vadius doit-il
faire la guerre à Philaminte, et Trissotin à
Bélise? Ou il faut empêcher les femmes d'ap-
prendre à lire et à écrire, et les enfermer dans
des harems, comme font les Turcs, ou bien
admettre, puisqu'elles participent à la vie uni-
verselle, qu'elles réfléchissent, pensent et sen-
tent, tout comme l'homme, le besoin d'exprimer
leurs idées. On allègue ordinairement la ques-
tion du rôt qui brûle et des légumes qui ne
sont pas mis à l'heure dans le pot-au-feu, des
chausses qui ne sont pas raccommodées. La
littérature n'a rien à voir la dedans, et les
femmes qui sont capables d'écrire ont, en gé-
néral, des cuisinières pour veiller sur la broche
et sur les casseroles-. Pour notre part, nous
aimons tout autant une femme qui écrit, un
bas-bleu, qu'une femme qui joue du piano et
étudie toute la journée des variations plus ou
moins impossibles d'Herz et de Kalkbrenner.
Il est tout aussi joli de voir une blanche main
courir sur le papier satiné que de la voir se
retourner les ongles sur un clavier noir et
blanc. La mélomane, dont personne ne parle,
■est bien autrement insupportable que le bas-
bleu, qui, du moins, fait une besogne silen-
cieuse dans la solitude ; tandis que la tapeuse
de piano nous poursuit partout, dans le monde,
dans les salons, où elle empêche la causerie et
qu'elle encombre de romances et de paperasses
musicales. » L'écrivain à qui nous empruntons
cette spirituelle boutade n'a pas toujours été
si judicieusement inspiré. Il n'importe, les bas-
bleus seront bien étonnés d'apprendre qu'ils
ont eu en lui un vengeur et un défenseur;
quant aux tapeuses de piano, n'en disons pas
de mal, le nombre en est trop-considérable;
prions Dieu seulement que les claviers ré-
sonnent moins faux et que la manie de ces
dames ait enfin des bornes.
BAS-BORD. V. Bâbord.
BAS-BORDAIS. V. BÂBORDAIS.
BAS-BHÉAU (le), un des sites les plus re-
marquables de la forêt de Fontainebleau. Au
pied d'une colline de verdure, entrecoupée
de roches grises, s'étend, à la lisière même
de la forêt, un vaste espace où s'étale une
végétation luxuriante protégée par des arbres
gigantesques. La serpe et la hache n'ont point
passé par là. N'était le parasol de quelque
peintre, qui fait tache sur les, fonds verts, on
se croirait transporté dans quelque solitude
du nouveau monde.
On comprend que ces arbres, par la variété
des essences, le caprice des formes, la fron-
daison superbe, offrent aux paysagistes d'iné-
puisables sujets d'étude. Aussi le petit village
de Barbison (Seine-et-Marne, k 13 kil. de Me-
lun) doit-il a la fois son existence et sa réputa-
tion à la colonie de peintres qui est venue s'éta-
blir, vers 1840, à proximité du Bas-Bréau, On y
compte maintenant 312 habitants.' Il dépend
de la commune de Chailly-en-Bierre, qui dis-
pute à Oncy (Seine-et-Oise) l'honneur d'avoir
donné naissance a Lantara.
BAS
Une chanson, datée de 1844, et qui a pour
refrain :
Les peintres de Barbison
Ont des barbes de bison,
a conservé le nom de quelques-uns des pre-
miers occupants : François «à la barbe rude d ,
Diaz, Rousseau, et d'autres, obscurs alors,
aujourd'hui célèbres. Le père Ganne , seul
aubergiste de l'endroit, donnait a ses hôtes,
qui n'étaient riches encore que d'espoir et de
talent, une hospitalité presque écossaise. Les
artistes ne furent point ingrats : ils peignirent
du haut en bas la salle à manger de l'auberge,
ainsi que le constate la chanson écrite sur
parchemin et encadrée au milieu des pein-
tures :
On y voit des pétarades
De Diaz de la Pena,
Des paysages ousqu'il y a
Des herbes en marmelade.
Les peintres de Barbison
Ont des barbes de bison.
Le paysage peint par Diaz est un dessous de
bois ; un autre est signé Rousseau. Au-dessus
de la cheminée se déroule une frise repré-
sentant un défilé antique, par Gérôme et G.
Boulanger. Plus loin on remarque un tableau
qui a pour sujet Le dîner des peintres ai hi-
ver, chez Ganne. Ç& et là des animaux, par
Ch. Jacque, Brendel, Chaigneau.
Le père Ganne est mort, et sur sa tombe,
àChailly, on lit cette simple et touchante épi-
taphe : Ci-gît Ganne, l'ami des artistes. L'au-
berge a changé de propriétaire, mais elle a
conservé son musée ; elle garde même la
branche de pin, souvenir d'un autre âge, qui
éloigne toute idée de luxe et de cherté nro-
dernes. Elle s'enorgueillit du nombre et de la
qualité des voyageurs qu'elle reçoit. Songez
qu'elle a été honorée de la visite de l'Impéra-
trice, en 18631 Cet événement est consigné
sur un album, car Barbison a son album,
comme Ferney et les Charmettes ont le leur :
La littérature y envoie aussi ses représentants.
MM. H. Tainc, Edmond et Jules de Goncourt
ont séjourné à Barbison. Dans leurs prome-
nades en forêt, ils emportaient, à l'exemple
des peintres, leur pochon, c'est-à-dire un sac
rempli de vivres.
Quelles heures délicieuses on passe ainsi,
à quelques lieues de Paris, parmi les rochers
de grès, les plantes sauvages et les arbres
indisciplinés du Bas:Bréaul Tel estle charme
de ce coin de terre que beaucoup, venus pour
y passer huit jours, y ont pris demeure et'
fait souche de villageois. Ch. Jacque l'ani-
malier, François Millet, le peintre des paysans,
Théodore Rousseau, l'auteur de tant de chefs-
d'œuvre, Karl Bodmer, peintre et lithogra-
phe ordinaire de la forêt, s'y sont fixés depuis
longtemps, et c'est de là que nous arrivent
les ouvrages de ces maîtres.
Parmi les tableaux qui ont figuré aux ex-
positions et dont les titres intéressent cette
localité, nous citerons : de Diaz, Vue du Bas-
Bréau (1844) ; de Th. Rousseau, Fête de Bar-
bison (1S49); Bornage de Barbison (1859); de
K. Bodmer, Au Bas-Bréau, le Matin, le Soir
(1859); Au Bas-Bréau, forêt de Fontainebleau
(1861).
BAS -BRETON, BASSE -BRETONNE adj.
Géogr. Qui appartient à la basse Bretagne
ou à ses habitants: Ce fut en patois bas-breton
qu'il prononça son discours. (E. Sue.) C'était
le type du matelot bas-breton, dans toute la
force de sa nature brute, (F. Soulié.) Il Suivant
Voltaire et Mm" de Sévigné, on emploie aussi
le mot féminin basse-brette au lieu de basse-
bretonne.
— Substantiv. Habitant de la basse Bre-
tagne : Nous vîmes au bal une basse-bhette
qu'on nous avait assuré qui levait la paille;
ma foi, elle était ridicule, et faisait des haut-
le-corps qui nous faisaient éclater de rire.
(Mme de Sév.) Celte lettre montrait madame
de Sévigné écuyère et poète, la grande Made-
moiselle à cheval, et les amazones de la Fronde
caraco lan t parmi les bas-bretons et les basses-
brbttes. (Ph. Chasles.)
— s. m. Linguist. Langue parlée dans la
basse Bretagne.
— Fig. Parler bas-breton, Parler une langue
qui n'est pas comprise, comme on dit parler
chinois, hébreu, haut-allemand, auvergnat, etc.
BASCANS (Ferdinand), journaliste français,
né à Toulouse en 1801. Professeur sous la
Restauration, il fut un des combattants de
Juillet, se jeta ensuite dans la presse républi-
caine et reçut la direction du journal la Tri-
bune,àe belliqueuse mémoire, dont la polémique
était un combat et qui donna tant de besogne
judiciaire aux tribunaux de Louis-Philippe. Le
vaillant journaliste commanda ce brûlot, à la
grande satisfaction de son parti. Il eut plu-
sieurs duels, plus de cent saisies et procès,
60,000 fr. d'amende, trente-deux mois de pri-
son, trois accusations capitales devant les
conseils de guerre, etc. A sa sortie de prison,
il écrivit encore dans plusieurs journaux ;
■mais depuis 1840, il ne s'occupa plus que d'en-
seignement. Il n'a pas reparu dans la révo-
lution de 1848.
BASCAPE (Charles), abréviation de Basilica
Sancti-Petri, savant italien, né à Milan en
1550, mort a Novare en 1615. Après avoir
étudié le droit et exercé quelque temps la pro-
fession d'avocat dans sa ville natale, il entra
dans les ordres en 1576, devint clerc régulier
BAS
de Saint-Paul, fut chargé en 15S0 par Charles
Borromée d'une mission en Espagne, et fut
nommé, à son retour, supérieur de sa congré-
gation. S'étant rendu à Rome en 1592, il con-
quit les bonnes grâces de Clément VIII, qui le
préconisa évêque de Novare. Il fonda un col-
lège dans cette ville, où il se signala par son
esprit charitable et sa grande bonté. Oh a de
ce savant une quarantaine de manuscrits con-
servés au collège Saint-Marc, à Novare, et
dix-neuf ouvrages imprimés, soit sur le droit
canon, soit sur l'histoire ecclésiastique. Ses
principaux ouvrages sont : De metropoli Me-
diolanensi (Milan, 1575) ; De regulari disciplina
monumenta Patrum (1588); De vila et relus
gestis Caroli, card. archiep. Mediol. (1592);
Nçmarria seu de Ecclesia Novarriensi (1612).
BASCARINI (Jean), Florentin, né au com-
mencement du xviie siècle, mort en 1673. Il
fut à la fois astronome, poète et médecin, et
obtint une chaire de philosophie et de méde-
cine à Florence. Il a écrit, en différents genres,
des ouvrages qui sont encore consultés.
BASCH (Sigismond), né en Silésie en 1700,
mort en 1771. Il fut professeur de philosophie,
et remplit plusieurs fonctions publiques dans
son pays. Il a laissé un livre de chorals, et la
préface du livre intitulé : Von der Sprar.he, des
Herzens im Singen (le langage du cœur dans
le chant).
BASCHEM5 (Evaristo), prêtre et peintre
italien, né à Bergame en 1617, mort en 1677.
Le premier, il a peint des trophées d'instru-
ments, des cahiers de musique, des objets
placés dans un désordre étudié, et, .à part
Chardin, personne depuis lui n'a apporté la
même vérité dans ce genre de peinture. On
prétend qu'il allait jusqu'à rendre la poussière
qui pouvait couvrir ces objets. Ses tableaux,
petits et fort rares, sont excessivement re-
cherchés.
BASCI1ET (Armand), littérateur français,
né à Blois en 1829. Après avoir commencé
ses études au prytanée de Ménars (Loir-et-
Cher), il les acheva à Paris en 1849, prit ses
inscriptions à la Faculté de médecine, puis à
celle de droit, et suivit librementles cours de l'é-
cole des Chartes. Si l'on en juge par la direc-
tion littéraire qu'a prise plus tard M. Baschet,
ces derniers cours durent exercer sur lui une
grande influence. Quoi qu'il en soit, le jeune
étudiant ne tarda pas à s'abandonner à son
goût pour les lettres et fit paraître, en 1852,
son premier livre : Honoré de Balzac; essai
sur l'homme et sur l'œuvre, avec notes par
Champfleury (1 vol. in-8»), auquel succéda
presque aussitôt : Les années de voyage; iti-
néraire humoristique de Sainte-Adresse à Ba-
gnères de Luchon. L'année suivante, M. Baschet
publiait dans le journal la Presse une inté-
ressante série d'articles sur l'île de la Ca-
margue et les mœurs et coutumes de cette
partie de la Provence. Il fut un des collabo-
rateurs du journal de Paris en 1853 et du
Mousquetaire en 1854 ; en 1855, a la suite
d]un rapport fort remarquable adressé au mi-
nistre de l'instruction publique, M. Fourtoul,
il fut chargé d'une mission importante en
Allemagne, en Autriche et à Venise. En 1856,
M. Baschet fit un voyage en Dalmatie, en
Albanie et au Monténégro, publia ensuite
dans la Revue des deux Mondes une étude
intéressante sur le prince- Daniélo et les af-
faires de sa principauté, et fit paraître les
Origines de Werther, d'après les documents
autographes (1856, in-s°). Après avoir par-
couru la Hongrie et séjourné quelque temps
en Angleterre, M. Baschet retourna en Italie,
avec la mission de compulser les archives de
Venise, et publia dans le Moniteur, en 1859,
une série de rapports sur les Archives de
Venise et les documents diplomatiques. Ces
rapports, très-remarquables et très-remarques,
valurent de nouvelles missions à M. Baschet,
et il fit paraître, en 1862, le premier volume
d'un ouvrage qui promit d'être considérable,
sous ce titre : De la diplomatie vénitienne.
Les princes de l'Europe au xvie siècle, d'après
les rapports des ambassadeurs vénitiens, (in-8°.)
Ce travail fit sensation parmi les érudits et les
lettrés, surtout à cause des lumières nouvelles
qu'il projetait sur de nombreux personnages
historiques, notamment sur Charles-Quint et
Philippe II. Par le choix des documents et
par leur mise en œuvre, l'auteur de la Diplo-
matie vénitienne acheva de révéler sa rare
sagacitéetson talent d'écrivain. Bientôt après,
parut le Roi chez la Reine ou Histoire secrète
du mariage de Louis XIII et d'Anne d'Autriche,
d'après le Journal de la vie privée du roi,
les dépêches du nonce et autres pièces d'Etat
(1864, in-8°).En 1865, M. Baschet a été chargé
d'explorer les archives de Milan, de Parme,
de Florence et de Mantoue. Tout en se livrant
à ses curieuses et intelligentes investigations,
il a publié, en collaboration avec M. Feuillet
de Couches, les Femmes blondes selon les
peintres de l'école de Venise (1865), une nou-
velle édition très-augmentée du Roi chez la
reine (1865) et une traduction de la Jeunesse
de Catherine de Médicis (1865), ouvrage de
M. de Reumont, ancien ministre du roi de
Prusse près la cour de Toscane. Enfin,
M. Baschet a publié, depuis plusieurs années,
un assez grand nombre d articles dans la
Gazette des Beaux-Arts.
BAS-CHEVALIER. Orthographe primitive
du mot bachelier.
, BASCHI (Mathieu), fondateur de l'ordre des
BAS
297
capucins, né en Italie dans le duché d'Urbin,
mort en 1552. Etant entré dans l'ordre des
franciscains au couvent de Montefalcone, il
fui frappé de l'extrême relàehementde la dis-
cipline, et, dans son zèle de néophyte, il songea
à faire revivre, dans sa rigueur primitive, la
règle de saint François. Une nuit, il vit appa-
raître un spectre couvert d'une robe de laine
marrfti en étoffe grossière, serrée à la cein-
ture par une corde, et recouverte d'un petit
manteau muni d'un vaste capuchon pointu,
enveloppant la tête. Le fantôme lui ordonna,
au nom de saint François, de porter désormais
un pareil costume, et disparut. Soit que Bas-
chi ait pris ee rêve pour une réalité, soit qu'il
ait vu, dans ce qu'il prétendit être une vision,
une sorte d'encouragement céleste à pour-
suivre ses idées de réforme, il s'échappa de
son, couvent et se rendit à Rome, où il se pré-
senta devant Clément VII, revêtu du costume
que nous avons décrit. Le pape, non sans
avoir hésité quelque temps, finit par approuver
les idées réformatrices du moine ascétique, et
l'autorisa à se livrer à la prédication pour
faire des prosélytes. Baschi compta bientôt un
certain nombre de disciples; mais il se fit en
même temps un nombre considérable d'enne-
mis, tant parmi les moines, qui n'avaient nul
goût pour les austérités, que parmi ceux qui
éprouvaient de la répugnance à s'affubler de
ce capuchon pointu, d'où est venu le nom de
capucin. Il souleva contre lui, parmi les ob-
servantes, un tel orage, que, dans un chapitre
général des frères mineurs, il fut mis en pri-
son sur l'ordre du provincial. Rendu à la li-
berté bientôt après, il vit sa réforme solen-
nellement approuvée par le pape en 1528. Elu
général de l'ordre des capucins en 1529, il se
démit de cette fonction au bout de deux mois,
quitta son couvent, se livra de nouveau à la
prédication, et alla mourir à Venise.
BASCHI ou BAC1II, groupe d'îles de l'archi-
pel des Philippines, au N. de Luçon et des
îles Babuyanes découvertes par Dampier;
elles appartiennent à l'Espagne, et sont très-
fertiles en cannes à sucre, bananes et fruits
tropicaux.
BASCHILOW, né à Moscou en 1740, mort
en 1770, professeur de mathématiques, tra-
ducteur de l'Académie des sciences à Saint-
Pétersbourg, enfin secrétaire du Sénat. Quoi-
que enlevé fort jeune aux lettres et aux
sciences, il a laissé : Dialogue des animaux
(1768) ; Édition critique des premiers chroni-
queurs russes (L767); une traduction du Can-
dide de Voltaire (1769) , et divers articles insérés
dans l'Encyclopédie méthodique.
BASCHIRS. V. Baskirs.
BASCH-tarda s. f. Galère amirale chez
les Turcs.
BASCONETTE s. f: (ba-sko-nè-te). Ornith.
Nom vulgaire de la mésange à longue queua
et do la lavandière.
BASCONGADAS s. m. pi. (ba-skon-ga-dâss).
Nom espagnol des Basques.
BASCOPHILE s. m. (ba-sko-fl-le — de
basque, et du gr. philos, amij. Linguist. Qui
s'occupe de travaux relatifs à la langue
basque : Le prince Louis-Lucien Bonaparte
est un des bascophii.es les plus distingués et
tes plus savants des deux versants des Pyrénées.
Le R. P. José Antonio de Uriarte passe aussi
pour un célèbre bascophile.
BAS-COTÉ s. m. Archit. Nef latérale, d'une»
église, entre la grande nef et les chapelles :
La grande nef et les bas-côtés. C'est à partir
du xie siècle seulement que le chœur et l'abside
sont pourvus de bas-côtés dits déambula-
toires. (Bachelet).
— Encycl. Les premières églises chrétien-
nes, bâties sur le plan des basiliques antiques,
se divisaient le plus souvent en trois nefs pa-
rallèles; les deux nefs latérales, plus étroites
et moins hautes que la nef centrale, formaient
les bas-côtés ou collatéraux ; celle de droite
était occupée par les hommes, celle de gauche
par les femmes (v. basilique). Quelques basi-
liques chrétiennes furent pourvues de quatrei
bas-côtés. Dans les édifices du style latin , ces
nefs latérales furent ordinairement voûtées >
tandis que la nef centrale était simplement pla-
fonnée en bois; elles communiquaient avec;
cette dernière par des arcades à plein cintre ,.
privées d'ornements, que l'on fermait quelque-
fois, au moyen de voiles, pendant les céré-
monies. Il y eut, à l'origine, des basiliques
dont les bas-côtes se terminaient par des absi-
des disposées à droite et à gauche de la grande
abside où s'élevait l'autel. Plus tard , lorsque
l'usage des transsepts se fut introduit, les bras,
de la croix devinrent les limites des nefs laté-
rales ; mais , à dater du xie siècle, ces nçfs se-
prolongèrent au delà des transsepts, tantôt
faisant le tour du chœur, tantôt s'arrêtant à la
naissance de la courbe absidale; 00 donnai»
cette disposition le nom de déambulatoire-
(deambulaiorium). C'est aussi à partir du
xie siècle que les arcades placées entre les
bas-côtés et la grande nef et formant des tra-
vées, s'appuyèrent sur des pilastres ou d'é-
paisses colonnes monocylindriques, ou encore
sur des piliers flanqués de colonnettes enga-
gées. Dans la plupart des églises de la période
ogivale, les bas-cotes font le tourdu sanctuaire.
Au xne siècle , on commença à disposer des
chapelles le long du deambulatorium , et, dès,
les premières années du xive siècle , on ea
38
298
BAS
BAS
BAS
BAS
ôtablit sur toute la longueur des bas-côtés de
la nef-, on en ajouta même, en sous-œuvre,
aux églises anciennes qui n'en avaient qu'au-
tour du sanctuaire.
Les bas-côtés des églises romanes ont ordi-
nairement leurs voûtes disposées de manière
à soutenir la poussée dé la voûte de la nef
centrale ; leurs murs sont consolidés extérieu-
rement par des contre-forts carrés. Les archi-
tectes de la période ogivale conservèrent l'u-
sage de ces contre-forts, et ils les firent servir
à porter des arcs-boutants qui , sautant par-
dessus les collatéraux, allaient buter contre le
grand comble.
Les proportions assignées aux bas-côtés dans
les églises du moyen âge ont beaucoup varié :
le plus souvent, ils ont ensemble une largeur
à peu près égale à celle de la grande nef;
c'est ainsi que, dans la cathédrale de Bayeux
et dans celle de Noyon , la largeur de chacun
des collatéraux est de 5 m., tandis que celle
de la nef centrale est de 10 m.; dans la cathé-
drale de Metz , les bas-côtés mesurent ensem-
ble 14 m. 60 de large, et la grande nef en
a 16. Quelquefois les collatéraux sont rela-
tivement très - étroits : ainsi , duns l'église
Suint-Ouen , à Rouen , ils n'ont guère plus de
3 m. de large chacun, tandis que la grande
nef mesure 11 ni. 50. Quelques églises ont
Quatre collatéraux : telles sont les cathédrales
e Paris, de Bourges, d'Orléans.
La cathédrale de Rouen offre deux collaté-
raux le long de la nef et quatre autour du
chœur; les bas-côtés .de* la nef se prolongent
dans les croisillons du transsept, disposition
d'un bon effet, et qui contribue k donner une
plus grande régularité au plan géométral.
Les églises bâtie3 par les architectes de la
Renaissance, et celles qui ont été construites
depuis dans le style néo-grec , sont générale-
ment pourvues de bas-côtés formant galerie
entre la nef centrale et les chapelles latérales;
le sol de ces bas-côtés est parfois plus élevé
que celui de la grande nef, comme on en voit
un exemple au Panthéon , .à Paris.
BASCUL s. m. (ba-cu — do bas et cul).
Longue courroie qui, dans le harnais du
cheval limonier, est fixée par ses doux bouts
à la sellette et embrasse l'avaloire. Elle sert,
dans les descentes, à soutenir la croupe de
l'animal et à augmenter son appui. Hors de
là, elle n'est d'aucune utilité ; aussi la sup-
prime-t-on généralement dans les pays de
plaino.
BASCULAIRE adj. (ba-sku-lè-ro — rad.
bascule). Qui appartient, qui est propre à la
bascule : Mouvement baSculairk,
BASCULE s. f. (ba-sku-le — rad. bas ot cul,
parce quo, dans co jeu, cette partie du corps
est trôs-exposée à frapper par terre) . Poutre
ou planche supportée en son milieu par un
point d'appui élevé, de façon que deux per-
sonnes placées aux extrémités peuvent mon-
ter et descendre alternativement en mettant
l'appareil en mouvement, il Levier appuyé
sur un point fixe par son milieu ou par un
point plus ou moins rapproché de l'une de ses
extrémités, et dont les deux bras peuvent
être alternativement élevés et abaissés.
— Faire la bascule, Faire un mouvement
semblable à celui d'une bascule : Prenez
garde; cette planche va FAtnu la bascule, il
Mouvement ou .Jeu de bascule, Mouvement
produit par une bascule, ou semblable à celui
d'une bascule : Le poids monte et redescend
par un mouvement de bascule.
— Fig. Jeu de bascule ou simplement Bas-
cule, Alternatives en sens contraire : La po-
litique n'est souvent qu'un jeu de bascule. La
critique littéraire a inventé de nos jours je ne
sais quel système de balance et de basculu, qui
consiste à rétrograder après s'être avancé, à
défaire après avoir fait. (Ste-Bcuve.)
Vrai jeu de la bascule, un c6lé penche en bas
En faisant monter l'autre, et je ne comprends pas
Qu'un grand qui voit régner telle vicissitude,
Puisse de la hauteur conserver l'habitude.
Destouches.
Il Coup de bascule, Changement soudain de
positions relatives : Il serait à craindre que
la sculpture, par un nouveau coup de bascule,
ne se prit à suivre les pas de la peinture ac-
tuelle; et alors Dieu sait quelles statues nous
aurions/ (Vitet.)
— Polit. Vote par assis et levé, dans une
assemblée délibérante, il Système de bascule,
Système politique qui consiste à abaisser les
partis devenus redoutables, en s'appuyant
sur les partis qu'on avait d'abord affaiblis
volontairement.
— Mécan. Appareil destiné à transformer
en mouvement alternatif un mouvement cir-
culaire : Une bascule est, à proprement parler,
tout procédé qui change en va-et-vient un mou-
vement circulaire. (Francœur.) u Machine à
peser de lourds fardeaux et dont la partie
essentielle est un levier à bascule, il Pièce de
for qui manœuvre à la fois deux verrous, il
Plaque métallique qui ferme l'ouverture par
laquelle les marchands introduisent la mon-
naie dans leur comptoir, et quo l'on peut
ouvrir à volonté par uno simple pression do
la main. || Appareil à l'aide duquel on peut,
à volonté, fermer un tuyau de cheminée au
moyen d'une plaque do tôle placée un peu
au-dessous de l'ouverture supérieure, il Ap-
pareil qui sert à arrêter le frein d'un moulin
a vent, il Appareil avec lequel on vido l'eau
qui remplit la place des blocs d'ardoise, après
qu'on les- a extraits, il Trappe de certains
pièges, qui se baisse sous l'animal et se relève
par l'effet d'un ressort ou d'un contre-poids, n
Levier qui, dans une horloge, est mu par la
roue à cheville, de la sonnerie, et met en mou-
vement !o fil de fer qui soulève le marteau.
Il Nom donné aux grosses poutres qui portent
les chaînes avec lesquelles on soulevé un
pont-levis. il liascules du positif ou du petit
orgue, Réglettes en bois de chêne, qui établis-
sent la communication entre le clavier du
positif et le sommier, il Couteau à bascule,
Couteau dont le manche très-lourd relève
toujours la lame et l'empêche de salir la
nappe, il Pièces assemblées en bascule, Pièces
de cliarpentcrie dont l'une est mortaisée dans
l'autre par son extrémité.
— Constr. Egout de comble dont.la saillie
est double des saillies ordinaires.
— Pèch. Bateau vivier pour le transport
des poissons vivants, sur les rivières.
— Encycl. Mécan. La bascule ou balance de
Quintenz, du nom de son inventeur, est une
machine destinée à peser des marchandises,
des bagages, des animaux vivants, tels que
veaux, bœufs, porcs, etc., et même des dili-
gences, des voitures de bois ou de charbon, etc.
6a construction repose sur les mêmes princi-
pes que celle de la romaine. C'est toujours
un levier à bras inégaux, destiné à produire
l'équilibre entre des poids très-différents. Elle
se compose d'un large plateau ou tablier
destiné à recevoir le corps k peser, et d'un
autre plateau sur lequel on place les poids qui
doivent faire équilibre. Tout le système du
tablier est disposé de manière a transmettre
le poids dont on le charge en un point du
levier très-rapproché du point d'appui, tandis
que, de l'autre côté, le plateau vient s'attacher
à une distance dix fois ou cent fois plus grande,
suivant la réduction de poids que l'on veut
obtenir. Les bascules les plus usitées sont au
dixième, c'est-à-dire que 10 kilo, placés sur le
tablier sont équilibrés par l kilo, mis sur le
plateau du pesage. Les bascules servant h
évaluer les fortes charges, comme les chariots
et les diligences, sont ordinairement au cen-
tième.
Nous ne donnerons pas ici la théorie scien-
tifique de la bascule; nous renvoyons, pour
cet objet, à notre article Balance. Nous dirons
seulement quelques mots des bascules dont se
servent les marchands de bois pour peser le
chargement des voitures, et de celles que les
gros fermiers font quelquefois établir dans
leur cour, pour peser non-seulement des char-
gements de voitures, mais encore le bœuf, le
veau, le pore, le mouton qu'ils vont vendre k
la foire, et quelquefois même un petit trou-
peau de moutons. La plupart des cultivateurs
se privent de, cet instrument, qui leur serait si
utile, parce qu'ils sont persuadés qu'il en
coûte fort cher pour l'établir ; beaucoup d'entre
eux s'empresseraient probablement de faire
construire une bascule, s'ils savaient que cette
construction peut se faire au moyen d'une
dépense de 240 à 500 fr. Un plancher solide
d'une longueur de 2 m. ou 2 m. 50, entouré
d'une galerie dont le devant et le derrière
peuvent s'abaisser et se relever; quatre
chaînes reliant ce plancher k un fléau de ba-
lance suspendu k la charpente d'un hangar, et
dont le bras le plus long supporte un Tjassin
où l'on met les poids ; voilà tout ce qu'exige
l'établissement d une bascule réduite à sa plus
simple expression. Si l'un des bras du fléau
est dix fois plus long que l'autre, chaque kilo,
placé dans le bassin représentera un poids de
10 kilo.
— Admin. Antérieurement à 1850, il y avaiir
sur nos routes, a des points déterminés par
l'administration, de nombreuses bascules, nom-
mées aussi ponts à bascule, et destinées à vé-
rifier le poids des voitures publiques, qui alors
étaient assujetties à n'avoir qu'un chargement
déterminé, en raison de leur construction et
du nombre de chevaux employés à leur trac-
tion. La loi du 30 mai 1850 a amené la sup-
pression de ces bascules, en posant en principe
(art. 1er) qU'a partir de cette époque, toute
voiture pourrait circuler sur les routes publi-
ques sans aucune condition de réglementation
de poids.
— Jeux. Dans l'exercice du jeu de bascule,
deux personnes se placent, assises ou achevai,
chacune à l'extrémité d'une poutre légère ou
d'une forte planche; posée en équilibre sur une
pierre peu élevée ou sur tout autre support
disposé de la même manière; puis l'une des
personnes, appuyant ses pieds contre le sol,
projette son corps en avant, tandis que l'autre
se renverse en arrière ; le bras du levier qui
porte l'une est raccourci, celui qui porte l'autre
est allongé par le mouvement même de son
corps; 1'équuibre est rompu, l'une monte et
l'autre descend jusqu'à ce que ses pieds tou-
chent à son tour la terre. Sous cette forme, la
bascule est un jeu de jardin exclusivement
destiné aux enfants. Celle que l'on emploie
dans les lieux publics est beaucoup plus com-
pliquée. Elle se compose d'un pied ou pivot
îbrmé d'une charpente plus ou moins élégante,
et dont la partie supérieure présente une es-
pèce de grande fourchette dans les branches
de laquelle est fixée, au moyen d'une longue
cheville de fer, la solive destinée à recevoir
les joueurs. Les deux bouts de cette so-
live sont ordinairement munis de coussins et
même de dossiers et de hautes poignées.
pour prévenir les chutes. On fait aussi des
bascules doubles, c'est-à-dire ayant deux so-
lives qui se croisent. D'autres sont encore plus
compliquées; car, outre qu'elles sont doubles,
leur pivot est construit de façon à pouvoir
tourner sur lui-même, d'où résulte pour les
joueurs un mouvement continuel de rotation,
qui a lieu en même temps que le mouvement
ordinaire d'ascension et de descente alterna-
tives. La basculé est aussi désignée sous le
nom de balançoire russe et sous celui de
brandilloire.
— Polit. L'expression système de bascule est
employée pour exprimer les efforts'faits par les
gouvernements et les partis dominants pour
neutraliser le plus possible leurs adversaires,
soit en les divisant, soit en les opposant les
uns aux autres, soit même en faisant avec
eux des alliances momentanées. Dans les
pays où le pouvoir est obligé dé compter avec
les partis, de prendre en considération leurs
intérêts, leurs passions, leurs aspirations, le
système de bascule existe toujours plus ou
moins. En France, il a été mis en pratique
pour la première fois, d'une manière toute
particulière, sous les trois derniers Valois, par
Catherine de Médicis, leur mère. C'est même
à propos du mode de gouvernement de cette
princesse, que l'expression système de bascule
a été créée et est entrée dans la langue. Il est
vrai de dire que la politique adoptée et suivie
par Catherine de Médicis pendant la minorité
de François 11 et de Charles IX, fut tout au-
tant le résultat des circonstances spéciales
dans lesquelles se trouvait alors la France,
que celui des tendances naturelles de son ca-
ractère et des aptitudes de son intelligence.
Le système gouvernemental, tendant k con-
centrer toute la puissance politique dans le
roi, existait alors beaucoup plus dans les lois
que dans les faits. Les intérêts politiques" de
toute nature que ce système tendait à faire
disparaître ou tout au moins à amoindrir,
n'étaient pas encore tout à fait démunis de
moyens de résistance et de défense. Bien qu'il
y eût une armée permanente, les grands sei-
gneurs avaient encore en fait le pouvoir de
lever des troupes et de se créer, grâce k ces
troupes et k leurs châteaux forts, des moyens
de domination dans leur voisinage. Toutes les
villes importantes de l'intérieur étaient forti-
fiées. Ces villes, peu confiantes dans la
sécurité que leur offraient les "édits du roi,
aimaient mieux compter sur leurs murailles
et sur les mousquets de leurs propres mi-
lices. Après François Ier et Henri II, le nou-
veau système gouvernemental , privé des
intelligences fortes qui l'avaient conçu et des
bras vigoureux qui en avaient essayé la réa-
lisation pratique, courait grand risque de
tomber en ruine. Tous les intérêts politiques
que le pouvoir royal n'avait pu soumettre ou
s'associer complètement se replièrent sur eux-
mêmes. Les questions religieuses étant venues
se mêler aux causes de division déjà nom-
breuses qui existaient entre tous ces intérêts,
et les armer les uns contre les autres, la
royauté, représentée par des enfants et im-
puissante à faire prédominer sa volonté, se
trouva exposée à de grands dangers. Adopter
franchement les principes religieux et politi-
ques de l'un des grands partis entre lesquels
se partageait la France, c'était à la fois pro-
voquer la guerre civile et la guerre étrangère.
Le sentiment qui fait considérer avec horreur
toute alliance avec l'étranger pour faire pré-
dominer un système politique à l'intérieur
n'était pas encore né, et les partis n'avaient
alors aucune répugnance à appeler }es autres
nations à leur secours, quand ils se trouvaient
trop faibles. Au milieu de ces complications, la
situation particulière de Catherine de Médicis
était encore un danger de plus. Tant qu'avait
vécu son royal époux, elle avait été tenue systé-
matiquement en dehors de toute participation
aux affaires publiques. Une alliance trop intime
et trop déclarée avec un des grands partis de
l'Etat réveillait immédiatement chez les autres
la jalousie instinctive qu'inspire toujours aux
nationaux l'immixtion d'une main étrangère
dans leurs affaires. Pour peu, que Catherine de
Médicis eût eu le malheur de froisser trop tôt
tous les partis, une coalition momentanée entre
eux,pours'en débarrasser et la renvoyeràFlo-
rence, n'était pas impossible, et cette dernière
éventualité était celle qui inspirait le plus de
crainte à la veuve de Henri II. Déterminée à
rester en France à tout prix, elle régla sa
conduite en conséquence. « La vengeance et
la haine, dit M. de Sismondi, avaient peu de
part à ses actions; le sentiment moral en avait
moins encore; elle prévoyait, calculait, cher-
chait k maintenir l'équilibre entre des factions
u'elle voyait prêtes à en venir aux prises ;
^iu reste, elle n'avait pas plus de Têpugnance
à s'attacher aux Montmorency qu'aux Guises
ou aux Bourbons. Cette princesse, qui devait
faire la Saint-Barthélémy, était, au commen-
cement de sa participation au pouvoir, si dé-
sireuse de se concilier le parti protestant,
qu'elle ne prit dans sa maison que des femmes
protestantes. • En même temps, il est vrai^
elle se liait avec le plus cruel ennemi du pro-
testantisme, le roi Philippe II; choisissant,
pour conclure cette alliance, le moment où
Philippe II venait d'autoriser le grand inqui-
siteur d'Espagne à faire arrêter l'archevêque
de Tolède, primat du royaume, sur l'accusation
d'avoir toléré des hérétiques dans sa province
et d'avoir laissé introduire dans son catéchisme
des phrases sentant la réforme. Il était alors,
S
il est vrai, difficile de dominer des partis si
divers, à moins de s'interposer entre eux et de
les diviser. « Tous les Français, dit encore
M. de Sismondi, se montraient serviteurs ou
des Bourbons, ou des Guises, ou des Montmo-
rency. Etrangère au milieu d'eux, et n'ayant
eu aucun crédit sous le règne de son mari, Ca-
therine de Médicis, qui n avait point de parti
qui lui fût propre, pouvait craindre d'être tout
à fait sacrifiée, à moins de trouver le moyen
de balancer tous ces ambitieux les uns par les
autres, o Aussi, dès qu'un parti semblait sur
le point d'être écrasé, s'empressait-elle de lui
faire des avances. Un des plus remarquables
exemples de sa duplicité en ce genre est celai
de sa fameuse entrevue avec La Planche, un
des chefs du parti protestant. Dans cette en-
trevue, La Planche remit à la reine, sur sa
demande, un mémoire sur les griefs des pro-
testants contre les Guises, et lui parla en
même temps, avec la plus grande liberté, de la
colère que l'élévation de cette maison causait
k toute la noblesse française. Pendant toute
cette entrevue, le cardinal de Lorraine était
caché dans le cabinet, afin d'être témoin auri-
culaire de tous les détails de la conférence.
Grâce à ses manœuvres pour tenir en échec
les partis les uns par les autres, Catherine de
Médicis, sans avoir aucun parti, aucun pou-
voir, aucun droit reconnu, avait réussi, dès l'a-
vénement de son second fils, Charles IX,
k se mettre à la tête du gouvernement, avec
le consentement de tous les partis. Sismondi
met encore en lumière, à ce sujet, une des
preuves de cette préoccupation constante à
maintenir avant tout l'équilibre. « Sous son
inspiration, dit-il, le conseil d'Etat prit un
arrêté dans lequel, évitant soigneusement les
titres de régente et de lieutenant général du
royaume, la direction des affaires fut partagée
entre les deux personnages qui alors remplis-
saient réellement ces fonctions ; tous les gou-
verneurs de provinces et capitaines de places
qui se trouvaient à la cour devaient s'adresser,
pour les affaires de leur charge, au roi de
Navarre, qui en ferait son rapport k la reine
mère ; toutes les lettres des provinces, au con-
traire, devaient être adressées à la reine, qui
les communiquerait au roi de Navarre. Néan-
moins le connétable de Montmorency demeu-
rait chef de l'armée , le duc de Guise grand
maître et gardien du palais, le cardinal de
Lorraine directeur des finances, et l'amiral,
les maréchaux, les grands officiers et les gour
verneurs de province étaient tous confirmés
dans leurs emplois. •
En religion comme en politique, Catherine
était toujours prête à recourir au système de
bascule. Un moment, sous l'influence de son en-
tourage, qui était presque entièrement composé
de dames protestantes, elle crut au triomphe
prochain du parti réformé. Cette éventualité
fui plut comme pouvant lui permettre de payer
les dettes de l'État avec les biens du clergé;
aussi, tant qu'elle fut dans ces idées, sa cor-
respondance avec le pape prépara les voies à
une rupture avec la cour de Rome, pour le
moment où il pourrait lui convenir de la dé-
clarer. Cette tendance constante à vouloir tout
tenir en équilibre, Catherine de Médicis la
manifestait même dans l'es questions spécula-
tives. Lors du fameux colloque de Poissy, la
confession de foi relative à la sainte Cène,
qui, par son ambiguïté, semblait répondre aux
susceptibilités religieuses des deux partis, et
qui fut, à. la première lecture, adoptée par l'as-
semblée générale du clergé catholique, comme
répondant pleinement a sa pensée, était
l'œuvre de cinq théologiens catholiques et de
cinq théologiens protestants, désignés et choisis
les uns et les autres par Catherine de Médicis.
La Sorbonne n'ayant pas voulu accepter cette
confession de foi et l'ayant de plus déclarée
hérétique, Catherine renonça dès cette époque
à mettre les théologiens des deux religions en
présence les uns des autres.
Les violences lui répugnaient; ce n'était
qu'au dernier moment, et lorsqu'elle se croyait
bien sûre du succès, qu'elle y avait recours.
Ainsi, au moment où protestants et catholi-
ques se livraient à des luttes sanglantes jusque
dans les églises de la capitale, Catherine de
Médicis, préoccupée uniquement du maintien
de la paix, résistait aux passions populaires
qui l'accusaient d'être plus favorable aux
protestants qu'aux catholiques, et ne tenait
aucun compte des conseils des hommes d'E-
tat prétendus sages qui , dans l'exercice de
deux cultes différents dans une même ville,
ne voyaient qu'une abominable débauche,
qu'un horrible scandale. De tout temps, en
France, la patience a été loin d'être la vertu
prédominante des partis forts ; aussi ne faut-il
pas s'étonner si, devant cette persistance à
maintenir l'équilibre, les trois principaux chefs
du parti catholique, le connétable de Montmo-
rency, le duc de Guise et le maréchal de
Saint-André, agitèrent sérieusement la ques-
tion d'enfermer Catherine dans un sac et de
la jeter à la rivière. Le parti catholique étant
devenu le plus fort, Catherine écouta les con-
seils des ardents de ce parti, qui méditaient
des projets d'extermination. Mais, fidèle à son
système de bascule, quelques jours avant la
Saint-Barthélémy, elle accueillait avec la plus
grande cordialité les ambassadeurs des puis-
sances protestantes et les comblait de présents.
Au lendemain de cet exécrable crime, qui, à la
honte de ses auteurs , ne fit que donner plus
de force et de vigueur au parti protestant,
Catherine réussit encore à se faire accepter
BAS
comme la protectrice des notabilités, dont elle
avait médité et comploté la perte. Dominer à
tout prix étant devenu son but, le dieide et
irnpera était devenu sa maxime , sa grande
règle de conduite. Le despotisme pur et simple
eût été bien plus dans ses goûts que cette
dissimulation constante et ces efforts inces-
sants pour balancer les unes par les autres les
infiuences'qui contrariaient ses rêves de pou-
voir absolu. Le témoignage de d'Aubigné nous
apprend que, dans son entourage, Catherine
de Médicis manifestait la plus profonde admi-
ration pour le gouvernement turc. « En Tur-
quie, disait-elle, le Grand Seigneur a seul entre
ses mains les biens, la vie et l'honneur des
sujets; les gens doivent ce qu'ils sont et oe
qu'ils ont au souverain ■ tout le inonde est prêt
a périr en un clin d'œii ; les janissaires sont
tout; il n'y a de forteresses qu'aux frontières ;
enfin le souverain, pour conférer des fonctions
et des dignités, n'est pas entravé par des con-
sidérations de race et de parentage. « Aussi
écoutait-elle avec une satisfaction marquée
les conseils que lui donnait l'un des commen-
saux du chancelier de Birague, le voyageur
Poneet, « d'ôter les princes et d'affaiblir telle-
» ment la noblesse, qu'elle ne pût contrevenir
» au roi et lui donner la loi. Quant aux princes,
' qu'il n'était pas possible d'ôter, disait Poneet,
» il fallait ne donner aucun honneur ni charge
• à personne sur leur recommandation, et, en
» outre, les tenir en division ou du moins en
« soupçon les uns contre les autres. ■ Comme
moyen de détruire la noblesse, Poneet trou-
vait la guerre civile, pour fait de religion,
chose excellente, parce que, disait-il, l'ecclé-
siastique se fait votre partisan et le peuple
ennemi de ce qui pourrait le décharger; à ce
jeu, les plus mauvais garçons (c'est-a-direles
caractères les plus énergiques) périssent; le
reste se précipite en une basse humilité. Etei-
gnez soigneusement ceux qui parleront d'états
généraux, ou plutôt servez-vous des petits
états provinciaux qui ont une bien contraire
opération.. En temps de paix, faites travailler
la justice sur les réchappes de la guerre ;
laissez à vos<grands les charges ruineuses, en
ayant soin qu'ils n'en aient que l'apparence,
et donnez la vraie administration à des gens
de peu, surtout de la robe, pour qu'ils ne
puissent jamais conspirer. Avec ce système,
vous démantellerez les villes mutines et les
châteaux de ceux qui voudraient refuser de
courber la tête, et lors, vous ferez des biens,
des vies et de la religion tout ce qu'il vous
plaira. » Le système turc captivait alors tous
les monarques européens ; tous mettaient
leur ambition à détruire, autant que possible,
dans leurs Etats toute puissance individuelle.
Philippe II d'Espagne n'avait pas d'autre
pensée, et sous sa main la monarchie espa-
gnole se remodelait pour devenir une image
assez fidèle de l'empire turc, Catherine, pour-
suivant le même idéal, s'attacha à miner toute
indépendance, toute puissance qui n'émanait
pas du trône, se félicitant d'événements que
tout autre qu'elle aurait considérés comme
des calamités^ nationales, dès qu'elle y voyait
des moyens d'acheminement vers son but. Ce
but, Richelieu devait l'atteindre dans le siècle
suivant, sans être obligé de faire des alliances
momentanées avec les diverses influences in-
térieures qu'il voulait détruire. Il n'eut besoin
que de les attaquer les unes après les autres.
En appliquant à leur défense les maximes et
les pratiques dont Catherine de Médicis leur
avait donné l'exemple, ces influences auraient
pu tenir en échec le pouvoir central et l'ame- '
ner à changer de direction ; mais, préoccupées
uniquement de leurs intérêts exclusifs, elles
s'inquiétaient peu des ruines voisines. Comme
tout ce qui a perdu sa vigueur" primitive, con-
tentes du reste de vie qui leur était laissé, ces
influences semblaient croire que la tempête ne
les atteindrait pas ou peut-être les dédai-
gnerait.
Le système de bascule est aussi une consé-
quence forcée chez les nations où le pouvoir
exécutif est divisé entre plusieurs mains. En
France, la période directoriale en fournit un
exemple frappant. Les hommes, fait avec
juste raison remarquer M. Thiers dans son
Histoire de laJiévolvtion française, ne peuvent
pas vivre longtemps ensemble sans éprouver
du penchant ou de la répugnance les uns pour
les autres. Les haines profondes que se por-
taient les hommes issus de partis contraires et
d'humeurs et de dispositions d'esprit si oppo-
sées, devaient forcément conduire à des tirail-
lements dans la marche des affaires. La
personnalité la plus tranchante et la plus
marquante de ce gouvernement, Paul Barras,
représente surtout le système de bascule.
« Républicain par position et par sentiment,
dit M. Thiers, mais nomme sans foi, il recevait
chez lui les plus violents révolutionnaires des
faubourgs et tous les émigrés rentrés en
France; convenant aux uns par son esprit
d'intrigue, plaisant aux autres par sa violence
triviale, il était en apparence chaud patriote, et
en secret, il donnait des espérances à tous les
partis. » A cette époque, le système de bascule
résultait aussi des dispositions constitution-
nelles et légales, qui permettaient à une ma-
jorité législative, ennemie de la Révolution,
de réformer les lois en harmonie avec les
nouveaux principes politiques et de contrarier
la marche du gouvernement. Le résultat d'un
tel ordre de choses est bien connu, il aboutit
et devait aboutir à des coups d'Etat. Le pre-
mier en date, celui du 18 fructidor, est con-
sidéré par les historiens attachés à la Révo-
BAS
lution comme l'unique et seule ressource
qu'avait alors le gouvernement pour sauver
son existence et éviter un retour violent à
l'ancien régime. La division du pouvoir exé-
cutif permettait aussi de laisser s'introduire
dans son sein des adversaires mêmes du prin-
cipe du gouvernement ; ce qui eut lieu en effet.
La nomination de Siéyès eut pour premier
résultat la dissolution de l'ancien Directoire.
Le jeu de bascule employé pour arriver à ce
but est encore admirablement caractérisé par
M. Thiers. « Toutes les factions, dit cet êmi-
nent historien, que.le Directoire avait essayé
de réduire, s'étaient réunies pour l'abattre et
avaient mis leurs ressentiments en commun. Il
n'était coupable que d'un seul tort, celui d'être
plus faible qu'elles; tort immense, il est vrai,
et qui justifie la chute d'un gouvernement. »
Ce coup d'Etat ne consolida pas le Directoire -,
le système de bascule, plus ou moins avanta-
geux et plus ou moins utile quand un moteur
unique lui communique son impulsion, ne peut,
au contraire, aboutir qu'à l'anarchie et à la
décomposition politique, quand il n'est que le
résultat des efforts faits par les partis pour se
maintenir au pouvoir ou se l'arracher. Les
partis, a-t-on fait remarquer avec juste raison,
se soumettent, mais ne se réconcilient pas, car
il faudrait pour cela qu'ils renonçassent à leur
but.
Le système de bascule est aussi une né-
cessité de situation pour les gouvernements
comme celui de la Restauration. En 18M, on
s'en souvient, il y avait deux manières d'en-
tendre le rétablissement de la royauté, de
concevoir son droit, d'expliquer son origine
et de comprendre ses devoirs envers elle-
même. Pour les uns, Louis XVIII n'était roi '
qu'en vertu de l'acte du Sénat qui lui avait
conféré la royauté, sous l'expresse condition de
jurer qu'il respecterait les institutions dont cet
acte déterminait les bases. Pour les autres, le
droit était antérieur à tout et ne relevait d'au-
cune puissance humaine. Les corps politiques
pouvaient le constater, mais cette constatation
ne lui donnait ni ne lui était rien. Les actes
du gouvernement devaient se ressentir de
cette dualité dans les idées. Ainsi, tout en adop-
tant l'ordre civil et l'organisation militaire
créés par la Révolution et l'Empire, on réta-
blissait toutes les anciennes charges de la
maison royale, avec les dénominations su-
rannées que la Révolution avait emportées et
que Napoléon n'avait osé ressusciter quand il
commit la faute de reconstituer une cour; on
vit reparaître les gardes du corps avec leur
compagnie écossaise, les mousquetaires et les
chevau- légers. On annonçait Louis XVIII
comme résolu à adopter la Révolution dans
ses faits accomplis, et on donnait des gages
aux adversaires irréconciliables de cette Ré-
volution , en mettant toutes' les fonctions
publiques entre les mains d'hommes que
la France ne connaissait que pour avoir
porté les armes contre la patrie, ou pour
avoir provoqué et dirigé la guerre civile.
On s'engageait à respecter la situation et
les grades des officiers de l'ancienne armée
impériale; en même temps, une ordonnance
royale permettait l'admission dans la marine
des anciens officiers qui, après avoir quitté la
France, auraient servi une puissance étran-
gère. Les grades acquis a l'étranger, fût-ce en
combattant la France, et les campagnes de
guerre au service de l'étranger devaient comp-
ter pour les pensions à obtenir. On déclarait
inviolable la vente des biens nationaux, et
dans des actes publics, tels que des exposés
de motifs de projets de loi, les émigrés dépos-
sédés étaient représentés comme restant pro-
priétaires légitimes des biens vendus, et on
faisait pressentir qu'ils seraient un jour réin-
tégrés dans leurs droits. La liberté des cultes
était reconnue, et, d'un autre côté, des mesures
réglementaires, transformées bientôt en dispo-
sitions législativeSj prohibaient, sous des peines
sévères, toute espèce de travail les dimanches
et jours de fêtes religieuses. On promettait
de respecter les monuments élevés pour per-
Eétuer le souvenir des grands faits de notre
istoire militaire pendant les vingt-cinq der-
nières années, et, comme contre-partie de ce
respect, on organisait des souscriptions pour
élever des monuments funéraires et des pyra-
mides commémoratives en l'honneur des roya-
listes tués sur divers points du territoire na-
tional, en combattant contre la patrie. Un
ex-maréchal de l'Empire, Soult, duc de Dal-
matie, présida lui-même à l'érection de la
colonne de Quiberon. La charte proclamait la
liberté de la presse, et, sous prétexte d'en
prévenir les &>us, on établissait la censure.
La seconde Restauration débuta sous les
auspices de l'homme qui représentait le système
de bascule sous ses cotés non-seulement les
moins acceptables, mais même les plus répu-
gnants. Egorgeur en nos, servile en 1812,
conspirateur en 1815 avec les hommes qu'il
était chargé de surveiller, Fouché était admi-
rablement propre à continuer un pareil sys-
tème. Mais la chambre introuvable elle-même
ne voulut point d'un pareil instrument. La
vérité historique veut qu'on reconnaisse que
cette assemblée si violente, si impitoyable,
était composée en grande majorité d'hommes
incapables de supporter, de sang-froid, le
spectacle de revirements aussi scandaleux.
Néanmoins , le système de bascule était
alors si fortement dans les nécessités de la
situation, que le gouvernement fut obligé d'y
recourir. Seulement, la royauté changea d'in-
BAS
strument. Désespérant d'obtenir des votes
sages et modérés d'hommes dont la foi poli-
tique se confondait avec la foi religieuse,
Louis XVIII ne vit, pour les contenir, rien de
mieux que de leur donner pour chef un
homme qui partageait leurs croyances, en de-
meurant étranger à leurs passions. Aidé par
l'esprit souple de M. Decazes, le duc dé Riche-
lieu, tout en subissant la loi de proscription,
dite d'amnistie, votée par la majorité, proté-
gea dans leucs vies et dans leurs biens nom-
bre de notabilités de la République et de
l'Empire que les ultras voulaient ruiner, sinon
faire périr. En s'alliant avec M. Laine, les
mêmes hommes réussirent à faire écarter un
projet de loi électorale qui eut assuré la pré-
pondérance, dans la représentation nationale,
à la propriété agricole et au clergé. Tout en
faisant au premier de ces éléments une très-
large part, le système censitaire permettait
aux autres éléments de richesse de tenir en
échec la grande propriété foncière.
Qualifié de système de bascule par les ultras
de l'extrême droite, le système de MM. de Ri-
chelieu et Decazes, considéré dans son en-
semble, fut surtout un système de transac-
tion. Tant que dura l'orage causé par les
Cent-Jours, on courba la tète devant'une ma-
jorité violente ; mais dès qu'on vit que l'opi-
nion publique s'éloignait de cette majorité, on
la brisa par l'ordonnance de dissolution du
5 septembre 1816. Après avoir mis toutes les
fonctions importantes de l'Etat entre les mains
des royalistes, quand on vit qu'avec un élément
aussi exclusif, le gouvernement et l'adminis-
tration devenaient, sinon impossibles, du moins
très-difficiles, on rouvrit les rangs de la magis-
trature et ceux des carrières privilégiées aux
ambitions plébéiennes. La pairie de 1815, ef-
fraj'ée par l'élection de Grégoire, à Grenoble,
voulait briser la loi électorale; tout en se
prêtant à des modifications regrettables dans
le régime des élections, et tout en concourant
au refus de reconnaître le mandat conféré a
Grégoire par les électeurs de l'Isère, le mi-
nistère Decazes sauva, dans ses principes
fondamentaux, le système électoral de 1816,
en modifiant, par l'Introduction de soixante-
dix membres nouveaux, la composition de la
chambre des pairs. Ce mode de gouverne-
ment avait alors naturellement pour adver-
saires les ardents des deux partis. Appuyé
par la faveur royale , M. Decazes luttait
avec la même énergie contre le pavillon Mar-
san, et contre les hommes d'action, qui alors
se flattaient de rappeler le grand vaincu de
Sainte-Hélène ; et il fallut l'attentat deLouvel
pour renverser l'homme et le système.
Ce mode de gouvernement était, du reste, à
cette époque , tellement dans la force des
choses, quune fois l'orage passé, les hommes
qui l'avaient le plus combattu furent obligés
de le pratiquer. L'histoire du ministère de
M. de Villèle en est la preuve. Placé entre les
royalistes et les libéraux, entre la noblesse et
la bourgeoisie, M. de Villèle n'accordait aux
uns que ce qu'il ne pouvait leur refuser, et
cherchait, en enrichissant les autres, à leur
faire supporter des concessions que la nécessité
lui commandait. N'ayant pas moins besoin des
votes des congréganistes que des écus des
banquiers, du concours politique de l'émigra-
tion que du concours financier de la Bourse,
M. de Villèle déploya une habileté sans égale
pour calmer les passions par les intérêts. Il
pratiqua, pendant les six années de son minis-
tère, une sorte de système de bascule, non
pas, comme MM. de Richelieu et Decazes,
ses prédécesseurs, entre les diverses coteries
parlementaires, mais entre les classes mêmes
de la société que leurs traditions et leurs ha-
bitudes semblaient vouer à un éternel anta-
gonisme. Obligé de concéder à la congréga-
tion la loi dite du sacrilège, il en atténua
la portée en ce que les circonstances aux-
quelles, en pareille matière, était surbordon-
née l'application de la peine de mort, étaient
combinées de telle façon que cette application
était rendue presque impossible. Cest qu'en
effet cette loi eût été un effroyable péril si
elle n'eût été une lettre morte. La loi d'at-
nesse, qui consistait, en somme, dans la sub-
stitution d'un préciput légal au préciput facul-
tatif, sauf disposition contraire par un acte
de dernière volonté, portait aussi en elle-
même son correctif : un testament suffisait
pour y échapper. Charles X et M. de Poli-
gnac, effrayés par l'insuccès de cette politi-
que , essayèrent d'une autre , exempte de
tout esprit de ménagement et de concession.
Le résultat en est connu. La France, qui,
jusque-là, dans ses réclamations les plus
pressantes, s'était contentée d'un simple chan-
gement de ministère , brisa par une révolu-
tion la tentative avouée de revenir purement
et simplement à l'ancien régime.
Le reproche de n'être qu'un système de bas-
cule a été encore, avec plus de raison, adressé
au gouvernement de Juillet, tant dans la politi-
que intérieure que dans la politique extérieure.
Dès les premiers jours de son établissement,
ce gouvernement donna un spectacle étrange.
On se déclarait décidé à maintenir l'ordre
avant tout, et le chef de l'Etat s'associait, sur
les places publiques, au chant de la Marseil-
laise. On disait que les traités ae 1815 n'exis-
taient plus, et en même temps on se faisait
représenter auprès de la puissance qui avait
pris le plus de part à ces traités, auprès de
l'Angleterre, par M. de Talleyrimd. On déplo-
rait en pleine Chambre le sort de la Pologne,
BAS
299
et, en même temps, un ambassadeur, choisi a
cause de ses anciennes relations d'intimité
avec l'empereur Nicolas, M. de Mortemart,
était envoyé à Saint-Pétersbourg. La liberté
de la presse était une des conquêtes de la Ré-
volution ; mais, bien avant que d'abominables
attentats eussent expliqué les restrictions léga-
les apportées à l'exercice de cette liberté, des
lois fiscales rendaient impossible la créa-
tion de journaux à bon marché., Toutes les
propositions faites pour garantir là liberté in-
dividuelle contre une législation qui ne favo-
risait que trop l'arbitraire échouaient devant
les Chambres. Le pays demandait -il une
grande mesure linancière, on la laissait discu-
ter et adopter par la Chambre des députés,
bien sûr qu'on était que cette même mesure
serait infailliblement rejetée par la Chambre
des pairs. Le ministère de M. Guizot prit,
avec la certitude d'un pareil résultat, l'initiative
d'un projet de conversion de la rente, et se
refusa à suivre les conseils qu'on lui donnait
d'imiter l'exemple de la Restauration, qui, en
présence de l'hostilité déclarée de la Chambre
des pairs à une mesure réclamée par le pays,
avait modifié la composition de cette partie de
la législature. La guerre d'Afrique elle-même
n'était qu'un moyen de satisfaire le besoin de
conquête dont on prétendait que le peuple
français était incurablement atteint. La lé-
gislation sur la presse empêchait la fondation
de recueils politiques, qui eussent éclairé les
esprits et facilité la dissémination des vrais
principes économiques; mais, à défaut de cette
nourriture salutaire qu'il eut fallu donner aux
esprits, on laissait passer des romans licen-
cieux et malsains, qui minaient les principes
les plus fondamentaux de toute société. Selon
le jugement de ses propres amis, ce gouver-
nement passe pour avoir subi trop souvent,
dans l'ordre moral, l'empire d'hommes qui,
comme condition de leur appui, lui imposaient
le ménagement de leurs mauvaises passions ;
cependant, au lieu de voir dans ses tergiversa-
tions continuelles la cause principale de la
ruine de cette monarchie, ces mêmes amis
trouvent qu'elle ne sut pas assez pratiquer le
système de bascule. La révolution de 1848 ne
serait pas arrivée, disent-ils, si le système
électoral avait laissé pénétrer dans la Cham-
bre un plus grand nombre de républicains et
de légitimistes. Les uns, dit M. de Carné,
auraient servi d'épouvantail , et les autres,
a un moment donné, de point d'appui. L'exa-
men de la marche des autres gouvernements,
à cet égard, est une question d'avenir plus
que d'actualité.
En Angleterre, le système de bascule a été,
à partir de la restauration des Stuarts, sou-
vent employé par les hommes d'Etat, pour
empêcher les partis de triompher trop complè-
tement de leurs adversaires. Le célèbre George
Saville, marquis d'Halifax, pratiqua ce sys-
tème pendant toute sa vie. ■ Halifax, dit l'his-
torien Macaulay, était le chef de ces hommes
politiques que les deux grands partis appe-
laient dédaigneusement baianceurs(Trimmers).
Loin de se fâcher de ce sobriquet, il l'accep-
tait comme un titre d'honneur et en discutait
faiement la signification. Tout ce qui est bon,
isait-il, se balance entre les extrêmes. La
zone tempérée est entre le climat où les
hommes sont rôtis et celui où ils gèlent.
L'Eglise anglicane tient le milieu entre les fu-
reurs anabaptistes et la liturgie romaine. La
constitution anglaise est tout aussi éloignée
du despotisme turc que de l'anarchie polo-
naise. La vertu elle-même n'est qu'un balan-
cement entre différents penchants, dont un
seul, poussé à l'extrême, devient vice; bien
plus, la perfection de l'Etre suprême repose
sur l'exact équilibre de ses attributs, qui, s'il
était rompu, entraînerait la perturbation de
l'ordre physique et moral du monde... Sa place,
dit encore Macaulay en parlant d'Halifax, fut
toujours entre les deux factions qui divisaient
l'Etatj et jamais il ne s'écarta beaucoup de leur
frontière commune. Le parti auquel il appar-
tenait était, pour le moment, ce qu'il aimait le
moins, parce qu'il le voyait de plus près ; aussi
se montra-t-il toujours sévère envers les violen-
ces de ses amis, et resta-t-il constamment en
bons termes avec ses adversaires modérés ; sa
censure ne manqua jamais à une faction, du
jour où son triomphe la rendait arrogante et
vindicative; sa protection ne se faisait pas
attendre, du jour où cette faction était vaincue
et persécutée. ■ De nos jours, en Angleterre, on
appelle aussi jeu de bascule les manœuvres
des députés irlandais oui, faisant en général
de l'opposition à tous les ministères, whigs
ou torys, conservateurs ou libéraux, n'écou-
tent, dans les moments décisifs où les deux
grands partis sont en lutte, que leur intérêt
personnel, pour les maintenir au pouvoir ou
les renverser en portant leurs votes soit d'un
côté, soit de l'autre, bien que les deux partis
leur soient également antipathiques.
Ainsi le système de bascule est l'expédient in
extremis des gouvernements faibles ou mal dé-
terminés; un gouvernement absolu, qui puise
sa force dans son absolutisme, dédaigne les re-
mèdes de cette nature : tel fut le gouvernement
de Richelieu ; un pays franchement républicain
ne recourt jamais à ces fictions : tels sont les
Etats-Unis, telle fut la France après 89. En
cela comme en beaucoup d'autres choses, les
extrêmes se touchent.
BASCULER v. n. ou intr. (ba-sku-lè — rad.
bascule). Exécuter un mouvement de bas-
cule : Cette poutre a basculé.
300
BAS
BAS
BAS
BAS
. — Fig. Passer réciproquement par des al-
ternatives en sens contraire : Le ■président de
la République, nommé par l'Assemblée, bascu-
lerait sans cesse de la majorité à la minorité.
(Connen.)
bas-dessus s. m. (ba-de-su). Mus. Se-
cond dessus, dessus moins aigu que le pre-
mier. Se dit surtout d'une voix de femme
que les Italiens appellent mezzo soprano.
bas-D'estamier s, m. Techn. Celui qui
fait des bas d'estame.
BASE s. f. (ba-ze — du gr. basis, même
sens). Point d'appui sur lequel un objet re-
pose par son propre poids : La base d'une co-
lonne. La base d'un clocher. Chanceler sur sa
base. Les députés d'une province étant venus
annoncer à \ espasien que, par délibération pu-
blique, on avait destiné un million de sesterces
à lui ériger une statue colossale, ce prince leur
dit en leur présentant la main : « Placez-la
ici sans perdre de temps, voici une base toute
prête. » (*")
— Par ext. Partie d'un objet située au ni-
veau du sol, ou point d'attache de cet objet :
La base d'une montagne. La base d'une tour,
d'une maison. La base des cornes d'un animal.
Saper une tour par la base.
J'atteignis le sommet d'une rude colline
Qu'un lac baigne a sa base
Lamartine.
— Poét. Point d'appui imaginaire sur le-
quel la terre repose : La terre chancelle sur
ses bases. (Chatcaub.)
— Principal ingrédient qui entre dans la
composition d'un mélange ou d'une combi-
naison chimique : Médicament à base de mer-
cure. C'est l'alcool affaibli qui donne l'eau-de-
vie, base de toutes les liqueurs. (A. Rion.) On
a souvent conseillé de composer des mélanges
de fumier avec d'autres substances dont la terre
forme la base. {Math, de Dombasle.)
— Fig. Principe , fondement : La justice
est la bask de toute autorité. La base des ver-
tus, c'est l'amour filial. (Cicéron.) La gram-
maire est la base et le fondement desMutres
sciences. (La Bruy.) Le sentiment de Vamour
de soi est la seule base sur laquelle on puisse
jeter les fondements d'une morale utile. (Helv.)
Tout système qui n'a point, l'expérience pour
base est sujet à l'erreur. (Dumarsais.) L'é-
loge a la vérité pour base. (Bu£F.) Un ministre
est toujours un nomme en spectacle à l'Europe;
son honneur est ta base de son crédit. (Volt.)
L'ordre social est un droit sacré qui sert de
base à to'us les autres. (J.-J. Rouss.) La sa-
gesse est la base de toute vertu. (J.-J. Rouss.)
La présomption a tant de hauteur et si peu
de base, qu'elle est bien facile à renverser,
(M=nc de Staël.) La morale doit avoir le de-
voir et non l'intérêt pour base. (M"" de Staëi.)
L'arbitraire sape dans sa base toute institu-
tion politique. (B. Const.) La loi morale est
la seule base sur laquelle puisse reposer une
éducation complète. (Mme Guizot.) L'intérêt
ne saurait être la base d'aucun système com-
plet d'éducation. (Mme Guizot.) La base la
plus inébranlable de l'ordre social est l'éduca-
tion morale de la jeunesse. (Guizot.) Beaucoup
de protestants croient qu'ils ne font qu'user au
libre examen et qu'ils restent chrétiens, quand
ils abandonnent les bases et s'éloignent des
sources de la foi. (Guizot.) Ce fut évidem-
ment sur la base chrétienne que s'affermit la
royauté des Capétiens. (Guizot.) Bien labourer
et bien fumer sont les deux bases de la culture.
(Math, de Dombasle.) Plus il entre de plai-
sir physique dans la base d'un amour, plus il
est sujet à l'infidélité. (H. Beyle.) La psycho-
logie n'a point de base plus sûre que l'étude
du genre humain. (Vinet.) Trois vérités for-
ment la base de l'édifice social ; la vérité re-
ligieuse, la vérité philosophique, la vérité po-
litique. (Chatcaub.) Tout drame pèche essen-
tiellement par la base, s'il offre des joies sans
mélange de chagrins évanouis ou de chagrins
à naitre. (Chatcaub.) La religion, cette base
fondamentale de la république , avait perdu
de son prestige. (Napol. III.) La souverai-
neté du droit divin est la base du despotisme.
(Colins.) La seule base solide du bonheur des
rois est le bonheur des peuples. (A. Martin.)
La base de toute société rationnellement con-
stituée, c'est la souveraineté individuelle. (E,
de Gir.) Le sentiment moral est la base de la
religion. (Ed. Scherer.) Les sciences mathé-
matiques et physiques sont la base des sciences
sociales. (Renan.) Il se passera bien des an-
nées avant que l Europe ait compris qu'il n'y
a d'association solide que sur la base au droit.
(Ed. About.) L'autorité ne peut avoir pour
base que l'affection, la confiance ou la crainte.
(J. Favre.) La base de t'étymologie est dé-
sormais placée dans l'induction historique.
(Littrè.)
De leur trône abattu l'équité fut la base.
Leuerciek.
— Fam. Nomme carré par la base, Homme
ferme, résolu, franc et ouvert, et dans la pa-
role duquel on peut avoir toute confiance :
J'aime les hommes carrés par la base. (Na-
poléon 1er.) u Cetto expression si énergique
a été omise par tous les dictionnaires.
— Archit. Partie d'un édifice ou d'un sup-
port qui repose immédiatement sur le sol,
et offre une saillie sur la partie qu'elle sup-
porta : La base d'une colonne, d'un pilastre.
La bas,e est une partie aussi essentielle de la
colonne que le chapiteau. (Millin.) Il Base con-
tinuée, Base qui commence tout un système
de supports, il Base mutilée, Base profilée
seulement sur les côtés du pilastre, u Base
du fronton, Corniche horizontale du fronton.
— Géom. Côté quelconque d'un triangle,
mais choisi suivant les besoins d'une dé-
monstration ou d'une opération : Dans le
triangle rectangle, c'est toujours l'hypoténuse
qui sert de base. La hauteur d'un triangle est
la perpendiculaire menée sur la base par le
sûmmet opposé. Il L'un quelconque des côtés
parallèles, dans un quadrilatère dont deux
côtés sont parallèles entre eux : Base d'un
trapèze, d'un parallélogramme. Il Cercle ou
polygone sur lequel est construit un cône ou
une pyramide,
— Géom. prat. Ligne droite que l'on choi-
sit sur le terrain, et sur laquelle on élève et
on abaisse des perpendiculaires qui abou-
tissent à chacun des angles opposés : On doit
choisir la base aussi grande quepossible, quand
on veut mesurer un terrain.
— Mathcm. Nombre qui, dans un système
de logarithmes, a pour logarithme l : Dans
les logarithmes dont la base est 10, la carac-
téristique contient autant d'unités qu'il y a de
chiffres moins un, dans la partie entière du
nombre, n Nombre exprimant le rapport qui
existe entre les différentes unités successives
d'un système de numération : 10 est la base
du système décimal, parce que chaque unité
en vaut 10 de l'ordre immédiatement inférieur ;
12 est la base du système duodécimal.
— Fortif. Plan par terre d'un ouvrage :
La base d'un bastion. Tracer la base du pa-
rapet. Il faut qu'un bastion de terre ait en sa
base le double de la largeur qu'il a en sa plus
haute superficie. (Trév.)
— Mus. Tonique ou note fondamentale.
— Perspect. Intersection du plan objectif
avec la surface supposée verticale sur la-
quelle on dessine.
— Chim. Bases salifiables, ou simpl. bases,
Corps susceptibles de neutraliser les acides
par leur combinaison avec eux : Les alcalis
sont des bases solubles dans l'eau. Les pro-
priétés des bases ne sont pas absolues, et le
même corps peut jouer le rôle de base à l'é-
gard d'un composé, et le râle d'acide à l'égard
d'un autre. (Duméril.) Il Bases alcalines^ Nom
que l'on donne à certains oxydes qui sont
des bases plus énergiques que les autres et
qui ont plus d'affinité pour les acides. Tels
sont les oxydes de calcium, de strontium, de
baryum, de lithium et surtout de sodium et
de potassium, connus vulgairement sous les
noms de chaux, de strontiane, de baryte, de
lithine, de soude et de potasse.
— Bot, Partie d'un organe la plus rappro-
chée de son origine ou de son point d'inser-
tion, et qui est opposée au sommet : La ra-
cine et la tige ont leur base au même point,
c'est-à-dire au collet. La base de l'ovaire est
le point où il touche au réceptacle.
— Anat. Point d'attache ou partie infé-
rieure de certaines parties du corps : La base
du crâne, de la colonne vertébrale, etc. Il Base
du cœur, Partie supérieure de cet organe, qui
est la plus large, et qui donne naissance aux
grands vaisseaux, u Base de l'omoplate, Par-
tie de cet os la plus voisine des vertèbres.
— Entom. Origine ou point d'insertion des
parties extérieures du corps des insectes,
telles que les ailes, la tête, les jambes, les
antennes, etc. : La base ou l'insertion de
l'antenne est la partie qui sort du front. (Du-
méril.)
— Conchyl. Partie de la coquille qui re-
pose sur le dos du mollusque : On indique
par le mot base des parties qui diffèrent en
raison des différentes classes de coquilles.
(Deshayes.)
— Dynam. Base de sustentation, Plan cir-
conscrit sur lequel repose un corps en équi-
libre : Un corps est en équilibre toutes les fois
que la verticale qui passe par le centre de
gravité rencontre la base de sustentation, ii
Mamm. Espace compris entre les extrémités
d'un quadrupède. Cette base doit toujours
être en harmonie avec la taille des animaux.
Plus le poids à supporter est lourd, plus la
base doit être développée : Les animaux amin-
cis, haut montés sur leurs membres, à poitrine
étroite, sont généralement d'excellents cou-
reurs; mais ils sont sujets à broncher, parce
que leur base de sustentation n'est pas assez
étendue.
— Astron. Distance priso sur la terre entre
deux points très-éloignés , pour servir de
base aux triangles qui doivent déterminer la
distance dos astres : Le diamètre de la terre
est une base trop petite pour servir à mesurer
la distance des étoiles.
— Opt. Base distincte ou distance focale,
Distance à laquelle les rayons parallèles se
croisent en arriére d'une lentille ou en avant
d'un miroir concave.
— Techn. Pièce de bois fixée au bas d'une
porte et mordant sur la pièce qui forme le
seuil, u Moulure ordinaire en cuivre établie
au. bas des balustrades en fer, et figurant
une base de colonne.
— Syn. Base , fondcmoui. La base est ce
qui est en bas, c'est la partie la plus basse
d'une chose, et celle sur laquelle toutes les
autres parties sont appuyées. Le fondement
est au-dessous même de la base et il lui -sert
d'appui comme a tout le reste; les fondements
d'un édifice sont sous la terre. La base d'un
système, d'un raisonnement, c'est la proposi-
tion principale sur laquelle toutes les autres
propositions sont établies; mais il faut que
cette base elle-même repose sur des fonde-
ments solides, c'est-à-dire sur des vérités in-
contestables. Un mauvais raisonnement peut
pécher par la base: une fausse nouvelle est
dénuée de fondement , même lorsqu'elle a
pour base l'affirmation d'une personne ordi-
nairement digne de foi.
— Antonymes. Chapiteau, faite, haut, pi-
nacle, sommet, couronnement.
— Encyd.I. — Archit. Conformément àl'éty-
mologie du mot, les architectes entendent par
hase tout membre d'architecture qui en sou-
tient et en porte un autre, et, plus particuliè-
rement, l'empattement inférieur de la colonne,
du pilastre, du piédestal. Suivant le système
qui consiste à présenter l'architecture grec-
que comme une imitation des constructions en
charpente (v. Architecture), les premiers
essais de l'art de bâtir n'offraient point encore
l'idée des bases; les colonnes reposaient direc-
tement sur le sol, comme les arbres ou pou-
tres destinés k soutenir le toit de la cabane
rustique. Le plus ancien des ordres, l'ordre
dorique, conserva cette tradition ; il n'a jamais
eu de base chez les Grecs, et ce ne fut que
dans quelques monuments que les Romains lui
en donnèrent une. Mais, de même que le be-
soin de préserver de l'humidité les supports
de bois plantés en terre et d'élever ceux qui
n'avaient pas la longueur voulue, avait fait
adopter l'usage d'un ou de plusieurs plateaux,
de même on eut recours aux bases de pierre
pour élever le fût des colonnes et lui donner
en même temps plus d'assiette. Les théori-
ciens, dont nous venons de reproduire l'opi-
nion, ajoutent que de la multiplicité des pla-
teaux naquirent les tores et les moulures des
bases. Scamozzi et quelques autres écrivains
pensent que ces diverses parties ont eu pour
origine les ligaments de fer qu'on employa
primitivement pour assujettir le bas de la co-
lonne. Sans discuter la valeur de ces diverses
hypothèses, nous pouvons regarder comme
certain que les bases ont été imaginées parles
architectes pour élargir le pied des colonnes
et leur donner, par suite, plus de solidité, de
même que leur tête se développa en forme de
chapiteau, afin de présenter à l'architrave un
plus large point d'appui.
La base la plus simple, celle qui fut probable-
ment employée dès le principe, est la plinthe,
qui n'est autre chose qu'un dé de pierre carré-.
Par la suite, on enrichit cette espèce de socle
de tores, de filets, de scoties (v. ces différents
mots), qui devinrent autant de divisions de la
base. La disposition et la forme de ces diver-
ses parties ont varié k l'infini, suivant le ca-
price des architectes. Bien que les règles qu'on
a voulu établir k cet égard n'aient rien de
positif, nous allons les exposer brièvement.
L'ordre dorique, comme nous l'avons déjà
dit, n'eut jamais de base chez les Grecs. > On
peut même affirmer, dit Quatremère de
Quincy, que les Romains ne lui en donnèrent
point, à proprement parler. Les autorités
qu'on a cru trouver dans quelques édifices,
n'ont d'autre fondement que le mélange qui
s'introduisit entre le dorique et le toscan, et
qui a fait attribuer au premier ce qui constitue
le second. ■ » Vitruve dit expressément que
l'ordre dorique n'a point de base. Toutefois,
les plus célèbres artistes modernes, Alberti,
Barbaro, Palladio, Catana, Serlio, Scamozzi,
Perrault, ont admis pour cet ordre la base at-
tique ou atticurge, composée d'une plinthe et
de deux tores de module différent (le tore in-
férieur étant le plus gros), réunis par une
scotie entre deux blets.
La base toscane doit avoir en hauteur, selon
Vitruve, la moitié de son épaisseur; elle se
compose d'une plinthe circulaire ayant en
hauteur la moitié de son diamètre, et d'un
tore mesurant avec l'apophyge ou congé
(moulure placée à l'extrémité inférieure du
fut) la hauteur de la plinthe. Les modernes
ont ajouté un filet entre l'apophyge et le tore.
Cette base se rapproche beaucoup de celle
que Vitruve a assignée à l'ordre dorique ; la
seule différence consiste en ce que, dans cette
dernière, une astragale sépare le tore du filet.
La base ionique comprend une plinthe, deux
scoties munies chacune de deux filets et sépa-
rées par deux astragales, et un gros tore qui
domine le tout. La plinthe mesure le tiers de
la hauteur totale de cette base; les deux au-
tres tiers étant divisés en sept parties, on en
donne trois au tore supérieur. Les anciens ont
rarement fait usage de cette t-ite, que Vitruve
dit avoir été commune k l'ordre corinthien et
à l'ordre ionique ; ils ont souvent employé,
pour ce dernier la base attique, comme on le
voit dans le temple de Minerve-Poliade et à
l'Erechtéion d'Athènes, avec cette particula-
rité que, dans ces édifices, la plinthe a été
supprimée à. cause de l'étroitesse des entre-
colonnements. Philibert Delorme a proposé
une base ionique, qu'il dit avoir trouvée dans
des édifices antiques; elle s'éloigne de celle
que nous venons de décrire d'après Vitruve,
en ce que deux astragales de grosseur diffé-
rente séparent la plinthe du filet de la première
scotie.
La base corinthienne a deux tores comme la
base attique, deux astragales et deux scoties
comme la base ionique. Suivant Perrault, la
hauteur de cette base doit être égale au demi-
diamètre de la colonne, et la quatrième partie
de cette hauteur fait celle de la plinthe. Le
tore supérieur est plus gros que celui 'd'en
bas. Cette base était inconnue du temps de
Vitruve, qui laisse k l'ordre corinthienla liberté
d'emprunter la base de l'ionique et ses diver-
ses parties. Les colonnes corinthiennes du
monument de Lysicrate, à Athènes, ont la
base attique, mais sans plinthe.
La base composite diffère de la corinthienne
en ce qu'elle a ordinairement une astragale
de moins. Quelques monuments composites,
tels que l'arc de Vérone et les thermes de Dio-
clétien, offrent des bases attiques.
Les règles que nous venons d'indiquer n'ont
rien d'absolu, nous le répétons. » L'archi-
tecte, dit Quatremère de Quincy, reste tou-
jours le maître de varier, de réduire ou de
multiplier les membres et les parties des ba-
ses, selon la forme ou le caractère de ses édi-
fices. Le goût ou la mesure de leurs ornements
comporte encore moins de principes positifs.
En général, tout ornement affaiblit la partie
sur laquelle on l'applique, soit en la masquant,
soit en atténuant la forme même qui en est
revêtue. Dès lors, on sent assez avec quelle
économie on doit les distribuer aux membres
d'architecture dont l'emploi annonce la néces-
sité d'une force aussi réelle qu'apparente.^ Les
Romains nous ont laissé l'exemple du goût le
plus vicieux dans ce genre. Il nous est par-
venu plusieurs de leurs bases dont tous les
tores, et jusqu'aux moindres listels, sont char-
fés d'ornements. Lorsque la richesse générale
e l'ordonnance paraîtra l'exiger, on pourra
introduire quelques détails d'ornements dans
les moutures des bases; mais on observera :
1" de choisir ceux qui seront les plus légers
et dont la nature ne tend point à altérer la
configuration des membres ; ïc les bases étant
ordinairement k portée de vue, on traitera ces
ornements d'une manière douce, et l'on évi-
tera ces taillées trop vives qui font dispa-
raître la finesse primitive des moulures ; 3° on
n'en placera que sur les moulures principales,
ayant soin de laisser nues les petites parties
qui servent alors de nuance et de liaison, et
font briller, par leur repos, les détails, des
autres. »
L'imitation de la base antique persista assez
longtemps au moyen Age, particulièrement
dans les pays où des édifices romains demeu-
raient debout; du reste, on n'observa de règles
fixes ni dans les proportions, ni dans les profils;
chaque tailleur de pierre suivait sa fantaisie.
Pour ne parler que des constructions élevées
dans le nord de la France aux époques méro-
vingienne et carlovingienne, on y remarque
parfois des bases très-hautes pour le diamètre
des colonnes, ou très-basses pour de grosses
colonnes; elles sont composées tantôt d'un
simple biseau , tantôt d'une série de mou-
lures superposées sans motif raisonnable. Ce
qui distingue essentiellement, dès l'origine,
la base du moyen âge de la base antique, c'est
la suppression de la saillie inférieure com-
posée d'un congé et d'un listel, qui, dans la
colonne romaine, sert de transition entre le
fût et la base. Les tailleurs de pierre s'épar-
gnèrent ainsi un travail considérable , celui
d'évider le fût de la colonne sur toute sa lon-
gueur, pour ménager la saillie en question.
Une autre innovation, intéressante à consta-
ter, s'introduisit au IXe siècle i on fit reposer
sur une base unique, ordinairement circulaire,
les piliers composés de colonnes accouplées.
Ces colonnes conservaient d'ailleurs leurs
propres bases, tantôt formées d'un simple bi-
seau ( crypte de Saint-Etienne d'Auxerre ) ,
tantôt composées de tores, de scoties .et de
filets (piliers de la nef de Saint-Remy de
Reims). Au xe siècle, les moulures antiques
commencent à faire place à des combinaisons
nouvelles : dans plusieurs provinces (Berry,
Nivernais), on trouve des bases profilées au
tour et offrant une grande multiplicité d'urêtes
et de filets; plus au nord de la France, en
Normandie, dans le Maine, les profils sont
fins, peu saillants, d'un galbe doux et délicat.
C'est surtout dans les constructions élevées
par les moines de Cluny, au xi° siècle, dit
M. Viollet-Leduc, que nous voyons la base
s'affranchir de la tradition romaine, adopter
des profils nouveaux et une ornementation
originale, composée quelquefois de feuillages
et même de figures d animaux {bases des co-
lonnes engagées de la nef de l'église de Véze-
lay). Le savant que nous venons de citer,
ajoute : « Les monuments clunisiens offrent
seuls, dans la taille des. profils des bases, l'ap-
plication d'une méthode régulière : cette mé-
thode procédait par épannelages successifs,
pour arriver du cube k la forme circulaire
moulurée... L'épannelage donne k la base
quelque chose de ferme, qui convient parfaite-
ment à ce membre solide de l'architecture et,
qui contraste avec la mollesse et les formes
indécises de la plupart des profils des bases
romaines. Le tore inférieur, au lieu d'être
coupé suivant un demi-cercle, et de laisser
entre lui et la plinthe une surface horizontale
qui semble toujours prête k se briser sous la
charge, s'appuie et semble comprimé sur cette
plinthe. • Les architectes du xn« siècle adop-
tèrent une modification non moins importante :
observant que le tore inférieur laisse les quatre
angles de la plinthe vides, que ces angles peu
épais s'épaufrent facilement, ils imaginèrent
de les renforcer par un petit contre-fort diago-
nal, partant du tore. Cet appendice, auquel
on a donné le nom de griffe, .devint bientôt un
motif de décoration et revêtit des formes em-
BAS
BAS
BAS
BAS
301
pruntées à la flore ou au règne animal. On
en trouve des exemples dans un grand nombre
d'édifices du xme siècle , sur les bords du
Rhin, en Provence, en Auvergne , dans le
Berry, dans le Bourbonnais, dans le Poitou,
etc. Bien que les griffes eussent pour effet
d'adoucir les angles de la plinthe, les con-
structeurs du xme siècle jugèrent à propos
d'abattre ces angles, afin de rendre la circula-
tion plus facile autour des gros piliers isolés
(chœur de la cathédrale de Paris, nefs de la
cathédrale de Meaux et de la cathédrale d'A-
miens, etc.); mais la plinthe carrée fut con-
servée longtemps encore pour les colonnes
engagées des galeries et des fenêtres. Plus
tard, toujours dans le même but, on fit débor-
der de beaucoup le tore inférieur sur la plinthe
(cathédrale de Laon, Notre-Dame de Dijon,
Notre-Dame de Semur-en-Auxois). A mesure
que ce tore acquiert plus d'importance , la
scotie se creuse ; quelquefois elle est remplie
par un perlé, comme on en voit dans quelques
églises de Normandie. En général, les bases
ont été traitées avec un soin particulier, avec
amour , par les architectes du xme siècle :
« Si elles sont posées très-près du sol et vues
de haut en bas, dit M. Viollet-Leduc, leurs
profils s'aplatissent, leurs moindres détails
se prêtent a cette position; si, .au contraire,
, elles portent des colonnes supérieures, telles
que celles des fenêtres hautes, des triforiums,
leurs moulures, tores, scoties et listels, pren-
nent de la hauteur de manière que, par l'effet
de la perspective, les profils de ces bases su-
périeures et inférieures paraissent les mêmes...
Si grand que soit l'édifice, les bases dont le
niveau est le plus élevé ne dépassent jamais
et atteignent rarement la hauteur de l'œil ,
c'est-à-dire 1 m. 60. La hauteur de la base est
donc le véritable module de l'architecture ogi-
vale : c'est comme une ligne de niveau, tracée
au pied de l'édifice, qui rappelle partout la
stature humaine. » Au commencement du
xiv<! siècle, les moulures des bases perdent de
leur hauteur et de leur saillie ; la scotie dis-
paraît entièrement, et les deux tores finissent
f>ar se souder et se confondre. D'un autre côté,
e profil des bases obéit au contour donné par
le plan des piliers; la plinthe reprend son plan
carré, dont l'angle est recouvert par la saillie
du tore. Au xv<s siècle, les piles de forme mo-
nocylindrique n'ont qu'une seule base a socle
polygonal; Quant aux piles composées de
prismes curvilignes, leur base principale est
pénétrée par les petites bases partielles et res-
sautantes de ces prismes. Le xvie siècle, enfin,
ramène l'imitation des formes de l'architec-
ture antique : les profils de la base romaine
reparaissent, mais non sans subir diverses
modifications, dont quelques-unes ont été indi-
quées ci-dessus dans les renseignements que
nous avons donnés sur les bases employées
dans le style classique.
II. — Mathém. Un système de logarithmes
étant défini par deux progressions à termes
commensuiables, choisies d ailleurs au hasard,
on peut toujours aisément en déterminer la
base. Ainsi, soit le système défini par les deux
progressions
4 9
9
343
15
9
pour introduire le terme l dans la progres-
sion par différence, il suffira d'insérer quatre
moyens différentiels, — , —;— et — ou I , entre
— et — ; il suffira donc, pour connaître la base
du système, d'insérer pareillement quatre
moyens proportionnels lV 7 , 7v/7' , 7/t" et
7 /T'entre 7 et 49, c'est-à-dire dans l'inter-
valle correspondant de la progression par
quotient, l étant le quatrième moyen diffé-
rentiel inséré, la base sera le quatrième moyen
proportionnel ou ly/T*.
La base du système des logarithmes vul-
gaires est 10, c'est-à-dire que le système de
ces logarithmes est défini par les deux pro-
gressions.
— ■ i : 10 ; îoo : . . .
-r- 0 . 1 . 2 .....
Les avantages que présente le choix de
cette base tiennent à 1 adoption du système
décimal de numération. Les multiplications
et divisions par 10 et ses puissances se pré-
sentant à chaque instant, il était impoi-tant •
qu'elles fussent ramenées aux opérations les
plus simples, et, pour cela, que les logarithmes
de 10 et de ses puissances fussent très-simples.
Lorsqu'on définit les logarithmes comme les
exposants des puissances auxquelles il fau-
drait élever un nombre constant a pour re-
trouver tous les nombres, c'est ce nombre a
qui définit le système, et il en est, d'ailleurs, la
base, puisque a' étant a, 1 est le logarithme
de a.
Le logarithme x d'un nombre y, dans la
base a," est défini par l'équation
y = a*
Il est toujours facile de passer d'une base à
une autre, c'est-à-dire que les logarithmes des
nombres ayant été calculés dans une base a, on
peut s'en servir pour les former aisément
dans une autre base a'. En effet, soient y un
nombre quelconque et x, x' les logarithmes
de ce nombre dans les deux systèmes ayant
pour bases a et a' : des deux hypothèses
= „/*
il résulte
y = a et y = a'
ou, prenant les logarithmes des deux membres
dans la base a,
d'où
x = x' loga a'
1
log a'
Ainsi, pour passer des anciens logarithmes
aux nouveaux, il suffira de les multiplier tous
par l'inverse du logarithme de la nouvelle
base dans l'ancien système.
On se sert souvent d'un théorème qui doit
trouver place ici : tes logarithmes de deux nom-
bres pris chacun dans le système dont l'autre
serait la base, sont inverses l'un de l'autre,
c'est-à-dire que
logaa'x loga, <z= 1.
• En-effet, si l'on prend, dans le système a', les
i logarithmes des deux membres de l'identité
log a'
il vient identiquement
1 = log„ a'
x log,
a"1
— Géod. Pour évaluer la surface d'un ter-
rain d'une grande étendue, on la divise par
des lignes qui forment un réseau de triangles
se reliant deux à deux par un côté commun.
Les côtés qui bordent le terrain appartiennent
chacun à un seul triangle. Considérons un de
ces derniers côtés : si on le mesure, ainsi que
les angles du triangle dont il fait partie, on
pourra évaluer l'aire de ce triangle et un coté
de chacun des triangles adjacents. A l'aide
de ces deux côtés, on carrera ces deux autres
triangles ; et ainsi, de proche en proche.
Mais l'exactitude de toute l'opération dépend
de la mesure du premier côté : c'est ce pre-
mier côté qui porte le nom de base.
L'opération de la mesure d'une base géo-
désique doit être entourée des précautions les
plus minutieuses. Après avoir choisi un ter-
rain uni, spacieux et découvert, on y plante
des piquets verticaux, alignés à l'aide d'une
lunette et formant une ligne droite aussi
longue que possible, de plusieurs kilomètres,
par exemple. La base ainsi jalonnée se me-
sure au moyen de trois règles d'égale lon-
gueur, successivement ajoutées bout à bout, '
Ces règles sont en fort bois de sapin, préala-
blement trempé dans l'huile bouillante, puis
verni ; préparation qui a pour résultat de les
rendre presque insensibles à l'influence de
la température. La longueur des trois règles
constitue une portée. On dispose chaque portée
exactement en ligne droite et horizontale,
ce qui se fait en posant chaque règle sur
des poutrelles soutenues par des chevalets,
et en consultant fréquemment le niveau à
bulle d'air logé dans chacune d'elles. De
grandes précautions sont prises pour que
les extrémités des règles affleurent aussi
rigoureusement que possible. On les garan-
tit du soleil, au moyen d'une petite toiture
portative. Si l'on ne peut empêcher l'inclinai-
son d'une des règles, on en calcule la projec-
tion horizontale. Pour cela, soitL la longueur
connue de la règle inclinée, i l'inclinaison, et
P la projection horizontale de la longueur L.
L'angle i appartient à un triangle rectangle
dont l'hypoténuse est L, et dont un des côtés
est P ; et l'on a :
P = L cos »
L — P = L — Lcosi = L (l — cos i),
Mais
donc
1 — ûost = 2 sin* — i;
L — P = 2LSU)1— i.
2
Quand l'arc t est très-petit, ce qui est le cas
ordinaire, il peut remplacer son sinus, et l'on a
L — P = 2L x— i1 = — Lî'3.
4 2
Avec cette formule on peut, à l'avance,dresser
une table de réduction de minute en minute,
donnant, pour chaque inclinaison, ce qu'il faut
retrancher de la longueur L.
La base B étant ainsi mesurée sur le sol, il
reste à déterminer la projection 6 de cette
base sur la sphère formée par le prolongement
supposé de la superficie des mers, car c'est
cette projection qui est la véritable base cher-
chée, lorsqu'il s'agit d'une grande étendue de
terrain. Appelons R le rayon de la sphère des
mers, rayon qui est celui de l'arc b et R + A,
le rayon de la sphère terrestre à laquelle ap-
partient l'arc B. La différence h est ce qu'on
appelle la hauteur du sol au-dessus du niveau
des mers, hauteur connue, ou qu'on peut
trouver par le baromètre. On a
B R+ A
d'où
d'où encore B — b ==
R '
BR
R+A '
B h
ïi~i- h
diminution qu'il faut faire subir à B pour
avoir la base réduite au niveau des mers.
Comme A est extrêmement petit par rapport à
R, on néglige cette quantité au dénominateur,
et l'on calcule simplement
t, t B A
B-* = -R-'
Comme vérification, il convient de mesurer
directement une seconde base et de constater
qu'elle a là même longueur que celle qui lui
est attribuée par le calcul de tout le réseau
trigonométrique.
— Chim. Les mots base et acide se définis-
sent l'un par l'autre. Ils expriment des idées
opposées. Les bases sont des hydrates qui
font la double décomposition avec les acides,
en donnant de l'eau et un sel, tout comme les
acides sont des hydrates dont le principal ca-
ractère est de faire la double décomposition
avec les bases, en donnant un sel et de l'eau.
Ce qui différencie d'ailleurs les hydrates
acides des hydrates basiques, c'est que, dans
les premiers, l'hydrogène fait fonction de
métal, ou, en d'autres termes, d'élément élec-
tro-positif; tandis que, dans les bases, il fonc-
tionne comme élément métalloïdique ou- élec-
tro-négatif. Il en résulte que, si 1 on enlève à
une base son hydrogène, uni à son oxygène ty-
pique, ce qui reste est un radical électro-po-
sitif capable de se substituer à l'hydrogène
positif des acides. Exemple :
(An>
+
K+
H—
O
Acide azotique.
+
H+io
Potasse.
O
Eau.
(A2 0!)~
K+
Azotate potassique
Le signe — indique que l'élément ou le groupe
dont le symbole en est affecté, fonctionne
comme électro-négatif ; et le signe -f- qu'il
fonctionne comme électro-positif.
Parmi des hydrates basiques, il en est qui
dérivent d'une seule molécule d'eau, comme
l'hydrate potassique (potasse) ujO; on les dit
monoatomiques. D'autres dérivent de deux,
trois , quatre , cinq et même six molécules
d'eau ; elles renferment alors un nombre d'a-
tomes d'hydrogène typique égal à 2, 3, 4 ou
5 ; on les dit polyatomiques en général ; et,
d'une manière plus spéciale, di, tri, tétra,
penta et hexatomique pour indiquer le nombre
d'atomes d'hydrogène typique qu'elles ren-
ferment. Ainsi on dit que l'hydrate de baryum
Ba")
jj.jO3 est diatomique, et que l'hydrate de
fer au maximum Tit[0* est hexatomique.
Les bases monoatomiques ne renfermant
qu'un atome d'hydrogène typique, la substi-
tution d'un radical acide à cet hydrogène ne
fteut se faire qu'à la condition de porter sur
a totalité de cet élément. Les bases monoa-
tomiques ne donnent donc par elles-mêmes
qu'une seule série de sels. Les bases polya-
tomiques, au contraire, contenant plusieurs
atomes d'hydrogène, cet élément peut y être
remplacé par fractions. Dans les bases diato-
miques, la substitution peut porter sur la moi-
tié ou sur la totalité de l'hydrogène ; dans les
bases triatomiques, elle peut se faire par tiers,
et dans les bases polyatomiques en général,
la plus faible quantité d'hydrogène rempla-
çable est exprimée par une fraction qui a
pour numérateur l'-unité et pour dénominateur
l'atomicité même de la base. Dans une base
n atomique, l'hydrogène serait remplaçable par
i
n
v Les bases polyatomiques donnent donc, avec
les radicaux acides monoatomiques, autant de
séries de sels qu'elles renferment d'hydrogène
typique. Parmi ces sels, ceux dans lesquels
l'hydrogène typique est complètement rem-
placé portent le nom de sels neutres; ceux, au
contraire, qui renferment encore de l'hydro-
gène non remplacé participent des propriétés
de la base libre, et ont été appelés par cette
raison sels basiques. V. Sei.s.
Telle est, d'après la théorie actuelle, la si-
gnification du mot base. Cette signification
était tout autre dans la théorie dualistique.
Cette théorie envisageait les sels comme for-
més de deux composés binaires de premier
ordre, réunis par des forces électriques anta-
gonistes. Ainsi, le sulfate de cuivre était con-
sidéré comme formé d'oxyde de cuivre, Cu O,
et d'acide sulfurique SO1 (anhydride sulfu-
rique) ; on l'écrivait CuO, S O*. On désignait
alors sous le nom de base, l'oxyde, le sulfure,
ou le séléniure électro-positif (l'oxyde de
cuivre, dans l'exemple ci-dessus), etl'on réser-
vait le nom d'acide à l'oxyde de sulfure ou sélé-
niure négatif (l'oxyde de soufre dans le même
exemple). La théorie dualistique a été juste-
ment abandonnée. Elle supposait dans tous
les sels deux composés binaires distincts, et
une étude plus approfondie a montré qu'un
grand nombre de sels ne renferment pas une
quantité suffisante soit de métal, soit de métal-
loïde pour constituer les composés que l'on y
supposait tout formés. Ainsi F on écrivait l'a-
zotate de potasse KO,AzOs. On a reconnu,
depuis, que la vraie formule de l'oxyde de
potassium est non KO, mais K'O, et que la
formule de l'acide azotique anhydre est non
Az 0% mais Az'OÎ, l'oxygène ayant un poids
atomique double de celui qu'on lui supposait.
Dès lors, l'azotate potassique ne pourrait con-
tenir les deux gmupes qu'exige la théorie
dualistique, que si l'on doublait Ta formule an-
cienne, et si l'on écrivait le sel KaO, Az!Os.
Tous les faits chimiques prouvent que cette
formule correspondrait à une molécule double
de la vraie molécule de l'azotate de potasse,
et, dès lors, ou est conduit à admettre la for-
mule'simple AzKO1, qui ne cadre plus avec
les idées dualistiques. Les premières idées
que nous avons développées a propos du mot
base sont donc les seules acceptables aujour-
d'hui.
BASÉ, ÉE (ba-zé) part. pass. du v. Baser.
Fondé, établi-: Un système basé sur une hypo-
thèse. Le bien qu'on pense des uns est basé
parfois sur le mal qu'ils disent des autres.
(Petit-Senn.) Ces réflexions expliquent pour-
quoi la vie de i>rovince est si fortement basée
sur- le mariage. (Bâlz.)
— Cristall. Corps basé, Corps dont la forme
cristalline dérive d'une forme à sommets
pyramidaux, dont chacun est remplacé par
une face perpendiculaire à l'axe et faisant
fonction de base.
BASÈCLES, bourg de Belgique, prov. de
Hainaut, à 25 kil. E. de Tournai; 2,922 hab.
Exploitation importante de calcaire bleu, dit
marbre de Basècles.
BASEDOW (Jean - Bernard ), appelé aussi
Bassedau ou Bernard de Nordalbingen, cé-
lèbre pédagogue allemand, né à Hambourg
en 1723, mort è Magdebourg en 1790. Après
avoir étudié la philosophie et la théologie à
Leipzig, il accepta, à l'âge de vingt-six ans,
une place de précepteur dans une famille noble
du Holstein. En 1753, il fut nommé professeur
de morale et de belles-lettres à l'académie de
Suroë (Danemark) ; mais des écrits entachés
d'hétérodoxie lui attirèrent tant d'adversaires,
que l'autorité crut devoir lui ôter sa chaire et
l'envoyer professeur à Altona. Cet avertisse-
ment ne le découragea pas ; il continua à in-
quiéter les orthodoxes et se fit excommunier.
C'était surtout le dogme de la Trinité qu'il se
plaisait à attaquer sur tous les tons et à
tout propos. La lecture de X Emile de Rous-
seau tourna ses idées et son activité du côté
de la pédagogie. En 1774, il publia son Traité
élémentaire, ou Recueil méthodique des con-
naissances nécessaires à l'instruction de la jeu-
nesse (4 vol., Dessau). Cet ouvrage, enrichi
de cent planches gravées sur acier, n'était, au
fond, que VOrbis pictus de Coménius, rema-
nié d'après le plan d'études de Rousseau. On
y passait de la prescription des objets natu-
rels à celle des objets d'art; de celle des
objets d'art à celle des relations sociales.
Comme VOrbis pictus , le Traité élémentaire
visait à un enseignementparallèle des choses
et de leurs désignations dans les différentes
langues. La méthode qui y était préconisée
consistait, pour l'enseignement des langues, à
débuter par la lecture des auteurs, et à faire
intervenir assez tard la grammaire; pour la
géométrie, à suivre les vues de Rousseau,
qui insistait sur un dessin correct et aussi
exact que possible des figures géométrioues ,
en un mot, à donner toujours pour base à
la notion l'image, à l'abstrait le concret ; pour
la géographie, à passer du tracé d'une cham-
bre, d'une demeure, d'une ville et d'une con-
trée connue , aux divisions principales du
globe.
Goethe qui, en 1774, fit connaissance avec
Basedow , dans la ville de Francfort où ce
dernier était venu solliciter les secours des
grands, des riches, des- savants, pour mettre
à exécution ses projets de réforme pédagogi-
que, nous apprend l'impression que fit sur lui
ce personnage avec son livre et son système.
« Je ne pouvais, dit-il, sympathiser avec ses
plans, m même parvenir à me rendre tout à
tait intelligibles les projets dont il poursuivait
l'exécution. Qu'il voulût rendre toute instruc-
tion vivante et conforme à la nature, il y avait
là sans doute de quoi me plaire; que les lan-
gues anciennes dussent être enseignées en
tenant compte du présent, cela me semblait
digne d'éloge, et je reconnaissais volontiers ,
ce qu'il y avait dans ce dessein de favorable
au développement de l'activité et d'une con-
ception plus vivante du monde ; mais il me dé-
plaisait de voir que les dessins de son Traité
élémentaire ne pouvaient que distraire encore
Élus de la nature que les objets eux-mêmes.
ans le monde réel, il n'y a de voisin que les
choses dont le rapprochement est possible, de
sorte que, malgré sa diversité et son apparente
confusion, il conserve toujours, en toutes ses
parties, quelque chose de réglé et de métho-
dique. Basedow, dans son livre, ne nous pré-
sente la nature qu'à l'état de dispersion, car
des choses qui ne se trouvent nullement con-
corder dans la représentation réelle de l'uni-
vers sont rassemblées ici, à cause de la
parenté des conceptions ; d'où il suit que
l'ouvrage manque des qualités d'une méthode
fondée sur la sensation, qualités que nous
sommes contraints de reconnaître dans les
travaux semblables d'Amos Coménius... Ce
qu'il y avait néanmoins de bien plus curieux
et de plus difficile à comprendre que sa doc-
trine, c'était la manière d'être de Basedow.
Le but de son voyage à Francfort était de
gagner les gens, par sa personnalité, à l'exé-
cution de son entreprise philanthropique, et
d'ouvrir, non pas seulement les cœurs, mais
encore et surtout les bourses. Il s'entendait à
parler de son projet d'une façon grandiose et
S02
BAà
persuasive, et chacun lui cor.oédait volontiers
ce qu'il affirmait; mais ce qu'il y avait de
bizarre, c'est qu'il blessait le sentiment intime
des gens dont il sollicitait l'appui ; il les offen-
sait même sans nécessité, en ce qu'il ne pou-
vait contenir ses opinions et ses saillies tou-
chant les objets de la religion. •
L 'activité de Basedow ne pouvait s'en tenir
à des écrits :il voulait agir; la pratique était
le but qu'il poursuivait ardemment ; il enten-
dait prouver au inonde entier, par les épreu-
ves du fait, la valeur et l'efficacité de son
système. « Il avait, dit M. Ch. Dollfus, voyagé
pour sa doctrine, comme d'autres pour leur
marchandise. Il s'était institué à la fois pon-
tife et missionnaire de la nouvelle église pé-
dagogique, et chargé de se répandre lui-
même. « Le voyage qu'il fit à travers l'Alle-
magne, et qui 1 avait conduit à Francfort, ne
fut pas sans résultat. Malgré son franc parler
sur la religion, et l'intempérance de ses atta-
ques contre le mystère de la sainte Trinité, il
sut gagner à sa cause bien des gens, et en
particulier le prince d'Anhalt-Dessau.
Avec ce concours, il fonda dans la ville de
Dessau l'établissement devenu célèbre en
Allemagne sous le nom de Philanthropie. En
1776, tl publia sur cet établissement un rap-
port où il parlait sur un ton dithyrambique
des résultats qu'il obtenait de sa méthode. Il
était adressé « aux tuteurs, avocats et bien-
faiteurs de l'humanité, ainsi qu'aux cosmopo-
lites éclairés, • et dédié à l'empereur Joseph,
au roi de Danemark et h l'impératrice Ca-
therine. « Envoyez-nous, disait-il, des élèves;
ils sont heureux chez nous, et font de bonnes
études. Ils y apprennent d'une manière natu-
relle, sans fatigue et sans punition, le latin,
l'allemand, le français, l'histoire naturelle, la
technologie et les mathématiques. 11 faut six
mois à Dessau pour apprendre à parler une
langue, et six autres mois pour y joindre la
perfection grammaticale. Nos méthodes ren-
dent les études trois fois plus courtes et trois
fois plus agréables. En quatre ans, un enfant
de douze ans est préparé pour les études uni-
versitaires, sans qu il ait ensuite besoin de
passer par la faculté de philosophie.» — «Notre
entreprise, dit-il ailleurs, n'est ni catholique,
ni luthérienne, ni réformée ; elle peut même
accommoder les juifs et les mabométans.
Nous sommes des philanthropes, des cosmo-
polites, et notre but est de former des Euro-
péens dont la vie puisse être aussi inoffensive,
aussi utile et aussi heureuse qu'il est possible
de l'espérer avec le secours de l'éducation...
Le soin d'élever chaque élève dans la religion
paternelle est abandonné au clergé; mais
nous nous chargeons nous-mêmes de la reli-
gion naturelle et de la morale, partie essen-
tielle de la philosophie. •
Comme on le voit,, le Philanthropin repo-
sait, quant à la religion, sur le déisme de
Rousseau ; quant à la morale, sur la philan-
thropie ; quant à la politique, sur le cosmopo-
litisme des nations civilisées. Il se soutint
durant une période de dix années (1774-1785).
En 1782, il possédait cinquante-trois pension-
naires. On en envoyait depuis Riga et Lis-
bonne. Le caractère bizarre de son fondateur
contribua sans doute, plus que le système lui-
même, à sa ruine. Des excès de boissons, un
procès avec Wolke, son émule dans l'ensei-
gnement de l'institution, contribuèrent à dis-
créditer Basedow, et assombrirent les dernières
années de sa vie. Son activité fiévreuse le
suivit jusqu'au bout. En 1785, il rééditait en-
core son Traité élémentaire, et écrivait l'ou-
vrage intitulé De la méthode d'enseignement
du latin par la connaissance des choses, puis
un opuscule sur l'enseignement de la lecture.
En 1786 parut son dernier ouvrage, sous ce
titre : Nouvelle méthode pour apprendre à
lire, pour connaître Dieu et enseigner les lan-
gues avec la plus grande exactitude.
Au mois de juillet 1790, une hémorrhagie
surprit Basedow à Magdebourg, où, depuis
1785, il s'en allait enseigner chaque année,
durant quelques mois, dans une école de tilles,
u II sentit venir sa fin, dit M. de Roumer,
dicta encore quelques suppléments à son tes-
tament, dit tendrement adieu à son plus jeune
fils; et mourut en pleine connaissance , le
£5 juillet, à l'âge de près de soixante-sept ans.»
Il ne laissait d'autre héritage que son corps,
dont il disposa au moment de mourir : « Je
veux, dit-il, qu'on me dissèque pour le bien de
mes semblables. »
BASEILHAC (jJean, dit le frère Côme ou
Cosmk), chirurgien français, né à Pouyastruc,
prèsTarbes, en 1703, mort en 1781. Il était
fils de Thomas et petit-fils de Simon Baseilhac,
chirurgiens distingués.
Nommé chirurgien ordinaire du prince de
Lorraine, il perdit son protecteur en 1728, et
entra chez les feuillants, sous le nom de
• frère Donat , et avec l'expresse condition de
pouvoir encore exercer l'art chirurgical, pour
lequel il avait un goût profond. Dans le grand
nombre de malheureux qu'il voyait chaque
jour, il fut frappé de la quantité des individus
qui étaient sujets à la maladie dite de la pierre,
et résolut de rendre les méthodes d'opération
plus faciles et moins dangereuses. Après plu-
sieurs années de méditations prolongées, il in-,
venta le lithotome caché, instrument vérita-
blement remarquable pour son époque , et au
moyen duquel Baseilhac obtint de nombreux
succès, qui le dédommagèrent des attaques
malveillantes dont il était l'objet. Sa réputa-
tion devint telle, qu'il jugea à propos de fonder
BAS
I un hospice spécial près de la porte Saint-Ho-
1 noré. Outre les talents dont il faisait preuve ,
frère Côme exerça toujours la chirurgie avec
, le plus grand désintéressement. L'argent du
! riche servait au soulagement du pauvre , et
l jamais , on peut le dire , il ne donna l'exemple
j de la dureté ou de l'avarice. Le reproche qu on
pourrait lui faire serait peut-être d'avoir tiré
trop grande vanité de ses succès; mais ses
autres qualités compensent trop ce défaut
pour qu'on puisse le lui reprocher. Outre
les perfectionnements que le frère Côme ap-
porta dans les opérations de la taille , on lui
doit des instruments pour l'opération de la ca-
taracte , par la méthode d'extraction , et un
| trois-quarts courbe pour la ponction de la ves-
sie par l'hypogastie dans les rétentions d'u-
i rine. Scarpa, qui l'a vu opérer plusieurs fois,
dit qu'il était curieux par sa dextérité et sa
! promptitude, etqu'ilaccordaitdifficilement aux
gens de l'art, nationaux ou étrangers, la liberté
d'assister à ses opérations. Il a laissé les ou-
vrages suivants : Recueil de pièces impor-
tantes sur l'opération de la taille , faite par le
lithotome caché, avec un mémoire concernant
la rétention d'urine causée par l'embarras du
canal.de Vurèthre (Paris 1751, in-12). Addi-
tion à la suite du recueil de toutes les pièces
gui ont été publiées au sujet du lithotome ca-
ché (Paris 1753, in-12). Réponse â Aï. Levacher
(Paris 1756, in-12). Nouvelle méthode d'ex-
traire la pierre par-dessus le pubis (Paris 1770,
in-8").
BASEL, nom allemand de Bàle, en Suisse.
BASEL1CE, ville de l'Italie méridionale, dans
l'ancien roy. de Napies,- prov, de Molise, à
30 kil. S.-E. de Campobasso; 4,406 h.
BASELIUS (Jacques van Baslk), écrivain
hollandais, né en 1530, mort en 1598. Il s'est
occupé de théologie et d'histoire, et il a laissé
un récit du siège de Berg-op-Zoom en 1598.—
Son petit-fils, Jacques Baselius, fut un théo-
logien distingué, très-versé dans l'histoire
civile et ecclésiastique. 11 a écrit une Histoire
des progrès et de la réforme de la religion en
Belgique (Leyde, 1657).
basellacé, Éi adj . (ba-zèl-la-sé — rad.
baselte). Bot. Semblable à la baselle.
— s. f. pi. Famille, ou, suivant d'autres au-
teurs, simple tribu des atriplicées ou chéno-
poiiées, ayant pour type le genre baselle :
Dans les baskllackks, le calice persiste mem-
braneux ou charnu. (Ad. de Jussieu.)
— Encycl. Cette petite famille, formée par
M. Moquin-Tandon d'un certain nombre de
genres de la famille des atriplicées, serait,
suivant ce botaniste, caractérisée par des fleurs
pédicellées, demi-closes, colorées; par un ca-
lice double, vers le milieu duquel s'insèrent
ordinairement les étamines, et par des anthères
sagittées dont le pollen présente des granules
cubiques. Les basellacées ont a peu près le
même port que les portulacées, mais elles ont
des tiges volubiles. Ce naturaliste les distin-
guait en deux genres : les anrédérëes et les ba-
sellées; l'espèce type de ce dernier genre est
la baselle.
BASELLE s. f. (ba-zè-le). Bot. Genre de
plantes de la famille des chenopodées, qui pa-
raît former le passage de celles-ci aux portu-
lacées; type d une petite famille, pour quel-
ques auteurs. Il renferme cinq ou six espèces,
propres à l'Asie équatoriaîe, et dont plusieurs
sont cultivées comme plantes potagères, aci-
dulés et rafraîchissantes : On est parvenu à
acclimater en France la basklle rouge et la
baselle blanche. On appelle basklle une sorte
d'épinard abondant en feuilles, et gui ne peut
passer l'hiver. (Raspail.)
— Encycl. Les baselles sont des herbes an-
nuelles, charnues, succulentes, volubiles; à
feuilles alternes, pétiolées, planes, larges,
très-entières; à épis simples ou rameux, axil-
laires, solitaires, dressés etaphylles. Les fleurs
sont petites, éparses, méridiennes, adnées par la
base, tribractéolées ; les pétales sont pourpres.
Ces plantes sont originaires de l'Asie équato-
riaîe, où on les cultive comme plantes pota-
gères. On en compte cinq ou six espèces, parmi
lesquelles nous signalerons la baselle rouge,
appelée aussi épinard du Malabar, brède d'An-
gole, gondole ou épinard rouge. Sa tige, haute
de 1 m. 50 à 2 m., est grimpante, rameuse,
succulente, de couleur rouge pourpre; les
feuilles alternes, ovales, entières, charnues,
sont également de couleur rouge. On mange
la baselle comme l'épinard commun. Le fruit
est une baie noire qui exprime un suc pourpre
employé, dit-on, utilement en fomentation sur
les Doutons de la petite vérole. La baselle rouge
est cultivée comme légumière en Chine. Elle
réussit fort bien en France. Les graines doivent
être semées en février, mars ou avril, sur
couche chaude et sous châssis. Les froids
passés, on repique en pleine terre et contre un
mur treillage, a l'exposition du midi. La ba-
selle blanche porte le nom d'épinard blanc du
Malabar; et la baselle tubéreuse donne des
racines que les femmes de Quito mangent pour
augmenter leur fécondité.
BASELL1 (Benoît), médecin et chirurgien
de Bergame, né vers le milieu du xvi" siècle,
mort en mai 1621. Après avoir étudié la mé-
decine à Padoue, il voulut, en 1594, se faire
admettre dans le collège des médecins de son
pays, et vit sa demande rejetée par le corps
tout entier, qui considérait la chirurgie comme
un art dégradant. Pour so venger, et pour
BAS
attaquer le préjugé dont il était la victime, il
écrivit alors : Apologim, qua pro chirurgiœ
nobilitate chirurgi strenue pugnantur , Ubri
très (Bergame, 1604, in-4°).
BASELLOÏDE adj. (ba-zèl-lo-i-de — de
baselle, et du gr. eidos, aspect, forme). Bot.
Qui ressemble a la baselle.
•BAS-EMPIRE, nom sons lequel on désigne
l'empire romain depuis Constantin, d'autres
disent depuis Valérien, et l'empire grec depuis
Théodose. Il s'entend comme synonyme de
décadence, de corruption, de bassesse et
d'anarchie gouvernementales, et se donne, par
analogie , aux nations déchues , dégradées ,
livrées aux révolutions de palais, ou asservies
par les factions militaires. L'histoire du Bas-
Empire n'est, en effet, que le récit d'une
longue suite d'usurpations et de crimes, au
milieu desquels tout sentiment de ce qui fait
| la grandeur morale et la dignité des nations
! semble avoir complètement disparu. Nous
allons essayer de la résumer rapidement dans
■ son ensemble, de rechercher les causes mo-
i raies de dissolution et de ruine que l'établis-
i sèment romain traînait, pour ainsi dire, avec
i lui, et de faire ressortir les causes occasion-
nelles qui en déterminèrent la chute défini-
tive. Nous glisserons rapidement sur les évé-
nements, qu'on trouvera racontés plus au long
dans l'article consacré a chaque empereur en
particulier.
Au ivc siècle de l'ère chrétienne, la puis-
sance romaine était en pleine voie de déca-
dence. Le nom romain avait perdu tout son
prestige, et la terreur profonde que les con -
quérants du monde avaient si longtemps in-
spirée à tant de nations vaincues était singu-
lièrement amoindrie. Les barbares s'étaient
glissés dans l'administration et dans l'armée;
les frontières, trop étendues, ne pouvaient plus
être efficacement défendues; les exigences
toujours croissantes des prétoriens , les pro-
digalités inouïes des empereurs, avaient en-
gendré une fiscalité effrayante , et les pro-
vinces, courbées sous la tyrannie de gouver-
neurs cupides, pour leur propre compte et pour
le compte de ceux dont ils tenaient leur pou-
voir, avaient hâte de secouer un joug si dur.
A partir de Dioclétien, les empereurs avaient
compris qu'un seul homme ne suffisait plus
pour s'opposer à tant de causes de dissolution,
et que, si le colosse romain pouvait encore
être sauvé, ce n'était plus que par la division
de la puissance impériale , et surtout par son
affranchissement absolu de la tutelle dans
laquelle la tenaient les prétoriens. Mais le
premier remède était pire que le mal : outre
que son application entraînait nécessairement
la guerre civile par le choc de toutes les am-
bitions rivales qu'on allait mettre en présence ;
outre que, parla création de trois ou quatre
cours et l'entretien de trois ou quatre empe-
reurs, la charge déjà si lourde des impôts ne
pouvait que s'augmenter, il était évident que
chacun des associés à l'empire devait viser a
un seul but, le pouvoir suprême, et que tous
ses efforts devaient tendre à franchir le der-
nier pas qui l'en séparait. Quant au prétoria-
nisme, c'était là le vice radical de l'œuvre
entreprise par César , accomplie par Auguste
et ses successeurs , vice inhérent à la consti-
tution même de l'empire, et il n'était en la
puissance de personne de s'opposer à ses pro-
grès toujours croissants. Dioclétien l'avait
tenté, et il s'était décidé à dissoudre la garde
prétorienne ; mais il fut obligé de la remplacer
f>ar la garde jovienne et la garde herculienne,
a même institution sous des noms différents.
Constantin, à son tour, essaya de briser l'aristo-
cratie militaire, et de faire de la préfecture du
prétoire une sorte de magistrature civile; il
réussit même jusqu'à un certain point; mais
il comprit que, dès lors, le séjour de Rome
n'était plus possible aux empereurs ; il trans-
porta donc à Constantinople le siège du pou-
voir, et l'empire romain n'exista plus. Cela
était fatal : fondé sur la force militaire, il
devait périr par elle, tant il est vrai que c'est
un appui fragile que la force, et que mieux
vaut l'empire des lois et des institutions.
Trois siècles écoulés depuis l'usurpation de
César, tant de révolutions accomplies, tout un
système organisé de corruption et d'abrutis-
sement (système suivi avec une rare et signi-
ficative persistance par les empereurs à l'égard
du peuple), le monde entier conquis et ses
richesses • prodiguées à l'assouvissement des
passions de la multitude, les naumachies, des
armées de gladiateurs se heurtant dans le
cirque contre toutes les bêtes féroces de l'uni-
vers , cent mille chrétiens égorgés pour le
plaisir du peuple roi, rien n avait pu faire
oublier à l'antique Rome sa liberté perdue et
les vieilles gloires républicaines. Constantin
vit tout cela, et se dit qu'il fallait créer une
Rome nouvelle en face de l'ancienne, rompre
d'une manière absolue avec les traditions ,
laisser les Romains à leurs faux dieux et à
leurs idées toujours vivantes de république ,
tenter enfin d'asseoir un établissement puis-
sant sur tant de ruines amoncelées. Mais soit
que l'œuvre fût impossible, soit que Constan-
tin ne fût pas à la hauteur de cette tâche, sa
tentative échoua. Peut-être eut-il le tort de
voir dans le christianisme, déjà dévoyé, un
moyen d'action tout-puissant; ce qu'il y a de
certain, c'est que les principales causes de
ruine qui se manifestèrent dès le début du
Bas-Empire, furent l'ardeur des controverses
religieuses et la multiplicité des sectes qui en
sortirent. Les luttes des orthodoxes et des
BAS
hérésiarques, la passion de l'argumentation,
qui gagna jusqu'aux empereurs eux-mêmes,
firent presque autant de mal au nouvel ordre
de choses, que la turbulence et les exigences
des prétoriens en avaient fait à l'ancien. Les
Questions religieuses se subdivisèrent à l'in-
fini ; les rhéteurs soulevèrent toutes les ques-
tions, argumentant sur des subtilités où le
bon sens n'avait rien à faire, et au milieu des-
quelles il est presque impossible de se recon-
naître; ils mirent l'anarchie dans la religion
à côté de l'anarchie dans le gouvernement.
D'ailleurs, les prétoriens n'avaient pas aban-
donné la partie, pas plus que les bestiaires et
les préposés aux jeux du cirque. Toutes ces
classes de gens, habituées à vivre des largesses
des empereurs, les avaient suivis à Constan-
tinople, et ces derniers durent maudire plus
d'une fois l'imprudence de leurs prédéces-
seurs, qui en avaient, avec tant de complai-
sance, favorisé le développement. Seulement,
au contact de l'Orient, la moralité de tous ces
Î'arasites déchut encore d'un degré, leur inso-
ence et leur pouvoir s'accrurent d'autant, et
bientôt on vit les cochers du cirque disposer
du trône en faveur de qui les payait le mieux.
Le christianisme, à son tour, se plia aux exi-
gences de la vie orientale ; il toléra de hon-
teuses mutilations, et on put voir de vils eunu-
ques, déchus' de leur rang d'hommes, exercer
le pouvoir suprême au nom d'empereurs en-
core plus impuissants qu'eux. La corruption
arriva à son comble ; la longue lutte et les
querelles interminables des sectes religieuses
aboutirent au schisme d'Orient ; la rivalité des
papes et des patriarches de Constantinople,
s'anathématisant tour à tour, vint jeter un
élément de dissolution de plus au milieu de
cette société vermoulue. Dans les préoccupa-
tions publiques , la haine contre les Latins
prit la place qu'aurait dû occuper celle des
Barbares, qui assaillaient de toutes parts l'em-
pire ; les ordres religieux augmentèrent dans
une telle proportion et acquirent une impor-
tance telle, que les empereurs se préoccu-
pèrent bien plus de l'approche des enfants de
saint Basile, que d'une rencontre avec les
Perses ou avec les Bulgares ; l'Occident, ortho-
doxe et barbare,' regarda avec mépris cet
Orient civilisé jusqu'à la corruption, rhéteur
et schismatique; et, dès lors, entourée d'en-
nemis, Constantinople ne fut plus qu'une proie
promise au plus audacieux ou au plus fort.
Elle n'avait rien de ce qui sauve les empires :
ni la foi brutale et inconsciente, qui fit la gran-
deur du moyen âge chrétien ou mahométan ;
ni l'esprit d examen et de libre pensée, pré-
servateur des sociétés modernes. Les rudes
soldats de Godefroy de Bouillon et de Bau-
douin de Flandre ne comprirent rien à toutes
les obscures subtilités au milieu desquelles se
débattaient les rhéteurs et les scolastiques
grecs ; ils ne pouvaient y voir que la négation
partielle ou totale des dogmes qui faisaient la
base de leur foi aveugle, et ils emportèrent en
passant ce dernier débris de la civilisation
romaine. Ces barbares accomplissaient ainsi
leur tâche jusqu'au bout, en achevant de pré-
cipiter la ruine du monde ancien, et de faire
la place libre à l'épanouissement de l'esprit
nouveau. La renaissance du xii" siècle, plus
remarquable, ainsi que le dit M. Henri Martin,
que l'éclat passager du règne de Charlemagne
ou de Sixte-Quint, parce que, selon une admi-
rable expression de cet historien, ce fut une
naissance, avait déjà dit son premier mot.
Abailard et Arnaud de Brescia faisaient pré-
voir Luther ; le temps était venu d'en finir avec
les vaines discussions d'écoles, de rompre avec
tous les souvenirs du passé et d'en faire dispa-
raître les dernières traces. Aussi l'établisse-
ment des Latins à Constantinople ne fut-il
qu'un épisode de plus dans l'histoire de la dé-
cadence du Bas-Empire, et cela ne pouvait rien
changer à ses destinées. Eux partis, la disso-
lution qu'ils n'avaient fait que hâter se des-
sina de plus en plus, précipitée par les mêmes
causes ; les querelles religieuses recommen-
cèrent, plus violentes que jamais ; les usur-
pations a main armée devinrent de plus en plus
fréquentes; les Bulgares entamèrent toutes
les frontières; les Turcs, dont la puissance
s'accroissait de toute la faiblesse de leurs
ennemis, se ruèrent avec plus d'acharnement
à la conquête de Constantinople , dont ils
finirent par s'emparer en 1453, quelques an-
nées avant la découverte de l'Amérique, au
moment où allaient naître Erasme, Luther,
l'Arioste, Machiavel et Michel-Ange.
Quelques historiens ont divisé l'histoire du
Bas-Empire en six périodes. Nous suivrons
cette division, qui nous permettra de tracer à
grands traits la marche des événements. Ces
événements , ainsi que nous l'avons dit au
commencement de cet article, sont plus lon-
guement racontés ailleurs. La première période
va de l'an 395, année de la mort de Théodose
et du partage de l'empire romain entre ses
deux fus, Honorius et Arcadius, à l'an 5S5,
époque où finit le règne de Justinien I". Cet
empereur est le personnage important de cette
période , signalée par la chute de l'empire
d'Occident, la tentative d'Attila contre l'em-
pire d'Orient, l'hérésie d'Eutychès, le com-
mencement des guerres religieuses , la perte
de l'Arménie, enlevée par le roi des Perses,
Cabad ; les invasions des Bulgares , contre
lesquelles il fallut bâtir ud mur, qui allait du
Pont-Euxin (mer Noire) à la Propontide (mer
de Marmara) ; les travaux législatifs de J usti-
nien; les factions des cochers du cirque; les
BAS
guerres contre les Perses, les Vandales, les
Ostrogoths et les Bulgares ; les conquêtes de
Bélisaire, qui s'empara de l'Italie, de l'Afrique
et de l'Espagne, débris de l'empire d'Occident,
et ne fut récompensé que par l'ingratitude de
son maître ; enfin, l'organisation de l'exarchat
de Ravenne par l'eunuque Narsès. Les empe-
reurs de cette période sont : Arcadius (395-
408): Théodose II (408-450); Marcien (450-
457); Léon I" (457-474); Léon II (474) ; Ze-
non 1er (474 f renversé par Basilisque en 476,
mort en 481); Anastase (481-518); Justin
(518-527) ; Justinien 1er (527-565).
Le seconde' période s'étend de la mort de
Justinien à l'an 717, époque de l'avènement
au trône de la dynastie isaurienne, La déca-
dence, arrêtée un instant par la vigueur du
gouvernement de Justinien, va dès lors en se
précipitant avec une vitesse à peu près con-
stante. Pendant cette période, le Bas-Empire
est assailli par une véritable inondation de
Barbares ; les Lombards lui enlèvent l'Italie ;
les Avares l'entament au nord et les Perses à
l'orient; les Arabes s'emparent de l'Egypte,
de la Syrie , des lies de la Méditerranée, et
viennent même assiéger Constantinople, qui
ne se sauve que par l'emploi du feu grégeois ;
enfin , les Perses occupent la Palestine , la
Cyrénaïque et l'Asie Mineure. Les empereurs
de cette période sont : Justin II. (565-574) ;
Tibère II (574-576) ; Maurice (576-583) ; Phocas
(583-610); Héraclius 1er (610-611); HéradiusII
(611-613); Constantin III (613-641); Héra-
cléonas (641);. Constant II (641-668); Constan-
tin IV Pogonat, celui qui défendit sa capitale
avec le feu grégeois (668-685) ; Justinien II
(685, renversé du trône par Léonce en 695 ,
une seconde fois par Tibère 111 en 705, et enfin
assassiné en 711) ; Philippicus Bardanes (711-
715) ;AnastaseII (715); Théodose 111 (715-717).
La troisième période va de l'avènement au
trône de le. dynastie isaurienne, en la personne
de Léon III, l'Isaurien, à l'année 867, où cette
dynastie est remplacée par la dynastie macé-
donienne, en la personne de Basile Ier. Les
principaux événements qui signalèrent ces
cent cinquante années sont : la naissance
de la secte des iconoclastes (briseurs d'images) ,
pour ou contre laquelle on vit souvent les em-
pereurs recourir aux mesures les plus vio-
lentes ; l'affranchissement des papes sous Gré-
goire II et Grégoire III, qui profitèrent de ce
que Léon III était un fougueux iconoclaste,
pour se soustraire à la souveraineté de Con-
stantinople ; la perte définitive pour l'empire
de l'exarchat de Ravenne ; le second concile
de Nicée, qui rétablit le culte des images; le
projet avorté du mariage de l'impératrice
d'Orient, Irène, avec l'empereur d'Occident,
Charlemagne ; l'établissement d'un grand nom-
bre d'ordres religieux et monastiques; enfin,
le commencement du schisme grec. Les em-
pereurs qui se succédèrent sur le trône sont :
Léon III, l'Isaurien (717-741); Constantin V
(741-775); Léon IV (775-780); Constantin VI
(780-792); Nicéphore - Logothète (792-811);
Michel Ici' (gii-813); Léon V, l'Arménien (813-
820); Michel II, le Bègue (820-829); Théophile
(829-842) ; Michel III, l'Ivrogne (842-867).
La quatrième période de l'empire bysantin
commence à l'avènement de la dynastie macé-
donienne, et se termine en 1056, par l'acces-
sion au trône de la dynastie des Comnènes.
Elle est signalée par quelques hommes remar-
quables, surtout comme législateurs, tels que
Basile 1er et Léon VI, qui publia les Basiliques,
recueil des lois et ordonnances édictées par
l'empereur son père. Quoique l'empire fût
alors assailli par les Bulgares et les Roxolans
(Russes), il put cependant reconquérir la Bul-
. garie et la Servie, Chypre, la Cilicie, Candie,
Alep et la Sicile. Les empereurs qui se succé-
dèrent pendant cette période sont : Basile 1er
(867-878); Léon VI, le Philosophe (878-911);
Alexandre (911); Constantin VII, Romain 1er
et Constantin VIII (911-9591 ; Romain II (959-
963) ; Nicéphore II-Phocas (963-969) ; Jean 1er
Zimiscès (969-976) ; Basile II (976-1025); Con-
stantin IX (1025-1028); Romain III Argyre
(1028-1034) ; de 1034 à 1056, Zoé et Théodora,
deux femmes indignes du nom de leur père
Basile II, qui avait mis fin au royaume des
Bulgares, prostituèrent la couronne à un chan-
geur de monnaies , Michel IV, à un calfat,
Michel V, et à un gladiateur, Constantin X.
La cinquième période de l'histoire du Bas-
Empire s'étend de l'avènement au trône
d'Isaac 1er Comnène, jusqu'à la chute du pre-
mier empire grec et à la prise de Constanti-
nople par les croisés en 1204. C'est l'époque où
commencent les invasions des Turcs-Setdjou-
cides, invasions qui durèrent jusqu'à la chute
définitive de l'empire, et ou les croisades
achèvent de ruiner la puissance impériale.
Les Normands envahissent la Sicile, les Bul-
gares se soulèvent, les Hongrois inquiètent
les frontières, les Serbes reprennent les armes,
et presque toute l'Asie Mineure est conquise
par les Turcs. Pendant cette période de cent
quarante-sept ans, les empereurs qui mon-
tèrent sur le trône sont : lsaac 1er Comnène
(1057-1059) ; Constantin XI Ducas (1059-1067);
Romain IV Argyre (1067-1069); Michel Ducas
(10C9-1078) ; Nicéphore Botoniate (1078-1095);
Alexis 1er Comnène (1095-1118); Jean Com-
nène (1118-1153); Manuel Comnène (1153-
1180); Alexis Andronic (1180-1184); lsaac
l'Ange (1184-1204); Alexis Murzuphle (1204).
Avant de passer à la sixième période , et
quoique, d'haÇitude, on ne considère pas comme
taisant partie du Bas-Empire le demi-siècle
BAS
de la domination latine , nous allons donner
les iioms des empereurs français de Constan-
tinople : Baudouin 1er (1204-1206) ; Henri (1206-
1217); Pierre et Robert (1217-1228); Bau-
douin II (1228-1251). Pendant que les croisés
occupaient Constantinople, les princes Com-
nènes, chassés de leur capitale, allèrent former
dans l'Asie Mineure deux petits empires, l'em-
pire de Nicée et l'empire de Trébizonde, où se
conservèrent les traditions grecques, et d'où
Miche! Paléologue revint s'emparer de Con-
stantinople, que sa famille conserva jusqu'à la
prise de cette ville par les Turcs.
Ce second empire grec forme la sixième
période de l'histoire générale du Bas-Empire,
pendant laquelle eut lieu une tentative de
réconciliation avec l'Eglise orthodoxe , au
concile de Lyon. Mais cette tentative ayant
avorté , l'Occident abandonna définitivement
les empereurs de la maison des Paléologues,
qui perdirent tour à tour la Servie , la Vala-
chie, la Bosnie, les Iles, l'Asie Mineure, et se
trouvèrent enfin réduits à la possession de la
seule ville de Constantinople. D'ailleure, les
dissensions religieuses et les guerres civiles
avaient recommencé, et se continuèrent sous
les règnes de Michel VIII Paléologue (1261-
1282); Andronic III l'Ancien (1282-1328); An-
dronic IV le Jeune (1328-1341); Jean V Pa-
léologue (1341-1391); Jean VI, empereur
enfant, Mathieu Cantacuzène et un inter-
règne conduisent à l'an 1425; Jean VIII Pa-
léologue (1425-1448) ; Constantin XII Dracosès
(1448-1453). Celui-ci, du moins, se défendit
avec le courage du désespoir contre une
armée turque de 300,000 combattants, et
mourut sur la brèche. Ce qui restait de la
colossale puissance romaine fut ainsi anéanti
2,206 ans après la fondation de Rome , et
1,498 ans après l'établissement de l'empire par
César.
Si nous recherchons maintenant quelle a
été l'influence du Bas-Empire sur les desti-
nées des nations modernes et sur le dévelop-
pement de l'esprit humain , nous ne trouvons
guère qu'un grand fait : les travaux législa-
tifs de. Justinien , réunis en plusieurs codes
formant le corps du droit romain. Ces travaux
sont devenus la base de presque toutes les
législations, et le Digeste, ainsi que les Insti-
tutes, s'étudient encore dans nos écoles. On
peut ajouter à cela un très-petit nombre d'in-
ventions ou d'applications nouvelles, telles
que celles des versa soie et des moulins à vent,
importés en France vers la fin du xne siècle..
Quant au feu grégeois, il est perdu, et il ne
nous paraît pas indispensable de le retrouver ;
nous avons mieux ou pis. La littérature du
Bas-Empire peut se résumer en deux noms ,
ceux du scolastique Socrate et du rhéteur
Phocas, dont les œuvres obscures et confuses
sont bien les images fidèles des temps et du
pays où elles ont été conçues. L'art byzantin
a plus d'importance, particulièrement au point
de vue architectural ; outre que ses produc-
tions propres ne manquent pas de grandeur,
l'art gothique découle de lui, et, à ce titre, il
mérite la plus grande attention. Mais la véri-
table gloire des Grecs du moyen âge, c'est de
nous avoir conservé quelques-unes des œuvres
les plus remarquables de l'ancienne littérature
grecque, et de nous avoir transmis les secrets
de la langue d'Homère et de Ménandre. Il
est constant que cette langue, dégénérée
parmi les gens du peuple , était conservée
dans toute sa pureté au milieu des classes
élevées, qu'à l'époque des Comnènes on
lisait encore Alcée, Sapho et Théopompe , et
qu'on ne peut accuser de la disparition des
œuvres de ces grands écrivains que l'igno-
rance brutale des croisés. Les Grecs, fuyant
le sabre des Turcs, répandirent partout en
Europe le goût de la langue grecque ; le moine
Barlaam vint l'enseigner à Pétrarque , Léonce
Pilate la professa publiquement à Pavie et à
Rome, et Manuel Chrysoloras à Florence, où
il eut Boccace pour auditeur. N'oublions pas
enfin qu'au milieu des mesquines argumenta-
tions et des discussions futiles des théologiens
et des hérésiarques grecs, l'esprit de discus-
sion se montra toujours vivant, quoique perdu
dans de vaines spéculations, préparant ainsi,
sans en avoir conscience, le terrain de l'exa-
men et de la critique, éléments indispensables
de la liberté qui fait la dignité humaine.
Mais au point de vue moral et politique,
l'influence du Bas-Empire fut désastreuse.
Toutes les grandes idées, tous les nobles sen-
timents qu avait engendrés le règne de la
liberté dans les républiques de la Grèce et
dans celle de Rome furent étouffés. On oublia
jusqu'au nom de citoyen ; l'amour de la patrie,
qui avait produit tant de héros, avait complè-
tement disparu de toutes les âmes ; comment
aurait-on pu s'attacher à un sol ou tous les
hommes naissaient sujets ou esclaves d'un
maître , qui n'avait pas même le prestige de
la grandeur et dont le pouvoir éphémère
était à la merci d'une bande de soldats ou
d'histrions ? Il fallut de longs siècles pour
réparer les ruines amoncelées dans le règne
des idées humaines par les tristes excès du
Bas-Empire et par ceux du moyen âge ; on
peut dire même que ce travail de réparation
est loin encore d'être terminé. Nous faisons
entrer trop de vaines pratiques dans l'idée
que nous nous formons de la vertu ; nos sen-
timents patriotiques, quoique notre grande Ré-
volution les ait un peu réveillés, sont trop
mêlés à des sentiments personnels; notre haine
du despotisme n'est pas assez vivace, pour
BAS
qu'on ne puisse pas nous accuser de ressem-
bler encore, sous bien des rapports, aux peu-
ples du Bas-Empire. Cependant, l'étude des
événements qui remplissent cette longue suite
de siècles obscurs, si elle est triste pour l'hu-
manité, peut du moins être utile, en prouvant
que l'homme perd toute sa dignité quand il
courbe lâchement la tête sous le joug d'un
maître que des "bandes armées lui ont imposé.
Bas-Empire (Histoire nu), par Le Beau.
Cette vaste compilation peut être considérée
comme la suite et le complément de l'Histoire
des empereurs, par Crevier. Le Beau étant
mort pendant l'impression du vingt-deuxième
volume, Ameilhon l'acheva et continua ensuite
l'ouvrage, dont le vingt^septième et dernier
tome, divisé en deux parties, n'a vu le jour
qu'en 1811. Le travail de Le Beau embrasse les
annales du monde gréco-romain, depuis Con-
stantin le Grand jusqu'à la prise de Constan-
tinople par les Turcs. L'auteur avait assez
d'érudition pour pouvoir réunir en corps d'ou-
vrage les récits des historiens et chroniqueurs
byzantins, que personne ne lit, si ce n'est ceux
qui veulent être eux-mêmes historiens. Le Beau,
a patiemment consulté les sources ; il a su faire
un résumé judicieux et exact de narrations hé-
térogènes, embrouillées, arides. „Et pourtant,
malgré son savoir et son zèle, il n'a fait qu'un
ouvrage médiocre sous beaucoup de rapports.
Disciple de Rollin, il a traité en rhéteur et en
professeur d'humanités un sujet qui demandait
surtout des aperçus, des jugements élevés,
c'est-à-dire le coup d'oeil du philosophe et de
l'homme d'Etat. On s'accorde généralement
aujourd'hui à trouver le style de Le Beau
difl'us, terne, incorrect et déclamatoire. Aux
meilleurs endroits, on croirait lire des mor-
ceaux de Thomas. Mais le défaut capital
de Y Histoire du Bas -Empire est surtout
l'absence de combinaison et de synthèse. Ce-
pendant, il ne faudrait pas pousser à l'ex-
trême une appréciation toute défavorable ;
voici ce que dit un érudit de ce travail esti-
mable : » UHistoire du Bas-Empire restera
comme un témoignage du savoir et du talent
de son auteur. Sans doute; Le Beau n'a pas la
profondeur et les vues philosophiques de Gib-
bon ; il se laisse trop aller à cette éloquence
un peu déclamatoire qui fut le défaut de son
temps, mais il a la clarté et la précision; il
nous fait suivre sans fatigue les détails, par-
fois fastidieux, de ces intrigues de palais, de
ces guerres sans résultat, de ces luttes fana-
tiques pour des dogmes incompris, qui rem-
plissent les annales de la Byzance chrétienne,
et il édifie avec vigueur et solidité un ensemble
d'événements dont La Bletterie avait, d'une
main moins sûre, posé les premières assises
dans ses Recherches sur la vie de Jovien et de
Julien, communiquées à l'Académie. » Il s'agit
ici de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres. On voit que M. Alfred Maury, l'his-
torien de ce corps savant, proteste dans une
certaine mesuré contre l'opinion accréditée
jusqu'ici sur l'ouvrage de Le Beau. En effet.
Le Beau est le premier et même le seul qui
ait songé à classer dans un ordre facile à sai-
sir tous les faits contenus dans la vaste collec-
tion des auteurs byzantins; il y a joint tout ce
que les écrivains grecs et latins, les ouvrages
et les chroniques du moyen âge ont pu lui
fournir, et il est résulté du tout un corps
d'annales aussi complet qu'il était possible de
le faire de son temps. Si d'autres, comme
Gibbon, ont montré plus de critique et sont
parvenus à donner a leur récit une forme
quelquefois plus agréable , ils n'ont aucun
avantage sur Le Beau pour la connaissance
des sources originales. La meilleure édition
de cet ouvrage est celle de Saint-Martin, (Pa-
ris, 1829-1833, 21 vol. in-S°.)
BAS-EN-BASSET, bourg de France (Haute-
Loire, ch.-l. de cant., sur la Loire, arrond. et
àl8kil.N.d'Yssengeaux;pop. aggl. 1,087 hab.
— pop. tôt. 3,189 hab. Fabrique de poterie et
.dentelles. Commerce de bestiaux, rouennerie,
chapellerie, mercerie, quincaillerie, céréales.
Dominé par les ruines du château de Roche-
baron, ce bourg, d'origine très-ancienne, pos-;
sède une source d'eau minérale dont on ne
fait aucun usage. Quelques débris d'urnes fu-
néraires et lacrymatoires ; des vestiges de
constructions romaines, découverts de temps
à autre sur divers points du canton, offrent
des traces de l'habitation de cette contrée par
les Romains.
basentidÈME s. m. (ba-zan-ti-dè-mo —
du gr. basis, marche, et entithêmi, je mets
dessus). Entom. Genre d'insectes diptères
brachocères, formé aux dépens des stratyo-
mis, et comprenant une seule espèce, qui vit
au Brésil, et dont les antennes sont insérées
très-bas, ce qui lui a valu son nom.
BASENTINUS, nom latin du Basiento.
BASÉOLOGIE s. m., (ba-zé-o-lo-jî — du
gr. basis, base; logos, discours). Didact. Phi-
losophie fondamentale. Il Traite sur les bases
chimiques.
baséophylLE s. m. (ba-zé-o-fi-le — du
gr. basis, base; phullon, feuille). Bot. Subdi-
vision du genre casse.
BASER v. a. ou tr. (ba-zé — rad. base).
Fonder, établir : L'homme habile base ses cal-
culs sur l'intérêt d' autrui. (Acad.) Baser un
système sur l'autorité. Il faut baser le droit
public sur la morale. (Lav.) De quoi s'agit-il?
de baser au moins sur des conventions un Etat
gui n'avait plus les lois pour appui. (Moreau.)
BAS
303
Se baser v. pr. Se fonder, s'appuyer : Se
baser sur des calculs exacts. Les légitimistes
SE basent sur le droit divin. En matière de
gouvernement , il faut se baser sur les opi-
nions démontrées et non sur les opinions va-
riables. (Poitev.) il Etre basé, fondé, appuyé :
Toute tyrannie se base sur l'ignorance et la
peur. (L. Blanc.)
BAS-FEUILLET s. m. (ba-feu-Ilè ; Il mil.
— de bas et de feuillet). L'une des feuilles de
la scie du tabletier ; l'autre s'appelle haut-
feuillet. Il PI. Des BAS-FEUILLETS.
BASFOIN, nom, d'un établissement de fous
tenu par les frères de Saint-Jean-de-Dieu,
près de Dinan (Côtes-du-Nord).
BAS-FOND s. m. (bâ-fon — de bas et de
fond). Terrain bas, par rapport aux terrains
environnants : Cette maison est située dans
un bas-fond. Les bas-fonds sont fertiles,
mais humides et souvent inondés. (Acad.)
— Par ext. Lieu quelconque moins élevé
queles lieux voisins : Des bas-fonds du par-
terre, un bravo général s'éleva, en circulant
jusqu'aux hauts bancs duparadis. (Beaumarch.)
— Endroit de la mer ou d'une rivière où
l'eau est peu profonde : Bas-fond de sable,
de rochers. Cette rivière est navigable , mais
elle offre des bas-fonds dangereux. ("*) La
rouge clarté du levant embrasait les flots, que
le voisinage des bas-fonds avait fait passer
du bleu de cobalt au vert émeraude. (G. Sand.)
Chaque bas-fond devient mie ile et chaque île
devient un jardin. (M.-Br.) Il Plus exactement,
mais moins communément : Fond très-dis-
tant de la surface de la mer, et au-dessus du-
quel les navires peuvent passer sans danger.
En ce sens, le mot est opposé à haut-fond, au
lieu que, dans le premier sens, il est syn. de
ce dernier mot.
— Fig. Classe d'hommes vils ou méprisa-
bles : L'idée de l'impôt du luxe est sortie des
bas-fonds de la médiocrité envieuse et im-
puissante. (Proudh.) La bourgeoisie ne peut
plus refouler dans les bas-fonds de l'ordre
social des millions d'hommes auxquels le suf-
frage universel a révélé leur puissance. (Gue-
roult.)
— Encycl. La signification donnée par les
marins à ce mot peut sembler un contre-sens,
puisqu'elle est en opposition avec celle que
lui donne le langage vulgaire. En effet, tout
le monde entend par un bas-fond un terrain bas,
enfoncé, formant un creux par rapport aux
terrains qui l'entourent, et les marins, au
contraire, appellent bas-fond un endroit de la
mer où il y a peu d'eau, où le fond- de la mer,
. loin de former un creux, forme une saillie, un
véritable monticule caché sous l'eau. Pour
comprendre comment on a pu nommer ainsi
les parties de la mer peu profondes, il faut se
rappeler que la mer, dans sa vaste étendue,
paraît presque partout sans fond, c'est-à-dire
que l'œil des marins cherche vainement à en
scruter la profondeur; ils n'aperçoivent que
de l'eau aussi loin que la vue peut pénétrer,
et ils en concluent naïvement qu'il n'y a
pas de fond. Supposez, au contraire, qu'à un
certain endroit de la pleine mer, ils aperçoi-
vent le sable, la vase ou les rochers au-des-
sus desquels passent les eaux, ils disent alors:
Voilà le fond, voilà un fond, c'est-à-dire un
terrain solide sur lequel la mer coule comme
un fleuve sur son lit. Maintenant, si le ter-
rain, le lit est assez bas pour que les navires
puissent flotter au-dessus sans danger, ce
sera un bas-fond; si , au contraire , ce lit est
trop près de la surface des eaux pour per-
mettre de naviguer au-dessus, ce sera un
haut-fond, et tout haut-fond constitue un
danger, un écueil.
Quand on navigue dans des parages qui ne
sont pas parfaitement connus , les bas-fonds
eux-mêmes peuvent devenir dangereux, parce
qu'ils indiquent dans les mouvements du sol
une tendance à s'exhausser qui fait prévoir un
haut-fond à une distance peut-être assez fai-
ble. Il importe donc beaucoup que celui qui
dirige le navire puisse apercevoir les bas-
fonds pour les éviter. L'expérience a prouvé
que plus l'œil est élevé au-dessus de la surface
des eaux, plus il distingue facilement les ob-
jets placés au fond; aussi voitron souvent les
marins monter au haut des mâts pour explo-
rer du regard les profondeurs de la mer. La
science explique ce fait, bizarre en apparence,
par un principe bien connu de l'optique, le-
quel consiste en ce que les rayons de lumière
qui arrivent à la surface de l'eau se réflé-
chissent d'autant plus que leur angle avec
cette surface est plus petit; or, plus l'œil est
élevé, plus les rayons partant d un bas-fond
situé a quelque distance du navire approchent
de la direction verticale, et plus, par consé-
quent, la surface de l'eau perd son pouvoir
rétjectif, ce qui leur permet plus aisément
d'arriver jusqu'à l'œil. Arago a proposé un
autre moyen de rendre encore plus facile et
plus nette la vue des bas-fonds, c est de regar-
der la mer, non plus à l'œil nu, mais à travers
une lame de tourmaline, taillée parallèlement
aux arêtes du prisme, et placée devant la pu-
pille dans une certaine position. II a démontré
que , par un effet de polarisation , tous les
rayons réfléchis par la surface de la mer se
trouvent éliminés, et l'œil ne reçoit plus que
ceux qui proviennent directement des objets
placés sous l'eau, ce qui en rend la vue bien
plus nette. Arago termine l'exposé de cet in-
génieux emploi de la tourmaline par les lignes
304-
BAS
suivantes : « En introduisant la polarisation
dans l'art nautique, les marins montreront,
par un nouvel exemple, à quoi s'exposent ceux
qui accueillent sans cesse les expérience'» et
les théories sans applications actuelles, d'un
dédaigneux à quoi bon? »
BASFORD, petite ville d'Angleterre, comté
et a 4 kil. N.-O. de Nottingham ; 6,335 hab.
Commerce de laines et bestiaux.
BASHAW (Edouard), théologien anglais de
la secte des non-conformistes, mort en 1671
dans la prir.on de Newgate, où il avait été
enfermé pour avoir refusé de prêter le ser-
ment d'allégeance et suprématie. On a de lui
deux Dissertations antisociniennes , et une
Dissertation sur la monarchie absolue et po-
litique.
BASHUISEN (Henri-Jacques van), savant
orientaliste allemand , né à Hanau en 1679,
mort en 1758. Après avoir étudié à Brème et
à Leyde, et rempli plusieurs chaires de lan-
gues orientales, d'histoire ecclésiastique et de
théologie, dans diverses villes de l'Allemagne,
il abandonna le professorat pour installer
dans sa maison, et à ses frais, une imprimerie
destinée a éditer les meilleurs commentaires
hébreux. C'est de ses presses que sortirent le
Pentateuque d'Abrabanel (1710), édition plus
soignée que celle de Venise, et où Bashuisen
restitue les passages supprimés par les inqui-
siteurs ; les Psaumes de David, avec des notes
tirées des rabbins, et plusieurs autres ou-
vrages très-estimés.
BASIACH, gros bourg de Vempire d'Au-
triche, dans la prov. frontière du Banat, sur
la rive gauche du Danube, à 85 kil. B. de
Belgrade; 3,000 hab. C'est la dernière station
des chemins de fer autrichiens. Environs
charmants; navigation active. Commerce de
transit.
BASIAL, ALB adj. (ba-zi-al, a-le — rad.
base). Anat. Principal : Pièce basiale d'une
vertèbre.
— s. m. Pièce principale d'une vertè-
bre : Le basial, d'une vertèbre.
liASIANA, ville de l'ancienne basse Panno-
nie; elle ne présente plus aujourd'hui qu'un
amas de ruines près du village de Botaicza.
BASIGÉRINE s. f. (ba-zi-sé-ri-ne — de base
et de cérine, oxyde de cérium). Miner. Nom
donné par Beudant au fluorure de cérium ba-
sique.
— Encycl. Cette substance, qu'on a aussi
appelée fluo-basicérine, se rencontre dans
les pegmatites de Broddbo et de Fimbo , en
Suède. Elle se présente en masses jaunes, .
cristallines. On n'est pas parfaitement d'ac-
cord sur sa nature chimique. Vd illustre mi-
néralogiste allemand, Naumann, la regarde
comme formée par l'union de l'hydrate de
cérine avec le fluorure de cérium ; aussi la
désigne-t-il sous la dénomination à'hydro-
fluocérite. Quoi qu'il en soit, le corps qui nous
occupe est absolument infusible au chalu-
meau. Chauffé sur le charbon, il noircit, pour
redevenir jaune en refroidissant et donner de
l'eau quand on le chauffe dans un matras
d'essai.
BASICITÉ s. f. (ba-zi-si-té — rad. base).
Chim. Etat do base, propriété qu'a un corps
de jouer le rôle do base dans les combinai-
sons.
baside s. f. (ba-zi-de — dim. du lat. ba-
sis, base). Bot. Petite éminence du chapeau
dos agarics : Dans certaines espèces d'agarics,
on remarque un nombre considérable de ba-
sidus ou petites éminences qui se divisent en
quatre pointes, a l'extrémité de chacune des-
quelles est fixée un spore. (D'Orbigny.)
basidiosporées s. f. pi. (ba-zi-dt-o-spo •
ré — rad. baside et spore). Bot. Ordre de
champignons dont le caractère essentiel est
d'avoir des basides pour support £de leurs
sporulos. Tels sont les agarics, les bolets, et
autres champignons les plus élevés dans l'or-
dre taxonomiqno.
BAS1ENTO, en latin Basentinus, petit fleuve
de l'Italie méridionale, dans la Basilicate;
prend sa source près de Potenza, dans les
Apennins, passe près de Trioarico, à Ber-
nalda, et se jette dans le golfe de Tarente,
après un cours de 80 kil.
BASIFICATION s. i. (ba-zi-fi-ka-si-on —
du lat. basis, base: [acere, faire). Chini. Pas-
sage d'un corps à l'état de base.
BASIFIXE adj. (ba-zi-fi-kse — du lat. ba-
sis, base; fîxus, fixé). Bot. Fixé à base :
Anthère basiftxk. Le placentaire basifixe est
celui qui, à la maturité, ne tient qu'à la base
du péricarpe. (Massey.)
BAS1GÈNE adj. (ba-zi-jô-ne — du gr. ba-
sis, base; gennaô, j'engendre). Chim. Qui
produit des bases, il Peu usité.
BASIGYNE s. m. (ba-zi-ji-ne — dû gr. ba-
sis, base ; gnnê, femelle). Bot. Support de
l'ovaire , formé par le réceptacle plus ou
moins prolongé de la ileur.
BASIHYAL adj. et s. m. (ba-zi-i-al). Anat.
Se dit de celle des pièces de l'os hyoïde qui
sert de base à cet os.
• Buaii, roman anglais de Wilkie Collins, qui
parut à Londres en 1853. C'est une histoire
très-simple et très-émouvante, et, sinon une
œuvre de premier ordre, cocaïne aiment à le
BAS
dire messieurs les Anglais, du moins une des
études de mœurs les mieux réussies qu'on ait
vues se produire depuis longtemps. L'auteur
a choisi son héros dans le sein de cette aristo-
cratie anglaise, si peu accessible aux écrivains
de profession. Basil est le fils d'un noble
d'ancienne roche, très-lier de son origine , et
chezqui va de pair, avec la préoccupation des
devoirs qu'elle impose, le sentiment des pri-
vilèges exceptionnels qu'elle donne le droit de
revendiquer. Chez lui, l'honneur est poussé
jusqu'au fanatisme, la délicatesse atteint aux
dernières limites du scrupule. Digne et cour-
tois envers ses enfants, comme a l'égard des
étrangers, ce fier champion du pur sang res-
pecte jusqu'en eux la race dont il s'enorgueil-
lit d'être issu. Resté veuf, il reporte sur sa
fille Clara les égards chevaleresques dont sa
femme avait toujours élé l'objet. En revan-
che, il attend de ces mêmes enfants qu'ils
se respecteront aussi plus que ne font les
Cens de petite naissance. Cependant , le
frère aîné de Basil, Ralph, a contracté de
nombreuses dettes au sortir de l'université et
s'est compromis dans une intrigue avec la
tille d'un de leurs tenanciers. Il y a là quelque
chose d'avilissant pour le nom. Ralph est
donc exilé par son inflexible père, qui reste
seul avec ses deux autres enfants : Basil et
Clara, Basil, destiné au barreau, arrive du
continent, où il a recueilli les matériaux d'un
roman historique. L'étude des lois le séduit
peu, et il espère aborder la vie d'écrivain par
un succès éclatant, qui rendra excusable aux
yeux de son père ce début dans une carrière
inconnue à ses nobles ancêtres. Le caractère
de Basil ainsi dessiné, on entrevoit un esprit
élégant, mais sans beaucoup de portée, une
imagination excitable, une âme délicate, faci-
lement effrayée et dominée ; un caractère
faible qui, en face d'une volonté énergique ,
biaise et dissimule, au lieu d'aborder franche-
ment l'obstacle. Ce type était d'autant plus
difficile à bien accuser, que Basil raconte
lui-même sa vie, et ne saurait avec vraisem-
blance s'analyser lui-même. Ce jeune rêveur
rencontre fortuitement, dans un vulgaire om-
nibus, une splendide inconnue, dontla beauté
le fascine par l'éclat de sa jeunesse et par le
charme voluptueux de son regard, a la fois
timide et chargé de promesses ardentes. Basil
se jette éperdu sur ses traces. Honteux lui-
même de sa faiblesse, il lutte un instant, mais
finit par céder au courant qui l'entraîne. Il re-
voit la jeune, fille à son balcon, s'abaisse au
mensonge pour savoir qui elle est, et corrompt
une domestique pour se procurer une minute
d'entretien avec elle; il lui parle enfin, et
pour lui cette parole est un engagement déci-
sif. Enfin, à la suite d'une seconde entrevue,
il va demander sa main à son père, M. Sherwin,
riche marchand de toiles, auquel il dévoile la
nécessité où il sera de tenir son mariage se-
cret. Le père consent, à la condition quq, le
mariage une fois célébré, Basil donnera sa
parole de ne pas revendiquer ses droits d'é-
poux avant une année. Ce temps d'épreuves
s'écoule, semé de mille incidents qu'il faut lire
dans le livre même, et parmi lesquels nous
citerons le retour chez son patron de Mannion,
son premier commis, pour lequel Basil éprouve
une vague antipathie, malgré lés bons procé-
dés de ce personnage à son égard. Enfin, cette
belle jeune femme, liée à lui par un serment
irrévocable, va lui appartenir tout entière; un
jour encore, et Vépoux de Margaret, dégagé
de ses promesses, emmènera, désormais Bien
à lui, cette conquête achetée à si haut prix,
lorsque le hasard lui révèie l'infâme trahison
préparée de longue main pour le déshonorer,
lui et toute sa race : Margaret est la maîtresse
de Mannion ; ils s'étaient fiancés avant que la
jeune fille eut rencontré Basil, et le commis a
voulu, en la possédant, se venger tout à la
fois de l'infidélité de Margaret, qui l'a sacrifié
par ambition, et du jeune nomme qui lui a volé
son bonheur. Basil surprend sa femme dans
un rendez-vous avec son amant, et engage
avec ce dernier une lutte dans laquelle il le
renverse sanglant sur un tas de pavés; il veut
ensuite poursuivre sa femme; mais celle-ci
lui échappe, et lui-même tombe sans connais-
sance sur la voie publique. On le ramène chez
son père ; il tombe dans le délire d'une fièvre
ardente, pendant laquelle il laisse échapper
des paroles incohérentes dont son père ni
Clara ne peuvent saisir le sens. Enfin, le pau-
vre malade revient à lui, et, dans une scène
poignante, réunit tout ce qu'il a de forces pour
tout avouer à son père et en appeler à sa mi-
séricorde; mais l'orgueil patricien reçoit ici
un choc trop rude pour ne pas se montrer in-
flexible. Refoulant les sentiments paternels,
le fier gentilhomme ne pardonnera point a un
fils qu'ont doublement déshonoré le mensonge
de sa conduite et l'ignominie- de sa mésal-
liance. Avec un calme hautain, le père, pla-
çant un papier devant son fils, le somme s'y
rédiger lui-même les conditions pécuniaires
qu'il voudra mettre à l'abandon du nom qu'il
porte, à l'exil éternel qu'il devra s'imposer.
Basil se préparait déjà à faire ce qui lui était
commandé, mais tout à coup le malheureux
fils retrouve , dans l'excès même de sa dou-
leur, la force de repousser un marché odieux
et humiliant. 11 ne veut pas l'accepter , même
de son père. Au moment où celui-ci, furieux
de sa désobéissance, se laisse emporter jus-
qu'au menace, jusqu'à l'insulte, Clara, qu'une
tendre sollicitude pour son frère avait attirée
h la porte du cabinet où vient d'avoir' lieu
• cette scène orageuse, Clara, surmontant sa
- - BAS
timidité, son respect pour l'autorité d'un père,
Faraît tout à coup. Vainement son père veut
éloigner; pour ta première fois de sa vie,
elle méconnaît sa voix. Rien ne saurait l'em-
pêcher de venir se placer à côté de son frère j
elle invoque le souvenir de sa mère , qui
n'est plus; mais elle frappe vainement sur
ce cœur sourd a ses prières, et Basil quitte,
pour n'y plus rentrer, la maison paternelle.
Cependant Mannion, horriblement mutilé
dans sa chute, n'est pas mort; il voue, plus
que jamais, à Basil, une haine devenue l'uni-
que objet de sa vie. De l'hôpital où il a reçu
des soins, il lui révèle tout le secret de sa
conduite passée, et lui dénonce la guerre sans
trêve dont il compte le poursuivre. Margaret,
rentrée chez son père, a d'abord voulu, de
concert avec lui, opposer une dénégation ab-
solue aux reproches de Basil, se présenter
comme victime d'une odieuse machination et
revendiquer hautement ses droits d'épouse. A
coup sûr, Mannion devrait l'encourager dans
cette voie ; mais il use de l'ascendant qu'il a
conservé sur elle pour la mander à son che-
vet et lui faire abandonner définitivement la
maison de son père. Sherwin se trouve par la
désarmé ; Margaret meurt, d'ailleurs, victime
d'une maladie qu'elle a contractée dans l'hô- .
pital. Basil, toujours généreux, accourt auprès
de la mourante, et adoucit par sa présence
les horreurs de son agonie. Mannion cepen-
dant trouve moyen d'y assister, lui aussi, mais
invisible. Sur la fosse même de Margaret,
Basil le retrouve encore, toujours menaçant,
toujours attaché à ses pas, tien décidé à le
suivre sans cesse, comme un fantôme sinistre.
Cette persécution obsède l'esprit timide du
malheureux jeune homme. En quittant Lon-
dres, il essaye de dépister Mannion; mais ce-
lui-ci ne le perd pas de vue, et de temps à
autre se révèle à lui par quelque apparition
terrifiante. On ne sait comment finirait cette
espèce de cauchemar, si la haine et la vie de
Mannion ne s'éteignaient en même temps au
fond d'un précipice, aux bords duquel, par une
matinée brumeuse, il suivait, avec son achar-
nement habituel, les traces de sa victime. Ainsi
délivré de sa honte et de ses terreurs, Basil
vivra : il rentrera même dans le sein de sa
famille, lorsque la mort de son père aura levé
l'interdiction qui Pèse sur lui ; mais, frêle créa-
ture frappée par le malheur, il gardera pendant
toute sa vie vouée à d'amers souvenirs, à une
tristesse incurable, cette attitude humiliée, ce
besoin de solitude auxquels se reconnaissent
les élus du malheur.
Nous ne sommes rien moins que certain
d'avoir fait ressortir toutes les qualités du li-
vre que nous venons d'analyser; nous n'avons
pu rendre tout ce que le début de Basil a de
simplicité vraie et touchante. Au contraire, il
nous a fallu, malgré nous, conserver au dé-
noùment ce qu'il a de mélodramatique et
d'exagéré. Le mérite du roman est surtout
dans les détails, dans le choix des épisodes,
dans la logique et l'enchaînement de la narra-
tion, ainsi que dans le style, à la fois noble et
correct. C'est, jusqu'à ce jour, l'ouvrage qui
fait le plus d'honneur au jeune écrivain, ou-
vrage qui l'a placé, du premier coup, à la
tète des romanciers de la Grande-Bretagne.
BASILACAS (Nicéphore), écrivain grec qui
professaitla rhétorique sous Manuel Comnène,
et qui s'acquit, par ses ouvrages, une assez
grande réputation parmi Ses contemporains.
; Son nom même avait fini par être adopté pour
\ désigner une certaine manière d'écrire, un
style particulier. 11 est auteur d'un petit nom-
bre de fables et de quelques éthopées ou
j exercices oratoires écrits avec assez d'élé-
gance, qui ont été publiés par Léon Allatius.
Comme tous les savants de l'époque, il voulut
I prendre part aux discussions religieuses; il
composa même un commentaire sur les Epi-
\ très de saint Paul; commentaire dont Nicétas
\ Choniate paraît faire grand cas. Sur la fin de
l sa carrière, plusieurs de ses amis le prièrent
i de composer un recueil de ses ouvrages. Pour
; leur complaire, il réunit tout ce qu'il put
', trouver de ses anciens écrits, et il plaça en
i tète une espèce de préface, qui est très-cu-
■ rieuse , parce qu'elle peut être considérée
! comme une autobiographie littéraire de l'au-
teur. Avec une naïveté inouïe, il s'accorde
tous les éloges possibles et prétend avoir
! réussi dans tous les genres": prose, poésie,
; discours oratoires, écrits politiques, lettres,
i commentaires sur les anciens. Il donne même
! le titre de ses principaux ouvrages, qui tous
sont perdus aujourd'hui. Il avait composé plu-
; sieurs pièces comiques d'une certaine éten-
' due : mais ayant bu, comme il dit, aux sources
. de la divine sagesse, il jeta au feu toutes
J ces frivoles compositions, afin de ne pas de-
j venir lui-même la proie des flammes de l'en-
fer. C'est ce qui explique pourquoi il a eu
j tant de peine à réunir un volume de ses
œuvres.
Ces curieux détails nous ont été communi-
qués par M. Muller, bibliothécaire du Corps
législatif, qui a retrouvé la préface de Nicé-
phore Basilacas, malheureusement sans les
ouvrages dont elle parle,
BASILA1RE adj, (ba-zi-lè-ro — rad. base).
Anat. Qui sert do base, ou qui appartient à
une base. [| Os basilaire, Nom donné par
quelques anatomistes au sacrum; par d'au-
tres, au sphénoïde. Il Apophyse basilaire, An-
gle inférieur de l'occipital, il Gouttière, fosse
basilaire, Face supérieure ou encéphalique de
BAS
l'apophyse basilaire, ainsi nommée parée
qu elle est creusée en gouttière. Il Surface ba-
silaire, Face inférieure ou pharyngienne de
l'apophyse basilaire. Il- Arfère oasifaiYe ,
Tronc artériel formé par l'anastomose des
deux artères vertébrales, il Sinus basilaire ,
Sinus de la dure-mère, situé transversale-
ment, à la partie supérieure et antérieure de
l'apophyse basilaire; il est aussi nommé sinus
occipital antérieur,
— Entom. Qui forme la base, qui naît de la
base, qui appartient à la base <run organe :
Nervure basilaire. Article basilaire.
— Bot. Qui naît de la base d'un organe, il
Style basilaire, Celui qui naît à la bnse do
l'ovaire : Le style est basilaire dans l'alché-
mille. (A. Richard.) Il Embryon basilaire, Ce-
lui qui est logé en entier dans la portion du
périsperme lapins voisine du style, il Placen-
taire basilaire, Celui qui occupe la base do la
cavité péricarpienne. Il Aréole basilaire, Celle
qui est située à l'endroit de la base du péri-
carpe futur. || Bourrelet basilaire. Celui qui
entoure l'aréole, il Arête basilaire, Celle qui,
dans les graminées, est fixée à la base de
l'écaillé qui la supporte, n Ecailles basilaires,
Glumes calicinales . dans les graminées à.
ôpillets multiflores.
— Encycl. Anat. Apophyse basilaire. L'apo-
physe basilaire est constituée par l'angle in-
férieur de l'occipital, angle très-épais, tron-
qué, qui présente une face articulaire rugueuse,
laquelle s'articule avec le corps du sphénoïde,
à l'aide d'un, cartilage. Ce cartilage s'ossifie
de très-bonne heure, de sorte que l'occipital
et le sphénoïde ne forment, en réalité, aux
yeux de quelques anatomistes, qu'un seul os.
L'anatomie comparée justifie d'ailleurs cette
manière de voir, en nous.montrant l'apophyse
basilaire et le sphénoïde confondus dans cer-
tains animaux. Limitée en arrière par le trou
occipital, l'apophyse basilaire possède deux
faces : une face supérieure ou encéphalique,
présentant une large gouttière médiane, légè-
rement oblique de haut en bas et d'avant en
arrière, la gouttière ou fosse basilaire, et deux
dépressions latérales très-petites, qui concou-
rent à former les gouttières pétreuses inférieu-
res; une face inférieure, dirigée horizontale-
ment, rugueuse, formant la voûte osseuse du
pharynx, pourvue sur la ligne médiane d'une
arête plus ou moins saillante et d'un tubercule
auquel s'attache une portion de la couche
fibreuse du pharynx.
— Artère basilaire. L'artère basilaire est
produite par l'anastomose à angle aigu des
deux artères vertébrales ; son volume est su-
périeur à celui de chacune d'elles prise isolé-
ment, inférieur à leurs volumt3 réunis. Elle se
porte obliquement en haut et en avant, logée
dans un sillon médian et superficiel, que lui pré-
sente la protubérance annulaire, et fournit un
grand nombre de ramuscules destinés à cette
protubérance, puis, quatre collatérales plus
importantes : les deux artères cérébelleuses
inférieures et antérieures (droite et gauche) et
les deux artères cérébelleuses supérieures;
toutes les quatre sont destinées au cervelet.
Les deux premières naissent de la partie
moyenne du tronc basilaire, se portent en de-
hors et en arrière, contournent les pédoncules
cérébelleux et se terminent sur la face infé-
rieure du cervelet. Les artères cérébelleuses
supérieures naissent près de l'angle de bifur-
cation du tronc basilaire ; chacune d'elles
contourne le pédoncule cérébral qui lui cor-
respond, en suivant le sillon qui sépare ce pé-
doncule de la protubérance annulaire, et, arri-
vée au niveau des tubercules quadrijumeaux,
se divise en deux branches, l'une externe,
l'autre interne. La branche externe longe la
moitié antérieure de la circonférence du cer-
velet, alimente la face supérieure de cet or-
gane et s'anastomose avec la cérébelleuse
inférieure-, la branche interne fournit un ra-
meau qui se dirige transversalement entre le
vermis supérieur et la valvule de Vieussens,
et s'avance, en serpentant, sur la face supé-
rieure du cervelet qu'elle recouvre de ses ra-
mifications.
Au niveau de la partie antérieure de la pro-
tubérance annulaire, le tronc basilaire, après
avoir donné les quatre branches collatérales
dont nous venons de parler, se divise en deux
branches terminales, qui portent le nom d'ar-
tères cérébrales postérieures. Chacune de ces
artères se dirige d'abord obliquement en avant
et en dehors, puis se recourbe d'avant en ar-
rière, reçoit, au niveau de ce point où ello
change de direction, l'artère communicante
postérieure, donne la choroïdienne postérieure,
contourne le pédoncule cérébral, marche pa-
rallèlement à la grande fente cérébrale jus-
qu'à l'extrémité postérieure du corps calleux,
où elle devient antéro-postérieure, et se par-
tage en un grand nombre de rameaux , qui
serpentent sur la partie la plus reculée du
lobe postérieur du cerveau. Rappelons ici que
le tronc basilaire et ses branches de bifurca-
tion, les artères cérébrales postérieures, for-
ment les côtés postérieurs d'un hexagone ar-
tériel dans l'aire duquel se trouvent les tuber-
cules mamillaires, le corps cendré, la tige
pituitaire et les nerfs optiques. Les côtés an-
térieurs de cet hexagone sont représentés par
les artères du corps calleux et la communi-
cante antérieure, et les latéraux par les com-
municantes postérieures.
— Sinus basilaire. Ce n'est pas ici le lita de
parler des sinus de la dure-nièrc en général.
BAS
Bornons-nous a dire que ce sont des canaux
veineux particuliers creusés, pour ainsi dire,
dans l'épaisseur de cette membrane fibreuse.
Le sinus basilaire est ordinairement unique ;
mais il n'est pas rare de le rencontrer double.
Il est situé transversalement sur la gouttière
^asilaire, en arrière de la selle turcique ; il
reçoit quelques petits vaisseaux qui viennent
de la protubérance annulaire et du bulbe ra-
chidien, mais surtout des vaisseaux osseux ; il
communique par ses deux extrémités avec les
sinus caverneux et les sinus pétreux inférieur
et supérieur; en bas, avec les plexus veineux
du canal rachidien, dont il constitue le pro-
longement intracrânien. Sa capacité devient
plus considérable chez les vieillards. Ses pa-
rois sont hérissées de filaments rougeàtres
comme celles du sinus caverneux. Le sinus
basilaire est souvent désigné sous les noms de
sinus de la gouttière basilaire, de sinus occipi-
tal antérieur, de sinus occipital transverse.
BASILAN ou BASSILAN, groupe de petites
îles de l'Océanie, dans la Malaisie, archipel de
Soulou, entre Bornéo et Mindanao, par 70 de
lat. N. et de 12° de long. E. , à environ 16 k.
de la pointe S.-O. de Mindanao. L'île de Ba-
silan. la plus grande de toutes celles du
groupe, mesure a peu près 90 kil. de circuit,
et, quoique montueuse et peu peuplée, produit
d'excellents fruits, du sucre de canne, du riz
et surtout du bois de construction. On recueille,
sur les côtes, outre la nacre et la perle, une
quantité considérable d'ambre gris. Le groupe
des lies Basilan a pour chef-lieu une petite
ville du même nom, située sur la côte S.-E.
de l'île principale; repaire de pirates, qui fu-
rent châtiés en 1S45 par les Français. Les
autres îles, beaucoup moins importantes, sont :
Santa-Crnz, Cocos, Sibago, Manalipa, La-
rak, etc. L'archipel Basilan a été occupé, en
1853, par les Espagnols.
BASILE s. m.(ba-zi-le). Techn. Inclinaison
du fer d'un outil à raboter.
Bimiie, un des personnages d 11 Mariage de
Fi</aro et du Barhier deSéoi/le, de Beaumar-
chais, type du eulomniateur patelin, du com-
plaisant cupide. C'est Tartufe, moins lu gran-
deur. Chez l'hypocrite Tartufe , la culoinniâ
n'est qu'un des mille engins de son arsenal dia-
bolique ; chez le calomniateur Basile, c'est l'en-
gin principal auquel tous les autres sont sou-
mis. « Calomniez, calomniez; il en restera tou-
jours quelque chose (v. Calomnier) ; » telle
est sa devise. Basile aura beau jeter par-
dessus les moulins sa longue snuquenUle noire
et son long chapeau espagnol; il aura beau,
si c'est possible, cesser de tenir ses bras en
croix, redresser son front longtemps incliné;
son signalement a été si bien pris, que par-
tout Figaro, c'est-à-diie le peuple, le recon-
naîtra et l'appréhendera au corps.
Basile, comme nous venons de le dire, est
resté le type d'un calomniateur hypocrite, et,
dans les applications qu'on en fait, Basile
appartient a la religion plutôt qu'à la vie
laïque :
« Ce projet de loi n'est pas moins hostile à
la production littéraire qu'à la polémique po-
litique, et c'est là ce qui lui donne son cachet
de loi cléricale. Il poursuit le théâtre autant
que le journal, et il voudrait briser dans la
main de Beaumarchais lo miroir où Basile
s'est reconnu. » V. Hugo.
• 11 est si facile d'aiguiser des personnalités ;
il est si facile d'abriter sa tête et ses épaules
sous un chapeau et un manteau de Basile, que
c'est là un genre de mérite dont tout écrivain
de quelque esprit, tout journal de quelque va-
leur doivent se montrer peu jaloux. •
Em. de Girardin.
H ASILE, évêque d'Aneyre au ive siècle, qui
eut une vie très-agitée et se rendit célèbre
comme défenseur des ariens. Il professait la
médecine et passait pour un homme très-in-
struit. Il fut choisi, en 336, par les eusébiens,
pour évêque d'Aneyre, à la place de Marcel,
qu'ils venaient de déposer comme convaincu
de sabellianisme. Lorsqu'il vint, en 347, au
concile de Sardique, on ne voulut point le re-
garder comme évêque, on l'excommunia et on
rétablit Marcel dans ses fonctions épiscopales.
Mais ce dernier en fut dépouillé presque aus-
sitôt par l'empereur Constance, qui les rendit
à Basile. C'est en cette qualité que Basile, en
351, assiste au concile de Sirmium, contre
Photin. Plus tard, en 355, il prend part à
l'intrusion de l'antipape Félix ; assemble , en
358 , un concile à Ancyre , contre les ano-
méens ; souscrit au nouveau formulaire de
Sirmium; fait, avec ceux de son parti, une
profession de foi ; assiste au concile de Séleu-
cie et est déposé par un concile de Constanti-
nople, en 360. Il fut ensuite exilé en lllyrie,
et les ariens mirent Athanase en sa place.
Basile vivait encore en 363. Il avait composé
divers ouvrages : un contre Marcel, son pré-
décesseur; un sur la virginité, et quelques au-
tres, dont saint Jérôme ne donne pas les titres.
On ne possède que sa profession de foi, mise
par saint Epiphane après la lettre du concile
d'Aneyre,
BASILE (saint) { surnommé le Grand, célè-
bre Père de l'Eglise au iv« siècle, évêque de
Césarée, en Cappadoce, né dans cette ville en
329, mort en 379. Sa famille était originaire
du Pont; mais son grand-père avait épousé"
une chrétienne de Néo-Césarée, nommée Ma-
BAS
crine. Son père, qu'on représente comme un
homme instruit, doué d éloquence et d'une
grande piété, eut dix enfants, dont trois fu-
rent évoques : Basile, l'aîné des trois, évêque
de Césarée ; Grégoire, évêque de Nysse, et
Pierre, le plus jeune, évêque de Sébaste. Ces
trois frères ont été mis au nombre des saints
par l'Eglise, ainsi que leur père, nommé Ba-
sile comme son fils aîné, leur mère Emmélie,
leur aïeule Macrine et une de leurs sœurs
nommée aussi Macrine. Cette famille devait
sa foi à des disciples de Grégoire le Thauma-
turge. Après avoir fait ses premières études
sous la direction de son père, Basile alla,
comme les jeunes gens riches de son temps,
suivre les leçons des maîtres de l'éloquence
et de la philosophie, d'abord k Césarée, puis à
Constantinople. Il fut, dans cette dernière
ville, le disciple du célèbre rhéteur Liba-
nius, qui conserva toujours pour lui la plus
grande estime. De Constantinople, il passa
à Athènes, où il retrouva un de ses condisci-
ples de Césarée, Grégoire de Nazianze, avec
lequel il fut uni toute sa vie de la plus tendre
amitié. C'était chez tous deux même pureté de
mœurs, même culte pour les souvenirs du
toit paternel, même piété, même enthousiasme
pour les lettres, l'éloquence et la poésie. «Ah!
disait plus tard Grégoire, comment se rappe-
ler ces jours sans verser des larmes I L élo-
Suence, la chose du monde qui excite le plus
'envie, nous enflammait d'une ardeur égale,
et'cependant nulle jalousie ne se glissait entre
nous : un zèle commun nous excitait; nous
luttions, non a qui remporterait la palme,
m'ais à qui la céderait ,à l'autre ; car pour
chacun la gloire de l'autre était la sienne
propre. C'était une seule âme qui avait. deux
corps. Et, s'il ne faut point croire ceux qui di-
sent que tout est dans tout, du moins faut-il
convenir que nous étions l'un dans l'autre
Nous ne connaissions que deux chemins : le
premier, le plus aimé, qui nous menait vers
l'Eglise et vers ses docteurs ; l'autre, moins
élevé, qui nous conduisait à l'école et vers nos
maîtres. Nous laissions à d'autres les sentiers
qui mènent aux fêtes, aux théâtres, aux
spectacles et aux repas. » Entre les deux amis
se plaçait souvent un autre jeune homme,
grave et sérieux comme eux, comme eux pas-
sioi né pour l'étude : c'était Julien, le neveu
de l'empereur Constance, le futur ennemi du
christianisme. Une lettre de Basile nous ap-
prend qu'alors l'apostat et le saint étudiaient
ensemble l'Ecriture sacrée, cherchant sans
doute une'conciliation entre elle et la doctrine
de leurs maîtres ; étude pleine de vives discus-
sions entre lès deux jeunes gens, et qui, avec
plus d'une analogie, remarque M. Fialon, de-
vait aboutir dans l'un à VJIexaméron; dans
l'autre, à la doctrine du soleil roi.
Basile quitta Athènes avant son ami Gré-
goire de Nazianze, et revint à Césarée. Son
père était mort. Sa sœur aînée, Macrine, de-
puis la perte d'un fiancé chéri, s'était toute
consacrée à Dieu et k la prière. Appelé natu-
rellement à recueillir la succession paternelle
au barreau, il commença à plaider quelques
causes avec le plus grand succès. Mais bien-
tôt l'exemple et l'influence de sa sœur le déci-
dèrent à rejeter la gloire des lettres profanes
et à se donner sans réserve à l'Eglise. Ecou-
tons-le raconter lui-même sa conversion et le
grand parti qu'il prit. On croit lire un chapitre
des Confessions de saint Augustin. «Après
avoir donné beaucoup dé temps à la vanité,
après avoir perdu presque toute ma jeunesse
en travaux futiles, pour saisir les enseigne-
ments d'une sagesse que Dieu fait déraison-
ner, je me réveillai enfin comme d'un profond
sommeil, et je jetai les yeux sur l'admirable
lumière de la vérité, celle de l'Evangile. Je
vis alors l'inutilité de la sagesse des princes
du monde, qui travaillent sans résultat. Je
pleurai longtemps sur les misères de ma vie,
et, dans mes prières, je demandais qu'une
main vînt me prendre pour me conduire à la
connaissance des doctrines de la piété... Li-
sant alors l'Evangile, je vis que ce qui pou-
vait le plus nous avancer vers la perfection,
c'était de vendre tous nos biens, de les don-
ner à nos frères pauvres et de vivre dégagé
de tous les soucis de cette terre. » La résolu-
tion, à peine conçue, fut arrêtée et rendue
Ïiublique. On sut dans toute la province que
e célèbre rhéteur Basile allait quitter son au-
ditoire pour vivre en solitaire, à l'image des
anachorètes d'Egypte, dont le nom était déjà
fort connu. Cela ht grand bruit et fut jugé
diversement. Libanius , son ancien maître,
pour qui tout était sujet de rhétorique, lui
écrivit pour lui faire compliment : « Je me
demandais, lui dit-il, que fait notre Basile,
quel genre de vie va-t-il embrasser? Paraît-il
au barreau pour nous reproduire l'image de la
vieille éloquence ? Les pères ont-ils le bon-
heur qu'il enseigne l'arf de la parole a leurs
fils ? Mais des personnes sont venues, qui
nous ont dit que vous embrassiez une vie bien
supérieure, et que vous songiez plus à vous
rendre agréable à Dieu qu'à gagner de l'ar-
gent. Alors, j'en ai félicité et la Cappadoce et
vous-même. » Basile, insensible aux compli-
ments, marchait droit à son but. Avant de
s'établir lui-même dans la retraite, il voulut
étudier les grands modèles de vie ascétique
qu'offraient alors l'Egypte, la Palestine, la
Syrie, la Mésopotamie. Il vit et admira 1 ab-
stinence des solitaires , leur patience dans
les travaux, leur constance dans les prières,
le sommeil vaincu, les besoins de la nature
foulés aux pieds, et la force divine mainte-
BAS
nant la liberté de l'âme dans la faim, la soit,
la nudité du corps. «Vivant, en quelque sorte,
dans une chair étrangère, ils m'ont fait voir,
dit-il, comment l'homme, dès ici-bas, peut
être étranger à la terre et vivre dans le ciel. »
De retour dans son pays, Basile prit, pour
s'enchaîner tout à fait, les premiers degrés du
sacerdoce, avec la qualité de lecteur, et alla
s'établir dans le Pont, sur les bords de la petite
rivière d'Iris. Ce qui l'y attira, c'est que sa mère
et sa sœur s'y étaient déjà retirées en une terre
qui faisait partie du patrimoine de la famille.
Elles y avaient rassemblé plusieurs femmes
pieuses, et formé un monastère. Ce fut près
de ce monastère que Basile se fixa. Il a lui-
même décrit sa riante solitude dans une lettre à
Grégoire de Nazianze : « Dieu m'a fait trouver
ici le séjour que nous avons tant de fois rêvé
ensemble. C'est une montagne élevée, cou-
verte d'un bois épais, et du côté du nord ar-
rosée d'une eau limpide. Au pied s'étend une
vaste plaine fécondée par les sources de la
colline. Une forêt qu!aucune main n'a plantée
l'environne de toutes sortes d'essences d'ar-
bres, comme de remparts, mais lui laisse en-
core une telle étendue qu'en comparaison
l'île de Calypso, la plus belle des contrées, au
dire d'Homère, ne serait qu'un petit territoire.
Il s'en faut peu que ce soit une île, tant elle
est séparée du reste du monde. Ce lieu se
partage en deux vallées profondes : d'un
côté, le fleuve, qui se précipite de la crête du
mont et forme, par son cours, une barrière
continue et difficile à franchir ; de l'autre, une
large croupe de montagnes, qui communique
à la vallée par quelques chemins tortueux. Il'
n'y a qu'une seule entrée, dont nous sommes la«
maîtres. Ma demeure est bâtie sur la pointe la
plus avancée d'un autre sommet, de sorte que la
vallée se découvre et s'étend sous mes yeux,
et que je puis regarder d'en haut le cours du
fleuve, plus agréable pour moi que le Strymon
ne l'est aux habitants d'Amphipolis. Les eaux
tranquilles et dormantes du Strymon méritent
à peine le nom de fleuve; mais le mien, le
plus rapide fleuve que je connaisse, se heurte
contre une roche voisine, et, repoussé par
elle, retombe en un torrent qui me donne à le
fois le plus ravissant spectacle et la plus
abondante nourriture, car il a dans ses eaux
un nombre prodigieux de poissons. Parlerui-
je des douces vapeurs de la terre et de la fraî-
cheur qui s'exhale du. fleuve. Un autre admi-
rerait la variété des fleurs et le chant des oi-
seaux; mais je n'ai pas le loisir d'y faire
attention. Ce qu'il y a de mieux à dire de ce
lieu, c'est qu'avec l'abondance de toutes cho-
ses, il me donne le plus doux des biens pour
moi, la tranquillité. » Dans une autre lettre à
son ami, Basile décrit la vie de son monastère,
où l'étude de l'Ecriture sainte, la prière, le
travail des mains, des entretiens sans osten-
tation et pleins d'affabilité, un seul repas, de
légers sommeils, partagent les vingt-quatre
heures du jour, où le chant des hymnes fait
imiter sur la terre le concert des anges.
Grégoire de Nazianze vint partager quelque
temps cette vie monastique, dont il paraît
d'ailleurs avoir goûté assez médiocrement les
délices. Dans une lettre écrite plus tard à
Basile , il décrit d'une manière plaisante
l'existence qu'il avait menée, en ce lieu. Il dit
» que la maison n'avait ni couverture , ni
porte; qu'on n'y voyait jamais ni feu, ni fu-
mée, excepté pour sécher les murailles, qui
étaient faites de boue ; qu'on y souffrait le
supplice de Tantale, car on mourait de soif au
milieu des eaux ; qu'au lieu des délices d'AJci-
nous, que Basile lui avait fait espérer pour le
tirer de la Cappadoce, il y avait trouvé la
gueuserie des Lotophages; qu'il se souvien-
drait toujours des pains qu'il y avait mangés ;
que ces pains étaient si durs que les dents y
glissaient au lieu de les entamer, et qu'ils
étaient si mal cuits qu'après y être entrées
par force , elles s'y trouvaient enfoncées
comme dans un bourbier, d'où elles ne pou-
vaient plus se tirer qu'avec toutes les peines
imaginables... ■ Il est juste de dire que, dans
d'autres lettres, il parle sur un ton très-diffé-
rent des jours passés auprès de son cher Ba-
sile : « Qui me rendra, dit-il, ces psalmodies
et ces veilles, ces ascensions vers le ciel par
la prière, cette vie affranchie du corps, cette
concorde, cette union des âmes qui s'élevaient
à Dieu sous ta conduite; cette émulation,
cette ardeur de vertu contenue et affermie par
nos règles et nos lois écrites ; cette étude de
la divine parole, et la lumière qui en jaillis-
sait pour nous sous l'inspiration de l'Esprit
saint? Dirai-je aussi, pour descendre à de
moindres détails, ces travaux si bien parta-
gés qui remplissaient nos journées, comment
tour à tour nous fendions le bois, nous tail-
lions la pierre, nous plantions les arbres, nous
arrosions les plaines ? «
On doit remarquer, du reste, que des deux
amis saint Basile fut de beaucoup le plus
porté vers la vie ascétique. « Grégoire, dit
M. Pierre Leroux, fut un bon évêque et un
orateur éloquent ; Basile , excellent évêque
et orateur souvent sublime, eut seul le ca-
ractère d'un moine... Ce régime monacal, qu'il
contribua tant à répandre dans le monde
chrétien et dont il devint le type, était à ses
yeux l'instrument nécessaire d'une vie mo-
rale; c'était uniquement par cette voie de la
sévérité qu'il concevait la possibilité d'un bon
gouvernement du corps et des passions par
Pâme et parla volonté... D'où venait cet idéal
ascétique de la perfection morale? M. Pierre 1
BAS
305
Leroux croit en reconnaître l'origine dans la
croyance au dogme oriental des anges et des
puissances invisibles, croyance qui lui paraît
fondamentale , dominante , caractéristique t
chez saint Basile comme chez la plupart des
premiers moines. Il fait remarquer que, par
cette croyance et par la poitée qu'il lui
■ donne, saint Basile estorigéniste ; qu'il paraît
croire, comme Origène, que nos âmes ont
existé à l'état d'anges avant la création des
corps, et qu'elles redeviendront purement spi-
rituelles un jour. Or, quelle est, dit-il, la consé-
quence naturelle de cette foi dans Une âme
dévote? Evidemment, une tendance à ressem-
bler aux anges, à se spiritualiser, à vivre do
cette vie incorporelle que Basile voulut en
effet réaliser. "Voilà la source et le fondement
de toute sa vie ascétique. Plus tard, la vie
ascétique,xen général, se formulera davan-
tage : un autre élément s'y introduira, qui la
précisera sous toutes les faces ; mais cet élé-
ment ne nous paraît pas encore très-déve-
loppé dans le monachisme de saint Basile ; ce
second élément, c'est la peur du mal répandu
partout dans le monde, c'est la croyance au
péché originel rigoureusement appliquée à la
vie naturelle et sociale tout entière. Ce second
point de vue, parfaitement en rapport, il est
vrai, avec le premier, c'est saint Augustin
surtout qui nous paraît l'avoir introduit dans
le monachisme, un siècle environ après saint
Basile. Chez ce dernier, l'ascétisme est bien
plutôt une aspiration h l'état d'ange vertueux
et pur, qu'un effroi de participer a. la nature
du mauvais ange, en touchant au monde, qui
est sa pâture. » Nous montrerons ailleurs
(v. Monachisme) qu'il faut chercher les ori-
gines de l'ascétisme chrétien, non dans la
croyance aux anges, mais dans l'Evangile
même, dans cet esprit évangélique qui glorifie
la pauvreté, la douleur, la peine, la pénitence,
qui condamne le monde avec ses biens, ses
richesses, ses jouissances, ses agitations, et,"
dans la difficulté d'une vie chrétienne, d'une vie
conforme à l'Evangile, au milieu des mœurs,
des coutumes, des lois alors régnantes. De-
vant le droit de Dieu, protecteur des pauvres ;
devant le devoir de charité universelle, que
pouvaient peser aux yeux de saint Basile les
droits de la propriété mondaine? Aussi, voyez
comme il fait bon marché de ces droits. « Qu'est-
ce qui est à toi? s'écrie-t-il, de qui l'as-tu
reçu? N'es-tu pas comme celui qui, au théâtre,
réclamerait pour lui seul les places préparées
pour l'usage commun? Ainsi, les riches ayant
occupé les premiers ce qui appartient à tous
se l'approprient comme étant à eux seuls...
Quel est le spoliateur, sinon celui qui ôte aux.
autres ce qui est à eux? A ce compte, n'es-tu
pas spoliateur, toi qui t'appropries ce que tu
n'as reçu que pour le distribuer? On appelle
larron celui qui ôte à un autre son habit; ne
donnera-t-on pas le même nom à celui qui,
pouvant couvrir la nudité d'autrui, néglige de
le faire? Le pain que tu gardes est à celui qui
a faim ; le manteau que tu conserves est à
celui qui est nu; à l'indigent, l'argent que tu
enfouis.» Communiste en principe, tirant
toute sa morale privée de la tempérance, c'est-
à-dire de l'asservissement du corps à l'âme
et des passions à la volonté; toute sa morale
sociale, de la charité, du dévouement réci-
proque, saint Basile fut conduit naturellement
a associer ces deux grands principes de la via
chrétienne, et à faire prédominer le cénubi-
tisme sur l'ascétisme érémitique. C'est Seule-
ment comme précepteur de cette vie cénobi-
tique qui, après lui, se répandit en Orient et
en Occident, qu'il mérite de passer pour lo
père du monachisme.
En 362, Basile avait été ordonné prêtre ; en
370, il fut élu évêque de Césarée. La situation du
christianisme était alors fort triste ; aux jours
de triomphe, sous Constantin, avaient succédé
des divisions interminables. L'arianisme, à
divers degrés, régnait dans les villes; l'ortho-
doxie, pour se sauver, avait presque été for-
cée de se retirer aux déserts chez les moines.
Puis des schismes et des rivalités de toutes
sortes avaient éclaté partout. Enfin, outre
cette division dans le dogme et dans le gou-
vernement des églises, le conflit continuel du
pouvoir séculier avec le pouvoir épiscopal
était pour la société une cause permanente dei
dissolution et de maux de tous genres. Après
Julien, qui' avait tenté de restaurer le paga-
nisme, vint Valens qui prit l'arianisme sous
sa protection et voulut le faire triompher par
la force. Les moines n'avaient cessé d'être
l'appui de l'autorité spirituelle, de l'orthodoxie,
et contre les hérésies, et contre le pouvoir
civil : Basile, qui était moine, résista à l'aria-
nisme. Valens étant venu en Orient pour for-
cer les catholiques à recevoir les ariens dans
leur communion, on lui désigna Basile coinm^
le rebelle le plus redoutable. Un préfeteut or>
dredele forcer à se soumettre. 11 te titvenirde-
vant son tribunal et le menaça de l'exil etde la
mort, s'il n'ouvrait pas les églises aux ariens^
«Celui qui n'a rien, dit Basile, que des haillons
et quelques livres ne craint pas d être dépouille.
Je regarde comme ma patrie, non le sol sur
lequel je suis né, mais le ciel. Un corps exté-
nué comme le mien ne peut souffrir longtemps;
la mort, en terminant mes peines, me réunira
plus tôt à mon Créateur.» Les historiens ecclé-
siastiques ont raconté qu'un ordre d'exil allait
être donné contre Basile, lorsque le fils de
l'empereur tomba malade; le saint évêque se
mit en prière et l'enfant guérit; mais ensuite,
ayant été baptisé par un évêjgue arien, il re-
tomba malade et mourut. Ils ajoutent que^
39
306
BAS
BAS
BAS
BAS
l'empereur ayant voulu signer l'ordre d'exil,
sa plume se brisa par trois fois. Il n'est pas
besoin de ces prétendus miracles pour expli-
quer l'ascendant de l'évéque de Césarée sur
un prince faible et furieux. Basile reçut Va-
lens dans l'église derrière le voile du sanc-
tuaire, lui parla longtemps et sut apaiser sa
colère par un mélange de fermeté et de dou-
ceur.
L'évéque de Césarée fut souvent, dans la
suite, inelé aux querelles religieuses de l'O-
rient; il eut à lutter notamment contre les
Macédoniens, qui niaient la divinité du Saint-
Esprit. « Mais il est plus intéressant, dit avec
raison M. Villemain, de le contempler instrui-
sant par ses paroles les pauvres habitants de
Césarée, les élevant à Dieu par la contem-
plation de la nature, leur expliquant les mer-
veilles de la création dans des discours où la
science de l'orateur formé dans Athènes se ca-
che sous une simplicité persuasive et populaire.
C'est le sujet des homélies qui portent le nom
A'Hexaméron (v. ce mot). Parmi des erreurs de
physique communes à toute l'antiquité, elles
renferment beaucoup de notions justes, de
descriptions heureuses et vraies ; on croirait
lire parfois de belles pages détachées des
Etudes de la nature; c'est le même soin pour
montrer Dieu partout dans son ouvrage...
Saint Basile n'excelle pas moins dans la pein-
ture de la brièveté de la vie, du néant des
biens terrestres, de la tromperie des joies les
plus pures. Après les anciens philosophes, il
est éloquent sur ce texte monotone des cala-
mités humaines. La source de cette éloquence
est dans la Bible, dont il aime a emprunter la
poésie plus pittoresque et plus hardie que celle
des Grecs. 11 renouvelle les fortes images de
la muse hébraïque ; mais il y mêle ce senti-
ment tendre pour l'humanité , cette douceur
dans l'enthousiasme qui faisaient la beauté de
la loi nouvelle. Les yeux élevés vers le ciel, il
tend des mains secourables à toutes les misè-
res : il veut soulager autant que convertir. »
Moraliste plutôt que théologien, saint Basile
fut surtout le prédicateur delà charité, le vé-
ritable évêque de l'Evangile, le père du peuple,
l'ami des malheureux. Pauvre lui-même, il
n'avait qu'une seule tunique, et ne vivait que
de pain et de grossiers légumes; mais il em-
ployait des trésors à embellir Césarée. Il fit
bâtir pour les étrangers et pour les indigents
un hospice que Grégoire de Nazianze appelle
une seconde ville ; il établit de nombreux
ateliers et des écoles. Faible de corps, con-
sumé par la souffrance et les austérités, un
zèle ardent, une charité infatigable le soute-
naient dans ses prédications continues, dans
ses courses pastorales, dans ses voyages.
Quand il mourut, tout le peuple de la pro-
vince accourut à ses funérailles. Les païens,
les juifs le disputaient aux chrétiens pour l'a-
bondance de leurs larmes ; car il avait été le
bienfaiteur de tous.
II nous reste quatre panégyriques pronon-
cés en l'honneur de saint Basile par saint
Grégoire de Nysse, son frère, saint Grégoire
de Nazianze, saint Ephrem et saint Amphi-
loque. Les ouvrages laissés par saint Basile
sont : VHexaméron, explication de l'ouvrage
des six jours de la création; un certain nom-
bre d'homélies sur les psaumes et sur divers
sujets; les traités pour la conduite des moines,
qu'on nomme, en général, les Ascétiques, et
qui comprennent les Morales, les Grandes rè-
gles et les Petites règles de saint Basile; un
traité de la Lecture des auteurs profanes ; une
réponse à Eunomius, en réfutation de l'aria-
nisme ; un traité de la divinité du Saint-Es-
prit; enfin, trois cent trente-six lettres sur
divers sujets. Les meilleures éditions des
œuvres de saint Basile sont celles de Garnier
et Maran {1721-1730, 3 vol. in-folio) et de
Gaume (4 vol., 1839). Ses Lettres et sermons
ont été traduits par l'abbé de Bellegarde (1691
et 1693); ses Morales, par Leroy (1663);
VHexaméron, les Homélies, par l'abbé Auger
(1788); les Ascétiques, par Hermant (1661).
Basile (règles de saint), ouvrage rédigé
en forme de questions du disciple et de ré-
ponses du maître, et dans lequel saint Basile
a tracé les règles de la vie monastique. S'é-
loignant avec éclat des moines d'Egypte qu'il
avait visités, l'auteur commence par déclarer
que la vie solitaire est chose tout a-la fois dif-
ficile et dangereuse. Ceux dont le but commun,
dit-il, est de se rendre agréables à Dieu, doi-
vent vivre en commun. C'est dans cette vie en
commun, et non dans l'ascétisme solitaire, qu'il
faut chercher la perfection chrétienne. D'abord
nul ne peut se suffire h lui-même pour satis-
faire aux nécessités de la vie matérielle; nous
avons tous besoin les uns des autres; Dieu a
voulu qu'il en fût ainsi, afin que nous fussions
unis comme les membres d un même corps.
Ensuite, la loi de charité ne permet pas que
chacun se préoccupe uniquement de son bon-
heur personnel, de sa perfection individuelle.
La vie solitaire rétrécit singulièrement la
sphère des devoirs ; elle n'est compatible
qu'avec une perfection très-limitée et pour
ainsi dire négative, parce qu'elle supprime en
partie la matière du bien comme celle du
mal, l'occasion de pratiquer l'un comme celle
d'éviter l'autre , et quelle ôte toute raison
d'être à la plupart des commandements de
Dieu. Les vertus impliquent des rapports ; hu-
milité, compassion charitable, patience, ne
peuvent se manifester ni, par conséquent,
se développer chez le solitaire. « Jésus-Christ,
dit saint Basile, pour nous donner un exem-
ple d'humilité dans une charité .parfaite, s'est
ceint d'un linge afin de laver les pieds de ses
disciples. Mais à qui laverez-vous les pieds?
A qui rendrez-vous quelque service? A l'égard
de qui vous mettrez-vous au dernier rang, si
vous ne vivez que pour vous-même, hors de
toute société? p Chacun a besoin des exem-
ples, des conseils et des corrections de ses
frères pour ne pas tomber ; cet appui moral
manque dans la vie solitaire. Le péril de cette
vie, c'est l'orgueil, c'est la secrète complai-
sance que l'on nourrit pour soi-même, c'est la
trop haute estime qu on fait de sa propre
vertu par l'impossibilité où l'on est de l'é-
prouver, faute d'occasion, et de la mesurer,
faute de termes de comparaison. Qui peut
connaître facilement ses défauts, s'il n'y a là
personne pour les lui montrer? Enfin, la vie
cénobitique offre cet avantage, qu'elle implique
la communauté non-seulement pour la vie ma-
térielle, mais encore pour la vie spirituelle,
c'est-à-dire l'heureuse participation de tous
aux dons spirituels, aux grâces de chacun.
Après cette condamnation curieuse de l'as-
cétisme érémitique , saint Basile examine
quelles doivent être les lois de cette vie en
commun, qu'il considère comme la vie chré-
tienne parfaite. Il faut que les moines s'exer-
cent au silence, et parce qu'en se rendant
maîtres de leur langue, ils témoignent qu'ils
font profession de la continence, et parce que
l'habitude du silence est la meilleure prépara-
tion au bon usage de la parole, soit pour pro-
poser des questions, soit pour répondre aux
demandes. Du reste, l'habitude du silence, do-
mination de l'âme sur la langue, rentre dans
la grande vertu de la tempérance, domination
de lime sur le corps, de la volonté sur les
passions. L'âme n'est libre qu'à la condition
d'être souveraine, d'exercer sur son compa-
gnon un empire pour ainsi dire despotique. La
tempérance ne consiste pas seulement à re-
trancher les plaisirs du goût; elle implique
une abstinence générale de tout ce qui peut
être un obstacle à notre perfection ; elle ren-
ferme en quelque sorte toutes les vertus : hu-
milité, c'est tempérance à l'égard de la vaine
gloire ; amour de la pauvreté èvangélique ,
c'est tempérance vis-à-vis des richesses; pa-
tience, douceur, tranquillité d'âme, c'est tem-
pérance relativement aux émotions de la co-
lère. La tempérance s'applique aux yeux, aux
oreilles, a la langue, au rire. Il faut dompter
la spontanéité passionnelle. Réflexion, gravité
constante , possession de soi sous l'œil de
Dieu, du témoin éternel, voilà l'idéal. Le moine
doit se contenter de sourire ; rire sans mesure
est une marque d'intempérance, un témoi-
gnage du peu de pouvoir que 1 on a sur ses
mouvements intérieurs. Il faut s'abstenir ab-
solument des aliments qui n'ont pas d'autre
fin que le plaisir ; le moine doit se reconnaître
à la maigreur de son corps (une locution po-
pulaire de notre langue témoigne de la fidélité
que devaient montrer les moines occidentaux
à ce précepte du maître). Le vêtement ne doit
satisfaire qu'à deux nécessités, celle qui dé-
rive de la pudeur et celle où l'on est de se
protéger contre le froid ; tout ce qui est donné
à l'ostentation doit être supprimé. Le vête-
ment des moines sera aussi simple que possi-
ble ; on chercheraj sous ce rapport, le mini-
mum nécessaire ; il sera fait de telle sorte
qu'il puisse se prêter à toutes les nécessités
et qu on puisse s'en servir la nuit comme le
jour. Il sera d'ailleurs uniforme pour tous les
membres de la communauté : cette uniformité
est nécessaire et comme symbole des liens qui
les unissent, et comme marque extérieure de
leur vocation particulière, de la vie toute
sainte et toute divine dont ils font profession.
Ce vêtement qui les distinguera du monde, en
leur rappelant sans cesse les actions qu'on a
droit d exiger d'eux, constituera pour les fai-
bles une sorte d'instruction et de stimulation
permanentes. Les moines travailleront des
mains ; ils exerceront les métiers utiles à tout
le monde, tels que l'architecture, la menuise-
rie, l'art de travailler les métaux, et non les
métiers qui entretiennent le luxe, la vanité, la
mollesse, la corruption. Les ouvrages faits
seront vendus, autant que possible, dans le
voisinage du monastère. En résumé, les lois
de la vie cénobitique, telles qu'elles sont éta-
blies par saint Basile, sont renfermées dans
cette formule bien connue et souvent citée
des systèmes communistes : A chacun selon
ses besoins; de chacun selon ses facultés. Cha-
cun des membres de la communauté doit con-
sommer et produire, sous la direction d'une
autorité, seul juge des besoins et des facultés;
nul ne doit choisir son métier ni sa nourri-
ture. Il faut noter seulement que le commu-
nisme ascétique de saint Basile n'entend sa-
tisfaire que les besoins extrêmes, qu'il réduit
cette satisfaction au minimum, qu il ne con-
naît que des devoirs et point de droits, et
qu'il se fonde sur le renoncement absolu de
chaque moine à tout désir, à toute volonté
personnelle, et, pour ainsi dire, à tout mou-
vement propre.
Basile (liturgie de saint). On donne ce
nom h une liturgie qui était en usage dans les
églises du Pont, et dont se servent encore les
jacobites , les grecs melchites , les cophtes
d'Egypte et d'Abyssinie. L'abbé Renaudot
fait remarquer que saint Basile ne l'a pas
composée en entier, mais qu'il n'a fait que
retoucher celle qu'il trouvait en usage dans
son Eglise, y ajouter quelques prières, en cor-
riger quelques autres, sans en altérer le fond.
« La conformité de cette liturgie avec les au-
tres liturgies anciennes, dit l'abbé Bergier, dé-
montre que toutes ont été faites sur un modèle
primitif, suivi depuis les temps apostoliques. »
BASILE (ordre de saint). G'est le plus
ancien des ordres religieux. Saint Basile, nous
l'avons déjà dit, n'est pas, à proprement par-
ler , le fondateur du monachisme , puisque
longtemps avant lui il y avait des anacho-
rètes en Egypte, en Syrie, etc. ; mais il peut
être considéré comme le précepteur de la vie
cénobitique, qu'il s'efforça de substituer à la
vie solitaire. L'ordre de saint Basile a con-
stamment fleuri en Orient et s'y est maintenu
depuis le ivc siècle. Presque tous les religieux
connus sous le nom de caloyers suivent ce
qu'on appelle la règle de saint Basile. Quaut
à l'Occident, cette règle n'a commencé à y
être professée expressément que dans le
xte siècle. Rufin avait, il est vrai, traduit les
Ascétiques (Bègles et constitutions de saint
Basile), presque à l'instant de leur publication ;
mais il n'en résulta pas un établissement so-
lide et une copie fidèle des moines de l'Orient.
Des usages et des règles différentes prirent
naissance ; au xie siècle, la règle de saint Be-
noît commença à devenir universelle. Ce ne
fut que vers l'an 1057 que des moines de saint
Basile vinrent s'établir dans l'Occident. Gré-
goire XIII les réforma en 1579 et mit les reli-
gieux d'Italie, d'Espagne et de Sicile sous une
même congrégation. Dans ce même temps, le
cardinal Bessarion, Grec de nation et religieux
de cet ordre, réduisit en abrégé les règles de
saint Basile et les distribua en vingt-trois ar-
ticles.
La règle de saint Basile se distinguait de
celle des premiers moines occidentaux par
une plus grande austérité. L'abbé Bergier fait
remarquer à ce sujet que le climat de l'Orient
comporte plus '.de sobriété, exige moins de
nourriture que le nôtre. « On y mange, dit-il,
très-peu de viande; les légumes, les herbes
potagères, les fruits y sont plus succulents et
plus nourrissants que chez nous; le peuple y
vit en plein air, presque sans aucune couver-
ture, sans aucun besoin des précautions qu'on
observe dans les pays septentrionaux. La ma-
nière de vivre des moines de la Thébaïde était,
à proprement parler, la vie des pauvres eu
Egypte. Du reste, la longue durée de cette
règle prouve qu'elle n'est pas d'une rigueur
aussi outrée, pour les pays où elle s'est ré-
pandue, qu'on serait tenté de le croire.
BASILE de Cilicie , prêtre de l'Eglise
d'Antioche, au temps où Flavien en occupait
le siège et qu'Anastase gouvernait l'empire. Il
avait écrit une Histoire ecclésiastique divisée
en trois livres, suivant Photius, depuis Mar-
cien jusqu'au commencement du règne de
Justin, de Thrace. L'auteur y faisait usage
des lettres que les évêques s étaient écrites,
ce qui embarrassait la narration : son style
était trivial et incorrect. Cet ouvrage est cité
par Nicéphore, au commencement de son His-
toire ecclésiastique. Basile était aussi auteur
d'un traité contre Nestorius et d'un dialogue
contre Jean de Scythopolis. Photius nous a
conservé une analyse de ces ouvrages, qui
sont perdus aujourd'hui.
BASILE, archevêque de Séleucie, en Isaurie,
mort vers 458 , dans un âge très-avancé.
Nommé archevêque vers 440, il combattit
l'hérésie d'Eutychès au concile de Constanti-
nople, en 448 ; mais à celui d'Ephèse, qui eut
lieu peu de temps après, il se prononça dans
un sens diamétralement opposé, souscrivit au
rétablissement d'Eutychès et anathématisa
les deux natures en Jesus-Christ. Déposé au
concile de Chalcédoine, en 451, il reconnut
son erreur et fut rétabli sur son siège. Dans
la conférence de 533, on lui donne le titre de
bienheureux; Photius le qualifie de même,
mais l'Eglise ne le compte pas au nombre des
saints. On a publié, sous le nom de Basile de
Séleucie, quarante discours ou homélies sur
des sujets de l'Ancien Testament; on cite,
entre autres, l'homélie sur le Sacrifice a" Abra-
ham. Sur ces quarante discours, quinze seule-
ment lui sont attribués par Photius, qui les
apprécie ainsi : » Le style de ses discours est
animé, plein de feu, d'une cadence plus égale
que celle d'aucun autre écrivain grec ; seule-
ment, l'excessive accumulation d'ornements
en rend la lecture fatigante. Ce n'est point là
le langage de la nature. »
Outre ces discours, qui sont ordinairement
réunis à ceux de saint Grégoire le Thauma-
turge, publiés en 1626, l vol., on lui attribue
un Eloge de saint Etienne, une Lettre à l'em-
pereur Zenon et une Vie de sainte Thècle, en
vers.
BASILE Ier, surnommé le Macédonien, em-
pereur d'Orient, né en 813 près d'Andrinople,
en Macédoine, mort en 886. Fils d'un homme
du peuple, il fut d'abord fait prisonnier par
les Bulgares; puis, rendu à la liberté, il gagna
Constantinople dans un état de profonde mi-
sère. Il fut recueilli par le gardien d'une
église, qui le plaça, comme écuyer, chez un
des officiers de l'empereur Michel III. Son ha-
bileté à dresser les chevaux lui acquit les
bonnes grâces de ce dernier, et en peu de
temps, il fut élevé au poste de chambellan
(861). Craignant l'influence du patrice Bar-
das, qui n'avait pas vu sans déplaisir sa for-
tune rapide, il résolut de perdre cet ennemi
dangereux, le dénonça à l'empereur comme
faisant partie d'une conspiration imaginaire,
et bientôt même il le tua de sa propre main
dans le cours d'une expédition. De retour à
Constantinople , Michel l'associa à l'empire
(866). Peu de temps après, Basile ayant voulu
ramener l'empereur à des sentiments plus
humains au sujet d'une horrible exécution
qu'il avait ordonnée, Michel fut profondément
irrité de trouver un censeur dans celui qui
lui devait tout, et résolut de le faire mourir.
Instruit secrètement de ce projet, Basile en
prévint l'exécution en poignardant l'empe-
reur, au sortir d'un repas où celui-ci s'était
enivré (867). Arrivé au pouvoir suprême, Ba-
sile montra de grandes qualités, que son passé
était loin de faire prévoir. Il s'efforça de réta-
blir la paix dans l'Etat et dans l'Eglise, de
faire refleurir la justice, de réformer les abus,
d'introduire l'économie dans les finances, épui-
sées par les profusions de son prédécesseur.
11 battit les Sarrasins en Orient, en Italie,
s'empara de Césarée et consolida la paix de
l'empire en faisant des traités avec les bar-
bares. Désireux de mettre un terme aux dis-
cussions religieuses, il rétablit dans le patriar-
cat saint Ignace , que Photius avait fait
chasser pour prendre sa place, puis, à la mort
du premier, en 878, il replaça Photius sur le
siège patriarcal. Ce dernier finit par le capti-
ver entièrement par ses adulations, et surtout
en lui faisant une g'énéalogie dans laquelle il
lui attribuait une origine illustre. Il essaya
alors de porter le trouble dans la famille im-
périale et de perdre dans l'esprit de l'empe-
reur son fils, Léon le Philosophe, qu'il accusa
de méditer un parricide. Basile fut même sur le
point de faire mourir ce jeiiiw* prince. On dit
qu'il en fut empêché parla voix d un perroquet,
qu'on avait habitué à répéter : Pauvre Léon ! Le
père et le fils se réconcilièrent, et l'innocence
de ce dernier fut ensuite reconnue. Après un
règne de vingt ans, il mourut d'une dyssen-
terie ou, selon d'autres, d'une blessure que
lui fit un cerf à la chasse. On a de Basile,
outre quelques Lettres, des Avis à son fils
Léon le Philosophe , publiés dans YImperium
orientale du P. Banduri. Cet ouvrage, où
l'on trouve la morale la plus pure, a été tra-
duit en français par D. Porcheron (îeso) et
par l'abbé Gavleaux, en 1782. A l'exemple da
Justinien, Basile avait fait, en 877, un recueil
des lois, en quarante livres, auxquels son suc-
cesseur en ajouta vingt autres. C'est cette
compilation qui est connue sous le nom de
Basiliques.
BASILE, surnommé le Patricien, vivait dans
la première moitié du xo siècle, sous l'empe-
reur Constantin Porphyrogénète, dont il était
chambellan. Il avait composé un traité Sur
la Tactique navale, dont on ne possède qu'un
fragment. Ce fragment, qui a été publié en
grec par Fabricius (Bibl. grœca, t. VIII, p. 136,
vet. éd.), a été mentionné avec éloge, pour
la première fois, par Gabriel Naudé, dans sa
Bibliograph. militât., p. 63.
BASILE, dit le Jeune, vécut très-probable-
ment dans le x<s siècle. Il a composé, sur les
discours de saint Grégoire du Nazianze, des
commentaires considérables qui sont en par-
tie inédits. Boissonade, dans jes Notices et
Extraits des manuscrits (t. XI, p. 55), a pu-
blié les scolies sur les deux Stéliteutioues de
saint Grégoire, avec l'épïtre dédicatoire que
Basile a mise en tête du recueil entier ; épître
qui avait déjà paru, mais d'une manière moins
correcte, dans le catalogue de Bandini. Ces
commentaires , qui ont été fort vantés par
Fabricius et par d'autres savants, sont con-
servés à la Bibliothèque impériale de Paris,
dans plusieurs manuscrits du x« siècle, par
conséquent à peu près contemporains de
l'auteur.
BASILE, surnommé l'Oiseau, mort en 961,
était né dans une condition des plus hum-
bles; néanmoins, selon quelques-uns, il devait
le jour à l'empereur Romain-Lécapène . qui
l'avait eu d'une esclave bulgare. Quoi qu il en
soit, Basile, grâce à la souplesse de son esprit
et à ses intrigues , parvint à exercer une
grande influence sur l'empereur Constan-
tin VII Porphyrogénète, qui partageait le
trône avec Romain-Lécapène. Ayant reçu le
commandement de la garde étrangère, il con-
tribua puissamment à 1 exil et à la chute de ce
dernier, dont il fit aussi bannir les fils, et
Constantin devint alors seul maître de l'em-
pire. Après la mort de l'empereur ( 959 ) ,
Basile , mécontent de son fils et succes-
seur, Romain II le Jeune, ourdit une conspi-
ration pour le renverser et se faire proclamer
à sa place (96l). Le complot ayant été décou-
vert, Basile fut arrêté ; mais il fut presque
aussitôt frappé d'aliénation mentale et tran-
sporté dans Pile de Proconèse, où il mourut
peu de temps après.
BASILE II, empereur d'Orient, né eu 958,
mort en 1025, était fils de Romain II ou le
Jeune. Il monta sur le trône en 976, après la
mort de Jean Zimiscès, qui l'avait reconnu
pour son 'successeur avec son frère Constan-
tin Porphyrogénète. Celui-ci, esclave de ses
plaisirs et dépourvu de tout talent, abandonna
à Basile les soins du gouvernement, afin de
pouvoir se livrer plus librement à la débau-
che, et ne conserva que les marques exté-
rieures du pouvoir. Pendant les premières
années de ce double règne, l'eunuque Basile
et Bardas Sclérus se disputèrent l'autorité, et
ce dernier finit même par entrer en révolte
ouverte ; mais il fut vaincu en Perse par le
général Bardas Pliocas. L'empereur Basile
passa presque tout sou règne à faire aux Bul-
BAS
gares une guerre d'extermination. La pre-
mière expédition qu'il entreprit se termina
par un échec et une révolte. Ce même Bar-
das Phocas, nui avait battu Bardas Selérus,
profita de la défaite de Basile pour se faire
proclamer empereur en Asie ; mais il fut
vaincu à son tour près d'Abydos, en 986, ce
qui rendit la paix intérieure à l'empire. Basile
résolut alors de venger la défaite que lui
avaient fait essuyer les Bulgares; il les vain-
quit à plusieurs reprises, en tua 5,000 dans
une bataille (1013) et leur fit 15,000 prison-
niers. Les historiens rapportent de lui, a cette
occasion, un trait de cruauté aussi bizarre
qu'effroyable, qui a fait donner à ce prince le
surnom de Bulgaroctone. Ayant divisé ces
15,000 prisonniers par groupes de 100, il or-
donna qu'on crevât les deux yeux à 99 et un
œil seulement au centième, puis il renvoya
tous ces malheureux, dans leur pays, chaque
centaine étant ainsi conduite par un borgne.
En revoyant ses soldats dans cet état affreux,
le roi des Bulgares, Samuel, en mourut, dit-on,
de douleur. Les Bulgares, épouvantés d'un
tel acte de barbarie, et craignant un pareil
sort en cas de guerre nouvelle, reconnurent, en
1017, Basile pour leur souverain. Le patriarche
Sergius le somma alors de remplir deux vœux
par lesquels il s'était engagé solennellement :
le premier, de se faire moine; le second, de di-
minuer les impôts. Basile composa avec le
prélat, et un peu aussi avec sa conscience; il
lui parut suffisant de porter un habit de moine
sous ses ornements impériaux, de promettre
la continence et l'abstention de viande ; quant
aux impôts, de nouveaux ennemis exigeaient,
au contraire, de nouveaux sacrifices. Il se dis-
posait à faire la guerre aux Sarrasins, qui ra-
vageaient la Palestine et différentes parties
de l'empire, lorsqu'il mourut après un règne de
cinquante ans. Pendant Ce long intervalle de
temps, les lettres et les sciences tombèrent
dans la plus profonde décadence, les impôts
furent augmentés pour suffire aux besoins de
la guerre, les éléments divers de la prospérité
générale furent complètement négligés; aussi
cette époque reçut-elle à juste titre Je nom de
siècle de fer.
BASILE, hérésiarque bulgare, mort en ms.
Il était médecin, lorsqu'il lui passa par l'esprit
de devenir un réformateur religieux. A l'exem-
ple de Jésus-Christ, il s'entoura de douze dis-
ciples qui adoptèrent ses idées, lui aidèrent a
les répandre, et il ne tarda pas à être le chef
d'une secte dont les membres prirent le nom
de liogomiles (du slavon bog, Dieu, etmilotti,
ayez pitié de moi), parce qu'ils balbutiaient
sans cesse quelque prière en implorant la mi-
séricorde de Dieu. Basile, dont la doctrine se
rapproche, par certains cotés, de celle des pau-
liniens, annonçait que Dieu avait une forme
humaine, et attaquait la Trinité en disant
qu'avant Jésus-Christ, Dieu avait eu un fils,
Sataniel, qui s'était révolté contre lui, que le
Christ avait enfermé dans l'enfer, et qui n'était
autre que Satan. D'après lui, le monde avait
été créé par les mauvais anges, l'archange
Michel s'était incarné, et tous ses disciples
concevaient et enfantaient le Verbe divin. A
l'exception des psaumes et des prophéties, il
rejetait tout l'Ancien Testament; il niait la ré-
surrection, ainsi que tous les mystères catho-
liques ; ne voyait dans la vie et les souffrances
du Christ qu une pure apparence; repoussait
Teucharistie, le baptême, toutes les prières, à
l'exception de l'oraison dominicale, le culte
des images, l'usage des églises'. Il traitait les
Pères, les évêques et les catholiques de pha-
risiens; les moines, de renards cachés dans
leurs tanières; enfin, il se prononçait contre
le mariage et admettait la communauté des
femmes. Extrêmement corrompu sous de
trands dehors d'austérité, Basile répandit sa
octrine avec circonspection. Elle commençait
à s'étendre dans le peuple bulgare, et elle s'é-
tait déjà glissée au sein de quelques familles
considérables, lorsque l'empereur de Constan-
tinople, Alexis Comnène, en fut instruit. Sous
le prétexte qu'il était désireux d'entendre Ba-
sile et de s'instruire d# ses idées réformatri-
ces, Alexis le rit venir à Constantinople. Avec
la dissimulation qui lui était habituelle, il
l'accueillit avec distinction, et Basile, ayant
perdu toute défiance, se mit à exposer de-
vant lui ses divagations théologiques. Pen-
dant ce temps, un secrétaire caché derrière
un rideau reproduisait son discours, qui de-
vint son acte d'accusation. Un synode fût
convoqué pour le juger. Basile comparut de-
vant cette assemblée et fut condamné à périr
dans les flammes. L'empereur essaya vaine-
ment, à plusieurs reprises, de l'amener à se
rétracter; tout fut inutile, menaces ou pro-
messes. Il monta sur le bûcher, bien con-
vaincu, disait-il, que les anges viendraient le
délivrer, Le peuple de Constantinople de-
manda, dit-on, qu'on fît partager son supplice
à ses sectateurs. L'empereur se contenta de
les faire jeter en prison. Il chargea le moine
Enthyme Zygabène de réfuter les erreurs de
Basile dans son ouvrage intitulé Orthodoxœ
fidei panoplia, etc. Le concile de Constanti-
nople de 1143 condamna encore deux évêques
comme bogomiles, et la secte s'éteignit vers
cette époque en se confondant avec celle des
Bulgares.
BASILE, dit d'Achrida, archevêque de Thes-
salonique vers le milieu du xne siècle, 11 a
composé l'oraison funèbre d'une princesse
d'Allemagne qui avait épousé un prince de la
cour d'Orient. Cette pièce, qui est inédite, se
BAS
trouve dans la bibliothèque de l'Escurial. On
connaît aussi une lettre de Basile en réponse
au pape Adrien, oui lui avait écrit pour l'en-
gager à favoriser la réunion des deux Eglises
et lui recommander, en même temps, les deux
nonces qu'il envoyait à Manuel Comnène.
Cette lettre a été imprimée plusieurs fois. On
la trouve, notamment, dans le code du droit
gréco-romain, qui contient également une ré-
ponse du même Basile à une question qui lui
avait été proposée par le grand sacellaire de
Durazzo, touchant les mariages dans les de-
grés de consanguinité. La Bibliothèque impé-
riale de Paris possède un manuscrit de ce
dernier opuscule. (V. l'article que Fabricius a
consacré h cet écrivain : Bibl. gr. t. IX,
p. 11.)
BASILE, surnommé Mégalomites ou mieux
Mégalomytes, poëte grec du moyen âge, sans
qu'il soit possible de préciser l'époque où il
vivait. 11 a composé quarante-trois énigmes
en vers de douze syllabes , énigmes qui ont
été publiées par Boissonade, dans le troisième
volume de ses Anecdûta grœca, d'après deux
manuscrits de la Bibliothèque impériale de
Paris.
BASILE (Jean-Baptiste), poëte napolitain,-
mort en 1637, était comte de Tortone et gen-
tilhomme du duc de Mantoue. On a de lui,
sous le titre de Opère poetiche (Mantoue ,
1613), des madrigaux, des odes, des églogues,
de petits poëmes, etc. Il a publié, en outre, en
dialecte napolitain, sous l'anagramme de Gian
Alesio Abbattutis, le Muse napolitane (Naples,
1635), comprenant neuf églogues; Lo Cunlo
de li Cunti, ouvero h trattenemiento de H Pec-
cerille (Naples, 1637), ouvrage plein d'histo-
riettes et de proverbes, qui a été traduit en
italien vulgaire. Basile a donné quelques édi-
tions d'auteurs, notamment de Pietro Bembo
(1615), et l'on trouve de lui divers mor-
ceaux en prose, à la suite du poBme la Vajas-
séide par César Cortese. — Sa sœur, Adrienne
Basile, se fit une grande réputation "de son
temps , non-seulement par sa beauté , mais
comme poëte et surtout comme excellente
musicienne. Elle épousa un nommé Muzio Ba-
roni, et fut la mère de la célèbre Leonora Ba-
roni. On a d'elle un livre de poésies, intitulé
Composizioni in versi, dont Nicolas Toppi fait
mention dans sa Dibliotheca Napolitana. Elle
a publié, en 1637, un poëme laissé par son
frère sous le titre de Teagène.
BASILE, prince de Moldavie au xvue siè-
cle. Originaire d'Albanie, il épousa la fille de •
Kiemielnisky, hetman des Cosaques, et acheta
à prix d'or de la Porte ottomane le droit de
gouverner, c'est-à-dire d'exploiter à son
profit la Moldavie. Les habitants de cette pro-
vince, indignés de ses exactions et de sa ty-
rannie, se révoltèrent bientôt contre lui et
l'expulsèrent, après avoir mis à leur tête
Etienne XII, dit Burduse ou le Gros. Basile
se rendit alors près de son beau-père pour en
obtenir des secours. Kiemielnisky, adonné à
l'ivrognerie, se contenta, après avoir écouté
son gendre, de lui offrir une coupe remplie de
koumi ou lait de cavale fermenté, dont il fai-
sait sa boisson favorite. « J'avais cru jus-
qu'ici, lui répondit Basile avec indignation,
que les Cosaques étaient hommes et engen-
drés par des hommes; mais je vois qu'il n'y a
que trop de fondement à ce qu'on dit parmi
nous, que les Cosaques sont des ours chan-
gés en hommes, ou que, d'hommes qu'ils
étaient, ils sont devenus ours. » Depuis oette
époque, on n'entendit plus parler de Basile.
BASILE de Soissons , théologien français,
né dans cette ville au xvne siècle. Il entra
dans l'ordre des capucins , habita plusieurs
années l'Angleterre, en qualité de mission-
naire , et composa plusieurs ouvrages de
controverse religieuse, notamment : Défense
invincible de la présence réelle de Jésus-Christ,
prouvée par près de 300 arguments, etc. (Paris,
1676); la Véritable décision de toutes les con-
troverses, etc. (1685); la Science de bien mou-
rir (1686).
BASILE VALENTIN, Un des plus fameux
alchimistes du moyen âge. i Ce nom, qui est
un des plus célèbres dans l'histoire des origi-
nes de la chimie, dit Jean Reynaud, semblable
à ces noms mythiques de 1 antiquité, ne se
rapporte à aucun individu que l'on puisse dé-
terminer d'une façon précise. Il se trouve en
tête d'un assez grand nombre d'ouvrages d'al-
chimie , mais plusieurs raisons portent à
croire que tous ces ouvrages ne sont pas de
la même main. L'usage de se cacher sous le
voile d'une devise ou d'un pseudonyme était
assez commun parmi les hermétiques du
moyen âge. La célébrité de Basile Valentin
une fois commencée, un grand nombre d'a-
deptes ont pu s'accorder à ranger leurs trai-
tés sous sa bannière. Basile Valentin serait
donc, en chimie, ce que sont, en poésie, Ossian
et Homère. Plusieurs villes et plusieurs siè-
cles se sont disputé l'honneur de sa uais-
sance. On le fait vivre soit au xiie, soit au
xvie siècle, soit entre les deux. » Presque
tous les biographes prétendent que Basile
Valentin était un moine bénédictin, qui vécut
dans l'un des couvents d'Erfurth, en Prusse, et
que sa naissance remonte aux dernières années
du xrve siècle. Un des ouvrages publiés sous
son nom, le Char triomphal de l'antimoine,
nous apprend qu'il naquit en Alsace, sur les
bords du Rhin, et que sa jeunesse fut em-
ployée à divers longs voyages en Angleterre,
en Hollande et en Espagne, où il fit unpèleri-
BAS
nage à Saint- Jacques de Compostelle. Quel-
ques critiques ont pensé qu'il n'avait point
existé d'alchimiste du nom de Basile Valentin ;
que ce nom, formé du mot grec Sw.Xsoî
(roi) et-du latin valens (puissant), désignait al-
légoriquement la puissance de l'alchimie, ou
la propriété merveilleuse du régule. Tout ce
qui concerne Basile Valentin s'enveloppe de
mystère, et la découverte de ses œuvres elles-
mêmes a été attribuée par les adeptes à une
espèce de miracle, qui semble, au fonà, dit
M. Pouchet, n'être qu'une réminiscence des
traditions de l'art sacré. Ils racontent que, la
foudre ayant brisé l'une des colonnes de l'é-
glise d'Erfurth , on trouva au milieu de ses
débris une boite remplie d'une poudre jaune,
semblable à de l'or, et contenant des manu-
scrits, qui n'étaient autres que les ouvrages du
célèbre alchimiste bénédictin.
Quoi qu'il en soit de Basile Valentin et des
fables dont il a été l'objet, l'auteur des écrits
publiés sous ce nom, passe, à juste titre,
comme le créateur de la médecine métallique.
On sait qu'il employa, le premier, l'antimoine
comme médicament. Presque toujours, après
avoir décrit la préparation des substances, il
en indique l'usage médical. On comprend, du
reste, que les doctrines alchimiques devaient
naturellement conduire les adeptes à enrichir
la thérapeutique de nouveaux remèdes, no-
tamment de préparations métalliques, ^'al-
chimie donnant le moyen de perfectionner les
métaux vils , il était naturel de demander à la
même influence le perfectionnement physique
de l'homme, c'est-à-dire la santé et la longé-
vité : de là l'usage des élixirs, des panacées
dont l'action sur le corps humain devait être
analogue à celle qu'exerçait la substance
merveilleuse au moyen de laquelle l'alchimie
prétendait changer le métal vil en or. N'y
avait-il pas tout a espérer de l'emploi en thé-
rapeutique des préparations de l'or , du métal
parfait par excellence? Les préparations d'an-
timoine n'étaient-elles pas excellentes pour
chasser ies impuretés du corps de l'homme, de
même que l'antimoine cru sépare de l'or toutes
ses impuretés? Il faut remarquer que, dans la
pensée des alchimistes, l'homme est l'abrégé
et le but de la nature ; que le grand monde
(macrocosme) a été fait pour l'homme . pour le
petit monde (microcosme), de sorte que l'homme
commande, règne et domine sur toutes les
créatures terrestres et en tire les utilités qu'il
désire ; qu'il y a une harmonie préétablie entre
nos besoins et les propriétés des substances que
produit la nature ; que notre devoir, notre
mission, est de suivre les traces et d'étudier
les efforts de cette nature qui travaille pour
nous, de saisir les secrets de ce travail, et
d'être ses coopérateurs, afin de parfaire et de
rendre utilisable ce qu'elle ne peut perfection-
ner d'elle-même sans une longue préparation.
Cette conception finaliste de !a nature expli-
que parfaitement le grand nombre des travaux
auxquels se livrèrent les alchimistes, les phar-
maciens, les médecins, les naturalistes, etc.,
avec l'intention d'augmenter le nombre des
médicaments, soit en recherchant ceux-ci dans
les produits naturels, soit en soumettant ces
mêmes produits à des opérations chimiques
propres à en modifier la nature et les pro-
priétés.
Parmi les ouvrages de Basile Valentin, le
Char triomphal de l'antimoine (Currus trium-
phalis antimonii) est un de ceux qui ont eu
le plus de retentissement. Il est consacré à
l'histoire de l'antimoine, et l'auteur y parle de
son sujet avec un enthousiasme sans bornes.
Pour lui, ce métal, à peine indiqué avant lui,
est l'une des merveilles du monde. Il proclame
que l'antimoine a été créé pour purifier et
purger les hommes ; qu'il est, pour notre es-
pèce, la source de la richesse et de la santé.
Le livre se termine par une violente diatribe
contre tous les médecins et apothicaires du
temps qui ne reconnaissent pas les extraordi-
res vertus du médicament nouveau. « Ah !
vous autres, pauvres et misérables gens, mé-
decins sans expérience et prétendus doc-
teurs, qui écrivez de longues ordonnances sur
de grands morceaux de papier; vous, mes-
sieurs les apothicaires, qui faites bouillir des
marmites aussi vastes que celles qu'on met au
feu chez les grands seigneurs pour préparer
à manger à plusieurs centaines de personnes;
vous tous qui avez été si longtemps aveugles,
laissez-vous donc frotter les yeux et rafraî-
chir la vue, afin que vous guérissiez de votre
aveuglement, et que vous puissiez enfin
apercevoir les objets dans un miroir fidèle. »
Dans le même traité, Basile Valentin décrit
plusieurs préparations chimiques d'une grande
importance, par exemple, celle de l'esprit de
sel ou de notre acide chlorhydrique, qu'il ob-
tenait, comme on le fait aujourd'hui , au
moyen du sel marin et de l'huile de vitriol
(acide sulfurique). Il donne le moyen d'obte-
nir de l'eau-de-vie en distillant le vin et la
bière, et rectifiant le produit de la distillation
sur du tartre calciné (carbonate de potasse).
. Il enseigne à retirer le cuivre de sa pyrite
(sulfure), en la transformant d'abord en vitriol
de cuivre (sulfate de cuivre) par l'action de
l'air humide, et plongeant ensuite une lame de
fer dans la dissolution aqueuse de ce produit.
« Cette opération, que Basile Valentin indiqua
le premier, dit M. Figuier, fut souvent mise
à profit plus tard par les alchimistes, qui, ne
pouvant comprendre le fait de la précipitation
du cuivre métallique, s'imaginaient y voir
une transmutation, du fer en cuivre, ou du
BAS
307
moins un commencement de transmutation
que l'art pouvait perfectionner. ■ Le Char
triomphal de l'antimoine offre certaines obser-
vations physiologiques exactes sur la respira-
tion des animaux. Nous y lisons que l'air at-
mosphérique est nécessaire à tous, même aux
poissons, et que si ceux-ci périssent lorsque
les étangs ont leur superficie entièrement
couverte de glace, c'est qu'ils manquent de
l'air indispensable pour l'entretien de la vie.
Un autre traité de Basile Valentin, intitulé
Haliographie ou Traité sur les sets, contient
un grand nombre de faits chimiques intéres-
sants, relatifs aux composés salins. La prépa-
ration etles propriétés explosives de l'air ful-
minant y sont décrites; l'auteur signale les
dangers de cette substance : ■ Gardez-vous,
dit-ù, de la faire dessécher au feu, ou seule-
ment à la chaleur du soleil, car elle disparaî-
trait aussitôt avec une violente détonation.
Cette science naissante est alliée aux spé-
culations les plus bizarres du mysticisme.
Pour Basile Valentin, les péchés de l'homme
sont comme le résidu de la sublimation de ses
parties célestes ; nous sommes salés sur la
terre, à cause de nos péchés, jusqu'à ce que,
putréfiés par le temps, nous soyons ranimés
par la chaleur divine; c'est cette chaleur
divine qui nous clarifie, nous élève par une
sublimation céleste, et nous sépare de nos
fèces, de nos impuretés. L'or, le métal par-
fait, est semblable à Jésus-Christ; Jésus-
Christ n'a pas eu besoin de mourir , mais
il est mort volontairement, et il est res-
suscité pour faire vivre éternellement avec
lui ses frères et sœurs sans péché. Ainsi, l'or
est sans tache, fixe, glorieux, et pouvant su-
bir toutes les épreuves; mais il meurt à cause
de ses frères et sœurs imparfaits et malades ;
bientôt, ressuscitant glorieux, il les délivre et
les teint pour la vie éternelle ; il les rend par-
faits en 1 état d'or pur.
Parmi les autres ouvrages attribués à Basile
Valentin, nous citerons : De microcosmo deque
magno mundi mysterio, et medicina hominis
(Du Microcosme, du grand mystère du monde
et de ia médecine de l'homme); Duodecim Cla-
ves philosophicœ (les Douze clefs philosophi-
ques); Tractatus chimico-philosophicus de
metallis et mineralibus (Traité chimico-philo-
sophique des métaux et des minéraux). Les
œuvres de Basile Valentin ont été réunies
sous ce titre Scripta chimica (1700).
BASILE, ÉE adj. (ba-zi-lé — du lat. basis,
base). Bot. Elevé sur une base proéminente,
comme les poils de l'ortie dioïque.
BASILÉE s. f. (ba-zi-lé — du gr. basileia,
reine). Bot. Genre d'iridées, syn. du genre
eucomis : Les basilées sont des plantes d'a-
grément. (Massey.) Quelques auteurs donnent
ce nom à une espèce de fritillaire.
BASILÉE, fille aînée d'Uranus et de Titée,
et sœur des Titans, succéda à son père, et
épousa son frère Hypérion. Elle en eut un
fils et une fille, Hélios et Séléné (le Soleil et
la Lune). Ses autres frères, par jalousie con-
tre elle, noyèrent Hélios dans l'Eridan. Basi-
lée, dans le délire de sa douleur, parcourut
alors tout l'univers à la recherche de son fils.
On essaya de l'arrêter ; mais aussitôt il tomba
une grande pluie, accompagnée des retentisse-
ments de la foudre, pendant lesquels Basilée
disparut. Le peuple lui éleva des autels et lui
offrit des sacrifices, au son des tambours et
des cymbales, rappelant les éclats du tonnerre
au moment de sa disparition. Basilée a été
aussi appelée quelquefois Magna Mater (la
Grande Mère), parce qu'elle avait élevé tous
ses frères et toutes ses sœurs. Ce mythe pa-
raît être une variante de celui de Cybèle; on
y reconnaît aussi quelques traits des comètes
déifiées. C'est à Diodore que nous devons la
tradition qui concerne Basilée.
BASILÉOLÂTRE s. m. (ba-zi-lé-o-lâ-tre —
du gr. basileus, roi- latria, culte). Hist. ec-
clés. Celui qui accorde aux rois et aux puis-
sances de- la terre le culte et l'adoration
qu'on ne doit qu'à Dieu seul : Les Homains
devinrent basileolâtres.
BASILÉOLÂTRIE S. f. (ba-zi-lé-o-là-trî —
rad. basiléolâtré). Hist. ecclés.Culto religieux
rendu à un prince.
BASILEUS (mot grec qui signifie roi). Sur-
nom sous lequel Neptune était adoré à Trézène,
et que l' Anthologie donne aussi à Apollon.
BASIL1 ou BASILY (D. André), composi-
teur italien, mort en 1775. Il appartenait à
l'école romaine et devint maître de chapelle
de l'église Notre-Dame dans la ville de Lo-
retta. On a de lui une grande quantité de
morceaux de musique sacrée. M. Fétis pos-
sède de ce compositeur huit messes à quatre
voix et deux à huit voix. On trouve à Rome,
dans la bibliothèque de l'abbé Santini, entre
autres œuvres, cinq offertoires, un Miserere à
huit voix et un autre à douze. Basili a fait graver
sur cuivre un ouvrage composé exprès pour ses
élèves, et intitulé : Mitsica universale armonico
pratica, consistant en vingt-quatre exercices
moyens et mineurs pour le clavecin. — Son
fils François basili ou BASiLV,né à Loretteen
1766, mort à Rome en 1850, est un des com-
positeurs les plus féconds de l'Italie. Il ter-
mina ses études musicales à Rome, sous la
direction du savant Jannaconi, "et, presque
aussitôt après, il fut nommé maître de clia-
Î>elle à Foligno, où il commença à écrire pour
a théâtre. Appelé, vers ISOO, à occuper la
308
BAS
BAS
BAS
BAS
même place à Macerata, il se maria avec une
riche dame de cette ville, dont il eut un fils et
cinq filles, et il délaissa presque complète-
ment la musique. S'étant séparé de sa femme
par suite de dissensions domestiques, il revint
a son ancienne carrière et entra comme maî-
tre de chapelle à Santa-Casa de Lorette. En
1827, Basih fut nommé censeur du conserva-
toire impérial de Milan; puis, en 1837, le cha-
pitre de Saint-Pierre du Vatican l'appela à
Rome pour succéder à Fioravanti, en qualité
de maître de chapelle de cette église, fonction
qu'il exerça assidûment jusqu'à sa mort.
M. Fétis, qui le vit à Rome dans un âge
avancé, raconte qu'il fut frappé de l'isolement
dans lequel vivait cet artiste remarquable,
découragé de ne pouvoir restaurer la bonne
musique d'église, faute de moyens d'exécution
suffisants. 1/ignorance des musiciens de la
chapelle était telle, disait Basili, qu'il ne pou-
vait leur faire entreprendre l'étude de ses
propres ouvrages, et qu'il était obligé de leur
faire chanter les choses qu'ils avaient dans la
mémoire. Basili a laissé une quantité prodi-
gieuse décompositions en musique profane ou
religieuse. 11 nous estimpossible d'en donnerici
la nomenclature, qui offrirait, du reste, peu
d'intérêt. Nous nous bornerons à citer, parmi
ses opéras qui ont eu le plus de succès : La
Bella Incognito. (1788); la Locandiera Antigona ;
Conviene Adatiarsi, etc. ; et parmi ses mor-
ceaux de musique religieuse, sa belle messe
de Requiem exécutée à Rome en 1816, pour les
obsèques de Jannaconi.
BASILIA, ville de la Gaule, dans la Grande
Séquanaise , cbez les Helvétiens. Elle fut
construite avec les débris d'Augusta Raura-
corum, la ville romaine qu'Attila détruisit.
Aujourd'hui Bâle en Suisse. Il Nom d'une autre
ville de la Gaule Belgique, chez les Rémi, en-
tre les villes modernes de Prosnes et Saint-
Hilaire.
BASILIC s. m. (ba-zi-lik — du gr. basilis-
Jcos, dimin. de basileus, roi, à cause du pré-
tendu pouvoir qu'on lui attribuait, ou parce
qu'on a cru longtemps qu'il avait sur la této
des éminences en forme de couronne). Rep-
tile fabuleux dont lo regard était mortel, et
qu'on disait sorti d'un œuf de coq couvé par
un crapaud ; Un regard, des yeux de basilic-.
Les artistes du moyen âge représentaient le
basilic sous la forme d'un coq ayant une queue
de dragon. Suivant plusieurs Pères de l'Eglise,
ifi basilic était l'image de la femme débauchée,
parce que sa vue seule suffisait pour corrompre.
Dans les psaumes, le basilic est placé, comme
animal malfaisant, à coté de l'aspic, du lion et
du dragon. C'est une ancienne croyance popu-
laire, encore existante chez les paysans, que
les vieux coqs pondent quelquefois un œuf qui
éclat dans le fumier et produit une espèce par-
ticulière de basilic. (Quitard.) On croyait que
le basilic se tuait lui-même quand Use regar-
dait dans une glace. (Quitard.) Pline assure
que le serpent nommé basilic a la voix si ter-
rible, Qu'il fait peur à toutes les autres espèces.
(Dumcril.) Aux époques de crédulité, les char-
latans vendaient aux curieux ignorants de pe-
tites mies façonnées en forme de basilics.
(D'Orbigny.)
Dasilics brûlants,
Qui dans vos yeux étincelanta
Portez un venin redoutable. -
G'odeau.
•=- Fig. Regard, ail de basilic, Regard mé-
chant, haineux, terrible : Voyez-la, quel re-
gard du basilic/ (Alex. Dum.)
— Erpét. Genre de reptiles sauriens, voisin
des iguanes, et caractérisé par une crête qui
s'étend depuis la nuque jusqu'à la queue,
comme une nageoire dorsale. Il n'a non do
commun avec le reptile fabuleux que les an-
ciens désignaient sous le môme nom. Le ba-
silic habite la Guyane : Le basilic se nourrit
de limaçons et dinsectes. (Duméril.) On a
étendu quelquefois la dénomination de basilic
à dos genres voisins, tels que les istiures.
— Artill. Gros canon , grosse couievrine
qui n'est plus en usage aujourd'hui.
— Encycl. Le basilic, dont le nom, quand
on voulait évoquer l'idée des monstres les
plus malfaisants, se joignait souvent aux noms
de l'aspic, du dragon et du lion : Super aspi-
dern et basiliscum ambulabis, et conculcabis
leonem et draconem, était une sorte de dragon
en miniature, dont la morsure, toujours mor-
telle, était moins à craindre encore que le re-
gard. Ce qu'il y avait de singulier dans les
idées qu'on se faisait du pouvoir fatal attaché
■aux regards de ce reptile, c'est que ce pou-
voir se trouvait neutralisé si l'œil de l'homme
ou d'un animal quelconque prévenait celui
du basilic : tout animal sur lequel se fixait le
regard du monstre tombait à l'instant foudroyé,
à moins que celui-ci n'eût été déjà aperçu par
l'animal, auquel cas le regard devenait com-
plètement inoffensif.Mais oli pouvait en outre
tourner contre le basilic lui-même les funestes
effets de son regard, en lui présentant un mi-
roir : dès qu'il voyait sa propre figure, réfléchie
par la surface polie du métal ou du verre, il
était tué sur le coup. Quelques-uns croyaient
aussi que les femmes étaient hors de ses attein-
tes, et qu'elles pouvaient le saisir vivant Sans
aucun danger. Heureusement, les basilics n'é-
taient point des animaux communs : une opi-
nion assez généralement répandue les faisait
naître d'un œuf pondu par un coq et couvé par
un crapaud; or, les oeufs de coq ont toujours été
rares et les crapauds couveurs ne le sont pas
moins. Quoi qu'il en soit, on voyait des basilics
dans les cabinets de certains prétendus sa-
vants ; on en voyait aussi chez les apothicai-
res, qui prétendaient s'en servir pour compo-
ser leurs remèdes les plus merveilleux. On
sait aujourd'hui que tous ces basilics n'étaient
rien autre chose que de petites raies, façon-
nées en forme de dragons par d'habiles char-
latans, qui les vendaient ensuite fort cher.
Mais Borel est celui de tous les auteurs qui
a le plus extravagué sur la puissance mysté-
rieuse du basilic. Ajoutons toutefois que cette
extravagance ne se manifeste que par compa-
raison : dans ses Centuries, il parle d'un indi-
vidu dont les regards étaient doués d'une si
redoutable malignité, qu'ils faisaient périr les
petits enfants, desséchaient les mamelles des
nourrices, les plantes et les fruits, corrodaient
et perçaient toute espèce de verre, et, ajoute
malicieusement M. Quitard, auquel nous em-
pruntons ce détail, quel embarrasn'auraitpas
éprouvé cet homme basilic s'il eût été obligé
de porter des lunettes !
— Erpét. Linné donna îe nom de basilic
(lacerta basiliscus) h un genre de la famille
des iguaniens, sous-famille des pleurodontes
Comme les ophryesses, ils manquent de pores
aux cuisses, ont des dents au palais, et leur
corps est couvert de petites écailles ; mais ils
s'en distinguent par une crête continue, que
soutiennent les apophyses épineuses des ver-
tèbres. Ils ont en outre, sous le cou, un
rudiment de fanon ; les membres de der-
rière sont très-allongés, les doigts grêles, la
queue longue et comprimée. On connaît deux
espèces de basilics : le basilic à capuchon
(mitratus), originaire d'Amérique et vivant
sur les arbres a la Guyane, à la Martinique,
au Mexique ; le dessus du corps est d'un brun
fauve, le dessous est blanchâtre; et le ba-
silic à bandes (vHtatus), originaire du Mexi-
que, et portant sur le dos six ou sept bandes
noires.
BASILIC s. m. (ba-zi-lik — du gr basili-
kos, royal). Bot. Genre delà famille des labiées
et do la tribu des ocymoidées , comprenant
une quarantaine d'espèces exotiques, dont
plusieurs sont cultivées dans nos jardins po-
tagers : Comme le thym, le basilic commun
sert de condiment à nos -mets. (Thiébaut de
Bcrncaud.) Le basilic est, comme le thym,
presque uniquement consacré à servir de con-
diment et d'aromate. (Richard.) Il Rasilic sau-
vage. V. Clinopodk, serpolet et thym.
— Encycl. Le genre basilic présente les ca
ractêres suivants : calice â deux lèvres, dont
la supérieure est large et entière, et l'infé-
rieure a quatre dents aiguBs ; corolle renver-
sée, à deux lèvres, comme le calice : la:
supérieure quatrilobée , l'inférieure plus lon-
gue et crénelée; quatre étamines, recourbées
vers la partie intérieure de la fleur : deux
d'entre elles sont munies d'un petit appendice
à leur base. Ce genre comprend une quaran-
taine d'espèces, presque toutes originaires de
l'Inde. Ce sont do jolies plantes, tantôt herba-
cées, tantôt ligneuses, et non moins remar-
quables par la beauté de leur feuillage que
par la suavité de leur parfum. Les principales
espèces cultivées dans nos jardins sont : Le
basilic commun (ocymum basiliscum) ; c'est une
plante annuelle, très-aromatique; à tige droite,
carrée, rameuse etrougeàtre, haute d'environ
0 m. 30 ; à feuilles ovales, d'un vert foncé,
pétiolées, cordiformes, légèrement ciliées et
dentées sur leurs bords; à fleurs blanches ou
purpurines, suivant les variétés. Cette espèce
n'est pas seulement une plante d'agrément,
c'est aussi un végétal utile : on l'emploie dans
les apprêts culinaires aux mêmes usages que le
thym. Dans Ce cas, il faut arracher le basilic
avant la floraison et le réduire en poudre lors-
qu'il est desséché. Les feuilles avec les fleurs
servent à faire une liqueur, analogue au thé,
que l'on dit être salutaire et assez agréable. On
peut semer le basilic commun depuis le mois de
février jusque vers la mi-juillet, sur couche ou
en pleine terre, suivant la saison et le climat.
Comme le basilic pousse beaucoup de petites
racines, il épuise très-vite l'humidité de la
terre, et il lui faut de fréquents arrosements.
Les replantations doivent avoir lieu, autant
que possible, par un temps humide ou couvert,
et seulement lorsque la tête de la plante com-
mence à se former. Le basilic supporte par-
faitement la taille: on peut conserver très-
longtemps le même pied, en se servant de ce
moyen pour l'empêcher de fleurir. Le petit ba-
silic (ocymum minimum) ; cette espèce est une
des plus jolies; on la cultive dans des pots,
que l'on place ensuite dans les appartements
pour les parfumer; ses feuilles ovales, vertes
ou violettes, suivant les variétés, forment une
petite boule de verdure haute à peine de 0 m. 20;
I ses fleurs sont petites et blanches. Le ba-
silic à grandes (leurs (ocymum ftlamentosum
I ou grandi florum) ; il est originaire de l'Afrique;
c'est un petit arbuste toujours vert, à fleurs
rares et blanches, à étamines très-longues et
à feuilles ovales. Par une exception remar-
quable, cette espèce n'a pas, comme les au-
tres basilics, une odeur agréable ; on la cul-
tive en serre chaude. Le basilic à odeur
suave (ocymum suave); cette plante, d'une
odeur extrêmement agréable, à tige ligneuse,
. haute d'environ 0 m. 45, est originaire de l'A-
byssinie; ses feuilles sont grandes, ovales et
dentées ; ses fleurs terminales en épi verti-
cillé, grandes et d'un blanc rosé, sont munies
p de longues étamines violacées. Cette espèce,
I l'une des plus belles du genre, est malheureu- .
sèment difficile à conserver l'hiver dans nos
serres chaudes, où elle exige une assez grande
sécheresse -, on la multiplie de graines ou de
boutures. Le basilic de Ceylan (ocymum gra-
lissimum ) ; c'est une petite plante ligneuse ,
exhalant une odeur très-forte, à feuilles blan-
châtres en dessous et vertes par-dessus, à
fleurs blanches et penchées. On désigne sous
le nom de basilic sauvage plusieurs autres
Ïilantes de la famille des labiées, telles que,
es clinopodes, les thyms, etc.
BASILI CA ou VASILICO, village de la Grèce
moderne, diocèse et à 20 kil. N.-O. de Co-
rinthe, près de l'embouchure de l'Asbpos dans
le golfe de Corinthe. Ce village, ch.-l. du
dême de Sicyone, est bâti sur 1 emplacement
de l'antique cité de ce nom; on y voit encore
une des tours carrées de la citadelle helléni-
que, le théâtre, et le stade, dont les assises
sont de construction cyclopéenne.V. Sicyone.
BASILICAIRE s. m. (ba-zi-li-kè-re — rad.
basilique). Hist. ecclcs. Officier qui assistait
un prélat officiant.
BASILI CATE, province de l'Italie méridio-
nale, sur le golfe de Tarente, entre le pays
d'Otrante, la Terre de Bari, la Capitanate, la
Principauté-Ultérieure et la Calabre; elle a
125 kil. de long sur 85 kil. de large et 517,314
hab. ; ch.-l. Potenza, villes principales Melli et
Lagonegro; elle est divisée en quatre districts
et arrosée par le Bradano, le Basiento et l'A-
gri; rivières qui descendent des dernières ra-
mifications des Apennins. Climat tempéré;
sol montagneux, boisé, et, quoique mal et peu
cultivé, fertile en maïs, chanvre, légumes et
vins ; soie, coton ; nombreux bétail. La Basi-
licate comprend la moyenne partie de l'an-
cienne Lucanie.
BASILICO (Cyriaque), poëte italien, né à
Naples au xviie siècle. Il a publié, sous le ti-
tre de / Successi di Eumolpione, une traduc-
tion en vers du Satyricon de Pétrone, et,
sous celui de II Morelto, la traduction en vers
libres du Aforetum, attribué à Virgile par les
uns et à Cornélius Severus par d'autres. Ces
deux traductions ont paru en un volume
(Naples, 1S78).
BASILICO (Jérôme), jurisconsulte et litté-
rateur italien, né à Messine, mort en 1670. Il
habita successivement la Sicile et l'Espagne,
où il se signala non-seulement comme juris-
consulte, mais encore par son goût pour les
belles-lettres et par son érudition. Appelé à
occuper le poste de juge au tribunal suprême
de son île natale, il devint en même temps
membre des académies de Messine et de Pa-
ïenne. Outre quatre Discours académiques , pu-
bliés de 1654 à 1662, et des Panégyriques du
roi Charles II, du duc de Sermoneta, etc., on
a de lui un ouvrage de droit intitulé : Deci-
siones criminales magnœ reyiœ curiœ regni
Siciliœ (Florence, 1691, in-folio).
BASILICON s. m. (ba-zi-li-kon — du gr.
basilikos, royal; souverain). Pharm. Nom
commun à plusieurs drogues qui passaient
pour avoir une efficacité souveraine, il Nom
particulier d'un onguent qui passe pour fa-
voriser la formation du pus : J'appliquai un
petit emplastre de basilicon, de peur que la
plaie ne s'agglutinast. (A. Paré. ) Il On dit
aussi basilicum.
— Encycl. L'onguent basilicon passait au-
trefois pour posséder une grande vertu; on le
croyait éminemment propre à favoriser la for-
mation du pus. Les anciens apothicaires le
vendaient aussi sous le nom de tetrapharma-
con, de deux mots grecs qui signifient quatre
médicaments ou drogues. Il était en effet com-
posé de quatre substances : résine de pin,
poix noire, cire jaune et huile d'olive. Les
pharmaciens modernes l'ont remplacé par d'au-
tres compositions plu3 réellement efficaces.
Basilicon Daron , traité de politique et
de morale, par Jacques Ier, roi d Angleterre.
Le premier des Stuarts qui monta sur le trône
d'Angleterre a laissé des ouvrages plus esti-
més que sa mémoire, et parmi lesquels le Basi-
licon Doron (don ou présent royal) tient le
premier rang. C'est à tort qu'on a dit, à propos
de cet ouvrage, qu'il y a des auteurs dont le
nom fait vivre les livres ; l'œuvre de Jacques I«
méritait de vivre, car elle présente nombre
de faits intéressants au point de vue histo-
rique, et elle fait voir ce prince sous un jour
nouveau. Le Basilicon Doron est dédié à
Henri, fils aîné de Jacques, Le roi, dans son
épitre au jeune prince, lui parle en ces termes,
empruntés à une vieille traduction française
très-fidèle et très-naïve : « Et afin que cette
instruction soulage votre mémoire, je l'ai di-
visée en trois parties. La première vous dira
votre devoir envers Dieu comme chrétien; la
seconde , votre devoir envers votre peuple
comme roi ; et la dernière vous enseignera
comment vous avez à vous porter es choses
communes et ordinaires de notre vie , les-
quelles do soi ne sont ni bonnes ni mauvaises,
sinon en tant que l'on en use bien ou mal, et
qui serviront toutefois à augmenter votre ré-
putation et autorité, si vous en usez bien. »
Le roi s'adresse ensuite au lecteur, auquel il
explique les motifs qui l'ont porté à rendre
public cet ouvrage, primitivement destiné à
son fils et à ses confidents. La première partie
du livre royal, Devoirs d'un roi chrétien envers
Dieu, renferme des maximes à coup sûr ex-
cellentes, mais communes ; on n'y trouve guère
de remarquable que les passages relatifs à
l'athéisme et à la superstition, « deux lèpres»
qu'il condamne également. La seconde partie,
Devoirs d'unroi en sa charge, s'ouvre par un bel
exorde : c'est la morale du Télémaque ensei-
gnée avec autorité par une bouche royale.
Jacques semble être un prophète, quand il
écrit ses paragraphes sur la mort d'un bon roi
et sur celle d'un tyran, o Et ores qu'il y en ait
(des rois) que la déloyauté des sujets fait
mourir avant le temps (ce qui arrive rarement)
si est-ce que leur réputation vit après eux ; et
la déloyauté de ces traîtres est toujours suivie
de sa punition en leurs corps, biens et renom-
mée; car l'infamie en reste même à leur pos-
térité. Mais, quant au tyran, sa méchante vie
arme et anime enfin ses sujets à devenir ses
bourreaux. Et, bien que la révolte ne soit ja-
mais loisible de leur part, si evt-on si las et
rebuté de ses déportements, que sa chute n'est
guère regrettée par la plupart de son peuple,
moins par ses voisins. Et, outre la mémoire
honteuse qu'il laisse au monde après soi, et
les peines éternelles qui l'attendent en l'autre,
il arrive souvent que les auteurs de cet assas-
sinat demeurent impunis, et le fait ratifié par
les lois, approuvé par la postérité. > Ce que
dit un peu plus loin Jacques 1er de la faction
puritaine explique la théorie du droit divin,
qu'il fit si malheureusement soutenir dans la
suite. N'ayant vu que les troubles et les déso-
lations occasionnés par le principe mal appli-
qué de la souveraineté du peuple, il se réfugia
dans le droit divin, ne se trouvant pas assez
en sûreté dans le principe de l'hérédité monar-
chique. Il parle de Marie Stuart, sa mère, et
montre combien il avait été sensible à sa mort
tragique ; il fait aussi une peinture fidèle des
malheurs de l'Ecosse. Ensuite, il discute sur
la noblesse, il en examine les défauts et les
qualités. Le système du roi sur les grandes
charges de l'Etat est d'un esprit judicieux. A
l'égard des classes industrielles, il devance
les idées de son siècle : il veut « que l'on
donne et que l'on publie toute liberté de com-
merce aux étrangers. » Voilà, certes, un pré-
décesseur de Cobden, que peu de gens con-
naissent pour tel. Après avoir recommandé à
son fils la pureté dans le mariage, conseil que
Charles Ier n'eût que gagné à suivre, Jacques
parle avec horreur de certaines dépravations,
ce qui ferait penser que, sur ce point encore, il
a été calomnié. La faiblesse envers des favoris
ne suppose pas nécessairement la corruption :
quand on est livré à des vices honteux, on sa
tait plutôt que de faire, avec l'accent de la vé-
rité, l'éloge des vertus contraires : le voile des
paroles couvrirait mal la rougeur du front. La
troisième partie du Basilicon Doron : Des dé-
portements d'un roi es choses communes et
indifférentes, amuse par sa naïve'.é. Jacques
instruit son fils à être attentif à sa grâce et
façon a table : Henri ne doit être ni friand ni
gourmand; il doit éviter l'ivrognerie, vice qui
croît avec l'âge et ne meurt qu'avec la vie :
suivent des recommandations de toutes sortes
sur les moindres habitudes de la vie.
Quant aux jeux et aux exercices, Jacques
veut que son fils y mette du choix-, il recom-
mande la course, le saut, l'escrime, la paume,
et surtout l'équitation. Il pernitt également la
chasse, mais la chasse à courre, qu'il trouve
plus noble et plus propre à un prince. Le pas-
sage suivant est certainement le plus remar-
quable de cette troisième partie, et contient
des préceptes sur le bien dire et sur le bien
écrire, qui sont encore vrais de nos jours.
• Quant au langage, mon fils, soyez franc en
votre parler, naïf, net, court et sentencieux,
évitant ces deux extrémités, ou de termes
grossiers et rustiques, ou de mots trop re-
cherchés qui ressentent l'écritoire... Si votre
esprit vous porte à composer ou en vers ou
en prose, c'est chose que je ne veux blâmer.
N'entreprenez point de trop longs ouvrages;
que cela ne vous divertisse de votre charge.
Pour écrire dignement, il faut élire un sujet
digne de vous, plein de vertu et non de va-
nité, vous rendant toujours clair et intelligible
le plus que vous pourrez. Et si ce sont vers,
souvenez-vous que ce n'est la partie princi-
pale de la poésie de bien rimer et couler dou-
cementavec mots bien propres et bien choisis;
mais plutôt, lorsqu'elle sera tournée en prose ,
d'y faire voir une riche invention des fleurs
poétiques et des comparaisons belles et judi-
cieuses, afin que la prose même retienne le
lustre et la grâce du poëme. Je vous aviso
aussi d'écrire en votre langue propre; car il
ne nous reste quasi rien à dire en grec et en
latin, et prou de petits écoliers vous surpas-
seront en ces deux langues. Joint qu'il est
plus séant à un roi d'orner et enrichir sa langue
propre, en laquelle il peut «t doit devancer
tous ses sujets, comme pareillement en toutes
autres choses honnêtes et recommandables. »
Ces derniers conseils sont curieux : ce roi au-
teur, qui s'exprimait avec tant d'emphase de-
vant ses parlements, montre ici du goût et de
la mesure. Son ouvrage finit par une grande
vue : Jacques croit que tôt ou tard la réunion
de l'Ecosse et de l'Angleterre produira un
puissant empire. Henri , à qui le Basilicon
Doron est adressé, mourut à 1 âge de dix-huit
ans. S'il eût vécu, Charles 1er n'eût pas ré-
gné, les révolutions de 1643 et 1688 n'auraient
S eut-être pas eu lieu, et le monde changeait
e face.
BASilicule s. m. (ba-zi-li-cu-le — dimin.
de basilique). Nom donné anciennement aux
reliquaires qui avaient la forme d'une petite
église.
BAS
BAS1LICUS SINUS, nom ancien d'un petit
golfe situé sur la côte occidentale de l'Asie
Mineure, et qui séparait la Carie de l'Ionie. Il
porte aujourd'hui le nom de baie de Gazicla.
BAS1LIDE, chef d'une des écoles philoso-
phieo-religieuses d'Alexandrie, né en Egypte
selon les uns, en Perse ou en Syrie selon
d'autres, mort vers 130 de notre ère. Instruit
par Ménandre dans la doctrine des gnostiques,
il l'enseigna d'abord a Alexandrie; mais il ne
tarda pas à y introduire en plusieurs points
des modifications importantes et à se former
un système particulier- Trouvant que le chris-
tianisme avait subi de profondes altérations,
il résolut de le ramener à son véritable sens,
et de le compléter au moyen des anciennes
doctrines de la Perse et de l'Egypte. La
philosophie de Platon était extrêmement en
vogue à Alexandrie; la religion chrétienne y
avait été prêchée avec succès, et les sectes
séparées du christianisme y avaient pénétré.
Les philosophes s'occupaient surtout alors de
la question de l'origine du mal; Basilide en
chercha l'explication dans les livres des phi-
losophes, dans les écrits de Simon, dans l'é-
cole de Ménandre, chez les chrétiens même.
Rien ne le satisfit pleinement; il se forma
donc lui-même un système, composé des prin-
cipes de Pythagore, de ceux, de Simon, des
dogmes chrétiens et de la croyance des Juifs.
Suivant Basilide, le monde n'avait point été
créé immédiatement par l'Etre suprême; mais
par des intelligences émanées de l'Etre su-
prême. C'était aussi l'opinion de Simon, Mé-
nandre et Saturnin, qui trouvaient dans cette
doctrine un moyen facile d'expliquer l'origine
du monde et celle du mal. Mais il ne suffisait
pas alors d'expliquer comment le mal phy-
sique s'était introduit dans le monde; il fallait
rendre raison des misères et des désordres des
hommes, expliquer l'histoire des malheurs des
Juifs, faire comprendre comment l'Etre su-
prême avait envoyé son Fils sur la terre pour
sauver les hommes. Voici quels étaient les
principes de Basilide sur tous ces points :
Dieu, le Père incréé, a engendré la Raison;
la Raison a engendré le Verbe ; le Verbe a pro-
duit la Prudence ; la Prudence a produit la
Sagesse et la Puissance ; la Sagesse et la
Puissance ont produit les Vertus, les Domina-
tions, les anges.
Les anges sont de différents ordres ; le pre-
mier de ces ordres a formé le premier ciel, et
ainsi de suite jusqu'à trois cent soixante-cinq.
Les anges qui occupent le dernier des cieux
ont été préposés à fa formation du monde.
Mais ici Basilide nous montre deux principes
en présence : le principe du bien et le prin-
cipe du mal, et même l'action de ce dernier
est plus efficace dans la création que celle du
bon principe; l'origine du péché est toute
naturelle après cela.
Les anges du dernier ciel se sont partagé
l'empire du monde, et le premier d'entre eux a
eu les Juifs en partage. Mais comme il voulut
soumettre toutes les nations aux Juifs pour
dominer le monde entier, les autres anges se
sont ligués contre lui, et tous les peuples sont
devenus ennemis des Juifs. Comme on le voit,
ces idées étaient conformes à la croyance des
Hébreux, qui étaient persuadés que chaque
nation était protégée par un ange.
Depuis que l'ambition des anges avait armé
les nations, les hommes étaient malheureux.
L'Etre suprême eut pitié de leur sort et réso-
lut d'envoyer son premier fils, l'Intelligence,
Jésus, pour délivrer ceux qui croiraient en lui.
Selon Basilide, le Sauveur avait fait des
miracles; cependant il ne croyait pas que
Jésus-Christ se fût incarné. Pour expliquer
l'état d'humiliation et de souffrance auquel le
Christ avait été réduit pendant sa vie, il pré-
tendit que Jésus n'avait que l'apparence d'un
homme, qu'il avait pris la figure de Siméon le
Cyrénéen, et qu'ainsi les Juifs avaient cru-
cifié Siméon à la place du Christ. Basilide
croyait encore qu'on ne devait pas souffrir la
mort pour Jésus-Christ, parce que, Jésus-
Christ n'étant pas mort, mais bien Siméon le
Cyrénéen, les martyrs ne mouraient pas pour
Jésus-Christ, mais pour ce dernier. Il ad-
mettait que l'union de l'âme avec le corps
était un état d'expiation, et que l'âme se puri-
fiait de ses fautes en passant successivement
de corps en corps jusqu'à ce qu'elle eût satis-
fait a la justice divine : voilà bien la métemp-
sycose.
Pour se rendre compte des combats de la
raison et des passions, Basilide, comme les
pythagoriciens, croyait que nous avons deux
âmes': une âme proprement dite et une ani-
male. Quant à sa morale, elle peut se résumer
ainsi : Aimer tout comme Dieu , ne rien haïr
ni ne rien désirer ; telle est la règle du sage.
Fort attaché aux rêveries de la cabale, Ba-
silide attribuait une grande vertu au mot
abraxas, dont les lettres, selon la numération
grecque, exprimaient le nombre 365. Pytha-
gore, dont Basilide suivait les principes, re-
connaissait l'existence d'un Etre suprême qui
avait formé le monde. Ce philosophe, voulant
connaître le but de Dieu dans la formation du
monde, étudia et observa attentivement la
nature , pour en découvrir les lois et pour saisir
le fil qui lie entre eux les événements. Ses pre-
miers regards se portèrent vers le ciel, où les
desseins de l'auteur de la nature semblent se
manifester plus clairement. Il y découvrit un
ordre admirable et une harmonie constante ;
il jugea que cet ordre et cette harmonie étaient
BAS
les rapports qu'on apercevait entre les dis-
tances des corps célestes et leurs mouvements
réciproques. La distance et les mouvements
sont des grandeurs; ces grandeurs ont des
parties, et les plus grandes ne sont que les
plus petites multipliées un certain nombre
de fois.
Ainsi, les distances et les mouvements des
corps célestes s'exprimant par des nombres,
et 1 intelligence suprême, avant la production
du monde, ne les connaissant que par des
nombres purement intelligibles, c'est donc,
selon Pythagore, sur le rapport que l'intelli-
gence suprême apercevait entre les nombres
intelligibles qu'elle avait formé et exécuté le
plan du monde.
Le rapport des nombres entre eux n'est
point arbitraire. Le rapport d'égalité entre
2 fois 2 et 4 est un rapport nécessaire, indé-
pendant, immuable. Puisque l'ordre des pro-
ductions de l'intelligence dépend du rapport
qui est entre les nombres, il y a des nombres
qui ont un rapport essentiel avec l'ordre et
l'harmonie, et l'intelligence suprême suit dans
son action les rapports de ces nombres, et ne
peut s'en écarter.
La connaissance de ce rapport, ou ce rap-
port lui-même, est donc la loi qui dirige l'in-
telligence suprême dans ses productions, et
comme ces rapports s'expriment eux-mêmes
par des nombres, on suppose dans les nom-
bres une puissance capable de déterminer l'in-
telligence suprême à produire certains effets
plutôt que d'autres.
D'après ces idées, on se demanda quels
nombres plaisaient le plus à l'Etre suprême.
On vit qu'il y avait un soleil, on jugea que
l'unité était agréable à la divinité; on vit sept
planètes, on conclut que le nombre 7 était
agréable à l'intelligence suprême.
Telle était la philosophie pythagoricienne,
répandue dans l'Orient pendant le i" siècle
et le h» siècle du christianisme, et qui dura
longtemps après.
Basilide, grand partisan de Pythagore, cher-
cha, comme les autres, les nombres qui plai-
saient le plus à l'Etre suprême; il remarqua
que l'année renfermait trois cent soixante-
cinq jours, et en déduisit que le nombre 365
était le nombre le plus agréable à l'intelli-
gence créatrice.
Pythagore avait enseigné que l'intelligence
créatrice du monde résidait dans le soleil ;
Basilide conclut que rien n'était plus propre à
attirer les influences bienfaisantes de cette
intelligence que l'expression du nombre 365,
et comme les nombres s'exprimaient par les
lettres de l'alphabet, il y choisit les lettres
dont la suite pourrait donner 365, et cette
suite de lettres forma, comme nous l'avons déjà
dit, le mot abraxas. On fit graver ce nom sur
des pierres qu'on nomma des-abraxas, et on y
joignit, le plus souvent, l'image du soleil, pour
expliquer la vertu qu'on attribuait à ce talis-
man. On cite un abraxas qui représente un
homme monté sur un taureau, avec cette in-
scription : « Remettez la matrice de cette
femme en son lieu, vous qui réglez le cours
du soleil. »
Basilide avait composé vingt-quatre livres
sur les Evangiles, ainsi qu'un Evangile où il
exposait ses doctrines, et qui portait son nom ;
enfin, des prophéties qu'il attribuait à un per-
sonnage fictif, nommé Barcoph. Il ne reste de
ses écrits que quelques fragments des vingt-
quatre livres, publiés dans Te Spicilegium de
Crabe. Il enseignait sa doctrine par une initia-
tion progressive, et en établissant des classes
d'initiés plus nombreuses que celles des autres
écoles gnostiques. Le plus remarquable de ses
disciples fut son fils Isidore, qui sépara de
plus en plus sa doctrine des idées chrétiennes.
BASILIDES, peuplade de la Sarmatie, euro-
péenne, formant la principale tribu des laziges
et habitant la contrée qui avoisine les cata-
ractes du Borysthëne (Dnieper).
BASILIDIA, nom ancien d'une des îles Vul-
caniennes, près de la côte de Sicile; c'est'
aujourd'hui l'Ile BaSiluzzo.
BASILIDIEN, ENNE adj. (ba-zi-li-di-ain,
è-ne — rad. Basilide). Qui appartient à la
secte gnostique de Basilide, qui est l'ouvrage
de eette secte : Ouvrage basilidien.
— Antiq. Pierres basilidiennes, Pierres sur
lesquelles les gnostiques basilidiens gravaient
les symboles de leurs doctrines : Les pierres
basilidiennes, considérées en elles-mêmes, sont
fort imparfaitement connues. (Maury.) On a
souvent mal à propos confondu des monuments
basilidiens avec des pierres gui appartiennent
à d'autres doctrines. (Maury.) il On les appelle
aussi ABRAXAS.
— s. m. Gnostique de la secte de Basilide.
BASILIDION s. m. (ba-zi-li-di-on). Pharm.
Onguent contre la gale.
BASILIEN, IENNE adj. (ba-zi-li-ain, i-è-ne
— de saint Basile). Hist. ecclés. Relatif à l'ordre
de saint Basile .La plupart des religieux grecs
Sont HASILIENS.
— Substantiv. Religieux ou religieuse de '
l'ordre de Saint-Basile.
BASILIEN, gouverneur romain de la pro-
vince d'Ugypte, au me siècle. Il se trouvait
dans son gouvernement, lorsque l'empereur
Caracalla tut tué par Macrin, préfet du pré-
toire, en 217. Appelé par ce dernier, devenu
empereur, à le remplacer dans la charge de
BAS
préfet, ii allait partir, quand des messagers
apportèrent la nouvelle de la révolution qui
venait de porter Héliogabale à l'empire (218).
Il les fit mettre à mort, comme porteurs d'une
fausse nouvelle; mais le fait s'étant trouvé
vrai, Basilien dut se réfugier en Italie. Trahi
par un ami, il fut conduit devant le nouvel
empereur, et condamné par ce dernier à la
peine capitale (21S).
basilinde s. f, (ba-zi-lain-de). Antiq. gr.
Sorte de jeu qui, chez les Grecs, consistait à
tirer au sort un roi du festin, et dont notre
roi do la fève paraît être un souvenir.
BAS1LINE, deuxième femme de Jules Cons-
tance, mère de l'empereur Julien, morte en
331. D'abord convertie au christianisme, elle
protégea l'Eglise d'Ephèse; mais ayant em-
brassé l'hérésie d'Anus, elle . persécuta les
chrétiens orthodoxes et fit exiler saint Eu-
trope, évêque d'Andrinople.
BASILINNE s. f. (ba-zi-li-ne — du gr. basi-
linna, reine). Ornith. Genre d'oiseaux-mou-
ches, appelés aussi émeraudes. Syn. de po-
lyhne.
BÀSIMPPO ou BASILIPPfJM, ville de l'an-
cienne Espagne, dans la Bétique, près d'IIis-
palis (actuellement Séville).
BASILIO DA GAMA (José), poëte brésilien,
né en 1740, mort vers 1795. Son œuvre la plus
remarquable est un poème épique, l'Uruguay,
sur les guerres des Portugais contre les indi-
gènes du Paraguay soulevés par les jésuites
(175C). .
BASILIQUE s. f. (ba-zi-li-ke — du gr. basi-
likos, royal). Antiq. gr. Palais du roi.
— Antiq. rom. Edifice où l'on rendait la
justice et qui servait aux mêmes usages que
les bourses de nos jours : Dans les basiliques
des Romains se réunissaient des marchands et
des juges; elles furent converties en églises par
les chrétiens. (Vitet.) La forme des basiliques
était celle d'un carré oblong, avec un portique
à chaque extrémité. (Millin.)
— Aujourd'hui, très-grande église, église
principale : Ils allèrent voir les ouvriers occu-
pés à bâtir l'immense basilique consacrée à
saint Pierre. (Balz.) Hélène avait fait enfer-
mer le sépulcre de Jésus-Christ dans une basi-
lique circulaire de marbre. (Châteaub.) La
basiliques de Saint-Paul existe encore aujour-
d'hui, telle que la firent construire Constantin
et Théodose. (Millin.) D'une basilique bysan*
Une descend une procession de prêtres, ayant en
tête le pape porté sur sa chaise pontificale.
(Th. Gaut.)
Aux vitraux diaprés des sombres basiliques,
Les flammes du couchant s'éteignent tour a tour.
Th. Gautier.
— Adjectiv. : L'église basilique de Notre-
Dame de l'Assomption de Tolède. (Th. Gaut.)
— Eûcycl. I. — Basiliques grecques et ro-
maines. Le mot basilique est d'origine grec-
que; il est dérivé de basileus (pouu'Xstiî), qui
veut dire roi, et Vitruve nous apprend qu'on
s'en servit pour désigner de grandes salles qui
faisaient partie du palais des rois, et où ceux-ci
rendaient la justice. L'usage des basiliques fut
commun aux Grecs et aux Romains, et le nom
donné à ces édifices fut conservé lors même
qu'il n'y eut plus de rois qui rendissent la jus-
tice. Vitruve n'indique pas les différences de
construction qui pouvaient exister entre les
basiliques grecques et les basiliques romaines;
quelques auteurs ont cru. pouvoir inférer de
son récit qu'il n'y en avait aucune, mais cette
hypothèse est fort discutable. Il est certain
qu à Athènes, les lieux couverts où siégeaient
certains tribunaux n'avaient rien de commun
avec les édifices dont parle l'écrivain latin : le
tribunal des archontes, par exemple, tenait ses
audiences dans un portique qui avait reçu le nom
deportique royal (paoïXii-rj <rzoa.). On a découvert
à Pœstum les ruines d'un monument dans le-
quel des archéologues très-compétents, M. Qua-
tremère de Quincy entre autres, ont cru voir
un exemple des basiliques grecques. Ce mo- •
nument, deux fois plus long que large, comme
les grandes basiliques romaines, a neuf co-
lonnes sur chacune de ses faces, et dix-huit
dans chaque aile, en y comprenant les colonnes
des angles. Tout indique que l'édifice n'avait
point d'entrée principale, mais qu'il était ou-
vert de toutes parts. A la rencontre de la co-
lonne qui occupe le milieu du frontispice, s'a-
ligne une rangée de colonnes qui partage
l'enceinte en deux parties égales, et qui sou-
tenait vraisemblablement un toit en terrasse.
Le sol est plus élevé autour de cette colon-
nade centrale, et a dû être pavé avec quelque
recherche, comme le prouvent les mosaïques
qu'on y a découvertes. Cette espèce d'estrade
était probablement réservée aux principaux
citoyens, ou peut-être aux magistrats. Rien
dans cet édifice n'a révélé l'existence de murs
intérieurs ou de cella, ce qui le distingue par-
ticulièrement des temples. Ceux qui se refu-
sent à y voir une basilique s'appuient sur ce
que sa disposition n'est pas d'accord avec les
règles assignées par Vitruve aux construc-
tions de ce genre; mais ces règles n'avaient
rien d'absolu, puisque Vitruve s'en est écarté
lui-même dans la basilique qu'il construisit
à Fano. Les voici telles qu'il nous les a trans-
mises : « Les basiliques adjacentes au forum
doivent être établies dans l'exposition la plus
chaude, afin que les négociants qui les fré-
quentent pendant l'hiver y soient à l'abri des
intempéries de la saison. L'édifice ne doit pas
BAS
309
avoir en largeur moins de la troisième partie
de sa longueur, ni plus de la moitié, à moins
que le lieu ne permette point d'y observer ces
dimensions. Si l'emplacement a plus de lon-
gueur, on pratique aux extrémités des chalci-
diques(V. ce mot). Les colonnes ont en hauteur
la largeur des portiques latéraux (bas côtés), et
ceux-ci ont en largeur le tiers de l'espace du
milieu (grande nef). Les colonnes du second
ordre doivent être plus petites que celles d'en
bas, par la raison naturelle qui veut que les
objets diminuent de volume en raison de leur
élévation. Le second ordre sera posé sur un
piédestal continu formant un appui (pluteus) ou
balustrade assez élevée pour que les personnes
placées dans les galeries supérieures ne soient
pas vues par les marchands qui sont en bas.
Quant aux architraves, aux frises et aux cor-
niches, elles auront les proportions qu'on leur
donne dans les autres édifices. » On va voir,
par la description suivante que Vitruve nous
a laissée de la basilique de Fano, combien
l'ordonnance de cet édifice s'éloignait des
règles que nous venons de rapporter : > La
voûte du milieu a 40 mètres de long sur ?0 de
large. Les portiques latéraux ont 7 mètres de
large. Les colonnes avec leurs chapiteaux
mesurent 17 mètres de haut sur 2 de diamètre.
Elles ont derrière elles des pilastres de 7 mè-
tres de haut, larges de 1 mètre et épais do
0 m. 49, pour soutenir les poutres qui portent
les planchers des portiques. Sur ces pilastres
il y en a d'autres, hauts de 6 mètres, larges
de o m. 66 et épais de o m. 33, destinés à sou-
tenir les poutres qui portent le toit des se-
conds portiques. Ce toit est un peu plus bas
que la grande voûte. Les vides qui restent
entre les poutres posées sur les pilastres et
celles qui sont sur les colonnes, laissent passer
le jour dans les entre-colonnements. Sur cha-
que côté , dans la largeur de la grande voûte,
il y a quatre colonnes, y compris celles des
angles. Huit, en comptant aussi les angulaires,
occupent la longueur du côté contigu au fo-
rum ; mais l'autre côté n'en a que six , les
deux du milieu ont été supprimées pour ne
point masquer la vue du sanctuaire d'Auguste,
dont le pronaos, regarde le centre du forum et
le temple de-Jupiter. Dans le sanctuaire d'Au-
guste se trouve le tribunal disposé en hémi-
cycle; le demi-cercle toutefois n'est pas com-
plet, n'ayant que 5 mètres de profondeur sur
14 de front. Le tribunal a été placé dans cet
endroit, pour que les négociants qui ont affaire
dans la basilique n'incommodent point les plai-
deurs qui sont devant les juges Le toit,
formé d'une charpente qui repose sur les co-
lonnes, a quelque chose d'agréable à cause de
sa double disposition, savoir : celle du dehors,
qui est en pente, et celle du dedans, qui est en
berceau {testudo). On épargne beaucoup de
peine et de dépense en suivant cette manière
<le construire les basiliques. On supprime les
ornements qui sont au-dessus des architraves,
les appuis ou second ordre de colonnes, et
même ce rang de colonnes pour les galeries
supérieures. L'unité d'ordre et la grandeur
qui résulte de cette ordonnance ne l'ont que
donner à l'édifice un plus grand air de ma-
jesté et de magnificence. »
Les deux basiliques qui ont été découvertes
à Pompéi et à Herculanuin s'écartent, plus
encore que celle de Fano, des règles tracées
par Vitruve. Comme elles présentent à peu
près les mêmes dispositions, nous nous borne-
rons à décrire celle de Pompéi. Sa surface ne
forme pas un rectangle parfait : elle a 66 m. 60
au nord et 07 m. 08 au midi. La largeur est de
27 m. 35. L'édifice était isolé de trois côtés par
des rues plus ou moins larges. La façade, tour-
née à l'orient, se raccordait avec l'alignement
du forum, à l'aide d'un vestibule (pronaos) de
profondeur inégale à ses deux extrémités, qui
ont, l'une 5 m. 15, et l'autre 4 m. 55. On pénétrait
dans ce vestibule par cinq portes qui, pour se
fermer, plissaient dans des rainures entaillées
dans les pilastres de séparation, et qui res-
semblaient assez bien aux herses du moyen
âge. Deux piédestaux, adossés aux pilastres
du milieu, et les restes d'une statue en bronze
doré trouvés dans ce lieu, annoncent que cette
entrée était richement décorée. La basilique
avait en outre deux petites portes latérales,
Sercées au milieu des grands côtés. Quatre
egrés régnent dans toute la largeur du ves-
tibule; le plus élevé est partagé par quatre
colonnes, dont deux sont engagées dans des
piliers rectangulaires. Cinq baies, correspon-
dant aux cinq portes de la façade, s'ouvrent
entre ces colonnes et donnent accès à l'inté-
rieur de la basilique, qui est divisé en trois
nefs par deux rangées de colonnes. Dans l'état
actuel de l'édifice, il est assez difficile de se
faire une idée exacte de la hauteur qu'ont eue
les murailles. M. Breton (Pompeia et Hercula-
«um,p. 117) croit que la nef centrale n'a jamais
été couverte et qu'on doit y voir une espèce
d'area ou d'impluvium, comme en avaient les
atriums romains. Il est à remarquer que le
sol de cette nef, autrefois dallé en marbre, est
plus bas que celui des nefs adjacentes, et on
y a trouvé des fragments de chéneaux et
d'antéfixes qui, selon M. Breton, ne peuvent
avoir appartenu qu'à l'entablement du porti-
que, du côté de Varea. Les colonnes sont au
nombre de vingt-huit, et mesurent tl m. de
haut, tandis que li'S portiques latéraux n'ont
que 5 m. 85 de large; ce qui est tout à fait en
désaccord avec les prescriptions de Vitruve;
mais il est probable qu'ici, comme dans la ba-
silique de Fano, il n'y avait pas de second
ordre. Des colonnes d ordre corinthien, hautes
310
BAS
de 6 m. 90 seulement, sont engagées dans les
murailles des portiques latéraux ; il est pre-
nable, comme Va cru M. Breton, qu'au-dessus
de ces colonnes engagées et de ieur corniche,
dut régner une sorte d'attique avec des pilas-
tres atteignant la hauteur de l'architrave des
grandes colonnes et soutenant avec celles-ci
la charpente du toit : disposition qui paraît
avoir été employée par Vitruve dans la con-
struction de la basilique de Fano. Les grandes
colonnes, formées d'un noyau de briques re-
couvert de stuc, sont d'ordre ionique ; leurs
chapiteaux, en tuf volcanique, offrent beau-
coup d'analogie avec ceux du temrjle de Vesta,
dont on fait remonter la construction au pre-
mier siècle avant notre ère. Le nu des mu-
railles est décoré de refends peints à l'imita-
tion de marbres de différentes couleurs ; le
soubassement est formé de deux, larges bandes,
l'une rouge, l'autre noire, bordées de filets
jaunes, rouges, verts et blancs. Des débris de
statues, d'hermès, de vases, annoncent que la
sculpture jouait aussi un grand rôle dans
l'ornementation. Au fond de l'édifice est une
tribune qui, au lieu de s'arrondir en hémi-
cycle, forme une espèce de grand stylobate
rectangulaire, élevé de 2 mètres au-dessus du
sol du portique, orné de demi-colonnes et pré-
sentant à sa façade six petites colonnes à or-
dre corinthien. On pense que cette estrade ■
servait de tribunal au duumvir chargé de
rendre la justice : la chaise curule de ce ma-
gistrat se plaçait dans l'entre-colonnement du
milieu, qui est plus large que les autres. Ce
qui semble justifier l'hypothèse qu'il s'agit
bien ici du lieu consacré à l'exercice de la
justice , c'est qu'au-dessous de l'estrade est
pratiqué un véritable cachot, qui prend jour
extérieurement par deux soupiraux garnis de
barreaux de fer, et dans lequel on descend de
l'intérieur par deux escaliers placés de chaque
côté de la tribune.
Ainsi que nous l'avons dit , la basilique
d'Herculanum présente des dispositions à peu
près identiques k celles que nous venons de dé-
crire. C'est dans son vestibule qu'ont été trou-
vées les belles statues équestres des Balbus (v.
Ce nom), qui sont aujourd'hui au musée de Na-
ples. Son area est entourée de quarante-deux
colonnes. Les portiques latéraux se terminent
par deux vastes niches ou absides, que déco-
raient des peintures représentant Hercule et
Tëlèphe et Thésée vainqueur du Minotaure;
en avant de ces niches étaient des piédestaux
portant les statues d'Auguste et de Claudius
Drusus. Le stylobate rectangulaire qui servait
de tribunal était orné d'une statue de Vespa-
sien, entre deux figures assises qui ont été
brisées.
Ce serait une erreur de croire qu'il n'y eut
jamais que trois nefs dans les basiliques ro-
maines. Sans doute il en était ainsi, en gé-
néral ; mais on connaît des exemples de basi-
liques ayant quatre rangs de colonnes, et par
conséquent trois nefs. Telle était la basilique
de Trajan. La basilique Emilienne, dont les
dispositions nous sont en partie connues par
le plan antique de Rome, conservé au Capi-
tale, avait aussi quatre rangées de, colonnes;
mais comme on ne voit sur ce plan aucune-
indication de murs extérieurs, il serait pos-
sible que les portiques eussent été ouverts
de toutes parts, de même que dans le monu-
ment de Pœstum; et, dans ce cas, il n'y au-
rait eu réellement que trois grandes allées
dans cette basilique. Ces allées, bordées de
colonnes, aboutissaient à un vaste hémicycle
où siégeaient sans doute les juges; le mot
LIBERTATIS est écrit sur le plan, au-devant
de cette enceinte, qu'une triple rangée de co-
lonnes sépare de la nef ou area centrale.
Publius Victor dit qu'il y avait, de son temps,
dix-neuf basiliques à Rome. Ce nombre ne
doit pas étonner, car on sait qu'à chaque forum
fut adjoint une basilique, ou les rrigistrats
donnaient leurs audiences pendant la mau-
vaise saison. Pline le Jeune nous apprend de
quelle manière les juges et les assistants
étaient placés dans ces vastes édifices. Les
juges, dont le nombre s'élevait parfois à cent
quatre-vingts, se partageaient en quatre com-
pagnies ou tribunaux ; autour d'eux se pla-
Î:aient les jurisconsultes et les avocats, dont
e nombre était considérable, Les portiques
et les galeries supérieures étaient remplis
d'hommes et de femmes, qui , trop éloignés
pour entendre les jugements, se contentaient
de jouir du coup d ceil.
Les basiliques n'étaient pas seulement af-
fectées à l'exercice de la justice : chez les Ro-
mains, elles tenaient lieu des édifices aux-
quels les modernes donnent le nom de bourses ;
les commerçants s'y réunissaient pour con-
clure des marchés et causer d'affaires. C'est
ce qui explique pourquoi elles étaient presque
toujours bâties à côté d'un forum.
Les basiliques romaines dont il est le plus
souvent fait mention dans les auteurs sont :
îo la basilique Porcia, construite l'an 566 de
Rome (187 av. J.-C), par les consuls L. Por-
cius et P. Claudius ; elle touchait a la Curie, et
souffrit beaucoup de l'incendie qui consuma ce
dernier monument lorsqu'on brûla le corps de
Clodius sur le forum; cette basilique dut être
1 une des premières que bâtirent les Romains,
car, si nous en croyons Tite-Live, ils n'adop-
tèrent l'usage de ce genre d'édifices qu'après
la première guerre de Macédoine, c'est-à-dire
environ £00 ans av. J.-C; 2° la basilique
Fulvia , élevée par le censeur Fulvius , en
l'aa 573 de Rome (180 ans av. J.-C); 3° la
BAS
basilique Sempronia , bâtie par le tribun
T. Sempronius (170 ans av. J.-C), sur l'em-
placement de la maison de Scipion l'Africain,
à l'occident du forum, dans un quartier habité
par les ouvriers et les négociants en laine ;
on y jugeait principalement les causos rela-
tives à ce genre de commerce ; 4° la basilique
JEmilia, construite sur le forum par lo consul
jEmilius Paulus (33 ans av. J.-C); elle était
magnifique et avait coûté 1,500 talents, en-
voyés des Gaules par César; 50 la basilique
Julia, commencée sous Jules César et achevée
sous Auguste ; elle s'élevait sur le forum en
face de la basilique JEmilia; c'était là que les
centumvirs avaient leur tribunal; 6° la basi-
lique de Caïus et de Lucius, bâtie en l'honneur
de ces deux princes par Auguste, leur père
adoptif ; quelques archéologues ont prétendu
reconnaître cet édifice dans les ruines d'un
bâtiment rond et voûté, qui sont placées entre
l'église de Sainte - Bibiane et les murs de
Rome , mais cette opinion a été combattue
par d'autres savants ; 7" la basilique Ulpia ou
de Trajan, élevée par ce prince sur le forum
auquel il avait donné son nom; Marciana,
sœur de Trajan, et Matidia, fille de Marciana,
élevèrent aussi des basiliques, dans la neu-
vième région de Rome; 8° la basilique Alexan-
drina, bâtie par Alexandre Sévère près du
Champ de Mars ; elle avait 333 mètres de long,
33 mètres de large, et était portée entièrement
sur des colonnes; 9° la basilique Antonina, con-
struite par Antonin le Pieux dans la neuvième
région ; 10<> la basilique Constantiniana, con-
struite par Constantin dans la quatrième ré-
gion; il» la basilique Opimia, située un peu
plus haut que le Comitium ; les centumvirs y
jugeaient les causes de peu d'importance ;
120 la basilique Sicinia, bâtie dans le quartier
des Esquilies ; on croit qu'elle était destinée
aux juges des causes relatives aux affaires
.de boucherie, car elle était voisine d'un mar-
ché (macellum) où se traitaient les affaires de
ce genre. Les riches particuliers élevaient
parfois des basiliques ; "Vitruve dit, en parlant
des palais destinés aux personnages impor-
tants : « Il doit s'y trouver des bibliothèques
et des basiliques, qui aient la magnificence
qu'on voitjaux édifices publics, parce que, dans
ces maisons, il se fait des assemblées pour les
affaires de 1 Etat et pour les jugements et ar-
bitrages par lesquels se terminent les diffé-
rends des particuliers. » Les Gordiens, dans
leur magnifique villa bâtie Sur la voie Prsenes-
tine, avaient trois basiliques de 33 mètres de
long. Le sénateur Lateranus, contemporain de
Néron, fit construire une basilique qui, trans-
formée plus tard en église par Constantin,
devint la primitive basilique de Saint-Jean de
Latran.
II. — Basiliques chrétiennes. Dans les in-
tervalles de paix, quelquefois assez longs, dont
ils jouirent pendant les trois premiers siècles,
les chrétiens se réunissaient, pour la célébra-
tion des mystères, tantôt dans des oratoires
domestiques, qui n'étaient autres que les cé-
nacles des habitations privées, tantôt dans des
temples élevés par eux en l'honneur du vrai
Dieu et désignés sous le nom d'église (eccle-
sia) ou de dominicum ; en grec, «.ujiaxov (maison
du Seigneur). Ces temples, très-peu nombreux
et très-modestes dans le principe, commencè-
rent à se multiplier sous le règne d'Alexandre
Sévère (222 à 235) : Lampride nous apprend
que , dans une contestation survenue entre
des chrétiens et des cabaretiers au sujet d'un
emplacement où les premiers voulaient bâtir
une église, ce prince prononça cette sentence :
1 II vaut mieux que la divinité soit adorée en
ce lieu d'une manière quelconque, que de voir
des marchands de vin en prendre possession.»
Moins de trente ans après ce jugement, Gai-
lien rendit aux évêques plusieurs églises qui
avaient été envahies par les païens ; dans la
seule ville de Rome, elles étaient au nombre
de quarante. Puis vint Dioctétien, qui ordonna
de les démolir. Nous n'avons aucune donnée
sur la forme et les distributions intérieures de
ces églises primitives. Plusieurs savants, Bot-
tari, Séroux d'Agincourt, Raoul-Rochette, le
P. Marchi, l'abbé Martigny, présument que
ces édifices durent être modelés sur les
chapelles établies dans les catacombes aux
époques de persécution, et dont les disposi-
tions avaient été basées sur les convenances
essentielles du culte chrétien. Les plus grandes
de ces chapelles, pouvant recevoir soixante à
quatre-vingts fidèles, sont de forme allongée;
elles comprennent quelquefois deux salles
placées à la suite l'une de l'autre, et où, sui-
vant le P. Marchi, les sexes étaient séparés
comme ils le furent plus tard dans les basili-
ques. La décoration est, en général, fort sim-
ple : des figures symboliques peintes sur stuc,
des pilastres, des colonnes et d'autres orne-
ments sculptés dans la roche même. Le long
des parois latérales sont disposés des tom-
beaux sur quatre a cinq rangs, suivant l'élé-
vation de la crypte. Un sarcophage, contenant
les restes d'un saint martyr, sert ordinairemérit
d'autel ; il occupe le fond de l'abside, à moins
que cette place ne soit occupée par la chaire
du pontife (cathedra). Des chapelles, disposées
à peu près comme celles que nous venons de
décrire, mais plus régulières dans leursformes,
furent construites à l'entrée des catacombes,
dès que le danger des persécutions fut passé.
M. le chevalier de Rossi et le P. Marchi ont
cru reconnaître, il y a quelques années, quel-
ques édifices de ce genre, que l'on peut re-
garder, suivant l'expression de M. l'abbé Mar-
BAS
tigny, « comme l'anneau qui relie immédiate-
ment l'architecture en plein air à l'architecture
souterraine. » Ces édifices, de forme quadri-
latérale, sont munis, sur trois de leurs faces ,
d'absides destinées à recevoir les sarcophages
qui servaient d'autels.
Malgré toutes les raisons qu'on a fait valoir
(nous venons d'en exposer quelques-unes)
pour prouver que l'architecture chrétienne
prit naissance dans les catacombes, et con-
serva pendant longtemps les formes qu'elle y
avait reçues, il nous paraît impossible d'ad-
mettre que les grandes basiliques, élevées en
plein air du temps de Constantin et de ses
successeurs, aient été construites sur le mo-
dèle des cryptes et des petites chapelles dont
nous avons parlé. La vérité est, comme beau-
coup de savants l'ont remarqué, qu'elles repro-
duisent d'une façon frappante la plupart des
dispositions qu'avaient, chez les Romains, les
édifices où l'on rendait la justice. On s'explique
facilement, d'ailleurs, que les premiers chré-
tiens aient choisi, pour modèles de leurs églises,
les basiliques plutôt que les temples : ils avaient
naturellement horreur de tout ce qui rappelait
le culte des faux dieux, tandis que l'idée de tri-
bunal convenait à merveille à ces églises, où les
évêques, dispensateurs des sacrements, exer-
çaient une sorte de juridiction spirituelle. Il est
à remarquer aussi que les temples païens,
destinés, pour la plupart, à contenir seulement
les prêtres qui les desservaient, n'offraient pas
une capacité suffisante pour renfermer l'assem-
blée nombreuse des fidèles, appelés à assister à
là célébration des mystères chrétiens. « Aucun
autre édifice que la basilique, dit Mongez, ne
pouvait s'approprier aux rites de la nouvelle
religion; aucun autre ne présentait k la fois
une plus grande analogie dans l'idée, une plus
vaste étendue pour le local, une décoration
plus magnifique dans l'intérieur. On en imita
donc la forme, et soit que l'on ne crût pas
devoir changer le nom qu'une nouvelle accep-
tion avait encore rendu plus conforme au vrai
sens de son ètymologie, soit que la ressem-
blance absolue dans la forme eût rendu im-
possible le changement d'un nom qu'un long
usage avait consacré, on donna cette déno-
mination aux églises qu'on bâtit dans la suite.»
L'abbé Martigny pense que les églises ne re-
çurent le nom de basiliques qu'à partir de
l'époque où Constantin, converti au christia-
nisme, concéda aux évêques plusieurs basili-
ques profanes pour y exercer le culte, et bâtit
des églises sur le même plan. • Il est sûr du
moins que, depuis lors, tous les écrivains ec-
clésiastiques adoptèrent cette dénomination,
notamment saint Ambroise, saint Jérôme, saint
Augustin. Cependant, ce ne fut que graduelle-
ment que les chrétiens s'accoutumèrent à s'en
servir ; et nous voyons encore, en 333, le pè-
lerin qui a écrit X Itinéraire de Bordeaux à Jé-
rusalem se croire obligé d'expliquer par le
mot dominicum le nom de basilique qu'il donne
k l'église du Saint-Sépulcre : ce qui suppose
que le premier, était encore à cette époque le
plus usité. •
Les archéologues ont beaucoup disserté ,
sans se mettre complètement d'accord, sur la
forme et sur les dispositions des basiliques
chrétiennes. Ces édifices ont dû nécessairement
varier dans quelques-unes de leurs parties,
suivant l'importance de la ville où ils ont été
élevés, les ressources et la munificence des
fondateurs, le style d'architecture particulier
aux divers pays de la cfirétienté. Il n'est pas
douteux, par exemple, que les basiliques con-
struites en Orient différaient, dans plusieurs
de leurs divisions, des basiliques de Rome.
Dans la description que nous allons donner
de ce genre d'édifices, nous tâcherons de ré-
unir autant que possible les caractères com-
muns aux églises grecques et aux églises la-
tines.
Diso"ns d'abord un mot de l'orientation : Les
premiers constructeurs chrétiens suivirent
généralement l'usage qui avait prévalu dans
les derniers temps du paganisme, et qui con-
sistait à tourner le sanctuaire vers l'occident.
C'est ainsi que furent construites l'église que
Constantin ht élever k Antioche en l'honneur
de la Vierge, la basilique de Tyr, bâtie vers
l'an 313, et la plupart des basiliques primitives
de Rome : Saint-Clément, Saints-Jean-et-Paul,
les Quatre-Saints-couronnés , Sainte-Marie-
Majeure, Sainte-Praxède , Sainte-Cécile, la
partie la plus ancienne de Saint-Laurent hors
les murs, etc. Plus tard, les Constitutions apo-
stoliques décidèrent que le sanctuaire serait
dirigé vers l'orient. Cette règle fut adoptée aussi
bien chez les Grecs que chez les Latins, mais
il ne paraît pas qu'elle ait été obligatoire, car
il existe encore beaucoup d'églises du moyen
âge où elle n'a pas été observée. V. Orien-
tation.
Eusèbe nous apprend ( Vita Const., lib. IV, c.
lviii, et passim) que quelques-unes des grandes
basiliques de 1 Orient étaient entourées d'une
cour sacrée ou area (v. ce mot), décorée de
galeries sur ses quatre faces. Les Occiden-
taux se bornèrent k établir parfois devant
leurs églises un atrium (v. ce mot), destiné à
empêcher le bruit de la rue de pénétrer dans
le sanctuaire. D'anciens atria se voient k
Rome devant les basiliques de SaintrLaurent
hors les murs, de Sainte-Agnès, de Sainte-
Praxède, de Sainte-Cécile ; ce sont des cours
enceintes de murailles peu élevées. L'atrium
qui précède l'église de Saint-Clément est dé-
coré avec luxe. On y entre par un porche
{prolhyrurn), dont la voûte d'arête est soute-
BAS
nue par quatre colonnes de granit, dont les
deux premières sont d'ordre ionique et les
deux autres d'ordre corinthien. Entre les deux
chapiteaux antérieurs subsiste encore une
barre de fer qui porte des anneaux auxquels
un voile était autrefois suspendu. L'atrium,
de forme rectangulaire , est entouré d'élé-
gants portiques, dont deux sont perpendicu-
laires a la façade et les deux autres paral-
lèles; le portique, dans lequel le porche donne
immédiatement accès, est formé d'arcades k
plein cintre que soutiennent des piliers car-
rés ; les deux portiques latéraux ont des co-
lonnes monolithes en marbre et en granit, qui
portent des architraves et des corniches en
marbre. Quant au quatrième portique, contigu
à la façade, il est décoré d'arcades et de co-
lonnes, et sert de vestibule ou de pronaos à
l'église.
L'atrium ne faisait pas essentiellement
partie de la basilique. Celle-ci comprenait
trois divisions principales : le vestibule, la
nef et l'abside ou sanctuaire.
Le vestibule, appelé encore pronaos ou nar-
thex, était un portique qui s'appuyait à l'ex-
térieur sur deux, cinq, six ou sept colonnes
isolées, et de l'autre côté sur le mur de la
façade. U reproduisait ainsi, en tous points, la
disposition que nous avons signalée dans les
basiliques civiles des Romains. Dans quelques
églises , . notamment dans celle de Sainte-
Agnès, il était établi dans l'intérieur même
de l'édifice et reliait les deux nefs latérales,
derrière le mur de façade ; il prenait alors le
nom à'esoiarthex ou nartnex intérieur. Cette
première partie des basiliques offre du reste
des variétés assez notables, comme on le voit
au mot nartkex. C'était dans ce portique ,
dont la voûte était ordinairement décorée de
peintures sacrées , que se tenaient les péni-
tents que les Latins appelaient strati ou pro-
sternés; et les Grecs acroàmenoi ou écoutants,
parce que, de là, ils pouvaient entendre la psal-
modie ou l'instruction.
Du vestibule, on entrait dans la nef par trois
portes : la porte du milieu (appelée en grec
ôraia pylé, en latin porta speciosa, ou encore
porta basilica), était réservée aux clercs; les
deux portes latérales étaient pour le peuple,
la gauche pour les femmes, la droite pour les
hommes. L'intérieur des basiliques était le
plus souvent divisé en trois nefs par deux
rangées de colonnes; telle est la division do
Saint- Laurent hors les murs, de Sainte-Agnès,
de Saint-Clément, de Saint-Sébastien, etc. La
nef du milieu, beaucoup plus large que les deux
autres, s'appelait aula; elle restait libre ou
était occupée par les personnages de distinc-
tion; les nefs latérales, séparées de la grande
nef par des rideaux, étaient affectées l'une aux
hommes, l'autre aux femmes. Dans quelques
églises d'Occident , à Sainte-Sabine de Rome
par exemple, la net des hommes était plus lon-
gue que celle des femmes. Primitivement, le
rez-de-chaussée delà basilique était interdit aux
femmes ; elles se plaçaient dans une tribune
ou gynœconitis, située au-dessus de chaque nef
latérale, et qui correspondait exactement aux
galeries supérieures des basiliques civiles des
Romains. Les églises de Saint-La.urent hors
les murs et de Sainte- Agnès étaient pourvues
de tribunes de ce genre ; les femmes y arri-
vaient de plain-pied par la colline à laquelle
chacun de ces édifices est adossé. Les Grecs
ont conservé jusqu'à nous l'usage de ménager
aux femmes une tribune, au premier étage,
dans les églises assez vastes pour le per-
mettre, et les escaliers sont disposés de ma- -
nière à éviter toute communication avec l'in-
térieur. La suppression du gynœconitis con-
duisit nécessairement k donner une plus grande
étendue aux nefs. On porta même à cinq le
nombre de ces nefs dans plusieurs basiliques ,
notamment dans celle de Saint- Paul hors les
murs de Rome. Dans les églises ainsi conçues,
un mur parallèle k la façade arrêtait les col-
latéraux pour former une nef transversale
dans laquelle on doit voir l'origine des trans-
septs, qui, dès lors, furent fréquemment adop-
tés et donnèrent au plan de l'édifice la con-
figuration d'une croix grecque (T) plus ou
moins caractérisée en raison de la saillie
que prirent leurs extrémités sur les murs
latéraux. Des arcades percées dans le mur
parallèle à la façade faisaient communiquer
fa nef transversale avec les collatéraux; une
ouverture immense, que l'on appelait arc
triomphal, était pratiquée au fond de la grande
nef et démasquait le sanctuaire. Cette ouver-
ture était souvent ornée de colonnes, comme
on en voit k Saint-Paul hors les murs. Dans
la plupart des basiliques primitives, entre
autres k Saint -Clément, l'extrémité de la
grande nef offrait un espace élevé de quel-
ques degrés, où se tenaient les sous-diacres
et les lecteurs, et du haut duquel l'évêque
distribuait la communion au peuple. On don-
nait à ce lieu le nom de solea ; c'était le chœur
des clercs mineurs et des chantres. A côté de
la solea se trouvait l'ambon ou pulpitum, es-
pèce de tribune qui servait pour la. lecture
des livres saints et pour les instructions quo
les prêtres et les diacres adressaient aux
fidèles.
Une balustrade à jour ou cancel, de bois ou
de marbre, séparait la solea du-sanctuaire, et
s'étendait même quelquefois dans toute la
largeur de l'église , d'un mur à l'autre. Le
sanctuaire, que les Grecs nommaient bèma ou
ierateion, et les Latins suggestum oaecclesiœ
absis, était la partie extrême de la basilique;
BAS
II formait un hémicycle au fond de la grande
nef et était voûté en cul-de-four, d'où les
noms de coucha et d'abside (en grec apsis), qui
lui furent donnés. Il répondait exactement à
l'emplacement qui dans les basiliques civiles,
était affecté au tribunal, et que l'on nommait
basilicœ caput. L'autel chrétien , recouvert
d'un baldaquin ou ciborium (v. ce mot), occu-
pait le centre de l'hémicycle ; il était entouré
par les sièges réservés aux prêtres et aux
diacres, et dominé par la chaire épiscopale
[cathedra) , qui s'élevait au fond même de 1 ab-
side. Dan3 quelques basiliques, des absides
secondaires furent établies de chaque côté de
l'abside principale, à l'extrémité des nefs la-
térales ou bas côtés; elles étaient closes par
des portes ou des rideaux, et servaient au dé-
pôt des vases , des ornements sacrés , des
offrandes des fidèles, des livres .destinés aux
cérémonies. On les nomma, chez les Grecs,
diaconion, scenophylacion, gazophylaceion, et
chez les Latins, secretarium; ce fut l'origine
des trésors et des sacristies. Les églises de
Sainte-Sabine, de Saint-Clément, de Saint-
Pierre-aux-Liens, de Sainte-Cécile, à Rome,
de Torcello, dans les lagunes de Venise, offrent
des exemples de ces absides secondaires.
Maintenant que nous avons indiqué quelles
étaient les principales dispositions des basili-
ques, disons un mot de leur construction. En
général, les premiers constructeurs chrétiens
acceptèrent l'architecture romaine, dans l'état
de décadence où ils la trouvèrent; leurs édi-
fices sont bâtis avec les mêmes matériaux et
les mêmes appareils que ceux qui furent em-
ployés dans le même temps pour les monu-
ments du paganisme. La façade de la basilique
de Sainte-Agnès, qui a conservé ses disposi-
tions primitives, présente le système de ma-
çonnerie composé de moellons et d» briques,
qui a été suivi dans la construction du cirque
de Maxence. Cette façade a deux corps. Un
fronton indique l'inclinaison du toit supérieur,
qui est aéré par une fenêtre circulaire ou
oculus , ouvert au milieu du tympan. Au-des-
sous, trois grandes fenêtres cintrées en bri-
ques éclairent la nef. Le corps principal
de la façade fait saillie pour renfermer les
deux étages (le gynœconitis et l'ésonarth«x)
placés en dedans de la nef; des fenêtres cin-
trées , aussi en briques , éclairent ces deux
étages ; une porte rectangulaire , encadrée
d'un chambranle de marbre, donne accès dans
le temple. La suppression de la tribune des
femmes amena un second système de dispo-
sition des façades ; le fronton supérieur fut
conservé ou remplacé par une pente fuyante
du toit faisant croupe, comme on le voit à
Saint-Laurent hors les murs ; le premier étage
de fenêtres du corps principal disparut, et le
narthex forma un vaste porche extérieur ,
porté par de nombreuses colonnes. Telle est
la disposition que l'on remarque, sauf quel-
ques modifications peu importantes, dans les
basiliques de Saint^Clément, de Sainte-Cécile,
des Saints-Jean-et-Paul. Un troisième système
de façade fut adopté pour les basiliques de
grandes dimensions et divisées à l'intérieur en
cinq nefs , comme le furent les basiliques
de Saint-Pierre au Vatican, de. Saint-Jean
de-Latran , de Saint - Paul hors les murs.
L'immense élévation de la nef principale con-
duisit à pratiquer au-dessous du fronton deux
rangs superposés de grandes fenêtres pour
éclairer 1 intérieur. La double largeur donnée
aux collatéraux fit couvrir ceux qui avoisi-
naient le plus la nef principale, a une assez
grande hauteur pour que l'inclinaison de leurs
toits parût même au-dessus du porche qui dé-
corait la partie basse de la façade. Dans les
trois systèmes que nous venons d'indiquer, on
remplaça quelquefois les fenêtres par une ou
plusieurs ouvertures circulaires, afin de laisser
un champ plus étendu à la mosaïque et à la
peinture décorative, ainsi qu'on le voit à l'é-
glise Saint-Georges, à Rome, et à la basilique
Libérienne. Ce Fut dans le même but qu on
éleva, dans quelques églises, la partie supé-
rieure de la façade, de façon à masquer entiè-
rement la double inclinaison du toit de la
grande nef par un front quadrangulaire : l'é-
glise del'Ara-Cœli,à Rome, en est un exemple.
Les façades latérales des basiliques offraient
peu d'intérêt; elles étaient décorées, en géné-
ral, avec une extrême simplicité, et percées de
nombreuses fenêtres destinées à éclairer la
nef et les collatéraux. Si le plan était disposé
en forme de croix, comme à Saint-Paul hors
les murs, les façades des transsepts étaient
surmontées de pignons et percées de fenêtres,
que remplaçait quelquefois un oculus. La
façade postérieure n'avait pas moins de sim-
plicité; elle présentait une ou plusieurs ab--
sides ou demi-tours rondes, surmontées de
toits coniques. Originairement sans ouvertures,
ces absides furent, dans la suite, percées de
plusieurs fenêtres, toujours en nombre impair.
La couverture des basiliques primitives ne
différait pas de celle des édifices du paga-
nisme; elle se composait de tuiles plates en
terre cuite. Par la suite, on employa au même
usage des tuiles peintes ou vernissées , et
quelquefois même des plaques de métal dorées.
Nous n'examinerons pas ici' les différents
systèmes qui ont présidé à la décoration des
porches , des frontons , des fenêtres et des
autres parties intérieures ou extérieures de la
basilique. On trouvera des renseignements à
ce sujet dans les articles spéciaux que nous
consacrons à ces diverses parties et aux basi-
liques les plus célèbres qui se sont conservées
jusqu'à nous.
BAS
Il y avait autrefois une basilique en tête de
chacune des quatorze grandes voies qui par-
taient de Rome. Il n'en reste plus que six :
Sainte-Agnès, Saint-Laurent hors des murs
et Saint-Paul hors des murs, qui ont gardé à
peu près leurs formes primitives ; Saints-Mar-
cellin-et-Pierre , Saint - Sébastien et Saint-
Pierre au Vatican, dont l'architecture et les
dispositions ont été à peu près complètement
renouvelées. D'autres basiliques furent con-
struites dans l'intérieur de Rome. Les basi-
liques dites constantiniennes , parce qu'elles
fiassent pour avoir été fondées par Constantin
e Grand, sont au nombre de sept : Saint-
Jean-de-Latran , Saint -Pierre au Vatican,
Saint-Paul hors des murs, Sainte-Croix de
Jérusalem , Saint- Laurent , Sainte - Agnès ,
Saints-Marcellm - et - Pierre. Les cinq pre-
mières sont du nombre de celles qu'on nomme
basiliques majeures; ce sont des églises qui
jouissent de divers privilèges et auxquelles,
notamment, sont attachées des indulgences
spéciales, surtout en temps de jubilé. Sainte-
Marie - Majeure et Saint - Sébastien appar-
tiennent à la même catégorie. Les basiliques
mineures sont : Sainte-Marie-in-Transtevere,
Sainte-Marie-in-Cosmedin, Saint-Laurent-in-
Damaso , Saint - Pierre-aux-Liens , Sainte -
Marie-in-Monte-Santo et les Saints-Apôtres.
Constantin construisit plusieurs basiliques en
Orient , entre autres celle du Saint-Sépulcre
à Jérusalem , celle de la Nativité à Beth-
léem, celle de l'Ascension sur le mont des
Olives, celle de Sainte-Sophie , de Sainte-
Irène, de Sainte-Dynamis et des Apôtres, à
Constantinople.
Au moyen âge , le nom de basilique ne
s'appliquait pas seulement aux églises; il
servit encore à désigner les chapelles con-
sacrées aux martyrs, les oratoires privés, et,
plus particulièrement en France, les édicules
qu'on élevait sur le tombeau des grands. Le
titre LVIII, § 3, 4 et 5 de la Loi salique con-
damne a une amende de 15 sous celui qui
dépouille une tombe ordinaire, et à 30 sous
celui qui dépouille une basilique sépulcrale.
Le titre LXXI de la même loi frappe égale-
ment d'une amende celui qui, soit de dessein
prémédité, soit par suite de négligence, soit
par hasard, met le feu à une basilique; quel-
ques auteurs en ont conclu que ces édicules
funéraires devaient être construits en bois.
III. — Basiliques civiles de la Renais-
sance. Le célèbre architecte Palladio a donné
le nom de basilique à des édifices civils, con-
struits dans plusieurs villes d'Italie, à l'époque
de la Renaissance, et ayant une destination
semblable à celle des basiliques antiques. « Nos
basiliques modernes, dit Palladio, diffèrent de
celles des anciens en ce que celles-ci étaient
à rez-de-chaussée, tandis que les nôtres sont
élevées sur des voûtes, dont le dessous est
occupé par des boutiques, des prisons et au-
tres salles destinées aux besoins publics. Une
autre différence, c'est que les anciennes n'a-
vaient de portiques que dans leur intérieur ;
les modernes, au contraire, ou n'eu ont point,
ou les ont à l'extérieur et sur la place. » Les
plus belles basiliques de la Renaissance sont
celle de Padoue, celle de Brescia, remarquable
par sa grandeur et ses ornements, et celle de
Vicence, magnifique édifice construit en grande
partie sur le plan de Palladio même.
BASILIQUE s. m. (ba-zi-li-ke — du gr. ba-
silikos, royal), Astron. Etoile de première
grandeur qui appartient à la constellation
du Lion. 11 Quelques-uns écrivent basilic. On
l'appelle plus souvent Régulgs.
BASILIQUES s. f. pi. (ba-zi-li-ke — rad.
Basile, empereur). Recueil de lois formé sous
les empereurs Basile et Léon, et publié par
l'ordre de ce dernier, en 905.
— Encycl. L'empereur d'Occident Justi-
nien avait donné un grand exemple, en fai-
sant publier les recueils de lois intitulés Code,
Pandectes ou Digeste, Institutes. L'empereur
d'Orient Basile le Macédonien voulut suivre
cette voie, et il ordonna la publication, en
texte grec, du Corpus juris de Justinien, aug-
menté des constitutions édictées par ses suc-
cesseurs; mais ce travail, commencé en 876,
ne put être achevé que sous Léon le Philo-
sophe, fils de Basile. Toutes ces lois , ainsi
traduites -en grec et mises dans un nouvel
ordre, furent nommées Basiliques, c'est-à-
dire lois recueillies par les soins de Basile.
Elles furent de nouveau revisées vers 945 par
ordre de Constantin Porphyrogénète, et di-
visées en soixante livres, comprenant chacun
plusieurs titres. Une édition toute récente des
Basiliques, ou au moins de ce qui nous en a
été conservé a été publiée en 1833 par le
savant Heimbach, professeur de l'université
d'Iéna, qui y a joint de doctes annotations.
BASILIQUE adj. (ba-zi-li-ke — du gr. ba-
silikos, royal). Anat. Nom donné par les an-
ciens anatomistes à des veines auxquelles ils
faisaient jouer un rôle très-important dans
l'économie. 11 Veine basilique, Veine du bras,
formée par la réunion des veines cubitale et
médiane basilique, il Veine médiane basilique,
Veine de l'avant-bras, qui naît de la veine
médiane.
— Encycl. Veine basilique. Deux veines su-
perficielles s'olservent sur le bras , l'une
externe, la veine céphalique ; l'autre interne,
la veine basilique. Plus volumineuse que la
céphalique, la veine basilique est d'abord un
peu oblique en haut, en dedans et en arrière ;
BAS
a une petite distance au-dessus de l'épitro-
chlée, elle devient verticale, monte parallè-
lement a la cloison intermusculaire interne,
contre laquelle elle est fixée par la lame pro-
fonde du fascia super ficialis, et traverse l'a-
ponévrose brachiale dans son tiers supérieur,
pour se terminer tantôt dans l'une des veines
brachiales, tantôt dans la veine axillaire.
— Veine médiane basilique. La veine mé-
diane basilique est la branche interne de bi-
furcation de la veine médiane, tronc commun
des veines antérieures du poignet et de l'a-
vant-bras (la branche externe est la médiane
céphalique); c'est la plus volumineuse et la
plus apparente des veines du pli du coude ;
c'est celle que, pour cette raison, l'on pique
le plus ordinairement dans la saignée. Ses
rapports rendent cependant cette opération
assez périlleuse ; elle longe le bord interne du
tendon du biceps; tantôt elle se trouve placée
parallèlement à l'artère numérale, et directe-
ment au-dessus ; tantôt (et c'est la disposition
la plus fréquente), elle la croise à angle très-
aigu ; dans tous les cas, elle n'en est séparée
que par l'aponévrose brachiale , légèrement
renforcée au pli du coude par l'expansion du
tendon du biceps. Elle est, d'ailleurs, avoisi-
née par un filet du nerf cutané interne, en
sorte qu'on a presque tous les accidents de la
saignée à redouter à la fois. Quand on pra-
tique la saignée sur la veine médiane basi-
lique, il faut, autant que possible, la piquer
en dedans ou en dehors du trajet de l'artère
humérale, et plutôt en bas qu'en haut, l'ar-
tère étant plus profonde à mesure qu'elle des-
cend ; il faut, en outre, mettre l'avant-bras
dans une pronation forcée, pour faire passer
le tendon du biceps par-dessus l'artère, et l'é-
loigner ainsi de la veine. La prudence con-
seillerait de saigner plutôt les autres veines
du pli du bras, et notamment la médiane cé-
phalique , si cela était possible. « Mais , dit
très-bien M. Malgaigne, ce n'est pas tout d'é-
viter l'artère et les nerfs ; il faut, avant tout,
avoir une veine assez grosse pour donner la
quantité convenable de sang, assez superfi-
cielle pour être bien aperçue. Or, ces deux
conditions ne sont guère remplies, surtout chez
les femmes, que par lumédiane basilique. »
BAS! Ll SENE, nom ancien d'une petite con-
trée de l'Asie Mineure , comprise entre la
grande et la petite Arménie.
BASILISQUE, beau-frère de_ Léon 1er, em-
pereur d'Orient, usurpa le trône sur Zenon
i'Isaurien en 475, et se rendit si odieux par sa
tyrannie, que Zenon put remonter sur le trône
sans tirer l'épée (476). Basilisque fut pris et
enfermé, avec sa famille, dans une forteresse
de Cappadoee, où ils moururent tous de faim.
Sous son règne, la bibliothèque publique de
Constantinople fut réduite en cendres par un
incendie; elle renfermait, dit-on, plus de
120,000 manuscrits, parmi lesquels se trou-
vaient les quarante-huit livres de l'Iliade et
de l'Odyssée, écrits en lettres d'or sur l'intes-
tin d'un serpent dont la longueur dépassait
33 mètres.
BAS1L1UM FLtMEN, cours d'eau artificiel,
qui arrosait l'ancienne Babylonie et établis-
sait une communication entre le Tigre et l'Eu-
phrate.
BASILOSAURE s. m. (ba-zi-lo-so-re — du
gr. basileus ? roi; sauros , lézard). Paléont.
Nom dcnué a un animal fossile, pris d'abord
pour un saurien (lézard), et que l'on a re-
connu plus tard être un cétacé herbivore.
V. Zeuglodon.
BASILUS MINUTIUS (L.), un des conjurés
qui crurent sauver la république romaine en
frappant César. Il était de la famille Minutia,
et il prit part à la guerre des Gaules. Lorsque
la guerre civile éclata, il fut mis à la tête
d'une, partie de la flotte de César, et eut en-
suite sous ses ordres deux légions. César le
cite, dans ses Commentaires, comme ayant
commandé les troupes en quartier d'hiver aux
environs de Reims. Revenu à Rome , il se
lia avec Cassius et Brutus, et prit part au
meurtre du dictateur. On a une lettre de Ci-
céron, où l'orateur félicite Minutius du rôle
qu'il a joué dans ce tragique événement.
BASILUZZO, une des îles Lipari, située au
S. de l'île Stromboli, près de la Sicile.
basin s. m. (ba-zain — du gr. bombu.v,
soie, qui a servi à former le bas lat. bam-
bacium, et le bas gr. bambakion, soie, coton).
Comm. Etoffe croisée, dont la trame est de
coton et la chaîne de fil ou de coton : Basins
brochés, cannelés, cordelés. Ma culotte de drap
est en pièces; mes culottes de basin, il faut
bien les faire blanchir. (Mirab.) Il était vêtu
d'une grande robe de chambre en basin blanc.
(F. Soulié.) Les basins rayés de Troyes sont
fabriqués de fil ou de chanvre avec coton dou-
blé et retors pour la chaîne, et tout coton pour
la trame. (Bouillet.)
— Techn. Sorte de cadre à estampes.
BASIN (saint), issu de la famille des ducs
d'Austrasie, au vue siècle. Il fut d'abord abbé
du monastère de Saint-Maximin , à Trêves ,
puis il succéda à saint Hédulfe en qualité d'ar-
chevêque de cette ville. Après avoir adminis-
tré son diocèse pendant vingt-quatre ans, il
se démit de ses fonctions pour finir ses jours
dans son abbaye. Sa fête se célèbre le 4 mars.
BASIN ou BAZIN (Thomas), chroniqueur et
prélat français, né à Caudebec en 1402, mort
BAS
311
en 1491. Après avoir étudié le droit à Lou-
vain et à Paris, voyagé en Italie, en Angle-
terre, en Hollande, remonté le Rhin et tra-
versé les Alpes, il se retrouva a Florence
lors du célèbre concile œcuménique de 1439,
qui devait faire cesser la scission de l'Eglise
latine et de l'Eglise grecque. Peu de temps
après, il fit partie d'une mission que le pape
Eugène IV envoyait en Hongrie, et dont le
chef était le cardinal archevêque d'Otrante ;
puis, à son retour et en récompense de son
zèle, il reçut un canonicat à la cathédrale de
Rouen, ainsi que d'autres bénéfices. Les An-
glais, qui occupaient encore la Normandie,
venaient de créer l'université de Caen. On
offrit à Basin d'y remplir la chaire de droit
canon, qu'il accepta. Il fut ensuite chanoine
de Baveux, conservateur de l'Université, et
officiai de i'évêque; enfin, il fut appelé, en
1447, à occuper un des sièges épiscopaux les
plus importants de la Normandie, celui de
Lisieux, qui, outre ses revenus considérables,
donnait au titulaire le droit de siéger dans le
conseil institué pour gouverner cette pro-
vince au nom du faible Henri VI. Lorsque,
deux ans après, la guerre recommença entre
l'Angleterre et la France, l'armée de Char-
les VII vint assiéger Lisieux. L'évêque Ba-
sin, dans cette grave occurrence, déploya la
plus grande habileté. Au nom de sa mission
de paix, il proposa une capitulation qu'il fit
accepter des deux parties , et l'exemple de
cette soumission au roi de France détermina
en peu de temps celle des autres évêques de
la Normandie et des principales villes. La
conduite de Basin lui valut le titre de mem-
bre du conseil privé de Charles VII, qui le
gratifia en même temps d'une pension de
1,000 livres. Lorsque le roi songea à faire re-
viser l'odieux procès de Jeanne Darc et de-
manda au pape Calixte III d'instituer une
commission dans ce but, Basin fut un des
évêques chargés de l'enquête, et il rédigea,
en 1453, trois ans avant le jugement de réha-
bilitation , un Mémoire justificatif en faveur
de la Pucelle. A cette époque, l'évêque de
Lisieux était un des hommes les plus influents
du royaume. Le dauphin, plus tard Louis XI,
essaya de le mettrs dans ses intérêts, afin
qu'il engageât Charles VII à lui donner le
gouvernement de la Normandie. Basin , en
repoussant ses offres, le blessa profondément.
Devenu roi de France, Louis XI trouva l'é-
vêque de Lisieux au nombre des membres les
plus actifs de la Ligue du bien public, qui s'é-
tait formée contre lui. Lorsqu'il fut parvenu
a en triompher, le roi, dont les ressentiments
étaient implacables, s'empressa de faire sentir
à Basin le poids de sa haine. Celui-ci, pour
échapper aux persécutions , s'enfuit à Lou-
vain, puis à Bruxelles, près du duc de Bour-
gogne ; mais le roi, feignant de vouloir se ré-
concilier avec lui, le manda à Orléans, où il le
reçut avec une insultante froideur, puis l'exila
en Roussillon avec le titre de chancelier de
cette province, et de là en Aragon avec celui
d'ambassadeur. Enfin, Louis XI se détermina
à le faire arrêter; mais Basin, averti à temps,
put se réfugier en Savoie, d'où i! passa en
Allemagne. Il habita successivement Genève,
Bâle, Trêves, Louvain , Bréda et Utrecht.
En 1474, les revenus de son évêché avaient
été séquestrés par ordre du roi, et il avait été
obligé de donner sa démission du siège de Li-
sieux ; mais la cour de Rome le nomma ar-
chevêque de Césarée en Palestine, avec une
modique pension. L'évêque d'Utrecht, David,
un bâtard de Bourgogne, accueillit Basin en
ami et en fit son coadjuteur. C'est dans cette
ville qu'il termina sa vie. On a de lui divers
ouvrages écrits en latin ; le plus remarquable
est une Histoire de Charles VII et de Louis XI,
intitulée : De rébus gestis Caroli VII et Lu-
dovici XI, etc., qui renferme des détails fort
intéressants, mais qui est restée à l'état de ma-
nuscrit et que l'auteur a signée du nom d'A mel-
gard, prêtre liégeois. Son mémoire sur Jeanne
Darc a été publié par M. Quicherat, dans l'ou-
vrage intitulé : Procès de la Pucelle.
BASINE ou BAZINE, femme de Childêric 1er
et mère de Clovis , vivait vers le milieu du
ve siècle. Elle était femme de Basin, roi de
Thuringe, lorsque Childêric, chassé par ses
sujets, vint à la cour de ce dernier chercher
un refuge. Le châtiment que lui avait mérité sa
luxure n'avait point corrigé ce prince. Il ne
craignit pas de séduire l'épouse de celui qui
lui donnait une généreuse hospitalité, et Ba-
sine conçut ime véritable passion pour son
séducteur.
Pendant les huit années que Childêric passa
en exil, Basine chercha à distraire de la perte
de son trône celui qu'elle aimait. Mais Childê-
ric pensait sans cesse à ce trône perdu. Il
avait laissé en France un confident, nommé
Videmare. Grâce aux menées de cet homme
dévoué, les leudes se lassèrent d'être gou-
vernés par ^Egidius et rappelèrent leur an-
cien roi. Childêric quitta sa maîtresse, malgré
les larmes de celle-ci, malgré ses prières, et
vint reprendre possession de sa couronne.
Quelques jours après, cependant, lorsque,
dans l'enivrement que donne un pouvoir re-
conquis, il s'était de nouveau plongé dans ses
plaisirs d'autrefois, quelle ne fut pas sa sur-
prise de voir apparaître devant lui son an-
cienne amante, la reine de Thuringe, Basine!
Lui ayant demandé , rapporte Grégoire de
Tours (lib. II, cap. xn), la raison qui l'ame-
nait d'un pays si éloigné, elle lui répondit :
1 Quia ulilitatem tuant noverim et quant sii
312
BAS
strenuus, ideoque veni ut cohabitem tecum; nam
noveris , si transmarinis regionibus aliquem
coijnovissem utiliorem quam tu, issem ut coha-
bitem cum eo. »
Disons, entre parenthèses, que ce passage
de l'évêque historien semble confirmer la dé-
finition que De Bonald donne de la. littérature,
quand il dit qu'elle est l'expression des mœurs
d'une époque. Aujourd'hui, on n'écrit plus
d'une façon aussi barbare, aussi franche. Nous
traduirons donc ainsi la réponse de Basine :
« J'ai su apprécier votre mérite et votre vi-
gueur; c'est pour cela que je suis venue; car
vous n'ignorez pas que, si j'avais connu au
delà des mers un homme mieux fait pour
plaire à une femme, c'est avec lui que je se-
rais allée habiter. » Chez les Germains, l'a-
mour n'avait pas encore été divinisé comme
chez les Grecs et les Romains ; le christia-
nisme ne l'avait pas encore purifié, et, si la
femme jouissait chez eux de nombreux avan-
tages, de nombreuses prérogatives, ce n'était
point parce qu'elle était réellement aimée,
mais seulement parce qu'elle était utile.-Ainsi
s'explique la conduite de l'épouse de Basin,
recherchant l'homme qui unissait la force au
courage , les deux qualités qui tenaient lieu
de toutes les vertus chez nos pores. Childéric
épousa sa maîtresse adultère.
Le soir même de ses noces, conte en s'a
bonne foi Frédegaire (Chron., iib. Xlf) , non
moins crédule, disons le mot, non moins igno-
rant que le bon évêque de Tours, dont il fut
le continuateur, Basine dit au roi : « Que cette
nuit ne soit pas consacrée à l'amour... Lève-
toi, va à la fenêtre, et tu viendras dire a ta
servante ce que tu auras vu dans la cour du
logis. » Childéric se leva, alla à la fenêtre et
vit passer des botes semblables à des lions, à
des licornes et a. des léopards. Il revint vers
Basine et lui raconta ce qu'il avait vu. Elle
lui dit : « Va derechef, et ce que tu verras,
tu le raconteras à ta servante. » Childéric
sortit de nouveau et vit passer des bêtes qui
ressemblaient à des ours et à des loups. Il le
raconta à Basine, qui le fit sortir une troi-
sième fois. Alors il vit des chiens et d'autres
animaux d'un ordre inférieur, qui se déchi-
raient les uns les autres. Il revint alors, et
elle lui dit : « Ce que tu as vu de tes yeux ar-
rivera : il nous naîtra un fils qui sera un lion,
à cause de son courage. Les rils de notre fils
ressembleront aux léopards et aux licornes ;
mais ils auront des enfants semblables aux
ours et aux loups par leur voracité, et quand
ceux que tu as vus pour la dernière fois vien-
dront, les peuples se feront la guerre sans au-
cune crainte des rois. >
Au temps de Cbarlemagne, le peuple répé-
tait encore cette merveilleuse légende, et c est
ainsi, assure-t-on, que Frédegaire l'a recueil-
lie. Mais Grégoire de Tours, avons-nous dit,
était crédule, lui aussi; il était ami du mer-
veilleux ; il a raconté tout au long l'histoire
de Basine, et il ne dit rien cependant de cette
singulière nuit de noces. Pourquoi? Tout sim-
plement parce que ce récit fut inventé dans
un temps postérieur à Basine, alors que les
faits qu il annonce étaient déjà accomplis, et
nous allons dire comment.
Sous Clovis et ses fils, les Francs eurent
encore l'esprit de conquête; mais, sons leurs
petits-fils, la discorde régna avec Brunehaut
et Frédégonde. L'autorité royale, qui n'avait
jamais été bien établie, alla s'affaiblissant de
jour en jour*, et bientôt les descendants de
cette reine (que l'histoire a flétris du nom de
fainéants) virent passer toute la puissance en-
tre les mains des leudes et des maires du pa-
lais, ne. conservant pour eux qu'un vain titre.
Mais la nation, un jour, se fatigua de ces
fantômes de rois et renversa le trône des Mé-
rovingiens. C'est alors sans doute, et au mo-
ment où le dernier rejeton de cette race finis-
sait sa vie dans un cloître, qu'un partisan du
pouvoir nouveau inventa lo récit que nous
avons traduit de Frédegaire. Ce récit dut être
accepté par les Francs, à l'esprit crédule
et naïf, à l'imagination impressionnable et
prompte à accueillir le merveilleux, comme
une sorte de prophétie annonçant la fin fatale
de la race de Mérovée.
BASINE, fille de Chilpéric 1er Gt d'Audo-
vère, vivait au vie siècle de notre ère. Enve-
loppée dans la haine implacable que Frédé-
gonde portait à tous les enfants que Chilpéric
avait eus de se3 autres femmes, elle ne fut
cependant pas mise à mort par sa cruelle ma-
râtre; mais celle-ci conçut contre elle un des-
sein plus horrible encore. Elle donna l'ordre à
des soldats de la violer; puis elle la fit jeter
dans le monastère de Sainte-Croix, que sainte
Radegonde avait fondé à Poitiers.
Basine s'habitua difficilement aux exercices
du cloître. Elle sentait qu'un sang royal cou-
lait dans ses veines, et elle voulait comman-
der au lieu d'obéir. Or, il y avait aussi dans
ce couvent une fille de roi, appelée Chro-
dielde, qui, non moins ambitieuse que Basine,
aspirait, elfe aussi, au titre d'abbesse. Ces deux
princesses s'unirent pour faire naître le trou-
ble dans le monastère, et, lorsqu'en 589 Leu-
bouerre succéda à Agnès, qui n'avait été que
peu de temps abbesse après sainte Rade-
gonde, elles sortirent avec quarante de leurs
compagnes , et allèrent à pied, jusqu'à Tours,
trouver l'évêque saint Grégoire. Elles ve-
naient accuser leur nouvelle abbesse de plu-
sieurs crimes, et exposer aux rois, leurs pa-
rents, toutes leurs souffrances. Saint Grégoire,
BAS
n'ayant pu les décider à rentrer dans leur
couvent, les garda à Tours le reste de l'hiver.
L'été suivant, Chrodielde alla trouver le roi
Contran, à qui elle persuada ce qu'elle vou-
lut, et qui lui promit qu'une assemblée d'é-
vêques jugerait le différend. Alors elle vint
rejoindre à Tours les autres religieuses, dont
le nombre avait diminué pendant son absence,
plusiers d'entre elles ayant renoncé à leurs
vœux et s'étant mariées. Après avoir vaine-
ment attendu les évéques dans la ville de
Tours, Basine et Chrodielde revinrent à Poi-
tiers avec le reste de leurs compagnes. Mais,
mécontentes de leur insuccès, froissées dans
leur orgueil de filles de roi, oubliant tout de-
voir, toute retenue , toute pudeur , elles se
firent accompagner d'une bande de malfai-
teurs, qui s'emparèrent de l'église de Saint-
Hilaire et la pillèrent. Les évêques de Bor-
deaux, d'Angoulème, de Périgueux vinrent
les. exhorter à cesser ce scandale, et, sur leur
refus , les déclarèrent excommuniées. Non
contentes de faire éclater devant les princes
de l'Eglise leur morgue hautaine, leur fierté
native; non satisfaites encore de les avoir
abaissés par leur refus, elles lâchèrent sur
eux les bandits qu'elles avaient emmenés.
Ceux-ci tombèrent sur les saints membres de
l'Eglise, les contusionnèrent, les blessèrent,
les mirent en fuite; puis, se retournant vers
le couvent, ils le mirent à sac.
Basine etChrodielde étaientenfm maîtresses;
elles commandaient, non plus à des femmes, à
des nonnes, à des saintes, comme elles l'avaient
ambitionné, mais, véritables héroïnes de ro-
man, à une troupe d'hommes armés. L'abbesse
Leubouerre était leur prisonnière.
Cependant, le comte de Poitiers avait reçu
de Childebert l'ordre de mettre fin à toutes
ces violences. Ne pouvant tenir contre des
forces supérieures, les révoltées furent obli-
gées de capituler. Les bandits furent dispersés,
l'abbesse Leubouerre fut rétablie dans ses
droits, et Basine, Chrodielde, ainsi que leurs
compagnes, rentrèrent dans l'obéissance. Lors
du concile de Metz, en 590, le roi Childebert
obtint la levée de l'excommunication dont
elles avaient été frappées.
BASINE, ÉE adj. (ba-zi-né — rad. basin).
Comm. Travaillé comme le basia : Etoffe
BASINÉE.
EASINERVE adj . (ba-zi-nèr-ve — du lat.
basis, base; nervus, nerf). Bot. Dont les ner-
vures principales partent de la base : Feuilles
basinerves. Il On dit aussi basinervé.
BASIN GE (Jean), également connu sous le
nom de Basingstoke, qui est celui de sa ville
natale , philologue et savant anglais , mort
en 1252. Il fit successivement ses études à
Oxford et à Paris, puis il se rendit en Grèce
pour en apprendre la langue, presque incon-
nue en Europe à cette époque, et il eut pour
professeur une femme, la fille de l'archevêque
d'Athènes. De retour en Angleterre, il devint
archidiacre à Londres et à Leicester, se dis-
tingua autant par ses vertus que par son
savoir comme linguiste, mathématicien et
théologien, et contribua puissamment à faci-
liter l'étude du grec dans sa patrie, par la
traduction latine d'une grammaire grecque,
qu'il publia sous le titre de Donatus Grcecorum.
C'est également lui qui y fit connaître les
figures et les chiffres employés dans la numé-
ration des Hellènes. On a en outre de lui la
traduction latine d'une concordance des Evan-
giles, des sermons, etc.
BASINGSTOKE, 'ville d'Angleterre, dans le
Hampshire, 25 kil. N.-O. de "Winchester, sur
le chemin de fer de Londres à Southampton ;
4,500 hab. Commerce de grains, bois et char-
bons. Patrie du navigateur James Lancaster.
BASINGSTOKE, philologue anglais. V. Ba-
SINGK (Jean).
BAS1N10 ou BASAMI, poète italien, né à
Parme vers 1425, mort en 1457. Doué de rares
dispositions naturelles, il étudia sous les plus
savants maîtres, notamment Victorin de Feltre
et Théodore de Gaza, qui lui apprit le grec,
et il fut en peu de temps versé dans la con-
naissance des langues , des sciences et des
lettres. A vingt ans, il composa un poème
imité de l'antique, A/éléagre, qu'il dédia au
duc de Ferrare, Lionel d'Esté. Trois ans plus
tard, en 1448, celui-ci, l'appela à professer
l'éloquence latine à Ferrare; mais, ayant em-
ployé Basinio dans une négociation contre le
duc de Milan, François Sforza, et cette négo-
ciation n'ayant pu aboutir, Lionel crut qu'il
avait mal défendu ses intérêts ou qu'il l'avait
trahi , et lui enleva sa chaire. Le poète se
retira à la cour de Rimini, où il fut parfaite-
ment accueilli par Sigismond Malateste, qui
aimait à s'entourer d'artistes, de poètes et de
savants. Chargé par lui d'une mission près de
Nicolas V, Basinio fut reçu par le pape de la
façon la plus flatteuse, et, à son retour, il de-
vint le poëte favori de Sigismond , qui le
combla de bienfaits, surtout après la publi-
cation de son poEme des Hespérides, dans
lequel il célèbre la valeur du podestat de
Rimini dans la guerre contre Alphonse d'Ara-
gon, et après celle des Isottœi inscripti, épîtres
en vers, composées en l'honneur d'isotta, maî-
tresse de Sigismond. La grande faveur dont
il jouissait excita la jalousie d'un certain Por-
cellio, historien érudit, mais piètre poète, qu'il
avait lui-même présenté à la cour de Rimini.
La haine de Porcellio ne tarda pas à éclater
BAS
en paroles. Il accusa son rival de n'être qu'un
pédant infatué de son savoir; celui-ci lui
répondit qu'il n'était l'ennemi de la langue
grecque que parce qu'il ne l'entendait pas, le
menaça de signaler dans ses œuvres les fautes
de style les plus grossières, et publia à ce sujet
son fcpitre à Sigismond, dans laquelle il dé-
clare que la littérature grecque est l'école où
se sont formés tous les grands écrivains et les
poètes. Il venait de commencer un poème sur
l'expédition des Argonautes, lorsqu'il mourut
à l'âge de trente-deux ans. Par son testament,
il légua son poème des Hespérides k Sigis-
mond, qui lui lit faire de magnifiques funé-
railles. On montre encore aujourd'hui son
tombeau dans l'église Saint-François de Ri-
mini. Basinio avait composé dix-huit ouvrages,
tous en latin, dont nous avons cité les plus
connus. L. Drudi a publié un choix de ses
œuvres, sous le titre de Basanii Poemataprœs-
tantiora, etc. (Rimini, 1794-95, 2 vol. in-4°).
basio-cérato-glosse adj. et s. m. (ba-
zi-o sé-ra-to glo-se — du gr. basis, baseos,
base; keras, keratos, corne, etglôssa, langue).
Anat. Se dit d'un muscle inséré, d'une part,
à la base do la langue, et, do l'autre, à la
corne de l'hyoïde.
BASIOCESTRE s. m. (ba-zi-o-sè-stre — du
gr. basis, base; kestros, poinçon). Chir. Sorte
de céphalotribe ou appareil pour broyer la
tête du fœtus dans le sein de la mère.
easio-glosse adj. et s. m. (ba-zi-o glo-se
— du gr. basis, baseos, base; glàssa langue).
Anat. Se dit d'un muscle commun a l'hyoïde
et à la base de la langue.
BASIO-PHARYNGIEN adj. et s. m. (ba-zi-o
fa-rai n-ji-ain — du gr. basis, baseos, base;
pharunx, pharungos, pharynx). Anat. Se dit
d'un muscle commun a la base de l'hyoïde et
au pharynx.
BASIPRIONOTE s. m. (ba-zi-pri-o-no-te —
du gr. àasis, base; prianotidès, dentelé).
Entom. Genre d'insectes coléoptères tétra-
mcres; de la famille des chrysomélines, formé
aux dépens des cassides, et comprenant trois
espèces qui habitent les Indes. Syn. de
prioptêre.
BASIPTE s. f. (ba-zi-pte). Entom. Genre
d'insectes coléoptères tétramères,de la famille
des chrysomélines, formé aux dépens des
cassides, et comprenant une seule espèce, qui
vit au Cap de Bonne-Espérance.
BASIQUE adj. (ba-zi-ke — rad. base). Chim.
Qui jouit de la propriété des bases, c'est-
à-dire qui peut produire un sel en faisant la
double décomposition avec les acides, il Sel
basique, Sel provenant de la substitution d'un
radical acide à une partie seulement de
l'hydrogène typique d'une base polyatomique.
— Miner. Clivage basique, Clivage qui a
lieu dans une direction parallèle à la base du
cristal.
BASIRE (Isaac), théologien anglais, né dans
l'île de Jersey en 1607, mort en 1676. Après
avoir été maître d'école, il devint, vers 1640,
chapelain de Charles Ier, et s'expatria en 1646,
lors des troubles de la révolution anglaise. Il
parcourut la Morée, la Palestine, la Mésopo-
tamie, dans le but d'y faire connaître la doc-
trine de l'Eglise anglicane; puis il gagna la
Transylvanie, où le prince George Ragotzi II
lui confia une chaire de philosophie a l'uni-
versité do Weissembourg. Lorsqu'il apprit la
restauration des Stuarts, il revint en Angle-
terre et devint chapelain de Charles II. On a
de lui plusieurs ouvrages, dont les principaux
sont : Deo et Ecclesiœ sacrum (1646) ; Diatriba
de antiqua Ecclesiœ britannicœ tiberlate (Bru-
ges, 1656), et History of the English ahdScotish
presbytery (Londres, 1659).
BASIRE (Jacques), dessinateur et graveur
anglais, né à Londres vers 1740, mort vers 1780.
Il a gravé à l'eau-forte et au burin un assez
grand nombre de portraits de célébrités an-
glaises, d'après W. Hogarth, J. Reynolds,
B. Wilson, A. Ramsay , Fuller, J. Paton,
J. Richardson, Clifford, A. Devis, Howit,
H. Gravelot, G.-B. Cipriani, etc. On lui doit
encore : Pylade et Oreste, d'après Benjamin
AV'est; le Camp du drap d'or, d'après Edouard
Edwards; sept fac-similé de dessins du Guer-
chin, dont cinq sont des paysages ; des plan-
ches pour un Traité d'architecture civile
(Londres, grand in-fol., 1768); pour les Anti-
quités d'Athènes, de J. Stuart; pour les Jiui-
nes du palais de Dioctétien à Spalatro , de
R. Adam, etc.
BASIHE (Claude), conventionnel, né à Dijon
en 1764, mort sur l'échafaud le 3 avril 1794.
Elève des oratoriens, comme beaucoup d'au-
tres acteurs du grand drame révolutionnaire,
il fut d'abord avocat, puis commis aux archives
des états de Bourgogne. Dès le début de la
Révolution , il se prononça énergiquement
pour la cause nationale, et fut élu en 1790
membre du district de sa ville natale. Les
services qu'il rendit dans ce poste, son pa-
triotisme et ses talents le désignèrent au suf-
frage de ses concitoyens lors des élections
pour l'Assemblée législative. Il prit place
parmi les membres les plus ardents du côté
gauche, proposa la suppression des costumes
religieux et le libre exercice de tous les cultes,
s'éleva contre l'exportation du numéraire hors
du royaume, appuya la mesure du séquestre
des biens des émigrés, et dénonça le comité
autrichien, composé, suivant lui, de la reine,
du comte Mercy-d'Argenteau, ambassadeur de
BAS
la cour de Vienne, de Montmorin et de plu-
sieurs autres grands personnages qui concer-
taient leurs efforts pour opérer la contre-ré-
volution. Le fait était vrai, nous le savons
aujourd'hui à n'en pouvoir douter ; et l'on peut
ajouter que Mirabeau était vendu à cette fac-
tion et lui prêtait l'appui de son talent. C'est
à cette occasion que le juge de paix Etienne
de la Rivière, poussé par la cour, commença
des poursuites contre les patriotes qui avaient
révélé l'existence du fameux comité. Il eut
même l'audace de lancer des mandats d'ame-
ner contre trois représentants, Basire, Merlin
(de Thionville) et Chabot. L'assemblée, après
des débats fort orageux, vengea cet outrage
k la représentation nationale en décrétant
La Rivière d'accusation, et l'envoya à Orléans
pour être traduit devant la haute cour natio-
nale. Basire était lié de principes et d'amitié
avec les deux députés désignés ci-dessus, et
formait avec eux ce que les royalistes nom-
maient le trio cordelier. Les journaux de ce
parti s'égayaient périodiquement sur leur
compte et répandaient des vers dans le goût
de ceux-ci ;
Connaissez-vous rien de plus sot
Que Merlin, Basire et Chabot?
— Non, je ne connais rien de pire
Que Merlin, Chabot et Basire;
Et personne n'est plus coquin
Que Chabot, Basire et Merlin.
Il est inutile de faire remarquer que ce n'est
point sur de telles platitudes qu il faudrait
juger les grandes et fortes personnalités de
ce temps.
Ce fut encore Basire qui proposa et qui fît
décréter, le 29 mai 1792, la mesure décisive et
hardie du licenciement de la garde du roi,
agglomération redoutable de 6,000 bretteurs
et de fanatiques sur lesquels comptait la cour
pour enlever le roi et opérer la contre-révo-
lution. Au 10 août et aux journées de sep-
tembre, Basire fit de courageux efforts pour
arracher quelques victimes à la colère du
peuple. Réélu à la Convention, il vota avec
les montagnards, se prononça pour la mort
du roi et contre les girondins, demanda la mise
en accusation de Custine, entra au comité de
sûreté générale, s'opposa à ce qu'on mît hors
la loi les prévenus qui parvenaient à s'échap-
per, enfin fit adopter le tutoiement entre les
citoyens et décréter la mesure salutaire do
l'interdiction d'inhumer dans les églises. Il
appartenait au groupe des dantonistes. Après
avoir appuyé la plupart des mesures révolu-
tionnaires, il parut tout à coup pencher vers
la modération , et parla contre le système de
la Terreur. Accusé pour ce fait aux jacobins,
il se rétracta, ou du moins expliqua ses pa-
roles, mais fut arrêté quelques jours après.
On l'accusait de complicité avec Delaunay
(d'Angers), Julien (de Toulouse), Chabot,
Fabre d'Églantine et autres , dans l'affaire
ténébreuse de la falsification d'un décret re-
latif à la compagnie des Indes. Le fait de
falsification est avéré, et il est certain que Cha-
bot et Delaunay reçurent de l'argent du baron
de Batz, de d'Epagnac et d'autres agioteurs
pour provoquer certains décrets de finances.
Mais la culpabilité de Basire et de Fabre est
plus que douteuse. Longtemps détenus au
Luxembourg, les accusés furent traduits au
tribunal révolutionnaire en même temps que
Danton et Desmoulins, qui se plaignirent hau-
tement d'être accolés à des fripons. Mais il
est vraisemblable, il est certain que cette ter-
rible épithète ne s'adressait pas à Fabre et
surtout à Basire, avec qui ils avaient vécu en
grande intimité au Luxembourg. En allant au
supplice, Chabot, malgré ses horribles souf-
frances (il avait avalé du sublimé corrosif),
ne cessait de s'occuper du sort de son ami :
« Ahl pauvre Basire, s'écriait-il, tu n'as rien
fait! » Ce témoignage suprême, en présence
de la mort, nous parait décisif. Ces cris testa-
mentaires sont des flambeaux pour l'histoire:
qu'un voleur, un meurtrier mente jusque sous
le couteau de la guillotine, cela se comprend;
il continue son rôle de révolte envers la so-
ciété; mais qu'un martyr de nos dissensions
politiques mente au pied de l'échafaud, alors
qu'il n'a plus à espérer ni grâce ni pardon,
cela est impossible : Basire était innocent. II
n'avait que trente ans. En 1794, le corps légis-
latif accorda une pension à sa veuve.
BAS1RE-DESFONTAINES, marin français,
mort en 1794. Simple engagé dans la marina
en 1776, il fut promu, deux ans après, au grado
de lieutenant de frégate auxiliaire. Il suivit
alors le bailli de Suffren dans les mers do
l'Inde, se signala par sa conduite et par son
courage dans les brillantes campagnes do ce
célèbre marin, et, de retour en France, fut
nommé lieutenant de vaisseau. Choisi en 1703
par l'amiral Villaret-Joyeuse, pour être son
capitaine de pavillon, il se conduisit avec la
plus grande bravoure dans le sanglant combat
naval du 12 prairial an II. Le lendemain, il
tomba, frappé a mort par un boulet de canon.
BASISOLUTÉ, ÉE adj. (ba-zi-so-îu-té —
du lat. basis, base; solutus, détaché). Bot. So
dit d'un organe dont la base se prolonge en
un petit appendice libre : Feuille basisolutée.
BASisphénal, ALE adj . (ba-zi-sfé-nal —
rad. base). Anat. Se dit de la base d'une des
quatre vertèbres dont le développement con-
stitue le crâne.
Basitoxe s. m. (ba-zi-to-kso — du gr.
BAS
bâtis, base; toxon, arc). Entom. Genre d'in-
sectes coléoptères tétrainères, de la famille
des longicornes , comprenant deux espèces,
qui vivent au Brésil.
bas- jointe, ée adj. Art voter. Dont le
paturon très-court est presque horizontal :
Cheval, âne, mulet bas-jointe. Jument bas-
jointée.
BAS-JUSTICIER s. m. Féod. Seigneur qui
n'avait que le droit de basse justice.
— Adjectiv. : Seigneur bas-justicier.
— Eccvcl. Le seigneur bas-justicier avait le
droit de basse justice, et le juge par lui commis
pouvait connaître des causes n excédant pas
3 livres 15 sols, et condamner les coupables à
J'amende de 7 sols 6 deniers. Lorsque le délit
requérait une plus grosse amende, le bas-jus-
ticier devait avertir le haut -justicier, et, sur
l'amende prononcée, le bas-justicier prélevait
jusqu'à 6 sols parisis. En matière criminelle, le
bas-justicier pouvait prendre en sa terre tous
délinquants, informer in flagrante, et, à cet
effet, avoir sergents et prisons ; mais, dans les
vingt-quatre heures après sa capture, il devait
faire conduire le criminel, avec les informa-
tions, au seigneur haut-justicier, sans pouvoir
décréter. Le bas-justicier pouvait demander
renvoi au seigneur haut-justicier des causes
qui étaient de sa compétence. Quoique le bas-
justicier n'eût pas le droit d'avoir ceinture
funèbre, cependant on lui permettait de peindre
contre la muraille, au dedans de l'église, près
du tombeau de son père, ses armes avec une
bande noire de dix à douze pans, comme
marque de deuil, pour y demeurer un an et ua
jour, et de telle hauteur qu'elle n'empêchât
pas la ceinture funèbre du haut-justicier.
BASKERVILLE (Jean), célèbre imprimeur
anglais, né à Wolverley en 1706, mort en 1775.
D'abord maître d'école , puis vernisseur, il se
fit imprimeur vers 1756 , et il opéra une véri-
table révolution dans l'art typographique, par
la beauté des caractères qu'il employa et dont
il était lui-même, le dessinateur, le graveur et
le fondeur. C'est également à lui qu'on doit
l'invention du papier vélin. Les biographies
anglaises représentent Baskerville comme un
type d'honnêteté , de dévouement et d'obli-
geance ; c'était un homme d'une belle figure ,
mais le scepticisme est ce qui le distinguait
particulièrement. Il se faisait honneur de n'ap-
partenir à aucune religion, et il se conduisait sui-
vant les règles d'une sorte de morale indépen-
dante ; son aversion se portait surtout contre
la culte catholique. Dans les dernières années
de sa vie, il avait fait élever près de sa maison
une modeste pyramide destinée, suivant son
testament, à recevoir ses restes mortels. Ses
dispositions testamentaires sont curieuses;
nous allons en extraire un article caracté-
ristique : « Je déclare que ma volonté est que
je fais le partage de tous mes biens et meubles
comme ci-dessus, sous la condition expresse
que ma femme, de concert avec les exécu-
teurs de mon testament, fera enterrer mon
corps dans le bâtiment de forme conique, con-
struit sur mon terrain, qui a servi jusqu'ici de
moulin, que j'ai dernièrement élevé à une plus
grande hauteur et où j'ai fait pratiquer un
caveau, destiné à recevoir mon corps. Ceci
paraîtra sans doute une folie à beaucoup de
monde, peut-être même en est-ce une ; mais
c'est une folie que j'ai concertée, il y a plu-
sieurs années, attendu que j'ai un très-grand
mépris pour toute espèce de superstition,
pour la farce de terre sainte, etc. Je re-
Farde aussi ce qu'on appelle révélation (à
exception des rognures de morale qui s y
trouvent mêlées) comme l'abus le plus impu-
dent du sens commun que l'on ait jamais ima-
giné pour se jouer du genre humain. Je m'at-
tends bien que cette déclaration sera l'objet
de la critique sévère des ignorants et des
bigots, qui ne savent pas mettre de différence
entre la religion et la superstition, et à qui
l'on a appris que la morale (qui comprend,
selon moi, tous les devoirs de l'homme envers
Dieu et ses semblables) ne suffit pas pour le
rendre digne de ses bontés ; à moins qu'on ne
fasse profession de croire, comme ils le disent,
à certains mystères et dogmes absurdes, dont
ils n'ont pas plus d'idée qu'un cheval. Je dé-
clare que cette morale a fait ma religion et la
règle de toutes mes actions, auxquelles j'en
appelle pour prouver combien ma croyance a
été d'accord avec ma conduite. »
La biographie Michaud appelle cela du ga-
limatias; c'est une profession de foi aussi
nette et aussi claire, sinon aussi élégante, que
celle du vicaire savoyard, et, puisque la bio-
graphie voulait protester, elle aurait pu trouver
autre chose à reprendre qu'un défaut de clarté.
Les éditions de Baskerville sont fort recher-
chées, plutôt, il est vrai, pour la beauté des
types que pour la correction. Nous citerons
notamment celles de "Virgile , d'Horace , de
Juvénal, de Perse, et la Bible anglaise im-
primée aux frais de l'université de Cambridge.
En 1779, Beaumarchais acheta les types de
Baskerville" qu'il fit servir à l'impression de
l'édition des œuvres de Voltaire, dite édition
de Kehl.
basket s. ni. (ba-skèt — mot angl. qui
signif. panier). Métr. Mesure de capacité,
employée dans l'Inde anglaise pour le riz :
A Hangoun, le basket ou tenn est compté
comme pesant 26 kilo.
BASKIRS, peuplade d'origine mongole, qui
habite les gouvernements russes d'Orenbourg
BAS
.et de Perm, entre les rivières Kama, Volga
et Oural. Les Baskirs, appelés Ischtiaks par
plusieurs nations de l'Asie, se donnent eux-
mêmes le nom de Baschkourts, mot qui signifie
éleveurs d'abeilles ; ils forment 30,000 familles
environ, et sont au nombre de 400,000. Cette
population, répartie en douze cantons, est no-
made pendant l'été et reste fixée dans les
villages pendant l'hiver. Les Baskirs s'occu-
pent peu d'agriculture ; ils vivent du produit
de la chasse et surtout de l'élève des abeilles
et des chevaux ; leur territoire, riche en forêts
et en pâturages, renferme, sur les revers de
l'Oural, des lavages d'or et de platine d'une
grande importance.
Les traits de leur visage et leur conforma-
tion physique décèlent leur origine ; ils sont
de taille moyenne , robustes , belliqueux et
enclins au brigandage. Leur vêtement consiste
en un long pardessus à la manière orientale,
et en une grande peau de mouton ; leur coif-
fure, en un bonnet pointu de feutre. Ils pré-
parent, avec du lait de chameau et de jument
fermenté, une boisson enivrante qu'ils ap-
pellent koumiss , et dont ils sont extrêmement
friands. Leurs armes sont les flèches, la lance
et l'arc, auxquels ils ont joint les armes à
feu. La plupart d'entre eux professent l'isla-
misme; leur chef religieux réside à Oufa;
mais la loi du prophète, grossièrement altérée
par un mélange de croyances superstitieuses,
est très-imparfaitement observée. Les An-
nales allemandes des peuples de la terre nous
donnent sur les mœurs, les croyances et les
légendes des Baskirs de très-curieux détails,
que nous croyons devoir mettre en partie sous
les yeux de nos lecteurs. Les Baskirs pré-
tendent posséder des livres noirs dont le texte,
disent-ils, a été composé dans l'enfer. Selon
eux, les interprètes de ces livres connaissent
le passé, le présent et l'avenir, et entretien-
nent les liaisons les plus intimes avec les dé-
mons, auxquels ils peuvent faire faire des
choses extraordinaires, telles que d'obscurcir
le soleil et la lune, de détacher les étoiles du
ciel, où l'on pense qu'elles sont fixées, et de
les faire descendre sur la terre ; de soulever
et d'apaiser des tempêtes et des ouragans;
d'acquérir à volonté des richesses immenses,
en un mot, de satisfaire toutes leurs passions,
tous leurs caprices,' même les plus extrava-
gants. La possession de ces livres noirs est
naturellement fort recherchée, et se transmet
de père en fils par héritage. Les Baskirs
croient, en outre, aux magiciens et aux sor-
ciers, dont la puissance , quoique moindre à
leurs yeux, est encore fort redoutable. Ces
sorciers ont le monopole du traitement des
maladies, dans lequel ils emploient toutes les
simagrées auxquelles nous ont initiés les récits
de tous les voyageurs qui ont visité une peu-
plade barbare quelconque. Ces magiciens pra-
tiquent également la divination au moyen des
os de mouton. Rien n'égale, paralt-il, la véné-
ration des Baskirs pour le cheïtan-kouriasi
(celui qui voit le démon, Satan). Le rôle de
ces cheïtan-kouriasis n'est pas toujours une
œuvre de mal et de destruction ; on a souvent,
au contraire, recours à leurs bons offices dans
des cas de grandes calamités publiques, telles
que des épidémies, des sécheresses, etc. Les
Baskirs croient que les astres sont fixés au
ciel par des chaînes de fer, et que la terre
repose sur trois énormes poissons, dont l'un
est déjà mort, symptôme de la fin prochaine
du monde. Cette dernière légende se retrouve
aussi chez les Persans. Les Baskirs, en adop-
tant la religion musulmane, en ont également
pris les doctrines fatalistes, vers lesquelles, du
reste, ils étaient déjà poussés par leurs ten-
dances antérieures. Le diable joue un très-
trand rôle chez les Baskirs; aussi, beaucoup
e localités de leur pays tirent leur nom de
celui du diable.
Le territoire occupé par les Baskirs pré-
sente beaucoup d'intérêt, au point de vue
archéologique. On y remarque principale-
ment trois ruines importantes. La première
se trouve sur les bords de la Kama, à la place
qu'occupait autrefois une petite ville des Bul-
gares; on y remarque un temple consacré à
une divinité inconnue, qui, s'il faut en croire
les traditions locales , aurait disparu sous la
forme d'une épaisse fumée, après avoir prédit
la ruine de Kazan. La seconde ruine, qui existe
aussi sur les bords de la Kama, est tout ce qui
reste d'une ville qui renfermait un temple
magnifique, dans lequel on offrait des sacrifices
humains. La troisième ruine se trouve sur les
bords de la Belaia. C'était autrefois, disent les
Baskirs, une ville populeuse, qui fut aban-
donnée par ses habitants à cause de la foule
innombrable de serpents venimeux envoyés,
à ce que prétend la tradition, par les mauvais
esprits.
On doit cependant reconnaître que les gros-
sières superstitions des Baskirs , dont nous
venons d'esquisser rapidement le tableau, com-
mencent à perdre peu à peu du terrain, grâce à
la civilisation qui pénètre chez eux, et à la-
quelle, il faut le reconnaître, ils ne se mon-
trent nullement rebelles. Dans presque tous
les villages, il y a des écoles ou les enfants
apprennent à lire, à. écrire, etc. Les jeunes
gens vont faire leurs études à Kazan, ou dans
la petite ville de Kargal. On y a fondé de
très-bonnes écoles, où l'on enseigne la lec-
ture, l'écriture, la grammaire tartare, l'arabe,
le turc, le persan, la physique et la philoso-
phie d Aristote. A Orenbourg, l'institut Na-
plinjeff est assidûment fréquenté par la jeu-
BAS
nesse baskirieime , tartare et kirghize , et
même plusieurs Russes y apprennent le russe,
l'arabe, le tartare et ie persan, ainsi que les
éléments de l'art militaire. Cet institut est
appelé à répandre parmi les Cosaques l'in-
struction et tous les bienfaits qui en résultent.
Les Baskirs vivaient autrefois indépen-
dants sous leurs princes, dans la Sibérie mé-
ridionale; mais, persécutés par les khans de
ce pays , ils se replièrent sur les rives de
l'Oural et du Volga, et se soumirent au khan
de Kazan. Ce dernier Etat ayant été détruit
vers 1480 par Ivan II, ils reconnurent la domi-
nation des Russes, contre lesquels ils se soule-
vèrent fréquemment dans la suite. Vers 1730,
les Kalmouks, qui parcouraient les vastes
steppes situés à 10. de l'Oural, ayant émigré
dans l'empire chinois, les Baskirs dirigèrent
leurs incursions vers le Volga, et inquiétèrent
fréquemment les colons 'allemands qui, à la
voix de Catherine II, étaient venus cultiver les
terrains fertiles situés sur les bords de ce
fleuve. Une expédition sérieuse fut dirigée
contre ces hordes pillardes, qui, après avoir
éprouvé une grande diminution de bien-être
et de population, se soumirent à la puissance
moscovite.
De nos jours, les Baskirs élisent eux-mêmes
leurs chefs ou atamans; ils ne payent ni taxe
ni impôts, mais ils sont astreints au service
militaire du cordon établi pour la sécurité de
la frontière asiatique; de plus, sur les qua-
torze régiments cosaques de l'empire, cinq sont
exclusivement composés de Baskirs. D'humeur
vagabonde et batailleuse, le Baskir monte
admirablement à cheval , manie fort habile-
ment ses armes, et est très-apte à former,dans
l'armée russe, ces détachements de cavalerie
légère qui sont d'une si grande utilité lorsqu'il
s'agit de poursuivre un ennemi en déroute.
BASKUAL, PASKUAL ou PASQUAL (Abul-
Hussem) , lexicographe arabe, né à Cordoue,
mort en 1182. On conserve de lui à la biblio-
thèque de l'Escurial, sous le n" 1672, le ma-
nuscrit de la Bibliothèque arabica- espagnole,
divisée en dix parties. On lui attribue en outre
une Histoire des cadis de Cordoue et une
Histoire d'Espagne.
BASMADJI (Ibrehim), c'est-k-dire l'Impri-
meur, introducteur de l'art typographique dans
l'empire ottoman, né en Hongrie, mort en 1746.
Fort intelligent, fort instruit et très-versé dans
la connaissance du français, de l'italien et du
turc, il quitta sa patrie, embrassa le maho-
métisme et se fixa a Constantinople. Il y connut
Saïd-Effendi, qui venait d'admirer à Paris les
merveilles de la civilisation (1720), et qui avait
été surtout frappé des bienfaits de l'impri-
merie. Saîd et Ibrahim résolurent d'introduire
cette innovation dans les Etats dn sultan. Le
Hongrois Basmadji fit un livre manuscrit, où il
exposa tous les avantages que la puissance
turque pouvait tirer de l'adoption de cet art,
et le présenta au grand visir, Ibrahim-Pacha.
Le mufti, consulté, donna un avis favorable,
et le privilège fut signé de la main même du
sultan Achmet III; seulement, il fut défendu
"d'imprimer jamais le Coran, les lois orales du
prophète, avec leurs commentaires, les livres
canoniques et ceux de jurisprudence. Une
imprimerie fut fondée à Constantinople ; mais,
malgré tout son zèle, Basmadji ne put voir
sortir de ses presses que seize ouvrages.
L'empereur Achmet III le combla de faveurs.
Il lui fit don d'un timar ou fief militaire , et
d'une pension de 99 aspres par jour.
■ BASMA1SON POUGNET (Jean DE), juris-
consulte français, né à Riom au xvie siècle.
Il s'était acquis beaucoup de réputation au
barreau de sa ville natale, lorsqu'il fut député
par sa province aux états généraux de Blois,
en 1576. Il y fit preuve d'un esprit de modé-
ration et de tolérance extrêmes, fut un des
membres désignés pour engager le prince de
Condé à se rendre aux états; puis, à deux
reprises, il fut chargé par la province d'Au-
vergne de missions près de Henri III. La mo-
dération de son caractère et de ses opinions
lui attira la haine des ligueurs, et il fut sur le
point de quitter le barreau pour devenir lieu-
tenant de la sénéchaussée de sa province ;
mais Etienne Pasquier, qu'il avait connu jadis
à Paris et dont il était devenu l'ami, s'empressa
de lui écrire : « 11 y a trente ans et plus que
vous tenez l'un des premiers lieux entre ceux
de notre ordre'dans notre pays, étant chéri et
aimé des grands, respecté au commun peuple,
vivant en une honnête liberté, sans altération
de votre conscience; et maintenant qu'êtes
arrivé sur l'âge, désirez ambitieusement, pour-
suivez d'être lieutenant de province! Etant
avocat du commun, votre fortune dépend de
vous et de votre fonds; étant appelé à cet
état, vous dépendrez désormais des grands
qui le vous auront octroyé. » Basmaison suivit
le sage conseil de son ami ; il resta et mourut
avocat. On a de lui quelques ouvrages fort
estimés, notamment : Sommaire discours de
fiefs et arrière-fiefs (Paris, 1579), et Para-
phrase sur la coutume d'Auvergne (1590), plu-
sieurs fois réimprimée.
BASMANOFF (Pierre), général russe, mort
en 1606. Chargé par le czar Baris Godunoff
de repousser, en 1605, le moine GiskaOtrépief,
qui s était fait proclamer empereur à Moscou
sous le nom de Démétrius, et qui s'avançait
sur Novogorod, il remplit cette mission avec
le plus grand succès, fut comblé d'honneurs
par le czar et nommé commandant en chef
BAS
313
de l'armée par Fédor II, qui succéda à Godu-
noff (1605). Bien qu'arrivé au faîte des hon-
neurs et de. là fortune, Basmanoff se rangea
presque aussitôt parmi les mécontents , so
laissa gagner par ce faux Démétrius qu'il
avait vaincu, et fomenta une révolte , qui
éclata le 7 mai 1605. Il proclama czar Démé-
trius, l'appela à Moscou, et, lorsque celui-ci
fut entré dans la capitale, le jeune Fédor II
fut mis à mort, ainsi que sa femme et sa mère.
Le faux Démétrius et son complice ne jouirent
pas longtemps de leur triomphe. Les cruautés
de l'imposteur, son mépris pour les coutumes
nationales le rendirent bientôt odieux ; le
peuple, excité par Vasili Chouiski, se souleva
et assiégea le Kremlin. Basmanoff se mit à
la tête des gardes pour défendre l'entrée du
palais, fit appel à ceux qui, l'année précé-
dente, avaient renversé avec lui Fédor, et
tomba frappé d'un coup mortel par Michel
Tatistcheff, qui s'écria, en le perçant de son
épée : n Va-t'en au diable, scélérat, avec ton
czar ! »
BAS-MÉTIER s. m. Techn. Petit métier
qui se pose sur les genoux.
BASMOTHÉENS , sectaires chrétiens qui
observaient le sabbat comme les juifs.
BAS-MOULE OU BASMODLE S. m. (rad. bas
et moule, à cause de la bassesse d'extraction
de la mère). Au moyen âge, Fils d'un Latin
et d'une Grecque, il Soldat d'un corps de
cavalerie légère.
BASNAGE , nom d'une famille protestante,
originaire de Normandie , de laquelle sont
■sortis plusieurs savants ministres de l'Eglise
réformée et des jurisconsultes. Parmi les plus
distingués, nous citerons les suivants : Bas-
nage (Benjamin), né à Carentan en 1580,
mort en 1652, exerça pendant cinquante et un
ans les fonctions de ministre, et composa un
Traité de l'Eglise (1612), très-vanté par ses co-
religionnaires. — Basnage (Antoine), fils aîné
du précédent, né en 1610, mort en 1691, fut
ministre à.Bayeux, où il se fit remarquer par
ses talents et ses vertus. Arrêté au Havre-de-
Gràce, il fut jeté en prison jusqu'en 1685. A
cette époque, -il quitta la France et alla ter-
miner sa vie en Hollande. — Basnage db
Flottemanville (Samuel), fils du précédent,
né à Bayeux en 163S, mort en 1721, se livra à
la prédication dans sa ville natale, accom-
pagna son père en Hollande, et, comme lui, se
fixa à Zutpnen, où il termina sa vie. Il a pu-
blié deux ouvrages : De Rébus sacris eccle-
siasticis exercitationes (1692), et Annales poli-
lico-ecclesiastici, etc. (1706, 3 vol.), — Bas-
nagk du Fraquenay ou Franquesnay (Henri),
né près de Carentan en 1615, mort en 1695,
était fils puîné du chef de la famille, Benjamim
Basnage. Doué de l'imagination la plus heu-
reuse, et tout a la fois l'un des hommes les
plus instruits de son temps , il embrassa la
carrière du barreau en 1636, devint avocat
près du parlement de Rouen, où il s'acquit
une grande réputation par son savoir et son
éloquence, et, bien que protestant, il se vit,
chose rare à cette époque, entouré de l'estime
et du respect de tous. Ce savant jurisconsulte
a laissé deux ouvrages remarquables et soui
vent réimprimés : Coutumes du pays et duché
de Normandie, avec commentaires (1878, 2 vol.
in-fol.); Traité des hypothèques (1687, in-4<>);
ses œuvres complètes ont été publiées par son
fils à Rouen (1709). — Basnage de Beauvai,
(Jacques), né à Rouen en 1653, mort en 1723,
était fils aîné du précédent. Envoyé par son
père à l'académie réformée de Saumur, pour y
faire ses études, il eut pour maître le savant
philologue Tannegui Lefebvre, et, grâce à ses
remarquables aptitudes, il fut bientôt versé
dans la connaissance de plusieurs langues an-
ciennes et modernes. De là il se rendit suc-
cessivement, pour apprendre la théologie, à
Genève et à Sedan, où il reçut les leçons de
Jussieu, se fit recevoir ministre dans sa ville
natale en 1676, et épousa, en 1684, la petite-
fille de Pierre Dumoulin, ministre qui, au com-
mencement du siècle, avait joué un rôle im-
portant dans les affaires de religion. Lorsqu'en
1685 le culte protestant fut interdit à Rouen ,
par suite de la révocation de l'édit de Nantes,
Basnage se retira en Hollande, exerça d'abord
son ministère à Rotterdam, puis fut appelé à
La Haye en 1719, parce que le grand pen-
sionnaire Heinsius,qui avait pu apprécier son
caractère et ses talents, désirait l'avoir auprès
de lui. Ce dernier l'employa dans différentes
missions, dont il s'acquitta avec une habileté
qui a fait dire à Voltaire qu'il était plus propre
à être miuistre d'Etat que d'une paroisse.
Lorsque le duc d'Orléans envoya, en 1716,
Dubois à La Haye pour y négocier une al-
liance, il lui ordonna de se concerter avec
Basnage, qui n'a vait pas cessé d'être profondé-
ment attaché à son pays , et celui-ci prit une
part active au traité d alliance conclu en 1717.
Pour le récompenser de ses services, le ré-
gent lui restitua tous les biens qu'il avait en
France et qui avaient été confisqués. Basnage
n'en continua pas moins à rester en Hollande,
où il mourut. Il n'était pas seulement un
homme d'une science profonde , mais un
grand homme de bien, dont la candeur et la
droiture étaient sans égales, et qui rehaussait
encore ces qualités par l'exquise urbanité de
ses manières. On a de lui de nombreux ou-
vrages, pour la plupart extrêmement remar-
quables. Les principaux sont : Traité de la
conscience, etc. (Amsterdam , 1696); Histoire
de l'Eglise depuis Jésus-Christ (1699) ; His-
40
314'
BAS
S
taire des Juifs depuis Jésus-Christ (1706), une
de ses œuvres les plus importantes; Anti-
quités judaïques (1713) ; Annales des Pro-
vinces-Unies (1717) ; Dissertation historique
sur les duels et les ordres de chevalerie (1720) ;
Etat da l'Eglise gallicane sous le règne de
Louis XIV et sous la minorité' de Louis XV
(1710), etc. — Basnaoe de Beauval (Henri),
frère du précédent, né à Rouen en 1656, mort
en 1710, suivit, comme son père, la profession
d'avocat au parlement de sa ville natale. Lors
de la révocation de l'édit de Nantes, en 1685,
il abandonna le barreau, et, deux ans après,
il alla chercher près de son père un refuge
en Hollande, où il termina ses jours. Comme
lui, il était d'une tolérance et d'une modéra-
tion extrêmes, comme on le voit du reste dans
ses ouvrages, dont les principaux sont : Tolé-
rance des religions (1684) ; Histoire des ou-
vrages des savants (1687-1709, 12 vol.), inté-
ressant recueil de critique littéraire, faisant
Suite aux Nouvelles de larépublique des lettres,
de Bayle. On a également de lui une édition
augmentée du Dictionnaire universel, recueilli
et compilé par feu Antoine Fur etière (1701,
3 vol.).
BAS- NORMAND, BASSE-NORMANDE adj.
Géogr. Qui est de la basse Normandie; qui
appartient à ce pays ou à ses habitants : Les
pays bas-normands. Le patois bas-normand.
Cette discussion fut imprudemment élevée par
un seigneur bas-normand. (Balz.)
— Substantiv. Personne qui est de la basse
Normandie : Un Parisien n'est qu'une dupe,
en comparaison d'un Bas-Normand,, et mon
maître l'attrapera. (Oampistron.) C'est un
vrai Bas-Normand qui a le cœur sur la main.
(F. Soulié.)
. . Morbleu! j'entre en furie,
En songeant qu'un morceau si tendre et si friand
Doit tomber sous la main d'un maudit Bas-Normand.
Eeonard.
— Les écrivains en général , et particu-
lièrement les poètes, donnent à ce mot un
sens un peu défavorable, et l'emploient comme
synonyme do menteur, de hâbleur, d'homme
en qui il ne faut avoir qu'une demi-confiance.
BASOCHE OU BAZOCHE S. f. (ba-zo-che —
Etym. contestée; suivant Ménage et d'autres
étymologistes , vient de basilica, basilique,
lieu où se tenaient les tribunaux ; dans le
vieux français, basilique se serait prononcé
successivement basilea, basalca, baseugtw,
basoque, basoche. Suivant d'autres, Boiste,
par exemple, du gr. bazein, railler, parler
d'une façon goguenarde). Avant la Révolu-
tion, Communauté des clercs du parlement
cîo Paris, u Juridiction des clercs du parle-
ment, qui jugeaient leurs pairs.
— Parext. Mœurs, habitudes desxlercs de
la basoche : Cela sent sa basoche.
•- Par plaisant. Corps des procureurs,
avoués et notaires : Quel spectacle ! La nou-
velle et l'ancienne basoche qui trinquent en-
semble! (Scribe.)
— Encycl. Les procureurs, voyant l'aug-
mentation toujours croissante du nombre et
de l'importance des affaires portées devant le
parlement, et ne pouvant plus faire par eux-
mêmes toutes les écritures que nécessitait leur
ministère, avaient obtenu du parlement le droit
de se faire aider par des clercs, c'est-à-dire
par des jeunes gens instruits, car tous ceux
qui savaient lire et. écrire étaient alors com-
pris parmi les hommes de clergie. En 1303,
Philippe le Bel, de l'avis et conseil de son par-
lement, autorisa les clercs de procureur à se
discipliner et à former la corporation de la
basoche, à laquelle il concéda les privilèges,
qu'ils gardèrent pendant près de cinq cents
ans, d'une juridiction particulière. La basoche
s'administrait elle-même, veillait aux intérêts
de chacun de ses membres; en outre, elle
exerçait un droit de justice souveraine, exclu-
sive et sans appel, sur tous les clercs du pa-
lais ; ce droit s étendit bientôt à tous ceux des
juridictions ressortissantes au parlement de
Paris. Ainsi, pas plus que les autres industries
ou professions, les professions judiciaires ne
pouvaient échapper, au moyen âge, à la forme
générale de corporation*; mais, disons-le tout
de suite, pendant que toutes les corporations
se résumaient en confréries, la basoche, elle,
donnait un exemple jusque-là sans précédent
peut-être en ne prenant pas, comme ses de-
vancières, le caractère essentiellement reli-
fieux qui leur était propre. La basoche reçut
es son origine le titre de royaume, et son chef,
comme ceux de beaucoup d'autres associations,
fut autorisé à prendre celui de roi. Il y avait
déjà le roi des merciers, le roi des arbalé-
triers, le roi des ribauds, le roi des ménétriers,
même le roi des barbiers, qui était le barbier
du roi ; il y eut le roi de la basoche ou des ba-
sochiens, dont les privilèges ne manquaient
pas d'importance, ainsi qu'on en pourra juger
far la suite de ce travail. Les dignitaires, qui
composaient une véritable cour à ce souve-
rain plus d'une fois redoutable et redouté, se
qualifièrent nécessairement princes de la ba-
soche. Ils devaient foi et hommage à leur roi ;
ils étaient tenu3 d'obéir à ses mandements ; et
l'appel de leurs jugements était porté de-
vant iui ou devant son chancelier. Le roi de
la basoche connaissait en dernier ressort de
tous les différends entre clercs. La basoche
tenaitdes séances périodiques, et jugeait, tant
en iiiatière civile qu'en matière criminelle, non-
souiouHmt les contestations qui s'élevaient
BAS
entre ses membres, mais aussi les procès in-
tentés à ces derniers. Elle avait, dans ses
attributions, celle de décider sur la capacité des
candidats aux offices de procureur, et déli-
vrait ou refusait les certificats A'admittatur ;
dô nos jours les chambres d'avoués continuent
cette tradition. Dans l'origine, le temps de
cléricature était constaté par des lettres qu'on
appelait lettres de bêjaune ou bec jaune. Ajou-
tons que le roi de la basoche réglait la disci-
pline de la turbulente milice placée sous soa
autorité.
Chaque année, vers la fin de juin ou dans
les premiers jours de juillet, la basoche était
tenue, en vertu d'une ordonnance de Philippe
le Bel, de faire une montre générale, composée
de tous les clercs du Palais et du Chatelet
(v. ci-après Basoche du Chatelet), et de
tous les suppôts et sujets du roi de la basoche
(Recueil des Règlements du royaume de la Ba-
soche, anonyme). Les clercs se distribuaient
en compagnies de cent hommes, qui se choi-
sissaient chacune un capitaine, un lieutenant
et un enseigne ou porte-étendard. Tout capi-
taine, une fois élu, adoptait la couleur et le
costume que devaient porter les clercs placés
sous ses ordres. Ce costume était reproduit
par la peinture sur un morceau de vélin, qui
demeurait fixé à l'étendard de la compagnie.
Celle-ci prenait un nom en rapport avec l'ac-
coutrement mis à l'ordre du jour. Les digni-
taires de la basoche figuraient au grand com-
plet à cette montre ou revue, qui offrait un
spectacle fort remarquable et qui, à l'époque
de Henri III , réunissait jusqu'à dix mille
hommes. Une peine de dix écus d'amende était
prononcée par le chancelier de la basoche contre
tout clerc qui, sans motif d'excuse légitime, se
dispensait d'y assister. Nous avons parlé des
dignitaires : ils se composaient, outre le roi,
d'un chancelier, d'un vice-chancelier, d'un
maître des requêtes, d'un grand audiencier,
d'un procureur général, d'un grand référen-
daire, d'un aumônier, de secrétaires, d'huis-
siers, de greffiers, etc., etc. Philippe le Bel
avait accordé au roi de la basoche ^autorisa-
tion de porter la toge royale, de faire frapper
une monnaie qui aurait cours parmi les clercs
et leurs fournisseurs ; il lui avait, en outre,
accordé l'usage d'un sceau sur lequel étaient
gravées les armes basochiennes : un écu royal
d'azur à trois ëcritoires d'or, et au-dessus
timbre, casque et morion, avec deux anges pour
supports. Une vieille ronde de la basoche, qui
n'avait pas moins de quarante couplets et qui
remonte, dit-on, à la bataille de Pavie, fait
allusion à ces armes de la manière suivante :
L'encrier, la plume et l'épée
Etaient les armes de Pompée ;
La basoche est son héritière,
Elle en est fière !
Soldat clerc, le basochien
Est bon vivant et bon chrétien.
Vive la basoche!
A son approche
Tout va bien !
Mercier, dans son Tableau de Paris, s'écriait
Elus tard : « Oh ! quel fleuve dévorant, sein-
lable aux noires eaux du Styx, sort de ces
armes parlantes (les trois écritoires), pour tout
brûler et consumer sur son passage I Quoi,
Montesquieu, Rousseau, Voltaire etBuffbn ont
aussi trempé leur plume dans une écritoirel
Et l'huissier exploitant et l'écrivain lumineux
se servent chaque jour du même instrument! »
N'en déplaise à Mercier, cet encrier, cette
plume et cette épée, dont parle la chanson,
sont, bien plus que trois simples écritoires,'
l'expression parlante de cette jeunesse turbu-
lente et aventureuse, toujours prête, ainsi que
le fait remarquer M. Gustave Desnoiresterres,
à en venir aux mains, et à laquelle la jeunesse
de nos écoles ne saurait être comparée. Le
sceau basochien était confié à la garde du
chancelier, lequel portait la toge et le bonnet,
ni plus ni moins que son confrère le chance-
lier de France. Au nombre des privilèges de
la basoche, dont les pièces de constitution
furent brûlées dans l'incendie du palais arrivé*
le 7 mars 1818, n'oublions pas de rappeler
celui qui octroyait au trésorier et au receveur
du domaine de la basoche le droit de faire
sceller gratis, à la chancellerie de France, une
lettre de tel prix qu'ils voudraient.
Les statuts publiés en 1586 règlent les au-
diences, le nomore des dignitaires et les attribu-
tions de chaque officier. Lacour de justice de la
basoche se composait du chancelier (rempla-
çant le roi supprimé par Henri III, ainsi qu'on
le verra plus loin) ou du vice-chancelier pré-
sident, assisté de ses maîtres des requêtes.
Aux termes d'un arrêt rendu en 1656 par le
parlement de Paris, tous les officiers de la
oasoche étaient élus dans une assemblée géné-
rale des clercs du palais. Le chancelier, dé-
sormais chef souverain de la corporation, ne
pouvait être ni marié ni bénéficier ; il portait
la robe et le bonnet carré; les autres officiers,
l'habit noir, le rabat et le manteau. Les au-
diences se tenaient publiquement deux fois par
semaine. Le nombre de juges, pour la validité
de l'arrêt, ne pouvait être au-dessous de sept,
non compris le président. Tous les avocats
reçus au royaume basochien devaient assister
aux plaidoiries tant ordinaires qu'extraordi-
naires en habit décent, sous peine de confis-
cation de chapeaux. Les requêtes présentées
à la cour étaient intitulées : A Nos Seigneurs
du royaume de la Basoche; le papier timbré
était employé pour ces requêtes, ainsi que
BAS
pour toutes les procédures. Les arrêts étaient
formulés ainsi : La basoche régnante en triom-
phe et filtre d'honneur , à tousprésents et avenir ,
salut. — Nostre bien amé... A ces causes... De
grâce spéciale et autorité royale basocldenne...
Si mandons à nos amés et féaux. — Car tel est
nostre plaisir. — Donné en nostre dit royaume,
l'an de joie... et de nostre règne le perpétuel.
Les décisions, nous l'avons déjà rappelé pré-
cédemment, étaient souveraines : on ne pou-
vait en appeler que devant la même juridic-
tion. La cause était alors jugée par ce qu'on
appelait le grand conseil, composé des chance-
liers et des procureurs de la cour basochiale.
Les audiences de la basoche n'étaient pas
seulement remplies par la discussion des causes
dont la cour pouvait connaître, mais elles
étaient encore, et surtout, des sortes de confé-
rences pleines d'enseignement, où se débat-
taient des procès fictifs dont les plaidoiries
avaient pour but de familiariser les clercs
avec l'interprétation des lois et la mise en
pratique des termes du barreau, des règles de
la procédure et des coutumes du palais; chaque
année, à l'époque de la Saint-Martin, la ba-
soche ouvrait ses audiences en grand apparat,
des harangues étaient prononcées comme au
parlement, et il était donné lecture des noms
des avocats inscrits au tableau. Pour être
reçu basochien, il fallait être célibataire et
n'être pourvu d'aucun titre soit d'avocat,
soit de procureur. Il y avait des artisans spé-
cialement attachés à la basoche : un barbier,
un'chirurgien, un charpentier, un rôtisseur, etc.
On a pu pressentir déjà, lorsque nous avons
parlé de la montre ou revue générale, que la
corporation basochienne avait'(et c'était là
d'ailleurs un des caractères communs aux
corporations) une sorte d'organisation mili-
taire. La basoche composait, en effet, une mi-
lice considérable, qui paya de loyaux services
les faveurs de la royauté. Henri II, notam-
ment, ne dédaigna pas d'en tirer parti. Ainsi,
en 1548, la Guyenne s'étant soulevée par suite
des exactions commises dans la perception des
droits nouveaux qui avaient été imposés à ses
habitants, le roi de la basoche offrit au roi de
France six mille de ses sujets pour l'aider à
pacifier la Guyenne. L'offre fut bien accueillie.
Le monarque, au retour des basochiens, leur
demanda quelle récompense ils désiraient.
«L'honneur de servir Votre Majesté partout
où elle voudra nous employer, » lui répondit-on.
Ce fut là, pour la basoche, la source de plus
d'un privilège. Le droit de couper dans les
forêts du roi plusieurs chênes, dont le plus
beau était amené à Paris en grand appareil et
planté dans la cour du Palais, droit accordé
par lettres patentes de 1548, n'a pas d'autre
origine. Tous les historiens de la basoche pré-
tendent, en outre, que la belliqueuse corpo-
ration , en récompense de sa bravoure en
Guyenne, reçut la jouissance exclusive du
Pré aux Clercs, vaste terrain connu jusque-là
sous le nom de la Saulsaye,etoù, depuis lors,
elle passa chaque année sa montre générale ou
revue. Le Pré aux Clercs aurait dès lors
échappé à l'Université; mais remarquons en
passant qu'aucun des historiens de l'Université
ne mentionne ce don royal. Cette contradic-
tion a échappé aux chroniqueurs du vieux
Paris, ainsi qu aux monographes de la basoche
et de l'Université. M. Victor Fournel en fait la
remarque. La possession constante de l'Uni-
versité lui paraît évidente, en dépit de l'as-
sertion isolée des historiens de la basoche, qu'on
pourrait expliquer, selon lui, par un don mo-
mentané et sans suite, ou par la concession
de quelques droits particuliers relatifs à l'usage
de ce vaste terrain.
Une chose digne de remarque, c'est que la
corporation des clercs, quoiqu'elle fût nom-
breuse et régulièrement organisée, prit rare-
ment part d'une manière active aux événe-
ments politiques. Elle n'y était pas indiffé-
rente pourtant, et nous la voyons mêlée, dès
le règne de Charles VII, aux agitations que la
guerre avec l'Angleterre jetait dans Paris;
mais elle ne s'en occupait guère que pour at-
taquer les abus par l'arme toute gauloise
du ridicule. Plus tard, nous la retrouverons à
la prise de la Bastille, offrant son sang à la
liberté et formant un corps armé. Il y avait
dans sa constitution même une sorte d'ironie
burlesque, qui la portait à chercher le côté
plaisant ou risible des choses les plus respec-
tées dans les sociétés humaines. Il n'est donc
pas étonnant qu'elle ait songé de bonne heure
a donner des représentations théâtrales, qui
furent accueillies avec une faveur d'autant
plus grande qu'elles étaient plus satiriques et
plus licencieuses. Tous les hommes exerçant
les charges les plus hautes passèrent sous les
fourches caudines de son esprit critique et
mordant. Elle fit surtout une guerre acharnée
et impitoyable aux prétentions, aux ridicules
et aux abus de la justice ; elle s'érigeait en
tribunal, par devant lequel elle citait à com-
paraître tout ce qui portait la toge ou la robe,
et, s'arrogeant peu à peu le droit de tout dire,
les clercs de la basoche allèrent si loin, que
plus d'une fois il fallut refréner leur audace;
et c'est ici justement que la basoche va se pré-
senter à nous sous son aspect joyeusement
pittoresque. Les basochiens, passés maîtres en
cette science, aujourd'hui perdue ou à peu
près, que nos ancêtres appelaient la gaie
science, nous apparaissent comme les fonda-
teurs probables de la comédie française. Ils
furent « comme les premiers comédiens en ce
royaume, » dit l'abbé d'Aubignac, qui leur re-
BAS
proche d'avoir maltraité la religion. On paut
admettre que ce sont les premiers auteurs-
acteurs qui se soient montrés à Paris. La ba-
soche n'avait certes pas été constituée en vue
de donner des représentations théâtrales ; dans
l'origine, elle n'avait même rien d'une société
dramatique ; il n'en est pas moins vrai que les
jeux scéniques furent une des principales rai-
sons de sa grande popularité, un de ses titres les
plus durables à la célébrité. Comment fut-elle
amenée à prendre un caractère que les études
judiciaires semblaient pourtant exclure? Elle
avait des jours de fêtes, pour lesquels il fallait
des divertissements; elle n'en trouve pas de
meilleurs que les jeux scéniques. Mais elle
cherche un genre plus mondain que les mys-
tères, dont les confrères de la Passion pos-
sèdent le privilège, et dont le peuple commence
à se lasser, et efle invente la moralité, espèce
de satire un peu abstraite de l'humanité, pièce
d'un genre mixte, participant des soties par
les allusions satiriques et des mystères par
quelque mélange de sujets religieux. A quelle
époque les clercs de la basoche mêlèrent-ils à
leurs fêtes et cérémonies des représentations
théâtrales? M. Victor Fournel pense que ce
fut, au plus tard, vers le commencement du
xve siècle; car, dit-il, quelques années après,
on voit la basoche en pleine possession de cet
usage, et adjoignant même a son répertoire
ordinaire de moralités, par suite d'une autori-
sation réciproque échangée entre les deux
sociétés rivales, les soties et les farces des
Enfants Sans-Souci. Ce qu'il y a de certain,
c'est que nous voyons, dès 1444, la faculté de
théologie interdire les basochiens à cause de
l'immoralité de leurs moralités. Deux ans au-
paravant, le parlement les avait déjà censurés.
« Dans ses jeux de théâtre, écrit l'auteur des
Spectacles populaires , la basoche conserva
d'abord sa physionomie spéciale de corpora-
tion judiciaire, et se renferma dans la satire
des gens du palais : clercs, huissiers, procu-
reurs, avocats, juges même, étaient l'objet de
railleries mordantes ; elle frondait les ridicules
et les abus de dame Justice; elle était une
sorte de tribunal comique par devant lequel
comparaissait lui-même, à certains jours, le
grave tribunal chargé de la sanction des lois;
et ces petits clercs, saute-ruisseaux, gratte-
papier , bénéficiant chacun des privilèges
collectifs de l'association, et devenus des per-
sonnages avec qui il fallait compter, acqué-
raient, aux grandes dates de leurs divertisse-
ments scéniques, les droits exorbitants de ces
esclaves romains qui, durant les saturnales,
pouvaient se venger impunément en libres
propos de la tyrannie de leurs maîtres. Puis,
le cercle s'étendit par degrés, et bientôt les
farces et moralités des basochiens embras-
sèrent dans leur vaste cadre toute la comé-
die humaine, ou du moins tout ce qu'en pou-
vait pénétrer la verve bouffonne et railleuse,
mais naïvement grossière, de ces Thespis du
théâtre français. » Les clercs ne jouèrent,
dans l'origine, que trois fois par année : la
première , tantôt le jendi qui précédait et
tantôt celui qui suivait la fête des Rois; la
deuxième, le jour de la cérémonie du mai, dont
nous parlerons tout à l'heure ; la troisième,
quelque temps après la montre générale. Peu
à peu, leurs représentations devinrent plus
fréquentes, et il n'y eut pas de fêtes ou de ré-
jouissances publiques auxquelles la basoche ne
fût conviée; elle donnait, par exemple, son
spectacle aux 'entrées des souverains, aux
cérémonies des mariages royaux, aux cours
plénières, etc. Jusqu'à Louis XII, les clercs
n'eurent pas d'endroit fixe pour leurs exhibi-
tions théâtrales, qui avaient lieu parfois au
Palais, plus souvent dans des maisons parti-
culières, et de temps à autre à la Saulsaye ou
Pré aux Clercs, dont la jouissance leur avait
été concédée par Henri II, ainsi que nous
l'avons vu précédemment. Louis XII, qui se
plaisait à protéger les libertés du théâtre,
persécuté par ses prédécesseurs, Louis XII,
que les basochiens n'avaient cependant pas
épargné dans leurs satires, accorda à ces der-
niers le privilège exclusif et perpétuel de
jouer sur la grande table de marbre du Palais,
qui servait aux festins somptuaires donnés
par les rois de France lorsqu'ils tenaient cour
ouverte, et qui occupait presque toute la lon-
gueur de la grande salle du Palais, mesurant
40 m. de long sur 12 m. 70 de large; salle
magnifique, consumée, ainsi qu'une partie des
bâtiments du Palais, par l'incendie de 1618,
et dont la salle actuelle des Pas perdus, qai
n'en est qu'un diminutif, ne peut donner qu'une
trè'fe-faible idée. Les clercs avaient déjà joué
sur cette table de marbre, composée de neuf
morceaux, et, dit Sauvai, d'une épaisseur
extraordinaire; ils y avaient joué, mais par
occasion, et non d'une façon constante ; ils en
devinrent dès lors les propriétaires particu-
liers. Les représentations étaient suivies d'un
grand festin présidé par le roi de laè«soc/ie;les
irais en étaient couverts par des souscriptions,
des taxes imposées aux béjaunes, et, chose plus
extraordinaire, par des dons spéciaux du parle-
ment, qui se montra d'abord assez -bienveillant,
peut-être malgré lui, envers les joyeux comé-
diens de la basoche. Une question se présente
tout naturellement à cette place. Quand les
clercs donnaient leurs jeux à la Saulsaye, c'é-
tait, cela n'est pas douteux, en plein air et en
plein soleil, à la face du populaire; mais, une
fois installés dans la grande salle du Palais,
excluaient-ils la foule profane, pour se bornar
à l'auditoire des gens de robe? Un arrêt du par-
lement de 1476, un autre de 1477, appuieraient
BAS
au besoin cette hypothèse, que tout le monde
était admis à venir entendre les clercs débiter
leurs épigrammes. Le premier défend auxbaso-
chiens déjouer publiquement au Palais ou Châ-
telel ni ailtenrs, en lieux publics, farces, soties,
moralités ni autres jeux à convocation de
peuple; le second leur enjoint de n'être si
nardis « de jouer farces, moralités publique-
ment, au Palais ne ailleurs. « En outre, comme
le fait remarquer M. Fournel, les nombreuses
mesures que l'on fut obligé de prendre contre
les excès satiriques de la basocfie, les persé-
cutions qu'on organisa contre elle, la censure
qui l'atteignit, les arrêts et les défenses multi-
pliés du parlement, indiquent assez qu'elle ne
renfermait pas dans une enceinte étroite la
verve caustique de ses atellanes. On peut
même avancer qu'elle la répandait en dehors
de ses représentations proprement dites, et
promenait par les carrefours la licencieuse
bouffonnerie de ses hardis sarcasmes. Les so-
ciétés dramatiques du moyen âge et de la
Renaissance, comme aujourd'hui encore dans
nos provinces les troupes ambulantes de bate-
leurs, faisaient dans les rues une exhibition
des acteurs qui devaient jouer dans la pièce,
revêtus de leurs costumes : c'était la montre.
On y joignait une annonce verbale, toute pleine
de promesses alléchantes, qui s'appelait le cri.
Le cri était l'affiche du temps, une sorte de
Ïirogramme en vers, qui se déclamait sur toutes
es çlaces de la ville. Les montres et cris
offraient, comme on doit le penser, à messieurs
de la basoche une occasion, dont ils ne se
firent pas faute de profiter, de décocher à leurs
victimes les traits les plus acérés et de les
livrer à la risée des places publiques par le
moyen des masques, des costumes, et par une
mimique dont la hardiesse se montrait surtout
friande d'à-propos et d'actualités. La manière
dont Pierre Faifeu joua un boulanger de la
ville d'Angers (Légende de Faifeu, ch. ix)
nous renseigne, par induction, sur les audaces
de ces clercs sans pitié ni merci, que le peuple
goguenard accueillait avec joie et que le
parlement essayait, mais vainement, d'arrêter.
Il est prouvé, d'ailleurs, que les basochiens
portaient jusque dans les montres leurs per-
sonnalités et leurs épigrammes. Un arrêt du
parlement, daté du 20 mai 1536, leur « fait
deffense de ne jouer, à la montre de la ba-
soche prochaine, aucuns jeux, ne faire monstra-
tion de spectacle, ne escritaux, taxons ou
notans quelque personne que ce suit, • sous
peine de prison et de bannissement perpétuel.
Les montres de la basoche, avec leur mise en
scène pittoresque, étaient donc de véritables
représentations, des pantomimes ambulatoires.
Ecoutons l'auteur des Spectacles populaires :
« Sous prétexte d'annoncer le spectacle, le cri
venait souvent encore accroître les hardiesses
de la montre, et donner le dernier trait à la
satire. Ces processions par les rues, dans tout
l'appareil des attributs basochiens , consti-
tuèrent probablement, d'abord, a peu près
toute la représentation ; et l'on peut dire, sans
trop s'avancer, que les premiers essais dra-
matiques de la société se firent en plein air et
dans la rue. Par la suite, même après qu'elle
fut entrée en possession de la table de marbre,
elle n'en garda pas moins, avec une prédilec-
tion toute spéciale, l'habitude de ces brillants
cortèges qui la mettaient plus directement en
contact avec le peuple, et qu'elle organisait,
non pas seulement comme une sorte de pro-
logue avant chacune de ses représentations,
mais encore à certaines dates périodiques et
dans certaines occasions solennelles, où ils
formaient le spectacle entier à eux seuls. »
Nous avons cité plus haut l'ordonnance en
vertu de laquelle tous les clercs du Palais et
du Ghàtelet faisaient chaque année une montre
générale, nous avons dit comment les clercs se
distribuaient en compagnies, qui élisaient cha-
cune son capitaine. Peut-être n'est- il pas inutile
d'ajouter à ces détails l'esquisse rapide de la cé-
rémonie qui fut pendant longtemps une des
grandes curiosités populaires. Guidées par les
tambours, les trompettes, les fifres et les haut-
bois, les compagnies basochiennes se répan-
daient en bon ordre à travers les rues. A leur
tête marchaient le roi de la basoche portant la
toque, le chancelier coiffé de .la toque et du
bonnet, et les autres dignitaires de la corpo-
ration. Les compagnies, toutes vêtues de
jaune et de bleu, qui étaient les couleurs
officielles de la basoche, portaient en outre les
couleurs diverses adoptées par les capitaines
et qui servaient à les distinguer entre elles ;
elles étaient précédées de leurs chefs respec-
tifs et de l'étendard sur lequel se détachaient,
en teintes éclatantes, l'emblème de la bande
et les trois écritoires en champ d'azur. Les
béjaunes , c'est-à-dire les nouveaux clercs
admis tout récemment par les trésoriers, gros-
sissaient les rangs de cette milice singulière,
qui, n'oublions pas de le dire, était à cheval.
Le cortège, composé généralement de six à
huit mille clercs et quelquefois même de dix
mille, se rendait dans la cour du Palais, où il
défilait, au son des instruments, devant son
roi, qui le passait en revue et ne manquait
pas, cela est probable, de faire entendre un
morceau d'éloquence de sa façon , quelque
chose d'analogue sans doute à ce que nous
appellerions aujourd'hui un discours de la cou-
ronne. Le cortège allait ensuite donner les
aubades et réveils accoutumés aux présidents
de la grand'chambre, au procureur général et
aux autres dignitaires. Des danses et laicomé-
die terminaient cette fête, qui était pour les
clercs une occasion solennelle de se compter
BAS
et de constater leurs forces. Cette montre gé-
nérale subsista jusqu'au règne de Henri III,
qui, effrayé de voir une population turbulente
de dix mille clercs sous les ordres d'un seul
homme dans sa capitale, supprima le titre de
roi de la basoche, déféra au chancelier de la
basoche tous les droits attribués à ce chef
déchu, et réduisit les montres aux seuls offi-
ciers. Le cortège ne se composait plus alors
que d'une trentaine de clercs, savoir : le chan-
celier,- quelques maîtres des requêtes ordi-
naires, un grand audiencier, un référendaire,
ne aumônier, quatre trésoriers, un greffier,
quatre notaires et secrétaires de la cour baso-
chiale, un premier huissier et huit huissiers
ordinaires. Il appartenait a un roi faible, fort
jaloux de son autorité comme tous les rois
faibles, de s'offusquer de ce titre de roi de la
basoche, qui semblait lui créer un rival. Il était
bien peureux, dirà-t-on; mais, a écrit Mer-
cier, souvent les hommes se sont laissé con-
duire par des mots, et plus loin qu'ils n'au-
raient d'abo.rd imaginé. Le roi électif de la
basoche portait une toque semblable à celle du
monarque français et des insignes royaux ; il
avait ses armes, sa monnaie, ses sujets, et des
gardes qui le suivaient partout. Dix mille clercs
se trouvèrent un jour aux funérailles de l'un
d'entre eux. C'était presque un Etat dans l'Etat.
Un trait de plume porta le premier coup à
cette étonnante prospérité de la basoche. Le
titre de roi de la basoche fut porté en dernier
lieu par Henri de Maingot. On donna au mo-
narque renversé une compensation, en le créant
bailli du Palais : c'était, on a eu raison de le
dire, échanger le royaume de France contre
l'île d'Elbe. François Ier, lui, s'était montré
plus favorable à ces carrousels de la basoche,
qui attiraient une si grande affluençe de cu-
rieux. A deux reprises différentes, en 1528 et
en 1540, il voulut les voir, et se montra émer-
veillé. « François Ier, dit M. Dufey (de l'Yonne),
écrivit au parlement qu'il se rendrait à Paris,
au jour désigné, pour voir la cérémonie. Le roi
de la basoche , informé de la résolution de
François Ier, envoya son avocat général au
parlement, pour prier la cour de vouloir bien
vaquer les deux jours suivants. Arrêt con-
forme, le 25 juin 15-40. » Les clercs, en uni-
forme, musique en tête et bien montés, défi-
lèrent devant le monarque, qui fut charmé de
cette belle cavalcade.
Le parlement, il faut bien le reconnaître, ne
demeura pas étranger à la décapitation du
royaume de la basoche. Toujours jaloux de sa
prépondérance, ce fut lui, bien plus encore que
le roi, qui étendit la joyeuse et redoutable cor-
poration sur un lit de Procuste qui ne fut pas
toujours celui de la justice. Mais nous nous
ferons mieux comprendre en parcourant rapi-
dement l'histoire des sévérités encourues par
les clercs de la basoche, à propos de leurs re-
présentations scéniques : on y verra germer
notre censure théâtrale, qui devait, hélas!
donner des fruits si amers. Ce fut Charles VII
qui , le premier, usa de rigueur contre les
clercs de la basoche. Ceux-ci, cédant à toutes
les colères provoquées dans le peuple par l'in-
vasion étrangère, avaient poursuivi de leurs
attaques les chefs de l'Etat. A peine le faible
Charles VII eut-il reconquis son royaume par
l'épée de Jeanne Darc, qu'il défendit aux baso-
chiens toute espèce d'allusions satiriques. Mal-
gré cette défense, les basochiens reprirent
leurs allures agressives et gouailleuses. Le
parlement se fâche. Les acteurs sont jetés en
prison et mis au pain et à l'eau. Ceci se pas-
sait en 1442. Il est interdit, en outre, aux
clercs de jamais jouer une satire — ô dérision
amèx-e I — avant qu'elle ait été approuvée
par un censeur. Voilà donc le système pré-
ventif institué; mais les basochiens s'en mo-
quèrent évidemment, car, deux ans après, en
1444, nous voyons la faculté de théologie pro-
noncer leur interdiction. On trouve en outre,
sous le règne suivant, des arrêts qui, tout en
montrant combien Louis XI aimait peu les
franches coudées de la farce, témoignent que
le système préventif n'était pas né viable. De
cette époque date la farce de Maistre Pierre
Pathelin, monument remarquable- attribué au
basochien Pierre Blanchet.
En 1476, les choses en étaient venues à ce
point, qu'un arrêt défend, t pour certaines
causes à cela mouvant, à tous clercs et servi-
teurs, tant du Palais que du Châtelet de Paris",
de jouer publiquement audit Palais ou Châte-
let, ni ailleurs en lieux publics, farces, so-
ties, moralités, ni autres jeux à convocation
de peuple, sous peine de bannissement du
royaume et de confiscation de leurs biens. »
Bien mieux, l'arrêt leur interdit de demander
la permission de jouer, sous peine d'expulsion
du Palais ou du Châtelet. Cela n'empêche pas
Jehan Léveillé, alors roi de la basoche, Martin
Houssy, Théodart de Coatnampron et autres
clercs acteurs, de présenter, l'année suivante,
une requête à la cour. Mais la cour répond, le
19 juillet 1477, par une menace de répression
plus sévère; la peine des verges est ajoutée
au bannissement. Charles VIII ne se montra
pas plus tolérant que son prédécesseur. Les
représentations, autorisées de nouveau, sont
l'objet d'une surveillance rigoureuse, et, pour
quelques plaisanteries à l'adresse du gouver-
nement, cinq clercs sont condamnés à la pri-
son ; l'interdiction de jouer est prononcée de
nouveau. Cependant, des jours meilleurs al-
laient se lever pour la basoche. Louis XII lui
rendit tous ses privilèges. « il permit les théâ-
tres libres, dit Claude de Seyssel, et voulut
que sur iceux. on jouât librement les abus qui
BAS
se commettaient tant à sa cour comme en son
royaulme. » Sollicité de punir les basochiens,
qui l'avaient représenté sous la figure de
l'Avarice : « Je veux, répondit-il, que les jeu-
nes gens déclarent les abus qu'on fuit à ma
cour, puisque les confesseurs et autres qui
font les sages n'en veulent rien dire, pourvu
qu'on ne parle de ma femme ; car je veux que
l'honneur des dames soit gardé. » Les baso-
chiens profitèrent largement de cette liberté :
ils allèrent jusqu'à imprimer sur leurs mas-
ques les traits des personnes qu'ils attaquaient.
Le parlement voulut intervenir ;" mais il dut
attendre pour cela la mort du roi, lequel con-
sacrait, par sa présence et ses applaudisse-
ments, des tableaux qui flattaient ses passions
et sa politique, en jetantle ridicule sur un pape
ambitieux et hypocrite , en atteignant une
cour débauchée, livrée à toutes les intrigues,
en faisant incessamment une sorte d'appel à
l'opinion, une façon de lit de justice populaire
où les prétentions papales étaient plaidées et
condamnées. Le Jeu du prince des sots, joué
solennellement aux Halles le mardi gras de
1511, et dans lequel le pape, sous le nom de
prince des sots, pousse à la trahison les sei-
gneurs qui entourent le roi, enjoignant aux
prélats d'abandonner l'Eglise et l'autel, de
s'armer, de courir sus aux princes et de mon-
ter à l'assaut; cette violente satire de Jules II
et de l'Eglise, qui fit la célébrité de Pierre
Gringore ou Gringoire , dont la personna-
lité historique a été tournée en caricature
par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris,
peut passer pour le morceau typique de ce
théâtre curieux et caractéristique, ou les En-
fants Sans-Souci et les clercs de la basoche, se
faisant un continuel échange de répertoire,
étaient à la fois auteurs et acteurs. » Ainsi,
dit M. Deschanel, le théâtre, quoique littérai-
rement très-informe, devenait déjà politique-
ment un instrument, une puissance. » Mais
Louis XII meurt, et les clercs de la basoche
perdent leurs libertés et franchises. Le 2 jan-
vier 1516, le parlement défend aux basochiens
de parler des princes et princesses de la cour.
Nous avons cité plus haut l'arrêt du 20 mai
1536, qui défendait de jouer à la montre de la
basoche aucuns jeux taxant ou notant quelque
personne que ce soit, sous peine de prison et
de bannissement perpétuel. Devant cette dé-
fense en termes si formels, la basoche se sou-
mit ou fit mine de se soumettre, et de son
côté le parlement, satisfait de son obéissance,
se décida à laisser peu à peu les clercs re-
prendre leurs habitudes scéniques; mais,
poussé par le clergé, il rétablit la censure en
1538, ordonnant aux comédiens de remettre à
la cour, quinze jours avant la représentation,
le manuscrit des pièces, qui ne seraient plus
annoncées par le cri sans autorisation. La
permission, lorsqu'elle était octroyée après
cette formule préalable, portait défense, sous
peine de prison ou de correction corporelle,
de faire jouer autre chose que ce qui est, hor-
mis les choses rayées. En 1540, redoublement
de rigueur. On menace les délinquants de la
kart, c'est-à-dire de la corde ou de la po-
tence. Entre l'Eglise et le théâtre sévit cette
guerre, de plus en plus terrible, qui durera
deux siècles encore, a Quelles furies autour
de Molière 1 a raison de s'écrier M. Deschanel,
qui ajoute : Mais, en général, on remarque
ceci : les parlements condamnent les comé-
diens, les rois les protègent. Derrière les par*
lements est le clergé; derrière les rois est le
peuple. » Dans la lutte qui s'établit entre le
pouvoir royal et le parlement, au sujet des
spectacles tant aimés de nos pères, le parle-
ment eut plus d'une fois le dessus, et nous le
voyons, en 1548, interdire la mise en scène de
tous les mystères, en même temps qu'il sur-
veille de très-près les représentations des
clercs de la basoche. Les années se passent,
et ce n'est plus que sous la Ligue, à la faveur
du désordre qui règne dans Paris, que les ba-
sochiens retrouvent un instant leur audace.
Ils représentent alors sur la table de marbre :
le Guisien ou la perfidie tyrannique commise
par Henri de Valois es personnes des illustres,
révérendissimes et très-généreux princes Loys
de Lorraine, cardinal et archevêque de Rheims,
et Henri de Lorraine, duc de Guise. La baso-
che était, à cette époque, devenue presque
une puissance dans l'Etat; Henri III s'en in-
quiéta. Nous avons vu tout à l'heure com-
ment il tenta d'amoindrir son importance, en
supprimant le titre de roi de la basoche et
la montre générale. Sous son successeur,
Henri IV, la comédie redevient libre; mais
c'en est fait, le premier coup est porté à la
corporation des clercs, qui désormais ira s'af-
faiblissant. Ses représentations dramatiques,
dont la dernière trace se rapporte à l'année
1582, ont dû cesser au profit de celles de
l'hôtel de Bourgogne; le privilège de battre
monnaie lui a été retiré ; le parlement a in-
terdit ses cavalcades et ses processions à
travers la ville ; les montres ne sont plus que
d'insignifiantes réunions, qui n'excitent plus la
curiosité publique.
Cependant subsistait toujours un genre de
représentation qui, sans appartenir au théâ-
tre, continuait les traditions de la basoche et
plaisait fort au peuple, nous voulons parler
de la Cause grasse, appelée primitivement
Cause solennelle, et qui se plaidait publiquement
le jour de carême-prenant. Ce plaidoyer épicé
valut à la basoche une bonne part de sa po-
pularité ; véritable discussion de carnaval,
toute farcie de mots graveleux et de plaisan-
teries grossières, cette cause grasse, dont le
BAS
315
chapitre xi du livre III de Pantagruel peut
donner une idée, se plaidait de neuf heures à
midi, en grand apparat, par-devant la cour
basochiale : elle roulait d'habitude sur un
fait ridicule, presque toujours grivois et quel-
quefois obscène, dont un magistrat trompé
par sa femme taisait habituellement le sujet
principal. On choisissait pour avocats les clercs
les plus spirituels et les plus audacieux, et
c'était à qui déploierait le plus de verve ra-
belaisienne dans cette joute où les mots les
plus libres , les expressions les plus décol-
letées étaient choisies de préférence. L'au-
teur anonyme d'une plaquette intitulée : l'Ou-
verture des jours gras ou l'entretien du Car-
naval (1634), a tracé un curieux tableau
dé ce qu'était, de son temps, le plaidoyer de
la cause grasse, dont la licence était telle,
qu'on dut l'abolir dans les premières années
du règne de Louis XIII. Mais elle reparut
et se maintint sous Louis XIV, et ne fut plus
définitivement supprimée qu'au xviu« siècle,
époque où la basoche était bhn déchue de
son ancienne splendeur. Toutefois, les clercs
restèrent en possession du droit, à eux oc-
troyé par Henri II, de couper dans les forêts
du domaine royal tels arbres qu'ils voudraient
pour la plantation du mai dans la cour du
palais. Ils faisaient ordinairement couper trois
chênes : l'un, le plus beau, pour être placé
dans cette cour, et les deux autres, pour être
vendus à leur profit. Le même prince leur
avait alloué, pour couvrir les frais de la céré-
monie, une somme déterminée, à prendre sur
les amendes adjugées au roi, tant au parle-
ment qu'à la cour des aides. La plantation du
mai, avec ses accessoires, se faisait au mois
de mai de chaque année, en grande pompe,
ettous les basochiens furent, jusqu'à une cer-
taine époque, tenus d'y assister. Elle était pré-
cédée de démonstrations diverses, qui en pro-
longeaient la durée pendant près d'un mois.
Après s'être entendus avec les officiers de la
maîtrise des eaux et forêts sur le jour, qui était
invariablement un dimanche, de leur rendez-
vous dans la forêt de Bondy (la forêt de Bondy
futremplacée par le bois deVincennes, àpartir
de 1778, par suite de sa cession au duc d'Or-
léans), le chancelier de la basoche, en habit
d'apparat, et les deux commissaires nommés
pour la fête, accompagnés d'un timbalier,
de quatre trompettes, de trois hautbois et
d'un basson, allaient au Palais donner les au-
bades et réveils au premier président, aux
présidents à mortier, aux procureurs et avo-
cats généraux, à la basoche elle-inème, aux
officiers des eaux et forêts, à la porte du par-
quet des gens du roi, etc. Ces aubades jouaient
un rôle important dans les usages de la baso-
che; elles se donnaient souvent la nuit, à la
lueur des flambeaux et des torches, par les
rues, en grand appareil, à la suite des mon-
tres, à l'époquedu renouvellement de l'année,
et dans d autres occasions encore. Le diman-
che fixé, dès le matin, tous les dignitaires de
la basoche, à cheval, vêtus superbement et
armés de façon splendide, ayant avec eux
leur imposant orchestre, allaient prendre le
chancelier (nous supposons que le roi n'existe
plus) et le conduisaient au palais. Après un
premier discours prononcé par un clerc dé-
signé d'avance, le cortège défile en bon ordre
et se dirige vers le bois de Bondy, où l'atten-
dent les officiers des eaux et forêts, également à
cheval et suivis de gardes. On déjeune en
commun. Après quoi, les officiers des eaux et
forêts prennent les devants ; la basoche se met
également en marche, mais, avant d'arriver
au lieu convenu, elle fait halte, et le premier
huissier va avertir ceux qui la précèdent de
son approche. Au point de réunion, le procu-
reur général de la basoche adresse aux offi-
ciers une harangue. Puis, au son des trompet-
tes et des timbales, le garde-marteau marque
les arbres que le charpentier de la basoche
viendra couper quelques jours après, pour les
faire porter à Paris dans la cour du Palais.
Enfin, lejour delaplantationvenu, on abattait
le mai de l'année précédente, etsurson empla-
cement on élevait le nouvel arbre, décoré
des armes de la corporation entourées de
lierre, pendant' que l'orchestre donnait ses
plus belles fanfares et que les clercs et les
curieux poussaient de grands cris de joie. Le
mai s'élevait dans la grande cour du Palais,
qui s'appelle encore cour de mai, et, selon les
frères Parfaict.au bas du grand escalier vis-à-
vis de la rue de la Vieille-Draperie. 11 était,
comme tous les arbres de mai, sans racines.
Cette fête du mai, qui était universellement
célébrée au moyen âge par toutes les confré-
ries et corporations, et par les écoles de
l'Université, avait pour suite naturelle une re-
Ïirésentation dramatique ; elle comptait parmi
es plus célèbres de la corporation de la ba-
soche, et dura jusqu'à la fin du xvme siècle.
Seulement, en 1667, il fut défendu aux baso-
chiens d'y figurer au nombre de plus de vingt-
cinq. Depuis lors, la basoche cessa de déployer
en public la pompe de ses solennités, d'étaler
son effectif et de parader au grand jour.
Malgré tout, la plantation du mai persista,
car, dit l'auteur des Spectacles populaires , elle
répondait à une tradition généralement ré-
pandue, et qui s'est perpétuée jusqu'à nous
par la plantation des arbres de la liberté
sous les deux Républiques. (V. dans ce dict.
Arbre de i,a liberté). Il est certain d'ailleurs
que la plantation du mai était une cérémonie
particulièrement judiciaire, et tout à fait à sa
place parmi les usages de la basoche, puis-
qu'elle rappelait les vieilles coutumes do nos
316
BAS
BAS
BAS
BAS
pères, ces ormes ou ces chênes à l'ombre
desquels se passaient les aotes solennels, se
-rendait la justice et se payaient les rentes.
M ême après sa décadence, la corporation des
clercs garda jusqu'à la Révolution , quoique
dans des proportions mesquines, l'habitude du
mai, et celle d'aller en cérémonie donner des
aubades chez les principaux membres du par-
lement et de la cour des aides, à cheval, dra-
peaux déployés , au son des instruments.
Lorsque soufflèrent sur la France les brises
enivrantes de la liberté, les clercs essayèrent
de se relever, en se dévouant ardemment à
la Révolution, qui les avait trouvés dans un
assez piteux état. Sous Louis XVI, on les voit
ftaraStre dans les agitations de la rue. Us pré-
udent à la vengeance populaire en exécutant
en effigie, sur la place Dauphine, le chancelier
Maupeou et le ministre Calonne. La basoche
assistait à la prise de la Bastille. Elle forma
quelque temps un bataillon qui conserva son
nom et dont l'uniforme était rouge, avec bou-
tons et épaulettes en argent. Ce bataillon, sta-
tionnant le 5 octobre 1789 aux Champs-Ely-
sées, fut contraint de suivre le nombreux
attroupement de femmes qui se dirigeaient sur
Versailles, ayant à leur tête l'huissier Maillard.
Mais déjà l'autorité municipale avait compris
le danger d'armer les citoyens par corpora-
tions, et le bataillon de la basoche futsupprimé
le 18 juin 1790, et réuni à la garde nationale.
Cas ruines d'une institution jadis si florissante
disparurent, comme bien d'autres qui n'avaient
plus depuis longtemps leur raison d'être, em-
portées par le flot des idées nouvelles. Le
décret du 13 février 1791, supprimant les ju-
randes, maîtrises, corporations, lui porta le
coup de grâce.
Parmi les noms de cette association fameuse
qui sont parvenus jusqu'à nous, nous citerons
les plus connus : Jehan Léveillé, dont il est
fait mention dans l'arrêt du 19 juillet H77, et
qui fut roi de la basoche; Jacques le baso-
chien, qui fut arrêté en 1516 ; Jean Bouchet,
le poste des Epitres familières, et son ami et
compagnon Pierre Blanchet, l'auteur présumé
de Maistre Pierre Pathelin ; Antoine de La
Salle, à qui on a également attribué la même
farce, l'auteur des Quinse joyes du mariage;
Clément Marot, François Villon, André de La
Vigne, l'auteur de la farce AuMunyer. Roger
de Collerye, par son Cry pour la basoche con-
tre les clercs du Chastellet, semble avoir fait
également partie de cette corporation, qui
compta parmi ses derniers membres Coliin
d'Harleville, Andrieux et Picard, trois poètes
dramatiques, trois rivaux en talent et en suc-
cès, trois amis.
Bosocbo du Cbutelet (COMMUNAUTÉ DES
clercs du Châtelet ou). A côté de la basoche
proprement dite, formée par les clercs du par-
lement, vécut une association exclusivement
composée des clercs du Châtelet; organisée
en confrérie, si l'on en croit quelques auteurs,
dès l'année 1278, c'est-à-dire vingt-cinq ans
avant la basoche du parlement. Mais il est à
peu près certain rue ces auteurs se trompent
et qu'ils enregistrent tout simplement une
prétention de ceux dont ils rédigent l'histoire,
et non une indiscutable vérité. Nous aimons
mieux, quant à nous, nous ranger de l'avis
de ceux qui veulent que la basoche du Châtelet
soit considérée comme une déviation de la
basoche du parlement, à laquelle elle resta
d'ailleurs toujours subordonnée, non toutefois
sans résistance et sans combat. Combat est le
mot, car d'anciens écrits satiriques témoignent
que de part et d'autre on en vint parfois aux
coups, la suzeraineté du roi de la basoche
offusquant les clercs du Châtelet. Roger de
Collerye nous a laissé en vers le souvenir
d'un état d'hostilité qui se traduisit, en plu-
sieurs occasions, par quelques têtes cassées.
Ses œuvres contiennent un Cry de la bazoche
contre les clercs du Chastellet, et un Autre cry
par les clercs du Chastellet contre les bazo-
ehiens, dans lequel il est dit de ces derniers .*
Bazochiens ne prise une groseille,
Certain je suis que leur bourse est mallade...
Ils sont au net et ont eu la cassade.
Vous en ferez au moins une ballade.
Car le prevost le veult, ainsi qu'on dit.
Prince, je dis, en gectant une œillade,
Sur ces retroux qui de vous ont mesdit,
Qu'on leur fera ung brouet et sallade,
Car le prevost le veult, ainsi qu'on dit.
Le prévôt dont il est question ici n'est autre
que le chef de la corporation des clercs du
Châtelet, qui portait ce titre et non celui de
roi. Le ton passablement outrecuidant des
Vers que nous venons de citer convenait peu
à messieurs du Châtelet, qui furent toujours
éclipsés par leurs rivaux, dont ils imitaient,
mais de loin, la plupart des solennités et las
représentations scéniques. La plantation du
mai leur fut interdite en 1571, tandis qu'on la
tolérait encore, dans de moindres proportions
qu'auparavant il est vrai, pour les clercs du
parlement. Mais, en revanche, un peu plus
tard, grâce sans doute à l'humble carrière
qu'elle fournit, on laisse à la basoche du
Châtelet le libre exercice de toutes ses fran-
chises, ou tout au moins ta faculté de célébrer
sa fête principale, la grande montre, pendant
que la basoche du palais, plus puissante qu'elle
et aussi plus redoutable, est dépossédée par
Henri III et perd les uns après les autres tous
les plus beaux fleurons de sa couronne. Nous
venons de parler de la grande montre des
clercs du Châtelet. Oui, les clercs du Châtelet
avaient, eux aussi, leur carrousel, ce qui ne
les dispensait pas, si nous nous en rappor-
tons au Recueil (anonyme) des règlements du
royaume de la basoche, de 1 obligation d'assister
à la montre générale des basochiens dont il a
été question dans la première partie de ce
travail. La grande montre du Châtelet se célé-
brait aussi chaque année, d'abord le jour du
mardi gras, puis, à partir de l'année 1558, le
lundi de la Trinité. « En plein xvnie siècle et
jusqu'au seuil de la Révolution, écrit l'auteur
des Spectacles populaires, on les voit (les clercs
du Châtelet) se livrer , avec une gravité et
une persistance admirables, à cette exhibition
innocente. « Mercier, dans son Tableau de
Paris, l'avocat Barbier dans son Journal,
Dulaure dans son Histoire de Paris, et plu-
sieurs autres écrivains ou chroniqueurs nous
ont retracé les détails curieux de cette caval-
cade, qui offrait aux regards surpris des Pa-
risiens d'un âge nouveau les fils dégénérés de
la basoche du Châtelet, chevauchant gauche-
ment à travers la ville, en robes longues, d'un
air assez piteux. Au bon vieux temps, le cor-
tège était plus imposant, et les badauds se
pressaient en grand nombre sur son passage.
La marche s'ouvrait par une musique guer-
rière ou peu s'en faut, composée de trompettes,
de hautbois et de timbales ; les attributs de la
justice militaire, portés en grande pompe par
des clercs de la corporation, venaient ensuite :
le casque, les gantelets, la cuirasse, la main
de justice, le bâton de commandement. Puis
apparaissaient les trompettes et timbales par-
ticulières, et, précédés de leurs attributs hono-
rifiques, s'avançaient gravement quatre-vingts
huissiers à cheval et cent quatre-vingts ser-
gents à verge, tous vêtus dliabits noirs ou de
couleurs variées, mais non en robe. Le centre
de cette cavalcade, bien, faite pour épouvanter
les débiteurs à court d'argent et les coupeurs
de bourse, était composé de cent-vingt huis-
siers priseurs et de vingt huissiers audienciers
en robes du palais, de douze commissaires du
Châtelet laissant flotter au vent leurs robes
de soie noire, d'un des avocats du roi, des
lieutenants particuliers et du lieutenant civil,
tous en robes rouges. Quelques huissiers fer-
maient la marche, flanqués des greffiers du
Châtelet. Cette armée de la procédure se
portait, dans le meilleur ordre possible, chez
le premier président, le chancelier, le procu-
reur général et le prévôt de Paris. « C'était,
dit M. Fournel, un des grands divertissements
du badaud que cette bizarre cavalcade, et
presque une renaissance du carnaval. »
Basoche de la chambre de» comptes (SOU-
VERAIN empire de Galilée ou). Les clercs de
procureurs de la chambre des comptes for-
maient une autre communauté, dont le titre
était assez ambitieux : Haut et souverain em-
pire de Galilée. On a souvent confondu cette
institution avec celle de la basoche propre-
ment dite, et plus souvent encore avec celle
du Châtelet; elle remontait, elle aussi, au
xive siècle. Son chef exerçait une juridiction
disciplinaire sur tous les clercs de son Etat,
et il avait titre d'empereur. La formule de ses
actes portait : « A tous présents et à venir
salut. Nous auons par ces présentes , signées de
notre main, dit, déclaré et ordonné; déclarons
et ordonnons, voulons et nous plait... » Quant
à ce nom de Galilée, il venait de moins loin
qu'on ne serait tenté de le supposer, il venait
tout simplement de la rue où les clercs s'as-
semblaient pour tenir séance, de la rue de
Galilée, situéeauquartierde l'enclos du Palais.
L'association avait pour protecteur le doyen
des conseillers- maîtres de la chambre des
comptes, et le procureur général de la même
chambre avait mission de veiller à l'obser-
vation de ses statuts et règlements , dont il
était fait lecture publique tous les ans , la
veille de la Saint-Charlemagne. L'empire de
Galilée avait pris pour patron ce puissant
empereur, et le 28 janvier il en céléorait la
fête dans la partie inférieure de la Sainte-
Chapelle. Les représentations dramatiques
étaient aussi de son ressort; néanmoins, et
malgré son titre d'empire, cette basoche fit
peu parler d'elle et ne put jamais rivaliser
avec celle qui était érigée en royaume. Elle
avait pourtant, elle aussi, ses solennités; la
veille et le jour des Rois ramenaient une cé-
rémonie qui consistait en une marche à travers
Paris, au son des trompettes, dans le genre des
montres dont nous avons parlé plus haut. Tous
les sujets et suppôts du haut et souverain em-
pire de Galilée allaient, en costume d'apparat,
donner des aubades et distribuer des gâteaux
chez les membres de la chambre des comptes,
mais aux dépens, n'omettons pas de le dire,
de cette même chambre, ce qui donne à réflé-
chir sur le désintéressement des excellents
clercs. La chambre autorisait la fête et en
votait les frais, qui, sans' doute, étaient consi-
dérables, car on la voit souvent poser la con-
dition que les choses auront lieu modestement,
condition dont il ne fut jamais tenu compte :
la solennité aurait été incomplète aux yeux
des clercs si elle n'avait pas été rehaussée,
sans compter les emblèmes en peinture, de
a danses morisques, mommeries, triomphes et
aultres joyeusetés accoutumées. » Règlement
du 22 décembre 1522 et ordonnances de la
chambre des comptes du il décembre 153S.
Henri III, en supprimant le roi de la basoche,
ne pouvait laisser subsister l'empereur de
Galilée, à qui succéda son chancelier. Mais ce
fut la seule atteinte grave que reçut la corpo-
ration, qui traversa sans encombre les diffé-
rents règnes, et arriva jusqu'à la Révolution
avec la jouissance d'à peu près tous ses pri-
vilèges. Elle fut anéantie, en compagnie des
autres associations de clercs, par le décret qui
abolit la basoche en France.
Basoche dans les provinces. Sur le modèle
de la basoche, instituée en 1303 par Philippe
le Bel, s'étaient formées dans les autres par-
lements des corporations analogues ayant,
comme celle de Paris, un roi, une milice, des
statuts et règlements, des dignitaires, un uni-
forme militaire, des armoiries. Philippe le Bel
avait, d'ailleurs, accordé à la basoche de P«ls
le pouvoir, d'établir des juridictions basochiales
inférieures dans les sièges royaux du parle-
ment de Paris, à la condition que les prévôts
de ces juridictions rendraient foi et hommage
au roi de la basoche et que l'appel de leurs
jugements serait porté devant lui. Il se forma
donc des sociétés de basoche à Lyon, à Poitiers,
à Angers, à Chaumont, à Loches, à Verneuil,
à Moulins, à Orléans, a Chartres, à Toulouse
et dans les, principales villes de France, avec
des prérogatives différentes ; les rois leur ac-
cordèrent des privilèges importants, et elles
n'eurent généralement à se défendre que
contre les tracasseries des parlements, qui
essayèrent à plusieurs reprises , mais sans
pouvoir pendant longtemps y parvenir, d'em-
pêcher l'accroissement de ces sociétés, dont les
membres étaient trop enclins à la satire. A
Lyon, la basoche était célèbre; elle fut tour à
tour autorisée, supprimée, rétablie; un arrêt
de 1653 la supprima définitivement ; elle rele-
vait de celle de Paris. En 1596, lorsque le
siège de la maréchaussée fut établi à Mar-
seille, il se forma immédiatement dans cette
ville une basoche organisée sur le modèle de
celle de Paris. Bien que le titre de roi de la
basoche eût été supprimé précédemment, la
basoche marseillaise ne tint pas compte de
l'ordonnance de Henri III, et voulut avoir
son roi, choisi ordinairement parmi les clercs
de notaire, lequel prenait dans ses actes la
qualité de roi de ta basoche par la grâce du
bonheur. A Orléans, le chef de la basoche
Prenait le titre d'empereur; ses sujets portaient
épée; ils percevaient une somme de douze
livres six sous sur les premières noces, et six
livres huit sous sur les secondes noces de tous
les gentilshommes, officiers d'épée et de robe,
bourgeois vivant noblement, employés dans
les affaires du.roi, praticiens et huissiers. Mais
la plus importante de toutes ces associations
satiriques qui s'étudièrent à reproduire la so-
ciété mère et modèle, dont elles prenaient le
titre et les coutumes, était sans contredit celle
de Toulouse, recrutée parmi les étudiants en
droit, qui affluaient dans cette ville ; elle avait
son roi, son grand conseil, et se faisait remar-
quer par sa turbulence. Non contente des
querelles particulières, elle intervenait encore
dans les débats publics et se montrait toujours
prête à appuyer la résistance du parlement
dans ses luttes avec l'autorité royale. La ba-
soche d'Angers comptait dans son sein , au
xve siècle, le poBte Bourdigné, qui a écrit la
peu édifiante Légende de maistre Pierre Faifeu ;
celle de Poitiers a eu l'honneur de posséder
Jean Bouchet, poète et procureur, et son ami
Pierre Blanchet, l'auteur supposé de la farce
de Pathelin. Pierre Blanchet, qui jouait par
grand art dans les farces qu'il faisoit jouer
sur eschaffaulx par ses confrères, se fit prêtre
à l'âge de quarante ans; mais il se réputait
indigne de sa nouvelle profession, et conti-
nuait son métier de poète. A sa mort, il rédigea
en plaisante rithme son testament bouffon,
dans lequel il fondait plus de trois cents
messes, en chargeant ses exécuteurs testa-
mentaires de les payer de leur bourse, et où il
distribuait entre ses amis plusieurs legs plus
à plaisir qu'à singulier profit. Ce testament
satirique et joyeux se retrouve en partie dans
la farce intitulée le Testament de Pathelin.
Pathelin, ou plutôt maître Pierre Blanchet,
parle ainsi de ses anciens amis de la basoche
de Poitiers et du théâtre des Enfants sans
souci ;
Après tout vrays gaudisseurs,
Bas percez, gallans sans soucy,
Je leur laisse les routisseurs,
Les bonnes tavernes aussi.
Disons, en terminant, que le nom de basoche
était devenu une sorte de désignation géné-
rique, étendue par l'usage à un grand nombre
d'associations d'un genre analogue , même
lorsqu'elles n'étaient pas formées, dit M. Four-
nel, par la réunion des clercs du parlement,
et qu'elles étaient baptisées de titres particu-
liers. Aujourd'hui, ce n'est plus que dans le
langage familier et par amour de l'archaïsme
qu'on donne le nom de basoche aux divers
groupes de la cléricature, et particulièrement
aux clercs d'avoué, descendants directs des
clercs du parlement.
Les clercs de la basoche de Picardie se sont
acquis un genre de célébrité dont le siècle de
Rabelais fit le plus grand cas. C'est à eux
que l'on dut la grande vogue des rébus, dont
les Picards revendiquentl'invention, et que le
facétieux Tabourot, dans ses Bigarrures, a
appelés : Rébus de Picardie « ainsi que l'on
dit baïonnette de Bayonne , ganivet de Mou-
lins, peignes de Limoux, oiseaux de Tholose,
moustarde de Dijon. « Tous les ans, au car-
naval, les clercs de Picardie s'amusaient à
réciter au peuple d'Amiens des facéties et
satires bouffonnes, où il faisaient grand usage
d'allusions équivoques figurées par des rébus,
et qu'ils appelaient en latin : « De rébus quœ
geruntur, » c'est-à-dire nouvelle* du jour. De
là, si l'on en croit Gilles Ménage, le grand
étymologiste, le nom de rébus. » Ces revues,
plus ou moins piquantes, des aventures et
intrigues de l'année dans la ville et les fau -
bourgs avaient, écrit M. Feuillet de Conches
dans ses Causeries d'un curieux, le mérite
d'une pointe de scandale et de grosse gaieté
qui donnait à chacun la joie d'entendre rire de
son voisin. » On voit que les clercs d'Amiens
plaidaient aussi la cause grasse, comme leurs
collègues de Paris.
BASOCHIAL, ALE adj. (ba-so-cbi-al —
rad. basoche). Qui concerne la basoche ou les
basochiens : Juridiction basochiale. Règle-
ments basochiaux.
BASOCHIEN s. m. (ba-zo-chi-ain — rad.
basoche). Clerc ou officier de la basoche :
Bourgeois, écoliers et basochiens s'étaient mis
à l'œuvre. (V. Hugo.) Grâce à ma garde-robe,
il s'improvisa un costume gui ne sentait pas
trop le basochien de Paris. (G. Sand.)
— Adjectiv. Propre aux clercs de la baso-
che : L'esprit frondeur et basochien de Paris.
(L. Méry.)
Bas-officier s. m. Militaire qui a un
grade inférieur à celui d'officier, u On dit au-
jourd'hui SOUS-OFFICIER.
basolée s. f. (ba-zo-lé). Entom. Genre
d'insectes coléoptères pontamères, de la fa-
mille des carabiques. Syn. à'axinophore et
de catapière.
basquais, aise adj. (ba-skè ë-ze).Géogr.
Qui est du pays des Basques : Elle se plai-
gnait à son hôtesse, vieille dame très-polie, de
l'insolence d'une servante basquaise. (Bourdin.)
basque s. f. (bas-ke — de Basques, nom
de peuple). Partie d'un habit qui est décou-
pée et descend au-dessous de la taille : Les
basques d'un pourpoint. Les basques d'un ha-
bit. Je n'étais pas venu à Kircaguch pour
qu'un esclave fût assez téméraire pour me tou~
cher la basque de mon habit. (Chateaub.) Je
suis un homme de bon sens. Ce qui fait qu'on
en doute, c'est qu'il me manque une veste; on
ne croit pas au bon sens qui a des basques.
(E. do Gir.) Il tracassait son domestique une
heure durant pour un grain de poussière oublié
sur la BASQUE de son habit. (H. Taine.) Elle
se prend et s'accroche aux basques d'un sergent
de ville. (Cormen.)
Mais qu'un tendron te tire par la basque.
Tu lui souris Ueranger.
— Loc. fam. Ne pas quitter les basques de
quelqu'un, Etre toujours pendu à ses basques,
L'accompagner partout, no savoir pas s'en
éloigner.
— Constr. Bavette de plomb qui est taillée
en forme de basque d'habit.
BASQUE s. pr. m. (ba-ske — dulat. Basco,
nom de peuple). Habitant d'une contrée es-
pagnole connue sous le nom de pays des Bas-
ques : L'activité et l'agilité des Basques sont
depuis longtemps célèbres. (A. Hugo.) Il se
trouva que les Basques ne voulaient plus payer
la redevance sur le cidre qu'on brassait à
Bayonne. (H. Taine.)
— Loc. fam. Courir, trotter comme un Bas-
que, Courir très-vite ; marcher beaucoup :
Une bonne vieille femme du village ne pouvait
pas marcher depuis trois ans; le docteur lui
a mis de son onguent sur ses blessures, aujour-
d'hui elle court comme un Basque. (E, Sue.)
Voub m'avez fait trotter comme un Basque, où je
[meure.
Molière.
— Tambour de basque, Petit tambour muni
d'une seule peau et garni de grelots, qu'on
bat avec le' pouce et la paume de la main :
Les Zingari allaient par troupes, avec des tam-
bours de basque. (Volt.)
— Linguist. Langue du pays des Basques :
Le basque est une des plus anciennes langues,
— Chorégr. Pas de basque, Danse très-
vive : Quand je vous attrape le pas de basque
ou le pas de bourrée, c'est alors qu'il faut me
voir. (Etienne.)-
— Adjectiv. Se dit du pays des Basques,
et de ce qui a rapport à ses habitants : La
première chose qui frappe l'observateur, en
entrant dans le pays basque, c'est la fierté des
habitants. (A. Hugo.) L'idiome des Hères n'a
laissé qu'un seul représentant, c'est la langue
basque. (Maury.)
BASQUES, peuple de l'Europe méridionale,
établi depuis un temps immémorial sur les
deux versants des Pyrénées occidentales. Les
Basques, qui forment de nos jours une popu-
lation d'environ 800,000 âmes, sont répartis
dans les provinces espagnoles de Biscaye, de
Guipuzcoa, d'Alava et dans une partie de la
Navarre (600,000 âmes) ; dans les petites con-
trées françaises, le Labour, la basse Navarra
et le pays de Soûle, qui forment les arrondis-
sements de Bayonne et de Mauléon (200,000
âmes). Un article spécial devant être consa-
cré à chacune de ces contrées, nous n'avons
pas dessein de nous occuper ici de la des-
cription du sol ; l'homme qui habite ces ré-
gions montagneuses et accidentées doit seul
appeler notre attention.
Ce peuple, appelé par les Romains Canla-
bri, mot qui signifie, dans le langage basque,
chanteurs excellents [khanta ber) ; par les Es-
pagnols, Vascongados, Vascos , dénomination
BAS
BAS
BAS
BAS
317
que Larramendi fait venir du basque vasco
(nomme); et par les Français, Basques (déri-
vation de Vascos), ne s'est jamais désigné
lui-même que par le nom d'Escualdunac ,
composé de trois mpts basques : escu (main);
aide (adroite), et dicnac (qui ont), c'est-à-dire
hommes adroits ou qui ont la main adroite.
Jeté comme un monument antique entre la
France et l'Espagne, les Pyrénées et l'Océan,
ce peuple, étranger au bouleversement des
empires et au mouvement progressiste de la
civilisation, est toujours resté libre, sinon in-
dépendant. Au nord comme au sud des Pyré-
nées, les mœurs, le langage, les coutumeSj
tout élève une barrière entre lui et ce qui
l'entoure. Il est aussi éloigné du maintien
grave du Castillan ou du flegme dédaigneux
de l'Andalou, que de la politesse pointilleuse
du Béarnais ou de la souplesse proverbiale du
Gascon. Tandis que les deux premiers font
sonner bien haut leur qualité d'Espagnols et
que les seconds se glorifient d'être Français,
le Basque, quelque versant pyrénéen qu'il
habite, est Basque avant tout, et préfère ce
titre à tout autre. La tête haute, l'air dégagé,
la taille droite et souple, la pose académique,
la démarche aisée, ferme et légère, le regard
vif et assuré, tels sont les caractères exté-
rieurs du Basque ; habile à tous les exercices
du corps, il est d'une agilité qui est passée en
proverbe : Courir, sauter comme un Basque,
sont des dictons français dont on reconnaît la
justesse quand on a vu le peuple auquel ils
s'appliquent. Une propreté recherchée règne
dans son costume, qui favorise encore cette
légèreté : un béret bleu, une veste rouge ou
brune, un gilet blanc, un mouchoir de soie
négligemment noué autour du cou, des culot-
tes d'étoffe blanche ou de velours noir, le tout
proprement ajusté et rehaussé par la blan-
cheur éclatante d'une belle chemise, forment,
avec une large ceinture de laine rouge, le
costume national des Basques. L'habillement
des femmes n'est remarquable que par la
coiffure : un mouchoir d'un bleu foncé ou d'un
blanc éclatant, attaché sur le haut de la tête,
flotte derrière les épaules et donne un air pi-
quant d'abandon aux femmes charmantes qui
le portent. Démarche facile et légère, taille
svelte et bien prise, vivacité du regard, éclat
du coloris, sont les qualités distinctives des
agaçantes Basquaises. Du reste, si le Basque
se garde de mêler son sang au sang étranger,
les deux sexes jouissent d'une grande liberté
de commerce, qui ne tourne pas toujours au
profit dé la pudeur publique. Fiers, impé-
tueux, les Escualdunacs, "bien différents des
paysans des autres pays, marchent la tête
haute, les épaules effacées, et s'inclinent rare-
ment les premiers devant l'étranger qu'ils
rencontrent; leur salut a toujours le caractère
de l'égalité. Us sont pasteurs et guerriers,
enthousiastes de la liberté, qu'ils ont toujours
défendue dans leurs célèbres Fueros, espèces
de congrès ou d'assemblées qui se tenaient
jadis, en plein air, dans une enceinte d'arbres
séculaires. La valeur qui les distingue était
connue des anciens. Horace a dit d'eux :
Cantaber indoctus juga ferre nostra. Braves
jusqu'à la témérité, ils sont excellents soldats
pour la guerre des montagnes, mais indisci-"
plinés, désertant en masse pendant les trêves
et reparaissant au moment du combat. Querel-
leurs et vindicatifs , il n'est pas de fêtes chez eux
où il ne se livre des combats meurtriers; ba-
leiniers intrépides, les premiers ils ont ouvert
aux nations du globe le chemin des grandes
pêches de la morue et de la baleine. Il n'est
pas impossible que, dans ces navigations loin-
taines, ils aient vu avant tout autre les terres
d'outre-mer : le hasard, les courants et les
vents alises ont pu conduire quelques-uns
d'entre eux dans ce nouveau monde, dont la
découverte officielle était réservée à Colomb.
Les Basques sont éminemment hospitaliers ;
tout hôte pour eux est un ami, qu'ils accueil-
lent avec des transports de joie. Cette nation
aimé avec ardeur les jeux et les fêtes, surtout
les fêtes où l'on danse, les jeux où l'activité
du corps se déploie, et par-dessus tout le jeu
de paume. La danse particulière du pays est
le mouchico, remarquable par la rapidité fié-
vreuse de ses mouvements; le flageolet à
cinq trous, le tambourin et le tambour basque
accompagnent les danseurs.
Un auteur a dit, en parlant du pays basque :
Un enfant y sçait danser avant que de sçavoir
appeler son papa et sa nourrice. Malgré tout,
les filles qui se livrent habituellement à cet
amusement frivole sont peu considérées ;
quelques lignes d'une chanson basque le
prouveront :
Peu de femmes bonnes sont bonnes danseuses :
Bonne danseuse, mauvaise (lieuse |
Mauvaise flleuse, bonne buveuse.
Des femmes semblables
Sont bonnes à traiter a coups de bâton.
Tels sont, à peu près, les grands traits qui
caractérisent ce peuple, qui, placé au centre
de la civilisation, en plein xix« siècle, tient
encore le milieu entre l'état de simple nature
et l'état civilisé. Mais d'où vient cette race
d'hommes si étrangère aux mœurs de la
France et de l'Espagne, qui l'étreignent au
nord et au midi? A quelle famille la langue
basque, si riche, si abondante, mais en même
temps si originale, peut-elle se rattacher?
Cstte double question exerce depuis longtemps
la critique et l'imagination des savants, qui
ont beaucoup disserté et beaucoup écrit sur
l'histoire d'une nation dépourvue de monu-
ments historiques, et chez laquelle il n'existe
que des traditions confuses. Malgré l'incerti-
tude dans laquelle nous laissent tous ces écrits,
nous allons faire connaître en peu de mots
les principales opinions sur le sujet qui nous
occupe. Certains auteurs font remonter l'ori-
fine des Basques jusqu'au déluge. Au déluge,
isent les chroniques, « échappèrent quelques
hommes, rares comme les olives qui restent sur
l'arbre après la récolte, comme les grappes qui
pendent aux pampres après la vendange, et de
ce nombre fut Altor, ancêtre des Basques. On
ne pouvait guère remonter plus haut. »
Le comte Garât, qui était basque lui-
même, a cru reconnaître, dans les Escualdu-
nacs des deux versants des Pyrénées, des
Phéniciens venus dans ces montagnes, il y a
cinq mille ans, pour en exploiter les mines.
Cette hypothèse toute gratuite n'est pas
étayée sur des preuves plus solides que celles
qui soutiennent l'opinion de Lucien Bona-
parte. Ce prince, qui préfère les douceurs de
l'étude aux agitations de la vie publique,
frappé d'un certain nombre d'analogies gram-
maticales entre quelques dialectes finnois et
le basque, en a hardiment conclu, comme
M. de Charancey, que le basque est un ra-
meau du tronc finnois, et que, conséquemment,
il se rattache à la famille touranienne du nord-
est de l'Asie. Cette conclusion se présentait
d'autant plus aisément à l'esprit que déjà une
assertion analogue, portant des prémisses diffé-
rentes , avait été formulée par le docteur
Retzius, médecin anthropologiste suédois. Ce
savant, se fondant sur 1 examen d'un certain
nombre de crânes trouvés dans des tombes
antiques du nord de l'Europe, crut pouvoir
conclure qu'antérieurement aux races actuel-
les de la famille indo-celtique, une race toute
différente, que le docteur identifiait avec la
famille finnoise, avait occupé le continent eu-
ropéen; et il supposait que, progressivement
refoulés par les Celtes, les Hères, ancêtres
des Basques, étaient restés finalement acculés
dans la contrée qu'ils occupent de nos jours,
où ils représenteraient la race primordiale de
l'Europe. Le trait profondément distinctif des
races indo-européennes et des races finnoises,
prototype de la population primitive de l'Eu-
rope, est la forme du crâne. Chez les Indo-
Européens, le crâne serait de forme essen-
tiellement allongée; chez le peuple primitif, de
même que chez les Finnois, le crâne, au con-
traire, serait presque aussi large que long.
Malheureusement, le docteur Broca, secré-
taire de la Société anthropologique de Paris,
est venu démontrer récemment le peu de
fondement de la théorie du docteur suédois,
en ce qui touche au caractère brachycéphale
(tête courte) de la race ibérienne. Ainsi, la
consanguinité finnoise de la langue basque et
la parenté crâniologique des Finnois et des
Escualdunacs reposent sur des bases égale-
ment peu solides.
L'histoire des Basques n'est pas moins ob-
scure que leur origine. A l'époque où César
pénétra dans les Gaules, les plaines du Gers
étaient déjà occupées par une tribu puissante,
de souche basque, les Ausci, qui avaient pour
capitale Elimberri ou Auscia (Auch). LeOan-
tabre passa plus difficilement que ses voisins
sous la domination romaine, et résista à l'im-
mense force d'assimilation du peuple vain-
queur. Quand les Alains, les Suèves et les
Vandales vinrent fondre sur l'Hispanie et s'y
cantonner , la Tarraconaise , qui comprenait
la Vasconie ou pays des Basques, demeura
romaine ; mais Réebiaire, qui monta sur le
trône des Suèves, en 448, rangea la Vasconie
et s'avança jusqu'à Lérida; un traité de paix
avec Rome l'arrêta momentanément; mais
peu après, en 458, il consomma l'envahisse-
ment de la Tarraconaise. Bientôt, la querelle
des rois francs et des Goths se poursuivant
au delà des Pyrénées, la Vasconie fut rava-
gée et passa sous la domination des Francs.
Vers 588, les Basques refoulés, dit-on, par
Récarède, roi des Goths, se précipitèrent dans
la Novempopulanie, pillant tout sur leur pas-
sage, aprè3 quoi une partie des émigratits
s'établit dans la basse Navarre, la Soûle, le
Labour et le Guipuzcoa : telle fut l'origine du
duché de Vasconie. Les Basques y devinrent
puissants, et, sous le règne de Clotaire III et
de Thierry III, ils se précipitèrent au loin sur
les provinces françaises, assiégèrent Bourges,
et, entraînés par la passion du pillage, osè-
rent franchir la Loire. Au milieu des longs
bouleversements qui suivirent les grandes in-
vasions, les Basques se maintinrent toujours
libres, sinon complètement indépendants. Pen-
dant longtemps, ils se trouvèrent placés entre
les deux monarchies rivales de Navarre et de
Castille, dans une situation assez mal définie
et qui, par cela même, leur fut favorable.
Mais a partir du xiie siècle, la Biscaye, le
Guipuzcoa et l'Alava se soumirent à la Cas-
tille, sans rien perdre toutefois de leurs liber-
tés. Dans les deux siècles suivants, ces pro-
vinces se débarrassèrent de leurs seigneurs
particuliers et furent incorporées à la monar-
chie castillane. Jusqu'alors elles s'étaient gou-
vernées par leurs juntes, qui se réunissaient
tous les deux ans, dans la Biscaye, sous le fa-
meux chêne de Guernica, et tous les ans dans
le Guipuzcoa et dans l'Alava. Ce fut à cette
époque que, sans perdre ces juntes fameuses,
véritables assemblées républicaines, ils reçu-
rent les chartes écrites que la monarchie cas-
tillane leur octroya pour servir de palladium
à leurs antiques libertés. Us ne payaient au-
cun impôt, à moins d'un vote libre de la
junte ; n'étaient soumis ni au recrutement, ni
à la douane, et jouissaient, dans toute l'Espa-
gne, des mêmes exemptions que la noblesse.
Quand, sous Charles III, les ports de la Pé-
ninsule furent ouverts au commerce des colo-
nies, privilège dont Cadix avait joui jus-
qu'alors, les Basques voulurent profiter de cet
avantage, et ils renoncèrent à leurs immunités
en matière de douane. La constitution espa-
gnole de 1812 enleva aux Basques tous leurs
privilèges ; ils se soulevèrent à deux reprises,
et, de 1821 à 1823, imprimèrent à l'insurrec-
tion un caractère si énergique qu'il détermina
l'intervention française. A la mort de Ferdi-
nand VII (1833), ils sa déclarèrent pour don
Carlos contre Isabelle, et, après six ans d'une
guerre acharnée, finirent par reconnaître la
jeune reine, moyennant quelques concessions
qui leur furent promises, mais qui ne furent
pas assez déterminées, En 1841, voyant qu'on
se préparait à leur enlever leurs privilèges,
ils se révoltèrent de nouveau pour rétablir
Christine sur le trône d'Espagne. Espartero
comprima cette insurrection, et, depuis lors, le
gouvernement espagnol s'est efforcé d'impo-
ser aux Basques les mêmes lois qu'aux habi-
tants des autres provinces ; mais il est encore
loin d'y avoir réussi, et, malgré les tendances
d'unification qui se font sentir partout en
Europe, le Basque résistera, pendant long-
temps encore, aux idées modernes.
— Langue basque. A en croire les Basques,
leur langue serait la plus ancienne et aurait
été inspirée par Dieu même. Ils ont poussé
l'exagération jusqu'à dire qu'elle était aussi
naturelle à l'espèce humaine que le roucoule-
ment au pigeon, l'aboiement au chien.
Mais venons-en aux données de la science
philologique. La langue basque, ou escuara,
a été rattachée à diverses ougines. Plusieurs
auteurs ont voulu y voir un idiome offrant
de grandes analogies avec le punique ou car-
thaginois, et appartenant, par conséquent, à la
souche sémitique. Mais des travaux plus ré-
cents le font rentrer avec plus de vraisemblance
dans le groupe des langues agglutinantes, telles
que le turc, le magyare, le finnois, etc., avec
lesquels il offre surtout de grandes affinités
grammaticales. Larramendi assigne à la lan-
gue escuara une haute antiquité. Il est géné-
ralement admis aujourd'hui qu'elle était la
langue nationale des antiques populations de
l'Ibérie.
La langue basque, comme nous venons de
le dire, présente tous les phénomènes carac-
téristiques des idiomes agglutinants. Voici un
rapide aperçu grammatical qui servira à don-
ner une idée de cette langue. Le basque
ignore, comme le turc, la distinction des gen-
res masculin et féminin, ainsi que le nombre
duel. Les substantifs se déclinent, non au
moyen de changements flexionnels, comme on
le fait dans les langues sémitiques et indo-
européennes, mais au moyen de particules
suffixes, qui s'agglomèrent, s'agglutinent au
radical. Ces suffixes servent de base à un mé-
canisme très-compliqué, qui rend l'étude de la
déclinaison basque assez difficile. Les gram-
mairiens basques, don Astarloa, entre autres,
partagent les relations exprimées par les cas
en deux catégories : io les relations primaires
(reiaciones primavias), qui sont au nombre de
quatre, et répondent à nos termes de nomi-
natif, génitif, datif et accusatif; 2° les rela-
tions secondaires (relaciones secundarias),q\ii
sont en nombre beaucoup plus considérable,
et servent à rendre, au moyen de postposi-
tions, les idées d'instrument, de fin, de cause
efficiente, de lien, etc. Tout substantif basque
peut donner naissance à deux adjectifs du
nombre singulier et à deux adjectifs du nombre
pluriel; c'est ce qu'on appelle des noms du
deuxième degré. Ainsi, par exemple, Bayona,
Bayonne; génitif Bayonaco, de Bayonne; ad-
jectif Bayomcoa, celui de Bayonne. L'abbé
d'Iharce a composé, par ce procédé, des mots
du troisième, quatrième, cinquième, sixième
degré ; en voici un :
Aiiarenareitarengamcacoarenarenorenareçiun,
ce qu'il faut traduire en français par : Avec
celui de celui de celui de celui de celui du
père.
On forme également des adjectifs en ajou-
tant aux noms abstraits la terminaison taznna
ou queria : hordi, hordiqueria. Les pronoms
personnels , outre la forme ordinaire , en
ont une seconde, qui consiste dans l'addition
finale de la lettre c, et qui s'emploie avec les
verbes passifs. La conjugaison basque offre
une complication qui est encore plus considé-
rable que celle de la déclinaison, et repose
sur les mêmes principes. A en croire don
Astarloa, chaque verbe serait susceptible de
deux cent six conjugaisons différentes, com-
prenant chacune onze modes distincts. Mais
ce nombre ne résiste pas à un examen atten-
tif et doit être considérablement diminué.
Dans les anciennes grammaires, la conjugai-
son turque était tout aussi effrayante, et ce-
pendant on en est arrivé aujourd'hui à la ré-
duire à deux paradigmes, et même à un seul.
On peut partager les verbes basques en
quatre classes principales : la première, qui
comprend les verbes passifs ou neutres sans
complément, avec l'auxiliaire naiz (être);
la deuxième, qui comprend les verbes neutres
avec complément indirect, singulier ou plu-
riel ; la troisième, qui comprend les verbes
actifs sans complément ou avec complément
direct; et la quatrième, qui comprend les
verbes actifs à double complément, direct et
indirect, singulier et pluriel. Les prépositions
des autres langues sont remplacées ici par
des postpositions ; les adverbes, les conjonc-
tions et les interjections ne présentent rien
d'extraordinaire.
Nous avons déjà dit que le Basque ignorait,
les genres et le nombre duel. La plupart des
noms basques paraissent terminés en a ou en
ac; mais ces terminaisons sont de véritables
articles postposés. Quand deux noms sont en
construction , le terme antécédent doit se
placer après le terme conséquent : Joseph
Afariaren senkarra (Joseph, époux de Marie).
La construction est, comme dans la plupart
des langues agglutinantes, généralement in-
versive.
La langue escuara n'a pas actueltemep :
d'alphabet; il n'est cependant nullement im-
possible qu'elle en ait possédé un. Strabiw
rapporte que les Turdétans ou Turdules, pe i-
pies de la Bétique, possédaient des traditions
écrites, ainsi que des recueils de poèmes et <lî
lois ou préceptes en vers. De nos jours, on a
appliqué le caractère latin à la transcription
du basque, transcription qui est exactement
basée sur la prononciation. On remarque dau.^
ces transcriptions de nombreuses diphthonguos
et quelques groupes de consonnes inconnus,
tels que Ih, nh, tsa, xu, kk, etc. La pronon-
ciation varie avec les localités : ainsi, dans
l'arrondissement de Mauléon, on prononce U.
voyelle u comme en français, tandis que, par-
tout ailleurs, on lui donne le son ou. Plusieurs
consonnes s'aspirent plus fortement dans la
Cantabrie française, etc. Les Basques rem-
placent le son o par b; ils ne commencent
jamais un mot par un r, et ils disent, au lieu
de Borna, Erroma.
La langue escuara comprend différents
dialectes. Larramendi en reconnaît trois prin-
cipaux ; celui du Guipuzcoa, celui de la Bis-
caye et celui du Labour. Le labourtain est
sonore et facile à parler ; les aspirations do-
minent un peu. Le biscayen, moins aspiré, a
plus de tendance à syncoper et à contracter
les mots; quant au dialecte de Guipuzcoa, on
le considère généralement comme le plus doux
et le plus correct. Il n'a pas les aspirations
multipliées du labourtain ni .les syncopes du
biscayen. Les trois dialectes principaux com-
prennent d'autres dialectes secondaires ou
locaux, qui s'élèvent à un nombre assez con-
sidérable,
U est à présent incontestable que la langue
basque est réellement une langue, et non une
sorte d'idiome bâtard, formé par la fusion du
latin, du grec, de l'espagnol, etc. Cependant
on retrouve dans le basque une foule de mots
qui dérivent évidemment de langues tout à
fait différentes. Cette intrusion de termes
étrangers s'explique parfaitement par la po-
sition géographique des populations basques
et par les contacts multipliés qu'elles ont eus de
tout temps avec les peuples les plus divers.
Voici quelques rapprochements qui pourront
intéresser : Artho (pain), en grec artos ;
makhil (bâton), en hébreu makhel; itsal (om-
bre), en hébreu tsel; gorputz (corps); dem-
pora (temps) ; presuna (personne) ; khurutee
(croix); en latin corpus, tempora, persona,
cmœ); narr (sot); narr, fou, en allemand;
asto (âne); astar, mulet, en persan; arhan.
(prune) , arani, en sanscrit, etc. Quant aux
mots réellement et originairement basques, on
retrouve leurs analogues dans les adiomes •
agglutinants, particulièrement dans les lan-
gues finnoise, turque, magyare, mongole, etc.
Les Celtomanes de la fin du xviu» siècle,
dit M. de Rienzi, voulaient qu'Adam fût bas
Breton, et réalisaient la satire plaisante de
Rabelais sur l'étymologie de la ville de Chi-
non, mutilation de Caïnon, la plus ancienne
ville du monde, puisqu'il la fait bâtir par
Ca'in. Leur fanatisme pour l'antiquité celtique
n'approchait pas de 1 admiration que profes-
sent certains philologues pour la langue
basque ou escuara, ainsi que l'appellent les
nationaux.
Rabelais, dont l'immense érudition puisait
partout ses éléments, de raillerie, a mis quel-
ques phrases basques dans la bouche de Pa-
nurge, ainsi que Plaute avait mis des mots
phéniciens dans son Pœnulus.
— Littérature basque. Comme la langue
basque n'a guère été fixée par l'écriture que
de nos jours, elle ne possède pas, à propre-
ment parler, de littérature véritable. Larra-
mendi constate qu'il n'existe aucun ouvrage
basque, manuscrit ou imprimé, remontant à
plus de deux siècles ; les quelques fragments
anciens que la tradition a conservés sont
d'une authenticité fort douteuse. Nous cite-
rons, entre autres, le fameux chant de Lello,
qui aurait été composé au moment de la lutte
héroïque que soutinrent les Cantabres contre
les Romains. Comme le remarque fort juste-
ment M. de Charencey, les Cantabres étaient
Celtes, et non Ibères ou Basques. Le chant
d'AHabizkar ou Altabiçar doit être accepté
avec des réserves encore plus grandes. On
a imprimé, de nos jours, en basque, un as-
sez grand nombre d'ouvrages religieux, tels
que des catéchismes, des traductions de l'Imi-
tation de Jésus-Christ et de divers autres
traités ascétiques, des Noels, des cantiques
spirituels, des manuels de dévotion, des orai-
sons, des sermons, parmi lesquels nous cite-
318
BAS
l
rons ceux du prédicateur Pierre Argainarats,
Un des livres écrits en basque le plus pur
et le plus élégant est celui de Pierre Axular,
curé de Sare, intitulé: Gueroco Guero (en-
core après). Il existe aussi quelques traités
rammaticâux et philologiques, entre autres,
a Grammaire française à l'usage des Basques,
de Harriet; un Dictionnaire basque, espagnol,
français et latin, ouvrage manuscrit de Jean
Etcheberri, etc. Parmi les livres traitant de
divers sujets, nous citerons encore : le Com-
bat spirituel, en dialecte labourtuin ; un ou-
vrage sur les danses, les jeux et les fêtes
cantabriques, écrit en dialecte du Guipuzcoa,
par don Iztueta ; une traduction de l'histoire
de l'Ancien et du Nouveau Testament, le Ser-
mon sur la montagne, en grec et en basque,
par de Lécluse; le livre du laboureur (Labo-
rantzar.o liburua), etc. Enfin, tout récemment,
on a publié un monument destiné à faire épo-
que dans l'histoire de la littérature basque et
à la fixer d'une manière délinitive. Nous vou-
lons parler de la traduction de la Bible, exé-
cutée en entier par le capitaine des douanes
en retraite, Jean Liuvoisin. Cette entreprise
considérable a été commencée et menée à
bonne lin, soùs les auspices et aux frais du
prince Louis-Lucien-Napoléon Bonaparte, qui,
depuis longtemps, s'occupe avec succès de
questions philologiques et linguistiques. D'un
autre côté, l'impression de la Bible en langue
basque espagnole, ou Guipuzcoa, est aussi en
voie d'achèvement, sous les mêmes auspices
et avec la même collaboration.
A côté de la littérature écrite, qui est si
pauvre, les Basques possèdent une autre lit-
térature populaire, consistant en romances, en
chansons, en ballades, qui ont été transmises
fiar tradition, et que conserve religieusement
a mémoire des chanteurs. Malheureusement,
ce côté original de la littérature basque ne
nous est que fort imparfaitement connu, parce
qu'on n'a pas encore rassemblé ces morceaux
épars. Cependant il en existe un recueil com-
posé par M. de Latena, mais qui est encore
inédit. La langue basque a indirectement pro-
duit un poète des plus originaux, c'est Antonio
de Trueba, qui a, comme le dit M. Thaïes
Bernard dans son Histoire de la Poésie, com-
biné l'influence des chants basques avec les
courts refrains du peuple espagnol, en con-
struisant sur ces derniers des compositions
Ïilus longues, qui ne semblent uas nées dans
e Midi.
Le Basque naît poète, et l'on trouve dans
cette pittoresque contrée un grand nombre de
bardes populaires. Nous citerons, parmi ces
derniers, Oyenhart, qui a composé des pasto-
rales et des proverbes, dont voici un échan-
tillon :
Bcr exea beires da rfacunac esiaiirie,
Espçsa aurtic berserencra harriric.
« Celui qui a sa maison couverte en verre ne
doit point jeter de pierre sur le toit d'autrui. »
Une maxime orientale ne dirait pas mieux.
BASQUES (Provinces), grande division mi-
litaire d'Espagne, formant une capitainerie
générale, qui comprend les provinces d'Alava,
de Guipuzcoa et de Biscaye: elle est bornée
au N. par la France et le golfe de Gascogne,
à l'E. par la Navarre, au S. et à VO. par la
capitainerie générale de Burgos. V. Basques.
BASQUES {Pays des), pays de France, qui
renfermait les trois petites contrées du La-
bour, de la basse Navarre et de Soûle, et qui
forme aujourd'hui, dans le département des
'Basses-Pyrénées, les deux arrondissements
de Bayonne et de Mauléon.
Le Labour formait autrefois, avec quelques
vallées voisines, l'évêché de Bayonne. Il eut
des seigneurs particuliers, sous le titre de vi-
comtes, au xic et au Xn^ siècle. Réuni plus
tard à la Gascogne, il entra dans le domaine
de la maison de Béarn et fut réuni à la cou-
ronne de Franco par l'avènement de Henri IV.
La basse Navarre, dont la capitale était
Saint-Jean-Pied-de-Port, ne formait, dans l'ori-
gine, qu'un canton du royaume de Navarre.
Restée seule au pouvoir des rois de Navarre
de la maison d'Albret, elle n'en conserva pas
moins le titre de royaume, et le3 rois de
France, successeurs de Henri IV, ne dédai-
gnèrent pas de s'intituler aussi rois de Na-
varre.
La Soûle, dont Mauléon était la capitale,
avait titre de vicomte ; elle eut des seigneurs
particuliers jusque vers la fin du xmo siècle,
et fut réunie définitivement à la couronne en
1607. En 1790, elle forme le district de Mau-
léon, qui devint plus tard sous-préfecture,
par l'addition d'une partie de la basse Na-
varre.
BASQUE (Michel le), boucanier fameux,
né, comme l'indique son nom, dans les pro-
vinces basques au xvne siècle. Entraîné par
son humeur aventureuse, il se rendit en Amé-
rique et ne tarda pas à se signaler par des
actes d'une incroyable audace. L'Ile de la
Tortue était alors en la possession d'une bande
de flibustiers, dont le chef, David Nau, dit
l'Olonnais, parce qu'il était né aux Sables-
d'Olonne, était devenu la fléau des Espagnols.
Le Basque se joignit à l'Olonnais, et, à la tête
d'environ quatre cents flibustiers, les deux
chefs s'emparèrent de Maracaïbo et mirent le
feu aux quatre coins de Gibraltar, dans le
golfe de Venezuela. Ils rapportèrent de cette
expédition un butin considérable. La an de
BAS
Michel le Basque est enveloppée de la même ç
obscurité que le début de sa vie.
BASQUETTE s. f. (ba-skè-te — dimin. de
basque). Vêtement d'homme, à courtes bas-
ques.
— Comm. Grand panier rond, à oreilles et
à claire-voie, dans lequel on met du hareng.
BASQUINE s. f. (ba-ski-ne — rad. Basque,
nom de peuple). Jupe très-ornée, empruntée
aux Espagnoles : La, duchesse porte une bas-
quine rose, avec des volants de frange noire,
entremêlée de houppes de soie, (Th. Gaut.) La
mariée est charmante, avec son petit loup de
velours noir et sa basquine à grandes franges.
(Th. Gaut.)
Celait plaisir dé voir danser la jeune fille;
Sa basquine agitait ses paillettes d'azur.
V. Huoo
BASQUINER v. a. ou tr. (ba-ski-né — rad.
Basque, nom de peuple). Autref. Ensorceler;
se disait, assure-t-on, à cause du grand nom-
bre de Basques adonnés à la sorcellerie.
BAS-RELIEF s. m. (ba-re-lièff — rad. bas
et relief, relief peu saillant). Sculpt. Ouvrage
de sculpture exécuté sur un fond auquel les
figures sont adhérentes : L'on voit, en bas-
relief, les aventures de la déesse. (Fén.) Au
centre de la place, se dressait la grande cathé-
drale gothique, avec sa large tour du bourdon
et ses cinq portails brodes de bas-reliefs.
(V. Hugo.) Une des premières conditions de la
composition des bas-reliefs est d'y laisser le
moins de vide, le moins de trous que l'on peut,
et d'empêcher, comme on dit, que les figures ne
ballottent. (Vitet.)
— Particulièrem. Par opposition à haut-
relief; sculpture dans laquelle les figures ne
conservent pas leur saillie naturelle, et sem-
blent aplaties sur le fond.
— Antonyme. -Ronde-bosse.
— Encycl. On donne assez généralement le
nom de bas-relief atout ouvrage de sculpture
qui forme saillie sur un fond et qui s'en déta-
che plus ou moins, soit qu'il y ait été appliqué
et fixé, soit qu'il ait été taillé dans la matière
môme dont ce fond est formé. Il y a lieu, tou-
tefois, de distinguer trois genres de reliefs : le
haut relief ou plein relief, dont les figures se
détachent presque entièrement du fond et se
rapprochent de la ronde-bosse (le Départ, le
Triomphe, la Paix et la Guerre, de l'arc de
l'Etoile); le demi-relief ou la demi-bosse, dont
les figures rassortent de la moitié de leur
épaisseur; le bas-re'ief proprement dit, dont
les figures sont représentées comme aplaties
sur le fond et ne forment qu'une légère
saillie.
«L'origine du bas-relief, dit Quatremère de
Quincy, se confond avec celle de l'hiérogly-
phe, c'est-à-dire qu'il doit sa naissance à l'é-
criture figurée. Sous ce point de vue, l'usage
du bas-relief fut commun à tous les peuples, et
se retrouve chez les plus sauvages. Cette ma-
nière d'écrire sur la pierre fut la première de
toutes : le besoin l'inventa ; la religion se l'ap-
propria. Le progrès seul des arts d'imitation
fiouvait perfectionner ces premiers signes et
enr donner la vie. Cet honneur était réservé
aux Grecs. En Grèce, les arts furent en quel-
que sorte les ministres de la religion. En
Egypte et dans l'Asie, ils en furent les escla-
ves- Un respect religieux pour ces caractères
primitifs que le culte avait sanctifiés, la crainte
fieut-être de changer les idées en changeant
es formes auxquelles elles étaient attachées,
tout contribua, chez les Egyptiens, à retenir
les arts dans une espèce d'enfance. » Les hié-
roglyphes qui figurent sur les monuments de
l'Egypte s«nt tracés de trois manières diffé-
rentes. La première manière n'a aucun rap-
port avec le travail de la sculpture en bas-
relief : les objets sont taillés en creux et
n'offrent aucune surface saillante; tels sont
les hiéroglyphes de l'obélisque de Louqsor.
La seconde manière nous fait voir les pre-
miers pas de l'art du bas-relief : les figures
sont relevées en bosse, mais leur saillie est
inférieure à la surface du bloc dans lequel
elles sont taillées. Ces bas-reliefs, sculptés
avec beaucoup de précision dans le renfonce-
ment de la pierre, ont reçu des Grecs le nom
de coilanaglyphes (v. ce mot); ils sont très-
fréquents dans les monuments égyptiens. La
troisième méthode est celle qui est particuliè-
rement propre au bas-relief : elle dégage les
figures et les fait saillir légèrement sur les
surfaces environnantes. Winckelmann semble
croire qu'elle n'a été employée par les Egyp-
tiens que dans l'exécution des bas-reliefs en
métal, mais il n'est pas douteux qu'elle n'ait été
appliquée aussi sur la pierre. Les relations
des voyageurs ont fait connaître un assez
grand nomdre de sculptures exécutées d'après
ce dernier système sur des autels, des obélis-
ques, des pylônes, et Von en voit des spéci-
mens dans les principaux musées lapidaires
de l'Europe. La plupart de ces sculptures ne
nous offrent que des figures sans action, et ne
nous paraissent que des hiéroglyphes animés ;
il en existe, toutefois, qui représentent de vé-
ritables compositions : de ce genre étaient
celles que décrit Diodore de Sicile, et qui or-
naient le tombeau du roi Osymandias; elles
figuraient les batailles et les victoires de ce
prince. En général, les bds-reliefs égyptiens
sont distribués sur les édifices par rangées
horizontales, comme les lignes de l'écriture,
ou encore par files perpendiculaires. Il ne faut
BAS
y chercher ni une grande variété de mouve- (
ments, ni une grande justesse d'attitudes;
mais les détails sont travaillés avec soin, et
l'exécution se fait remarquer par l'habileté de
la taille et le poli de la pierre. En examinant
les bas-reliefs simplement ébauchés qui ont
été trouvés a Ombos, la commission française
d'Egypte a reconnu que les artistes de ce pays
mettaient au carreau les sujets et les figures
qu'ils voulaient représenter, puis les dessi-
naient au pinceau avec un trait rouge. Les
bas-reliefs exécutés d'après ces indications
n'ayant qu'une faible saillie , on employait
souvent des teintes monochromes pour mar-
quer davantage la nature des objets repré-
sentés et pour les faire apercevoir à distance.
C'est à peu près sous les mêmes formes et
dans le même goût qu'on retrouve l'art du
bas-relief en Assyrie, en Perse et jusque dans
l'Inde. Les innombrables sculptures dont sont
couvertes les pagodes indiennes sont de véri-
tables hiéroglyphes. Les bas-reliefs qu'on a
découverts dans les ruines de Persépolis et de
Ninive accusent un art plus avancé. C'est
bien toujours la même symétrie dans l'ordon-
nance, la même monotonie dans la distribu-
tion des parties-, mais les compositions sont
plus variées, plus mouvementées, 'plus pitto-
resques. Au point de vue de l'exécution, les
bas-reliefs persépolitains sont peut-être moins
finement travaillés que ceux de l'Egypte, mais
leur saillie a plus de hardiesse. Les bas-reliefs
qui revêtent les parois intérieures des édifices
ninivites sont de grandes tables d'albâtre où
les figures et les objets sont sculptés avec
une grande délicatesse de ciseau et soigneu-
sement polis : ils offrent des scènes très-va-
riées et souvent très-compliquées, dont les su-
jets sont empruntés aux tastes de la religion
et de la puissance royale. V. Assyrien (Art).
Le système d'architecture adopté par les
Grecs ne comportant pas une aussi grande
prodigalité de sculpture que les monuments
de l'Egypte et de l'Assyrie, sortes de livres
immenses, toujours ouverts, qui plaçaient sous
les yeux du peuple les images des dieux et les
hauts faits des ancêtres , les bas-reliefs ne
jouaient qu'un rôle purement décoratif dans
les édifices de .la Grèce , la place qui leur Était
particulièrement réservée était le champ de
la frise : cette partie de l'entablement avait
reçu le nom de Çbja<popQç, parce que, dans l'ori-
gine, on y représentait des têtes de victimes
et des animaux consacrés aux dieux. Les ar-
tistes antérieurs aux siècles de Cirnon et da
Périclès paraissent avoir employé la sculp-
ture en bas-relief principalement à la décora-
tion des boucliers , des vases , de certains
meubles, des autels, et des trônes destinés à
recevoir les statues des dieux. Homère vante
un bas-relief de la composition de Dédale,
représentant un chœur de danse, et dit que
Vulcain l'avait imité sur le bouclier d'Achille.
A l'époque de la première olympiade, vers
l'an 776, un artiste dont le nom ne nous a pas
été conservé enrichit le fameux coffret de
cèdre de Oypsélus (v. ce nom) de bas-reliefs
en or et en ivoire, représentant l'histoire des
dieux et des héros de la Grèce. Deux siècles
plus tard, Bathyclfes de Magnésie orna de com-
fiositions analogues le trône colossal d'Apol-
on, que les Lacédémoniens l'avaient chargé
d'élever dans le temple d'Amyclès. L'art de
ciseler les métaux en relief fut pratiqué avec
une extrême habileté par plusieurs contempo-
rains de Cimon , entre autres -par Calamis,
dont les vases d'argent , enrichis d'élégantes
sculptures, étaient encore chez les Romains,
du temps de Néron, un objet de luxe pour les
particuliers et un sujet d'émulation pour les
artistes. Calamis fut un des précurseurs im-
médiats de Phidias, un des derniers représen-
tants de la vieille école attique. Parmi les
ouvrages exécutés par cette école, il n'en est
F as qui fassent mieux connaître la noblesse et
énergie de son style, que les bas-reliefs dont
sont ornés les métopes et les frises extérieures
du temple de Thésée, existant encore aujour-
d'hui au milieu d'Athènes. On y voit repré-
sentés les exploits de Thésée, ïe combat des
Centaures et des Lapithes, et celui des Athé-
niens contre les Amazones, t précieux ou-
vrage d'un ciseau rude encore , mais plein
d'énergie et de chaleur, cette mâle sculpture,
dit Emerie David, nous offre, avec des défauts
inévitables a l'époque où elle a été exécutée,
de singulières beautés. Des mouvements dé-
cidés et énergiques, mais qui ne sont pas tou-
jours exempts de quelque exagération, de
larges divisions dans les masses principales du
nu, et cependant de la confusion dans les dé-
tails , des têtes quelquefois lourdes , mais
vivantes et expressives ; de fréquentes incor-
rections dans les contours, et de la vie dans
l'ensemble ; un faire généralement sec, et un
aspect imposant : tels en sont les traits origi-
naux. Le sentiment des effets pittoresques s'y
fait peut-être admirer plus encore que le mé-
rite de l'exécution. Il ne faut pas oublier, si
l'on veut apprécier dignement ces bas-reliefs,
qu'ils ont été faits pour être placés à une
grande hauteur et au milieu d'une éclatante
lumière. L'artiste a ménagé des parties tran-
chantes vers les extrémités des îigures, afin
de les détacher du fond en se créant des om-
bres; il a relevé aussi des parties osseuses
pour imiter les effets du coloris. Tout n'est
pas vice dans ces vastes méplats quelquefois
vides de détails. Vue du point d'optique qu'elle
exige, cette sublime «culpture imprime déjà
l'idée de la grandeur homérique qui bientôt
BAS
distinguera Phidias. Ce fut là un des plus ad-
mirables produits de la vieille école athé-
nienne. » Les bas-reliefs dont l'école d'Egine
enrichit dans le même temps le Pauhelleinum
offrent la même facture maie et expressive.
Phidias assouplit le style rude de ses de-
vanciers, et porta l'art du bas-relief à un haut
degré de perfection. Les sculptures de la frisa
et des métopes du Parthénon, exécutées, si-
non par lui, du moins sous sa direction et par
ses meilleurs élèves, sont justement célèbres.
On y admire la noblesse de la composition,
la variété infinie des attitudes, l'élégance et
la vérité des contours, la fierté et 1 ampleur
du modelé. Plusieurs artistes du temps de
Phidias furent d'habiles sculpteurs de bas-re-.
liefs; sans parler d'Alcamène et d'Agoracrite,
qui passent pour avoir travaillé aux sculptu-
res du Parthénon, on peut citer Mys, ciseleur
du plus grand mérite, qui représenta, sur la
bouclier de la Minerve Lemnienne, le combat
des Centaures et des Lapithes ? d'après un
dessin de Parrhasius; Myron, qui ég;ila Cala-
mis. dans l'art de ciseler des vases en métal,
Praxias, disciple de Calamis, qui sculpta dans
le fronton du nouveau temple de Delphes les
figures de Latone, de Diane, d'Apollon, des
Muses, de Bacchus, des Thyades, etc. Dans les
siècles suivants, l'art qui nous occupe enfanta
plus d'un chef-d'œuvre. Les auteurs anciens
ont célébré comme des merveilles les bas-reliefs
dont Scopas, Léocharès, Bryaxis et Timothée
ornèrent le fameux tombeau de Mausole.
L'art gréco-romain produisit aussi, en ce
genre, d'admirables ouvrages : témoin les bas-
reliefs des arcs de Titus et de Constantin, et
ceux de la colonne Trajane, qui sont parvenus
jusqu'à nous. Le temps a respecté aussi un
assez grand nombre de bas-reliefs de petites
dimensions, exécutés soit en Grèce, soit en
Italie, et destinés à décorer des autels, des
tombeaux, des vases, des fontaines, etc. Tels
sont, pour ne citer que les plus remarquables,
ceux qui représentent les Travaux d'Hercule,
Ariane abandonnée, Bacchus soutenu par Ampe-
los et Acratos, au musée Pio-Clémentin ; Per-
sëe délivrant Andromède , le Sommeil d'Endy-
mion, les Amours de Diane et d' Endymion, le
Combat des Grecs et des Amazones, au musée
du Capitole ; Eurydice, Orphée et Mercure (ou,
suivant quelques auteurs, Anliope et ses fils),
Antinous tenant un cheval par la bride, Marc-
Aurèle et Faustine, ''Bérénice sacrifiant sa
chevelure, à la villa Albani; les Travaux
d'Hercule, l'Education de Télèphe, Cassandre
et Ajax, les Heures, à la villa Borghèse; Pa-
ris et Hélène, Bacchus assis et un Faune, une
Bacchanale, le Sacrifice à Priape, au musée
degli Studj ; etc. Aucun musée n'est aussi
riche que le British Muséum en sculptures
monumentales : c'est la que l'on peut admirer
aujourd'hui cette longue suite de bas-reliefs
arrachés au Parthénon par lord Elgin ; des
fragments considérables de la frise du temple
de Phigalie, en Arcadie; d'autres fragments
provenant de l'acropole de Xanthe, en Lycie,
et du tombeau de Mausole. La glyptothèque de
Munich s'est enrichie, il y a quelques années,
de sculptures extrêmement précieuses, déta-
chées de la frise du Panhellenium d'Egine.
Le Louvre n'a qu'un petit nombre de sculp-
tures monumentales : une des métopes et
l'une des tables de la frise du Parthénon ; les
fragments de trois métopes du temple de Ju-
piter Olympien, et une série de bas-reliefs, en
granit gris, qui formaient l'architrave d'un
temple d'Assos, en Mysie, et qui représentent
des chasses et des combats d'animaux. Parmi
les bas-reliefs de petites proportions , fort
nombreux dans notre musée national, on re-
marque surtout ceux qui offrent les sujets
suivants : Anliope et ses fils, les Muses, Mi-
t/ira tuant le taureau, les Forges de Vulcain,
Jupiter, Thétis et Junon, Latone, Apollon et
Diane, la Naissance de Vénus , les Douze
dieux (sculptures de deux autels), les Funé-
railles d'Hector, Agamemnon, Talthybiûs et
Epeus, la Vengeance de Médêe, Phèdre et
Hippolyte, les Génies des jeux, etc.
L'étude attentive de ces précieux débris
nous apprend avec quelle supériorité les an-
ciens ont traité l'art du bas-relief. On a pré-
tendu qu'ils ne savaient que couper des ngu-'
res de ronde-bosse par le milieu ou par le
tiers de leur épaisseur, et les plaquer sur un
fond, sans exprimer la dégradation exigée par
la perspective. Le savant Quatremère de
Quincy a fait bonne justice de cette accusa-
tion. Il a montré que, quel que soit le peu de
saillie des bas'rehefs antiques, les figures y
ont la rondeur voulue, les parties fuyantes
s'unissent au fond sans qu'on aperçoive, pour
ainsi dire, la ligne où elles vont expirer ; les
contours y sont aussi variés, les formes aussi
précises que dans les sculptures de ronde-
bosse. Les anciens n'admettaient, il est vrai,
qu'un très-petit nombre de plans dans leurs
bas-reliefs, deux ou trois au plus. En général,
surtout quand il s'agissait de décorations mo-
numentales destinées à être placées à une
assez grande élévation, ils donnaient peu de
saillie aux ligures , et les disposaient sur un
seul plan , par la raison bien simple qu'un
bas-relief devant être vu d'un seul point, au-
cune partie n'en doit être cachée par une
autre. Il est clair que, si l'on eût donné beau-
coup de saillie au relief des frises du Parthé-
non, les parties les plus rapprochées de l'œil
du spectateur lui en eussent dérobé les par-
ties les plus éloignées. Une remarque qu'il
importa de faire, c'est que, dans l'antiquité, le
BAS
bas-relief ne figurait jamais que comme orne-
ment accessoire d'une forme principale dont
il devait respecter l'intégrité. L'architecture
ne l'admit qu'autant qu'il n'altérerait point le
plan sur lequel il pouvait s'introduire; il de-
vait se conformer^ par conséquent, à l'épais-
seur ou à la saillie qui lui était commandée
suivant la place qu'il occupait. On conçoit
d'après cela que, dans la plupart des bas-re-
liefs antiques, la perspective n'ait pas toujours
été rigoureusement observée. « On ne saurait
regarder ce défaut, dit Quatretnère de Quincy ,
comme l'imperfection d'une routine ignorante,
mais bien comme le système volontaire et ré-
fléchi d'une combinaison éclairée ; non comme
l'erreur involontaire de l'artiste, mais comme
un procédé constant et invariable de l'art
Est-il aisé de se persuader que le savant
Apollodore , le premier' architecte de son
temps , eût laissé subsister, dans le chef-
d'œuvre de son génie et du siècle de Trajan,
dos fautes aussi grossières, s'il les eût crues de
vrais défauts, ou qu'il ne se fût pas aperçu do
ceux qui devaient être visibles pour tous ? La
vérité est que ces erreurs de perspective, tant
reprochées à la colonne Trajane, loin de por-
ter le caractère de l'ignorance, indiquent, au
contraire, la connaissance la mieux sentie de
l'art même de la perspective. Cette exactitude
de plans et de détails linéaires, qu'on peut
employer dans les ouvrages qui sont a la
portée de la vue, eût été la plus grande de
toutes les faussetés dans ce vaste monument,
puisque l'éloignement en eût fait disparaître
entièrement f effet. Celui qui le conçut fut
donc obligé, pour être vrai, de sacrifier, si
l'on peut dire, à l'erreur : mais de quel nom
doit-on appeler cette savante erreur de dé-
tail, qui produit la vérité de tout l'ensemble ?
Comment appeler ce mensonge véridique au-
quel on doit de pouvoir suivre distinctement,
jusque dans les cieux, où la main de l'art osa
les rendre encore lisibles, les exploits du plus
grand empereur de Rome?... Si les figures de
cette colonne augmentent de saillie et de
grandeur, a mesure qu'elles s'éloignent de la
vue et s'élèvent en l'air, pour que l'œil puisse
discerner celles d'en haut aussi facilement que
celles du bas: si la dégradation dans les plans
des figures n y est qu'imparfaitement expri-
mée, pour ne point trop effacer à la vue celles
du fond, et pour ne point altérer le galbe de
la colonne; si les accessoires et les fonds
d'architecture n'y sont point soumis aux lois
de la perspective, qui eussent rendu invisible
ce qu il était nécessaire de faire voir : qu'en
doit-on conclure? ou que l'artiste qui exécuta
ce monument connaissait plus que les lois de
la perspective, puisqu'il connut l'esprit de ces
lois même, et ne les viola que pour les mieux
observer; ou que, si leur transgression fut
involontaire , cette erreur de l'inexpérience
serait un des plus heureux et des plus éton-
nants effets du hasard. • V.Trajane (Colonne.)
L'art de sculpter en bas-relief ne se perdit
point au moyen âge. Chez les Byzantins, en
Italie, dans le midi de la France, partout où
subsistaient des monuments grecs ou romains,
cet art conserva assez longtemps les tradi-
tions des anciens maîtres, et produisit une
foule d'ouvrages où, à défaut d'imagination et
de goût, on reconnaissait une certaine entente
de l'effet pittoresque. A dire vrai, les nom-
breux sarcophages chrétiens que l'on voit a
Rome ne donnent pas une très-haute idée de
la manière dont la sculpture en bas-relief fut
pratiquée vers les premiers temps du moyen
âge. Exécutés, pour la plupart, par des ou-
vriers mercenaires qui ne faisaient qu'y répé-
ter, ou modifier de la façon la plus banale,
les mêmes sujets et les mêmes compositions,
ils doivent être considérés plutôt comme les
produits d'une industrie que comme des objets
d'art. Toutefois, un examen attentif permet
de reconnaître parfois, sous l'enveloppe d'un
travail grossier, des réminiscences heureuses
du style antique. D'après les renseignements
ni nous sont parvenus sur la construction
es églises chrétiennes des premiers siècles,
nous voyons qu'elles étaient rarement ornées
de sculptures; tout leur luxe parait avoir
consisté dans les tentures, dans les mosaï-
ques, dans les fresques, dans les marbres pré-
cieux dont on les décorait. Mais, si l'art du
bas-relief était peu employé pour l'ornemen-
tation des édifices, il servait du moins à re-
présenter les mystères de la religion nou-
velle sur les autels, les cuves baptismales,
les croix, les calices, les chasses des saints
martyrs. A aucune époque il n'y eut un plus
grand nombre d'artistes occupés à ciseler les
métaux. Pour ne parler que de la France,
nous voyons qu'au vi» siècle , Gontran et
quelques princes de sa famille firent exécuter
des bas-reliefs en argent et en vermeil, for-
mant un tableau de 7 coudées et demie de
haut sur 10 de large, et représentant la Nati-
vité et la Passion de Jésus-Christ ; cet ouvrage
fut conservé jusqu'à la lin du x» siècle dans
l'église Saint-Bénigne, à Dijon. Au vue siè-
cle, saint Eloi, l'orfèvre du roi Dagobert, se
rendit célèbre par son habileté à travailler
les métaux. Sous Louis le Débonnaire; Angé-
sise, abbé de Luxéuil, commanda pour son
église un calice d'or enrichi de bas-reliefs
(anaglypho opère factum). Vers 989, Amai-
bert, abbé de Saint-Florent de Saumur, fit
exécuter une châsse d'argent ornée de bas-
reliefs, pour renfermer le corps du saint pa-
tron de son abbaye. Quarante ans plus tard,
Bichard, abbé de Saint-Viton, près de Ver-
dun, dota son église d'un eibonum, d'un pu-
l
BAS
pitre en bronze et d'un devant d'autel en ar-
gent, décorés de bas-reliefs dorés {opère
factœ cœlatorio, arte fusili et anaglypho pro-
duclce imagines, opère mirifico, etc.). En 10S7,
l'orfèvre normand Othon exécuta, dans l'é-
glise de l'abbaye de Saint-Etienne de Caen,
le mausolée de Guillaume le Conquérant, qu'il
enrichit de bas-reliefs d'or et d'argent, rele-
vés de pierres précieuses. Les Annales béné-
dictines et les autres chroniques du moyen
âge nous fourniraient une foule d'autres
exemples de travaux de ce genre.
L'ornementation sculpturale commença à
se montrer au xie siècle sur les chapiteaux
des églises romanes, et surtout aux baies du
grand portail et à la façade. Les porches des
églises de Saint-Bénigne de Dijon, de Nan-
tua, de Vermanton, d'Avalon, du Mans,, qui
datent de cette époque, sont très-dignes d'at-
tention non-seulement par le grand nombre
de figures en bas-relief et en demi-bosse qu'on
y voit réunies, mais encore à cause du style,
qui est bien meilleur qu'on n'oserait le croire.
Au xue siècle, les artistes, placés sous l'inspi-
ration romano-byzantine, donnèrent libre car-
rière à leur imagination ; les fleurs, les rin-
ceaux et autres ornements furent mieux
fouillés , plus élégamment dessinés qu'aux
époques précédentes de l'ère romane. Les
bas-reliefs représentant la figure humaine
perdirent peu à peu la physionnomie barbare
qu'ils avaient eue jusqu alors. Les portails des
églises de Laon, de Châteaudun, de Bayeux,
de Saint-Denis, de Semur en Auxois, de Saint-
Lazare d'Autun, de Saint-Trophime d'Arles,
sont couverts de compositions religieuses ou
allégoriques, traitées avec une simplicité qui
n'est pas dépourvue de grandeur. L'archi-
tecture ogivale conserva et améliora ce sys-
tème de décoration : les maîtres de pierre
multiplièrent les bas-reliefs, non-seulement
sur les porches et dans les divers comparti-
ments des façades, mais encore dans l'inté-
rieur des églises. La sculpture monumentale
joue un grand rôle dans les magnifiques cathé-
drales élevées auxms, auxive et auxvc siècle ;
il nous suffira de citer en France les cathé-
drales d'Amiens, de Paris, de Beâuvais, de
Reims, de Chartres, d'Orléans, de Strasbourg,
d'Auch, de Rouen, où la pierre est fouillée,
ciselée avec une délicatesse extraordinaire.
L'art de sculpter en relief les métaux, l'ivoire,
le bois, l'albâtre, produisit à la même époque
une foule d'ouvrages finement travaillés: re-
tables , tabernacles, calices, châsses, croix,
encensoirs, lutrins, bancs d'œuvre, crédences,
armoires, coffres, bahuts, armures, etc. Parmi
les divers spécimens de ce genre que possède
le musée de Cluny, nous citerons : un retable
du xme siècle, provenant de l'église de Saint-
Germer (Oise), magnifique bas-relief, mal-
heureusement mutilé , dans lequel les figures
peintes et dorées sont appliquées sur un fond
gaufré et rehaussé d'or; un retable en bois
sculpté (u° 208) du xve siècle, provenant de
l'abbaye d'Everborn, près Liège ; divers bas-
reliefs en albâtre du xive siècle (n08 129 à
142) ; une grande châsse en ivoire (n» 404),
de la même époque, décorée de 51 bas-reliefs
avec rehauts d'or et de couleur, représentant
des sujets tirés de l'Ancien et du Nouveau
Testament ; les volets d'un retable de l'abbaye
de Saint-Ricquier (n° 228), composés de 12 bas-
reliefs où sont mis en action les versets du
Credo, etc.
En Italie, l'art du bas-relief fut asservi, pen-
dant la plus grande partie du moyen âge, aux
conceptions monotones, aux formes étriquées
de la sculpture byzantine. Les portes de
bronze sculptées qui furent apportées de la
Grèce, au xie siècle, pour décorer les portails
de Saint-Marc à Venise, de Saint-Pierre à
Rome, et du Dôme de Naples, servirent de
modèles pour les portes des cathédrales d'A-
malfi et de Bénévent, pour celles de la ca-
thédrale de Pise, coulées par Bonano en 1180,
et pour celles du baptistère de Saint-Jean de
Latran exécutées, en 1203, par Pierre et Hu-
bert de Plaisance. On retrouve le même style
dans les meilleurs bas -reliefs italiens du
xii« siècle, notamment dans ceux du Dôme
de Modène , exécutés par Guillaume , du
Dôme de Parme, par Antelami, de Saint-
Zénon, de Vérone, et du Dôme de Ferrare ,
par Nicolas Ficarolo. Au xme siècle, Nicolas
de Pise, s'inspirant des chefs-d'œuvre de l'anti-
quité, chercha à ramener l'art vers l'étude de
ia nature et l'expression du vrai : les bas-
reliefs dont il a décoré le tombeau de saint
Dominique, à Bologne, et les chaires des cathé-
drales de Pise et de Sienne, dénotent un
progrès réel, un premier retour aux saines
traditions. André et Jean, qui florissaient au
xive siècle , suivirent la voie ouverte par
Nicolas ; le premier se rendit célèbre en sculp-
tant les portes de bronze du baptistère de
Florence. Le siècle suivant vit surgir une
foule de maîtres éminents, qui se distinguèrent
dans l'art du bas-relief : Andréa Orcagna,
qui sculpta l'autel de l'église d'Or San-
Michele ; Lorenzo Gbiberti, qui fit les bas-
reliefs de cette admirable porte du baptistère
de Florence, que Michel-Ange proclama digne
d'être la porte du Paradis ; Massuccio, qui
exécuta les tombeaux du roi Robert et de la
reine Sanche, à Naples; Lanfranc, qui fit le
lombeau des Pepoli, à Bologne, et Bononi da
Campione, celui de Can délia Scala, à Vérone;
Pollaiuolo, Cennini, Cione, Verrochio, Maso
Finiguerra, Michelozzo et Bartolommeo, qui
furent surtout d'excellents orfèvres et qui
portèrent l'art de la ciselure a une perfection
BAS
inconnue jusqu'alors. L'heure de la renais-
sance artistique a enfin sonné ; les procédés
surannés, les vieilles routines ont fait place à
l'étude de l'antique et à l'observation de la
nature ; peintres, sculpteurs, architectes, ri-
valisent de goût, d'imagination, de sentiment,
d'habileté pratique. Pour ne parler que de la
sculpture en bas-relief, on ne sait ce qu'il
faut le plus admirer, dans les chefs-d'œuvre
des maîtres de la Renaissance, de la simpli-
cité et de la noblesse de la conception, de la
beauté de la forme, de la délicatesse et de la
pureté de l'exécution. Il semble que ces maî-
tres se soient efforcés de produire dans leurs
bas-reliefs l'illusion de la peinture. Les com-
positions dont Ghiberti a orné les montants de
l'admirable porte du baptistère de Florence
sont de véritables tableaux en relief, où la
perspective linéaire est scrupuleusement ob-'
servée; on y voit des montagnes, des arbres,
des nuages, une foule d'objets qui n'avaient
jamais pris place dans les bas-reliefs antiques.
Baccio Bandinelli, le Sansovino, Filarete,
Donatello, et les autres artistes duxvre siècle,
qui exécutèrent des ouvrages du même genre,
adoptèrent un style plus large, plus éner-
gique, sans renoncer toutefois a natter l'œil
Îiar la disposition pittoresque des figures et
a dégradation savante des objets. Ce système
fut singulièrement exagéré, au xviio siècle,
par l'Algarde, le Bernin, et leurs émules. Ces
artistes exécutèrent en bas-relief de vastes
tableaux d'histoire, où les figures se groupent,
s'éloignent, se rapprochent, le plus souvent
sans autre raison que celle d'une fausse har-
monie, qui décide de leurs attitudes et de leur
rapport avec la scène. Ils essayèrent, en un
mot, de s'approprier, par l'art des groupes et
une dégradation calculée dans la saillie des
objets, ces moyens puissants que la peinture
doit à la magie de ses couleurs et à 1 entente
du clair-obscur. Cette recherche de l'illusion
et de l'effet pittoresque a généralement pré-
valu dans les bas-reliefs modernes, mais trop
souvent, il faut le dire, au détriment de la
correction du dessin et de la vérité des dé-
tails. Parmi les artistes qui ont obtenu en
Italie, au xixe siècle, les plus légitimes succès
dans le genre d'ouvrages qui nous occupe,
nous devons nommer Canova et Thorwaldsen :
les bas-reliefs dont le premier a décoré divers
mausolées, et la longue frise du Triomphe
d'Alexandre, exécutée par le second dans la
villa Sommariva, sur les bords du lac de Gôme,
se distinguent par la noblesse des idées et
la pureté de l'exécution,
La France posséda d'habiles sculpteurs de
bas-reliefs, à l'époque de la Renaissance;
dans ce nombre, il faut citer Jean Juste,
André Colomban, Michel Colomb, Philippe de
Chartres, Jean Texier, Pierre Bontemps, Ger-
main Pilon, Nicolas Bachelier, et, au-dessus
de tous, l'auteur des sculptures de la fontaine
des Innocents et des frontons du vieux
Louvre, cet immortel Jean Goujon, qui, sui-
vant l'expression d'Emeric David, semble
avoir dérobé à l'art antique l'élégance de ses
formes, le moelleux de ses draperies, la no-
blesse de ses compositions. Les églises, les
châteaux, les hôtels, les tombeaux, les fon-
taines, élevés pendant cette brillante période,
sont décorés de sculptures en relief aussi re-
marquables par la délicatesse de l'exécution
que par la profusion et la variété des détails.
A la même époque, l'ébénisterie, l'orfèvrerie,
l'armurerie, la tabletterie, la céramique même,
enrichirent leurs productions de bas-reliefs
précieusement fouillés. Les articles spéciaux
que le Grand Dictionnaire consacre à l'histoire
de ces différentes branches de l'art nous dis-
pensent de nous étendre ici davantage sur
ce sujet (V. aussi les mots Ciselure, Ivoire.)
Au xviio siècle, Michel Anguier exéfcuta, sur
les dessins de Girardon, les bas-reliefs de la
porte Saint-Denis ; Dujardin, G. Marty, Le
Hongre, P. Legros, firent ceux de la porte
Saint-Martin. Les figures en demi-relief qui
entrent dans la décoration de la fontaine de
la rue de Grenelle, à Paris, sont au nombre
des meilleures productions de Bouchardon,
l'un des artistes en vogue sous Louis XV.
Parmi les innombrables bas-reliefs exécutés
par l'école française au xix« siècle, il nous
suffira de citer : ceux de la colonne Vendôme,
modelés en grande partie sur les dessins du
peintre Bergeret ; ceux de l'arc du Carrou-
sel, sculptés parTaunay, Espercieux, Ramey,
Clodion, Deseine, Lesueur, Cartellier; ceux
de l'arc de l'Etoile, par Rude, Cortot, Etex,
Pradier,Chaponmère, Feuchères, Marochetti,
Gechter, Espercieux, Velcher, Bosio neveu,
De Bay père, Jacquot, Bra, Valois, Brun,
Laitié, Caillouette ; ceux du piédestal de la
colonne de Juillet et de deux des frontons du
nouveau Louvre, par Barye ; ceux de l'arc de
triomphe de Marseille et du fronton du Pan-
théon par David d'Angers; le fronton de la
Madeleine et celui de Saint-Vincent-de-Paul,
à Paris, par M. Lemaire ; les portes de bronze
de l'église de la Madeleine , par M. Tri-
queti ; le soubassement du chœur de l'église
Sainte-Clotilde, par M. Guillaume ; les bas-
reliefs de la bourse de Marseille, par MM. Tous-
saint et Gilbert ; ceux du nouveau Louvre,
du nouveau pavillon de Flore et de l'aile
méridionale des Tuileries, par MM. Truçhème,
Veray , Vilain , Roubaud , Aug, Poitevin ,
Marcellin, P. Loison, H. Lavigne, J. Félon,
Duret, Dumont, Clère, Cavelier, Delabrierre,
Carpeaux , Thomas , Soitoux , Delaplanche ,
Camille Demesmay, Perrault, Gumery, Fran-
ceschi, Mmes Noémi Constant, Bertaux, etc.
BAS
319
Aujourd'hui que l'emploi du bas-relief est
poussé jusqu'à l'abus dans la décoration des
monuments publics, nous ne pouvons mieux
faire que de* reproduire les réflexions sui-
vantes, inspirées à M. Quatremère de Quincy
par le goût le plus pur : « Considéré du côté
de l'utilité, le bas-relief est d'une grande res-
source aux édifices. Il en fait connaître l'u-
sage, le caractère et la nature, il tient lieu
d'inscriptions ou les remplace de manière à
les rendre inutiles ou insipides. Cependant,
autant l'on aime à lui voir jouer ce rôle dans
les monuments, a l'y voir motivé et employé
par le besoin, autant il est nécessaire que la
main de l'art et du goût préside a sadispensa-
tion et à l'accord respectif qui doit régner
entre lui et l'édifice, pour prévenir la confu-
sion qui pourrait résulter d'un emploi exces-
sif et immodéré. Le bas-relief, envisagé dans
l'architecture du côté de l'effet qu'il y produit,
n'est autre chose qu'une richesse, un orne-
ment qu'on doit ménager à propos, qui a be-
soin de repos pour valoir, et qui doit se su-
bordonner aux lois du goût et de l'harmonie
générale. On observera donc de ne point pro-
diguer autour des bas-reliefs une foule d'or-
nements qui détournent 1 œil et l'attention
qu'ils doivent se concilier. S'ils ne sont point
isolés par un cadre, on laissera autour un
champ lisse, pour servir de repos à l'œil et
faire briller le relief ; on en ménagera de pa-
reils entre eux et les membres de l'architec-
ture : le voisinage des parties principales, des
profils et des détails, nuit à l'effet du bas-relief
et introduit la discorde dans l'ensemble. Le
rapport de la grandeur des bas-reliefs et des
figures qui les composent avec l'architecture
et les ordres mérite encore l'attention de
l'architecte. Du défaut de rapport exact et
bien entendu peut résulter une disproportion
choquante dans le tout. La petitesse ou la
grandeur exagérée des figures, rendra l'ordre
colossal ou mesquin , atténuera ou grossira
la masse générale et nuira aux proportions
de l'édifice, quand même elles seraient intrin-
sèquement belles. On en doit dire autant du
plus ou moins de saillie que les bas-reliefs
doivent avoir. L'architecte doit en prescrire la
mesure, suivant la force ou la délicatesse de
son ordonnance, selon le plus ou moins d'é-
nergie de ses profils, selon le caractère géné-
ral et le style adopté, selon le point de vue de
l'édifice, selon la situation même des bas-
reliefs, le jour qu'ils doivent recevoir, l'effet
qu'ils doivent produire; enfin, selon le goût
dominant des ornements et la valeur des par-
ties ou des détails environnants. »
BAS-RIS s. m. Mar. Dernier ris : Quoiqu'il
fit un temps à porter des huniers au bas-ris,
l'équipage était si faible que le commandant
avait ordonné de fuir devant le temps. (E. Sue.)
BASS s. m. (bass). Ichthyol. Nom anglais
d'un poisson des côtes d'Angleterre.
BASS ou BASS-ROCK,llot de l'archipel Bri-
tannique, sur la côte S.-E. d'Ecosse, dans le
golfe de Forth, comté d'Hadd'mgton, a 3 kil. N.
de North-Berwick. Cet îlot n'est qu'un rocher
qui s'élève à 120 m. au-dessus du niveau de
lOcéan. Ce rocher, de 1,500 rn. environ de
circonférence, conique d'un côté et à pic de
tous les autres, n'est accessible qu'au S.-O.,
encore n'y peut-on débarquer qu'à l'aide d'é-
chelles et de cordes. Au sommet se trouve
une source d'eau vive. Une galerie naturelle,
qu'on peut parcourir en entier à la marée
basse, le traverse dans toute son épaisseur de
l'E. à l'O. Il n'est habité maintenant que par
des oiseaux de mer, surtout par des oies d'E-
cosse, qui s'y multiplient tellement, qu'au
printemps on ne peut faire un pas sans fouler
un nid aux pieds. Mais il fut jadis la forte-
resse d'une famille nommée Lauder, qui, en
1671, vendit 100,000 fr. k Charles II le châ-
teau dont on remarque les ruines au S. Trans-
formé en fort royal, ce château devint une
prison d'Etat, ou furent enfermés les. princi-
paux covenantaires. A la révolution de 1688,
la garnison se déclara en faveur de Jacques II ;
il fallut bloquer l'île pour la contraindre à
capituler, et ce fut la dernière place forte qui
résista à Guillaume III. Ce rocher appartient
aujourd'hui à la famille Hamilton-Dalrymple ;
on y fait, pendant l'été, de nombreuses parties
de plaisir.
BASS (détroit de), détroit de l'Océanie,
dans la Mélanésie, entre la terre de Diémen
au S. et l'Australie au N. ; embarrassé d'îles
stériles qui rendent la navigation dangereuse.
Découvert, en 1798, par le voyageur Bass.
BASS (George) , explorateur anglais , mort
dans les premières années de ce siècle. Il
partit, en qualité de chirurgien, sur un vais-
seau qui se rendait en Australie, et devint
l'ami du célèbre navigateur anglais Flinders.
Ayant obtenu du gouverneur de Port-Jack-
son une chaloupe Daleinière, avec six hom-
mes, il découvrit, en 1798, au S.-E. du conti-
nent, le détroit, hérissé d'îlots et de récifs de
corail, qui le sépare de l'île de Van-Diémen et
qui, depuis lors, a porté le nom de détroit de
Bass. Bien que, dans cette périlleuse expédi-
tion, il eût failli perdre la vie avec ses hom-
mes, il n'en accompagna pas moins Flinders
dans le voyage d'exploration qu'il fit, de 1801
à 1803, le long des côtes du continent. On
trouve dans le Tableau de la colonie anglaise
de la Nouvelle-Galles du Sud, par le colonel
Collin, le récit des découvertes de Bass et de
. ses travaux nautiques.
320
BAS
BASS ou BASSIUS (Henri) , médecin alle-
mand, né. à Brème en 1690, mort en 1754. Il
étudia successivement la médecijie et la chi-
rurgie à Halle, Strasbourg et Bâle, passa sa
thèse de docteur à Halle, en 1718, et, peu de
temps après , il fut appelé à professer dans
cette ville l'anatomie et la chirurgie. Bass se
montra un des plus zélés partisans des idées
du célèbre médecin Hoffmann, dont il avait
reçu les leçons. On lui doit plusieurs ouvrages
écrits en latin et en allemand, parmi lesquels
nous citerons : sa thèse, intitulée Disputatio
de fistula ani féliciter curanda (1718), traduite
en français par Macquart (1759); le Tractatus
de morbis Veneris (1764), et surtout ses Obser-
vationes anatomico-chirurgico-medicœ (1731),
qui sont un recueil d'observations intéressan-
tes, parfois fort curieuses, et accompagnées
de figures destinées à ajouter encore à la
clarté du texte.
BASSA s. f. (ba-sa). Métrol. Nom d'une
mesure de capacité usitée dans le Véronais
et qui, à Vérone, vaut 4 litres 522.
BASSA (don Pedro-Holasco), chef militaire
espagnol, né à Reuss, mort en 1835. Lorsqu'en
1808 Napoléon plaça sur le trône d'Espagne
son frère Joseph, Bassa abandonna ses étu-
des de droit, fut un des premiers h appeler
aux armes ses compatriotes, devint presque
aussitôt capitaine de guérillas dans la Catalo-
gne, et, deux ans après, il fut nommé par la
junte lieutenant-colonel, à la suite d'un com-
bat avec les Français, près du couvent de
Montserrat. Dans cette terrible guerre, Bassa
se distingua par son enthousiasme, son au-
dace et sa présence d'esprit. Il prit part aux,
batailles de Vittoria (1813) et de Toulouse
(1814). Quand Ferdinand VII fut rétabli sur le
trône, Bassa continua à rester militaire. Son
grade fut confirmé. Nommé colonel lors de
la réorganisation de l'armée, et brigadier vers
1830, il se montra toujours fort attaché au roi et
médiocrement libéral; mais cependant il fit
preuve de modération lorsqu'il fut chargé, en
1833, du gouvernement militaire de Cadix,
Lors de la sanglante insurrection qui éclata
à Barcelone, en 1835, Bassa, qui se trouvait
dans cette ville, fut précipité du haut du bal-
con de la Proclamation, et la populace fu-
rieuse, après avoir traîné son cadavre sur une
claie, le livra aux flammes.
"BASSJE (temple de), ruines remarquables
d'un bel édifice religieux de la Grèce ancienne,
dans la Messénie, à 45 kil. N. de Messène, à
40 kil. N.-E. de la moderne Cyparisse ou Ar-
cadia, à 10 kil. N. de l'antique Phigalée (auj.
Paulitsa), sur le mont Cotylium, qui s'élève
non loin du mont Ithôme. Ce temple, connu
actuellement dans le pays sous le nom de
sitous stolous (les colonnes), fut élevé par les
Phigaliens en l'honneur d'Apollon Epicurus
(secourable), qui les avait préservés d'une
épidémie pendant la guerre du Péloponèse.
Ictinus, architecte du Parthénon, fut chargé
de sa construction. « La Grèce, dit M. Isam-
bert, n'a pas de temple qui se présente sous
un aspect plus poétique et plus pittoresque
que celui de Bassœ. > La beauté de l'édifice
est encore relevée par sa position isolée sur
une montagne sauvage, au milieu de sombres
rochers et de chênes séculaires.
Ce temple, bâti e.n calcaire jaune, s'élève
dans une dépression que forme la montagne,
d'où son nom de Bassœ (bassai, ravin). Il dif-
fère, par son orientation, de tous les temples
connus; car la porte principale fait face au
nord, au lieu d'être dirigée vers l'orient. C'é-
tait un hexastyle périptère, d'ordre dorique,
avec 15 colonnes de chaque côté. A l'inté-
rieur , on remarquait de chaque côté 5 co-
lonnes engagées, d'ordre ionique et canne-
lées. Une colonne corinthienne était placée
devant la statue d'Apollon. C'était le plus an-
cien et peut-être le premier exemple de cet
ordre. Ce temple est un des mieux conservés
que l'on trouve en Grèce; 36 colonnes, sur-
montées de leur architrave, sont encore de-
bout. Le terrain, tout autour, est jonché de
débris qu'il serait facile de remettre en place,
comme on l'a fait pour le temple de la Vic-
toire, à Athènes. La frise, découverte en
1818, et qui est maintenant a Londres, se com-
posait de 25 bas-reliefs en marbre, représen-
tant la Guerre des Centaures et des Lapithes
et celle des Grecs et des Amazones.
BASSjEUS (Nicolas), typographe allemand,
né à Francfôrt-sur-le-Mein au xvie siècle. Il
a édité un grand nombre d'ouvrages de méde-
cine et de botanique, particulièrement ceux
du botaniste Taberntemontanus , dont il fit
achever le Krauterbuch, par les soins du mé-
decin N. Braûn. La publication qui a surtout
fait sa réputation est la seconde édition de
Ylcones plantarum, qu'il fit suivre, en 1590,
de 4 volumes de planches publiés sous son
nom. Ces quatre volumes , qui contiennent
2,255 figures, eurent un grana succès, car ils
formaient la plus belle collection de ce genre
qui existât a cette époque.
BASSAGE s. m. (ba-sa-je). Techn. Opéra-
tion qui produit le gonflement du cuir.
t BASSAIN ou BASSIN, ville maritime de
l'empire des Birmans, dans l'Indo-Chine, cap.
d'une prov. du même nom, sur la rive gauche
du bras droit de l'Iraouadi, à 375 kil. S.-O.
d'Ava: 3,000 hab. L'un des trois principaux
ports de l'empire.
BASSÀL (Jean), homme politique français,
né à Bézievs en 1752, mort en U0î. Prêtre
BAS
lazariste à Versailles, au moment où éclata
la Révolution, il en embrassa les idées avec
enthousiasme et fut nommé curé constitution-
nel de la paroisse Notre-Dame dans la même
ville , vice-président du district en 1791 , et,
peu de temps après, élu député à la Législa-
tive par le département de Seine-et-Oise. Il
appuya , dans cette assemblée , la demande
d une amnistie pour les meurtres commis à
Avignon et le décret d'accusation contre le
duc de Brissac, commandant la garde consti-
tutionnelle de Louis XVI. Nommé membre de
la Convention, il vota la mort du roi, sans
appel ni sursis, dénonça plusieurs aristocrates
et des prêtres qui complotaient contre la Ré-
Sublique, donna aux ecclésiastiques l'exemple
e la renonciation au célibat, fut nommé se-
crétaire de l'Assemblée, enfin fut envoyé, en
1793, dans le Jura pour y étouffer l'insurrec-
tion fédéraliste. C'est là qu'il fit la rencontre
de Championnet, avec lequel il se lia d'une
vive amitié. Accusé , à son retour, d'avoir
manqué d'énergie, il se défendit en rappelant
que Marat, poursuivi par le général Lafayette,
avait trouvé un asile chez lui, et, peu de jours
après, les jacobins l'élurent président de leur
société. Il fut chargé de se rendre en Suisse,
sous le prétexte de préparer les approvision-
nements de l'armée d'Italie, mais, en réalité,
pour y surveilller la conduite de l'ambassa-
deur Barthélémy, dont la tiédeur républicaine
était justement suspectée. Se trouvant à
Bâle, en 1795, il y acheta du prince de Ca-
rency la correspondance de Louis XVIII, et
dévoila la conspiration royaliste de Villeur-
noy, Brotier et consorts, qui furent arrêtés.
Plus tard, Bassai passa en Italie a la suite de
Bonaparte, et fut chargé par ce général de
compulser les archives de Venise, suivit à
Rome le général Berthier, prit part à l'orga-
nisation de la république romaine et occupa
l'emploi de secrétaire général des cinq con-
suls. Lorsque Championnet marcha sur Na-
ples , Bassai l'accompagna et l'aida dans le
travail d'organisation de la nouvelle conquête.
Accusé de dilapidation par Faitpoul, commis-
saire du gouvernement, il fut arrêté et tra-
duit devant une commission militaire à Milan.
La chute des directeurs Merlin, Treilhard et
Laréveillère-Lepeaux (1799) le sauva, d'une
condamnation imminente et le rendit à la li-
berté, ainsi que Championnet. Celui-ci ayant
été nommé commandant de l'armée des Alpes,
Bassaî se rendit près de son ami, et, après la
mort du général, il passa ses derniers jours
dans la retraite, près de Paris.
BASSAM (GRAND-), ville d'Afrique, dans la
Nigritie maritime , sur la côte d'Ivoire , à
40 kil. O. d'Assinie, cap. d'un petit Etat dé-
pendant de l'empire des Achantis. Factorerie
française, fondée en 1843. Le pays voisin est
riche en or, renommé par sa pureté; on le
trouve dans les terrains d'alluvton provenant
de la décomposition des roches où était son
gisement primitif. Après l'or, l'huile de palme
et l'ivoire sont les produits les plus importants
de la contrée. Grand-Bassam, dépendance de .
la colonie du Sénégal, fait partie de l'arron-
dissement de Gorée.
BASSAN (Jacopo da Ponte, plus connu en
Italie sous le nom de II Bassano et en France
sous celui de Jacques), célèbre peintre italien,
né à Bassano en 1510, mort dans la même
ville en 1592. Son père, Francesco da Ponte,
né à Vicence vers 1475 et mort à Bassano
vene 1530, fut son premier maître. Il alla en-
suite à Venise et entra à l'école de Bonifazio
Bembi, praticien distingué, mais si jaloux de
son art que Jacopo ne put jamais le voir co-
lorier ses tableaux qu'en le regardant à tra-
vers la serrure qui fermait son atelier. Le
jeune artiste eut tout d'abord des velléités de
haut style et s'essaya à copier des dessins du
Parmesan, des peintures de son maître Boni-
fazio et du Titien. Verci croit qu'il reçut aussi
des leçons de ce dernier. « Ce qui est certain,
dit Lanzi, c'est que ses premiers ouvrages
semblaient promettre un autre Titien à la
peinture, tant ils rappelaient la manière de ce
grand maître. » Obligé de retourner dans sa
ville natale, après la mort de son père Fran-
cesco, Jacopo y fut accueilli, quoique fort
jeune encore, comme un homme qui déjà don-
nait du lustre à la cité, et les magistrats
l'exemptèrent de l'impôt royal et de l'impôt
personnel. Quelque temps après, il fut élu
consul; mais il déclina cet honneur, voulant
vivre tout entier pour son art. Le territoire de
Bassano était fertile et riant; il nourrissait de
nombreux troupeaux, dont la vente donnait
lieu dans la ville à des foires importantes. Ja-
copo, qui avait des idées assez bornées et peu
d'élévation dans l'esprit, entreprit de peindre
ce qu'il voyait. Il étudia avec le plus grand
soin les travaux rustiques, les animaux, le
paysage, les objets inanimés, et les reprodui-
sit avec une vérité, avec une énergie extraor-
dinaires. Il créa ainsi la peinture de genre en
Italie, et devança les Flamands et les Hollan-
dais. Son habileté à peindre les animaux excita
la plus vive admiration ; on disait qu'il ne
manquait à ses bœufs que de mugir, à ses
chevaux que de hennir, à ses moutons que de
bêler. Il se plaisait à retracer les scènes cham-
pêtres dans toute leur simplicité, les intérieurs
de chaumière, et jusqu'aux plus humbles usten-
siles de ménage. Mais, comme les représenta-
tions de ce genre n'avaient alors qu'une vogue
assez restreinte, et que les tableaux de reli-
gion étaient toujours ceux qui se vendaient le
mieux , il dut s'appliquer a chercher, dans
BAS
l'Ancien et dans le Nouveau Testament, des
sujets où il pût introduire des animaux, des
ustensiles, des fonds de paysage. C'est ainsi
qu'il peignît souvent le Paradis terrestre ,
Y Arche de Noé, le Voyage de Jacob, et autres
scènes de la vie patriarcale; V Adoration des
bergers, les Vendeurs chassés du temple, etc.
Peu de peintres, d'ailleurs, ont possédé aussi
bien que le Bassan la partie matérielle de
l'art. Il avait commencé par fondre harmo-
nieusement ses couleurs, se contentant d'accu-
ser les plus grands clairs par quelques coups
de pinceau hardis. Plus tard , il adopta une
méthode plus libre , pleine de savoir et de
fougue : dans les tableaux de cette seconde
manière, la peinture, formée de simples tou-
ches, se distingue par l'agrément et la viva-
cité de ses teintes et, en même temps, par une
négligence calculée, qui, de près, ne produit
qu un empâtement confus , tandis qu à dis-
tance il en résulte une étonnante magie de
coloris. Il n'était pas moins habile dans l'art
d'éclairer ses tableaux. « Il affectionnait les
clartés douteuses, dit Lanzi, et il possédait au
plus haut degré le talent de les faire servir à
l'harmonie. C'est ainsi qu'au moyen de jours
savamment ménagés, de demi-teintes répé-
tées et d'une absence complète de teintes
noires, il accordait merveilleusement les cou-
leurs les plus opposées. Ses figures ont, en
général, peu de lumière; mais elle est forte-
ment prononcée dans les endroits où elles font
angle, comme à l'extrémité des épaules, au
coude, aux genoux. Pour obtenir cet effet, il
employait un agencement de draperies très-
naturel en apparence, mais dont rartifice est
parfaitement combiné. Il en variait les plis,
selon la différence des étoffes, avec une saga-
cité qui n'est le partage que d'un très-petit
nombre d'artistes. Enfin, ses couleurs brillent
comme des pierreries , surtout les couleurs
vertes ; elles ont un éclat d'émeraude qui
semble n'appartenir qu'à ce peintre. » Quant
à ses figures, elles ne sont jamais fort expres-
sives; mais elles sont disposées d'une façon
pittoresque, o Le Bassan , dit encore Lanzi,
recherchait certains contrastes d'attitudes
très-marqués ; de sorte que, si une figure est
vue de face, 1 autre doit tourner les épaules.
Il passe généralement pour avoir manqué
d'habileté relativement au dessin des extré-
mités, et c'est pour cela, dit-on, qu'il évitait
autant que possible d'introduire des pieds et
des mains dans ses peintures ; mais il sut, lors-
qu'il le voulait, être un bon dessinateur ; seu-
lement, soit que l'application lui parût trop
pénible, soit que toute autre raison le dirigeât,
il ne le voulut que très-rarement, se conten-
tant d'être parvenu au premier degré du ta-
lent de colorier, d'éclairer et d'ombrer ses ta-
bleaux. » Volpato rapporte que, le Tintoret
ayant un jour invité le Bassan à dîner, les
deux peintres s'entretinrent longtemps des
ouvrages et du génie des grands maîtres, de
Raphaël, de Michel-Ange, de Corrége, du Ti-
tien, et qu'à la fin le Tintoret ajouta, dans son
langage familier: «Vois-tu, Jacopo, si tu
avais mon dessin et que j'eusse ton coloris, du
diable si Titien, Raphaël et les autres pour-
raient se faire voir à côté de nous. » Annibal
Carrache, dans ses remarques sur Vasari, ra-
conte qu'étant entré un jour dans la chambre
du Bassan, il lui arriva d'avancer la main
pour prendre un livre que l'artiste vénitien
avait peint sur une table. Ce grand talent de
praticien valut au Bassan un hommage plus
flatteur encore : l'illustre Paul Véronèse le
chargea de donner des leçons à son fils Car-
letto. Jacopo avait ouvert chez lui une école
dont les meilleurs élèves furent ses propres
enfants, François et Léandre, qui le suivirent
de près, Jean-Baptiste et Jérôme, qui n'eurent
d'autre talent que de copier ses ouvrages de
façon à tromper les plus fins connaisseurs.
«Voilà pourquoi, dit Lanzi, le nombre des pein-
tures attribuées au Bassan est tel que, pour
de grandes galeries, il y a plus de honte à
n'en point avoir que de gloire à en posséder. »
Le Louvre n'a pas moins de dix tableaux de
ce maître : l'Entrée des animaux dans l'arche,
le Frappement du rocher, Y Adoration des ber-
gers, les Noces de Cana, Jésus sur le chemin
du Calvaire, les Apprêts de la sépulture du
Christ, les Pèlerins d'Emmaûs, les Travaux de
la campagne pendant la moisson, les Travaux
de la campagne pendant la vendange, le por-
trait de Jean de Bologne. Les ouvrages que
l'on conserve à Bassano sont : une Vierge en-
tourée de saints et une Fuite en Egypte, dans
l'église de Saint-François, où l'artiste est en-
terré; des fresques en camaïeu représentant
les Arts, au palais public; la Nativité, dans
l'église de Saint-Joseph; Saint Martin à che-
val, dans l'église de Sainte-Catherine, etc.
A Venise, on remarque : au palais ducal, le
Retour de Jacob ; au palais royal, le Frappe-
ment du r.ocher; à l'Académie des beaux-arts,
le Buisson ardent, l'Entrée dans l'arche, le
Bon jardinier, Saint Eleuthère , etc. ; dans
l'église de Sainte-Marie Majeure, le Sacrifice
de Noé, un des chefs-d'œuvre du maître, etc.
On cite encore : à Vicence, Saint Roch visi-
tant les pestiférés, dans l'église du saint; à
Brescia, Saint Antoine abbé et une frise, en
neuf compartiments , retraçant la Passion,
dans le Collège des nobles; a Padoue, l'Ense-
velissement du Christ, superbe tableau, plu-
sieurs fois gravé, dans l'église du Séminaire.
De tous les musées d'Europe, le plus riche en
œuvres capitales du Bassan est le musée royal
de Madrid : on y remarque l'Arche de Noé, le
Paradis terrestre, l'Adoration des bergers, les
BAS
Vendeurs chassés du temple, etc. On trouve
encore de beaux ouvrages de ce maître : aux
Offices et au palais Pitti, à Florence ; aux
Studj, à Naples ;.au palais Borghèse et au pa-
lais Colonna, h Rome ; au palais royal et dans
la galerie Spinola, à Gênes ; dans les musées
de Londres, de Dresde, de Turin, de Milan, de
Munich, de Berlin, de Saint-Pétersbourg, etc.
BASSAN (Francesco da Ponte, plus connu
en France sou3 le nom de François), peintre
italien, fils aîné du précédent, né à Bassano
en 1548, mort à Venise en 1591. Il s'établit
dans cette dernière ville et fut chargé de tra-
vaux importants dans le palais des doges, en
compagnie du Tintoret et de Paul Véronèse.
Il peignit, dans la salle du grand conseil, le
Pape donnant une épêe au doge gui va s'embar-
quer, la Victoire des Vénitiens sur le duc de
Ferrare, la Cavalerie vénitienne mettant en
déroute l'armée du duc Visconti, la Victoire
de Victor Barbara sur Visconti, la Victoire de
G. Cornaro sur les Allemands, et, dans la
salle du scrutin, la Prise de Padoue pendant la
nuit, Mariette prétend que Jacques Bassan
avait fourni les compositions de ces peintures
et fit ainsi la fortune et la réputation de son
fils. Ce qui est certain, c'est qu'il aida beau-
coup Francesco de ses conseils. « Il lui apprit,
dit Lanzi, à employer toutes les ressources de
son art, soit lorsqu'il s'agissait de renforcer
les teintes , soit lorsqu'il était question de
donner plus d'exactitude à la perspective, »
Comme tous les imitateurs, Francesco exa-
géra la manière de son modèle ; on lui repro-
che notamment d'avoir accusé trop vigoureu-
sement les ombres. Ses tableaux d'autel sont,
en général, fort remarquables, quoique moins
brillants de coloris que ceux de son père ; on
cite, entre autres, le Paradis, dans l'église du
Gésu, à Rome, et Saint Apollonius, dans l'é-
glise de Sainte-Afra, à Brescia. François Bas-
san aurait pu devenir un grand peintre, mais
il était malheureusement sujet à des accès de
la plus sombre mélancolie, qui souvent lui fai-
saient perdre la raison. Il s'était mis dans
l'esprit qu'il était poursuivi et qu'on voulait
l'arrêter. Un jour qu'on frappait rudement à
sa porte, il s'imagina voir entrer les archers
et se jeta par la fenêtre ; il se blessa griève-
ment à la tête et mourut peu de jours après.
Il n'avait que quarante-trois ans. Le Louvre
n'a qu'une toile de cet artiste ; elle représente
un Marché aux poissons sur le bord de la mer.
Dans les autres galeries, on remarque : au
palais royal, à Venise, le Christ portant sa
croix, la Présentation au temple, Saint Jean à
Pathmos; dans la collection de l'Académie des
beaux -arts de la même ville, le Christ garrotté
et des Bergers; au musée de Turin, la Dépo-
sition de croix; aux Offices, à Florence, te
portrait de l'auteur, le Christ en croix et le
Christ au tombeau ; au palais Pitti , deux
Scènes rustiques et un portrait d'homme; au
musée royal de Madrid, la Cène, le Voyage
de Jacobin Vierge intercédant pour les hommes,
les Noces de Cana; au musée de Berlin, le
Bon Samaritain, l'Adoration des bergers, l'As-
somption, le Bon Jardinier; etc.
BASSAN (Leandro da Ponte, plus connu
sous le nom de Léandre), peintre italien, troi-
sième fils de Jacques Bassan et frère du pré-
cédent, né à Bassano en 1558, mort à Venise
en 1623. Il vint dans cette dernière ville, en
1591, pour achever les peintures commencées
dans le palais ducal par son frère Francesco.
Il peignit, dans la salle du grand conseil, le
Pape assis, présentant un cierge au doge age-
nouillé, et une série de portraits des doges ;
dans la salle du conseil des Dix, le Retour du
doge Sébastien Ziani, vainqueur de Barbe-
rousse. Cette dernière peinture est regardée
par quelques connaisseurs comme étant le
chef-d'œuvre de l'artiste. On cite encore,
comme un morceau de premier ordre, la Ré-
surrection de Lazare, tableau qui a figuré au
Louvre sous le premier Empire et que possède,
depuis 1815, 1 Académie des beaux-arts de
Venise. Le musée de Naples offre une répéti-
tion, avec variantes, de cette belle composi-
tion. Léandre a peint, dans l'église de Saint-
François, à Bassano, le Mariage mystique de
sainte Catherine, dont les figures sont de
grandes proportions, et, dans l'église de la
Sainte-Couronne, à Vicence, un Saint Anto-
nin distribuant des aumônes. Mais c'est prin-
cipalement à Venise qu'il a travaillé. Il y exé-
cuta des compositions religieuses dans diverses
églises, entre autres, une Sainte-Trinité dans
l'église de San-Zanipolo. Il peignit aussi beau-
coup de tableaux de genre, des intérieurs, des
animaux, des scènes rustiques, pour lesquels
il se fit l'imitateur fidèle de son père. « Sous
le rapport de l'exécution, dit Lanzi, il se rap-
proche plus du premier que du second style
de Jacopo. Il a aussi un coloris plus cha-
toyant, et il semble avoir incliné vers le ma-
niérisme qui commençait à être en vogue de
son temps. Il se montra véritablement origi-
nal et acquit une grande réputation comme
portraitiste. L'empereur Rodolphe II lui fit
plusieurs commandes, et essaya en vain de
l'attacher à sa cour. » Nommé chevalier de
Saint-Marc par le doge Grimant, dont il avait
fait le portrait, Léandre Bassan se rendit ri-
dicule par le faste qu'il crut devoir afficher
pour soutenir sa dignité. Il sortait toujours
paré de son collier et de ses décorations de
chevalier, et accompagné d'un grand nombre
d'élèves : l'un portait son épée à poignée d'or ;
l'autre, les tablettes sur lesquelles était note
ce qu'il devait faire dans la journée. Sa de-
BAS
meure était ïcrhpiueuse, sa table magnifique-
ment servie. 11 s'était imaginé qu'on voulait
l'empoisonner; il avait pris l'habitude de faire
goûter les mets par un de ses élèves. Il était
naturellement mélancolique, comme son frère
François, et il avait hérité de son père un
goût prononcé pour la musique : il aimait le
chant et jouait bien du luth. Le Louvre n'a
pas de tableau de Léandre Bassan. A l'Aca-
démie des beaux-arts de Venise, outre la Ré-
surrection de Lazare, dont nous avons parlé,
on remarque Y Incrédulité de saint Thomas, la
Prière au jardin des Oliviers, l'Adoration des
bergers, une Pastorale, deux portraits; à
Florence, l'Annonce aux bergers et le portrait
de l'auteur, au musée des Offices ; la Cène et
une Pastorale, au palais Pitti ; le Christ mon-
tré au peuple, au palais Guadagni ; a Gènes,
un Marché, dans la galerie Balbi ; la Sortie de
l'arche, dans la galerie Spinola; au musée
royal de Madrid, Y Enlèvement d'Europe, Or-
phée, la Fuite en Egypte, le Couronnement
d'épines, la Forge de Vulcain, une Vue de Ve-
nise, etc.; au musée de Berlin, un portrait
d'homme ; au musée de Dresde, Jésus guéris-
sant un aveugle, Jésus portant sa croia;, YEn-
trëe des animaux dans V arche, divers por-
traits ; etc.
BASSAN ( Giambattista et Girolamo da
Ponte, plus connus sous les noms de Jean-
Baptiste et de Jérôme), peintres italiens, fils
de Jacques Bassan et frères des précédents,
nés à Bassano, le premier, en 1553, le second,
en 1560, firent tous deux de nombreuses co-
pies des ouvrages de leur père. Jean-Baptiste
vécut assez obscurément et mourut en 1613;
Lanzi dit avoir vu de lui, à Gallio, un tableau
original signé de son nom. Jérôme eut plus de
réputation; il exécuta plusieurs peintures dans
les églises de "Venise et de Bassano. L'église
de Saint-Jean, dans cette dernière ville, pos-
sède un tableau assez remarquable dans le-
quel il a représenté Sainte Barbe, entre deux
vierges, levant les yeux vers le ciel, où lui ap-
paraît la madone. Jérôme Bassan adopta la
manière de son frère Léandre. > On ne peut
lui contester, dit Lanzi, une certaine grâce
des physionomies et de coloris même, dans
les ouvrages où il se contenta de la plus
grande simplicité de composition. » Il mourut
en 1622.
BASSAND (Jean-Baptiste) , médecin fran-
çais, né à Baume-les-Dames en 1680, mort en
1742. Il étudia successivement la médecine à
Besançon, à Paris, à Naples, se fit recevoir
docteur à l'université de Salerne, et se rendit
à Leyde pour y suivre l'enseignement du cé-
lèbre Boerhaave, avec lequel il se lia d'une
vive amitié. Devenu chirurgien dans un corps
d'armée français qui fut envoyé en Italie, il
passa bientôt après au service de l'Autriche,
et occupa successivement les fonctions de
chirurgien en chef de l'armée du prince de
Savoie et de celle du prince Eugène, chargé
en 1714 de combattre les Turcs. De retour de
cette expédition, Bassand s'acquit beaucoup
de réputation comme praticien , fut nommé
médecin du duc de Lorraine Léopold , puis
premier médecin de l'empereur en 1720, con-
seiller aulique et baron. Il ne cessa d'être
en correspondance avec son ancien maître
Boerhaave, à qui il envoyait des minéraux et
des plantes recueillis dans ses voyages. On
possède les Lettres de Boerhaave à Bassand ,
publiées à Vienne en 1778,
BASSAN GE aîné , homme politique , né à
Liège. V. Bassenge.
BASSANI ou BASSANO (Alexandre), juris-
consulte italien, mort à Ravenne en 1495,
pendant qu'il remplissait les fonctions de pré-
teur de la ville. Il a laissé un ouvrage manu-
scrit : De Officio prœtoris.
BASSANI ou BASSANO (Cesare), peintre et '
graveur italien, né à Milan vers 1581, exer-
çait son art dans cette ville de 1608 à 1G30. Il
a gravé sur cuivre et sur bois des sujets reli-
gieux, des portraits, des armoiries, des allé-
gories, des frontispices de livres, d'après G.-B.
Crespi , O. de Ferrari , G.-B. Lampugnano,
Giacomo Lodi, Jacques Bassan, le Guide, Carlo
Biffi, Christ. Storer, etc.
BASSANI ou BASSANO (Jean), musicien au
service de la république de Venise, et maître
de musique au séminaire de Saint-Marc, vivait
dans la seconde moitié du xvio siècle et au
commencement du xvue. On a publié de lui
des Concerts ecclésiastiques à plusieurs voix,
et des Canzonette à quatre voix.
BASSANI (Jean-Baptiste), compositeur ita-
lien, né à Padoue vers 1657, mort à Ferrare
en 1716. Elève du P. Castrovillari, il fut suc-
cessivement maître de chapelle à Bologne et
à Ferrare, devint membre de l'Académie des
philharmoniques dans la première de ces
villes, de celle délia morte dans la seconde,
et se fit un grand renom .comme violoniste.
Il eut l'honneur de compter parmi ses élèves
l'illustre Corelli. Ses compositions religieuses
et dramatiques, qui le placent au nombre des
musiciens les plus distingués de son temps,
comprennent trente et un morceaux de mu-
sique sacrée et instrumentale, et six opéras,
parmi lesquels nous citerons: Falaride (1684);
Amàrosa preda di Paride (1684); Alarico re
de' Goti (1685); Ginevra (1690). Parmi ces
autres œuvres, les plus remarquables sont :
Sonate da caméra, etc. ; Dodici sonate a due
violini e basso; Affetti canori, cantate ed
BAS
ariette; Armonici entusiasmi di Davide, ovvero
salmi concertati a quattro voci, con violini e
suoi ripieni, con attri salmi a due e tre voci e
violini ; Concerti sacri, motetti a una, due, tre
e quattro voci con violini e senza ; Motetti a
voce sola con violini ; Armonie festive, o siano
motetti sacri a voce sola, con violini; La musa
armonica, cantate amorose musicali a voce sola ;
La sirena amorosa, cantate a voce sola con vio-
lini; Tre. messe concertate a quattro e cinque
voci, con violini e ripieni, etc. La Bibliothèque
impériale de Paris possède, en manuscrit,
quatre messes de ce compositeur, ainsi que
plusieurs motets. La Bibliothèque royale de
Berlin possède aussi, entre autres productions
manuscrites, un magnifique De profundis à
huit voix.
BASSANI (Jérôme), eontrapontiste , chan-
teur distingué et compositeur dramatique, vi-
vait a la fin du xvue siècle. Il a composé des
messes, des vêpres, des motets et plusieurs
opéras. On cite, entre autres, Il Bertoldo, re-
présenté à Venise en 1718 , et YAmor per
forza,en 1721. Bassani était, en outre, un maître
de chant très-renommé.
BASSANI (Jacques-Antoine), jésuite italien,
né à Vicence en 1686, mort à Padoue en 1747.
Après des études faites chez les jésuites, il se
livra à la prédication et devint un des orateurs
les plus célèbres de son époque. On a de lui
Trente sermons, imprimés à Bologne en 1752 ,
et un grand nombre de poésies latines et ita-
liennes, éparses dans plusieurs recueils. Sa
réputation de prédicateur a été surfaite, et
ses sermons, écrits d'un style obscur et telle-
ment entortillé qu'on a souvent de la peine à
saisir le fil des idées, ne répondent nullement
à la grande renommée dont il a joui pendant
toute sa vie. C'est, du reste, l'opinion de Y En-
cyclopédie catholique, qui doit se connaître en
ces matières.
BASSANO, village de l'empire d'Autriche,
dans la Vénétie, à 25 kil. N.-E. de Vicence et
à 38 kil. N.-O. de Padoue, sur la rive gauche
de la Brenta; 10,500 hab. Fabrication de cha-
peaux de paille renommés, soieries, draps,
tissus de laine et papeterie. On y voit encore
le vieux château fort que fit construire le
tyran Ezzelin de Romano , deux jardins bota-
niques , un cabinet minéralogique et une ga-
lerie de tableaux assez estimés. Mais ce qui
recommande surtout cette ville à notre atten-
tion, c'est le brillant fait d'armes dont elle fut
le théâtre pendant les guerres de la Républi-
que. Le 6 septembre 1796, le général \Vurm-
ser , battu à Roveredo , s'était jeté dans les
gorges affreuses de la Brenta pour gagner
Bassano, et de là, par Vicence et Padoue, le
bas Adige, afin de couper les communications .
des Français. D'un coup d'œil d'aigle, Bona-
parte devine les projets de l'ennemi, se jette
a sa poursuite dans les gorges du val Sugana,
au fond duquel coule la Brenta, enlève par
un coup de main hardi le château de Primo-
lano, qui commandait la route, et atteint à
Bassano deux divisions autrichiennes, Auge-
reau attaque la première par la rive gauche de
la Brenta, Masséna la seconde pur la rive
droite; l'avant-garde autrichienne est cul-
butée à la baïonnette et rejetée sur le corps
de bataille, dans lequel elle jette le désordre.
Ce corps de bataille n'a pas le temps de se
former, le feu d'Augereau le disperse. Les
deux généraux français pénètrent jusqu'au
pont par les deux extrémités, et, s'emparant
des pièces qui en battaient les approches,
complètent la séparation des deux divisions
autrichiennes, qui s'enfuient, se dispersent et
abandonnent aux vainqueurs 4,000 prison-
niers, 35 canons attelés, 5 drapeaux, 2 équi-
pages de pont et, 200 fourgons de bagages. —
En 1809, Napoléon érigea la ville et le terri-
toire de Bassano en duché, en faveur du mi-
nistre Maret.
BASSANO ou BASSIANO (Alessandro), anti-
quaire et architecte italien, né à Padoue, flo-
rissait au commencement du xvic siècle. Il
construisit dans sa ville natale la Loge et la
Salle du Conseil, sur la place de' Signori. Cet
édifice, que l'on a attribué par erreur à San-
sovino, fut terminé en 152G, suivant Milizia :
c'est un beau spécimen de l'architecture de la
Renaissance. .
BASSANO (duc de). V. Maret (Hugues).
BASSANO (marquis de). V. Santa-Cruz.
BASSANTIN ou BASSENTJN (Jacques), as-
tronome ou plutôt astrologue écossais, né en
1568. Après avoir voyagé dans différents pays
de l'Europe, il enseigna les mathématiques à
l'université de Paris, et s'attacha à 1 étude
de l'astrologie judiciaire. De retour en Ecosse-
(1562), il eut, sur la frontière de ce pays, une
entrevue avec Robert Melvil , un des plus
enthousiastes défenseurs de Marie Stuart, Le
bruit se répandit alors qu'il avait dévoilé l'a-
venir à ce gentilhomme, et lui avait montré
tous les malheurs qui devaient atteindre la
reine. Bassantin a laissé : Astronomia, opus
absolutissimum (Genève, 1559, in-fol.); Dis-
cours astronomiques (Lyon, 1557, in-fol.);
Calcul des horoscopes; De Mathesi in gé-
nère, etc.
BASSAN VI LLE(Anaïs Lebrun, comtesse de),
femme de lettres française, née en 1805. Elle
a fondé le Journal des jeunes filles, dirigé le
Moniteur des Dames et des Demoiselles, le Di-
manche des familles, et publié de gracieux
écrits, notamment : les Aventures d'une épingle
BAS
(1S45); la Corbeille de /leurs (1848); les Mé-
moires d'une jeune fille (1849); le Monde tel
qu'il est (1853) ; les Primeurs de la vie (1854) ;
Délassements de l'enfance (1856) ; les Epis
d'une glaneuse (1858); les Deux familles (1S59);
les Salons d'autrefois (1S6I-63) ; De l'éducation
des femmes (1861); les Contes du bonhomme
Jadis (1861); YEntrée dans le monde (1802);
les Secrets d'une jeune fille ( 1863); les Ouvrières
illustres (1S63) ; etc.
bassara s. f. (bass-sa-ra — du gr. bas-
sara, peau de renard). Vêtement de peaux de
renards, que portaient Bacchus et ses compa-
gnons, dans les montagnes do la Thrace. H
On dit aussi bassaris.
■ BASSARABA (Constantin Brancovan ou Can-
tacuzène), prince de Valachie, mort en 1714.
Ayant épousé Hélène, fille de Constantin Can-
tacuzène, il crut pouvoir se parer du nom de
cette illustre famille; mais il se vit obligé de
le quitter et prit celui de Bassaraba, qu'a-
vaient porté plusieurs souverains de la Vala-
chie. Lorsque, en 1710, la guerre fut sur le
point d'éclater entre les Turcs et les Russes,
au sujet de la suzeraineté des provinces da-
nubiennes, la Porte essaya de remplacer Bas-
saraba, sur qui elle ne comptait que fort peu,
par Démétrius Cantemir, Le premier se tourna
alors du côté de la Russie, et fut accusé par
Mazeppa, l'hetman des Cosaques, qui avait
pris le parti de Charles XII, de correspondre
secrètement avec le czar Pierre le Grand.
Cependant le prince de Valachie accusait de
son côté son rival, Cantemir, de se livrer aux
mêmes manœuvres vis-à-vis du czar , et il
obtint même son bannissement dans l'île de
Chio. La Porte résolut de s'emparer de Bran-
covan, qui devenait redoutable, et jeta pour
cela les yeux sur Maurocordato, hospodar de
Moldavie, qui fut chargé de l'amener à Con-
stantinople, mort ou vif? Maurocordato n'ayant
pas su remplir cette mission, on la donna à
Cantemir, que Brancovan avait fait exiler, et,
en novembre 1710, on le nomma dans ce but
prince .de Moldavie, à la place de Maurocor-
dato. Le prince de Valachie machina alors
iine double trahison : pendant qu'il promettait
aux Russes vivres et renforts, il leur proposa
la paix, pour donner à la Turquie le temps
d'armer et de se mettre sur la défensive.
Après la campagne du Pruth, à la suite de
laquelle Pierre le Grand fut forcé de signer
une paix désavantageuse et de revenir dans
ses Etats, malgré le service que Bassaraba
venait de rendre à la Porte, il fut accusé d'a-
voir favorisé les Russes , et étranglé avec
toute sa famille.
BASSAB.ES , peuple de Lydie qui semble,
d'après les rares témoignages que nous ont
conservés les historiens, avoir vécu dans un
état voisin de la barbarie. Il paraît qu'il
était anthropophage. Voici ce que dit sur
les Bassares Porphyre, cité par le docteur
Boudin : « Quant aux Bassares, qui non-
seulement avaient jadis imité les sacrifices
des Tauriens, mais encore mangeaient la chair
des hommes sacrifiés... qui ignore que, en-
trant en fureur contre eux-mêmes et se mor-
dant mutuellement, ils ne cessèrent de se
nourrir de sang que quand ceux qui, les pre-
miers, avaient introduit ces sortes de sacrihees,
eurent détruit leur race î »
BASSARÉDS, surnom de Bacchus, tiré d'un
long vêtement appelé bassara ou bassaris, fait
de peaux de renards, que Bacchus avait cou-
tume de porter dans ses voyages.
BASSARIDE s. f. (bass-sa-ri-de — rad. bas-
sara). Antiq. Longue robe flottante, dont se
couvraient les bacchantes : Il aime les bac-
chantes, vierges folles de l'antiquité profane,
vêtues de la trainanie bassaride aux plis
nombreux, larges et profonds, qui laissent
à leurs formes de si séduisants mystères. (J.-J.
Arnoux.)
— Par ext. Nom donné aux bacchantes
elles-mêmes, quand elles portaient cette es-
pèce de vêtement.
BASSARIDE s. f. (bass-sa-ri-de — dugr. bas-
saris, renard). Mamm. Genre de carnassiers
digitigrades, voisin des genettes et des be-
lettes, et comprenant une seule espèce, qui
habite le Mexique et la Californie : C'est des
mustéliens que la bassaride se rapproche par
ses formes générales. (Geoffr.-St-Hii.)
bassariques s. f. pi. (ba-sa-ri-ke). Hist.
anc. V. Dionysiaques.
BASSAS , cap de la côte orientale de l'Afri-
que, appelé aussi Baxas. %
BASSAT s. m. (ba-sa). Techn. Sarrau
spécialement employé par l'ardoisier, et qui
est matelassé dans le dos.
BASSE s. f. (ba-se — rad. bas, adj.). Mus.
Partied'un morceau d'harmonie, qui ne con-
tient que des sons graves : Chanter la basse.
Lulli fut le premier en France qui fit des
basses. (Volt.) Donnez -lui une basse sans
chant, un chant sans basse, il va, du premier
coup d'œil, vous remplir les lacunes. (Vitet.)
La basse est la première partie de la musique
c'est à elle que toutes les autres parties so>\t
subordonnées. (Millin.) [f Personne qui a une
voix propre à exécuter les parties do basse .-
C'est une forte basse, une bonne basse. Il
m'a cité l'exemple d'un chantre à Notre-
Dame (je crois que c'était une basse), à qui
un rhume avait fait perdre entièrement la
voix. (Rac.) t
BAS
321
Et Gorillon la basse, et Grondin le fausset.
Boilëau.
— Par ar.al. Voix d'animal grave comme
une voix de basse : Mon oreille fut assourdie
d'un mélange confus de hurlements, de jappe-
ments, d'aboiements, de grognements, de gron-
dements, pris dans toute l'échelle de la mélopée
canine, depuis la basse ronflante du mâtin de
basse-cour jusqu'à l'aigre fausset du roquet,
(Ch. Nod.) 11 Son grave comme celui d'umj
voix de liasse : Il lui chanta des hymnes ac-
compagnées par la terrible basse du canon.
(Bafz.j
— Voix de basse, Voix propre à chanter la
basse : David Itizzio avait une voix de basse
agréable. (Volt.) Je trouve qu'à moins d'avoir
cinq pieds et demi de haut, une voix de bassk
et de la barbe au menton, l'on ne doit point se
mêler d'être homme. (J.-J. Rouss.)
— Basse-contre, Partie plus basse que la
basse -taille : Chanter la basse - contre. Il
Personne qui a uno voix do basse-contre :
J'ai diné avec la première basse-contre de
l'Opéra. 11 Qualification donnée autrefois à la
voix de basse, et inusitée aujourd'hui. C'était
la seule voix grave admise à t'Opéra, pour
les rôles récitants. La basse-contre, qui chan-
tait contre la basse-taille ou baryton, était
réservée pour les chœurs : La basse-contre
d'autrefois est aujourd'hui la voix de basse
proprement dite. La basse-contre est à l'har-
monie vocale ce que la contre-basse est à
l'Harmonie instrumentale. (Millin.)
— Basse harmonique, Partie la plus basse
de toutes dans un morceau de musique écrit
à plusieurs parties, d'où vient son nom do
basse. C'est la plus importante de ces parties,
car sur elle repose toute l'harmonie. On dis-
tingue plusieurs espèces de basses: Basse fon-
damentale, basse formée des sons fondamen-
taux do l'harmonie. Au-dessous de chaque
accord, elle fait entendre la note grave qui
détermine la nature de l'accord, lorsque l'ac-
cord est divisé par tierces, toute autre dispo-
sition harmonique donnant des accords déri-
vés des fondamentaux, il Basse contrainte ,
Basse dont le sujet ou le chant, restreint a
un petit nombre de mesures, se reproduit
sans cesse , pendant que les parties supé-
rieures poursuivent leur chant ou leur har-
monie, avec des ornements et des variantes.
tl Basse chiffrée, Chiffres placés au-dessous
de la note basse fondamentale, pour indiquer
les accords qu'elle doit porter. Le chiffre in-
diquant l'accord est ordinairement celui qui
répond au nom de cet accord. Ainsi l'accord
de seconde se chiffre 2, celui de sixte 6, ce-
lui de septième 7. Les accords chargés d'un
double nom sont indiqués par un chiffre
double : accords de sixte et quarte 6/4, de
sixte et quinte 6/5, etc. Si plusieurs notes de
la basse passent sous un même accord, on ne
chiffre que la première note, et on couvre les
autres d'un trait. 11 Basse chantante, Basse
qui contient uno mélodie, un chant, et qui est
la partie la plus grave de la musique vocale.
Il Basse accompagnante, Basse qui ne chante
las, qui est de pur accompagnement : La.
•asse chantante a une mélodie que la bassu
accompagnante n'a pas. (Millin.) Il Basse
figurée, Basse qui divise les temps do la me-
sure, sans une note longue.
— Basse continue, Tenue de basse qui dure
pendant tout le cours de la pièce musicale.
On donnait autrefois ce nom à la simple basso
d'orchestre, pour la distinguer des parties
de violoncelle et autres instruments graves,
qui esquissaient un chant ou exécutaient des
traits sur la tenue de basse : Le principal ,
usage de la basse continue, outre celui de
régler l'harmonie, est de soutenir ta voix et de
conserver le ton. (Millin.) il S'est dit pour art
de l'accompagnement : Enseigner la basse
continue. 11 Par ext. Son grave, persistant et
monotone : Ils étudient la basse continue
fies ronflements) du valet en vigie à l'arrière.
(Balz.) /; faut aux cirques la basse continue
du canon et la crépitation perpétuelle de la
fusillade. (Th. Gaut.) 11 Fig. Chose sans cesse
répétée : Je vous promets bien sérieusement de
vous entretenir presque toujours du roi ; ce sera
une basse continue. (L'abbé de Choisy.)
— Loc. fa m. La basse et le dessus, un as-
semblage complet : Je ne pouvais trouver
deux hommes plus propres à mon dessein ; c'est
i.a basse et le dessus. (M'»» de Sév.)
— Violoncelle ainsi appelé parce qu'il sert *
à exécuter les parties oc basse. 11 Contre-
basse, autre instrument qui exécute les par-
ties de basse. 11 Artiste qui joue de l'un de
ces instruments : La première basse de l'O-
péra-Comique. Il Chacune des cordes d'un in-
strument qui donnent les sons graves : Ce
piano a d'excellentes basses.
— Basse clarinette ou clarinette basse, plus
grave que la clarinette alto, qui est elle-
même <rune quinte au-dessous des clarinettes
en ut ou en si bémol. La clarinette basse est
à l'octave inférieur de celle en si bémol. Il
en existe même, une en ut, à l'octave basse de
la clarinette en ut; mais elle est peu usitée.
Les notes graves de cet instrument sont les
meilleures. Meyerbeer l'a employé avec un
magnifique succès dans le trio du cinquième
acte des Huguenots, dans l'air, pourcontralto,
O toi qui m'abandonnes,
au cinquième acte du Prophète, et enfin, dans
diverses parties de l'Africaine. C'est, croyons-
nous, le seul compositeur qui ait fait figurer
la clarinette basse dans son instrumentation.
41
01
322
BAS
BAS
BAS
BAS
il Basse-contre ou contre-basse, «eu d'orgue
dont les tuyaux, de seize ou trente-deux pieds,
sont ouverts ou fermés suivant la qualité de
l'orgue, il Basse-cor, Nom donné d'abord à la
tasse-trompette , avant certaines modifica-
tions qui furent apportées à cet instrument
en I811. il Basse de viole, Ancien instrument
monté de six ou de sept cordes, remplacé au-
jourd'hui par le violoncelle : Il vous faudra trois
voix, gui seront accompagnées d'une basse de
viole, d'un théorbe et d'un clavecin. (Mol.) il
Basse de violon, Ancien nom du violoncelle
ou de la contre-basse. Il Basse de hautbois ,
Ancien nom du basson.
— Antonymes. Dessus, soprano, haute -
contre.
— Encycl. On appelle basse un chanteur
dont l'organe occupe l'échelle inférieure delà
voix humaine. La basse s'étend du fa grave au
ré hors de la portée (clef de fa), toute en voix,
de poitrine.
On divise, ou plutôt on divisait générale-
ment les basses en basses profondes et en bas-
ses chantantes. Aujourd'hui, les exigences du
répertoire moderne français demandent, dans
le même chanteur, la réunion de ces deux qua-
lités vocales. Dans notre ancien opéra, avant
la révolution opérée par Rossini , on n'exi-
geait de la basse que des notes graves, des
poumons d'acier, et le talent de l'artiste se
bornait à lancer à pleine voix le récitatif ou
une sobre mélopée déclamée. On lui conduit
peu d'airs rhythmésj la gravité et la majesté
des personnages qu'il représentait ordinaire-
ment interdisaient toute espèce de mélodie
carrément dessinée et surtout lancée d'un
mouvement vif. Le p'omposo, le grandiose,
l'héroïque, exprimés à grand souffle, for-
maient seuls l'empire de la basse. (Nous par-
lons toujours au point de vue de la scène
française, car, en Italie, l'art du chant et les
vocalises rentraient dans le domaine de ce
chanteur aussi bien que dans celui du ténor et
du soprano). Dérivis, la dernière des basses
récitantes de l'ancien régime , prit la fuite
quand, en 1827, Rossini lui présenta les gam-
mes rapides de Moïse. Levasseur saisit la place
et le rôle de Dérivis, débuta dans ce terrible
Moïse, et, quelque temps après, le répertoire
véritable de la basse complète était inauguré
par la création de Bertram de Bobert le Diable.
Walter de Guillaume Tell , Pietro de la
Muette de Portici, Marcel des Huguenots, le
Gouverneur du comte Ory, Fontanarose du
Philtre, Brogni de la Juive, Raymond de
Charles VI, Balthazar de la Favorite, Zacha-
rie du Prophète, Procida des Vêpres sicilien-
nes, Moïse de l'opéra de ce nom, Nicanordans
Herculanum, Turpin de Boland à Boncevaux,
complétèrent le répertoire de la basse à notre
grande scène lyrique.
L'exhaussement progressif du diapason
amena, dans la voix de basse proprement dite,
des perturbations fâcheuses. Les barytons
ayant usurpé la place des ténors graves, les
basses ont été montées au baryton par les
compositeurs du jour. Du ré au-dessus de la
portée, leur limite naturelle, on les a poussés
au mi naturel aigu, au fa et même au fa
dièse. Avec ce système, le chanteur ne donne
Ïilus que la superfétation aiguë de sa voix, et
aisse, sinon perdre, du moins détériorer la
quinte grave, si nécessaire pour la pédale
harmonique. Quelques musiciens, Meyerbeer
entre autres, ont exigé de nos chanteurs cer-
taines notes basses qui tombent au ronflement
incolore, telles que les contre mi bémols gra-
ves de Bobert le Diable, des Huguenots et
même du Prophète. Ces bourdonnements na-
sals nous semblent aussi ridicules que les ut
dièse aigus des ténors.
Il existe, dit-on, en Russie, des basses inso-
lites qui descendent jusqu'au contre la grave.
Nous ne savons quel effet musical peut produire
cet inappréciable rauquement; mais nous ne
tenons nullement à voir s'impatroniser a
l'Opéra ces sonorités caverneuses. Les curio-
sités vocales ne font point les chanteurs.
Levasseur, Serda et Alizard ont glorieuse-
ment parafé leur nom sur les grands rôles
de notre première scène lyrique. Aujourd'hui,
Obin, un artiste sans pair, et Belval, une
admirable voix, se partagent, à ce théâtre, le
répertoire de la basse.
Parmi les royautés incontestées de l'école
■ italienne, où régnait sans partage la basse
chantante, on note Zucchelli, Botticelli, Car-
thagecova et Lablache. Rossini a confié à ce
dernier les impérissables rôles de Moïse ,
Maometto II, Brabantio, le Podesta de la
Gazza, Bartholo et tant d'autres colosses,
tragiques ou bourrés de gaieté et d'éclats de
rire, dont les noms nous échappent. Bellini a
sculpté, à grands traits, l'Oroveso de Norma
et le père dElvira dans /Puritoit. ADonizetti
appartiennent, entre autres conceptions, le
terrible Henri VIII d'Anna Bolena et le Don
Pasquale^ cette immense pivoine mélodique
immortalisée par Lablache. Verdi vint ensuite
apporter ses solides contre-forts au monument,
avec ses rôles de Sylva dans Ernani, d'Attila
à'I Masnadieri' et de don Militone dans la
Forza del destina, pour ne citer que les prin-
cipaux rôles de basse rayonnant dans son
œuvre. Lès créations bouffes des anciens maî-
tres (le don Magnitico du Matrimonio seyreto)
et les rôles souriants ou grotesques de Ros-
sini complètent le répertoire de la basse
italienne.
A l'Opéra-Comique français, le seul rôle de
basse réellement chantant se bornait au Max
du Chalet, écrit pour Inchindi. Après un long
intervalle, pendant lequel la basse fut ravalée,
sur cette scène, à l'état de comparse, Her-
mann Léon vint créer magistralement les
Mousquetaires de la reine, le Caïd et les Por-
cherons. Puis apparut Battaille, qui marqua de
son artistique cachet : la Fée aux roses, le
Songe d'une nuit d'été, le Carillonneur de
Bruges, la Dame de pique et l'Etoile du nord.
Depuis que ce chanteur distingué a quitté
l'Opéra-Comique, les barytons, à ce théâtre,
cumulent les emplois de basse, et viee versa.
— Basse ou violoncelle, instrument à cordes
et à archet, qui a remplacé l'ancienne basse
de viole armée de six et sept cordes. Le
violoncelle a été inventé par le P. Tar-
dieu de Tarascon , au commencement du
xvme siècle. La basse portait alors cinq cor-
des; aujourd'hui, on l'a réduite à quatre. cor-
des, dont les deux dernières sont recouvertes
d'un fil de métal. Les cordes de la basse sont
accordées en ut (clef de fa au-dessous de la
portée), sol, ré, la, de quinte en quinte, en
montant du grave à l'aigu. La basse comporte
une étendue d'environ trois octaves, à partir
du premier ut du piano.
En raison du timbre et du diapason de cet
instrument, le chant de la basse est empreint
d'un caractère tendrement mélancolique et
religieux. Sa voix grave et touchante est plus
propre à exprimer la prière et les pensées
émues que les mondaines et brillantes pas-
sions. C est, pour nous, l'instrument viril par
excellence, le ténor chantant de poitrine, par
opposition aux violons, qu'on pourrait nom-
mer les ténors légers des instruments à cor-
des. La basse devrait se borner au chant
large ; les variations ne sont point de son res-
sort. Ce roi des instruments est inapte au
sourire. Réduit au modeste rôle d'accompa-
gnateur, !e violoncelle est indispensable à
l'harmonie. L'oreille attend toujours de lui le
son générateur, soutien de la mélodie. Sous
le rapport de la virtuosité, il se prête à toutes
les difficultés d'exécution, traits, doubles cor-
des, sons harmoniques et arpèges.
Indépendamment de son rôle de soliste, la
basse figure avec avantage dans la sonate ,
l'air varié, le trio, le quatuor et le quintette.
Les grands maîtres lpnt mis sur la même
ligne que le violon, dans" leurs chefs-d'œuvre
de musique instrumentale, dite musique de
chambre.
Parmi les plus célèbres virtuoses sur la
basse, on cite : Duport l'aîné, Delamarre,
Romberg, Franchomme, Chevillard, George
Hainl, Seligmann, M"e Christiani, Batta,
Piatti, et enfin le grand Servais.
Dix violoncelles ou basses figurent à l'or-
chestre de l'Opéra; douze, à l'orchestre du
Conservatoire.
— Basse -contre ou plutôt contre - basse ,
(nommée par les Italiens controbasso ou vio-
lone), le plus grand instrument de la famille
du violon, dont les sons résonnent à l'octave
grave de ceux du violoncelle. C'est la base
de l'orchestre entier; aucun autre instrument
ne saurait le suppléer. Soit que la contre-basse
conserve son allure imposante et sévère, soit
qu'elle se joigne aux agitations dramatiques
du reste de l'orchestre, la richesse et la pléni-
tude de la sonorité, la franchise et le mordant
de son attaque, l'ordre qu'elle porte dans les
masses harmoniques, témoignent de sa pri-
mauté dans l'instrumentation.
Il existe deux sortes de contre-basses : l'une
à trois, l'autre à quatre cordes. L'étendue est
de deux octaves et une quarte, du mi grave
de la basse au la aigu du ténor. Nous devons
faire remarquer que le son de la contre-basse
est plus grave, d'une octave, que la note
écrite.
La contre-basse à trois cordes comporte, au
grave, deux notes de moins que l'autre. La
contre-basse à quatre cordes est préférable,
d'abord parce que, comme nous venons de le
dire, elle possède, de plus que celle à trois
cordes, deux et même trois notes graves
d'une incontestable utilité ; ensuite, parce que,
cette contre-basse étant accordée en quartes,
on peut exécuter une gamme entière sans
démancher (ôter la main gauche de sa position
naturelle pour la porter à une position plus
haute ou plus aiguë).
Cet instrument étant, en général, destiné à
faire entendre et accentuer fortement la
basse fondamentale de l'harmonie, on peut
l'isoler sans, danger des violoncelles et même
du quatuor des instruments à cordes, pour
l'associer aux instruments à vent, qu'elle
soutient avec une grande intensité. A l'église,
on l'emploie pour soutenir les voix du chœur,
et parfois les mélopées de l'orgue.
Cet instrument colosse est, par sa nature,
impropre aux traits rapides. Tout au plus,
peut-on exiger de lui le trémolo, dans les
grands effets dramatiques. Cependant, il s'est
produit des virtuoses merveilleux sur la con-
tre-basse. Kaempfer jouait des concertos de
violon sur son Goliath (c'est ainsi qu'il appe-
lait sa conîre-basse). On a entendu Dragonetti
exécuter des duos de violon avec Viotti,etse
charger alternativement des deux parties. De
nos jours, Bottesini, l'artiste sans rival, fait
chanter et pleurer sa contre-basse, avec une
voix plus pure, plus moelleuse, plus péné-
trante, plus intime, plus cordiale en un mot,
que la voix du violon.
L'orchestre de l'Opéra compte huit con-
tre-basses ; l'orchestre du Conservatoire en
compte neuf.
— Basse-cor, cor de basset (corno di bas-
setto , ou basset-horn) , instrument de musi-
que à vent, à bec et h anche, unissant la dou-
ceur à la teinte sombre et sérieuse du son,
qui a été inventé en 1770, à Passaw (Bavière),
puis perfectionné par Lotz de Presbourg, et
enfin, en dernier lieu, par Antoine et Jean
Stadler. Le cor de basset est de la nature de
la clarinette ; il en diffère par sa grandeur,
qui surpasse celle de ce dernier instrument.
Sa forme est aussi plus recourbée, et il des-
cend une tierce plus bas ; mais il se rapproche
de cet instrument, non -seulement par la
structure et le son, mais encore par l'intona-
tion, le doigter et l'embouchure. Tout clari-
nettiste peut jouer le cor de basset. Son éten-
due comprend quatre octaves, à partir du
second ut grave du piano. La musique écrite
pour cet instrument se transpose à la quarte
et à la quinte.
Les compositeurs français n'ont pas encore
introduit dans leur orchestration cet instru-
ment, usité seulement en Allemagne. Mozart
l'a employé dans son Bequiem, où il le fait
figurer comme principal instrument à vent.
BASSE s. f. (ba-se— rad. bas, adj.) Mar.
Eau plus profonde que le haut-fond et moins
que le bas-fond ; La basse est un fond sablé
qui s'élève près de la surface des eaux. (A.
Jal.) La basse tient le milieu entre le haut-
fond et le bas-fond. (Legoarant.)
BASSE s. f. (ba-so — rad. bas, adj.) Manég.
Pente douce sur laquelle on exerce le cheval
à plier les jambes dans la course au galop.
basse s. f. (ba-se — rad. bas, adj.) Agric.
Baquet en bois dans lequel on porte les rai-
sins écrasés à la cuve, et que deux hommes
enlèvent, de la vigne sur leurs épaules, à
l'aide d'un morceau de bois appelé paux.
— Métrol. Mesure de capacité usitée dans
les salines.de la Lorraine, et contenant de
îoo à 150 kilo, de sel.
basse s. f. (ba-sc). IchthyoL Nom vul-
gaire d'uh poisson américain, du genre cen-
tropome, appelé aussi perche ocellée.
BASSE, ÉE (ba-sé), part. pass. du v. Bas-
ser : Chaîne basses.
basse-conde s. f. (ba-se-kon-de). Techn.
Panneau supérieur d'un soufflet, dans les
hauts fourneaux.
basse-contre s, f. Mus. V. Bassb.
BASSE-COR s. f. Mus. V. Basse.
BASSE-COUR s. f. Econ. rur. Partie d'une
ferme où l'on dépose le fumier et où l'on élève
la volaille et les autres animaux qu'on nour-
rit àdemeure -.Des basses-cours. Lapoule est
un des hâtes les plus intéressants de la basse-
cour. (Buff.) » Cour do dégagement où se trou-
vent les écuries et dépendances : La cuisine
de cet hôtel a son entrée extérieure sur la
basse-cour. Il Animaux de basse-cour, Ani-
maux élevés ordinairement dans les basses-
cours : H Fille de basse-cour, Fille de ferme
chargée du soin des animaux de basse-cour :
II vit alors la fille de basse-cour en alter-
cation avec un beau jeune homme. (Balz.)
— Par oxt. Ensemble des animaux qui vi-
vent dans une basse-cour; se dit surtout en
parlant de la volaille : Il a une nombreuse,
une superbe basse-cour. La vue d'un tiercelet
planant au haut des airs met en émoi toute la
basse-cour.
— Fam. Nouvelles de basse-cour, Nouvelles
dignes des gens employés à une basse-cour ;
nouvelles absurdes et sans fondement.
— Féod. Cour intérieure d'un château for-
tifié.
— Encycl. Dans la plupart des fermes , on
laisse les volailles vaguer en liberté dans la
cour qui règne devant la maison même du fer-
mier , au milieu des bestiaux , afin qu'elles
puissent recueillir dans les fumiers les graines
qui s'y trouvent, et qui, plus tard, germeraient
dans les champs au grand détriment de l'agri-
culture. Dans ce cas , ce qu'on appelle basse-
cour comprend souvent une fosse à fumier,
un abreuvoir, un puits, et toutes les construc-
tions qui sont des dépendances de la ferme
se trouvent placées alentour. Mais, lorsqu'on
élève un grand nombre de volailles, ce sys-
tème devient inapplicable , a cause de l'en-
combrement et des accidents qui pourraient
se produire. On enferme alors les volailles
avec les lapins, dans un local spécial que l'on
appelle plus particulièrement basse-cour. Ainsi,
ce mot a deux significations bien distinctes,
qu'il ne faut pas confondre : dans son accep-
tion la plus large, il s'entend à la fois do la
cour intérieure d'une ferme et des bâtiments
qui l'avoisinent ; aujourd'hui, l'usage tend à
restreindre une signification si générale, et
l'on arrive à cette définition plus spéciale :
cour de ferme et partie de l'habitation où l'on
élève et nourrit la volaille, les lapins, et géné-
ralement toutes les espèces connues sous le nom
d'animaux de basse-cour.
Une basse-cour bien entendue doit compren-
dre, en constructions appropriées et parfaite-
ment aménagées , tout ce qui est utile au bon
élevage et à l'entretien raisonné des lapins et
des volailles. Une canardière , pour les ca-
nards et les oies; un poulailler, pour les coqs,
poules et pintades; un colombier, pour les
pigeons; un clapier ou des loges pour les la-
pins; d'autres loges pour les couveuses ; une
chaponnière ou épinette, pour les volailles à
engraisser; des perchoirs pour les paons et
les dindons: tels sont les principaux éléments
d'une basse-cour bien organisée. Outre ceîa, il
faut un espace libre où les animaux puissent
se promener et s'ébattre en plein air. Cet es-
pace ou, si l'on veut , cette cour doit être sé-
parée du reste de la ferme par un mur, un
treillage ou une forte haie, afin que les lapins,
les volailles et les autres animaux qui y pren-
nent leurs ébats ne soient pas troublés à
chaque instant par le mouvement du dehors.
Son étendue devra être en rapport avec le
nombre des habitants , et le sol un peu en
pente, afin que l'eau ne puisse y séjourner.
L'exposition au midi est préférable. Il y aura,
autant que possible , un peu de gazon , des
arbres, des arbustes, tels que des mûriers, des
sureaux, des acacias, des groseilliers, etc. On
y établira une ou deux mares pour les oiseaux
aquatiques; des monceaux de cendres et de
sable pour les poules, afin qu'elles puissent se
débarrasser, en s'y roulant, de la vermine qui
les ronge; enfin, des baquets bien couverts et
remplis d'eau fraîche une ou deux fois par
jour, dans lesquels les volailles pourront venir
s'abreuver. La plus grande propreté devra
régner partout. Cette dernière condition est
l'un des gages les plus assurés de succès pour
celui qui se livre à l'élevage des animaux de
basse-cour. Le plus grand nombre des maladies
qui les déciment, n'ont pas d'autre cause que
la malpropreté du local qui leur sert d'habi-
tation.
'Les produits de la basse-cour ont toujours
tenu un rang, sinon élevé, du moins relative-
ment considérable dans les revenus de la
ferme ou plutôt de la maison. Maintes fois on
a tenté de diminuer .le nombre des volailles ou
d'en supprimer l'élevage, et toujours on a été
forcé d'y revenir. L'expérience démontre , en
effet, que les produits quotidiens de la basse-
cour forment au bout de l'an une somme im-
portante, que nul autre produit ne remplace.
« Si la basse-cour, dit Mu,e Millet, a quelques
inconvénients passagers, elle se recommande
f>ar des avantages de tous "les instants. C'est
a corne d'abondance de la ménagère ; le vide
ne s'y fait jamais quand on sait l'administrer :
C'est comme un chapelet qui tourne sans cesse
dans les doigts et dont on ne trouve pas la fin.
Il ne suffit pas , dit un proverbe , que le coq
gratte , il faut que la poule ramasse. Le coq ,
c'est assurément le fermier, le chef de l'ex-
ploitation, dont les travaux assurent l'avenir :
il sème et il récolte; mais, en attendant la
moisson, que tant d'événements peuvent com-
promettre en partie, sa compagne, économe et
rangée , prévoyante et laborieuse aussi , ra-
masse un peu chaque jour ; et, des petits profits
multipliés qu'elle trouve à faire ainsi dans son
département , elle pèse d'un grand poids , à la
fin, dans la balance où se déposent un à un les
écus destinés à l'acquittement de l'impôt ou du
■fermage. »
Il y a quelques années , les Anglais avaient
proscrit de leurs fermes toutes les volailles,
comme bêtes voraces , pillardes, ingouverna-
bles et dépensant plus qu'elles ne rapportent.
Ils sont bientôt revenus de leur erreur, et,
passant tout à coup d'une extrémité à l'autre ,
ils se sont livrés, avec cette ardeur persévé-
rante qui les caractérise, à la création de races
énormes dont la nourriture est ruineuse. La
plupart de ces animaux s'engraissent facile-
ment et donnent beaucoup de viande; mais
cette viande-est dure et peu savoureuse. Une
fois lancés dans cette voie , les Anglais ne se
sont pas arrêtés là; ils ont prétendu spéciali-
ser les races de volailles , comme ils avaient
spécialisé les aptitudes chez nos grands ani-
maux. Où s'arrêtera leur persévérance? nul
ne le sait. Peut-être auront- ils un jour des
poules d'engrais et des pondeuses , comme ils
ont Je mouton dishley et la vache duriiam.
Quoi qu'il en soit, ils ont fait fausse route; ils
ont dépassé le but sans l'atteindre. La basse-
cour ne doit pas être une succursale de l'é-
table.
En France , l'engouement britannique a eu
peu de succès. Nous sommes encore bien loin
de la perfection ; mais, en définitive, nous avons
fait beaucoup mieux que nos émules d'outre-
Manche. De 1847 à 1856, nous avons exposé
annuellement, en moyenne, plus de 7 mil-
lions de kilo, d'œufs. Pendant ce temps, l'An-
gleterre est restée notre principal et presque
notre unique débouché. A l'intérieur , la con-
sommation marche de-pair avec l'exportation.
En 1853 , la seule ville de Paris a consommé
174 millions d'oeufs et 11 millions de kilo, de
volailles.
Ces chiffres prouvent tout à la fois et notre
supériorité sur les Anglais , et l'importance
que nous devons attacher aux produits de la
basse-cour. Nous avons des variétés excellen-
tes; en général même, toutes nos races sont
bonnes. Que nous manque-t-il donc afin d'at-
teindre à la perfection? Quelques petits soins
faciles à prendre , qui ne demandent qu'un
peu d'attention et une dépense des plus mini-
mes. C'est par là que nous péchons et que no-
tre mode d'éducation est défectueux : l'état de
sauvagerie et l'abandon presque absolu dans
lequel vivent généralement nos animaux de
basse-cour nuisent tout à la fois au développe-
ment et au rendement. Aussi trouvons-nous
dans notre pays les extrêmes les plus marqués:
à côté des chapons de la Bresse, des poulardes
du Maine , des magnifiques volailles de Bar-
BAS
BAS
BAS
BAS
323
bezieux et de quelques autres localités encore,
où l'on sait en tirer bon parti , combien ne
rencontre-t-on pas, sur nos marchés , de ces
poulets étiques, de ces poules vieillies dans la
misère, dont la maigre carcasse contient moins
de viande que d'os? Un état de choses si peu
en rapport avec les tendances progressistes
de notre époque cessera quand nous voudrons,
et alors nous serons sans rivaux , non-seule-
ment dans la production des œufs , mais en-
core dans l'engraissement des animaux de
basse-cour.
Dans les fermes où l'élevage en grand des
volailles est pratiqué , l'établissement d'une
cour séparée et de bâtiments spéciaux ne suffit
pas pour en tirer tout le parti possible; il faut
encore leur donner Un surveillant spécial. C'est
une femme qu'on choisit d'ordinaire pour cet
emploi , parce qu'elle est plus douce, plus pa-
tiente , plus adroite et plus vigilante. Afin de
bien accomplir sa tâche , la fille de basse-cour
doit, avant tout, se faire aimer de sa turbu-
■ lente famille ; elle aura soin que l'heure des
repas ne soit jamais changée, que la nourriture
soit bien apprêtée, et le logement d'une pro-
preté convenable. Elle passera fréquemment
en revue les animaux confiés à ses soins, pour
voir s'il n'en manque aucun ; elle épiera leurs
mouvements et leurs allures, pour s assurer de
leur santé, ef pour profiter des dispositions à
pondre ou à couver que manifesteront les fe-
melles. Enfin , elle devra connaître les meil-
leures méthodes de chaponner, d'engraisser
les volailles, et les moyens de guérir les mala-
dies les plus ordinaires.
• BASSE-COURIER, 1ÈRE s. Econ. agric,
Personne chargée du soin des animaux de la
basse-cour, il Peu usité.
basse-court s. f. Fortif. Sorte de cor-
ridor ou de caponnière, qui allait d'une po-
terne à une tour à barbacane.
BASSÉE (la), ville de France (Nord), ch.-l.
de cant, arrond. et a. 24 feil. S.-O. de Lille,
sur un canal qui communique de la Dcule à
Saint-Omer, Dnnkerque et Calais ; pop. aggl.
2,313 hab. — pop. tôt. 2,958 hab. Filatures de
coton, brasseries, fabrique de sucre, savon-
nerie, corroierie, tannerie, fours à chaux,
moulins, teintureries, distillerie. Commerce
de houille, graines, toiles.
Cette petite ville appartenait autrefois aux
châtelains de Lille, qui l'embellirent et la for-
tifièrent. En 1054, Baudoin de Lille, craignant
une attaque de la part de Henri III, fit faire,
depuis la mer jusqu'à l'Escaut, un vaste et
large retranchement, qui existe encore en
partie. Jean, châtelain de Lille, agrandit ce
retranchement et en forma, en 1211, le canal
de la Bassée à la Deule. Prise par les Fla-
mands en 1303 et 1304, la Bassée résista, en
1486, aux attaques de Maximilien, roi des Ro-
mains ; ce prince finit cependant par s'en em-
parer quelque temps après, et fit détruire les
fortifications, qui furent relevées en 1594. Les
Français la prirent en 1641, et la fortifièrent
encore; les Espagnols s'en rendirent maîtres
l'année suivante, et la démantelèrent en 1667.
Le traité d'Aix-la-Chapelle rendit cette place
à la France.
BASSÉE (le P. Bonaventure de la), théolo-
gien français, né à La Bassée, en Artois, à la
lin du xvie siècle, mort en 1650, s'appelait de
son vrai nom Louis le Pippre. D'abord pro-
fesseur de théologie au collège de Douai, il
entra a Hernin dans la congrégation des cha-
noines réguliers, puis il se fit capucin. Ce
théologien, dont Pascal fait mention dans sa
~X.V° provinciale, est l'auteur de deux ouvrages:
Parochianus obediens (le paroissien obéissant,
16331, traduit en français par F. de la Tombe,
1634) ; etTheophilusparochialis (1634), traduit
en français par B. Puys. Cet ouvrage donna
lieu à une très-vive polémique entre B. Puys
et le jésuite Albi, qui employa sans scrupule
la calomnie pour décrier son adversaire.
BASSE-ENCEINTE s. f. Fortif. V. Fausse-
BRAIE.
basse-étoffe s. f. Techn. Alliage de
plomb et d'étain.
basse-fosses, f. Cachot souterrain, étroit
et humide, dans lequel on descendait autre-
fois certains prisonniers : Dante a mis en-
semble, dans la basse-fosse de l'enfer, et fait
dévorer à la fois par ta gueule sanieuse de
Satan le grand traître et le grand meurtrier,
Judas et Brutus. (V. Hugo), il On dit aussi cul
DE BASSE-FOSSE.
basse-goutte s. f. Jurispr. anc. Droit
de déverser son égout sur la propriété du
voisin.
BASSE1N, ville et port de l'Indoustan an-
glais, présidence et à 25 kil. N. de Bombay,
sur la mer d'Oman, au-dessus de l'île Salsette.
. Prise en J802 par les Anglais, elle donna son
I nom au traité qui anéantit la confédération
des Mahrattes.
BASSE-INDRE (la); bourg de France. V.
Indre (La Basse-).
basse-justice s. f. Féod. Justice sei-
gneuriale qui ne s'exerçait pas au delà du
degré le moins élevé de juridiction.
BASSELIN (Olivier), chansonnier normand
du xve siècle, né à Vire , où il possédait un
tnouhn à foulon, de l'exploitation duquel il
vivait. Cette usine, dont on voit encore les
restes, a conservé le nom de Moulin Basselin;
elle se trouve sous le coteau des Cordeliers ,
tout près du pont de Vaux.
On ne sait que peu de chose de la vie d'Oli-
vier Basselin, appelé familièrement le Bon-
homme, comme La Fontaine. Adonné aux
plaisirs de la table , au vin et au cidre , il
employait ses loisirs à rimer des chansons
naïves qui, a cause du pays, reçurent le nom
de vau-de-Vire , d'où l'on fait dériver celui
de vaudeville. Les avis sont partagés sur
cette question, dont nous n'avons pas à nous
occuper ici.
Basselin n'était point illettré, comme quel-
ques biographes 1 ont prétendu ; il savait le
latin, avait voyagé et avait été soldat. Deux
vers de Jean Le Houx nous apprennent que
Basselin eut beaucoup a souffrir de la guerre
de 1450, qui eut lieu entre les Anglais et
Charles VII. Sa fabrique fut ruinée lors du
siège de Vire, et, plus tard, sa famille le
voyant- trop adonné au cidre et à la bonne
chère, le fit interdire. Il s'ensuivit un procès,
rappelé par ces deux vers du XXVlIe vau-
de-Vire :
Kor. sildre oste le soussy
D'ung procez qui me tempeste.
Le pauvre foulon se lamentait d'une façon
aussi ingénue que touchante (38<J vuu-de-
Vire) :
Hélas! que fait ung povre yvrongne?
Il se couche et n'occit personne.
Ou bien'il dict propos joyeulx.
Il ne songe point en uzure,
Et ne faict à. personne injure,
Beuveur d'eau peut-il faire mieulx?
Ce fut Basselin qui introduisit dans le Bo-
cage l'usage de chanter des chansons après
le repas. Les siennes étaient en quelque sorte
improvisées. Il avait une remarquable facilité
naturelle. Du reste, il semble n'avoir attaché
que peu de prix à ces légères productions, et il
n'en fit jamais de recueil. Elles se transmirent
de bouche eu bouche jusqu'au temps ou Jean
Le Houx les recueillit et les livra a l'impres-
sion. Vauquelin de la Fresnaye s'occupe du
bon Virois dans son Art poétique. «On prétend,
■ dit-il, que Basselin perfectionna les procédés
pour fouler les draps. Devenu vieux, il ne
songeait qu'à boire et qu'à chanter... »
Il ne s'est jamais inspiré que de la bouteille.
La gloire militaire et l'amour le touchaient
peu; il l'a déclaré lui-même franchement :
A l'amour no suys adonné,
Et j'ame encore moins les armes.
Les vers du bonhomme Olivier furent im-
primés pour la première fois en 157G. Cette
édition disparut par les soins du clergé, et
celui qui l'avait publiée (on ne le nomme point)
ne fut pas à l'abri de la persécution. Ceci a
lieu de nous' étonner. La deuxième édition
paraît avoir été supprimée avec le même
soin, puisqu'on n'en connaît que deux exem-
plaires.
Vers 1610, parut le Livre des chants nou-
veaux et vaux-de- Vire , par Olivier Basselin
(in-8<> de 100 p.). C'est l'édition donnée par
Jean Le Houx.
D'autres éditions ont paru également à Vire
en lsn, 1821 et 1833. Cette dernière, aug-
mentée des chansons de Jean Le Houx, con-
tient des travaux biographiques et bibliogra-
phiques de MM. Julien Travers et Auguste
Asselin. C'est incontestablement la plus com-
plète et la meilleure de toutes ; elle est impri-
mée dans le format in-32.
Terminons par quelques extraits de l'œuvre
du poète de Vire :
LA FAUTE d'aDAM.
Adam (c'est chose trop notoire)
Ne nous eust mis en tel danger,
Si, au lieu du fatal manger,
Il se fust plus tost pris à boire.
C'est la cause pour quoy j'évite
D'estre sur !e manger gourmand.
Il est vray que je suis friand
De vin, quand c'est vin qui mérite.
Et partant, lorsque je m'approche
Du lieu où repaistre je veux,
Je vais, regardant curieux,
Plus tost au buffet qu'à la broche.
L'œil regarde où le cosur aspire,
J'ay cuy par trop œillade.
Verre plein, s'il n'est tost vuidé,
Ce n'est pas un verre de Vire.
Une autre pièce, plus souvent citée, est
celle qui a. pour titre : A mon nez. En voici
les deux premières strophes .-
Beau nez, dont les rubis ont cousté mainte pipe
De vin blanc et clairet.
Et duquel ia couleur richement participe
Du rouge et violet.
Gros nez! qui te regarde à travers un grand verre
Te juge encor plus beau :
Tu ne ressembles point au nez de quelque hère
Qui ne boit que de l'eau.
Vire était assiégée, et cette circonstance
inspira au chansonnier les trois couplets sui-
vants :
Tout à l'entour de nos remparts,
Nos ennemis sont en furie :
Sauvez nos tonneaux, je vous priel
Prenez plus tost de nous, soudards,
Tout ce dont vous aurez envie :
Sauvez nos tonneaux, je vous prie.
Nous pourrons après en beuvant
Chasser notre mélancolie :
Sauvez nos tonneaux, je vous prie)
L'ennemi qui est ci-devant.
Ne nous veut faire courtoisie.
Vuidons nos tonneaux, je vous prie.
Au moins, s'il prend notre cité.
Qu'il n'y trouve plus que la lie :
Vuidons nos tonneaux, je vous prie!
Deussions-nous marcher de costé,
Ce bon sildre n'espargnons mie :
Vuidons nos tonneaux, je vous prie !
Comme on le voit, il y avait chez Basselin
de l'humour, de la verve, de la gaieté, et, par-
dessus tout, le sentiment poétique. C est donc
avec raison que son nom est resté comme un
des modèles les plus originaux et les plus po-
pulaires de la vieille muse gauloise.
Dans cet article, nous avons cité un travail
de M. Julien Travers, secrétaire de l'Acadé-
mie des sciences, arts et belles-lettres de
Caen. En cela, nous avons imité M. Henri
Martin, qui s'était appuyé sur ce travail pour
apprécier le rôle d Olivier Basselin. Mais il
paraît que le Grand Dictionnaire et le grand
historien avaient tort de mettre tant de con-
fiance en M. Travers; c'est lui-même qui
vient de faire cette généreuse révélation à la
réunion des délégués des sociétés savantes ,
qui s'est tenue à la Sorbonne le 4 avril 1866.
Nous disons généreuse, car elle a été faite la
veille même du jour où devait être décidée
l'admission de l'illustre historien à l'Académie
française. Pour ce qui concerne M. Henri
Martin, la plume aiguisée de M. TaxileDelord
a vertement répondu à M. le secrétaire de
l'Académie de Caen; quant à nous, le démenti
que M. Travers se donne à lui-même ne mo-
difie en rien notre article; il montre seule-
ment que cet annotateur ne doit plus être pris
au sérieux ; il n'y a que son nom qui puisse,
désormais, jouir de ce privilège.
BASSE-LISSE s. f. Techn. Manière de tra-
vailler les tapisseries de laine, en disposant
la chaîne horizontalement sur le métier : Ta-
pisserie de basse-lisse. Travail de basse-
lisse. Ouvrier en basse-lisse, il So dit aussi
do la tapisserie même ainsi fabriquée.
— Encycl. La basse-lisse est ainsi appelée
parce qu'elle s'exécute horizontalement, par
opposition à la haute-lisse qui se fait vertica-
lement. De plus, l'ouvrier travaille à l'envers
tandis eue le haut-lissier opère à l'endroit!
Assis , 1 estomac et les coudes appuyés sur
l'ensouple où s'enroule le tissu, il lait hausser
et baisser les fils de la chaîne au moyen de
marches. Il est dirigé, dans son ouvrage, par
le calque du tableau à copier, qui est placé
sous ces fils, et ce n'est qu'en regardant très-
perpendiculairement à travers ceux-ci qu'il
aperçoit les traits qu'il doit suivre. Le tableau
lui-même est bien suspendu derrière lui ; mais,
ne pouvant juger son travail qu'à l'envers, ou
du moins ne pouvant le faire que rarement à
l'endroit, il lui est impossible d'exprimer, avec
la même fidélité que le haut-lissier, l'accord
et l'ensemble de l'original. En revanche ,
comme les passées ou jetées de fils embras-
sent plus d'espace, il en résulte que, dans le
même temps, il travaille à peu près un tiers
plus vite que le haut-lissier. C'est pour ces rai-
sons que l'on n'emploie la basse-lisse que pour
produire des tapis ordinaires, destinés a la
consommation usuelle, et que la haute-lisse
est réservée à la fabrication des pièces de
grand prix.
BASSE-LISSIER s. m. Techn. Ouvrier qui
travaille en basse -lisse, il PI. des basse-
lissiers.
BASSE-MARCHE s. f. Techn. Partie d'un
métier de basse-lisse.
BASSEMENT adv. (ba-se-man — rad. bas,
adj.). Avec bassesse , d'une manièro vile :
Agir, parler bassement. Petites jalousies, pe-
tites intrigues, tout est petit, tout est basse-
ment méchant. (Volt.) il Dans une basse con-
dition :
La victoire m'honore et m'ôte seulement
Un caprice obstiné d'aimer trop bassement.
Rotrou.
— A signifié : à voix basse :
Certes, je ne puis faire, en ce ravissement,
Que rappeler mon âme et dire bassement...
Malherbe.
— Antonymes. Noblement, fièrement.
BASSEMENT s. m. (ba-se-man). Techn. Im-
mersion successive des peaux dans des liqui-
des acides et de plus en plus chargés de
tannin.
BASSE-MER s. f. Etat de la mer quand les
eaux sont basses, c'est-à-dire lorsque la marée
s'est retirée.
BASSEN (Jean-Barthélemy van), peintre
flamand (d'autres disent hollandais), florissait
à Anvers de 1610 à 1630. Il peignit surtout des
intérieurs d'église et de palais de la Renais-
sance. Ses œuvres brillent par le soin des dé-
tails et l'exactitude de la perspective linéaire :
mais, suivant M. Waagen , elles manquent
leur effet par la crudité des tons, la dureté
des formes et le défaut de perspective aérienne.
Ses tableaux sont assez rares; le Louvre n'en
a pas; le musée de Rotterdam en possède un,
et le musée de Berlin deux. Un de ces der-
niers, représentant un' Intérieur d'église, est
signé et daié de 1624, et Frans Francken le
jeune y est désigné comme ayant fait les
ligures.
BÀSSENGE, un des joailliers de Marie-An-
toinette, associé de Boèhmer. V. Collier {Af-
faire du).
BASSENGE (Jean-Nicolas). Nous .croyons
devoir ici quelques lignes de souvenir à ce poète
patriote peu connu , dont les efforts aidèrent
a renverser le pouvoir temporel des anciens
princes-évêques de Liège et tacilitèrent la réu-
nion de leur Etat à la France. Dans sa jeu-
nesse, Bassenge fut l'un des beaux esprits de
la cour de l'évèque Velbruck, un de ces prin-
ces de l'Eglise dont le type, perdu de nos
jours, était fort commun au xvme siècle, et
qui, épris de philosophie, affichaient la tolé-
rance, recherchaient les artistes et les libres
penseurs. Tout d'abord, on applaudit, à cette
fetite cour, les écrits où Bassenge réclamait
avènement du droit populaire ; mais , aux
f premiers grondements de 1789, tout ce libéra-
isme d'emprunt disparut; le prince de Méan,
successeur de Velbruck, inquiéta le jeune
écrivain, qui dut se réfugier à Paris. Après la
prise de la Bastille, la petite révolution lié-
geoise, longtemps comprimée, ayant éclaté,
Bassenge, rappelé avec Henkart, autre chef
populaire , prit la direction du mouvement, ■
jusqu'au jour où l'intervention des Prussiens
vint rétablir le pouvoir sacerdotal. Mais Du-
mourier rouvrit bientôt aux patriotes le che-
min de leur pays, qui reçut en libérateur le
fénéral français. D abord nommé commissaire
e la France près du nouveau département de
l'Ourthe, élu plus tard au conseil des Cinq-
Cents, Bassenge favorisa le 18 brumaire et
siégea au Corps législatif, jusqu'au jour où sa
protestation contre l'établissement de l'em-
pire le fit rentrer dans la vie privée. Bassenge
tut l'un des rédacteurs de la Décade philoso-
phique. Ses œuvres ont été réunies, avec celles
de ses amis Henkart et Reynier, sous ce titre :
Loisirs de trois amis (Liège, 2 vol. in-8°, 1822).
basse-orgue s. f. Mus. Instrument re-
courbé comme le basson, et donnant plus de
trois octaves : La basse-orgue donne la faci-
lité de faire les tons et les demi-tons. (Encycl.)
basse-pâte s. f. Art culin. Pâte aplatie
au rouleau, il On dit plus soayent abaisse.
BASSEPORTE (Madeleine-Françoise), pein-
tre de fleurs et d'oiseaux, née à Paris en 1700,
morte ea 1780. Elève de Robert, elle fut ju-
gée digne, par son talent, de succéder en
1732 à Aubnet dans la place de dessinateur
du Jardin des Plantes. Elle fut liée avec l'abbé
Pluche, auteur du Spectacle de la nature, ou-
vrage qu'elle orna de quelques dessins. On a
de cette artiste la continuation de la belle
collection des plantes peintes sur vélin, qui
fut commencée par Gaston d'Orléans, frère de
Louis XIII, et qui se trouve au Muséum d'his-
toire naturelle.
BASser v. a. ou tr. (ba-sé). Techn. En
parlant de la chaîne d'une étoffe , l'imbiber
d'une colle savonneuse qui rend les fils glis-
sants.
basse-riche s. f. Miner. Pierre noire,
incrustée de coquillages, qui se trouve dans
le Mont-Dore, et qui sert dans les arts pour
faire des coupes, des socles, etc.
BASSERMANN (Frédéric-Daniel), homme
politique allemand, né à Manheim en 1811.
D'abord simple employé de commerce dans le
grand-duché de Bade et en France, il alla
compléter à Heidelberg l'instruction qu'il s'é-
tait en quelque sorte donnée lui-même ; puis
il se fixa dans sa ville natale, où il se livra à
l'industrie. Nommé , vers 1840, député à la
Chambre élective de Bade, il se rangea parmi
les membres les plus avancés de l'opposition;
mais, par un revirement subit, lors de la ré-
volution de 1848, il se fît le défenseur dévoué
du gouvernement qu'il avait attaqué jusque-
là. Elu membre de l'Assemblée nationale alle-
mande, il combattit l'extrême gauche et de-
vint secrétaire du ministère d'Empire, créé
en août 1S48. Mais une maladie nerveuse mit
tout à coup fin à sa vie politique, et il dut se
retirer même de la chambre badoise. Basser-
mann a publié : Allemagne et Jîussie (Man-
heim, 1839), ouvrage dans lequel il signale les
progrès constants de l'influence russe en
Allemagne.
BASSES (archipel des îles). V. Pomotou.
BASSES-ŒUVRES s. f. pi. Ensemble 'de
toutes les choses qui se rapportent aux fonc-
tions du bourreau : Gens, valets des basses-
œuvres. Dans la nuit gui suivit l'exécution de
la Esméralda , les gens des basses-œuvres
avaient détaché son corps du gibet. (V. Hugo.)
— Par ext. Valet des basses-œuvres, Per-
sonne d'une profession ou d'une conduite
ignoble .par analogie avec la profession de
valet de oourreau : Flétrissure, ignominie à ces
misérables valets des basses -œuvres, gui
n'ont d'autre fonction que de tourmenter vivants
ceux que la postérité adorera morts! (Balz.)
BASSESSE s. f. (ba-sô-se — rad. bas, adj.).
Défaut d'élévation : Il y a un certain degré de
hauteur et un certain degré de bassesse que le
mercure n'outre-passe presque jamais. (Pasc.)
Il V. en ce sens propre.
— Défaut de noblesse, d'élévation dans Io
rang, la position ou la naissance : // entre a
Borne avec un cortège où il semble triompher
de la bassesse et de la pauvreté de son père.
(La Bruy.) Le Seigneur..:., daigne jeter les
3é4
bas
yeux sur la bassesse de sa servante, la choi-
sir, la combler de dons et de grâces. (Mass.)
Le plaisir de se montrer dans tout l'éclat de sa
haute fortune, aux yeux de ceux qui avaient vu
sa bassesse, eut la ptus grande part à ses ré-
solutions. (Mérimée.)
Votre grand Marius naquit dans la bassesse.
Corneille.
J'ai, comme toi, vécu dans la bassesse.
Et c'est le sort des trois quarts des humains.
Voltaire. I
— Fig. Petitesse d'esprit, défaut d'éléva-
tion morale, de grandeur, de dignité : Une '
âme pleine de bassesse. La bassesse des ca- .
iomnialeurs. Le goût des minuties annonce la
petitesse du génie ou la bassesse de l'âme. (De
Retz.) L'homme est rempli de bassesse et de
vanité. (Pasc.) L'orgueil, dans toute condition,
est un signe de bassesse. (Goldoni.) Les cour-
tisans ont avec une reine un genre de dassesse ,
qui tient de la galanterie. (M""* de Staèi.)
L'avarice est la première preuve de la bassesse
de l'Unie. (Mme de Puizieux.) C'est la bassesse
qui produit d'abord la tyrannie, et, par une
juste réaction, la tyrannie prolonge ensuite la
bassesse. (Chateaub.) Les aumônes prodiguées
sans discernement sont des primes offertes à la
fainéantise et à la bassesse. (Droz.) L'arro-
gance des manières n'est souvent que le masque
de la bassesse. (Osc Bacchi.) L'esclavage pro-
duit la bassesse, qui exclut la vraie politesse.
(De Custine.) La bassesse est pour l'âme une
sorte de suicide. (E. Saisset.) L'injure ne fait
réellement de tort qu'à celui dont il découvre
l'absence d'éducation, le mangue d'esprit ou la
bassesse de cœur. (E. do Gir.)
En vain l'esprit est plein d'une noble vigueur :
Le vers se sent toujours des bassesses du cœur.
Boileau.
Telle est de l'homme vil l'ordinaire bassesse :
11 se plaint par envie et se tait par faiblesse.
Fkéville.
On peut à la jeunesse
Pardonner une erreur, jamais une bassesse.
Delaville.
Cette alticre sagesse
N'attend qu'un crime heureux pour montrer sa
[bassesse.
Gresset.
Un cœur noble ne peut soupçonner en autrui
La bassesse et la milice
Qu'il ne sent point en lui.
Racine.
Mais fussiez-vous issu d'Hercule en droite ligne,
Si vous ne faites voir qu'une bassesse indigne,
Ce long amas d'aïeux que vous diffamez tous
Sont autant de témoins qui parlent contre vous.
Boit. EAU.
[| Action basse, vile, sans dignité : Faire des
bassesses. Les grâces ne valent souvent pas les
BASSESSES qu'on est obligé de faire pour tes
obtenir. (Max. orient.) Un favori qui a de l'é-
lévation se trouve souvent confus et déconcerté
par les bassesses et les flatteries de ceux qui
s'attachent â lui. (La Bruy.) Il n'y avait point
de bassesses que les rois ne fissent pour obte-
nir le titre d'alliés des Romains. (Montcsq.)
On fuit la gloire d'une belle action comme on
devrait fuir l'infamie d'une bassesse. (Mass.)
Les hommes corrompus sont toujours prêts à
toute sorte de bassesses. (Fén.) Ceux qui par-
viennent par des bassesses ont à rendre tous
les mépris qu'ils ont reçus. (Volney.) Quicon-
que commet une bassesse doit se mépriser.
(Volt.)
Le maître qui prit soin d'instruire ma jeunesse
Ne m'a jamais appris ù iaire une bassesse.
Corneille.
La plupart, indigents au milieu des richesses,
Achètent l'abondance à force de bassesses.
Gilbert.
Il ne fermerait pas sa porte a, la richesse.
Mais n'en voudrait jamais au prix d'une bassesse.
Ponsard.
Il Faiblesse, défaut de vigueur : Ce n'est pas
là ce que l'Apôtre appelle, la douceur du zèle ;
c'est plutôt une bassesse de courage que rien
ne réveille et n'élève. (Mass.) il Individus qui
ont de la bassesse : La bassesse traite la gran-
deur de fierté et d'arrogance. (*") L'épitre dé-
dicatoire n'a été souvent présentée que par la
bassesse à la vanité dédaigneuse. (Volt.)
— Pop. Faire des bassesses, Hyperbole co-
mique dont on se sert pour exprimer qu'on
est décidé à tout entreprendre pour satisfaire
un goût: Si j'aime le melon t Je ferais des
bassesses pour en manger.
— Dans le style religieux , Abaissement
volontaire, humilité. Se prend alors en bonne
part : Tant que Jésus-Christ a vu devant soi
quelque nouvelle bassesse, il n'a cessé de des-
cendre. (Boss.) L'Eglise, corps mystique de
Dieu, devait être une image de sa bassesse, et
porter sur elle la marque de son anéantisse-
ment volontaire, (Boss.) Il n'appartient qu'à
Dieu de nous parler de ses grandeurs, il. n ap-
partient qu'à Dieu de nous parler de ses bas-
sesses. (Boss.) Il est ridicule de se scandaliser
de la bassesse de Jésus-Christ. (Pasc.) Il faut
des mouvements de bassesse, non d'une bas-
sesse de nature, mais de pénitence, non pour
y demeurer, mais pour aller à la grandeur.
(rase.) il Indignité, état très-inférieur, au
point de vue dos mérites ou de la puissance :
L'humilité est le sentiment de notre bassesse
devant Dieu. (Vauvcn.)
— Littér. et b.-arts. Trivialité, défaut de
noblesse : La dassesse d'une expression. La
bassesse du style, des pensées. La difficulté
n'est pas d'éviter la bassesse dans le genre
héroïque, mais dans le familier, gui touche au
BAS
populaire, et qui doit être naturel sans être
jamais trivial. (Marmontel.)
Quoi que vous écriviez, évitez la bassesse;
Le style le moins noble a pourtant sa noblesse.
BoileaO.
Intérêt, vérité, naturel sans bassesse,
Voila, pour le public, les litres de noblesse.
C. Delavione.
— Antonymes.
noblesse.
Fierté , grandeur d'âme ,
BASSE-SYRIE, nom donné par quelques au-
teurs à la partie de la Syrie comprise entre le
Liban et 1 Anti-Liban, et appelée aussi Syrie-
Creuse ou Célcsyrie. Pour plus de détails ,
v. ce dernier mot.
BASSET s. m. (ba-sc — dim. de bas, adj.).
Race de chiens a poil ras, à jambes très-
courtes, quelquefois torses : Les bassets ont
un corps allongé, porté sur de petites jambes.
(Mérimée.) Le basset de bonne souche est plein
d'excellentes qualités ; je le respecte; il chasse
généralement tout ce que les grands chiens ne
chassent pas, (Toussencl.)
— Fam. Petit homme à jambes très-cour-
tés : Vous n'êtes pas un géant, mais vous n'êtes
pas un basset.
Le comte de Bienville est un basset fort mince.
Destoucues.
Il Le fém. bassette peut être employé en ce
sens.
— Adjectiv. : M. de Brissac avait infiniment
d'esprit, avec une figure de plat apothicaire,
grasset, basset et fort enluminé. (St-Sim.)
— Mus. Cor de basset, Clarinette recourbée,
qui donne des sons plus graves que la cla-
rinette ordinaire.
— Bot. Nom donné à certains champignons,
notamment à des agarics à pédicule court.
— Encycl. On distingue plusieurs sortes de
chiens bassets : 1° La basset à jambes droites ou
basset proprement dit. Ce chien a les oreilles
et la tête comme le chien courant, mais le
museau et le corps tout entier paraissent beau-
coup plus allongés. Le pelage est ras , ordi-
nairement brun ou noir ; dans ce dernier cas ,
il est marqué de taches de feu autour des yeux
et sur les quatre pattes. Il y a une sous-ra-
riété à pelage plus long, un peu hérissé. 2" Le
basset à jambes torses. Il diffère du précédent
par sa taille plus petite et ses jambes de de-
vant contrefaites et tordues. 3° Le basset de
Burgos. Il a également les jambes torses ;
mais il se distingue du précédent par ses
oreilles plus grandes, plus pendantes; son
museau plus fin , plus allongé ; ses formes
moins lourdes , et son pelage ordinairement
d'un fauve gris de souris et très-ras. Ce chien
est excellent pour la chasse du levraut. 4a Le
basset de Saint-Domingue. Comme le basset de
Burgos , c'est une variété du basset à jambes
torses. Sa tête est très-grosso, son museau
effilé; ses oreilles sont petites, larges, à demi
pendantes. Il a les yeux bleus , la queue lon-
gue et relevée , le pelage ras , lisse , noir en
dessus, blanc en dessous, variant assez rare-
ment du noir au fauve ou au tacheté. Ce bas-
set est élevé avec beaucoup de soin dans les
Antilles , où il fait une guerre acharnée aux
innombrables légions de rats qui dévastent les
plantations de cannes à. sucre.
Les bassets ont a peu près le même carac-
tère et les mêmes mœurs que le chien cou-
rant ; ils sont très- ardents à la chasse, où on les
emploie, soit à courir le renard, le lapin et le
lièvre , soit a. attaquer le blaireau et le renard
dans le fond de leurs terriers. Us chassent en
donnant de la voix; mais , comme ils ne sont
pas agiles, le gibier fuit avec moins de vitesse,
ce qui donne plus de facilité pour le tirer.
Les bassets de bonne race n'ont pas besoin
de beaucoup d'instruction ; cependant on peut
développer leurs heureuses dispositions par
les procédés suivants. Lorsqu'on les destine à
la chasse à courre ou à l'arrêt, on les dresse
à peu près de la même façon que les chiens
courants et les chiens d'arrêt proprement dits.
Si l'on veut s'en servir pour forcer le renard
dans son terrier, il faut les instruire dès l'âge
de huit ou neuf mois. On leur apprend d'abord
à marcher couplés , et on les dresse à l'obéis-
sance. Ensuite, -pour leur donner le sentiment
du renard , on les accoutume à en manger la
ehair , ce qui exige quelques précautions , at-
tendu qu'elle ne leur plaît que médiocrement.
On la leur donne donc d'abord cuite et assai-
sonnée , puis on diminue peu à peu la cuisson
et l'assaisonnement, jusqu'à ce qu'ils ne refu-
sent pas de la mapger encore chaude et sai-
gnante. Cinq ou six semaines suffisent ordi-
nairement pour obtenir ce résultat.
Lorsque les jeunes bassets sont bien accou-
tumés a l'odeur du renard, on les met aux
prises avec des renardeaux, que l'on s'est pro-
curés. Si ce premier essai réussit, on en tente
un autre plus décisif. Cette fois, il s'agit d'ac-
coutumer le basset b. pénétrer dans le terrier
du renard. Pour cela, on choisit un terrier où
il y a des renardeaux , dont on a soin de tuer
la mère à l'affût. On y conduit les jeunes chiens,
accompagnés d'un vieux basset bien dressé, que
l'on fait entrer le premier. Les bassets, quel on
tient en laisse , le regardent attentivement et
témoignent bientôt l'envie de le suivre. Alors
on retire le vieux ehien et on laisse l'un des
jeunes bassets s'engager dans le terrier. S'il y
pénétre hardiment et ramène au dehors un
renardeau, il faut le- lui laisser étrangler et
abandonner à la meute toutes les parties inter-
BAS
nés de l'animal. A ce point, l'éducation des
bassets est à peu près terminée, il ne reste plus
qu'à les conduire, avec d'autres chiens, à une
chasse plus sérieuse. Quelquefois cependant,
les choses se passent bien différemment. Le
jeune basset que l'on dresse s'effraye tout ù
coup et refuse d'entrer dans le terrier. Dans
ce cas, la contrainte suffirait pour lui inspirer
un dégoût insurmontable ; il est bon d'atten-
dre une autre occasion. On peut encore, lors-
qu'on entend le vieux chien redoubler de voix,
opérer une percée au terrier et amener le bas-
set à pénétrer par cette ouverture, oudu moins
a lui faire donner de la voix. S'il obéit, l'édu-
cation est a peu près terminée , et l'on peut
espérer qu'il se montrera plus hardi'lors d une
prochaine tentative.
Lorsque le jeune basset est suffisamment
dressé à la chasse au renard , on commence à.
lui faire chasser le blaireau, avee le vieux
chien qui lui sert de guide. Quant aux lièvres
et aux lapins , les bassets les chassent pour
ainsi dire d'instinct; il suffit de leur donner à
manger de la chair de ces animaux, et de les
conduire de temps en temps dans les endroits
qu'ils fréquentent. Après un essai ou deux, ils
chasseront avec toute l'intelligence désirable.
BASSET (Pierre), historien anglais, né au
xve siècle. Chambellan du roi Henri V, il ac-
compagna en France ce souverain , dont il a
laissé une histoire intitulée : Les actions du roi
I/enri V. Cet ouvrage est en manuscrit dans
la bibliothèque du Collège héraldique.
BASSET (César-Auguste), littérateur fran-
çais , né à Soissons en 1760 , mort à Paris
en 1828. Entré dans l'ordre des bénédictins, il
professait la littérature à Sorèze en 1791 ,
lorsqu'il jugea prudent d'émigrer. De retour
en France en 1801, il entra dans l'université à
l'époque de son organisation, et devint censeur
du collège Charleinagne, puis sous-directeur
de l'Ecole normale. Propagateur ardent de )a
méthode d'enseignement mutuel, il a laissé un
certain nombre d'ouvrages estimés , traitant
tous de l'organisation de l'instruction publique,
particulièrement des. écoles primaires et gra-
tuites d'adultes, qu'il fut un des premiers à
réclamer pour les ouvriers. Ses principaux
ouvrages sont -.Essai sur l'éducation et sur l'or-
ganisation de quelques parties de l'instruction
publique (Paris , 1811); Coup d'ail général sur
l'éducation et l'instruction publique en France,
avant, pendant et depuis la Révolution (1810);
Explication morale des proverbes populaires
(1820) ; Etablissement et direction des écoles
primaires et gratuites d'adultes (1828).
BASSET DE LA MARELLE (Louis), juriscon-
sulte français, né à Lyon en 1730, mort à Pa-
ris en 1794. Successivement conseiller du par-
lement de Paris, puis président au grand con-
seil, ce magistrat fut l'un des adversaires les
plus acharnés de la Révolution. Il s'opposa de
toutes ses forces aux changements qu'elle in-
troduisit; aussi, dénoncé, aux jacobins, se
vit-il arrêté et conduit au Luxembourg, où
l'on parut l'oublier. Mais , ayant pris part à
une conspiration de prisonniers, il fut traduit
devant le tribunal révolutionnaire , condamné
à mort et exécuté, vingt jours avant la chute
do Robespierre. Il a publié un ouvrage inti-
tulé : La différence du patriotisme national
chez les Français et chez les Anglais (Lyon ,
1762, in-8o).
BASSE-TAILLE s. f. Mus. Partie immé-
diatement au-dessus de la basse la plus grave,
et plus souvent appelée aujourd'hui première
basse : Vous chanteriez ta basse aussi bien que
la basse-taille. Cet homme chantait les airs
de basse-taille , et avait d'énormes préten-
tions en musique. (Balz.) il Voix propre à exé-
cuter une partie de basse-taille : Une forte
basse-taille. L'effet de ces chœurs aux mil-
liers de voix est vraiment surprenant pour nous
autres Français, accoutumésà l'uniforme basse-
taille des chantres ou à l'aigre fausset des
dévotes. (Gér. de Nerv.) u Chanteur qui a une
voix de basse-taille : Faites-vous chanter par
quelque basse -taille le Sunt rosœ mundi
brèves de Carissimi. (Volt.) Les magiciens, les
tyrans , les amants haïs sont pour l'ordinaire
des basses-tailles, (Millin.)
— Par anal. Son quelconque imitant une
voix de basse-taille : A l'instant même, l'éco-
lier se mit à ronfler avec une basse-taille
magnifique. (V. Hugo.)
— Antonyme. Haute-contre.
— Encycl. V. Baryton.
basse -taille s. f. Sculpt. Bas -relief.
Il Vieux mot.
basseté s. f. (ba-se-té — rad. bas, adj.).
Bassesse, il V. ce mot.
BAssetement adv. (ba-se-tc-man — rad,
bas). A voix basse : Puis li a dit bassete-
ment... |] V. ce mot.
BASSE-TERRE, ville des Antilles françaises,
ch.-l. de la colonie de la Guadeloupe, sur la
côte S.-O. de l'île, à 8 kil. S.-O. de la Sou-
frière, à l'embouchure de la Rivière-aux-
Ilerbes, par 15° 59' de latitude N, et 60" i' de
longitude O. ; 9,245 hab. Siège du gouverne-
ment de la colonie; évêché, cour d'appel,
tribunaux de l" instance et de commerce. Sa
rade, protégée par le fort Riehepanse et par
plusieurs batteries, offre un ancrage assez bon
mais exposé aux vents régnants. Cette ville,
fondée en 1035, est très-agréablement située;
elle possède de belles promenades, de nom-
BAS
breuses fontaines publiques, Un arsenal, un
palais de justice, un bel et vaste hôpital; un
des plus beaux édifices est l'hôtel du Gouver-
nement. Il Ville des Antilles anglaises, ch.-l. do
l'île ds Saint-Christophe, sur la cote S.-O.;
8,000 hab. Commerce très-actif de sucre, coton
et gingembre. ,
basse-trompette s. f. Mus. Instrument
do basse à vent, très-réduit en longueur, ot
n'ayant guère que o m. 26 c.
BASSETTE s. f, (ba-sè-te — do l'ital. bas-
setta, même sens). Jeu de cartes, anatoguo
au pharaon ou au lansquenet : La bassette
fut introduite en France en 1674 ou 1G75, par
Justiniani, ambassadeur de la république de Ve-
nise. (*") Il passe sa vie à tailler la bassette.
(Boss.) La bassette m'a fait peur ; c'est un jeu
traître et empêtrant. (Mme de Sév.) Af. le
marquis de Bêthune est plongé dans les fureurs
de la bassette. (Chaulieu.) La bassette régna
plus de trente ans sans contestation. (P. Boi-
tcau.) Hocca, fiorentini, bassette, pharaon, '
tous issus du lansquenet, tous frères, tous per-
nicieux, tous en vogue : la même peste sous
divers noms. (P. Boiteau.) Plumez quelques
jeunes clercs, en leur apprenant la bassette
et le lansquenet, dans leurs plus fines pratiques.
(Alex. Dum.)
D'un tournoi de bassette ordonner les apprêts.
Boileau.
— Encycl. La bassette se jouait entre un
banquier et des pontes, qui étaient ordinaire-
ment au nombre de quatre. On s'y servait do
deux jeux entiers, un pour les pontes et l'autre
pour le banquier. Du premier jeu, chaque
ponte prenait treize cartes d'une couleur, ce
qu'on appelait un livre, puis en abattait une
ou plusieurs, à son choix, sur lesquelles il
couchait, c'est-à-dire mettait son enjeu. Le
banquier, après avoir battu son jeu, en tirait
les cartes deux à deux jusqu'à épuisement, en
ayant soin de les poser à découvert sur le
tapis. La première de chaque couple était pour
lui, et la seconde pour les pontes. Si cette pre-
mière carte était semblable à l'une de celles
sur lesquelles on avait couché , le banquier
gagnait tout ce qui avait été couché sur cette
carte. Si, au contraire, la seconde carte était
cette carte semblable , le banquier perdait.
Quand le banquier faisait un doublet, c'est-
à-dire quand il tirait deux cartes semblables,
comme deux rois, deux as, etc., le banquier
gagnait les mises exposées sur' les cartes ainsi
arrivées en doublet. Comme on le voit , la
bassette ressemblait beaucoup au pharaon et
au lansquenet, et, comme ces derniers, pou-
vait devenir, entre des mains habiles, nro
source d'adroites friponneries.
BASSETTI (Marc-Antoine), peintre italien,
né a Vérone en 1588, mort en 1630. Elève du
Bruciasorci, il se rendit à Venise, où il se
perfectionna dans son art en étudiant les
chefs-d'œuvre du Titien et du Tintoret, et il
devint, depuis cette époque, un des représen-
tants de cette brillante école vénitienne à
laquelle il emprunta son chaud coloris, tout
en conservant un dessin pur et grandiose.
Après avoir passé quelques années a Rome, il
revint dans sa ville natale, où il mourut à
quarante-deux ans, emporté par la peste. Tant
que dura cette terrible épidémie, et jusqu'au
moment où il en fut atteint, Bassetti ne cessa
de donner à ses concitoyens l'exemple du dé-
vouement «t du vrai courage, restant exposé
aux coups du fléau pour soigner les pestiférés.
Parmi ses œuvres, on regarde comme digne
du Titien le tableau qui représente Cinq
Evêques, et qui se trouve à l'église Saint-
Etienne de Vérone. On cite également ses
fresques de la Naissance et de la Circoncision
de Jésus-Christ dans l'église Santa-Maria dell'
Anima, à Rome,
BASSE-TUBE s. f. (de l'adj. bas et du lat.
tuba, trompette). Mus. Instrument de cuivre
qui dérive du bombardon, et pourvu d'un mé-
canisme de cinq cylindres, perfectionné par
Wibrecht, chef des musiques militaires du
roi de Prusse, et par le facteur Sax. il PI. des
basses-tubes, il On dit aussi basse-tuba, basse-
tur.be et basse-tvjrba.
— Encycl. Le timbre de la basse-tube est
plus grandiose et plus majestueux" que celui
de l'ophicléide , et se rapproche un peu du
timbre des trombones. L'étendue de cet in-
strument, au grave, est seulement égalée par
l'orgue ; c'est la plus, grande qui existe à l'or-
chestre. Elle comprend quatre octaves, depuis
le la deux octaves au-dessous des lignes, clef
de fa (quinte inférieure réelle du mi grave de
la contre-basse à quatre cordes), jusqu'au la
du ténor, une octave au-dessus des lignes de
la même clef. Impropre aux traits d'agilité, la
basse-tube, dont la sonorité participe S la fois
du trombone et de l'orgue , produit un im-
mense effet dans les grandes harmonies mili-
taires.
BASSEUR s. t. (ba-sour — rad. bas, adj.).
Mot employé par Marot comme syn. de bas-
sesse, manquo de prix, do valeur.
basse -vergue s. f. Mar. Vergue des
bas-mâts. Il PI. des basses-vergues.
B.ASSEV1LLE, diplomate français. V. Bass-
ville.
BASSE-VOILE s. f. Mar. Nom donné aux
voiles des bas-mâts : Il est des voiles plus
basses que celles appelées basses- voiles, et qui
ne sont pas qualifiées de basses. (Lecomte.)
BASSI (Hugues Visconti des), seigneur
BAS
sarde, qui vivait au xive siècle et qui était
originaire de Pise. Bien que bâtard, Bassi de-
vint héritier des seigneuries d'Arborea et
d'Oristagni, en Sardaigne; mais la république
de Pise ne consentit à lui donner l'investiture
de ces suzerainetés, qui comprenaient un bon
tiers de l'île, qu'après avoir reçu une somme
de 10,000 florins. Des Bassi paya, mais voua
à la république une haine mortelle, et résolut,
pour en tirer une vengeance éclatante, de
livrer la Sardaigne au roi d'Aragon. Il fit par-
tager ses projets aux Malaspina et aux Doria,
et appela les Aragonais. En même temps, pour
frapper plus sûrement ses ennemis, il dénonça
aux Pisans les projets d'envahissement de
Jacques II d'Aragon, et leur demanda des
secours pour le repousser. Ayant reçu des
troupes de Pise.il les dissémina, et, le il avril
1323, il les fit massacrer ainsi que tous les
marchands et les voyageurs pisans qui se
trouvaient en Sardaigne, puis il ouvrit tous
les ports aux flottes du roi d'Aragon . Pourtant
il fallut encore trois ans à celui-ci pour achever
sa conquête, qui lui fut définitivement cédée
par un traité en 1327.
BASSI (Martino), architecte italien du
xvie siècle. Il fut un des architectes de la ca-
thédrale de Milan, en même temps que Pelle-
grini. Celui-ci ayant voulu qu'on abandonnât
le style ogival , jusqu'alors adopté dans la
construction de ce monument, pour élever un
portail de style grec, Bassi protesta et fit
appel au jugement de Palladio, de Bertano et
du célèbre Vasari, qu'il n'eut pas de peine à
convaincre : les juges donnèrent tort a Pelle-
i^rini. Bassi a laissé : Dispareri in materia
d'architettura e perspettiva (Brescia, 1572,
in-i°).
BASSI (Giovanni-Mario), sculpteur italien,
né h Bologne, où il florissait vers 1710. Il
étudia son art dans l'atelier de Gabriele Bru-
nelli, et composa un grand nombre d'œuvres,
qu'on voit pour la plupart dans sa ville natale.
On cite parmi les meilleures : la Foi et \a.Charitd,
à la confrérie des Anges; la Sainte Famille, en
terre cuite, à l'église Saint-Biaise; un Saint
Antoine abbé; enfin plusieurs bustes ou mé-
daillons de cardinaux et de papes, que l'on
voit au dortoir du couvent de Saint-François.
BASSI (Ferdinand), naturaliste italien, né à
Bologne, mort en 1774. Il fut médecin, pro-
fesseur de botanique, et membre de l'institut
de sa ville natale. En mourant, il laissa à cet
institut sa bibliothèque, ainsi que les collec-
tions d'histoire naturelle qu'il avait recueillies
dans ses voyages scientifiques. Il est l'auteur
d'une dissertation sur l'histoire naturelle du
mont Porretane^ intitulée Délie terme Por- .
rctane (1767), et de plusieurs mémoires,
notamment Iter ad Alpes (Apenninas), etc.,
insérés dans la collection de 1 institut de Bo-
logne. Il consacra à la mémoire des deux
frères Ambrosini, sous le nom i'AmbrOsinia,
un genre de plantes mal observé par Boccone-
et dont il avait pu suivre la floraison. Linné
rendit à Bassi le même honneur, en donnant
à un genre d'arbres, de la côte de Malabar, le
nom de bassia.
BASSI ( Laure - Marie - Catherine ), savante
italienne, née à Bologne en 1711, morte en
177S. Filie d'un docteur en droit, elle montra
de bonne heure le goût le plus vif pour l'é-
tude, et elle acquit en peu d'années une ins-
truction telle , qu'à l'âge de vingt ans , en
présence des cardinaux Lambertini et Gri-
maldi, elle soutint en langue latine, avec le
plus grand éclat, une thèse de philosophie,
qui lui fit conférer le titre de docteur et lui
valut d'être agrégée au collège de philoso-
phie. Le succès extraordinaire qu'elle avait
obtenu dans cette séance mémorable, où elle
avait argumenté avec sept professeurs célè-
bres, rendit aussitôt son nom fameux en Ita-
lie. Tous les poètes contemporains la célébrè-
rent à l'envi, et elle fut appelée, en 1733, à
occuper une chaire de philosophie dans sa
ville natale. Elle étudia alors l'algèbre, la
géométrie et surtout la physique , pour la-
quelle elle montra la plus grande aptitude, et
qu'elle enseigna à partir de 1745; enfin elle
se fit remarquer par sa connaissance appro-
fondie des langues latine, grecque, française
et italienne, et fut membre de plusieurs aca-
démies, particulièrement de celle Detjli Ar-
eadi. Cette femme remarquable avait épousé
en 1738 un docteur en médecine, Veratti,
dont elle eut plusieurs enfants. Quoique fort
savante, elle sut rester modeste et exempte
de tout pédantisme, charitable et bonne. Les
. nombreux savants qui étaient en relation
avec elle n'admiraient pas moins son carac-
tère que sa vaste érudition. L'un d'eux, qui la
visita, a tracé son portrait, dont nous extrai-
rons ces lignes. > Elle a le visage tant soit
peu picoté, doux, sérieux et modeste; des
yeux noirs et vifs, mais fermes et composés
sans affectation ou vanité apparente; la mé-
moire heureuse, le jugement solide et l'ima-
gination prompte. Elle me parla couramment
en latin pendant une heure, avec grâce et net-
teté. » Catherine Bassi n'a publié aucun ou-
vrage. Deux recueils de vers en son honneur
ont paru à Bologne en 1733.
BASSI (Louis), célèbre chanteur italien, né
à Pesaro en 176G, mort a Vicence en 1825.
Il eut pour professeurs de chant Pietro Mo-
randi, élève de Martini, et Pierre Laschi.
A treize ans, il chantait avec succès les rôles
de femme dans les opéras bouffes. Bassi n'a-
. vait pas encore dix-neuf ans quand il débuta
BAS
à Prague, où il fut fort applaudi, particulière-
ment dans II Ile Teodoro et II Barbiere de
Paesiello, et dans la Cosa rara de Martini.
C'est pour Bassi que Mozart écrivit les rôles
de Don Juan et du comte Almaviva des Nozze
di Figaro. On raconte que, pendant les répé-
titions de Don Juan, Bassi pria plusieurs fois
Mozart de lui changer le rondeau fin che d'al
vino, dont il doutait. Attendez la représenta-
tion, aurait répliqué Mozart, si le rondeau n'est
pas applaudi, je vous en écrirai un autre; non-
seulement le rondeau plut, il fut même bissé.
Par ses créations de don Giovanni et d'Alma-
viva, Bassi charma l'Allemagne pendant de
longues années. Des changements politiques
amenés par l'invasion française ayant fait
fermer le théâtre de Prague, Bassi, inconnu
en Italie, et sans espoir de fortune dans sa
patrie, trouva un refuge chez le prince Lob-
kowitz, qui l'accueillit chez lui. Contraint par
la ruine de Lobkowitz de quitter cette maison,
il alla en 1815 donner des représentations a
Dresde, où, en compensation d'une réussite
douteuse, on lui offrit les fonctions de régis-
seur du théâtre italien, fonctions qu'il garda
jusqu'il sa mort.
BASSI (Nicolas), chanteur bouffe italien,
né à Naples en 1767, mort en 1825. Cet ex-
cellent chanteur fut presque constamment en-
gagé au théâtre de Milan, dont il resta l'idole
pendant plus de vingt-cinq ans. En 1S0S, il
vint à Paris, où sa belle voix de basse-taille
fut fort applaudie , et où il 'créa avec succès
le Marco Antonio de Pavesi. On lui doit la
composition de quelques ariettes italiennes,
qu'il interprétait lui-même. — Un autre artiste
du même nom, Bassi (Vincent), se fit remar-
quer également comme basse chantante sur
les scènes italiennes de 1827 à 1842.
BASSI (Caroline) , cantatrice napolitaine,
née en 1780. Elle débuta à Naples en 1798,
puis se fit entendre dans les principales villes
d'Italie, qui lui firent de magnifiques ovations.
Au carnaval de 1820, elle créa, avecMme Cam-
poresi, l'opéra Dianca et Fernando de Rossini;
mais alors sa voix avait perdu son éclat et,
peu de temps après, elle quitta le théâtre.
Une autre cantatrice du nom de Caroline Bassi
chantait à Milan, sa ville natale, en 1813 et
1814. On l'appelait la Milanaise, pour la dis-
tinguer de la cantatrice napolitaine.
BASSI (Joseph, en religion le père Ugo),
prêtre et patriote italien, né à Cento (Roma-
gne) en 1801, mort en 1849. D'une nature ar-
dente, exaltée par une éducation toute reli-
gieuse, il entra de bonne heure dans l'ordre
des barnabites, et, a partir de 1833, il s'a-
donna entièrement à la prédication. La cha-
leur de sa parole et son enthousiasme pour
la liberté ne tardèrent pas a le rendre célèbre.
Pendant plusieurs années, il prêcha successi-
vement dans les principales villes de l'Italie,
acclamé par les populations et redouté des
gouvernements. Expulsé des Etats-Romains
et de Naples, il se réfugia en Sicile, et ne re-
vint k Bologne qu'en 1846, pour saluer un des
premiers l'avènement de Pie IX, comme une
ère de libération. Dès lors, le père Ugo fut le
Pierre l'Ermite de la croisade italienne. De,
nouveau expulsé de Bologne, il fut bien ac-
cueilli par Charles-Albert et par Pie IX. Il
prêchait àAncône le carême de 1848, lorsque
le fameux père Gavazzi, passant dans cette
ville avec ses volontaires, l'entraîna avec
lui, et, le 23 avril, ils firent ensemble une
entrée triomphale à Bologne. Le lendemain,
jour de Pâques, ils prêchèrent ensemble la
croisade contre l'Autriche, au milieu d'un en-
thousiasme incroyable. Entré dans la Vénétie
avec les légions romaines, Bassi prit part à
la défense de Trévise, et y reçut trois bles-
sures, dont une très-grave. Transporté à Ve-
nise, il attendit à peine sa guérison pour se
distinguer de nouveau; il commanda une co-
lonne dans la sortie de Mestre exécutée par
le général Pepe, et y fit un grand nombre de
prisonniers. Plus tard, il alla rejoindre la lé-
gion de Garibaldi à Rieti (3 mars 1849). Il fut
dès lors l'inséparable ami de l'Achille italien,
qui a écrit lui-même, sur la part prise par
BasSi à, la défense de Rome contre l'armée
française, les détails suivants : « Aumônieren
chef de l'armée romaine, Bassi servit comme
simple soldat. Il assistait aux combats sans
armes, monté sur un cheval fougueux, tou-
jours au plus fort de la mêlée, encourageant
les soldats de la voix. Son premier soin était
le transport des blessés, qu'il opérait lui-même.
C'est pour être resté auprès d'un blessé que,
le 30 avril, il fut fait prisonnier par les Fran-
çais. Sa poitrine portait d'honorables ci-
catrices, et ses habits étaient troués par les
balles. Il a été mon aide de camp dans plu-
sieurs affaires, et il demandait toujours les
missions les plus périlleuses Sa parole en-
traînait partout les populations ; il n'hésita
pas a m'accompagner dans notre dernier effort,
lorsque tout espoir de défendre la ville éter-
nelle se fut évanoui... La mort avait éclairci
nos rangs... Nous montâmes dans la même
barque avec Anna (femme de Garibaldi) a
Cesenatico, où la fortune nous sourit pour la
dernière fois... Nous débarquâmes ensemble
dans laMesola; là, il voulut nous quitter pour
changer son pantalon rouge contre d'autres
vêtements moins compromettants. Je soute-
nais ma compagne épuisée, enceinte , mou-
rante, sans une goutte d'eau pour calmer sa
soif. Bassi partit : il marchait à la mort... »
Arrêté à Comacchioavee le comte Livraghi,
BAS
capitaine garibaldien, Bassi fut conduit à Bo-
logne au milieu des outrages des prêtres et
des Autrichiens. Neuf prêtres signèrent, avec
le conseil de guerre autrichien, sa condamna-
tion à mort. Le lendemain, 9 juillet 1849,
Bassi et Livraghi étaient fusillés.
BASS1ANA, ville de l'ancienne Pannonie su-
périeure, au N.-E. de Sabaria; le village
hongrois de Dobrinecz s'élève sur l'emplace-
ment de Uaneienne ville romaine.
BASSIAM (Jean), jurisconsulte italien, né à
Crémone vers la fin du xhc siècle, vécut, au
rapport d'Odefrède.plus de cent ans. On a de
lui plusieurs ouvrages de jurisprudence, no-
tamment une Somme, remarquable par la lu-
cidité avec laquelle il expose les matières de
droit. Savigny donne la liste de ses ouvrages
dans son Histoire du droit romain au moyen
âge.
BASSIANO (Landi), nommé communément
Bassianus Landus, célèbre médecin de Plai-
sance, mort assassiné en 1562. On a de lui :
De Humana historia (Bâle, 1542, in-4<>); De
incremenlo UbeUus (Venise, 1556, in-8°) ; la-
trologia, etc. (Bâle, 1543, in-4°).
bassiate s. m. (ba-si-a-te — rad. bassie).
Chim. Sel fourni par la combinaison de l'acide
bassique avec une base : L'acide bassique forme,
avec les bases, des bassiates, qui sont de vrais
savons. (Orfila.)
bassjgot s. m. (ba-si-ko). Caisse de bois
dans laquelle on enlève de la carrière les
blocs d'ardoise : Les blocs d'ardoise et les dé-
bris ou vidanges sont amenés à la surface du
sol dans des caisses rectangulaires dites bassi-
cots. (Laboulaye.)
BASSICOTIER s. m. (ba-si-co-tié — rad.
bassieot). Techn. Nom donné à l'ouvrier qui
a pour fonction de charger l'ardoise brute
dans les caisses ou bassicofs, au moyen des-
quelles on la monte sur le bord de la carrière.
BASSIE s. f. (ba-sî — do Bassi, n. pr.
d'homme). Bot. Genre de plantes de la fa-
mille des sapotées, propre aux Indes orien-
tales, et dont une espèce fournit ta substance
connue sous le nom de beurre de Galam.
— Moll. Genre de tuniciers, trouvé dans le
détroit de Bass, et qui n'a pas été adopté
comme genre par les zoologistes.
— Encycl. Les bassies sont des arbres à suc
laiteux, à feuilles éparses et coriaces, à fleurs
jaunes nutantes ou pendantes. On en connaît
une dizaine d'espèces, originaires de l'Asie
équatoriale , dont voici les plus remarqua-
bles : la bassie longifeuitle, cultivée au Ben-
gale et dans plusieurs autres contrées de
1 Inde, en raison de ses usages économiques.
On exprime de ses graines une huile grasse,
comestible et servant à l'éclairage; les fleurs,
qui se détachent spontanément, sont bonnes
à manger après avoir été torréfiées ; le fruit
est mangé en bouillie ; le suc laiteux de l'é-
corce passe pour un remède efficace contre
les maladies de la peau ; enfin, le bois est
aussi dur et aussi incorruptible que celui de
teck, quoique plus difficile à travailler; la
bassie latifeuille, qui ne le cède guère en uti-
lité à la précédente. Elle croît dans les parties
montagneuses du Bengale. Son bois, dur, très-
tenace, est employé pour le chsirronnage ; ses
fleurs, d'une saveur douce et vineuse, se man-
gent sans préparation et fournissent une es-
pèce de boisson alcoolique ; ses graines don-
nent aussi de l'huile; la bassie buiyracée, qui
croît au Népaul. Son bois est très-léger ; Ses
graines contiennent une substance qui, a l'état
frais, est analogue au beurre, et porte le nom
de beurre de Galam, mais qui, avec le temps,
durcit peu à peu et devient semblable au
suif. Cette substance est regardée par les
Indous comme un spécifique contre les rhu-
matismes.
BAS-SIÉGE s. m. Siège pou élevé.
' — s. m. pi. Salle d'audience ainsi appelée
parce qu'on y usait de sièges plus bas que les
sièges ordinaires : Nous nous rendîmes assidus
aux audiences qui étaient; tous les mardis et
samedis matin, aux bas-sieges. (St-Sim.)
BASSIEN s. m. (ba-si-ain). Hist. ecclés.Nom
donné aux disciples de Bassus, sectaire qui,
au ne siècle, se fondant sur cette parole du
Christ : Je suis l'alpha et l'oméga, prétendait
que toute espèce de perfection était contenue
dans la vingt-quatrième lettre de l'alphabet,
BASSIER s. m. (ba-sié — rad. basse, bas-
fond). Navig. Amas de sable qui gêne la na-
vigation sur une rivière, il Ne s'emploie guère
qu'au pluriel.
BASSIER s. m. (ba-sié — rad. basse, in-
strument) . Mus. Joueur de basse, il Pou usité ;
on dit plutôt BASSISTE.
BASSJÈRE s. f. (ba-siè-re — rad. bas, adj.).
Vallée : Il regarde en une bassiére. ii V. mot.
BASS1GNANA, bourg de l'Italie septentrio-
nale, à 12 kil. N.-E. d'Alexandrie, sur la rive
droite du Pô; 4,000 hab. Le duc Otto de
Bruns'wick et Galéas Visconti y firent un traité
de paix en 1361, connu sous le nom de traité
de Bassignana. Victoire de Moreau sur Sou-
waroff, le il mai 1799.
BASSIGNY (le), Pagus Bassiniacensis, an-
cien pays.de France, compris partie en Lor-
raine, partie en Champagne, ce qui explique
sa division en Bassigny champenois et Bassi-
gny lorrain ou Barrois. Chaumont était le chef-
lieu du premier, et Bourmont celui du second
BAS
325
Les autres lieux importants du Bassigny
étaient Vaucouleurs et Gondrecourt. Ce pays,
qui était limité au N. par le Vallage, à 1 E.
par le duché de Bar et la Franche-Comté, au
S. par cette province et la Bourgogne, à l'O.
par la Bourgogne, forme aujourd'hui les ar-
rond. de Chaumont et de Langres (Haute-
Marne), partie dé celui de Bar-sur-Auba
(Aube) et le canton de Gondrecourt (Meuse).
BASS1LAN. V. BaSiLaN.
BASSIN s. m. (ba-sairi — la racine primi-
tive de ce mot paraît être le celtique bac,
creux, cavité, jatte; ce qui semble justifier
cette origine, c'est un passage de Grégoire
de Tours, qui se sort du mot bacchinon, comme
appartenant à la langue du pays. Ce mot se
trouve, avec la même racine, dans presque
toutes les langues : bas lat., bacinus; ital.,
bacino; tud., bac, bach, bekin; ail., becken ;
suéd. , bœc/ten ; dan., beklcen ; holl. , baie,
bckken; angl., bason). Plat large et protond :
Présenter des fruits sur un bassin. Se lacer
les pieds dans un bassin. Dans la tente d'A-
chille, il y avait des bassins, des broches, des
vases. (Chateaub.) A«an( que Wauerky fut
entré dans la salle du festin, on lui présenta
un bassin pour se laver les pieds. (W. Scott.)
François Ier envoya à Raphaël mille écus dans
un bassin d'or, sans lui rien demander . (Balz.)
Deux ou trois confiseurs sont mes proches voisins;
De ce qu'ils ont de bon fais emplir deux bassins.
Bouiîsault.
— Par cxt. Lu contenu d'un bassin : Un
bassin d'eau. Un bassin de fruits.
— Plateau d'une balance : Les bassins d'une
balance.
— Plat à larges bords échancrés, pour dé-
layer le savon, lorsqu'on veut raser la barbe :
Don Quichotte se coi/fa d'un bassin de cuivre,
en guise de casque, il Vase plat, utilisé pour
faire aller un malade à la selle : Passez le
Bassin au malade.
— Plat de métal dont on se sert à l'église
pour recueillir les offrandes des fidèles.
' — Loc. fam. Cracher ait, bassin, Délier sa
bourse, payer : Voyons, voyons, crachez au
bassin. Quand ils avaient la serviette au cou,
le frater leur demandait s'ils avaient de l'ar-
gent, et qu'ils se préparassent à cracher au
bassin. (Th. Gant.) il On dit plus ordinaire-
ment CRACHER AU BASSINET.
— Archit. Pièce d'eau do forme régulière
et servant d'ornement ou de réservoir ; Le
grand bassin des Tuileries. Le bassin du mou-
lin. Un bassin d'épuration. Le plus souvent,
on ne donne aux bassins que deux ou trois
pieds de profondeur, et on les orne d'un ou plu-
sieurs jets d'eau plus ou moins décorés. (Millin.)
Un petit bassin d'eau limpide réfléchit au fond
la lueur de nos torches. (Lamart.) il Récipient
des eaux d une fontaine.
— Hortic. Trou plus ou moins large et pro-
fond, que l'on creuse au pied et à une certaine
distance d'un arbre, soit pour déterrer sa
greffe trop enfoncée dans le sol, soit pour
avoir un moyen facile do- le fumer et de l'ar-
roser : Le bassin doit avoir une largeur pro-
portionnée à l'étendue des branches ; il faut lui
donner au moins un binage par an, afin de le
débarrasser des mauvaises herbes et de le ren-
dre plus perméable à l'humidité.
— Navig. Partie d'un port spécialement
consacrée a l'ancrage des bâtiments : Ce port
est bon, mais le bassin en est petit. (Acad-) H
Partie d'un port qu'on a fermée d'écluses,
pour y retenir les vaisseaux à flot, au moment
ae la marée basse, ou pour tout autre usage,
comme pour radouber ou caréner les navi-
res : Bassin de radoub. Bassin de carénage.
Bassin de construction.
Le irranit, dans Cherbourg, effroi de nos voisins,
S'élève en bastions et se creuse en bassins.
VlENNET.
Il Partie d'un canal de navigation agrandie do
manière à pouvoir recevoir des bateaux en
station, il Espace compris, sur un cours d'eau,
entre deux constructions, comme deux ponts
ou deux écluses.
— Hydogr. Terrain occupé par une mer ou
un étang : Le bassin de ta mer Noire. Le bas-
sin de la Méditerranée. La salure des eaux
marines parait varier suivant les bassins.
(Maury.) il A été dit, par comparaison d'une
enceinte occupée par les flots de la foule : Les
ondes de cette foule, sans cesse grossies, se
heurtaient aux angles des maisons qui s'avan-
çaient cà et là, comme autant de promontoires,
'dans /(î'bassin irrégulier de la place. (V. Hugo.)
Il Ensemble des terres arrosées par les cours
d'eau qui se jettent dans une mer : Le bassin
de la mer Noire. Il Réseau formé par un cours
d'eau et l'ensemble de tous ses affluents di-
rects ou indirects : Le bassin du Ithin. On
conçoit que le bassin du Pô forme un seul
groupe politique. (Proudh.) On peut envisager
la race sémitique comme indigène, dans le bas-
sin supérieur du Tigre. (Renan.)
— Orogr. Espace de terrain compris entra
des montagnes : Le pays que j'habite est un
bassin d'environ vingt lieues, entouré de tous
côtés de montagnes. (Volt.) Il fait un temps
assez doux dans notre bassin, entre les Aipes
et le Jura. (Volt.)
— Géol. Etendue plus ou moins considéra-
ble de terrain, disposée de manière à figurer
un bassin : Liverpool, Manchester et une di-
zaine de villes de quarante à cent mille âmes,
germent, comme une végétation, sur le bassih
326
BAS
BAS
BAS
BAS
de Laneashire. (H. Tainc.) Il Terrain occupé
par des couches géologiques de mémo na-
ture : Un bassin /touiller. Il centralise beau-
coup de houille dans le nord, tout le Douclty et
le grand bassin du vieux Condé. (L. Laya.)
Dans le bassin parisien, le terrain de la mo-
lasse présente à sa base des sables quartzeux
d'un grande épaisseur. (L: Figuier.)
— Techn. Espace que les maçons entou-
rent de sable, pour y pétrir leur mortier, il
Trou creusé en terre, pour y couler du cuivro
fondu. Il Fond de fourneau à réverbère, pour
contenir du métal en fusion, il Nom donné à
divers ustensiles de raffinerie : Bassin d'em-
pli. Bassin de cuite. Bassin à clairée. il Sorte
de forme ou de moule pour les chapeaux :
Pour rafraîchir les chapeaux gui ont servi, on
les remet sur le bassin. (Trév.) n Segment do
sphère en cuivre jaune, servant aux opti-
ciens à tailler ou polir les verres de lunettes.
Il Casserole do boulanger, il Nom des creux
que présentent les glaces quand elles n'ont
pas été doucies avec tout le soin convenable.
— Astron. Nom que l'on donne quelquefois
aux deux grandes étoiles de la constellation
de la Balance.
— Art divinat. Bassin magique, Bassin à
l'usage de certains sorciers.
— Hist. ecclés. Cloche que l'on sonne à
Rome lorsque le pape lance une excommuni-
cation.
— Coût. anc. Vente au bassin, Vente aux
enchères, autrefois usitée à Amsterdam, et
dans laquelle on frappait quelques coups sur
un bassin de cuivre, pour avertir les concur-
rents que l'on allait adjuger, à défaut d'offre
supérieure-immédiate.
— Chir. Bassin oculaire, Petit vase sembla-
blo à un coquetier, sauf qu'il est de forme
ovale, dans lequel on prend des bains d'yeux.
— Anat. Partie du squelette des animaux
vertébrés, qui existe chez la plupart de ceux
qui sont pourvus de membres inférieurs et
qui, situé à l'extrémité de la colonne verté-
brale, sert d'attache aux membres inférieurs :
Le bassin sert d'attache fixe aux muscles de
l'épine, du bas-ventre et des cuisses, et sup-
porte, dans l'homme, la masse des viscères et
de l'abdomen, et, dans la femme, la matrice et
le fœtus. (Cuvier.)
— Encycl. Hydrog. Quand, aux premiers
temps de sa formation, notre planète roulait
incandescente dans l'espace, elle prit, sous la
pression des lois de la gravitation universelle,
lu. forme sphéroïdale qui lui est propre ; un
refroidissement général concréta successive-
ment les différentes couches minérales exté-
rieures, et cette cristallisation homogène offrit
une surface unie sur laquelle purent se con-
denser les eaux jusqu'alors suspendues dans
l'atmosphère. 11 n'y eut ainsi, d'abord, qu'une
seule mer enveloppant le globe tout entier,
et déposant sur l'écorce plutonienne les sédi-
ments terreux qu'elle tenait en suspension;
mais le retrait inégal des couches refroidies, à
l'égard des couches inférieures, força la pelli-
cule externe à se rider, se gercer, se ramas-
ser en plis et se tourmenter de mille maniè-
res, comme le prouve la diversité d'inclinaison
des roches stratifiées. Alors, l'écorce terrestre
n'offrant plus la symétrie d'un sphéroïde ré-
gulier, les eaux ambiantes allèrent combler
de leur masse fluide les dépressions formées,
et laissèrent à découvert certaines portions de
terre à peu près égales au volume liquide que
ces dépressions absorbaient. Les eaux rete-
nues dans ces excavations, au milieu des
terres, ne trouvant pas toujours des routes
convergentes vers un grand réservoir com-
mun, formèrent autant 3e réservoirs diverse-
ment étages et de grandeurs diverses, depuis
celle d'un simple étang jusqu'à celle d'une
mer. Quelquefois les circonvallations natu-
relles qui formaient ces réservoirs vinrent à
se rompre, ouvrant ainsi un détroit à travers
lequel les eaux d'un réservoir supérieur pu-
rent s'écouler dans un réservoir inférieur, et
arriver ainsi, d'étage en étage, jusqu'à l'Océan.
Mais d'autres lacs , d'autres Méditerranées
demeurèrent isolés ; il y eut ainsi, à la surface
du globe, d'une part une grande mer ambiante
on Océan avec ses baies, ses golfes, ses mers
intérieures; d'autre part, des lacs, des mers
isolées ou Caspiennes. Les eaux pluviales
que, dans le principe, l'atmosphère rendait
immédiatement à la mer primitive, ne retour-
nèrent pas toutes directement aux réservoirs
entre lesquels la masse des mers est distri-
buée ; elles retombèrent en partie sur les ter-
res émergées, et, recueillies dans les rides de
la surface, elles descendirent en filets, en
ruisseaux, en rivières, en fleuves, aux réser-
voirs vers lesquels convergeaient les pentes
respectives. Alors l'Océan, Tes Méditerranées,
les Caspiennes et les lacs eurent autour d'eux,
comme dépendance de leur domaine respectif,
l'ensemble des pentes sillonnées par les eaux
courantes tributaires de chacun d'eux. L'en-
semble de ces pentes convergeant vers un
même réservoir porte le nom de bassin. D'a-
près cette définition", déduite des généralités
qui précèdent, toute la surface de la terre se
trouve divisée en bassins adosses les uns aux
autres et séparés par une ligne culminante
qu'on appelle ligne du partage des eaux. On
distingue les bassins en maritimes, lacustres
etfluoiatiles.
On appelle bassins maritimes les parties d'un
continent ou d'une lie dont les eaux météori-
ques ou fluviales ont pour réservoir commun
une Caspienne, une mer intérieure, un golfe,
une baie, ou toute autre portion de l'Océan en
de certaines limites. Comme exemple de bas-
sins maritimes, nous citerons les bassins de la
mer Caspienne et de la mer d'Aral, qui reçoi-
vent lps eaux pluviales et fluviales du centre
de l'Asie; les bassins de la mer Noire, de la
Méditerranée, de la Baltique, du golfe de
Bothnie, etc. Cette simple énumération indique
combien est variable l'étendue des bassins
maritimes.
On donne le nom de bassins lacustres aux
portions d'un continent ou d'une île, dont les
eaux ont pour réservoir commun un lac, un
étang et même une mare dans laquelle les
eaux s'amassent à certaines époques de l'an-
née. Le bassin du lac Titicaca sur le plateau
des Andes, entre le Pérou et la Bolivie, est le
plus remarquable des bassins lacustres.
Les bassins fluviatiles sont des portions d'un
continent ou d'une île dont les eaux météori-
ques ou de source ont pour canal d'écoule-
ment le lit d'un fleuve ou d'un autre cours
d'eau permanent ou temporaire. Comme le
bassin d'un fleuve ne comprend pas seulement
la vallée que traverse le fleuve lui-même,
mais encore les vallées de ses affluents et
celles des affluents de ses affluents, et quo
chacune de ces vallées peut être considérée
comme un bassin particulier , on distingue les
bassins fluviatiles en plusieurs classes. La pre-
mière renferme les bassins des fleuves et des
cours d'eau maritimes, dont les eaux tombent
directement à la mer par une ou plusieurs'
embouchures ; on range dans la seconde
classe les bassins' des rivières et autres af-
fluents d'un fleuve. Le bassin du Rhône, par
exemple, comprend le bassin secondaire de la
Saône, qui, à son tour, comprend le bassin ter-
tiaire du Doubs, affluent de la Saône. Les
bassins fluviatiles de toutes les classes sont
toujours désignés par le nom du fleuve ou de
la rivière elle-même. Ils forment des groupes
dont chacun appartient à un même bassin
maritime. Tel est le groupe immense des bas-
sins fluviatiles tributaires delà Méditerranée;
telle est aussi, dans des proportions tout à fait
restreintes et à l'extrémité de l'échelle, la rade
de Brest, dont le bassin est circonscrit par
des hauteurs qui ne laissent d'ouverture que
l'entrée qu'on nomme goulet.
L'étude des grands bassins fluviatiles et des
systèmes orographiques qui les circonscrivent
étant la base de la géographie descriptive,
nous donnerons ici, indépendamment des ar-
ticles spéciaux consacres dans le Dictionnaire
à chacun de ces bassins, une notice comparée
des principaux bassins fluviatiles dans les
cinq parties du monde. Il convient, toutefois,
de faire précéder cet exposé de quelques dé-
tails technologiques nécessaires pour l'intelli-
gence des explications hydrographiques des
bassins. Les bassins maritimes, comme les
bassins fluviatiles, sont séparés entre eux par
des chaînes hydrographiques, qu'il est essen-
tiel de ne pas confondre avec les chaînes oro-
logiques. Celles-ci suivent, en effet, à travers
les fleuves et les mers, la direction des mon-
tagnes ou des grandes aspérités du globe,
considérées sous le rapport géologique; tandis
que les chaînes hydrographiques sont les
limites des bassins maritimes ou fluviatiles,
formées par la continuité des montagnes et
des collines dont les pentes versent leurs
eaux dans le même réservoir. De ces chaînes
hydrographiques centrales, ou chaînes-limites,
Îtartent des chaînes-limites secondaires dont
es ramifications séparent les bassins fluvia-
tiles de tous les ordres. En général, les bas-
sins fluviatiles sont circonscrits de toutes
parts par des chaînes-limites, et n'offrent d'ou-
verture qu'à leurs confluents ou à leurs embou-
chures ; c'est par une exception très-rare dans
la nature que le bras d'un cours d'eau passe
d'un bassin dans un autre. Ce passage, qui
porte le nom de dérivation naturelle, est très-
frappant dans le cours du Cassiquiare, qui
passe, par un col, de la chaîne-limite du bassin
de l'Orénoque dans celui de la rivière des
Amazones. On trouve, au contraire, fréquem-
ment des dérivations artificielles; telles sont
les rigoles alimentaires des canaux à point de
partage, rigoles qui portent les eaux d'un bas-
sin dans un outre. La ligne culminante d'une
chaîne hydrographique porte le nom de ligne
de partage des eaux; c'est ce que Cicéron ap-
pelle aquarum divortium (Lettres à Atticus).
Au contraire, la ligne la plus basse d'une val-
lée ou d'un vallon porte le nom allemand de
thalweg ; c'est ce que La Fontaine appelait
plus simplement le fil de la rivière (dans la
fable de la Femme qui se noie). Terminons ces
explications technologiques en disant que les
traces que les eaux d'un fleuve ou d'un autre
cours d eau laissent sur les berges sont appe-
lées lignes de rives, tandis que l'on nomme
laisses de mer les lignes horizontales que
l'Océan trace sur ses rivages. Tout fleuve,
toute rivière a ses lignes de rives, comme
toute mer, tout amas d'eau a ses laisses de
mer. Ces expressions trouvent principalement
leur application dans l'étude des bassins flu-
viatiles de premier ordre.
Parmi ces bassins, celui qui, en Europe,
tient le premier rang, est le bassin du Da-
nube, qui porte à la mer Noire les eaux de
l'Europe centrale, spécialement celles du ver-
sant Hercynio-Carpathique et du versant
septentrional du système alpique oriental.
Viennent ensuite les bassins du Volga , tribu-
taire de la mer Caspienne, du Don, qui se jette
d ms la mer d'Azof, et celui du Dnieper, qui
a'joutit h la mer Noire. Ce dernier offre cette
particularité qu'il est circonscrit par des pla-
teaux très-bas et des collines à peine sensi-
bles. Nous citerons encore , parmi les bas-
sins importants de l'Europe, ceux de la Vistule
et de l'Oder, tributaires de la Baltique ; ceux
de l'Elbe et du Rhin, qui portent leurs eaux
dans la mer du Nord ; ceux du Douro, du
Tage, de la Guadiana et du Guadalquivir, af-
fluents de l'Atlantique; enfin, ceux de l'Ebre,
du Pô et de la Mantza, qui portent leurs eaux
dans la Méditerranée. Quant aux bassins flu-
viatiles de la France, comme nous leur réser-
vons un exposé assez étendu dans l'article
géographique de notre beau pays, nous ren-
verrons le lecteur au mot France.
L'étendue des bassins fluviatiles de l'Asie
surpasse de beaucoup celle des bassins euro-
péens. Dans la partie septentrionale de cette
partie du monde, on remarque d'abord les
trois immenses bassins de l'Obi, de l'Iéniséi et
de la Lena, qui constituent la presque totalité
de la Sibérie; puis, à partir du détroit de
Behring, en suivant les côtes du continent
asiatique, le bassin de l'Anadir, celui du fleuve
Amour, partagé entre la Russie et la Chine.
Les trois bassins du Hoang-ho, du Yang-tse-
Kiang et du Si-Kiang forment toute la Chine
proprement dite. La presqu'île de l'Indo-
Chine est tout entière comprise dans les
bassins du May - Kong , du Salouen et de
l'Iraouaddy, fleuves remarquables par l'éten-
due de leur cours. Dans l'Inde, nous mention-
nerons les vastes bassins du Gange et du
Brahmapoutre, du Kavery, du Godavery, de
la Nerbuddah et celui du Sind ou Indus. Le
golfe Persique reçoit les eaux des bassins de
l'Euphrate et du Tigre. Quant aux bassins qui
composent l'Asie Mineure et dont les cours
d'eau sont tributaires de la Méditerranée ou
de la mer Noire, si leur importance est bien
inférieure à ceux que nous venons d'énumé-
rer, combien l'emportent- ils en souvenirs his-
toriques !
Le continent africain nous offre aussi des
bassins fluviatiles d'une vaste étendue, mais
aucun d'eux ne nous est complètement connu.
Nous mentionnerons, à l'O., les bassins de la
Gambie et du Sénégal ; au centre, celui du
Kouaraou Niger; à l'E., celui du Nil, objet de
nombreuses explorations scientifiques mo-
dernes. Mais de tous les bassins fluviatiles que
présente notre globe, les plus vastes se trou-
ventdans l'Amérique. La partie septentrionale
du nouveau continent nous offre d'abord le
bassin du Saint-Laurent, qui comprend la ré-
gion des grands lacs ;le bassindu Mississipiou
mieux du Missouri, dont la surface est estimée
par Alex, de Humboldt à 3,812,000 kil. carrés.
Les bassins du Mackensie, du Colorado, du
Rio del Norte méritent aussi d'être cités.
Dans l'Amérique du Sud, le bassin de l'Ama-
zone rivalise par son étendue avec celui du
Missouri ; Humboldt l'évalue à 8,767,000 kil.
carrés ; celui de la Plata, quoique bien moin-
dre, est encore immense (2,000,000 de kil.
carrés). Le bassin de l'Orénoque est évalué
par le même savant à 420,000 kil. carrés. Les
eaux de tous ces bassins fluviatiles se déchar-
gent dans l'Atlantique. Le Pacifique ne reçoit
que de minces cours d'eau en Amérique, parce
que la chaîne des Andes longe de trop près la
côte occidentale du continent américain. Les
îles de l'Océanie ne présentent aucun bassin
important ;TAustralie, encore imparfaitement
connue, n'offre que deux bassins fluviatiles
assez étendus, celui du Munay et celui du
Swan-River.
— Géol. On entend par bassins géologiques
des portions du globe dont les parties cen-
trales les plus basses sont formées par les ter-
rains les plus récents , et dont les bords sont
formés par les terrains plus anciens. Il arrive
fréquemment que les bassins géologiques se
confondent avec les bassins hydrographiques;
ainsi, lés bassins de la Seine, de la Dordogne,
du Pô sont à la fois des bassins hydrographi-
ques et géologiques. Quelquefois aussi , ces
derniers diffèrent des premiers; alors les eaux
ne descendent pas des terrains les plus an-
ciens vers les plus récents, elles vont,- au
contraire, en sens inverse. C'est, en effet, ce
que l'on remarque pour la Loire, de Blois à
Angers, et pour la Meuse, de Verdun à Na-
mur. Constant Prévost explique ainsi cette
différence : « Cela tient à ce que certains
bassins, qu'on peut appeler naturels, ont été
successivement remplis par des sédiments qui
n'ont fait que recouvrir une partie des dépres-
sions anciennes, tandis que d'autres sont le
résultat de dislocations violentes qui ont pro-
duit de larges crevasses et des effondrements
vers lesquels les eaux se sont portées. » ■
— Anat. C'est Vésale qui imposa le premier la
dénomination de bassin à la ceinture osseuse
qui forme la partie inférieure du tronc des
animaux vertébrés. Cet organe complexe est
formé de parties osseuses, ligamenteuses et
musculaires, dont l'ensemble constitue une
sorte d'excavation à parois rigides, destinée à
contenir, sans les enfermer, un certain nombre
d'organes dilatables. Le bassin possède, en
effet, une structure en rapport avec le rôle
physiologique qu'il doit jouer : contenir les
organes géhito-urinaires et le rectum, sou-
tenir le fruit de la conception (oeuf ou em-
bryon) développé dans le sein de la femelle
vertébrée, livrer passage à ce fruit de l'ac-
couplement; enfin, dans l'espèce humaine,
soutenir le tronc dans la station assise et de-
bout. Nous décrirons en premier lieu le bassin
chez l'homme et chez la femme, comme étant
le type auquel peuvent se rapporter les for-
mes moins parfaites de cet organe, dans la
série des autres animaux vertébrés. Nous
distinguerons la partie osseuse, la partie liga-
menteuse et les parties molles.
— Bassin osseux dans l'espèce humaine. A
la base du tronc, la charpente osseuse du sque-
lette, qui s'était réduite à une simple colonne,
la colonne vertébrale, semble se dilater tout
à coup et s'arrondir en une vaste excavation
eonoïde ; cette excavation , c'est le bassin.
Quatre pièces osseuses entrent dans la com-
position de cet^ organe : en arrière, le sacrum ;
sur les côtés, les deux os iliaques ; à l'extré-
mité inférieure du sacrum, le coccyx. Le sa-
crum, en forme de coin, s'enchâsse entre les
deux os des îles (os iliaques, ou innominés, os
de la hanche); ceux-ci s'arrondissent d'ar-
rière en avant et se rejoignent sur la ligne
médiane en »vant de l'excavation dont ils
limitent les parois. Dans les os des îles, on
distingue trois parties : la partie élargie en
forme de pavillon, ou Yîlium ; la partie l'a plus
inférieure, celle qui présente la grosse tubé-
rosité de l'os, ou M ischion ; enfin, la partie la
plus antérieure ; ou le pubis. Le sacrum, qui
présente l'apparence de cinq vertèbres termi-
nales soudées en une seule pièce, se termine
à sa pointe par un petit os de même appa-
rence, le coccyx, rudiment de queue qui
semble ne prendre qu'une part éloignée à la
formation du bassin. Ainsi constitué, le bassin,
pelais ou excavation pelvienne, représente un
tronc de cône aplati d'avant en arrière, et
dont les bases coupées obliquement conver-
gent rapidement en avant. Des plans muscu-
laires forment le fond de l'excavation et en
tapissent les parois, justifiant ainsi la déno-
mination de bassin donnée à l'organe que
nous décrivons* On considère dans le bassin
la surface ■ extérieure convexe et la surface
intérieure concave.
La surface extérieure nous offre, on ar-
rière et sur la ligne médiane, les tubéro-
sités de l'os sacrum faisant suite aux apo-
physes épineuses des vertèbres ; plus bas, la
terminaison du canal sacré et la face posté-
rieure convexe du coccyx. A droite et à
gauche de la ligne médiane, on remarque
deux profondes excavations, au fond des-
quelles s'aperçoivent les trous sacrés posté-
rieurs, puis les tubérosités des os iliaques,
proéminentes en arrière. Cette partie posté-
rieure dubassin est convexe et rugueuse; elle
n'est séparée de la peau que par un peu de
tissu cellulaire graisseux, et ainsi s'explique
comment, chez les personnes alitées depuis
longtemps, amaigries ou prédisposées, par
suite de maladies graves, à la mortification
des tissus, la région sacrée est souvent le
siège d'ulcération's gangreneuses. La partie
latérale de la surface externe du bassin osseux
est constituée par la portion élargie des os
iliaques, et porte le nom de fosse iliaque ex-
terne ; elle est recouverte par les muscles
puissants de la fesse. La partie antérieure du
bassin présente : sur la ligne médiane, la réu-
nion de la partie amincie des os iliaques, ou
symphyse du pubis ; plus bas et sur les côtés,
les trous obturateurs ou sous-pubiens ; plus
en dehors, les cavités cotyloïdes profondé-
ment creusées dans la partie épaisse des os
iliaques, et qui reçoivent la tête du fémur (os
de la cuisse). Cette partie du bassin est recou-
verte sur la ligne médiane par la peau du pé-
nil, et sur les parties latérales par la portion
supérieure des muscles de la cuisse.
La surface intérieure du bassin est divisée
en deux parties très-distinctes par un rétrécis-
sement annulaire appelé détroit supérieur du
bassin, détroit abdominal, marge du bassin, et
qui limite deux excavations : une supérieure,
large et évasée, le grand bassin ; une infé-
rieure, plus rétréeie, le petit bassin. Le grand
bassin l'orme comme un pavillon à l'ouverture
supérieure du petit bassin. En arrière, il offre
une échancrure remplie par la colonne ver-
tébrale et par les muscles qui s'y insèrent ;
en avant, il présente une autre échancrure
plus large, que remplissent les muscles de
l'abdomen ; sur les côtés et un peu en arrière,
on trouve la partie large et concave des os ilia-
ques (fosse iliaque interne), que remplit le
muscle du même nom. Le détroit est limité
par une ligne courbe elliptique, dont le grand
diamètre est dirigé transversalement. Il est
constitué par une crête osseuse, qui, partant
de l'angle sacro-vertébral, point d'intersec-
tion du sacrum et de la dernière vertèbre
lombaire , passe au-devant de l'articulation
sacro-iliaque, limite inférieurement les fosses
iliaques internes, et se prolonge jusqu'au
point de réunion des deux os iliaques.
Le petit bassin, ou excavation pelvienne, est
la partie du bassin dont la connaissance est la
plus indispensable à l'accoucheur. C'est dans
cette portion de l'organe pelvien que la tête
du fœtus accomplit ses évolutions dans l'acte
de la parturition, et les notions anatomiques
sont seules capables d'éclairer le chirurgien
dans l'application des moyens propres à me-
ner à bonne fin un accouchement naturel ou
laborieux. La partie antérieure de cette exca-
vation présente : 1 « l'articulation des os iliaques
ou symphyse du pubis ; 2" plus en dehors, la
partie plate de la portion pubienne de l'os
iliaque ; 3° enfin, le trou obturateur creusé en
haut d'un canal oblique, qui donne passage à
des nerfs et à des vaisseaux. La partie posté-
BAS
BAS
BAS
BAS
327
Heure du petit bassin est formée par la conca-
vité du sacrum et du coccyx, qui le continue ;
on y remarque les éminences et les sillons
transversaux, les trous sacrés antérieurs, etc.
Les parties latérales sont formées par la sur-
face.osseuse qui répond au fond de la cavité
eotyknde et par la partie épaisse de l'os
iliaque : ischion et tubérosité ischiatique.
La base du bassin n'est autre chose que la
Crête qui limite supérieurement le grand
bassin. Elle présente successivement, d'avant
en arrière, la surface articulaire sacro-ver-
tébrale, la crête iliaque qui donne attache aux
muscles, les épines iliaques antérieures , la
coulisse qui loge la masse des muscles psoas
et iliaque réunis, l'éminence iléo-pectinée, le
bord supérieur de la branche horizontale du
pubis, 1 épine de cet os, enfin la symphyse
qui l'unit à son congénère. Le sommet, ou
plutôt l'ouverture inférieure dû bassin, appelée
aussi détroit inférieur, jouit.d'une importance
très-grande au point de vue de l'accouche-
ment. C'est une circonférence irrégulière, pré-
sentant trois échancrures séparées par trois
proéminences. En avant, l'arcade du pubis,
limitée par la branche descendant du pubis,
forme l'une des échancrures ; les deux autres,
postérieure et latérale, sont formées par l'in-
tervalle qui existe entre les branches mon-
tantes deVischion et le bord latéral dusacrum.
Les éminences sont formées latéralement par
les deux tubérosités de l'ischion , et en ar-
rière par le sacrum, que prolonge l'os coccyx.
Ces trois protubérances donnent au bassin
l'apparence d'un trépied.
— Développement du bassin. Le bassin oc-
cupe chez l'embryon, dans les premiers mo-
ments de la vie fœtale, la partie la plus infé-
rieure du corps, et, par l'allongement des
membres inférieurs, remonte plus tard vers la
partie moyenne. Les os qui forment cette ca-
vité se développent par l'ossification succes-
sive de points osseux très-nombreux ; on si-
gnale particulièrement les trois pièces os-
seuses, encore séparées à l'époque de la nais-
sance, et dont l'ensemble formera l'os des îles.
— Ces trois parties sont précisément celles
qui conservent dans l'os entier les dénomina-
tions de ilium,- ischion et pubis; elles se réu-
nissent et se soudent après la naissance, en
contribuant toutes trois à former le fond de la
cavité cotyloïde. Le bassin, pendant l'enfance,
ne prend qu'un faible développement ; mais à
l'époque de la puberté , ses dimensions crois-
sent avec rapidité, et c'est ici l'occasion de
signaler les différences sexuelles qui existent
entre le bassin osseux de l'homme et ce même
organe chez la femme.
Chez l'homme, le bassin ne remplit que le
rôle passif de soutien et de protecteur des
organes qu'il contient et qui ne peuvent
prendre qu'un faible accroissement ; chez la
femme, au contraire, le bassin est appelé à
contenir le fruit développé de la conception,
et à se prêter aux modifications physiolo-
giques qui accompagnent l'acte de la parturi-
tion : de là, de nombreuses différences. Le
bassin de l'homme est moins ample, mais plus
élevé ; les empreintes musculaires y sont plus
prononcées, les os plus épais ; tout y annonce
la force. Chez la femme, le grand bassin est
plus évasé, les crêtes iliaques sont rejetées en
dehors, le détroit supérieur et le détroit infé-
rieur surtout sont plus larges; l'excavation du
petit bassin est moins haute, mais plus éten-
due en largeur. L'arcade des pubis est plus
ouverte, et la symphyse très-courte en hau-
teur ; les trous sous-pubiens sont triangulaires
au lieu d'être ovalaires ; les cavités coty-
loïdes sont rejetées en dehors, ce qui donne à
la femme une marche moins assurée, et l'o-
blige, pendant la progression, surtout lors-
qu'elle est. rapide^ à un mouvement latéral
disgracieux.
— A ttaeties ligamenteuses et articulations du
bassin. Dans le bassin, les os sont unis, comme
dans le reste du squelette, par des attaches
très -résistantes formées de tissus fibreux,
çeu épaisses du reste, et n'apportant pas à la
torme et aux dimensions du bassin des modi-
fications sensibles. Cinq articulations unis-
sent les quatre os du bassin : une pour les
deux pubis en avant ; deux pour les os iliaques
et le sacrum en arrière ; une quatrième pour
le coccyx et le sacrum ; la cinquième pour le
sacrum et la dernière vertèbre lombaire. Ces
articulations portent le nom de symphyses,
quoique, suivantun bon nombre d'anatomis tes,
il ne soit pas possible de les, regarder comme
absolument immobiles. Elles appartiennent,
en partie du moins, à la classe des diarthroses,
et représentent des arthrodies, c'est-à-dire
des articulations mobiles à surfaces articu-
laires planes, couvertes d'un cartilage d'en-
croûtement, et séparées quelquefois par une
synoviale rudimentaire. Nous conserverons
cependant la dénomination impropre de sym-
physe, comme étant plus usitée, et nous dé-
crirons succinctement les articulations des
•pièces du bassin.
Dans les symphyses sacro-iliaques, les sur-
faces articulaires du sacrum et de l'os iliaque,
appelées facettes auriculaires, sont couvertes
d un cartilage d'incrustation ; elles sont obli-
quement disposées de haut en bas et d'avant
en arrière, et maintenues par cinq attaches li-
gamenteuses. Ces ligaments sont : 1° un li-
gament interarticulaire très-fort, formé de
libres entre-croisées, s'étendant d'une surface
articulaire à l'autre ; 2° un ligament sacro- |
iliaque supérieur, épais, transversal, étendu i
de la base du sacrum à l'os des1 îles ; 3° un
mince ligament sacro-iliaque antérieur, qui
s'étend de la face antérieure du bord externe
du sacrum à la partie correspondante de l'os
iliaque ; 4° un ligament sacro-iliaque vertical
postérieur, s'étendant des tubercules supé-
rieurs de la face postérieure du sacrum à l'é-
pine iliaque postérieure et supérieure ; 5° de
petits ligaments transverses sacro-iliaques
postérieurs, qui, de l'os iliaque, se rendent au
sacrum, où ils se fixent dans-1 intervalle des
trous sacrés. La symphyse sacro-vertébraie
est formée par l'union de la cinquième vertèbre
lombaire avec la base du sacrum ; elle pré-
sente trois facettes : l'une ovalaire , formée
par le corps de la cinquième vertèbre et la
surface correspondante du sacrum ; les deux
autres correspondant aux apophyses articu-
laires des vertèbres. Les moyens d'union de
cette articulation sont : 1° un tibro-cartilage
interarticulaire ; 2U la terminaison des liga-
ments vertébraux communs antérieur et pos-
térieur ; 3° un fort ligament (ligament sacro-
vertébral) qui s'étend de la base de l'apo-
physe transverse de la cinquième vertèbre
lombaire à la base du sacrum. La symphyse
sacro-coceygienne est constituée par la réu-
nion du sommet du sacrum avec la base du
coccyx. Un disque interarticulaire et des li-
gaments antérieurs et postérieurs suffisent à
maintenir cette articulation. La symphyse pu-
bio-pubienne résulte de l'union des deux pu-
bis : les surfaces articulaires ne se touchent
immédiatement.qu'en arrière, point où les car-
tilages d'incrustation présentent une petite
facette étroite d'arrière en avant, allongée de
haut en bas, lisse, entourée d'une membrane
synoviale d'autant plus lubrifiée que l'époque
de l'accouchement est plus rapprochée. Ces
surfaces osseuses sont maintenues en place
par cinq ligaments ; 1» un'ligament interarti-
culaire, cunéiforme, à base dirigée en avant,
dit ligament interpubien ; 2° un ligament pu-
bien inférieur, épais, très-fort, qui émousse
l'angle rentrant formé par les deux branches
descendantes du pubis où il se fixe ; 3° un li-
gament pubien supérieur, qui va d une épine
du pubis à l'autre ; 4° un ligament postérieur,
très-mince, adjacent au ligament interpubien.
A côté de ces ligaments articulaires, nous
devons signaler d'autres faisceaux fibreux qui
servent de moyens d'union ou qui complètent
la cavité du bassin ; ce sont les ligaments sa-
cro-sciatiques et la membrane sous-pubienne.
Le grand ligament sacro -sciatique s'insèr»
aux bords du coccyx et du sacrum et à la
partie interne de la face postérieure de l'os
iliaque ; de là, ses fibres se dirigent vers la
tubérosité ischiatique, en se condensant et
formant un faisceau épais, arrondi, qui bien-
tôt s'élargit et s'insère à la lèvre interne de
cette tubérosité et à la branche ascendant»
de l'ischion. Les fibres supérieures de l'inser-
tion ischiatique se recourbent en haut, et
forment, avec la portion lisse comprise entre
l'épine sciatique et la tubérosité de l'ischion,
la petite échancrure sciatique. La grand»
échancrure sciatique reste alors formée, en
arrière et en dedans, par la partie supérieure
du grand ligament sacro-sciatique , et en
bas par le bord supérieur du petit liga-
ment sacro-sciatique. Le bord inférieur et
interne du ligament sacro-sciatique complète
ainsi la circonférence du détroit inférieur du
bassin. Le petit ligament sacro-sciatique naît
supérieurement et en avant du précédent.
Etalé comme lui, il va, en se rétrécissant,
s'insérer à l'épine sciatique. La membrane
sous-pubienne ou obturatrice est une mem-
brane ligamenteuse, qui s'attache au pourtour
du trou sous-pubien (si improprement appelé
quelquefois trou obturateur), et à la face in-
terne de la branche ascendante de l'ischion.
Elle donne attache, par ses deux faces, aux
fibres des muscles obturateurs, et présente à
sa partie supérieure une échancrure qui con-
vertit en trou la gouttière par où s'introdui-
sent les nerfs et les vaisseaux obturateurs.
Chez la femme, les attaches ligamenteuses
du bassin ne sont pas sensiblement différentes ;
les articulations sont cependant plus lâches, et
des synoviales se développent, au moment de
l'accouchement entre les surfaces articulaires
des symphyses sacro-iliaques et pubiennes.
— Parties molles du bassin. Nous avons ici
deux éléments à considérer : l» les couches
musculaires qui tapissent à l'intérieur et à
l'extérieur la cavité du bassin, et dont l'épais-
seur et la disposition modifient profondément
les dimensions de l'excavation ; 2« les organes
inclus dans la cavité même, organes splanch-
niques, vaisseaux, nerfs et tissu cellulaire.
I. Sur la surface extérieure, le bassin porte
un grand nombre de muscles que recouvrent
à peu près complètement les parties osseuses ;
ce sont : sur la face postérieure du sacrum,
les attaches inférieures du muscle transver-
sale épineux des lombes, qui remplissent les
gouttières sacrées ; sur les parois latérales,
les muscles petit , moyen et grand fessier, les
parties externes des muscles pyramidal et
obturateur interne, les deux jumeaux pelviens,
le carré crural et l'obturateur externe, en un
mot, tous'les muscles qui se portent à la partie
supérieure de l'os de la cuisse, en tapissant les
parois du bassin. La partie inférieure, le bassin
est encore en rapport avec les insertions is-
chiatiques et pubiennes des muscles biceps
fémoral, demi-tendineux, demi-membraneux,
tenseur du fascia lata, couturier, triceps cru-
ral (portion moyenne), droit interne, pectine,
premier, second et troisième adducteur de la
cuisse.
A l'intérieur du bassin, la masse des muscles
psoas et iliaque réunis, les vaisseaux et nerfs
iliaques remplissent les fosses du même nom,
et recouvrent le détroit supérieur aux extré-
mités de son diamètre transversal.
Dans l'excavation, les muscles pyramidaux,
les vaisseaux fessiers et sciatiques, les nerfs
du même nom, en passant à travers le grand
trou ou échancrure sacro-sciatique, en rem-
plissent l'ouverture et complètent ce côté du
bassin ; en avant, le muscle obturateur interne
comble la fosse obturatrice et remplit le petit
trou sacro-ischiatique qui lui donne passage,
ainsi qu'aux vaisseaux et nerfs honteux. Le
détroit inférieur, à son tour, est occupé par
des parties molles qui forment le fond de la
cavité du bassin, et ne laissent que l'ouverture
de l'anus en arrière, du méat urinaire en
avant, et du vagin chez la femme. Ce plan-
cher musculaire est formé de deux plans de
muscles superposés, appelés muscles du péri-
née, et dont la disposition a été comparée à
celle des muscles qui forment les parois de
l'abdomen. Les éléments musculaires qui for-
ment, chez l'homme, ce plancher périnéal et
ano-coccygien sont : l° le muscle ischio-ca-
verneux, allongé, situé le long de la branche
ascendante de l'ischion et embrassant toute la
surface libre de la racine correspondante du
corps caverneux ; 2<> le bulbo-caverneux, si-
tué à la partie intérieure du canal de l'urètre,
et s'étendant de l'anus à la partie antérieure
de la symphyse du pubis ; 3° le transverse du
périnée, qui s'étena d'une tubérosité ischia-
tique à la ligne médiane, où il s'entre-croise en
partie avec son congénère en avant de l'anus ;
i« le transverse profond, au-dessus du précé-
dent; 5° l'ischio-coccygien, qui va de l'épine
sciatique et de la face antérieure du petit li-
gament sacro-sciatique à la face extérieure du
coccyx ; 6°lereleveurde l'anus, représentant
un diaphragme, musculaire, qui s'étend de la
symphyse pubienne au coccyx et donne pas-
sage au rectum et au col de la vessie chez
l'homme ; 7° enfin, le sphincter de l'anus,
formant une zone annulaire à l'orifice anal.
Chez la femme, le muscle constricteur du
vagin, situé sur les parties latérales de l'ori-
fice du vagin, répond au bulbo-caverneux de
l'homme, et le muscle isehio-bulbaire, signalé
par M. Jarjavay, s'étend de la tubérosité de
l'ischion au bulbe du vagin. La portion anté-
rieure du releveur de l'anus est ici moins dé-
veloppée, et le sphincter plus volumineux.
Tous les muscles de la région périnéale et ano-
coccygienne sontdes muscles doubles, n'ayant
au plus qu'une insertion osseuse, et s'entre-
croisant avec leurs congénères du côté opposé ,
sur la ligne médiane. Ils sont enclavés entre
les feuillets d'aponévroses très-compliquées,
qui les isolent les uns des autres, et leur four-
nissent de nombreux points d'insertion. Les
vaisseaux du tissu cellulaire assez abondant,
complètentleplancherdu bassin.
Les organes contenus dans la cavité du bas-
sin appartiennent, en grande partie, à la por-
tion intrapelvienne du système génito-uri-
naire, et diffèrent essentiellement chez l'homme
et chez la femme. Nous ne donnerons ici
qu'une énumération succincte de ces organes,
chacun d'eux devant trouver une description
plus complète dans les articles spéciaux qui
leur sont consacrés.
Imaginons, comme on l'a fait souvent, une
coupe antéro-postérieure, passant parlasym-
physe du pubis en avant et par le milieu du
canal sacré en arrière, à travers le bassin et les
organes qu'il contient ; nous aurons une vue
générale des organes inclus dans la cavité pel-
vienne. Chez l'homme, en arrière de la sym-
physe des pubis, se présente la vessie, réser-
voir de l'urine, recevant le liquide que sécrè-
tent les reins par l'intermédiaire du double
conduit de l'uretère, qui abouche en haut et en
arrière. La section antéro-postérieure partage
encore en deux parties le ligament supérieur
de la vessie ou cordon fibreux de l'ouraque,
qui s'étend de la vessie à l'ombilic , ainsi que
le ligament pubio-vésical s'étendant de la
vessie au pubis. A côté de ce ligament sont le
muscle de Wilson et la partie membraneuse
de l'urètre. Le canal excréteur de l'urine, ou
urètre, s'ouvre à la partie médiane, postérieure
et, inférieure de la vessie en traversant une
glande, la prostate. En arrière de la vessie,
au-dessus de la prostate et de chaque côté du
plan médian , on aperçoit encore les vési-
cules séminales qui reçoivent les canaux défé-
rents, et donnent naissance aux canaux éja-
culateurs, qui pénètrent à leur tour la prostate,
et viennent s'ouvrir dans le canal de l'urètre.
Sur un plan plus postérieur, l'intestin longe
la concavité du sacrum, dont il est séparé par
du tissu cellulaire très-làche; enfin, au-dessus
de tous ces organes se trouve la masse de
l'intestin, que les parois musculaires de l'ab-
domen maintiennent dans sa position normale
au-dessus des organes pelviens.
Chez la femme, la vessie est en rapport im-
médiat, en bas avec le canal du vagin, et en
arrière avec le corps de l'utérus, qui la sépare
du rectum. La matrice est ainsi placée entre
les deux éinonctoires principaux de l'écono-
mie, et remplace la prostate et les vésicules
séminales. Sur les jjôtés de l'utérus, dans
l'excavation plus large du bassin féminin,
sont disposés les organes annexes de la géné-
ration : les ligaments larges, les ligaments
ronds, les ovaires et les trompes utérines.
— Physiol. Le rôle physiologique dévolu
au bassin, presque toujours passif, n'en est pas
moins très-complexe. En premier lieu, il sert de
base de sustentation au tronc dans la station
debout, et l'immobilité presque complète de ses
articulations le rend propre a cet usage. On
doitle considérer, suivant Désormeaux, comme
un arc osseux complet, se décomposant en
deux demi-cintres, dont l'un, postérieur, reçoit
le poids du corps, et dont l'autre, antérieur,
sert d'arc-boutant au premier. Le poids du
tronc se transmet en effet au sacrum, qui s'en-
fonce comme un coin entre les os iliaques ; la
pression exercée sur cette sorte de clef de
voûte se répartit alors entre les voussoirs,
c'est-à-dire les os des îles, et tend à appliquer
l'un contre l'autre les deux pubis dans leur
symphyse. Les membres inférieurs s'attachent
aux parties latérales de cet anneau osseux, et
supportent le bassin. Dans la station assise, le
bassin repose directement sur le siège, s'ap-
puyant sur les tubérosités des ischions ; les
muscles fessiers, puissants et épais, leur for-
ment une sorte de coussin, doublé encore de
la peau et d'un tissu cellulaire graisseux assez
abondant. Dans la station debout, les phéno-
mènes sont plus complexes. Le centre de gra-
vité du corps se trouve placé vers l'intersec-
tion du plan vertical antéro - postérieur du
bassin avec la ligne qui joint le sommet des
têtes des fémurs. Le corps pourra rester dans
la station debout lorsque la verticale abaissée
de ce centre de gravité tombera dans l'inté-
rieur de la base de sustentation limitée par
les deux pieds; mais, pour que cet équilibre
reste stable, il est nécessaire que les muscles
puissants qui s'étendent du bassin à la cuisse
soient en état de contraction permanente, sans
quoi le tronc ne pourrait manquer de fléchir
en avant ou en arrière. Nous allons voir com-
ment les puissances musculaires du bassin
s'opposent à ce mouvement de flexion. Le
bassin représente un levier du premier genre,
dont le point d'appui est dans l'articulation
de la cuisse, et dont la résistance et la puis-
sance sont représentées par les muscles ex-
tenseurs et fléchisseurs. La disposition de la
capsule articulaire de l'articulation coxo-fé-
morale est telle, que le mouvement du corps
en avant sur la cuisse a une tendance natu-
relle à s'exercer, et, de plus, ce mouvement
peut s'opérer en ce sens dans une grande
étendue. Aussi, les muscles extenseurs placés
à l'arrière, et destinés à, empêcher le bassin
de tourner en avant sur les têtes des fémurs,
sont très-puissants : ce sont les muscles fes-
siers. Quant aux muscles placés en avant, ils
n'ont presque rien à faire dans la station ver-
ticale, surtout lorsque le corps est porté en
arrière, cambré, comme on dit. Enfin, la cap-
sule articulaire coxo - fémorale est pourvue
d'un faisceau de renforcements qui bride la
tète du fémur, et limite le mouvement en ar-
rière.
Quant au rôle des muscles pelvi-féinoraux
dans l'acte de la progression, il est celui des
muscles extenseurs et fléchisseurs des mem-
bres : ils fléchissent tour à tour, et étendent
la cuisse sur le bassin.
Les muscles de-ia région périnéale et ano-
coccygienne, qui prennent toutes leurs inser-
tions osseuses sur les diverses parties du bas-
sin, ne peuvent concourir en rien à la station
ni à la progression; mais ils prêtent leur con-
coursà l'accomplissement des fonctions génito-
urinaires : les muscles ischio-coccygien et bul-
bo-caverneux sont les compresseurs du bulbe
de l'urètre et concourent a l'érection ; le trans-
verse du périnée aide à l'érection de la verge
et à la défécation ; le transverse profond est
un dilatateur de l'urètre et favorise la mic-
tion, aussi bien que le petit muscle de Wilson,
qui en même temps concourt à l'émission du
sperme. Les muscles releveurs de l'anus et
du sphincter président plus spécialement à !a
défécation.
Le bassin remplit encore un rôle protecteur
purement passif : il contient dans »a partie
inférieure la vessie, l'intestin rectum et les
vésicules séminales chez l'homme, l'utérus et
les ovaires chez la femme ; à sa partie supé-
rieure, il supporte la masse de l'intestin. Tous
ces organes, qui sont appelés à augmenter de
volume d'une manière plus ou moins notable ,
Ear le fait de leur réplétion passagère, avaient
esoin d'être soutenus plutôt que renfermés
dans une excavation ouverte par le haut , et
qui permît leur développement. Le bassin est
éminemment propre à cet usage.
Dans les actes de la gestation et de la par-
turition, nous voyons encore le bassin jouer
un rôle des plus importants : pendant la gros-
sesse, il donne à 1 utérus, qu'il soutient, sa
direction normale; au moment de l'accouche-
ment, il livre passage au fœtus a terme. Nous
entrerons ici dans quelques détails, qui feront
apprécier l'importance sérieuse du rôle semi-
actif du bassin dans cet acte fonctionnel.
Le bassin ne doit plus être considéré ici
comme une simple excavation, mais comme
un canal à parois osseuses, ligamenteuses ou
musculaires, que doit parcourir le produit de
la conception. L'ouverture supérieure de ce
canal est le détroit supérieur du bassin; l'ou-
verture inférieure est l'orifice vulvaire; la
direction est une ligne courbe à concavité
tournée en avant lorsque la femme est de-
bout, en haut lorsqu'elle est couchée La
détroit supérieur du bassin osseux possède
trois diamètres : le premier, ou diamètre an-
téro-postérieur , porte normalement en Ion-
328
BAS
BAS
BAS
BAS
gueur 11 à il 1/2 centimètres; le second, dia-
mètre transversal , possède 13 centimètres
■d'étendue; enfin le troisième, ou diamètre
oblique, qui va du bord du sacrum d'un coté
nu fond de la cavité cotyloïde de l'autre, a do
0 à 10 1/2 centimètres. Mais ces dimensions
sont profondément modifiées par la présence
des parties molles. La masse des muscles
psoas et iliaques réunis remplit la fosse iliaque,
et peut être regardée comme une espèce de
coussin, qui forme un point d'appui convenable
à l'utérus développé. Il est destiné à le pro-
téger, par l'élasticité des parties molles, contre
les chocs et les secousses que la locomotion
produit à chaque instant. La présence de ces
muscles diminue de 1 1/2 centimètre le dia-
mètre transverse ; le diamètre antéro-posté-
rieur est un peu raccourci par l'épaisseur des
parois de la vessie, de l'utérus et des parties
molles qui tapissent la face postérieure de la
symphyse du pubis et la face antérieure du
sacrum; les diamètres obliques seuls ne sont
que très-peu altérés dans leurs dimensions.
Différentes circonstances viennent cependant
augmenter l'amplitude du canal pelvien pen-
dant l'accouchement : en premier lieu, la po-
sition que prend la femme, car lorsqu'elle est
couchée sur le dos, les membres inférieurs
fléchis sur le bassin , le muscle psoas-iliaque
se relâche et se laisse plus facilement écar-
ter; en second lieu, lécartement des sym-
physes du bassin, qui s'opère pendant l'ac-
couchement. C'est un fait aujourd'hui in-
contesté que , dans la plupart des cas , à
l'époque de l'accouchement, les ligaments qui
servent de moyens d'union aux articulations
du bassin se relâchent; que la synoviale rudi-
mentaire qui les tapisse se développe, et qu'un
écartement des symphyses, toujours léger en
dehors de l'état pathologique, en est la consé-
quence. Dans l'état actuel de la science, il est
impossible d'indiquer la cause de ce relâche-
ment.
Supposons maintenant que l'accouchement
vienne à s'accomplir dans les conditions qui
se présentent le plus habituellement, et ren-
dons compte du rôle que joue le canal pelvien
pendant cet acte physiologique. La plus grande
dimension de la tète du fœtus à terme répend
à la distance qui sépare le menton de l'occi-
put : le diamètre occipito-mentonnier de la
tète d'un fœtus à terme porte 13 1/2 centi-
mètres de longueur. Du front à l'occiput,
il n'y a que 11 à il 1/2 centimètres. Il
est facile de voir que lorsque le fœtus se pré-
sente par l'extrémité eéphalique, il ne saurait
se disposer pour le passage du détroit infé-
rieur autrement qu'en présentant le dia-
mètre occipito-frontal au plus grand diamètre
du détroit supérieur. C'est ce qui arrive en
effet, et le diamètre fronto-occipital se dis-
pose parallèlement à l'un des diamètre? obli-
ques du bassin, le diamètre bipariétal de
la tête parallèlement à l'autre. Si, dans ces
conditions, les contractions utérines com-
mencent à agir avec une certaine intensité
sur la masse fœtale, les parois <\\i-bassin, qui
n'ont, au niveau du détroit supérieur, que bien
juste la largeur^ suffisante, opposent une ré-
sistance à Ta tête qui s'engage. Le premier
effet de cette résistance est de fléchir la tête
sur le tronc; c'est le temps de flexion. Cepen-
dant la tète, poussée par la contraction se
plonge dans l'excavation et arrive jusque sur
le plancher du bassin. L'une des extrémités
du diamètre fronto-occipital répond alors à la
tubérosité de l'ischion, à la face interne du
muscle obturateur et aux nerfs et vaisseaux
obturateurs externes , qui sortent , comme
on le sait, par la partie supérieure du trou
obturateur. L'autre extrémité du diamètre
répond, en arrière, au bord interne du muscle
psoas, à la face interne du pyramidal, au
plexus ou au nerf sciatique, aux nerfs et aux
vaisseaux fessiers et honteux internes. L'une
des faces latérales de la tête répond au rec-
tum. Ces pressions, exercées sur les cordons
nerveux, rendent compte des douleurs ou des
crampes que les femmes en travail d'enfan-
tement éprouvent, soit dans la région lom-
baire, soit dans la partie supérieure des cuis-
ses. Ces mêmes circonstances expliquent ces
fausses envies d'aller à la garde-robe, la pres-
sion sur le rectum donnant à la femme en
couche la sensation d'une plénitude gênante
dans la partie inférieure du gros intestin.
Exercée sur la vessie, cette même pression
produit des envies illusoires d'uriner, le té-
nesme vésical, etc. Enfin, la compression des
vaisseaux veineux amène l'augmentation de
l'œdème des membres inférieurs , le gonfle-
ment des vaisseaux hémorroïdaux et des va-
rices, s'il en existe, l'infiltration des ligaments
du bassin qui se relâchent, etc. Tels sont les
phénomènes qui accompagnent le deuxième
temps du travail de l'accouchement, dans la
présentation du sommet, le temps de descente.
Cependant la tête est arrivée au détroit
inférieur. La disposition de cette ouverture
permet d'y considérer, comme au détroit su-
périeur, trois diamètres : le premier, ou an-
téro-postérieur , porte 1 1 centimètres ; mais
sous la pression exercée par la tête du fœtus,
le coccyx rétrocède, et ce diamètre atteint
12 centimètres; le diamètre transverse, ou
bi-ischiatique na que il centimètres; le dia-
mètre oblique a de même il centimètres ; mais,
par l'élasticité des ligaments sacro-sciatiques,
il peut atteindre aussi 12 centimètres. Il est
facile de voir que le diamètre bi-ischiatique
est le seul qui ne puisse s'agrandir que par le
relâchement des articulations. Arrêtée par lo
plancher du bassin, la tête exécute un mou-
vement de rotation , par lequel le diamètre
occipito-frontal se dispose parallèlement au
diamètre antéro-posténeur. Pourquoi ce mou-
ment? L'accoucheur Flamand attribuait celte
rotation à l'action des muscles obturateurs
internes et pyramidaux; mais aujourd'hui on
est généralement disposé à rejeter cette ex-
plication. « La cause physique de la rotation,
dit M. le professeur Dubois, réside évidem-
ment dans la combinaison d'un assez grand
nombre d'éléments , savoir : d'une part, le
volume, la forme et la mobilité des parties
qui sont expulsées, et d'autre part, la capa-
cité, la forme et la résistance du canal qui est
parcouru ; et telle • est l'influence de cette
combinaison, que les parties du fœtus se pla-
cent dans les conditions les plus favorables a
leur passage. Une vive résistance leur est
opposée en un point, elles s'y soustraient et
cherchent un lieu où il y ait plus de place et
de liberté. La mobilité des parties qu'elles
traversent , l'extrême lubrification de celles
qui sont parcourues, rendent tout cela très-
simple et très-intelligible. Il n'est pas d'ac-
coucheur qui n'ait remarqué que , dans les
bassins dont le diamètre sacro-pubien (antéro-
postérieur) est raccourci, la tête du fœtus, si
elle était oblique avant le travail, se place
constamment ensuite dans une direction trans-
versale, c'est-à-dire dans celle dans laquelle
elle offre au diamètre vicié le moins de dimen-
sion possible. Eh bien, ce fait n'est autre
chose qu'une conséquence très -simple des
mêmes causes dont le mouvement de rota-
tion, quand il est très-étendu, est une consé-
quence très-compliquée. » Ainsi s'accomplit
le troisième temps de l'accouchement, ou
temps de rotation. Poussé par des contrac-
tions énergiques, le sommet déprime alors les
parois molles du périnée, les distend par de-
grés, et parvient à convertir le plancher mus-
culaire en une portion de canal qui prolonge ,
en bas et en arrière, la paroi postérieure du
bassin. L'ouverture définitive du canal est
l'orifice vulvaire , agrandi considérablement
par la laxité que les tissus ont prise dans les
derniers temps de la grossesse. Le corps du
foetus, pressé de toutes parts par la contrac-
tion utérine , par la résistance de la paroi
postérieure de l'excavation, et par la réaction
active du plancher musculaire du périnée dis-
tendu, ne trouve d'autre issue que l'ouverture
antérieure du vagin, et se dégage en avant.
Lorsque la tête a franchi l'orifice, un nou-
veau temps de rotation s'accomplit : la partie
supérieure du tronc fœtal .se dispose de ma-
nière que l'axe des deux épaules soit encore
parallèle au diamètre antéro-postérieur du
détroit inférieur , c'est-à-dire que la plus
grande dimension du tronc se place dans le
sens du plus grand diamètre pelvien, et se
dégage à' son tour. Ainsi s'accomplissent les
derniers temps du travail dans 1 accouche-
ment naturel. Quel que soit le mode de pré-
sentation du fœtus, le rôle du bassin ne change
pas. Toujours nous verrons les grands dia-
mètres des extrémités qui se présentent fran-
chir les rétrécissements du canal pelvien
dans le sens de leurs plus grands diamètres ;
toujours nous verrons les parties qui chemi-
nent dans l'excavation s'adapter aux parties
parcourues dans le sens qui sera le plus favo-
rable à la progression. Ce serait donc s'ex-
poser à des redites, que d'insister sur les dé-
tails, et de passer en revue les cas qui peu-
vent se présenter; tous se rapportent, d'une
manière parfaite , au cas le plus ordinaire, à
celui dont nous venons de parler, à la présen-
tion du sommet dans la position oblique.
— Anat. comp. Dans la série des animaux
vertébrés, comme chez l'homme, la confor-
mation, la disposition, l'existence même du
bassin sonten rapport avec la conformation, la
disposition et l'existence des membres infé-
rieurs. Chez le singe , l'animal qui se rap-
proche le plus de l'homme par sa conforma-
tion, le bassin diffère peu de celui de l'espèce
humaine; toutefois, il est déjà proportionnel-
lement plus étroit, et moins apte à soutenir le
tronc d'aplomb sur les fémurs.
Chez les vertébrés à queue, il y a augmen-
tation du nombre des vertèbres coccygien-
nes ; mais, quant au reste, le bassin possède
la même conformation générale que chez
l'homme: les os des hanches, articulés d'une
manière immobile avec le sacrum, se réunis-
sent entre eux de manière à former un an-
neau complet. La forme et les dimensions de
cette ceinture varient beaucoup, et l'on a re-
marqué que, toutes choses égales d'ailleurs,
la position verticale Sur les membres abdo-
minaux est d'autant plus facile que le bassin
est plus large. Dans la série des mammifères,
il va en se rétrécissant, et sa capacité est
d'ailleurs très-variable : chez les taupes et
les musaraignes, par exemple, il est si étroit
que le rectum et la vessie restent en dehors
de l'excavation. Chez les femelles mammi-
fères; l'excavation pelvienne possède toujours
un développement plus considérable que chez
les mâles. L'écartèment des symphyses au
moment de la parturition s'observe chez un
grand nombre d'espèces; c'est ainsi que, chez
le cochon d'Inde, la symphyse pubienne s'é-
carte très-considérablement; mais cette même
symphyse est soudée dans le kanguroo, l'orni-
thorhynque, etc.
Dans l'embranchement des ' marsupiaux ,
chez la sarigue, le kanguroo, etc., le bassin
offre une disposition particulière : près de la
commissure des pubis naissent deux os mo-
biles disposés obliquement et formant un V,
qui s'articulent avec la branche horizontale
des pubis ; ces os fournissent un point d'appui
aux muscles de la poche marsupiule et sont
appelés os marsupiaux. Enfin, dans l'embran-
chement des cétacés, le bassin est réduit à
l'état de vestige.
Chez les oiseaux , qui sont des animaux
réellement bipèdes et reposant sur leurs deux
pattes, le bassin fournit aux membres infé-
rieurs un point d'appui solide; les. os des han-
ches, extrêmement développés , ne forment
qu'une seule pièce avec les vertèbres sacrées
et lombaires. En général, cette ceinture os-
seuse est incomplète en avant; les pubis ne
se réunissent pas entre eux , et la portion
ischiatique, au lieu d'être séparée du sacrum
par une large échancrure, se soude à cet os
Far sa partie postérieure, transformant ainsi
échancrure en un trou.
C'est chez les reptiles que le bassin offre les
formes les plus variées et les plus différentes
de ce qu'elles sont chez les mammifères. La
ceinture pelvienne des reptiles branchies est
composée : 1° d'iliums courts, arrondis, sou-
dés au sacrum ; 2<> d'un pubis et d'un ischion
confondus en une seule plaque. Les batra-
ciens présentent une disposition différente du
bassin. Ainsi, la salamandre offre de chaque
côté :_1<> une pièce ayunt la forme d'une côte
et soudée au sacrum ; 2" une pièce osseuse
placée plus antérieurement et qui se partage
elle-même en un os ilium et une plaque pro-
duite par la soudure de l'ischion et du pubis.
Un rudiment médian en forme d'Y représente
un sternum pelvien. Chez les ophidiens, de
petits arcs osseux indivis, fixés aux vertèbres
sacrées, représentent le bassin ; ou bien le
rudiment de cet organe se trouve isolé de la
colonne vertébrale et contenu dans les chairs,
comme chez le python. Chez les sauriens ,
l'ilium est simple, étroit, attaché aux apo-
physes transverses des vertèbres sacrées.
Deux branches osseuses complètent ce bassin;
l'une, antérieure, représente l'os pubis uni à
son congénère directement, ou quelquefois,
comme chez le crocodile, par l'intermédiaire
d'une sorte de sternum ventral cartilagineux ;
la branche postérieure est un ischion qui pos-
sède lui-même une symphyse. Dans les chélor
niens, le bassin ressemble beaucoup à la cein-
ture formée par les os de l'épaule. Il se com-
pose de trois paires de pièces distinctes : un
os iliaque, qui s'attache aux apophyses trans-
verses de la carapace ; un pubis et un ischion,
qui se dirigent vers le plastron et se réunis-
sent à leurs congénères.
Dans la classe des poissons, il y a, comme
chez les mammifères cétacés, absence du bas-
sin. La ceinture pelvienne est remplacée ici
par de petits arcs osseux placés au voisinage
des vertèbres sacrées, et qui représentent le
rudiment de l'organe pelvien.
— Méd. Le bassin peut être ou devenir le
siège d'un très-grand nombre d'affections di-
verses, et qui réclament les secours de l'art
médical ou chirurgical. Nous en donnerons,
ici un tableau un peu succinct, nous réservant
de compléter, dans des articles spéciaux, les
détails que comporte l'histoire de chacune de
ces affections,
Les os, les ligaments et les parties molles
du bassin peuvent être ensemble ou isolément
le siège de la maladie, et il convient de passer
en revue l'influence des causes morbides sur
ces trois ordres de tissus.
I. — Altérations pathologiques des par-
ties OSSEUSES DU BASSIN :
l° Vices de conformation du bassin. Toutes
les fois que les dimensions des, diverses par-
ties du bassin osseux s'écartent de celles que
nous avons fait connaître comme étant les di-
mensions normales, ces altérations constituent
des vices de conformation dont l'importance
ne saurait être méconnue. Le fœtus humain,
en effet, suit dans le sein de sa mère les lois
de son développement normal, et sa této ac-
quiert le volume et les dimensions qui répon-
dent à des chiffres à peu près invariables.
Lorsque, au terme de la grossesse, il devra
franchir le canal pelvien, il devra en même
temps trouver cette excavation apte à le
recevoir et à lui donner passage. La con-
formation du bassin est donc dite vicieuse
lorsque ses dimensions s'écartent des moyen-
nes normales, au point d'exercer sur le méca-
nisme de l'accouchement une influence préju-
diciable pour la mère ou pour l'enfant. Cette
influence fâcheuse peut se manifester de deux
manières : 1» l'accouchement se fait d'une
manière trop rapide, par excès d'amplitude du
bassin; 2" l'accouchement est difficile ou im-
possible par les seuls efforts de la nature, en
raison de l'étroitesse de ces mêmes parties.
C'est à ce dernier cas que se rapporte spécia-
lement ce que nous allons dire. L'étroitesse
du bassin est uniforme ou absolue, lorsque
tous ses diamètres sont proportionnellement
trop courts; elle est inégale ou relative, lors-
que la proportion régulière des. diamètres en-
tre eux est changée. L'étroitesse absolue na
se rencontre pas de préférence chez les fem-
mes de petite stature, comme on serait tenté
de le penser, à moins qu'elles ne rentrent
dans la condition des naines, qui sont quel-
quefois fécondes, mais plutôt chez les femmes
de taille moyenne, chez celles, bien confor-
mées du reste, chez lesquelles il n'y a pas
lieu de supposer ce vice de conformation. Le
bassin peut offrir cette étroitesse uniforme il
un tel point, qu'elle rende l'accouchement
difficile et même impossible par les seules
forces de la nature, et qu'elle nécessite l'inter-
vention de l'art. L'étroitesse inégale du bassin
peut se présenter dans une mesure et d'une
manière très-variées, selon la direction et les
changements qu'ont subis les os qui compo-
sent le bassin. Le rétrécissement peutporterex-
clusivement sur le détroit supérieur, ou sur la
cavité, ou sur le détroit inférieur, ou bien sur
le bassin tout entier , mais dans une meauro
inégale ; il peut aussi se borner à un seul coté
du bassin, ou bien être plus considérable d'un
côté que de l'autre; enfin, il peut arriver
qu'un côté du bassin soit rétréci, tandis que
l'autre offre une amplitude anormale. Ces va-
riétés nombreuses de déformations peuvent,
suivant M. Dubois, se rapporter à trois types :
1° aplatissement 'd'avant en arrière; 2° com-
pression d'un côté à l'autre; 3° enfoncement
des parties antérieures et latérales. Au pre-
mier type se rapportent les bassins dont lo
diamètre antéro-postérieur est diminué d'éten-
due, soit par la saillie de l'angle sacro-verté-
bral ou promontoire du sacrum, soit par la
saillie intérieure de la symphyse des pubis.
S'il existé à la fois ces deux genres de rétré-
cissement, le bassin est dit en huit de chiffre.
Au second type se rapportent les bassins
dont le diamètre transverse est rétréci. Le
troisième type renferme ceux qui sont altérés
dans leurs diamètres obliques ; c'est à ce der-
nier cas qu'il faut rapporter le genre de dé-
formation décrit par le professeur Nœgèlé,
sous le nom de bassin oblique ovalaire. Ce
bassin a subi une déformation sur un seul de
ses diamètres obliques, avec ankylose com-
plète du sacrum et de l'os iliaque du côté du
rétrécissement. Le diamètre antéro-postérieur,
par suite de la déformation latérale, devient
ainsi oblique par rapport au diamètre trans-
verse.
Les anciens accoucheurs regardaient le ra-
chitisme comme la cause unique des vices
de conformation du bassin; mais les récen-
tes recherches d'anatomie pathologique ont
mis hors de toute contestation l'existence de
plusieurs autres causes déformatrices. Les
causes ordinaires des altérations de dimen-
sions dans le bassin osseux sont, en général,
toutes celles qui ont pu troubler le développe-
ment normal des os; le rachitisme et l'ostéo-
malacie viennent donc en première ligne. La
déviation de la colonne vertébrale, en dehors
même du rachitisme, les luxations congéni-
tales ou acquises du fémur, les inégalités de
longueur des membres inférieurs et les tumeurs
osseuses des os du bassin, peuvent être invo-
quées très-fréquemment comme causes pro-
ductrices des anomalies du bassin.
On comprendra facilement l'importance des
vices de conformation du bassin, et l'influence
fâcheuse qu'ils peuvent exercer sur la vie de
la mère et sur celle de l'enfant. < Indépendam-
ment des difficultés que les rétrécissements
du bassin apportent à l'accomplissement des
phénomènes mécaniques" de l'accouchement,
dit M. Cazeaux dans son excellent traité, ils
deviennent souvent, pour la mère, la causa
d'accidents graves, et font courir au fœtus les
plus grands dangers. En mettant un obstacle
invincible au passage de la tête, ils exposent
la femme à la rupture de la matrice et de la
vessie, à la contusion violente et à l'inflam-
mation consécutive de ces organes et du pé-
ritoine, et enfin à un état fébrile et adynami-
que assez grave par lui-même pour la faire
périr avant l'accouchement. Cet état est la
plus fréquente cause de mort des femmes qui
ne sont pas secourues ; alors môme que l'ac-
couchement est opéré spontanément ou arti-
ficiellement par lès voies naturelles, la lon-
gueur du travail antécédent, la force avec
laquelle la tête du fœtus presse sur toutes les
parties molles du détroit et de l'excavation,
exposent celles-ci à des contusions longtemps
prolongées et suivies, le plus souvent, de la
gangrène; de là les fistules utéro-vésicales,
vésico-vaginales, etc., suivant le point qui a
été le plus spécialement comprimé. L'engage-
ment forcé de la tête dans un bassin trop
étroit détermine souvent l'écartèment des
symphyses, d'où peuvent résulter, comme con-
séquences immédiates, des inflammations, des
suppurations souvent intarissables, et, comme
conséquences éloignées, une grande mobilité
des articulations du bassin , la claudication
quelquefois même l'impossibilité de la marche
et de la station.
« La lenteur du travail est évidemment une
cause de mort pour l'enfant. La tête, dans le
cas qui nous occupe, retenue au-dessus du
détroit supérieur, ne s'oppose pas, en bou-
chant le col, à l'écoulement du liquide amnio-
tique, de sorte que celui-ci s'écoule en tota-
lité. Aussitôt après la rupture des membranes,
le fœtus reste donc soumis, sans intermédiaire
de liquide, à la pression de l'utérus contracté,
pendant tout le temps nécessaire à la termi-
naison du travail. Le cordon se trouve aussi
très-souvent comprimé, soit dans la cavité de
l'utérus, entre la paroi de l'organe et le tronc
du fœtus, soit plus tard dans l'excavation où
il aura glissé. Cette chute du cordon est ici
singulièrement favorisée par l'élévation de la
tête. Cette tête elle-même, ayant à supporter
tout l'effort des résistances offertes par le
bassin, est exposée à des pressions inégales
qui peuvent fracturer les os qui la protègent,
BAS
BAS
BAS
BAS
326
blesser la matière cérébrale. Enfin, lorsque le
foetus se présente par l'extrémité pelvienne,
les tractions violentes que l'on pratique quel-
quefois sur le tronc, pour aider au dégage-
ment de la tête, peuvent produire des luxa-
tions des vertèbres cervicales, des tiraille-
ments de la moelle promptement mortels. •
_ De là découle la nécessité absolue, pour
'"accoucheur, de reconnaître les rétrécisse-
ments du bassin, non-seulement à l'époque de
l'accouchement, mais plusieurs semaines avant
la fin présumée de la grossesse, afin de pour-
voir aux préparatifs nécessaires d'un accou-
chement laborieux, et de prévenir, par l'em-
ploi d'un procédé iécisif, avantageux pour la
mère et l'enfant, un accouchement reconnu
naturellement impossible.
Le diagnostic des vices de conformation du
bassin repose sur la connaissance des signes
rationnels et des signes sensibles. Les signes
rationnels comprennent l'examen de toutes
les conditions de conformation de la femme,
la connaissance préalable des accidents qu'elle
a pu éprouver dans son enfance, surtout lors-
que ces accidents ont quelques traits de res-
semblance avec ceux qui caractérisent le
rachitisme. Les signes sensibles sont ceux qui
sont fournis au médecin par la mensuration
du bassin, à l'aide d'instruments et de procédés
^spéciaux. Le diagnostic des vices de confor-
mation du bassin par l'ensemble des signes ra-
tionnels et des signes sensibles, les procédés
de mensuration qui forment une branche spé-
ciale de l'art des accouchements, la pelvimé-
trie, enfin le pronostic des altérations de di-
mensions du bassin au point de vue de
l'accouchement, n'intéressent, à proprement
parler, que l'accoucheur, et nous renvoyons
aux articles spéciaux où ces matières rece-
vront le dévuiop) cintitil quelles comportent.
' V. Dystocie, I'klvimétrie.
Outre les genres de déformations dont nous
venons de parler, et que l'on pourrait appeler
intérieures, il existe un assez grand nombre de
difformités congénitales du bassin, qui, alors
même que l'accouchement ne saurait être ré-
puté impossible, n'auraient pas moins pour
conséquence une altération profonde des au-
tres fonctions dévolues au bassin. La fonction
de locomotion dépendant, en grande partie,
des actions musculaires et des connexions
osseuses du bassin, ne saurait s'accomplir
normalement qu'autant que le bassin est lui-
même conformé régulièrement. Il n'est pas
très-rare d'observer des sujets présentant les
caractères marqués d'une conformation vi-
cieuse du bassin : ventre saillant, projection
du dos en arrière, dépression profonde de la
colonne vertébrale au niveau de la région
lombaire (ensellement), obliquité des cuisses,
déambulation pénible et disgracieuse s'accom-
pagnant d'oscillations étendues de tout le
tronc, et représentant, en quelque sorte, une
double claudication. Les sujets affectés de
cette triste infirmité, toujours congénitale,
peuvent arriver à leur développement com-
plet, et posséder un bassin dont les dimen-
sions intérieures se rapprochent des moyen-
nes normales. La cause de cette altération de
la fonction locomotrice réside dans un défaut
de eoaptation entre la tête du fémur et la ca-
vité cotyloïde de l'os iliaque destinée à rece-
voir cette tête. L'une et l'autre sont altérées
dans leur forme, et la tête de l'os de la cuisse,
placée dans ia fosse iliaque externe, s'y main-
tient, dans une sorte d'équilibre instable, ap-
pliquée par la contraction des muscles qui la
rattachent au bassin. Contre cette difformité,
aussi pénible que disgracieuse, on a proposé
plusieurs moyens Curatifs dont l'efficacité n'a
pas encore été justifiée. Les bains froids, em-
ployés comme moyens de corroborer le sys-
tème des muscles dont la tête du fémur est
enveloppée et qu'elle tend continuellement à
refouler en haut, n'ont donné d'autres résul-
tats que de s'opposer aux progrès croissants
de la maladie. Une ceinture munie de gous-
sets propres à recevoir la partie supérieure
des fémurs, et à diminuer leur glissement sur
la table externe de l'os iliaque, a été aussi
employée par Dupuytren ; mais ce moyen,
comme tous ceux qui ont été proposés par
l'orthopédie, ne peut être efficace qu'à la con-
dition d'être longtemps supporté , ce qui ,
dans la plupart des cas, n'a pas été possible.
20 Fractures des os du bassin. Elles sont
peu communes, ce qui n'aura pas lieu d'éton-
ner, si l'on considère la force et la solidité de
ces os et les organes protecteurs dont ils sont
enveloppés. Ces fractures résultent le plus
ordinairement de violences directes, mais
quelquefois se produisent par contre-coup, à
la suite J'une chute sur les pieds. Elles sont
presque toujours graves, se compliquant de
contusions violentes, d'escarres, de dénuda-
tion des os, etc. Les fractures de l'os iliaque,
dans la région pubienne, peuvent se compli-
quer de lésions de la vessie, qui amènent
1 hématurie, l'infiltration urineuse, la compres-
sion de l'urètre, la rétention de l'urine, etc.
Celle du coccyx pourra se compliquer de
lésions du rectum. Le rétrécissement de l'ex-
cavation du bassin, rendant plus tard l'accou-
chement difficile, est encore une conséquence
des fractures mal réduites.
Les fractures des os iliaques sont souvent
méconnaissables. S'il y a arrajhement du re-
bord ou sourcil cotyioïdien, s il y a enfonce-
ment du fond de la cavité cotyloïde, les symp-
tômes se confondront, à quelques égards, avec
ceux de la fracture du col du fémur. On
distinguera mieux les lésions de l'os coccyx,
aux douleurs que le malade éprouve pendant
la marche, à la mobilité du fragment, à la
crépitation que l'on peut percevoir en intro-
duisant un doigt dans le rectum et en faisant
jouer la partie fracturée. Le traitement con-
siste dans un repos complet, avec application
d'un bandage de corps. 11 y aura souvent lieu
de pratiquer la saignée, pour prévenir les ac-
cidents inflammatoires; mais rarement il sera
possible de replacer les parties fracturées.
Les chirurgiens ont eu quelquefois l'occasion
d'extirper un séquestre osseux détaché. Les
complications appelleront un traitement ap-
proprié.
3« Carie des os du bassin. La partie spon-
gieuse des os du bassin est exposée à cette
affection, et, à cet égard, le sacrum tient la
première place. Les violences extérieures
sont la cause la plus ordinaire de la carie.
Les fractures du coccyx, à la suite de chutes
sur le siège, ont eu quelquefois pour consé-
quence l'inflammation suppurative de cet os,
et son élimination spontanée ou provoquée.
A la suite d'un accouchement laborieux, les
femmes peuvent être attaquées de l'inflamma-
tion suppurative des symphyses du bassin;
enfin, les escarres qui se produisent à la ré-
gion sacrée, chez les malades amaigris et
longtemps alités, peuvent se compliquer de
carie du sacrum et de nécrose de la partie
superficielle de l'os. La carie des os se mani-
feste ordinairement par des infiltrations puru-
lentes, qui fusent vers les parties déclives,
produisant des trajets fistulaires étendus et
des collections purulentes qui ne différent en
rien des autres abcès par congestion. La
carie des os du bassin est toujours grave, et
presque toujours mortelle, lorsqu'elle est un
peu étendue. On a cependant réussi à guérir
un certain nombre de sujets par l'emploi des
antiphlogistiques et des détersifs, combiné
avec l'administration des préparations toni-
ques.
II. — Affections des parties ligamen-
teuses ET DES ARTICULATIONS DU BASSIN.
1° Relâchements et luxations des symphyses.
Le relâchement ou diastase des symphyses du
bassin est un phénomène physiologique qui,
dans quelqr.es cas , accompagne et précède
l'accouchement naturel, et contribue à rendre
plus facile et plus prompte l'expulsion du
fœtus; mais cette semi-luxation se produit à
un degré variable, et peut atteindre des pro-
portions qui en font une véritable maladie ,
soit pendant le cours de la grossesse , soit
après un accouchement naturel ou laborieux.
On a observé cependant des luxations du
bassin à la suite de coups, violences ou exer-
cices immodérés, non - seulement chez la
femme, à des époques éloignées de la gros-
sesse, mais chez l'homme même. Chez les
femmes, cette affection, lorsqu'elle survient
pendant la grossesse, se manifeste par une
douleur plus ou moins vive au niveau des
symphyses, douleur qui se réveille par le
mouvement du tronc ou lorsque la malade
veut soulever le membre inférieur. La station
est plus pénible encore que la marche, et la
femme a la conscience de cette désunion des
surfaces articulaires : il lui semble qu'elle
rentre en elle-même et s'affaisse dans son
bassin. Le chirurgien peut, par l'examen di-
rect, percevoir à travers la peau l'écartement
des symphyses, et, dans quelques cas, sentir
le craquement qui accompagne les mouve-
ments du bassin. La diastase articulaire peut
survenir brusquement pendant l'accouche-
ment même ; un craquement perceptible an-
nonce la production de cet accident, dont l'in-
flammation est une Suite presque inévitable.
Contre le simple relâchement des symphyses,
il n'y aura d'autres moyens à mettre en usage,
chez les femmes grosses, que le repos com-
plet, les douches, les irrigations froides, les
bains de mer, et les frictions pratiquées avec
des liniments excitants et toniques. Si l'on
craint le développement de l'inflammation
après les luxations diastasiques dues à des
violences extérieures, on aura recours aux
antiphlogistiques et particulièrement aux sai-
gnées locales. Ce traitement est applicable,
Surtout dans les cas de luxations du coccyx
qui se produisent après les chutes violentes
sur le siège. Les diastases articulaires du
bassin ont des suites souvent fort longues : la
claudication ,, l'impossibilité de marcher ou de
se livrer à un travail pénible, la permanence
de la diastase en sont quelquefois les résul-
tats, et peuvent se prolonger pendant des
semaines, des mois, et même pendant toute
la vie.
2o Inflammation des symphyses. Nous avons
dit quelle était souvent la suite des relâche-
ments diastasiques des articulations du bassin,
particulièrement lorsque le relâchement de la
symphyse s'est produit brusquement pendant
l'accouchement. Les émoUients et les anti-
phlogistiques sont les moyens à opposer à
cette affection, qui amène souvent une sup-
puration et des trajets fistuleux, ouverts en
divers endroits du bassin. Malgré le traite-
ment le plus rationnel, la mort est ordinaire-
ment le résultat de l'inflammation suppurative
des symphyses; cependant, on a observé quel-
ques cas de guérison après suppuration, gué-
rison qui a eu nécessairement pour complé-
ment 1 ankylose de l'articulation malade.
III. — AFFECTIONS DES PARTIES MOLLES DU
BASSIN.
lo Psoïtis. On désigne sous ce nom l'in-
flammation et la suppuration du muscle psoas.
Cette aftection est quelquefois la conséquence
de violences extérieures, d'efforts exagérés,
d'un travail pénible ou d'une fatigue exces-
sive ; elle survient plus fréquemment encore
à la suite de couches. Elle s annonce par une
douleur vive à la région lombaire , douleur
qui s'irradie dans la partie supérieure de la
cuisse, s'exaspère par le mouvement, et force
enfin le malade à garder le repos complet. Il
est alors couché, la cuisse fléchie sur le bassin,
et, le plus ordinairement, le pied tourné en
dedans. Cependant la fièvre s'allume, il sur-
vient des troubles digestifs graves, des nau-
sées, des vomissements , l'inflammation de la
cuisse,l'engorgement des ganglions inguinaux
et tous les signes d'une suppuration intérieure'
qui vient se faire jour à la peau dans le pli de
laine ou dans la région lombaire. La mort est
la conséquence la plus ordinaire de cet état
pathologique. Le traitement antiphlogistique
le plus énergique doit être dirigé de bonne
heure contre le psoïtis; l'ouverture du foyer
purulent, aussitôt que son existence peut être
constatée, est à peu près la seule chance de
guérison.
2o Phlegmon iliaque. Le tissu cellulaire de
la fosse iliaque est quelquefois le siège d'une
inflammation suppurative, dont le foyer se
forme soit dans la cavité du bassin (inflam-
mation iliaque sous-péritonéale), soit entre le
fascia-iliaca et les fibres du muscle psoas-ilia-
3ue (abcès sous-aponévrotique). Les causes
e cette inflammation sont 1 excès de fatigue,
la constipation prolongée, le genre de travail
des frotteurs, et enfin l'état puerpéral, prin-
cipalement chez les primipares. L'affection se
développe encore à la suite des perforations
du cœcum ou de l'appendice iléo-cœcal. Elle
se manifeste brusquement par l'apparition
d'une douleur violente dans la fosse iliaque
gauche ou droite, plus souvent à droite, et qui
s'irradie à la cuisse du même côté et aux
parties génitales. Une constipation opiniâtre,
des nausées et des vomissements accompa-
gnent ou précèdent l'inflammation. La fosse
iliaque devient le siège d'une tumeur réni-
tente, non mobile et mal circonscrite ; la cuisse
se fléchit sur le bassin ; la fièvre, si elle n'a
été primitive , se déclare ; le ventre se bal-
lonne, enfin les caractères d'une suppuration
profonde se dessinent plus visiblement : élan-
cements lancinants, fluctuation de la tumeur,
frissons passagers. Le pus fuse alors en di-
verses directions , détruit les aponévroses ,
infiltre et ramollit les fibres musculaires du
psoas , de l'iliaque et du carré des lombes ,
dénude les nerfs et se fait jour, tantôt à la
peau de la région iliaque , au pli de l'aine ou
aux lombes, tantôt dans le vagin, dans le
péritoine, dans le rectum, dans la veine cave
même. Le phlegmon iliaque se termine quel-
quefois par résolution avant la formation du
pus, et guérit bien plus rarement après la
suppuration. Dans la plupart des cas, l'étendue
des désordres organiques, l'ouverture du foyer
purulent dans le péritoine ou l'infection puru-
lente amènent la mort du malade. Un traite-
ment antiphlogistique des plus énergiques ne
pourra entraver la marche fatale de l'affec-
tion, que s'il est appliqué dès le -début. Les
vésicatoires volants ont également réussi à
favoriser la terminaison par résolution; les
purgatifs doux sont employés pour vaincre la
constipation et diminuer le météorisme; enfin,
il est d'indication première de donner issue au
pus dès que la fluctuation est apparente.
3° Abcès du bassin. Nous rangeons sous cette
dénomination les collections purulentes pro-
duites par l'inflammation du tissu cellulaire de
l'excavation pelvienne. Elles diffèrent ainsi
par leur siège spécial : lo des inflammations
suppuratives intrapéritonéales de la cavité
du péritoine , 2° du phlegmon iliaque qui se
développe sous l'aponévrose fascia - iliaca ,
30 des abcès voisins du rectum qui siègent
au-dessous de l'aponévrose pelvienne. L ori-
gine des abcès du bassin est très- variée : ces
collections purulentes peuvent provenir des
organes voisins et étrangers à l'excavation
même (suppuration du tissu cellulaire des
muscles psoas et iliaque, inflammation des
symphyses, carie des os, tumeurs blanches de
1 articulation coxo-fémorale, etc.); elles peu-
vent provenir d'opérations sur les organes du
bassin, de plaies, de l'inflammation ou de
l'utérus ou des ovaires, d'une grossesse extra-
utérine, enfin de toute lésion traumatique ou
spontanée des organes contenus dans 1 exca-
vation. Les symptômes par lesquels se mani-
feste cette lésion sont souvent fort obscurs ;
ils ont la plus grande ressemblance avec ceux
du phlegmon iliaque, et les circonstances com-
mémoratives de 1 accident qui a pu leur donner
naissance sont quelquefois les seuls carac-
tères distinctifs de laffection. Leur «arche
est également variable, suivant la cause qui
les a produits. Le trajet que suit le pus pour
se faire jour au dehors sera également très-
différent suivant le siège de l'abcès, la posi-
tion du malade, et différentes circonstances
dont il n'est pas toujours aisé de rendre
compte. Le traitement est le même que pour
le phlegmon iliaque, et l'indication de donner
issue au pus le plus tôt possible etdedéterger
la cavité de l'abcès est aussi formelle que
dans ce premier cas.
4° Plaies du bassin. Elles ne présentent pas
d'indications spéciales, et nous n'en parions
ici que pour compléter le tableau pathologique
des affections du bassin. La conséquence des
plaies par instruments tranchants peut être,
le développement d'une inflammation suppu-
rative du tissu cellulaire. Les plaies d'arnwa
à feii, toujours plus graves, se compliquent
de fractures comminutives des os, de l'enfon-
cement et du déplacement de fragments os-
seux qui peuvent gêner et léser les organes
voisins. Les abcès profonds qui résultent de
ces sortes de plaies amènent des accidents
redoutables, ou tout au moins des fistulea
donnant issue à une suppuration intarissable.
L'indication est ici d'extraire le projectile, s'il
existe dans la cavité du bassin, par tous les
moyens possibles, de replacer les fragments
osseux déplacés , enfin, de déterger les trajets
fistuleux pour les amener a une cicatrisation
prompte. V. Armes à feu (Plaies par).
5» Tumeurs, du bassin. Les tumeurs qui peu-
vent se développer dans l'intérieur de l'exca-
vation sont nombreuses et variées. Tous les
tissus qui entrent dans la composition de cet
organe complexe peuvent être le siège de "ces
tumeurs, qui, par leur présence, apportent une
gêne plus ou moins considérable aux fonctions
des organes pelviens. Dans le tissu osseux
.peuvent se développer l'exostose , l'ostéosar-
come, l'enchondrôme et des tumeurs osseuses
dues, soit à des cals difformes après la consoli-
dation vicieuse des fractures, soit a une perfo-
ration du fond de la cavité cotyloïde, qui, après
une coxalgie, donne issue a la tète du fémur.
Dans les parties molles prennent naissance les
tumeurs sanguines, les squirres, les phlegmons,
les kystes séreux ou hydatiques, les engorge-
ments des ganglions lymphatiques, des excrois-
sances et des végétations syphilitiques , enfin
les polypes, les tumeurs fongueuses etfibreuses
du corps et du col de l'utérus. Signalons en-
core les accumulations de matières fécales
dans le rectum, la procidence de la vessie, les
calculs urinaires , enfin les hernies vaginales
de l'intestin ou de l'épiploon. L'anatomie pa-
thologique de ces tumeurs et les phénomènes
de leur développement intérieur n'ont rien ici
de particulier ; elles sont dans le bassin ce
qu'elles sont dans toute autre région. Nous
avons seulement à nous préoccuper ici : l° de
la gêne apportée aux fonctions, 2° des moyens
dy remédier.
On comprend parfaitement que le dévelop-
pement des tumeurs du bassin au sein de
l'excavation est de nature a amener une com-
pression plus ou moins considérable sur les
organes environnants; c'est ainsi que la con-
stipation opiniâtre, l'accumulation des ma-
tières fécales dans le rectum, et par suite
l'inflammation et la perforation de l'intestin,
peuvent être la suite des compressions exer-
cées sur le rectum. De même, les compressions
exercées sur la vessie produiront la dysurie
ou la rétention complète des urines; les com-
pressions exercées sur le col ou le corps de
l'utérus, sur le vagin ou sur un point quel-
Conque du trajet que doit parcourir le fœtus à
terme, au moment de l'accouchement, auront
pour conséquence d'empêcher l'accomplisse-
ment de la.parturition. Les fonctions de loco-
motion se ressentiront également, à un certain
degré, de l'existence d'une tumeur dans le
bassin, et lorsque celle-ci aura acquis un no-
table développement, la marche pourra de-
venir impossible. En toutes ces circonstances,
l'indication principale est de détruire, s'il est
possible , la cause des altérations fonction-
Belles, c'est-à-dire la tumeur même. Il est rare,
j. toutefois, qu'on puisse agir d'une manière effi-
cace sur les tumeurs profondes de l'excava-
' tion. Les moyens chirurgicaux sont à peu près
'f les seuls sur lesquels il faille compter, et ils
ne réussissent à atteindre que les excrois-
sances superficielles. Idiopathiques ou sympto-
matiques, les tumeurs du bassin peuvent, au
point de vue chirurgical, se rattacher a deux
groupes : 1° les tumeurs lardacées, squir-
reuses ou cancéreuses, qui, par leur volume,
leur dureté et la compression qu'elles exercent
sur les organes voisins, produisent des acci-
dents variés qui ne peuvent cesser qu'à la
mort du malade , puisqu'elles sont inaccessi-
bles aux moyens chirurgicaux ; 2° les tumeurs
enkystées, abcès, kystes séreux, kystes hyda-
tiques et tumeurs sanguine.i, qui. malgré leur
volume souvent très-considérable et la gêne
qu'elles causent aux fonctions du bassin, sont
plus accessibles aux opérations, et peuvent
être vidées et guéries par incision.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur
les maladies du bassin. Chacune de ces affec-
tions trouvera, en des articles spéciaux, le
développement qui lui convient. Nous n'avons
voulu que présenter ici un tableau abrégé de
la pathologie du bassin, afin de montrer les
rapports qui existent entre les affections mor-
bides de cet organe et l'altération des fonc-
tions qui lui sont dévolues. Nous n'avons pas
parlé non plus des affections propres aux
organes pelviens, qui seront décrites en même
temps que ces organes mêmes. V. Utérus,
Rectum, Vessie, etc.
BASssinage s. m. (ba-si-na-je — rad. bas-
siner). Teclin. Cinquième opération du pétris-
sage, consistant à incorporer dans la pâte du
sel marin dissous dans Veau.
— Hortic. Léger arrosage : On donne des
BASS1Nac.es souvetit répétés aux semis gui ne
sont pas encore levés et-aux très-jeunes plantes
récemment sorties de terre, qui ne supporte-
raient pas un arrosage ordinaire.
BASSINAT s. m. (ba-si-na — rad. bassin),
Techn. Soie de rebut :" Ces déchets covii>re<v-
4a
330
BAS
tient toutes les soies courtes et brisées qui ré-
sultent du travail de la soiegrége, connues sous
le nom de frisons et de bassinats. (L. Reyb.)
BASSINE s. f, (ba-si-ne — ; rad. bassin).
Techn. Vase employé aux évaporations des
liquides, et qui est conséquemment très-
large et peu profond : Evaporer dans une
bassine. Les confitures se font dans des bas-
sines de cuivre.
— Typogr. Réservoir de l'eau dont on se
sert pour tremper le papier, et qui consiste
le plus souvent en une caisse rectangulaire
de chêne , peu profonde, doublée intérieure-
ment en plomb.
BASSINÉ, ÉE (ba-si-né) part, passé du
v. Bassiner. Chauffé avec une bassinoire : Je
vous réponds d'un bon souper et d'un bon lit
bassine, pour vous remettre de vos fatigues.
(G. Sand.)
— Lavé, détergé : One plaie soigneusement
BASSINÉE.
BASSINÉE s. f. (ba-si-né — rad. bassin).
Techn. Eau que contient un bassin de bou-
langer.
— Constr. Chaux employée en une fois
pour la confection du mortier.
BASSINEMENT s. m. (ba-si-ne-man —
rad. bassiner). Action de bassiner : Le bassi-
nemekt d'un lit. Le bassinement de la pâte.
il Peu usité.
BASSINER v. a. ou tr. (ba-si-né — rad.
bassin). Chauffer avec une bassinoire : Bas-
siner un lit. Ne faut-il pas lui bassiner son
lit? demanda-t-elle. .(Balz.) Bassinez mon lit,
car j'ai froid. (E. Souvestre.)
— En parlant d'une plaie ou d'un organe
malade, L'humecter : Bassiner ses yeux avec
de l'eau froide. Il m'alla chercher un verre
d'eau, tandis que ma mère me bassinait le
visage. (J.-J. Rouss.) Bon papa, sois tranquille,
je te bassinerai bien soigneusement ta jambe
ce soir. (E. Sue.)
— Fi g. Calmer, adoucir : C'est à Rome que
les rois tombés viennent bassiner leurs contu-
sions et panser les blessures de leur orgueil.
(E. About.)
— Pop. Poursuivre avec des bruits de
bassins, casseroles, cornets à bouquin, etc.,
une personne à qui l'on veut faire un affront
public, et particulièrement, dans certains
pays, une veuve un peu mûre qui épouse un
tout jeune homme, l] Ennuyer, assourdir, fa-
tiguer de questions oiseuses ou indiscrètes :
Il me bassine, cet avoué. (Labiche.)
— Techn. Bassiner la pâte, Lui ajouter un
bassin d'eau, lorsqu'elle est trop ferme : Les
bons boulangers font toujours à dessein cette
manœuvre qui donne de la légèreté au pain,
c'est-à-dire qu'ils font la pâte de premier jet
un peu ferme pour pouvoir la bassiner. (Louis
Lebaudy.) u Jeter avec la main de l'eau sur
l'osier, afin de le rendre moins cassant, au
moment de l'employer.
— Hortic. Arroser légèrement :, Il convient
de bassiner avec beaucoup d'attention les
plantes nouvellement transplantées. Il On bas-
sine principalement les cultures sur couches
ou sous châssis, les légumes, les Heurs, les
arbustes nouvellement transplantés, pour
les aider à prendre racine. Pendant le prin-
temps, cet arrosage doit se faire le matin
avant que le soleil ait pris de la force, et en
été, le soir.
Se bassiner, v. pr. S'humecter un organe
malade ou une plaie : Se bassiner les yeux.
BASSINET ou BACINET s. m. (ba-si-nè — -
dimin. de bassin). Art milit. Calotte de fer
qu'on plaçait sous le casque, au moyen âge,
et que l'on portait quelquefois seule, il Bassi-
net à camail, Sorte de casque du même genre,
auquel on adaptait un chaperon.
— Techn. Bassin où l'on fabrique le sel. il
Sorte de bobèche adhérente à la partie supé-
rieure d'un chandelier : Les chandeliers d'é-
glise sont généralement pourvus de bassinets.
Il Petite capsule, ordinairement de cuivre, qui
faisait partie de la platine à serpentin, de la
platine à roue et de la platine à pierre, et
dans laquelle on plaçait la poudre d'amorce :
Le bassinet communiquait avec l'intérieur du
canon au moyen d'un petit canal appelé canal
de lumière, ou simplement lumière. ("*) // se
leva, saisit ses armes et versa de la poudre
dans le bassinet de ses pistolets. (Alex. Dum.)
Il Bassinet de sûreté, Demi-cylindre dispose
de façon à recouvrir à volonté toute l'amorce,
pour empêcher l'explosion, dans le cas où le
chien viendrait à s'abattre accidentellement.
— Archit. hydraul. Endroit voûté pour
mesurer et distribuer l'eau que fournit une
source.
— Anat. Poche de forme à peu près ovale,
située dans le fond de la scissure du rein,
dans laquelle s'ouvre l'uretère.
— Bot. Nom vulgaire do plusieurs espèces
de renoncules, et en particulier de la renon-
cule acre, appelée encore bouton d'or, u On
écrit aussi bacinet.
— Encycl. Au XIIe siècle, le bassinet était
une calotte de fer que l'on mettait ordinaire-
ment sous la coiffe de mailles , quelquefois
cependant dessus. Les chevaliers le portaient,
pendant les marches, k cause de sa légèreté,
et ils ne prenaient le heaume qu'au moment de
combattre. Au commencement du xive siècle,
on employa le mot bassinet pour désigner un
BAS
casque ovoïde, légèrement pointu, qui se pla-
çait toujours sous le camail de mailles, et dont
le bord inférieur était muni de petits cylindres,
nommés vervelles, qui servaient à maintenir
ce dernier en place.. Vers 1350, on ajouta à ce
nouveau casque une visière mobile d'une seule
pièce, qui s'abaissait jusqu'au-dessous du nez,
et qui était percée de fentes et de trous pour ,
la vue et la respiration. Ainsi modulé, le bas-
sinet se maintint pendant une grande partie
du xv<î siècle, époque à laquelle on le rem-
plaça par la salade et la bavière, pour com-
battre à cheval, et l'on ne s'en servit plus que
pour combattre à pied. Enfin, au siècle sui-
vant, pendant les guerres de religion, le nom
de bassinet fut donné à un casque de fantas-
sin composé d'une sorte de calotte pointue,
munie de rebords.
BASSINET (l'abbé Alexandre- Joseph de),
littérateur français, né à Avignon en 1733,
mort en 1813. Après avoir prêché avec succès
à la cour et prononcé devant l'Académie fran-
çaise le panégyrique de saint Louis, l'abbé
Bassinet fut nommé grand vicaire à Verdun.
Ayant refusé, sous la Révolution, de prêter le
serment exigé du clergé, il quitta Verdun pour
se réfugier dans une maison de campagne
voisine de cette ville. C'est là que, lors de
l'invasion prussienne en 1792, il reçut le comte
de Provence, qui marchait à la suite des en-
nemis de la France. Obligé de se cacher pour
éviter les suites de cette imprudence, il resta,
dit-on, sept ans enfermé dans une chambre.
Après le 18 brumaire, il revint à Paris, où il
vécut de ses productions littéraires et de sa
collaboration au Magasin encyclopédique ; mais
ayant, sous l'empire, renoué ses intrigues
royalistes, il fut arrêté en 1806 et conduit à la
prison du Temple, d'où il ne sortit que pour
se réfugier à Chaillot, dans la maison de
Sainte-férine. Il y resta jusqu'à la fin de sa
vie. Bassinet a publié : Histoire moderne de
Russie, traduite de l'anglais W. Tooke (Paris,
1802, s vol. in-so) ; Histoire sacrée de l'Ancien
et du Nouveau Testament, représentée par
figures au nombre de six cent quatorze, avec
des explications tirées des saints Pères (Paris,
1804-1808, 8 vol. gros in-s<>). Il a en outre
édité : Sermons de Ciceri (Avignon, 1761,
6 vol. in-12); et les Œuvres complètes de
Luneau de Boisgermain.
bassinoire s. f. (ba-si-noi-re — rad. bas-
siner). Bassin couvert, ordinairement en
cuivre et muni d'un manche, et dans lequel
on met de la braise pour chauffer un lit : En
ce moment, la grande Nanon apparut, armée
d'une bassinoire. (Balz.)
— Pop. Grosse montre : C'était une véri-
table montre de famille , dite bassinoire en
langage familier. (Champfleury.) il Quelqu'un
ou quelque chose qui oosède , qui ennuie :
Voilà vingt fois qu il me demande la même
chose; c'est mie véritable bassinoire. Laissez-
moi donc tranquille avec votre bassinoire,
BASSINOT s. m. (ba-si-no — dimin. de
bassin). Techn. Bassin placé au fond d'un
vase pour laisser reposer un liquide.
— Mus. Basse de hautbois.
BASSIOT s. m. (ba-si-o). Techn. Baquet du
distillateur d'eau-de-vie.
BASSIQCE adj. (ba-si-ke — rad. bassie).
Chim. Se dit d'un acide qui existe dans l'huile
do la bassie à larges feuilles, associé à de
l'acide oléique et à un autre acide gras :
L'acide bassiqde est blanc, cristallin, fusible,
volatil à une chaleur modérée, décomposuble
en plusieurs carbures d'hydrogène liquides, si
on le chauffe à la lampe. (Orfila.)
BASSISSIME adj. (ba-si-si-me — superl. de
bas, formé à la manière latine). Tres-bas :
Faire une révérence baSSiSSimk. Mes fonds sont
bas, très-bas, bassissimes. il Ne peut s'em-
ployer que dans le style burlesque.
BASSISTE s. m. (ba-si-ste — rad. basse).
Mus, Artiste qui joue de la basse ou du vio-
loncelle, il On dit aussi basse et bassier.
BASSICS (Henri), médecin allemand. V.
Bass.
BASSOL (JeaD) ou BASSOLIS (Joannes),
savant écossais, mort en 1347. Après s'être
adonné, à Oxford, à l'étude des belles-lettres,
de la médecine et de la philosophie, il se rendit
en France, resta quelque temps à Reims, étudia
alors d'une façon toute particulière la philo-
sophie scolastique, et entra dans l'ordre des
minorités. Il avait une telle réputation de
science, que Scot disait quelquefois : «Si Jean
Bassol m écoutait, je me contenterais de cet
auditoire. » On a de lui : Commentaria seu
lecturœ in quatuor libros sententiarum, cura
Orontii Finei Delphinatis édita (Paris, 1517,
in-fol.) et Miscellanea philosophica et medica.
BASSOMBE s. f. (ba-son-be). Bot. Genre
de plantes de la famille des aroidées. Syn.
d'acore. V. ce mot.
BASSOMP1ERRE (François, baron i>r), ma-
réchal de France, né en 1579 au château
d'Hérouel en Lorraine , mort en 1646. Issu
d'une famille très-ancienne, formant une
branche de la maison de Clèves, il était l'aîné
de cinq enfants, à qui son père, le marquis
d'Hérouel, fit donner une éducation bien su-
périeure à celle Q.^e recevaient les jeunes
gens à cette époque. Doué d'une vive intelli-
gence , le jeune Bassompierre étudia avec
succès , non-seulement l'art militaire , mais
encore la philosophie, le droit, la médecine,
BAS
et, après avoir voyagé en Italie, il parut à la
cour de Henri IV en 1602. Il avait vingt-trois
ans. Beau, spirituel, brave et fastueux, il de-
vint aussitôt un des héros de ce monde galant,
qu'il quitta cependant, cette année même, pour
aller faire ses premières armes en Savoie, et
pour se battre, l'année suivante, contre les
Turcs, dans l'armée de l'empereur d'Allema-
gne, Rodolphe II. De retour en France, il
conquit l'amitié de Henri IV, bien que, dit-on,
il lui fît entendre maintes fois des vérités un
peu dures. Sa grande position lui permit d'as-
pirer à la main de la belle M"e 3e Montmo-
rency, fille du connétable; mais le roi vert-
galant était alors si furieusement épris de la
future princesse de Condé, qu'il supplia Bas-
sompierre de ne pas donner suite à ses projets.
Si l'on en croit les mémoires de ce dernier •
■ Bassompierre, lui dit-il, je veux te parler
en ami ; je suis devenu non-seulement amou-
reux, mais fol et outré de Mlle de Montmo-
rency^; si tu l'épouses et qu'elle t'aime, jo te
haïrai ; si elle m aimait, tu me haïrais : il vaut
mieux que ce ne soit pas la cause de notre
mésintelligence. » Bassompierre se méfiait
sans doute des caprices du meilleur des rois;
il savait que, même dans la bouche d'un aussi
excellent monarque, des paroles semblables à
celles qu'il venaitd'entendre équivalaient à un
ordre; il s'abstint donc. Il est bon de dire que
Tallemant des Réaux prétend, au contraire,
que la rupture vint de M1'6 de Montmorency.
Quoi qu'il en soit, Bassompierre devint colonel
général des. suisses,' et, sous la régence de
Marie de Médicis, grand maître de l'artillerie.
Il assista en cette qualité au siège de Château-
Porcien, et fut blessé à celui de Retheljil prit
part à l'investissement de Saint-Jean d'Angely
et de Montpellier, et fut, en 1822, créé maré-
chal de France par Louis XIII. Luynes, le
favori de ce roi si faible, prit ombrage de la
faveur avec laquelle son maître traitait Bas-
sompierre, et s'en expliqua même avec le
nouveau maréchal : « Je vous aime, lui dit-il,
et je vous estime; mais le penchant du roi
pour vous me cause de l'ombrage ; je suis enfin
comme un mari qui craint d'être trompé, et qui
ne souffre pas avec plaisir un homme aimable
auprès de sa femme. » En conséquence, Luynes
lui offrit une ambassade en Espagne, qui fut
acceptée, et où, du reste, il termina l'affaire
de la Valteline (1623). Envoyé ensuite en
Suisse et en Angleterre, il assista au siège de
La Rochelle en 1628 ; il s'y montra hostile a
Richelieu, qui fut blessé de la hardiesse de
son langage, et qui, ne pouvant s'en faire une
créature, le regarda comme un ennemi dan-
gereux. L'aristocratie se groupait alors en
effet autour de Bassompierre, que ses succès
en tout genre semblaient désigner à la pre-
mière place. Dévoué à la cause des grands,
celui-ci prit part à toutes les attaques dirigées
contre le puissant ministre, si bien que Riche-
lieu, prétextant sa participation à l'intrigue
qui avait amené le mariage de Gaston d'Or-
léans avec Marguerite de Lorraine, fit arrêter
Bassompierre, qui fut conduit à la Bastille
(1631), d'où il ne sortit que douze ans après,
à la mort du cardinal. Mazarin lui restitua son
emploi de colonel général des suisses , et il
allait être nommé gouverneur de Louis XIV,
lorsqu'il mourut d'apoplexie. Bassompierre fut
un des esprits les plus brillants et un des
hommes les plus heureusement doués de son
temps. Sa naissance, les grâces de sa per-
sonne, son faste, sa passion pour le jeu et ses
falanteries en firent le type, l'idéal du gentil-
omme accompli, tel quon le rêvait alors.
Affable envers tous , libéral , magnifique , il
excellait dans tous les exercices du corps, et
sa conversation charmait par ses promptes et
vives saillies. Bien qu'il fût fort riche , ses
dettes ne s'élevaient pas à moins de 1,600,000 fr.,
somme énorme à cette époque, lorsqu'on le
mit à la Bastille. On raconte de lui un grand
nombre d'anecdotes significatives. Prévenu
qu'il allait être arrêté, il brûla, dit-on, plus de
six mille lettres des plus compromettantes
pour les grandes dames du temps. En appre-
nant son arrestation, la princesse de Conti,
qu'il avait secrètement épousée , mourut de
saisissement et de douleur. Mlle d'Entragues,
sœur de la marquise de Verneuil, plaida huit
ans contre lui pour obtenir la réalisation d'une
promesse de mariage qu'il lui avait faite.
Un jour que le maréchal se promenait en
carrosse avec la reine, il arriva que la voiture
de Mlle d'Entragues fut obligée de s'arrêter
près d'eux à cause de la foule. La reine, re-
gardant le maréchal : « Voilà, lui dit-elle,
Mm« de Bassompierre. — Ce n'est que son
nom de guerre, » répondit-il assez haut pour
être entendu de son ancienne maîtresse.
« Vous êtes le plus sot des hommes ! s'écria
celle-ci avec indignation, ■ — Que diriez-vous
donc, reprit Bassompierre, si je vous avais
épousée? » Pendant son emprisonnement à la
Bastille, il passait son temps à lire et à écrire
ses mémoires. Malleville, son secrétaire, le
trouvant qui feuilletait l'Ecriture sainte, lui
dit : ■ Que cherchez-vous donc, monseigneur?
— Je cherche, répondit-il, un passage que je
ne saurais trouver. > Il voulait lui faire en-
tendre qu'il souhaitait bien sortir d'où il était.
Un jour, après sa sortie de la Bastille, où il
avait acquis un certain embonpoint, comme
la reine lui demandait (singulière plaisanterie
pour une reine) quand il accoucherait, Bas-
sompierre répondit : « Madame, quand j'aurai
trouvé une sage femme. » Il avait, du reste,
ainsi que tous les courtisans de cette époque
et des autres, la louange facile et spirituelle :
BAS
« Quel âge avez-vous, monsieur lo maré-
chal? » lui demanda Louis XIII, la première
fois qu'il le revit après sa longue captivité.
« Sire, j'ai cinquante ans. » Le maréchal en
avait plus de soixante, et le roi ne put s'em-
pêcher de le faire remarquer , ce qu'avait
voulu le courtisan. « Sire, reprit-il, je retranche
dix années passées à la Bastille, parce que je
ne les ai pas employées à vous servir. » Il
montra constamment, néanmoins, un caractère
indépendant et un langage hardi. « Vous ver-
rez, s'écriait-il au siège de La Rochelle, que
nous serons assez fous pour prendre cette
ville. » Avait-il lu dans l'esprit profond de
Richelieu, et avait-il compris que le cardinal,
après avoir écrasé les huguenots, se tournerait
vers la noblesse et ferait place nette autour
de la royauté? Aveugles tous deux, ils ne
voyaient d'ailleurs, ni l'un ni l'autre, pour qui
ils travaillaient, ni en faveur de quelle cause
ils débarrassaient l'avenir.
Bassompierre a laissé : Mémoires du maré-
chal de Bassompierre depuis 1598 jusqu'à son
entrée à la Bastille en 1631 (Cologne, 1665,
2 vol. in-12), journal curieux à consulter, car
on y trouve une foule de détails et de faits in- .
téressants sur les hommes et les choses à
cette époque; Ambassades de M. le maréchal
de Bassompierre en Espagne, Suisse et An-
gleterre (1661); Notes sur les Vies des rois
Henri IV et Louis XIII, par Dupleix (1605).
BASSON s. m. (ba-son — rad. bas et son.)
Mus. Instrument de musique à vent et a
anche, qui, dans la famille du hautbois,
tient le même rang que le violoncelle dans
celle du violon : C'est seulement pour doubler
les parties de violon qu'on voit la flûte, le haut-
bois, le basson et la trombe figurer de loin en
loin sur les partitions de Lulli. (Vitet.) Le
caractère du basson est tendre, mélancolique,
religieux ; ses notes élevées, pures et sonores,
conviennent au récit. (Bachelet.) il Artiste qui
joue le basson : Le basson de cet orchestre est
un artiste distingué.
Piano, signor basson, amoroso! La dame
Est une oreille une !,....
A. DE MgssET
Jusqu'aux genoux, trois puissants villageois
Tenaient Lucas enfoncé dans la glace,
Qui reniflait en soufflant dans ses doigts,
Faisant très-laide et piteuse grimace,
— Eh! mes amis, pour Dieu, faites-lui grâce.
Dit un passant qui plaignait le pitaud.
— Monsieur, répond le sacristain Thibaud,
De notre bourg c'est demain la grand'fôte,
J'y chanterons l'office en faux-bourdon,
Et ce gros gars qui crie a pleine tête,
Je l'enrhumons pour faire le basson. „.
— Basson quinte, diminutif du basson, por-
tant la même étendue, se jouant avec les
mêmes clefs, mais dont le diapason est plus
élevé d'une quinte que celui du basson : Pour
le basson quinte, la musique se note une quinte
au-dessous des sons réels qu'on veut obtenir;
ainsi, on écrit en sol, pour jouer en ré. Le cor
anglais remplace le basson quinte avec avan-
tage, pour les deux octaves supérieures de ce
dernier instrument; cependant le timbre du
basson quinte a plus de force et de pénétra-
tion. Il Basson-contre ou contre-basson, instru-
ment à vent et à embouchure, qui donne
l'octave inférieure du basson : Le basson-
contre est un instrument qui n'est pas usité
en France. On emploie le basson-contre en
A llemagne, dans les bandes militaires, pour
renforcer les bassons ordinaires ou faire ré-
sonner la note basse fondamentale pendant que
ces derniers exécutent des arpèges ou des va-
riantes; on a aussi, dans le même pays, fait
figurer le conîre-basson dans l'orchestration,
et Haydn l'a employé pour ses oratorios. Il
Basson russe, instrument en bois, à dix trous
dont quatre munis de clefs, qui est usité dans
certaines églises pour remplacer l'ancien ser-
pent.
— Jeu de basson, jeu d'anches qui, dans l'or
gue, complète le hautbois et lui sert de basse.
Le jeu de basson comporte une étendue do
deux octaves.
— Encycl. L'étendue du basson est de trois
octaves, à partir du premier si bémol grave du
piano. Cet instrument possède donc, au grave,
une note de plus que le violoncelle ou basse.
Le basson joue dans tous les tons; cependant,
ses tonalités favorites sont ut, fa, si bémol, mi
bémol, et leurs relatifs mineurs.
Le caractère de cet instrument est grave et
mélancolique. On lui confie souvent 1 accom-
pagnement des chants religieux, ses pédales
basses ayant une grande analogie avec celles
de l'orgue. Du reste, c'est le_ basson qui sert
de base à l'harmonie des flûtes, clarinettes,
hautbois et cors. Les notes hautes -lu basson
ont quelque chose de plaintif et d'étranglé qui
produit souvent d'étranges effets; tels sont,
par exemple, les soupirs étouffés qu'on entend
dans le décrescendo de la symphonie en ut
mineur de Beethoven. Du médium brumeux,
pour ainsi dire, et mouillé de cet instrument
Meyerbeer a tiré la sonorité décolorée et quasi
cadavéreuse qui oppresse l'auditoire, àlascène
des nonnes, dans Robert le diable. Malgré la
tristesse de son timbre, on peut cependant
confier au basson des traits rapides ; et le même
compositeur a su, de l'emploi de ces traits,
tirer de charmants effets dans l'accompagne-
ment du chœur des baigneuses, au deuxième
acte des Huguenots.
Gluck, Haydn et Mozart ont eu pour cet
instrument une telle prédilection, qu ils sem-
blent l'exclure à regret des quelques mesures
BAS
BAS
BAS
BAS
331
de leurs œuvres symphoniques dans lesquelles
il ne figure pas.
Pour noter la musique de basson, on se sert
des clefs de fa et ut, quatrième ligne.
Le nom de basson a été donné à cet instru-
ment, probablement parce qu'il rend des sons
bas. Les Italiens l'avaient appelé fagotto , dit
M. Castil-Blaze, auquel nous laissons toute la
responsabilité de son interprétation, à cause
ûe la ressemblance qu'ont, avec un fagot, les
trois pièces qui eomposentleôasson,démontées
et serrées ensemble.
Le basson semble aujourd'hui délaissé par
les solistes. Parmi les virtuoses qui ont brillé
et brillent encore sur cet instrument, on cite :
Besozzi, Delcambre, Barizel, Sebauer, Cokken
et Jeancourt.
Quatre bassons figurent à chacun des or-
chestres de l'Opéra et du Conservatoire.
BASSON s. m. (ba-son). Ornith. Espèce de
foulque, appelée aussi.MORELLE ou macroulk.
bassoniste s. m. (ba-so-ni-ste — rad.
basson). Mus. Artiste qui joue du basson, il
On dit aussi basson.
BASSONOFŒs. m. (bâ-so-no-re — contract.
de basson et sonore). Mus. Espèce de basson
plus puissant que le basson ordinaire, et des-
tiné aux musiques militaires.
BASSORA ou BASRAH, c'est-à-dire terrain
fierreux, ville de la Turquie d'Asie , dans
Irab-Arabi, pachalik et à 340 kil. S.-E. de
Bagdad, sur la rive droite du Chat-el-Arab ou
fleuve des Arabes, formé par la réunion des
eaux de l'Euphrate et du Tigre, à 110 k. N.-O.
de son embouchure, dans le golfe Persique,
par 30" 21' de lat. N, et 45» 18' de long. E.
00,000 hab. arabes, persans, arméniens, juifs
et indous.
Ville très-étendue, Bassora, dont l'intérieur
est occupé en grande partie par des jardins
et des plantations, est mal bâtie, peu propre
et sans mouvement. Fondée en 636 par le ca-
life Omar, elle est la plus ancienne des gran-
des colonies établies par les successeurs du
prophète. Ses environs sont riants et fertiles,
surtout en roses dont on extrait l'essence, et <
en dattes renommées. C'est un des plus grands '
centres du commerce de l'Orient par les cara-
vanes et par le fleuve, que remontent les na- j
vires de 1 Inde et de la Perse. Le fleuve, na- I
vigable jusqu'à la ville pour des bâtiments de j
500 tonneaux, malgré le peu de profondeur
de la barre, y alimente plusieurs canaux , et !
ses fréquents débordements contribuent beau- j
coup, par les exhalaisons qu'ils produisent, |
à rendre le climat insalubre. Bien que la dé-
cadence profonde du bassin de l'Euphrate et
du Tigre, foyer de tant d'activité, de puis-
sance et de richesses au temps des Babylo-
- niens, ait paralysé le commerce de Bassora,
la valeur de l'importation est encore évaluée
à 3 millions de francs, et celle de l'exporta-
tion à 1,500,000 francs. Les principaux objets
importés sont les soieries, les mousselines, les
draps, les étoffes brochées d'or et d'argent,
divers métaux, les perles de Bahreïm, le co-
rail, les épices, etc. L'exportation se compose
de chevaux, dattes, laines, noix de galle , et
quelques tissus laine et coton.
BASSorie s. f. (bass-so-ri). Bot. Syn. du
genre morelle (solanum). On dit aussi bas-
sore. n Herbe de la Guyane, dont la place,
dans la classification naturelle, n'est pas en-
core bien fixée.
bassorine s. f. (bass-so-ri -ne). Chim.
Principe immédiat dont la gomme de Bas-
sora est presque exclusivement composée,-et
que l'on rencontre aussi dans diverses espè-
ces d'acacia.
— Encycl. La bassorine est un corps solide,
incolore, inodore, demi-transparent, insoluble
dans l'eau, mais s'y gonflant beaucoup, n'é-
prouvant pas la fermentation alcoolique, et
donnant, par l'acide azotique, de l'acide mu-
cique mêlé d'un peu d'acide oxalique. La bas-
sorine sèche ressemble à la gomme ordinaire,
mais sa transparence est moins grande, et
elle n'est point pulvérisable ; ses éléments
principaux sont le carbone, l'oxygène et l'hy-
drogène ; elle bleuit par la teinture d'iode, et
donne une solution limpide dans l'eau, par
l'action des alcalis et du verre soluble. Cette
substance a été étudiée pour la première fois
spar Vauquelin et Bucholz.
BASSORIQUE adj. (bass-so-ri-ke — rad.
bassorine). Chim. Relatif à la bassorine.
BASSOT (Jacques), auteur apocryphe d'une
brochure qui parut au commencement du
xvnic siècle, sous ce titre : Histoire véritable
du géant Teutobochus, roi des Teutons, Cim-
bres et Ambrosins, défaits par Marius, consul
romain, lequel fut enterré auprès du château
nommé Chaulant en Dauphiné (Paris, 1613,
in-8°). Cette mystification avait pour Dut de
montrer, pour de l'argent, les ossements d'un
mastodonte, qu'il s'agissait de faire passer
pour ceux du roi géant Teutobochus. On croit
que l'auteur de cette brochure fut un certain
Pierre Masuyer, chirurgien de Beaurepaire,
qui faisait publiquement exhibition du fossile.
Selon d'autres,, c'était un nommé Jacques
Tissot, ainsi que semblerait l'indiquer la der-
nière phrase du livre. Quoi qu'il en soit, cet
ouvrage fit une grande sensation dans le
monde savant et donna lieu à une discussion
des plus vives entre deux savants distingués,
Riolan et Hahicot.
bassotin s. m. (ba-so-tain).Teehn, Cuve
à indigo du teinturier.
BASSOUIN s. m. (ba-sou-ain). Pêch. Corde
fixée d'une part au halin et de l'autre à la
ralingue du filet.
BASSOUTOS, peuplade de l'Afrique aus-
trale, dans la Cafrerie, établie sur le terri-
toire de la rive droite du fleuve Orange, et
sur le versant occidental de la chaîne des
monts Quathlamba, qui s'étendent au N.-E.
de la colonie anglaise du Cap. Les Bassoutos,
divisés en plusieurs tribus considérables, pa-
raissent appartenir à la famille des Bechua-
nas (v. ce mot). Leurs premiers rapports
avec les Européens remontent à l'année 1833.
A cette époque, quelques-unes de ces tribus
étaient encore cannibales ; l'influence des
missionnaires a contribué à modifier considé-
rablement leurs mœurs. Aujourd'hui, ces peu-
ples ont un commencement d'agriculture et
d'industrie. La famille, la propriété, les pou-
voirs publics, y ont une certaine organisation.
L'autorité du chef (morena) chargé de veiller
à la tranquillité de tous est contrôlée par
une assemblée. Les tribus sont unies entre
elles par des liens fédératifs ; elles jouissent
d'un certain droit des gens. La vie du guer-
rier qui se rend est épargnée ; l'enfant, la
femme, le voyageur, sont considérés comme
étrangers à la guerre ; le messager est invio-
lable, etc., il en est de même pour l'étranger;
mais, en cas de guerre, celui-ci doit prendre
les armes avec la tribu qui l'accueille en
ami. Les meurtres doivent, comme autrefois
en Germanie, être compensés, et cette com-
pensation est déterminée par le chef de la
tribu. « Les Bassoutos , fait remarquer le
voyageur missionnaire Cazalès , respectent
mieux que les clients du juge Lynch le droit
qu'a la société de faire elle-même justice. »
Chez eux, le mal s'exprime par les mots de
laideur, dette, impuissance. Comme toutes les
races du sud de 1 Afrique en rapport avec les
Européens, les Bassoutos ne peuvent être
supportés par les blancs. Chaque jour, leurs
tribus sont obligées d'abandonner le pays qui
avait appartenu a leurs ancêtres et de se replier
Sur le désert, où les fruits de la civilisation
apportée par les missionnaires sont bientôt
anéantis.
BASSUEL (Pierre), chirurgien, né à Paris
en 1706, mort en 1757. Il fit partie, dès l'épo-
que de sa création, de l'Académie de chirur-
gie fondée en 1731, et acquit, comme prati-
cien, une très-grande réputation à Paris. Il a
laissé plusieurs mémoires importants sur di-
verses questions médicales, notamment : Re-
cherches sur le changement de figure dans la
systole du cœur (année 1731, Mémoires de
l'Académie des sciences), où il renversa une
erreur physiologique qui avait pour elle l'au-
torité de Vésale et celle de Riolan ; Disserta-
tion hydraulico-anatomique, ou Nouvel aspect
de l'intérieur des artères et de leur structure
par rapport au cours du sang ; Mémoire sur la
hernie crurale. (Mercure de France, 1734) ;
Mémoire historique et pratique sur la fracture
de la rotule; Dissertation sur une sueur sali-
vale â la joue, occasionnée par le long usage
d'emplâtres vésicatoires employés pour des
maux d'yeux invétérés et rebelles (Mémoires
de l'Académie des sciences, 1746).
bassure s. f. (ba-su-re — rad. bas, adj.).
Agric. Terrain bas et humide.
BASSUS s. m. (ba-suss). Entom. Genre
d'insectes hyménoptères, de la famille des
ichneumons, renfermant un assez grand
nombre d'espèces , presque toutes euro -
péennes.
BASSUS, nom porté par un grand nombre
de personnages qui ont vécu pendant les deux
premiers siècles de notre ère, et dont plusieurs
se sont occupés de poésie. Tous leurs ou-
vrages sont perdus, à l'exception de quelques
fragments cités par Pline, Dioseoride, Ga-
lien, etc. Les principaux sont les suivants :
Bassus (Lollius), poëte grec, natif de Smyrne
florissait sous le règne de Tibère, vers l'an
19 de notre ère. h' Anthologie grecque ren-
ferme de lui dix épigrammes, dont les plus
jolies sont celles qu'il a composées sur la
mort de Germanicus et sur la médiocrité.
Voici comment M. Dehèque traduit la pre-
mière : " Gardiens des morts, surveillez bien
toutes les routes qui mènent aux enfers, et
vous, portes du Ténare, qu'on vous ferme
avec des barres et des verrous ; c'est moi,
Pluton, qui l'ordonne. Germanicus appartient
aux astres, il n'est pas des nôtres. L Aehéron
d'ailleurs n'a pas une barque assez grande'
pour le porter, a — Bassus (Ccesius), poëte
latin, vivait vers le milieu du ier siècle de
notre ère. Il était l'ami de Perse, qui lui
adressa sa sixième satire, et ce fut lui qui
publia les satires de ce dernier , après en
avoir retranché les passages les plus hardis.
Bassus passait pour le second des lyriques
latins. On n'a rien de ses ouvrages ; il n'est
connu que par les vers de Perse, par le
scoliaste de ce dernier et par quelques mots
de Quintilien. — Bassus (Cesellius) , cheva-
lier romain, originaire de Carthage, vivait au
icr siècle de notre ère. Etant devenu un des
familiers de .Néron, il lui promit, sur la foi
d'un songe, de lui faire découvrir d'immenses
trésors enfouis par Didon lorsqu'elle cherchait
un refuge en Afrique. Néron s'empressa d'en-
voyer des vaisseaux vers le lieu indiqué par
Bassus, et celui-ci se livra à des recherches ;
mais, n'ayant rien découvert, il prévint le
sort qui vraisemblablement l'attendait en se
donnant la mort. — Bassus ( Lucilius ) floris-
sait dans la seconde moitié du i" siècle de
notre ère. Après avoir été préfet de la flotte
de Misène sous le règne éphémère de Vitel-
lius (69), il fut appelé par Vespasien à gou-
verner la Judée, et il acheva de soumettre ce
pays, qui continuait à se révolter, malgré la
f irise de Jérusalem (70). Il comprima la rébel-
ion après s'être emparé des châteaux de Ma-
chéronte et d'Hérodion, et mourut subitement
l'an 71. — Bassus (Saleius), poëte romain,
contemporain du précédent, possédait, au dire
de Quintilien , un talent « véhément et poé-
tique. » Il ne reste rien de Bassus, que Vespa-
sien tenait en si haute estime, qu'une seule
fois il lui fit don de 500,000 sesterces. — Bas-
sus (Cnéius-Aufidius-Oreste), orateur et his-
torien romain , contemporain de Vespasien ,
avait composé une histoire des guerres des
Romains contre la Germanie, ainsi qu'une his-
toire générale de Rome, à laquelle Pline l'An-
cien a ajouté trente et un livres. Il ne nous
est malheureusement rien parvenu de cet
écrivain. — Bassus (Pomponius) fut consul
sous le règne de Septime-Sévère dans les
premières années du hic siècle de notre ère.
Héliogabale étant devenu amoureux de sa
femme Anna Faustina, vers l'an 220, l'accusa
devant le sénat pour un motif des plus futiles,
et épousa sa veuve après l'avoir fait condam-
ner a mort.
BASSUS, hérétique du ne siècle. Il était dis-
ciple d'Ebion et de Valentin. Comme l'héré-
siarque Marcus, il faisait entrer la science
des calculs et des nombres dans l'explication
desa doctrine. La vie humaine , suivant lui
consistait dans le nombre des lettres, dans celui
des éléments et dans les sept planètes. S'ap-
puyant sur cette parole de Jésus-Christ : Ego
sum alpha et oméga, il prétendait que la perfec-
tion en toute chose se trouve dans les vingt-
quatre lettres de l'alphabet. Enfin la majesté et
la puissance de Jésus-Christ, non plus que son
incarnation , n'étaient pas suffisantes pour
faire le salut des hommes. Ces opinions, fort
nuageuses du reste, de Bassus, nous ont été
conservées parPhilastrius,.0e.//œre,si, dans la
Maxim. Bibl. Patr. t. V, p. 706.
BASSUS (Jean-Marie, baron de), magistrat,
peintre et musicien allemand, né a Boschiano
en 1769, mort en 1830. Après avoir étudié la
jurisprudence à Ingolstadt, il devint successi-
vement conseiller aulique à Munich, en 1795,
président du tribunal d'appel du cercle d'Etsch
en 1806, et il fut appelé au mêmeposte en 1810
dans la ville de Neubourg, où il acheva sa vie.
Bassus n'était pas seulement un magistrat ca-
pable et intègre, c'était encore un véritable
artiste. Elève d'Eck, il était devenu un violo-
niste de première force, et il a laissé des ta-
bleaux qui révèlent un véritable talent de
peintre. Bassus fonda à Munich une société
musicale d'où sont sortis plusieurs virtuoses
distingués, et il a laissé, lui-même, des mor-
ceaux de musique très-estimés.
BASSVILLE ou BASSEV1LLE (Nicolas Jean
Hugou de), littérateur et diplomate français,
mort en 1793. Il s'était livré quelque temps à
l'enseignement, lorsque la révolution de 1789,
dont il embrassa les idées, vint le faire sortir
de sa situation obscure et précaire. Devenu
rédacteur du Mercure national avec Carra,
Mme de Keralio, etc., il attira sur lui l'atten-
tion et fut nommé, en 1792, secrétaire de lé-
gation à Naples, Presque aussitôt , il fut
chargé de se rendre à Rome pour y protéger
nos nationaux, fort mal défendus par le con-
sul Digne. En ce moment, la cour romaine
s'opposait à ce que les armes de la République
figurassent sur la porte du consulat français.
Bassville instruisit de ce fait Mackau, ambas-
sadeur a Naples, qui lui expédia De Flotte,
major du vaisseau le Languedoc, avec l'ordre
de placer immédiatement l'ôcusson de la Ré-
publique et de faire porter à tous les résidents
français la cocarde tricolore. Le lendemain,
13 janvier, a la vue des emblèmes républi-
cains, la populace excitée, comme tout porte
à le croire, par les agents du cardinal Zélada,
secrétaire d'Etat, accueillit de ses huées Bass-
ville, qui venait de sortir en voiture avec sa
femme, le poursuivit à coups de pierres et le
força à se réfugier chez le banquier Moulte,
dont la maison fut aussitôt assaillie. Frappé
d'un coup de rasoir au bas-ventre par un bar-
bier, Basville expira quelques heures après
dans d'atroces souffrances, pendant que les
furieux se portaient en foule vers l'hôtel de
France, qui fut pillé et brûlé. On s'empressa
de publier sur cet attentat une relation d'a-
près laquelle Bassville aurait rétracté son
serment de fidélité à la constitution, et serait
mort dans les plus grands sentiments de piété.
Mais rien n'est moins prouvé, et de toutes les
exclamations qu'on lui prête au milieu de son
agonie, la suivante seule est authentique :
« Je meurs fidèle à ma patrie. »
Il paraît également certain qu'obsédé par
les éclats de voix d'un prêtre qui lui faisait
entrevoir les terreurs de l'autre monde et
exhortait le mourant du ton dont on exor-
cise, il se serait écrié dans un dernier effort :
• Bon Dieu I que cet être me pèse I •
A la nouvelle de ce tragique événement, la
Convention décida qu'elle tirerait une ven-
geance éclatante de cette violation du droit
des gens, et elle accorda à la veuve de Bass-
ville une pension de 1500 livres, réversible,
pour les deux tiers, sur son fils, qu'elle adopta.
Trois ans après, lorsque Bonaparte accorda à
Pie VI un armistice à Bologne, il exigea de
ce pape qu'il désavouât, par un agent diplo-
matique envoyé à Paris, l'assassinat de Bass-
ville, et qu'il fit remettre au gouvernement
français une somme de 300,000 livres pour
être répartie entre ceux qui avaient souffert
de cet attentat. La mort de Bassville a fourni
le sujet de plusieurs compositions en prose et
en vers, particulièrement au Français Dorat-
Cubières et aux Italiens Salvi etMonti (v. l'ar-
ticle suivant). Bassville avait un esprit très-
cultivé et était membre de plusieurs acadé-
mies. Il a publié : Mémoires historiques, cri-
tiques et politiques sur la Révolution de
France (1789, 2 vol. in-s°) ; Mémoires secrets
sur là cour de Berlin (in-8°) ; des Poésies
fugitives, et d'autres ouvrages.
Basgviliinna, poëme italien de Monti, Le
sujet en fut inspiré à Monti par la mort tra-
gique de son ami, le diplomate français Bass-
ville, assassiné a . Rome, où la République
française l'avait envoyé avec la mission se-
crète de propager la Révolution. Monti, qui
habitait alors Rome, se mit aussitôt à l'œuvre
et fit successivement paraître, avec une acti-
vité merveilleuse, les quatre chants de ce
beau poëme, de janvier, à août 1793. Il donna,
en tête de l'œuvre, une vie de Bassville, à la
fin de laquelle il rappelle que l'infortuné ré-
pétait : Je meurs victime d'un fou , et qu'il
mourut en chrétien ; c'était, on en conviendra,
abuser singulièrement de la fiction. Monti,
ardent royaliste à cette époque, suppose que
Bassville se repentau momentd'expirer, etque
Dieu lui pardonne ses égarements révolution-
naires, mais en lui imposant pour châtiment
la vue des crimes de la Révolution et leur
punition. La pauvre âme éplorée gémit sur
les exécutions de la Terreur et sur le supplice
de Louis XVI ; pensée dantesque, quiemprunte
une grande poésie à l'idée du purgatoire chré-
tien. Le poète suppose que Bassville, au mo-
ment où il va rendre le dernier soupir, est
dérobé par un repentir soudain au supplice
des réprouvés, que ses principes philosophi-
ques avaient mérité. Alors la justice divine lui
impose, en expiation de ses péchés, un pèle-
rinage à travers la France, qu'il doit parcou-
rir jusqu'à ce que tous les crimes de la Révo-
lution aient été punis; son propre martyre
sera le spectacle des malheurs et des revers
issus de ces excès. Ici apparaît l'imitation
trop fidèle de la conception de Dante. Un ange
conduit Bassville de province en province,
fiour le rendre témoin de la prétendue déso-
ation qui afflige le beau pays de France ; il
l'amène à Paris, où se prépare le supplice de.
"Louis XVI. Le messager céleste est pathé-
tique et émouvant dans la scène des derniers
adieux du roi à sa famille; il déroule aux
yeux de l'ombre qu'il conduit les victoires
futures de la coalition • les armées alliées en-
tourent les frontières d'un cercle de fer et de
feu; le monde entier conjuré écrase la France
et la couvre de ruines et de deuil. Il maudit
surtout, avec une colère superbe, les encyclo-
pédistes, pères de ia Révolution ; il est.solen-
nel et mystique lorsqu'il parle de Rome et du
pouvoir surhumain du pontife et de son Eglise.
Le poëme se termine sans faire pressentir le
dénoûment de cette lutte entre la Révolu-
tion et l'esprit du passé.
Le rôle de l'ange est calqué sur celui de
Virgile près de Dante. Le héros du poëme,
par un deces anachronismesque l'on pardonne
à un parti réactionnaire, éprouve exactement
les impressions et les souffrances que Dante
aurait pu ressentir. Il a dépouillé tout carac-
tère de liberté et d'émancipation, invraisem-
blance d'autant plus choquante, que le poëte
a fait tout d'abord de lui un jacobin et un in-
crédule.
On sait, en effet, que les événements don-
nèrent un éclatant démenti aux prédictions
de la muse. Quelques années après, Monti
écrivait lui-même à un ami : « La tour-
nure qu'ont prise les événements a dérangé
tout mon plan, et ne me laisse plus aucune es-
pérance de mettre fin au purgatoire de mon
héros. » Du reste, lorsque la Révolution eut
franchi les Alpes, Monti s'excusa presque
bassement d'avoir écrit la Bassvilliana et
chercha à effacer ce souvenir en publiant des
poésies républicaines, ce qui ne l'empêcha
pas, en l'an IV, de voir sa Bassoilliana brûlée
par le peuple sur la place du Dôme, et d'être
destitué d un emploi « pour avoir publié des
ouvrages destinés à inspirer la haine de la
démocratie, ou la prédilection pour le gouver-
nement des rois, des théocrates, des aristo-
crates. » Quoi qu'il en soit, voici sur ce poëme
le jugement de M. Mamiani délia Rovere:
« On a trop calomnié la facilité de sa muse
à changer d'opinion et à prodiguer l'encens,
et ceux qui lui ont donné le nom de caméléon
l'ont excusé sans le vouloir. L'âme incom-
plète de.Monti, sensitive et versatile à l'excès,
ne pouvait pas toujours rendre compte de la
mobilité de ses affections, lesquelles se pro-
duisaient immédiatement au dehors. J'ai lu
mille fois la Bassoilliana, et j'ai toujours pensé
que ce cantique était écrit de bonne foi; l'hy-
pocrisie et la dissimulation ne trouveront ja-
mais dans ce monde d'expressions aussi vé-
hémentes et aussi nobles. La Bassvilliana est
peut-être la plus belle poésie qu'ait inspirée
le catholicisme romain depuis Grégoire VII
jusqu'à nos jours. » Terminons par ces lignes
de f historien Sismondi : « La Bassvilliana est
332
BAS
BAS
BAS
BAS
remarquable plus peut-être qu'aucun autre
poëme, par la majesté des vera, la noblesse
de l'expression et la richesse du coloris. » Le
reproche mérité que l'on a fait au poème de
Monti prouve une fois de plus que la muse
épique ne doit emprunter ses sujets qu'aux
faits accomplis : c'est sous Auguste que Vir-
gile se fait le chantre d'Enée ; c'est au déclin
du règne de Louis XIV que Voltaire composa
sa Henriade; c'est quand Florence a perdu
tout espoir de recouvrer son autonomie et sa
liberté que le vieux gibelin entonne les
terzine immortelles de la Divine Comédie.
BAST interj. V. Bastb.
BAST (Frédéric-Jacques), savant philologue
et diplomate allemand, né en 1772 dans le j
duché de Hesse-Darmstadt, mort en 1811, 11
s'adonna avec passion k l'étude des lettres
classiques, des langues anciennes et de la phi-
lologie, tout en embrassant la carrière diplo-
matique, et, après avoir été secrétaire de lé-
gation à Vienne, au congrès de Rastadt et k
Paris, il fut nommé conservateur de la biblio-
thèque de Darmstadt. On a de ce savant, qui
devint correspondant de l'Institut de France,
un opuscule extrêmement remarquable, inti-
tulé Lettre critique sur Antoninus liberalis,
Parthénius et Aristénète (Paris, 1805) ; et des
Notes ainsi que des Dissertations paléogra-
phiques, insérées dans l'édition de Grégoire de
Corinthe (lg il), dont les érudits font le plus
grand cas.
BAST (Martin-Jean de), prêtre et antiquaire,
né à Gand en 1753, mort en 1S25. Il prit une
part active à la révolution brabançonne en
1789 , et jouit pendant quelque temps d'une
assez grande influence sur les affaires de son
pays. En 1817, ses infirmités le forcèrent à
renoncer au ministère ecclésiastique. De Bast
était membre de l'Institut des Pays-Bas, de
l'Académie de Bruxelles et de la Société des
antiquaires de France. Ses principaux ou-
vrages sont : Recueil d'antiquités romaines et
gauloises, trouvées dans la Flandre proprement
dite (Gand, 1804) , suivi de deux suppléments
en 1809 et 1813; Recherclies historiques et lit-
téraires sur les langues celtique, gauloise et
tudesque (1S15-1816, 2 vol.); \ Institution
des communes dans la Belgique pendant les
xn° et xme siècles, etc. 0819); l'Ancienneté
de la ville de Gand (1821), etc.
BAST (Liévain-Amand-Marie de), littéra-
teur belge, neveu du précédent, né k Gand
en 1787, mort en 1832. U entra tout jeune
dans l'atelier d'un graveur et orfèvre distin-
gué, Tiberghten, et s'adonna k la gravure.
Après avoir concouru, en 1808, à la fondation
de la Sociétédes arts etdelittératuredeGand,
il devint conservateur du cabinet des mé-
dailles de cette ville, secrétaire du collège des
Curateurs, membre de l'Institut d'Amsterdam,
et, enfin, il fut appelé, en 1829, au poste d'ar-
chiviste de la Flandre orientale. Les travaux
excessifs auxquels il se livra dans ces der-
nières fonctions paraissent avoir hâté sa (in.
Bast fonda en 1824 le Messager des sciences et
des arts du royaume des Pays-Bas. Il a publié
plusieurs ouvrages qui traitent de matières
artistiques, et dont les principaux sont: Anna-
les du Salon de Gand et de l'école moderne des
Pays-Bas (1823) ; Notice sur le chef-d'œuvre
des frères Van-Eyck , traduit de l'allemand
M. G. F. Waagen (1825); Notice historique
sur Antonello de Messine, traduite de l'ita-
lien (1825).
BAST (Louis- Amédée de), littérateur fran-
çais, né k Paris en 1795. Officier lors de la
chute de l'empire, il fut mis à la demi-solde
par le gouvernement des Bourbons, et bientôt
après, il embrassa la carrière littéraire, dans
laquelle il débuta en 1819 par une épitre en
vers , intitulée : Ma destinée. Depuis cette
époque, il a publié un grand nombre de ro-
mans, de nouvelles et d articles insérés dans
divers journaux et recueils périodiques. Parmi
ses ouvrages nous citerons : le Mameluk de
la Grenouillère (1829, 4 vol. in-12); Malfilâtre
(1834, 2 vol. in-8°) ; le Testament de Polichi-
nelle (1835) ; le Cabaret de Ramponeau (1842) ;
la Galère de M. de Vivonne (1848) ; les Gale-
ries du Palais-de-Justice (1851, 2 vol. in-s°);
Merveilles du génie de l'homme, Récits histo-
riques et instructifs sur l'origine et l'état ac-
tuel des découvertes et inventions les plus cé-
lèbres (1855, in-8°, avec grav.); les Fresques,
contes et anecdotes (1801, in-18) ; Contes à ma
voisine (1861, in-18). Nous citerons encore :
Rose Belette, la Courtisane de Paris, la Pe-
tite nièce de Ninon , Y Enfant de chœur , la
Conspiration des Marmousets, la Dernière
mouche, Mascarille, etc., romans et nouvelles.
Il a surtout réussi dans ce dernier genre de
littérature. U a publié, dans le journal le Droit,
plusieurs séries de monographies et d'études
historiques, telles que : lu Collation annuelle
des avocats généraux du parlement au couvent
des Avgustins ; YEcritoire d'argent ; les Trois
Prés aux Clercs ; le Parlement et le barreau de
Paris pendant le système de Law ; le Bandit ,
la Dîner d'un premier président du parlement
de Paris au xvic siècle, le Clerc de rappor-
teur, etc.
Basta interj. (ba-sta — de Vital, basta,
assez). Au jeu de. quinze et d'ambigu, décla-
ration qu'on a assez de cartes.
BASTA s. m. (ba-sta). Comm. Toile de
coton très-fine, qui nous vient des Indes.
BASTA, ville de l'Italie ancienne, dans l'Ia-
w.
gie (la Pouille), sur la côte orientale et au
du cap Iapygium (aujourd'hui cap de Leuca).
BASTA (Georges, comte de), homme de
guerre italien, né k Rocca, près de Tarente,
mort à Courtray en 1607. Originaire d'Epire,
il était petit-fils de Georges Castriot, plus
connu sous le nom de Scanderbeg, qui préten-
dait descendre d'une sœur d'Alexandre le
Grand, et qui tenait par alliance aux Comnène,
empereurs de Constantinople. Basta entra
d'abord au service du due de Parme, devenu
gouverneur des Pays-Bas en 1579. U se trou-
vait alors à la tête d'un régiment de cavalerie
albanaise, qui avait quitté l'Epire après la
mort de Castriot, et il se distingua dans plu-
sieurs expéditions difficiles dont il fut chargé,
notamment lorsqu'il parvint, en 1596, à ravi-
tailler la ville de La Fère , assiégée par
Henri IV. Sa réputation lui valut d'être ap-
Felé près de l'empereur d'Allemagne, qui se
attacha. La bravoure et l'habileté dont il fit
preuve en Transylvanie et en Allemagne
furent récompensées par les titres de généra-
lissime, de conseiller de guerre, de gouver-
neur et de comte du Saint-Empire romain.
Basta devint un des plus riches seigneurs de
l'Allemagne. Il possédait de vastes domaines
en Italie, en Autriche, en Hollande, en Bel-
gique. La ville de Courtray, où il termina
sa vie, lui concéda k elle seule des terres éva-
luées k deux millions. Enfin Basta était un
écrivain militaire distingué, et il a laissé deux
ouvrages estimés : Maestro di campo générale
(Venise, 1606), et Governo délia cavalleria leg-
giera (Venise, 1612).
BASTAGAIRE s. m. (ba-sta-ghè-re — du
gr. baslagé, bagage). Antiq. Officier chargé
de veiller sur les bagages do l'empereur
d'Orient, u Officier de l'Eglise grecque, qui,
dans les processions, portait l'image du pa-
tron de la paroisse.
BAST AGE s. m. (ba-sta-je — rad. baster,
qui s'est dit pour bâter). Féod. Droit que pré-
levait le seigneur sur les bêtes bâtées qui
traversaient sa seigneurie.
BASTAGUE s. m. (ba-sta-ghc). Mar. Hau-
ban à étaguo employé sur Tes lougres. u On
dit aussi BASTAQUB.
BASTAN, bourg de la Turquie d'Asie, dans
l'Anatolie, k 40 kil. S.-O. d'Amasieh, et k
43 kil. N. de Boli. Ce bourg est situé sur l'em-
placement de l'ancienne Bithynium, qui prit
plus tard le nom de Claudiopolis, et qui, sous
le règne d'Adrien, fut nommée Antinopolis, en
l'honneur du favori de cet empereur.
BASTAN (val de), vallée d'Espagne, pro-
vince de Navarre; ch.-l., Elizondo.- Cette
vallée, située sur le versant méridional des
Pyrénées, entre de hautes montagnes, est
bornée au N. par le département français des
Basses-Pyrénées, et arrosée par deux petits
affluents de la Bidassoa; elle a 45 kil. de lon-
gueur sur 20 kil. de large, et renferme qua-
torze villages, peuplés par 8,500 hab. Sa prin-
cipale richesse consiste en gros bétail; elle
produit cependant un peu de mé, du maïs, des
châtaignes et des fruits en abondance.
Bastant s. m. (ba-stan). Techn. Frayon
de moulin. H On dit aussi bastian.
BASTANT, ANTE adj. (ba-stan, an-te —
rad . baster.) Suffisant : La majorité absolue des
suffrages est reconnue aujourd'hui bastantk à
l'achèvement de la loi. (Chateaub.)
Renaud n'en prit qu'une somme Instante
Pour regagner son logis promptement,
La Fontaine.
H Assez puissant, assez capable : Etes-vous
bastant pour une telle entreprise? (Acad.)
Louville , avec madame de Maintenon con-
traire, n'était pas bastant pour être de la
conférence. (St-Sim.) Il Ce mot a vieilli.
BASTAQUE. V. BASTAGUE.
BASTAHD ou BASTART (Guillaume de), vi-
comte de Fussy et de Terlan, né k Bourges,
mort en 1447. Ayant embrassé la carrière des
armes au sortir de l'université, il prit part au
siège de Bourges en 1432, puis fut nommé
lieutenant général du sénéchal de Berri, cham-
bellan et membre du conseil privé du dauphin.
Celui-ci étant devenu régent pendant la dé-
mence de Charles VI, appela de Bastard aux
postes de conseiller et de maître des requêtes,
et lorsqu'il fut monté sur le trône sous le nom
de Charles VII, il continua k lui donner des
marques de son estime et de sa confiance en
le nommant maître général extraordinaire des
comptes, gouverneur du bailliage de Bourges
et lieutenant général pour le roi en Berri. Au
milieu des embarras de tous genres où se
trouvait la royauté, Bastard rendit les plus
grands services en expédiant de sa province
des secours en vivres et en argent aux troupes
chargées de chasser les Anglais. Lorsque
Charles Vil fut enfin rentré dans Paris (1437),
il supprima la lieutonance générale du Berri ;
mais Bastard conserva jusqu'à sa mort ses
fonctions de maître des requêtes et de maître
général des comptes, et fut un des person-
nages les plus considérables de son temps.
BASTARD (Guillaume du), dit Vespasien,
frère du précédent, mort en 1469, fut con-
seiller panetier du dauphin, depuis Charles VII,
et gouverneur de la ville forte de Mehun-sur-
Yèvre. Il conserva jusqu'à sa mort le gouver-
nement de cette ville, où Charles VII, qui
avait en haute estime son panetier, se retira
et finit sa vie, devenue misérable par l'appré-
hension constante où il était d'être empoisonné
par son fils le dauphin.
BASTARD (Pierre de), descendant de Guil-
laume de Bastard, vicomte de Fussy, vivait
au xvie siècle. Il s'attacha k la fortune du roi
Henri de Navarre, qui devint Henri IV, et
dont il conquit l'affection ; se battit sous ses
ordres à Marmande, k Eause, k Lectoure (1576),
k Fleurance, k la prise de Cahors (1580); se
signala dans toutes les rencontres par son in-
trépidité, et mourut en 1590, un an après
qu'Henri IV eut pris possession du trône de
France.
BASTARD (Denis de), marquis de Fontenay,
de la famille des précédents, entra dans la
marine, où il se distingua par la plus brillante
valeur. Il était en 1694 lieutenant de vaisseau
à bord du vaisseau le Bon, lorsque celui-ci
rencontra le Ber/cley-Castle, bâtiment anglais
de 70 canons. Le jeune lieutenant s'élança à
l'abordage avec ses marins, et captura le na-
vire ennemi , dont la prise valait plus de
10 millions, k cause de l'argent et des pierre-
ries qui s'y trouvaient. Il fut successivement
promu au grade de capitaine de frégate, de
capitaine de vaisseau et de chef d'escadre, et
mourut k la Guadeloupe en 1723, k l'âge de
cinquante-six ans.
BASTARD (Dominique-François de), de la
famille des précédents, né à Nogaro, dans le
Gers, en 1747, mort en 1793, entra dans les
ordres, se signala par ses vertus et par les
grâces de son esprit, et devint chanoine de Lec-
toure, puis grand vicaire de l'évèque de
Lombez. Ayant refusé de prêter le serment
exigé par la constitution civile du clergé, il
s'embarqua pour Rome avec quelques prêtres
et quelques moines ; mais il fut rejeté par une
tempête sur la côte, traduit devant le tribunal
révolutionnaire deToulon et condamné k mort.
En montant sur l'échafaud, il fit un discours
qui émut tellement la foule, que le commis-
saire Pierre Bayle crut prudent de faire sus-
pendre l'exécution lorsque la tête de l'abbé
Bastard fut tombée, et de renvoyer en prison
les trois autres condamnés, qui, grâce k cette
circonstance, échappèrent a la mort. — Un
autre membre de la même famille, François
Bastard, baron de Saint-Denis, né en Agé-
nois en 1736, mort en 1804, fut grand maître
des eaux et forêts de la Guyenne, du Béarn
et de la Navarre. Il a laissé en manuscrit un
Traité sur' le défrichement et le semis des
Landes. Les idées qu'il y émit furent appli-
quées avec succès par le gouvernement.
BASTARD (Thomas), poëte anglais, né k
Blandfort, mort en 1618. Ayant achevé ses
études k Oxford, il s'y fit recevoir membre du
collège neuf en 1588, et maître es arts en 1590 ;
mais, peu de temps après, il fut exclu de l'uni-
versité pour avoir composé des satires où il
attaquait de puissants personnages. Il entra
alors dans les ordres, obtint de grands succès
comme prédicateur, ainsi que par des qualités
toutes mondaines, et finit par mourir miséra-
blement dans une prison pour dettes. On a de
lui un poSme latin en trois chants, intitulé :
Magna Britannia (Londres, 1605) ; de fines
Epigrammes et des Sermons (1615).
BASTARD (Dominique de), jurisconsulte
français, né k Toulouse en 1683, mort en 1777.
Membre a vingt-deux ans, puis doyen du par-
lement de cette ville, il rédigea avec talent de
nombreux rapports, notamment celui qui con-
cerne les fameuses propositions de l'Eglise
gallicane, consacrées par l'édit de 1682. Con-
formément k ce rapport, le parlement de Tou-
louse ordonna par arrêt, en 1762, que la doc-
trine contenue dans les propositions serait
suivie et enseignée, et il décréta que nul ne
pût être licencié en théologie et en droit canon,
ni reçu docteur, qu'après 1 avoir soutenue dans
l'une de ses thèses. Bastard, l'un des magis-
trats les plus instruits et les plus renommés
de son temps, refusa, en 1762, la place de pre-
mier président, et fut nommé membre du con-
seil du roi en 1774.
BASTARD (François de), fils du précédent,
né k Toulouse en 1722, mort en 1780, fut
nommé k vingt ans conseiller au parlement de
Toulouse, maître des requêtes à Paris en 1757
et premier président du parlement de sa ville
natale, sur le , refus de son père, en 1762.
S'étant montré favorable aux jésuites et opposé
k l'arrêt du parlement qui prononça la disso-
lution de l'ordre , il indisposa contre lui les
conseillers, et, bientôt après, il fut accusé
par eux de n'avoir pas su défendre la dignité
du parlement, lorsque celui-ci décréta de prise
de corps Fitz-James , gouverneur du Lan-
guedoc, pour avoir voulu imposer par la force
l'enregistrement d'édits de finances. Abreuvé
de dégoûts qu'il s'était attirés par son exces-
sive modération au milieu d'esprits exaltés, il
finit par se démettre de sa charge en 1769, et
fut nommé conseiller d'Etat. Lorsque Maupeou
eut supprimé les parlements, qu'il voulut rem-
placer par des conseils supérieurs, Bastard fut
chargé par le roi d'aller installer ces conseils
k Besançon et k Rennes. Nommé chancelier
et surintendant de la maison du comte d'Ar-
tois, il établit un ordre parfait dans les finances
du prince, qui jouissait d'un immense apa-
nage ; et il contribua k l'edit de suppression
des corvées par un mémoire qui produisit une
vive impression sur Louis XVI.
BASTARD (John Pollexfen), homme poli-
tique anglais, né k Kitley, mort en 1816. La
Révolution française avait trouvé des parti-
sans en Angleterre, et surtout parmi les mal-
heureux ouvriers de l'arsenal de Plyinouth. A
un signal donné, ils se soulevèrent au nombre
de plusieurs milliers, et plantèrent, au milieu
de la cour de l'arsenal, l'arbre de la liberté.
Bien qu'il n'eût pas reçu d'ordres, John Bas-
tard fit prendre les armes k un régiment de la
milice, marcha sur l'arsenal et fit un horrible
massacre des insurgés, arrêtant ainsi du pre-
mier coup toute tentative révolutionnaire k
l'instar de la France. Le roi d'Angleterre fit
témoigner k Bastard sa satisfaction, et les
ministres prirent sur eux toute la responsa-
bilité qu'il avait encourue en violant la loi
britannique. Pendant trente-quatre ans, Bas-
tard fut membre du parlement.
BASTARD, botaniste français, était, sous
l'empire, professeur de botanique et directeur
du jardin des plantes d'Angers. Ayant signé,
en 1815, le pacte fédératif du département de
Maine-et-Loire en faveur de Napoléon, il fut
destitué de ses deux places par la Restaura-
tion. Botaniste distingué, Bastard a fait pa-
raître : Essai sur la Flore de Maine-et-Loire
(Angers, 1807) ; Notice sur les végétaux les
plus intéressants du jardin des plantes d'An-
gers (IS06), et Supplément à la Flore de Maine-
et-Loire ( 18 12) , une des meilleures flores locales
qui aient paru en France.
BASTARD D'ESTANG (Dominique-François-
Marie, comte de), magistrat et homme politi-
que, né k Nogaro (Gers) en 1783, mort en 1844.
Conseiller k la cour impériale de Paris (1810).
puis premier président de la cour royale de
Lyon (1815), il fut appelé en 1819 k la Chambre
des pairs, instruisit avec intégrité le procès
de Louvel, montra beaucoup d'indépendance
politique, et fut, après 1830, un des membres
chargés de l'instruction du procès des ministres
de Charles X.
BASTARD D'ESTANG (Jean-François-Au-
guste de), officier de cavalerie, frère du pré-
cédent, né en 1794, rit la campagne de Saxe
en 1813, fut fait prisonnier, entra, sous la
Restauration, dans les mousquetaires, puis
fut admis k la retraite après 1830. Il a publié
divers ouvrages , dont les principaux sont :
Costumes de la cour de Bourgogne sous le règne
de Philippe le Bon (in-fol.); Peintures et or-
nements des manuscrits français (in-fol.).
BASTARD D'ESTANG (Henri-Bruno de), ma-
gistrat , frère des précédents , né k Paris «n
1798. Il est conseiller k la cour impériale de
Paris. On a de lui : une Monographie du par-
lement de Toulouse (1854); les Parlements de
France, essai historique sur leurs usages, leur
organisation, etc. (1858, 2 vol.). — Son neveu,
Jean-Denis-Léon de Bastard d'Estang, né k
Paris en 1822, ancien élève de l'Ecole des
chartes, est aujourd'hui attaché au ministère
des affaires étrangères. 11 a également publié
quelques écrits, notamment : Recherches sur
tinsurrection communale de Vézelay (1 851) ; Vie
de Jean de Ferrière,vidame de Chartres (1858).
bastardie s. f. (ba-star-dî). Bot. Genre
de la famille des malvacées, voisin des sidas
ou abutilons.
BASTARÈCHE s. f. (ba-sta-rè-che). Sorte
de cabriolet qu'on adapte sur le devant de
certaines voitures.
BASTARNES, peuplade d'origine incertaine,
qui habitait les bords du Dniester et la partie
orientale de la chaîne des Carpatbes, mon-
tagnes qui, k cause de cela, reçurent le nom
d'Alpes Bastarniques. A l'époque de la grande
invasion des barbares, les Bastarnes entrèrent
dans la ligue des Goths, avec lesquels ils se
trouvèrent confondus. Les Bastarnes étaient
de haute stature et avaient un aspect farouche.
Tacite, qui les range parmi les Suèves, dit
qu'ils étaient vêtus comme les Germains, dont
ils parlaient la langue, qu'ils étaient paresseux
et malpropres. Ils se servaient d'une espèce de
char, qui fut adopté par les Romains, et qui
devint célèbre sous le nom de basterna ; c'était
une espèce de calèche garnie de coussins, et
dont les portières étaient fermées par des
pierres transparentes. Les dames romaines
t'affectionnaient particulièrement ; mais il est
à croire qu'elle avait reçu de notables perfec-
tionnements en passant des sauvages Bas-
tarnes aux élégantes matrones. Les antiquaires
et les étymologistes se sont évertués k trouver
la racine de ce nom ; nous allons donner, sous
toute réserve, les deux étymologies qui pa-
raissent les plus vraisemblables. Quelques
auteurs ont pensé que le nom de Bastarnes
venait du mot slave basta (château, retran-
chement) , k cause des retranchements qui
environnaient leurs villages; d'autres, et parmi
eux Fréret, trouvent plus naturel de le dériver
du mot germain vaste (désert), dont on aurait
fait vastar, bastar , habitant des déserts ou
des steppes.
BASTARNIQUE adj. (ba-star-ni-ke). Qui
a rapport aux Bastarnes.
— Alpes Bastarniques, montagnes qui for-
maient la partie orientale des monts Car-
pathes actuels, et qui étaient habitées par les
Bastarnes.
BASTE ou BAST (ba-ste). Interjection qui n
un sens très-vague; elle signifie quelquefois
assez, cela suffit, certes; mais, dans son emploi
le plus général, elle marque l'indifférence, le
peu d'importance ou d'attention qu'on attache
a une chose, lo peu d'intérêt qu'il faut y
prondro : Il a dit cela : paste ! il n'en fera
rien. (Acad.) Bastb 1 laissons-là ce chapitre.
BAS
(Mol.) Bast ! bast ! quand on sait, s' occuper des
affaires, on ne s'ennuie jamais nulle part.
(Stc-Beuve.) .
Basle! songez à. -vous, dans ce nouveau projet.
Molière.
Boute l ce n'est pas peu que deux mille francs, dus
Depuis deui ans entiers, tous soient ainsi rendus.
Moi ière.
J'ai fait trois mille vers; allons, c'est a merveille;
Baste! Il faut s'en tenir à sa vocation.
A. de Musset.
. . . Il a, dit-on, essayé de les vendre.
Mais, baste! aucun marchand n'aura voulu les
[prendre.
PONSAR.D.
— Mar. Assez! tiens boni arrête! amarre!
Il On dit aussi : vaste. x
baste s. f. (ba-ste). Econ. rur. Vaisseau
de bois dans lequel on transporte la vendange.
Il Cylindre à conserver le lait. Il Panier qu'on
porte attaché au bât d'une bête de somme.
— Comra. Etoffe de soie qu'on, tire de la
Chine.
— Techn. Nom donné anciennement aux
enchàssures soudées aux émaux d'applique,
et qui servaient à. les ^.tacher sur les vête-
ments ou sur les pièces de vaisselle : Jl est
ordonné que ces émaux, lorsqu'ils seront appli-
qués sur des étoffes, n'y seront pas cloués par
leurs bastes ou chatons, mais cousus à l'ai-
guille, (Leroy.)
BASTE s. m. (ba-ste). Jeux. As de trèfle, à
certains jeux do cartes, comme l'homhre et le
quadrille : Le baste est ta troisième triomphe
voire, le troisième des matadors.
BASTE (Pierre), contre-amiral français, né
à Bordeaux en 1768, tué au combat de Brienne
en 18H, s'engagea comme simple marin en
1781, et franchit rapidement tous les grades
inférieurs. Il se couvrit de gloire au siège de
Mantoue, où il commandait la flotte armée sur
les lacs, au siège de Malte en 1798, au com-
bat d'Aboukir, et lors de l'expédition de Saint-
Domingue en 1801. Il fil partie de la grande
armée en 1807, seconda brillamment les opé-
rations du siège de Pillau, se distingua de
nouveau en Espagne en 1308, et fut élevé en
1809 au gracie de colonel des marins de la
garde. Il revint ensuite en Espagne et s'y
rendit maître de la ville d'Almaiiza. Napoléon
le nomma comte de l'empire en 1809, et contre-
amiral en 1811.
bastel s. m. (ba-stèl).'Mar. Ancien nom
d'un espars, ou petit mât léger, qui s'applique
contre les haubans, qu'il reçoit dans des coches
à la hauteur des bastingages, servant ainsi à
les maintenir à leur distance ordinaire.
BASTEMCA, bourg de France (Corse), ch.-l.
de cant., arrond. et a 24 ki\. N.-E. d'Ajaccio;
3,071 hab. Elève du bétail, châtaignes, fro-
mages ; patrie du fameux San Pietro d'Ornano.
BASTER v. n. ou intr. (ba-sté — de l'esp.
basto, rempli). Suffire : Je vis du jour à la
journée et me contente de quoi suffire aux
besoins présents et ordinaires : aux extraordi-
naires, toutes les provisions du monde n'y sau-
raient baster. (Montaigne.) Il V. mot qui a
survécu dans l'interjection Baste!
BASTER s. m. (ba-stèr — de bastard, pour
bâtard). Métis provenant d'un blanc et d'une
Hottcntote : Les basters, et, en général, les
Hoitentots de la colonie du Cap affectent du.
mépris pour les autres sauvages. (Encycl.)
BASTER (Job), botaniste hollandais, né à
Zirikzee en 1711, mort en 1775. Reçu docteur
en médecine à Leyde en 1731, il s'adonna
presque entièrement à son goût pour l'histoire
naturelle, et composa, en hollandais et en latin,
divers ouvrages, dont les principaux sont :
Principes de botanique suivant Linné (Harlem,
176S, in-4°) ; Opuscula subseciva, etc. (Harlem,
1762-1765, 2 vol. in-4°) ; Sur la génération
des animalcules dans l'intérieur des plantes
(1708); et de nombreux mémoires publiés dans
les Verhandelingen (mémoires) des académies
de Harlem et de Flessingues.
BASTÈRE s. f. Bot. Syn. de rohrie.
BASTERNE s. f. (ba-stèr-ne — lat, basterna,
même sens). Antiq. Gros char attelé de bœufe,
en usage chez les peuples du Nord, et intro-
duit dans les Gaules p.tr les barbares : C'est
aux basternes que Boileau faisait allusion
dans ces deux vers si connus :
Quatre bœufs Attelés, d'un pas tranquille °.t lent,
Promenaient dans Paris le monaroue indolent.
Nos carrosses ressemblent entièrement aux
BASTERNES, OU plutôt Ce SOM des BASTERiNIiS
perfectionnées. (Trév.) || Sorte de litière dont
faisaient usage les dames romaines, il Plus
tard , litière portée à dos de mulet : Les
roussins étaient destinés aux litières, aux bas-
ternes. (Chapus.)
BASTERRÈCHE (Jean-PierreL homme poli-
tique et financier français, né a Bayonne en
1762, mort en 1827. 11 était négociant et ar-
mateur à Bayonne, lorsqu'il fut nommé mem-
bre de la Chambre des députés pendant les
Cent-Jours. Réélu par ses concitoyens en 1850
et 1824, il siégea au centre gauche, et prit plu-
sieurs fois la parole sur des questions de com-
merce, d'industrie ou de finance; il se déclara
contre les essais d'eramétement des ministres
Villôle et Peyronnet, et mourut avec la répu-
tation d'un homme d'une haute honorabilité.
Il a publié : Choix de discours prononcés par
le général Lamarque (Paris 1828). — Léon
BAS
Basterrkchb, mort en 1802, était parent du
précédent. On a de lui un Essai sur les mon-
naies (Paris, 1801).
BASTI, ville de l'ancienne Espagne, chez les
Bastitans , dans la Tarraconnaise. Auj. Baza.
BAST1A, ville forte de l'île de Corse, ch.-l.
d'arrond.,à 124 kil. N.-E. d'Ajaccio, à 1,179 k.
de Paris; port sur la côte E. de Vile ; pop.
aggl. 11,977 hab. — pop. tôt. 19,304 (lab.
L'arrond. a 20 cantons, 94 communes et 74,776
hab. Cour impériale, tribunaux de i'e instance
et de commerce. Lycée impérial, école d'hy-
drographie, bibliothèque et 'cabinet d'histoire
naturelle; place de guerre, ch.-l. de la 17e di-
vision militaire ; consulats étrangers ; fonderie
de fonte, forges à la catalane, tanneries, fa-
briques de pâtes d'Italie, moulins a huile d'o-
live; construction de navires marchands. Ex-
portation de fonte, fer, cuivre, antimoine,
cuirs tannés, légumes secs, farine de maïs et
de châtaignes, citrons, cédrats, poisson frais,
anguilles de létang de Biguglia. Le mouve-
ment de la navigation du port do Bastia, en
1861, a été, à l'entrée, de 529 navires, et à la
sortie , de 436 navires jaugeant ensemble
78,758 tonneaux. Le cabotage, pendant la
même année, a donné les chiffres suivants :
522 entrées, 641 sorties, 39,442 tonnes. Bâtie
en amphithéâtre autour de son port, avec ses
beaux quais, son phare, le caractère sévère
de sa citadelle, les ruines de ses forts et ses
anciens couvents, au-dessus et tout autour
des jardins d'orangers et de citronniers mêlés
à des bois d'oliviers, au milieu desquels per-
cent de gracieuses villas, Bastia, vue de la
mer, a l'aspect monumental et souriant à la ,
fois des villes italiennes du moyen âge fmais,
comme elles aussi, Bastia a trop de rues tor-
tueuses et de pentes rapides. La Traverse,
nouvellement construite, renferme de belles
et grandes maisons; c'est un boulevard d'un
kilomètre de long, d'un très-bel aspect et
qui annonce une ville populeuse. Sur la place
Saint-Nicolas, qui domine la mer, on voit la
statue en marbre blanc de Napoléon Ier; par
le célèbre sculpteur Bartolini. Napoléon est
représenté en empereur romain, le iront ceint
d'une couronne de laurier, vêtu d'une tunique,
et s'appuyant sur une lance. Tout en haut de
la Traverse se trouve le palais de justice,
construction moderne de mauvais goût, où
l'on a prodigué le marbre sans 'discernement,
et dont la distribution intérieure laisse tout à
désirer. Parmi les autres édifices, mention-
nons la cathédrale, l'église Saint-Jean-Bap-
tiste, VégHse Saint-Roch et un vieux donjon
dont la construction date du xve siècle.
L'origine de Bastia ne remonte qu'au xi ve siè-
cle. Fondée en 1383 par les Génois, lorsque
Henri Délia Rocea leur eut enlevé Biguglia,
elle ne fut d'abord qu'un donjon (bastia), sur
la colline qui dominait Porto-Cardo , pour
protéger le débarquement des troupes de la
République. Les maisons ne tardèrent pas à
s'élever à l'ombre de la forteresse, qui portait
cette orgueilleuse devise : nihil difficile. En
1482, Tomasino Fregoso^ commissaire géné-
ral de Gênes, les entoura d'un rempart; plus
tard, de nouvelles constructions s étagèrent
sur la- colline et vinrent rejoindre, autour du
port, les cabanes de Porto-Cardo. Terra-Nova
et Terra- Vecchia formèrent par leur réunion
la ville de Bastia. Ces deux dénominations
existent encore comme divisions municipales.
Après la. destraction des villes d'Âleria et de
Mariana, la nouvelle ville prit un si grand dé-
veloppement que, sous la domination des Gé-
nois, elle devint lacapitale de laCorse. En 1745,
les Anglais la bombardèrent et s'en emparè-
rent; mais Vannée suivante, ils larendirentaux
Génois. En 1748, elle fut assiégée sans succès
par les Piémontais. De tous les sièges qu'elle
soutint, le plus célèbre est celui de 1794 :
Paoli, après avoir conçu le projet de séparer
la Corse de la France, résolut de s'emparer
des villes qui nous étaient restées fidèles. Il
appela les Anglais à son secours et, après un
siège de deux mois, força l'héroïque cité à
capituler. — Lorsque la Corse formait deux
départements, Bastia était le chef-lieu de celui
du Golo; ces deux départements ayant été
réunis en un seul en 1811, Ajaccio est resté
chef-lieu de la Corse, et Bastia est devenue
sous-préfecture.
BASTIAN. V. BASTANT.
BASTIAM (l'abbé), aventurier italien, mort
à Potsdam en 1787. Sa vie fut un roman qu'il
est assez difficile de raconter. Ayant quitté
l'Italie, il mena une existence déréglée, vécut
longtemps dans la misère, et finit par s'en-
fager à Francfort-sur-le-Mein dans la milice
u roi de Prusse. Plus tard, il embrassa l'état
ecclésiastique, fut secrétaire de l'évêque de
Breslau, chanoine, et, étant parvenu à gagner
les bonnes grâces de Frédéric le Grand, il
remplit plusieurs missions à Rome pour le
service de ce souverain.
BASTIANINO (Sébastien-Filippi dit), éga-
lement connu sous le surnom de II Grattello,
parce qu'il lui arrivait souvent de se servir
de petits carreaux (en italien gratta), pour
peindre des réductions de tableaux, peintre
italien, né à Ferrare en 1523, mort en 1602.
Il étudiait dans l'ateb>r de son père, lorsqu'à
l'âge de quinze ans il partit tout à coup pour
Rome, afin de pouvoir suivre les leçons de
Michel- Ange. L'illustre peintre ayant con-
senti à le recevoir parmi ses élèves, il fit des
progrès rapides, s'assimila sa manière et de-
vint un peintre distingué , dont les œuvres
BAS
sont remarquables par la grandeur du style
et l'énergie de l'expression. Parmi les ta-
bleaux qu'il a composés dans sa ville natale,
où il termina sa vie, on cite : une Résurrec-
tion du Christ, une Assomption, le Crucifix
de l'église de Jésus, et surtout son magnifique
Jugement dernier , peint à fresque dans le
chœur de la cathédrale de Ferrare. Dans
cette composition originale et neuve, même
après l'œuvre de Michel-Ange, Bastianino, à
l'exemple de quelques artistes de son temps
et particulièrement de son maître Buonarotti,
a mis tous ses ennemis dans les rangs des ré-
prouvés et ses amis dans ceux des élus. Au
milieu de ceux qui sont destinés à l'enfer, il
peignit le portrait d'une jeune fille qui l'avait
délaissé pour épouser un autre que lui, et il
la représenta regardant" avec envie la femme
du peintre, que celui-ci ne manqua pas de
placer à la droite du juge suprême.
BAST1AT (Frédéric), célèbre économiste, né
à Bayonne le 19 juin 1801, mort à Rome te
24 décembre 1850. Demeuré orphelin à l'âge
de neuf ans { 18 1 0) , il passa sous la tutelle de son
aïeul paternel, possesseur d'un domaine àMu-k
gron, arrondissement de Saint-Sever. Sa tante,
Mlle Justin Bastiat, lui servit de mère. Après
avoir été un an au collège de Saint-Sever, il
fut envoyé à Soréze, où il fit de très-bonnes
études. C'est là qu'il se lia d'une amitié intime
avec M. Calmètes aujourd'hui conseiller à la
cour de cassation. M. de Fontenay raconte, à
propos de cette liaison d'enfance, un trait qui
révèle la bonté et la délicatesse de Bastiat.
Respectée des maîtres, l'amitié des deux élèves
avait des privilèges particuliers, et pour que
tout fut commun entre eux , on leur permettait
de faire leurs devoirs en collaboration et sur la
même copie signée des deux noms. C'est ainsi
qu'ils obtinrent, en 1818, un prix de poésie. La
récompense était une médaille d'or ; elle ne
pouvait se partager : « Garde-la, dit Bastiat;
puisque tu as ton père et ta mère, la médaille
leur revient de droit. • Sorti du collège a l'âge
de vingt ans environ, Bastiat entra dans la
maison de commerce de son oncle, à Bayonne.
Une partie de ses loisirs était employée à cul-
tiver les arts et la littérature. Il chantait agréa-
blement, et jouait de la basse avec supériorité.
Il s'était pris d'un belenthousiasmepour l'étude
des langues, et il voulut possédera fond l'ita-
lien, l'espagnol et l'anglais. Le goût des études
économiques lui vint de bonne heure. Dès
l'année 1824, il avait médité les écrits d'A.
Smith, da J.-B. Say et de Destutt de Tracy.
Sa vocation pour la science de\ ait le détourner
du commerce. En 1825, son grand-père étant
mort, il vint se fixer à Mugron, ou du moins
y établir sa principale résidence. Possesseur ue
propriétés foncières assez étendues, il conçut,
en 1827, la pensée de les exploiter lui-même.
Mais ses opérations agricoles ne furent point
couronnées de succès, et il ne tarda pas à les
abandonner. L'intérêt véritable de sa vie cam-
pagnarde, ce fut l'étude, et l'échange continu
d'idées avec un voisin, un ami, M. Félix Cou-
droy, qui fut profondément mêlé à son exis-
tence intime et à sa vie intellectuelle. « Si
Calmètes, dit M. de Fontenay, est le camarade
du cœur et des jeunes impressions, Coudroy
est l'ami de l'intelligence et de la raison virile,
comme plus tard Cobden sera l'ami politique,
le frère d'armes de l'action extérieure et du
rude apostolat. » Logés à quatre pas l'un de
l'autre, Bastiat et M. Coudroy passaient leur
vie ensemble, se voyant trois fois par jour,
tantôt dans leurs chambres, tantôt à de longues
promenades. Ouvrages de philosophie, d'his-
toire, de politique, de religion^ d'économie po-
litique, tout passait au contrôle de ces deux
intelligences associées dans la recherche de
la vérité. Le Traité de législation de Ch.
Comte, surtout, servait de texte habituel à
leurs commentaires. • Je ne connais, disait
Bastiat, aucun livre qui fasse plus penser, qui
jette sur l'homme et la société des aperçus
plus neufs et plus féconds. »
La Révolution de 1830 fut accueillie par
Bastiat avec enthousiasme. « Mon cher Félix,
écrit-il le 4 août 1830 à son ami, l'ivresse de
la joie m'empêche de tenir une plume. Ce n'est
pas une révolution d'esclaves se livrant à plus
d'excès, s'il est possible, que leurs oppresseurs ;
ce sont des hommes éclairés, riches, prudents,
qui sacrifient leurs intérêts et leur vie pour
acquérir l'ordre et sa compagne inséparable,
la liberté. Qu'on vienne nous dire après cela
que les richesses énervent le courage, que les
lumières mènent à la désorganisation, etc..
Un gouvernement provisoire est établi à Paris,
ce sont MM. Laffitte, Audry-Puyraveau, Ca-
simir Périer, Odier, Lobau, Gérard, Schonen,
Mauguin, La Fayette. Ces gens-là pourraient
se faire dictateurs-, tu verras qu'ils n'en feront
rien pour faire enrager ceux qui ne croient ni
au bon sens ni à la vertu. » Au mois de no-
vembre 1830, Bastiat fit paraître son premier
écrit. C'est une brochure politique qui fut
lancée pour soutenir la candidature de M. Fau-
rie, dont le libéralisme n'était point suspect,
mais qui avait eu le malheur de ne point faire
partie de la Chambre avant la révolution de
Juillet et qui n'avait pu, en conséquence, voter
avec les 221. Or, il parait qu'à, cette époque
bon nombre d'électeurs tenaient par-dessus
tout a voter pour les 221. Bastiat s'éleva contre
ce vote de récompense, et l'on reconnaît déjà
la plume qui devait écrire les Sophismes poli-
tiques. « Voici, écrivait-il, un électeur qui tient
obstinément à renommer à tout jamais les 221.
Vous avez beau lui faire les objections les
BAS
333
mieux fondées, il répond à tout par ces mots :
Mon candidat est des 221. — Mais ses antécé-
dents? — Je les oublie : il est des 221. — Mais
il est membre du gouvernement. Pensez-vous
qu'il sera très-disposé à restreindre un pouvoir
qu'il partage, à diminuer des impôts dont il vit?
— Je ne m'en mets pas en peine : il est des 221. "
— Mais songez qu'il va concourir à faire des
lois. Voyez quelles conséquences peut avoir un
choix fait par un motif étranger au but que
vous vous proposez. — Tout cela m'est égal ;
il est des 221. » Vers 1831, Bastiat fut nommé
juge de paix à Mugron, et l'année suivante,
élu membre du conseil général du département
des Landes. De temps en temps, il se laissait
porter à la députation. Il profitait, comme il le
racontait en riant, de ces rares moments où on
lit en province, pour répandre dans ses circu-
laires électorales, et «distribuer, sous le man-
teau de la candidature, » quelques vérités
utiles. Les principes politiques formulés dans
ces circulaires étaient que la forme du gou-
vernement et le personnel, du pouvoir importent
peu ; que le droit de voter l'impôt, si 1 on sait
en faire un usage judicieux, suffit à la liberté,
parce qu'il donne aux citoyens la faculté de
renfermer le pouvoir dans ses attributions lé-
gitimes; que la tendance naturelle et constante
de l'Etat, comme colle de tous les êtres orga-
nisés, est d'étendre indéfiniment sa sphère
d'action ; que cette tendance produit l'accrois-
sement des prolits et des fonctions, l'ambition
des places, les luttes et les brigues dont cette
ambition est la source, les entraves de l'in-
dustrie, les monopoles; qu'on ne saurait dé-
fendre avec trop de vigilance et de fermeté
contre cette tendance à l'ingérence et à l'ab-
sorption les droits de l'individu, le domaine
de la liberté. Cela pouvait se résumer dans
ces mots : Foi systématique à la libre activité
de l'individu ; défiance systématique vis-à-vis
de l'Etat conçu abstraitement, c'est-à-dire
défiance parfaitement pure de toute hostilité
de parti.
En 1834, Bastiat publia, sur les Pétitions de
Bordeaux, le Havre et Lyon concernant les
douanes, des réflexions où l'on voit le germe
de la théorie de la valeur qu'il devait déve-
lopper plus tard dans les Harmonies économi-
ques. Les pétitionnaires demandaient que toute
protection fût retirée aux matières premières,
c'est-à-dire à l'industrie agricole ; mais qu'une
protection fût continuée a l'industrie manu-
facturière ; ils se fondaient sur cette idée,
t que les matières premières sont vierges de
tout travail humain » , et que « les objets fa-
briqués ne peuvent plus servir au travail na-
tional, n Bastiat commence par établir que les
matières premières sont, comme les objets fa-
briqués , le produit du travail ; que , dans^
celles-là comme dans ceux-ci, c'est le travair
qui fait toute la valeur ; que l'agriculteur, lors-
qu'il vend du blé, ne se fait pas payer le tra-
vail de la nature, mais le sien; que la dis-
tinction qu'on veut faire sous ce rapport entre
les matières premières et les matières fabri-
quées est futile. 11 s'efforce ensuite de mon-
trer que, si l'abondance et le bon marché doi-
vent être considérés comme un avantage pour
la nation, lorsqu'il s'agit des matières dites
premières, il faut voir un avantage en tout
semblable dans l'abondance et le bon marché
des matières fabriquées ; qu'il est absurde et
inique de vouloir que l'abondance des unes
soit due à la liberté et la rareté des autres au
privilège ; que le régime de la libre concur-
rence doit être appliqué à tous les produits et
à toutes les industries.
La réputation de Bastiat commençait à gran-
dir. Après les Réflexions sur lis pétitions des
ports, il fit paraître successivement le Fisc et
la Vigne (1841), le Mémoire sur ta question
vinicôle (1843) ; le Mémoire sur la répartition
de l'impôt foncier dans le département des
Landes (1S44). Dans les deux premiers de ces
opuscules, il attaquait avec vigueur les entra-
ves apportées à l'industrie viticole par l'impôt
indirect, l'octroi et le régime prohibitif, et
émettait des vues remarquables sur le sys-
tème des impôts. « L'abolition pure et simple
'des impôts de consommation, disait-il, irnph-
guerait un gouvernement circonscrit dans sa
fonction essentielle, qui est de maintenir la
sécurité intérieure et extérieure, et n'exigeant
plus que des ressources proportionnées à cette
sphère d'action. » Mais combien nous sommes
éloignés d'une telle tendance I Le temps n'est
donc pas venu de songer à cette abolition, ré-
clamée au nom du principe de l'égalité des
charges. Mais ce qui est d'une opportunité
incontestable, o'est de faire subir à l'impôt in-
direct, encore dans l'enfance, une révolution
analogue à celle que le cadastre et la pér-
équation ont amenée dans l'assiette de la con-
tribution territoriale. La loi rationnelle d'un
bon système d'impôts de consommation est
celle-ci : généralisation aussi complète que
possible, quant au nombre des objets atteints,
modération poussée à son extrême limite possi-
ble, quant à la quotité de la taxe. Il semble
que c'est sur le principe diamétralement op-
posé, limitation quant au nombre des objets
taxés, exagération quant à la quotité de la
taxe, que l'on ait fondé notre système finan-
cier en cette matière. On a fait choix, entre
mille, de deux ou trois produits, le sel, les
boissons, le tabac, et on les a accablés.
La force des choses allait jeter bientôt Bas-
tiat sur un plus vaste théâtre. S'étant, par
hasard , abonné à un journal anglais , the
Globe and Traveller, il avait appris et l'exis-
334
BAS
tence de VAnti-corn-law-league et la lutte que
se livraient, en Angleterre, la liberté com-
merciale et le régime protecteur. 11 suivit avec
admiration !a marche et les progrès de ce
mouvement, et conçut le projet de le faire
connaître en France. C'est sous cette impres-
sion qu'il envoya au Journal des économistes
son premier article. Cet article, intitulé : De
l'influence des tarifs anglais et français sur
l'avenir des deux peuples, arrivait du fond des
Landes, sans être appuyé par la moindre re-
commandation. Aussi, languit-il quelque temps
dans les cartons. Mais enhn, sur tes instances
de M. Guillaumin, le rédacteur en chef du
journal, M. Dussard jeta les yeux sur ce. tra-
vail d'un aspirant économiste. « Il reconnut,
dit M. de Molinari, la touche ferme et vigou-
reuse d'un maître, ex ungue leonem, et s'em-
pressa aussitôt de mettre en lumière ce dia-
mant, qu'il avait pris d'abord pour un simple
morceau de quartz. » L'article parut dans le
mois d'octobre 1844 et obtint un succès com-
plet. On admira la force des arguments, la
sobriété, l'élégance et la vivacité spirituelle
du style. Les maîtres de la science, les Du-
noyer, les Michel Chevalier adressèrent des
félicitations à ce débutant qui, d'emblée, pre-
nait place parmi eux. Dès lors, la vocation de
Bastiat est décidée ; le voilà, en communica-
tion permanente avec le public ; sa vie appar-
tiendra désormais tout entière à la propagande
économique. Tout en faisant paraître la pre-
mière série des Sophismes économiques (v. ce
mot), il se met en rapport avec Cobden et
s'occupe d'écrire l'histoire de la Ligue an-
glaise. Cette histoire fut publiée, au mois de
mai 1845, sous le titre de Cobden et la Ligue
ou l'Agitation anglaise pour la liberté des
échanges. « Je me suis permis, écrivit l'auteur
à Cobden, de m'emparer de votre nom, et
voici mes motifs : je ne pouvais intituler cet
ouvrage : Anti-corn-law-league. Indépendam-
ment de ce qu'il est un peu barbare pour les
oreilles françaises, il n'aurait porté à l'esprit
qu'une idée restreinte. Il aurait présenté la
question comme purement anglaise , tandis
qu'elle est humanitaire, et la plus humanitaire
de toutes celles qui s'agitent dans notre siè-
cle. Le titre plus simple, \n.Ligue, eût été trop
vague et eût porté la pensée sur un épisode
de notre histoire nationale. J'ai donc cru de-
voir le préciser, en le faisant précéder du nom
de celui qui est reconnu pour être l'âme de
cette agitation. » Une autre lettre de Bastiat
nous apprend que son but, en traduisant et
faisant connaître en France les principaux
discours des orateurs de la Ligue, était tout
à la fois de présenter, sous une forme vive,
variée, accessible à tous, les arguments qu'in-
voque la liberté commerciale, de montrer le
"arti qu'on peut tirer des institutions consti-
tutionnelles pour obtenir une grande réforme,
et de porter un coup vigoureux à ces deux
fléaux de notre époque : l'esprit de parti et
les haines nationales.
L'ouvrage sur Cobden et la Ligue eut un
grand retentissement et valut à son auteur le
titre de membre correspondant de l'Institut.
Ce n'était pas assez pour Bastiat d'avoir
éveillé l'attention de son pays sur le grand
mouvement libre-échangiste qui venait de
triompher en Angleterre; il voulut que la
France eût aussi sa ligue et son agitation. Le
libre échange lui apparaissait comme une ques-
tion de principe, de justice absolue, et qui de-
vait, au même titre que les questions de poli-
tique, de morale et de religion, exciter les
passions et grouper les dévouements. Une
première réunion eut lieu à Bordeaux , le
23 février 1846 , dans laquelle l'association
bordelaise pour la liberté des échanges fut
constituée. Bientôt, le mouvement se propa-
gea dans toute la France. A Paris, un pre-
mier noyau, formé par les membres de la So-
ciété des économistes, auxquels s'adjoignirent
des pairs de France, des députés, des indus-
triels , des négociants , jeta les bases d'une
association qui devait embrasser le pays tout
entier. Des groupes importants Se formèrent
aussi a Marseille, à Lyon et au Havre. Bas-
tiat comprit que, dans un pays de centralisa-
tion comme le nôtre, l'impulsion devait partir
du centre, et il n'hésita pas à dire adieu à sa
solitude de Mugron pour venir s'établir à Pa-
ris. « Il nous semble encore le voir, raconte
M. de Molinari, faisant sa première tournée
dans les bureaux des journaux qui s'étaient
montrés sympathiques a la cause de la liberté
du commerce. Il n avait pas eu le temps en-
core de prendre un tailleur et un chapelier
parisien; d'ailleurs, il y songeait bien, en vé-
rité ! Avec ses longs cheveux et son petit cha-
peau, son ample redingote et son parapluie
de famille, on l'aurait pris volontiers pour un
bon paysan en train de visiter les merveilles
de la capitale. Mais la physionomie de ce cam-
pagnard était malicieuse et spirituelle, son
grand œil noir était vif et lumineux, et son
front, de grandeur moyenne, mais taillé car-
rément, portait l'empreinte de la pensée. Au
premier coup d'oeil, on s'apercevait que ce
paysan-la était du pays de Montaigne,"et, en
l'écoutant , on reconnaissait un disciple de
Franklin. » Bastiat ne perdit pas son temps à
Paris. Son activité était prodigieuse. Il don-
nait à la fois des articles de polémique et de
variétés à trois journaux, sans compter des
travaux plus sérieux pour le Journal des éco-
nomistes. Chaque jour, il prenait à partie les
champions de la protection et il leur livrait
des combats à outrance. En même temps, il
faisait des démarches actives pour hâter
BAS
l'organisation de l'association parisienne, et il
entretenait une correspondance suivie avec
les associations naissantes de Bordeaux, de
Lyon et de Marseille. Il correspondait aussi
avec Cobden, qui lui avait voué une amitié
toute fraternelle. Sous l'impulsion de cette
conviction ardente, l'opinion s'ébranle a Pa-
ris ; Bastiat est à tout ; la commission centrale
s'organise ; il en est le secrétaire et il en ré-
dige le programme ; on fonde un journal heb-
domadaire, le Libre-Echange ; il le dirige; il
parle dans les réunions ; il se met en rapport
avec les ouvriers et les étudiants; il va faire
des tournées et des discours à Lyon, à Mar-
seille, au Havre, etc.; il ouvre, salle Ta-
ranne, un cours d'économie politique pour la
jeunesse des écoles. « Personne, dit M. de
Fontenay, ne peut dire ce que fût devenu ce
mouvement, s'il n'eût été brusquement arrêté
par la révolution de 1848. »
Bastiat accepta la république avec la plus
entière sincérité, mais sans fermer les yeux
sur les difficultés que préparaient à cette forme
de gouvernement les ambitions confuses et
ardentes de rénovation sociale qu'elle amenait
à Sa suite. La révolution de février, écrivait-
t-il à M. Coudroy le 29 février 1848 , a été
certainement plus héroïque que cellede juillet ;
rien d'admirable comme le courage, l'ordre,
le calme, la modération de la population pari-
sienne. Mais quelles en seront les suites?
Depuis dix ans, de fausses doctrines, fort en
vogue, nourrissent les classes laborieuses
d'absurdes illusions. Elles sont maintenant
convaincues que l'Etat est obligé de donner
du pain, du travail, de l'instruction à tout le
monde. Le gouvernement provisoire en a fait
la promesse solennelle; il sera donc contraint
de renforcer tous les impôts pour essayer de
tenir cette promesse, et, malgré cela, il ne la
tiendra pas. Je n'ai pas besoin de te dire
l'avenir que cela nous prépare... La curée des
places est commencée, plusieurs de mes amis
sont tout-puissants : quant a moi, je ne mettrai
les pieds à l'Hôtel de ville que comme cu-
rieux ; je regarderai le mât de cocagne, je n'y
monterai pas. Pauvre peuple ! Que de décep-
tions on lui a préparées 1 II était si simple et
si juste de le soulager par la diminution des
taxes; on veut le faire par la profusion, et il
ne voit pas que tout le mécanisme consiste à
lui prendre dix pour lui donner huit, sans
compter la liberté réelle gui succombera à l'o-
pération! J'ai essayé de jeter ces idées dans
la rue par un journal éphémère, qui est né de
la circonstance ; croirais-tu que les ouvriers
imprimeurs eux-mêmes discutent et désap-
prouvent l'entreprise ! ils la disent contre-ré-
oolutionnaire. Comment lutter contre une école
qui a la force en main et qui promet le bon-
heur parfait à tout le monde ? »
Le journal dont il est ici question était
intitulé la République française. Bastiat publia
dans les premiers numéros de cette feuille
plusieurs articles remarquables sur les ques-
tions du moment; il engageait les gouverne-
ments étrangers, et spécialement l'Angleterre,
à donner à la France l'exemple du désarme;-
ment; il flétrissait la curée des places, et,
comme, remède à cette plaie, il indiquait la
réduction des fonctions salariées par l'Etat.
Enfin il s'efforçait de lutter contre le socia-
lisme. A la Démocratie pacifique, qui demandait
une lieue carrée de terrain pour expérimenter
son phalanstère, il opposait, le 2 mars, la pé-
tition d'un économiste, qui réclamait, lui aussi,
sa lieue carrée, en affirmant que son expé-
rience ne coûterait rien au gouvernement.
« Notre plan, disait-il, est fort simple. Nous
percevrons sur chaque famille, et par l'impôt
unique, une très-petite part de son revenu,
afin d'assurer le respect des personnes et des
propriétés, la répression des fraudes, des délits
et des crimes. Cela fait, nous observerons
avec soin comment les hommes s'organisent
d'eux-mêmes. Les cultes, l'enseignement, le
travail, l'échange y seront parfaitement libres.
Nous espérons que, sous ce régime de liberté
et de sécurité, chaque habitant ayant la fa-
culté, par la liberté des échanges, de créer
sous la forme qui lui conviendra la plus grande
somme de valeur possible, les capitaux se for-
meront avec une grande rapidité. Tout capital
cherchant à s'employer, il y aura donc une
grande concurrence parmi les capitalistes.
Donc les salaires s'élèveront; donc les ou-
vriers, s'ils sont prévoyants et économes, au-
ront une grande facilité pour devenir capita-
listes, et alors il pourra se faire entre eux des
combinaisons, des associations dont l'idée sera
conçue et mûrie par eux-mêmes. »
Bastiat fut envoyé à l'Assemblée consti-
tuante, puis à la Législative, par les électeurs
du département des Landes. Il y siégea à la
gauche dans une attitude un peu isolée, mais
entourée du respect de tous les partis, « votant,
a-t-il dit, avec la droite contre la gauche quand
il s'agissait de résister au débordement des
fausses idées populaires; votantaveclagauche
contre la droite quand les griefs légitimes de
la classe pauvre et souffrante lui paraissaient
méconnus. » Membre du comité des finances,
dont il fut nommé huit fois de suite vice-pré-
sident , il s'attacha à y faire prévaloir ses
principes de gouvernement à bon marché. Une
de ses maximes favorites était que le législa-
teur « ne peut rien donner aux uns par une
loi sans être obligé de prendre aux autres par
une autre loi. » Lors de la discussion du préam-
bule de la Constitution, il demanda la parole
contre le droit au travail, mai» trop tard pour
BAS
l'obtenir. Il concourut à la réduction de l'impôt
du sel et de la poste. Il prit l'initiative d'une
proposition déclarant incompatible le porte-
feuille de ministre avec le mandat de député,
et présenta, à l'appui de cette incompatibi- i
lité, des considérations, sinon très-solides, au •
moins fort ingénieuses. A la Législative, il !
Frit deux fois la parole : la première fois sur
impôt des boissons, la seconde sur les coali-
tions d'ouvriers. Il voulait soulager la nation
de l'impôt oppressif et onéreux qui pèse sur
l'une de ses consommations les plus usuelles ;
mais il comprenait parfaitement que cela ne
se pouvait faire sans réduire sérieusement le
budget des dépenses. Aussi proposait-il à
l'Assemblée un vaste plan de réformes finan-
cières, comprenant 1 ensemble des services
publics. Dans la discussion relative aux coa-
litions, Bastiat soutint, contre les légistes de
la majorité, et notamment contre M. de Ya-
tismesnil, le droit que possèdent les ouvriers
de refuser leur travail soit isolément, soit de
concert, et il démontra qu'en les empêchant,
d'user de ce droit on intervenait contre eux
dans les débats du salaire.
Bastiat n'avait pas appelé la république, et
nous avons vu qu'il attribuait peu d'importance
à la question de la forme du gouvernement ;
mais, a ses yeux, c'était le devoir de tout bon
citoyen de travailler à maintenir des institu-
tions que les représentants du pays avaient
acceptées d'un accord unanime. Lors de l'é-
lection du président , il avait voté pour le
général Cavaignac, parce que ce nom signifiait
clairement, selon lui, paix au dehors, maintien
de la république au dedans, et qu'il ne savait
« ce qu'on pouvait attendre du prince Louis
Napoléon. » Il n'entendait pas « poursuivre un
nouveau but, tenter de nouvelles aventures, •
suivre la réaction dans la voie où elle était
entraînée par l'abus du triomphe, l'irritation,
la colère et la peur. Il avait confiance dans le
suffrage universel, et il ne voulut point le res-
treindre. Eloigné de la tribune par la faiblesse
croissante de ses poumons, il s'appliqua à
combattre par la plume les utopies socialistes,
et à éclairer les masses sur ce qu'il considérait
comme leurs véritables droits et leurs véri-
tables intérêts. Il commença dans ce but la
publication d'une série de pamphlets, qui sont
des chefs-d'œuvre de logique et de style :
Propriété et loi, Justice et fraternité (1848,
brochure in-16); Proteciionisme et commu-
nisme, lettre à M. Thiers (1849, in-16); Capital
et rente (1849, in-16); Paix et liberté, ou le
budget républicain (1849, in-16); Incompati-
bilités parlementaires (1849, in-16); L'Etat,
Maudit argent! (1849 in-16) ; Baccalauréat et
socialisme (1850, in-16) ; Spoliation et loi (1850,
in-16); La loi (1850, in-16); Ce que l'on voit et
ce que l'on ne voit pas (1850, in-16). Ecoutez
Bastiat, expliquant lui-même a ses commettants
les motifs qui lui ont mis les armes, je veux
dire la plume à la main. « La propriété est
menacée dans son principe même ; on cherche
à tourner contre elle la législation : je fais la
brochure Propriété et loi. On veut fonder la
fraternité sur la contrainte légale : je fais la
brochure Justice et fraternité. On ameute le
travail contre le capital; on berce le peuple
de la chimère de la gratuité du crédit : je fais
la brochure Capital et rente. L'école purement
révolutionnaire veut faire intervenir l'Etat en
toutes choses, et ramener ainsi l'accroissement
indéfini des impôts : je fais la brochure l'Etat,
spécialement dirigée contre le manifeste mon-
tagnard. Il m'est démontré qu'une des causes
de l'instabilité du pouvoir et de l'envahisse-
ment désordonné de la fausse politique, c'est
la guerre des portefeuilles : je fais la brochure
Incompatibilités parlementaires. Il m'apparatt
que presque toutes les erreurs économiques
qui désolent ce pays proviennent d'une fausse
notion sur les fonctions du numéraire : je fais
la brochure Maudit argent. Je vois quon va
procéder à la réforme financière par des pro-
cédés illogiques et incomplets : je fais la bro-
chure Paix et liberté, ou le budget répu-
blicain. » Vers la fin de 1849 , le succès
des Pamphlets fournit à Bastiat l'occasion
d'engager et de soutenir contre Proudhon
une lutte glorieuse, pour laquelle nous ren-
voyons aux mots Échange (banque d') at
INTÉRÊT,
A quelque temps de là, Bastiat publiait le
premier volume du plus important de ses
ouvrages, les Harmonies économiques.
C'est dans ce beau livre que l'on trouve les
vues les plus originales du célèbre économiste,
notamment une nouvelle théorie de la valeur,
sur laquelle il prétendait asseoir la légitimité
de la propriété (V. Harmonies économiques.)
et quil opposait aux idées régnantes dans
l'école sur ce point. Les Harmonies économi-
ques devaient avoir un second volume. Mal-
heureusement, il n'eut pas le temps d'achever
son œuvre. Atteint d'une maladie du larynx,
il alla vers le milieu de septembre 1850, pour
obéir à l'avis des médecins, demander au
climat de l'Italie une guérison qu'il ne devait
pas obtenir. Il séjourna d'abord à Pise, puis
alla s'établir à Rome, où il mourut le 24 dé-
cembre 1850, après de longues et cruelles
souffrances.
Nous aurons occasion, aux mots Libre
échange, Monopole, Peopriété,Valeur, etc.,
d'exposer et de discuter les doctrines de Bas-
tiat. Bornons-nous à dire ici que l'idée qui
forme, pour ainsi dire, le centre de sa philo-
sophie économique est celle du finalisme, de
l'optimisme appliqué au libre .mouvement des
intérêts. A cette idée fondamentale de l"har-
BAS
monie spontanée, providentielle des intérêts,
se rattachent très-logiquement la distinction
lumineuse qu'il établit entre l'utilité et la va-
leur, les conséquences qu'il tire de cette dis-
tinction relativement a la propriété, sa critique
des théories de Malthus et de Ricardo , la
formule : Les services s'échangent contre les
services, qu'il substitue à celle de J.-B. Say :
Les produits s'échangent contre les produits; lo
caractère absolu qu il accorde au principe du
libre échange, sa négation radicale do toute
organisation artificielle de la société, qu'elle
s'appelle protection ou socialisme ; enfin sa
conception négative de l'Etat, dont il borna
les attributions au maintien de la justice et de
la sécurité, et son système de gouvernement
à bon marché.
Les œuvres complètes de Bastiat ont été
publiées en 1855 (6 vol. Guillaumin) par
M. Paillottet. Une seconde édition, comprenant
un volume de plus, a paru en 1862.
BASTIDAN, ANE s. (ba-sti-dan, a-ne —
rad. bastide). Habitant d'une petite ferme ou
bastide : De belles bastidanes, qui en passant
firent de grands éclats de rire. (M108 de Si-
miane). Il N'est usité ou'en Provence.
BASTIDAS (Rodrigue de), navigateur es-
pagnol de la fin du xv" siècle. La découverte
de Christophe Colomb avait excité en Espa-
gne la passion des voyages d'exploration.
Bastidas fut un des premiers qui marchèrent
sur les traces du grand navigateur. S'étant
associé avec Jean de la Casa, il partit pour le
nouveau monde, explora la nier des Antilies,
et, ayant jeté l'ancre dans le golfe de Darien,
il donna son nom au port qui prit plus tard
celui de Carthagène. Arrivé à Saint-Domin-
gue, il fut arrêté par ce même Bovadilla, qui
avait déjà envoyé Colomb captif en Espagne.
Sous le prétexte qu'il avait traité avec les In-
diens sans l'autorisation du gouvernement,
Bovadilla lui fit subir le même sort; mais,
de retour dans sa patrie, Bastidas obtint
pleine justice.
BASTIDE s. f. (ba-sti-de — du prov. Irastir,
bâtir). Petite . ferme ou petit logement do
maître à la campagne, dans les environs de
Marseille : Tout le chemin qui conduit d'Aix à
Marseille est plein de bastides. (Trév.) Je
suis revenu d pas lents à ma bastide blanche,
aux volets verts. (Balz.) Chaque bastide s'en-
orgueillit aujourd'hui d'un bassin et d'un jet
d'eau. (Th. Gaut.) Ce vallon d'oliviers ren-
ferme quelques bastides vieilles et noires,
comme tes peintres les recher client. (A. Moyer.)
Les bastides ont, de tout temps, excité la
verve satirique des voyageurs. (T. Delord.)
— Fortif. Petit ouvrage provisoire, quo
l'on construisait pour les besoins de l'atta-
?ue. il Assiéger par bastides! Elever des bas-
ides autour de la place assiégée.
— Encycl. C'est dans le midi de la France,
particulièrement dans la banlieue de Mar-
seille, que le mot bastide « enfant de la Pro-
vence a désigna une maison de campagne
placée dans quelque agréable site, où venaient
s'installer, chaque dimanche, ou plutôt le sa-
medi soir, les familles retenues toute la semaine
à la ville par les nécessités du négoce. Méry , en
vers harmonieux, a chanté la Bastide^ oc pit-
toresque Buen retiro qui, depuis une vingtaine
d'années, est distancé par la villa. « Aujour-
d'hui, dit M. Bertin, un écrivain marseillais,
nous avons changé tout cela : la villa, la
maison de plaisance, le pied-à-terro luxueux
ont détrôné la bastide. » Cependant la bastide
était en grande faveur, et un poiite provençal
en a tout récemment célébré les agréments
passés dans ces vers :
Monuments fastueux d'orgueil ou de puissance,
Hôtels, palais, châteaux, votre magnificence
N'éblouit pas mes yeux, n'inspire pas mes chants.
Je ne veux célébrer que la maison des champs,
La riante bastide, enfant de la Provence,
Asile du repos et de l'indépendance.
Là, le gros financier et le mince commis,
Pour goûter des plaisirs également promis,
Viennent, l'un en calèche et l'autre en carriole;
Le beau sexe, abjurant la sotte gloriole
Qui, dans notre cité, le gouverne aisément,
Sur un humble baudet arrive doucement.
Voulez-vous admirer les efforts du génie?
Visitez avec moi ma retraite chérie ;
Sur trente pieds carrés vous trouvez réunis :
Petits appartements de meubles bien garnis,
Boudoir, salle à manger, salon de compagnie,
Cuisine appétissante auprès de l'écurie
Et jardin hollandais, où courent deux ruisseaux
Qui vont, lorsqu'il a plu, renforcer de leurs eaux
Un étang poissonneux, mer en miniature.
Ces vers sont d'un brave nourrisson do la
Provence , plutôt que d'un nourrisson des
Muses. Celui-ci
Cuisine appétissante auprès de l'écurie
n'aurait pas mérité la violette d'or aux jeux
floraux , si le cénacle avait été présidé par
Berchoux ou Brillât-Savarin.
Aujourd'hui, la bastide est détrônée en
Provence par le cabanon, mais on la trouve
encore dans le Bordelais.
BASTIDE (la), bourg de France (Lot),ch.-l.
de cant., arrond. et à 22 k. S.-O. de Gourdon ;
pop. aggl. 778 hab. — pop. tôt. 1,703 hab.
Patrie de Joachim Murât. Ce bourg est aussi
appelé La Bastide-Fortunière ou La Bastide-
Murai.
BAS
BAS
BAS
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335
BÀSTIDE-CENON (la), bourg de France
(Gironde), arrond. et à 3 kil. de Bordeaux,
dont elle forme comme un faubourg sur la
Garonne; c'est là que se trouve l'embarca-
dère du chemin de fer de Bordeaux à Paris ;
pou. aggl. 6,060 hab. — pop. tôt. 6,817 hab.
BASTIDE - CLA1RENCE (la), bourg de
France (Basses-Pyrénées), ch.-l. de eant.,
arrond. et à 15 kil. S.-E. de Bayonne ; pop.
aggl. 571 hab. — pop. tôt. 1,578 hab. Bonne-
terie, bérets, bas, clouteries et tanneries. Il
On y remarque une jolie église paroissiale
avec un beau portail roman.
BASTIDE-DE-SÉROlf (la), bourg de France
(Ariége), ch.-l. de canton, arrond. et à 17 kil.
N.-O. de Foix, sur la rive droite de l'Arize;
pop. aggl. 1,06S hab. — pop. tôt. 2,717 hab.
Fabrique de bonneterie de laine; filatures,
tuileries , briqueterie , scierie hydraulique.
^Dans les champs voisins on trouve de petits
cristaux isolés de quartz ou cristal de roche
de diverses couleurs ; sur la montagne dite la
Garosse, on voit une belle grotte, riche en
stalactites. Ruines du château du Loup.
BASTIDE-L'ÉVÊQUE (la) , bourg et com-
mune de France (Aveyron), canton de Rieu-
peyroux, arrond. et à 8 kil. É. deVillefranche,
près d'un petit affluent de l'Aveyron; pop.
aggl. 236 hab. — pop. tôt. 3,355 hab.
BASTIDE-BOUAYROUX (la), bourg et com-
mune de France (Tarn), canton de Sainte
Amans-Soult, arrond. et à 38 kil. S.-E. de
Castres, sur la rive droite du Thoré, au pied
de la montagne Noire ; pop. aggl. 1,623 hab.
— pop. tôt. 2,633 hab. Fabrication de bois de
soufflets, de cylindres pour fouler les draps,
de draps lissés et croisés.
BASTIDE (Marc-Antoine de la), diplomate
.et publiciste français, né à Milhau vers 1624,
mort en 1704. Issu d'une famille protestante,
il se fit, par la distinction de son esprit, un
zélé protecteur du surintendant Fouquet, fut
nommé en 1652 secrétaire d'ambassade h.
Londres, où il resta sept ans, puis il se livra
à des travaux littéraires et à des controver-
ses religieuses, qui lui valurent une grande
réputation parmi ses coreligionnaires. Lors
de a révocation de l'édit de Nantes, Bastide
fut relégué à Chartres ; mais bientôt après il
put passer en Angleterre (1687). On a de lui
deux Réponses à l'exposition de la doctrine
de l'Eglise jpar Bossuet (1672 et 1680, in-12);
un Traité de l'Eucharistie (1683). Il a revu la
version en vers des psaumes, par Théodore
de Bèze, Marot et Conrart, ainsi que l'an-
cienne traduction des psaumes en prose
(Amsterdam, 1692) ; et il a cherché à démontrer
que Pelisson était l'auteur du fameux Avis
aux réformés, qu'on attribuait à Bayle.
— BASTIDE (Jean-François de), littérateur
français, né à Marseille en 1724, mort à Milan
en 1798. Arrivé fort jeune à Paris, il s'y lia
avec Crébillon fils, Dorât, Voisenon, embrassa
la carrière littéraire et produisit un grand
nombre d'ouvrages écrits d'une plume facile,
mais qui révèlent à chaque page l'esprit su-
perficiel de l'auteur. Parmi ces ouvrages ,
aujourd'hui oubliés, et qui firent la fortune de
Bastide, se trouvent des romans : les Confes-
sions d'un fat (1749); la Trentaine de Cythère
(1752) ; les Têtes folles (1753) ; etdes comédies,
des recueils littéraires et moraux : le Nouveau
Spectateur (1758); YElixir littéraire (1766);
le Penseur (1766). Il a commencé en 1757 le
Choix des anciens Mercures, et il rédigea pen-
dant plusieurs années la Bibliothèque univer-
selle des romans.
BASTIDE (JennyDuFOURQUET,dame), femme
de lettres française, connue surtout sous le
pseudonyme de Camille Dodin, née à Rouen
en 1792. Elle débuta en 1821 par la publica-
tion d'un petit poème intitulé Napolé online, et
par celle d'un volume de Souvenirs, qu'elle
signa de son nom de famille, ainsi que ses
premiers romans, parmi lesquels nous cite-
rons : les Confessions de ma tante (1825) ; La
belle-mère (1828); Marins et Frédéric (1830) ;
la Cour d'assises (1832). Elle publia ensuite,
sous le nom de Thalarès Dufourquet : Un
drame au palais des laiteries (1832); enfin,
sous celui de Camille Bodin : El Albanico
(1833); Un remords (1834) ; Pascaline et Savi-
nie (1835); Une sur mille (1836); Sténia et
l'abbé Maurice (1837); les Mémoires d'un con-
fesseur (1845); Alice de Lostange (1847);
Franchie de Plainville (1850), etc. Ces ro-
mans, où l'on remarque des caractères bien
observés, sont écrits d'une plume facile, trop
facile peut-être, et ont valu à leur auteur un
certain renom.
BASTIDE (Jules), homme politique et pu-
bliciste, né a Paris en 1800. Après avoir fait
de bonnes études au lycée Henri IV, il suivit
les cours de l'école de droit, entreprit un
commerce de bois, se jeta avec passion dans
les luttes du grand parti national contre la
Restauration, combattit en juillet 1830, et
figura pendant tout le règne de Louis-Phi-
lippe parmi les adversaires les plus décidés
de la monarchie. Commandant de l'artillerie
de la garde nationale, où s'étaient groupés
les républicains, arrêté à diverses reprises,
condamné a mort pour sa participation à l'in-
surrection des 5 et 6 juin, il s'échappa de
prison, séjourna deux ans à Londres, fut gra-
cié en 1834, et reçut, après la mort de Carrel,
la. direction du iournal le National, organe de
la fraction bourgeoise du parti républicain.
Des dissentiments, nés de son adhésion au
catholicisme républicain de M. Bûchez, l'obli-
gèrent à quitter cette direction en 1846. Il
fonda alors la Revue nationale, devint en 1848
secrétaire général du ministère des affaires
étrangères, puis fut investi lui-même de ce
ministère après la formation de la commission
executive. Il était en outre représentant du
peuple. Son insuffisance comme homme d'Etat
ne l'empêcha point de garder son portefeuille
tant que le général Cavaignac resta au pouvoir.
Il participa d'ailleurs à tous les actes de réac-
tion contre la démocratie populaire et socia-
liste, et, même après sa chute du pouvoir, il
vota souvent avec la droite, partageant les
rancunes et l'aveuglement de son parti, qui
prépara ainsi le triomphe de la coalition mo-
narchique. Ecrivain de quelque mérite, M. Bas-
tide a donné les ouvrages suivants : De l'édu-
cation publique en France (1847) ; Histoire de
l'assemblée législative (qui s'arrête au premier
volume, 1847) ; la République française et l'I-
talie de 1848 (1858); Guerres de religion en
France (1859, 2 vol.)
BASTIDE (Louis), poète français, né à Mar-
seille vers 1805. Ardent républicain, il se ren-
dit à Paris après la révolution de Juillet, et
se mêla activement à toutes les manifesta-
tions de son parti. En 1832, il fit paraître un
volume de Mélanges poétiques, et tenta, lors
de la défection de Barthélémy, de remplacer
le poëte de Némésis, et pendant deux ans, de
1834 a 1835, il publia hebdomadairement des
satires politiques sous le titre de l'isipkone,
quatre volumes. Plusieurs de ces satires lui
attirèrent des condamnations, et, en 1838, la
publication de sa Pythonisse, recueil faisant
suite au premier, fut presque aussitôt inter-
dite. Depuis lors M. Bastide a peu écrit.
Outre les ouvrages cités, nous mentionnerons :
la Vie politique et religieuse du prince de
Talleyrand f!838) et les Larmes d'un pri-
sonnier (1854).
BASTIDE-GRAMMONT ( Bernard-Charles ),
un des auteurs de l'assassinat commis à Rho-
dez, le 19 mars 1817, sur la personne de Fual-
dès (V. ce mot). Il était fort grand, si l'on en
croit la célèbre complainte, et, d'après la même
source, peu soigneux de sa tenue :
Josion avait des bas ;
Bastide n'en avait pas.
baStidon s. m. (ba-sti-don — dim. de
bastide). Petite bastide, appelée aussi caba-
non.
BASTIEN (Jean-François), libraire et agro-
nome, né à Paris en 1747, mort en 1824.
Ayant été reçu dans la corporation des li-
braires en 1771, il se fit connaître par la pu-
blication d'éditions élégantes et correctes d'A-
pulée , de Montaigne , Charron , Rabelais ,
Scarron,Boileau, D'Alembert, Plutarque, Lu-
cien, etc. Fort intelligent, il a revu «t publié
la traduction des Lettres d'Héloïse et dA.bai-
lard, et fait paraître plusieurs compilations
faites avec soin, telles que la. Nouvelle maison
rustique (1798); l'Année du jardinier (1799)];
le Calendrier du jardinier (1805); le Nouveau
manuel du jardinier (1807). On lui attribue le
Nouveau dictionnaire des anecdotes ( 1820 ,
3 vol. in-18, etc).
BASTiër s. m. (ba-stié — rad. bast, qui
s'écrivait pour bât). Artmilit. anc. Cheval de
bât qui portait des bagages à la suite des
troupes.
bastille s. f. (bas-ti-lle, Il mil. — de
bastir, qui s'est dit pour bâtir). Féod. Ou-
vrage détaché de défense ou d'attaque : Ele-
ver une bastille. Les Anglais étaient divisés
dans une douzaine de bastilles ou boulevards
qui, pour la plupart, ne communiquaient pas
entre eux. (Michelet.) u Château flanque de
tourelles, pour défendre l'entrée d'une ville.
— Particul. Château fort, autrefois établi à
Paris dans le quartier encore appelé de la
Bastille, et qui servit longtemps de prison
d'Etat : La Bastille se rendit, après avoir
enduré, pour la forme, cinq à six coups de ca-
non. (De Retz.) Il y avait alors des censeurs
pour ceux qui étaient tentés d'écrire, et la Bas-
tille pour les caractères indociles. (Thiers.)
Pour bien écrire sur la liberté, ie voudrais
être à la Bastille. (Volt.)
Monsieur, la Bastille est pour moi,
Comme un fauteuil chez les quarante;
■ L'on m'y conduit et Von m'y plante,
Mais, d'honneur, je ne sais pourquoi.
Dëlmotte.
— Par ext. Prison : Un garde du commerce,
car le gracieux arrivant en était un, a peu
l'habitude de conduire ailleurs qu'à la bas-
tille pour dettes. (M. Alhoy).
O sainte égalité! dissipe nos ténèbres,
Renverse les verrous, les bastilles funèbres.
A. ChéNier.
Les bastilles d'Etat sont nuit et jour gardées;
Les portes sont de fer, les murs ont cent coudées.
V. Hugo.
— Fig. Moyen d'asservissement : Les en-
cyclopédistes du xvuie siècle ont démantelé la
Bastille roniaine qui servait de geôle aux
consciences, (fi. Dollfus.)
— Prov. Il ne branle non plus que la bas-
tille, Il est inébranlable.
BASTILLE (la). On nommait ainsi, en géné-
ral, une sorte de château fort, servant en même
temps de prison pour les criminels d'Etat, qui
s'élevait dans plusieurs villes de France sous
le régime féodal. Mais comme les tristes sou-
venirs que ce mot rappelle se sont individualisés
surtout dans la Bastille de Paris, celle-ci s'est
assimilé toute la signification attachée à ces
prisons -forteresses. Lorsque Charles V se fut
fixé à l'hôtel Saint-Paul , il ne se trouva pas
suffisamment protégé par les fortifications
qu'Etienne Marcel avait fait élever à l'extré-
mité de la rue Saint- Antoine, et il ordonna la
construction du vaste château fort qui resta
si longtemps debout comme l'emblème tou-
jours menaçant du despotisme.
Le 22 avril 1389, Hugues Aubriot, prévôt
des marchands, posa la première pierre du
nouvel édilïce qui se composa primitivement
de deux grosses tours rondes , reliées entre
elles par une porte fortifiée. Dans la suite,
pour augmenter les moyens de défense, on y
ajouta deux autres tours, et on les réunit aux
deux premières par de puissantes murailles.
Sous Charles VI, en 1383, le nombre des tours
fut porté à six ; enfin, en 1553, on compléta
cet ensemble formidable par la construction
de deux dernières tours; ce qui .en éleva le
nombre total à huit, qui furent reliées ensem-
ble par d'immenses travaux de maçonnerie
d'une élévation égale, 24 m. environ , sur une
largeur de près de 3 m. Cet immense édifice
étaitentouré d'un fossé d'une largeur moyenne
de 26 m., et de 8 m. de profondeur. Ces huit
tours étaient dites du Trésor, de la Chapelle ,
du Puits , de la Liberté (antiphrase sinistre) ,
de la Bertaudière , de la Bassinière , du Coin
et de la Comté. De simple porte fortifiée qu'elle
était d'abord , la Bastille devint ainsi une des
plus puissantes citadelles du monde. La porte
principale regardait la rue Saint- Antoine, fai-
sant face à la rue des Tournelles ; elle était
surmontée des statues de Charles VI, d'Isabeau
et de saint Antoine. La Bastille renfermait
plusieurs cours, entre autres celle où se trou-
vaient les appartements du gouverneur, et la
grande cour, au fond de laquelle s'élevait un
élégant bâtiment habité par Fétat-major et par
les prisonniers de distinction.
L'horloge de la Bastille était célèbre : « On
y a pratiqué , dit Linguet , un beau cadran ;
mais devinera-t-on quel en est l'ornement,
?uelle décoration l'on y a jointe? Des fers par-
aitement sculptés. Il a pour support deux
figures enchaînées par le cou , par les pieds ,
par le milieu du corps; les deux bouts de ces
ingénieuses guirlandes, après avoir couru tout
autour du cartel, reviennent sur le devant
former un nœud énorme ; et pour prouver
qu'elles menacent également les deux âges ,
1 artiste, guidé par le génie du lieu ou par des
ordres précis, a eu soin de modeler un homme
dans la force de l'âge , un autre accablé sous
le poids des années, »
Comme château fort, la Bastille a joué un
rôle moins considérable que comme prison
d'Etat , et son historique peut se résumer en
quelques lignes.
En août 1418, les Bourguignons s'emparè-
rent de la Bastille, où s'étaient réfugiés les
Armagnacs ; ils voulurent les transférer au
Châtelet, mais, dans le trajet, leurs prisonniers
furent massacrés par la populace furieuse.
En 1436, quand le connétable de Richemond
reprit Paris pour Charles VII , les Anglais et
leurs partisans s'enfermèrent à la Bastille;
pressés par la famine, ils furent bientôt forcés
de capituler et de payer rançon. En 1589 , le
ligueur Bussi Leclerc y mit au pain et à l'eau
le président de Harlay et soixante membres
du parlement. Dubourg , qui avait succédé à
Bussi Leclerc comme gouverneur, ne rendit
la forteresse que trois jours après l'entrée
d'Henri IV a Paris. Le roi y plaça les trésors
qu'une sage administration avait su amasser.
a Vers l'an 1610, dit Sully dans ses mémoires ,
il y avait pour lors 15,878,000 livres d'argent
comptant dans les chambres voûtées , coffres
et caques étant en la Bastille , outre 10 mil-
lions qu'on avait tirés pour bailler au trésorier
de l'épargne. »
Pendant la minorité de Louis XIV, en 1649,
les frondeurs s'emparèrent de la Bastille après
un siège de deux jours, soutenu par une gar-
nison de vingt-deux hommes. Le 2 juillet 1652,
Condé , après des prodiges de valeur , allait
être écrasé par Turenne, quand Mademoiselle
lit ouvrir la porte Saint-Antoine aux troupes
du prince. « Il entra des derniers , comme un
dieu Mars , monté sur un cheval tout couvert
d'écume. Fier encore de l'action qu'il venait
de faire, portant la tête haute et élevée, il te-
nait son épée tout ensanglantée à la main,
traversant ainsi les rues de Paris au milieu
des acclamations et des louanges q'j'on ne
pouvait se dispenser de donner à sa brillante
valeur. » Le canon de la Bastille tonna contre
l'armée royale et sauva l'arrière - garde du
prince. Mademoiselle se perdit pour jamais
dans l'esprit du roi , son cousin , par cette ac-
tion violente, et le cardinal Mazarin, qui savait
l'extrême envie qu'avait Mademoiselle d'épou-
ser une tête couronnée, dit alors : « Ce canon-
là vient de tuer son mari. »
Le 14 juillet 1789, la Bastille , assiégée pour
la dernière fois, succombe après quatre heures
de combat.
Comme prison d'Etat, la Bastille a joué un
rôle marqué- d'une sombre et dramatique acti-
vité ; aussi a-t-elle laissé un nom exécré dans
l'histoire. Les véritables prisons étaient situées
dans les tours , toutes divisées en cinq étages
voûtés , dont chacun contenait une chambre
octogone , percée d'une seule étroite fenêtre ,
dans une muraille de six pieds d'épaisseur. On
pénétrait dans ces chambres , où n'arrivait
qu'avec peine un pâle rayon de lumière , par
deux portes bardées de fer et séparées l'une
de l'autre par toute l'épaisseur du mur.
On trouve dans les Comptes de la PrévôH-
de Paris le détail d'une grande cage de bois :
« contenant 3 m. de long sur 2 m. 66 de lé, et
de hauteur 2 m. 33 entre deux planchers , la-
quelle a été assise entre une chambre , étant
en l'une des tours de la Bastille Saint-Antoine,
' à Paris , en laquelle est mis et détenu prison-
nier par le commandement du roi (Louis XI),
notre seigneur Guillaume de Harancourt,
évêque de Verdun. »
Ses cachots infects s'enfonçaient jusqu'à 6 m.
66 sous terre ; le séjour , néanmoins , n'en
était pas plus homicide et plus redouté que ce-
lui des calottes, situées au sommet des tours,
où les prisonniers avaient à subir un froid en
hiver et une chaleur en été également insup-
portables. Dans aucune de ces prisons, on ne
pouvait faire de feu. Les* appartements ména-
gés dans les massifs de maçonnerie qui reliaient
les tours entre elles étaient plus vastes , plus
confortables , et même munis de cheminées ;
mais les précautions les plus minutieuses étaient
également prises pour empêcher la fuite des
prisonniers.
C'est là qu'on enfermait les personnages de
distinction , ou ceux envers lesquels on ne
voulait point user d'une excessive sévérité.
Le personnel de la Bastille se composait,
au xvme siècle, d'un gouverneur, d'un com-
missaire ou lieutenant du roi, d'un major, d'un
médecin , de .chirurgiens , et d'une garnison
d'environ cent hommes , composée d'invalides
et de soldats suisses, à la solde de l'Etat ; enfin ,
il y avait encore les conducteurs des voitures
qui amenaient les prisonniers, les geôliers, les
cuisiniers et autres domestiques. L'emploi de
gouverneur de la Bastille était fort lucratif, et
rapportait environ 60,000 livres par an , sans
compter les profits illicites.
Les prisonniers étaient conduits à la Bastille
par des exempts, sur une simple lettre de
cachet « laissée peut-être aux mains d'une
prostituée avec le nom en blanc. » Ils étaient
secrètement introduits dans la forteresse , et
les soldats de garde avaient l'ordre de se dé-
tourner à leur passage, pour ne point voir leur
figure. On les soumettait ensuite à de fréquents
et minutieux interrogatoires , pour tâcher de
surprendre leur secret ou celui de leurs com-
Î)lices, s'ils en avaient. Le traitement qu'on
eur taisait subir dépendait absolument du
bon plaisir du gouverneur. Us étaient incar-
cérés sans connaître seulement le motif de
leur arrestation , soumis au secret le plus sé-
vère , sans que personne pût s'assurer de leur
existence, m qu il leur fût permis de recevoir
des nouvelles de leur famille ou de leurs amis.
Us étaient, en un mot, livrés sans jugementà
la brutalité des geôliers , sans espoir que leur
voix pût arriver à personne. « Le régime in-
térieur de la Bastille nous est assez connu
par les nombreux mémoires auxquels elle a
donné lieu, et parmi lesquels on remarque sur-
tout ceux de Linguet, récemment réimprimés.
« Pendant les sept ans que j'ai passés à la
Bastille, dit M". Pelissery, cité par Linguet, je
n'y avais point d'air durant la belle saison ; en
hiver , on ne me donnait, pour réchauffer ma
chambre glaciale, que du bois sortant de l'eau.
Mon grabat était insupportable, et les couver-
tures en étaient sales, percées de vers. Je bu-
vais ou plutôt je m'empoisonnais d'une eau
puante et corrompue. Quel pain et quels ali-
ments on m'apportait! des chiens affamés n'en
auraient pas voulu. Aussi mon corps fut-il
bientôt couvert de pustules; mes jambes s'ou-
vrirent, je crachai le sang et j eus le scor-
but. Les cachots ne recevaient l'air et le jour
que par un étroit soupirail , pratiqué dans un
mur de 5 m. d'épaisseur, et traversé d'un tri-
ple rang de barreaux, qui ne laissaient entre
eux que des intervalles de 0 m. 05. Les plus
belles journées ne laissaient transpirer jus-
qu'au détenu qu'une faible lumière. En hiver,
ces caves funestes sont des glacières, parce
qu'elles sont assez élevées pour que le froid y
pénètre; en été, ce sont des poêles humides ou
l'on étouffe, parce que les murs sont trop épais
pour que la chaleur puisse les sécher. 11 y en a
une partie, et la mienne est de ce nombre, qui
donnent directement sur le fossé où se dégage
le grand égout de la rue Saint-Antoine. Il s'en
exhale une infection pestilentielle, qui, engouf-
frée dans ces boulins, qu'où appelle chambres,
ne se dissipe que très-lentement. C'est dans
cette atmosphère qu'un prisonnier respire.
C'est lit que, pour ne pas étoufier entièrement,
il est obligé de passer les nuits et les jours,
collé contre la grille intérieure du soupirail,
par lequel coule jusqu'à lui une ombre de jour
et d'air; mais il ne réussit bien souvent qu'à
augmenter autour de lui la fétidité qui le suf-
foque. » Tel était ce dernier boulevard de la
tyrannie. • L'histoire de la Bastille , prison
d'Etat , dit M. Mongin , comprendrait , à la ri-
gueur, tout le mouvement intellectuel et poli-
tique de la France. Dans ses cachots ont com-
paru tour à tour Hugues Aubriot lui-même,
fondateur de la Bastille , gui expia par une
détention perpétuelle sa prétendue hérésie, et
ses relations d'amour avec une juive; et Jac-
ques d'Armagnac, duc de Nemours, en 1475;
et tant de hauts et puissants barons au (emp3
de Louis XI et de Richelieu. Là ont comparu
le maréchal de Biron, et Fouquet, le surinten-
dant des finances, et les empoisonneurs de qua-
lité sous Louis XIV. Les dernières résistances
de la féodalité et de l'aristocratie sont alléf n
336
BAS
BAS
BAS
BAS
mourir 1k; ensuite , c'est le tour da peuple. A
la place des martyrs du passé viennent s'as-
seoir, sur les dalles de la Bastille, les martyrs de
. la Révolution , les précurseurs de la Républi-
que avenir. Lors de la révocation de redit de
• Nantes, la Bastille s'encombra de protestants.
Là ont été ensevelis les jansénistes et les con-
vulsionnâmes de Saint-Médard , et la pauvre
épileptique Jeanne Lelièvre, accusée de con-
vulsions , et le vieillard plus que centenaire ,
avec la petite fille de sept ans I Là a souffert,
jusqu'à Véchafaud, le brave gouverneur de
l'Inde Lally, coupable d'offense envers les
courtisans » Ajoutons à ce martyrologe
les noms de Lenglet-Dufresnoy, de Voltaire,
de Linguet, deLatude, cette populaire vic-
time de la Pompadour , du Masque de fer , de
La Bourdonnais, de La Chalotais, de Richelieu,
de Le Maistre de Sacy, et d'une infinité d'au-
tres appartenant à tçutes les classes de la so-
ciété.
La Bastille était donc , pour le peuple de
Paris, l'emblème toujours menaçant de l'arbi-
traire et de l'oppression ; elle rappelait les let-
tres de cachet prodiguées par des ministres
impitoyables ou des favoris insolents, les souf-
frances d'une foule de prisonniers enterrés
vivants dans Cette sombre enceinte, coupables
d'avoir parlé légèrement d'une maltresse ou
d'un valet du roi. Voilà pourquoi ce peuple
inaugura le nouveau droit des nations en pre-
nant la Bastille, le M juillet 1789, et en la ra-
sant jusque dans ses fondements.
Des fragments de ses pierres ornèrent, en
médaillons, le cou des femmes , et la munici-
palité fit célébrer l'année suivante , sur son
emplacement, une fête patriotique, à laquelle
assistèrent les députés des départements.
Sur cet emplacement s'élève aujourd'hui
une colonne en bronzp, surmontée du génie de
la Liberté, et qui fut érigée, sous le règne de
Louis-Philippe , en mémoire de la Révolution
de 1789 et des journées de Juillet 1830.
Le nom de Bastille est toujours pris main-
tenant en mauvaise part, et désigne soit une
prison où le despotisme ensevelit ses victi-
mes , soit une forteresse destinée à contenir
le peuple plutôt qu'à défendre le pays contre
l'ennemi.
BASTILLE (PRISE DE la), U juillet 1789.
Cette grande journée, qui assura le triomphe
de la Révolution et fut comme le jugement
dernier de l'ancien régime et l'inauguration
de l'âge nouveau , cette victoire mémorable
qui brisa pour, jamais le despotisme et la
vieille France , fut entièrement l'œuvre du
peuple. Les hommes politiques, les sages, les
habiles, plongés dans les plus cruelles incer-
titudes, en voyant l'attitude menaçante de la
cour et Paris enveloppé de troupes étrangè-
res, ne prévoyaient que des catastrophes et
n'eussent osé rêver une attaque, bien moins
encore une victoire. Le peuple seul eut la foi ;
il voulut obstinément la lutte, sentant, par une
sorte d'instinct, que la terre allait se dérober
sous ses pieds; et il se trouva que cette im-
prudence, cette témérité était la sagesse même,
bans la victoire de Paris, en eflet, l'Assem-
blée était dissoute, les patriotes anéantis, la
Révolution perdue, ou tout au moins indéfini-
ment ajournée.
La noblesse, la cour, le parti du passé ne
cachait ni ses projets ni ses espérances, et
poursuivait avec une fougue insolente ses
préparatifs de guerre. « S'il faut brûler Paris,
disait Breteuil, on le brûlerai « Le vieux ma-
réchal de Broglie, l'Achille septuagénaire de
la vieille monarchie, commandait les forces
de la contre-révolution. Sous l'inspiration de
la reine, la faction fit fabriquer secrètement
une monnaie de papier (Bailly, Mémoires),
c'est-à-dire, dans l'espèce, une fausse mon-
naie ; la banqueroute allait devenir un instru-
ment de guerre.
D'un autre côté , l'agitation était extrême
parmi les patriotes, qui se sentaient environ-
nés de trahisons et de dangers. Les gardes
françaises, leur attitude le dit assez, marche-
ront avec la nation; mais Versailles et Paris
Bont enveloppés de régiments étrangers ; on
dirait une invasion autrichienne et suisse.
Royal-Cravate est h Charenton, Reinach et
Diesbach à Sèvres, Nassau à Versailles, Sa-
lis-Samade à Issy, les hussards de Bercheny
à l'Ecole militaire ; ailleurs , Châteauvieux,
Esterhazy, Rœmer, etc.
Echo de l'émotion publique, l'Assemblée
nationale, sur la motion de Mirabeau, de-
mande au roi l'éloignement de ces troupes
(8 juillet). Le monarque répond, quelques
jours après, à cette requête par le renvoi de
Necker, le ministre populaire. Cette nouvelle
tombe sur Paris, le dimanche 12 juillet, comme
une étincelle sur un baril de poudre. Le Pa-
lais-Royal, espèce de quartier général de la
Révolution, prend une physionomie formida-
ble. A ce moment, il était midi, on entrait
dans la canicule , un soleil ardent dardait ses
feux sur les ardoises du monument royal. Tout
à coup, un rayon frappe le miroir placé au
méridien du jardin et met le feu au petit ca-
non, amusement habituel des promeneurs. Ce
fut comme un signal. Dans 1 élan d'une su-
perstition héroïque, le peuple pousse un grand
cri. Un jeune homme, qui n'est encore pour
la foule qu'un inconnu , mais que l'histoire
nommera Camille Desmoulins, se précipite du
café de Foy, escalade une table avec la vi-
gueur et l'agilité de ses vingt ans, et prononce
une harangue enflammée, i Citoyens 1 il n'y a
pas un moment à perdre. J'arrive de Ver-
sailles : Necker est chassé ; ce renvoi est le
tocsin d'une Saint-Barthélémy de patriotes.
Ce soir, tous les bataillons suisses et alle-
mands sortiront du Champ de Mars pour nous
égorger. Il ne nous reste qu'une ressource,
c'est de courir aux armes et de prendre des
cocardes pour nous reconnaître Quelles
couleurs voulez-vous?... le vert, couleur de
l'espérance, ou le bleu de Cincinnutus, couleur
de la liberté d'Amérique et de la démocratie ?
— Le vertl le vertl o crie la foule. Alors le
bouillant jeune homme, qui ce jour-là parlait
sans bégayer, reprend d'une voix éclatante :
« Amis I le signal est donné t Je vois d'ici les
espions et les satellites de la police, qui me
regardent en face. Je ne tomberai pas du
moins vivant entre leurs mains. Que tous les
citoyens m'imitent! » Et il agite deux pisto-
lets, met un ruban vert à son chapeau et des-
cend de sa tribune improvisée. Une immense
acclamation répond à ce brûlant appel. En un
instant tous les arbres du jardin sont dépouil-
lés de leurs feuilles, dont les citoyens se font
des cocardes. On sait que, le lendemain, le vert
fut abandonné, comme étant la couleur de
d'Artois, et qu'on arbora les couleurs de Pa-
ris , le rouge et le bleu , auxquelles le blanc
de la royauté s'ajouta ensuite pour compléter
cette cocarde fameuse qui devait faire le tour
du monde, ces trois couleurs qui répondent si
bien à la fameuse triade républicaine : liberté,
égalité, fraternité! Le bleu, symbole de l'es-
pérance, rayon qui doit brûler, sans jamais
s'éteindre, au fond du cœur et y faire éclore
un jour la liberté; le rouge, qui figure le sang
que chacun doit toujours être prêt à répandre
pour affranchir son frère gémissant sous l'op-
pression, fraternité; le blanc, image de can-
deur, de pureté, d'innocence, négation de
toutes les nuances, qui les renferme, les con-
fond et les fait disparaître toutes en elle :
égalité.
Avant de poursuivre, arrêtons-nous un mo-
ment sur l'improvisation enflammée de Ca-
mille', de ce collégien qui portait encore aux
basques de son habit la poussière des bancs
où 1 on venait de lui expliquer les discours de
Cicéron et les harangues de Démosthène.
Nous voudrions qu'on donnât chaque année
ce discours pour sujet de composition à tous
les jeunes rhétoriciens de nos lycées.
Après l'explosion du Palais- Royal , tout
Paris est bientôt en feu. On fait fermer les
théâtres, comme en un jour de deuil. Le peu-
ple s'arme de tout ce qui lui tombe sous la
main. Les bustes de Necker et du duc d'Or-
léans, les idoles de l'heure présente, sont pro-
menés dans les rues, voilés de crêpes noirs.
Des détachements de gardes françaises se
réunissent à là foule. Une charge de dra-
gons, commandée par le prince de Lambesc,
renverse plusieurs personnes dans le jardin
des Tuileries et porte l'exaspération au com-
ble. Des engagements ont lieu sur divers
points. Le feu est mis aux barrières. A 6 heu-
res du soir, les électeurs se réunissent pour
prévenir le tumulte. Dans la nuit, ils s'e con-
stituent et convoquent les assemblées de dis-
trict. Par deux arrêtés, affichés dès le matin
du 13, ils forment une milice bourgeoise « pour
veiller à la sûreté publique » et arrêter les
désordres. Ils interdisent les attroupements et
enjoignent à tous individus munis de fusils,
pistolets, etc., de les déposer dans les dis-
tricts pour armer la milice. Ces représentants
de la bourgeoisie parisienne, qui s'étaient si
résolument saisis du pouvoir municipal, hési-
taient en ce moment suprême et reculaient
devant la responsabilité d'autoriser le mouve-
ment. Mais le peuple, tout en reconnaissant
leur dictature improvisée, ne suivait heureu-
sement point leurs conseils énervants. Ce
Seuple, né d'hier à la vie politique, montra
'autant plus d'énergie que ses représentants
paraissaient plus indécis. Avec une intelligence
très-nette de la situation, il sentit que le salut
était dans l'action révolutionnaire et n'était
que là. A toutes les exhortations; il n'opposait
qu'un argument, et c'était un cri de combat :
des armes! des armes! Le prévôt des mar-
chands, de Flesselles, qui présidait les élec-
teurs, ne faisait à ces demandes que des ré-
fionses évasives, ou fatiguait les citoyens en
eur indiquant des dépôts qui n'existaient pas.
Malgré l'ordre donné d'évacuer l'Hôtel de
ville, le peuple en remplissait toutes les salles.
On délibérait sous ses yeux et sous sa pression.
La nuit avait été assez calme, quoique per-
sonne n'eût dormi dans la grande cité; et le
soleil du lundi 13 n'était pas encore levé, que
le tocsin sonnait dans toutes les églises, pen-
dant que le tambour assemblait les citoyens
dans tous les quartiers. Des compagnies se
forment confusément sous les noms de volon-
taires du Palais-Royal, des Tuileries, de la
Basoche, de l'Arquebuse, etc. Les femmes fa-
briquent des cocardes bleu et rouge ; les for-
gerons martèlent des piques pour armer le
peuple (on en forgea cinquante mille en trente-
six heures) ;dans les églises, les citoyens for-
ment des assemblées tumultueuses pour es-
sayer de donner une organisation régulière au
mouvement; le Garde-meuble est envahi, et
les quelques armes qu'il contenait sont enle-
vées; Saint-Lazare est forcé, et la foule y
trouve une masse énorme de farine, que les
bons pères (en ce temps de disette) y avaient
entassée; on en charge plus de cinquante
charrettes, que des hommes demi-nus et affa-
més conduisent fidèlement à la halle ; on dé-
livre les prisonniers pour dettes, à la Forcé,
mais le peuple réprime rudement la révolte
des malfaiteurs du Chàtelet, afin de bien mon-
trer qu'il protège le malheur, mais qu'il
abhorre le crime. Partout, d'ailleurs, ce peu-
ple mettait un soin vigilant, et quelquefois
cruel, pour empêcher qu'on déshonorât la
cause de la Révolution ; et, pour ne citer
qu'un exemple, à Montmartre, les indigents
employés aux ateliers de charité pendirent un
pauvre diable qui avait volé une poule. Les
électeurs, comme nous l'avons dit, avaient
décrété la formation d'un milice bourgeoise ,
dans la pensée secrète de contenir le peuple,
tout aussi bien que d'intimider la cour. Ils
nommèrent encore un comité permanent, pour
veiller nuit et jour à l'ordre public. Evidem-
ment, ils ne cherchaient qu'à gagner du temps,
à dégager leur responsabilité, à se faire en
quelque sorte pardonner leur prise de posses-
sion du gouvernement municipal. A chaque
instant, ils croyaient voir arriver Broglie et
les troupes étrangères : de là leurs hésita-
tions , leur conduite longtemps équivoque ,
leurs mesures contradictoires et leurs fluctua-
tions. Mais, nous le répétons, heureusement
pour la Révolution, heureusement pour eux-
mêmes, le peuple, trouvant en eux son prin-
cipal obstacle, poursuivit sans eux l'œuvre
libératrice et finit par les entraîner dans son
mouvement.
D'heure en heure, les préparatifs de combat
se poursuivent avec une énergie dévorante.
On amène à la place de Grève tout ce qui est
saisi, voitures arrêtées aux barrières, armes,
sacs de blé, mobiliers et jusqu'à des troupeaux
de bœufs et de moutons. Paris est un camp :
les citoyens des districts, les hommes des fau-
bourgs, la jeunesse, les élèves du Chàtelet,
l'école de chirurgie, Boyer en tête, toute la
Basoche, affluent à l'Hôtel de ville et jurent
de mourir pour la nation et de défendre Paris
contre les Croates, les Allemands et les Suis-
ses. Vers 3 heures, aux acclamations univer-
selles, les gardes françaises abandonnent en
masse leurs officiers et viennent se joindre
aux citoyens. De Flesselles, pressé de toutes
parts relativement au dépôt de fusils formé
précédemment par Berthier, continue la dan-
gereuse comédie de ses mystifications. Il an-
noncée envoi de la manufacture de Charle-
ville. En effet, des caissons traversent la ville,
portant en grosses lettres cette indication :
Artillerie. On s'en empare, on les ouvre... et
on les trouve remplis de chiffons 1 Des cris de
trahison retentissent dans toute la ville. Mais
bientôt le peuple, dont la vigilance ne dor-
mait pas, découvre cinq milliers de poudre,
qu'on allait faire filer secrètement de Paris
sur des bateaux, et apprend, le soir même,
l'existence d'un dépôt de fusils aux Invalides.
La poudre fut apportée à l'Hôtel de ville, où
un électeur, l'intrépide abbé Lefebvre d'Or-
messon, au milieu des furieux qui se la dispu-
taient, se chargea de la périlleuse mission de
la garder et de la distribuer. Malgré les coup3
de feu qui éclataient au-dessus des tonneaux
ouverts, cet homme héroïque demeura vingt
heures sur ce volcan, et préserva probable-
ment l'édifice de la ruine et des milliers de
citoyens de la mort. La nuit se passa dans
ces agitations formidables; toutes les maisons,
illuminées, inondaient de clarté la ville, qui
retentissait du pas des patrouilles bourgeoises
et du bruit des marteaux forgeant les piques
sur l'enclume.
Au milieu de ces événements, Bessnval et
ses Suisses n'avaient pas bougé du Champ de
Mars et de l'Ecole militaire; Broglie n'avait
Eas donné d'ordre. Cette inaction mconceva-
le tenait sans doute à l'anarchie qui régnait
dans le conseil (où un seul point était bien
arrêté, la dissolution de l'Assemblée natio-
nale), et probablement aussi aux illusions de
la cour, qui ne voyait qu'avec mépris ces mou-
vements populaires et n'admettait pas que la
pacifique population de Paris pût opposer une
résistance sérieuse , d'autant plus que l'on
comptait sur un terrible auxiliaire, la famine ;
car on interceptait, depuis la veille, les con-
vois de vivres et de farine.
L'Assemblée nationale, environnée de hor-
des étrangères, menacée de dissolution et
d'enlèvement, désarmée, sans autre appui que
1a loi, n'ayant obtenu du roi qu'une réponse sè-
che et hautaine à ses réclamations, avait con-
servé la plus noble attitude et décrété solennel-
lement : lo que Necker emportait les regrets de
la nation ; 2" qu'elle ne cesserait d'insister sur
l'éloignement des troupes étrangères ; 3° que
les conseils du roi, de quelque rang qu'ils pus-
sent être, étaient personnellement responsa-
bles des malheurs qui pourraient arriver ;
■40 que nul pouvoir n'avait droit de prononcer
l'infâme mot de banqueroute et de manquer à
la foi publique.
En de telles circonstances, rien de plus ma-
jestueux sans doute que ces déclarations éner-
giques; mais il est évident qu'il fallait le sou-
lèvement et la victoire de Paris pour leur
donner un eflet. dans le présent et un écho
dans l'avenir. Et cependant, dans la grande
Assemblée, personne peut-être n'eût osé con-
seiller de recourir à de telles extrémités.
L'aube du 14 se leva lumineuse et sereine
sur Paris, pour éclairer le plus grand événe-
ment des temps modernes. Hier, on ne son-
geait encore qu'à se défendre; aujourd'hui on
Sent que l'attaque est la seule voie de salut.
La ville, cernée par des campements barba-
res, est menacée tout à la fois de la lamine et
de l'extermination. Il faut vaincre, et vaincre
en un seul jour. Le mouvement avait été jus-
qu'alors confus, désordonné ; le voici qui se
dessine avec une physionomie terrible, qui se
précise et s'accentue avec une nettf é formi-
dable. Une idée s'était levée sur V ris avec
le jour, une lumière avait frap' tous les
esprits ; un seul cri retentit dam rues de
la grande cité : A la Bastille !
Cependant, la plupart des citoy . -'avaient
point de fusils. Malgré le camp du Champ de
Mars, on se précipite aux Invalides, gardés par
le vieux Sombreuil et défendus par du canon.
Avant 9 heures, trente mille hommes étaient sur
l'esplanade. En tête était le procureur de la
ville, Ethis de Corny, que le comité des élec-
teurs n'avait osé refuser. Cette foule était l'élite
du peuple, de la jeunesse et delà bourgeoisie,
la fleur de la cité. On y voyait le curé de Saint-
Etienne-du-Mont, marchant intrépidement à
la tète de son district ; les élèves de la Baso- "
che, avec leur vieil habit rouge ; Camille Des-
moulins et ses volontaires du Palais-Royal,
qui ne l'avaient pas quitté un seul instant ; les
gardes françaises, les corps de métiers, les
écoles, etc. Sombreuil arrêta quelque temps
la foule à la grille, par des pourparlers cap-
tieux. Heureusement, quelques citoyens plus
clairvoyants empêchèrent le peuple d'être
ainsi mystifié; à leur voix, on se jette dans
les fossés, on désarme les sentinelles, on en-
■ vahit l'hôtel. Vingt-huit mille fusils furent
trouvés dans les caves, cachés sous la paille,
et enlevés avec vingt pièces de canon. Et
maintenant, Paris est armé : les Allemands
peuvent venir! Les rues, les quais, les ponts,
les boulevards, ressemblent à une mer écu-
mante, soulevée par tous les vents ; des pavés
sont montés dans les maisons; les rues sont
barricadées ; les femmes, signe caractéristi-
que, acclament les combattants et distribuent
des cocardes; les volontaires nationaux s'or-'
ganisent ; les gardes françaises enseignent hâ-
tivement aux citoyens le maniement du fusil ;
et partout, et toujours, retentit le même cri,
qui sort de la poitrine d un peuple entier : A la
Bastille! La foule le crie à la foule; les en-
fants le répètent au milieu des transports ; les
échos de la cité le répercutent avec une so-
norité terrible; et dans les éclatantes vibra-
tions du tocsin qui sonnait à tous les clochers,
tous entendaient distinctement l'airain mugir
dans la nue : A la Bastille!
o Et qu'importait la Bastille à ce peuple ?
ont répété les scepiiques, les petit3 esprits.
Les hommes du peuple n'y entrèrent presquo
jamais; c'était une prison en quelque sorte
patricienne. La Bastille des pauvres, c'était
Bioêtre... ■
Mais c'est là précisément ce qui fait la gran-
deur de ce mouvement ; l'âme de la Franco
éclate ici dans sa bonté héroïque, dans .sa_
droiture et sa générosité. Rien d'exclusive-
ment personnel dans ce magnifique élan. Ce
qui fait explosion dans le cœur du peuple,
c'est le sentiment de la justice, la haine du
despotisme; ce qui parle, c'est la voix de l'hu-
manité, le cri de la miséricorde et de la pitié.
La Bastille avait Son histoire mystérieuse et
lugubre, que tous connaissaient par une tra-
dition de terreur et de. haine. Prison, forte-
resse et tombeau, instrument de tyrannie, elle
était maudite de père en fils par tous ceux
qui, chaque jour, passaient et repassaient dans
1 ombre de ses huit tours. Le monde entier
partageait cette haine ; Bastille et despotisme
étaient, dans toutes les langues, deux mots
synonymes. La terre était couverte de bas-
tilles ; mais celle-là , c'était la Bastille par
excellence, tout à la fois un symbole et une
réalité terrible. A la nouvelle de sa ruine,
toutes les nations se crjront délivrées. Sans
parler des drames lugubres des vieux temps,
passés à l'état de légendes, les révélations de'
Linguet, de Mirabeau, la lamentable histoire
de Latude , la multiplication des lettres do
cachet, l'emprisonnement des philosophes et
des libres esprits , tant d'odieuses persécu-
tions de famille, avaient augmenté l'horreur
publique. Chose étrange! sous le règne de
Louis XVI, cette prison avait été moins peu-
plée, mais le régime était devenu plus dur; lo
jardin avait été supprimé, la promenade ôtée
aux prisonniers, la ration de bois tellement
diminuée qu'on y mourait de froid en hiver,
tandis que , par la rapacité du gouverneur,
on y mourait de faim en toute saison. En
1784 , on avait arraché au roi , en même
temps que la délivrance de Latudf, une or-
donnance qui prescrivait aux intendants de
ne plus enfermer personne à la requête des
familles, sans raison motivée, et sans que le
temps de la détention demandée fût indiqué.
Ceci passa pour une grande réforme, et il y
eut des gens pour trouver que c'était le ren-
versement de tous les principes. On peut ju-
ger de ce qui se passait auparavant. Mais cette
ordonnance même était lettre morte ; les mal-
tresses dos ministres, le lieutenant de police,
les commis même et les espions continuaient
à vendre des lettres de cachet, au prix déter-
miné par le cours, car cela était coté comme
toute autre valeur. La liberté, la vie des ci-
toyens, était une marchandise, dont on trafi-
quait à bureau ouvert.
La Bastille était donc condamnée dans l'opi-
nion publique, et condamnée depuis longtemps.
Aux motifs que nous venons d'indiquer, il faut-
encore ajouter que la vieille forteresse écrasait
la rue Saint-Antoine et le faubourg, suivant
l'énergique expression de Linguet, et qu'elle
BAS
dominait Paris. Sa destruction était donc une
bonne opération stratégique, en même temps
qu'elle était une œuvre de haute moralité. Le
règne de la justice et de la loi ne pouvait
s'inaugurer d'une manière plus éclatante que
par la ruine de cette caverne de l'arbitraire
et de la tyrannie.
Cependant, dès neuf heures, au bruit du toc-
sin et de la générale, tout Paris roulait comme
un torrent vers la Bastille. Le gouverneur, de
Launay, avait, depuis plusieurs jours, fait ses
préparatifs de défense. Outre les quinze ca-
nons braqués sûr les tours, il en avait placé
dans la cour intérieure. Les meurtrières, les
embrasures, avaient été préparées pour la
défense et garnies de fusils de rempart, qu'on
nommait les amusettes du comte de Saxe. Six
voitures de pavés, de boulets et de ferrailles
avaient été montées dans les tours pour
écraser les assaillants. Quatre cents biscaïens,
quatorze coffrets de boulets ensabotés , trois
mille cartouches, complétaient le matériel de
la défense. La garnison n'était que de .cent
quatorze hommes, dont trente-deux suisses de
Salis-Samade et quatre-vingt-deux invalides,
d'ailleurs tous soldats aguerris ; mais cette
faible garnison était suffisante pour ladéfense,
et, derrière les meurtrières et les doubles et
triples grilles, elle pouvait en toute sûreté
faire un affreux carnage des assiégeants. La
forteresse était, en réalité, imprenable 'pour
le peuple, qui n'avait ni le temps, ni les moyens
de faire un siège régulier ; et ses batteries
pouvaient aisément démolir le Marais , le
quartier et le faubourg Saint-Antoine. Aussi,
ces terribles éventualités troublaient-elles le
comité de l'Hôtel de ville, qui envoya une dé-
putation au gouverneur, pour lui promettre
qu'on ne l'attaquerait pas s'il retirait ses ca-
nons et ne commençait, point les hostilités.
C'était s'avancer beaucoup et disposer assez
légèrement de l'indignation populaire. Un
homme plus hardi, ïhuriot de la Rozière,
électeur de Saint-lyiuis-la-Culture , et plus
tard conventionnel, vint audacieusement, au
nom de son district, sommer le gouverneur
de rendre la forteresse. Il est introduit, il
étonne, il effraye de Launay, il ébranle la
partie française de la garnison, il demande
enfin que la milice bourgeoise soit admise à
occuper la Bastille conjointement avec la
troupe. Mais déjà cette combinaison n'était
plus à ta hauteur des circonstances, et Thu-
riot, en se retirant, fut menacé par le peuple,
qui ne voulait pas qu'on occupât la Bastille,
mais qu'on la détruisît. Peu d instants après,
l'action s'engagea. Quelques citoyens coura-
geux, s'introduisant par le petit toit d'un corps
de garde, parviennent à sauter dans la pre-
mière cour et brisent à coups de hache les
chaînes du pont-levis. La foule se précipite.
On n'était encore que dans la cour extérieure,
celle où le gouverneur avait son hôtel. Une
longue avenue conduisait au fossé et au pont-
levis de la Bastille. Des meurtrières et du
sommet des tours, un feu terrible moissonnait
les assaillants, dont les coups ne pouvaient
atteindre la garnison derrière ses épaisses
murailles. Un funèbre enthousiasme s'était
emparé des citoyens, et, de minute en minute,
la foule augmentait autour de la vieille forte-
resse. On y voyait jusqu'à des prêtres et des
femmes.
Une deuxième députation des électeurs, qui
vient sommer de Launay de recevoir un dé-
tachement de la milice pour garder la place
de concert avec la garnison, ne peut pénétrer
jusqu'à lui. En ce moment, le peuple met le
feu à plusieurs voitures de fumier, pour incen-
dier les bâtiments qui masquent la forteresse,
et pour asphyxier les assiégés. Des fenêtres
et des toits des maisons voisines, on tirait
sans interruption. Mais tout cela n'amenait
aucun résultat. Une troisième députation des
électeurs se présente, en agitant un drapeau
de paix. La garnison arbore un drapeau blanc
sur la plate-Forme, et les soldats renversent
leurs fusils. En cet instant, suivant quelques
récits contemporains, un officier suisse aurait
fait passer, par un créneau, un billet ainsi
conçu : a Nous avons vingt milliers de poudre,
et nous ferons sauter le fort, la garnison et
tout le quartier, si vous n'acceptez point la
capitulation. » Une planche avait été jetée
sur le fossé. Un homme s'élance sur ce pont,
et tombe, frappé d'un coup de feu, dit-on. Un
autre le remplace (les uns nomment Maillard,
les autres Ehe), et parvient à saisir le billet.
Les commissaires de l'Hôtel de ville, confiants
dans les démonstrations pacifiques de la gar-
nison, engageaient déjà le peuple à se retirer,
lorsque, tout à coup, une décharge de mous-
queterie partit du fort et fit un grand ravage
parmi les citoyens. Vraisemblablement, c'é-
taient les suisses, qui étaient en bas avec de
Launay, qui avaient tiré, sans tenir compte
des signes de paix et de fraternité que fai-
saient les invalides. Mais la garnison entière
subit la solidarité de cet acte sanglant. L'exal-
tation du peuple tourne a la fureur; un mot
fut dit, que. tous répétèrent : « Nos cadavres
combleront les fossés 1 » Et, sans se décou-
rager jamais , ils se ruaient obstinément à
travers la fusillade contre ces tours meur-
trières, pensant qu'à force de mourir ils arrive-
raient à les renverser. Enfin, les gardes fran-
çaises forcèrent les commandants de ville à
donner cinq des canons qui avaient été ame-
nés des Invalides, et les mirent en batterie
devant le pont-levis de la forteresse.
Cependant, & l'intérieur de la Bastille, le
tt.
BAS
trouble et la confusion étaient parmi les as-
siégés. La honte de cette guerre sans danger,
l'horreur de verser le sang français, qui ne
touchait guère les suisses , finirent par faire
tomber les armes des mains des invalides.
Leurs sous-officiers supplièrent le gouver-
neur de cesser un carnage odieux et une ré-
sistance dont on pouvait prévoir l'inutilité.
D'ailleurs, si l'on avait d'immenses munitions,
on manquait de vivres, et le flot sans cesse
grossissant de la multitude, l'ardeur et l'exal-
tation des assiégeants, montraient assez que
c'était Paris tout entier qui voulait invincible-
ment la chute de la Bastille. Mais les suisses
voulaient continuer la lutte. De Launay se sen-
tait personnellement haï, non-seulement pour
le sang qu'il, venait de répandre, mais encore
pour ses persécutions envers les prisonniers,
pour ses infâmes spéculations sur la faim (les
terribles Mémoires de Linguet et d'autres ré-
vélations avaient rendu son nom célèbre dans
toute l'Europe) ; les cris du peuple qu'il en-
tendait lui semblaient autant de menaces pour
lui-même. Eperdu, frémissant, il saisit une
mèche et veut mettre le feu a. ses centaines
de barils de poudre et ensevelir ainsi sa dé-
faite et son suicide dans la destruction d'un
tiers de Paris ; mais les sous-officiers Ferrand
et Béquard empêchèrent l'exécution' de cet
épouvantable crime, en repoussant l'insensé à
la pointe de leurs baïonnettes. Pendant ce
temps, le peuple continuait le combat, ce
grand combat qui allait faire éclore une France,
une humanité nouvelles. Et parmi ces milliers
de héros qui donnaient ainsi leur sang pour
les générations de l'avenir, qui connaissons-
' nous, quels noms ont survécu? Un petit nom-
bre seulement, dont les uns sont'demeurés
obscurs, dont quelques autres rappellent une
destinée éclatante ou tragique. C'est Elik, le
brillant officier du régiment de la Reine; Hul-
Lin, qui sera général et comte de l'empire ;
Marceau, le sublime adolescent perdu dans
la foule ; Maillard, qui siégera au guichet
de l'Abbaye ; Santerre, le maître de la bras-
serie de la Rose rouge; Rossignol, le futur
général, dévoué à la. proscription et aux ca-
lomnies de l'histoire; l'intrépide grenadier
Arne; Palloy; le garde-française Dubois;
Templement ; le magnanime Bonnemer, qui
sauva M"» de Monsigny, au milieu de la fu-
sillade et des flammes ; l'horloger Hu.mbert,
qui éteignit le feu déjà mis au magasin de
salpêtre de l'Arsenal; le marchand de vin
Ciiolat, qui arracha à la mort le régisseur
des poudres Clouet; le chevalier de Saudray,
un modèle d'héroïque humanité; Parein, qui
sera l'un des chefs de l'armée révolutionnaire ;
le marin Georget , qui pointait le fameux
Canon du roi de Siam, enlevé au Garde-meu-
ble ; le docteur Souberbielle, qui a survécu
soixante ans à cette grande journée ; le char-
ron du faubourg, Louis Tournay, qui brisa à
coups de hache les chaînes du pont-levis,
aidé de Davanne et Dassain; et La. Mandi-
nière, et Lauzier, et Piétaine, et les ser-
gents de gardes-françaises Waroniur et La-
Uarthe, à la tête de leurs détachements; et
Réole, un des premiers à l'attaque; et Four-
mer, et Rousseau, et L'Epine, et Legris, et
le grenadier Delauriére, qui s'empara du
drapeau de la Bastille; et l'intrépide abbé
Fauciiet, et les députations d'électeurs, et
tant de citoyens dévoués dont l'histoire n'a
pas enregistré les noms et que leur modestie
a dérobés à la reconnaissance et à l'admiration
de la postérité..... Mais, dans cette énuméra-
tion, dans ce bulletin de héros, gardons-nous
d'oublier le plus grand, le plus jeune, le plus
brillant de tous, l'orateur imberbe du Palais-
Royal : Camille Desmoulins!!! Martyrs su-
blimes de la liberté, que vos noms restent à
jamais burinés dans cette colonne I Notre seul
regret est de ne pouvoir les imprimer ici en
lettres d'or.
Suivant quelques versions, ce serait à ce
moment qu'aurait eu lieu l'épisode du billet
passé à travers une meurtrière, et ce serait
de Launay lui-même qui aurait écrit ou dicté
cette offre de capitulation , désespérant de
pouvoir continuer la résistance. Les citoyens
et les gardes-françaises qui se trouvaient les
plus rapprochés promirent que la garnison
aurait la vie sauve. Alors, les ponts s'abais-
sèrent, et le peuple se précipita comme un tor-
rent sur les pas d'Elie, de Maillard, de Hul-
lin, d'Arné et d'autres que nous avons déjà
nommés. Deux des défenseurs de la forte-
resse périrent seuls au milieu de ce tumulte;
encore l'un d'eux fut-il immolé par une fu-
neste méprise; car, hélas 1 c'était le généreux
sous-officier Béquard, qui avait empêché de
Launay de faire sauter la moitié de Paris
avec la forteresse. Le peuple , du moins ,
pleura sa mort, et sa famille ressentit les effets
de la reconnaissance publique. Etle misérable
de Launay, le geôlier, le bourreau des pri-
sonniers, le meurtrier des citoyens, que va-
t-il devenir?... Reconnu, arrêté par Cholat, il
est conduit à l'Hôtel de ville , a travers un
océan de peuple, par le magnanime Hullin, par
Maillard, et par quelques autres hommes de
grand cœur, qui veulent sauver cet ennemi
abattu. L'entreprise semblait aussi difficile que
les travaux d'Hercule. Voyant qu'on recon-
naissait le prisonnier à sa tête nue, Hullin eut
l'héroïque idée de le coiffer de son propre cha-
peau, et dès lors demeura lui-même exposé
aux coups; mais, malgré sa force physique et
son courage, il est culbuté avec ses compa-
gnons. Quand il put se relever, la tête du gou-
verneur de la Bastille était au bout d'une pique.
BAS
Pendant que ce drame se passait au débou-
ché de l'arcade Saint-Jean, le peuple se ré-
pandait dans ta forteresse maudite, et enfon-
çait la porte des cachots. Il ne s'y trouvait
en ce moment que sept prisonniers. Deux
étaient devenus fous. Un de ceux-là avait
une barbe blanche qui lui tombait jusqu'à la
ceinture, et se croyait encore sous le règne de
Louis XV. Quand on lui demanda Son nom, il
répondit qu'il s'appelait le Major de l'immen-
sité. On trouva, dans les noires profondeurs
de la forteresse, des armes d'une nature bi-
zarre, des instruments de torture inconnus;
on devait y trouver bientôt, pendant la démo-
lition, des squelettes et d'autres témoignages
contre les fureurs du despotisme. Les ar-
chives furent en partie détruites ou disper-
sées. Cependant, il échappa un certain nom-
bre de pièces accusatrices , et qui ont été
publiées pour l'enseignement des générations.
Rappelons seulement une lettre de LatUde à
, Mnle de Pompadour,où se trouve cette phrase :
« Le 25 de ce mois de septembre (1760), il y
aura cent mille heures que je souffre. » Le
malheureux ignorait alors qu'il avait encore
doux cent mille heures de souffrance à compter!
Vers six heures du soir, le cortège des'vain-
queurs se mit en marche pour l'Hôtel de ville,
avec les trophées, les canons, les prisonniers,
le règlement de la Bastille porté au bout de
la baïonnette du tailleur Quigon, enfin, les
clefs de la forteresse, que l'Assemblée natio-
nale plaça dans ses archives, et qui sont au-
jourd hui aux Archives nationales.
La prise de la Bastille coûta au peuple
quatre-vingts citoyens morts sur la place, et
quinze , des suites de leurs blessures , plus
soixante-treize blessés. La garnison tirait tel-
lement à coup sûr et sans danger, qu'elle
n'eut qu'un homme tué et un blessé pendant
cet horrible combat de cinq heures.
A l'Hôtel de ville, le comité permanent et
les électeurs avaient eu d'autres luttes à sou-
tenir, et leur indécision, leur refus constant
de donner officiellement l'ordre d'assiéger la
Bastille les avaient plus d'une fois fait accuser
de trahison. Mais l'homme que sa conduite avait
surtout rendu suspect comme traître, c'était
Flesselles, le prévôt des marchands, resté là
comme un débris del'administration de l'ancien
régime. Le bruit courut qu'on avait sajsi sur lui
le billet suivant, adressé à de Launay : «Tenez
bon ! j'amuse les Parisiens avec des promesses
et des cocardes. » La vérité est que jamais ce
billet ne fut retrouvé; mais les paroles citées
n'en étaient pas moins un résumé fidèle de la
conduite tortueuse de ce magistrat. Pâle sur
son siège, la mort sur le visage, accablé d'ac-
cusations, il finit par demander qu'on le con-
duisît au Palais-Royal. Il était à peine au coin
du quai, qu'un jeune homme resté inconnu lui
cassa la tête d'un coup de pistolet. On a insi-
nué que Flesselles avait reçu de la cour des
ordres secrets, qu'il était dépositaire de papiers
importants, et qu'il avait été sacrifié dans la
crainte qu'il ne fît des révélations. Cette as-
sertion n'est pas absolument invraisemblable ;
mais les preuves matérielles manquent. Ce
■ qui est certain, c'est que la mort du malheu-
reux prévôt ne fut point l'œuvre du peuple,
qui le laissa traverser les salles de l'Hôtel de
ville et la Grève sans lui faire subir le moindre
mauvais traitement. Quelques autres scènes
déplorables attristèrent le soleil couchant de
ce grand jour. M. de Losme, major de la Bas-
tille, partagea le sort du gouverneur; deux
invalides, qu'on accusait d'avoir pointé les
' canons de la forteresse, furent pendus à la
lanterne de la Grève, devenue si tristement
fameuse (V. Lanterne). Le brave marquis de
La Salle, que les électeurs avaient nommé
commandant de la milice nationale, en sauva
un autre, ainsi que le prince et la princesse
de Montbarrey, arrêtés aux barrières. L'as-
semblée des électeurs, que présidait l'infati-
gable Moreau de Saint-Méry, essayait vaine-
ment de délibérer au milieu de la tempête et
d'apaiser les milliers de combattants entassés
dans les salles de la maison commune, et ceux
qui remplissaient la place. Mais le peuple se
laissa toucher surtout par les hommes qui l'a-
vaient guidé pendant le combat. A la voix
d'Elie et des gardes-françaises, on fit grâce
aux défenseurs de la Bastille, après qu'ils eu-
rent juré fidélité à la nation. Les suisses
mêmes, qu: avaient si cruellement fusillé les
citoyens, furent emmenés fraternellement au
Pwlais-Royal, et le peuple poussa la magna-
' nimité jusqu'à se cotiser pour leur donner du
pain.
La nuit descendit sur la cité, mais sans
amener le repos, car on redoutait une atta-
que. Le tocsin tenait la population en éveil ;
toutes les fenêtres étaient illuminées ; la dé-
fense était organisée partout; niais 1 ennemi
ne se présenta point. Quelques partis de hus-
sards, de dragons, de soldats de Nassau et
d'autres corps rôdèrent dans la campagne,
pour observer les issues de cette ville si bien
gardée et qui flamboyait de la lueur fumeuse
des lampions; mais ce fut tout. Bien mieux,
Besenval fila prudemment le long de la Seine
sans attendre le jour, en abandonnant une
partie de ses bagages au Champ de Mars et à
l'Ecole militaire. Paris appartenait tout entier
à la Révolution ; l'ancien régime était défini-
tivement vaincu. L'Assemblée nationale, as-
surée de son existence, allait poursuivre en
paix son œuvre de rénovation ; tous les fan-
tômes de réaction s'évanouissaient; l'avenir
appartenait à la civilisation et à la liberté 1
BAS
337
A Versailles, la journée du M avait été
pleine d'anxieuse agitation. L'Assemblée était
partagée entre deux craintes : les violences
de la cour et les excès d'un peuple soulevé,
dont le triomphe même pouvait compromettre
la liberté. Mais elle n'en conserva pas moins
la plus ferme attitude, et elle envoya deux dé-
putations au roi, qui ne répondit que par quel-
ques paroles froidement équivoques. Au châ-
teau, on organisait l'attaque; Paris devait
être, le soir même, attaqué de sept côtés à la
fois; on discutait en conseil la liste des dé-
putés qui seraient enlevés. On ne doutait point
du triomphe , et les soldats, gorgés de vin, le
célébraient déjà dans l'Orangerie par des
chants et des danses, aux applaudissements
de la reine, de M'BC de Polignac et de toute
la cour.
Cependant, les nouvelles arrivaient, con-
tradictoires, incertaines. Mais voici Noailles,
voici Wimpfen, qui arrivent de Paris et qui
annoncent le grand événement à l'Assemblée :
la Bastille est prise 1 Au milieu de l'émotion
universelle; la faction n'en poursuivait pas
moins ses projets. Berthier, l'intendant de
Paris, agissait auprès du roi dans ce sens,
dissimulant le véritable état des choses, et
assurant que, dans le trouble où était Paris, il
y avait encore des chances pour la grande
attaque de nuit; mais Louis XVI fut préservé
d'un acte aussi insensé par son indécision ha-
bituelle. 11 ne donna aucun ordre, et, cédant
aux exigences de son tempérament, se coucha
à son heure accoutumée et s'endormit profon-
dément , ne soupçonnant point sans douta
qu'un monde venait de s'écrouler amour de
lui. Un serviteur dévoué, le duc de Liancourt,
qui avait de droit officiel ses entrées, entreprit
de tirer le malheureux roi de son apathie en
lui montrant au vrai la situation, l'unanimité
du peuple, et la nécessité impérieuse de se
rapprocher de ta nation et de l'Assemblée.
« Mais c'est donc une révolte, dit Louis XVI
à demi éveillé. — Non, sire, c'est une révolu-
tion. »
On le sait, c'est par ce mot si juste et si
célèbre que l'ère de la vieille France fut close.
Nous ne pouvons entrer ici dans le détail
des événements, cet article n'ayant pour ob-
jet que de donner le précis de la chute de la
Bastille. C'est à l'article Révolution de 1789
qu'on trouvera le développement de cette
grande épopée et le résumé des résultats dé-
cisifs de la victoire populaire. Nous ajouterons
seulement quelques détails qui se rapportent
directement a notre sujet.
On a vu plus haut que le peuple avait trouvé
sept prisonniers dans les cachots de la Ba-
stille. Voici leurs noms : Pujade, La Roche,
La Caurége et Béchade, détenus pour falsifi-
cation de lettres de change, dont la culpabilité
était problématique, et qui , dans tous les cas,
n'étaient soustraits à la juridiction ordinaire
que par un déni de justice qui serait déjà une
présomption d'innocence; le comte de Solages,
enfermé depuis 1782, à la réquisition de sa
famille; Tavernier , fils naturel du célèbre
financier Pàris-Duverney , et qui était pri-
sonnier depuis 1759; enfin de Wythe, dont on
ne put tirer aucun renseignement, car il était
devenu fou, ainsi que le précédent. D'honnêtes
citoyens, avec le grand cceur de ce temps,
voulurent adopter ces deux infortunés, mais
ne purent les garder chez eux à cause de leur
état. On fut obligé de les placer à Charcnton.
Le 16, l'assemblée des électeurs arrêta, à
l'unanimité, que la Bastille serait démolie jus-
que dans ses fondements. Le peuple avait
commencé cette destruction le soir même de
la victoire. Le patriote Palloy exécuta les
travaux, sous la direction d'un comité d'ar-
chitectes nommé par l'Hôtel de ville et com-
posé de Jaillier de Savault, Poyet et La
Poize de Montizon. Les pierres de la Bastille
furent employées à la construction du pont
de la Révolution, afin qu'elles fussent foulées
aux pieds du peuple. Palloy fit en outre exé-
cuter avec les pierres de la forteresse quatre-
vingt-trois modèles en petit de la Bastille,
dont il fit hommage à chacun des départe-
ments, afin de i perpétuer l'horreur du despo-
tisme. » Ces curieuses miniatures du monu-
ment étaient portées par des envoyés que
Palloy avait organisés en société, et à qui il
avait donné le nom A'apÔlres de la liberté. Les
pierres de la Bastille devinrent à la mode;
elles figurèrent dans les fêtes publiques, cou-
vertes d'inscriptions, et les femmes en portè-
rent de petits fragments sertis en bijoux dans
leurs parures. Le bois, les fers, les plombs, etc.,
provenant des démolitions, furent également
employés par Palloy à la fabrication d'une
multitude d'objets : médailles pour les dépu-
tés, épées, jouets d'enfants, emblèmes de
toute nature, outils, etc.
Dans leurs cahiers, les électeurs du tiers
état de Paris avaient, le 10 mai précédent,
émis le vœu que la Bastille fût rasée et qu'on
élevât sur son emplacement une colonne, avec
cette inscription : A Louis XVI, restaurateur
de la Liberté publique. Cette proposition fut
reprise et votée d'acclumation par les élec-
teurs, le 17 juillet, lors delà visite de Louis XVI
à l'Hôtel de ville. Apothéose dérisoire I car c'é-
tait bien la vieille royauté qui avait été vaiDeue
le H, et lui attribuer l'honneur d'une révolu-
tion qui avait été accomplie sans elle et contre
elle eût été simplement ridicule, et même eût
pu sembler une manœuvre pour escamoter la
victoire en couronnant le vaincu. Mais les
électeurs étaient sincères dans leur naïf en-
43
338
BAS
thousiasme; ils suivaient tout naturellement,
dans cette circonstance, les vieilles traditions
du tiers état, qui, dans ses longues et patientes
luttes, s'était constamment abrité derrière la
royauté.
Toutefois, on n'éleva point le monument
projeté. Seulement, dans les premiers mois
de 1792, Palloy proposa à l'Assemblée légis-
lative d'élever une colonne à la liberté sur
l'emplacement de la Bastille, avec les maté-
riaux qui restaient encore de cette forteresse.
L'érection de cette colonne fut décrétée, et
la pose solennelle de la première pierre eut
lieu le 14 juillet , au matin, avant la solennité
du Champ de Mars. Nous avons sous les yeux
les procès-verbaux originaux de cette fête, et
les détails ne laissent pas d'en être fort cu-
rieux. Une députation de l'Assemblée présidait
à la cérémonie, à laquelle assistaient en outre
les autorités de Paris. On plaça dans une
botte de cèdre la Déclaration des droits, gravée
sur des tablettes d'airain, une copie authen-
thique de la constitution, des médailles frap-
pées avec du fer provenant de la Bastille, des
monnaies, des assignats, la liste des patriotes
morts pendant le siège, etc. Tous les outils,
bois, fer et autres matières, provenaient éga-
lement des matériaux de la forteresse. On
avait mêlé au ciment les cendres des anciens
titres de .noblesse. Sur la pierre était gravée
une inscription qui se terminait par ces mots :
En présence de Louis XVI. Au moment de
poser la pierre, le président de la députation
de l'Assemblée nationale fit observer que, le
roi ne s'étant pas présenté, quoique invité, il
était convenable d'effacer son nom. Et il prit
en effet une ripe des mains de Falloy, et gratta
froidement le nom de l'absent.
Un mois plus tard, la rature devait s'é-
tendre sur la royauté elle-même.
Les orages de la Révolution empêchèrent
l'exécution du projet de Palloy, qui fut enfin
réalisé sous le règne de Louis-Philippe par
l'érection de la colonne de Juillet. Dans 1 in-
tervalle, Napoléon avait résolu d'élever sur
cet emplacement une fontaine, sous la forme
d'un éléphant colossal, dont le modèle en
plâtre existait encore à cette place sous le
gouvernement de Juillet.
Avant de terminer, nous dirons encore un
mot relativement à l'effet que produisit dans
le monde entier le grand événement du
14 juillet. Comme nous I avons déjà fait remar-
quer, à la nouvelle de la chute de la Bastille,
tous les peuples se crurent affranchis. Ce coup
avait été si bien frappé, qu'il retentit dans
tout l'univers. Nous pourrions accumuler ici
les citations, mais nous nous bornerons à deux
faits caractéristiques. Dans cette Angleterre
si exclusive et qui s'intéresse si peu aux autres
nations, il y eut un immense enthousiasme qui
gagna l'aristocratie elle-même et jusqu'aux
momies universitaires : l'université de Cam-
bridge donna pour sujet de composition à ses
élèves la Prise de la Bastille, et le 14 juil-
let 1790, l'anniversaire en fut célébré à Lon-
dres dans un banquet que présidait lord Stan-
hope. En Russie même, dans cet empire de
l'esclavage et du silence, la grande nouvelle
produisit une véritable explosion; on s'em-
brassait sur les places publiques, avec des
pleurs et des cris de joie : La Bastille est
prise! C'est un témoin peu suspect, l'ambassa-
deur français Ségur, qui raconte cette folie, à
laquelle il a peine à croire après en avoir été
témoin (Mémoires, m, 508). Quoi de plus élo-
quent qu'un tel fait?
Les vainqueurs de la Bastille formèrent une
espèce de corps spécial, qui avait sa place
marquée dans les cérémonies publiques. Une
médaille fut frappée en leur honneur, et cha-
cun d'eux reçut un brevet.
L'emplacement de la Bastille demeura, pen-
dant la Révolution, une sorte de lieu sacré où
s'assemblait le peuple, et l'un des centres
principaux des fêtes publiques. Au 14 juillet
1790, anniversaire de la victoire et jour de la
grande fédération, on y avait planté un bois
artificiel au milieu des ruines ; quatre-vingt-
trois arbres couverts de leurs feuilles y re-
présentaient les quatre-vingt-trois départe-
ments ; la pique populaire et libératrice se
dressait au-dessus du feuillage, surmontée du
bonnet de la Liberté ; des chaînes et des grilles
brisées, des symboles caractéristiques rappe-
laient à la foule le despotisme vaincu , la vic-
toire de la Révolution ; et le soir, parmi les
illuminations, le peuple de Paris* les fédérés,
les envoyés de la France entière , enivrés
d'enthousiasme, célébraient par des farandoles
fraternelles la fin d'un monde de" douleur, de
servitude et de larmes , l'avènement de la
justice et de l'égalité. Contraste éloquent 1 une
inscription flamboyait, devise triomphale d'une
énergique jovialité , qui est le génie même de
la nation ; dernière ironie jetée par la France
nouvelle à la tyrannie renversée : Ici l'on
danse !
Bastille (mémoires sur la), pamphlet his-
torique du xvme siècle, par Linguet. Ces Mé-
moires, publiés à Londres en 1783, furent
l'objet de réfutations anonymes : Observations
sur l'histoire de la Bastille (Londres, 1783) ;
Apologie de la Bastille (Philadelphie, 1784).
Ils avaient d'abord paru, en trois numéros,
dans les Annales politiques, civiles et litté-
raires du xvme siècle (tome X). Le récit de
Linguet comprend sa détention au château
royal, depuis le 27 septembre 1780 jusqu'au
10 mai 1782. L'auteur rappelle, en tête de son
BAS
journal de captivité, ces mots précieux, tirés
de la Déclaration du 30 août 1780 , sur les
nouvelles prisons : « Ces souffrances incon-
nues et ces peines obscures , du moment
qu'elles ne contribuent point au maintien de
I ordre par la publicité et par l'exemple, de-
viennent inutiles à notre justice. » La relation
de Linguet commence par cette fière décla-
ration : « Je suis eu Angleterre. Il faut prou-
ver que je n'ai pas pu me dispenser d'y re-
venir. Je ne suis plus à la Bastille ; il faut
prouver que je n'ai jamais mérité d'y être. Il
faut faire plus : il faut démontrer que jamais
personne ne l'a mérité; les innocents, parce
qu'ils sont innocents ; les coupables , parce
qu'ils ne doivent être convaincus, jugés, pu-
nis, que suivant les lois, et qu'on nen suit
aucune, ou plutôt qu'on les viole toutes à la
Bastille ; parce que. si ce n'est en enfer peut-
être, il n'y a pas de supplices qui approchent
de ceux de la Bastille, et que, s'il est possible
de justifier l'institution de la Bastille en elle- '
même, dans de certains cas, il ne l'est dans
aucun d'en justifier le régime. Il faut faire
voir que ce régime, aussi honteux que cruel,
répugne également à tous les principes de la
justice et de l'humanité , aux mœurs de la
nation, à la douceur qui caractérise la maison
royale de France, et surtout à la bonté, à
l'équité du souverain qui en occupe aujour-
d'hui le trône. »
Dans cette peinture d'un régime odieux ,
Linguet, en retraçant ses souffrances person-
sonnelles, a donné le premier assaut au châ-
teau fort du despotisme, qui, par un singulier
hasard , fut pris le jour anniversaire de sa
naissance. Il a eu assez de puissance pour
émouvoir les cœurs, et, par conséquent, pour
ébranler notre vieille constitution en mettant
à nu les abus qui la déshonoraient. On sait
que Rousseau lui avait déjà porté des coups
terribles. Du reste, il ne faut peut-être pas
admettre toutes les horreurs qu'il retrace.
II n'a pas encore perdu le souvenir de sa
longue captivité , et ce souvenir le pousse
quelquefois à l'exagération ; par exemple ,
quand il insiste sur les craintes qu'il avait
d'être empoisonné par ses geôliers. Mais de
tout cela ressort cette grande vérité, que,
dans toutes les sociétés, la vie et la liberté des
citoyens doivent toujours être placées sous la
sauvegarde des, lois. Laisser en cela quelque
chosb au caprice , c'est ouvrir la porte à
toutes les injustices et à toutes les tyrannies ;
c'est rendre tous les crimes possibles. Cette
considération, qui ressort de toutes les pages
des Mémoires de Linguet, en fait un plaidoyer
saisissant en faveur de l'abolition des lettres
de cachet et du régime des détentions arbi-
traires; plaidoyer qui acquiert encore plus de
force sous la plume éloquente, énergique et
acérée de l'avocat-journaliste.
Bastille (la prisb DE la), hiérodrame, livret
et musique de Marc-Antoine Désaugiers, exé-
cuté dans l'église Notre-Dame de Paris, par
les acteurs de l'Opéra, suivi d'un Te Deum, le
13 juillet 1790. L'Assemblée nationale était
représentée à Notre-Dame ''par une députa- .
tion, et c'était sur son ordre que l'ouvrage de
Désaugiers, destiné à être exécuté chaque an-
née à Ta même époque, avait été composé. Le
lendemain 14, on célébrait la fête de la fédé-
ration.
BASTILLE, ÉE (ba-sti-llô , II mil), part,
pass. du v. Bastiller : Ville bastillée.
— Blas. Se dit du chef, de la bande, de la
barre et de la fasce, quand ces pièces ont dos
créneaux à leur partie inférieure, c'est-à-dire
du côté de la pointe de l'écu : Famille de
Pontbriant : d'argent, à une fasce bastilléb
d'azur. .
BASTILLER v. a. ou tr. (ba-sti-llé, Il mil.
— rad. bastille). Munir d'une bastille : Bas-
tiller une ville. Il V. mot.
I — Emprisonner, il On dit plutôt embas-
tiller.
BASTILLEUR s. m. (ba-sti-lleur , Il mil.
— rad. bastille). Gouverneur ou geôlier d'une
prison d'Etat. Il Peu usité.
BASTILLON s. m. (ba-sti-llon, Il mil. —
dim. de bastille). Petite bastille, il Ancienne
orthographe du mot bastion.
BASTILLONNER v. a. ou tr. (ba-sti-llo-né
— rad. bastillon). Fortif. Munir debastillons :
Bastillonner un ouvrage.
BÀSTIMENTOS, îlots stériles et inhabités'
de la mer des Antilles, près de l'isthme de Pa-
nama.
bastin s. m. (ba-stain). Mar. Cordage en
sparterie, usité dans le Levant.
BASTINE s. f. (ba-sti-ne — rad. bast, qui
se disait pour bât). Techn. Sorte de selle.
BASTINGAGE s. m. (ba-stain- ga-j e —rad.
prim. baston, pour bâton). Mar. Sorte de para-
pet en bastingues , qu'on établit autour du pont
d'un navire, pour se protéger contre le feu de
l'ennemi, il Muraille de bois qui, aujourd'hui,
remplace généralement les anciennes bastin-
gues : Debout , près du bastingage , sur le
pont, elle observait la mer avec émotion. (X.
Marmier.) Appuyé sur le bastingage de la
corvette Hris, il regardait les côtes de France,
qui fuyaient rapidement. (Balz.) Un soir ,
comme j'étais appuyé sur le bastingage de la
dunette , j'observai un très-singulier nuage
isolé, vers le nord-ouest. (Baudelaire.)
— Encycl. Les bâtiments de guerre portent
BAS
ordinairement, sur le plat-bord et le long des
gaillards , un système de chandeliers et de
filières sui lequel on tend des filets nommés
filets de bastingage. Chaque matin, des ga-
biers sont chargés de recevoir les hamacs des
matelots, bien plies, et ils les arriment dans
ces filets, où ils sont garantis de la pluie par
une voile goudronnée. Le bastingage n'a pas
seulement pour objet d'aérer les hamacs, il
est encore d'une grande utilité à l'heure du
combat; car, comme il entoure le navire, à
hauteur de tête, il garantit les matelots contre
les balles de l'ennemi et contre la petite mi-
traille. La plupart des navires de commerce
n'ont point de bastingage.
BASTINGUE s.f (ba-stain-gu8 — rad, prim.
baston pour bâton). Mar. Bandes d'étoffe do
toile matelassée ou filets qu'on tend autour
du plat-bord du vaisseau, pour servir d'abri
aux matelots qui manœuvrent sur le pont
pendant le combat. '
— Art milit. Sorte de rempart mobile, dont
les troupes se couvraient au moyen âge.
BASTINGUE, ÉE (ba-stain-ghé) , part. pass.
du v. Bastinguer ■ Un navire est_ bien ou mal
bastingué, selon que ses bastingages sont plus
ou moins susceptibles de garantir les gens de
l'équipage contre la fusillade ou contre les
coups de mer. (De Corbière.)
BASTINGUER v. a. ou tr. (ba-stain-ghé —
rad. bastingue), Munir de bastingues, ou de
hamacs qui en tiennent lieu : Bastinguer
une frégate.
Se bastinguer, v. pr. Faire un bastingage
pour se mettre a couvert.
BASTION s. m. (ba-sti-on — corrupt. de
bastillon). Fortif. Ouvrage à revêtement, dis-
posé sur les angles saillants du corps do la
place, et présentant deux faces et deux flancs .-
Voyez ces éj. aisses murailles, flanquées de lourds
bastions. (Vitet.)
— Bastion plein, Bastion rempli de terre et
dans lequel on peut combattre et se retran-
cher. Il Bastion vide, Simple, enceinte de rem-
parts, avec un parapet. Il Bastion double, En-
semble de deux bastions établis l'un sur
l'autre. Il Bastion coupé, Bastion isolé de la
place. Il Bastion plat, Bastion établi au-devant
d'une courtine. Il Demi-bastion, ouvrage ana-
logue au bastion, mais ne présentant qu'un
flanc et qu'une face.
— Par ext. Lieu où l'on se retranche comme
derrière un rempart : Ceux à la vue desquels
il venait d'échapper le cherchaient vainement
dans son bastion aérien (un arbre). (Al. Dum.)
— Fig. Rempart, moyen d'attaque ou de
défense : Les bastions de la tyrannie sont
sans danger pour un peuple libre. (Mme L.
Colet.)
Encycl. — L'utilité des bastions, tant pour
un front de fortification permanent, que pour
un retranchement de campagne, tient à. ce
qu'ils assurent le flanquement des fossés.
Supposons une simple ligne de défense, dont
le profil soit celui qui est représenté fig. 1. Si
les ennemis parviennent à s'introduire dans le
fossé, ils y seront complètement à l'abri des
feux des défenseurs, et ils pourront faire tran-
quillement toutes les dispositions nécessaires
pour escalader le rempart : le flanquement
obtenu avec les bastions a pour but de faire
disparaître ce grave inconvénient, en donnant
aux défenseurs des retranchements la possi-
bilité de tirer dans le fossé. — Le triangle est
la seule forme de retranchement qui ne soit
pas susceptible d'être bastionnée. — La fig. 2
représente un carré bastionné; les bastions
sont les parties du retranchement projetées à
l'intérieur des pentagones a b c d e, a, 6t c^
d, etc.
Des quatre parties que présente le bastion,
les deux lignes b c et d e, appelées faces ou
pans, s'avancent dans la campagne et forment
un angle b c d, dont le sommet e est tourné
vers 1 extérieur : c'est l'angle saillant du bas-
C , oflO'"
■"*- r^-léS^
Fig. 2. .
tion. Les doux autres lignes a b, e d„ nommées
flancs, forment, en se réunissant aux faces,
deux autres angles que l'on nomme angles
d'épaule. L'angle saillant s'appelle aussi angle
flanqué , parce qu'il est détendu par les
flancs des bastions voisins. Quand un angle
d'épaule est arrondi et prolongé de manière à
faire saillie sur le flanc, de manière à le cou-
i vrir,- on lui donne le nom d'orillon, et le flanc
est dit couvert. Enfin , on appelle gorge du
bastion la partie ouverte a e, comprise entre
les extrémités intérieures des flancs : c'est par
là que l'on entre dans l'ouvrage.
BAS
On voit que les projectiles partent dos
flancs de bastion ab et i, b, et que, tirés perpen-
diculairement à leurs crêtes, ils peuvent venir
frapper dans les fossés des faces b, ct et b c.
Les lignes c a, et c, a se nomment lignes de
défense; elles varient de longueur entre 150 et
200 mètres.
La ligne a a, est la courtine.
La direction des fiancs a b et a, b, a varié
avec les époques ; on a construit ces flanc3
perpendiculaires aux lignes de défense, de fa-
çon à obtenir un flanquement parfait des fos-
sés des faces b c, 6t c, ; on a aussi proposé de
les établir perpendiculaires à la courtine;
enfin, plus récemment, on a donné a ces flancs
une position intermédiaire entre les deux pré-
cédentes, en leur faisant faire un angle de 100°
avec la courtine ; cette disposition semble In
meilleure. Elle est aujourd hui assez généra-
lement adoptée. V. front bastionné.
L'intérieur ou terre-plein des bastions peut
se construire de deux manières ; tantôt on le
remplit entièrement, afin de le mettre de ni-
veau avec le terre-plein du rempart, et l'on a
alors un bastion plein ; tantôt, au contraire,
on le laisse vide, en faisant tournerle rempart
le long des faces et des flancs, et l'on a ainsi
un bastion vide. Au xviic siècle et au suivant,
on appelait quelquefois bastions royaux les
bastions de grtmdes dimensions, surtout ceux
qui faisaient partie de l'enceinte d'une place
et qui ne pouvaient être pris qu'au moyen
d'un siège en règle. Le bastion est né à l'é-
poque ou, après avoir agrandi les tours pour
faciliter la manœuvre des pièces, on imagina
de les renforcer contre les coups de l'ennemi
en les abaissant au niveau du sol et en les ter-
minant en pointe du côté de la campagne. On
ignore la date précise de ce progrès. Quelques
écrivains rapportent bien que l'ingénieur ita-
lien San Michaeli construisit des bastions à
Vérone en 1523; mais d'autres assurent que
Jean Ziska, chef des hussites de la Bohême,
et le général turc Achmet-pacha, en avaient
déjà élevé, le premier à Tabor, en 1489, le se-
cond à Otrante en 1480. Quoi qu'il en soit,
c'est au xvi" siècle que le bastion est devenu
l'élément de la fortification moderne ;mais aux
ingénieurs du siècle suivant appartient l'hon-
neur d'en avoir scientifiquement déterminé
la forme, les dimensions et les propriétés.
Dans le principe, les ouvrages de ce genre
s'appelaient indifféremment boulevards et bas-
tions. Ce dernier nom, qui est seul resté, lui
avait été donné de l'italien bastone (poteau),
parce qu'on faisait habituellement entrer des
pièces de charpente et des clayonnages dans
sa construction, afin de soutenir les terres.
Les bastions n'ont pas seulement pour objet
de nettoyer les fossés quand les assiégeants
sont parvenus à y descendre; ils servent en-
core à tirer vers la campagne, à protéger le
chemin couvert, la benne, les dehors de la
place. Ils sont gardés en tout temps par des
sentinelles posées aux barbettes ou aux angles
assaillants. Deux bastions, qui se défendent
l'un l'autre et qui forment l'extrémité d'un
front de fortification, sont appelés bastions
consécutifs, La perte d'un bastion était au-
trefois regardée comme entraînant la prise
de la place ; mais on a vu en 1814, à Berg-op-
Zoom, après la prise d'un bastion, les assié-
geants foudroyés et faits prisonniers par une
garnison qui leur était bien inférieure en
nombre. La force d'une garnison, en temps
de paix, se calcule ordinairement à raison de
deux cents hommes d'infanterie par bastion;
en temps de guerre, il faut six cents hommes
d'infanterie et soixante cavaliers.
BASTION (Yves), prêtre et pédagogue fran-
çais, né à Pontrieux en 1751, mort à Paris
en 1814. Après avoir été principal du collège
de Tréguier, il se rendit a Pans, où il entra
en 1788 dans la communauté des chanoines
réguliers de Sainte-Geneviève. Après le con-
cordat, il fut nommé aumônier à l'Hôtel-Dieu,
puis au lycée Louis-le-Grand, appelé alors le
Prytanée impérial. Il a écrit de nombreux
ouvrages sur l'instruction élémentaire, no-
tamment : Exposition des principes de la
langue française (1798) ; Eléments de logique
(1805) ; Grammaire de l'adolescence (1810, etc.).
BASTION DE FRANCE, village d'Algérie,
près de La Calle, province de Constantine, à
400 kilm. E. d'Alger. Ce village doit son nom
à un bastion aujourd'hui abandonné, cons-
truit en 1520 par la compagnie française d'A-
frique.
BASTIONNÉ ÉE (ba-sti-o-né), part. pass.
du v. Bastionner : Ouvrage bastionné. Tour
bastionnée. Retranchement bastionné.
— Front bastionné, Ouvrage de fortification
composé de deux demi-bastions, dont les
faces sont unies par une courtine, il 'iour
bastionnée, Très-petit bastion imaginé par
Vauban contre le tir à ricochet, et aujour-
d'hui abandonné.
— Fig., Fortifié, entouré, étayê : Plus vous
insistez, plus elle est bastionnée d'ignorance,
garnie de chevaux de frise. (Balz.)
BAS
Encycl. — Le front bastionné a été adopté
Four unité du système de fortification, depuis
invention de l'artillerie à poudre, parce qu'il
possède la propriété de suffire lui-même à sa
propre défense. C'est pour ce motif qu'on lui
donne aussi le nom de front de fortification.
Tout front bastionné comprend deux faces, a o
et b i, deux flancs o d et i e, et une courtine
d e. On appelle angles d'épaule les deux
angles saillants a o d et b i e, formés par les
faces et les flancs ; angles rentrants , flan-
quants ou de flanc, les, deux angles od e,ied,
formés par .les flancs et la courtine, et angle
de tenaille, l'angle formé vers le milieu de la
courtine par le prolongement des faces. Le côté
extérieur du front est la droite a b, qui joint les
saillants àes-demi-bastions ; sa perpendiculaire
est la droite qui jointle milieu ducôté extérieur
à l'angle de tenaille ; ses lignes de défense sont
les deux droites a e et i d, qui joignent les
saillants aux angles flanquants. La courtine
est la partie la plus forte du front bastionné",
tandis que les saillants des bastions en sont les
parties les plus faibles. Aussi, quand on at-
taque un ouvrage bastionné, c'est sur les
faces des bastions qu'on dirige les coups.
BASTIONNER v. a. ou 'tr. (ba-sti-o-né —
rad. bastion). Munir de bastions : Bastion-
ner un fort.
— Fig. Fortifier, entourer, garantir : Le
fils de Roussillon n'avait pas encore quitté
culte prodigieuse défiance qui bastionné à
Paris l'homme de province. (Balz.)
Se bastionner, v. pr. Se fortifier, s'en-
tourer : Se Bastionnl:r. d'opiniâtreté.
BASTIR v. a. ou tr. (ba-stir — anc. or-
thogr. du mot bâtir). Techn. Former avec
des capades, en parlant d'uii chapeau,
BASTISSAGE s. m. (ba-sti-sa-je — rad.
bastir). Techn. Premier degré du feutrage
des poils qu'on destine à la fabrication des
chapeaux ; poil ainsi préparé : La machine...
donne en trois minutes la galette ou le bas-
tissage. (Laboulaye.)
BASTITANS, BASTETANS ou BASTULES.
Peuples de l'PIispanie, dans la Bétique méridio-
nale, sur les bords de la Méditerranée; on les
appelait Pceni , ce qui fait supposer qu'ils
devaient leur origine à une colonie carthagi-
noise ou phénicienne.
BASTITE s. f. (ba-sti-t"e — "de Baste, nom
de lieu). Miner. Substance constituée par du
bisilicate do magnésie, renfermant une plus
ou moins grande quantité de chaux.
— Encycl. C'est le minéralogiste Haidinger
qui a fait delà bastite une espèce à part. Jus-
qu'à lui, ce minéral faisait partie de la dial-
lage métalloïde de Haùy. Depuis, quelques Sa-
vants l'ont fait rentrer dans l'espèce diascla-
site, mais elle renferme une plus grande
quantité d'eau que celle-ci et doit, par consé-
quent, en être séparée. Son gisement est
assez intéressant. On la trouve en effet en
petites masses lamellaires gris verdâtre, dis-
séminées dans des serpentines situées près de
Harzburg. Ces petites masses se fondent pour
ainsi dire dans la pâte de la roche qui les en-
globe, et pourraient presque, comme le dit
M. Delafosse, être considérées comme de la
serpentine cristallisée.
BASTNAÉSITE s. f. (ba-stna-é-zi-te). Miner.
Substance compacte, brune ou noirâtre, qui
a été ainsi appelée parce qu'on la trouve à
Bastnaès, en Suède; et qui n'est autre chose
qu'un fluorure de cerium et de lanthane. On
lui donne aussi, par altération du mot bast-
naésite, le nom do bastaésite.
BASTOG1 (Pierre), financier et homme po-
litique italien, né en Toscane vers 1815, est
banquier à Livourne. Après avoir débuté dans
la carrière par des opérations assez malheu-
reuses, il a acquis une fortune considérable
en donnant à l'exploitation des mines de l'île
d'Elbe une extension à laquelle le gouverne-
ment toscan ne sut jamais se résoudre. Bastogi
est devenu en outre, peu a. peu, le principal
actionnaire des chemins de fer de Toscane.
Habile dans les opérations de banque, versé
dans les théories économiques et dans la litté-
rature italienne, parleur spirituel, éloquent et
quelquefois même lyrique, il se fit remarquer
au parlement de 18G0. M. de Cavour lui con-
fia alors le ministère des finances. L'emprunt
de 1860, qu'il négocia, lui valut le ititre de
comte, et a peine avait-il reçu ce titre, qu'il
présenta un projet de loi frappant d'un impôt
considérable tous les titres de noblesse. Il
quitta son poste de ministre le l" mars 18G2.
Placé plus tard à la tête de la grande entre-
prise financière des chemins de fer méridio-
naux, il fut accusé, en 1864, d'avoir corrompu
à prix d'or certains députés, pour en obtenir un
vote favorable au sujet de la concession de ces
chemins de fer. Ces accusations ont été re-
connues fausses; et, néanmoins, atteint par la
défaveur de la chambre et même de l'opinion
publique à Livourne et ailleurs, M. Bastogi a
donné sa démission de député, en protestant
» que le jour de la justice viendrait pour lui
et pour son œuvre, et que, ce jour-là, on re-
gretterait qu'un homme qui avait pris l'initia-
BAS
tive d'une aussi grande entreprise, eût été
abreuvé de tant d'amertumes et de tant de
douleurs. »
BASTOGNE s. f. (ba-sto-gne, gn mil.). Blas.
Bande alésée en chef : Famille Pertoy : parti
d'or et de gueules, à une bastogne d'azur
chargée de trois molettes d'argent, et-accom-
pagnée de deux têtes de lion de l'un en l'autre.
Il Très- rare.-
BASTOGNE, ville de Belgique, province de
Luxembourg, ch.-l. d'arrondissement admi-
nistratif, à 32 ls.il. N. d'Arlon; 2, 111 hab.;
nombreuses tanneries, bas tricotés ; commerce
de grains et bétail. Bastogne est le Balsonacum
mentionné sur la carte de Peutinger ; Chil-
debert , roi d'Austrasie , y tint ses assises
en 585. Combat entre Charles-Martel et Bul-
déric, comte de Loz, en 703.
baston s. ni. (ba-ston). Ancienne ortho-
graphe du mot bâton.
— Art milit. anc. Baston à feu, Baston pro-
jectile, Arme à feu portative.
BASTON (Robert) , historien et poëte anglais ,
né à Nottingham vers le milieu du xjii<= siècle,
mort en 1310. Edouard 1er, lors' de son expé-
dition contre Robert Bruce, roi d'Ecosse, se
fit accompagner de Baston, qui devait chanter
la gloire que son royal compagnon ne pouvait
manquer d'acquérir. Mais Baston fut fait pri-
sonnier par Robert Bruce, et dut célébrer le
triomphe de l'Ecossais. Parmi les ouvrages
assez nombreux , laissés par Baston , nous
nous bornerons à citer : De Sacerdotum luxu-
riis, .dont le titre, hardi pour l'époque, mérite
de ne pas être oublié.
BASTON (Guillaume- André-René), théolo-
gien-français, né à Rouen en 1741, mort
en 1825. Il fut, avant la Révolution, professeur
de théologie à Rouen, lit partie de l'émigration,
et, après le concordat, il rentra en France. 11
fut alors nommé grand vicaire de sa ville na-
tale, puis évêque de Séez en 1813; mais, sous
la Restauration, il se vit contraint d'abandon-
ner son évèché, Doué d'un esprit fin, distingué,
et des agréments de l'homme du monde, Baston
a publié un grand nombre d'écrits et de bro-
chures sur divers sujets. Nous citerons, parmi
ses principaux ouvrages : Cours de théologie,
en collaboration avec l'abbé Tuvache (1773);
Lettre de M. Philetès sur une controverse avec
les curés du diocèse de Lisieux (1775) ,• Narra-
tions d'Omaï, compagnon de Cook (1790, i vol.);
Réclamations pour l'Eglise de France contre
M. de Maistre (1821-24, 2 vol.); Antidote
contre les erreurs et la réputation de V Essai
sur l'indifférence (1823); Concordance des lois
civiles et des lois ecclésiastiques de France sur
le mariage (1824), 'etc.
BASTONNADE s. f. ( ba-sto-na-de — rad.
baston, pour bâton). Volée de coups de bâton :
Donner, recevoir la bastonnade. Les satiriques
médisants sont sujets aux bastonnades. (Trév.)
Et tu prends donc, pendard, goût i la bastonnade ?
Molière.
D'un grand qui le nourrit il souffre les saccades.
Son dos même endurci se fait aux bastonnades.
Regnard.
— Particulièrem. Châtiment consistant en
dos coups de bâton : Le délinquant sera puni
de la bastonnade, il Dans les bagnes, Châti-
ment qui consiste à appliquer des coups d'une
corde goudronnée.
— Agric. Terme introduit tout récemment
dans la langue agricole, pour désigner une
opération qui consiste à briser à coups de
bâton certaines plantes nuisibles à la culture
et réfractaires à tout autre moyen de des-
truction.
* — Encycl. Dans la plus haute antiquité, la
bastonnade n'était appliquée qu'aux esclaves.
Cependant l'histoire nous apprend que cette
peine était quelquefois infligée aux soldats
romains. Selon Pline , on doit distinguer la
simple bastonnade du supplice des bâtons, ou
fustuarium, qui entraînait ordinairement la
mort du patient. La première n'était qu'une
simple correction corporelle, qui n'avait rien
d'infamant ; l'autre était réservée aux fautes
f raves, telles que l'abandon du poste que l'on
evait défendre, et les officiers mêmes pou-
vaient y être condamnés. Le coupable était
amené devant sa légion; le tribun le touchait
du bout de son bâton, et, à ce signal, les sol-
dats fondaient sur lui, et chacun le frappait à
son tour. Pour la bastonnade ordinaire, c'était
le centurion qui l'administrait avec un simple
sarment de vigne (vitis). Les officiers francs
frappaient aussi quelquefois leurs soldats avec
une branche de pommier. Au moyen âge, on
a longtemps frappé les soldats sur le derrière
avec une hampe de hallebarde ou une crosse
de mousquet : c'était ce qu'on appelait donner
le morion ou la salade. La schlague et le knout,
en usage encore aujourd'hui dans la discipline
militaire des Prussiens et des Russes, peuvent
être assimilés à la bastonnade. Les coups de
garcette et les coups de fouet appliqués aux
marins et aux soldats anglais présentent le
même caractère. Le comte de Saint-Germain,
ministre de la guerre sous Louis XVI, publia
une ordonnance pour introduire dans l'armée
française la punition disciplinaire des coups
de plat de sabre, qui n'était qu'une bastonnade
déguisée. Il appelait cela une correction pa-
ternelle, et il 1 appliquait à des fautes légères
qui, jusque-là, avaient été punies de la prison.
Mais cette prétendue réforme souleva dans
tous les rangs de l'armée française une indi-
BAS
f nation générale, et le ministre fut obligé do
onuer sa démission. Un grenadier français
prononça, a cette, occasion, une parole su-
blime : « Je n'aime du sabre que le tranchant, » '
dit-il, et ce mot fut répété partout avec en- ;
thousiasme. i
La bastonnade est encore fréquemment ap- 1
pliquée dans tout l'Orient, et spécialement en !
Chine, en Turquie, en Perse : il ne faut pas
s'en étonner , dans ces pays de despotisme
barbare. C'est ordinairement sur la plante des
! pieds que le patient reçoit les coups de bâton,
et il paraît que ce mode a été choisi précisé-
ment parce qu'il est le plus douloureux. En
Turquie, ce châtiment cruel est nommé zarb,
et courbag est le nom de l'instrument avec
lequel frappe le bourreau. Le nombre des
coups est ordinairement fixé à trente-neuf ; il
s'élève quelquefois jusqu'à soixante-quinze.
En France, le supplice de la bastonnade est
encore usité dans nos bagnes, et c'est le plus
terrible qui puisse être infligé aux forçats. Ce
châtiment consiste à appliquer sur les reins
nus du coupable, avec une corde goudronnée,
de l'épaisseur du pouce, un certain nombre
de coups. Il est impossible de se faire une idée
dos soulfrances cruelles de ce supplice; en un
instant la chair est déchirée ; des cloches
nombreuses s'élèvent, se gonflent, se crèvent,
et une rigole sanglante est creusée sous les
coups redoublés.
— Agric. La bastonnade réussit surtout avec
la fougère et le chardon. C'est en vain qu'on
emploie la faux contre ces plantes perni-
cieuses : elle ne suffit pas à en arrêter la pro-
pagation; l'arrachage est plus efficace, mais
trop souvent il ne peut être exécuté de telle
sorte qu'une partie au moins de la racine ne
' demeure engagée dans la terre. Le moindre
tronçon suffit pour faire repousser la plante
de plus belle, avec une force de végétation et
une persistance décourageantes. La difficulté,
on peut même dire l'impossibilité d'extirper
par ce moyen, à moins de frais énormes, cer-
taines plantes très-nuisibles à l'agriculture, a
donné a M. le comte de Kergorlay l'idée d'es-
sayer de la bastonnade. Le moyen, du reste,
n'était pas nouveau, car tous les cultivateurs
savent depuis longtemps que l'on vient plus
facilement à bout de certains végétaux tenaces
on les bâtonnant qu'en les fauchant, ou même
en essayant de les arracher. Voici comment
M. de Kergorlay conseille d'user de la baston-
nade : a II ne faut pas attendre, dit-il, que la
plante ait pris son entier développement, ni
que les feuilles, ainsi que la tige, soient séchées
et durcies. Elle est plus facile à couper quand
elle est encore herbacée et quand ses feuilles
ne font que commencer à s'ouvrir. La faux
coupe la tige d'une manière nette et franche,
comme un rasoir ; le bâton la déchire ; s'il pleut
au moment de l'opération ou peu de temps
après, ces lambeaux déchirés pourrissent et ne
repoussentplus. Il fautrépéterl'opération aussi
souvent que possible, pour fatiguer la plante
et l'épuiser. Je l'ai fait faire quatre lois la
première année. Le principal avantage de la
bastonnade est d'épargner le temps des bons
ouvriers, tels que le sont les faucheurs, temps
toujours précieux et chèrement payé, et d'y
substituer le travail des vieillards ou des en-
fants de l'école. Ces derniers, employant ainsi
leurs heures de récréation et de congé , y
trouveraient un divertissement de leur âge, en
même temps qu'ils rendraient un service
signalé à l'agriculture. »
Bastonnade (la), dessin de M. Bida, salon
i de 1852. Les dessins de M. Bida jouissent d'une
réputation méritée ; ils traduisent de la façon
la plus nette et la plus saisissante la couleur
des objets et les effets de lumière. Les plus
estimés représentent des scènes de la vie
orientale. La Bastonnade appartient à ce der-
nier genre; c'est une des compositions capi-
tales de l'artiste, et, à ce titre, elle mérite
d'être décrite. Un vieux Turc, debout sous
l'arcade en fer à cheval de la porte de son
habitation, préside à l'exécution du châtiment.
Le patient, étendu la face contre terre, a les
jambes relevées verticalement à partir du
genou ; les pieds sont soutenus par un bâton
que portent deux esclaves ; la plante des pieds
se présente ainsi d'elle-même aux coups qu'un
troisième esclave administre avec une vigueur,
avec une conscience qui ne laissent rien à
désirer. Plusieurs spectateurs, groupés à
gauche, regardent d'un air impassible cette
scène cruelle. A droite, une femme, celle du
patient sans doute, jette des cris et cache son
enfant dans Son sein; derrière elle, un antre
enfant se dérobe avec effroi aux regards fa-
rouches d'un soldat, qui, sans quitter la scène
principale, se retourne pour faire à la pauvre
mère un geste menaçant. « Ce groupe, d'une
composition très-juste et d'une exécution puis-
sante, a dit M. de Calonne, forme épisode à
part, et cependant il se relie étroitement à
l'action. L'homme qui, au centre, porte un
des deux bouts du fatal bâton, est posé carré-
ment, les jambes bien d'aplomb, le torse bien
développé, les muscles du bras bien en jeu et
bien accusés. Ce personnage, à lui seul, est un
chef-d'œuvre ; mais savaleur augmente encore
par le contraste qu'il forme avec le vieillard
immobile et sévère du second plan. Les jambes
et les pieds de l'esclave battu se détachent en
noir sur un mur que le soleil colore de ses
rayons, et prennent toute l'importance qu'ils
doivent avoir dans une composition ou ils
jouent le principal rôle. » M. de Calonne ajoute
que primitivement les pied> itaient blancs,
BAS
339
tandis que le mur était noir; mais, ainsi placés
dans la lumière, ils ne se détachaient pas suf-
fisamment du fond , ils n'arrivaient pas en
saillie jusqu'à l'œil. Inquiet de quelques obser-
vations qui lui avaient été faites à ce sujet,
M. Bida soumit son dessin à l'un des princes
de l'art, à Eugène Delacroix, qui lui conseilla
de détacher les pieds en noir sur un fond clair :
l'artiste suivit cet avis, et obtint l'effet saisis-
sant dont nous avons parlé.
BASTOUL (Louis), général français, né à
Montolieu en 1753, mort en 1800. Il fut de ces
hommes à qui l'amour de la patrie et l'en-
trainement irrésistible de l'époque tinrent lieu
d'instruction. Sachant à peine lire et écrire, il
montra une extrême intelligence de la guerre
et se distingua par une bravoure hors ligne.
Il s'engagea, en 1773, dans le régiment de
Vivarais, où i! était sergent en 1790, lorsque
ce corps fut dissous. Elu, l'année suivante,
lieutenant du 2c bataillon du Pas-de-Calais et
chef de bataillon en 1792, il assista an siège
de Lille, se fit remarquer par sa brillante va-
leur et fut fait général de brigade. Bastoul
passa en cette qualité aux armées du Nord et
de Sambre-et-Meuse, eut sa part de gloire dans
les sièges de Landrecies,du Quesnoy, au pas-
sage du Rhin en 1796, combattit à Wurtzbourg,
à Friedberg, à Salzbach, à Neuwied, et péné-
tra le premier dans Landshut, dont ses soldats,
excités par sa valeur, avaient enfoncé les
portes. Cette action d'éclat lui valut le grade
de général de division; mais quelques jouis
après, à Hohenlinden, sous Moreau, il eut une
jambe emportée par un boulet de canon, et
mourut des suites de sa blessure. On essaya
de le décider à subir une amputation indispen-
sable ; il refusa, en disant qu'il voulait vivre
et mourir tout entier.
BASTRINGUE s. m. (ba-strain-ghe — pro-
bablom. de bastinguer, bastingage, parce qu'on
dispose les bastingues avant le combat, au
moment d'entrer en danse). Pop. Bal do guin-
guette OU de cabaret : Les bals de barrière
ne sont que d'abominables bastringues. S'il
vient à la fête, irait-il à notre bastringue de
Tivoli? (Balz.) Ils sont loin de ressembler, on
le comprend , aux bastringues qui ont été
établis en France. (A. Karr.)
— Dans les bagnes, Nom donné par les
forçats à un étui de fer-blanc, d'ivoire, d'ar-
gent ou même d'or, qui est assez petit pour
être caché dans l'anus, et cependant assez
grand pour contenir quelques pièces de 20 fr.,
un passe-port, des scies, etc., etc. : En voyant
la facilité avec laquelle certains bandits cou-
paient les barreaux de leur prison , on s'est
longtemps imaginé qu'ils possédaient une herbe
ayant la propriété de couper le fer; cette herbe
est aujourd'hui parfaitement connue; elle s'ap-
pelle bastrinc.uk. (Moreau-Christophe.) Les
malfaiteurs appellent jouer du violon l'action
de scier leurs fers ; ils donnent, par métonymie,
le .nom de bastrinouïï à l'étui qui renferme
leurs scies et leurs uutres outils et ustensiles
d'évasion. (Morcau-Christophe.) Quand Fos*
sard, le voleur des médailles de la Bibliothèque,
fut amené à Bicùtre, on saisit sur lui, c'est-
à-dire en lui, plusieurs billets de 1,000 fr. en-
roulés dans son bastringue, (Moreau -Chris-
tophe.) Un argousin, placé devant chaque
forçat déshabillé à nu, et les deux mains ap-
puyées sur ses épaules, lui dorme un coup de
genou dans l'abdomen. Au même moment, un
autre argousin, accroupi par derrière, lui
plonge te doigt dans le rectum et y découvre
ainsi le bastrinoue. (Moreau -Christophe.)
A la fin de son volume, Variétés de Coquins,
publié en IS65, AI. Moreau-Christophe a fait
graver deux planches très-curieuses, représen-
tant un bastringue de grandeur naturelle,
avec tous les outils d'évasion qu'il renferme. .
— Chim. Appareil dans lequel on préparo
le sulfate de soude.
— Techn. Outil à forer de petits trous.
Bastringue des flépiirtcmciHH (ï^e) , air po-
pulaire. Le 21 janvier 1794, un an après l'exé-
cution de Louis XVI, les spectacles jouèrent
gratis » de par et pour le peuple, en réjouis-
sance de la mort du tyran. » On alla danser
autour de l'échafaud, on y revint -les jours
suivants, et c'est pour ces farandoles que l'air
du Bastringue des départements fut composé.
Cet air si connu, sur lequel on a fait une foule
de parodies plus ou moins décentes, fut ainsi
nommé parce qu'on le dansait au milieu dea
quatre-vingt-trois poteaux élevés sur la
place de la Révolution , portant chacun le
nom d'un département écrit sur un écusson.
Pour faire connaître cet air, point n'est besoin
de le noter ici ; il nous suffira de citer le re-
frain d'une de ces parodies, que tout lo monde
a au moins entendu une fois dans sa vie :
Mesdemoiselles, voulez-vous danser?
Via le bastringue,
Vlà la bastringue;
Mesdemoiselles, voulez-vous danser?
Via le bastringue qui va commencer,
Castil-Blaze, qui cite le Bastringue des dé-
partements dans son ouvrage sur \' Académie
de musique, ne nous donne pas le nom du
musicien, auteur de cet air fameux, qui a fait
le tour de l'Europe chanté par nos soldats.
BASTODE s. f. (ba-stu-de). Pêch. Filet
employé sur les étangs salés des côtes de la
Méditerranée, li On dit aussi battude.
BASTULES CARTHAGINOIS. V. BaSTitasS.
BASTWICK (John), théologien et médecin
340
BAT
BAT
BAT
BAT
anglais, né à Writtle en 1595, mort vers le
milieu du siècle suivant. Après avoir étudié
ia médecine à Cambridge, il voyagea, se fit
recevoir docteur à Padoue; puis il vint, en 1624,
se fixer à Colchester pour y exercer son art.
C'est vers cette époque qu'il publia a Leyde
un livre de controverse religieuse, intitulé :
Elenchus lieligionis papistœ, in quo probatur
neque apostolicam , neque catholicam , imo
neque romanam esse (in-8»), suivi du Flagellum
pontifias et episcoporum. Ces ouvrages sou-
levèrent contre lui le haut clergé anglais.
Arrêté et mis en jugement, il fut condamné
à une amende de 100 liv. sterl. et a la pri-
son jusqu'à rétractation. Loin de se rétracter,
il lança deux nouveaux ouvrages : Apologe-
ticus (1636) et la Nouvelle litanie, qui lui atti-
rèrent une condamnation terrible : 5,000 1. st.
d'amende, l'exposition au pilori, l'amputation
des oreilles et une prison perpétuelle dans une
province éloignée. Une indignation universelle
accueillit cette épouvantable sentence ; une
pétition se couvrit de signatures en faveur de
Bastwick, qui, gracié en 1640 par la Chambre
des communes, put revenir à Londres, où il
fit une entrée triomphale et reçut des dédom-
magements pécuniaires prélevés sur les biens
de ses juges.
BAS-VENTRE s. m. Partie inférieure du
ventre, depuis le nombril : Douleur dans le
BAS-VENTRE.
BASVII.LB, terre seigneuriale du pays Char-
train, à 28 kil. S.-O. de Paris, possédée jadis
par la famille Lamoignon.
BAS-VOLER s. m. Chass. Vol peu élevé des
perdrix, des cailles et autres oiseaux : Oiseaux
de BAS-VOLER.
BÂT s. m. (bâ — du gr. bastasein, porter;
peut-être aussi du fr. bâton. V. ce mot). Sello
grossière de forme et de travail, qu'on ne met
guère que sur les bêtes de charge : Porter un
bat. Etre blessé par le bât. Une des causes de
la ruine de la Turquie, c'est la servitude posée
comme un bat sur le peuple. (V. Hugo.)
L'ennemi vient sur. l'entrefaite;
Fuyons, dit alors le vieillard.
— Pourquoi? répondit le paillard;
Me feTa-t-OD porter double bât, double charge?
La Fontaine.
— Fig. Servitude, esclavage : Quoi! tu veux
te marier I Nous sommes seuls exempts du
bat, et tu veux t'en harnacher! (Balz.)
— Cheval de bât, Cheval fort, mais peu fin,
et propre à porter les fardeaux : J'ai un cheval
de bât qui porte mon lit. (M'nc de Sév.) il Par
compar. Personne sur qui l'on se décharge de
ce qu'il y a de plus pénible : Je ne veux pas
être votre cheval de bât.
— Porter le bât, Etre dans la servitude,
être soumis à des exigences pénibles : Les
grands font des voyages d'agrément, et c'est le
peuple qui porte lu bât.
Et toi, peuple animal.
Porte encor le bit féodal.
BÉRANOEB.
D Porter son bât, Avoir sa part de peines, de
fatigues : Il faut que chacun porte son bât en
ce monde. (Volt.) Il Savoir, sentir où blesse le
bât, Connaître les inconvénients de la situa-
tion, les causes secrètes de la souffrance, du
chagrin : Lorsque le roi était à l'Escurial, il
défrayait tout le monde; de manière que je ne
SENTAIS POINT là OÙ LE BÂT ME BLESSAIT. (Le
Sage.)
D'où vous naît cette plainte? Et quel chagrin
[brutal?...
— Suffit, vous savei bien au le bit me fait mai.
Molière.
— Loc. prov. Rembourré comme te bât d'un
mulet, excessivement vêtu et boutonné, n Qui
ne veut bât. Dieu lui donne selle. Les personnes
trop difficiles et qui ne se contentent pas do
ce qu'elles ont s'exposent à avoir pis.
— Zool. Syn. de clitelle.
— Encycl. La confection des bâts varie sui-
vant les pays. Il en est qui ont des arçons en
bois; d'autres en sont dépourvus. Le bât ne
doit être ni trop large ni trop étroit. Trop large,
il tournera sur le dos de l'animal ; trop étroit,
il pressera trop ses côtés, généra sa respira-
tion et ne tardera pas à le blesser. Chaque
bête de somme doit avoir, autant que possible,
on bât fait exprès pour elle et tenu constam-
ment en bon état.
BAT s. m. (batt — motangl.). Au jeu du
cricket, sorte de battoir à long manche, qui
sert à recevoir la balle.
BAT s. m. (batt). Pêch. Queue du poisson :
Ce poisson à trois mètres entre œil et bat.
N'est usité que dans cette locution et quelques
autres analogues, et Von ne dirait pas couper
le bat d'un poisson, pour couper la queue d'un
poisson, il On écrit aussi bâte.
— Mar. Petit bordage en bois de bout que
l'on cloue sous les dauphins : Il convient de
faire le bat d'un seul morceau de bois de
peuplier. (Viilaumez.)
BATA s. m. (ba-ta). Bot. Nom vulgaire du
bananier.
BAT-A-BOURRE s. m. (ba-ta-bou-re — de
battre et de bourre). Techn. Instrument avec
lequel les bourreliers frappent la bourre, pour
la diviser et la rendre légère. Il se compose
essentiellement de huit à dix petites cordes,
longues d'environ 2 mètres et attachées par
nn Bout à une traverse clouée sur ie plancher,
Vt par l'antre & une autre traverse mobile
qui est munie d'un manche. L'ouvrier saisit
le manche de cette dernière traverse et, ten-
dant les cordes, il en frappe la bourre qui est
placée au-dessous, u PI. bat-à-bourre.
bataclan s. m. (ba-ta-klan — Onoma-
topée qui peint le bruit des objets qu'on dé-
place pour déménager. Etym. dout.). Mot
populaire dont on se sert pour exprimer un
attirail considérable dont on veut se dispenser
d'énumérer les objets : On voit des pleutres
entasser des millions, avoir des calèches, des
femmes en falbalas, des cochers à perruque et
tout le bataclan. (L. Reybaud.) Vous désires
voir Basquine, attention ! elle va paraître ; voilà
déjà le tonnerre, les flammes de l'enfer et tout
le bataclan qui annonce son entrée. (E. Sue.)
Il m'obsédait de la pureté de ses feux; je voyais
déjà briller les flambeaux de l'hyménée et tout
te bataclan mythologique. (A. Brucken.)
Bo-ia-cln.i. chinoiserie musicale eu un acte,
paroles de M. Ludovic Halévy, musique de
M. J. Offenbach , représentée pour la pre-
mière l'ois, à Paris, sur le théâtre des Bouffes-
Parisiens, le 29 décembre 1855.
| « On rit, on applaudit, on crie au miracle.
Il n'est pas d'homme âgé, ou de femme arrivée
au retour du retour, qui n'entre en danse aux
joyeusetés folâtres de Ba-ta-clan. Ba-ta-clan!
I la Marseillaise et le Chant du Départ de
1 maître Offenbach. Ba-ta-clan! L'année a fini
par le Sire de Framboisy, elle a commencé
par Ba-ta-clan! sôuvenez-vous-en, souvenez-
yous-en, souvenez-vous-en souvent.» — Com-
prenez-vous? — Non. — Cela pourtant est
signé du prince de la critique , et nous voilà
bien avancés , bien renseignés. — Qu'est-ce
que Ba-ta-clan? un chef-d'œuvre, sans doute,
si l'on s'en rapporte à la petite chanson bien
drue, bien éveillée, bien rossignolée de Jules
Janin; quelque chose de fin, de gai, d'étourdis-
sant, j'imagine j un feu d'artifice de bons mots;
de l'esprit à pleines mains, le rire ailé du meil-
leur cru de France mis en musique... — Eh
bien , non. — Jules Janin avait-il trempé sa
Îilume gaillarde dans le Champagne première,
e soir propice où il écrivit ces deux ou trois
phrases qui font ronron au public? On serait
tenté de le croire, si l'on ne savait combien il
lui est aisé de se griser de sa propre jeunesse,
qui vainement affiche la soixantaine et se dit
goutteuse, comme pour mieux se faire par-
donner ses écarts, ses malices et ses fre-
daines. Disant toutes ces belles choses que
nous venons de rappeler, M. Jules Janin.ne
pensait guère à ba-ta-clan, croyez-m'en, mais
bien à quelque joyeux vaudeville de la bonne
époque où il avait vingt uns, et soyez sûr que
dans sa tête trottait à ravir le pied mignon de
Jenny Vertpré, le nez mutin de Dôjazet, l'œil
bleu de Jenny Colon. Profanation I mettre aux
lèvres pincées des Débats le cornet à bouquin
de la farce au gros sel, et chanter victoire 1
O critique, que Te bruit, le fard et les lumières,
les bras, les jambes et les épaules, les gro-
gnements, les beuglements, les trépignements
égarent à ce point de vous amener à dire :
« Tout cela est beau, écoutez et applaudissez ; »
ô critique , ouvrons ensemble cette chinoiserie
par trop chinoise, où les cymbales ont tant
d'esprit que les acteurs n'en ont pins, et dites,
la main sur la conscience, s'il faut rire ou
avoir pitié de ceux qui ont perpétré ladite
chinoiserie , s'il faut rire ou avoir pitié de
ceux qui l'exécutent, s'il faut rire ou avoir
pitié de ceux qui vont l'entendre. Je sais bien
que les personnages de la pièce ont les noms
les plus spirituels qu'il soit possible d'ima-
giner : Fé-ni-kan, souverain de Ché-i-no-or;
Ké-ki-ka-ko ; Ko-ko-ri-ko; Fé-an-nich-ton ;
je sais bien que les acteurs ont le diable, au
corps; entre nous, on les pourrait croire en-
ragés ; je sais bien que la musique chante,
bondit, voltige, casse les vitres, fait tapage
comme si on l'avait saupoudrée de cantha-
rides; mais tout cela ne constitue pas une
œuvre dont on puisse dire : Souvenez-vous-
en, souvenez-vous-en, souvenez-vous-en sou-
vent; et c'est avoir une triste opinion de la
Marseillaise et du Chant du Départ, que de
les rappeler à propos d'une farce sans queue
ni tête, appelée Ba-ta-clan fort justement, si
bataclan veut dire cohue, tapage, assemblage
de choses sans nom. Donc, Ba-ta-clan, dont
le titre est une conquête de plus sur la Chine;
Ba-ta-clan, dont les trois syllabes nous rap-
pelleraient au besoin que nos soldats envahis-
saient alors le Céleste-Empire; Ba-ta-clan
est une drôlerie , le mot est doux , qu'il peut
être agréable d'entendre quand on a bien
dtné, que la tête fermente et que la rate s'é-
panouit. On n'y trouve pas précisément l'es-
prit de Voltaire, de Molière ou de Beaumar-
chais ; mais on y rencontre ça et là, à travers
le dévergondage etlafoliedu. style, un brin de
ce jargon peu attique, de cet argot peu délicat
qui, bredouillé par le premier grotesque venu,
excite chez nos gandins et nos petites dames
une joie indescriptible , argot et jargon en
honneur au Palais-Royal. Exemple : « Vous
qui parlez français!... parlez!... parlez en-
core!... parlez toujours!... faites murmurer à
mon oreille la douce langue de la patrie!... —
Mais avec plaisir, avec délices, avec ivresse,
avec volupté, avec transport, avec rage!...
Parler français!... parler français!... Oh! ma
mâchoire , disloque-toi , démantibule-toi , et
livre-toi avec enthousiasme à cet exercice na-
tional !... • Tout cela peut paraître superbe et
désopilant, au possible, quand on a l'estomac
gonflé de truffes, et qu on l'entend débiter,
avec force grimaces, par un acteur échappé
de Cbarenton. On a prétendu, et le Moniteur
s'écrie en toutes lettres, dans ses colonnes of-
ficielles, que Ba-ta-clan est > le chef-d'œuvre
du genre bouffe ; p qu'il a été accueilli d'un
bout à l'autre « par ud immense éclat de
rire,* que, parmi les divers morceaux de «cette
délicieirse partition, » trois surtout ont enlevé
toute la salle : Je suis Français, Il demande
une chaise et Ba-ta-clan. Nous constatons ce
fait, qui pourra, dans l'avenir, donner une
légère idée de l'extravagance contemporaine.
Peut-être eût-il été plus juste de dire que
cette chinoiserie a. servi, tant bien que mal, de
canevas à une musique endiablée, excentri-
que, folle à lier, écrite pour les oreilles blasées
de nos vieillards et de nos jeunes gens. La
muse d'Offenbach est née au quartier Bréda,
parmi le ruolz, la poudre de riz et les chif-
fons; elle porte assez bien la crinoline, et
montre au besoin sa jambe, ses épaules, et
tout ce qu'on souhaite qu'elle montre ; elle
sable le Champagne , elle jure , elle parle
argot; elle dit : As-tu fini? ou bien : Tu t'en
ferais mourir! ou bien encore : Je m'en fiche,
et s'écrie^ en se troussant jusqu'au genou :
L'amour, vois-tu, mon p'tit, c'est une blague,
cette muse , elle a le lorgnon au vent , la
main dans l'échancrure du gilet, la raie au
milieu de la tête; elle ne n;irle pas, elle
grince des dents; elle ne chante pas, elle
grimace ; elle ne rit pas, elle se tord. Cette
muse, proche parente de celle de Gavarni,
elle a tout l'entrain factice, tout le mauvais
ton, tous les raffinements, tous les caprices
et toutes les trivialités de la femme entrete-
nue; il s'en exhale un parfum acre, qu'on ne
rencontre que dans certains boudoirs; elle
énerve et pue le musc, mais on en raffole...
pour peu qu'on soit à moitié gris ou qu'on ait
des velléités de gaillardise, car elle n'est pas
bégueule, et vous en donne pour votre argent.
J'ai vu jouer Ba-ta-clan, et j'ai ri, ce dont
je demande humblement pardon au dieu Bon-
Sens.
Le succès de Ba-ta-clan méritait d'être
complet: un café-concert s'ouvrit aux alentours
du Cirque-National et prit pour enseigne ce
titre à jamais fameux. Qu'on dise, après cela,
que Paris n'est pas le cerveau de la France,
et que la France n'est pas le pays le plus spi-
rituel du monde.
BATADOIR s. m."(ba-ta-doir). Techn. Banc
qui sert à laver dans une eau courante, il
Banc sur lequel on lave les nôtres, dans une
papeterie.
BATADOUR s. m. (ba-ta-dour — rad. bat-
tre). Jeux. Au revortier, Dame qui s'ajoute
à des dames déjà accouplées sur une flèche,
et pouvant servir à battre celles de l'adver-
saire, sans qu'on soit obligé do se découvrir
soi-même.
BÂT AGE s, m. (bà-ta-je — rad. bât). Féod.
Droit de bâtage, Droit exigé par certains sei-
gneurs, en outre du droit do barrage et de
péage, sur le bat que portait chaque bêto
traversant leur seigneurie. Il Syn. de bastage.
BATAIL s. m. (ba-tall, Il mil. — rad. bat-
tre). Battant d'une cloche. N'est plus em-
ployé qu'en terme de blason, pour désigner
un battant d'un émail différent de celui do
ia cloche.
BATAILLANT (ba-ta-llan , Il mil.). Part,
prés, du v. Batailler : 11 était écrit que ces
deux messieurs, bataillant devant le pub tic, ne
pouvaient ni ne devaient s'entendre. (Proudh.)
Il n'est rien de si beau que tomber bataillant.
RÉQN1ER.
BATAILLARD, ARDE adi. (ba-ta-llard, Il
mil. — rad. batailler). Néol. Batailleur : Les
rois vaillants et bataillards. (V. Hugo). Un
peuple bataillard. fProud.)
BATAILLARD (Paul-Théodore) , littérateur
français, né à Paris en 1816. Elève de l'Ecole
des chartes de 1838 à 1841, il a collaboré à
plusieurs journaux et s'est fait remarquer, en
1848, par ses opinions démocratiques. Il eut à
soutenir, en 1855, un procès qui eut un assez
grand retentissement : veuf de la fille de
Mme Mélanie Waldor , il se remaria à une
Anglaise. Son ancienne belle-mère lui réclama
alors, devant les tribunaux, l'enfant qu'il avait
eu de sa première union, et il fallut un arrêt
de la cour impériale pour que cet enfant lui
fut rendu. Outre diverses brochures sur les
provinces moldo- valaques, M, Bataillard a
publié quelques ouvrages, notamment ; L'œuvre
philosophique et sociale de M. Edgar Quinet
(1846, in-8°) ; Nouvelles recherches sur l'appa-
rition et la disparition des Bohémiens en Eu-
rope (1849, in-8°).
BATAILLE s. f. (ba-ta-llc, II mil. — rad.
battre). Combat livré entre deux armées :
Ainsi finit la bataille la plus hasardée et la
plus disputée qui fut jamais. (Boss.) La desti-
née de la France est de perdre des armées et
de gagner des batailles. (Volt.) // ne revient
rien au genre humain de cent batailles ga-
gnées. (Volt.) Catilina , se voyant environné
d'ennemis, et n'ayant ni retraite en Italie, ni
secours à espérer de Borne, fut réduit à tenter
le sort d'une bataille. (Vertot.) Plutarque
me fait pitié, de nous prôner tous ces donneurs
de batailles, dont le mérite est d'avoir joint
leurs noms aux événements qu'amenait le cours
des choses. (P.-L. Courier.) Au moyen âge,
une bataille participait des formes d un duel;
elle s'annonçait par le ministère des hérauts
d'armes, qui en déterminaient le jour et l'heure.
(G en. Bardin.) L'ivresse des Français est gaie ;
c'est pour eux un avant-goût de la bataille et
de la victoire. (Gén. Foy.)
Seigneur, ne tentez point le destin des batailles.
De Bellot.
Mais Rome ignore encor comme on perd des l'a-
[tailla.
Corneille.
Je leur fais des tableaux de ces tristes batailles
Où Rome par ses mains déchirait ses entrailles.
Corneille.
Combien de gens qui font des récits de batailles
Dont ils se sont tenus loin! Molière.
— Par anal. Combat, à la suite d'une que-
relle : Les gamins se sont livré une bataille
sur le Pont-Neuf. Dans une bataille d'ivro-
gnes, un sergent de ville a eu l'œil poché.
Je n'entends pas que l'on me raille;
Demandez à Roch le moqueur
Ce que je vaux dans la bataille.
J. AUTRAN.
— Par ext. Querelle, discussion animée :
Les deux orateurs se prenaient aux cheveux, si
le président n'avait mis fin à la bataille, bur
dix batailles que l'opposition livre étourdi-
meut, elle en perd neuf. (E. de Gir.)
— Ligne, rang de troupes : La première, la
deuxième bataille. Vitlehardouin désigne,
sous le nom de première, de deuxième bataille,
une première, une deuxième ligne. (Bardin.) Il
Corps de troupes appelé aussi gendarmerie :
La bataille de France était la plus estimée.
(Compiém. de l'Acad.) Il Ces deux sens sont
hors d'usage.
— Fig. Difficultés à vaincre, combats à
livrer : Courage, cher enfant! Il en faut dans
cette bataille de la. vie. (Barrière.) Héroïque
une fois dans la grande bataillu, on est lâche
tous les jours dans les infimes combats de la
vie. (E. faouvestre.)
Trêve, trêve, nature, aux sanglantes batailles
Qui si cruellement déchirent mes entrailles!
Koraou.
— Plan de bataille^ Ensemble des disposi-
tions stratégiques prises par un général en
chef pour livrer avec succès uno bataille u
Combinaisons adoptées pour faire réussir uno
entreprise : Voyons, dit Aramis, il faut ce-
pendant arrêter un plan de bataille, (Alex.
Dum.)
— Front de bataille, Développement de la
partie de l'armée qui fait face à l'ennemi.
Il Ordre de bataille, ou simplement bataille,
Disposition donnée aux troupes sur le ter-
rain, en vue d'une bataille prochaine : Les
soldats sont rangés en ordre de bataille.
L'armée est en bataille. Ils marchaient en
bataille avec bagages au milieu. (Trôv.) Char-
les Kll... forma sa bataille. (Volt.) Au lever
du jour, nous étions en bataille sur la rive
gauche. (Chateaub.) Il Corps de bataille, Partie
Êrincipalo d'une armée disposée on ordro.de
atailfe ; centre, par opposition aux ailes. 11
Sergent ou Maréchal de bataille , Officier
autrefois chargé de ranger les troupes en ba-
taille :
11 semble que ce soit un sergent de bataille.
La Fontaine.
— Champ de bataille, Terrain sur lequel
deux armées se livrent un combat : Aban-
donner le champ de bataille. Jiester maître
du champ de bataille. Parcourir le champ
de bataille. Le plus beau champ de bataille
avait pour lui moins de prix qu'un modeste
champ de blé. (J. Sandeau.)
Ils ont volé tous deux vers le champ de bataille.
Racine.
Il Matière d'une discussion : C'est son champ
de bataille ordinaire. Au xvmo siècle, les
affaires font silence, pour laisser libre le champ
de bataille aux idées. (Chateaub.)
— Etre maître du champ de bataille, Avoir
le dessus, par la retraite do son adversaire :
Le voilà enfin parti, et nous sommes maîtres
, du champ ua bataille. (Scribe.) Il Aôcm^oiiner
le champ de bataille, So retirer de la lutte :
Le jour de l'élection les démocrates abandon-
nèrent LE CHAMP DE BATAILLE.
— Cheval de bataille, Cheval qu'on monte
les jours de combat : C'est à l'église de Saint-
Martin que Clovis donna son cheval de ba-
taille. (Chapus.) il Fig. Sujet favori.; argu-
ment qu'on repète sans cesse: C'est son cheval
DE BATAILLE.
— Bataille rangée, Combat où les deux ar-
mées ennemies se font lace et sont rangées
en lignes , par opposition à un combat do
tirailleurs, où les combattants sont éparpil-
lés : Il défit en bataille rangée Arphaxad.
(Boss.) tl Bataille gagnée , bataille perdue ,
Succès, revers d'une nature quelconque : Il
ne faut jamais s'endormir, après une bataille
gagnée. Une bataille perdue ne doit pas
abattre notre courage.
Défions-nous du sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.
La Fontaine. ^
— Bataille navale, ou simplement Bataille,
Combat entre deux flottes ou deux escadres :
La bataille de Trafalgar. Le consul Duilius,
qui donna la première bataille navalk, la
gagna. (Boss.)
— En bataille, En ordre déployé, et non
point en colonne ou par flanc : Les régiments
du centre marcheront en bataille ; la cavalerie
exécutera une marche de flanc. 11 En présence,
dans la discussion : Plus on met en bataille
de raisons pour et de raisons contre, moins le
jugement est sain. (Balz.) || En position pour
attaquer et se défendre : L'armée que Jésus-
BAT
BAT
BAT
BAT
341
£
Christ a mise ira bataille contre les erreurs.
(Boss.) h Pop., En parlant d'un chapeau à
cornes, La corne de devant retournée en ar-
rière : Mettre son chapeau en bataille.
— Mar. En bataille, En parlant de la ver-
gue de misaine, Dans le sens de l'axe du
navire : Mettre la vergue de misaine en ba-
taille.
— Féod. Due! judiciaire. Il Bataille royale,
Bataille à laquelle le roi prenait part. H Loi
de bataille, Loi sur le duel judiciaire.
— Peint, Représentation d'une bataille ou
d'un combat : Les peintres de batailles. Les
batailles de Jules Romain, de Van der Meu-
len, d'Horace Vernet. Les batailles d'A-
lexandre, de Lebrun, sont considérées comme
de véritables chefs-d'œuvre qui honorent l'é-
cole française. La guerre est un-fléau, et pour
ma part je ne saurais l'aimer, quand elle n'au-
rait d'autres résultats funestes que d'avoir créé
les peintres de batailles. (Henry Fouquier.)
— Mus. Composition musicale dans laquelle
en se propose de rendre le choc des armées
et les divers bruits qui accompagnent une
action générale : Des arrangeurs imaginèrent
de réduire, pour le piano, pour deux clarinettes
et même pour deux flageolets, les batailles dé
Prague, de Jemmapes, de Marengo, d'Auster-
litz, etc.
— Jeu de cartes qui n'est en usage quo
parmi les enfants : Jouons à la bataille. Il
Situation de deux joueurs qui, ayant mis des
cartes égales, vont décider le coup en four-
nissant de nouvelles cartes :
Encore à vous. — Toujours à moi !
— Non pas ! — C'est vrai, roi contre roi !
Bataille, sire! — Eh bien, bataille.
C. Delavigne.
— Métall. Murs élevés qui entourent le
gueulard d'un haut fourneau.
— Syn. Bataille, action, combat. Y. ACTION.
— Epithètes. Cruelle, sanglante, meurtrière,
affreuse, horrible, terrible, effroyable, fu--
rieuse, homicide, épouvantable, disputée, opi-
niâtre, longue , obstinée , balancée , douteuse,
perdue, gagnée, dangereuse, périlleuse, noc-
turne, grande, célèbre, fameuse, glorieuse,
inutile.
— Encycl. Et d'abord, qu'est-ce qu'une ba-
taille? Il semble, au premier coup ù'œil, que
la définition doive se dégager des faits sans
aucune obscurité. Les écrivains spéciaux ne
sont cependant pas d'accord à cet égard. Ils
ne varient pas sur la nature même de l'événe-
ment, ce qui ne serait guère possible ; mais il
a entre eux des divergences qui portent sur
ie plus ou sur le moins. Feuquières, un des
auteurs les plus autorisés en cette matière,
définit la bataille : Un choc exécuté, ou du
moins possible, de deux armées développées.
Il ne reconnaît de bataille que quand une ar-
mée peut se déployer et en choquer une autre
de tout son front. Cette théorie est la néga-
tion complète de l'ordre oblique, une des plus
savantes créations de l'art militaire. Avant
Feuquières, Brantôme, voulant donner l'idée
d'une bataille, avait dit : Là où l'artillerie
joue, là où les deux t.rands chefs souverains
(les généraux en chef) y sont en personne et
en armes, là où l'on combat si bien que l'une
des avant-gardes (première ligne) est défaite
et en route (en déroute), cela se peut dire ba-
taille. On sent ce qu'une telle définition a de
vide et d'incomplet; nous dirons donc, avec
les écrivains militaires les plus compétents et
les plus modernes : « Une bataille est une
grande action de guerre ; c'est un combat d'ar-
mée conduit, en tout ou en partie, par son gé-
néral en chef, toutes ou presque toutes les
armes ayant agi, tous ou la plupart des corps
ayant donné ou reçu le choc, et l'un des deux.
partis ayant eu un avantage sur l'autre. »
Quelle est l'origine de ces luttes qui ont en-
sanglanté toutes les époques de l'histoire? I]
ne faut pas la chercher ailleurs que dans l'es-
prit de jalousie, de rivalité, d'ambition, qui
tend sans cesse à armer les hommes les uns
contre les autres. Les premières batailles ne
furent sans doute que des combats où la force
des bras décida seule du succès, et auxquels
l'art demeura tout à fait étranger ; puis on
appela à son aide des armes grossières, telles
que des bâtons ou des frondes, et ce n'est que
lorsque le nombre des combattants prescrivit
de les diviser par troupes distinctes, mais
obéissant à une seule impulsion, que put naî-
tre l'idée des opérations stratégiques. La rage
de s'entre-tuer est, on peut le dire, aussi an-
cienne que le monde; car, sans parler de
Caïn, qui a laissé une trop mauvaise réputa-
tion pour qu'il puisse servir d'autorité, nous
voyons, au temps d'Abruham, le roi Chodor-
lahomor s'emparer de Sodome et en emmener
prisonniers les habitants, parmi lesquels se
trouvait Loth. Heureusement que l'oncle de
ce dernier, Abraham, à la tête de ses servi-
teurs, se mit à la poursuite du roi des Ela-
mites (Persans) et tailla son armée en pièces.
Toutefois, dans ces temps primitifs, il n'y a
aucune bataille qui mérite de fixer notre at-
tention, et il faut arriver jusqu'aux véritables
époques historiques avant de rencontrer
quelques faits pouvant servir de documents.
— Des batailles dans l'antiquité. La plus an-
cienne bataille dont il nous soit parvenu une
relation circonstanciée est celle de Thymbrée
(548 av. J.-C), décrite par Xénophon. L'art
de la guerre était alors dans son enfance, et,
malgré les succès de Cyrus, il est permis de
douter qu'il ait connu ou même pressenti les '
principes d'une véritable tactique, dont nous ne
trouverons les éléments que chez les Grecs,
et la perfection que dans Annibal, jusqu'à
ce que César porte à son comble l'art militaire
des anciens, en appelant à son secours les
mouvements stratégiques. Hérodote, Thucy-
dide, Xénophon et Polybe nous fournissent
sur la guerre d'excellents préceptes; mais ils
nous instruisent surtout par les exemples
qu'ils mettent sous nos yeux, et c'est avec
eux que nous allons rapidement passer en
revue les principales batailles de 1 antiquité.
Lorsqu'on vit éclater la glorieuse lutte des
Grecs contre les Perses, cent mille fantassins
et dix mille cavaliers se précipitèrent sur l'At-
tique, commandés par Datis. Miltiade, campé à
Marathon avec dix mille Athéniens seulement
et mille Platéens, engagea audacieusement la
lutte avec les Perses. 11 est difficile de se
faire une idée de l'ordre de bataille qui pré-
sida à la disposition de chaque armée ; mais il
est probable que les Grecs et les Perses s'a-
bordèrent sur toute l'étendue de leur front
respectif, car, tandis que ies deux ailes de
Datis étaient enfoncées et mises en désordre,
son centre faisait plier et reculer Celui des
Grecs. Alors les deux ailes victorieuses se ra-
battirent sur ce point et fixèrent le sort de la
journée. Toutefois , a travers le voile dont
Hérodote a enveloppé ses récits, on peut dis-
tinguer cette vérité, c'est que les Grecs du-
rent moins la victoire à la supériorité de leurs
dispositions qu'à, leur vigueur corporelle, et
surtout à leur esprit de patriotisme, à leur
amour de la liberté, sentiments tout a fait in-
connus aux peuples efféminés de l'Asie.
Epaminondas fut peut-être, de tous les ca-
pitaines grecs, celui qui fit faire le plus grand
pas à la science militaire, en créant l'ordre
oblique, dont nos temps modernes nous offrent
de si nombreuses imitations. A Leuctres, il n'a-
vait pas sept mille hommes à opposer à onze
mille ennemis, et ceux-ci étaient des Lacédé-
moniens. Le héros thébain imagina alors de
fiorter l'élite do ses forces sur un point de la
igné ennemie ; il renforça sa gauche en dé-
doublant la phalange à sa droite et à. son
centre; puis, refusant subitement sa droite
ainsi affaiblie, il fit avancer sa gauche, à la-
quelle rien ne put résister, déborda et enfonça
complètement l'aile droite des Spartiates, A
Mantinée, il exécuta la même manoeuvre, en
la modifiant suivant les exigences de la posi-
tion : il obtint le même succès, mais il le paya
de sa vie. Les batailles d'Alexandre révèlent
une rare intelligence de Ja guerre. A la ba-
taille d'Issus, dont il faut lire surtout le récit
dans Arrien, le conquérant macédonien, met-
tant à profit la tactique d'Epaminondas, dé-
borde l'aile gauche des Perses à la tête de
son aile droite, l'enfonce et se rabat ensuite
sur les Grecs à la solde de Darius, qu'il prend
en flanc et dont il fait un épouvantable car^
nage. A Arbelles, même mouvement: au lieu
d'atiorder l'ennemi de front, ce qui l'eût in-
failliblement amené à être enveloppé par la
multitude des Perses, il forma en coin l'élite
de sa cavalerie, qu'il réunit à sa redoutable
phalange, et, à la tète de cette troupe irrésis-
tible, il se jeta sur l'aile gauche des ennemis,
qu'il mit en fuite, et revint en toute hâte dé-
gager sa gauche, que Darius avait débordée
et menaçait d'enfoncer. Contre Porus, il em-
ploya encore la même manœuvre : il se garda
bien d'aborder le centre de l'ennemi, que cou-
vraient les éléphants; il se jeta avec 1 élite de
sa cavalerie sur la gauche du roi indien, ga-
gna ses derrières, et, faisant alors donner sa
phalange, enveloppa Porus et l'écrasa com-
plètement. Pyrrhus, formé à l'école d'Alexan-
dre, employa sa tactiqu», et c'est à cela qu'il
dut les victoires qu'il remporta sur les Ro-
mains. C'est dans les guerres de cette époque,
et surtout dans celle qu'il soutint contre Pyr-
rhus, que ce peuple, auquel était réservé
l'empire du monde, puisa les premiers perfec-
tionnements de l'art militaire. Nous trouvons
déjà, en effet, comme le fait justement remar-
quer Polybe, des ordres de bataille bien rai-
sonnés, des diversions habilement combinées,
des positions choisies pour les armées qui de-
vaient y combattre; et enfin l'emploi des ré-
serves, qui, depuis, a décidé du sort de tant
de batailles. Mais les Romains étaient encore
trop neufs dans l'application de ces principes,
pour pouvoir les opposer victorieusement au
génie d' Annibal, le plus grand homme de
guerre de l'antiquité, Et cependant cet im-
mortel capitaine ne triompha, à vrai dire, que
par l'emploi de deux manœuvres, et il est
étonnant que l'expérience n'ait pas fait trou-
ver aux Romains le moyen d'en prévenir les
redoutables effets. La première de ces manœu-
vres consistait à profiter de la supériorité de
sa cavalerie numide, pour tourner les ailes
de l'ennemi ; la seconde, à profiter des acci-
dents du terrain pour cacher une partie de
ses forces, qui, pendant l'action, tombait sur
les derrières de l'armée, qu'il abordait de front.
Mais on a beau se mettre en garde contre
une mesure habile, employée par un homme
supérieur qui sait la modiiier suivant les cir-
constances , on en est presque toujours la
victime. Ainsi, à la bataille du Tésin, l'armée
de Scipion fut tournée par la cavalerie numide
et enfoncée de toutes parts. A la Trébie et à
Trasimène, ce furent des embuscades qui dé-
cidèrent la perte des Romains. A Cannes ,
Annibal enfonce l'aile gauche des ennemis
après l'avoir débordée, lance à sa poursuite
ses infatigables Numides, et revient tomber,
avec le reste de sa cavalerie, sur les derrières
de l'infanterie romaine , dont il jonche le
champ de bataille. A Zama, dont l'ordre de
bataille nous a été conservé par Tite-Livo,
Polybe et Appien , Annibal vit se tourner
contre lui l'arme redoutable qui lui avait servi
à remporter toutes ses victoires : la cavalerie
numide avait pris le parti de ses ennemis, et
c'est pour la contenir qu'il mit son infanterie
en ordre profond, sur trois lignes assez espa-
cées pour que le désordre de l'une ne pût pas
entraîner 1 autre. La lutte fut terrible ; mais,
malgré la prévoyance d'Annibal, les Numides
parvinrent à culbuter ses deux ailes et vin-
rent assaillir sa troisième ligne par derrière,
ce qui décida la défaite du héros carthaginois.
Après avoir vaincu Annibal, Rome n'eut plus
à redouter le sort des armes, et elle ne ren-
contra pour ainsi dire plus d'obstacles à la
conquête du monde.
César, par ses marches rapides, ses mou-
vements savamment combinés, inaugura la vé-
ritable science stratégique dans la Gaule, où
il forma des troupes auxquelles les soldats ro-
mains eux-mêmes allaient être incapables de
résister, comme on ie vit bientôt à Pharsale.
Pompée, qui avait cinquante mille hommes
d'infanterie et sept mille de cavalerie, chercha
à déborder César, qui ne pouvait lui opposer
que vingt-deux mille fantassins et mille cava-
liers. Mais c'étaient les restes de ces vaillan-
tes légions qui avaient vaincu la Gaule. César
disposa ses troupes de manière à présenter
un front aussi étendu que celui de son adver-
saire ; il renforça sa droite, où il jugea que
Pompée allait diriger ses efforts, puis, pour
couvrir son flanc, que menaçait d'envelopper
la cavalerie, il y plaça six cohortes composées
de vieux légionnaires, auxquels il recom-
manda de frapper l'ennemi au visage. Ce sont
ces cohortes qui décidèrent la victoire en met-
tant en fuite les jeunes et brillants cavaliers
de Pompée.
Nous nous arrêterons à César, dans cette
revue rapide des grandes batailles de l'anti-
quité. Au point de vue de la science et du
progrès de l'art militaire , le vainqueur de
Pompée est le point culminant des temps an-
ciens. Déjà la pensée du chef, comme une in-
telligence surnaturelle , préside- à tous les
mouvements, domine toutes les volontés, di-
rige tous les efforts, et décide presque seule
du succès, tandis que, dans les premières ba-
tailles, on se choquait, on s'abordait sur toute
la ligne ; le courage individuel et la force ma-
térielle jouaient le principal rôle. Puis on
choisit son terrain, on chercha un secours
dans les obstacles naturels, on prit des dispo-
sitions ; mais on n'en était cependant qu'aux
rudiments de la science, le chef était obligé
de payer de sa personne pour animer ses sol-
dats, et si Alexandre eût été porté, faible et
souffrant, sur un brancard, comme le maré-
chal de Saxe à Kontenoy, il eût été rejeté
dans les flots du Granique. Les auteurs
didactiques du temps, tels qu'Onosander et Vé-
gèce, formulent des principes qui ne dépas-
sent pas le niveau de la science de leur temps.
Quelques-uns, néanmoins, sont remarquables,
tels que ceux qui défendent au général en
chef d'exposer des jours d'où dépend souvent
le salut de l'armée, qui prescrivent d'avoir
non-seulement une réserve qui puisse porter
du secours sur les points menacés, mais en-
core un corps séparé, placé à quelque dis-
tance du champ de bataille, et dont 1 arrivée
subite décide la victoire. Mais beaucoup d'au-
tres nous semblent aujourd'hui par trop naïfs
et même puérils. Il nous paraît bien difficile
de trouver profonds les conseils que donne
Végèce pour livrer avantageusement bataille :
« C'est, dit-il, quand l'ennemi est fatigué par
une longue marche, divisé par le passage
d'une rivière, engagé dans des marais, occupé
à gravir des rochers, dispersé dans la cam-
pagne, ou dormant avec sécurité dans son
camp. » C'était, saris doute, à une leçon de ce
genre qu'avait assisté Annibal , lorsqu'il dit à
Quelques personnes émerveillées du talent
'un rhéteur pédant, qui n'avait pas craint de
parler d'art militaire devant le vainqueur de
Cannes : « Je n'ai jamais entendu radoter si
savamment et si longtemps. »
— Des bâta-' lies au moyen âge. Ici, l'art mili-
taire semble avoir reculé ; ce n'est plus que
l'élan des soldats, la force aveugle et irrésis-
tible qui fixe la victoire. Les traditions d'An-
nibal et de César ont péri dans l'immense ca-
taclysme qui a englouti l'ancien monde. On
dirait que tout est a renaître. L'ère sanglante
du moyen âge s'ouvre par la bataille de Châ-
lons, où fut vaincu Attila. Jornandès et Cas-
siodore, qui ont écrit l'histoire de ce temps, ne
nous transmettent que des détails fort incom-
plets sur un événement si mémorable. Il pa-
raît néanmoins que chacune des deux armées
était partagée en trois masses immenses, qui
marchaient de front; on commença par se
lancer des flèches et des javelots, puis infan-
terie et cavalerie s'abordèrent, se mêlèrent,
et l'on combattit corps à corps, A la bataille
de Poitiers , où Charles Martel sauva la
chrétienté, l'action générale, sur laquelle nous
ne possédons également que des renseigne-
ments fort incomplets, s'engagea après quel-
ques escarmouches. Les Français n'étaient
que trente mille, formés en épais bataillons et
couverts de fer ; les Sarrasins combattaient par
petites troupes et en désordre, écoutant plu-
tôt leur courage que la voii de la discipline.
L'ensemble de leur immense armée formait
Un vaste parallélogramme, où l'on remarquait
surtout deux lignes profondes, l'une de cava-
liers et l'autre d'archers, qui furent enfoncées
par les soldats de Charles, auxquels il ne
cessait de crier : ■ Soldats du Christ, frappez
de la pointe, frappez de la pointe I » Électrisés
par l'exemple de leur chef, qui conquit là son
glorieux surnom , les Français jonchèrent le
champ de bataille de quatre cent mille Sar-
rasins , suivant quelques auteurs. Ce chiffre
nous paraît singulièrement exagéré : Mézeray
n'élève pas à plus de cent mille hommes toute
l'armée d'Abdérame.
Avec le régime féodal, naquit un autre état
de choses, qui amena une nouvelle organisa-
tion des armées et nécessita d'autres maniè-
res de combattre. La cavalerie se composa
Uniquement de la noblesse et forma la princi-
pale, disons plutôt la seule force des armées.
Quant à l'infanterie, son rôle se trouva com-
plètement effacé. C'est inutilement que l'on
chercherait , à cette époque de barbarie ,
quelques traces des ordres de bataille de
j 1 ancienne Grèce et des beaux temps de Rome ;
; tout dépendit de la force matérielle, du cou-
rage aveugle ; l'art militaire parut rétrogra-
der jusqu'au point où il était avant Marathon.
Toutes les batailles livrées par les croisés
ne furent que d'effroyables mêlées, où les
Orientaux n obéissaient qu'à une ardeur bouil-
lante et sans frein, et les chrétiens à une
exaltation de sentiments qui leur faisait voir
partout des miracles opérés en leur faveur.
A Bouvines , les deux armées, divisées
chacune en ailes et en centre, s'abordèrent
sur toute l'étendue de leur front, et l'on vit
les deux chefs, Philippe et Olhon, combattre
comme de simples chevaliers. On y admira
également les exploits de ce scrupuleux évê-
que de Beauvais, qui assommait les ennemis
avec sa masse d'armes, pour se conformer
aux canons de l'Eglise, qui défendent aux
prêtres de verser le sang humain. A partir de
cette époque, l'art militaire, qui semblait s'être
quelque peu relevé depuis Louis VI, re-
tomba dans la décadence jusqu'à la bataille de
Crécy. On en retrouve alors quelques vesti-
ges chez les Anglais, car Edouard choisit une
excellente position, s'y fortifia, et fit expier
aux Français, par un désastre éclatant, leur
aveugle impétuosité et leur folle présomption.
A Poitiers et à Azineourt, les mêmes fautes
amenèrent les mêmes résultats. Il était évident
que la noblesse, sans parler de son incorrigible
esprit d'indiscipline, était impuissante à rem-
placer toutes les armes qui doivent concourir
au succès d'une bataille. L'absence, ou plutôt
l'inutilité de l'infanterie, se faisait déplorable-
ment ressentir ; car elle a toujours été la base,
le fondement d'une armée. Il était réservé aux
Suisses de la remettre en honneur. Après les
avoir vus triompher, à Morgarten et à Sempach ,
de tous les efforts de la puissante maison
d'Autriche; à Granson et à Morat. des bril-
lants chevaliers qui suivaient Charles le Té-
méraire, tout couverts d'or et d'acier on
commença à comprendre que l'arme de Vin-
fanterie, jusque-là si dédaignée, était un des
éléments nécessaires de la bataille. L'invention
de la poudre acheva d'amoindrir le rôle de la
chevalerie et lui porta un coup mortel, en ren-
dant inutiles les pesantes armures de fer, et en
donnant à l'intelligence la supériorité sur le
courage aveugle, qui n'est souvent que te
produit de la force physique. Alors les piques,
les hallebardes et les pertuisanes disparurent,
pour faire place aux arquebuses, aux mous-
quets et aux fusils.
Comme Onosander et Végèce , l'empereur
Léon, qui appartient au moyen âge, a écrit
sur l'art militaire et a consacré, mais avec
une plus ample connaissance de la matière,
plusieurs chapitres ou Institutions à l'objet
qui nous occupe. Au reste, ses principes et les
conseils qu'il adresse aux généraux ne pré-
sentent rien de véritablement remarquable.
L'étude approfondie d'une seule bataille d'An-
nibal, de César, de Turenne, de Frédéric ou
de Napoléon, en apprendra plus à un .homme
du métier que tous les traités didactiques du
monde.
— Des batailles dans les temps modernes. L'arf
militaire moderne débute à peu près comme
finit celui du moyen âge. La bataille de For-
noue ne fut qu'une indescriptible mêlée, où
l'on combattit corps à corps et sans observer
| aucune règle. A Ravennes, Gaston de Foix
1 prit d'habiles dispositions, qui annonçaient un
grand capitaine; malheureusement, ce jeune
prince périt dans la bataille, à peine âgé de
vingt-trois ans. François Ier n'eut aucune des
qualités du véritable général ; ce ne fut qu'un
bouillant et chevaleresque batailleur. Ce ne
furent point ses dispositions qui vainquirent
les Suisses à Marignan, mais son artillerie. A
Pavie, il jeta follement la victoire aux enne-
mis en se précipitant dans la plaine entre les
impériaux et son artillerie qui les foudroyait,
et que son intempestive ardeur réduisit au si-
lence. Jusqu'à la fin du xvie siècle, on ne re-
marque aucun progrès dans l'art de la guerre,
à l'occasion des batailles que se livrèrent mu-
tuellement les Français et les Espagnols; il
faut arriver jusqu'au vainqueur d'Arqués ci
d'Ivry, pour constater une véritable renais-
sance de la science militaire. A Coutras, à
Arques, à Ivry, Henri de Navarre remporta la •
victoire, grâce à de savantes dispositions, sur
un ennemi qui lui était très-supérieur en forces.
Ses ordres de bataille étaient infiniment plus
342
BAT
habiles que ceux de Charles VIII et de Fran-
çois 1er, h savait mélanger les armes, qui se
prêtaient un mutuel appui , et avait toujours
sous la main une réserve composée de cavale-
rie et d'infanterie, qu'il savait faire intervenir à
propos pour décider la victoire. En Allemagne
Gustave-Adolphe accomplit également une
révolution dans l'art militaire ; cependant ses
campagnes sont plus remarquables par les
marches, par la discipline des troupes, et sur-
tout par l'esprit dont il sut les animer, que par
les batailles mêmes, bien qu'il ait mieux com-
pris qu'on ne l'avait fait jusqu'alors l'impor-
tance des armes à feu. Les armées européen-
nes, à cette époque, avaient encore une
organisation confuse, qui influait beaucoup sur
le sort des batailles : fusiliers, mousquetaires
piquiers, étaient rangés dans les mêmes ba-
taillons en files de huit hommes de profondeur
de sorte que les derniers rangs ne pouvaient
laire usage de leurs armes. Les pièces de cam-
pagne, lourdes et peu nombreuses , ne pou-
vaient suivre les manœuvres des troupes et
occupaient toute la journée la même position
Oustave-Adolphe, Condé, Turenne, Montecu-
cuHi, reconnurent ces difficultés, mais ne réus-
sirent qu'imparfaitement à les surmonter.
Avec Condé, l'art ne fit aucun progrès ; tout
se décidait encore par le choc. L infanterie
occupait toujours le centre, formée en épais
bataillons, tandis que la cavalerie, placée
comme dans l'ordre ancien sur les ailes, en-
gageait et souvent gagnait seule la bataille;
Condé était né général ; Turenne le devint
par la réflexion, par l'étude, par l'expérience
unies à une incomparable intelligence des
choses de la guerre. Entre Ture-nne et Condé
n n existe pas le moindre rapport, et ce n'est
qu un banal thème de collège que le parallèle
qu on s'obstine à établir entre ces deux grands
hommes. Turenne fit faire un pas immense à
1 art militaire par une nouvelle formation des
troupes et un emploi plus raisonné de l'infan-
terie. Ses plans de campagne, ses marches sont
admirables, et dans l'action on remarque tou-
jours des dispositions variées, merveilleuse-
ment appliquées au terrain. Toutes ses vic-
toires furent le résultat de sa profonde saga-
cité, de son sang-froid, de son expérience et
du coup d'œil infaillible qui lui faisait immé-
diatement discerner !e point décisif. Luxem-
bourg et Catinat, dignes élèves de Turenne
continuèrent à appliquer ses savants précep-
tes; mais l'art, après eux, semble retomber
dans la décadence, et ne brille plus que d'un
dernier éclat avec Berwick et "Villars. Le rè-
gne de Louis XV offre plusieurs batailles qui
ne turent pas toutes heureuses pour nous
mais qui fournissent d'excellentes leçons, qu'il'
faut surtout aller puiser dans les mémoires du '
temps, principalement dans ceux des généraux
Irançais et étrangers. On peut consulter à cet
égard le chevalier de Folard , Puységur
MontecucuHi, et particulièrement Feuquières'
qui met en saillie, avec une grande sûreté dé
jugement, les fautes aussi bien que les exploits
de Condé, de Turenne, de Luxembourg, de
Berwick, de Villars, et qui fait énergiquement
ressortir incapacité de Marsin, de La Feuillade
et de Villeroy. Vint enfin Frédéric If, qui fit
taire un pas nouveau à l'art de la guerre
fc> inspirant à la fois des leçons de l'antiquité
et des illuminations de son génie créateur il
perfectionna toutes les armes. Il introduisit
dans 1 infanterie l'habitude des déploiements
prompts et faciles, et, par des exercices répé-'
tes, apprit a ses troupes à marcher sur l'en-
nemi en continuant de l'écraser par un feu
vif et soutenu. Avant lui, la cavalerie, lourde
et peu maniable, ne pouvait charger qu'au
trot; il la rendit légère au point de pouvoir
BAT
, ■ ---■ — ^r,^!^ u.u avilit UB pouvoir
charger au galop; enhn, il organisa l'artillerie
à cheval, arme dont il fut l'inventeur, et qu'il
mit à même de suivre la cavalerie dans tous
ses mouvements. Le résultat de ces nouveaux
principes fut le triomphe de la Prusse sur ses
puissants ennemis et son élévation au rang- de
puissance de premier ordre. A SLriegau, à
Kesselsdorf , à Prague, à Lissa, à Rosbacn , etc
il recueillit les fruits de son génie, et c'est de
lui, a proprement parler, qu'on fait dater les
savantes créations de l'art moderne.
Avec la Révolution française s'ouvre une
ère nouvelle pour la science militaire. Cepen-
dant les premières batailles de la Révolution ne
turent encore que des affaires d' avant-postes
ou se révèlent plutôt les traditions françaises
de la guerre de Sept ans que les souvenirs des
leçons et des exemples de Frédéric. Valmv et
Jemmapes ne furent, pour ainsi dire, que des
escarmouches, ou la supériorité de nos forces
devait nous valoir des triomphes bien autre-
ment complets. Dumouriez fut peut-être le
seul gênerai, dans la rigoureuse acception du
mot qui se montrât à la hauteur de ces temps
de luttes sanglantes et héroïques. Bien qu'il
naît paru être que le commencement d'un
grand homme, suivant l'expression d'un écri-
vain judicieux, il n'en sauva pas moins la
r-rance, dans les défilés de l'Argonne. Les
généraux qui commandèrent après lui les
armées françaises déployèrent de véritables
talents militaires, à quelques exceptions près-
mais il nous faut arriver jusqu'à l'immor-
telle campagne d'Italie de 1796, pour être
témoins de combinaisons nouvelles, de résul-
tats gigantesques et d'ordres de bataille dont
1 antiquité, le moyen âgeet les temps modernes
n offraient aucun modèle. Le début de Bona-
parte, dans sa campagne d'Italie, est remar-
quable par un système d'attaques rapides et
successives, dans lesquelles il se ffarJe bien
d adopter un ordre de bataille déterminé.
Plus tard, le théâtre de la guerre s'élargis-
sant sans cesse, ses combinaisons revêtirent
des proportions analogues, effrayantes de
profondeur et de précision. Jamais on n'avait
combine des marches aussi savantes, et à des
points aussi éloignés, destinées a tromper
i ennemi, a le tourner dans sa position et à lui
couper tout moyen de retraite, résultats qu'on
n avait jamais obtenus et qu'on n'obtiendra
jamais a un si haut degré que Napoléon. Ses
ùataitles, sans exemple dans l'histoire, par
1 immensité des détails et des combinaisons
qu embrassait chacune d'elles, ne peuvent ni
se ranger parmi les batailles de position
comme à Ramillies et à Maîplaquet, ni parmi
es batailles de postes, comme à Lawfefd et à
Kaucoux, ni parmi les batailles manœuvres
ae Lissa et de Kollin, ni parmi les batailles de
marenes que lui-même avait gagnées en Italie.
LjO seul nom qui leur convienne est celui de
batailles stratégiques. En effet, ces luttes
terribles n embrassaient pas seulement quel-
ques milles d'étendue, comme à Fontenoy et
a toutes les batailles livrées par le grand
t rederic ; elles ne se terminaient pas en quel-
ques heures, comme le voulait le maréchal de
saxe ; elles se prolongeaient quelquefois pen-
dant quinze ou vingt jours, dont chaque pé-
ripétie était notée, arrêtée d'avance dans la
pensée puissante de l'immortel capitaine, et
eues comprenaient de vastes provinces des
royaumes tout entiers.
Nous ne pouvons passer en revue toutes
les batailles du Consulat et de l'Empire •
cet examen nous entraînerait trop loin. D'ail-
leurs, le souvenir en est dans toutes les mé-
moires. Après avoir constaté les progrès
scientifiques de l'art delà guerre dus au génie
(le Napoléon, signalons le fait matériel qui a
transforme la composition des armées mo-
dernes ; c est, avant tout, le rôle prépondé-
rant qu on a fait jouer à l'artillerie, et l'aug-
mentation considérable de la force des armées
Sous Louis XIV, les armées pouvaient rare-
ment offrir en bataille plus de 25, 30, au plus
40 mille hommes ; aujourd'hui, elles comptent
100,000 hommes, et quelquefois plus ; nous ne
placions en bataille que 30, 40 ou 50 pièces
de canon ; de nos jours, on les compte par
centaines. A la bataille de Leipzig, en 1813
il y eut 600 pièces de canon engagées dans
1 armée française, et 900 dans celle des alliés.
L'art militaire contemporain n'est et n'a pu
être que l'application des grands principes po-
ses par Napoléon ; nous n'avons à signaler que
quelques progrès matériels, tels que l'intro-
duction des canons raves, qui semblent desti-
nés a modifier profondément le rôle de l'ar-
tillerie. C'est à l'avenir seul à décider quelle
sera leur influence définitive.
— De la manière dont se livrent les batailles
Dans I antiquité, l'action commençait par une
grêle de flèches et de javelots, lancés de part
et d autre; puis on s'abordait avec des piques
on s étreignait corps à corps, et la victoire
demeurait aux plus résolus, aux plus robustes
A mesure que l'art fit des progrès, l'intelli-
gence du général en chef suppléa à la force
brutale ; puis il vint un moment où toute l'ar-
mée s inspira des illuminations de son géné-
ral et se soumit docilement à l'intelligente
impulsion du génie. An moyen âge , une
bataille était une espèce de duel à mort
que l'on présentait et que l'on acceptait
par I entremise de hérauts d'armes, de même
que 1 on convenait d'un duel par cartel ou par
défi. De nos jours, il en est tout autrement-
si 1 art consiste le plus souvent à choisir son
terrain et le moment favorable pour attaquer
il consiste quelquefois aussi à esquiver la 6a-
taille, pour enlever à un ennemi en détresse
I occasion de se relever par une action d'éclat'
La guerre, comme l'a dit Napoléon avec une"
énergique précision, est l'art de se diviser
pour vivre et de se concentrer pour combattre
Aussi, tous les efforts du général doivent-ils
tendre a réunir la plus grande masse de troupes
possible sur un point et à un moment donnés
Les officiers supérieurs préparent alors les
troupes au combat par des inspections d'armes
communiquent de grade en grade les projets
de la journée, indiquent les points de station
des ambulances, l'emplacement des caissons à
cartouches, enfin, déterminent et font con-
naître les rendez-vous de retraite et de ral-
liement en cas d'insuccès. Dès que les troupes
sont reunies sur le champ de bataille, le gé-
néral en chefraprès s'être assuré du maintien
de ses communications, range ses troupes
combine ses réserves et l'ordre de bataille'
dispose les différentes armes suivant la nature
du terrain, et fait établir ses batteries en coor-
donnant l'emplacement et la distance, l'espèce
des pièces, le numéro de leur calibre, la succes-
sion de leurs feux, la situation des intervalles
la liberté des manœuvres et l'ordonnance gé-
nérale de l'armée. Quand ces préparatifs sont
termmés et que les troupes ont pris suffisam-
ment de repos et de nourriture, l'action s'en-
tame par les tirailleurs à pied et le feu des ca-
nons, quelquefois agissant ensemble, quelque-
fois successivement. Si le terrain s'y prête
des tirailleurs à cheval appuient l'infanterie'
légère. Quand les deux avant-gardes se sont
ainsi provoquées, l'armée résolue à livrer ba-
taille multiplie ses feux pour contraindre
1 adversaire à déployer ses masses, à mettre
en évidence ses différentes armes, à en lais-
ser supputer l'espèce, le nombre, l'impor-
tance, à révéler quelle direction u prétend
BAT
leur donner. Une ordonnance de 1672 prescri-
vait k l'armée française d'essuyer le premier
feu dans la bataille. C'était un reste d'esprit
chevaleresque, poussé jusqu'à un inconce-
vable ridicule ; nous nous faisions passer par
les armes, par pure courtoisie. Les Anglais ne
se le firent pas dire deux fois à Fontenoy
(y. ce mot), et l'on sait ce que cet intempes-
tive civilité coûta aux gardes-françaises.
_ Les cavaleries opposées ne font encore que
s observer, tandis que les réserves se repo-
sent et que l'infanterie du corps Ae bataille
soit déployée, soit en colonnes, marche à là
charge, l'arme au bras. Une fois l'action sé-
rieusement engagée, la grande affaire du gé-
néral est d en suivre toutes les péripéties afin
de porter des secours ou du renfort partout où
le besoin s'en fait sentir, de maintenir la
marche régulière des bataillons, de n'employer
ses feux quede manière à n'en jamais dégarnir
toutes les armes à la fois, en un mot, de pré-
venir ou de réparer tous les accidents qui
peuvent se produire dans ces tumultueux évé-
nements, de prescrire toutes les mesures dont
la nécessité imprévue n'éclate qu'au milieu
même des vicissitudes de la lutte, et que lui
suggèrent ses inspirations ou son expérience
Au reste, la théorie de l'art ne peut formuler
que des principes très-incertains : les cas
(1 exception sans nombre effacent la règle et
laissent tout à faire au génie. C'est en vain
qu on chercherait la garantie de la victoire
dans un système constant ou dans un ordre
de bataille déterminé. Sans doute, tous les
grands capitaines ont eu une tactique parti-
culière, à laquelle Us ont dû leurs plus écla-
tants triomphes ; mais ils savaient merveil-
leusement la faire plier aux exigences de la
situation, et c'est sur le terrain même que
leur génie entrevoyait subitement la supério-
rité de telle ou telle disposition. Sans s'as-
treindre a suivre servilement les préceptes
des MontecucuHi, des Turenne, des Feu-
quieres, des Frédéric, nos plus illustres gé-
néraux en ont modifié l'application et créé
eux-mêmes de nouvelles combinaisons Ce
serait donc compromettre le salut d'une année
que de s attacher , dans une bataille, à imiter
les manœuvres de tel ou tel général. Rien
n est plus variable que les éléments de succès
qui ne se reproduisent jamais dans les mêmes
circonstances. Ainsi le système des colonnes
profondes , qui valut tant de victoires à la
France, faillit faire perdre à Napoléon la ba-
taille d Esslmg, et ce fut avec des dispositions
analogues à celles qui avaient amené le
triomphe de Marengo qu'il fut vaincu à Wa-
terloo. Il est vrai que, dans cette dernière ba-
taille, tout fut fatalité pour l'armée française
même dans les plus simples incidents de ce
grand événement. Aussi, un général ne sau-
rait-il avoir trop présentes à l'esprit ces pa-
ro es de Napoléon ■ . Le sort d'une bataille
est le résultat d un instant, d'une pensée •
on s approche avec des combinaisons diverses'
on se bat un certain temps ; le moment décisif'
se présente, une étincelle morale prononce et
la plus petite réserve accomplit. » Sans doute
les militaires ne peuvent que méditer avec
truit les beaux faits d'armes des généraux an-
ciens et modernes ; l'étude attentive des mo-
tifs qui les ont déterminés, la recherche des
causes connues ou probables des succès et des
revers, leur donneront de saines idées pra-
tiques sur l'art si difficile de la guerre et
leur apprendront à se tenir en garde contre
les mille obstacles imprévus qui peuvent faire
aboutir à un désastre Je plan de campagne le
plus habilement concerté ; mais il faut éviter
soigneusement, dit M. le général Pelet (Mé-
moires sur les guerres de 1809) « de poser dog-
matiquement des principes, ou plutôt de déco-
rer de ce nom les résultats souvent forcés de
laits isoles ; résultats déterminés quelquefois
par la puissance du génie et de la valeur
mais le plus souvent par les jeux d'un aveu-ié
hasard, et qui ne sont pas toujours suffisam-
ment constatés. » Le hasard, en effet, a joué
un rôle capital dans les événements militaires
« Le plus grand général que je connaisse a
dit pittoresquement Turenne, c'est le général
Hasard. »
Sur le champ, de bataille, les principes
n ont donc qu une valeur des plus relatives •
mille circonstances peuvent les modifier les
renverser même quelquefois. « La guerre' dit
excellemment le maréchal de Saxe a des
règles dans les parties de détail; mais elle
nen a point dans les sublimes. » Napoléon
s inspirant de ses propres exemples, semblé
avoir formulé pour lui seul ce précepte dont
il pratiquait si admirablement le secret « que
1 art consiste à faire converger un grand
nombre de feux sur un même point: que la
melee une fois établie, celui qui à l'adresse de
faire arriver subitement, et à l'insu de l'en-
nemi sur un de ces points, une masse inopi-
née d artillerie, est sûr de l'emporter- voilà
quel avait été son grand secret, sa grande
tactique. » Ces paroles ne démentent pas le
mot qu on lui attribue, que n Dieu est toujours
pour les gros bataillons, » mot qui, au premier
abord, parait contredire cette recommandation
de César : Consilio potins quam r/ladio supe-
rare. Mais qui oserait prendre Napoléon au
mot, lorsquil semble ainsi méconnaître la
puissance du génie? Le vainqueur d'Auster-
litz avait moins que tout autre le droit de
taire entendre cette boutade, lui qui, sur tant
de champs de bataille et avec de simples com-
pagnies, avait renversé tant de gros batail-
lons.
BAT
La victoire, a dit Bossuet en parlant dn
grand Condé, tient à des illuminations. On aa
saurait le contester; mais elle tient quelque-
fois aussi à des causes étranges et même pué-
Ww?" • ^ e°c]ter piques exemples.
Suivant le récit de Tite-Live, l'armée de Fa-
bius Ambustus fut mise en fuite par les w„_
lisques et les Tarquiniens, qui avaient mis* au
premier rang leurs prêtres, tenant à la main
au heu d epees, de grosses couleuvres qui se
tordaient sur elles-mêmes. Annibal lui-même
employa un stratagème analogue : combattant
avec les troupes de Prusias, roi de Bithynie
mil rf™ UTne' r,0i ^e Per&™, il fit enfer!
mer dans des pots de terre toutes sortes de
serpents, et ordonna de lancer ces armes d'un
nouveau genre sur les vaisseaux des enne-
mis. Ceux-ci furent tellement effrayés à la
vue de tous ces reptiles, qui s'enroulaient au-
tour deux qu ils perdirent toute présence
d esprit et furent forcés de se rendre. A la
bataille de Pharsale, César, comme nous l'a-
vons déjà dit, ordonnai ses vieux légionnai-
res de frapper au visage les jeunes et grillants
cavaliers de Pompée, qui, jaloux de conserver
les agréments de leur figure, abandonnèrent
honteusement le champ de bataille. Un des
traits les plus curieux que nous fournissent
les annales militaires est le suivant : pendant
une longue guerre que les Scythes avaient
entreprise en Asie, feurs femmes, impatien-
tées de ce veuvage anticipé, épousèrent leurs
esclaves. Lorsque les époux et maîtres do
ces volages moitiés rentrèrent dans leurs
loyers, ils durent livrer plusieurs combats
sanglants, ou les avantages restèrent parta-
ges, fis n allèrent point consulter l'oracle d'A-
pollon ; ils firent seulement cette réflexion
tres-sensee, eu égard* aux mœurs du temps
que c était trop honorer des esclaves que dé
les traiter en soldats, et ils marchèrent contre
eux le fouet à la main. La vue de cet instru-
ment redoutable effraya tellement les pseudo-
maris, qu ils prirent aussitôt la fuite. En 888
Arnould, fils naturel de Carloman, disputait
1 empire .à Gui, duc de Spolète, qui s'était
déjà rendu maître de Rome. Il se présenta à
la tête de son armée devant cette capitale
dont il se prépara aussitôt à former le sié"-e
bur les entrefaites, un lièvre effrayé traversa
son camp en se dirigeant vers la ville. Comme
Je timide cousin de Jeannot Lapin n'était pas
encore devenu un foudre de guerre, il se vit
poursuivi par une foule de soldats en tu-
multe. Les assiégés, ignorant la cause de
cette agitation et ne songeant guère à l'attri-
buer a un hevre, crurent que citait le signal
de 1 assaut, et comme leurs préparatifs de dé-
fense n étaient pas encore terminés, ils aban-
donnèrent précipitamment les remparts. Ar-
nould profita de cette pnnique pour entrer
dans Rome, où il se fit couronner empereur
Jin 1390, le sultan Bajazet, qu'on appelait lé
l'oudre, venait de remporter, àRazboc, une
victoire signalée sur Etienne, prince de Mol-
davie. Celui-ci, avec les débris de son armée
gagna la ville de Nemz, où sa mère s'était
renfermée avec une forte garnison. Cette
more Spartiate refusa de lui ouvrir les portes
« Quoi I lui cria-t-êlle du haut des murailles
oses-tu bien te présenter vaincu devant moi'
As-tu donc oublié que tu as porté le nom de
brave? n'es-tu plus mon fils? Fuis loin de moi -
fuis les regards de ta mère, et ne reviens ja-
mais que la victoire a tes côtés. » Etienne
plein de confusion, mais aussi de colère ras-
semble autour de lui environ douze mille'Mol-
daves échappés au carnage, leur communique
sa soit de vengeance, et retourne impétueu-
sement avec eux dans la plaine dé Razboc, où
les Turcs en désordre étaient occupés au pil-
lage. H les surprend, les taille en pièces et
oblige le terrible Bajazet à prendre la fuite à
son tour. En J677, Louis XIV, assiégeant Va-
lenciennos, emporta la place presque sans ré-
sistance, parce que Vauban conseilla de pra-
tiquer en plein jour l'attaque de différents
ouvrages, qui n'avait lieu ordinairement que
la nuit. Les assiégés étaient plongés dans une
sécurité complète, qui causa leur perte. Rap-
pelons en passant que l'assaut livré à la tour
Malakoff, à midi, le 8 septembre 1855, n'était
qu une heureuse application do ce renverse-
ment des principes suivis dans la guerre de
siège.
Nous pourrions multiplier les exemples de
ce genre; mais iis ne font que piquer la cu-
riosité, et ne constituent aucun enseignement. •
Nous allons donc terminer cet article, en rap-
pelant les principes de quelques grands géné-
raux sur le sujet oui nous occupe.
— Axiomes de quelques grands hommes dt
guerre sur les batailles. Nous avons déjà cité
Onosander, Végèce et l'empereur Léon; mais
les préceptes mis en avant par ces écrivains
militaires, et dont nous avons donné une idée
a nos lecteurs, ne peuvent plus nous offrir
qu un intérêt rétrospectif. Chez les modernes
MontecucuHi a formulé des principes qui doi-
vent être médités par tous les hommes de
guerre, car ils sont dictés par une profonde
expérience et surtout par un grand esprit prati-
que, trop pratique même quelquefois, s'il a
réellement conseillé, comme le lui reproche-
le général Lamarque, d'empoisonner les eaux
et d'aposter des sens pour tuer les généraux
ennemis. Il est plus d'accord avec les lois de
la guerre suivies entré nations civilisées lors-
qu il dit : Consultez lentement et exécutez
avec promptitude. — Donnez quelque chose
au hasard; car qui veut tout orévoir est in-
BAT
capable de rien faire. — Combattez à votre
choix et jamais à la volonté de l'ennemi (pré-
ceptes que Montécuculli savait admirablement
observer). — Dpnnez de la réputation à vos
armes. — Mettez-vous à même de profiter de
toutes les conjonctures. — Il faut toujours
prévenir l'ennemi, et le charger avant qu'il
soit en bataille. — Marcher, si le terrain est
égal; mais rester en position, si l'on se trouve
dans un poste avantageux. — Tirer continuel-
lement, mais les uns après les autres, pour
ne pas être dégarni de feu; viser particuliè-
rement les officiers. — N'engager les réserves
que dans un pressant besoin, et se ménager
toujours un dernier appui. — Si l'on est moins
nombreux, attaquer la nuit ou sur le soir. —
Faire peu de prisonniers, pour s'éviter l'em-
barras de les garder, etc.
Feuquières, qui écrivait quarante ans après
Montécuculli, divise ses préceptes, comme ce
grand capitaine, en moyens de prévoyance,
en préparatifs et en moyens d'action, et il en
a fait 1 application aux batailles auxquelles il
a assisté. Son ouvrage est une source féconde
d'instruction. Frédéric n'a pas fait un traité
dogmatique ; il n'écrivait que pour ses géné-
raux ; aussi ses conseils ont-ils la brièveté, la
concision d'un commandement. Il posait pour
règle capitale de la guerre qu'il ne faut jamais
se laisser forcer à recevoir la bataille, et qu'il
y a une égale habileté à la donner ou à la
refuser à propos. Les principes dont il recom-
mande surtout l'application se résument ainsi :
Il faut en venir aux batailles pour terminer
les querelles. — Il faut les préméditer, car
celles qui sont l'ouvrage du hasard n'ont pas
de grands résultats. — Les meilleures sont
celles que l'on force l'ennemi à recevoir. —
En refusant une aile, et en renforçant celle qui
doit attaquer, on peut porter beaucoup de
forces sur l'aile de l'ennemi que l'on veut
prendre en flanc. Cette manière d'attaquer
offre trois avantages .: 1° d'attaquer le point
décisif; 2o de pouvoir prendre l'offensive avec
des forces inférieures; 3° de ne compromet-
tre que les troupes qu'on met en avant, et
d'avoir toujours le moyen de se retirer. —
Les attaques sur le centre amènent les vic-
toires les plus complètes ; car, si on parvient
à le percer, les ailes sont perdues. — Les at-
taques de villages coûtent tant de monde, que
je me suis fait une loi de les éviter. — Vilîe-
roy fut battu à Ramillies pour avoir placé une
partie de ses troupes dans un terrain où elles
ne pouvaient agir. — Il ne faut pas tirer en
marchant; car c'est le terrain que l'on gagne,
et non les ennemis que l'on tue, qui décide la
victoire...
Nous bornerons ici ces citations, et nous
terminerons par la douloureuse réflexion
qu'elles nous inspirent : Comment tant et de
si puissantes intelligences ont-elles mis leur
gloire à raffiner les moyens de s'entre-tuer,
et comment les peuples, qui ont tant souffert
de leur orgueil, de leur insensibilité, de leur
égoïsme et de leur ambition, sont-ils encore
assez niais pour les applaudir ?
— Jeu. Le jeu de la bataille est le plus sim-
ple des jeux de cartes. Il se joue à deux, et
avec un jeu de cinquante-deux cartes, les car-
tes conservant leur valeur habituelle. L'un des
joueurs mêle les cartes, fait couper et les dis-
tribue une à une jusqu'à la dernière. Chacun
ramasse son paquet, sans le déranger ni le
regarder, et le tient de la main gauche, la
partie blanche ou tarotée en dessus. Celui qui
n'a pas donné tire alors la carte de dessus et
la retourne sur la table. L'autre joueur en fait
autant, et celui dont la carte est la plus forte
l'emporte. Il fait donc une levée, c'est-à-dire
il rainasse les deux cartes et les met sous son
paquet , puis il continue la partie en retour-
nant une nouvelle carte. Quand le hasard veut
que les deux joueurs retournent deux cartes
de même valeur, quelle que soit la couleur, il
y a bataille. Ils laissent alors ces deux cartes
sur la table et en tirent chacun une seconde,
et c'est celui dont la nouvelle carte est la plus
forte qui prend le tout. Quelquefois cependant
les deux nouvelles cartes font elles-mêmes
^taille. Il peut même en arriver autant aux
deux suivantes. Dans tous les cas, la plus
forte carte l'emporte, quand cette rencontre
cesse d'avoir lieu. La partie se termine lorsque
l'un des joueurs a pris toutes les cartes de
poutre. Suivant'M. Paul Boileau, « l'innocente
bataille a dû être le premier jeu de cartes
français. Si, ajoute-t-il, Charles VI jouait aux
cartes, il devait tout au plus jouer à un jeu
de cette nature. Et de la bataille a dû naître
le piquet. »
Bntaiiie de Babylone. D'après ce titre bel-
liqueux, on s'attend sans doute à° quelque
combat sanglant comme celui qui aurait pu
précéder l'entrée d'Alexandre dans laChaldée.
Que le lecteur se rassure, car cette Bataille
de Babylone rentre entièrement dans le sys-
tème très-pacifique de Fourier : la lutte que
nous allons analyser n'exige que de bonnes
dents, de bonnes fourchettes et des couteaux
bien affilés, qui n'ont rien d'homicide. Après
la lutte, au lieu de ces images qui font fré-
mir les optimistes les plus endurcis, au lieu de
débris humains, les ruines n'offriront à l'œil
que les restes de quelques petits pâtés et le
spectacle de nombreuses bouteilles vides. Les
gastronomes seuls pourront s'émouvoir en
présence de ce carnage pantagruélique.
Les rivalités et le goût des batailles étant
enracinés trop profondément dans le cœur
humain pour qu'il soit possible de les en arra-
BAT
cher entièrement, Ch. Fourier, dans son Sys-
tème harmonien, a tourné habilement la diffi-
culté. Au lieu de prétendre étouffer les germes
d'émulation entre les différents peuples, il les
accepte, il les maintient, mais a la condition
d'en modifier complètement la nature et la
■direction ; en un mot, il met la caricature à la
place du drame, et métamorphose le sabre du
conquérant en une batte d'Arlequin. Il n'a pas
la prétention de supprimer les batailles ; mais
il veut que l'industrie, à laquelle la guerre
porte un coup mortel, en retire des fruits
utiles. Qu'on propose aux armées, pour prix
de la victoire, non plus une ville ou une pro-
vince, mais une palme pacifique pour la per-
fection dans un genre d'industrie quelconque.
C'est la donnée sur laquelle repose le principe
des expositions universelles, dont la vogue va
sans cesse en croissant, avec cette différence
que , dans les expositions , on récompense
plutôt les succès ayant rapport aux arts ou
ala partie artistique de l'industrie, tandis que
Fourier va chercher pour sujet de concurrence
une chose tout à fait commune. La grande
médaille d'honneur sera décernée au peuple
qui se sera le plus distingué... dans la confec-
tion des petits pâtés. Ecoutons l'Homère de
cette gastromachie, dont le champ de bataille
est Babylone.
« Soixante empires, qui veulent concourir,
ont apporté leurs matériaux, leurs farines et
objets de garniture, les sortes de vins conve-
nables à leurs espèces de pâtés. Chaque em-
pire a choisi les gastronomes et pâtissiers les
plus aptes à soutenir l'honneur national et à
faire triompher ses petits pâtés. Avant son
arrivée, chaque armée a envoyé les ingénieurs
disposer les cuisines de bataille. Les juges
siègent à Babylone et sont tirés, autant qu'il
se peut, de tous les empires du globe.
» L'armée, forte de 600,000 combattants et
de deux cents systèmes de petits pâtés, prend
position sur l'Euphrate, formant une ligne
d'environ cent vingt lieues, moitié au-dessus,
moitié au-dessous du fleuve. Avant l'ouver-
ture de la campagne, soixante cohortes de
pâtissiers d'élite se détacheront pour le service
de la haute cuisine de bataille du grand San-
hédrin gastrosophique de Babylone. C'est un
haut jury qui fait fonction de concile œcu-
ménique sur la matière. En même temps, on
détache des soixante armées cent vingt ba-
taillons de pâtissiers de ligne , qui se répartis-
sent par escouades, de chaque armée, pour
fabriquer les petits pâtés selon les instruc-
tions de leurs chefs. Chacune des soixante
armées se classe dans le centre ou aux ailes,
suivant la nature de ses prétentions.
L'aile droite en petits pâtés farcis. . , 20
Le centre en vot-au-vent à sauce. . . 25
L'aile gauche en mirlitons garnis. . . 15
60
L'affaire s'engage par des fourrés de l'un des
trois corps, soit de l'aile gauche sur les mirli-
tons qui sont dégustés à Babylone par le grand
Sanhédrin, On ne peut présenter au concours
plus de deux à trois systèmes par jour. La
dégustation deviendrait confuse si elle excé-
dait le nombre trois.
Au bout d'une semaine employée à la dé-
gustation des systèmes de l'aile gauche, le
Sanhédrin rend un jugement provisoire d'après
lequel les trois empires, France, Japon et
Californie, ont remporté un très-grand avan-
tage, et tels systèmes de mirlitons présentés
par eux sont admis provisoirement. »
Laissant de coté les détails de la bataille,
qui sont fort compliqués, nous passerons à
1 issue de la lutte gastrosophique.
« A la fin de la campagne, il y aura eu
vingt-cinq empires vaincus et trente-six triom-
phants, tin même empire peut réussir à faire
adopter deux ou trois espèces de sa compo-
sition, ce qui explique ce chiffre de soixante
et un, lorsque nous n'avons annoncé que
soixante empires prêts à entrer en lice, ou,
pour mieux dire, en fourneaux.
» Au jour du triomphe, les vainqueurs sont
honorés d'une salve d'armée. Par exemple
Apicius est vainqueur principal; on sert ses
petits pâtés au début du dîner. A l'instant les
600,000 athlètes s'arment de bouteilles de vin
mousseux, dont le bouchon ébranlé et contenu
par le pouce est prêt à partir. Les comman-
dants font face à la tour d'ordre de Babylone
et, au moment où son télégraphe donne le
signal du feu , on fait partir à la fois les
300,000 bouchons. Leur fracas, accompagné
des cris de vive Apicius! retentit au loin dans
les antres des monts de l'Euphrate. Au même
instant, Apicius reçoit du chef du Sanhédrin
la médaille d'or portant en exergue : i A Api-
» cius, triomphateur en petits pâtés à la ba-
il taille de Babylone, donnée par les soixante
> empires. » Leur nom est gravé sur le revers
de la médaille. »
Nous avons extrait presque en entier le
passage de la Bataille de Babylone du tome
deuxième du Traité d'association de Fourier,
en ayant soin de le rendre intelligible^ afin
que nos lecteurs puissent savoir à quoi s'en
tenir sur ce thème d'intarissables plaisante-
ries dirigées contre son inventeur. On voit
maintenant que, si le texte est original, bizarre,
excentrique, l'idée, au fond, n'est nullement
ridicule, etcependant des esprits sérieux, pre-
nant la chose au pied de la lettre , n'y ont
presque rien compris. Le P. Félix, dans une
récente conférence sur ou plutôt contre l'éco-
BAT
nomie politique, s'est trompé en attribuant
cette fantaisie à la science des Turgot, des
Smith et des Laboulaye, et plus gravement
encore dans l'explication qu'il a essayé d'en
donner. M. Henri Baudrillart, plaidant pour
l'économie politique contre l'orateur sacré, ne
voit dans la Bataille de Babylone qu'une bouf-
fonnerie rabelaisienne. Nous avons essayé de
démontrer à nos lecteurs que l'idée de Fou-
rier avait une portée véritable, sans toutefois
y ajouter, vu l'excentricité de la forme 3 plus
d'importance que Fourier lui-même, qui riait
le premier de sa bataille gastrosophique.
On le sait , ce rêveur pacifique soupirait
après une harmonie universelle. Or, qu'y a-t-il
de plus opposé à l'harmonie que la guerre, le
tumulte, le choc de deux armées et le chaos
des batailles ? Aussi Fourier dresse-t-il toutes
ses batteries contre l'ennemi, et comme le sé-
rieux lui paraît ici un pistolet de paille, il se
décide à s'armer des grelots de la Folie. Cette
tactique de guerre est un peu contre ses ha-
bitudes. Passons -lui donc cette fantaisie,
comme nous pardonnerions à un éléphant de
danser mal sur la corde. Son rire fait la gri-
mace : rire de philosophe, rire de réforma-
teur. Quoi qu'il en soit, on fait souvent, en
littérature, allusion à la bataille de Babylone.
Voilà pourquoi nous devions, dans cet ou-
vrage, quelque développement à cette bataille,
omise jusqu ici par tous les dictionnaires.
Bataille dcfl Vice* contre les Venus, pièce
satirique extrêmement curieuse et peu con-
nue, composée par le vieux Rutebeuf. Le-
grand d'Aussy nous a donné sur ce morceau
très-intéressant, non-seulement au point de
vue littéraire, mais encore au point de vue
politique et historique, de très-bons renseigne-
ments. « Cette pièce, dit-il, l'une de celles qui
parurent par milliers sous saint Louis, est,
ainsi que beaucoup d'entre elles, une satire
assez directe de sa personne et de son admi-
nistration. Elle attaque principalement les
tendances par trop dévotes du roi, et ses
sympathies pour l'ordre des dominicains et
des jacobins. » Un autre vieux poëme français,
le Nouveau Renard, contient également une
violente sortie contre ces deux ordres reli-
gieux, et surtout contre le premier. La Ba-
taille des Vices contre les Vertus , quoique
s'annonçant comme devant être très-violente,
est néanmoins plutôt conçue dans .le genre
ironique et badin. Legrand d'Aussy en cite un
assez long passage, qui faitallusion à l'empire
inquisitoria! et tyrannique que les membres
des deux ordres exerçaient dans les familles
etsurtout danslemidi delà France. Croyaient-
ils avoir a se plaindre de quelqu'un, ils le dé-
nonçaient comme hérétique, et le malheureux
était perdu. C'est ce. que le poète désigne par
ces langues affilées, dont les reproches ont
des suites si dangereuses ; c'est ce qu'il indique
par l'empressement affecté qu'on montrait à
les accueillir, à leur offrir des présents pour
se les rendre propices.
Bataille des sept nrts, ancien poème fran-
çais par Henri d'Andeli. Legrand d'Aussy en
a donné une analyse détaillée dans les notices
et extraits des manuscrits. « Quoique ce poëme,
dit-il, publié sur le déclin du sm« siècle, soit
piquant par la nature du sujet qu'il traite et
par le bon goût que l'auteur annonce dans
son épilogue, le style en est si obscur, qu'il en
devient presque énigmatiquo. D'ailleurs, tous
ses détails tiennent à l'état où se trouvaient
alors les études en France ; et si l'on ne con-
naît ce qu'étaient à cette époque l'enseigne-
ment etles_sciences, il est très-difficile de le
suivre. C'est une fiction critique et satirique,
comme on en faisait tant- alors, qui s'attaque
exclusivement à l'organisation absurde de
l'université de Paris. » L'auteur insiste princi-
palement sur les dissensions et les discordes
scolastiques qui éclatèrent, entre elle et l'uni-
versité d'Orléans. Le poète, usant de ces per-
sonnifications abstraites, si en faveur à cette
époque, suppose que Logique et Grammaire
entrent en guerre. Chacune d'elles, de son
côté, l'une à Orléans et l'autre à Baris, forme
une armée de ses adhérents et de ses vas-
saux. Elles se livrent bataille, et le succès du
combat est tel, que l'auteur se voit forcé d'en
gémir. Dans les deux camps figurent tous les
grands noms littéraires de l'antiquité, et cha-
cun lutte pour le triomphe de sa cause. Ce
récit est plutôt curieux que réellement inté-
ressant.
Bntnliie navale (en espagnol, la Batalla
naval), comédie de Cervantes, dont le texte,
ainsi que celui de la Gran Turquesca et de
Jérusalem, n'est pas parvenu jusqu'à nous.
Ces diverses pièces ont été composées et re-
présentées en 1584. La perte de la Bataille
navale est d'autant plus regrettable que, sui-
vant la judicieuse observation de Ticknor
(History ofispanish literature , New- York,
1849, 3 vol. in-8°), cette pièce était une mise
en scène fort dramatique du célèbre combat
naval de Lépante, dans lequel Cervantes eut
la main gauche fracassée par un coup de feu.
Ainsi que l'auteur nous l'apprend dans le
Prologue de ses comédies publiées en 1615, à
Madrid, chez le libraire Juan de Villaroel, la
Bataille navale fut représentée, pour la pre-
mière fois, dans cette ville. C'est dans cette
comédie que Cervantes se hasarda à réduire
à trois le nombre de cinq journées, qui formait
la division habituelle des œuvres théâtrales.
Cette heureuse innovation a été adoptée de-
puis par tous les écrivains dramatiques de
l'Espagne.
BAT
343
Bataille des livres (la), écrit satirique, de
Jonathan Swift. Le chevalier Temple, pro-
tecteur et ami de Swift, avait publié un essai
en faveur des anciens, au moment le plus
animé de la grande querelle qui divisa les
esprits , pendant une partie du xviie et du
xvinc siècle. Wotton répondit dans un opus-
cule, auquel le célèbre Bentley ajouta un ap-
pendice, dans lequel il s'efforçait de discré-
diter Esope etPhalaris, que le chevalier avait
fort vantés. Charles Boyle, depuis comte
d'Orery, auteur d'une nouvelle édition de Pha-
laris, riposta avec autant de verve que d'éru-
dition, et Bentley répondit à son tour par un
lourd et indigeste volume. C'est alors que ■
Swift se jeta dans la mêlée, et, de sa plume la
plus mordante, défendit à la fois les anciens
et son ami le chevalier, en publiant cette pi-
quante boutade, sous le titre de : Récit véri-
table d'une bataille entre les livres anciens et
modernes, donnée vendredi passé dans la bi-
bliothèque de Saint-James.
Voici la fiction que suppose Swift pour
entrer en matière :
Boyle, le bibliothécaire royal, champion des
modernes, opéra un jour une révolution dans la
bibliothèque de Saint -James. Les anciens
avaient occupé jusque-là les plus beaux ap-
partements; ils cédèrent en partie la place
d'honneur aux modernes. L'anarchie fut au
comble sur les rayons de la bibliothèque,
quand Aristote se vit le voisin de Descartes,
et Virgile celui de Dryden. Un premier débat
n'aboutit qu'à faire déclarer une guerre en
règle. Les deux armées se rangent en bataille.
Survient un apologue en action, qui se passe
dans l'angle d'une fenêtre: c'est une araignée
et une abeille qui récriminent sur leurs dé-
fauts respectifs et font valoir leurs qualités.
Esope interprète cet apologue ; la dispute des
deux insectes est exactement celle des anciens
et des modernes. L'araignée représente les
modernes avec leurs prétentions e\, leurs pa-
radoxes; l'abeille, image de l'activité indus-
trieuse, façonne, comme les anciens, le miel
et la cire, la douceur des mœurs et les lumiè-
res de l'esprit. Le discours d'Esope soulève
un immense tumulte, et les adversaires en-
trent en campagne. Rien de plus plaisant que
les commandements donnés par Swift aux
généraux et capitaines qu'il range en bataille,
et que les ressorts comiques dont il se sert.
Les noms et les fonctions les plus disparates,
les épithètes homériques s'adaptant à des
fiersonnages français ou anglais, les dieux de
a mythologie se rencontrant avec les héros
modernes , des allusions malicieuses , des
louanges spirituelles, des antithèses dramati-
ques, des épisodes burlesques, des armes dont
le choix symbolise les défauts ou les qualités
des caractères , des péripéties habilement
échelonnées, tels sont les ingrédients de cette
épopée tragi-comique, dont le dénoûment est
contraire à la vérité.
La Bataille des livres est un modèle d'ima-
gination , de plaisanterie et de bon sens.
= Swift, dit M. H. Rigault, sema dans la dis-
cussion un grand nombre d'idées justes et
spirituelles, sur l'obligation pour la vraie cri-
tique de savoir admirer les beautés ; sur la
nature de la poésie méconnue par Fontenelle ;
sur l'imitation confondue avec la servilité, par
les copistes des anciens; sur l'interprétation
des textes antiques, où l'érudition hasardeuse
de- Bentley avait introduit des nouveautés
téméraires. »
On revoit dans cette oeuvre tous les traits
caractéristiques du style de Swift, ce condot-
tiere de la satire, marchant à la guerre poli-
tique, religieuse ou littéraire, avec un sang-
froid, une adresse et une sûreté de coup d'œil,
un mépris superbe de ses adversaires et un
approvisionnementde projectiles, qui devaient
ramener la victoire. Le Lutrin de Boiieau met
aussi en scène un combat où les livres ser-
vent d'armes aux acteurs de la lutte; la
Bataille imaginée par le doyen de Saint-Pa-
trick n'a qu'une analogie très-éloignée avec
l'épisode si connu du Lutrin. Swift ne plai-
sante guère à la manière de Despréaux ; sa
verve emporte toujours le morceau ; mais son
imagination est d'une fécondité inépuisable.
S'il entre en campagne , c'est pour frapper
d'estoc et de taille. L'expression chez lui, nue
et simple, est la servante docile de l'idée.
« Cette charmante bouffonnerie , a dit
M. Mézières, parodie plaisamment les formes
épiques; la satire porta ses fruits, et les
rieurs, qui s'étaient rangés d'abord du côté
des modernes, dont le talent et l'esprit défen-
daient admirablement la cause, ne tardèrent
pas à passer dans le camp opposé. »
Bataille d'ilermnnn (la), poème drama-
tique de Klopstock. Les poëmes dramati-
ques de Klopstock, qui sont au nombre de six,
conviennent plutôt à la lecture qu'à la scène.
On ne saurait y méconnaître la manière large
de l'auteur de la Messiade, mais l'inspiration
du poëte lyrique ne pouvait se faire aux en-
traves d'une action réglée par la logique. La
Bataille d'Hermann, Hermann et les princes,
la Mort d'Hermann sont des sujets nationaux,
qui se lient ensemble en une espèce de trilogie.
Klopstock appelle ces drames des baraits,
voulant indiquer par cette dénomination qu'il a
cherché à y reproduire la manière des anciens .
bardes. Dans son premier bardit, il peint la dé-
faite de Varus dans la forêt de Feutobburg;
dans le deuxième , il célèbre l'assaut que les
Germains donnèrent au camp des Romains com-
mandés par Caccina ; dans son troisième, enfin,
344
BAT
il chante la mort d'Hermann, assassiné par
les princes de la Germanie jaloux de son pou-
voir et de sa gloire. Ces trots compositions
sont écrites en prose, mais elles sont fréquem-
ment entremêlées de chants lyriques auxquels
on ne peut refuser ni l'élévation, ni l'harmo-
nie. Gluck en a mis quelques-uns en musique.
Mme de StaCl, qui, dans son livre sur l'Alle-
magne, a porté à la légère tant de jugements
erronés, a prétendu que les souvenirs invo-
qués par Klopstock n'avaient presque aucun
rapport avec la nation actuelle. « On sent,
dit-elle, dans ces poésies, un enthousiasme
vague, un désir qui ne peut atteindre son but,
et lu moindre chanson nationale d'un peuple
libre cause une émotion plus vraie. Il ne reste
guère de traces do l'histoire ancienne des
Germains. L'histoire moderne est trop divisée
et trop confuse pour qu'elle puisse produire
des sentiments populaires : c'est dans leur
cœur seul que les Allemands peuvent trouver
la source des chants vraiment patriotiques. » Il
faut ajouter, a l'excuse de Mm« de Staël, qu'a
l'époque où elle écrivait ces lignes, elle n'avait
pu encore constater l'effet foudroyant produit
par les drames de Kleist et de Grabbe. V. les
deux articles suivants.
Bniniiio d'ilcrmonn (la), drame héroïque
de Henri de Kleist. Henri de Kleist, qu'il ne
faut pas confondre avec son homonyme
Chrétien Ewald de Kleist, est une des figures
les plus caractéristiques du commencement
de ce siècle. Né le 10 octobre 1776, à Franc-
fort-sur-1'Oder, il lit une campagne contre la
France, et rentra, en 1799, à Berlin, pour
occuper un emploi au ministère du commerce.
11 avait mené de front les études littéraires et
celles du droit ainsi que des sciences admi-
nistratives, aussi ses capacités le désignèrent-
elles h ses chefs- pour une mission diploma-
tique à Paris. Kleist partit tout joyeux de voir
la capita'e de la France et le centre de tant
de gloires et d'illustrations ; il y passa un an,
et revint en Allemagne par la Suisse; mais à
peine était-il dô retour à Dresde, qu il reçut
de nouveau l'ordre de se remettre en route
pour Paris. Cette fois son enthousiasme s'était
singulièrement refroidi. Il avait vu et jugé
de près ce qu'il avait admiré de loin, a L'im-
pudente ambition, dit un de ses biographes,
qu'il ne faudrait pas prendre au pied de la
lettre , la morgue hautaine , les exigences
de plus en plus impérieuses de Napoléon ,
et plus encore le mépris que son gouver-
nement , après avoir leurré , trompé , dés-
honoré et réduit au rang de complice le gou-
vernement prussien, laissait percer et pour
le caractère moral et pour la valeur maté-
rielle de cette puissance, ne pouvaient que
blesser profondément un enfant de la Prusse. »
Kleist quitta Paris en 1S00, quand une rupture
entre Napoléon et Berlin fut devenue immi-
nente. Jusqu'à la bataille d'Iéna et l'occupa-
tion si prompte de Berlin, qui en fut la suite,
il conserva son poste au ministère; mais alors
il se retira à Kœnigsberg. Son départ fut re-
gardé par les vainqueurs comme une pro-
testation contre leur triomphe. Napoléon, qui
exigeait que tous les fonctionnaires restassent
à leurs places dans les pays conquis, jusqu'à
ce qu'il eût eu de quoi refaire une nouvelle
organisation, fit saisir Kleist, qui fut dirige
vers la France et retenu prisonnier, d'abord
au fort de Joux, puis à Chalon-sur-Saône.
Il nous fallait donner tous ces détails et rap-
peler ces événements de la vie du poète alle-
mand, pour que l'on comprit la portée de son
drame la Bataille d'Hermann , pour qu'on en
saisit le vrai sens et qu'on vit clairement les
causes qui l'ont inspiré. C'est dans sa capti-
vité, sans doute, que son patriotisme prit le
caractère d'une exaltation furieuse et éche-
velée. Son esprit s'assombrit, son caractère
s'aigrit , il devient mélancolique et misan-
thrope. La paix de Tilsitt le rendit à sa patrie ;
pendant un an, il resta à Prague, se livrant
à des travaux littéraires et rédigeant, avec
son ami Adam Muller, nn journal intitulé
Phébus. La guerre avec la France avait re-
commencé. Il n'hésita pas a marcher contre
celui qu'il s'était étudié à haïr; mais la ba-
taille de Wagram et la paix de Vienne le
firent rentrer à Berlin. Son exaltation était
allée croissant; il était mécontent de l'uni-
vers entier, et, malade d'orgueil, il croyait
son talent méconnu. La femme d'un négociant
de Berlin, tout aussi romanesque que lui, avait
quitté son mari et sa famille pour le suivre ;
mais, atteinte d'une maladie incurable, elle
lui fit jurer, dans un moment-de soutfrance et
de désespoir, qu'il lui donnerait une dernière
marque d'amour en la délivrant de cette vie
douloureuse qui lui pesait tant. Le 21 novem-
bre 1811, dans un bois auprès de Sans-Souci,
Kleist accomplit son horrible promesse, et se
tua après.
On a voulu trouver chez Kleist des qualités
communes avec J.-J. Rousseau et André Ché-
nier; tout en ayant quelque chose de la sen-
sibilité de l'un et de la tendresse de l'autre,
il n'a pourtant ni la persuasion, ni la convic-
tion, ni la portée philosophique de Rousseau,
et encore moins l'exquise poésie de Chénier.
Plus qu'aucun autre, il possède la verve et la
fougue. Son talent s enflamme et s'indigne, et
sait communiquer ses sentiments au lecteur
ou au spectateur. Un critique a dit que la
Bataille d'Hermann est comme une Marseil-
laise dans de gigantesques proportions. Ce
drame, en effet, a été inspiré à Kleist par la
situation désespérée dans laquelle se trouvait
BAT
sa patrie; c'est un appel aux armes, dâgiàsé
sous un sujet antique. L'allusion , d'un bout
à l'autre , est si transparente , que jamais ,
de son vivant, Kleist ne put faire imprimer
sa pièce, Klopstock n'avait vu dans ce sujet
qu'un prétexte à faire revivre les anciens
chants des bardes qu'il avait , à cette occa-
sion, fort heureusement imités. Le but de
Kleist fut tout autre; peu lui importait de
peindre fidèlement les mœurs et les coutumes
d'un autre temps; il voulait, avant tout, mettre
en scène des sentiments , dans ce miroir du
passé, il voulait faire reparaître l'image de
son temps; sa propre indignation, sa propre
colère circulent dans toute la pièce. Il est
certainement choquant de voir les Germains
du siècle d'Auguste avoir les idées et le ton
des Allemands du xixe siècle ; mais on est
enlevé par la passion poétique, la hardiesse
et quelquefois le grandiose du plan. Quintilius
Varus occupe, avec ses légions, la Germanie.
L'insolence et les exactions des Romains, la
perte aussi de leur indépendance exaspéraient
de plus en plus les peuples soumis. De tous
les côtés éclataient des insurrections. Ségeste
seul, chef des Cattes, était resté fidèle à Va-
vus et dénonça au général le plan d'une vaste
conspiration qui se tramait contre lui, mais la
présomption et la légèreté de Varus lui firent
négliger cet avis, et Hermann ou Arminus, le
chef des Chérusques, redoubla de soins au-
près de lui pour dissiper ses doutes, en por-
tant son attention sur les troubles qui. ve-
naient d'éclater sur les bords du Wéser et que
Hermann, de concert avec Marbod, le roi des
Suèves, avait excités. Son but d'attirer l'ar-
mée romaine de plus- en plus en avant dans
la Germanie fut pleinement atteint ; tous les
jours Varus s'éloignait davantage du Rhin.
Enfin, arrivés dans la forêt de Feutobourgj
les historiens disent près des sources de Ta
Lippe, dans le pays des Bructères, les Ro-
mains furent entourés dans un vallon et ex-
terminés par les Germains. Varus lui-même,
qui n'avait que vingt-six ans, avait péri.
Kleist a admirablement saisi ce sujet de
la délivrance de la patrie par Hermann pour
en faire application au temps dans lequel il
vivait. Dans chaque scène , des allusions
tombent comme des coups de massue. Il a
tout naturellement embelli le caractère 'de
son héros , que l'histoire ne représente pas
sous des couleurs aussi favorables ; il s est
appliqué à faire ressortir sa haine impla-
cable pour les oppresseurs de sa patrie ,
sa prudence , sa ruse en accord avec sa
loyauté et sa bravoure. Il fait conduire un
des Romains au supplice en lui lançant cette
terrible apostrophe : »Tu sais ce qui est juste,
et tu es venu en Germanie, sans être offensé,
pour nous opprimer ! « L'orgueil et la nullité
du chef romain sont aussi fort adroitement
dépeints ; mais ici l'allusion manque en partie
de justesse. On est encore choqué par les ex-
pressions triviales ou familières dont se servent
les héros ; on est habitué à voir l'antiquité dans
un costume poétique fort élégant, et l'auteur
lui fait parler un langage qu'elle n'a jamais em-
ployé. Kleist, a dessein peut-être, a voulu rom-
pre avec cette habitude; peut-être aussi ne
s'est-il laissé emporter que par son sujet. Une
des scènes originales de la pièce, qu'on ne peut
laisser passer inaperçue, est celle où Varus,
dans la forêt de Feutobourg, quelques heures
avant le combat, rencontre une vieille sor-
cière ou reine. Il lui demande d'où il vient,
où il va et où il est, et trois fois la vieille lui
répond : Tu viens du néant, tu vas dans le
néant ; tu es à deux pas du néant.
Encore aujourd'hui, la jeunesse enthousiaste
de l'Allemagne relit le drame de Kleist, que
sa sainte indignation a rendu populaire plus
que le talent qu'il a mis à son service.
Bataille d'Hermann (la), drame patriotique
de Grabbe, où l'on distingue l'enthousiasme,
l'ardeur etlafougued'imaginalion qui sont par-
ticuliers à cet écrivain. A côté de défaillances
inexplicables, d'une lourdeur de style cho-
quante, on ne peut qu'admirer l'énergie et la
grandeur des caractères, l'originalité de la con-
ception. Grabbe, sans contredit, aurait été dans
les temps modernes le premier des poëtes dra-
matiques de l'Allemagne, si des excès n'avaient
pas ruiné sa santé, et amené une nlort préma-
turée à l'âge de trente-cinq ans (1836). Ses œu-
vres se sont également ressenties de ce vice, et
il leur manque le calme, cette sérénité de l'àme
qui est le cachet de la vraie poésie. Tout chez
Grabbe semble inachevé, figure, style, plan,
comme si, de temps en temps, des nuages
avaient obscurci la perspicacité de son intel-
ligence. Il affectionnait le drame historique,
et ses nombreuses productions dans ce genre
ont toutes une certaine valeur. Napoléon et
les Cent jours, Hannibal, les HohensU'.ufen,
Henri IV, Frédéric JJarberousse, tout en étant
inférieurs à la Bataille d'Hermann, que le
souffle patriotique anime de la première a la
dernière scène, peuvent encore aujourd'hui
être lus avec intérêt et plaisir.
Lohenstein, un des plus vieux auteurs de
tragédies allemandes, a traité le même sujet,
mais avec une monotonie et une froideur telles
qu'un invincible ennui est la seule impression
j que son œuvre produit. Il en est de même de la
pièce de Jean-Elie SchlegeL, l'aîné des trois
frères, et dans laquelle le même héros, si cher
aux Allemands, joue un rôle qui n'a pas le
don d'enthousiasmer le public.
Bataille d'ilaaiings, poème épique anglais
en deux chants, par Chatterton. On sait que,
BAT
sous ce titre, Chatterton écrivit deux poèmes
tout deux inachevés, mais dont le second,
bien supérieur au premier, est un des plus
curieux et des plus beaux morceaux delà lit-
iirature anglaise. Ce popme, que Chatterton
publia sous le pseudonyme du moine Rowley,
est écrit en anglais du xvc siècle, et témoigne
d'une érudition prodigieuse chez un poète de
seize ans, qui devait joindre à des lectures
françaises une profonde connaissance des
traditions saxonnes. «Que d'historiens, dit
M. Alfred de Vigny, depuis Mme de Longue-
ville jusqu'au sire de Saint-Valéry : levidame
de Patay, le seigneur de Picquigny , Guil-
laume des Moulins, queStowe appelle Mouli-
nnus, et le prétendu Rowley , du Mouline, et
le bon sire de Sanceaulx, et le vaillant séné-
chal de Torcy, et le sire do Tancarville, et
tous nos vieux faiseurs de chroniques et d'his-
toires mal rimées, balladées et versicotées!
C'est le monde à'Ivonfioe. » Rien do plus émou-
vant, que le début simple et antique de la Ba-
taille d'Bastings. C'est un vieux moine saxon
qui parle, prêtre pieux et sauvage, révolté
contre le joug normand. « 0 vérité ! s'écrie-t-
il, immortelle fille des eieux, trop peu connue
des poètes de nos jours, uppremis-moi, belle
sainte, à honorer tes perfections, à blâmer un
frère et à donner des louanges à un ennemi.
La lune inconstante, embellie de rayons ar-
gentés et menant à sa suite les étoiles à la
faible lumière, jetait un regard fier sur ce
bas monde, qui semblait douter que ce fût la
nuit. Elle aperçut debout, et couvert d'une
armure sanglante, le roi Harold, le désespoir
et l'orgueil de la belle Angleterre. ■ Chatter-
ton avait puisé dans ses études historiques un
amour profond de la vieille Angleterre : sa
haine contre les nobles, son' mépris pour la
l'ace normande, dataient de Guillaume le Con-
quérant; car lui, enfant du peuple, il apparte-
nait à la race conquise. Aussi, malgré son
invocation à la Vérité, il n'a pas voulu chan-
ter la victoire des Normands; cette vérité, il
n'a pu la dire; deuxjbis la plume est tombée
de ses mains. On remarquera que s'il y a
quelque part une épithète odieuse à donner,
c'est presque toujours sur un Normand qu'elle
tombe. Pendant tout le cours du poème, les
deux races se mesurent. La flèche normande
heurte la cotte de maille saxonne. « Que le
jeune Harold est donc beau dans sa force et
sa rudesse. Guillaume le voit et s'élance en
chantant l'air de Roland. » C'est ensuite le
sire de Châtillon qui attaque le earl Aldhelme,
le sire de Torcy tue Hengist. La France
inonde la vieille île saxonne ; la face de l'île
est renouvelée, sa langue changée; a et, dit
Alf. de Vigny, ce n'est plus que dans quelques
vieux couvents que restent quelques vieux
moines, pour gémir et prier auprès des statues
de pierre des saints rois saxons, dont chacun
porte une petite église dans sa main. » Ce
poëme, pour nous résumer, rappelle l'énergie
des anciens bardes bretons. Le poète, dans la
Bataille d'IIastings, semble avoir recueilli le
dernier souffle des héros.
Bniaiiie de Dcnnin (la), opéra-comique en
trois actes, paroles de Théaulon, Dartois et
Fulgence , musique de Catrufo, représenté à
Feydeaule 24 août 1816. C'est une pièce de cir-
constance faite à l'occasion de la fête du roi ;
aussi est-elle remplie d'allusions des plus trans-
parentes. Comme dans toutes les compositions
de ce genre, le livret est fort insignifiant et
n'offre aucun intérêt. En voici le sujet: Un
vieux'gentilhomme, qui vit retiré dans son châ-
teau^ une nièce recherchée à la fois par trois
prétendants -, l'un d'eux , qui est préféré , a
malheureusement été fait prisonnier, mais il
trouve moyen de s'échapper le matin même
de la bataille de Denain ; il s'y couvre de
gloire, et il finit par obtenir la main de celle
qu'il aime. D'après les journaux du temps, les
auteurs ayant eu l'adresse de prodiguer des
noms qui commandaient le respect, aucun
signe de défaveur n'osa se manifester malgré
l'ennui général. La musique de Catrufo n'est
pas sans mérite. Son style témoigne des bonnes
études qu'il avait faites à Naples, où les tra-
ditions des Scarlatti, des Jomelli, des Durante
étaient encore dans toute leur force. A l'excep-
tion de Félicie ou la Jeune fille romanesque,
opéra-comique qui précéda celui de la Bataille
de Denain, les œuvres dramatiques de Catrufo
sont tombées dans l'oubli ; on ne connaît plus
de cet auteur que ses Solfèges progressifs et
ses Vocalises.
Bnlnillc de dames OU un Duel en amour,
comédie en trois actes, en prose, de MM. Scribe
et Legouvé, représentée pour la première fois,
à Paris, sur le théâtre de la République, le
17 mars 1851.
Nous .«ommes en octobre de l'année 1817,
et la police de S. M. Louis XVIII fait une rude
guerre aux bonapartistes. Un jeune officier
de l'empire, Henri de Flavigneul, poursuivi
comme chef d'une conspiration tendant a
ramener sur le trône celui qu'on appelait l'ogre
de Corse, s'est réfugié aux environs de Lyon
chez une amie de sa famille, une royaliste
éprouvée, et, par-dessus le marché, enragée
Vendéenne, la comtesse d'Autreval, née Ker-
madiô. Henri de Flavigneul prend le nom de
Charles et se cache sous la livrée d'un valet
de chambre. Toutefois, il conserve des façons
de s'exprimer qui révèlent à chaque instant
son éducation, et Léonie, jeune fille de dix-
huit ans, nièce de la comtesse, a déjà fait plus
d'une remarque à ce sujet. Un jour qu'on l'a
chargé d'accompagner à cheval cette demoi-
BAT
selle, qui s'ennuie à mourir dans le chatean de
sa tante, le pseudo-Charles lui révèle son vrai
nom , mais il ne le fait qu'après avoir sauvé
la vie à Léonie, dont la ponette s'est emportée
à travers bois avec beaucoup d'à -propos.
Après quoi l'heureux gaillard se voit aimé,
non-seulement de la nièce , mais de la tante.
De ces deux dames, l'une ayant dix-huit ans.
et .''autre trente, qui aura la pomme? Après
avoir indiqué la situation, les auteurs se son(
bien gardés de l'attaquer de front. Là cepen-
dant était la lutte, ainsi que l'a fait remarquer
M. Théophile Gautier, là était le véritable
intérêt de la comédie. « La jeunesse a pour
elle la candeur, la grâce timide , le regard
ingénu, la bonne et honnête rougeur virginale,
l'indéfinissable charme des aurores; bref, la
jeunesse a la jeunesse. L'âge mûr, par cela
qu'il est mûr, a l'expérience, la ruse, le calcul,
l'aplomb, la coquetterie, toutes les qualités
étoffées et savantes. Agnès, avec sa petite
guimpe proprement plissée, triomphera-t-elle
de l'opulente Célimène qui met à l'air ses dia-
mants et son esprit? Grave question ! » Ici les
auteurs s'arrêtent pour présenter au public lo
préfet parvenu Montiicnard, qui, après avoir
été le. citoyen Montrichurd, procureur de la
République, puis M. de Montrichard, ex-fonc-
tionnaire de 1 Empire, est devenu simplement,
En disant au soleil du cœur et de la bouche.
Bonjour quand il se love, adieu quand il se couche,
est devenu le baron de Montrichard, préfet de
S. M. Louis XVIII. Le sieur Montrichard est
toujours dévoué, sincèrement dévoué, éter-
nellement dévoué, corps et âme dévoué à
tous les gouvernements... établis, qu'il sert
d'autant mieux qu'il veut faire oublier les
services rendus aux gouvernements leurs pré-
décesseurs. Ce type d'ambitieux subalterne,
glissant comme une couleuvre à travers tous
Tes régimes, ce type d'égoïste futé appartient
à la famille des personnages de Scribe. Le
Gymnase l'a vu cent fois dans ses vaudevilles
administratifs et diplomatiques. Balzac com-
prenait différemment les rages sourdes de
l'ambitieux : qui ne se rappelle le duel contre
le pouvoir de Z. Marcos au fond de sa man-
sarde, et le dramatique récit du fameux abbé
Carlos Herrera ? Le baron de Montrichard
veut signaler son installation comme préfet
par quelque action d'éclat, et l'idée de décou-
vrir un cnef de conspirateurs le met en verve.
Il arrive au château d'Autreval, moins en fonc-
tionnaire administratif qu'en gendarme. Mis
sur la piste du jeune officier, il vient le cap-
turer de ses propres mains, de ses mains pré-
fectorales. Le danger que court le proscrit
fait tomber la rivalité des deux femmes , car
il faut, avant tout, que celui qui est aimé ait la
vie sauve ; c'était aussi l'opinion de la matrone
d' Ephèse :
Mieux vaut goujat debout qu'empereur enterre1.
Le^terrain de la lutte se déplace donc.
Qui l'emportera de Montrichard ou des deux
châtelaines? qui l'emportera de la gendar-
merie ou de l'amour? Le secret de la co-
médie est ici le secret de Polichinelle; sans
être aussi fort que M. Dennery en l'art de
nouer et de dénouer une action, on devine du
premier coup que la comtesse aura gain de
cause sur le gros préfet, bouffi do platitude et
d'ambition, et les péripéties qui retardent son
triomphe sont pour l'intelligence du specta-
teur des subtilités illusoires. Mais n'oublions
jamais, quand nous sommes en présence do
M. Scribe, que M. Scribe est par excellence
l'homme des petits moyens, un architecte Je
châteaux de cartes, un enfileur de pois par des
trous d'aiguille. M. Scribe est à la scène ce
que M. Horace Vernet est à la peinture et
M. Thiers à la politique , s'écrie quelque paît
M. Théophile Gautier : l'homme de l'à-propos,
clair, rapide, stratégiste consommé dans le
médiocre et l'inférieur, subtil en ressources
dans la microscopie de l'intelligence. Aidé do
M. Legouvé, qui passe comme lui pour un
homme de beaucoup d'esprit , Scribe a usé et
abusé, dans Bataille de dames, de ce mari-
vaudage bourgeois, moins la fantaisie, qui
peut-être a fait le succès de ses pièces. Des
scènes combinées amenant des effets à res-
sorts dramatiques comme des tabatières h
surprise , voilà ce qui constitue cette entente
du théâtre dont on tait honneur à Scribe.
Mais est-ce là l'entente théâtrale de Molière,
si puissante et si large, et la langue verbeuse,
incolore et commerciale de Bertrand et Bâton
peut-elle remplacer les concetti raffinés et le
babil étincelant des Jeux de l'amour et du
hasard? « Quand un mot a longtemps traîné,
dit M. Théophile Gautier, M. Scribe le ra-
masse. 11 doit avoir quelque part un tiroir
d'épigrammes numérotées et un carton de
saillies mises au net, car ses pièces ressemblent
beaucoup au cahier d'expressions que les
pioeheurs font dans les collèges. Il nous a
toujours paru un provincial élégant, qui, de
retour de Paris, tourne la tête des héritières
de sa sous-préfecture avec des gilets achetés
passage du Saumon. Aux gens habillés à la
mode de l'an dernier, nous préférons les gens
habillés à la mode de demain. » Une clirse
frappe tout d'abord lorsqu'on a considéré sous
ses trois ou quatre aspects l'immense réper-
toire de Scribe , c'est qu'aucun type de femme
n'a été créé par lui, et qu'aucune figure ne
surnage parmi tous ses héros. La raison en
est bien simple. Il manque la vie dans la poi-
trine de tous ces mannequins dramatiques qui
ne tiennent debout que par un mécanisme
BAT
habilement dissimulé : une fois le ressort qui
les pousse usé, ils retombent dans le néant.
L'auteur n'a pas su leur communiquer l'étin-
celle. Les deux femmes de Bataille de dames
ressemblent à toutes les femmes de Scribe':
des poupées à ressort qui ouvrent et ferment
les yeux h commandement, dont le sourire est
figé sur les lèvres avec une honnête retenue.
Il rôde, à. travers l'action, un certain Gustave
de Grignon , maître des requêtes au conseil
d'Etat, confident ahuri, amoureux dont les
calculs étroits servent à point nommé l'évasion
de l'officier bonapartiste. La comtesse l'engage
à s'habiller en domestique et à se faire arrêter
au lieu et place du vrai proscrit. Ce Pythias
grotesque se prête à ce manège avec des
terreurs assez drôles. Il serait difficile, d'ail-
leurs, de trouver une deuxième édition de ce
niais , de ce sigisbée prêt à faire tout ce que
lui demande la dame de ses pensées, et qui, à
l'école de Scribe, li'a même pas été initié aux
réserves rhétoriciennes que, sait par cœur Dia-
foirus fils, Thomas Diafoirus : « Distinguo,
mademoiselle. Dans ce qui ne regarde point la
possession de celle qu'on aime, conr.edo ; mais
dans ce qui la regarde, nego. » A la bonne
heure voila qui est parlé. Les sigisbées de
M. Scribe, ignorant jusqu'à l'existence de ces
syllogismes, donnent dans le piège comme des
oiseaux béjaunes. Ecoutons, à ce propos,
M. Matharel de Fiennes, cet écrivain délicat
trop tôt ravi à la critique. « Un sigisbée, c'est
l'être greffé. 11 n'est plus lui, mais un mélange
de lui. Observez-le bien ; petit à petit sesgestes
changent, il prend ceux de la personne aimée;
sa voix se modifie, elle s'est mise à l'unisson
de la voix qui chante dans son cœur. Ses
traits, par une espèce de répercussion phy-
sique, arrivent à se modeler sur ceux de l'objet
adoré ; ses yeux, constamment fixés Sur d'au-
tres yeux , prennent l'expression même qui
les fascine. L'impression morale étant sans
cesse la même, la physionomie du visage
devient pareille , c'est la l'affaire du temps. »
La comtesse propose donc à M. de Grignon
d'endosser le costume de valet; « or, ajoute
M. Matharel de Fiennes , le sigisbée a une
moitié de lui-même très-brave, et une autre
moitié peu valeureuse : par le côté valeureux,
il procède de sa mère, qui était une Ven-
déenne; par le côté prudent, il tient de son
père, qui passait pour un administrateur con-
sommé. A la proposition de Mme d'Autreval,
c'est le côté ou père qui se présente; mais la
comtesse a tant d'esprit, qu'elle agit sur le côté
maternel. M. de Grignon endosse donc la
livrée. »
De son côté, le préfet Montrichard se laisse
poser sur les yeux les petites mains de ces
dames avec une complaisance exceptionnelle.
Notre homme, imitant ces excellents pères de
famille qui vont prendre auprès des portiers
des renseignements sur la vie de jeune homme
de leur futur gendre, interroge les domesti-
ques du château et leur graisse la patte au
besoin. C'est surtout au proscrit lui-même,
déguisé en valet, qu'il s'attache. Il fait le gros
dos, ronronne et se frotte les mains, croyant
l'avoir gagné par l'appât de vingt-cinq louis
bien luisants et bien sonnants. Un moment il
jouit de son triomphe. Mais le maître des
requêtes, le jeune Grignon, arrêté à la place
Je Henri, celui-ci prend la fuite. Il ne tarde
pas à revenir recevoir des mains du préfet
vaincu une ordonnance d'amnistie. Cette or-
donnance, signée tout exprès pour les besoins
du dénoûment, permet à Henri délivré d'épou-
ser Léonie. La jeunesse l'emporte: M""J d Au-
treval, malgré son dévouement, ses ruses, son
esprit et son amour, apprend à la fin, que pour
gagner, il ne suffit pas de bien jouer, et que
trente ans n'en valent pas dix-huit dans
l'arithmétique de l'amour. « Il faut avoir
les as et les rois pour gagner, dit Montri-
chard. — Le roi surtout.!.., dans les batailles
de dames , » répond la comtesse en regardant
avec émotion le bel Henri, qui lui échappe.
— Ainsi se termine cette comédie faite de
petits moyens , bourrée de petites malices ,
piquée de petits mots. Son style flasque, co-
tonneux et sans relief, n'a nullement empêché
le succès d'être très-grand et très-vif. Il y a
cela de bon lorsqu!on est aux prises avec un
canevas de Scribe, que l'on sort enchanté de
comprendre les allusions transparentes , et
que le spectateur quitte la salle très-charmé
sur son propre esprit, dont il fait, du reste,
les honneurs à l'écrivain avec une grâce re-
connaissante. La poétique de Scribe n'a
pas d'ailes, elle rase le sol, et est ainsi on
ne peut plus sûre de se trouver en pays de
connaissance. Le bourgeois qui a payé sa
stalle n'en demande pas davantage ; il ap-
plaudit parce qu'il comprend tout jusqu'à la
moindre syllabe, et que le festin ne dépasse
pas ses capacités absorbantes et digestives.
Mais qu'il soit permis aux lettrés d'être plus
exigeants, et, tout en rendant justice à de
rares qualités dramatiques, d'aimer mieux le
vers robuste de Molière, la prose incisive de
Beaumarchais et le brillant espritde Marivaux.
Acteurs qui ont créé Bataille de dames :
Mme Allan ; MM. Provost et Maillart.
Batailles (PEINTRES ET SCULPTEURS DE). La
bataille antique, telle qu'elle nous apparaît
dans les récits d'Homère, était une véritable
mêlée de guerriers luttant corps à corps , une
réunion de combats singuliers, une sorte de
duel en masse. La taetique militaire n'entrait
pour rien dans ces luttes primitives; la vi-
gueur et le courage individuels décidaient du
BAT
succès. Pour décrire exactement de pareils
combats, le poète ne pouvait se dispenser de
raconter successivement les exploits de cha-
cun. Les peintres, les sculpteurs devaient, eux
aussi, représenter la guerre de cette manière
épisodique; l'art d'ailleurs y trouvait son
compte : ce système permettait, en effet, de
concentrer l'intérêt sur une seule action et de
résumer une armée entière dans un petit
nombre de figures. Dans les bas-reliefs grecs
de Phigalie, du Parthénon, d'Egine, on ne
voit que des combats corps à corps, qu'aucun
chef ne dirige et qui ne sont soumis à aucun plan
de bataille. Parmi les marbres provenant du
Panhellénion d'Egine, que possède la glypto-
théque de Munich, et qui représentent, pour la
plupart, des événements de l'époque héroïque,
relatifs aux Eacides, on admire surtout celui
dans lequel est figuré le combat qui eut lieu
autour du corps de Patrocle, et où Ajax, fils
de Télamon, lut vainqueur : cette scène, qui
ne comprend guère plus de quatre ou cinq per-
sonnages, est traitée avec une simplicité et
une noblesse vraiment homériques. Les scul-
ptures du temple de Thésée, à Athènes, exé-
cutées vers le milieu du vo siècle avant notre
ère, à peu près dans le même temps que celles
d'Egine , représentent le combat des Athé-
niens et des Amazones et celui des Centaures
et des Lapithes ; on y remarque des mouve-
ments décidés et énergiques et un grand sen-
timent de l'effet pittoresque. Quelques savants
ont cru pouvoir les attribuer à Micon, peintre
et sculpteur qui avait orné l'intérieur du
temple de Thésée de peintures offrant les
mêmes sujets. Les bas-reliefs du Parthénon
représentent aussi les combats des Centaures
et des Lapithes; on croit généralement que
ces admirables sculptures ont été exécutées
par Alcamène, sous la direction de l'immortel
Phidias. Le temps n'a épargné aucun ouvrage
des peintres grecs; mais nous savons que
plusieurs monuments d'Athènes (V. ce nom)
étaient décorés de peintures représentant les
principales victoires des Grecs sur les Perses,
et nous avons tout lieu de croire que ces com-
positions étaient conçues et distribuées de la
même manière que les bas-reliefs dont nous
venons de parler. La représentation des sujets
militaires ne paraît pas avoir pris le dévelop-
pement qu'on pourrait supposer sous Alexandre
le Grand; Apelle, qui fut le peintre favori de
ce monarque, fit plusieurs fois son portrait et
celui de ses généraux ; mais il ne peignit au-
cune de ses batailles. Pline nous apprend
qu'Eumène, un des successeurs du grand roi
de Macédoine, employa les sculpteurs Isigone,
Pyromaque, Straton, à représenter ses vic-
toires. Le même écrivain rapporte que, l'an
de Rome 490, Valerius Maxinms Messala ex-
posa dans la curie Hostilie une peinture de la
bataille dans laquelle il avait défait, en Sicile,
les Carthaginois commandés par Hiéron. Plus
tard, L. Scipion l'Asiatique exposa au Capi-
tale le tableau de sa victoire en Asie ; Scipion
l'Africain, dont le fils avait été fait prisonnier
dans cette bataille, sut mauvais gré à son
frère de cette exhibition. Lucius Hostilius
mécontenta ■ de même Scipion l'Emilien , en
exposant au Forum une vue de Carthage et
diverses opérations du siège de cette ville, où
il était entré le premier; la complaisance qu'il
mit à décrire lui-même aux spectateurs tous
les détails de ce tableau lui valut d'être nommé
consul aux comices suivants (an de Rome 609).
Il y a tout lieu de croire que ces diverses
peintures, embrassant tout un champ de ba-
taille et un ensemble d'opérations stratégi-
ques, étaient exécutées dans un style déco-
ratif, et qu'elles étaient plus propres à mettre
en relief les difficultés vaincues par le géné-
ral qu'à faire valoir le mérite du peintre.
Pour avoir une idée de la manière dont les
artistes de l'antiquité savaient rendre les
scènes militaires, il faut étudier la magnifique
mosaïque du musée de Naples, découverte
dans les fouilles de Pompét, et représentant
un combat entre les Grecs et les Perses, que
quelques archéologues croient être la Bataille
d'Arbeltes, et d'autres la Bataille d'Issus. Au
milieu de la composition, sur un char attelé
de quatre chevaux, Darius, vêtu comme un
simple soldat, tient de la main gauche un arc
et regarde Alexandre d'un air effrayé. Celui-ci,
la tête nue, le corps couvert d'une riche ar-
mure, s'avance au galop vers le char et perce
de sa longue lance un cavalier dont la mon-
ture est abattue ; son torse et son bras droit
sont seuls restés intacts , et cependant on
comprend très-bien son attitude et son action.
Les soldats de sa suite ont disparu lors de la
dégradation de la mosaïque. Un officier de
Darius tient par la bride un cheval destiné à
faciliter la fuite de son souverain. A droite et
derrière le char, des cavaliers combattent et
protègent la retraite ; ils sont armés de lances,
excepté un commandant tenant une large épée.
Ces divers personnages ont des physionomies
et des attitudes très-expressives. Les costumes
sont traités avec beaucoup de soin. Les che-
vaux sont admirables. « Je ne connais pas un
tableau de bataille supérieur à celui-là, a dit
M. Lavice. Les deux principaux personnages,
quoique au milieu de la mêlée, Se distinguent
au premier coup d'œil, parce qu'ils sont sur
le devant et qu'Alexandre, d'un côté, s'avance
le premier à la tête de son escorte, tandis que
Darius, debout sur un char, se détache par le
haut du corps sur le ciel. Et puis, presque tous
les regards sont portés avec effroi sur l'intré-
pide et calme Alexandre, de sorte que le héros
du drame est parfaitement désigné. Mettez à
BAT
côté de cette composition le grand tableau de
Lebrun et comparez. Autant le roi de Macé-
doine est ici terrible et audacieux , autant
celui du Louvre , avec son visage d'enfant,
son petit coutelas levé et l'aigle planant au-
dessus de sa tète, est froid et dépourvu d'in-
térêt. Autant les premiers plans de ïh mosaï-
que sont faciles à saisir, parce qu'il y a de
1 air et de l'espace; autant la mêlée de Lebrun
est confuse. Quant au dessin, aux couleurs, à
la perspective, aux effets d'ombre et de lu-
mière, je ne crois pas que les meilleurs peintres
de la Renaissance aient rien fait de mieux,
surtout si l'on se figure le tableau original,
plus grand et plus parfait que cette copie en
pierres. » Plusieurs savants pensent, en effet,
que cette mosaïque célèbre, où l'on ne compte
pas moins de vingt-six guerriers et quinze
chevaux, est la copie, en proportions réduites,
d'une grande composition exécutée par .un
artiste grec peu après l'événement quelle re-
trace. Il faut, sans doute, regarder aussi
comme une production de l'art hellénique le
beau bas-relief de marbre du Capitole, repré-
sentant le Combat des Grecs contre les Ama-
zones. Dix personnages et quatre chevaux
composent ce chef-d'œuvre, aussi animé
qu'artistement distribué. Le groupe principal
est des plus émouvants : une Amazone est
prête à frapper de sa hache un cavalier qui
perd l'équilibre et tombe à la renverse. Trois
corps de femmes et celui d'un guerrier gisent
sur le sol.
On ne connaît pas les noms des artistes qui
exécutèrent les bas-reliefs de la colonne Tra-
jane (V. ce mot). Ces sculptures, qui retracent
la conquête de la Daeie par les Romains ,
offrent aux antiquaires et aux artistes un objet
d'étude plein d'intérêt. Bien inférieures, sous
le rapport du style et de la beauté du travail,
aux frises et aux métopes des temples d'A-
thènes, elles offrent toutefois, dans leur vaste
développement, des groupes très-animés, des
figures de soldats très-énergiques. Mais elles
sont particulièrement précieuses au point de
vue archéologique, en ce qu'elles fournissent
des détails complets sur l'équipement des sol-
dats romains et des barbares, sur leurs diffé-
rentes manières de combattre, d'assiéger les
villes, de camper, de faire des marches, etc.
Les empereurs de Byzance, comme ceux de
Rome , prirent plaisir à faire retracer leurs
expéditions , tantôt dans leurs propres de-
meures, tantôt sur des colonnes et des arcs
de triomphe. Nous lisons dans Constantin
Porphyrogénète que Basile le Macédonien, ce
zélé destructeur des images religieuses , fit
orner son palais de peintures et de mosaïques
représentant les batailles qu'il avait gagnées.
Les sujets guerriers devaient avoir un charme
tout particulier pour les peuples belliqueux
de l'Occident. Charlemagne fit peindre, dans
son palais d'Aix-la-Chapelle, les exploits des
Francs, entre autres les victoires de Charles
Martel sur les Frisons, la conquête de l'Aqui-
taine par Pépin, et les combats dans lesquels
il avait lui-même dompté les Saxons. Il ne
reste rien de ces peintures, non plus que
de celles qui furent exécutées un siècle plus
tard, à Mersebourg, par ordre de l'empereur
Henri 1er, et qui représentaient les victoires
de ce prince sur les Hongrois ; mais on peut
juger de la valeur de ces ouvrages d'après les
miniatures de la même époque qui sont par-
venues jusqu'à nous. Au moyen âge, comme
dans les temps héroïques de l'antiquité, les
guerriers luttent corps à corps et continuent,
sur le champ de bataille , les tournois, les
joutes du champ clos. La représentation des
scènes militaires n'a plus, dès lors, qu'un
intérêt épisodique. N'ayant aucune notion des
règles de la perspective, les miniaturistes sont
impuissants à peindre un ensemble d'opéra-
tions militaires, et ils tombent dans le grotes-
que lorsqu'ils traitent des sujets exigeant une
grande vivacité d'action. Ils excellent, d'ail-
leurs, à montrer les horreurs du combat, les
énormes balafres faites par des armes de
géants, les têtes détachées du corps d'un seul
coup d'estoc, les entrailles ouvertes, le sang
coulant à flots des- blessures béantes ; tout
cela rendu avec une naïveté barbare, avec un
réalisme bruta! et qui donne le frisson. Qu'ils
aient à représenter une bataille contempo-
raine ou une bataille de l'antiquité , ils re-
produisent' invariablement les costumes ds
leur temps ; ils transforment en chevaliers
Achille , Alexandre , César , et donnent le
même attirail de guerre aux Grecs qui assiè-
gent Troie et aux croisés qui s'emparent de
Jérusalem. Sous ce rapport, leurs ouvrages
fournissent des détails du plus grand intérêt
sur les armes, les armures, les bannières et
les divers engins militaires du moyen âge.
Parmi les manuscrits à miniatures et à des-
sins les plus curieux à consulter, nous cite-
rons : le célèbre manuscrit de la bibliothèque
de Strasbourg, intitulé ; ffortus deliciarum
(xire siècle) ; les manuscrits de Joinville et de
Froissart, a la Bibliothèque impériale, à Paris ;
le manuscrit français de l'Histoire d'Alexandre
le Grand, conservé à la bibliothèque de Bour-
gogne, à Bruxelles (dessins à la plume du
xiii= siècle) ; le recueil de documents dressés
d'après les ordres de Baudouin, archevêque
de Trêves , frère de l'empereur Henri VII
(première moitié du xive siècle), recueil con-
servé aux archives de Coblentz. Suivant
M.Waagen, les batailles et les tournois qu'on
rencontre dans ce dernier manuscrit sont
très-animés, et offrent une grande variété d'at-
titudes et d'expressions. Mais quoique fort
BAT
345
supérieures aux productions des âges précé-
dents, ces compositions sont encore bien éloi-
gnées des neuf gouaches qui illustrent une
traduction -française de la troisième décade
de Tite-Live, grand in-folio du xvc siècle,
appartenant à la bibliothèque de l'Arsenal , à
Paris. Le savant Waagen attribue ces pein-
tures à un artiste de l'école de Van Dyck ; il
vante la correction du dessin , la vigueur du
coloris, la délicatesse des détails, l'originalité
et l'expression des physionomies. Un des mor-
ceaux les plus intéressants est la Victoire de
Scipion sur les Lusitaniens ; le premier plan
est occupé par un combat de cavaliers, frap-
pant de vie et de netteté, aussi bien dans l'en-
semble du groupe que dans les détails pris
séparément. Les costumes sont ceux du
xve siècle ; les armures d'acier, polies et bril-
lantes, font un excellent effet. Un autre ma-
nuscrit français de la même époque (no 8024 ,
Bibliothèque impériale) renferme dix minia-
tures exécutées aussi dans le plus pur style
des Van Eyck, et qui retracent avec beaucoup
de bonheur les diverses phases des combats
singuliers du moyen âge, depuis les lois qui
réglaient le duel jusqu à la victoire du provo-
cateur. '
Les maîtres italiens de la Renaissance re-
présentaient rarement des batailles. On cite
comme une œuvre très-ingénieusement com-
posée pour l'époque celle que Jacopo d'A-
vanzi, imitateur de Giotto , peignit dans la
chapelle de Saint-Jacques au Santo, à Pa-
doue. Le même artiste retraça aussi "des
triomphes d'empereurs romains , sujets que
Mantegna traita, quelques années après, avec
une incomparable supériorité de style. Si
nous en jugeons par la grande bataille que
l'on voit au musée Napoléon III, et dont nous
donnons ci-après la description, Paolo Uc-
celto fut certainement, de tous les artistes ita-
liens du xvc siècle, celui qui sut le mieux re-
produire l'animation, la fougue des combats.
Sa science de la perspective , son coloris
énergique, son amour de la réalité, l'habileté
avec laquelle il dessinait les chevaux, toutes
qualités fort rares chez ses contemporains, le
rendaient particulièrement propre k ce genre
de peinture.
Au xvre siècle, les représentations de ba-
tailles deviennent plus nombreuses. Les gran-
des guerres du Milanais ne furent peut-être
pas étrangères à la faveur qui commença à
s'attacher en Italie à cette sorte de sujets.
Carboni a gravé, dans VEtruria pittrice, un
Combat de cavalerie , d'après Léonard de
Vinci. Raphaël peignit, au Vatican, la Bataille
d'Ostie, et dessina la Victoire de Constantin
sur Maxcnce. Cette dernière composition ,
peinte par Jules Romain après la mort du
maître, donne assez bien l'idée d'une mêlée
où l'on combat corps à corps; au premier
plan, Maxence, renversé de son cheval, est
menacé par un soldat qui lève sur lui un long
poignard; Constantin, l'épée.à la main, anime
ses guerriers par son exemple ; au fond, la
lutte est engagée sur un pout qui semble près
de crouler sous le poids des combattants. Ce
dernier épisode, d'un effet très-pittoresque et
en même temps très-dramatique, a été depuis
reproduit fréquemment par d'autres artistes.
Jules Romain a fait preuve d'une rare éner-
gie dans l'exécution de la fresque que nous
venons de décrire. Il a composé lui-même
plusieurs tableaux de batailles en style hé-
roïque, et il y a déployé, suivant Lanzi, autant
d'imagination que d'érudition. Ses magnifi-
ques cartons du Louvre attestent l'étude ap-
profondie qu'il avait faite de l'antiquité. Poïi-
dore Caldara peignit aussi des scènes de
guerre remarquables par l'ordonnance majes-
tueuse de la composition, la noblesse des atti-
tudes et des physionomies. En général, il y a
quelque chose de grave, de solennel, et, par
suite, d'un peu froid dans les batailles des
peintres de l'école romaine et de l'école flo-
rentine du xvic siècle. Les artistes vénitiens
de la même époque, plus amoureux de la vérité
que du style, cherchent à rendre avant tout
1 animation, le mouvement, le tapage des com-
bats. Le Tintoret s'est montré véritablement
supérieur sous ce rapport; il avait toutes les
qualités appropriées au genre, l'imagination,
la verve, un dessin hardi, un coloris puissant,
une entente merveilleuse de l'effet pittoresque.
Son tableau de la Bataillé ^e Lépante, qu'il
avait exécuté pour le palais des doges, et qui,
malheureusement, a été brûlé dans l'incendie
de 1577, était regardé comme un chef-d'œuvre :
les soldats possédés d'une fureur belliqueuse,
les galères prises à l'abordage, la mer agitée,
le ciel orageux, tout concourait à faire de ce
tableau une scène bruyante, dramatique, pleine
d'un sublime désordre. Cette fougue, cet élan,
ce feu du génie se retrouvent dans les diverses
peintures du Tintoret que possède encore au-
jourd'hui l'ancien palais des doges : Prise de
Zara; Défense de Brescia; Victoire navale de
Soranzano sur le prince d'Esté; Victoire
d'Etienne Contarini sur le lac de Garde; Vic-
toire de J. Marcello sur les Aragonais. Le
Tintoret eut dans son fils, Dominique Robusti,
un habile imitateur, comme le prouvent le
Combat naaal à la hauteur de Pisano et surtout
la Prise de Constantinople (1204), que Domi-
nique peignit pour le palais des doges, où ces
deux peintures sont encore. On voit, dans le
même édifice, beaucoup d'autres scènes mili-
taires, tirées des fastes de la république véni-
tienne; nous citerons dans le nombre : la Dé-
fense de Seutari et la Prise de Smyrne, par
Paul Véronèse ; la Prise de Cunstatitinôple
44
346
BAT
pat' les croisés, la Prise de Padoite, la Victoire
de Fr. Bembo sur les Crémonais, par Palma
le Vieux; la Bataille gagnée par les Vénitiens
près de Vérone, par le Pésarèse ; la Conquête
de Caffa par le doge Soransano, par Giulio dal
Moro ; les Victoires des Vénitiens sur le duc dt
Ferrare, sur Visconti, duc de Milan , sur lei
Allemands, et la Prise de Padoue, par Fran-
çois Bassan ; la Victoire des Vénitiens aux Dar-
danelles, par Pietro Liberi ; la Victoire des
Vénitiens sur les Génois près de Saint-Jean
d'Acre, par Montemezzano ; la Victoire des
Vénitiens sur le calife d'Egypte, par Santo-
l'eranda; la Victoire des Vénitiens sur les Pi-
sans près de Rhodes, le Siège de Zara, par
Andréa Micheli, etc. Les peintures de François
Bassan méritent une mention particulière :
• Le ressort pittoresque y est concentré sur
telle ou telle figure rehaussée d'une lumière
iMve, dit M. Charles Blanc. Un épisode quel-
conque suffit à motiver ces voyants rehauts,
dont l'effet immanquable est de prêter plus
d'importance aux figures qui en ont le moins.
Quelquefois c'est la croupe d'un cheval blanc
qui devient la note la plus aiguë de la gamme ;
ici c'est un artilleur qui pousse la roue d'un
canon, tandis que des soldats montés sur la
dune d'un vaisseau font feu sur les Ferrarais,
et que d'autres brûlent des tours de bois; là,
dans la Déroule de Visconti, ce qu'on voit tout
d'abord, c'est un valet qui tient un cheval par
ia bride, et une belle femme qui s'est jetée dans
an ruisseau, h demi nue, pour échapper à la
cavalerie vénitienne. L'épisode, cette fois, est
digne d'intérêt et caractérise à merveille les
norreurs de la guerre. » Cette recherche de
l'effet pittoresque est commune à la plupart
des artistes vénitiens dont nous avons cité
des tableaux; mais ce serait une erreur de
croire qu'elle les empêcha de se préoccuper
de la vérité historique. La république de Venise,
qui commandait ces tableaux, tenait, sans au-
cun doute, à ce que les exploits de ses doges
y fussent reproduits fidèlement.
Tandis que les écoles italiennes du xvi<= siècle
s'attachaient, les unes à l'imitation de l'art an-
tique, les autres à la réalité' pittoresque, les
maîtres allemands de la même époque conti-
nuaient à mettre en scène des anciens habillés
a la moderne. La Bataille d'Arbelles, d'Alt-
dorfer, qui est au musée de Munich, pourrait
passer pour une des batailles livrées par
Charles le Téméraire ou Maximilien 1er; la
scène est traitée, du reste, avec une grande
animation ; elle offre une multitude de ngures
et une grande variété d'épisodes, au milieu d'un
riche paysage. La Victoire des Juifs sur les
Amaléciies, peinte par Hans Schauffelein,dans
l'hôtel de ville de Nordlingen , présente les
mômes anaehronismes de costume, et aussi la
même vivacité d'action. La représentation des
faits d'armes contemporains a exercé le talent
de plusieurs artistes allemands de la période
qui nous occupe. Albert Durer a dessiné plu-
sieurs batailles de Maximilien, dans la suite de
92 planches dont il a composé l'arc de triomphe
de cet empereur. Hans Sebald Beham a gravé
le Siège ae Rhodes (1522) et celui de Wolfen-
bùttel (1542) ; il a croqué aussi avec beaucoup
d'esprit des types de soldats allemands (le
Militaire amoureux, le Porte-enseigne, etc.).
Les Scènes de la vie militaire, de Senauffelein
sont charmantes d'animation et de vérité. Une
estampe de Stephan Hamer représente \a.Ba-
taille de Sievers/iausen (1553). On doit à Hon-
dius le jeune une curieuse allégorie de la
guerre : au premier plan, la Mort tire un coup
de pistolet a un cavalier qui fuit devant elle;
dans le fond a lieu un combat acharné. Holbein
le jeune a peint à fresque plusieurs batailles
dans la maison de Jacques von Harstenstein,
bailli de Lucerne ; ces peintures ont malheu-
reusement été détruites, mais on peut juger
de la verve avec laquelle le célèbre artiste
traitait les scories de guerre par deux magni-
fiques dessins, Combat de lansquenets et Ba-
taille entre des soldats suisses, dont l'un figure
dans la collection de l'archiduc Albert, à
Vienne, et l'autre, au musée de Bàle (n° 35).
Un Flamand, formé a l'école des maîtres ita-
liens, Jean-Corneille Vermeyen, de Bruxelles,
fut appelé en Espagne par Charles-Quint, en
1534, et, l'année suivante, il accompagna ce
prince au siège de Tunis. A l'aide des dessins
qu'il prit sur les lieux, il exécuta dix grands
cartons coloriés, d'après lesquels l'empereur
fit broder dans les Pays-Bas des tapisseries
qui sont encore aujourd'hui à Schcenbrunn.
Les cartons sont aujourd'hui roulés au Carde-
meuble de Vienne. Un d'eux , décrit par
M. Waagen, représente \o.-Victoire remportée
par Charles-Quint sur les Maures dans les en-
virons de Carthage. La composition en est
très-ingénieuse. L'armée des Maures, qui se
défend en opérant sa retraite, occupe la plus
grande partie du tableau. Au lieu de concen-
trer la fougue de l'action sur les premiers
plans, l'artiste n V a placé que quelques groupes
épars. Tout au fond, on découvre la mer. Les
ngures ont beaucoup de vérité et de mouve-
ment; les attitudes sont variées et naturelles ;
hommes et chevaux sont d'un excellent des-
sin, et ont même une certaine élégance de
formes. Les artistes des Pays-Bas, contempo-
rains de Vermeyen, étaient loin d'apporter
dans leurs tableaux de batailles la même con-
science, la" môme exactitude historique, la
même élévation de style. Le Combat de Saùl
contre les Philistins, de Breughel le Vieux,
pourrait servir de pendant à la fameuse Ba-
taille des gras contre les maigres, du même
artiste : ces deux tableaux, que possède le
BAT
musée de Vienne, sont de véritables chefs-
d'œuvre dans le genre burlesque. Breughe!
de Velours, digne fils de Breughel le Vieux, a
représenté avec la même verve comique plu-
sieurs scènes de guerre, entre autres le Com-
bat des Israélites et des Amaléciies, qui est au
musée de Dresde. Sébastien Vranck, mort en
1573, est l'un des premiers artistes flamands
qui aient peint d'une façon sérieuse des ba-
tailles, des chocs de cavalerie, des sacs do
villages ; on voitde lui au Belvédère, à Vienne,
YAttaque d'un convoi, exécutée d'une façon
large, mais soignée. Rubens nous conduit au
xvn<= siècle : les quelques batailles historiques
que nous connaissons de ce maître (Combat
des Amazones, du musée de Dresde, et Exploits
de Decius Mus, de la galerie Lichtenstein) sont
peintes avec une grande fougue poétique, et
peuvent être mises en parallèle, au point de
vue de l'effet pittoresque, avec les plus belles
pages de l'école vénitienne.
Les peintres de batailles furent très-nom-
breux dans toutes les écoles, au xvn» siècle.
Nous rencontrons d'abord en Italie, le Fla-
mand Pieter van Laar, plus connu sous le nom
de Bamboche ; le Bolonais Cerquozzi, qui dut
à son talent d'être surnommé le Michel-Ange
des batailles ; Antonio Tcmpesta, dont Fentzel
a gravé une Babille du roi Alphonse contre
les Maures. Ces trois artistes n'ont guère em-
ployé les scènes militaires qu'à titre d'épisodes,
pour orner et animer leurs pavsages. Le Na-
politain Aniello Falcone peignit de véritables
batailles, dont il empruntait les sujets tantôt
aux livres saints, tantôt à l'histoire profane,
tantôt à quelque poëme. Le musée royal de
Madrid a de lui deux toiles intéressantes, dont
l'une (n° 62)) rappelle certains détails d'ar-
rangement de la Victoire de Constantin sur
Maxence, peinte par Jules Romain. Suivant
Lanzi, Aniello fut un très-habile peintre de
batailles, sachant varier les costumes, les
armes , les physionomies des combattants ,
animé dans l'expression des ngures, naturel
dans le mouvement des chevaux, plein d'in-
telligence enfin dans tout ce qui concerne la
discipline militaire. Malgré tout son mérite, il
fut surpassé par Salvator Rosa, son compa-
triote et son ami, qui, dans l'admirable Bataille,
du Louvre (v. la description ci-après), a dé-
ployé une verve, une hardiesse, une turbulence
vraiment prodigieuses, tout en conservant une
certaine noblesse dans le dessin des figures,
et quelques réminiscences de style dans les
costumes. On ne connaît qu'un petit nombre
de scènes militaires peintes par Salvator j il
n'est pas de musée, pas de galerie un peu im-
portante, qui n'en compte plusieurs exécutées
par Jacques Courtois, plus connu sous le nom
de Bourguignon. Cet artiste, né en France,
vint en Italie a la suite des armées qui enva-
hirent le Milanais; il porta lui-même les armes,
assista à plusieurs combats, et eut ainsi l'oc-
casion d'étudier les types, les costumes et les
manœuvres militaires. Plus tard, il entra dans
l'ordre des jésuites ; mais il ne renonça pas
pour cela à la peinture, qui avait été sa pre-
mière profession. On dit que ce fut la vue de
la Bataille de Constantin, de Jules Romain,
qui décida de sa vocation pour la représenta-
tion des sujets militaires, et que ce tableau fut
le modèle d'après lequel il se forma. Le fuit
nous paraît douteux. En tout cas, le Bourgui-
gnon perdit bientôt de vue ce grand modèle, et
adopta une manière vive, légère, spirituelle,
qui lui appartient en propre et qui lui valut les
plus grands succès en Italie. « Il porta son art,
dit Lanzi, à un point où l'on n'est jamais par-
venu ni avant, ni depuis lui. Il donna une telle
expression de vérité h ses guerriers, que l'on
croirait voir le courage même combattre pour
l'honneur et pour une légitime défense. En
voyant ses tableaux , on s'imagine presque
entendre le bruit des armes, les hennissements
des chevaux, les cris des mourants. » Ces
éloges nous semblent fort exagérés. Le Bour-
guignon a eu, sans doute, le mérite de peindre
de vraies mêlées,' très-animées, très-mouve-
mentées; mais, sous ce rapport, il ne fut su-
périeur ni au Tintoret, ni à Salvator Rosa, ni
à Rubens, dont il n'a, d'ailleurs, ni l'imagina-
tion féconde, ni le dessin savant, ni le coloris
vigoureux. Ses petites batailles, comme celles
qu'on voit au Louvre, sont brossées avec es-
prit et entrain ; mais on y trouve beaucoup de
ponsif, des attitudes conventionnelles, des mo-
tifs qui se répètent fréquemment; par exemple,
un cavalier tirant, sur son adversaire qui fuit,
un coup de pistolet h. bout portant. Ses grandes
toiles sont assez rares ; nous ne savons ce que
sont devenues celles dans lesquelles il retraça
les actions militaires du prince Mathias de
Médicis, gouverneur de Sienne; Lanzi en a
fait involontairement la critique, en disant
qu'il y représenta les faits d'armes du prince
et les lieux où ils s'étaient passés, avec une
exactitude égale à celle de l'historien. Nous ne
pensons pas, du reste, que le Bourguignon se
soit astreint aune pareille fidélité, qui eutexigé
un travail et des recherches dont il était peu
capable, habitué qu'il était, nous disent ses
biographes, à attaquer le plus souvent son
sujet sans en avoir fait préalablement l'es-
quisse ou un dessin. Cette facilité merveilleuse
lui permit de satisfaire aux commandes qui
lui arrivaient de toutes parts. Il forma beau-
coup d'élèves et eut de nombreux imitateurs ;
pour ne parler que des Italiens, nous citerons :
Bruni, Graziano et Giannizzero, à Rome; An-
tonio Calza, de Vérone, qui travailla en Tos-
cane, à Milan, et surtout à Bologne, où ses
œuvres ne sont pas rares ; Giovanni Canti, de
BAT
Mantoue, qui eut lui-même pour élève Fr.
Raineri ; Franeeseo Monti, de Bresoia, sur-
nomméle Rrescianino des batailles ; Spolverini,
de Parme, de qui l'on disait que ses soldats
tuaient, tandis que ceux de Monti ne faisaient
que menacer, etc. Pour en finir avec les pein-
tres de batailles de l'école italienne, nous de-
vons nommer le Cortone, le chevalier d'Arpino
et Luca Giordano, qui ont représenté princi-
palementdes sujets tirés de l'histoire ancienne.
Le musée du Capitole a, du premier, une assez
bonne Bataille d'Arbelles, dont Lebrun s'est
inspiré, et, du second, plusieurs fresques, où
sont retracés des événement? empruntés h
l'histoire des premiers temps de Rome, entre
autres le Combat des Horaces et des Curiaces
et la Défaite des Véiens. De Luca Giordano,
nous citerons : la Bataille des Israélites contre
les Amalécites, au musée de Dresde, et la Prise
de Saint-Quentin, au musée royal de Madrid.
Ce dernier ouvrage, exécuté à fresque, déco-
rait autrefois l'un des côté? de la frise du
grand escalier de l'Escurial. Luca, qui avait
été appelé en Espagne par Charles II, en 1G92,
peignit aussi, dans le palais du Buen-Retiro, les
principaux épisodes de la guerre de Grenade.
L'école espagnole ne compte qu'un très-
petit nombre d'artistes qui se soient exercés à
la peinture des batailles; mais, du moins, elle
a produit en ce genre un chef-d'œuvre juste-
ment célèbre : la Reddition de Bréda, par
Velasquez. Le même sujet a été traité par
José Leonardo. Les deux tableaux sont au
musée royal de Madrid, qui possède en outre
une Marche de troupes sous la conduite du duc
deFeria, par Leonardo. «Cette dernière scène,
encadrée dans un excellent paysage, renferme
toutes les qualités de la grande peinture, a dit
M. Viardot : composition pleine d'art et de feu,
dessin bien étudié, couleur vigoureuse et na-
turelle, expressions énergiques. »
C'est avant tout le sentiment de la vérité
historique et la recherche de l'exactitude ma-
térielle qui dominent dans les peintures mili-
taires des artistes hollandais et flamands du
xviie siècle. Ce sentiment, cette recherche,
se traduisent en général par une exécution
claire, spirituelle, pleine de finesse et de lar-
geur à la fois. Et ce ne sont pas seulement
les soldats, les chevaux, les costumes, les en-
gins de guerre qui sont rendus avec cet amour
de la réalité ; le paysage où se meuvent les
figures est peint avec la même sincérité, la
même perfection: l'air, la lumière y circulent à
flots. De tous les peintres hollandais, Philippe
Wouwerman est celui dans les œuvres duquel
ces diverses qualités ressortent le plus bril-
lamment. Nous ne croyons pas que ce maître
ait eu souvent l'occasion de peindre des ba-
tailles historiques ; mais il a représenté avec
beaucoup de finesse et d'éclat des combats
de pure fantaisie, principalement des chocs de
cavalerie, genre de sujets dans lequel il ex-
cellait à cause de son habileté à peindre les
chevaux. Ce sont aussi des combats de cava-
liers que peignirent, d'ordinaire, Pieter Molyn
le vieux, père de Tempesta, Dirk Stoop, qui
habita longtemps l'Espagne et le Portugal,
les frères Palamèdes, Eglon van der Neer,
Jean-Cornélis Verbeck , Jean van Huchten-
burg. Ce dernier, qui vint en France et qui y
connut Van der Meulen, a l'ait plusieurs ta-
bleaux historiques. Le prince Eugène, qui es-
timait beaucoup son talent, le chargea de
peindre ses batailles et ses sièges, d'après des
plans qu'il lui envoyait pour ce motif. Le chef-
d'œuvre d'Huchtenburg, au point de vue de
l'effet général et de l'éclat du coloris, est le
Siège de Namur en 1C95, tableau de 2 m. de
haut sur 2 m. 50 de large, qui appartient au
musée de Vienne. La Hollande, puissance
maritime de premier ordre au xvne siècle, eut
à cette époque, d'habiles peintres de batailles
navales^ Déjà, au siècle précédent, on avait
vu Cornélis Vroom, ami de Paul Bril, s'essayer
en ce genre, et exécuter, entre autres ouvra-
ges, un dessin de la défaite de l'Armada, pour
le comte de Nottingham, grand amiral de
l'Angleterre. C'est aux van de Velde que re-
vient l'honneur d'avoir élevé ces sortes de
représentations à la hauteur des autres ta-
bleaux d'histoire. Willem van de Velde le
vieux, connaissait à fond la construction des
navires, leurs agrès, leur voilure et il en des-
sinait les manœuvres avec une exactitude ex-
traordinaire. Dès qu'il entendait parler d'un
combat qui allait se livrer, dit Houbraken , il
s'embarquait aussitôt, dans l'unique but d'as-
sister à l'action et d'en représenter les mou-
vements avec plus de vérité. Pour utiliser
ses talents et son courage, les Etats de Hol-
lande tirent équiper un brick avec ordre à ce-
lui qui le commandait, de se porter sur tous
les points que van de Velde désignerait. On
vit alors notre dessinateur courir bravement
les périls d'un combat naval, aller et venir,
se trouver au cœur de la flotte ennemie et re-
gagner son poste. C'est ainsi qu'il assista à la
terrible bataille navale que les Anglais et les
Hollandais se livrèrent en vue d'Ostende, en
1S66, sous les ordres de Monck et de Ruyter.
Les dessins qu'il fit des divers épisodes de
cette bataille furent trouvés si exacts et je-
tèrent un tel jour sur la manœuvre et la con-
duite des officiers, que Charles II voulut avoir
l'artiste à son service. Van de Velde se ren-
dit à l'invitation de ce prince et fit pour lui,
ainsi que pour Jacques II, une foule de des-
sins officiels qui eurent le plus grand succès.
Wilhem van de Velde le jeune rejoignit son
père à Londres, devint peintre de la cour et
fut employé, pendant plusieurs années, à re-
BAT
présenter les victoires navales des Anglais.
11 travailla aussi dans son pays natal et sa
plaça au rang des maîtres les plus illustres,
parle sentiment poétique de ses compositions,
ia.perfection des détails, la largeur de l'en-
semble, la vérité et le charme de l'effet lumi-
neux, le moelleux.de la touche, la puissance
et la délicatesse du coloris. Comme son père,
il possédait à fond la science des manœuvres
nautiques, et, comme- lui, il ne craignit pas de
s'aventurer au milieu de plusieurs Combats
sur mer, afin d'en reproduire les péripéties
avec plus d'exactitude. Le musée d'Amster-
dam a de lui deux grandes pages historiques,
deux chefs-d'œuvre qui représentent : l'un,
le Vaisseau amiral anglais le Prince-Royal,
amenant son pavillon dans un combat contre
la flotte hollandaise, en 1666; l'autre, Quatre
vaisseaux anglais capturés dans le même com-
bat. Van de Velde s'est représenté lui-même,
assistant à la bataille dans une petite barque.
Parmi les autres artistes hollandais qui ont
peint des combats sur mer, nous devons citer :
Zeeman , l'un des plus habiles imitateurs de
van de Velde, de qui le musée d'Amsterdam a
un tableau de grande dimension, représentant
une Bataille entre les flottes d'Angleterre et
de Hollande, près de Livournc , en 1653 ;
Abraham Storck, dont on voit, au musée de
Berlin, un Combat naval avec des navires en
feu. Backhuyzen, de qui Storck fut l'élève, a
peint aussi quelques marines histor ques ;
mais nous ne connaissons de lui aucune ba-
taille navale. Les Flamands ont eu, au
xviio siècle, d'excellents peintres de sujets
militaires. Robert van Hoecke, d'Anvers,
s'est fait connaître par de petits tableaux ,
touchés avec beaucoup de finesse et représen-
tant des camps, des marches de troupes, etc.
Bonaventure Peters et Gaspard van F.yck ont
peint des combats sur nier entre les Turcs et
tes Vénitiens. Pierre Snayers, qui travailla
à Bruxelles, pour l'archiduc Albert, mit beau-
coup d'animation dans ses scènes de guerre,
sièges, escarmouches, campements; une Ren-
contre de cavaliers et de fantassins, du musée
de Vienne, montre qu'il possédait l'art diffi-
cile de grouper de nombreux personnages
avec une extrême lucidité et qu'il avait une
entente très-remarquable de la perspective
aérienne. Le musée royal de Madrid a de lui
deux œuvres importantes, l'Attaque nocturne
de Lille et un Choc de cavalerie. La réputa-
tion de Pierre Snayers fut éclipsée par celle
de son élève, van der Meulen, le peintre, offi-
ciel des victoires de Louis XIV.
La représentation des sujets militaires trai-
tée d'une manière exclusivement pittoresque,
comme l'entendit l'école italienne et comme
la pratiquèrent les peintres français formés
à cette école, était peu propre à satisfaire au
désir que le public avait de connaître la dis-
position, les incidents et les résultats d'une
bataille ou d'un siège mémorable. Pour ré-
pondre b. cette curiosité, quelques artistes des
xvie et xvne siècles imaginèrent d'élever le
point de vue des champs de bataille et des
villes assiégées pour en saisir l'ensemble à
vol d'oiseau. La Bibliothèque impériale pos-
sède une curieuse collection de gravures sur
bois où sont ainsi représentés les combats,
les massacres et les prises Je villes qui eurent
lieu en France, pendant les guerres de reli-
gion, sous Henri II et Henri III. Ces vues,
dites cavalières, étaient particulièrement goû-
tées des hommes de guerre, qui y trouvaient
de précieux renseignements sur les opérations
stratégiques ; aussi, l'usage en était-il fort
répandu au xvue siècle. L'habile graveur ita-
lien Stefano délia Bella étant venu a Paris,
le cardinal de Richelieu le chargea d'exécuter
les vues des principaux sièges qui avaient eu
lieu sous Louis XIII. Le plus grand mérite do
van der Meulen jonsiste à avoir su unir, dans
ses tableaux, de brillantes qualités pittoresques
à l'exactitude des indications stratégiques.
Fidèle historiographe de Louis XIV, il écrivit
avec son pinceau les prouesses guerrières de
ce monarque, si souvent réduit a se plaindre
de sa grandeur qui l'attachait au rivage; il
assista lui-même h toutes les campagnes et
dessina, de visu, les marches de troupes, les
campements, les villes prises d'assaut. Ses
compositions savamment distribuées et pein-
tes dans des tons clairs et vermeils , sont
de véritables panoramas où sont représentés
avec une lucidité merveilleuse, les objets les
plus divers: hommes, chevaux, pièces d'artil-
lerie, monuments, paysages. Nous nous bor-
nerons à citer, entre autres pages capitales :
le Campement devant Tournât), l'Investisse-
ment de Douai, le Siège d'Oudenarde, le Com-
bat prés du canal de Brues, la Prise de Va-
lenciennes, au Louvre ; la Prise de Charleroi,
de Dàle, de Cambrai, de Salins, de Luxem-
bourg, d'Ypres, de Courtray, le Siège de Lille,
la Bataille de Cassel, etc., à Versailles. Un
des meilleurs élèves de van der Meulen fut
Jean-Baptiste Martin l'aîné, qui reçut le sur-
nom de Martin des batailles. Il avait étudié
l'art des fortifications et travaillé en qualité de
dessinateur sous les ordres de Vauban. Il fut
nommé directeur des Gobelins, on 1691, après
la mort de van der Meulen, et reçut en même
temps le titre de peintre des conquêtes du roi.
Cette même année, il suivit Louis XIV au
siège de Mous et, 1 année suivante, il assista
au siège de Namur. Il adopta la manière stra-
tograpnique de son maître, mais il n'eut ni
son dessin savant, ni sa touche spirituelle, ni
son coloris vigoureux. Ses principaux ouvra-
ges sont : le Siège de Fribovrg, au Louvre ;
BAT
la Bataille de liocroy, la Prise de Thionvillet
à Chantilly ; le Siège de Namur, la Prise de
Dole, celle de Limbourg, celle àeCondé, celle
de Dœsbourg, etc., à Versailles. Van der
Meulen eut encore pour élèves et pour imita-
teurs, Pierre-Denis Martin le jeune, Bonnart,
Jean-Baptiste Lecomte, Jean Paul, dont il
existe des tableaux dans les galeries histo-
riques de Versailles.
Tandis que les artistes que nous venons.de
nommer s'attachaient à représenter les scènes
militaires sous forme de panoramas, Joseph
Parrocel, qui s'était lié en Italie avec le Bour-
guignon, ne recherchait, à l'exemple de ce
maître, que le côté pittoresque de la guerre.
Il fit preuve de chaleur et d'énergie, mais il
ne sut pas toujours éviter la confusion. Ses
meilleurs tableaux, le Siège de Maastricht et
le Combat de Lenze, sont à Versailles. Charles
Parrocel, son fils, et Ignace Parrocel, son ne-
veu, se rapprochèrent de la manière de van
der Meulen; le premier, qui eut la réputation
d'être un excellent peintre de chevaux, ac-
compagna Louis XV,. dans ses campagnes de
Flandre, en 1724 et 1725 ; le second voyagea
en Italie et en Autriche et fut chargé de tra-
vaux importants pour l'empereur et pour le
prince Eugène. Quoique moins connu que les
précédents, Jean-Pierre Verdussen doit être
classé au nombre des bons peintres de ba-
tailles du xvm= siècle ; le musée de Versailles
a de lui une toile remarquable, représentant
le Siège de Saint-Guilhain, par le maréchal
de Saxe, en 1746. Mais c'est surtout dans les
tableaux de petites dimensions que cet artiste
a fait preuve de talent ; témoin un Choc de
cavalerie, morceau d'une grande finesse d'exé-
cution, que possède le musée de Marseille.
Diderot a prodigué les éloges aux scènes mi-
litaires exposées de son temps par Casanova,
notamment au Combat de Fribourg (1544), et
à la Bataille de Lens, qui figurèrent au Salon
de 1771 et qui sont aujourd'hui au musée du
Louvre. Sans partager l'admiration du célèbre
critique, pour ces deux toiles, on ne peut nier
qu'elles ne soient peintes avec beaucoup de
verve. Casanova excelle à mettre des cava-
liers en mouvement, et à représenter le choc
terribie des combattants ; mais il n'a ni la fi-
nesse spirituelle du Bourguignon, ni la netteté
de van der Meulen. Loutherbourg, son élève,
a moins de fougue, mais il est meilleur colo-
riste. Il a travaillé à Londres vers la fin de
sa carrière, et a peint, entre autres sujets : la
Défaite de la flotte française, en -1794, la Dé-
faite de la flotte kolandàise, en 1797 et la Ba-
taille sur le Nil, en 1798, qui ont été gravées
par James Fittler. L'Angleterre compte peu
de peintres de batailles ; les seuls qui méritent
d'être cités sont : Benjamin West, qui a peint
la Bataille de la Hogue, la Mort du général
Wolf, à Québec et la Buiaille de la Boyne ;
Francis Hayman, auteur d'une Bataille d'Has-
tings (gravée par Charles Grignon le jeune);
Trumbull, auteur de. la Bataille de Bunk-
ersgill (gravée par Kessler); Joseph Wright,
dont l'ouvrage principal est un tableau repré-
sentant la Destruction des batteries flottantes
au siège de Gibraltar ; Mortimer, qui a peint
la Bataille d'Azincourt, pour George III ; R.
Paton qui a représenté la Victoire des An-
glais sur la flotte française, en 17S3, le Com-
bat de la flotte anglaisé contre les flottes réu-
nies d'Espagne et de .France, en 1782, la
Défense de Gibraltar, etc. Il y a une quaran-
taine d'années, M. William Allan a peint la
Bataille de Waterloo (achetée par Welling-
ton) et la Bataille de Bannoclcburn; plus ré-
cemment, M. Armitage; élève de Paul Dela-
roche, s'est fait connaître par des tableaux
estimables, consacrés aux victoires récentes
des Anglais dans l'Inde et en Crimée.
Les éclatants succès des armes françaises,
a compter de 1792, réveillèrent plus vivement
que jamais le goût des peintures militai-
res. Tandis que David et les artistes de son
école reproduisaient, en style académique
les exploits des Grecs et des Romains, quel-
ques peintres stratographes représentèrent
dans des vues cavalières les grandes batailles
gagnées par les soldats de la République. Un
tableau de ce genre, exécuté par le général
Lejeune et représentant la victoire de Valmy,
fut exposé au Louvre en 1800. Les évolutions
des divers corps d'armée y étaient indiquées
avec une exactitude scrupuleuse, et l'on y
voyait même, dans les airs, le ballon à l'aide
duquel on chercha à reconnaître les forces et
les positions de l'ennemi. Ce petit tableau fut
suivi de compositions analogues peintes par
le général Bâcler d'Albe. Ces divers ouvrages,
trés-intéressants pour les stratégistes, lais-
saient, sans doute, beaucoup a désirer sous
le rapport de l'exécution. Carie Vernet réussit
à concilier le respect des lois de l'art militaire
avec la recherche du beau pittoresque; l'ama-
teur de peinture, l'historien et l'homme de
guerre virent avec une égale satisfaction la
Bataille de Marengo, peinte par cet artiste,
vaste composition dont les nombreux détails,
si bien liés entre eux, concourent avec un
rare bonheur à faire comprendre les efforts
des deux armées ennemies. Gérard et Gros
attachèrent une médiocre importance à la
stratographie ; ils s'inquiétèrent, avant tout,
de donner à leurs compositions ce caractère
d'unité que l'art réclame impérieusement ;
dans ce but, ils n'hésitèrent pas à ne montrer
de la bataille que l'épisode principal, à mettre
en relief les personnages principaux, à sacri-
fier les personnages secondaires. Ce système,
qui a été suivi par beaucoup d'autres artistes
BAT
de notre époque, a abouti trop souvent, il faut
le dire, à des compositions arrangées d'une
façon tout à fait conventionnelle et qui offrent
presque' toutes des dispositions identiques : au
premier plan, le général en chef à cheval,
occupant avec son état-major les trois quarts
de la toile; sur le devant, quelques prison-
niers et quelques cadavres, excellent prétexte
pour faire du nu ; dans le lointain, une mêlée
confuse ; voilà ordinairement tout le tableau.
Ces prétendues batailles ne sont, à vrai dire,
que des réunions de portraits. Gérard n'a
guère fait autre chose dans sa bataille d'Aus-
terlitz. Gros, plus fougueux, plus passionné,
a peint en véritable poëte les péripéties dra-
matiques du combat. Admis sous les auspices
de Joséphine dans l'état-major de Bonaparte,
il a assisté aux batailles qui se sont livrées en
Italie, et il a pu s'inspirer ainsi directement
des sublimes horreurs de la guerre. Les Ba-
tailles de Nazareth, d'Eylau, d'Aboukir sont
d'admirables pages où éclate l'enthousiasme
belliqueux, une sorte d'exaltation héroïque qui
fait tressallir le spectateur. C'est ainsi, sans
doute, que Géricault eût compris la peinture
des sujets militaires, s'il eût été donné à ce
vaillant artiste de dérouler sur la toile quelque
épisode des grandes guerres de la République
et de l'Empire ; mais il vécut en un temps où
il n'était guère permis de vanter ces luttes
gigantesques, et il dut se borner à personnifier
la bravoure française dans quelques mâles
figures de hussards et de cuirassiers. Il appar-
Jenait à Horace Vernet de venger la gloire de
nos armées des dédains et des mépris du
gouvernement de la Restauration. Les Ba-
tailles de Jemmapes, de Valmy, d'Arcole, de
Montmirail, proscrites des expositions par le
pouvoir, attirèrent une multitude de curieux
dans l'atelier du jeune peintre. Le succès de
ces tableaux fut immense; l'auteur atteignit
du premier coup à la popularité ; on l'applau-
dit, on l'adora, on le préconisa, a dit Gustave
Planche. « Ce qui importait à la curiosité des
spectateurs, ajoute le célèbre critique, ce n'é-
tait pas l'image fidèle et poétique des épisodes
stratégiques. On ne voulait, on ne cherchait
dans ces rapides improvisations du pinceau
que la satire d'un trône rapporté dans les ba-
gages d'une armée étrangère. » Plus tard ,
lorsque Horace Vernet, devenu le peintre offi-
ciel du gouvernement de Juillet, couvrit de
ses tableaux les murs des galeries historiques
de Versailles, on se demanda si le fécond ar-
tiste possédait réellement les qualités qui font
le grand peintre de batailles. Gustave Plan-
che, le premier, l'accusa d'éluder toutes les
difficultés de l'art, de se complaire dans les
détails anecdotiquts, de substituer l'esprit à
l'àme, l'amusement à l'émotion, l'adresse a la
puissance. D'autres lui reprochent de délayer
ses compositions dans des cadres immenses et
d'en sacrifier l'unité au plaisir de multiplier
les épisodes. Tous furent obligés de convenir
qu'il connaissait à merveille le soldat fran-
çais, qu'il possédait une mémoire extraordi-
naire, une grande habileté d'arrangement, une
verve intarissable et une prodigieuse sou-
plesse d'exécution. « L'ensemble de ses ou-
vrages, a dit M, Delécluze, est comme un
vaste miroir où se réfléchit l'histoire militaire
de la France contemporaine. » S'il n'a pas tou-
jours su respecter les lois absolues du beau
pittoresque, il est parvenu, du moins, à fixer
sur la toile l'image exacte des batailles mo-
dernes. Dans ses tableaux, l'action s'étend,
les armées marchent, les masses se dévelop-
pent sur le terrain, les incidents se multiplient
de façon à varier l'intérêt. -Il faut bien recon-
naître, d'ailleurs, que l'art de faire la guerre
a subi, depuis une soixantaine d'années, des
modifications dont la peinture doit tenir
compte, si elle veut représenter autre chose
que des scènes rétrospectives ou de pure
fantaisie.
■ La guerre moderne n'est point pittores-
que dans le sens idéal du mot, a dit M. Paul
de Saint-Victor. Ce n'est plus la déesse éche-
velée et violente qui brandit , comme un
thyrse, sa lance homérique ; c'est une science
abstraite, penchée sur une carte, qui résout la
la victoire comme un problème de géométrie.
Elle est impersonnelle et indéfinie; l'artillerie
a élargi son horizon de toute la portée de ses
bombes et de ses boulets... Aujourd'hui, l'ar-
mée n'a plus ni nom, ni visage ; ses héros sont
des régiments, abstraits comme les chiffres
qui les désignent. L'héroïsme général ab-
sorbe l'exploit individuel. Le chef no joue
plus dans la bataille le rôle théâtral qu il y
remplissait autrefois; il ne lance point la flè-
che d'Ajax, il ne sonne pas du cor comme
Roland, il n'embrasse pas, comme Walke-
ried, un faisceau de piques. Isolé et immobile
sur un monticule, comme du haut d'un obser-
vatoire, il observe, sa lorgnette a la main,
les évolutions de l'armée, calcule ses masses,
combine ses mouvements, modifie ses lignes.
Sa victoire n'est plus qu'un acte intérieur de
génie et de volonté. Tout cela contrarie l'art
qui doit avant tout préciser, personnifier,- dé-
finir. Les nombres uniformes, les espaces illi-
mités de la stratégie nouvelle, contrarient ses
instincts de mesure et de contrastes dans
l'unité. Aussi les peintres ont-ils longtemps
persisté à n'envisager la bataille qu'au point
de vue antique de la mêlée et du duel en
masses. Des cavaliers qui s'étreignent, des
chevaux qui se mordent, des pistolets qui
croisent leurs éclairs, voilà les combats de
Salvator, de Casanova , de Wouwerman et
du Bourguignon. Pour eux, le canon' est à
BAT
peine inventé; il joue, dans leurs batailles, le
rôle d'un volcan lointain dans un paysage.
Mais ces fantaisies du pinceau seraient au-
jourd'hui des anachronismes par trop fla-
grants. L'Etat, qui commando presque tous les
tableaux de batailles, les veut précis, ressem-
blants, techniques ; il est dans son droit. La
guerre n'a pas besoin de romanciers; il lui
faut des historiographes. De là un genre nou-
veau, souvent ingrat, toujours difficile, ca-
serne dans un plan, soumis à un programme,
astreint à la discipline de l'armée dont il met
les bulletins en scène et qu'il serait injuste
d'apprécier d'après les lois et les principes du
grand art. » A force d'esprit et d'entrain ,
Horace Vernet est parvenu à rendre des ta-
bleaux exécutés dans de pareilles conditions
aussi intéressants pour la masse du public que
pour les gens initiés aux détails techniques de
l'art militaire. U n'est malheureusement pas
toujours permis d'en dire autant des ouvrages
de ses élèves et de ses nombreux imitateurs :
nous retrouvons ses défauts dans la plupart
des compositions qui figurent aux expositions
annuelles ; nous y 'cherchons vainement ses
qualités.
La création des galeries historiques de
Versailles a singulièrement accru en France
le nombre des peintres de batailles. Les ar-
tistes les plus distingués de l'école contempo-
raine ont brigué la faveur de peindre des su-
jets militaires pour ce musée national. Il nous
suffira de citer : Eugène Delacroix, C. Ro-
queplan, Ary Scheffer, Alaux , Mauzaisse,
Charlet, Fragonard, P. Franque, Alfred et
Tony Johannot, Paul Delaroche, V. Adam,
ûh. Steuben, Bouchot, Papety, Heim, Bel-
langé, Hersent, E. Devéria, Bagetti, Siméon
Fort, Garneray ; MM. Robert Fleury, Signol,
Schnetz, Gallait, Larivière, Beaume, Jolli-
vet, Cogniet, Picot, Charles Langlois, Philip-
poteaux, Schopin, Gigoux, Cibot, H. Leh-
mann, H. Delaborde, Al. Couder, Eugène
Lepoittevin, Cl. Boulanger, J. Rigo, Eug.
Appert, J. Ouvrié, Beaucé, Pils, Yvon, Pro-
tais; Barrias, A. Dumaresq,_E. Charpentier,
Emile Lecomte, Doré,- Gudin, Alex. Hesse,
Jumel, Eug. Lami, H. Scheffer, Ad. Roger,
Oscar Grue, Séb. Cornu, Karl Girardet,
Jacquand , Morel - Fatio , Durand Brager ,
Barry, etc. Parmi ces artistes, plusieurs ont
fait preuve d'originalité dans la manière dont
ils ont traité la peinture des sujets militaires.
C'est ainsi mi'Èugène Delacroix a déployé,
dans son tableau de la Prise de Constanti-
nople, les puissantes qualités de couleur, de
mouvement, qui ont fait le succès de ses au-
tres ouvrages; nous préférons cependant à
cette grande toile le tableau de petite dimen-
sion dans lequel le même maître a représenté
la Bataille de Taillebourg : nous ne connais-
sons pas d'œuvre plus énergique, plus vivante,
plus dramatique. Un artiste qui n'a rien au
musée de Versailles et à qui nous devons ce-
pendant un des plus beaux tableaux de ba-
tailles de notre époque, c'est Decamps. Ce
tableau, qui représente ia Défaite des Cim-
bres, a quelque chose de la fougue poétique
des peintures de Salvator Rosa : on y voit
une mêlée acharnée et sanglante, un désordre
furieux et désespéré, le choc terrible de deux
races ; le paysage qui encadre cette lutte gi-
gantesque a une sorte de sauvagerie épique.
Quand on compare cette admirable composition
aux bulletins militaires illustrés par l'école
officielle , on trouve la même différence
qu'entre le récit de la bataille de Waterloo
par Victor Hugo et la narration du même su-
jet par M. Amédée Gabourd ou tout autre
historien de la même force. Nous devons
aussi une mention particulière à Charlet et à
Raffet qui, dans la lithographie de sujets mi-
litaires, ont montré une verve toute gauloise.
Charlet a contribué avec Horace Vernet à
populariser les types des grognards de la Ré-
publique et du premier Empire; il a rendu
avec finesse la bravoure railleuse, la bonho-
mie sublime de ces héros courant sans sou-
liers à la conquête de l'Italie ou tombant au
cri de : Vive l'Empereur! dans les plaines
glacées de la Moscovie. Raffet a crayonné
avec non moins de bonheur les scènes mili-
taires du règne de Louis-Philippe, notamment
le Siège d'Anvers, la Prise de Constantine,
l'Expédition et le Siège de Borne, le Combat
d'Oued- AUeg , la Bataille d'Ayacucho, etc.
Mêlé aux soldats qui firent les campagnes de
Belgique et d'Anvers, il avait fini par se péné-
trer complètement de leur esprit; il dessinait
la guerre comme la voulaient et comme la
faisaient Bugeaud, Lamoricière, Changarnier.
« D'autres, a dit M. Charles Blanc, ont ob-
servé à merveille la tournure du soldat fran-
çais, sa pantomime, ses allures et les plis que
l'habitude a dessinés dans son vêtement. Raffet
est le premier, je crois, qui ait représenté
l'esprit des camps et le génie de nos batailles.
Ce n'est pas au bivouac ou à la maraude qu'il
a le mieux vu son fantassin; c'est au beau
milieu de l'action, en plein feu. Dans ses pe-
tites lithographies, dont il a élargi le cadre et
creusé la profondeur, on entend passer les
colonnes qui se ruent au pas de course. Elles
se dessinent comme des rubans onduleux sur
les mamelons ou dans les plaines. Çà et là,
elles sont trouées par le boulet; maîs le cou-
rage rétablit l'ordre mouvant que le canon a
troublé. Les rangs, pour marcher à la mort,
franchissent les mourants et les cadavres.
Chose remarquable, le peintre a conservé l'in-
dividualité du soldat et la personnalité du ré-
giment. Chacun est là pour soi et pour tous.
Bat
347
Chacun à la notion du péril et s'y comporte
avec fermeté, sans s'étourdir et sans ivresse.
De ces tableaux simplement héroïques, se dé-
gage la vraie poésie de la guerre, une poésie
qui donne le frisson à la pensée. » Aujourd'hui,
nos meilleurs peintres de batailles sont :
M. Pils, auteur d'une Bataille de l'Aima, bien
dessinée, bien mouventée et d'un coloris très-
énergique ; M. Yvon, qui a peint avec beau-
coup de succès la Prise de Malalcoff, la Gorge
de Malalcoff, la Bataille de Solférino, la Ba-
taille de Magenta; M. Protais, qui s'est si-
gnalé par de petites compositions d'un senti-
ment fin et poétique, telles que le Matin avant
l'attaque, le Soir après le combat, exposés en
1S63 ; MM. Philippoteaux, Armand-Dumaresq,
Devilly, Beaucé, J. Rigo, etc.
Bataille de terre et de mer, tableau du
Tintoret, au musée royal de Madrid. A droite,
un Turc, placé dans une chaloupe, traverse
avec sa lance le corps d'un soldat qui cherche
à aborder l'embarcation. A gauche, dans une
autre barque, un homme armé soutient dans
ses bras une jeune fille, belle de fureur, et
dont les vêtements en désordre laissent les
seins à découvert. On voit près d'elle un per-
sonnage qui paraît être son ravisseur, et un
Turc qui lance un javelot du côté des com-
battants. Au fond, sur le rivage, a lieu une
effroyable mêlée; plusieurs cavaliers repoussés
par l'ennemi sautent au milieu des flots. Ce
tableau, qui mesure environ 2 m. 25 de haut
sur 3 m. 70 de large, représente sans doute
quelque épisode des guerres de Venise contre
les Ottomans. Suivant M. Viardot, c'est une
page énergique, pleine d'action et de mouve-
ment, mais à laquelle on peut reprocher quelque
confusion.
Bataille (une), tableau de Salvator Rosa;
musée du Louvre. Au premier plan d'un pay-
sage accidenté, près d un temple en ruine, a
lieu une effroyable mêlée. Tout d'abord l'œil
est frappé de la confusion, du désordre qui
régnent parmi les combattants. L'horreur re-
double à mesure que l'on examine les détails
de cette lutte acharnée. Trois croupes de che-
vaux, d'une couleur superbe, l'une rose, l'autre
grise, la troisième blanche, font saillie à tra-
vers la mêlée et servent de points de repère
dans cette bruyante composition. Tout à fait
à gauche, un cavalier désarçonné et étendu à
terre, près du cheval à la croupe rose, cherche
à se défendre avec son bouclier et son épée
contre un soldat, coiffé d'un casque, qui le
saisit par les cheveux et le menace de son
épée. Un autre soldat, les bras nus, les jambes
entourées de bandelettes, le corps couvert
d'une cotte de mailles, le casque rabattu sur
les yeux, enfonce son coutelas dans la gorge
d'un homme vêtu de bleu, qui se renverse sur
le cheval rose en criant et en écartant leo
bras; le vainqueur appuie le genou droit sur
sa victime qu'il maintient renversée de la main
gauche : presque sous ses pieds est un misé-
rable, horriblement mutilé, dont le visage a
déjà la pâleur livide du cadavre. Au centre de
la composition, un fantassin vu de dos enfonce
violemment sa pique dans le ventre d'un en-
nemi qui tombe en ouvrant démesurément la
bouche et en tendant ses mains crispées. A
droite de ce groupe, un cavalier casqué, monté
sur le cheval à la croupe grise, perce d'un
coup de lance un autre cavalier^ vêtu de vert,
dont le cheval s'affaisse , la tête en avant.
Plus à droite, deux autres cavaliers s'atta-
quent de front, l'un vêtu d'une tunique bleue
et d'une peau de bête sauvage et monté sur le
cheval à la croupe blanche, l'autre vu de face
et monté sur un cheval alezan dont on ne voit
que la tète. D'autres groupes de combattants
complètent la mêlée. Des pointes de lances,
des épées brisées, des casques, des fers à che-
val, des fragments d'architecture jonchent le
devant du tableau. Au fond, des cavaliers
poursuivent les fuyards à travers une plaine
coupée çà et là de ravins et dominée par des
montagnes pelées, abruptes, formées de rocs
gigantesques. A gauche, des navires embrasés
exhalent une fumée épaisse dont les tour-
billons, chassés par le vent, jettent çà et là
de grandes ombres sur le champ de bataille et
ajoutent ainsi à l'horreur de la scène. Ce ma-
gnifique tableau, commandé à Salvator par
monsignor Corsini, nonce du pape, qui vou-
lait en faire hommage à Louis XIV, fut achevé
.dans l'espace de quarante jours. Il est signé
à droite , sur un fragment d'architecture :
Saluator Bosa.
Bataille (une), tableau de Philippe Wou-
werman; musée de La Haye. Cette peinture
est la plus vaste que l'on connaisse de Wou-
werman : elle a 2 m. 50 do large et plus de
1 m. de haut. Au premier plan, des cavaliers
défendent le passage d'un pont. On remarque
dans ce groupe un trompette qui sonne la
charge, et un personnage en pourpoint écar-
late, sur un cheval gris. D'autres combattants
sont placés sur des plans plus reculés. Ce ta-
bleau a de nombreux admirateurs en Hollande,
et il est regardé comme un des trésors du mu-
sée de La Haye. Selon M. Viardot, « il est com-
posé avec un goût exquis et un bonheur sans
égal, couvert de personnages à ne pouvoir les
compter, très-énergique et très-puissant d'ac-
tion, et néanmoins d'une touche aussi fine,
aussi élégante que les plus petites miniatures
de Wouwerman. » « Cette peinture a une
étonnante vigueur, a dit de son côté M. Waa-
gen ; elle doit avoir été exécutée à la même
époque qu'une autre grande bataille, de la
collection de M. Van Loon (à Amsterdam),
348
BAT
qui est datée de 1G57, alors que le maître
avait atteint son plus haut degré de perfec-
tion. » M. Bùrger, moins indulgent, suppose
que le tableau de La Haye a été peint par
"Wouwerman dans cette période transitoire,
entre sa première et sa seconde manière, où
il employait souvent des tons bruns un peu
lourds ; le savant critique ajoute : « Sans doute,
il y a du mouvement, de la variété, beaucoup
d'adresse, mais une incontestable débilité dans
le dessin et la charpente de ces hommes et de
ces chevaux, d'une proportion inaccoutumée,
qui occupent le premier plan; on retrouve
mieux le maître, avec ses fines qualités, dans
les groupes du fond. • Un autre connaisseur;
M. Du Camp, tout en déclarant que ce tableau
est une des bonnes productions de l'artiste,
estime que toutes les expressions sont à peu
Crès semblables, et que tes groupes se distri-
uent d'une façon trop uniforme.
BATA.ll.LE (Gabriel), compositeur français,
qui vivait à Paris au commencement du
xvii» siècle. Il composa pour Louis XIII, avec
Guedron; Mauduit et Bochet, plusieurs ballets
dansés dans les appartements du Louvre ; pu-
blia des Airs mis en tablature de luth (Paris,
1608, 1600, 1611 et 1613),etfitparaltred'autres
compositions dans le recueil intitulé : Airs de
cour de différents auteurs (Paris, 1615). Ba-
taille fut nommé luthiste de la chambre de la
reine.
BATAILLE (Martial-Eugène), homme poli-
tique français, né à la Jamaïque en 18H. Entré
a l'Ecole polytechnique en 1834, il ne fut pas
classé à sa sortie, et devint bientôt un des
membres les plus actifs du parti bonapartiste.
Ayant accompagné, en 1840, le prince Louis
Napoléon à Boulogne, il fut pris, traduit devant
la cour des Pairs et condamné à subir à
Doullens, un emprisonnement, qui cessa lors
de l'amnistie de 1844.
La révolution de 1848 le trouva s'occupant
de machines à vapeur. Après avoir échoué
dans plusieurs collèges électoraux, il fut élu
en 1851 représentant du peuple, par le dépar-
tement de la Haute-Vienne. Nommé, après le
2 décembre, membre de la commission consul-
tative, et maître des requêtes au conseil d'Etat
en 1852, M. Bataille siège dans ce conseil de-
puis 1857.
bataillé, ée (ba-ta-Ué, Il mil.), part,
pass, du v. Batailler.
BATAILLÉE adj. f. (ba-ta-Ué, Il mil. —
rad. bâtait). Blas. En parlant d'une cloche,
munie d'un batailou battant d'un émail diffé-
rent: Cloche d'or bataillée d'azur; la famille
Bellegarde porte d'azur, à une cloche d'argent
bataillék de sable.
batailler v. n. ou intr. (ba-ta-l!é, Il
mil. — rad. bataille). Livrer une bataille,
soutenir un combat : Les gens d'armes ba-
tailleront et Dieu donnera la victoire, (Jeanno
Darc.) On bataillait deux jours pour tuer
20,000 hommes. (Ourliac.)
Vous avez bataillé contre ces mécréants?
V. Iluoo.
Nos fils, ne se reposant guère,
Batailleront à tout propos. Bkranoer.
J'arrive de la guerre, où j'ai fait des merveilles;
Les Ardcnnes m'ont vu soutenir tout le feu,
Et batailler un jour seul contre un parti bleu.
Reonakd.
il Etre en guerre, lutter : La peuple anglais
bataille depuis le xvie siècle. (L. Faucher.)
Il y a huit siècles pleins que la France bataille
avec la Grande-Bretagne. (Toussonol.)
— Par ext. Se battre : C'est une tête brûlée
qui ne demande qu'à batailler.
Impatient de ferrailler,
11 cherche avec qui batailler.
DeliH-b.
Le vieillard me parait un peu sujet à l'ire;
Pour en vei)ir a bout, il faudra batailler;
Tant mieux, c'est où je brille, et j'aime à ferrailler.
Keonard.
— Fig. Se disputer, se quereller, contester :
Je résistais, je bataillais. (Lo Sage.) /e ba-
taille pour faire donner nos terres réservées
à votre garde. (Balz.) Il se couvre du bouclier
de la chicane, et il bataille sur ce terrain.
(Cormen.) // y avait beaucoup à batailler
à propos du vieux château Munoth, près de
Schaffouse, qui a pour étymologic munitio,
disent les antiquaires, à cause d une citadelle
'omaine qui était là. (V. Hugo.) Le maître du
cheval en voulait trente écus; j'k\ batailllé,
et je l'ai eu pour vingt. (E. Sue.)
— Mar. Lutter contre le vent ou le courant.
BATAILLEUR, edses. (ba-ta-llwiv,cu-ze,
Il mil. — rad. batailler). Personne qui aime
à batailler, dans tous les sens de ce mot : Au
xvie siècle, le territoire de Mayence fut ravagé
par Jean le batailleur, landgrave de Liesse.
(V. Hugo.) Es-tu revenu de ta présomption
contre Karl te batailleur. ("") C'est au sténo-
graphe que le batailleur de tribune remet
tontes les pièces de son armure. (Cormen.)
L'ère des conquérants batailleurs, qui se dis-
putaient un coin du globe, est fermée pour ne
plus s'ouvrir. (E. de Gir.)
De ces vieux batailleurs l'orgueil est intraitable.
C. DEI.AVIGNE.
N'avez-vous pas de honte ! un clerc, et presque un
[prêtre.
Avec des batailleurs en plein jour se commettre !
Bkizeux.
— Adjectiv. : Caractère batailleur. Si j'avais
4lé d'humeur bataii.xosuse, mes agresseurs au-
BAT
raient eu rarement les rieurs de leur côté.
(J.-J. Rousseau.)
BATAILLIÈRE s. f. (ba-ta-llè-re, Il mil. —
rad. batail), Tuchn. Cordelette avec laquelle
on manœuvre le traquet d'un moulin.
BATAILLON s. m. (ba-ta-llon, Il mil. —
rad. bataille). Art milit. Corps de troupes d'in-
fanterie, formant ordinairement une divi-
sion du régiment, et subdivisé lui-mê i.c en
plusieurs compagnies : Un bataillon de gre-
nadiers , de voltigeurs. Premier, deuxième,
troisième bataillon d'un régiment. C'est en
vain qu'à travers des bois, avec sa cavalerie
toute fraichc, Beck précipite sa marche pour
tomber sur nos soldats épuisés : le prince
(Condô) l'a prévenu; les bataillons enfoncés
demandent quartier. (Boss.) Restait cette re-
doutable infanterie de l'armée d'Espagne, dont
les gros bataillons serrés, semblables à autant
de tours, mais à des tours qui sauraient réparer
leurs brèches, demeuraient inébranlables au.
milieu de tout le reste en déroute. (Boss.) Dieu
est toujours pour les plus gros bataillons.
(Turenne.) Si l'-on combattait de près comme au-
trefois, une mêlée deneuf heures, de bataillon
contre bataillon, d'escadron contre escadron
et d'homme contre homme, détruirait des armées
entières. (Volt.) Le nombre des compagnies for-
mant un bataillon a varié de une à dix ou
douze; le nombre des bataillons formant un
régiment a varié de un à douze ou vingt; la
force des bataillons a varié de cent à mille et
à deux mille hommes. (Gén. Bardin.)
En avant! marchons
Contre leurs canons
A travers le fer, le feu des bataillons.
C. Delavigne.
— Bataillon de guerre , Bataillon supplé-
mentaire que l'on ajoute à un régiment, en
temps de guerre. Il Bataillon carré, Bataillon
formé en carré, avec quatre fronts, pour ré-
sister de tous côtés lorsqu'il est enveloppé. Il
Chef de bataillon, Officier qui commande un
bataillon, et à qui on donne aussi le nom de
commandant, II Ecole de bataillon , Théorie
dont la connaissance est nécessaire pour la
manœuvre d'un bataillon.
— Par ext. Troupe de soldats : Les mains
élevées à Dieu enfoncent plus de bataillons
que celles qui frappent. (Boss.) Des bataillons
protègent en vain les autorités que le respect
ne défend plus. (Le P. Félix.) Reprocher les
BATAtLLONS aux conquérants! Ne croyez-vous
pas entendre des gens qui reproc/wnt les méta-
phores aux poètes? (V. Hugo.)
Un autre bataillon s'est avancé vers nous.
Racine.
Va jusqu'en Orient pousser tas ua(<ti!Ions.
Corneille.
Aux armes, citoyens, formez vos batailltms.
Rouget de L'isle.
Mon pied, frappant au sein de la vieille Italie,
En fait jaillir des bataillons.
C. Delaviuhe.
Le trombone, le cor, l'éclatante cymbale,
Règlent des bataillons la marche triomphale.
Barthélémy et Mékï.
Et César, au milieu d'enseignes déployées,
Animant d'un coup d'ceil ses bataillons poudreux,
Fait sur deux rangs serrés marcher un camp nom-
Dreux.
Leoouvé.
ti Troupe nombreuse d'hommes ou d'ani-
maux : Un chef d'école traîne à sa suite tout
un bataillon de disciples et de travailleurs.
(Taxile Dclord.)
De pédants mal peignés un bataillon crotté
Descendait a pas lents de l'Université.
Reonard.
. . .Traversant les airs, des bataillons de grues
De leur vol, a grands cris, obscurcissent les nues.
DEL1LLE.
Multiplions la grosse, entassons les dossiers,
Et mettons en campagne un bataillon d'huissiers.
' Etienne.
— Hist. Bataillon sacré, dans les armées
thébaines, Troupe dont tous les membres,
intimement unis, étaient disposés à mourir
l'un pour l'autre.
— Par compar. :
Le Ofltaiiîou sacré, seul devant une armée,
S'arrête pour mourir. C. Delavigne.
Il Bataillons de la salade, nom que l'on don-
nait, sous Louis XIV, à des troupes qui por-
taient encore le casque appelé salade.
— Epithètes. Armés, gros, carrés, serrés, unis
pressés, épais, nombreux, innombrables, pro-
fonds, hardis, intrépides, formidables, tiers,
héroïques, invincibles , irrésistibles, redou-
tables, terribles, effroyables, hésitants, affai-
blis, éclaircis, décimés, entamés, enfoncés,
renversés, rompus, épars, fuyants, dispersés,
tremblants, confus, culbutés, ralliés, poudreux,
haletants.
— Encycl. Dans l'acception spéciale et mo-
derne du mot bataillon, il faut entendre par
là. un certain nombre de compagnies comman-
dées par un officier supérieur, nommé com-
mandant ou chef de bataillon. Plusieurs ba-
taillons réunis sous le commandement d'un
colonel, forment un régiment. Dans la cava-
lerie, le mot bataillon est remplacé par celui
d'escadron. Nous ne ferons pas l'histoire de
tous les changements qu'a subis l'organisation
de nos bataillons d'infanterie ; ils sont trop
nombreux, et presque toujours ils n'ont d'autre
cause que le caprice des hommes placés suc-
cessivement à la tête de notre administration
militaire. Tantôt on a cru que le nombre des
compagnies devait être impair, puis on s'est
BAT
rattaché au nombre pair. Tendant quelque
temps, les bataillons n étaient formés que de
six compagnies ; certains hommes de guerre
pensent qu il devrait y en avoir dix ; mais, de-
puis 1815, ce nombre est ordinairement fixé à
huit. Avant qu'on eût créé les officiers supé-
rieurs chargés du commandement spécial de
chaque bataillon, le premier bataillon avait
pour chef le major, le deuxième était com-
mandé par le lieutenant-colonel, le troisième
par le premier factionnaire, et le quatrième
par le second factionnaire. Cela veut dire
sans doute un capitaine factionnaire ; le gé-
néral Bardin, à qui nous empruntons ces dé-
tails, ne s'explique pas.
Bataillon de In Moselle (LE), paroles de
Ch. Gille , musique de Darcier. C'est une
œuvre franche du collier, animée d'un souffle
vraiment patriotique, une véritable chanson
de troupier qu'on aimerait voir remplacer,
dans nos régiments, les marches chantées
dont la plupart ne sont accessibles qu'à des
oreilles • cuirassées. Sur cette œuvre vigou-
reuse dans laquelle bat l'artère populaire,
Darcier a fait passer, avec ses notes enflam-
mées, le grand souffle des clairons de 1792.
=£
A-ver-tis-sant les plus lointains é
P^
chos, Ain -si qu'u-ne immen-se cré ■ cel
^m
- le "Marchant d'aplomb, sous le» glorieux latn-
^=Ehzë=jEEà*m3p&
■ beaux De sa ban - niere immor - tel
. le ; Vla-1'batail ■ Ion d'ia Moselle en sa -
-bots. Via rbataillon d'ia Mosel - le!
Vivacc energico.
Via l'batail
• ion d'IaMo- selle en sa-
con forza.
tyfc
im^ÊÊmms
■ bots- Via l'batail ■ lond'la Mo-sel
le.
Se Couplet.
Pour arm'S des fusils d'ia veille encor chauds;
La d'ssus le gni soleil ruisselle ;
Nossabr'.lapreuv'qtie nous n'somm's pns manchots*
N' tienn't jamais qu' par un' licelle.
Vl'a 1' bataillon, etc.
3= Couplet.
Rois, galonnés vos hussards si farauds
Des talons jusques a l'aisselle !
Ils s'enfuiront dev;int nos bleus sarraux
Si vieux que la tram' se décèle.
Via 1' bataillon, etc..
«e Couplet.
lié quoi, conscrit! tu song'rais aux coteaux
De la province maternelle;
Fixe plutôt tes r'gards sur nos drapeaux,
Notre France où donc est-elle?
Via l'bataillon, etc.
lie Couplet.
Mon général, comm' ces canons sont beaux!
Que c'te redoute enn'mie est belle !
Vous devriez nous ach'ter 1' tout en gros,
C't' affair'-la vous convient-elle?
Via P bataillon d' la Moselle en sabots,
Via r bataillon d'ia Moselle!
Bataillon de la Moseito (le), drame mi-
litaire en cinq actes et treize tableaux, de
MM. Edouard Martin et Albert Monnier, re-
présenté à Paris , sur le théâtre du Cirque,
le 28 juin 1SC0. M. Théophile Gautier appelle
le Bataillon de la Moselle une splendide
épopée, où les auteurs célèbrent « ce héros
obscur, multiple, dévoué, anonyme, tant il
a de noms, grande âme unique composée d'une
réunion d'âmes, qui verse son sang, souffre la
faim, supporte toutes les privations, gagne
les batailles sans autre ambition que celle de
défendre le sol sacré de la patrie, et, satisfait
d'une gloire collective, ne grave qu'un chiffre
dans ^histoire et sur- les arcs de triomphe. >
Ce héros trop négligé, c'est le régiment. «Les
Achilles ne manquent pas d'PIomères, pour-
suit M. Th. Gautier, quoique les grands poètes
soient aussi rares que les grands généraux.
Mais qui parle des troupes et des Grecs tom-
bés dans les cent combats livrés sous les
murs d'Ilion? Une personnification brillante
résume toute une période sacrifiée. » Les au-
teurs ont fait du bataillon de la Moselle le
protagoniste de leur drame, et c'est là une
idée originale, vraie, profondément sympa-
thique. L'intrigue dont semble vivre la pièce
n'est que le thyrse autour duquel s'enlacent
les branches de laurier et qui les soutient,
quoiqu'il ne soit lui-même qu une tige légère.
Le mariage d'Armand Maubert et de Mme de
Rennevée importe peu ; le vrai dénoûment
est l'entrée du bataillon de la Moselle à Mon-
tenotte. Le seul langage qui intéresse, c'est le
bruit du canon, c'est le grand mot de rêpu-
■ 1
BAT
blique, mettant la fièvre au coeur des peuples
et la terreur dans l'esprit des rois. Entenclez-
vous ce long cri, cri de deuil et de déchire-
ment, qui soudain traverse la France? Noua
sommes en 1792 ; Paris s'inquiète, les fau-
bourgs fermentent , l'indignation éclate de
toutes parts, on crie à la trahison. Que se
passe-t-il donc? Des messagers tombent au
seuil de l'Assemblée législative, hagards, effa-
rés, couverts de sang et do poussière, expi-
rants de fatigue, non pas poiteurs de palmes
comme le soldat de Marathon, mais de nou-
velles sinistres. Toutes les poitrines sont ha-
letantes, et ces paroles s'en échappent:» L'en-
nemi a franchi la frontière ! Longxyy a capi-
tulé 1 Verdun, épuisé, va se rendre I » Alors,
sur toutes les places et dans toutes les rues
retentit cet appel suprême : » La patrie est en
danger 1 » Tous les liens qui retiennent les
cœurs se dénouent; on ne songe plus qu'a la
mère commune, à la France 1 La France a
dit: i A moi, mes enfants 1 » et ses enfants ré-
pondent. « La femme envoyait l'époux, dit le
critique du Moniteur, la mère envoyait l'en-
fant; ils n'avaient pas besoin d'être poussés
d'ailleurs. On faisait queue au bureau d'enrô-
lement, comme aux portes des théâtres. Il
semblait que chacun eût regret de n'avoir
qu'une vie à donner. Ce fut une effusion su-
blime, et la sainte mère put voir combien elle
était aimée 1 Jeunes et vieux, tous partirent,
des conditions les plus diverses, foule mêlée
que le bataillon devait bientôt fondre 'dans
son héroïque unité, sans vivres, presque sans
munitions, à peine armés, et d un bond les
voilà à la frontière où lutte Kellermann. Ce-
pendant, c'était chose pénible que de quitter
ses foyers ; en allant a. l'ennemi, on laissait
derrière soi la famine, l'émeute, les traîtres,
les brouillons, les accapareurs, tous les vam-
pires qui s'engraissent des malheurs publics
et qui sucent le sang de la patrie. » Le ba-
taillon sacré, dans les fastes duquel rayonnent
les noms de Hoche, de Kléber et de tant d'au-
tres , comptait encore parmi ses intrépides
soldats le jeune, pur et noble génie qui devait
le guider à la victoire, Marceau! Le bataillon
reconnut bien vite, dans l'intelligent soldat
républicain, le type le plus parfait du dévoue-
ment à la grande et belle cause de la liberté.
« Sois à nous, nous sommes à toi, s'écrièrent
d'un commun accord tous les volontaires; ■
dis-nous où il nous faudra mourir, et nous
mourrons. » Et, cette union solennelle une
fois scellée dans la souffrance commune et
dans le sang versé généreusement, voila ce
jeune bataillon et ce jeune commandant en-
gagés dans les périlleux défilés de l'Argonne.
11 faut à tout prix enlever un convoi de mu-
nitions. Valmy doit être canonné, et c'est bien
le moins que les Prussiens fournissent la
poudre qui décimera leurs rangs et frayera le
chemin de la victoire. On ne peut raconter les
marches et les contre-marches, les escar-
mouches et les surprises, les haltes et les
triomphes de la glorieuse phalange. Au milieu
de toutes ses fortunes diverses, sachez seule-
ment qu'un de ses plus braves officiers, Ar-
mand Maubert, est amoureux ; mais, au fond
cet amour ne lui fait pas oublier que la patri
est en danger, et il se bat comme un lioR
chaque fois que l'occasion se présente. Nos
intrépides volontaires, campés sur les bords
du Rhin, surveillent les mouvements des Au-
trichiens, qui peuplent la rive opposée, La
campagne, qui a été pénible, n'a rien changé
à la tenue quelque peu succincte de nos braves,
au contraire, Kéduits à se battre en guenilles,
ils n'ont pour recouvrir leurs membres, noirs
de poudre, que des habits élimés, veufs do
boutons, croisant k peine sur les poitrines
nues, des pantalons qui se découpent en dents
de scie et s'équilibrent tant bien que mal h
grand renfort de ficelles, des chapeaux bosse-
lés, aux formes étranges. Quant aux souliers,
il n'en faut pas parler : lo bataillon chausse
l'escarpin du père Adam. Ce sont bien la les
hommes extraordinaires , éclos au souffle
puissant d'une jeune république, dont le poète
a pu dire :
Pieds nus, sans pain, sourds aux lâches alarmes,
Tous à la mort, marchaient du mémo pas.
Un peu plus tard, ils auront des sabots, et n'en
seront pas plus fiers pour cela ni moins braves,
et l'on s'écriera, en les voyant s'avancer auda-
cieux, et terribles :
Via rbataillon d'ia Moselle en sabots,
Via rbataillon d'ia Moselle !
L'usage des tentes est aussi peu répandu cher
ces jeunes héros que celui des souliers ; des
huttes en terre les remplacent à merveille ;
circonstance qui a fait donner au camp le nom
caractéristique de « camp des castors. » Les
approvisionnements sont entendus de la même
façon. Pourquoi obstruerait-on de farine un
caisson qu'on peut remplir de poudre ? » 11
faut voir cet admirable tableau, dont les fi-
gures rappellent les meilleurs types de Charlet
et de Raffet, les deux peintres qui ont le
mieux compris le soldat de la République, écrit
le critique théâtral du Moniteur, que le côté
héroïque de cette grande époque inspire on
ne peut mieux. Quelle verve, quelle insou-
ciance de la misère, quel facile dédain de la
souffrance, quel noble mépris du corps, quel
stoïcisme sans orgueil I Souffrir et se taire,
c'est déjà beau, mais souffrir et chante^ c'est
sublime 1 D'autant plus que, sur l'autre coté du
fleuve, on voit, à l'aide d'un télescope, les
cheminées dos cuisines fumer, la flamme des
BAT
fourneaux briller, le cuivre des casseroles re-
luire comme le soleil, au château de Lauten-
bourg, où les- Autrichiens font bombance. »
Quelques déterminés passent le fleuve, et
cueillent à la baïonnette un bon repas, assai-
sonné de quelques coups de fusil. Une scène
accueillie avec enthousiasme, c'est l'enlève-
ment de la redoute autrichienne. Marceau
achètera aux soldats chaque pièce de canon,
six cents livres; marché conclu, marché tenu ;
le bataillon s'ébranle, il s'élance au refrain de
la chanson si populaire de Charles Gille, en-
tonné par Darcier, avec un entrain enivrant,
Dieux! que c'te r'doute est belle;
et ces héros à cœur d'enfant, tout heureux
des sabots neufs qu'on leur a donnés, s'écrient
en courant gaiement à la mort : >
\ là l'batailioa d']a Moselle en sabots.
Via l'bataillon d'ia Moselle !
Cependant l'argent du général est refusé, et
l'on crie les canons dans le camp : à trois sous
le tas ! comme les pommes, aux portes de'Co-
blentz. Nous assistons à un ballet assez origi- ■
nal de soldats et de vivandières, avec une en-
trée d'enfants de troupe, dont quelques-uns
sont hauts tout au plus comme le panache du
tambour-maître. Puis le bataillon de la Mo-
selle passe dans le Tyrol, mais Marceau n'est
plus à sa tête ; une balle l'a frappé mortelle-
ment à Altenkirchen, et des funérailles anti-
ques ont honoré- le jeune général enlevé à
vingt-sept ans « sur les ailes des Victoires
dans le ciel des héros. » En Italie, où il re-
trouve un autre chef, Bonaparte, alors dans
toute la fleur de son audace et de son ambi-
tion, le bataillon de la Moselle est incorporé
à cette année d'Italie, dont chaque étape fut
un triomphe.
Au milieu de tous ces faits épiques et sur-
humains dont le drame est bourré, à travers
un dialogue plein d'esprit, de gaieté, calqué
sur les épigraphes des lithographies popu-
laires, circule une" historiette amoureuse que
nous avons négligée à dessein ; le bruit de la
fusillade et du canon couvre à chaque in-
stant les soupirs du volontaire républicain.
Qu'il nous suffise de dire qu'Armand Mau-
bert épouse M'ne de Rennevée, après toutes
* sortes de péripéties bien disposées pour tou-
cher les cceurs sensibles, et dont les auteurs
se sont habilement servis, ainsi que l'a fait
remarquer M. Théophile Gautier, pour trans-
porter l'action du camp des républicains au
camp des émigrés, et peindre ainsi les deux
laces authentiques de 1 époque, u L'effet de ce
drame a été immense, poursuit l'écrivain que
nous venons de citer. L'esprit qui l'anime est
profondément français. La plaisanterie y siffle
gaiement, comme un air de fifre parmi des
appels do clairons et des roulements de tam-
bours. Gela enivre, exalte, rend fou, et fait
comprendre ces airs de Tyrtée, qu'on ne pou-
vait entendre sans courir aux armes. Dieu
merci ! la patrie n'est pas en danger, et l'on
n'a .pas besoin de courir aux bureaux d'enrô-
lements volontaires ; mais- on courra aux bu-
reaux de location du Cirque. » Une chose que
les feuilletons du lundi ont omis do dire, c'est
que le drame du Cirque s'est inspiré d'une
chanson bien connue , du poëte populaire
Charles Gille, mort par le suicide en avril
1856. Cette chanson, intitulée le Bataillon de
la Moselle, et intercalée habilement par les
auteurs au milieu d'une scène, n'a pas été un
des moindres succès du drame. M. Darcier,
qui en a fait la musique entraînante et bien
adaptée aux paroles , l'interprète avec une
verve remarquable.
Mais ne quittons pas le bataillon de la Mo-
selle sans raconter le sujet d'une caricature
pleine d'une superbe grognardise, et qui, tout
jeune, nous a tait rire comme nous ne rions
plus depuis longtemps. Le tableau représente
de jeunes conscrits cachés dans un marais
-jusqu'au dessus de la ceinture. Le comman-
dant arrive, monté sur un énorme percheron :
« Soldats, s'écrie-t-il, dans une heure d'ici, il
sera huit heures du soir ; demain matin, au
lever de l'aurore, les ennemis feront une sou-
daine apparition ; vous quitterez alors ce poste
honorable, et vous les enfilerez tous comme'
des lapins. Si la République est satisfaite, elle
votera à chacun de vous une paire de sabots, »
BATAKS, peuple de l'île do Sumatra, sur le-
quel les missionnaires Burton et Ward nous
ont donné d'intéressants renseignements. Les
Bataks paraissent être une race relativement
policée et intelligente; la justice est en effet
assez régulièrement administrée chez eux. Ils
n'ont cependant point de code uniforme ; les
lois écrites et les usages varient de district à
district; la plupart des délits sont punis par
des amendes pécuniaires; dont le produit ap-
partient au chef du district, qui est en même
temps juge. Le vol avec effraction, le vol sur
un grand chemin et l'adultère sont punis de
mort; les cadavres des suppliciés, ainsi que
ceux des guerriers tués sur le champ de ba-
taille, sont dévorés par le-peuple. La polyga-
mie est permise ; toutefois un Batak a rarement
plus d'une femme. Les mariages entre proches
sont sévèrement interdits, quelque éloigné que
soit le degré de parenté. Les Bataks croient à
l'existence d'un Etre suprême, qu'ils appellent
Debata-Hasi-Asi, et, vraisemblablement par
suite d'une réminiscence de la doctrine indoue,
ils prétendent qu'après avoir créé le monde,
ce dieu en a confié la direction à ses trois fils,
Bataraguara, Sori Pada et Mangana Bulan,
qui le gouvernent par l'intermédiaire de leurs
BAT
lieutenants ou vakîl (mot d'origine araoe, dé-
rivé de la racine wagal, confier). Chaque vil-
lage a son prêtre, dont les fonctions consistent
à expliquer les livres sacrés, à déterminer les
offrandes par le moyen desquelles on peut
apaiser la colère des divinités malfaisantes, et
à faire connaître les jours heureux, soit en
consultant, les tables astrologiques, soit par
l'inspection des entrailles de quelque animal,
chien, cochon ou oiseau. Ordinairement, le
Batak ne s'occupe guère de ses dieux ; il ne
s'en inquiète que lorsqu'il veut faire la guerre,
commencer quelque entreprise importante, ou
bien quand il a éprouvé quelque malheur. En
ce cas, il a recours à son datu ou prêtre, pour
savoir quel démon il doit apaiser, ou bien
quelle victime il doit immoler. La langue des
Bataks paraît n'être qu'un dialecte de la lan-
gue malaise. C'est surtout par rapport aux
substantifs que l'analogie est frappante, plus
cependant pour la langue écrite, ou kata-kata-
i-lan, que pour la langue parlée, ou kata-lohop.
Les formes grammaticales de l'une et de l'autre
sont également simples. Dans la langue des
Bataks, on trouve beaucoup de mots empruntés
au sanscrit, mais point, ou. du moins fort peu
de mots arabes, tandis que la langue malaise
renferme, au contraire, une assez notable pro-
portion de. mots arabes introduits par l'isla-
misme. Les Bataks connaissent l'écriture, et
leur système graphique est évidemment dérivé
de l'alphabet sanscrit ou devanagari, La di-
rection de l'écriture est de gauche à droite, et
il n'existe pas de séparation entre les mots.
Chaque consonne porte sa voyelle avec elle.
Les Bataks possèdent une littérature assez
riche, qui consiste principalement en ouvrages
religieux, formules de prières, de cérémonies,
de sacrifices, traités sur l'art de la guerre,
recueils de médecine empirique et supersti-
tieuse, etc. Les Bataks ont cultivé, non sans
succès, la poésie; leurs vers sont rimes et or-
dinairement divisés en quatrains, à l'instar des
pantouns malais. Souvent se voient des com-
bats poétiques, où des interlocuteurs s'atta-
quent et se répondent tour a tour, pendant des
heures entières, en récitant alternativement
des vers. Ces luttes exigent une grande pré-
sence d'esprit, et surtout une mémoire sûre et
imperturbable, car les réminiscences jouent
un grand rôle dans les improvisations rapides
faites à haute voix.
BATALHA, bourg du Portugal, prov. d'Es-
tramadure, à 10 kil. S.-O. do Leiria, sur la
Lis ; 2,000 hab. Exploitation de sources salées.
Beau couvent de dominicains fondé par le roi,
Jean Ierj et destiné à la sépulture des rois de
Portugal. Ce magnifique monastère fut com-
mencé en 1388 par Joao 1", vainqueur d'Alju-
barrota. On ignore quel fut le principal archi-
tecte de ce chef-d'œuvre de l'art gothique,
bien que l'on nomme quelquefois Mattheus
Fernandès, qui n'en fut que le continuateur.
Il faut descendre une douzaine de marches
pour être de plain-pied avec le portail de
l'église. « Rien ne manque à ce portail, dit
M. de Pêne, ni la pensée, ni l'exécution, ni la
noblesse dans l'élégance, ni l'élévation dans
la grâce. » Les proportions de la façade s'har-
monisent parfaitement, et elle est ornée d'une
centaine de ligures en bas-relief d'un grand mé-
rite. L'intérieur de l'église est d'une simplicité
grandiose. De hautes fenêtres ogivales, déco-
rées de beaux vitraux, répandent une lumière
douteuse dans la grande nef, où, devant le
maître-autel, reposent le roi don Duarte et sa
femme, Léonore d'Aragon, dont les statues
ont été mutilées en 1808 par les Français. La
salle du chapitre forme un carré parfait, dont
chaque côté a 20 m. de long. Elle se termine
par une coupole en pierres de taille, qui semble
suspendue en l'air. Aucun pilier ne la soutient ;
elle n'est supportée que par des courbes qui
viennent se réunir, au sommet de la voûte, en
une large, rosace d'un admirable, travail. Le
.cloître déploie, dans une médiocre étendue, Ja
plus charmante élégance ; ses fontaines, ses
arcades en ogives, ont une grâce et une lé-
gèreté infinies. Enfin, la chapelle imparfaite,
ainsi Dominée parce qu'elle ne fut jamais
achevée, a été bâtie par le roi don Manoel,
dans ce style gothique enjolivé , qui semble
propre au Portugal.
BATAN, île de l'Océanie, dans l'archipel des
Philippines, au N.-E. de Luçon, par 20° 30' de
lat. N. et 120° de long. E. Superficie : 132 kil.
carrés. Riches mines de houille.
BATANÉË ou BASAN, petite contrée de l'an-
cienne Palestine, à l'E. du Jourdain, entre la
rivière Jabbok au S. et l'Hermon (Anti-Liban)
au N. Elle était comprise dans la demi-tribu
de Manassé, et était arrosée par le Hieromax.
La contrée appelée de nos jours El Botthin,
sans correspondre à aucune division précise,
rappelle la désignation de Batanée, dont elle
occupe le territoire.
BATANGAS, ville de l'Océanie, dans l'archi-
pel des Philippines, ch.-l. de la prov. de son
nom dans l'île de Luçon, sur la côte méridio-
nale; 22, 000. hab. On y remarque le palais de
l'alcade, l'église paroissiale, le couvent des
augustins et l'hôtel de ville. Il La province du
même nom, bornée au S. et à l'O. par la mer
de Chine, à l'E. par la prov., de Tayabas, au
N.-E. par celle de Loguna, mesure 80 kil. du
N. au S. et 110 kil. de l'E, à l'O. ; le sol, cou-
vert de montagnes, présente encore les traces
de plusieurs volcans éteints. Elève de bétail.
On y trouve une assez grande quantité de
buffles, sangliers, cerfs, singes et porcs-épics.
BAT
BATAN OME s. m. (ba-ta-no-me). Comm.
Sorte de toile du Levant.
batara s. m. (ba-ta-ra). Ornith. Genre de
passereaux, voisin des fourmiliers, qui habite
l'Amérique et l'Afrique ; il est syn. de thamno-
phile ; On doit réunir aux vrais bataras le
vanga strié, (P. Gervais.) Les bataras ne font
que sautiller lorsqu'ils sont par terre, et restent
presque toujours perchés. (De Ste-Croix.)
— Encycl. Le genre batara (thamnophilus
de Vieillot) appartient à l'ordre des passereaux
de Cuvier, famille des pies-grièehes, ou famille
des.collurions de Vieillot. Batara est le nom
donné à ces oiseaux par les habitants du Pa-
raguay, où ils vivent. D'Orbigny trouve plus
naturel de les grouper avec les fourmiliers
qu'avec les pies-grièches. Ce sont des oiseaux
buissonniers par excellence, comme l'exprime
le nom thamnophilus; ils vont toujours sau-
tillant sur les branches basses des buissons ;
ils ne descendent guère à terre que pour y
saisir les insectes dont ils font leur nourriture,
et ils remontent sur les branches pour les
manger. Les mâles, au temps des amours,
font entendre des gammes bruyantes, aux-
quelles les femelles répondent par des sons
moins prononcés; mais il est fort difficile^de
les apercevoir, parce qu'ils se tiennent tou-
jours cachés dans les fourrés les plus épais.
Ce genre a pour caractères : un bec fort, droit,
arrondi en dessus, courbé a son extrémité;
mandibule inférieure concave en dessous d'a-
bord, puis bombée jusqu'à ia pointe; pieds
forts, tarses et doigts allongés et terminés par
des ongles larges et très-arqués ; ailes courtes,
à rémiges étagées ; queue le plus souvent
longue et large. Les mâles ont le dessus de la
tête noir, et leurs couleurs sont en général
variées dé noir et de blanc ou de gris ; les
femelles sont, brunes ou |rousses, variées de
teintes plus claires. D'Orbigny les distingue
en espèces nombreuses, dont les principales
sont: le grand batara ou thamnophilus major ;
le batara rayé; le vanga ou batara gris; le
vanga ou batara roux; le vanga strié huppé;
le fourmilier taehet; le fourmilier gorgeret;
le fourmilier moucheté; le batara à coiffe
{thamnophiluspileatus) , etc. Toutes ces espèces
forment trois groupes : ceux des bataras à
grande queue, à courte queue et a bec grêle ;
ce dernier groupe se confond avec les formi-
ciwra de Swainson.
bâtard, ardf, adj. (bà-tar, ar-de. — Ce
mot, qui primitivement s'écrivait bastard,
comme le prouve la présence de l'accent cir-
conflexe, est formé du radical bas, joint au
mot, également celtique, tars (extraction).
Roquefort, dans son glossaire, assure que
l'on disait autrefois fils de bas, frère de bas,
pour bâtard. Nous trouvons, en gallois, bas-
darz; en irlandais, basdard; en écossais,
basart; en breton, bastart et bastard. L'ita-
lien et l'espagnol ont conservé la forme pri-
mitive dans bastardo). Qui est né de parents
non mariés l'un à l'autre : Un enfant bâtard.
Une fille bâtarde.
11 faut être bâtard, pour coudre sa misère
Aux misères d'autrui
A. de Musset.
"Vos mères aux laquais se sont prostituées;
Vous ÔCes tous bâtards "
V. Huoo.
— Dégénéré ou altère : Une race bâtarde.
Un olivier bâtard. La reinette bâtarde. C'est
une espèce de guitare bâtarde, où il jaut ar-
rondir les bras et faire saillir la kanake, inven-
tion de l'empire, pour faire poser les femmes à
la grecque. (F. Soulié.) Un ordre secret du
roi le pria de le reconnaître, sous peine de
Bastille éternelle, à cause de je ne sais quel
commerce de monnaie bâtarde. (F. Souiic.) !l
Sans caractères tranches : La Picardie est une
contrée bâtarde, où le langage est sans accen-
tuation, et le paysage sans caractère, (Ste-
Beuve.) Les régimes qu'on croise ne produisent
que des gouvernements h\tards. (E. de Gir.)
[I Tenant à la fois do deux choses contraires
ou opposées : Les Martyrs, d'après certains
critiques, appartiennent au genre bâtard du
poème en prose. L'expérience le fit renoncer à
ce rôle mixte et bâtard. (Ste-Beuve.) Le mé-
lodrame est un genre bâtard. (Chésurolle.)
— Prov. L'hiver n'est pas bâtard; s'il ne
vient tôt, il vient lard, Tôt ou tard, il fait
toujours froid en hiver.
— Tèchn. Sucre bâtard, ou substantiv. bâ-
tard, Sucre dont le sirop a été fourni par dos
résidus de raffinage. H Pâte bâtarde, Pâte de
boulangerie entre dure et molle.
— Art milit. Epee bâtarde, Epée pouvant
également servir à une ou à deux mains.
' — Mar. Tout à fait semblable de dimen-
sions et do formes : Deux canots bâtards. [|
Pièces bâtardes, Nom donna h deux canons
montés tribord et bâbord du coursier, il
Hunier, canot bâtard, Hunier, canot de gran-
deur moyenne, qui peuvent remplacer, au
besoin, le grand ou le petit hunier, le grand
ou le petit canot. Il Voile bâtarde, Sur les
galères, Grande voile qui ne s'emploie qu'avec
un temps presque calme, il Marée bâtarde,
Fausse marée, petite marée, marée des qua-
dratures, par opposition- aux grandes marées
des syzygies.
— Archit. Porte bâtarde, Porte intermé-
diaire entre la porte cochère et la petite
porte : Une petite porth bâtarde donnait en-
trée à cette sombre maison. (Balz.) Au tinte-
ment réitéré d'une sonnette, une porte bâtarde
s'ouvrit, (E. Sue.)
BAT
349
...... Ici, je suis de garde.
Et je ne puis Couvrir que la porte bàtardr..
, Keonard.
— Mus. Mode bâtard, Nom donné, dans le
plain-chant, aux modes liyperéoîien et hy-
perphrygien, qu'on avait rejetés des modes
authentiques et plagaux.
— Caîligr. Ecriture bâtarde, ou simplement
bâtarde. V. BÂTARDE.
— Pathol. Qui ressemble à une maladie,
sans en avoir tous les caractères essentiels :
Une pleurésie bâtarde.
— Hortic. Plante lâtarde, Plante sauvage
ou non greffée : De la laitue bâtarde. Un ro-
sier bâtard, il Plante qui porte le nom d'un
genre auquel elle n'appartient pas.
— Econ. agric. Vache bâtarde , Vache dont
le lait diminue à une seconde portée. Il Laine
bâtarde, Laine de seconde tonte.
— Hist. nat. Croisé, produit par des sujets
qui appartiennent à des espèces ou à des va-
riétés différentes : Un chien bâtard de dogue
et de mâtin. Un oiseau de chasse bâtard.
— Substantiv. Personne née de parents
non mariés ensemble : Un bâtard, une bâ-
tarde. Les bâtards ont droit à la succession
du père ou de la mère qui les a reconnus.
(Aead.) Louis XIV prévoyait la confusion et
les conflits que cette race équivoque de bâtards
légitimés pouvait apporter dans l'ordre mo-
narchique. (Ste-Beuve.) Il ne pouvait braver
les préjuges du monde, à ce point de faire
élever sa bâtarde avec sa fille fégitime. (X. de
Montépin.) Les biens des moines servaient
d'apanage aux bâtards des rois; aux plus
honteuses faveurs de leurs maîtresses. (Peyrat.)
En vérité, il n'y a que les bâtards, pour avoir
du bonheur. (Alex. Dum.)
Un bâtard échappé des pirates du Nord
A soumis l'Angleterre
Voltaire.
Charmant bâtard, cceur noble, âme sublime !
Le tendre amour me. faisait sa victime,
Mon salut vient d'un enfant de l'amour.
Voltaire.
— Bâtard adultérin, Celui qui est né de
deux personnes, dont l'une au moins est ma-
riée, mais qui ne sont pas mariées l'une à
l'autre, il Bâtard simple, Celui qui est né de
deux personnes libres des liens du mariage.
— Fig. Œuvre qui n'est pas produite par
la personne à qui on l'attribue : Il y a des
gens qui substituent leurs vers aux miens; je
ne fais pas grand cas de mes vers, mais enfin
j'aime mieux mes enfants tortus et bossus que
les beaux bâtards que l'on me donne. (Volt.)
Il Fausse imitation d'un autre objet :
C'est comme un temple grec tout recouvert en tuile;
Je ne sais quoi d'informe et n'ayant pas de nom,
Comme un grenier a foin bâtard de Parthénon.
A. de Musset.
1 — Ane. couL Bâtard de Caux, Cadet sans
fortune, parce que, dans la coutume de Nor-
mandie, les cadets du pays de Caux n'en-
traient point en partage avec leurs aînés.
— Antonyme. Légitime.
Bâtard (le), poème satirique anglais, de
Richard Savage, publié en 1728. L'auteur
était fils naturel de la comtesse de Maccles-
field,et, dans cette composition fameuse, il
devait être mieux inspiré par la triste réalité
que par l'allégorie et la fiction. Sa mère,
non-seulement ne voulut jamais le reconnaî-
tre, elle le poursuivit encore d'une haine im-
placable, et c'est pour se venger qu'il poussa
l'ironie jusqu'à lui dédier, « avec tout le res-
pect qui lui est dû, » son poHme vengeur,
dont la première page portait cette sanglante
épigraphe empruntée à Ovide : IJecet hœcdare
doua nooercam. Le Bâtard attendrit toute
l'Angleterre , excepté l'orgueilleuse lady ; il
est écrit avec une énergie prodigieuse, et l'on
sent à chaque vers que l'indignation a en-
flammé le génie du poëte :'racit indigna-
tio versum. « Dans les moments joyeux , dit-il ,
quand mon imagination était pétillante, ma
muse en délire laissait échapper ces mots :
Bénie soit la naissance du Bâtard. Dans les
sentiers non frayés encore, il se montre
comme une comète errante, il n'est pas le
fruit de molles complaisances, lui, l'enfant de
l'enthousiasme ; il doit fonder à lui seul sa
race généreuse, car il n'a rien de quoi il puisse
se vanter : il n'est point le dixième propaga-
teur d'une sotte ligure, il n'a ni espérances ni
exemples de la part de ses parents. La flamme
qu'il porte dans son sein n'est pas alimentée
du dehors : aussi il est fier du nom brillant de
bâtard... il est l'enfant de la nature; il est
seul : son cœur et son esprit lui appartiennent.
— O ma mère, vous qui ne l'êtes pas, c'est à
vous que je dois de si grands privilèges. De
tous les devoirs du sang et de la famille, de
tout lien naturel, moral et divin, vous avez
affranchi mon âme impatiente; sans aviron,
vous m'avez lancé sur l'Océan. Ah ! que j'y
aurais perdu, si, détesté par nature et aimé
par mariage, j'eusse été une masse vivante
et légale qui vous appartînt forcément : j'au-
rais été votre plat et cher héritier, fardeau
de votre vie et but de vos soins, pauvre dans
la richesse et petit dans la grandeur, esclave
de l'étiquette, un zéro dans l'Etat, négligeant
comme un seigneur mon mérite inconnu, et
sommeillant au fauteuil où le hasard m'aurait
jeté. Des avantages bien autrement glorieux
deviennent le partage du Hâtard, con<;u par
la tendresse et par une passion sincère. Ferme
comme le destin, il s'élance, il surmonte les
malheurs et s'élève jusqu'à la lumière. > Mais
350
BAT
ce rire strident de l'ironie ne se soutient pas
jusqu'au bout. Après avoir débuté presque
gaiement, Savage finit sur un ton mélancoli-
que. Faisant un triste retour sur lui-même, il
rappelle sa vie malheureuse, que l'absence
d'une famille a rendue dissipée et vagabonde :
• Cependant, où mon espoir pourra-t-il se réa-
liser? La voix d'une mère n'a jamais prié
pour moi et pour mon innocence au berceau.
Je n'ai pas eu de père qui retînt la fougue de
ma jeunesse, et qui, en réprimant mes vices, ait
fait éclore mes vertus. Ma mère, ce n'est pas
là votre nom : peut-être cette pensée fera
couler une larme. Tout ce qui me rendit mal-
heureux, c'est à vous que j en fus redevable;
tout ce qui m'a consolé m'est venu des étran-
gers. »
Telle est la réflexion simple et touchante
par laquelle Savage termine son poSme, qui
mérite d'être classé a part dans les composi-
tions du genre satirique. Il faut aller jusqu'à
Byron écrivant son pamphlet poétique : les
Bardes anglais et les critiques écossais, pour
retrouver la même énergie, la même amer-
tume, la même sincérité. Et encore, la satire
de Byron n'est-elle que la révolte d'un orgueil
littéraire. Le polirne de Savage répond à un
sentiment plus large et plus vrai; sa douleur
intéresse tout le monde, elle ne trouve que
trop d'échos dans les infortunes semblables
dont l'humanité et la civilisation ont à rougir.
L'impression est encore plus profonde et plus
poignante, si le fils naturel est. en outre le fils
abandonné, le fils proscrit. Une telle situation,
aggravée parle régime social de l'Angleterre,
ou le rang et la richesse dominent tout, devait
inspirer des vers brûlants. Le poSme de Sa-
vage trouva des lecteurs compatissants; ce
fut la punition de la mère. Elle put lire, avant
sa mort, dans la Vie de Savage par Johnson,
ce passage écrasant : « Dans cette circon-
stance, la mère de Savage montra pour la
première fois de la honte; jamais le pouvoir
de l'esprit d'un auteur ne fut plus remarqua-
ble. Cette créature infâme, qui, sans scrupule,
s'était déclarée adultère , et qui essaya de
faire périr son fils de faim, ensuite de le faire
déporter, eaiin de le faire exécuter, n'eut
pomt le courage de supporter l'effet que pro-
duisit sa conduite. Redoutant la voix publique
et nullement les remords, elle alla cacher son
crime dans l'univers de Londres. » On ra-
conte en effet qu'à Bath, où cette mère sans
entrailles s'était retirée pour éviter la pré-
sence de son fils, elle entendait a chaque pas
murmurer à ses oreilles les vers vengeurs
du Bâtard.
Bâtard do Mauléon (le), roman de M. Alex.
Dumas (Paris, 1846, 9 vol. in-8<>). On sait
de quelle façon dénuée d'apprêt M. Alexandre
Dumas traite ou maltraite l'histoire; on sait
avec quelle hâblerie de langage, quelle im-
perturbable assurance, quelle confiance en soi,
quelle naïveté fanfaronne, il va, court, s'élance
à travers les moulins à vent que son propre
souffle fuit tourner, et les châteaux de cartes
que sa fantaisie a construits. Le poing sur la
hanche, l'œil allumé, la plume en arrêt, il fond
sur l'histoire, la renverse, la dépouille, en
cueille la fleur, et, souriant, satisfait, gonflé
comme un page en bonne fortune, rayonnant
comme un écolier grisé par la victoire, étonné
plus qu'il ne faudrait d'avoir pu forcer des
portes ouvertes, il éclate, contant et racon-
tant à tous son triomphe et sa joie; il jase
sans tarir, il invente sans mesure, et ne s'arrête
qu'après vous avoir dit, bon gré mal gré, tout
ce qui trottait dans sa cervelle, faisant sonner
par-dessus l«s toits tous les grelots de sa fan-
taisie, vous intéressant ft ce qui l'a séduit, à
ce qui l'a amusé en chemin, à ce qu'il a pensé
hier, à ce qu'il fera demain. A cnaque page
que vous tournez en sa compagnie, vous êtes
tenté de crier : « C'est trop fort I à d'autres !
Vous nous croyez bien crédules, en vérité ! »
Vous vous dites : » Passé le chapitre, je m'ar-
rêterai, je jetterai le livre, » et pourtant vous
allez toujours, résistant faiblement au charme
qui vous entraîne, et quand vos yeux tombent
enfin sur le dernier mot du récit, vous flottez
entre le regret d'avoir perdu votre temps à
écouter l'herbe pousser, et celui d'en avoir
terminé déjà avec un compagnon qui s'entend
si bien à faire l'école buissonnière. Qui de vous
n'a bondi à quelque gasconnade venue des
bords de la Garonne et dite avec cet aplomb
sui generis qui arrête la dénégation sur les
lèvres du plus sceptique? Rendu à vous-même
et réfléchissant, vous vous en voulez sérieuse-
ment d'une crédulité qui faisait le triomphe du
narrateur. Eh bien, la même chose arrive
lorsque M. Alex. Dumas tient la plume et
qu'on le lit : si bien qu'après l'avoir suivi, plu-
sieurs heures durant, dans ses fantaisies épi-
ques, on éprouve l'envie de s'appliquer les
epithètes les plus malsonnante3, voyant com-
bien on fut facile a mystifier , combien on
a été gobe-mouches, comment on a pu se
laisser prendre à tant de sornettes, a tant
d'exagérations bouffonnes, a tant de préten-
dues ruses de guerre et complications poli-
tiques qui n'ont en somme ni queue ni tête ;
comment on n'a pas éclaté de rire au nez
burlesque de tous ces Machiavels qui ne sont
que des Gribouilles, de tous ces profonds
nommes d'Etat qui vont contant à tous les
coins de rue leurs secrets et leurs plans.
Voilà ce qu'on se dit, et bien d'autres choses
encore, et pourtant on conserve au fond de
l'âme un impérieux désir de chevaucher en-
core derrière ces preux chevaliers qui tran-
BAT
chent des montagnes d'un coup d'épée, qui
enlèvent des reines, qui font des rois, qui
créent des royaumes, qui tiennent en leurs
mains la paix ou la guerre, et pour qui les
dangers ne sont que prétextes à plaisanteries.
Gependant on est tenté d'admirer tant de vie
dépensée, tant de verve, tant d'audace, tout
en regrettant pour l'auteur et pour soi que le
besoin de parler longuement ait semé à tous
vents tant d'amplifications inutiles, tant de
rodomontades, tant d'invraisemblances. Et
puis, soyons sincère, l'esprit s'impatiente à la
longue, ne sachant plus, de toutes ces belles
histoires où Louis XIV, Anne d'Autriche, Ri-
chelieu et tant d'autres font parade et donnent
la réplique à des personnages imaginaires, ce
qu'il doit croire ou ne pas croire, où s'arrête
le réel et où commence le roman ; de telle
sorte qu'il faudrait, pour goûter un plaisir sans
mélange à ces contes, souvent naïfs, d'un
grand enfant dont la langue dorée va comme un
claquet de moulin sans se fatiguer, il faudrait
n'avoir jamais de sa vie ouvert une histoire.
Heureux donc les pauvres d'esprit, le royaume
de M. Alex. Dumas esta eux. Ceux-là ont fait
le succès du romancier, ils lui composent une
clientèle docile, qui croit que cela est arrivé,
et s'imagine que Monte-Cristo est un person-
nage tout aussi authentique que Mazarin ou
Condé; ils forment le gros bataillon, la masse
ahurie, bonasse et crédule de ce public qui,
rappelant la femme sauvage, digère les gros
cailloux de la littérature. Ce public croit au
roman historique comme à l'Evangile , et
M. Alex. Dumas est son prophète ; ce public-là
dit, comme le Duguesclin du Bâtard de Mau-
léon : « Je réfléchis le moins possible ; cela
me fatigue. »
Le Bâtard de Mauléon, qui n'est pas une
des meilleures productions sorties de la plume
du fécond auteur des Mousquetaires, a donc
cela de bon, pour ce public dont nous venons
de parler, qu il fait peu réfléchir ; on pourrait
même ajouter qu'il ne fait point réfléchir du
tout. Nous ne suivrons pas l'auteur chapitre
par chapitre, volume par volume. Nous dirons
seulement que l'honorable et valeureux sire
Agénor de Mauléon est un vrai chevalier des
vieux fabliaux et des légendes romanesques,
qui mène de front la guerre et l'amour. Un
coup de lance admirable qu'il échangea à
Narbonne avec don Frédéric, grand maître de
Saint-Jacques, alors que les Castillans ve-
naient chercher en France Blanche de Bour-
bon, lui valut une de ces amitiés robustes qui
croissent et se multiplient si agréablement dans
les romans de M. Alex. Dumas. En cette oc-
casion, il promit à don Frédéric de n.'accorder
à nul autre qu'à lui la fraternité d'armes, et,
de son côté, don Frédéric fit une promesse
analogue. Ce dernier invite plus tard Agénor
à venir le rejoindre en Portugal, à Coimbre,
qu'il vient de conquérir sur les infidèles.
Mauléon, armé en guerre, la lance au bras, la
targe au cou, panache rouge au casque, roide
et ferme sur les arçons, s'achemine au pas de
son cheval vers le Portugal. Il est flanqué de
son fidèle écuyerMusaron, homme sec, courbé,
bronzé, accroupi comme un singe sur un cheval
aussi maigre que lui-même ; ce Musaron est
pour le chevalier un de ces rares compagnons
comme l'auteur des Mousquetaires se complaît
à en barder ses héros. Perspicace comme
un Peau-Rouge, colère comme un chameau,
bavard comme un feuilleton de M. Alex. Du-
mas, il espadonnerait, sur un signe de son
maître, tout l'univers, et, de son arbalète, dé-
vasterait la chrétienté. Avec lui on peut aller
au bout du monde; avec lui on doit accomplir
des prodiges : le Bâtard de Mauléon, qui bientôt
aura à venger l'assassinat du grand maître de
Saint-Jacques et celui de Blanche de Bourbon,
en accomplit beaucoup, sous la plume du ro-
mancier.
On connaît l'histoire du mariage et de la
mort de Blanche de Bourbon, femme de ce
roi de Castille, connu sous le nom de Pierre
le Cruel. Blanche fut mariée dès l'âge de
quinze ans au roi de Castille. qui, le soir même
des noces, la quitta pour voler auprès de Mario
Padilla, sa maîtresse. Lamalheureuse Blanche,
tenue longtemps captive loin de lacour, mourut
de mort violente, par ordre du roi, à vingt-
deux ans. M. Alex. Dumas charge la mémoire
de cette infortunée reine d'un amour dont la
découverte amène du même coup la mort de
don Frédéric et de Blanche. Puis il confie à
son héros le soin de demander vengeance au
roi de France, Charles V, beau-frère de la
reine de Castille. Excellente occasion, d'ail-
leurs, pour nous faire un petit cours d'histoire
et livrer bataille à Pierre le Cruel en compa-
fnie de Duguesclin. Le sol de la France avait
esoin d'être purgé des bandes vagabondes, en
grande partie anglaises, qui composaient les
grandes compagnies. On an avait rejeté quel-
ques-unes à grand'peine en Allemagne et en
Italie, lorsqu'un prince espagnol, Henri de
Transtamare , vint demander des secours contre
son frère Pierre le Cruel. Charles fut heureux
de lui donner toutes les grandes compagnies
du royaume à emmener en Espagne, et mit à
la tête de l'expédition le brave Duguesclin.
Mais vous sentez bien que, dans le roman qui
nous occupe, tout l'honneur de l'entreprise va
revenir au Bâtard de Mauléon. Ce n est plus
Duguesclin qui rassemblera les aventuriers,
mais Mauléon. Ne chicanons pas l'auteur;
aussi bien , sauf l'extrême importance que
prend son héros dans la conquête d'un trône
de Castille, il laisse à la vérité historique
une part assez large. Il nous montre notam-
BAT
ment les aventuriers extorquant 200,000 écus
d'or au saint-père en passant à Avignon,
parvenant en Espagne et donnant à Henri de
Transtamare le trône de son frère ; puis Henri
de Transtamare est vaincu par suite de l'al-
liance de Pierre avec le prince de Galles, et
Duguesclin tombe au pouvoir des Anglais.
Mauléon vient en France chercher sa rançon,
car le connétable lui a dit de parcourir sa
Bretagne chérie, et, dans chaque village, sur
chaque route, de crier : « Bertrand Duguesclin
est prisonnier des Anglais! Filez, femmes de
Bretagne, il attend de vous sa rançon ! • Enfin,
Pierre le Cruel est vaincu à son tour. Les
deux frères s'étant rencontrés après la ba-
taille, dit l'histoire, se jetèrent l'un sur l'autre
et se roulèrent par terre en cherchant à se
déchirer, jusqu'à ce que Henri de Transtamare
enfonçât son poignard dans la gorge de Pierre.
Cette mort forme un chapitre émouvant du
livre de M. Alex. Dumas. Elle mit fin à la
guerre ; elle met fin au roman, qui est tra-
versé par un amour sans cesse contrarié, celui
que te Bâtard de Mauléon a conçu pour la belle
Moresque Aïssa, laquelle est surveillée de si
près par le farouche Mothril, ministre et
conseiller du roi don Pedro, qu'il ne peut ja-
mais l'atteindre. Au moment où les deux
amants vont enfin être l'un à l'autre pour tou-
jours, te barbare Mothril , d'un coup de poi-
gnard, abat la main gauche d'Agénor, et d'un
autre coup fait sauter la tète d'Aïssa. Une foule
d'épisodes et de détails romanesques viennent
se rattacher à ce canevas. On s'y intéresse
assez souvent, quand, ce qui est rare, M. Alex.
Dumas n'abuse pas du style familier et du
dialogue ; quand ses personnages veulent bien
s'abstenir de conversations inutiles, de plaisan-
teries intempestives, pour aller droit au but.
Ce qu'on peut reprocher à M. Alex. Dumas,
c'est de faire parler à tous ses personnages la
même langue ; les rois préparent des batailles,
créent des connétables ou des ministres, se
disputent et s'assassinent; les princes se con-
tent leurs affaires, s'entretiennent de projets
politiques, avec le ton goguenard et le' laisser-
aller de bons bourgeois jouant aux dominos
ou de rapins fumant leur pipe au café. Seule-
ment, comme il y a toujours dans ses récits
de beaux clairs de lune, des soleils éblouis-
sants, des bourses pleines, des festins qui
sentent bon, et ce parfum de jeunesse qui pare
les moindres choses, on passe sur des défauts
que, la page tournée, on oublie, comme on
oubliera le livre lui-même une fois tombé des
mains, car des livres de M. Alex. Dumas en
général, et du Bâtard de Mauléon en particu-
lier, on peut dire qu'autant en emporte le vent 1
bâtard s. m. fbâ-tar — rad. bâtard, adj.).
Mar. Bout de corda fourrée qui, passant par
lôs bigots et pommes de racage, sert à tenir
la vergue haute à son mât : J'ai supprimé
depuis longtemps les bigots et les pommes, ne
me servant que des bâtards garnis de basane.
(Willaumez.) Le bâtard traverse ordinaire-
ment un certain nombre de pommes en bois
blanc, et nommées pommes de racage. (A. Jal.)
— Pêch. Petit ver rougo qui sert d'appât.
BÂTARDAILLB s. f. (bâ-tar-da-lle ; Il mil.
— rad. bâtard). Fam. Tas de bâtards, race
de bâtards : Dépêtrez-vous de cette bâtar-
daiixe.
BÂTARDE s. f. ( bâ-tar-de — rad. bâtard,
adj.). Calligr. Ecriture à jambages pleins et
à liaisons arrondies, tenant de la ronde et de
la coulée, d'où son nom : Bâtarde penchée.
Bâtarde ronde. Eh! oui, d'une écriture que
vous connaissez... là... d'une certaine écriture
qui n'est pas légitime. — Il veut dire de la
bâtarde. (Lo Sage.)
— Techn. Limo d'horloger, qui n'est ni fine
ni grosse. Il Forme spéciale pour le sucre
bâtard, l! Bâtarde vergeoise, Sucre bâtard,
arrière-produit des raffineries : Les sirops qui
se sont écoulés pendant le raffinage sont traités
de nouveau, et donnent les sucres inférieurs
connus sous les noms de lumps, bâtarde ver-
geoise, et enfin la mélasse, qui est le résidu
final qu'on liore aux distillateurs. (J .Girardin.)
— Min. Nom donné, à Rive-de-Gier, à la
couche de houille qui précède la grande masse,
et qu'on appelle crue à Saint-Etienne.
— Artill. Sorte de coulevrine abandonnée
aujourd'hui, et que l'on appelait aussi qdart
DE CANON.
BÂTARDE, ÉE adj. (bâ-tar-dé — rad. bâ-
tard). Néol. Môle de façon à constituer un
tout bâtard : Il nous salua gauchement, et
nous souhaita le bonsoir avec un accent français
qui, bien que légèrement bâtarde de suisse,
rappelait suffisamment une origine parisienne.
(Baudelaire.)
BÂTARDEAU s. m. (bâ-tar-dô — dim. de
bâtard). Fam. Petit bâtard : Nous assistâmes
à cette cérémonie, avec la singularité d'avoir
eu à notre tête bâtards et batardeaux, et à
notre queue à tous un bâtard d'Angleterre.
(St-Sim.)
BATARDEAU s. m. (ba-tar-dô). Digue pro-
visoire, établie pour mettre à sec un endroit
où l'on veut bâtir : Les batardeaux servent à
fonder les ponts et à y faire des réparations
dans l'eau. (V. Hugo.)
— Batardeau simple, Celui qui est formé
d'une seule enceinte de pieux et de palplan-
ches. Il Batardeau double, Celui o:ui est formé
de deux enceintes dont l'intervalle est rem-
pli de terre glaise battue et tassée.
I
BAT
— Digue établie pour empêcher l'écoule-
ment des eaux, ou pour en exhausser le
niveau : Les batardeaux élevés pour le ser-
vice du moulin font qu'en plusieurs endroits la
rivière a des chutes de quatre à cinq pieds de
hauteur. (Th. Gaut.)
— Fortif. Digue maçonnée pour contenir
l'eau d'un fossé ou d'un avant-fossé : Batar-
deau d'amont. Batardeau d'aval.
— Mar. Echafaudage formé de planches,
u'on élève sur le bord d'un bâtiment avant
e le coucher sur le flanc pour le radouber.
— Encycl. Mar. Il arrive souvent qu'on a des
travaux à exécuter dans des endroits couverts
par les eaux , au fond d'une rivière , par
exemple, ou sur les bords, près du fond; alors,
pour rendre ces travaux plus faciles, on est
obligé de mettre à sec les parties sur lesquelles
ils doivent être exécutés, et pour cela il faut
construire des batardeaux. A cet effet, on en-
fonce dans le sol des pieux qui s'emboîtent les
uns dans les autres; ou, si l'eau n'est pas
très-profonde, les pieux sont enfoncés à des
distances plus ou moins grandes et réunis par
un revêtement en planches, ou même par dos
branchages en forme de claie, le long desquels
on amasse de la terre ; c'est ainsi que l'on
construit un batardeau simple. Lorsque l'eau
est très-profonde et présente une masse à
laquelle il faut opposer une grande résistance,
on est obligé de former avec des pieux une
double paroi que l'on remplit de terre glaise
bien battue, de chaux ou de béton, c'est ce
qu'on appelle un batardeau double. Dès qu'on
est parvenu à élever l'obstacle qui doit arrêter
l'eau, on se sert de pompes ou de tout autre
moyen pour mettre à sec l'espace où l'on se
propose de faire des constructions, et quand
celles-ci sont terminées, on démolit le batar-
deau pour que l'eau reprenne son cours. Il
arrive souvent que les propriétaires riverains
ont à souffrir du trouble ainsi apporté dans le
cours des eaux; cependant ils n'ont pas le
droit de s'opposer à la construction des batar-
deaux quand elle est faite dans l'intérêt public
ou même quand elle est nécessitée par des
besoins particuliers réels; mais ils peuvent
exiger une indemnité proportionnée aux dom-^
mages qu'ils ont soufferts. Il y a aussi des *
batardeaux à demeure, qui ont pour but
d'exhausser le niveau des eaux ou de les em-
pêcher de pénétrer dans des lieux situés au-
dessous de leur niveau ordinaire : ils sont
construits de la même manière , avec cette
différence qu'ils doivent être assez solides pour
durer pendant de longues années.
— Art milit. Il y a des batardeaux d'amont,
pour séparer les fossés de la rivière ; des
batardeaux d'aval, pour retenir les eaux, et
des batardeaux intermédiaires, pour diviser
le bassin d'inondation en plusieurs parties do
niveaux différents. Tous ces ouvrages sont
munis d'écluses. Le dessus des batardeaux,
qui se nomme cape, est disposé en dos d'âne
afin qu'on ne puisse y passer, et, pour rendra
ce passage encore plus difficile, on construit
sur le milieu une tourelle pleine, appelée dame.
BÂTARDEMENT adv. (bâ-tar-do-man —
rad. bâtard). Par bâtardise : Pour le duc
d'Orléans, le roi eut moins de répugnance, non
comme neveu, mais comme gendre bâtarde-
ment. (St-Sim.) n Peu usité.
BÂTARDIE s. f. (bâ-tar-di — rad. bâtard).
Féod. Droit en vertu duquel les seigneurs
hauts-justiciers, quelquefois même les sei-
gneurs bas-iusticiers et les féodaux, pouvaient
hériter des biens laissés par les bâtards
intestats.
BÂTARDIÈRE s. f. (bâ-tar-diè-re — rad.
bâtard). Hortic. Plant d'arbres greffés, en
pépinière, il Lieu où l'on met en dépôt les
arbres pris à une pépinière.
BÂTARDISE s. f. (bà-tar-di-ze — rad. bâ-
tard). Etat de bâtard : Madame était d'une
nation qui abhorrait les bâtardises et les mé-
salliances. (St-Sim.) On mettrait l'adoption
avec la bâtardise, qui est l'injure la plus
grossière.' (Napol. I".) La bâtardise et l'amour
furent héréditaires dans cette noble famille.
(Balz.) La barre est signe de bâtardise, (Balz.)
— Féod. Droit de bâtardise, Celui en vertu
duquel le seigneur héritait de tout bâtard
qui mourait sur ses terres sans avoir fait de
testament, il Syn. de bâtardie.
— Encycl. La plupart des coutumes des
provinces françaises laissaient aux bâtards
avoués et vivant noblement la faculté de so
qualifier nobles. Et quelques-uns profitaient
de cette tolérance pour se dire gentilshommes.
Des plaintes furent adressées au conseil d'Etat,
et un règlement du roi de 1600 porte : • Les
bâtards, encore qu'ils soient issus do pères
nobles, ne se pourront attribuer les titres et
qualités de gentilshommes s'ils n'obtiennent
nos lettres d'anoblissement fondées sur quel-
ques grandes considérations de leur mérite ou
de leur père, vérifiées comme il appartient. »
Un arrêt du conseil d'Etat, rendu le 20 fé-
vrier 1605 en interprétation de cet article,
ordonna que les bâtards qui obtiendraient des
lettres d'anoblissement seraient tenus de jus-
tifier qu'ils étaient issus de parents nobles et
avoués.
Une seconde ordonnance de Louis XIII, de
janvier 1629, décida que les bâtards des gen-
tilshommes ne seraient point tenus pour nobles ,
qu'ils ne pourraient prendre le nom de leur
famille que du consentement des intéressés.
BAT
BAT
BAT
BAT
351
et qu'au cas où ils seraient anoblis, eux et
leurs descendants seraient obligés de briser
leurs armoiries d'une barre dite de bâtardise,
qui les distinguât d'avec celles des nobles lé-
gitimes. Les lettres de noblesse qui leur étaient
concédées devaient, d'après le règlement sur
les tailles de 1634, être vérifiées en la cour
des aides, les procureurs généraux entendus
et les procureurs syndics indemnisés ; autre-
ment les bâtards, leurs veuves et leurs enfants
étaient imposés.
De ces divers règlements il ressortait que
làbàtardise faisait perdre au bâtard la noblesse
de son père. Il n'y avait d'exception qu'à
l'égard des bâtards reconnus des rois et des
princes ; les premiers naissaient princes, les
seconds gentilshommes.
La légitimation d'un bâtard, par le mariage
subséquent de son père, lui conférait la no-
blesse et tous les droits des enfants nobles
légitimes; mais un bâtard légitimé par lettres
du roi ne pouvait pas même jouir du droit de
patronage accordé à sa famille; ainsi jugea le
parlement de Paris en 1719, bien que certains
jurisconsultes, entre autres d'Argentré, pro-
fessassent une opinion contraire.
Il était d'usage, à la cour des aides de Paris,
de refuser la noblesse aux bâtards des gen-
tilshommes, malgré leur légitimation par let-
tres, à moins que ces lettres ne continssent
en termes formels l'anoblissement, la légiti-
mation pure et simple n'étant pas considérée
comme suffisante pour confirmer la noblesse.
- Toutefois, les coutumiers des diverses pro-
vinces jugeaient la question, chacun de façon
différente : ainsi la coutume de Normandie
était d'accord avec celle de Paris, et celle de
Lorraine continuait aux enfants^naturels des
gentilshommes les privilèges de la noblesse.
L'empereur Napoléon I" ; par son décret du
l°rmars 1808 instituant le» majorats, dérogea
à l'ancienne jurisprudence établie par l'édit
de 1600, en autorisant la transmission de ces
majorats et l'héritage des titres à la descen-
dance directe et légitime, naturelle et adoptive,
de mâle en mâle, par ordre de primogéniture.
Cette jurisprudence nouvelle est confirmée
par l'empereur Napoléon III, puisque le décret
qui confère au général Pélissier le titre de
duc de Malakoff appelle à la succession de ce
titre, ainsi qu'à la dotation qui l'accompagne,
l'aîné des enfants naturels, au défaut des légi-
times.
BÂTARDOU s. m. (bà-tar-dou). Nom donné,
dans quelques pays du centre de la France,
à la ficelle dont on se sert pour amorcer les
fouets.
batatb s. f. (ba-ta-to). Bot. Genre do
plantes de la famille des convolvulacées ,
formé aux dépens du genre liseron, et dont
l'espèce type est la batate comestible : La
batatb se multiplie par les racines. (V. de
Bomare.) il On dit plus souvent patate.
— Encycl. La batate ( batatas edulis , de
Choisy; convoloulus batatas, de Linné), dési-
gnée aussi sous les noms vulgaires de patate,
artichaut de l'Inde, truffe douce, cambara,
cananga, igname, etc. , est originaire des ré-
gions intertropicales. Cultivée depuis long-
temps dans nos jardins maraîchers, elle a
donné naissance à d'assez nombreuses va-
riétés, qui diffèrent par le volume, la forme
et la couleur des racines. Cette plante présente
des propriétés économiques dignes d'atten-
tion ; appétissante et nutritive, elle fournit,
par ses racines, ses feuilles et ses jeunes
pousses, des aliments sains et agréables. Les
premières contiennent une fécule de qualité
supérieure ; on peut aussi en obtenir du sucre
cristallisable ; mais on les emploie surtout
comme aliment, après les avoir préparées de
diverses manières. Sous le rapport médical et
hygiénique, la batate convient beaucoup aux
estomacs faibles, aux enfants, aux vieillards,
aux malades et aux convalescents. Enfin ,
toutes les parties de cette plante constituent
une excellente nourriture pour les animaux
domestiques. La batate a été introduite en
Europe vers la fin du xvie siècle ; mais cette
culture n'a jamais été bien entendue, parce
que ses procédés étaient assez compliqués,
ses produits fort incertains et toujours d'un
prix élevé. Dans ces dernières années, on a
perfectionné cette culture en la simplifiant.
La batate croît à peu près dans tous les sols ;
mais elle préfère ceux qui sont profonds et
frais. Les graines mûrissent rarement sous
nos climats, on la multiplie de boutures, de
stolons et de coulants. Les tubercules ne se
comportent pas toujours de la même manière ;
tantôt ils sont très-rapprochés du sol, et les
uns des autres ; tantôt ils sont éloignés entre
eux et profondément enfoncés. La récolte a
lieu ordinairement dans le courant de juillet;
quelques jours avant de recueillir les tuber-
cules, on coupe les tiges à 25 centimètres du
sol, pour les donner aux bestiaux. Quelquefois
on a une seconde récolte en octobre.
BATAUCAULON s. m. (ba-to-kô-lon — du
gr. batos, buisson; kaulos, tige). Bot, Section
du genre mimeuse.
— Moll. Grande espèce de patelle.
BATAULE s. f. (ba-to-lo). Sorte de graisse
ou de beurre végétal, appelé aussi beurre de
bamboiic, et que Ton relire d'un arbre qui
croît au Sénégal.
BATA VA CASTRA, ville do l'ancienne Ger-
manie , en Viudélicie (Bavière actuelle) , sur
l'Ister (Danube). C'est aujourd'hui la ville de
Passau.
BATÀVE (république), nom que prirent les
Pays-Bas constitués en république, de 1795
à 1806. V. Hollande.
BATAVES, ancien peuple germanique, qui,
par suite de troubles intérieurs, vint se fixer,
longtemps avant César, aux embouchures du
Rhin. Le centre principal du pays où ils s'éta-
blirent était Vinsula Batavorvm (île des Ba-
taves), décrite par César et qui avait pour
limites la Meuse, l'Océan et l'embouchure oc-
cidentale du' Rhin. Outre cette île, et à une
époque postérieure, tout le pays situé plus au
nord, depuis l'Yssel et le lac Flevus (Suder-
sée) jusqu'à la mer, fut compris, dans une ac-
ception plus étendue, sous le nom as Batavia,
lorsque Drusus eut changé l'embouchure du
Rhin par sa fameuse Fossa Drusiana, canal
qui devint l'embouchure principale de ce
fleuve,
« Les Bataves, dit Tacite, sont Cattes d'ori-
gine, et ils quittèrent leur pays à la suite
d'une guerre civile, pour s'avancer vers l'O-
céan. Les Romains ne les chargent pas de
taille et d'impôts ; ils les réservent pour le
combat, comme le fer et les armes. » D'après
quelques récits fabuleux ou légendaires, un
certain Batos aurait été, lors de l'émigration,
le chef des Bataves, auxquels il aurait donné
son nom ; quelques poètes hollandais l'ont pris
même pour héros de leurs fictions. Malgré ces
fictions poétiques , quelques écrivains pensent
que les Bataves portaient d'abord le nom de
Batti, auquel on joignit, après leur émigra-
tion dans les marécages du Rhin, la syllabe
aw, qui signifiait eaux et marécages. Le pays
où ils vinrent s'établir était désert, et on con-
jecture que ses premiers habitants s'étaient
joints aux Cimbres et aux Teutons lorsque
ceux-ci se présentèrent vers le Midi. V. Ba-
taves (île des).
Au point de vue religieux, moral et politi-
que , les Bataves devaient ressembler beau-
coup aux peuples de la Germanie, dont ils
tiraient leur origine. Les auteurs latins, qui
seuls peuvent nous renseigner sur les peu-
plades germaniques , rendent unanimement
témoignage à la bravoure des Bataves ; leur
cavalerie surtout, armée à la légère et habi-
tuée à traverser les fleuves à la nage, fut très-
utile aux Romains dans leurs guerres. Les Ba-
taves n'avaient point de rois, mais des chefs
d'armée (duces), élevés sur le pavois par
une élection unanime, et des familles plus émi-
nentes que les autres, parce que la gloire des
ancêtres passait de ceux-ci a leurs descen-
dants; Outre les armes dont se servaient les
autres peuples germaniques, ils avaient des
machines de siège , des échelles pour esca-
lader les murs, et même des tours mobiles qui
servaient à la défense de leurs remparts ; ils
se servaient aussi de javelots et d'arcs, que
ne connaissaient pas les autres tribus germa-
niques. Ils plaçaient des oiseaux et d'autres
ornements sur leurs casques, et, pour musique
militaire, se servaient d'une espèce de cor de
chasse. Les Caninéfates, une des tribus ba-
taves, étaient particulièrement puissants sur
mer, et il y avait un grand nombre de Bataves
parmi les matelots que les Romains entrete-
naient sur le Rhin.
La ville éternelle faisait encore plus de cas
des Bataves que des autres Germains, à cause
de leur haute stature et de leur blonde cheve-
lure ; aussi les cosmétiques destinés à teindre
en blond les noirs cheveux des Romains s'ap^
pelaient-ils crème batave.
L'histoire de ce peuple , comme celle de
tous les peuples de l'Europe septentrionale,
nous est tout à fait inconnue avant la con-
quête romaine; mais quand Rome eut étendu
sa puissance sur les Gaules et sur une partie
de la Germanie, les Bataves jouèrent un rôle
important dans la vie militaire de l'empire ro-
main. Ce furent des cohortes bataves qui ,
rangées sous les drapeaux de César, firent les
premières charges à cette grande bataille de
Pharsale, qui assura la victoire de César sur
Pompée. A la bataille d'Actium, ils se trou-
vaient aussi sur la flotte romaine, et les em-
pereurs avaient tant d'estime pour eux qu'ils
les admettaient dans les cohortes prétoriennes,
chargées de veiller à i;i sûreté de leur per-
sonne. Enfin, quand Agricola soumit la Grande-
Bretagne, les Bataves l'aidèrent puissamment
dans la conquête de ce pays. Plus tard, traités
en esclaves par les lieutenants romains en-
voyés dans leur pays, ils profitèrent des dis-
sensions intestines des Romains pour recou-
vrer leur indépendance. Après la mort de
Néron, un des principaux de leur nation, Ci-
vilis , se mit à leur tête ; il fut l'âme de cette
insurrection gallo-romaine qui , au nom de
Vitellius, prit les armes contre Vespasien, et
dont le but était d'établir un empire gaulois,
ou indépendant de Rome, ou maître de la ville
éternelle. Vespasien, délivré de Vitellius, eut
besoin d'une année encore pour comprimer la
révolte et forcer les Bataves à accepter une
paix honorable. Ce peuple resta longtemps
ensuite allié fidèle du peuple romain. Septime-
Sévère traita les Bataves avec la plus grande
faveur , et ils contribuèrent beaucoup à la
victoire que Julien, surnommé l'Apostat, rem-
porta près de Strasbourg. Ils rendirent, plus
tard encore, de grands services à l'empereur
Théodose, et passèrent enfin sous la domina-
tion des Francs. Sous les Mérovingiens, ils
furent rattachés de nom au royaume d'Aus-
trasie ; sous les Carlovingiens , les anciens
noms disparurent, et tous les pays eurent des
ducs ou des comtes. L'île des Bataves, centre
de leur résidence, fit partie, sous diverses ap-
pellations, des Pays-Bas. V. ce mot.
BATAVES (île des), la Batavorum insula des
Romains, appelée Bommeler-Waard par les
Hollandais, delta de 20 kil. de long sur 9 kil.
de large, formé par la branche du Rhin tombant
près de Leyde dans la mer du Nord , par le
Vahal et la Meuse. Cette contrée, qui forme
une partie de la Hollande, et où se sont élevées-
tant de cités populeuses et florissantes, a été
transformée par l'activité industrieuse de ses
habitants. Voici comment en parle un auteur
du m' siècle, Euniène, originaire de la ville
d'Autun : « Cette terre n'est point à propre-
ment parler une terre, elle est tellement im-
bibée d'eau , que non-seulement les parties
manifestement marécageuses cèdent sous les
pieds qui les pressent et les font plonger ,
mais que les endroits même qui paraissent
plus fermes tremblent et chancellent sous les
pas. »
BATAVE s. m. (ba-ta-ve). Ornith. Variété
de pigeon à long cou.
BATAVIA s. f. (ba-ta-vi-a). Hortic. Variété
de laitue.
BATAVIA, ville de l'Océanie, capitale de l'île
de Java et de toutes les possessions néerlan-
daises des Indes orientales, sur une baie de la
côleN.-O. de l'île, à l'embouchure du Jakatra,
appelé aussi Tjiliwoug, avec un port fortifié ;
par 6" 12' de lat. S., et 104« 33' de long. E.
150,000 hab., parmi lesquels on compte 4,000
Européens. Le reste de la population se com-
pose d'indigènes, de Chinois et d'Arabes. Ré-
sidence du gouverneur général; place de
guerre défendue par une citadelle et quelques
batteries; port militaire avec arsenal. Siège
de la haute cour de justice, d'un préfet aposto-
lique; consulats de France et des Etats-Unis;
banque; théâtre; Société des arts et des scien-
ces très-florissante. L'industrie, peu impor-
tante à Batavia , est presque entièrement
exercée par les Chinois, partie là plus active de
la population ; en revanche, c'est la première
ville de l'Océanie sous le rapport commercial.
La rade, qui forme "le port, est abritée par
plusieurs îlots contre la mousson du N.-O. et
offre un bon mouillage ; cependant les navires
de plus de 300 tonneaux sont obligés de jeter
l'ancre à environ 2 kil. du rivage. Il sort an-
nuellement de Batavia environ 1,500 navires,
dont les deux tiers environ sont néerlandais ;
les principaux articles du trafic sont les épi-
ces, le riz, le café, les sucres, l'indigo, les bois
de teinture, le thé-et la poudre d'or. Le chiffre
des exportations de cette place de commerce
égale à peu près celui de ses importations, qui
dépasse 60 millions de francs.
Batavia, fondée en 1621 par l'amiral hollan-
dais Jean Koen, sur les ruines de la ville ma-
laise de Jakatra, est bâtie sur un sol bas et ma-
récageux, coupé de nombreux canaux. Elle
se compose de deux parties : la vieille ville
ou ville basse, qui était autrefois un foyer
d'émanations pestilentielles, mais qui a été
assainie par les soins des gouverneurs Dœn-
dels et van Capellen ; et la nouvelle ville, for-
mée de maisons spacieuses et bien aérées,
séparées les unes des autres par des cours et
de beaux jardins, qui en font un séjour des
plus agréables. C'est là, principalement dans
le quartier appelé Weltevreden, que les riches
Européens ont aujourd'hui leurs somptueuses
demeures ; l'ancienne Batavia a été aban-
donnée aux Malais et aux Chinois ; le négo-
ciant européen n'y a conservé que ses bu-
reaux, auxquels il se rend vers dix heures du
matin, et qu'il se hâte de quitter vers quatre
heures, pour retourner à Weltevreden, où il
retrouve la fraîcheur dont il a été privé pen-
dant la journée. Après avoir traversé ce
quartier aristocratique, on arrive sur la route
de Beutenzorg, où l'on admire le magnifique
château du gouverneur, et où se trouve le jar-
din botanique, l'un des plus riches du globe.
Parmi les édifices remarquables de Batavia,
nous devons mentionner 1 église luthérienne,
le grand hôpital militaire, la Bourse et la
Banque de Java. Depuis sa fondation, cette
ville est toujours restée possession hollandaise,
excepté de 181l à 1816, période pendant la-
quelle Batavia fut entre les mains des Anglais.
Il Ville des Etats-Unis, dans l'Etat de New-
York, à l'E. de Buffalo et à l'O. d'Albany,
sur le chemin de fer de Buflalo à Rochester ;
4,500 hab.
BATAVIQUE adj. f. (ba-ta-vi-ke — rad.
batave). Phys. Usité seulement dans l'expres-
sion Larmes batavigues , Gouttes de verre
terminées par une pointe très-déliée , que
l'on produit en laissant tomber du verre
liquide dans un vase plein d'eau froide. Elles
sont ainsi appelées, parce qu'elles furent in-
ventées à Leyde, en Hollande.
— Encycl. Quand on casse l'extrémité de
la pointe d'une larme batavique, toute la masse
se réduit en poussière, en produisantune légère
détonation. Ce phénomène est dû à ce que,
par suite du refroidissement brusque de la
pièce, les molécules intérieures se trouvent
dans une sorte d'équilibre forcé, qui est sim-
plement maintenu par la solidarité de celles
de la surface, et qui est rompu aussitôt que
l'on opère une solution de continuité quelcon-
que dans l'enveloppe. Les larmes batavigues
ae nomment aussi gouttes_du prince Robert.
KATAVODURUM, ville ancienne des Bata-
ves, dans la Germanie deuxième, entre la
Meuse et le Wahal. On ne sait pas exacte-
ment à quelle position moderne correspond
cette ville. Quelques auteurs pensent qu'elle
était située sur l'emplacement de la petite ville
hollandaise de Wyck-Dursted.
BATAVORUM INSULA, nom latin du Bom-
meler-Waard.
BATAVORUM OPPIDUM, ville ancienne du
pays des Bataves. Aujourd'hui Batenbourg,
sur la Meuse.
BATAYOLE s. f. fba-ta-io-lo). Mar. Mon-
tant qui supportait autrefois les lisses ou
garde-fous, les passavants, les fronteaux.
BATBIE (Anselme-Polycarpe), jurisconsulte
et économiste français, né à Seissan en 1828.
Reçu, au concours, auditeur au conseil d'Etat
en 1849, il soutint, l'année suivante, sa thèse de
docteur en droit à la faculté de Paris, fut
nommé, en IS52, professeur suppléant à la
faculté de droit de Dijon, et passa bientôt
après, avec la même qualité, à celle de Tou-
louse , où il professa le droit administratif
comparé, de 1854 à 1856. Appelé à Paris en
1857, il enseigna également le droit admini-
stratif, et il reçut en 18G0, du ministre de l'in-
struction publique, la mission d'aller étudier
en Allemagne, en Belgique et en Hollande
l'organisation de l'enseignement du droit pu-
blic. De retour de cette mission, il fit paraître
une étude sur Turgot, économiste, philosophe
et administrateur (1861, in-s°), à laquelle 1 In-
stitut a décerné le prix Léon Faucher, c'est-
à-dire le prix institué par Mm^ Léon Faucher,
pour perpétuer le souvenir de son mari, La
même année, il commençait la publication,
aujourd'hui menée à terme, des premiers vo-
lumes de son Traité théorique et pratique de
droit public et administratij . Ce traité, qui est
l'une des grandes œuvres de la vie déjà bien
remplie du jeune professeur, est considéré, par
les critiques qui ont autorité pour traiter de
ces matières, comme bien supérieur à toutes
les précédentes publications de ce genre. Plus
heureux que ses devanciers, M. Batbie a su
faire une équitable part à la théorie et à la
jurisprudence, et il a évité de trop sacrifier
soit à l'une, soit à l'autre. Mieux que personne,
il a su réaliser l'alliance intime qui doit exister
entre la doctrine et la pratiquent il a fait admi-
rablement ressortir les trois éléments irréduc-
tibles auxquels aboutissent toutes les classifi-
cations du droit public : 1° les personnes, ou
le sujet du droit; 2° les choses, ou l'objet du
droit ; 3° les manières d'acquérir. Afin de
rendre son travail aussi complet que possible,
M. Batbie y a joint des comparaisons avec les
législations étrangères. En ce qui concerne
l'Angleterre, il est à regretter que le savant
professeur, qui, au moment où il écrivait son
ouvrage, ne connaissait les institutions poli-
tiques de ce pays que de seconde main, et ne
pouvait encore lire un livre de droit politique
en anglais, ait accepté, sur le mécanisme des
institutions représentatives, sur la pratique du
droitderéunion etde !a libertédela presse dont
ce pays est en possession, les affirmations et
appréciations des circulaires et manifestes de
M. de Persigny, comme des vérités histori-
ques et juridiques bien établies. L'œuvre de
M. Batbie aura assurément plus d'une édition,
et il est probable qu'en revenant sur ce sujet,
ses études et ses jugements personnels y tien-
dront beaucoup plus de place que les études
et appréciations de l'homme d'Etat qu'il a
un instant été amené à prendre pour guide et
pour maître en histoire et en pratique du
droit constitutionnel. Sur le terrain de l'éco-
nomie politique, M. Batbie est libre-échan-
giste. En principe, il repousse les monopoles
et se prononce pour la concurrence, n'admet-
tant pas que la réglementation en ces ma-
tières vaille mieux que la liberté. Il est contre
toute intervention administrative et gouver-
nementale. A ses yeux, les subventions de
l'Etat, la prohibition, la protection, la péna-
lité et les amendes ne sont pas des remèdes à
employer.
En dépit des railleries dont la maxime lais-
sez faire, laissez passeï* a été l'objet, de la
part de ceux qui en font la caricature pour
s'épargner la peine de la comprendre, M. Batbie
tient pour elle. 11 fait observer que ces raille-
ries portent, en définitive, sur la liberté du
travail et de l'industrie. L'œuvre de M. Batbie
est en voie de pénétrer dans le monde poli-
tique et officiel; ses vues y ont été assez
bien goûtées pour que, lors de la création
d'une chaire d'économie politique à l'Ecole de
droit de Paris en 1864, M. Duruy, ministre de
l'instruction publique, ait cru devoir le désigner
au choix de 1 empereur. M. Batbie est membre
de la Société d'économie politique de Paris. II
prend part aux discussions les plus importan-
tes de cette société, et parmi les résumés de dis-
cours que publie chaque mois sur cette société
le Journal des Economistes , les siens sont
au nombre de ceux qui renferment un ensei-
gnement sérieux et de bon atoi. En dehors de
sa chaire de professeur, M. Batbie a fait en-
core des cours populaires d'économie politi-
que à l'amphithéâtre de l'Ecole de médecine
et à la Sorbonne. Ses Lectures sur Voltaire et
V Homme aux quarante icus ne paraissent pas
avoir été aussi bien accueillies par le public
mêlé qui vient aux conférences de la Sorbonne,
que le sont les leçons du professeur par le3
élèves de quatrième année de l'Ecole de droit.
M. Batbie a écrit, en collaboration, ur ou-
352
BAT
▼rage intitulé le Crédit populaire (1863), qui
a été également couronné par l'Institut en
1864. On a encore de lui une brochure sur
YAppel comme d'abus (1852).
La nouvelle édition du Dictionnaire des con-
temporains, qui a paru vers la lin de 1865,
eonsacre unequarantainedelignesàM. Batbie,
sans dire un mot de ses travaux en économie.
C'est une lacune regrettable pour ceux qui cher-
chent des renseignements dans l'ouvrage,
d'ailleurs si estimable, de M. "Vapereau.
BATCIUÀN, lie de la Mataisie, une des plus
grandes du groupe des Moluques. Elle a pour
cap. Batchian, ville de 4,000 hab., et résidence
d'un sultan, vassal des Hollandais. Le sol do
l'île, montagneux et assez fertile , renferme
quelques mines d'or, et ses côtes sont assez
poissonneuses. Superficie, 975 kil. carrés.
BÂTE s. f. Techn. Grand cercle qui porte
le mouvement de la montre, il Rebord de la
cuvette d'une montre, d'une cassolette , etc.
sur lequel le dessus se ferme à frottement.
Il Contour, côtés intérieurs d'une tabatière, n
Partie polie d'un corps d'épée, sur laquelle
on monte la moulure, il Plaque d'étain em-
ployée par les potiers comme pièce de rapport.
BATE (île de), petite île de la mer d'Oman,
sur la côte occidentale de l'Indoustan anglais,
à l'extrémité N.-O. de la- péninsule de Goud-
iérate, par 22° 27' de latitude N., et 6G<> 59' de
longitude E. Bon port, où se fait un assez
grand commerce. Bâte est célèbre dan3 la
mythologie des Indous, qui s'y rendent en
pèlerinage de toutes les parties de l'Inde, ce
qui est pour cette île une grande source de
richesses.
BATE (George), médecin et historien an-
glais, né a Maidsmorton en 1608, mort en 1C68.
Il fut successivement premier médecin de
Charles Ier, de Cromwell et de Charles II. On
l'a accusé d'avoir hâté par le poison la mort
du Protecteur. On lui doit : Pharmacopée
Bateana (1688), ainsi qu'une Apologie de Char-
les l"r, et une autre pièce sur le même sujet,
qui a été traduite en français sous le titre
d'Abrégé des mouvements d'Angleterre (An-
vers, 1050).
bâté, ÉE (bâ-té) part. pass. du v. Bâter,
Muni d'un bât : Un âne bâté. Un mulet bâté.
— Fig. Qui subit un joug moral ■. Ne me
dites plus rien , s'écria le Polonais ; je suisnÂTB
(marié). (Balz.) Le royaliste ne saurait que
faire, où aller, comment se conduire, s'il n'était
bâté et bridé. (Lamenn.)
Combien voit-on de gens sottement entâtes.
Qui, nés avec le bat, veulent mourir bâtés!
LACIIAMBAUDIE.
— Loc. fam. Ane bâté, Personne excessi-
vement sotte ou ignorante : Diantre soit de
i'ÂNK daté I (Mol.) Ceux-ci sent tous ânes
bâtés, sous le rapport de la langue, pour me
servir d'une de leurs expressions. (P.-L.Cour.)
— Prov. iMne du commun est toujours le
plus mal bâté, Il n'est rien de moins soigné
que ce qui appartient au public.
BATEAU s. m. (ba-tô — co mot, comme
tant d'autres termes de marine, est d'origine
germanique ; nous le retrouvons en effet,
sous différentes formes, dans l'ancien haut
allem. bot et bat; dans l'allem. boot ; dans
l'ang.-sax. bat et bœt ; dans l'angl. boat ; dans
le holland. boot; dans le dan. baad et dans le
suéd. baat. La forme islandaise bâtr explique-
rait au besoin la présence de l — les liquides l
et r sont convertibles — dans le vieux franc.
batel, d'où batelier; mais il est plus simple
de regarder batel comme un diminutif du bas
lat. batus, d'où les langues néo-latines ont
fait batel, espag., et batiello, ital. Le mot
anglais signifiant bateau, boat, prononcez bot,
a passé directement dans notre langue avec
le terme paquebot , bateau servant à trans-
porter les marchandises, les paquets). Navire
ou embarcation autre qu'un bâtiment de
guerre : Un bateau de plaisance. Un bateau
marchand. Un bateau pécheur. Bateaux
transatlantiques. Le bateau une fois délié, les
vagues le poussèrent , V éloignèrent du bord et
l'emportèrent au loin dans la pleine mer. (P.-L.
Cour.) Des bateaux chargés de bois descen-
daient la rivière ; d'autres la remontaient à la
voile ou à la traîne. (Chateaub.) Ces bateaux
pêcheurs sont munis de deux voiles latines,
attachées en sens inverse à deux mâts diffé-
rents. (V. Hugo.) Toutes les embarcations d'un
vaisseau sont communément appelées des ba-
teaux. (A. Jal.)
— Par ext. Charge d'un bateau : Un bateau
de bois, de pierres, de charbon.
— Bateau plat , Navire ou embarcation à
fond plat : On emploie des bateaux pi-ats au
débarquement des troupes, il Bateau testeur,
Celui qui, dans le port, est employé à porter
du lest aux navires, il Bateau plongeur, ou
Bateau sous-marin, Bateau destiné à naviguer
soui l'eau, il Bateau dragueur, Celui qui porte
une drague pour le curage des ports ou des
cours d'eau. Il Bateau maire, Celui qui tient
la tête d'un convoi. El Bateau-poste, Bateau de
rivière faisant le service des passagers, et à
qui sa forme allongée donne une marche
d'une rapidité exceptionnelle : Le bateau-
poste de Paris à Meaux est traîné sur le canal
de l'Ourcq avec une vitesse de quatre mètres en-
viron par seconde. (Journ.) || Bateau rabot,
Bateau armé d'une machine à l'aide de la-
quelle on peut nettoyer une passe obstruée.
BAT
Il Bateau-porte, Sorte de bateau que l'on peut
couler à volonté, pour servir de porte à une
écluse ou à une forme de radoub. Il Bateau-
bœuf, Bateau pour le cabotage, lourd et soli-
dement construit, n Bateau-pilote, Embar-
cation qui précède et guide les navires, à
l'entrée de certains ports, ou dans certains
passages difficiles, il Bateau à vapeur, Navire
de guerre ou marchand, ou simple bateau,
qui reçoit d'une machine à vapeur l'im-
pulsion qui le fait marcher : Une escadre
de bateaux à vapeur. Les bateaux à vapeur
ne connaissent plus de vents contraires sur
l'océan. (Chateaub.) Le bateau à vapeur
destiné à servir en escadre ou sur nos cotes
devra toujours avoir une grande vitesse, comme
premier moyen de succès. (De Joinville.) Le
vaisseau de l'Etat n'obéit pas au gouvernail
comme un simple bateau k vapeur. (Tous-
scnel.) il Bateau à ponton, Bateau plat, ponté,
insubmersible, divisé en cases à l'intérieur,
de façon à ne point être coulé, môme par une
ouverture qu'on pratiquerait, servant à sou-
tenir les lambourdes dos ponts volants. || Ba-
teau à eau, ou Bateau-citerne, Bateau plat
qui sert à transporter l'eau douce, il Bateau
à glace, Légère embarcation, destinée à opérer
le sauvetage des personnes tombées sous la
glace, il Bateau à air, Appareil servant à tra-
vailler sous l'eau, à de petites profondeurs.
Il Bateau de sauvetage ou de salut, Embar-
cation spécialement destinée à secourir les
naufragés, quand la mer est très-mauvaise.
Il Bateau de loch , Triangle de bois attaché à
l'extrémité du loch qui sert à mesurer la
marche du navire, il Bateau-phare, Grand
bateau qui porto une ou plusieurs grosses
lanternes à l'extrémité de ses mâts, et que
l'on mouille, pour tenir lieu de phare, dans
les endroits où l'état de la mer ne permet
pas d'élever des constructions : Le tonnage
des bateaux-phares, Irès-communs sur tes
côtes de la Grande-Bretagne, varie de soixante-
dix à trois' cent cinquante tonneaux, (L. Re-
nard.) « Bateau de fleurs, Espèce de grande
ionque, d'une construction particulière, que
l'on trouve sur tous les fleuves do la Chine,
amarrée aux quais des grandes villes, et où
les riches Chinois se rendent pour se livrer a
de mystérieuses débauches. Les bateaux de
fleurs sont de simples lieux do prostitution.
Us ressemblent à des cages flottantes, déco-
rées avec beaucoup de luxe, et dont le toit
est chargé de caisses d'arbustes et de fleurs,
disposées avec goût. On y trouve réuni tout
ce qui peut contribuer aux plaisirs de la
clientèle : chant, danse, musique instrumen-
tale, etc. il Batcau-traineau, Légère embarca-
tion, montée sur un traîneau, à patins et
munie d'un mât et de voiles, qui sert à voya-
ger sur la glace dans certains pays : Les
bateaux-traîneaux sont surtout usités sur les
lacs duCanada et sur les longs canaux de la Hol-
lande, et il suffit d'un peu de vent pour les
pousser et leur permettre de porter fort loin
des passagers et des marchandises. il Bateau-
vanne, Appareil qui sert au nettoyage du
grand égout collecteur de Paris à Asniôres.
Il se compose d'un bateau de forme ordinaire,
construit e.vtôle, et d'une vanne mobile
ayant le gabarit de la cunetto placé en
avant du bateau. Tandis que le bateau mar-
che, poussé par l'eau qui court dans l'égout,
la vanne chasse devant elle les sables et les
immondices accumulés dans la cunette. il Ba-
teau de selle, Bateau sur lequel sont établis
les bancs ou selles des lavandières.
— Fig. Objet réel ou métaphorique auquel
on confie quelque chose de précieux : Croyant
avoir , par cette manœuvre; délivré te bateau
de ma fortune du péril de s'ensabler , je ne
craignis plus rien. (Le Sage.)
— Arriver en trois bateaux, Arriver avec
un apparat, une solennité extraordinaires :
Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du pape en son vivant.
Tout fraîchement, en cette ville,
Arrive en trois bateaux exprès pour vous parler.
La Fontaine.
Cette expression proverbiale et- comique,
qu'on emploie on parlant d'une personne ou
d'une chose dont on veut relever 1 importance
affectée, est une allusion à l'usage de faire
escorter par des vaisseaux de guerre un
vaisseau de transport qui est richement
chargé, ou qui a quelque passager illustre à
son bord. Elle se trouve dans le chap. xvidu
livre Ier de Rabelais, où il est parlé de la
jument de Gargantua, amenée de Numidie en
trois quarraques et ung brigantin. Le peuple
dit aujourd'hui arriver en quatre bateaux,
dans uno acception de reproche, en parlant
d'une personne qui affiche des prétentions,
se donne de grands airs, fait de l'embarras
dans une société où elle paraît, n II n'en vient
que. deux en trois bateaux, Se dit ironiquement
des personnes que l'on vante ou qui se
vantent d'une manière outrée, à qui l'on
donne ou qui se donnent une importance
fort exagérée.
— Argot. Faire le bateau, Se dit de deux
joueurs qui s'entendent ensemble pour faire
perdre ceux qui parient contre un de leurs
affidés. u On dit aussi faire unis galiotb ou
UNE GAYE.
— Comm. Bois , charbon de bateau, Bois,
charbon apporté sur les rivières par les ba-
teaux : Les bois de bateau sont plu» estimés
que les bois flottés.
BAT
— Archit. Pont de bateaux, Pont en bois
porté par des bateaux amarrés.
— Géol. Courbure concave et de petites
dimensions que présente parfois l'allure d'un
terrain, d'une couche ou d'un filon. [| Fond de
bateau, La partie inférieurede cette courbure.
— Moll. Nom donné à une grande espèce de
patelle, il Bateau ponté, Nom commun aux
grandes espèces du genre crépidule.
— Econ. dom. Petit plat on forme de ba-
teau, pour servir des hors-d'œuvre : Je me
mets aux pieds de madame a'Argental, et je la
remercie du bateau qui parera la table de
Tronchin. (Volt.)
— Techn. Menuiserie qui forme une partie
de la carcasse d'un carrosse. Il Lit en bateau,
Lit dont les pans sont recourbés de bas en
haut, do manière à rappeler la coupo d'un
bateau.
— Encycl. Philol. Dans son remarquable ou-
vrage des Origines indo-européen".es,M. Pictet
consacre un article curieux aux noms généri-
ques du bateau, tels qu'ils existent chez les
différents peuples de race aryenne. Nous
allons mettre sous les yeux des lecteurs les
résultats de ce savant travail de comparaison,
afin de leur donner une idée de la méthode
philologique, telle qu'elle est appliquée aujour-
d'hui à 1 interprétation féconde d'un monde
disparu, mais non voué à l'oubli. On aura
ainsi un résumé complet des étymologies se
rattachant aux premières origines de la navi-
gation chez les ancêtres de notre race. Nous
renvoyons, en outre, les lecteurs, pour des
détails plus spéciaux sur les différents noms
du gréement, île la rame, du gouvernail, de la
voile, etc., aux articles particuliers que nous
avons consacrés àces mots,à leur place alpha-
bétique.
« Trois noms principaux du bateau, dit M. A.
Pictet, ont été certainement en usage au
temps de l'unité aryenne, et d'autres font
présumer l'existence d'une synonymie encore
plus étendue. Le premier groupe a pour chef
le sanscrit nau ou nu, diminutif nauha (vais-
Seau), avec les dérivés nâuika (matelot,
pilote), etc. La racine est nu (aller), alliée sans
doute à la racine similaire snu (couler), dont s,
comme le conjecture Weher, pourrait bien
n'être pas une lettre primitive ; on peut aussi
rapprocher snâ (être lavé). La branche ira-
nienne nous présente le même vocable sous les
formes presque identiques du persan moderne
nâut, nâwah, nâwarah, diminutif nâmtchah, qui
a la sens de bateau, puis de tout objet creux et
long, auge, canal, etc. -, puis vase en général.
(Comparez, pour le changement de significa-
tion, le français vaisseau, qui veut dire à la
fois vase et navire). Le kourde dit naw; l'ar-
ménien nau, navag et navig (rapprochez, pour
l'identité phonétique, le français navig-uer) ;
et l'ossète nau. Si nous passons à la famille
helléno-italique, nous trouvons le grec nous ,
en dialecte latin, news; d'où nautès et naulilos
(matelot). En outre, le dialecte éolien nous
offre une forme nauo pour naed et nad, avec
l'acception de couler, comme le snu san-
scrit. Kn latin, nous avons navis (vaisseau) et
navita, contracté en nauta (matelot). L'ancien
irlandais dit noe, noi, nai, et l'irlandais mo-
derne naoi , naebh ; le cymrique dit noe;
l'armoricain nev , neo (baquet, auge) ; l'ancien
allemand nawa ou nawi ; le bavarois nau ; le
Scandinave nâi; le polonais naica représente
le groupe slave.
Si nous passons maintenant à la seconde
famille étymologique, nous trouvons, comme
élément générateur, le sanscrit plava et pla-
vâkâ (bateau, radeau), dérivé de la racine plu,
qui signifie littéralement nager, flotter, et que
le zend, par suite du changement connu de /
en r et de p en b, nous montre sous la forme
fru. A plu se rattache immédiatement le grec
pied (flotter, naviguer), et à plava, le grec
ploion (bateau) ; d'où ploos, plous (navigation);
plôtèr (batelier, nageur). Le groupe des idio-
mes germaniques se tient fort près du gréa et
du sanscrit, avec l'anglo-saxon flola, jliet
(vaisseau) ; flota (matelot) ; l'ancien allemand
fludar (radeau) ; flos (barque) ; le Scandinave
(loti (flotte). On peut encore rapprocher l'an-
glo-saxon flôoan (couler) ; le Scandinave floâ
(inonder) ; l'ancien allemand flamjan (plonger
dans l'eau). Le groupe slave a également tiré
grand parti de cette racine ; ainsi, le lithuanien,
de la forme augmentée plaukti (naviguer,
nager) , a fait p lauksmas et p lausmas (radeau ) ,
et il dit, en outre, piauti, plowiti (laver) ;
pluditi (flotter). Le russe se sert de plovu
pour dire canot; l'illyrien de plaw pour vais-
seau; de plavza et de plaveiza pour bateau.
L'ancien slave et le russe ont encore pluti et
plavati pour naviguer; l'illyrien plivati et le
polonais plywatch.
Passons enfin au troisième et dernier
groupe étymologique : cette fois, c'est la fa-
mille iranienne qui ouvre la marche, et nous
confinons déjà à d'autres horizons étymologi-
ques. Du zend përë, en sanscrit pri, qui se
développe en par, le persan moderne a fait
paranauh, qui veut dire barque, bateau, et
aussi oiseau. L'idée commune qui réunit ici
l'oiseau au bateau, c'est celle de traverser un
fluide, soit l'eau, soit l'air. On peut comparer
à parandah le grec parôn et le persan para,
espèce de vaisseau léger, et le verbe grec
peraâ (traverser), qui nous ramène à la signi-
fication originelle. Les idiomes germaniques
ont mis également cette racine à contribu-
tion ; l'anglo-saxon faer et le Scandinave far
BAT
(navire) ; l'ancien allemand ferid, espèce de
navire, et ferjo (matelot) ; le gothique faran,
d'où l'allemand moderne fahren (aller, être
transporté sur un véhicule quelconque, bateau
ou voiture). Pour les langues slaves, nous
avons le lithuanien paramas (bac, bateau) ; le
russe paromu et le polonais prum. Il est assez
curieux de remarquer que nous avons, par
1 .ûtermédiaire de l'allemand prahm, pris le
vocable polonais, dont nous avons fait prame,
espèce de bateau à fond plat. Quant à la si-
gnification secondaire d'oiseau, nous la re-
trouvons dans l'ancien slave prati et pariti
(voler); d'où pero (plume), comme en persan
par et far (plume et aile); paridan (voler),
C'est ainsi, ajoute M. A. Pictet, que le latin
pluma — plu-ma — se lie à la racine plu, que
nous avons examinée plus haut, et qui a
donné comme dérivé correspondant le san-
scrit plâvin (l'oiseau qui nage dans l'air).
Il existe encore un nombre considérable de
mots qui servent à désigner le bateau dans
les langues indo-européennes, m^ s ils sont
plus isolés que les trois groupes que nous ve-
nons de voir, et ils n'offrent pas entre eux
des analogies aussi incontestables. Nous nous
bornerons ici à donner les origines étymologi-
ques probables de quelques mots grecs et
latins servant à désigner des espèces particu-
lières de bateaux. Le latin celox (vaisseau
léger), proche parent de celer, rappelle singu-
lièrement le kourde kalek, espèce de radeau
flottant, soutenu par des outres, et rappelant
lui-même le sanscrit kâla, bateau en général.
Le kantharos grec, qui veut dire à la fois un
vaisseau et un vase à boire, est évidemment
identique au sanscrit kanthala, dont il ne dif-
fère que par le changement, parfaitement
justifie, de / en r. Le latin ratis fait penser au
sanscrit vari-ratha, littéralement char d'eau
(radeau) ; l'on dit rath dans le même sens. Le
frec phasèlos (canot) peut être rapproché sans
ifficultédu sanscrit bhasad (radeau et canard),
car la substitution du ph au bh et de / à d est
conforme aux lois phonétiques du grec. Le
grec karabos et le latin carabus sont évidem-
ment le persan kiraw (canot), qui, dans diffé-
rents dialectes turcs, est devenu karap, kirep,
kereb ; on peut encore rapprocher l'irlandais
carbh (vaisseau etchar), l'ancien slave korabi,
le russe korabli, le polonais et le bohème
korab. Peut-être tous ces mots dérivent-ils de
kora (ècorce), comme barkr, en français bar-
que, qui, en Scandinave, veut dire bateau, et
a pour correspondant borkr (écorce). Ce se-
rait, dans cette hypothèse, la matière dont est
faite le bateau qui lui aurait fait donner ces
noms.
— Navig. Bateaux ordinaires. Ils sont plats
ou à quille, suivant qu'ils sont destinés à la
navigation intérieure ou à la navigation mari-
time. Les bateaux plats se composent tous
d'un fond , ou semelle , qui est chevillée sous
des solives transversales, nommées rabl.es et
Hures. Les râbles sont coudés : une de leurs
parties pose sur la semelle, tandis que l'autre,
qui se nomme bras, monte sur le côté ou bord
du bateau , dont elle empêche l'éeartement.
Les Hures ont la même forme, mais leur partie
verticale s'arrête à une petite distance du
fond, où elle est fixée à une solive verticale,
appelée clan. De longues planches, nommées
liernes, qui vont d'une extrémité à- l'autre de
l'embarcation , retiennent ensemble les clans
et les bras des râbles. Le bateau est fermé à
chaque bout par un billot, qui s'appelle bitte
ou bitton, et sur lequel sont clouées les extré-
mités des liernes. Certains bateaux sont cou-
verts a l'avant par un plancher, qui porte le
nom de levée. Un plancher semblable , mais
plus grand, se trouve quelquefois à l'arrière :
on l'appelle travure. Les bateaux à quille diffè-
rent des bateaux plats, non-seulement par leurs
dimensions , mais encore par des détails de
construction nécessités par l'usage spécial
auquel ils doivent servir.
Les bateaux qui servent à la navigation de
la Seine, et dont quelques-uns vont jusqu'à la
mer dans diverses directions , et jusque dans
des ports très-avancés des canaux intérieurs
du continent, se distinguent par une infinité de
noms, qui désignent moins des genres particu-
liers de construction que des appropriations qu
des destinations spéciales. Ainsi, les chênières
sont des bateaux plats qui apportent les mer-
rains de la Lorraine. Les sapinières sont des
barquettes légères, qui servent au transport
des charbons de bois de l'Yonne. On appelle
marnais, les bateaux qui chargent les vins de
la basse Bourgogne ; lavandières , les barques
qui ont une tente analogue à celle des bateaux
de blanchisseuses, pour abriter les marchandi-
ses que la pluie détériorerait, comme le plâ-
tre , la chaux , etc. Les péniches sont les plus
grands bateaux qui fassent le service fluvial ;
elles sont pontées et jaugent jusqu'à huit cents
tonneaux de cale couverte , tandis que leur
pont reçoit encore une centaine de tonnes do
marchandises encombrantes et légères. Les
porteurs sont d'introduction récente ; ce sont
des bateaux à quille, longs et étroits , d'abord
destinés à porter la marchandise en grande
vitesse, c'est-à-dire à la remorque do bateaux
à vapeur. Les porteurs, munis eux-mêmes de
propulseurs (roues ou hélices), leur ont bientôt
succédé, de même que beaucoup de péniches
ont aujourd'hui leur moyen de propulsion par
la vapeur, mais plutôt comme auxiliaire ^at-
tendu que, dans ce genre de navigation, où le
tirant d' eau varie considérablement suivant la
charge, il est difficile d'établir un propulseur
BAT
dans de tonnes conditions. L'ingénieur La-
croix fils est le premier qui ait eu l'idée d'é-
tablir, pour ce cas particulier, une hélice à
position variable avec le tirant d'eau , qui ré-
sout le problème dans une certaine mesure.
— Bateau à vapeur. On entend par ces mots
un bateau dont les moyens de propulsion re-
posent sur l'emploi de la vapeur comme mo-
teur appliqué soit k une roue, soit à- deux
roues, soit à une hélice ou à deux hélices , ou
à tel autre organe destiné à remplacer les ra-
mes. Le génie de la langue veut qu'on res-
treigne l'appellation de bateau à vapeur aux
seuls bateaux, ainsi munis, qui naviguent sur
les canaux ou les neuves, et tout au plus à
ceux qui côtoient le rivage de la mer. C'est
donc par un abus de langage , qui ne doit pas
être consacré , qu'on a étendu et qu'on étend
tous les jours le nom de bateau à vapeur a de
véritables navires qui, bien qu'ils aient de com-
mun avec les précédents leur mode de pro-
pulsion , d'ailleurs très-différent comme force
et comme disposition, n'ont rien qui justifie
leur assimilation vocable avec un bateau. Au
contraire , à part leurs moyens de propulsion
par la vapeur , ils ont tous les caractères du
navire fait pour la mer, et doivent être dé-
signés .par des noms appropriés , tels que pa-
quebot, qui forme la transition, navire ou vais-
seau à vapeur. -Qn dit encore pyroscaphe, mot qui
pourrait être assez général, s'il n'était un peu
trop scientifique pour une chose tellement
usuelle, et trop inintelligible pour les masses.
L'usage du mot anglais steamer, qui tend de
plus en plus à se franciser, a pour lui sa briè-
veté et son énergie, etparaït destiné à l'empor-
ter sur celui de vapeur, en partie adopté dans
le langage des marins. C'est que « le vapeur n
est une expression peu heureuse ; il ne rend
qu'imparfaitement l'idée, tandis que steamer,
littéralement le faiseur de vapeur , parle à
l'imagination et lui fait voir ce navire qui
lance en marchant son nuage de vapeur, et
signale ainsi sa puissance , en dépit des élé-
ments ligués contre lui. •
Il nous reste maintenant à retracer l'histo-
rique du bateau à vapeur : nous allons le faire
aussi complètement que possible.
Si l'on en croit une note publiée en 1826
par M. de Navarrete, qui en devait la com-
munication au chanoine Gonzalez, directeur
des archives de Simaneas, c'est en Espagne
qu'aurait eu lieu la première tentative pour
appliquer la force motrice de la vapeur d'eau
à la marche des navires.
D'après cette note, « Blasco de Garay, ca- '
pitaine de mer, proposa, l'an- 1543, à l'empe-
reur et roi Charles-Quint, une machine pour
faire aller les bâtiments et les grandes em-
barcations, même en temps de calme, sans
voiles ni rames.
» Malgré les obstacles et les contrariétés
que ce projet essuya, l'empereur ordonna que
. 1 on en fît l'expérience dans Je port de- Barce-
lone; ce qui effectivement eut lieu le 17 du
mois de juin de ladite année 1543. '
» Garay ne voulut pas faire connaître en-
tièrement sa découverte ; cependant on vit,
nu moment de l'épreuve, qu'elle consistait
dans une grande chaudière d'eau bouillante et
dans des roues de mouvement attachées à
1 un et à l'autre bord du bâtiment.
» On fit l'expérience sur un navire de 200
tonneaux appelé la Trinité, arrivé de Coïmbre
pour décharger du blé k Barcelone, capitaine
Pierre de Scarza,
» Par ordre de Charles-Quint, assistèrent à
cette expérience don Henri de Tolède, le gou-
verneur don Pierre de Cardona, le trésorier
Ravago, le vice-chancelier et l'intendant de
la Catalogne.
» Dans les rapports que l'on fit à l'empereur
et au prince, tous approuvèrent générale-
ment cette ingénieuse invention, particuliè-
rement à cause de la promptitude et de la
facilité avec laquelle on faisait virer de bord
le navire.
» Le trésorier Ravago, ennemi du projet
dit qu'il irait deux lieues en trois heures ; que
la machine était trop compliquée et trop coû-
teuse, et que l'on serait exposé au péril que
la chaudière éclatât. Les autres commissaires
assurèrent que le navire virait de bord avec
autant de vitesse qu'une galère manœuvrée
suivant la méthode ordinaire, et faisait une
lieue par heure pour le moins.
» Lorsque l'essai fut fait, Garay emporta
toute la machine dont il avait armé le navire •
il ne déposa que les bois dans les arsenaux, dé
Barcelone et garda tout le reste pour lui.
» Malgré les oppositions et les contradictions
faites par Ravago, l'invention de Garay fut
approuvée; et si l'expédition dans laquelle
Charles-Quint était alors engagé n'y eût mis
obstacle, il l'aurait sans doute favorisée. »
La note de M. de Navarrete fit beaucoup de
bruit à l'époque où elle parut; mais elle ne
n Pas à trouver des contradicteurs. On
alla même jusqu'à révoquer en doute les faits
qu'elle rappelait. . En thèse générale, disait
a ce propos notre illustre Arago, l'histoire de
la science doit se faire exclusivement sur des
pièces imprimées : des documents manuscrits
ne sauraient avoir aucune valeur pour le pu-
blic; car le plus souvent il est dépourvu de
tout moyen de constater l'exactitude de la
date qu on leur assigne. Des extraits de ma-
nuscrits sont moins admissibles encore : l'au-
teur d'une analyse n'a pas quelquefois bien
compris 1 ouvrage dont il veut rendre compte •
BAT
il substitue, même sans le vouloir, les idées
de son temps, ses propres idées aux idées de
l'écrivain qu'il abrège. J'accorderai toutefois
qu'aucune de ces difficultés n'est applicable
dans la circonstance actuelle; que le docu-
ment cité par M. de Navarrete est bien de
1543, et que l'extrait de M. Gonzalez est
fidèle ; mais qu'en résulte-t-il? qu'on a essayé,
en 1543, de faire marcher des bateaux avec
un certain mécanisme, et rien de plus. La
machine, dit-on, renfermait une chaudière :
donc, c'était une machine a vapeur. Ce rai-
sonnement n'est point concluant. Il existe en
effet dans divers ouvrages des projets de ma-
chines où l'on voit du feu sous une chaudière
remplie d'eau, sans que la vapeur y joue au-
cun rôle : telle est, par exemple, la machine
d'Amontons. Enfin, lors même qu'on admet-
trait que la vapeur engendrait le mouvement
dans la machine de Garay, il ne s'ensuivrait
pas nécessairement que cette machine était
nouvelle et qu'elle avait quelque ressemblance
avec celle d aujourd'hui ; car Héron d'Alexan-
drie décrivait déjà, seize cents ans aupara-
vant, le moyen de produire un mouvement de
rotation par l'action de la vapeur. J'ajouterai
même que si l'expérience de Garay a été
faite et que si sa machine était à vapeur, tout
doit porter à croire qu'il employait l'éolipyle
d'Héron. Cet appareil, en eftet, n'est pas d'une
exécution très-difficile, tandis que (on peut
l'assurer hardiment) la plus simple des ma-
chines à vapeur d'aujourd'hui exige dans sa
construction une précision de main-d'œuvre
fort supérieure à tout ce qu'on aurait pu obte-
nir au xvie siècle. Au reste, Garay n'ayant
voulu montrer sa machine à pei sonne, pas
même aux commissaires que l'empereur avait
nommés, toutes les tentatives qu on pourrait '
faire, après trois siècles, pour rétablir en quoi
elle consistait n'amèneraient évidemment au-
cun résultat certain.
» En résumé, Je document exhumé par M. dé ■
Navarrete doit être écarté : 1° parce qu'il n'a
été imprimé ni en 1543 ni plus tard; 2» parce
qu'il ne prouve pas que le moteur de la bar-
que de Barcelone était une véritable machine
à vapeur; 3" parco qu'enfin, si une machine
a vapeur de Garay a .existé, c'était, suivant
toute apparence, l'éolipyle à réaction déjà
décrit dans les œuvres d'Héron d'Alexan-
drie. »
Deux objections ont été faites aux observa-
tions nui précèdent. « S'il est vrai, a-t-on dit,
que l'histoire des sciences doive se faire, en
général, sur des pièces imprimées, il n'est pas
moins vrai que certains manuscrits peuvent
avoir un caractère d'authenticité tel, que leur
autorité historique soit égale à celle d'un livre
imprimé. Sans cela, que serait l'histoire des
sciences pour les siècles antérieurs à la dé-
couverte de l'imprimerie? D'un autre côté, en
admettant 'que l'exactitude de la citation de
M.^ de Navarrete et l'authenticité des .pièces
qu'elle résume fussent démontrées, chose
dont il ne serait pas très-difficile de s'assurer
dans l'état actuel de nos relations avec l'Es-
pagne, il deviendrait fort probable que Blasco
de Garay a bien réellement eu l'idée d'appli-
quer la force motrice de la vapeur à la navi-
gation ; et quel que fût le genre de l'appareil
qu'il eût employé, fût-ce l'éolipyle à réaction,
ce qui est vraisemblable, ce mécanicien de-
vrait prendre un rang élevé parmi les inven-
teurs dont les noms figurent dans une histoire
des bateaux à vapeur. •
La vérification demandée par l'auteur dont
nous venons de rapporter les paroles a été
faite, il y a quelques années, non par des
étrangers, mais par les Espagnols eux-mêmes.
Or, elle a prouvé, conformément à l'opinion
de notre Arago, que la vapeur n'avait joué
aucun rôle dans les expériences de Blasco de
Garay. Ce mécanicien avait simplement cher-
ché à faire marcher des bateaux au moyen de
roues à palettes mises en mouvement par
des hommes; c'est-à-dire s'était borné à re-
produire des essais plusieurs, fois entrepris
par les anciens, notamment par les Romains.
« J'ai inscrit, dans les archives de Simaneas ,
dit à ce sujet un éminent critique castillan,
jusqu'à quarante-trois documents relatifs à la
machine de Blasco de Garay, et de leur exa-
men i[ résulte que la note du chanoine Gonza-
lez n'est absolument qu'une fiction punissable.
Ce ne fut pas seulement une expérience qui
eut lieu à Barcelone, on en fit jusqu'à quatre
sur des bâtiments de ports divers, dans cette
même ville et à Malaga, et cela deux ans
ayant l'expérience de 1543, la seule que l'on
ait citée. De cet essai et de ceux qui précé-
dèrent, il résulte que la machine de Blasco de
Garay se réduisait à un appareil de roues
semblables k celles dont on use sur les bateaux
à vapeur, et que ces roues se mouvaient seu-
lement par la force des bras : le tout n'offrant,
en définitive, qu'une économie notable de
puissance motrice, comparativement à celle
qu'on était obligé d'employer ordinairement
en faisant usage des rames à bord de navires
d'un port si considérable. Je me rappelle fort
bien que, dans une de ses lettres, Blasco de
Garay dit à 'Charles-Quint qu'il lui remet le
plan de sa machine. Il est certainement à re-
gretter que, durant la translation de nos ar-
cnives générales, opérée par les Français, ce
plan ait été égaré. •
Le nom de Blasco de Garay doit donc
maintenant disparaître de l'histoire des ba-
teaux à vapeur. Le premier nom qui doit
figurer dans cette histoire est celui d'un de
BAT
nos compatriotes, Denis Papin, né à Blois de
1640 à 1652, mais qui, à partir de 1675, vécut
constamment à l'étranger, surtout en Allema-
gne et en Angleterre, ou on le qualifiait de
philosophe cosjnopolite. En 1690 , il publia,
dans les Acta eruditorum de Leipzig, la des-
cription de Ja machine à vapeur atmosphéri-
que qu'il venait d'inventer ; et , cinq ans
après, dans son Becueil de diverses pièces, il
exposa les différents usages qu'il serait pos-
sible de faire de cette machine. « Il seroit
trop long, disait-il, de rapporter ici de quelle
manière cette invention se pourroit appliquer
à tirer l'eau des mines, à jeter des bombes, à
ramer contre le vent... Je ne puis pourtant
m'empêcher de remarquer combien cette force
seroit préférable à celle des galériens pour
aller vite en mer. » Passant ensuite en revue
les moteurs animés, «qui occupent un grand
esnace et consomment beaucoup, lors même
qu ils ne travaillent pas, » il faisait remarquer
que sa machine serait moins embarrassante ;
« mais, ajoutait-il, comme elle ne pourroit.pas
faire jouer des rames ordinaires, il faudroit
employer des rames tournantes. » Il avait vu
des rames- semblables attachées à un essieu,
sur une barque du prince Robert, et que des
chevaux faisaient tourner. Quant à lui, comme
c'est le mouvement de va-et-vient du piston
qu'il voulait transformer en mouvement de
rotation, voici comment il s'y prendrait : » Il
faudroit que les manches des pistons fussent
dentées pour tourner de petites roues aussi
dentées, affermies sur les essieux des rames. »
Mais comme un piston ne ferait aucun effort
dans le bas de sa course pour obtenir un
mouvement continu, Papin conseillait d'em-
ployer plusieurs corps de pompe dont les pis-
tons marcheraient en sens contraire , l'un
commençant à descendre quand l'autre serait
arrivé au bas de sa course. « On m'objectera
peut-être, ajoutait-il, que les dents des man-
ches des pistons étant engagées dans les dents
des roues devraient, en montant et en descen-
dant, donner à l'essieu des mouvements oppo-
sés, et qu'ainsi les pistons montants empêohe-
roientle mouvement de ceux qui descendraient,
ou ceux qui descendraient empêcheraient le
mouvement de ceux qui devraient monter.
Mais cette objection est facile à résoudre;
car c'est une chose fort ordinaire aux horlo-
gers d'affermir des roues dentées sur des
arbres ou essieux, en telle sorte qu'étant
poussées vers un côté, elles font nécessaire-
ment tourner l'essieu avec elles; mais, vers
le côté opposé, elles peuvent tourner libre-
ment sans donner aucun mouvement à l'es-
sieu, qui peut ainsi avoir un mouvement
tout opposé à celui desdites roues. »
C'est dans ce mémoire de 1635 que les
principes de la navigation à vapeur se trou-
vent exposés pour la première foisrToutefois,
Papin ne chercha pas à faire passer ses idées
dans le domaine de la pratique, parce que sa
machine était si défectueuse qu'il lui eut été
impossible de s'en servir. La défaveur avec
laquelle les savants accueillirent, l'invention
le découragea tellement, qu'il renonça à con-
tinuer ses études sur la puissance motrice
de la vapeur. Il les reprit cependant en 1705,
époque à laquelle Leilmitz, ayant fait un
voyage en Angleterre, lui envoya un dessin
de la machine de Savery. Papin, alors dans
les Etats de l'électeur de Liesse, montra le
dessin à ce prince, qui l'engagea à reprendre
ses anciens travaux. Le résultat de ces nou-
velles recherches fut une machine, qui n'était
en réalité qu'une imitation de celle du mé-
canicien anglais, et que Papin fit construire
en grand pour la placer sur un bateau. Ce
bateau fut essayé à Cassel, sur la Fulda, et
avec assez de succès pour faire concevoir de
brillantes espérances. « L'expérience de mon
bateau a été faite, écrivait Papin à Leibnitz.
le 15 septembre 1707, et elle a réussi de la
manière que je l'espérais \ la force du cou-
rant de la rivière était si peu de chose en
comparaison de la force de mes rames, qu'on
avait de la peine à reconnaître qu'il allât plus
vite en descendant qu'en remontant. » Puis
il ajoutait : i Je suis persuadé que si Dieu me
fait la grâce d'arriver neureusement à Lon-
dres, et d'y faire des vaisseaux de cette con-
struction oui aient assez de profondeur pour
appliquer la machine à l'eu à donner le mou-
vement aux rames, je suis persuadé, dis-je,
que nous pourrons produire des effets qui pa-
raîtront incroyables à ceux qui ne les auront
pas vus. p Quelques jours après avoir écrit
cette Jettre, Papin descendit la Fulda pour se
rendre à Brème, d'où il devait passer en An-
gleterre; mais, arrivé à Mûnden, au confluent
de la Fulda et de la Wera, les bateliers de
cette ville ne voulurent pas lui laisser conti-
nuer son voyage, et, comme il réclamait
contre un procédé si injuste, ils mirent son
bateau en pièces. Ainsi se termina la première
tentative qui ait été faite pour appliquer la
force élastique de la vapeur à la navigation.
Vingt-neuf ans après les expériences de
Cassel, c est-à-dire en 1736, un Anglais, ap-
pelé Jonathan Hulls, obtint une patente pour
« une nouvelle machine » propre, disait-il, à
faire entrer les vaisseaux et navires dans
les rades, ports et rivières, ou à les en faire
sortir, contre vent et marée comme en temps
calme. » Cet appareil n'était autre qu'un ba-
teau remorqueur, à l'arrière duquel se trou-
vaient deux roues à palettes mues par une
machine de Newcomen. Il parait que les
fonds manquèrent à l'inventeur pour le con-
struire, en sorte qu'il resta à l'état de projet.
BAT
353
Du reste, si les plans qui nous ont été conser-
vés sont exacts, il offrait des dispositions tel-
lement vicieuses, qu'il n'aurait pu fonction-
ner. C'est cependant à l'auteur d une telle in-
vention que les Anglais ont attribué et attri-
buent peut-être encore la création de la ma-
rine à vapeur.
Nous venons de voir que™pour faire mou-
voir les roues de leurs bateaux, Papin et Jo-
nathan Hulls employaient la machine atmos-
phérique, hi seule, d'ailleurs, qui fût encore
connue. Or, avec une machine semblable, il
était radicalement -impossible d'obtenir des
résultats sérieux. Cette vérité était reconnue
par tous ceux qui avaient une idée exacte des
difficultés de la navigation à vapeur. Aussi,
en 1753, quand l'Académie des Sciences de
Paris mit au concours la recherche d'un
moyen de suppléer à l'action du vent pour les
grands navires, aucun des savants qui se
mirent sur les rangs ne proposa la vapeur.
Cet agent ne fut indiqué- que par un chanoine
régulier de Nancy, l'abbé Gauthier, dont le
mémoire passa, pour ainsi dire, inaperçu.
L'application sérieuse de la vapeur aux
usages de la navigation ne devint possible
qu'à partir de 1770, quand James Watt, ayant
transformé la machine de Newcomen, fut/par-
venu à ce résultat admirable d'augmenter l'in-
tensité de l'action motrice, tout en diminuant
énormément la dépense du combustible. Les
essais commencèrent en France. Dans le prin-
temps de 1773, il se forma à Paris une com-
pagnie pour établir sur la Seine un système
de remorquage à vapeur. Dès l'année suivante,
un bateau, construitsous la direction du comto
d'Auxiron, fut essayé vis-à-vis du "Chainp-
de-Mars; mais il se comporta très-mal, parce
que la machine n'avait pas une force suffi-
sante. Découragée par cet insuccès, la com-
pagnie renonça à l'entreprise, convaincue
« que la navigation par la vapeur ne rempla-
cerait pas économiquement, sur la Seine, le
halage ordinaire des bateaux. • Peu de temps
après, arriva à Paris un jeune officier franc-
comtois, le marquis de Joutfroy d'Abbans, qui
s'occupait, depuis plusieurs années, d'études
scientifiques. Il s'empressa de se mettre en
rapport avec les frères Périer, les plus ha-
biles constructeurs de machines de 1 époque,
et l'idée lui vint de renouveler l' expérience
qui venait d'échouer. Trois de ses amis , le
comte d'Auxiron, le marquis Ducrest et le
chevalier de Follenay, qui avaient les mêmes
goûts que lui, partagèrent avec enthousiasme
son projet, auquel s associa également Cons-
tantin Périer, l'aîné des mécaniciens. Toute-
fois, si les associes étaient d'accord sur le but
à poursuivre, ils étaient profondément divisés
quant aux moyens d'exécution. Périer dressa
un projet qui différait'de celui de M. de Jouf-
froy, tant par la forme et la disposition du
mécanisme à adapter au bateau, que par la
considération des résistances à vaincre et de
la force motrice à employer. Il avait calculé
ces éléments d'après l'expérience d'un bateau
de halage remorqué par des chevaux, tandis
que M. de Jouffroy affirmait qu'il fallait con-
sidérer la résistance comme trois fois plus
forte, dès qu'on prenait le point d'appui sur
l'eau, au lieu de le prendre sur la terre, et
que, par conséquent, il était indispensable
d'avoir une force motrice au moins trois fois
plus grande. Le marquis de Jouffroy avait
évidemment raison, il était même encore au-
dessous de la vérité ; mais, malgré l'appui du
comte d'Auxiron et du chevalier de Follenay,
qui se rangèrent de son côté, il ne crut pas
devoir lutter contre un homme aussi célèbre
que Périer, et il partit pour sa province, Ceiui-
ci persista dans sa manière de voir, mais le '
bateau qu'il essaya put à peine surmonter le
courant de la Seine, ce qm le dégoûta de faire
de nouvelles expériences.
Cependant, retiré dans les montagnes de la
Franche-Comté, le marquis de Jouffroy con-
tinuait ses recherches sur la navigation à va-
peur. En juin et juillet 1776, il fit naviguer
sur le Doubs, à Baumes-les-ûames, un petit
bateau, long d'environ 13 m. et large de 2 m.
Ce bateau était muni d'un appareil moteur du
système dit palmipède, et d'une machine à, "
simple effet dont la construction, dans un
pays alors dénué de toute ressource de fabri-
cation, avait présenté les plus grandes diffi-
cultés.
L'appareil moteur consistait en deux tiges,
longues de S m. GO, qui étaient suspendues de
chaque côté, à l'avant, et dont l'extrémité
libre de chacune portait un châssis armé de
volets mobiles comme nos persiennes et plon-
geant de près de 0 m. 50 dans l'eau : ce châs-
sis décrivait un arc de 0 m. 98 de corde et do
2 m. 60 de rayon; il était maintenu au bout
de sa course, vers l'avant, par un levier
muni d'un contre-poids. Le mécanisme de
transmission était une simple chaîne de fer
attachée au piston de la machine et qui, s'en-
roulant sur une poulie de renvoi, venait se
fixer à la tige des châssis. Quand la vapeur
soulevait le piston, les contre-poids rame-
naient en avant les volets qui faisaient alors
fonction de rames, et qui, dans ce mouve-
ment, se fermaient d'eux-mêmes par suite de
la résistance du liquide , afin d'opposer la
moindre surface possible. La condensation de
la vapeur ayant tait le vide dans le cylindre,
la pression atmosphérique entraînait le piston
jusqu'au bas de sa course, et, par suite de la
traction de la chaîne, les châssis étaient ra-
menés avec force contre les flancs du bateau-
45
354
BAT
tandis que les volets mobiles s'ouvraient de
manière à offrir toute leur surface à la résis-
tance du fluide. L'appareil du marquis de
Jouffroy fonctionnait assez bien au départ ou
quand le bateau marchait avec- lenteur ; mais
aussitôt que la vitesse s'augmentait, la rapi-
dité du courant empêchait les volets de s'ou-
vrir. Au lieu de chercher a faire disparaître
ce défaut, ce qui eût été peu difficile, l'in-
venteur le crut irrémédiable et il abandonna
entièrement le système palmipède pour adop-
ter celui des roues à palettes. En même
temps, il changea les dispositions de la ma-
chine, ainsi que le mécanisme de transmis-
sion.
A la suite de ces nouvelles études, le mar-
quis de Jouffroy se rendit à Lyon pour y faire
construire un autre bateau. Ce bateau était
presque aussi grand que ceux qui naviguent
aujourd'hui sur la plupart de nos rivières. Il
avait 41 m. de longueur, 4 ni. 15 de largeur,
0 m. 975 de tirant d'eau, et portait un poids
d'environ 150 mille kilo. Aux trois cinquièmes
environ de sa longueur totale, vers l'avant, il
était traversé par un arbre tournant sur des
rouleaux de friction placés près des bords. Sur
cet arbre étaient montées deux roues à aubes,
de 4. m. 55 de diamètre, dont les palettes,
longues de 1 in. 95, plongeaient à o m. 65 dans
l'eau. La machine a vapeur se composait de
deux cylindres accolés : les pistons avaient
Ô m. 56 de diamètre et une course d'un peu
plus de 1 m. 62. La communication de mouve-
ment, semblable- à celle que Papin avait indi-
quée en 1690, était obtenue au moyen d'une
double crémaillère à rochets , qui agissait
constamment sur une partie cannelée de l'ar-
bre tournant. Le bateau fut expérimenté sur
la Saône pendant l'été de 1783. Le 15 juillet,
an présence de plusieurs milliers de person-
nes et sous les yeux des membres de l'acadé-
mie de Lyon, il remonta, pendant un quart
d'heure, le courant de cette rivière, qui était
alors au-dessus des moyennes eaux. Le suc-
cès de son système de navigation se trouvant
ainsi publiquement constaté , le marquis de
Jouffroy s'occupa de former une compagnie
pour établir un service de transport sur la
Saône; mais, avant de s'engager, les capita-
listes qu'il avait intéressés à l'entreprise vou-
lurent être mis en possession d'un privilège
de trente ans. Une demande dans ce sens fut
adressée au ministre de Calonne, qui crut de-
voir consulter l'Académie des Sciences pour
savoir comment il fallait l'accueillir. Or, celle-
ci, dominée par l'esprit étroit qui régnait
alors dans la plupart des sociétés savantes,
influencée d'ailleurs par un de ses membres
principaux , Constantin Périer , le rival de
M. de Jouffroy, refusa d'admettre la réalité
des expériences de Lyon. Elle répondit donc
au ministre qu'avant de se prononcer, il y
avait lieu d'exiger que l'inventeur vint répéter
ses essais à Paris, en faisant remonter sur la
Seine, l'espace de quelques lieues, un bateau
charge de trois cent milliers. » En apprenant
la réponse de l'Académie, qui fut, d ailleurs,
adoptée par le gouvernement, le marquis de
Jouffroy perdit tout espoir. Il n'avait pas et
il ne pouvait pas trouver les fonds nécessaires
pour venir ù Paris faire construire un bateau
qui pût convaincre l'Académie. Il ne songea
même pas a entrer en lutte avec elle. Pour
toute vengeance, il envoya à Périer un mo-
dèle, au vingt-quatrième, du bateau de Lyon.
L'abandon que notre compatriote ht de son
projet de navigation à vapeur était d'autant
plus regrettable, qu'au moment même où il
s'y décidait, l'invention, par James Watt, de
la machine à double effet allait fournir le
moyen de triompher de tous les obstacles qu'il
avait rencontrés.
Du reste, l'application delà vapeur à la na-
vigation préoccupaittellement les esprits dans
la seconde moitié du dernier siècle, que des
essais avaient lieu à la fois dans plusieurs
pays. Ainsi, en Franee, la solution de ce pro-
blème était cherchée, non-seulement par le
marquis de Jouffroy, mais encore par Guyon
de la Plombière (1776) et l'abbé Arnal, cha-
noine d'Alais (1781). En Angleterre, on citait
les expériences de Patrick Miller (1787), de
lord Stanhope (1795) et de Baldwin (1796),
qui échouèrent entièrement, comme échouè-
rent aussi un peu plus tard celles de Syming-
ton (1801) et de notre compatriote Desblancs
(1805). Aux Etats-Unis, où des recherches
semblables avaient lieu, on procédait avec
une intelligence et un esprit de suite qui de-
vaient conduire au succès. Dans ce pays, l'é-
tendue et l'importance des communications
qu'ouvraient l'Ohio et le Mississipi, soit par
eux-mêmes, soit par leurs affluents, et les ob-
tacles qu'opposait à la navigation la rapidité
de leur courant, avaient attiré de bonne heure
l'attention du congrès. Dès 1784, cette assem-
blée avait promis une récompense de 30,000
acres de terre fédérale à celui qui trouverait
le moyen de faire remonter économiquement
les rivières aux bateaux chargés, sans se ser-
vir du halage. On ne pouvait évidemment ré-
pondre à l'appel du congrès qu'en employant
la vapeur. John Fitch et James Rumsay, qui
firent presque simultanément des essais, en
1786 et 1787, le premier sur le Delaware, et
le second sur le Potomack, ne réussirent pas.
Robert Livingston fut un peu plus heureux,
quelque temps après, sur l'Hudson. Il obtint
même, en 1798, de l'Etat de New- York, un
privilège de vingt ans, à condition qu'il con-
struirait, avant tin an, un bateau pouvant
marcher à raison de 4,soo m. à l'heure. Le
BAT
bateau fut prêt à l'époque fixée, mais il ne
remplit pas les conditions du programme.
Livingston allait s'occuper d'y introduire des
perfectionnements, quand il fut obligé de se
rendre en France pour y remplir des fonc-
tions diplomatiques. Après son départ, trois
homme d'élite, le capitaine Mac Keaver, le
mécanicien Olivier Evans et un émigré fran-
çais, appelé Louis de Valcourt, s'occupèrent
ensemble de recherches sur la navigation à
vapeur; mais les succès de Robert Fulton
rendirent leurs efforts inutiles.
Robert Fulton était aussi un citoyen des
Etats-Unis. Poussé par le désir de s'instruire,
il se rendit en Angleterre, vers 1786, à l'âge
de vingt-deux ans, pour y apprendre la pein-
ture ; mais ayant reconnu, après quelques
mois de travail, que là n'était pas sa voca-
tion, il abandonna la palette pour s'adonner à
la mécanique. Ce furent, dit-on, les conseils
de James Rumsay, le même dont il a été
question plus haut et qui était alors établi à
Londres, qui donnèrent l'essor à ses facultés
inventives. Ce fut peut-être aussi dans les
conversations de ce mécanicien qu'il puisa le
germe de ses premières idées relatives aux
bateaux à vapeur. Quoi qu'il en soit, n'ayant
pu faire adopter en Angleterre un système de
canalisation qu'il avait imaginé, il passa en
France, en 1796, dans l'espoir de voir son in-
vention mieux, accueillie; mais il n'y fut pas
plus heureux. Différentes propositions qu'il fit
ensuite au gouvernement français, pour des
bateaux plongeurs et des machines explosives
sous-marines, ne réussirent pas mieux. Dé-
couragé par l'insuccès de tant de démarches,
il était sur le point de s'en retourner en Amé-
rique, quand Robert Livingston l'engagea à
différer son départ pour étudier avec lui la
question des bateaux à vapeur, qui importait
tant à la prospérité de leur commune patrie.
En vertu d'un arrangement qu'ils firent entre
eux, Livingston se chargea de fournir tous les
fonds nécessaires àFulton pour faire les expé-
riences : on était à la fin de 1801 ou au com-
mencement de 1802.
Fulton passa d'abord en revue tous les es-
sais qui avaient été faits avant lui, et ce ne
fut qu'après avoir acquis une connaissance
exacte des causes qui les avaient fait échouer
qu'il se, mit à l'œuvre. Toutefois, les commen-
cements de l'entreprise furent désastreux. Un
premier bateau, terminé au commencement
de 1803, se trouvant trop faible pour porter
la machine, se rompit pendant la nuit et s'a-
bîma dans la Seine. La machine fut repêchée,
et, comme elle n'avait éprouvé aucune ava-
rie, on l'installa sur un second bateau, con-
struit avec tout le soin convenable. Ce nou-
veau bateau, long de 33 m, et large de Z m. 50,
fut terminé au mois de juillet de la même an-
née, et, le 9 août suivant, il navigua en pré-
sence d'une commission de l'Institut et d'un
grand nombre de personnes , en marchant
contre le courant avec une vitesse de l m. 60
Ear seconde ou de 5,760 m. par heure. « A six
eures du soir, dit un témoin oculaire, Ful-
ton, aidé seulement de trois personnes, mit en
mouvement son bateau et deux autres atta-
chés derrière, et, pendant une heure et demie,
il procura aux curieux le spectacle étrange
d'un bateau mû par des roues comme un cha-
riot, ces roues, armées de volants ou rames
plates, mues elles-mêmes par une pompe à
i'eu. » A la suite de cette expérience, Fulton,
désormais sûr du succès, s'adressa au minis-
tre de la guerre et de la marine afin d'en ob-
tenir les moyens de continuer des études sur
une plus grande échelle. On lui fit partout bon
accueil , mais on lui répondit qu'on n'avait
point de fonds disponibles. En même temps,
il demanda au premier consul que son inven-
tion fût soumise officiellement à l'examen de
de l'Académie des sciences, offrant, si l'avis
était favorable , d'en faire hommage à la
France. Malheureusement, ses longs et infruc-
tueux essais Sur les machines explosives sous-
marines, essais qui avaient été presque en-
tièrement exécutes aux frais du gouvernement,
avaient laissé une impression très-fâcheuse
dans l'esprit du chef de l'Etat, qui ne voyait
en lui qu'un intrigant. Aussi sa requête fut-
elle rejetée ; et, comme Louis Costaz, alors
Président du tribunat, qui s'était chargé de
appuyer, s'efforçait de faire revenir le pre-
mier Consul de ses préventions et de le per-
suader de la réalité et de l'importance des
résultats obtenus par Fulton : « Il y a, lui ré-
pondit son illustre interlocuteur, dans toutes
tes capitales de l'Europe, une foule d'aventu-
riers et d'hommes à projets qui courent le
monde, offrant à tous les souverains de pré-
tendues découvertes qui n'existent que dans
leur imagination. Ce sont autant de charla-
tans ou d imposteurs, qui n'ont d'autre but que
d'attraper de l'argent. Cet Américain est du
nombre : ne m'en parlez plus. »
L'Académie des sciences n'entra donc pour
rien dans le refus qu'éprouva Fulton. Elle ne
fut point appelée à donner un avis sur les
travaux de cet ingénieur : par conséquent,
elle ne put, comme on le répète chaque jour,
qualifier d'idée folle, d'erreur grossière, d'ab-
surdité, la navigation à vapeur. Il y a plus,
l'Académie comptait alors parmi ses membres
des hommes tels que Carnot et Constantin
Périer, qui étaient parfaitement au courant
de la question, et qui, sans nul doute, n'au-
raient pas souffert qu'elle portât un jugement
aussi ridicule. Au reste, Fulton qui, pendant
toute la durée de ses essais, fut en rapport
BAT
constant avec les académiciens français, dé-
clara plus tard n'avoir eu qu'à s'en louer. Ils
lui avaient dit seulement que le succès de ses
travaux leur paraissait fort douteux, parce
que, très-probablement, la force de la vapeur,
si puissante qu'elle fût, ne parviendrait pas à
vaincre, à certaines époques de l'année, la
violence des courants des fleuves et des ri-
vières. Or, l'état rudimentaire dans lequel
se trouvait le nouveau système de navigation
justifiait, et au delà, cette appréciation.
Nous ne dirons pas, comme on l'a tant de
fois avancé, que si Napoléon I«, prêtant une
oreille favorable à la demande de Fulton, eût
fait construire une flottille d'après les idées de
cet ingénieur, il aurait, par cela seul, assuré
le succès de la grande entreprise qu'il médi-
tait alors contre 1 Angleterre. Ce raisonnement,
fait après coup, n'a rien de sérieux. En effet,
l'invention de Fulton était trop imparfaite pour
qu'on pût en faire des applications de quelque
étendue. Ensuite, l'art de construire les ma-
chines à vapeur n'existait pas encore en
France, et les événements Se succédaient
avec une si grande rapidité qu'il eût été im-
possible de ly introduire. Enfin, et cette rai-
son paraîtra décisive, Fulton lui-même ne
croyait pas à cette époque que les bateaux à
vapeur fussent en état de s'aventurer sur les
mers : il ne songeait qu'à les employer sur les
fleuves et les rivières, et, quand Costaz se
chargea de présenter sa demande au premier
Consul, il ne fit aucune allusion à la guerre
d'Angleterre.
Dans tout ce qui précède, nous n'avons rien
dit de la lettre de Napoléon au ministre de
l'intérieur comte de Champagny, que les jour-
naux ont publiée en 1849, parce que cette
pièce est une mystification due peut-être au
même écrivain qui a imaginé la lettre de Ma-
rion Delorme à Cinq-Mars, sur Salomon de
Caus.
Fulton eut bientôt pris son parti du refus du
gouvernement français. Ainsi que nous l'avons
dit, il n'avait entrepris ses recherches que dans
le but d'en appliquer les résultats à son pays.
Il s'occupa donc des moyens d'établir sur les
cours d'eau des Etats-Unis le système de
transport dont il venait de démontrer la va-
leur. Informée par Livingston des succès .des
expériences de Paris, la législature de l'État
de New-York accorda aux deux associés le
privilège exclusif de naviguer, pendant vingt
ans, à partir de 1803, sur toutes les eaux de
l'Etat. Elle leur imposa seulement pour con-
dition de construire, dans un délai de deux ans,
un bateau à vapeur marchant à la vitesse de
6,400 m. par heure, contre le courant ordi-
naire de l'Hudson. A la réception de l'acte qui
concédait ce privilège, Livingston écrivit en
Angleterre, à James Watt et à Boulton, pour
leur commander une machine à vapeur dont
il envoya les plans et les dimensions sans rien
dire de la destination. Fulton passa lui-même
en Angleterre pour surveiller l'exécution de
la commande, puis il se rendit à New-York, où
il fit construire le bateau dans les ateliers de
Charles Brown. Ce bateau fut appelé le-Cler-
mont. Il avait 50 m. de long sur 5 m. de large,
et jaugeait 150 tonneaux. Il était muni de deux
roues a aubes ayant chacune 5 m. de diamètre,
et d'une machine de dix-huit chevaux. Il fut
lancé le 11 août 1807, et, le 16 du même mois,
il effectua son premier voyage : il mit trente-
deux heures à l'aller et seulement trente au
retour pour franchir les 240 kil. qui séparent
New-York d'Albany, remplissant ainsi et au
delà l'unique condition du programme. Dès ce
moment, la navigation à vapeur se trouva un
fait accompli. Toutefois, Fulton ne chercha
pas à pousser ses études assez loin pour ame-
ner son invention à toute la perfection dési-
rable ; il laissa ce soin à ses successeurs. Avant
lui, on avait trouvé les roues à aubes, la ma-
chine motrice et la transmission du mouve-
ment; mais nul, à l'exception peut-être du
marquis de Jouflroy, et c'est là surtout ce qui
fait sa gloire, n'avait compris que, pour que
le nouveau système de navigation pût réussir,
il fallait donner une force suffisante à la ma-
chine.
L'Europe ne pouvait demeurer indifférente
au progrès qui venait d'être réalisé en Amé-
rique. Ce fut l'Angleterre qui devança les
autres nations. Dès 1812, le mécanicien écos-
sais^ Henry Dell et naviguer sur la Clyde,
entre Glasgow et Hedensburg-Bath, un petit
bateau nommé la Comète, qui était long de
13 m. 90 et large de 3 m. 50, avec une machine
de la force de 4 chevaux : c'est le premier
pyroscaphe qui ait fait un service régulier
chez nos voisins. Cinq ans après, la naviga-
tion à vapeur était déjà prospère sur presque
tous les grands cours d'eau des trois royaumes.
Elle fut introduite en France, dans le courant
de 1816, mais elle ne commença à s'y déve-
lopper qu'après 1825.
Dans le principe, à l'exemple de Fulton, on
ne croyait pas que des bateaux à vapeur fus-
sent propres à la navigation maritime. Les
faits ne tardèrent pas à prouver le contraire.
Au printemps de 1815, le Bob-Roy, du port de
90 tonneaux, pourvu d'une machine de 30 che-
vaux, fit sans accident la traversée de Green-
ock, sur la Clyde, à Belfast, et, à la fin de la
même année, le Robert- Bruce, le Talbot, le
Waterloo, etc., également construits sur la
Clyde, furent envoyés sur divers points de
l'Angleterre. En 1817, une ligne régulière,
desservie par YMibernia et la Dritanuia, fut
établie entre Holydead et Dublin, à travers le
BAT
canal de Saint-Georges. Au mois de juillet 1819,
le navire américain le Savannah, de 350 ton-
neaux, franchit l'Atlantique et se rendit de
New-York à Saint-Pétersbourg, en touchant
à Liverpool et à Copenhague ; mais ce trajet,
qui eut lieu en partie à la voile, en partie à la
vapeur, fut considéré comme une témérité. Ce
ne fut que sept ans après que les marins an-
glais jugèrent la construction des bateaux à
vapeur assez avancée pour qu'il fût possible
de faire de grandes traversées avec une sécu-
rité suffisante. Le 16 août 1825, l'Entreprise,
de 500 tonneaux, mue par deux machines de
60 chevaux chacune, partit de Falmouth et
arriva, le 4 novembre suivant, à Calcutta,
après un voyage de cent-treize jours, dont huit
passés au Cap pour renouveler les provisions
de charbon. Presque à la même époque, un
bâtiment-hollandais se rendit avec le même
bonheur d'Amsterdam à Curaçao. Le succès
de ces deux traversées imprima un élan im-
mense à la navigation à vapeur, et les ingé-
nieurs de tous les pays, surtout ceux de l'An-
gleterre et des Etats-Unis, rivalisèrent d'efforts
pour la doter de tous les perfectionnements
dont elle pouvait être susceptible. En 1830, la
construction des bateaux avait atteint un si
haut degré de perfection que l'on regardait
« comme possible la navigation la plus pro-
longée, dans toutes les mers, par tous les
temps et dans toutes les saisons. » Enfin, en
1838, les navires anglais le Sirius et le Oreat-
Western inaugurèrent le premier service ré -
gulier qui ait existé entre l'ancien monde et le
nouveau. A l'aller, ils franchirent tous les deux
l'Atlantique en dix-sept jours : au retour, le
Sirius tint la mer pendant dix-huit jours, et le
Great- Western pendant quinze seulement.
Les bateaux à vapeur ne servirent d'abord
qu'au transport des voyageurs et des marchan-
dises; mais, en présence des résultats obte-
nus , les gouvernements comprirent qu'ils
pourraient aussi être utilement employés pour
le service de guerre. Toutefois, l'impossibilité
où l'on était de soustraire les roues à aubes au
choc des projectiles ennemis les fit considérer,
pendant longtemps, comme de simples moyens
de communication rapide, malgré les vents et
les calmes. Les choses ne changèrent qu'en
1841, lorsque le fermier anglais William Pottis
Smith et le mécanicien Ericson furent parve-
nus à remplacer les roues à aubes par un pro-
pulseur à hélice. Avant ce moment, une cen-
taine au moins d'inventeurs, surtouten France,
en Angleterre et aux Etats-Unis, avaient bien
essayé de faire marcher les navires à l'aide
d'hélices diversement disposées, mais aucun
n'avait pu trouver une solution réellement
pratique de la question, soit faute de cette per-
sistance qui assure seule le succès, soit parce
que leur époque ne s'était pas trouvée prête à
recevoir une si grande innovation. C est de
l'adoption du nouveau propulseur que date,
comme nous le verrons ailleurs, la véritable
marine de guerre à vapeur (V. Hélice, Ma-
rine, etc.).
— Bateaux à air. Les bateaux à air sont em-
ployés à la place des cloches à plongeur or-
dinaires, toutes les fois qu'il est nécessaire de
descendre sous l'eau un atelier un peu nom-
breux. La première idée de ces appareils a été
émise théoriquement par l'ingénieur Colomb,
en 1778 : mais elle n'a été réalisée pratique-
ment qu à notre époque. Le plus ancien que
l'on ait construit en France est probablement
celui dont o"n s'est servi en 1S4 5, pour enlever
des rochers qui obstruaient la passe d'entréo
du port du Croisic. Il se composait d'une
grande caisse en tôle , qui était longue
de 3 m. 60, large de 3 m., et haute d'environ
3 m. 50. Il était divisé en trois compartiments,
un au centre et les deux autres aux extrémi-
tés. Celui du centre était ouvert par le bas et
fermé par le haut : on l'appelait chambre de
travail, parce qu'il avait pour objet de rece-
voir les ouvriers. Des ouvertures, pratiquées
dans le plafond et fermées par des verres de
hublot, y laissaient pénétrer suffisamment de
lumière. Les compartiments extrêmes étaient
clos de toutes parts : ils étaient destinés à re-
cevoir le lest nécessaire pour déterminer l'im-
mersion. On employait le bateau au commen-
cement du jusant, quand les rochers à extraire
n'étaient recouverts que d'une hauteur d'eau
de 2 m. 25. On le conduisait alors au lieu où
l'on voulait opérer; puis, après l'avoir amarré,
on le faisait échouer en remplissant d'eau, au
moyen de soupapes, le compartiment de l'avant
et celui de l'arrière. L'échouage terminé, les
ouvriers descendaient dans la chambro de tra-
vail par une espèce de trou d'homme pratiqué
dans le plafond, et que l'on fermait ensuite
avec soin ; mais ils se tenaient d'abord sur un
grillage en fer placé assez haut pour que l'eau
ne pût les atteindre. Aussitôt que le trou
d'homme était fermé, des pompes foulantes,
mues par une machine à vapeur, introduisaient
dans la chambre de l'air comprimé qui en ex-
pulsait peu à peu toute l'eau. Ce résultat ob-
tenu, les ouvriers sautaient sur le rocher, bat-
taient des mines, divisaient les blocs, et cela
comme s'ils avaient été en plein air. Pendant le
travail, les pompes ne cessaient de fonctionner
pour le renouvellement de l'air. Le bateau
contenait neuf hommes travaillant à pic, et
seize occupés à forer des mines. Depuis cette
époque, les appareils de ce genre ont été très-
souvent employés, et toujours avec le plus
grand succès, principalement sur la Seine, le
Rhin et le Nil. Seulement, on en a modifié la
forme, les dimensions et les dispositions inte-
BAT
BAT
BAT
BAT
355
l
rleures, suivant les circonstances. Celui qui a
servi pour l'exécution des grands travaux du
barrage du Nil était assez grand pour renfer-
mer un atelier de quarante ouvriers : il avait
été construit par 1 ingénieur Cave, k Paris.
— Bateaux à glace. Les bateaux à glace se
font tantôt en bois, tantôt en osier recouvert
de cuir ou d'une toile imperméable. On les
fait avancer soit au moyen d'une gaffe, soit à
l'aide de petites roues fixées sur les côtés.
Dans tous les cas, on pratique vers le milieu
de leur fond une espèce de trappe s' ouvrant
de bas en haut. Pour se servir u'un de ces ap-
pareils, on le conduit au-dessus du trou par
lequel le noyé a disparu ; puis, ouvrant la
trappe, on y passe une échelle qui sert au
sauveteur h descendre sous la glace pour y
exécuter son exploration. Parmi les bateaux à
glace les mieux, disposés, on cite celui de Th.
Ritzle, de Hambourg, et de notre compatriote
Godde de Lianconrt.
— Bateaux de sauvetage. L'idée d'un bateau
qui pourrait être employé, même quand la
mer est soulevée par les plus violentes tem-
iêtes, pour aller porter des secours aux nau-
ragés, ou qui pourrait servir aux naufragés
eux-mêmes pour sauver leur vie, a dû natu-
rellement se présenter à l'esprit des naviga-
teurs, dès les temps les plus reculés; mais si
elle a donné lieu, chez les anciens, à quelques
essais plus ou moins ingénieux, nous devons
croire que ces essais échouèrent toujours
contre tes difficultés pratiques qu'il fallait
vaincre, puisque l'histoire n'en a pas conservé
le souvenir. C'est en 1610 seulement qu'on fit
une expérience publique, dont la mémoire a été
conservée ; cette expérience eut lieu k Paris
même, dans le grand bassin des Tuileries, en
présence de la reine mère et de toute la cour.
Un constructeur de bateaux avait inventé une
nacelle, qu'il disait insubmersible ; on la ren-
versa dans l'eau, de manière que sa quille fût
en haut, et elle reprit son aplomb d'elle-
même t on la cribla de trous de balles, et elle
s'emplit d'eau, mais ne sombra point : « L'on
ne sait que s'imaginer, écrivait Malherbe à
Peiresc ; la commune opinion est que cela se
fait par magie. » 11 y avait sans doute quel-
que chose de fort ingénieux dans la construc-
tion de cette nacelle ; mais il faut croire que
ce qui avait réussi en petit ne put être appli-
qué en grand, puisque l'invention resta sté-
rile.
Près de deux siècles plus tard, au mois de
septembre 1789, le navire anglais l'Aventure,
de Newcastle, ayant péri corps et biens à
l'embouchure de la Tyne, sans qu'il fût pos-
sible de lui porter secours, les notables de
South-Shields fondèrent un prix destiné à ce-
lui qui construirait un bateau disposé de ma-
nière à pouvoir tenir la mer pendant le gros
temps, surtout au milieu des brisants. Le prix
fut remporté par Greathead, dont le bateau,
terminé en 1790 , dépassa l'espoir des sou-
scripteurs. Toutefois, il avait un défaut : c'est
qu'il ne pouvait être mis k bord d'un bâtiment,
et qu'il devait toujours être envoyé de la côte.
George Palmer combla cette lacune en 1828,
par l'invention d'un autre bateau qui pouvait
être embarqué sur un navire et servir, en cas
de naufrage, a sauver l'équipage avec les
ressources du bord. Ces deux bateaux furent
imités dans presque tous les pays maritimes.
Des centaines de personnes leur durent la vie ;
mais il fut impossible de s'en servir dans plu-
sieurs circonstances, et il fut démontré à tous
les yeux que le problème n'était pas encore
complètement résolu. En 1849, lors du nau-
frage de la Betsey, à l'entrée de la Tyne, où
vingt pilotes périrent, sur vingt-quatre qui
montaient une embarcation de Greathead,
l'institution royale et nationale de sauvetage
établie a Londres ouvrit un concours pour la
construction d'un nouveau bateau. Deux cent
quatre-vingts plans ou modèles furent en-
voyés k la commission, qui, après un minu-
tieux examen, adopta celui de Beeching. C'est
le bateau de cet inventeur , perfectionné
dans ces dernières années par Peake, qui est
encore employé en Angleterre. Il est long de
9 à 10 m., large de 2 m. 40, et ne cale que
o m. 60. Enfin, il est absolument insubmer-
sible ; mais il ne peut être monté que par des
hommes dressés a sa manœuvre. L'Institution
royale en entretient un grand nombre, qui sont
disséminés sur les points où les naufrages-
sont le plus fréquents. Eu temps ordinaire,
on les conserve dans les ports ou sous des
hangars , d'où on les transporte, au moment
où ils doivent servir, au moyen de chariots
d'une forme 'particulière. Des bateaux de
sauvetage existent également dans les autres
pays maritimes ; comme nous l'avons déjà dit,
ils sont tous des imitations plus ou moins mo-
difiées de ceux des Anglais. M. Berdan, des
Etats-Unis, a construit un bateau compres-
sible , en bois , recouvert de toile et cui-
rassé de gutta-percha. Les plats-bords, ratta-
chés à la quille par des charnières, peuvent
se rabattre, et le volume du bateau se trouve
réduit des quatre cinquièmes environ. Il ne faut
que quelques minutes pour le monter et le lan-
cer à l'eau ; il flotte, même losqu'il est rempli
d'eau, monté paT quinze hommes et chargé de
poids fort lourds. Parmi les bateaux de sauve-
tage inventés récemment en France, un des
plus remarquables est celui de M. Moue, du
Havre, qui fut essayé en 1854, dans le bassin
du Commerce. Il se distingue par l'extrême
simplicité de sa construction, et, comme l'ex-
périence l'a constaté, il possède au plus haut
degré la faculté de se redresser quand il es4
chaviré. Il peut aussi, même lorsqu'il est plein
d'eau et chargé dur poids de 300 lulo., porter
un nombre d'hommes suffisant pour secourir
efficacement les naufragés.
— Bateau plongeur ou bateau sous-marin.
La première idée de la navigation sous-
marine parait remonter au xvie siècle; mais le
plus ancien bateau au moyen duquel on ait
cherché à la réaliser est probablement celui
que, vers 1620, le physicien hollandais Cor-
nélius van Drebbel essaya sur la Tamise, à
Londres, et dans lequel Jacques 1er, roi d'An-
gleterre, ne craignit pas de s'embarquer. Sui-
vant le voyageur Monconys, qui tenait ses
renseignements du gendre de 1 inventeur, ce
bateau était, pourvu de douze rames k garni-
tures imperméables, et offrait une capacité
assez grande pour contenir plusieurs per-
sonnes, indépendamment des hommes d'équi-
page. Il se maintenait parfaitement entre
deux eaux, mais il ne pouvait.descendre à plus
de douze ou quinze pieds anglais, parce que, à
une profondeur plus considérable, la pression
de 1 eau en eût endommagé les parois. Le
même écrivain rapporte que l'appareil pou-
vait rester longtemps immergé, parce que le
gendre de Drebbel avait inventé une liqueur,
dont il suffisait de répandre quelques gouttes
pour rendre immédiatement à l'air, vicié parla
respiration, toutes ses propriétés premières.
Les expériences de Londres engagèrent une
foule de savants à s'occuper des bateaux
sous^marins, mais ils ne le firent qu'en théorie.
Quelques-uns, cependant, publièrent des des-
criptions dont certains détails furent plus tard
mis à profit. C'est à Denis Papin et k un autre
Français dont le nom n'a pas été conservé, que
l'on doit peut-être l'idée première de se servir
de ces engins dans la guerre maritime, pour at-
taquer les navires ennemis. Plusieurs bateaux
plongeurs furent construits à la fin du xvme
siècle. Le l« août 1772, le Journal encyclo-
pédique annonça que , le 28 mai précédent ,
Dionis, membre de l'académie de Bordeaux,
avait expérimenté, dans le golfe de Gascogne,
un bateau de son invention qui, monté par
dix personnes et armé de huit rames, avait
fait cinq lieues en quatre heures et demie :
l'air y était maintenu dans un état convena-
ble k l'aide d'une « eau artificielle » , et les gaz
méphitiques étaient conduits au dehors par un
tuyau étroit. Quatre ans après, l'Américain
Bushnell ou Brushuell construisit un bateau
assez grand pour qu'un homme pût y respirer
pendant une heure, et dont le pont portait une
caisse de poudre, disposée de manière à pou-
voir être aisément fixée contre la carène d'un
navire ennemi. Il l'offrit au gouvernement de
son pays, pour détruire les flottes anglaises
qui bloquaient alors les ports de l'Union ; mais
on rejeta son offre, parce qu'on reconnut que
la machine était trop difficile k gouverner :
on ne Grut pas d'aillleurs que le droit public
des nations permît l'emploi d'un tel agent de
destruction. Cette dernière raison n'empêcha
pas Robert Fulton, autre citoyen des Etats-
Unis, de faire, en 1800, une proposition sem-
blable au gouvernemerit français. Il avait
donné le nom de nautile au bateau sous-marin
qui fut essayé sur la Seine devant Vesplanade
des Invalides. Il s'enferma lui-même dans sa
machine, avec un matelot et une bougie allu-
mée, plongea assez avant pour disparaître à
tous les regards, et remonta sur l'eau à une
distance assez éloignée, plongea encore, et
vint reparaître au point d'où il était parti d'a-
bord. Cette expérience fut renouvelée au
Havre peu de temps après. En 1802, l'ingé-
nieur anglais Hodgman fit k Folkéstone des
expériences du même genre dans la mer, et
son bateau put parcourir, sous l'eau, environ
un quart de mille. En janvier 1810, MM. Coës-
sin construisirent un nouveau bateau plongeur,
qui fut essayé au Havre, en présence d'une
réunion nombreuse d'ingénieurs et d'officiers
de marine. Ce bateau avait la forme d'un el-
lipsoïde allongé ; l'intérieur était divisé en
trois parties par des doubles fonds. Les
hommes se plaçaient dans la partie du milieu,
et les deux autres parties pouvaient être rem-
plies d'eau ou d'air, à 1 aide de pompes. Il
était mis en mouvement par des rames, et les
ouvertures par lesquelles passaient ces rames
étaient masquées par des poches de cuir ;
quatre rames suffisaient pour avancer d'une
demi-lieue par heure. Le compartiment destiné
aux navigateurs recevait un peu de lumière
par de fortes lentilles logées dans la partie supé-
rieure du bateau. L'air nécessaire à la respira-
tion arrivait par des tuyaux flexibles, soutenus
par des flotteurs qui restaient toujours à la sur-
face de l'eau ; la circulation de l'air s'obte-
nait au moyen d'un ventilateur. Mais comme
le ventilateur devenait impuissant lorsqu'on
descendait à plus de 7 mètres, MM. CoSssin
pensèrent qu'il valait mieux remonter de temps
en temps k la surface pour y faire provision
d'air, ou se munir d'oxygène comprimé, ren-
fermé dans des récipients.
En 1846, on fit encore, sur la Seine, l'essai
d'un bateau sous-marin inventé' par le docteur
Payerne. Le journal l'Illustration en donna
une description détaillée, dont nous allons citer
les parties principales :
t Ce bateau est construit en tôle de 7 milli-
mètres d'épaisseur; sa configuration est une
ellipse assez rapprochée de la forme d'un œuf
qui aurait 9 mètres de l'arrière à l'ayant, et
2 m. 80 dans sa plus grande section transver-
sale. Dana sa construction, on a ménagé 30
orifices percés dans la tôle ; 26 d'entie eux, qui
portent. 14 centimètres de diamètre, sont fer-
més par des lentilles de verre ...; des quatre
autres, qui ont 40 centimètres de diamètre,
l'un, placé à la partie supérieure, sert d'entrée
et de sortie k 1 équipage, et trois s'ouvrent à
travers la cale pour servir de voie de commu-
nication avec le sol au fond des eaux. Un pro-
pulseur hélicoïde, placé à l'arrière, ainsi qu'un
gouvernail, sert à mettre le bateau en mouve-
ment. Deux aubes, en forme de nageoires,
permettent de monter ou de descendre à vo-
lonté. Si l'on entre maintenant dans le bateau
par le trou d'homme pratiqué à la partie su-
périeure, on descend dans une chambre qui
occupe k peu près les deux cinquièmes du
volume total ; les trois autres cinquièmes for-
ment un vaste récipient, auquel sont adaptées
deux pompes, dont chacune est munie de
quatre, robinets, deux pour l'aspiration ou le
refoulement de l'air, deux pour l'aspiration ou
le refoulement de l'eau. Quand les hommes
veulent descendre sous l'eau, ils font jouer
l'une .des deux pompes pour faire entrer dans
le récipient intérieur une quantité d'eau pro-
portionnée à la profondeur où ils veulent at-
teindre. Bientôt la clarté transmise par les
hublots ou lentilles de verre, s'obscurcit sen-
siblement, sans pourtant cesser d'éclairer suf-
fisamment les manoeuvres ; puis une faible se-
cousse annonce qu'on touche le fond. Alors
on ouvre les panneaux placés à fond de cale,
et l'on se trouve en contact direct avec le sol
sous-marin, qu'on peut explorer a son aise.
La manœuvre pour remonter est aussi facile
à comprendre : si, pour entraîner le bateau au
fondj il a fallu aspirer 1,000 litres d'eau, on
refoulera en dehors la même quantité de li-
quide, et le bateau allégé reviendra de lui-
même au niveau de flottaison. On voit que
ces bateaux plongeurs ont beaucoup de rap-
ports avec les bateaux à air, dont nous avons
donné précédemment la description.
Beaucoup d'autres bateaux du même genre
ont été imaginés aux Etats-Unis, en Angle-
terre, en Russie, en Allemagne ; mais la plu-
part de ces inventions n'ont existé que sur le
papier, et celles, en très-petit nombre, qui ont
été réalisées pratiquement, n'ont pu survivre
aux expériences auxquelles on les a soumises.
Plusieurs constructeurs contemporains ont
même compliqué la solution du problème, en
voulant armer leurs appareils d'une artillerie
redoutable, et en les munissant d'une hélice
propulsive, mue par l'air comprimé, la vapeur
ou une machiné magnético-électrique. — Dans
ces dernières années, on a donné le nom de
bateaux plongeurs ou bateaux sous-marins à
des cloches d'une forme particulière : il en
sera question ailleurs. V, Cloche i plongeur.
— Administ Les accidents dont fut suivie
l'introduction de la navigation à vapeur obli-
gèrent l'administration d'intervenir. Elle n'eut
point l'initiative de cette intervention ; sans
les persistantes réclamations du public, elle
aurait, comme aux Etats-Unis, pris son parti
des désastres causés par l'excès même de
puissance des nouveaux moteurs , et elle
n'aurait rien fait pour régler les mutuels
intérêts du public et des entrepreneurs. Ne
pouvant rester neutre, l'administration adopta
un système mixte, consistant à réglementer
dans l'intérêt du public, tout en imposant le
moins de gêne possible à l'intérêt privé. C'est
dans cet esprit que fut rendue l'ordonnance
du 2 avril 1823, qui assujettit les bateaux à
vapeur h la surveillance de commissions spé-
ciales, instituées dans chacun des départe-
ments où existait alors ce genre de naviga-
tion. La même année vit naître l'institution
de la commission centrale des machines à va-
peur, à laquelle fut confié le soin de veiller
au maintien des nouveaux, règlements, de
résoudre les cas incertains en interprétant la
pensée de l'administration, et de proposer
tous les perfectionnements indiqués par l'ex-
périence. Ces commissions, qui existent encore
aujourd'hui', sont composées de personnes
expérimentées, et présidées par des ingénieurs
en chef des ponts et chaussées ou des mines.
Elles doivent, tous les trois mois, s'assurer
de la bonne construction des bateaux, parti-
culièrement en ce qui concerne l'appareil mo-
teur. En 1828, une nouvelle ordonnance, en
date du 7 mai, réglait la construction des ba-
teaux, le nombre de leurs passagers et leurs
heures de départ. En vertu de cette ordon-
nance, les conditions auxquelles avaient été
assujetties les chaudières k haute pression
furent déclarées applicables aux chaudières
k basse pression. L usage des chaudières et
bouilleurs en fonte fut, de plus, formellement
interdit. L'ordonnance du 27 mai 1830 com-
pléta cette réglementation.
La navigation à vapeur était alors dans
l'enfance ; les navires mus par la vapeur
étaient en si petit nombre, que la flotte qui
portait l'expédition d'Alger en comptait seule-
ment sept. L'industrie privée n'en exploitait
guère qu une cinquantaine. En 1865, la France
en comptait environ 500.
De 1828 à 1843, l'administration, suivant pas
k pas les expériences faites par les entrepri-
ses privées, se contenta de leur faire des re-
commandations en vue de la sécurité publique.
Ainsi, elle leur conseilla successivement l'em-
ploi d'armatures convenables dans les chau-
dières à surface plane , l'isolement complet
des chaudières dans 'les bateaux qui en conte-
naient deux, et la séparation, par de fortes
cloisons, du local des chaudières et des salles
où se tiennent les passagers. Enfin, l'ordon-
nance du 23 mai 1843, résultat de quinze ans
d'observations continues, refondit toute la ré-
flementation précédente, et les règles qu'elle
tablit sont encore aujourd'hui celles qui sont
suivies. En voici les principales dispositions.
Les bateaux à vapeur sur rivières doivent se
pourvoir d'un permis de navigation délivré
par le préfet. La demande de permis doit com-
prendre : le nom du bateau, ses principales di-
mensions, son tirant à vide et sa charge maxi-
mum, exprimée en tonneaux de. 1,000 kilo.;
laforce de l'appareil moteur, exprimée en che-
vaux vapeur ; la pression, évaluée en nombre
d'atmosphères, sous laquelle cet appareil doit
fonctionner ; la forme de la chaudière, le ser-
vice auquel le bateau sera destiné ; les points
de départ, de stationnement et d'arrivée ; le
nombre maximum des passagers; enfin, un
dessin géométrique de la chaudière. Cette de-
mande est ensuite soumise par le préfet à la
commission de surveillance du département.
— Cette commission doit alors porter son at-
tention sur les conditions de solidité et sur les
précautions requises pour le cas où le bateau
serait destiné à un service de passagers ; sur
les mesures de sûreté relatives à l'appareil
moteur, et particulièrement sur son généra-
teur ; sur les précautions nécessaires pour
prévenir les chances d'incendie. La commis-
sion doit de plus assister à un essai du bateau
à vapeur, afin de vérifier si l'appareil moteur
a une force suffisante pour le service auquel
le bateau est destiné, et elle doit constater ;
l° la hauteur des eaux lors de l'essai; 2" le
tirant d'eau du bateau ; 3° sa vitesse en mon-
tant et en descendant; 4° les divers degrés de
,tension de la vapeur dans l'appareil moteur,
pendant la marche du bateau. — Ces conditions
préliminaires remplies, le permis est délivré.
Ce permis, qui n'est valable que pour un an,
doit, en dehors des indications comprises dans
la demande et dans le procès-verbal de véri-
fication de la commission de surveillance,
énoncer la tension maximum de la vapeur, ex-
primée en atmosphères, et en fractions déci-
males d'atmosphère sous laquelle l'appareil
moteur devra fonctionner; les numéros des
timbres dont les chaudières, tubes bouilleurs,
cylindres et enveloppes de cylindres auront été
frappés; le diamètre des soupapes de sûreté
et leur charge. Il contient enfin toutes les
prescriptions d'ordre et de police locale né-
cessaires. Copie en est transmise aux préfets
des départements traversés par la ligne de
navigation, afin qu'ils prescrivent les dispo-
sitions conformes, k observer dans leurs dé-
partements.
A chaque renouvellement annuel du permis,
la commission de s'urveillance doit être con-
sultée. Cette commission doit, chaque année,
visiter tous les bateaux de sa circonscription.
Dans le cas où un bateau à vapeur vient a être
construit dans un autre département que ce-
lui où il doit entrer en service, le propriétaire
doit obtenir une autorisation provisoire du
préfet du département où son bateau a été
construit, puis obtenir un permis définitif de
navigation du préfet dans le département du-
quel le bateau doit naviguer.
Toute pièce devant renfermer de la vapeur
doit être éprouvée avant d'être installée.sLes
épreuves, même celles des cylindres et enve-
loppes en fonte, sont faites au triple de la
pression effective. Elles doivent avoir lieu
tous les ans. De plus, elles peuvent être re-
nouvelées après l'installation de la machine,
en cas d'avaries, de modification ou de répa-
rations. Les chaudières à face plane dont la
tension de la vapeur ne dépasse pas, k l'inté-
rieur, une atmosphère et demie sont dispensées
d'épreuves. Cependant, les explosions de chau-
dières k basse pression fonctionnant sur les
bateaux ont été assez multipliées pour faire
contester la sagesse de cette exception.
Les chaudières doivent être munies de cer-
tains appareils de sûreté, tels que soupapes,
manomètres, indicateurs du niveau de l'eau,
et moyens d'alimentation. Indépendamment
de leurs soupapes ordinaires, les chaudières
à face plane doivent être munies d'une sou-
pape atmosphérique, c'est-à-dire disposée de
manière k s'ouvrir du dehors en dedans. Cette
soupape a pour but de prévenir l'accident qui
consiste dans l'écrasement d'une ou plusieurs
faces de la chaudière, lorsque, par l'effet du
refroidissement, la vapeur vient k se con-
denser en partie dans l'intérieur, et que la
pression extérieure de l'atmosphère devient
prépondérante. En ce qui concerne l'alimen-
tation, indépendamment de la pompe ordinaire,
chaque chaudière doit être pourvue d'une au-
tre pompe pouvant fonctionner soit à l'aide
d'une machine particulière appelée petit che-
val, soit k bras d'homme, et destinée k ali-
menter la chaudière, s'il en est besoin, lorsque
la machine motrice du bateau ne fonctionne
pas.
En cas d'installation de plusieurs chaudiè-
res sur un même bateau, leur alimentation doit
se faire séparément, et leurs communications
ne peuvent avoir lieu que par les espaces oc-
cupés par la vapeur, L'emplacement des ap-
pareils moteurs doit être disposé de manière
à ce qu'on puisse facilement les visiter. Cet
emplacement doit, en outre, être séparé des
salles des passagers par des cloisons en feuil-
les de tôle, suffisamment épaisses pour em-
Fécher, en cas de déchirure de la chaudière,
eau bouillante et ta vapeur de se répandre
dans ces salles.
356
BAT
Le garde-corps doit être d'une hauteur suf-
fisante pour la sûreté des voyageurs. Chaque
bateau doit avoir à bord un mécanicien et
autant de chauffeurs que peut en nécessiter
l'appareil moteur. De plus, nul ne peut être
employé comme capitaine ou mécanicien, à
moins de produire des certificats de capacité
délivrés dans des formes déterminées par le
ministre des travaux publics. Les individus
que les propriétaires de bateaux à vapeur veu-
lent employer comme capitaines ou mécani-
ciens doivent être, au préalable, désignôsau
préfet, qui fait examiner le capitaipe par l'in-
specteur de la navigation, le mécanicien par
l'ingénieur en chef, président de la commis-
sion de surveillance, et c'est ensuite sur le
vu du procès-verbal d'examen, que le préfet
accorde ou refuse la commission demandée.
Autant que possible, les lieux de stationne-
ment des bateaux à vapeur doivent être dis-
tincts de ceux des autres bateaux, et même
chaque entreprise doit avoir un emplacement
particulier, dont elle a la jouissance exclusive,
a condition d'y faire, à ses frais, toutes les dis-
Ï positions convenables pour l'embarquement et
e débarquement des voyageurs et des mar-
chandises. En cas de concurrence entre deux
entreprises, le préfet règle les heures de dé-
part de manière a éviter les luttes pouvant
amener des accidents. C'est aussi le préfet
qui détermine les conditions de solidité et de
stabilité des batelets destinés au service d'em-
barquement et de débarquement des passa-
gers. — La sollicitude administrative s'est
aussi préoccupée des règles à observer quand
deux bateaux viennent a se rencontrer, soit
qu'ils marchent en sens contraire, soit qu'ils
marchent dans le même sens avec des vites-
ses différentes ; elle indique ce que doit faire
le bateau montant, et ce que doit faire le ba-
teau descendant. Dans les rivières à marée,
le bateau qui vient avec le flot est censé des-
cendre. Les précautions à prendre à l'appro-
che des ponts, pertuîs et ouvrages d'art, la
manœuvre a faire quand des batelets abor-
dent le bateau pour prendre ou déposer des
voyageurs- ou des marchandises, tout cela est
compris dans la réglementation. Pendant la
nuit, les bateaux à vapeur doivent tenir con-
stamment deux fanaux allumés, l'un à l'avant,
l'autre à l'arrière! Ces deux fanaux sont a
verres blancs lorsque le bateau descend, et à
verres rouges lorsqu'il monte. En cas de brouil-
lard, le capitaine doit faire tinter continuelle-
ment la cloche, pour éviter les abordages.
Le mécanicien doit présider à la mise en
feu, entretenir toutes les parties de la ma-
chine, diriger les chauffeurs, noter sur un re-
gistre ad hoc les principales circonstances de
la marche de la machine. L'entrée du lieu ou
se trouve la machine est absolument interdite
aux voyageurs. Chaque bateau doit avoir un
registre particulier, sur lequel les voyageurs
ont la faculté dé consigner leurs observa-
tions relatives au départ, à la marche ou à la
manoeuvre. Le permis de navigation est affi-
ché dans la salle des passagers; on y affiche
également un tableau indiquant la durée
moyenne des voyages, tant en montant qu'en
descendant, et en ayant égard à la hauteur
des eaux, la durée des stationnements, le
nombre maximum des passagers, la faculté
que ceux-ci ont de consigner leurs observa-
tions sur un registre spécial ; enfin le prix des
places.
La surveillance administrative des bateaux
à vapeur est confiée aux préfets ; les bateaux
doivent être visités au moins tous les trois
mois, et chaque fois que le préfet le juge con-
venable. Sur la proposition des commissions
de surveillance , le préfet peut ordonner la
réparation et le remplacement de toutes les
, pièces dont un plus long usage présenterait
des dangers. Il peut suspendre le permis de
navigation jusqu'à l'exécution de ces mesu-
res, et même, au cas où la sûreté publique lui
paraîtrait compromise , révoquer ce permis.
Les propriétaires de bateaux sont tenus de
recevoir à bord et de transporter gratuite-
ment les inspecteurs de la navigation, les
gardes-rivières, et tous les agents qui sont
spécialement chargés de la police et de la
surveillance des bateaux à vapeur. En cas
d'avaries, de nature à compromettre la sûreté
de la navigation, la police locale a le droit
d'arrêter la marche du bateau , sauf à infor-
mer immédiatement le préfet, qui, à son tour,
met sur-le-champ en mouvement la commis-
sion de surveillance.
La navigation des bateaux à vapeur en mer
est réglée par l'ordonnance du 17 janvier 1846.
Les mesures do sûreté applicables aux appa-
reils à vapeur sont, en général, les mêmes sur
mer que sur lés fleuves ; mais certaines de
ces mesures diffèrent : ce sont celles qui se
rapportent a la construction, à l'armement,
aux équipages, aux heures de départ et au
mode de surveillance. Les permis ce naviga-
tion maritime sont, comme les permis de na-
vigation fluviale, délivrés après examen et
rapport des commissions de surveillance éta-
blies dans les ports de mer où se trouve le
siège dos entreprises. Ces commissions, de-
vant indispensablement posséder, en dehors
des connaissances sur les machines à vapeur,
celles qui ont pour objet la construction, la
stabilité et l'armement des bâtiments qui na-
viguent sur mer, comprennent des ingénieurs
des mines et des ponts et chaussées, en rési-
dence dans le port, les officiers du génie ma-
ritime, le commissaire ou préposé à l'inscrip-
BAT
tion maritime, et le capitaine, liautenant ou
maître de port résidant sur les lieux : le dé-
faut de solidité dans la construction, ou de
proportions convenables Jdans la forme de la
coque, donnant lieu à autant de sinistres que
les vices de construction ou la mauvaise eon ■
duite des appareils à vapeur, il est recom-
mandé aux commissions de se faire assister,
dans l'examen du navire, de constructeurs et
de toutes personnes spécialement compéten-
tes, d'exiger la présentation des contrats faits
par les armateurs avec les constructeurs, con-
trats dans lesquels sont généralement stipu-
lées les dimensions et la nature des maté-
riaux de bois ou de fer employés à la con-
struction de la coque. Leur attention se porte
spécialement sur le danger si grave des in-
cendies dans la navigation maritime, et sur la
distance à laquelle les soutes à charbon sont
placées des fourneaux. Mais cette distance
bien observée n'est pas une précaution suf-
fisante, puisqu'il y a des exemples d'inflam-
mation spontanée des charbons dans les sou-
tes. Aussi, dispose-t-on ces soutes de" telle
sorte que l'incendie quis'y manifesterait puisse
être promptement étouffé. La division d'un
bâtiment à vapeur on cinq compartiments, sé-
parés par de fortes cloisons en tôle impéné-
trable a l'eau, est recommandée comme le meil-
leur des moyens de sûreté en cas de collision
avec un autre navire, de choc contre un
écueil, ou de tout autre accident déterminant
une voie d'eau considérable. Cette division,
qui permet de limiter, de combattre et d'é-
touffer les incendies, sans être positivement
prescrite, est recommandée comme ayant été
jugée très-utile par les constructeurs mariti-
mes les plus compétents.
Les voyages par mer pouvant avoir une
très-longue durée, il n'est pas possible d'im-
poser le renouvellement annuel du permis ;
mais les bateauœ sont souvent visités , et
notamment à leur retour de longues tra-
versées.
Afin d'éviter, autant que possible, les abor-
dages et les rencontres de nuit, les bateaux à
vapeur de la marine marchande doivent por-
ter, a leur tambour et en tête de leur mât, les
mêmes feux que les bâtiments à vapeur de
l'Etat. Par suite d'un commun accord entre
les gouvernements de France et d'Angleterre,
tous les bateaux à vapeur des deux nations,
qui sont en route, doivent porter, depuis le
coucher du soleil jusqu'à son lever, un feu
blanc en tête du mat de misaine, un feu vert
à tribord, un feu rouge à bâbord, et lorsqu'ils
sont au mouillage un feu blanc ordinaire. —
Le feu de tête de mât doit être visible à au
moins cinq milles de distance; les feux de cou-
leur à distance d'au moins deux milles. Le fa-
nal employé au mouillage doit être construit
de manière à donner une bonne lumière tout
autour de l'horizon. Le décret du 17 août 1852 -
a apporté quelques modifications dans la forme
de ces feux. Les connaissances exigées des
capitaines et des mécaniciens sont beaucoup
plus grandes que pour la navigation fluviale.
Les mécaniciens doivent, en outre, en cas de
longues traversées, justifier de leur aptitude
pour réparer les pièces du mécanisme ou des
générateurs qui viendraient à manquer. C'est
là assurément une réglementation des plus
minutieuses ; mais ne trouve-t-elle pas am-
plement sa justification dans l'extrême rareté,
chez nous, de ces accidents et catastrophes
qui arrivent si souvent en Amérique, où ces
mêmes précautions sont inconnues ou restent
à l'état de lettre morte?
Bn<cnu (rendez-moi mon léger). Par. de
Saiut-Elme Champ. Mus. d'Edouard Brugnière.
Brugnière vint à Paris en 1824, et s'y fit
connaître aussitôt par quelques productions
gracieuses dont le Bateau est la plus saillante.
De ce Bateau descendirent les nacelles et les
gondoles qui ont si longtemps sillonné le
fleuve de la romance. Plaisanterie à part, si
les paroles de cette composition sont faibles
au dernier point, la musique est charmante et
digne de l'accueil enthousiaste que lui firent
les dilettantes de la Restauration.
BAT
- xi - ble, Rendez • moi mon lé - ger ha
On m'a - vait dit, sur
m
un au-tre ' ri ■ va - ga, Dans les ci -
!^^PHÉ*
tés vas cher • cher la bon - heur.
Dans les ci - tés, rien n'a sé-duit mon
- teau Et ma chau - mine au bord do
l'eau,
nia chau - mine au bùi\i du
Éll^|Ég^pi=a
- teau, L'àlur du lac pai - Bible et ma rame I
l'eau... Ma chaumine au bord de l'eau!
2C Couplet.
Sous ces lambris où la pourpre étincelle
Je n'avais plus ma douce liberté.
De noirs soucis étouffaient ma faite.
J'avais perdu tout bonheur avec elle.
Rendez-moi, etc.-,
3e Couplet.
Je veux ravoir ces jeux sur la fougère
Qu'un triste ennui ne refroidit jamais;
Je veux revoir ce ciel pur que j'aimais,
Je veux m'asseoir au foyer de mon père 1
Rendez-moi, etc..
batedors. m. (ba-te-dor). Agric. Machine
dont les Brésiliens se servent pour égrener le
maïs. On l'appelle aussi manjola.
bâtée s. f. (ba-té). Techn. Terre pétrie
en une fois dans la caisse du verrier, il Grande
écuelle de bois pour le lavage dos sables au-
rifères. V. BATTEE.
BATELAGE s. m. (ba-te-la-ie — rad. bate-
ler). Transport par petits bateaux opéré
d'un navire au rivage, et réciproquement :
Le batelagb commence ; il y a foule sur l'eau.
(A. Jal.) n Droit de transport payé à un bate-
lier.
— Exercice du métier de bateleur : Je
n'aime pas qu'on fasse un batelage de la foire,
du temple de Corneille. (Volt.) Ils amassèrent
beaucoup d'argent par ce batelage. (D'A-
blanc.)
— Faire le batelage, Aller chercher avec
des canots ou des chaloupes le poisson pris
en mer. Il Transporter à bord d'un bateau pê-
cheur les ustensiles nécessaires pour la pêche.
BAtelé, ÉE (ba-te-lé). part. pass. du v.
Bateler : Des charbons bateles.
— Prosod. V. Battelée.
bate lé e s. f. (ba-te-lé — rad. bateau).
Charge, contenu d'un bateau : Une batelée
de promeneurs. Une batelée de fruits.
— Fig. Grande quantité : Une batelée de
gens.
— Jurispr. marit. Poids réglementaire que
les ordonnances do marine défendent à un
bateau de dépasser, pour éviter les accidents,
et qui est ordinairement réglé par le nombre
de personnes qu'il doit prendre, si c'est un
bateau de passage.
BATÈLEMENT S. m. V. BattellemeNT.
bateler v. a. ou tr. (ba-tc-lc — rad. ba-
teau. — Double l devant uno syllabe muette :
Je batelle, tu batelleras). Transporter par
bateaux : Bateler du poisson.
— Absol. Conduire un bateau, il Peu usité.
BATELER v. n. ou intr. (ba-tc-lé — rad. ba-
teleur. — Doublo l devant une syllabe muette :
Je batelle, il batkllera). Débiter ou faire
des bouffonneries comme un bateleur.
BATELERIE s. f. (ba-te-le-rî — rad. bate-
leur). Tour ou bouffonnerie de bateleur, il Peu
usité.
batelets. m. (ba-te-lè— dim. de bateau).
Petit bateau : Pour traverser la cataracte, on
s'aventure sur un petit batelet ajusté comme
une pirogue de sauvage. (V. Hugo.) Un batelet
gui traverse le Rliin à cet endroit-là, avec ses
deux avirons, y fait un bruit formidable. (V .
Hugo.)
bateleur, euse (ba-te-leur, cu-ze —
rad. bâton). Individu qui amuse le public en
plein vent, par des bouffonneries, des tours
de force ou d'adresse : Il y a eu, dans toutes
les époques, de bons bateleurs ; mais les plus
célèbres que nous ayons eus en France, suivant
Clément et l'abbé De la Porte, sont : Tabarin,
Turlupin, Gauthier-Gar quille, Gros-Guillaume
et Guillot-Gorju. (Jullien.) Nous nous arrê-
tâmes dans une bourgade, où nous eûmes le
divertissement d'une pièce jouée par des ba-
teleurs. (Le Sage.) Son ancien métier de ba-
teleur et de soldat lui donnait des facilités
singulières pour ces sortes d'ascensions obsidio-
nales. (Th. Gaut.) Que l'enchanteresse portât
le ruban bleu de Marie, ou les afftquets de la
petite bateleuse, c'étaient toujours ses yeux
noirs, sa taille voluptueuse. (Cl. Robert.)
Ah! ce n*est pas la moindre entre tant de douleurs,
Que de vous voir mêlée à ces vils bateleurs.
V. Huao.
Sorciers, bateleurs ou filous,
Gais bohémiens, d'où venez-vous?
BÉRANOEK.
— Par dénigr. Bouffon de société : Vous
pourriez être un homme sensé, si vous ne préfé-
riez être un bateleur. I! Acteur : Laissez tous
ces bateleurs qui gagnent leur vie à amuser
le public. Ils se mettent en frais pour des valets,
des filles publiques et des bateleurs. (Droz.j
BAT
— Fig. Charlatan : Il y a des fripons d?
moralité, des bateleurs de vanité. (Balz.)
— s. m. Ornith. Nom donné à un genre
d'oiseaux de proie diurnes, de la famille des
aigles, mais ayant beaucoup d'analogie avec
les vautours, et comprenant une seule espèce,
qui accomplit dans l'air des évolutions et des
cabrioles, qui ont fait donner au genre tout
entier le nom qu'il porte : Le bateleur com-
mun a une queue excessivement courte.
— s. t. Ornith. Espèce d'alouette d'Afrique.
— Encycl. Suivant l'Académie, le bateleur
est celui qui fait des tours de passe-passe au
moyen d'un bâton qu'il tient à la main, et, par
extension , celui qui monte sur des tréteaux dans
les foires et sur nos places publiques, comme
les charlatans, les joueurs de farces, les dan-
seurs de corde, les diseurs de bonne aventure,
les arracheurs do dents, les marchands de vul-
néraire, les escamoteurs, les jongleurs, les sau-
teurs, les ventriloques, les gilles, les paillasses,
entin tous les sujets de cette bohème qui vient,
àgrand renfort decymbales et de grosseeaisse,
sur la place publique, pour amuser la populace
et lever sur elle un impôt de gros sous. Cet
Hercule qui soulève des poids à bras tendus,
bateleur; cet Orphée qui racle une corde à
boyau en faisant des grimaces, bateleur; ce
Gargantua qui s'empiffre d'étoupes allumées,
dévore des épées nues et se régale de cailloux,
bateleur; cet homme incombustible, cette
femme a barbe, ce géant écossais, ce nain
difforme, ce marchand de crayons à panache
ondoyant, cet opérateur à cuirasse éclatante,
cette tireuse de cartes à jupe bariolée, ces
montreurs d'ours ou de veaux a deux têtes, ces
joueurs de marionnettes, ces chanteurs de com-
plaintes, ces musiciens ambulants, qui jouent
a la fois de cinq ou six instruments et imitent
le cri des animaux, bateleurs, bateleurs, bate-
leur est donc un terme général, le nom donné
à tous ces apôtres du rire-grimace, de la gaieté
forcée, auxquels les dieux Cornus et Momus ont
dit : Allez, et amusez les badauds, depuis le
pôle brûlant jusqu'au pôle glacé. Quiconque
amasse la foule par ses gasconnades, ses hâ-
bleries, ses cocasseries, et amène le badaud a
cracher dans le bassinet de son escarcelle, en
arrachant une molaire, en escamotant la mus-
cade, en dressant son mollet sur son occiput,
en ramenant sur l'estomac l'émincnce qui dé-
core son épine dorsale, en balançant ses tibias
sur la corde roide; en déclamant des drôleries
sur le Grand Mogol, des gaillardises sur la
reine de Saha, des âneries sur le roi de Congo,
des cocasseries sur la sultane favorite, des
coq-à-1'âne sur le schah de Perse; celui-là est
un bateleur.
Bateleur et badaud sont deux termes re-
latifs : l'un naît de l'autre. Supprimez le ba-
daud; du même coup vous pulvérisez le bate-
leur, et réciproquement. Est-ce le badaud qui
a créé le bateleur, est-ce le bateleur qui ;i fait
le fiadautf? question insoluble, comme celle de
l'œuf et de la poule. La science embryogénique
croit qu'ils sont nés simultanément, par suite
d'un rapprochement soudain, en pleine place
publique. Le mot bateleur vient dé bâton, voila
qui est convenu, et si l'on nous objecte qu'au-
jourd'hui les bateleurs ont des bâtons, à peu
près comme les gallinacés ont des dents, nous
répondrons que rien n'est menteur comme uno
préface, une dédicace, une épitaphe, etsurtout
une étymologie : carabinier vient de carabine,
parce que le carabinier est un soldat qui ne
porte point de carabine.
Quoi qu'il en soit, ce nom de bateleur, qui,
dès le xvc siècle, remplaça ceux do jongleur
ou d'histrion, a été indifféremment donné de-
puis longtemps aux baladins, farceurs, para-
distes, charlatans et amuseurs publics géné-
ralement quelconques, vivant au jour le jour
du produit de leurs tours, momeries, jongleries
ou hâbleries, et cherchant sans cesse le moyen
de faire rire leurs auditeurs, d'amuser la po-
pulace, d'en imposer au badaud crédule, afin
de- faire tomber quelques sous dans l'escarcelle
posée devant eux. « Le métier du bateleur est
de tromper le peuple en ayant l'air do le di-
vertir » dit une encyclopédie que nous avons
sous les yeux. Nous trouvons ce jugement bien
sévère pour quelques-unS surtout de ces ar-
tistes nomades, bonémiens de notre civilisation ,
qui gagnent si péniblement le pain quotidien,
riant de leurs propres difformités, acceptant la
laideur avec reconnaissance et comme la pre-
mière mise de fonds de leur pénible industrie,
se rendant ridicules, grotesques ou repoussants
à plaisir, pour mieux exciter la gaieté et la
générosité de « l'honorable société. » Naissant
on ne sait où, allant on ne sait où, mourant on
ne sait où: aflamés, besoigneux, méprisés;
dépensant des trésors de ruse et d'adresse,
d'éloquence et de diplomatie, de patience et
de courage, pour aboutir a l'humiliation, à la
misère, au faux pas qui les jette brisés sur le
pavé. Ces derniers mots s'adressent, il est vrai,
plus particulièrement aux acrobates propre-
ment dits; mais à tous les autres quel avenir
est donc réservé? L'hôpital, voilà ce qui les
attend de mieux; jadis ils mouraient au coin
d'une borne ou d'un bois, et on les jetait à la
voirie. L'histoire nous apprend pourtant que
quelques bateleurs devinrent riches. Mais il
faut tout dire : ceux que la fortune favorisa
ne furent pas les plus méritants; ils furent les
plus... audacieux, et la fortune, qui est femme,
favorise les audacieux : Audaces for tunajuvat.
D'ailleurs, on ne les rencontre guère que dans
la classe toute spéciale des arracheurs de
dents, marchands d'orviétan et empiriques.
BAT
nommes bienfaisants et méconnus, qui mettent
le grand art de guérir à la portée de toutes les
bourses, et à qui la sottise humaine refuse ra-
rement une maison de campagne et des rentes
sur l'Etat. Les autres sont de pauvres diables
déclassés, que des infortunes ou la mauvaise
conduite lancent sur la place en leur criant :
« Saute, paillasse ! » Chez ceux-là, se trouvent
parfois des intelligences d'élite, qui sentent
toute l'humiliation de leur métier. 11 nous sou-
vient — c'était sur la place de la Bastille —
avoir entendu sortir un mot singulier de la
bouche d'un de ces dévoyés. Il était en train
d'exhiber ses grimaces les plus fantastiques,
de débiter ses âneries les plus spirituelles,
d'exhumer pour la centième fois ses calem-
bours les plus désopilants ; mais aucun décime
ne passait de l'escarcelle dans la sébile tradi-
tionnelle; ce jour-là, tout l'auditoire était
. jaune citron; on eût dit que chacun avait pris
médecine, ou qu'il était en train de ne pas
payer un terme échu depuis quinze jours.
On ne ['écoutait pas. L'orateur recourut ^
A ces bttises violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes;
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put ;
Le vent emporta tout; personne ne s'émut.
L'animal aux têtes frivoles,
No daignait l'écouter;
Tous regardaient ailleurs ; il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le bateleur!...,.
Il changea de ton : « Ah çal crétins, s'écria-
t-il — c'était, sans doute un ex-rédacteur de
notre spirituel Tintamarre — Ah çal idiots,
croyez-vous donc que je suis venu ici pour
«n'amuser? » Et il leva majestueusement la
séance aux applaudissements de tous les ba-
dauds. Quand Frederick Lemaître lançait une
de ces fusées aux impatients du parterre, on
l'obligeait à présenter des excuses, et cela
n'était que justice :
C'est un droit qu'à la porte on achète en entrant.
Le saltimbanque jouit de plus de liberté, et
cette liberté de tout dire est sa représentation
à béuéfice. Le public, qui vient là bénévole-
ment, et qui ne paye rien, même en sortant, a
le droit d'applaudir; il n'a pas celui de bâiller.
Mais ces funèbres digressions ne convien-
nent pas à notre sujet: reprenons donc bien
vite le fil de notre discours. Un petit Dic-
tionnaire pittoresque de Cousin d'A vallon (Pa-
ris, 1835), aujourd'hui introuvable, définit le
bateleur un homme qui réussit faiblement sur
lés planches une manière de gambader assez
commune dans le monde : l'aperçu ne manque
pas de saveur. Le Dictionnaire de la Conver-
sation, de son côté, dit, mais plus lourdement,
que « le nom de bateleur peut être appliqué à
tous ceux qui, dans les relations d'une société
ftlus relevée (plus relevée que quoi?), apportent
es prestidigitations de la foire, et qui, grâce à
la jactance, aux petites manœuvres des com-
pères, aux journaux, aux annonces, parvien-
nent à se créer une réputation usurpée, à
attraper les niais de salon, plus nombreux
peut-être encore que ceux de la place pu-
blique. « Cependant ce mot, qui est d'un si
grand secours pour l'allusion, est peu employé
aujourd'hui. Il a été détrôné, ou peu s'en faut,
par un autre qui englobe mieux que lui encore,
si cela est possible, dans ses quatre syllabes
avenantes et dansantes, toutes les étonnantes
variétés de parasites à qui le dieu de la cré-
dulité, de l'ignorance et de la badauderie donne
chaque jour la pâture. Ce motestsaltimbanque,
mot générique sous lequel on confond mainte-
nant toutes ces classes d'amuseurs, de cabrio-
leurs et de dupeurs, qui avaient autrefois leurs
attributions sui generis, et qui, maintenant, — ô
bienfaits de la centralisation 1 — ne forment
plus qu'une seule et vaste tribu.
Quel que. soit aujourd'hui l'état misérable
des bateleurs, et le peu d'importance de leur
rôle, il est certain que c'est par eux que com-
mença notre théâtre comique. Ils le prirent un
peu gauchement à l'état embryonnaire, et quand
il fut ne au bruit de leurs chansons graveleuses
sur les tréteaux de la vieille farce gauloise,
ses pères nourriciers le rirent sauter et
bondir dans ses langes plébéiens où il pouvait
tout oser, lui frottant le naseau d'une gousse
d'ail, et lui donnant du vin à teter comme le
roi de Navarre à son petit-fils Henri IV. Certes,
Us ne lui enseignèrent ni le beau langage, ni
. les grâces décentes ; trop souvent même, ils le
conduisirent au cabaret et dans les mauvais
lieux; mais, après tout, ils lui apprirent à ré-
fléchir sur ce mot de Pétrone, traduit, com-
menté par Montaigne, et qu'un clerc sceptique
et dégoûté leur avait sans nul doute répété en
grignotant son pain sec trempé dans l'eau
claire : totus mundus exercet histrionem, tout
le monde juue la comédie; le monde est un
histrion. « D'illustres farceurs remplissaient
alors, comme aujourd'hui, la scène du monde,
et le peuple, méprisé, n'avait pour se dédom-
mager de leur insolence qu'une arme; arme
terrible, il est vrai : la satire. Cette arme, les
bateleurs s'en emparèrent, et s'abritant derrière
le rire au gros sel et le coq-à-1'âne, derrière
l'emphase ridicule et la bouffonnerie ordurière,
ils firent feu de leur plantureuse et grotesque
éloquence sur les grands, qui mangent les pe-
tits, qui se laissent manger par les grands ; ils
liront les fous, les ni»is, pour avoir la liberté
(le tout dire et de tout oser, sans que cela tirât
à conséquence; ils ouvrirent de grands yeux
où brillait, pour qui savait voir, l'esprit
BAT
fausseur, narquois et badin de Jacques Bon-'
omme ; ils s'élargirent la bouche , s'allon-
gèrent les oreilles, se rendirent laids et dif-
formes à plaisir, afin de dauber avec pleine
licence sur les vices et les travers, regardant
du haut de leurs quatre planches, à travers
leurs masques grossiers, le flux et le reflux de
la grande marée humaine, écrivant chaque
jour, à leur manière, le journal du moment,
chatouillant jusqu'aux larmes la fibre popu-
j laire. Oui, les bateleurs ont cette gloire et cet
honneur, d'être les ancêtres de la comédie
française. De leurs rangs sont sortis des bouf-
fons de mérite, qui servirent de transition entre
les jeux de la Basoche et ceux de l'hôtel de
Bourgogne. Molière a ri de leurs parades, et
ilen a largement profité. L'académicien Saint-
Amand et les poëtes de son temps allaient en-
tendre assidûment les bateleurs du Pont-Neuf
pour se former à l'éloquence (Œuv. de Saint-
Amand, édit. Elzévir, t. Ier] p, 215), En
France, comme en Angleterre, comme partout
sans doute, l'art de la scène éclôt dans la rue,
Le premier théâtre de Shakspeare et le pre-
mier théâtre de Molière Se ressemblent : un
échafaudage, où l'on monte par une échelle,
en fait tous les frais. Molière et Shakspeare,
pourquoi ne le dirait-on pas, furent d'abord des
bateleurs, imitèrent les bateleurs, arrachèrent
aux bateleurs le grossier vêtement de la farce,
l'ornèrent de cent façons après l'avoir taillé
et découpé, et en firent une magnifique tunique,
qui ne peut renier son origine plébéienne.
Sait-on tout ce que notre grand comique doit
à ces trois histrions célèbres : Gauthier-Gar-
guille, Gros-Guillaume et Turlupin, qui, avant
d'être des comédiens de 1 Hôtel de Bourgogne,
avaient été des bateleurs de la Porte Saint-
Jacques? le petit Poquelin, âgé de douze ans
à leur mort, avait, selon l'expression de M. Eu-
gène Noël, recueilli un souffle de leur amitié,
de leur gaieté naïve et courageuse. Gros-
Guillaume, Gauthier -Garguille et Turlupin
avaient commencé par jouer des farces de leur
invention sur un théâtre portatif, dans un'jeu
de paume; les comédiens de l'hôtel de Bour-
gogne, dont les planches ressemblaient de si
près à celles de la place publique, après avoir
longtemps souffert de leur concurrence, finirent
par les engager dans leur troupe. Nous pour-
rions multiplier les exemples. Mais n'a-t-on
pas vu suffisamment qu'on ne saurait faire
l'histoire des bateleurs, sans toucher aux ori-
gines de notre art dramatique ?
Le métier de bateleur remonte aux temps
les plus éloignés. Les Grecs, qui avaient les
comédiens en grand honneur, le connaissaient ;
et nous voyons, dans le vie siècle av. J.-C,
Dolon et Susarion d'Icarie l'exercer avec
succès h. Athènes. Les Romains firent peu de
cas d3s bateleurs, qui ne pouvaient pas être
enrôlés dans les armées. Plaute, auteur, acteur
et chef de troupe, comme plus tard Shakspeare
et Molière, se trouva plus d'une fois en con-
currence avec des gladiateurs, des entrepre-
neurs de combats d'animaux et des bateleurs.
Les Gaulois n'avaient pas de théâtre ; seule-
ment, ils se livraient à des exercices publics et
à des jeux souvent meurtriers, où l'adresse
entrait toujours en première ligne. Un de ces
jeux, qu'ils appelaient le jeu dit pendu, con-
sistait à suspendre celui que le hasard dési-
gnait à un arbre, à l'aide d'une corde qu'on
lui passait autour du cou. On. lui mettait à la
main une épée dont le tranchant était bien
affilé; il devait couper la corda, au risque de
rester étranglé s'il n'y parvenait pus. Ce spec-
tacle provoquait la gaieté et les plaisanteries
de nos rudes ancêtres. Devenue romaine, la
Gaule emprunta à. ses vainqueurs leurs diver-
tissements et leurs spectacles ; « ce furent
d'abord des jeux grossiers et en rapport avec
l'état des mœurs, dit un écrivain anonyme ;
des courses du cirque, des représentations
scéniques d'une gaieté licencieuse, et dans
lesquelles des histrions se laissaient aller à des
paroles et à des gestes obscènes. Mais à.ine-
sure que la civilisation romaine pénétra dans
les Gaules, les mœurs s'adoucirent, le goût
s'épura, et le théâtre dut se régler sur celui
de Rome. C'est ce que prouve 1 existence in-
contestable, sur tous les points de la Gaule, d'un
grand nombre de monuments destinés aux
représentations dramatiques. Les invasions
des Barbares, la ruine des villes gauloises, la
destruction des monuments qu'elles renfer-
maient, amenèrent la cessation momentanée
des spectacles; mais après l'entière soumis-
sion du pays , quelques rois mérovingiens
firent encore célébrer les jeux du cirque. Con-
tentons-nous de citer les jeux donnés par
Childebert 1er., à Arles, et par Chilpéric 1er, a
Paris et à Soissons, en 5S7 ; ce dernier avait
même, dans son admiration pour la civilisation
romaine, fait construire des cirques dans ces
deux villes. Cependant les jeux romains fini-
rent par disparaître entièrement. Alors les
histrions et les bateleurs prirent leur place. »
Depuis longtemps, les mimes et les faiseurs de
tours étaient en faveur. On les signale au
jvc siècle, alors que le théâtre païen, loin
d'avoir pu encore être aboli par le christia-
nisme, jouit un moment d'une certaine recru-
descence; on les signale encore dans le siècle
suivant, a l'heure où s'effectue, entre l'idée
fiaïenne et l'idée chrétienne, un compromis
ittéraire, et qu'un troisième élément arrive,
qui disjoint tout à coup les deux idées et se
réunit à la plus jeune pour renverser la plus
ancienne. Ce terrible personnage, qui entre si
tragiquement en scène; cet acteur, dont le
rôle devait être si sanglant, s'appelait tout
BAT
simplement : les Barbares. Les nouveaux con-
quérants, grossiers et sauvages, s'amusèrent
des farces ridicules et licencieuses des bala-
dins (histriones) et des bateleurs. L'Eglise s'op-
posa vainement au scandale de ces représenta-
tions. CharlemagDe n'eut guère plus 3e succès
lorsqu'il renouvela contre les bateleurs le
quatre-vingt-seizième canon du concile d'Afri-
que, et que, dans son capitulaire de 789, il les
plaça au nombre des personnes infâmes inca-
pables d'être admises en témoignage. Les con-
ciles de Mayence, de Tours, Je Reims et de
Chalon-sur-Saône, tenus en l'année 813, firent
défense aux prélats et aux ecclésiastiques
d'assister aux exercices des histrions, sous
peine d'encourir une répression sévère; ajou-
tons que les membres du haut clergé, des
évêques, des abbés et même des abbesses,
avaient coutume d'appeler souvent auprès
d'eux des bateleurs pour se divertir de leurs
grossières facéties. Plus d'une fois même, des
cler.es s'étaient joints a, eux pour jouer en pu-
blic des farces fort peu édifiantes. Les bate-
leurs avaient poussé la hardiesse jusqu'à se
revêtir d'habits sacerdotaux, et à mettre en
action certaines aventures de couvents. Reli-
gieux et religieuses étaient peu ménagés dans
ces scènes burlesques, si bien que le clergé
réclama, et que Louis le Débonnaire prononça
contre les auteurs de ces excès la peine du
bannissement. Ces sévérités déconsidérèrent
ceux qui en étaient l'objet. Les bateleurs furent
tellement décriés, l'Eglise les frappa d'une si
complète réprobation, qu'ils se dispersèrent et
disparurent peu à peu. Au ixe et au xe siècle,
les terreurs de la société, les calamités publi-
ques, les misères excessives, l'effroi général,
les exilèrent presque complètement. A l'avê-
nement de Hugues Capet, c'est à peine si l'on
en trouve quelques débris épars, confondus
avec les mimes et les baladins, et menant con-
curremment avec ces derniers une vie errante
et précaire. D'ailleurs, les troubadours, dans
les provinces du midi, et les trouvères, dans
les contrées du nord, allaient s'emparer de
l'attention publique. Les troubadours, comme
les trouvères, avaient des réunions générales
appelées cours d'amour, puys d'amour, gieux
sous formel, palinods , où accouraient en
fo.ule des seigneurs et des dames de haute no-
blesse, et dans lesquelles ils se livraient des
combats poétiques. Ces solennités revenaient
annuellement. Là, les concurrents récitaient
des contes, des tensons, des fabliaux dialogues,
et les improvisaient quelquefois. Dans les in-
tervalles que laissaient ces exercices, qui
créaient pour la Erance une riche et féconde
littérature, un grand nombre de ces poëtes
faisaient le métier de ménestrels, parcourant
les châteaux et les jmonastères, pour réciter
leurs ouvrages, et recevoir, en récompense
du plaisir qu'ils procuraient, des présents en
or, argent, bijoux, robes de prix, armures, che-
vaux , etc. Tous ne menaient pas cette existence
vagabonde; beaucoup étaient attachés à la
personne des princes et des grands seigneurs;
d'autres, trop haut placés par leur naissance
et leur rang, eussent rougi d'aller de porte en
porte tendre la main, comme gueux de l'os-
tiàre. Ces derniers prirent à leur service des
jongleurs ou ménestrels, qui colportèrent les
œuvres de leurs patrons, lesquels, se conten-
tant de la gloire qu'ils en retiraient, leur en
abandonnaient les profits. Pierre de La Mula,
poëte inconnu, dans un sirvente fort curieux,
se .plaint amèrement du métier qu'il fait, et
accuse une infinité de gens sans talent de se
mêler de jonglerie, et de dégrader la profession
par leur bassesse. « Je veux, dit-il, abandon-
ner le service des jongleurs; car plus on les
sert, moins on y gagne. Ils se sont multipliés au
point, qu'il y en a autant que de lapins dans une
garenne. On en est inondé. » Pierre de La Mula
nous apprend que les jongleurs vont deux à
deux en criant; «Donnez-moi, car je suis
jongleur, • et qu'ils injurient ceux qui ne leur
donnent rien. Ordinairement, le jongleur était
le chef d'une troupe composée de chanteurs,
de conteurs, de musiciens, de baladins, de far-
ceurs et de bateleurs qui s'associaient pour
mettre leurs talents et leurs profits en com-
mun, a Une ménestrandie bien composée, dit
M. Victor Fournel, avait ses poètes, ses musi-
ciens et chanteurs, ses farceurs et saltim-
banques. Les plaisirs du spectateur étaient
ainsi des plus variés, et, après avoir entendu
une chanson de geste et un concert de harpe,
il se reposait en écoutant les quolibets, en con-
templant les grimaces du jongleur et les gen-
tillesses du chien savant. » Une estampe d'une
Bible du Xe siècle, conservée à la Bibliothèque
de la rue de Richelieu, représente une de ces
troupes : tandis que les uns jouent de-la harpe,
de la trompe, de la flûte, les autres dansent, la
tête en bas et les pieds en l'air, jonglent avec
des épées, des poignards, des boules et des
anneaux. Ces comédiens errants allaient ani-
mer de leurs jeux les festins, les noces, les
assemblées plénières. Au xme et auxive siècle,
on en vit souvent à Paris. Ils s'y fixèrent dans
une rue qui fut appelée rue des Jongleurs, H
qui plus tard devint la rue de Saint-fulien-des-
Ménétriers. Ils s'associèrent des femmes, qu'on
nommait jongleresses. On les louait pour di-
vertir les compagnies dans les maisons parti-
culières ; et la politique des rois, si l'on en croit
Dulaure, ne dédaigna pas leurs jeux pour les
faire servir à ses fins. Au xine siècle, Philippe
le Bel employa les jongleurs pour la représen-
tation d'une farce appelée la Procession du Re-
nard, vive satire contre le pape Boniface VIII.
Une pareille farce, ordonnée par le roi, dut en
BAT
357
autoriser d'autres plus ou moins scandaleuses.
Aussi trouve-t-on, en 1395 (M septembre),
une ordonnance du prévôt de Paris, défendant
aux histrions, baladins, bateleurs, jongleurs et
autres, » de faire ou chanter en places ne
ailleurs, aucuns diz ou rhymes qui facent men-
tion du pape. » Il était enjoint, en outre, par
la même ordonnance de ne rien dire, repré-
senter ou chanter, dans les places publiques ou
ailleurs, qui pût causer scandale.
Une éternelle confusion de noms, qui se ren-
contre dans les auteurs contemporains, em-
pêche de distinguer le rôle précis que rempli-
rent les bateleurs dans la représentation des
pièces dramatiques, qui alors prenaient le nom
3e gestes, et dans celles des satires, des dia-
logues entre des amants (tensons, sirventes).
Les artistes qui exerçaient l'art de ménestrel-
lerie ou de jonglerie se trouvent désignés, dan?
les anciens recueils, sous une multitude de noma
d'une signification analogue, mais qui tous
pourtant avaient leur valeur spéciale : c'est
ainsi que bateleur et baladin, quoique souvent
pris dans le même sens, indiquent des attribu-
tions différentes; mais ii est à croire que le
même individu, dans les troupes nomades peu
importantes, était chargé de plusieurs emplois,
comme cela a lieu aujourd'hui encore dans les
troupes d'acteurs de province, où le jeune
premier joue, au besoin, les pères nobles. Quoi
qu'il en soit, le xue siècle fut pour les his-
trions une époque fortunée. On les rechercha,
et, quel que soit le nom sous lequel ils figuren'
à côté des auteurs qui récitaient eux-mêmes
leurs vers ou des interprètes qui les chan-
taient, il est certain que tous ensemble, réunis
en compagnies, se firent payer fort cher les
amusements qu'ils procuraient. Des filles de
joie s'adjoignirent à eux et les accompagnèron!
dans les châteaux auprès des seigneurs, des
princes et des rois. Les religieux eux-mêmes
aux jours de fête, louaient des troupes de ce
genre et leur permettaient, moyennant finance
de dresser des tréteaux dans l'intérieur du
monastère. Ce trafic singulier fut interdit pat
le concile de Béziers en 1223; mais on n'en
vit pas moins, dans certaines provinces, le;
prêtres avec leurs clercs élever à 1 intérieui
même des églises des tréteaux où ils faisaient,
après vêpres, mille bouffonneries pour attirei
et amuser les paroissiens, appelant à leur aido
des histrions de passage. Le concile de Salz-
bourg défendit, en 1310, ces profanations. L'un
des articles des canons de ce concile est ainsi
conçu : « Clerici neu sint jocutatores aut ya-
liardi. » Malgré cette injonction, les clercs
continuèrent à danser, h. se masquer et à pa-
rodier dans les lieux saints, ou à y donner entrée
aux bateleurs. Jusqu'au xvjc siècle, l'autorité
de l'Eglise ne fut pas assez forte pour les en
empêcher.
Les représentations des Mystères nuisirent
quelque peu aux bateleurs. Lorsque les con-
frères de la passion, les clercs de la basoche et
lesenfants sans-souci eurent créé notre théâtre,
les jongleurs, chanteurs, ménestrels et his-
trions abandonnèrent leurs prétendues fonc-
tions dramatiques et devinrent de simples dan-
seurs. Nous avons déjà montré un coin de
leur histoire, qui se mêle à l'histoire de la danse
ou à celle des chanteurs et des joueurs d'in-
struments, au mot Baladin, auquel nous ren-
voyons le lecteur. Toutefois, beaucoup parmi
eux conservèrent le caractère primitif des
bateleurs, et, sous le nom de jongleurs (jocu-
latores), h peu près abandonné par ceux qui
l'avaient porté jusque-là, ils continuèrent à
divertir le peuple en jonglant avec des armes,
des anneaux, des bâtons, et faisant toutes
sortes de tours d'adresse. Ceux de qui ils
prenaient le nom, les jongleurs, n'avaient pas
tardé, tant à cause de leurs mœurs qu'à cause
des proscriptions des conciles et des rois, à
tomber dans le mépris. Les vices et les bas-
sesses de la majorité avaient rejailli sur la
profession tout entière. Ils étaient bien loin
maintenant, sous le rapport moral, du ménes-
trel proprement dit, resté fidèle aux traditions
héroïques de son état, poète exercé et chan-
teur soigneux de' sa propre dignité, et ne
s'abaissant point, comme eux, au rôle de sor-
cier et de grimacier obscène.
Nous parlions tout à l'heure des singes
que les bateleurs menaient avec eux et qu'ils
dressaient à toutes sortes de gambades. Déjà,
sous Louis IX, l'usage de ces animaux existe
parmi les amuseurs publics. Dans le Livre des
■métiers, d'Estienne Boileau, recueil de règle-
ments colligés sous le règne de ce roi, dans
les Essais historiques de Sainte-Foy, et les
Curiosités de Paris de Dulaure, il est dit qu'un
bateleur, entrant à Paris, sous le petit Châto-
let, sera exempt de tout droit de péage, tant
dudit singe que de tout ce qji'il aura apporté
pour son usage, en faisant jouer et danser l'a-
nimal devant le péager. De là vient le pro-
verbe, payer en monnaie de singe, en gamba-
des. Un autre article du tarif porte que Ici
jongleurs en seraient quitte, eux, pour uno
chanson devant le péager. Il y a loin de ce
privilège aux proscriptions dont nous avons
parlé. Philippe-Auguste, témoin cependant de
la vogue extraordinaire des jongleurs, n'avait
pas eu pour ceux-ci le même goût. Aux grands
seigneurs de son royaume, qui tous entrete-
naient des jongleurs, il disait : « donner aux
histrions, c'est donner au démon. >
Au Registre des recettes et dépenses de la
royne Isabeau de Bavière, pour l'année 1415,
conservé aux archives, et cité par M. Le Roux
de Lincy dans les Femmes célèbres de V'tm-
358
BAT
ï
demie France, nous voyons la belle-sœur de
"Valentine de Milan faisant jouer à plusieurs
reprises devant elle les ménestrels du roi, des
bateleurs et des joueurs de personnages ; il est
baillé un escu à un joueur de basteaux, nommé
Mathieu Lestuveur, qui a jo'té au Plessis-
Piquet; à Ferry Cabingjuet,
On remarque que, dans ce document, la
ualité de jongleur n'est pas employée. Faut-
il croire, avec Delamarre {Traité de la police,
t. III, liv. II, ch. 11} que le nom de bateleur
remplaçait déjà ceux de jongleur et d'histrion?
Nous avons vu précédemment que le jongleur
de la tradition, le primitif jongleur, l'artiste
multiple s'était transformé, et que son héri-
tage était dévolu aux ménétriers ou ménes-
trels et aux bateleurs. Mais le nom subsistait
encore, ne faisant plus qu'un, cela n'est pas
douteux, avec celui de bateleur. Dans le mys-
tère de Saint-Christophe, d'Antoine Chevalet,
qui date des premières années du xvie siècle,
on voit \e jongleur Mauloue, parcourant villes
et villages avec tout l'attirail de si profes-
sion :
Bastons, bacins, soufflets, timballe,
Les gobelets, la noix de galle.
Le singe, la chièvre, le chien,
Et l'ours
vendant des images de sainteté et chantant
des chansons badines. Le jongleur est tout à
fait dégénéré en opérateur et en charlatan.
Une ordonnance du parlement, de l'année
1543, nous offre un renseignement qu'il est
bon de noter; elle nous montre que, concur-
remment avec les confrères de la passion, il y
avait encore, à cette époque, dans Paris, des
comédiens appelés^'onj^eurs et bateleurs. « La
cour, avertie que plusieurs du populaire et
gens de métiers s'appliquent plutôt à voir
jeux de basteleurs et jongleurs , et y donnent un
et deux grands blancs ; ce qu'ils ne font pour
les pauvres » défend à tous basteleurs,
jongleurs et autres semblables de jouer en
ceste ville deParis, ou sonner leur tambourin,
quelque jour que ce soit, sous peine du fouet
et bannissement de ce royaume. » Delamarre,
que nous citions tout à l'heure, prétend qu'à
la date où il écrivait (1705), les noms de jon-
gleur et d'histrion avaient décidément été
remplacés par celui de bateleur (probablement
comme aujourd'hui ce dernier, par celui de sal-
timbanque), et qu'ils n'en avaient point d'autre
alors. licite, en outre, un règlement de 1560
et 1588, toujours en vigueur en 1705, qui dé-
fendait aux basteleurs « de jouer les diman-
ches et les jours de festes, aux heures du ser-
vice divin, de se vestir d'habits ecclésiastiques
et de jouer des choses dissolues ou de mau-
vais exemple, à peine de prison et de puni-
tion corporelle. »
En avançant dans ce travail, nous ne pou-
vons oublier que bateleur a de nombreux
synonymes, qui ne remplacent pas, il est vrai,
ce mot, mais qui en sont comme autant de
rameaux vivaces, ayant chacun une existence
reconnue, et que faire ici l'histoire du groupe
tout entier, ce serait empiéter sur certains
mots qui réclament de nous une mention spé-
ciale. Nous avons déjà renvoyé le lecteur au
mot baladin, nous continuerons notre tâche
aux articles charlatan, farceur, opérateur,
paradiste , etc. L'ensemble de ces articles
formera réellement l'histoire du batelage, com-
plétée encore par la biographie particulière
de tous ces joyeux compères qui ont conservé
parmi nous la tradition du rire et de l'esprit
gaulois, tels que Bruscambille, Gauthier-Gar-
guille, Gros-Guillaume, Turlupin, sans oublier
les Barry, les Bobèche, les Galimafré, les
Mondor, les Tabarin, les Taconnet, et autres
pitres, saltimbanques, grimaciers, diseurs de
sornettes, grands hommes du ruisseau et de
la place publique, passés maîtres en l'art de la
bouffonnerie, de la parodie, de la hâblerie,
dont la liste immense débute avec le monde
et se terminera avec lui, si toutefois les rè-
flements de police ne s'y opposent. Hélas ! et
'un mot, nous voilà triste, quels temps peu
propices aux comédiens de la place publique
sont les nôtres I Aujourd'hui que tout est ré-
glementé, administré, patenté, les libres pa-
roles n'éclatent plus, salées et pimentées,
comme jadis, sur la place publique ou sur les
champs de foire. Ombres de Grattelard, de
Gilles le niais, de Padelle, de Jean Farine ,
de Gringalet, de Guillot-Gorju, de Goguelu
et de tant d'autres, voilez-vous la face, vous
ne pourriez plus aujourd'hui, grâce au pro-
grès, rien trouver à dire de spirituel sur nos
modes, nos préjugés et le reste. On a fait de
nous des demi-dieux, alignés au cordeau, dont
vous ne trouveriez rien a dire ; nous sommes
parfaits, et vos épigrammes s'émousseraient
sur le tricorne des agents de la force publique,
qui n'entendent plus raillerie. D'ailleurs, on a
exproprié, pour cause d'utilité publique, tous
ces bons endroits où vous faisiez merveilles;
on a macadamisé le Pont-Neuf et jeté bas les
halles — les halles où'Herpinot brillait devant
la populace grouillante. Où sont maintenant
les foires Saint-Germain, Saint-Ovide et Saint-
Laurent? La foire du Saint-Esprit, qui se re-
nouvelait tous les lundis sur la place de Grève,
et la foire de Bezons, où l'on allait en partie
fine ; la foire Saint-Clair, qui s'échelonnait le
long de la rue Saint-Victor, celle que rame-
nait le 1A août devant les galeries du Palais
de Justice, et tant d'autres où toute la confré-
rie de bohème, que l'on écoutait à gueule bée,
déployait ses plus fiers oripeaux, ses plus
BAT
éclatantes fanfares et ses coq-à-1'âne à tout
rompre , dites , où les retrouvprez-vous ? et
ces pages, clercs, écoliers, laquais, archers,
lilous, bourgeois, tireurs de laine, chambriè-
res, écosseuses, gentilshommes, grissttes, poè-
tes crottés et académiciens, toujours prêts à
vous ouïr, toujours avidfls de vos grimaces et de
vos saillies, toujours charmés de vos joyeusetés
et de vos hardiesses, où sont-ils?.... Le der-
nier des vôtres a risqué une dernière allusion,
qui vous en dira bien sûr assez : « Les ras-
semblements au nombre de plus d'un sont in-
terdits. » Et puis, si vous reveniez, ô farceurs
de génie, dont le vent dispersait chaque jour
les étincelles, il vous faudrait faire viser votre
esprit huit jours d'avance par la commission
d'examen, et vous munir d'une médaille frap-
pée à la rue de Jérusalem. Ainsi toutes cho-
ses disparaissent : un siècle chasse au loin
ce que le siècle précédent admirait. Les mœurs
changent, le langage s'épure, dit-on, parce
que la verve s'en va : l'argot s'étale, il, est
vrai, comme un chancre rongeur sur l'idiome
sensé et coloré des ancêtres; mais le mot gras,
le mot salé, le mot concis, plein et robuste,
oui va droit au but et dit ce qu'il veut, ce mot
de la farce, engendré d'un jet au pays de ba-
telage ; ce mot plantureux, qui renferme toute
la sève nationale, ce mot, atteint d'atrophie et
de chlorose, s'est mis en quarantaine. Nos
pères ont vu et applaudi les derniers bateleurs
dignes de ce nom, en la personne du père
Rousseau, de Louis le Borgne, de Gringalet,
deuxième du nom, de Faribolp, de Bobèche et
de Galimafré, lesquels furent plus particuliè-
rement des paradistes, variété du genre bate-
leur. Nous avons vu, nous, par grâce der-
nière, quelques charlatans , le marchand de
crayons Mengin et le dentiste Duchesne ; mais
c'est là la menue monnaie des célébrités du
Pont-Neuf. L'inventeur de la poudre persane,
le grand Miette,^ été, de nos jours, le seul
héritier de toute cette joyeuse bande dont
Tabarin est l'aïeul : l'ombre de Brioché lui
avait souri.
Donc, l'art du batelage est tellement dégé-
néré, qu'on est presque tenté d'affirmer qu'il a
disparu. Quelques rejetons de cette végétation
sauvage qui a préparé notre théâtre et vécu
ensuite à son ombre se montrent encore, les
jours de fête, sur la place publique de nos pe-
tites villes et de nos bourgs; ces jours-là,
quelques familles de saltimbanques font, avec
la permission de M. le maire, sonner le porte-
voix et grincer les cymbales ; quelques musi-
ciens allemands, parés de vestes a brande-
bourg et de shakos à aigrettes, composent
l'orchestre ; le paillasse enfle ses joues, fait
résonner ses grelots, débite des calembours
qui feraient lever le cœur de pitié à feu Go-
guelu; la jeune première, le jarret tendu, le
poing sur la hanche, la jupe arrondie, envoie
de temps à autre un soufflet au pauvre diable
qu'un maigre repas a rendu étique ; puis un
monsieur « not' bourgeois » vêtu d'un paletot
marron, porte la main à son chapeau grais-
seux, et, avec le secours d'une baguette qui
lui sert à montrer un à un les exercices
représentés sur les toiles suspendues der-
rière lui, débite un boniment qui brille gé-
néralement par la platitude et par ces écarts
de consonnance qu'on décore du nom de
cuirs, dans le langage familier. Ces saltim-
banques nomades, derniers et obscurs vesti-
ges d'une race curieuse et forte, forment en-
core une classe nombreuse, qui comprend
toutes les variétés autrefois désignées sous le
nom générique de bateleurs, te\s que: bouffons,
pitres, paillasses, faiseurs de tours, écuyers,
jongleurs, escamoteurs, danseurs de corde,
charlatans, montreurs d'animaux, etc. Ordi-
nairement très - malheureux , nos modernes
bateleurs vivent au jour le jour, travaillant
isolément, ou réunis en troupa sous la direc-
tion d'un entrepreneur aussi besoigneux
qu'eux, etqui parlois, de sa voix enrouée, leur
dit, quand la recette est mauvaise, comme le
Bilboquet de la comédie : « Mes enfants, mes
chers associés, tout n'est pas rose dans la
vie!... tout n'est pas jasmin dans notre pro-
fession. Il y a de bons jours, il y en a do mau-
vais; il faut prendre le temps comme il vient...
On ne soupe plus dans la bonne société ; on
ne dîne jamais, c'est mauvais genre; nous dé-
jeunerons mieux demain matin... Mes enfants,
les temps sont durs ; les entreprises dramati-
ques sont dans le marasme, et l'indifférence
du public a tué l'art. O l'art! ô l'art 1 où se
fourre-t-il ce coquin-là? •
Maintenant que nous avons jeté quelques
fleurs sur la tombe de la grande famille des
bateleurs, encore plus nombreuse que celle de
Priam, voyons s'il faut donner des pleurs à
cette race disparue. Autrefois, le saltimban-
que était le propriétaire le plus riche de la
capitale ; toutes les places de la grande ville
lui appartenaient; il y campait, il y installait
ses pénates, il y dormait, et, la nuit, si l'en-
vie lui en prenait, il pouvait se livrer à des
rêves sardanapalesques et se croire transformé
en marquis de Carabas. Quand il voyageait,
plus heureux que Danton, il emportait sa pa-
trie à la semelle de ses brodequins. Depuis
dix ans, les choses ont bien changé : les pla-
ces publiques ont été métamorphosées en
squares vastes et élégants, où la nombreuse
population ouvrière respire le soir un air pu-
rifié et trouve, en plein Paris, les agréments
du bois de Meudon. Y avons-nous gagné?
Hippocrate dit oui, mais Galien dit non ; et le
Grand Dictionnaire t(xao\ qu'il ait dit plus haut,
BAT
dans un de ses accès de sentimentalité, est de
l'avis d'Hippocrate.
Pour que cette étude sur le bateieur soit
complète, il nous reste à donner un spécimen
des parades jouées en plein vent; celle-ci est
une pochade prise- sur le vif. Comme celui qui
en est le fauteur est l'ami le plus intime de
M. Pierre Larousse, nous la copions textuel-
lement sans craindre des poursuites en con-
trefaçon :
LES QUATRE PRUNES.
Une très-belle, très-célèbre et très-spirituelle
actrice venait de lancer un bon mot. — Je dis
lancer, parce que trop souvent le bon mot est
une flèche et qu'il blesse celui qu'il atteint.
— i Peuh! s'écria un jeune fat, en portant la
main à la blessure , aujourd'hui l'esprit court
les rues. — Allons donc! repartit Ml'e Sophie
Arnould , ce sont les sots qui font courir ce
bruit-là. »
Si Sophie Arnould s'était trouvée dernière-
ment dans la grande rue de Boulogne, où s'é-
bat depuis quinze jours la fête patronale, elle
aurait vu l'esprit, habillé en Paillasse, monté
sur des tréteaux et courant véritablement les
rues : Rabelais aurait ri aux éclats , lui qui
nous a tant fait rire. J'imagine que l'on n'est
peut-être pas assez attentif à cet esprit qui se-
coue ses grelots sur quatre planches, au fron-
tispice d'une baraque où l'on voit un Hercule
de Batignolles, un Huron de Carpentras, un
sauvage de Lons-le-Saunier, et où se joue le
vaudeville au prix de 15 cent, les premières.
L'esprit s'échappe en fusées , éclate en cas-
cades ; on est tout ébloui de ces étincelles, aux-
quelles on était loin de s'attendre en un tel
lieu et sous de tels oripeaux. La petite fleur
que je vais livrer à votre admiration s'est-elle
épanouie en plein vent, ou n'a-t-elle pas été
tirée de quelque serre chaude dans les jardins
enchantés de Scribe, de Dumanoir oudeThéau-
lon? Je l'ignore ; c'est une question de biblio-
graphie que je laisse à résoudre aux Quérards
présents et aux Saumaises futurs.
Paillasse. Ah ! ah I ah t ah ! ah ! Prrr I prrr !
Voilà, voilà, voilà.
Quand j'ai bu du vin clairet
Tout tourne, tout tourne,
Quand j'ai bu du vin clairet,
Tout tourne au cabaret.
Le Maître, survenant. Tiens! (Il lui donne
un soufflet.) Voilà, coquin, pour m'avoir éveillé
en sursaut. Tu cries comme les oies du Capi-
tule. As-tu donc envie de te faire chasser?
Oublies-tu que tu as ici une place excellente,
et que , pour la conserver, il faut te conduire
d'une manière décente? Voyons, que te man-
que-t-il? Tu as de beaux appointements, cent
francs par mois.
Paillasse. Oui. (A part.) Que je reçois en
quatre payements, chaque fois rien.
Le Maître.' Tn es bien nourri.
Paillasse. Oui, (A part.) Ce matin, une
couenne de lard dont le chat n'a pas voulu.
Le Maître. Bien couché.
Paillasse. Oui. (A. part. ) Au fond d'une
malle.
Le Maître. Bien logé , au troisième.
Paillasse. Oui. (A part.) Au troisième au-
dessus de l'entre-sol... du sixième.
Le Maître. C'est beau pour un jeune homme
de ton âge ; car tu n'as que vingt ans.
Paillasse. Oui. (Apart.) Sans compter huit
ans de nourrice et six mois de maladie.
Le Maître. Ce n'est pas tout. A partir d'au-
jourd'hui , je veux encore te donner autre
chose.
Paillasse (vivement et tenda?it la main).
Vrai, monsieur?
Le Maître. Ma confiance.
Paillasse (désappointé.} Ah ! (A part.) C'est
une monnaie qui n'a pas cours ; on ne s'achète
pas avec csla une paire de bottes.
Le Maître. Tu vois cette fiole? Il y a là
quatre fruits confits ; des fruits rares , exquis,
qui viennent des lies Fortunées. Ils coûtent
douze cents francs chacun. Eh bien 1 c'est à
toi, à toi, entends-tu ?
Paillasse (tendant la main). Oh! monsieur!
Le Maître. A toi que...
Paillasse. Oh! monsieur! monsieur!
Le Maître... Que je les confie pour les por-
ter à ma meilleure amie, Mme de Saint-Hi-
laire, rue Racine, n° 13. Voyons, répète cela.
Paillasse. Mme Racine, rue Saint-Hilaire,
no...
Le Maître. Mais non, coquin, Mme de Saint-
Hilaire, rue Racine, no 13.
Paillasse. Oui, oui; Mme Treize, rue Ra-
cine, n°...
Le Maître. M»e de Saint-Hilaire, no 13.
Paillasse. C'est bien ça : M™e Thérèse,
rue...
Le Maître ( tirant une carte de son porte-
feuille). Tiens, voici la carte de mon amie; tu
sais lire?
Paillasse (lisant). M™e de Saint-Hilaire ,
rue Racine , n° 13. C'est ce que je disais.
Le Maître. Tu lui diras : Mml> de Saint-
Hilaire , voici un bocal de fruits des îles For-
tunées, que mon maître vous envoie. Voyons,
répète.
Paillasse. Mme Fortunée, voici un fruit
du bocal des îles Saint-Hilaire que mon maître
vous envoie.
BAT
Lb Maître, Je crois <jue le pendard le fait
exprès. Mm" de Saint-Hilaire, voici un bocal
de fruits des îles Fortunées, que mon maître
vous envoie.
Paillasse (avec volubilité). M"' de Saint-
Hilaire , voici un bocal de fruits des îles For-
tunées, que mon maître vous envoie... Oh!
monsieur, je ne pourrai jamais dire cela.
Le Maître. Tu viens de le dire , maraud.
Paillasse. Alors, monsieur, je vous assure
que c'est sans le faire exprès.
Le Maître. N'oublie pas que je t'attends ici
dans une heure, pour savoir la réponse. (Il
sort.)
Paillasse (seul). Douze cents francs cha
cune ! c'est-à-dire que ce doit être sucré, à vous
réjouir l'estomac et à vous embaumer le pa-
lais pour le restant de vos jours. Et dire qu'il
existe des mortels assez fortunés pour... Ah!
mon père, que n'étais-tu le Grand Mogol ou le
schah de Perse? Ton fils dormirait sur un oreil-
ler rembourré de feuilles de roses, et, à son
révfiil, la main d'une belle esclave lui présen-
terait une prune des îles Fortunées.
(Pendant ce monologue, il a adroitement dé-
noué le cordon , qui tombe avec le papier qui
recouvrait la fiole.)
Tiens! le papier qui s'en va tout seul... Sije
mangeais une prune?... rien qu'une... une pe-
tite... Au fait, pourquoi pas? L'amie de mon
maître n'en sait pas le compte... L'occasion
est belle... elle ne se représentera peut-être
jamais. Saisissons-la... par les cheveux. (Il
prend une prune par la queue et l'avale.)
Oh! ohl oh! oh! ohl septième ciel, je t'es-
calade. J'entrevois... aïe! aïe! aïe! (Il se
tient le ventre en faisant force contorsions.)
Aïe! aïe! aïe! (Se calmant tout à coup.) Ah!
j'y suis! Elle est toute seule; elle s ennuie. -
Parbleu oui, elle s'ennuie, elle s'ennuie. Là !
là! ma mignonne, calmez-vous. Vous voulez
une compagne? On va vous en expédier une.
Saisissons une deuxième... occasion par... la
queue. (Il avale une seconde prune.) Oh! déli-
cioso 1 superdélectissime !... Aïe I aïe ! aïe I aïe !
aïe 1 Voilà qu'elles se battent. Si nous les pre-
nions en douceur? C'est cela; un peu de jus...
Aïel aïel aïel aïel Le duel continue. (5e cal-
mant de nouveau.) Eh! mais, j'y pense. En-
voyons-en une troisième pour les séparer. (Il
avale une troisième prune , puis il exprime le
même ravissement suivi des mêmes contorsions.)
Allons! bon! voilà qu'elles se mettent deux
contre une. Ohl aïe! aïe! aïe! (Se calmant
tout à coup.) Il n'y a qu'une chose à faire ;
égalisons les chances, (il avale la dernière
prune.) Douze cents francs! Elles valaient
douze cents francs! Et ce jus? (Il boit, le jus.)
C'est du coulis d'ortolans , une vraie purée
d'ananas.
Quand j'ai bu du vin clairet,
Tout tourne, tout tourne,
Quand j'ai bu du via clairet.
Tout tourne au cab
(Il entend son maître, et met précipitamment
la fiole dans sa poche.)
Le Maître , qui a aperçu le mouvement de
Paillasse. Ah ! ah I te voilà revenu ?
Paillasse. Oui, monsieur.
Le Maître. Tu n'as pas été longtemps. (Sai-
sissant le bras de Paillasse, qu'il secoue forte-
ment.) C'est bien, mon garçon ; c'est bien, c'est
bien, c'est bien.
Paillasse (le regardant et ne sachant guère
ce que cela veut dire). A part. Qu'est-ce qu'il
a donc?
Le Maître. Je te dis merci, mon garçon;
merci, merci, merci. (Il secoue plus fortement,
en prononçant chacun de ces trois derniers
mots.)
Paillasse. Mais, monsieur, ne me remerciez
pas si fort. Vous allez me casser le bras. (A
part.) Qu'est-ce qu'il a donc?
Le Maître. Au contraire, mon garçon.
Quand on a un domestique comme toi , hon-
nête comme toi, fidèle comme toi, sobre comme
toi (à chaque mot, il lui secoue plus fortement
le bras) il faut y tenir. Et j'y tiens , j'y tiens ,
j'y tiens. (Il secoue de nouveau.)
Paillasse, dégageant sa main, — à part. Ily
tient trop. Qu'est-ce qu'il a donc?
Le Maître. Maintenant que je t'ai remercié
comme tu le mérites , prenons une chaise (il
secoue), asseyons-nous (il secoue), et causons
(il secoue).
Paillasse, reculant sa chaise le plus loin
possible. Décidément, il a quelque chose.
Le Maître. Comme cela, mon garçon, tu as
parfaitement trouvé la demeure de mon amie?
Paillasse. Ohl oui, monsieur.
Le Maître. Qu'est-ce qu'elle t'a dit, mon
araieî
Paillasse. Oh! elle m'a dit des choses, des
choses, des choses. Elle m'a dit beaucoup de
choses, monsieur.
Lu Maître. C'est bien... Qu'as-tu remarqué
de particulier sur la cheminée ?
Paillasse. Sur la cheminée, monsieur?...
Ah! monsieur, quelle cheminée I "D'abord il y
avaitsurla cheminée... ily avait... et puis en-
suite... Ah! quelle belle cheminée! monsieur.
Et puis encore, sur la cheminée... ah I quelle
magnifique cheminéet... Enfin, il y avait...
Ah! monsieur, c'est une bien belle cheminée!
Le Maître. Ah! tu as remarqué tout cela?
(Il approche sa chaise.)
BAT
Paillasse. (Il recule sa chaise.) A part.
Qu'est-ce qu'il a donc?
Le Maître. On voit que tu es observateur
C'est bien ! c'est bien ! c'est bien ! (Il secoue
fortement.)
Paillasse, (A part.) Qu'est-ce qu'il a donc?
Le Maître. Maintenant que tu m'as satis-
fait sur ce point, passons à autre chose. Que
dis- tu du guéridon ?
Paillasse. (A part.) Je danse sur des baïon-
nettes. [Haut}) Le guéridon, monsieur?
Le Maître. Oui, le gué [il secoue) ri [il se-
coue) don. (Il secoue.)
Paillasse. Le guéridon?... Ohl le guéri-
don !... (A part.) Ah ! un trait de lumière 1
(Haut). Monsieur, les persiennes étaient fer-
mées.
Le Maître. Qu'est-ce à dire, maraud? Chez
mon amie, il n'y a pas de persiennes.
Paillasse. Mais , monsieur, je ne dis pas
qu'il y a des persiennes, je dis qu'elles étaient
fermées.
Le Maître. Si les persiennes étaient fer-
mées, il y avait des persiennes.
Paillasse. Du tout, monsieur , du tout, du
tout, du tout. Les persiennes étaient fermées,
et il n'y avait pas de persiennes. Nous avons
raison tous les deux.
Le Maître. Ah! pourrais-tu me prouver
cela?
Paillasse. Ce n'est pas difficile , monsieur.
Suivez bien le fil... de la trame... de la chaîne...
de mon raisonnement.
Le Maître. Voyons, suivons la chaîne (il
secoue) de la trame (il secoua) du fil (il secoue)
de ton raisonnement.
Paillasse. Je n'ai pas dit cela , monsieur.
J'ai dit le fil de la trame de la chaîne de mon
raisonnement.
Le Maître. C'est bien. A la question.
Paillasse. (A-part.) Hélas! je n'y suis que
trop... à la question. Inspire-moi, Guatimozm.
(Haut.) Quand monsieur veut aller au théâtre,
et que l'on dit à monsieur : « Le théâtre est
fermé , u c'est comme s'il n'y avait pas de
théâtre... Il n'y a pas de théâtre.
Le Maître. Comment 1 il n'y a pas de
théâtre?
Paillasse. Ce raisonnement n'a pas con-
vaincu monsieur. En voici un autre. Quand on
dit d'un homme... quand on dit d'un homme :
« Son cœur est fermé aux sentiments d'hon-
neur, de générosité, d'humanité,» cet homme
n'a pas de cœur, monsieur; c'est un sans
cœur, monsieur. Son cœur est fermé..., il n'a
pas de cœur, il n'a pas de cœur.
Le Maître. (A lui-même.) Son cœur est
fermé, il n'a pas de cœur ; c'est vrai, le coquin
a raison.
Paillasse. Eh hien ! monsieur ; les per-
siennes étaient fermées , il n'y avait pas de
persiennes. C'est clair, c'est clair.
Le Maître. Oui. Les persiennes étaient fer-
mées, donc il n'y avait pas de persiennes.
C'est clair, (il secoue) c'est clair, (il secoue)
c'est clair, (il secoue.)
Paillasse. (Se reculant.) Qu'est-ce qu'il a
donc?
Le Maître. (A part.) Le drôle n'avouera
pas. Prenons-nous-y autrement.
Le Maître. D'après le. rapport détaillé que
tu viens de me faire , je vois que tu t'es ac-
quitté fidèlement de ta commission , et j'é-
prouve le besoin de te déclarer que je suis
content de toi. Oui, très-content! très-content 1
très-content 1 (Il le secoue fortement.)
Paillasse. Ah! (A part.) Qu'est-ce qu'il a
donc?
Le Maître. Car tu ne sais pas encore le
service que tu m'as rendu.
Paillasse. Ah I
Le Maître, Un service que je n'oublierai
de toute ma vie.
Paillasse. Ah!
Le Maître. Devrais-je vivre cinq cents ans.
Paillasse. Ah !
Le Maître. Et alors que je deviendrais
aveugle, sourd et muet. (Il le secoue à chacun
de ces trois derniers mots.)
Paillasse. Ah ! (A part.) Qu'est-ce qu'il a
donc?
Le Maître. Ainsi, mon garçon, si dans cinq
cents ans tu as besoin de moi, tu n'auras qu'à,
parler.
Paillasse. Ah!
Le .Maître. Tu seras ouï,' servi, ravi. (Il le
secoue à chaque mot.)
Paillasse. Ahl (A part.) Qu'est-ce qu'il a
donc ? ,
Le Maître. 11 y a une heure que tu as vu
Mme de Saint-Hilaire.
Paillasse. Monsieur, les persiennes étaient
fermées.
Le Maître. Assez sur cet incident. Eh bien,
Mme de Saint-Hilaire est maintenant!...
Paillasse. ( Vivement.) M""» de Saint-Hilaire
est maintenant?...
Le Maître. Kouik. (Il fait un mouvement de
la main.)
Paillasse. Kouik?
Le Maître. C'est-à-dire que tu l'as envoyée
ad patres.
Paillasse. Ad patres.' Monsieur sait bien
que jo ne connais pas l'anglais.
BAT
Lb Maître. Ad patres , chez ses pères.
Paillasse. Monsieur en a donc fait une séna-
trice ?
Le Maître. Pas de politique; c'est malsain.
Mon amie. — Mon amie ! — Mme de Saint-Hi-
laire, était — était, tu entends ? C'était une
fausse amie... elle m'a fait...
Paillasse. Elle vous a fait..,
Le Maître. Des infidélités... avec un prince
nègre.
Paillasse. Un prince nègre!... le trait est
noir.
Le Maître. Et je l'ai...
Paillasse. (Très-vivement). Vous l'avez?...
Le Maître. Empoisonnée.
Paillasse. (Epouvanté.) Oh! monsieur...
Oh! ah! monsieur!... Oh! ohl ahl ah! mon-
sieur 1 !I
Le Maître. Empoisonnée !
Paillasse , qui manifeste la plus sincère
épouvante. Aïe ! aïe I
Le Maître. En ce moment , le poison com-
mence à opérer ; son haleine est brûlante.
Paillasse. Aïe!
Le Maître. Son palais est en feu.
Paillasse. Aïe!
Le Maître. Sa gorge est une fournaise.
Paillasse. Aïe!
Le Maître. Encore un instant, et l'incendie
va se déclarer dans l'estomac.
Paillasse. Aïe!
Le Maître. Elle est morte 1 ! 1
Paillasse. Aïe ! aïe ! aïe ! ! I (Il se laisse
tomber à terre.)
Le Maître. Mais qu'as-tu. donc? On dirait
que tu te trouves mal.
Paillasse. Ohl monsieur! monsieur! mon-
sieur! Ayez pitié de moi, monsieur! Aïe! aïe!
aïe !
Le Maître. Coquin , est-ce que tu aurais
mangé les prunes?
Paillasse. Monsieur, pardon ! C'est votre
amie qui m'en a donné une; une petite, mon-
sieur. Aïe ! aïe 1 aïe I
Le Maître. Si tu n'en as mangé qu'une
c'est bien. Je vais t'administrer du contre-
poison pour une, pour une seule, entends-tu?
Paillasse. Oui, monsieur, une... une grosse,
monsieur; apportez-en pour deux , monsieur.
Aïe 1 aïe! aïe.
Le Maître. Comment, coquin, tu en as mangé
deux?
Paillasse. Oui, monsieur ; votre amie m'en
a donné deux,,, avec un peu de jus... Appor-
tez-en pour trois, monsieur. Aïe! aïe! aïe!
Le Maître. Eh quoil pendard, tu en as
mangé trois ?
Paillasse. Oui, monsieur... les trois plus
grosses, monsieur. Aïe ! aïe! aïe!... Du contre-
poison pour quatre , monsieur , pour quatre.
Aïei aie! aïe!
Le Maître. Ah 1 voilà enfin mon scélérat qui
avoue. 11 a mangé les prunes. Eh bien, tant
mieux. J'ai maintenant une garantie de ta fidé-
lité. Ces fruits sont magiques et soumis à ma
puissance. Us vont garder en eux leur vertu
malfaisante. Tant que tu seras à mon service,
ils resteront là... sur ta conscience. Mais aie
bien soin de leur donner un souvenir chaque
matin en te levant; car si tu l'oubliais un seul
jour , ils reprendraient immédiatement leur
première vertu, et...
Paillasse. Oh ! merci , monsieur , merci.
Tous les matins elles me reviendront . elles
étaient si bonnes I
Le Maître (au public). Voilà, mesdames
et messieurs, une recette infaillible pour
conserver ses domestiques. Ça coûte quatre
sous, chez la fruitière du coin :
Air connu.
Messieurs , près de nous retirer,
Une crainte nous assiège ;
L'auteur, pour mieux vous attirer,
Dans son titre a rais un pi^ge.
Ne soyez pas trop rigoureux ,
Pour demain gardez vos rancunes ,
Donnez des bravos vigoureux ,
Applaudissez... C'est pour des prunes.
batelier, 1ÈRE s. (ba-te-lié, iè-ro —
rad. bateau). Personne dont la profession est
de conduire un bateau : Trilby était amou-
reux de la brune Jeannie , l'agaçante bate-
lière du lac. (Ch. Nod.) Vous avez raison,
répliqua le batelier , le métier de pêcheur
rend le cœur content et l'esprit confiant dans
la protection des saints. (Lamart.)
— Adjectiv. Néol. Qui a rapport, qui ap-
partient à une entreprise de transport par
bateaux : Une compagnie batelière sera
formée. (Proudh.)
Bateliers du Niémen (les) , à- propos pa-
triotique de Désaugiers, Francis et Moreau ,
représenté à Paris au théâtre des Variétés, en
juillet 1807.
Le traité de paix de Tilsit, resté célèbre
dans l'histoire contemporaine, fut célébré à
Paris par tous les théâtres. Le fameux radeau
du Niémen, sur lequel Napoléon et Alexandre
se donnèrent l'accolade, et où furent arrêtées
entre les deux empereurs les bases d'une paix
si vivement désirée, ce radeau, disons-nous,
eut sa part d'encens et fut chanté sur les airs
en vogue. Les Variétés épuisèrent en son
honneur les comparaisons et les métaphores
BAT
que les vaudevillistes ont l'art de ressemeler
a chaque occasion nouvelle et sous les ré-
gimes les plus différents. Il n'importe; ces
à-propos soi-disant patriotiques sont intéres-
sants à consulter, car, s'ils ont vécu peu, ils
ont du moins reçu l'empreinte, parfois assez
juste, du vent qui soufflaitalors sur les esprits :
Ce radeau sur qui se fonde
L'espoir d'une heureuse paix.
Va peut-être voir dans Tonde
Nos maux s'éteindre à jamais.
Pour le Niémen quelle gloire!
Partout on n'entend qu'un cri :
C'est !e temple de Mémoire
Sur le fleuve de l'Oubli.
BAT
359
L'arche où Noé se sauva
Quand le déluge arriva,
N' ravit qu'un homme au naufrage;
Ce jour en sauv' davantage.
Mettons de niveau
L'arche et le radeau.
Mais le traité de Tilsitt n'apportait que la
paix continentale, car la lutte continuait tou-
jours sur mer avec la » perfide Albion. » Aussi
nos voisins les Anglais recevaient-ils force
traits du Français, né malin. Dans les Bate-
liers du Niémen, les épigrammes et les me-
naces contre l'Angleterre abondent jusqu'à
l'excès ; mais une fois les couplets chantés,
les vaudevillistes, ainsi que le fait remarquer
fort justement M. Théodore Muret, ne s'in-
quiétaient pas si ces augures aventureux se
réaliseraient, et ils n'en perdaient ni un calem-
bour, ni une rasade, ni une fanfaronnade :
Certain espoir qui m' flatte
Me dit qu'avant un an,
L' radeau d'viendra frégate,
Et 1' Niémen, Océan.
Du Niémen craignez les eaux,
Messieurs les insulaires,
Car on sait qu' les p'tits ruisseaux
Font les grandes rivières.
Ici , le calembour, soigneusement préparé
d'avance, éclate en menaces assez ridicules
d'ailleurs :
Avant qu' l'an soit écoulé,
La France au pas redoublé,
Et la Russie et la Prusse,
L'accompagnant au pas russe,
F'ront marcher l'Anglais
Au pas de Calais.
Autant les Bateliers du Niémen montraient
les dents aux Anglais , autant ils déployaient
de politesses pour les Russes , devenus en
un trait de plume nos amis :
A leur bravoure, au champ d'honneur,
Nous rendons tous un juste hommage,
Et s'ils ont eu moins de bonheur,
Ils n'ont pas eu moins de courage.
Lon, ïan, la, laissez-les passer,
Ces militaires,
Nos frères,
Dans nos bras, j' pouvons les presser :
Nos emp'reurs viennent d' s'embrasser.
» Voilà qui est bien , s'écrie l'auteur de l'His-
toire par le théâtre, et l'on ne peut qu'ap-
plaudir à ce procédé courtois; mais il aurait
fallu que les mêmes soldats à qui l'on faisait
des compliments dans telle occasion, ne fussent
pas vilipendés et injuriés dans telle autre. Il
y a inconséquence à serrer la main de gens
que l'on a traités de sauvages, de barbares,
que l'on a montrés sous un aspect ridicule et
grotesque, et, lorsqu'on est en guerre, il faut
songer que l'on sera plus tard en paix. C'est
une affaire de tact et de convenance qui a été
trop souvent oubliée dans nos vaudevilles
guerriers, et des circonstances plus récentes
ont pu donner lieu à cette observation. Nous
avons vu, il n'y a pas longtemps, Russes et
Autrichiens traduits sur nos théâtres , ainsi
qu'aux devantures de nos boutiques d'estam-
pes, eu caricatures ignoblement burlesques, et
représentés comme des espèces de manne-
quins, dont un coup de poing avait raison.
Pour une nation qui se pique d'être spirituelle
par excellence , c'était un manque d'esprit
autant que de bon goût. Outre que le jour de
la réconciliation est toujours à prévoir, on se
nuit h soi-même, on se déprécie, en rabaissant
son adversaire. En effet, si l'on est vainqueur,
où est alors le mérite de la victoire? Et si l'on
éprouve un revers, car la guerre est sujette à
plus d'une chance , quelle confusion d'être
vaincu par des ennemis que l'on a représentés
comme si misérables I » Nous sommes pleine-
ment de cet avis, et il est impossible de faire
entendre de plus sages paroles, des observa-
tions plus humaines. Quand donc renoncera-t-
on à cette lutte stupide et sauvage, qu'on
appelle la guerre? Quand donc les mauvais
instincts de l'homme cesseront-ils d'être exal-
tés et glorifiés? Si la guerre est inévitable
aujourcPhui, qu'on oublie demain qu'on l'a
faite. Pourquoi des chansons et des arcs de
triomphe, qui insultent au vaincu ?
Batelier, dit Lisette, paroles de Planard,
musique d'Hérold, barcarolle entr'acte de
l'opéra de Marie. A Marie , représentée à
l'Opéra-Comique en 1826, commence, pour
Hérold, cette aurore de gloire qui avait jeté
ses premières, lueurs dans le Muletier et la
Clochette, et qui devait avoir pour midi ce
chef-d'œuvre qui s'appelle Zampa. Je pars
demain, Une robe légère, Je flaire un mystère,
ont réjoui toutes les oreilles de leur douce
et gracieuse mélodie.
Ba ■ te-Iier, dit Li - set - te Je
Je m'en vais chez mon pe-re, DU
je suis trop, pau - vret - te Pour
bien, crois-tu ' ma che - re Qu'il
pay - er le ba - teau. Co
m'ao - cor - de ta main? Ali!
- lin dit à la bel -
ré - pon - dit la bel -
te : Vê-
le, 0 -
^^^^^p-^^k
■ nez, ve - nez tou-jours; Ve - nez, ve
* sez, o - eez tou-jours O - fiez, o
-nez tou • jours! „, M ,„ . _„
-sez tou -Jours! Et v°-gue la na '
^md^^ÊBÈm
• le Qui por
te
BATELIER D'AVIRON (Jacques le), ju-
risconsulte français du Xvie siècle. I! émit
avocat au présidial d'Evreux , et a laissé des
Commentaires sur la. coutume de Normandie,
publiés à Rouen en 1626, à la suite de ceux de
Bérault et de Godefroy (2 vol. in-fol.).
BATELLEBIE s. f. (ba-tè-le-ri — rad. ba-
teau). Industrie du transport par bateaux:
A Lyon, une lutte s'établit ardente, âpre, ac-
tive, entre le chemin de fer et la batellerie à
vapeur. (L. Jcurdan.)
BATËMAN (Thomas), médecin anglais, né
en 1778, mort en 1821. Il s'adonna d'une façon
toute spéciale à l'étude des maladies de la
peau, en suivant les leçons du docteur Willan,
qui lui légua tous ses manuscrits, et il exerça
son art à Londres. On a de lui plusieurs ou-
vrages, notamment : A praetical synopsis of
cutaneous diseases (Londres, 1813), qui a été
traduit en français par M. G. Bertrand, sous
ce titre : Abrégé pratique des maladies cuta-
nées, classées d après le système nosologique du
docteur Willan (Paris, 1820, in-8°). L'ouvrage
anglais avait été accompagné d'un atlas expli-
catif. On peut également citer son Report on
the diseases of London, etc., from 1804 to 1816
(Londres, 1816).
BATEMAN, théologien anglais. V. Bâtes.
BATEMAN ( Jobn-Frédéric ) , ingénieur an-
glais, né en 1810 près d'Halifax, comté
d'York, descendait par sa mère d'une famille
d'émigrés français, qui se fixa en Irlande à la
suite de la révocation de l'édit de Nantes. Il
fut élevé par des maîtres particuliers, et reçut
l'instruction professionnelle dans le comté de
Lancastre, le grand centre manufacturier de
l'Angleterre. M. Bateman s'adonnad'une façon
toute spéciale à l'étude de l'art hydraulique.
On lui doit un grand nombre de travaux
appartenant à cette spécialité : des canaux,
des bassins, la rectification de divers cours
d'eau, et surtout d'importants ouvrages de-
mandés par des villes et des places populeuses
pour la fourniture d'eaux abondantes; ou-
vrages parmi lesquels on doit citer particuliè-
rement les constructions hydrauliques de la
ville de Manchester et celles de la ville de
Glascow, aboutissant au lac Katrim, qui sont
les œuvres d'art les plus remarquables de ce
genre, exécutées dans la Grande-Bretagne.
Les travaux hydrauliques de Manchester fu-
rent signalés par les grandes difficultés que
présentait la construction de vastes réser-
voirs artificiels. On cite encore les travaux
du viaduc du lac Katrim, inaugurés en pré-
sence delà reine, et remarquables par la rapi-
dité de cette heureuse et utile entreprise, con-
duite jusqu'à une distance de 57 ls.il., au moyen
de nombreux tunnels creusés à travers un pays
des plus accidentés. En somme, M. Bateman
a fourni de l'eau aux besoins de plus de 2 mil-
lions de personnes, soit en établissant des
constructions nouvelles, soit en remaniant ou
360
BAT
BAT
BAT
BAT
eu développant les anciennes. Il a introduit
divers perfectionnements notables dans les
procédés et les applications de ce genre de
constructions. Ses recherches sur la chute des
pluies et sur l'écoulement des eaux ont con-
tribué au progrès et à la diffusion de notions
exactes sur ce sujet, qui relève du physicien
météorologiste autant que de l'ingénieur.
M. Bateman a écrit plusieurs articles sur
cette question, ainsi que sur l'aménagement
des' eaux dans les villes, et sur d'autres sujets
de la science hydraulique. Ces études ont été
publiées dans les Transactions (mémoires) de
la Société littéraire et philosophique de Man-
chester, dans celles de l'Association britan-
nique pour l'avancement de la science , de
l'Institut des ingénieurs civils, etc.
BATEMANN1E s. f. (ba-te-ma-nî). Bot.
Genre de plantes de la famille des orchidées,
tribu des vandées , comprenant une seule
espèce, qui croît dans l'Amérique tropicale.
BATEMARE s. f. (ba-te-ma-re). Nom de
la bergeronnette dans notre vieille langue.
BATÊME, BATISER, BATISMAL , etc.
Orthographe de baptême et de ses dérivés,
indiquéo par l'Académie, mais complètement
hors d'usage.
BATEMON (Nicolas), antiquaire anglais, né
en 1812, mort en 1862. Fils d'un antiquaire
distingué, il s'est adonné comme lui, d'une
façon particulière, à l'étude des monuments
celtiques et saxons. Outre d'intéressants tra-
vaux et articles publiés dans le recueil inti-
tulé Collectanca antiqua, Batemon a fait pa-
raître, en 184S et en 1858, les deux ouvrages
suivants : Vestiges des antiquités du comté de
Derby , et Dix ans de recherches dans les mo-
numents funéraires celtiques et saxons des
comtés de Derby, de Staff ord et d' York. Une
fortune Considérable permettait à. M. Batemon
de satisfaire ses goûts pour les anciens ma-
nuscrits, les vieilles enluminures et les livres
rares. Il avait fait de sa belle résidence de
Lomberdale-house, dans le comté de Derby,
un véritable musée. Ce musée, très-riche en
antiquités grecques , romaines et du moyen
âge, mais surtout en antiquités celtiques et
anglo-saxonnes, était, comme celui du comte
de Derby, à Chastworth, ouvert au public, qui
pouvait le visiter en tout temps.
BATENBOUIIG, bourg de Hollande, pro-
vince deGueldre, à 14 kil. de Nimègue, sur la
Meuse ; 000 hab. Situé sur l'emplacement de
l'ancien Oppidum liatavorum.
BATEN-KAÏTOS s. m. (ba-tainn-ka-i-toss).
Astr. Nom de l'une des étoiles de la constel-
lation do la Baleine.
BÂTER v. a. ou tr. (bâ-té — rad. bût).
Munir d'un bât: Bâter un âne, un mulet.
La laine dont les lamas sont couverts dispense
de les bâter. (Buff.)
— Fam. Marier, en considérant le mariage
comme une espèce d'assujettissement, d'es-
clavage :
Diantre soit fait, dit l'époux en colère,
Et du témoin, et de qui l'a bA!é. La Fontaine.
— Prov. Qui bâte la bête la monte, Qui
habillo et pare une femme a droit à ses der-
nières faveurs. Ce proverbe indécent appar-
tient à la langue de Rabelais, et n'a plus
droit de cité, aujourd'hui que les mœurs se
sont épurées, du moins quant aux apparen-
ces; chez nous, lorsque la forme est sauvée,
lo fond devient sans importance; l'essentiel
est moins d'être honnête homme que de le
paraître. Le xixe siècle y a-t-it gagné? Ques-
tion très-difficile et encore plus délicate à
résoudre.
— Neutral. Bien ou mal bâter, Aller, con-
venirbien ou mal, comme un bat qui vaou ne
va pas à la bête qui le porte: Celte affaire mor-
tifia les jésuites, d'autant plus que cette même
affaire leur bâtait mal à Rome. (St-Sim.)
Les personnes enivrées de la cour se croient
tout permis, et, quand cela bâte mal, elles se
croient perdues. (St-Sim.)
— Antonyme. Débâter.
BATÉRALECTORE adj. (ba-té-ra-lèk-to-re
— du gr. batêr. marcheur; alectôr , coq),
Ornith. Qui est do la race des gallinacés
marcheurs.
— s. m. pi. Famille de gallinacés mar-
cheurs.
BATÉRAPTODACTVLE adj . (ba-té-ra-pto-
dak-ti-le — du gr. batêr, marcheur; apto, je
touche; daktulos, doigt). Ornith. Qui a des
doigts prenants et propres à la marche,
comme le perroquet.
— s. m. pi. Famille d'oiseaux qui offre ce
double caractère.
batérOchoroptene adj. (ba-tc-ro-ko-
ro-ptè-ne — du gr. batêr, marcheur; chàros,
champ; ptênos , volatile). Ornith. Qui ap-
partient aux gallinacés marcheurs et cam-
pestres.
— s. m. pi. Famille de gallinacés qui offre
ce caractère.
BAterse s. f. (ba-tèr-se). Agric. Sorte de
grosso charrue.
BATES ou BATEMAN (Guillaume), prédica-
teur et théologien anglais, né en 1625, mort
en 1699. Il se fît connaître par son savoir et
son éloquence ; devint chapelain de Charles II ;
fit preuve, dans diverses négociations ecclé-
siastiques, d'autant d'habileté que d'esprit de
i conciliation, e» occupa le poste de pasteur
; presbytérien à Durhain. Son refus de se sou-
j mettre h l'acte de conformité lui valut sa
I destitution. Oh a de lui plusieurs ouvrages
! bien écrits, des traités, des sermons, etc. Les
principaux sont : liéflixions sur l'existence de
Dieu et sur l'immortalité de l'âme, avec un
discours sur la divinité de Jésus-Christ ; Vitm
selectœ v'rorum qui doctrina, dignitate et pie-
tate inclaruere (Londres, 1681, in-4°).
BATES (Jean), célèbre organiste anglais, né
en 1740, mort en 1709. Il fut chargé, en 1776,
d'organiser le concert de musique ancienne, et
reçut, en 1784, la mission de diriger les ora-
torios exécutés à Westminster, pour l'anni-
versaire de la mort de Hsendel. Il devint plus
tard directeur de l'hôpital de Greenwieh.
Bâtes a composé un opéra, Pharnaces, et trois
opérettes.. De toutes ses œuvres de musique
vocale et instrumentale, six sonates pour piano
ont été seules publiées. — Sa femme, Sara
Bâtes, connue d'abord sous le nom de miss
Harrop, reçut des leçons de Sacchini, et étu-
dia avec son mari le style de Hajndel. Elle
acquit la réputation d'une cantatrice excel-
lente, tant par la pureté et l'étendue dé sa
voix que par l'expression dramatique.
BATEUL s. m. (ba-teul — rad. battre).
Techn. Partie du harnais des bêtes de somme,
qui leur bat sur la croupe, il On écrit aussi
BATEUIL.
BAT-FILIÈRE s. f. (ba-fi-lic-re — de battre
et fil). Techn. Outil à battre les fils métalli-
ques. || PI. Des BAT-FIMÈRE.
bath s. m. (batt). Métrol. Mesure de ca-
pacité pour les liquides, chez les Hébreux et
les Egyptiens.
— Enoycl. Lo bath valait 18 litres 88 ; il
aval* un multiple, le cor, et quatre sous-mul-
tiples, le toi, le log, la rabûte et le cos. Plu-
sieurs auttars pensent qu'il y avait aussi un
petit bath, égal aux deux tiers du précédent,
c'est-à-dire valant il litres 39. Sous lesPtolé-
mées, le bath, appelé aussi artaba, correspondit
a 35 litres; en même temps, il reçut un nou-
veau sous-multiple, le cadaa.
BATH, ville d'Angleterre, comté de Somer-
set, à 18 kil. E. de Bristol et a 102 kil. S.-O.
de Londres, sur l'Avon et sur le chemin de fer
de Great-Western ; 60, 000 hab. Bien située,
bien bâtie, Bath possède une école de belles-
lettres et de sciences et une école de sciences
appliquées ; des sociétés littéraires et artisti-
ques, un théâtra et de belles promenades ;
mais ce qui distingue surtout cette ville, ce
sont ses sources thermales et ses magnifiques
établissements de bains, les plus fréquentés du
Royaume-Uni. Les eaux de Bath, qui attirent
annuellement 15,000 visiteurs, connues dès
l'époque romaine, sont sulfatées et calcaires;
elles émergent de l'alluvion recouvrant le lias,
par trois sources; leur densité est de 1,0024
et leur température varie de 42° 78 à 47° 22
centigrades.
On remarque dans cette ville les ruines d'un
temple de Minerve élevé par Agricola ; la
cathédrale de Saint-Pierre et Saint-Paul, vé-
nérable monument d'architecture ogivale, ter-
miné en 1 582, mais considérablement augmenté
depuis, et dont le grand portail occidental est
remarquable par sa richesse. On remarque à
l'intérieur ses nombreuses croisées, le jubé, la
chapelle du prieur Bird et les monuments de
l'acteu.' Kean, avec une épitaphe de Garrick ,
de l'évêque Montagne, du colonel Newton ,
d'IIerman Katenkamp, et de l'amiral Bikerton,
par Chantrey. Il Ville des Etats-Unis, dans
l'Etat du Maine, Sur le Kennebeck, avec un
port et des chantiers de construction navale ;
0,000 hab.; reliée par un chemin de fer à
Portland et à Augusta. On trouve des villes
du même nom dans la Virginie, la Caroline du
Nord et l'Etat de New-York.
BATIIAMPTON, ville d'Angleterre. V. Bamp-
TON.
BATHE (Guillaume), écrivain irlandais, né à
Dublin en 1564, mort à Madrid en 1614. Né
d'une famille protestante, il abjura, se fit jé-
suite dans les Flandres, voyagea en Italie et
en Espagne, et devint directeur du séminaire
irlandais de Salamanque. Il a publié divers
ouvrages, dont les principaux sont : Courte
introduction à l'art véritable de ta musique
(Londres, 1584); Janua linguarum (Salaman-
que, 161 1) ; et Préparation pour la sacrement de
pénitence (1614), livre ascétique qu'il a fait
paraître en espagnol, sous le pseudonyme de
Pierre Manrique.
BATHÈLE s. m. (ba-tè-le). Bot. Espèce de
lichen, qui croît en Afrique, il On dit aussi
RATHÉLÉUM.
bathénien s. m. (ba-té-ni-ain). Hist.
Nom donné en Egypte aux Ismaéliens, et
qui, suivant quelques auteurs, signifie illu-
miné ; suivant d'autres, partisan du sens inté-
rieur.
BATI1GATE, ville d'Ecosse, comté et à 9 k.
S. de Linlithgow ; 3,600 hab. Exploitation de
houille et calcaires ; fabrication de cotons ;
importantes foires aux bestiaux.
BATHIDE s. f. (ba-ti-de). Entom. Genre
d'insectes coléoptères tétramères, de la fa-
mille des chrysomélincs, formé aux dépens
des coïaspis, et comprenant deux espèces,
qui vivent dans l'Amérique du Sud.
BATHILDE ou BATII.DE (sainte), épouse de
Clovis II, morte en 680. Elle apparaît comme
P8
une blanche et pure vision dans le tableau
sanglar.t et sort.bre que déroule à nos yeux
l'histoire de cette race épuisée, imbécile, ma-
lade, des Mérovingiens. Nous la rencontrons,
sainte et digne, lorsqu'à peine nous venons de
tourner la page qui nous a raconté la vie de la
sanguinaire Frédégonde et de la trop fameuse
Brunehaut. Ce rapprochement nous la montre
plus sainte encore et plus digne ; on ai-
merait à reposer biin longtemps ses regards
sur elle, et 1 on voudrait en parler tout a son
aise... Mais nous devons nous restre'ndre ;au
li-îu d'un portrait en pied , faire un mé-
daillon.
Quelqueschroniqueurs, se plaçant au point de
vue des courtisans contemporains, et gui, sans
doute, avaient cru flalter la vanité de la reine,
la font descendre des princes saxons d'Angle-
terre. — De nos jours encore, on se plaît à.
ces flatteries-là. — Pour nous, qui ne croyons
pas à la transmission, par les molécules sper-
matiques de la sainteté en Orient, de la no-
blesse &n France, Bathildo, pour n'être pas
sortie d'un sang princier, ne nous en paraît
">as moins noble, moins intéressante. Prenons-
a donc comme l'histoire vraie nous la mon-
tre : esclav», et où, pour la première fois,
elle nous la fait connaître, chez Erchinoald,
maire du palais, et attachée au service de la
femme de celui-ci.
Le jeune roi Clovis II rencontra Bathilde
chez Erchinoald ; il fut touché de sa grâce,
frappé de son esprit élevé, épris de ja beauté.
Plus tard, nous verrons ses successeurs n'avoir
qu'à manifester un désir luxurieux, et père,
mère, frère, se hâter aveebassesse, avec Bon-
heur, de prostituer femme, fille, sœur à ce
royal désir. Au temps de Clovis, il n'en était
point encore tout à tait ainsi ; c'était au temps
(chante la chanson en riant, mais en disant
vrai) où les rois épousaient les bergères. —
Ciovis épousa Bathilde.
En l'année 656, Clovis II mourut. Ce saint,
disent les uns ; ce débauché, disent les autres ;
à coup sûr, cet homme charitable, mais fou à
lier, comme l'ont été beaucoup de rois de
France, beaucoup d'empereurs romains, beau-
coup de ceux qui ont eu h gouverner les
hommes, laissait de sa belle esclave saxonne
trois fils : Clotaire, Childéric et Thierry.
Une assemblée générale des primats choisit
Clotaire, l'aîné, pour roi unique. Bathilde fut
nommée régente. Erchinoald, l'ancien maître
de la jeune reine, lui, que l'histoire dit sage
et d'un esprit élevé, s'était incliné depuis
longtemps; il restait comme serviteur de son
ancienne servante. Grâce au concours de ce
sage conseiller, Bathilde remplit ses difficiles
fonctions avec autant de dignité que de sa-
fesse. Elle maintint dans l'obéissance les lou-
es turbulents, fit respecter sou administration
au dehors , abolit la coutume d'avoir des
esclaves attachés à sa personne, et s'efforça de
supprimer les exactions. qui entraînaient Si
souvent les particuliers à vendre leurs en-
fants. En meus temps, d'accord avec saint
Ouen et d'autres évêques, elle entreprit de
mettre un terme à la simonie qui régnait dans
l'Eglise, et aux brigues pour i'épiscopat; enfin,
elle fonda plusieurs hôpitaux, construisit ou
restaura plusieurs monastères.
Dés lors, peut-être, eût commencé véritable-
ment la formation de la nationalité française ;
entre les mains fermes du maire du palais et
par l'intelligence à la fois et la modération de
la reine se serait formée cette autorité royale,
unique, souveraine, et partant, cette France,
telle qu'essaya de la faire Louis XI , telle que
la fit Richelieu; mais le temps n'était pas en-
core venu, sans doute.
Erchinoald meurt en 059, et il est remplacé
par Ebroin. Ce nouveau maire du palais, on
l'avait pris quelque part dans un bourg mili-
taire des environs de Soissons, où, parmi ses
compagnons, il s'était acquis une haute impor-
tance' par sa violence, sa force, sa morgue,
ses fanfaronnades, qualités très-prisées dans
une caserne, et qu'il apporta en ses nouvelles
fonctions.
« II n'y a qu'une opinion sur son compte, dit
Bûchez, parmi les chroniqueurs. Il était avide,
il vendait également la justice et l'injustice;
il dépouilla plusieurs Français, non pas de
leurs bénéfices, mais de leurs biens propres
(proprias facultates); il chargea Je peuple de
contributions nouvelles; il faisait tuer ceux
qui lui résistaient. Il semblait que par lui le
mal fût érigé en système. Il est certain qu'il
fut l'auteur des désordres qui éclatèrent plus
fard. On a cherché la raison de ces provo-
cations brutales, de cette conduite impru-
dente et sauvage. On a cru voir un but poli-
tique là où il n'y avait probablement qu'un
égoïsme effréné et intrépide. »
Ce despotisme, ces violences, qui rappelaient
les règnes de Brunehaut et de Frédégonde,
furent mis, par l'hypocrisie d'Ebroin, sur le
compte de Bathilde. La pauvre jeune femme,
cependant, vivait retirée en son palais, d'où,
tout entière au soin de ses enfants, et retenue
par l'ascendant du maire, elle n'entendait que
l'écho lointain des plaintes de ses sujets.
Ces plaintes se rapprochèrent cependant;
elles se changèrent en cris, en menaces, et la
reine régente fit tous ses efforts pour les cal-
mer. Mais la puissance d'Ebroin était trop
grande alors; elle était trop assise, ses parti-
sans étaient trop uombreux, pour que Bathilde
pût l'arrêter dans la voie sanglante qu'il avait
prise.
Alors, ne voulant pas assumer sur elle l«5
crimes qui se commettaient en son nom, la
mère du roi se retira en l'abbaye de Chelles,
qu'elle avait fondée. Là, douce, résignée,
humble, comme au temps où elle était esclave,
elle se soumit aux règles sévères qu'elle-
même avait dictées, et à l'abbesse nommée par
elle.
Le 30 janvier 680, h l'âge de quarante-cinq
ans, Bathilde s'éteignit doucement. Ses restes
furent inhumés dans le couvent où s'étaient
écoulées les années les plus heureuses et les
plus calmes de sa vie. Elle a été canonisée
par le pape Nicolas Ier.
Batfaiida, drame en trois actes par M. Au-
guste M.aquet, représenté sur le théâtre de la
Renaissance, le 14 janvier 1839. — Mme Ba-
thilde de Liniëre, jeune et jolie veuve, habitait
une de sps terres aux environs de Tours.
M. Marcel, la fleur des pois du département,
le Lovelace de l'endroit, était fort amoureux
de Bathilde. Bathilde , ne soupçonnant pas
Marcel capable d'un amour si romantique, ne
se faisait aucun scrupule d'aller se promener
avec lui sur la rivière, croyant son honneur
en sûreté dans un bateau; mais Marcel ayant
fait chavirer le frêle esquif , il s'ensuit un
évanouissement de la peureuse Bathilde, dont
il profite pour lui ravir l'honneur. Alors, au
lieu d'aimer Marcel, Bathilde le prend subite-
ment en horreur, et, pour l'éviter, se sauve à
Paris, où elle est sur le point d'épouser
Deworde, son cousin, qu'elle aime en secret
depuis longtemps. Marcel, plus amoureux que
jamais, tombe comme un obus au milieu d'une
fête donnée par Bathilde, et la force, par ses
menaces, à le suivre dans sa chambre, rue
Taitbout. A demi morte de frayeur, Bathildo
perd l'usage de ses sens en arrivant chez
Marcel, qui s'efforce de la faire revenir à elle
à l'aide des protestations les plus tendres,
auxquelles elle ne répond que par des gestes
do mépris et des paroles de haine. Cependant
Deworde arrive avec des pistolets et veut
prendre la défense de Bathilde ; mais celle-ci,
interpellée et sommée par Marcel do déclarer
celui qu'elle aime, n'ose pas dire que c'est
Deworde, de peur que Marcel ne raconte les
suites du terrible chavirement du bateau.
Deworde, désespéré, n'ayant plus aucun droit,
salue Marcel et se retire. Marcel, éperdu de
joie, s'imagine que Bathilde est revenue de sa
haine contre lui et que les glaces de son àino
se sont enfin fondues au feu de ses soupirs. Il
se jette à ses pieds en criant : • Vous m'aimez
doncl — Je vous méprise, » répond majes-
tueusement Bathilde en se dirigeant vers la
porte, où Guillaumin, sorte d'ami grotesque do
Marcel , la rencontre fort à propos pour lui
donner la main et la conduire au couvent. —
Ce drame est le début au théâtre de M.Auguste
Maquet. Beaucoup d'invraisemblances , des
scènes et des 'situations choquantes, mais du
mouvement et de l'imagination, voilà Ce qu'on
trouve dans cette œuvre, fille bâtarde A'Antcny
et de Terésa.
bath-KOL s. m. (batt-kol). Hist. Nom qui,
en hébreu, signifie littéralement la fille de la
voix, et que les Hébreux donnaient à un do
leurs oracles ou aux inspirations de leurs
prophètes.
BATHME s. m. (batt-me — du gr. balhmos,
même sens). Anat. Cavité d'un os, dans laquollo
s'enchâsse la saillie d'un autre os. 11 On dit
aussi BATHMUS.
BATHNA ou BATNA, ville d'Algérie, pro-
vince de Constantine, ch.-l.,de la 3^ subdivi-
sion militaire de la province, située dans les
monts Aurès, à 110 kil. S. de Constantine, sur
un territoire très-fertile, où abondent l'eau et
le bois; climat très-sain; 1,750 hab. Auprès, so
trouvent les belles ruines de Lambessa. Dans
la ville, fondée en 1844, au milieu de rues
spacieuses et tirées au cordeau, on voit une
caserne, un hôpital et une belle église mo-
derne; plusieurs usines, nombreux moulins à
blé.
BATHOMÈTRE s. m. (ba-to-mè-tre — du
gr. bathos, profondeur; mitron, mesure).
Phys. Instrument proposé pour déterminer
les grandes profondeurs de la mer.
bathométrie s. f. (ba-to-mé-trî — rad.
bathomètre). Phys. Art de déterminer los
profondeurs de la mer.
bathométrique adj. (ba-to-mé-tri-kc —
rad. bathométrie). Phys. Relatif à la batho-
métrie : Mesures bathom étriqués.
BATHORI où NYR-BATHOR, bourg des
Etats autrichiens (Hongrie), comitat de Sza-
bolcs, dans la. province de Gross-Wardein;
3,142 hab. Berceau de la famille Bathori.
« BATHORI ou BATTOR1, nom d'une ancienne
et noble famille, originaire de la Hongrie, qui
a fourni à la Transylvanie, où elle vint s'établir
au xiv» siècle, plusieurs princes ou vayvodes,
et un roi à la Pologne, Les membres les plus
importants de cette famille sont les suivants :
Bathori (Etienne), né en 1532, mort en
1586, acquit par sa valeur, par ses talents et
par les services rendus, une telle influence en
Transylvanie, qu'à la mort de Jean Sigismond,
en 1571, il fut nommé spontanément voyvode
par les Transylvains. Trop faible pour se dé-
clarer indépendant, il se vit forcé de demander
l'investiture de cette souveraineté au sultan
Sélim II, qui la lui donna en 1573, et, deux
ans après, il battit à Saint-Paul Gaspard Bè-
thési ou Békési, qui venait d'envahir la Tran-
BAT
BAT
BAT
BAT
361
sylvanie avec une armée dans le but de le
renverser. En 1575, Henri de Valois, roi. de
Pologne, ayant quitté furtivement ce pays
pour revenir en France succéder à son frère
Charles IX, les Polonais déclarèrent le trône
vacant, et élurent pour roi, de préférence à
Maximilien d'Autriche, Etienne Bathori, qui
fut couronné a Cracovie en 1576, et épousa
Anne, tille de Sigismond-Auguste, le dernier
roi Jagellon. Brave, actif, .juste, bienfaisant,
Bathori eut un règne glorieux, et mérita l'af-
fection des Polonais. Il triompha de son com-
pétiteur Maximilien d'Autriche, prit Dantzick
aux Autrichiens, lutta pendant cinq ans contre
les Russes, leur enleva la Gourlande et une
partie de la Livonie, réorganisa l'adminis-
tration civile dans toutes ses branches, fonda
l'académie de Vilna, disciplina l'armée ainsi
que les Cosaques de l'Ukraine, et créa cette
cavalerie polonaise, si redoutée des Turcs et
des Russes. Il songeait, dit-on, à faire de la
Pologne un royaume héréditaire , lorsqu'il
mourut sans postérité à Grodno, à la suite
d'un accès de colère provoqué par la rébel-
lion de Riga; — Bathori (Christophe), frère
du précédent, lui succéda comme prince de
Transylvanie en 157G, et mourut en 1581 ,
après avoir fait alliance avec les Turcs et ap-
Felé dans ce pays les jésuites, à qui il confia
éducation de son fils; — Bathori (Sigismond),
fils du précédent, fut élu prince de Transyl-
vanie du vivant même de son père, auquel il
succéda en 1581. Elevé par les jésuites, il de-
vint dans leurs mains un pur instrument, et
leur influence se fît aussitôt sentir par les
troubles qui agitèrent le pays. Il commença par
rompre avec la Porte, et, comme les Etats
voulurent s'opposer à cette rupture, il étouffa
leur résistance dans le sang. Bientôt après, il
épousa une princesse de la maison de Habs-
bourg; mais presque aussitôt, cédant aux
conseils du jésuite Simon Genga, il abdiqua
en faveur de l'empereur Rodolphe II , qui lui
promit en échange le chapeau de cardinal
avec une pension viagère, et il embrassa l'état
ecclésiastique. Les Etats, indignés de ce trafic
d'un pouvoir qui émanait de la nation seule,
protestèrent avec énergie ; mais encore mie
fois le sang coula ; l'un des membres las plus
éloquents de l'opposition, Etienne Josibia eut
la tête tranchée , et la Transylvanie fut livrée
à des commissaires autrichiens en 1538. Si-
fismond, ayant vainement attendu le chapeau
e cardinal qu'on lui avait promis, finit par
comprendre qu'il avait été le jouet d'une in-
trigue. Il revint en Transylvanie, essaya de
faire donner le pouvoir à son frère Balthazar
Bathori, puis il alla se réfugier en Pologne.
Balthazar fut défait près de Kronstadt par
l'armée de George Basta et tle Michel, vay-
vode de Valachie , envoyés contre lui par
l'empereur, et massacré peu de jours après
par le peuple. La mésintelligence qui s'éleva
bientôt après entre les vainqueurs , Michel
et Basta, .permit à Sigismond Bathori de re-
paraître en- Transylvanie en 1601, et de res-
saisir le pouvoir. Battu à Govoslo par Mi-
chel et Basta, qui s'étaient réconciliés, il se
réfugia en Valachie, revint une dernière fois
en Transylvanie, et, après une abdication dé-
finitive en faveur de Rodolphe, moyennant
une pension de 300,000 thalers et une terre en
Bohême il terminaobscurément, en 1613, une
vie qui, grâce aux jésuites, avait été si eala-
miteuse pour son pays. En lisant l'histoire si
remplie d'incidents de Sigismond Bathori et
des autres princes de sa famille, on ne peut
s'empêcher de se demander si notre La Fon-
taine, qui vint au monde quelques années
après seulement, ne songeait pas à eux lors-
qu'il disait si bien, dans sa fable des Deux
Voleurs et l'Ane :
L'ane, c'est, quelquefois une pauvre province;
.. Les voleurs sont tel pu tel prince,
Comme le Transylvain, le Turc et le Hongrois.
— Bathori (Gabor ou Gabriel), frère du pré-
cédent, fut élu prince de Transylvanie en 160s,
et consentit à reconnaître pour suzerain Vem-
pereur Rodolphe ; mais il devint si odieux aux
Transylvains par son orgueil et ses débau-
ches, qu'après une révolte de la noblesse,
comprimée en 1610, les Saxons se soulevèrent
à leur tour et le battirent à Kronstadt. Le roi
de Hongrie Mathias , pensant qu'il lui serait
facile en ce moment de conquérir la Transyl-
vanie, prêta son concours aux révoltés, s'em-
para de Weissembourg, battit Bathori et l'en-
ferma dans Hermanstadt. La vaincu allait être
forcé de se rendre; lorsque son cousin Bethlen-
Gabor accourut a son secours à la tête de
troupes turques, et fît conclure la paix en 1611.
Au lieu de se montrer reconnaissant, Bathori
essaya de, faire assassiner Bethlen , qui lui
portait ombrage. Celui-ci se rendit aussitôt ea
Turquie, obtint du sultan Achmet I" une armée
de 60,003 hommes, commandée par Sandar-
pacha, et entra en Transylvanie, où il fut pro-
clamé vayvode, pendant que Bathori, détrôné
' par le peuple, prenait la fuite et mourait assas-
siné à G rosswardein en 1613. Il fut le dernier
représentant de cette famille qui régna en
Transylvanie ; — Bathori (Elisabeth), nièce
d'Etienne, roi de Pologne , et femme d'un
seigneur hongrois nommé Nadasty, morte
en 1614. Elle s'est rendue fameuse par des
actes d'une monstruosité peut-être unique
dans les annales du crime. Cette horrible
créature vivait dans son château de Cseithe,
avec plusieurs jeunes filles qui lui tenaient
compagnie et qu elle punissait, pour les fautes
les plus légères, avec une cruelle sévérité.
Ayant un jour frappé une de ses demoi-
selles d'honneur avec une telle violence, que
le sang de celle-ci lui rejaillit au visage, elle
crut remarquer, en s'essuyant, que, sous le
sang, sa peau était devenue plus douce et plus
blanche. Aussitôt elle forma le projet de pren-
dre des bains de sang humain, dans l'espoir
de se rajeunir, et elle lit égorger secrètement
et successivement plus de six cent chiquante
jeunes filles de la contrée. Le deuil devenait
universel, et on ne savait qui accuser, lorsque
la disparition d'une nouvelle victime vint
donner l'éveil. Son fiancé ayant eu quelques
soupçons prodigua l'argent, finit par savoir
la vérité, et s» rendit à Presbourg, où il dé-
nonça le crime. Georges Thurzo, palatin de
Hongrie, se rendit sur-le-chainp au château
de Cseithe (1010). Il surprit Elisabeth en fla-
grant délit avec ses trois complices, son nain
Flisko et deux vieilles femmes , qui , après
avoir procuré les victimes, jetées dans une
cave profonde, les égorgeaient, recevaient
leur sang dans un pot déterre, et le versaient
tout fumant sur le corps d'Elisabeth Bathori.
Ces deux femmes furent brûlées vives; le nain
fut décapité après avoir eu, comme celles-ci,
le poing tranché; quant à Elisabeth, elle fut
condamnée à une détention perpétuelle dans
un cachot de son château d'Esei, où elle
mourut trois ans après. On trouve encore au-
jourd'hui dans les archives du chapitre de
Gran, en Hongrie, les pièces relatives à l'in-
struction de cette lugubre série de crimes.
' BATHRIK s. m. (ba-trik). Hist. Nom sous
lequel on désigne les patriarches chrétiens
dans les pays orientaux.
BATHSÈBE s. f. (ba-tsè-be). Entom. Genre
d'insectes coléoptères tétrameres, de la famille
des chrysoméhnes , formé aux dépens des
colaspis et comprenant une seule espèce, qui
' vit au Cap de Bonne-Espérance.
BATHUR1N ou BATOURINE, ville de la
Russie d'Europe, gouvernement et â . l'E. de
Tchernigow, district et à 30 kil. N.-O. de Ko-
notop, près de la Seym, affluent de la Desna;
9,000 hab. Ancienne résidence de l'hetman des
Cosaques; prise et saccagée par les Russes
en 1708.
BATHURST ou BATHORST-TOWN (pro-
noncez Baceurste), colonie et ville anglaise
dans le bassin de la Gambie (Afrique occiden-
tale), auprès de la mer, par 13° 28' làt. N. et
18° 55' long. O., résidence du gouvernement
local; fondée en 1816; 3,000 hab. Le sel est le
principal article de troc contre les produits
indigènes. Il Ile au N. de l'Australie, près du
golfe de Van-Diemen, par no 30' lat. S. et
128° long. E. Ville principale : Port-Raflfes,
fondée en 1824. Il Villede l'Australie (Nouvelle-
Galles du Sud), sur le versant occidental des
montagnes Bleues et la rive gauche du Mac-
quarie, à 200 kil. de la mer; aux environs,
récentes et riches mines d'or, u Ville de l'Afri-
que méridionale, dans la colonie anglaise du
Cap, ch.-l. du district d'Albany, à S00 kil. E.
du Cap.
BATHIJRST, noni d'une famille anglaise,
dont l'origine remonte .a la conquête de l'An-
gleterre par les Normands, et qui compte plu-
sieurs membres distingués , parmi lesquels
nous citerons les suivants : Ralph Bathurst,
poète et savant, né en 1620 dans le comté de
Northampton, mort en 1704. Médecin de la
marine sous Cromwell, il fut un des fonda-
teurs de la Société royale de Londres, et, étant
entré dans les ordres après la restauration, il
fut nommé chapelain de Charles II, président
du collège de la Trinité à Oxford, et, eu 1673,
vice-chancelier de l'université de cette ville.
Promu évêque de Bristol en 1691, il refusa ce
siège et mourut aveugle. On a de lui un ou-
vrage curieux sur les fonctions de la respira-
tion, intitulé : Prcelectiones très de respira-
tions (Oxford^ 1634); Nouvelles de l'autre
monde, en anglais (Oxford, 1651), ouvrage
dans lequel il raconte l'histoire de AnneGreen,
pendue, en 1650, pour crime d'infanticide, et
rappelée à la vie par ses soins; des poésies
insérées dans les Ânalecta Musarum, etc. Un
choix de ses œuvres a été publié par Warton,
sous le titre de Literary Remains (Restes litté-
raires), 1761; — Allen Bathurst, homme
d'Etat, né à Westminster en 1684, mort en
1775, fut élu en 1705 au parlement par le
bourg de Cirencester, et porté à la chambre
haute par les torys en 1711. Il s'y signala
comme un des adversaires les plus acharnés
du ministère Walpole. Nommé membre du
conseil privé par George II, il arriva au com-
ble de la faveur sous George III, dont il
avait été le trésorier pendant que celui-ci
n'était que prince de Galles. Il en obtint une
pension de 2,000 liv. sterl. (50,000 fr.) et le
| titre de comte en 1772. Bathurst fut en rela-
tion avec les hommes de lettres les plus émi-
nents de l'époque , et Sterne prétend qu'à
quatre-vingts ans il avait encore toute la vi-
vacité d'esprit, la sensibilité et le charme d'un
" homme de trente ans; — Henri Bathurst, fils
du précédent, né en 1714, mort en 1794, étu-
dia la jurisprudence, et fut successivement
nommé solicitor gênerai du prince de Galles
en 1746, juge de la cour des plaids en 1754,
lord et baron d'Aspley en 1771, enfin, appelé
la même année au poste de grand chance-
lier d'Angleterre, qu'il conserva jusqu'en 1778.
Il figura, en qualité de grand sénéchal, dans
le procès de la duchesse de Kingston, en 1776,
' et devint, en 1779, président dn conseil privé.
, Il passe pour un des chanceliers les plus in-
capables et les plus dénués de caractère qui
aient jamais rempli ces fonctions dans la
Grande-Bretagne. On a de lui quelques écrits,
notamment une Theory of évidence, dont le
juge Buller parait s'être servi dans son in-
troduction à la loi Nisi prius ; — Bathurst
(Henri, comte de), homme d'Etat, fils du
précédent, né en 1762, mort en 1834. Porté
aux affaires, autant par la position de son
père que par la faveur du prince hérédi-
taire, depuis George IV, il devint membre
de la commission pour l'Inde en 1793, et fut
appelé, en 1809, à fairs partie du ministère
Castelreagh, en qualité de secrétaire d'Etat
des colonies. Il se signala, parmi les membres
du parti tory, par sa constante opposition à
toutes les mesures libérales demandées par
les wighs, et plus encore par la haine qu'il ne
cessa de manifester en toute occasion contre
la France et contre Napoléon, ce qui lui valut
une certaine popularité en Angleterre. Lors-
que Napoléon, revenant de l'île d'Elbe, inau-
gura son second règne de cent jours, Ba-
thurst déclara, dans le conseil des ministres,
" que l'administration anglaise serait à jamais
déshonorée si, après avoir présenté à l'Eu-
rope la chute de Bonaparte comme le résultat
des vastes efforts de la nation britannique,
cette administration pouvait consentir à le re-
connaître pour souverain. ■ En conséquence,
il demanda et obtint qu'une partie des fonds
consolidés fût .consacrée à payer les intérêts
de la dette contractée en Hollande par la
Russie pour soutenir la guerre; que des som-
mes considérables fussent appliquées à forti-
fier contre Napoléon les frontières de Belgi-
que, et il se fit accorder un bill dans
le but de pouvoir expulser tout Français de
la Grande-Bretagne. Quand l'empire croula
sur le champ de bataille de Waterloo, Ba-
thurst fit voter des remerciements solennels à
lord Wellington et à son armée, et lorsque, en
1816, lord Landsdowne demanda la réduction
de l'effectif, il s'y opposa vivement, en pré-
tendant qu'une nombreuse armée était dé-
sormais nécessaire à l'Angleterre. Comme mi-
nistre des colonies , Bathurst a à répondre
devant l'histoire des mesures odieuses qui
furent prises contre Napoléon vaincu, im-
puissant et désarrfié. Ce fut lui qui fit choix
d'Hudson-Lowe pour être son implacable geô-
lier, et qui lui donna ses instructions. Appré-
ciant un jour la conduite de lord Bathurst,
l'empereur tombé le flétrît en ces termes : « Il
ne m'est donné de pouvoir juger ici ce mau-
vais dogue, à la pâture duquel il semble qu'on
nous ait livrés, que d'après ses actes envers
moi. La brutalité de ses déterminations, la
grossièreté de ses expressions, le choix in-
fâme de son agent m'autorisent à le juger
ainsi. » Il est facile de comprendre, après ces
paroles, pourquoi Bathurst s'éleva avec tant
de véhémence, en 1817, contre la proposition
de lord Holland, qui demandait une' enquête
sur la conduite tenue à l'égard de Napoléon.
La réaction qui s'opéra dans l'esprit public,
vers 1825, amena au pouvoir le ministère li-
béral de Canning, et força Bathurst à se reti-
rer, avec Wellington et Peel. Le parti tory
ayant repris le dessus en 1828, la présidence
du conseil fut donnée à Bathurst ; mais la ré-
volution qui éclata à Paris, en. juillet 1830,
eut son contre-coup en Angleterre, et, en don-
nant une nouvelle force aux idées libérales
dans ce pays, elle amena la retraite définitive
de cet homme d'Etat. — Le frère du précédent,
Benjamin Bathurst, né à Londres en 1784,
embrassa la carrière diplomatique. Chargé,
en 1809, d'une mission en Autriche, il quitta
Vienne avec des dépêches diplomatiques , et
disparut dans les environs d'Hambourg. Mal-
gré toutes les recherches auxquelles on se li-
vra, il fut impossible d'en retrouver d'autres
traces que quelques lambeaux de vêtements
ramassés au bord de l'Elbe.
BATHYAM ou BATTYANI, nom d'une an-
cienne et célèbre famille hongroise, qui fait
remonter son origine a Coers , compagnon
d'Arpad, lors de l'invasion de la Panr_onie par
les Magyars, en 884, et qui doit son nom à la
terre de Battyani, donnée en 1389 à Grégoire
de Cœrs, par le roi Sigismond, pour le récom-
penser d'éminents services. Il est sorti de
cette maison un grand nombre d'hommes dis-
tingués, guerriers, hommes d'Etat et d'Eglise,
dont nous allons mentionner les plus impor-
tants.
BATHYANI (Balthazar de), né en 1538,
mort en 1590, s'acquit une grande réputation
militaire dans les guerres contre la Turquie,
et il eut sans cesse à ses frais un corps de
douze cents fantassins et de cinq cents cava-
liers. Il fut élevé, en 1585, à la dignité de
baron de l'empire, et son fils Adam à celle
de comte, en 1630.
BATHYANI (Charles-Joseph, prince de), né
en 1697, mort en 1772, fut un des hommes de
guerre les plus distingués de son temps. Dès
1716, il signala sa brillante valeur à la ba-
taille de Peterwaradin , puis aux sièges de
Temeswar et de Belgrade, et, après avoir fait
partie de l'ambassade d'Autriche à Constanti-
nople, en 1719, il servit, comme général, sous
les ordres du prince Eugène, dans la campa-
gne du Rhin, en 1734. Il se battit de nouveau
contre les Turcs à Rudawatz (1737) et à Cor-
nia (1738), fut appelé, en 1741, à commander
la cavalerie dans la guerre contre la Prusse,
au sujet de la succ«ssion de Bavière, et ren-
dit, a la tète de ses Croates, d'éminents ser-
vices. Frédéric de Prusse ayant envahi la
Bohême en 1744, Bathyani réunit ses forces
à celles du prince Charles, qui, à la tête d'une
armée imposante, força Frédéric à une re-
traite précipitée. Bientôt après, Bathyani bat-
tait, à Pfaffendorf (1745), les Français et les
Bavarois commandés par le comte de Ségur,
et contribuait puissamment, par ce succès, h
amener la paix de Fùssen. Nommé feld-ma-
réchal par Marie-Thérèse , il . fit encore la
..guerre dans les Pays-Bas et sur les bords du
Rhin; puis il fut élevé, en 1764, .à la dignité
de prince de l'empire, à celle de conseiller in-
time/et appelé a la grande maîtrise de la cour
de l'archiduc, qui depuis fut l'empereur Jo-
seph II.
BATHYAM (Ignace, comte de), né en 1741,
mort en 1798, entra dans les ordres, fut ap-
pelé, en 1781, à occuper le siège épiscopal de
Weissembourg, en Transylvanie, et devint un
protecteur aussi éclairé que généreux des
lettres et des sciences. Il fonda en 1798, à
Carlsbourg, un observatoire, auquel il laissa
en mourant une somme de 40,000 florins et la
riche bibliothèque qu'il s'était faite. On lui
doit plusieurs ouvrages écrits en latin, dont
le plus important a pour titre : Leges eccle-
siasticœ regni Hunguriœ et provinciarum col-
lectée et illustrâtes ( Weissembourg , 1785 ,
in-fol.).
BATHYANI (Casimir, le comte), homme po-
litique, né en 1807. Possesseur d'une immense
fortune, il voyagea dans presque toute l'Eu-
rope après avoir achevé ses études, et sé-
journa longtemps en Angleterre, où le spec-
tacle d'un peuple libre fit sur son esprit une
vive impression. De retour dans sa patrie, il
fut appelé, à partir de 1840, à siéger dans la
diète. Il se signala par ses vues larges et libé-
rales, se mêla activement à toutes les entre-
prises ayant un caractère national, et aida de
sa fortune à la publication d'ouvrages hon-
grois, écrits en faveur de la liberté. Lorsque,
en 1848 , les Croates , sous l'instigation de'
l'Autriche , entrèrent en lutte avec la Hon-
grie, M. Bathyani, qui venait d'être nommé
grand bailli (obergespan) et commissaire du
gouvernement dans le comté de Barany, se
montra aussi habile administrateur qu'homme
de guerre énergique. Il s'empara de la place
forte d'Essek, assura la navigation du Da-
nube et de la Drave, sortit vainqueur des com-
bats de Szanvas et de Chezin, et se retira à
Debreczin, lorsque Essek fut tombé au pou-
voir des Autrichiens , au commencement de
1849. Il fut alors appelé au gouvernement ci-
vil et militaire de la petite Koumanie, de Sze-
gedin, etc. ; puis il prit part à l'expédition
que fit Perczel dans la Bacska et le Banat, et
qui eut pour résultat la soumission de ces
contrées. Lorsque la diète de Debreczin eut
proclamé l'indépendance de la Hongrie , le
14 avril 1849, M. Bathyani fut chargé par son
ami Kossuth, devenu président, de diriger le
ministère des affaires étrangères. Forcé, au
bout de trois mois, de se réfugier, avec ce
dernier, à Szegedin ei à Arpad , il protesta
contre la dictature de Georgey et se rendit,
après la catastrophe de Vilagos, à Widdin,
dans la Turquie. La Porte Ottomane l'interna
à Sehumla, puis à Kutayeh; mais il obtint,
peu de temps après, l'autorisation de se rendre
en France. M. Bathyani a publié plusieurs de
ses Discours à la diète hongroise (Leipzig,
1847).
BATHYANI (Louis , comte), homme politi-
que, né à Presbourg en 1809, mort en 1849,
embrassa,' à seize ans, la carrière militaire, et
fut envoyé en garnison à Venise, où, au con-
tact de ses chefs-d'œuvre artistiques, son in-
telligence prit un goût décidé pour l'étude.
Devenu maître, à sa majorité, d'une fortune
princière, il quitta'l' armée pour s'adonner aux
sciences et à la politique, visita, avec sa
femme Antonie Zichy, la plus grande partie
de l'Europe et de l'Orient, fit, h. son retour,
grâce a 1 aide de Horvath, une étude appro-
fondie de la langue et de l'histoire des Ma-
gyars, et lorsqu'il parut, en 1840, a, la cham-
bre des magnats, celle-ci compta un orateur
et un esprit libéral de plus. Le jeune comte,
par la fermeté de son attitude, devint presque
aussitôt un des membres les plus importants
du parti national hongrois. A la diète de 1843
et 1844, il combattit le gouvernement autri-
chien , le parti conservateur, le chancelier
Appony ainsi que l'institution des administra-
teurs, et, en même temps, se fit le défenseur
de toutes les mesures propres à favoriser la
liberté, le commerce et 1 industrie. Après avoir
combattu Kossuth, il se lia avec lui d'une
étroite intimité, et usa de toute son influence
pour lui faire obtenir un siège de réprésen-
tant à la diète de 1 847. Bathyani vit s'augmen-
ter encore son autorité morale lorsque son
ami, l'archiduc Etienne, fut nommé palatin.
Quelques mois après, en mars 1848, lô comte
Louis fut placé a la tête du ministère institué
pour diriger les affaires de la Hongrie. Parti-
san du maintien de l'union politique de la
Hongrie et de l'Autriche, il sévit en présence
d'embarras de tout genre amenés par la diffi-
culté de la situation, et il donna sa démission
au mois de septembre suivant, lorsque le bàn
Jellachich envahit la Hongrie, à l'instigation
de l'Autriche. Après avoir tenté de former un
ministère modéré, qui n'eut pas la sanction
royale, il partit pour Vienne à !a suite de la
dissolution de la diète et de l'assassinat du
comte Lambert, commissaire autrichien. Il
46
362
BAT
BAT
BAT
BAT
s'efforça vainement d'amener le gouvernement
impérial dans la voie de la modération. Le
part', national et républicain, à la tête duquel
se trouvait l'illustre Kossuth, repoussait d ail-
leurs l'union politique avec l'Autriche, comme
rendant impossible toute liberté réelle et) Hon-
grie, et la lutte était devenue inévitable. Lors-
que les hostilités commencèrent , Bathyani ,
qui s'était retiré dans une de ses terres, arma
ses domestiques, et, en véritable patriote, il
combattit pour son pays dans le corps franc
de Vidos, jusqu'à ce qu'une chute de cheval
Je forçât à déposer l'épée. 11 alla siéger alors
à la diète de Pesth. Lorsque Windischgraetz
marcha sur cette ville, il lit décider qu on lqi
enverrait une députation pour négocier la
paix; mais cette députation, dont il était mem-
bre, ne fut point reçue par le général autri-
chien. Bathyani retourna à Pesth, où il fut
arrêté chez sa belle-sœur, la comtesse Karoly,
quand Windischgraetz entra dans cette ville,
le 8 janvier 1849. Après avoir été transféré
dans diverses prisons, il fut ramené a Pesth
et condamné à être pendu. Pour échapper à
ce supplice infamant, Bathyani essaya de se
donner la mort avec un poignard, et obtint
d'être fusillé. Ses biens furent frappés de con-
fiscation, et sa veuve fut contrainte d'aller
chercher, avec ses enfants, un refuge à l'é-
tranger.
BATI1YCLKS, sculpteur grec, néà Magnésie,
florissait vers 1 an 530 avant l'ère chrétienne.
Pausanias décrit avec beaucoup d'éloges les
bas-reliefs dont cet artiste orna le trône du
roi Amyclès.
BATHYERGUE s. m. (t>a-ti-èr-ghe). Mamm.
V. Oryctérb ci Rat-taupe, il On écrit aussi
BATHYERQUB.
BATHYLLE, poète latin médiocre et qui se-
rait aujourd'hui tout à fait inconnu si, par une
vanité ridicule, il n'avait essayé de s'attribuer
l'honneur d'un distique, que Virgile avait tracé
sur la porte du palais d'Auguste, sans y mettre
son noms Auguste faisait célébrera Rome des
fêtes publiques, qui furent interrompues par un
orage, mais qui purent, dès le lendemain, re-
prendre leur cours, parce que le ciel était
redevenu serein. Cependant, tous ceux qui
passaient devant le palais s'arrêtaient pour
lire sur la porte les deux vers suivants :
Noete. pluii tota ; rcdsu.nl spectacula mane :
Divisum imperium cum Jove Cœsar habet.
« U a plu toute la nuit ; le matin recom-
mencent les spectacles publics : Auguste par-
tage l'empire du monde avec Jupiter. ■
On s'empressa de les faire connaître à Au-
guste, qui les trouva beaux, et qui ne fut pas
médiocrement flatté de voir que le poste égalait
sa puissance à celle de Jupiter lui-même. Il com-
manda qu'on fît des recherches pour connaître
l'auteur du distique; mais ces recherches fu-
rent sans résultat. Enfin Bathylle, voyant
que personne ne se présentait, finit par décla-
rer qu'il avait lui-même tracé les deux vers.
Auguste le combla d'éloges et le récompensa
richement. Alors Virgile , que sa modestie
avait seule empêché de réclamer l'honneur qui
lui était dû , employa un moyen ingénieux
pour confondre l'audacieux menteur : il écri-
vit de nouveau les deux vers sur les murs du
palais, et y ajouta celui-ci :
Bos ego versiculos fcci, tulit aller honores,
De ces deux petits vers, Romains, je suis l'auteur.
Et cependant un autre en reçoit tout l'honneur.
Puis il ajouta le commencement de quatre
autres vers dont les premiers mots étaient :
Sic vos non vobis...
Auguste, pensant qu'un poète, jaloux de Ba-
thylle, pouvait avoir eu l'idée de jeter ainsi
du doute sur le droit que celui-ci aurait eu à
recevoir une récompense, exprima le désir de
voir Bathylle achever lui-même ces quatre
vers ; mais le pauvre Bathylle ne put en ve-
nir à bout, malgré tous ses efforts. Virgile
alors se fit connaître, et compléta les vers
de la manière suivante :
Sic vos non vobis nidificatis, aves;
Sic vos non vohis vcllcra fertis, oves;
Sic rot non vobis meltiftealis, apes;
Sic vos non vobis fertis aratra, bovcs.
C'est-à-dire :
Ainsi, mais non pour lui, l'agneau porte sa laine;
Ainsi, mais non pour lui, le bœuf creuse la plaine ;
L'oiseau bâtit son nid pour d'autres que pour lui,
Et le miel de l'abeille est formé pour autrui.
Autre traduction, citée par Victor Hugo :
Ainsi, pour vous, oiseaus, au bois vous ne nichez;
Ainsi, pour vous, moutons, vous ne portez la laine;
Ainsi, mouches, pour vous aux champs vous ne ru chez;
Ainsi, pour vous, taureaux, vous n'écorchez la plaine.
Bathylle , forcé d'avouer son imposture , ne
recueillit que des huées au lieu des applaudis-
sements sur lesquels il avait compté; et son
nom s'est transmis d'âge en âge, comme celui
d'un vil plagiaire : on remploie, dans ce sens,
comme nom commun, et il a pour synonyme
le Geai paré des plumes du paon, de cotre bon
La Fontaine.
BATHYLLE, célèbre pantomime, -né à
Alexandrie vers le milieu du icr siècle de
notre ère, était esclave de Mécène, qui l'af-
franchit. Rival d'un-autre saltateur, non moins
célèbre, Pylade, il perfectionna le genre co-
mique, où il excellait, pendant que son adver-
saire obtenait des succès aussi bruyants dans
le genre tragique. Les Romains se partagèrent
en deux factions pour ces histrions fameux, et
les amateurs du genre comique s'étant trou-
vés en nombre supérieur aux amateurs du
genre tragique, Pylade fut banni de Rome.
BATHYJ1. Démonol. Divinité des enfers
douée d'une grandeur et d'une force surnatu-
relles, que l'on représente sous l'aspect d'un
homme robuste, ayant une queue de serpent,
et monté sur un cheval d'une blancheur livide.
Sa. mission est de transporter les voyageurs
d'un pays dans un autre, avec une vitesse
extraordinaire. Trente légions de diables lui
obéissent. Elle était invoquée pour la recher-
che des herbes et des pierres précieuses.
BATHYPiCRON s. m. (ba-ti -pi-kron — du
gr. bathus, profond; pikros, pikron, amer).
Bot, Nom donné à l'absinthe.
BATHYRA ou BATIRA, ville de la Palestine,
bâtie par Hérode, dans la Batanée, pour ga-
rantir les Juifs, sur la route de Babylone,
contre les attaques des Trachonites.
BATHYRRHYNQUE adj. (ba-ti-rain-lse —
du gr. bathus, profond; rugehos, bec). Ornith.
Qui a le bec épais.
— s. m. Syn. de paradoxûrnis.
BÂTI s. m. (bà-ti — rad. bâlir). Techn.
Charpente sur laquelle sont assemblées les
diverses pièces d'une machine : La presse li-
thographique est composée d'un bâti en chêne
solidement ctabli) sur lequel repose un chariot
destiné d recevoir lapjerre. (Louvet.) il Assem-*
blage des pièces d'un**, porte, .d'une croisée,
d'un guichet, d'un lambris, u Châssis d'une
machine à tendre les roues, il Assemblage
non cousu, mais faufilé, des diverses pièces
d'un vêtement : Le bâti d'une robe, d'une re-
dingote. Il Gros fil qui a servi au bâti d'un vê-
tement : Vous avez encore du bâti dam votre
habit.
bâti, IE (bâ-ti) part. pass. du v. Bâtir :
Une maison bâtie en trois mois. Cette ville a
été bâtie avant Jésus-Christ. Athènes, sous
l'autorité de Thésée, fut bâtie pour y rassem-
bler les habitants épars de l'Attique. (Machia-
vel.) C'est une maison qui semble avoir été
bâtie par les fées. {Le Sage.) D'immenses lé-
zardes sillonnaient les murs de trois corps de
logis bâtis en équerre, (Balz.) De temps en
temps, nous traversions des villages terreux,
bâtis en pisé. (Th. Gaut.) C'étaient les hôtels
des fermiers généraux de la place Vendôme,
bâtis de la misère du peuple. (Michelet.)
C'est un petit village, ou plutôt un hameau,
Bâti sur le penchant d'un long rang de collines.
BOILEAU.
— Couvert de bâtiments totalement ou en
partie : Emplacement bâti. Terrain bâti. J'ai,
entre les Alpes et le Jura, une terre grande
comme la main, bâtie de ma façon. (Volt.)
— Par ext. Tourné, arrangé, disposé : Quel
dessin mal bâtiI Cet arbre est tout mal bâti.
Il En ce sens, se dit surtout du corps humain :
Un grand diable bien bâti. Voici notre homme.
Ah.' comme il est bâti! (Mol.) Il ne faut pas
être mal bâti pour donner de l'amour à une
coquette. (Le Sage.) Je lui ai présenté trois
cavaliers bien bâtis. (Le Sage.) Hé! hé! il est
bien bâti, ce pendard-là! (Destouches.) Une
foule de femmes abandonnaient leurs enfants
et leurs maris, pour l'amour d'un soldat médio-
crement bâti. (A. Rarr.)
Notre homme ainsi Mti fut député' des villes
Que lave le Danube
La Fontaine.
Un valet marié, dont la femme est jolie.
Et de qui le patron est Idti comme vous,
A de justes raisons de paraître jaloux.
Boursault.
— Fig. Constitué, au moral : Moi, je suis
ainsi bâti. Il y a des cœurs plaisamment bâtis
en ce monde. (M'ne de Sév.) Je regrette AI. de
Vades, parce qu'il n'y a plus d'hommes à la
cour bâtis sur ce modèle-là. (Mmc do Sév.)
L'homme est ainsi bâti : quand un sujet l'enflamme,
L'impossibilité disparaît de son âme.
La Fontaine.
Il Fondé , établi , appuyé : Cette fortune est
bâtie sur le sable. Sur quoi sont bâtis tous ces
arguments? La félicité des hommes, nous ne le
savons que trop, est bâtie sur le sable. (Tous-
senel.)
— Techn. Façonné , en parlant d'un cha-
peau, u Assemblé et simplement faufilé , en
parlant d'un vêtement : Robe à peine bâtie.
— Substantiv. Personne considérée au
point de vue de sa tournure : Voyez donc ce
mal bâti 1
BATIACE s. m. (ba-ti-a-se — du gr. batia-
kos, même sons). Antkj. gr. Vase à boire
usité chez les Grecs, qui l'avaient emprunté
aux Perses.
BATIDE s. m. (ba-ti-de — du- gr. batos ,
ronce). Bot. Genre de pîantes qui n'a pu,
jusqu'à présent, être rangé dans aucune fa-
mille naturelle, et qui comprend une seule
espèce, le bntide maritime, qui croît sur les
plages de l'Amérique méridionale, il On dit
aussi bâtis.
BATIE s. f. (ba-tî — nom mythologique).
Entom. Genre d'insectes lépidoptères noc-
turnes, formé aux dépens des teignes.
BAT1E-NEUVE (la), bourg de France, ch.-l.
de cant. (Hautes- Alpes), arrond. et à 10 kil.
E. de Gap; pop. aggl. 286 hab. — pop. tôt.
767 hab. Il Batie-Montsaléon {la), village de
France (Hautes-Alpes), arrond. et à 30 kil.
0. de Gap; 450 hab.; sur l'emplacement de
l'ancienne ville romaine Mons-Seleueus, cé-
lèbre par la victoire de ConstancesuiMaxence,,
eu 353.
V
BÂTIER s. m. (bâ-tio — rad. bât). Techn.
Ouvrier qui fabrique des bâts.
— Agrie. Paysan qui soigne les bestiaux,
en Auvergne : Il y a, en Auvergne, des mon-
tagnes destinées A l'engrais des bestiaux; les
hommes qui les soignent se nomment bâtiers.
(A.Hugo.)
— Fig. Celui qui impose un joug pénible
et avilissant à d'autres personnes : Laissons
te peuple recevoir un bât des bâtibrs gui le
bâtent, mais ne soyons pas bâtés. (Volt.)
BÂTIÈRE s. f. (bâ-tiè-re — rad. bât).
Archit. Usité seulement à propos d'un clo-
cher, dans la locution Toit en bûlière, Toit en
forme de bât, toit à deux pentes seulement.
BATIFODAGE s. m. (ba-ti-fo-da-je). Constr.
Mélange de terre grasse et de bourre, pour
faire des plafonds. H Travail que l'on tait avec
ce mortier, u Ouvrage fait de cette façon :
C'est un batipodage mal fait.
BATIFOLAGE s. m. (ba-ti-fo-la-je — rad.
batifoler). Action de batifoler: Allons, pas
tant de batifolages 1
batifolant (ba-ti-fo-lan) part. prés, du
v. Batifoler : Faner est la' plus jolie chose du
monde; c'est retourner du foin en batifolant
dans une prairie. (Mi"c de Sév.)
BATIFOLER v. n. ou intr. (ba-ti-fo-lé —
de l'ital. batifolle, rempart, boulevard, en-
droit où les jeunes gens allaient jouer). Fam.
Folâtrer, s'amuser, en jouant d'une manière
enfantine : En batifolant donc, puisque bati-
foler^ a. (Mol.) Moi, je batifole itou. (Mol.)
Un jour, que vous aviez voulu batifoler avec
la petite Bruyère, malgré elle, les deux gros *
coqs d'Inde vims ont sauté à la figure. (E. Sue.)
Elle l'agaçait... mais il se recula et ne voulut
pas batifoler. (G. Sand.) La loutre s'amuse à
poser sur le rivage, à une distance respectable
du tireur; elle se roule sur le sable et bati-
fole devant lui. (Toussenel.) Aujourd'hui, des
courses d'affaires; demain, un diner de fa-
mille, sans compter les malaises du talent et
ceux du corps, et enfin les jours où l'on bati-
fole avec une femme adorée. (Balz.)
Le gros Lucas aime a batifoler. Moliêrb.
— Par ext. Faire l'enfant, se livrer à des
actes peu sérieux :
Assez batifoler comme cela, ma chère ;
La sensibilité ne vaut rien en affaire.
E. AUOIBB.
BATIFOLEUR, EOSE s. (ba-ti-fo-leur, eu-ze
— rad. batifoler). Personne qui aime à bati-
foler: Un peu de paix, grand batifoleur!
BATIGNE (Paul), médecin français, remplit,
à Berlin, l'emploi de médecin de la maison
française des pauvres. Il a laissé : Essai sur
la digestion et sur les principales causes de la
vigueur et de la durée de la vie (Berlin, 1768,
in-12; Paris, 1769, in-go).
BATIGNOLLAIS , AISE adj. et s. (ba-ti-
gno-lè, è-ze-, gn mil.). Géogr. Habitant do
Batignolles; qui appartient a Batignoîles ou
à ses habitants.
BATIGNOLLES, commune aujourd'hui com-
f>rise dans l'enceinte de Paris, dont elle forme
e XVII» arrondissement. Il serait difficile de
déterminer l'étymologie de ce nom, de même
que celui d'une foule d'autres lieux. On en
peut, du moins, indiquer l'origine. Cette com-
mune ne date que du xvin» siècle, et elle prit
son nom du territoire sur lequel elle a été
bâtie. On voit, dans un cartulaire de l'abbaye
Saint-Germain-des-Prés, qu'en 1408 le grand
fief du monastère, situé sur l'autre rive de la
Seine, renfermait un territoire de Batilloles.
Il est très-probable qu'il s'agit ici du lieu où
s'éleva plus tard Batignolles. Dans le plan de
Paris et des environs, levé par l'ingénieur
Roussel et publié en 9 feuilles, en 1730, on
voit figurer, au nord-ouest du village de
Monceaux, entre les chemins de Clichy et de
Saint-Ouen, diverses places plantées d'arbres
et servant d'abris ou de remises au gibier.
L'une d'elles est dénommée remise du fond ou
des Batignolles. C'est à cette place qu'est
aujourd'hui le quartier de Ce nom.
BATILDE, épouse de Clovis IL V. Bathilde.
BATILLE s. m. (ba-ti-le — du lat. batillus.
pelle). Moll. Genre de mollusques, appelé
aussi pelleron, formé aux dépens du genre
turbo, et qui n'a pas été adopté.
BATILLEMENT s. m. (ba-ti-lle-man ; // mil.
— rad. batiller). Action de batiller, mouve-
ment des eaux qui batillent : Le batillemekt
des eaux a sur les berges une action destruc-
tive, lente et continue. (E. Clément.)
batiller v, n. ou intr. (ba-ti-llô; Il mil.
— dimin. de battre). Ponts et chauss. Ondu-
ler rapidement, en battant les uords. Se dit
do l'eau d'une rivière ou d'un canal : On voit
l'eau batiller le long des quais. (E. Clément.)
BÂTIMENTS, m. (bâ-ti-man — rad. bâtir).
Construction en maçonnerie, destinée à ser-
vir de logement ou d'abri : On grand bâti-
ment. Les bâtiments de la couronne. Bâti-
ment militaire. Bâtiment civil. Il lui montrait
le temple et tes bâtiments d'alentour. (Boss.)
Un bourgeois aime les bâtiments. (Pasç.)
. . . Je chanterai les pompeux bithnents.
Des loisirs d'un héros nobles amusements.
Boileao.
Cflme a fait un grand bâtiment.
Dont il a tiré peu d'usage,
Car il est mort subitement;
Et tu dis qu'il n'était pas sage!,..
Les autres font-ils autrement? **•
— Edifice en construction : 4,es ouvriers
donnent généralement le nom de bâtiment ri
tout ce qu'on est en train de construire ; d'où
il résulte que le nom de bâtiment a plus de
rapport au métier de bâlir, et celui d'édifice à
l'art de l'architecture. (Millin.)
— Action de bâtir : Le bâtiment d'une
maison. Il Fig. Action d'édifier, de produire,
d'établir: Les philosophes, et Sénèque surtout,
n'ont point été les crimes par leurs préceptes ;
ils n'ont fait que les employer au bâtiment de
l'orgueil. (La Rochef.) n Vieux dans ces deux
sens.
— Art de bâtir; profession, industrie de
ceux qui bâtissent : Le bâtiment exige de
nombreuses connaissances. L'industrie du. bâti-
ment est lucrative. Le bâtiment chôme en ce
moment.
— Mar. Navire de l'Etat ou navire mar-.
chand : Un bâtiment de transport. Une esca-
dre de douze bâtiments. Un bâtiment à va-
peur. Monk, confié aux soins de sir Richard
Oreanville, trouve un refuge sur son bâtiment.
(Guizot.)
Ce hardi bâtiment.
Qui maîtrise l'orgueil du fougueux élément.
Demi, le.
— Bâtiment latin, Nom que l'on donne, dans
le Levant, aux bâtiments gréés do voiles
triangulaires, dites voiles latines, il Bâtiment
vivrier, Navire chargé de vivres destinés à
approvisionner d'autres navires.
— Techn. En bâtiment, De bâtiments : Pein-
tre, menuisier, serrurier en bâtiment.
— Bâtiment de graduation, ou simplement
Bâtiment, Nom d'une vaste construction dans
laquelle on commence l'ôvaporation de l'eau
des sources et puits salés, afin d'extraire le
sei qu'elle renferme : Bâtiment à cordes. Bâ-
timent à tables. Bâtiment à fagots.
^ — s. m. pi. Administration, direction des
bâtiments : Villacerf eut les bâtiments, à la
mort de Louvois. (St-Sim.)
— Encycl. Administr. Le premier usage que
l'homme fasse en tout pays de la prise de pos-
session du sol sur lequel il vient s'installer, est
de s'assurer un abri qui lui procure, pour lui
et pour sa famille, le refuge et la sécurité dont
il a besoin, pour se défendre soit contre les
intempéries atmosphériques , soit contre les
attaques des animaux féroces , soit aussi
contre les agressions de ses semblables. A part
les populations nomades, qui n'existent dans
le monde qu'à l'état d'exception, il faut voir
là, sans contredit, l'une des premières origines
de la constitution de la propriété, le point de
départ de la civilisation. Pour l'homme attaché
au sol qui l'a vu naître, l'abri devient prompte-
ment un bâtiment aussi solide qu'il peut l'être
pour résister au temps, aussi commode que le
possesseur peut le construire pour y trouver
toutes les jouissancesdu foyer domestique qui,
dès lors, lui est acquis. Par suite de l'accrois-
sement de la famille, comme par l'effet de ce
sentiment inné de sociabilité, ou pour mieux .
dire, de ce qui pousse les hommes à se rap-
procher les uns des autres, un premier bâtiment
en voit bientôt surgir d'autres auprès de lui.
De là, naissent, de voisin à voisin, ces pre-
mières relations qui appellent des lois sus-
ceptibles de garantir les droits de chacun. Par
là, en même temps, commencent à se fonder
ces groupes de population qui, par la suite, de-
viennent des bourgs, des villes, des cités im-
portantes, où, parallèlement à la garantie des
droits individuels, l'intérêt général appelle
des règlements d'édilité qui, en prévenant tout
ce que pourrait produire de désordonné l'in-
térêt privé abandonné h. lui-même et n'ayant
d'autre frein que les règles du droit ordinaire,
assurent à tous les avantages qui peuvent
sortir de leur agrégation. Ainsi , la ques-
tion des bâtiments est essentiellement liée
à celtes qui intéressent le plus la propriété,
les droits respectifs et les obligations récipro-
ques des citoyens vivant réunis sur le même
point du territoire, et la bonne administration
du pays. Un point surtout doit dominer pour
l'homme aux idées élevées que passionne tou-
jours le sentiment du progrès et de l'art, c'est
qu'étant l'expression de la civilisation de chaque
âge , les bâtiments qui s'élèvent autour de
nous sont destinés à transmettre aux généra-
tions futures le reflet le plus saisissable de
notre époque.
De nombreuses traces nous restent de l'im-
portance que, dan3 les beaux temps de la
civilisation romaine, on attachait aux bâti-
ments. Dans les commencements, les maisons
n'avaient qu'un étage [Vitruve, Hv. II), niais
elles prirent rapidement un développement
bien plus considérable. Nous voyons, par un
ouvrage allemand très-curieux, traduit récem-
ment de Friedlander par Vogel (Mœurs ro-
maines du règne d'Auguste à la fin des Anto-
nins) .qu'il y avait à Rome des maisons de quatre
et de cinq étages, comme aujourd'hui chez
nous, et que, dans certaines parties de l'Italie,
il y en avait même de sept étages. Cette hau-
teur fut réduite, par Auguste, d'abord, à 70
piedsromains(17 m. 77), et plus tard, par Tra-
jan, à 60 pieds (15 ni. 20), ce qui équivaut juste
BAT
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BAT
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363
à la hauteur adoptée, pour les grandes rues de
Paris, par le dernier décret sur la matière, en
date du 27 juillet 1859. De nombreux règle-
ments chargèrent successivement les préteurs
de veiller à la bonne construction de tous les
bâtiments et d'en assurer la commodité et
l'élégance. On alla même jusqu'à prescrire
la destruction de tous ceux qui seraient sus-
ceptibles de contrarier l'ornement et la déco-
ration extérieure des cités : « Diruenda sunl
omnia, porte la loi VI, liv. VIII, tit. xn, du
code Justinien,</U£e t'n publico quoeumque loco,
contra ornatum et commodum, ac decoram fa-
ciem civitatis exslructa noscuntur. ■
Les bâtiments primitifs des Gaulois, se res-
sentant de l'origine celtique des populations
de ces contrées, étaient en quelque sorte res-
tés à l'état rudimentaire, lorsque la conquête
romaine apporta là, comme partout, sa civili-
sation. Les habitations, en bois ou en chaume,
étaient plutôt des huttes que des maisons.
Elles n'avaient même pas de cheminées. Pa-
ris (alors Lutèce) ne renfermait aucun temple,
et un autel à Jupiter, construit .du temps de
Tibère sur l'emplacement même où est au-
jourd'hui l'église métropolitaine de Notre-
Dame, fut le premier monument qui s'y éleva.
Sous l'impulsion puissante de cet esprit de
progrès qui fut partout le cachet de la domi-
nation romaine, de nombreux monuments s'é-
levèrent, dont quelques-uns se sont conservés
jusqu'à nous, non-seulement à Paris, mais
encore dans toutes les provinces. La France
entière fut dès lors civilisée.
Ce mouvement, d'abord favorisé plutôt que
contrarié par l'établissement du christianisme,
se continua sous la première race de nos rois
.et jusque vers la fin de la seconde race. Les
bâtiments religieux, les hôpitaux ou maladrc-
ries , les couvents s'élevèrent à l'envi de
toutes parts, et attirèrent autour d'eux de
nombreux groupes de population,.dont beau-
coup ont été le berceau de villes et de bourgs
importants qui subsistent encore aujourd'hui.
Mais l'invasion des peuplades étrangères dans
l'intérieur de la France, et les guerres civiles
de la seconde moitié du xo siècle, amenèrent
un temps d'arrêt regrettable. La dévastation ,
le saccagememV et 1 incendie firent disparaître
presque tous les bâtiments civils et religieux,
et une grande partie des habitations particu-
lières. Ce ne fut là, du reste, qu'un des côtés
du bouleversement général qui marqua l'épo-
que, bouleversement dont la société ne pou-
vait sortir qu'en se reconstituant sur des bases
nouvelles. La reconstitution, qui se fit encore
assez promptement, eut néanmoins, comme
toutes les reconstitutions, ses lenteurs , ses
difficultés et ses inconvénients. Le droit nou-
veau qu'elle créa, en donnant au système féo-
dal sa plus complète expression, amena une
diffusion de pouvoirs locaux, à la fois destruc-
tive de l'action du pouvoir central et de la
liberté individuelle. Ce régime fut loin d'être
favorable aux bâtiments, et entrava, pour un
temps au moins, la rapidité de leur construc-
tion. Par une des conséquences du principe
alors dominant, qu'il n'y avait nulle terre sans
seigneur, les particuliers ne purent désor-
mais élever aucun bâtiment sans en deman-
der la permission à leur seigneur, à qui il
appartenait de fixer arbitrairement les condi-
tions et le prix de cette permission. En outre,
comme, par application du même principe, les
matériaux nécessaires aux constructions, la
chaux, par exemple, et les fours qui la pré-
paraient, la terre, le marbre, la pierre, le
sable, etc., appartenaient au seigneur, celui-ci
n'en permettait ordinairement l'usage qu'à de
dures conditions. Aucun bâtiment, quelles qu'en
fussent la nature et l'importance, n'échappait
d'ailleurs au droit du seigneur. La permission
de bâtir devait être demandée pour la con-
struction la plus simple, comme pour les pa-
lais, les églises, les villes, etc. Le seigneur
réglait, pour les unes et pour les autres, d'une
manière absolue, l'étendue des bâtiments, leur
position et la manière dont ils seraient érigés
(Champollion-Figeac, Droits et usages concer-
nant les travaux de construction sous la troi-
sième race des rois de France). La rigueur de
ce système dut fléchir, toutefois, par l'effet
même de l'exagération qui y fut apportée
dans les premiers temps, comme sous l'in-
fluence de diverses autres causes. Les sei-
gneurs, d'abord, et surtout les seigneurs d'E-
glise, ne tardèrent pas à comprendre l'intérêt
qu'ils avaient à faciliter autour d'eux l'érec-
tion de bâtiments et de villages susceptibles
d'augmenter sensiblement, et avec rapidité,
leurs revenus. Au lieu de continuer à imposer
aux constructeurs de lourdes conditions qui
en éloignaient le plus grand nombre, ils allè-
rent jusqu'à leur taire des avantages de na-
ture à les attirer. Des chartes particulières,
des privilèges furent accordés soit aux villes
et aux villages, soit aux corporations de mé-
tiers. En même temps s'établissaient presque
partout ces usages locaux, ces coutumes, à l'a-
bri desquelles les droits individuels trouvaient
une protection contre les abus de l'arbitraire.
Enfin, le pouvoir royal s'étant fortifié et ayant
repris son autorité souveraine , notamment
sur ce qui touchait à la voirie, les bâtiments
se trouvèrent replacés dans ses attributions.
Il y eut des maîtres jurés des œuvres du roi,
visitant les bâtiments de Sa Majesté (ord. de
1208) ; des maîtres en divers métiers, et no-
tamment des maîtres charpentiers du roi(lettres
patentes du 26 mars 1314), des maîtres jau-
geurs de plâtre (lettres patentes de 1317), etc.,
investis de certains pouvoirs et ayant juridic-
tion sur tous les gens de leur profession. Sully
reçoit, sous Henri IV, la charge de surinten-
dant des bâtiments et celle de grand voyer
qui lui donnent autorité sur tout ce qui se
rattachait à la construction des bâtiments lon-
geant la voie publique. Les bureaux des
finances furent enfin définitivement chargés,
dans chaque généralité, d'assurer l'exécution
des règlements rendus sur la matière. A partir
du règne de Louis XIV, la législation des
bâtiments se régularise tout à fait, et se per-
fectionne à ce point, qu'aujourd'hui encore,
sauf certains changements de forme plutôt
que de fond , amenés par l'ordre' politique
nouveau qui est sorti de la Révolution, elle se
fond avec la législation nouvelle, dont elle est
restée la base. C'est l'ensemble de cette lé-
gislation que nous allons examiner dans ses
principales dispositions.
Au point de vue du droit civil, les bâtiments
sont, comme les fonds de terre, immeubles
par leur nature (C. Nap., art. 518). Toutefois,
il y a, en faveur de la propriété du sol, une
distinction importante à faire. La propriété
du sol emporte la propriété du dessus et du
dessous (C. Nap., art. 552), et il suit tout d'a-
bord de ce principe que toute construction
élevée sur un terrain est présumée faite par
le propriétaire à ses frais, et lui appartenir, si
le contraire n'est prouvé (C. Nap., art. 553).
Mais la loi va plus loin encore, et elle donne au
propriétaire du sol un droit marqué de préfé-
rence qui, dans tous les cas, réduit pour lui
les bâtiments, qu'ils aient été élevés par lui
ou par d'autres, à la condition d'un accessoire
dont il reste toujours le maître de disposer à
son gré. Ainsi, le propriétaire du sol qui a fait,
des constructions avec des matériaux qui ne
lui appartenaient pas n'est tenu qu'à en payer
la valeur avec des dommages-intérêts, s'il y
a lieu. Mais le propriétaire des matériaux n'a
pas le droit de les enlever (C. Nap., 554). Si,
au contraire, la construction a été faite par
un tiers et avec ses matériaux, le propriétaire
du fonds a le droit de les retenir ou d'obliger
ce tiers à les enlever (C. Nap,, 555). Dans le
cas où le propriétaire du fonds demande la
suppression de la construction, elle est aux
frais de celui qui l'a faite, sans aucune indem-
nité pour lui, et le propriétaire peut même lui
réclamer des dommages-intérêts. Mais si le pro-
priétaire préfère conserver la construction, il
doit seulement le remboursement de la valeur
des matériaux et du prix de la main-d'œuvre,
sans égard à la plus ou moins grande augmen-
tation de valeur que le fonds a pu recevoir
(C. Nap., art. 555).
A quelle distance de la propriété du voisin
peut-on élever un bâtiment? La loi ne con-
tient, à cet égard, aucune disposition restric-
tive, et il faut en conclure qu'elle laisse au
propriétaire constructeur toute latitude, même
celle de construire à l'extrême limite du ter-
rain qui lui appartient. Cela ne fait, au sur-
plus, en principe, aucune difficulté, et l'on
peut même remarquer, àce sujet, queles seules
restrictions mises au droit absolu de propriété
par le Code Napoléon, au titre des servitudes,
ne sont établies wx'exceptionnellement . « Le
propriétaire (du sol), dit d'une manière géné-
rale l'art 552, peut faire au-dessus toutes les
plantations et constructions qu'il juge h pro-
pos, sauf les exceptions établies au titre des
servitudes ou services fonciers. « Or,. comme,
dans ce titre des servitudes, rien ne limite le
droit du propriétaire de construire sur toute
'étendue de son terrain, ce droit reste évi-
demment libre ou entier. On voit bien, dans
les articles 675 et suivants, que certaines dis-
tances sont prescrites pour l'ouverture de
jours sur la propriété voisine, et notamment,
par l'art. 678, que « on ne peut avoir des vues
droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou
autres semblables saillies sur l'héritage clos
ou non clos de son voisin, s'il n'y a 19 déci-
mètres (6 pieds) de distance, entre le mur où
on les pratique et ledit héritage. » Mais il n'y
a aucune assimilation possible entre le droit
d'ouvrir des jours et le droit de construire, et
il ressort évidemment des dispositions mêmes
que nous venons de reproduire que, sauf à ne
Îias ouvrir des jours sur la propriété voisine à
a distance prohibée, rien n empêche d'élever,
même à l'extrême limite qui la joint, un bâti-
ment ou une construction quelconque. Du
reste , dans les cas ordinaires , cela ne fait
nulle difficulté, et des constructions de ce
genre se font journellement dans la pratique.
Cependant, il s'est élevé à cet égard une
grave question, qui divise les auteurs et la
jurisprudence, celle de savoir si le droit du
propriétaire constructeur n'est pas susceptible
de restriction, dans le cas, par exemple, où
le voisin, ayant possédé pendant plus de trente
ans, sur le terrain où l'on vient à construire,
des vues droites à moins de 1 m. 90 de distance,
invoquerait la prescription. On s'est de-
mandé si, dans ce cas, le propriétaire construc-
teur ne devait pas être contraint lui-même à
laisser, entre sa construction nouvelle et les
fenêtres de son voisin, la distance de l m. 90,
qu'il aurait laissé prescrire contre lui. On fait
valoir, à l'appui de ce système, que le voisin,
ayant incontestablement acquis par la pres-
cription le droit de conserver ses fenêtres, a
acquis, par cela même, une servitude de vue
qu'on ne peut lui retirer ; et cnie ce serait ren-
dre son droit illusoire que de permettre à une
construction nouvelle de venir obstruer ces
mêmes fenêtres, à une distance moindre que
celle qu'il aurait été tenu lui-même d'observer.
Ce système est professé par MM. Duranton,
(t. V. no 326) ; Delvincourt (t. I, p. 577) ; So-
lon (n» 303); Frémy-Ligneville (Législation
des bâtiments, t. II, n° 600) ; à l'appui de leur
doctrine, ces auteurs tirent argument de deux
arrêts de la cour de cassation du 18 janvier
1825 et du 1er décembre 1835, ainsi que de di-
vers arrêts des cours de Montpellier, Bordeaux,
Nancy et Colmar, en date des 30 décembre
1825, 10 mai 1822, 1er décembre 1827, 7 fé-
vrier 1828. Mais, en faveur de la doctrine
contraire, on dit avec beaucoup plus de rai-
son, suivant nous, que, si l'un des deux pro-
priétaires a pu, ce qui n'est pas douteux, pres-
crire contre l'obligation qui lui était imposée
d'observer certaines distances dans l'établisse-
ment de ses jours de vue, il n'a rien pu pres-
crire au delà de l'affranchissement de son
obligation, et qu'on ne voit surtout aucune
raison légale pour que l'autre propriétaire soit
considéré, par le fait de cette prescription,
comme étant soumis à l'obligation de ne pas
construire. Que, par son silence pendant trente
ans, ce dernier ait perdu le droit de faire sup-
primer les fenêtres pratiquées par le voisin à
moins de 1 m. 90 de distance, on le comprend ;
mais cela ne peut lui avoir fait perdre le droit
de faire de son terrain ce que bon lut semble
Conf., Pardessus, t. II, n» 312; Toullier,
t. III, na 554 , Merlin, vo Servitudes ; Cour de
cassation, 10 janvier 1810; cours de Pau, de
Nîmes et de Baxtia, 12 avril et 21 décembre
1826, 12 octobre 1834).
Les autres obligations réciproques qui exis-
tent entre voisins, à raison de la possession
de bâtiments, sont réglées par le Code Napo-
léon, au titre des servitudes (art. 635etsuiv.),
notamment en ce qui concerne la mitoyen-
neté, la distance ou les précautions à observer
pour certains ouvrages , le droit de vue par
fenêtres d'aspect etparjours.de souffrance,
les constructions, réparations, ou reconstruc-
tions auxquelles chacun peut être respective-
ment tenu. Ces différents points sont, au sur-
plus spécialement traités par nous, à mesure
qu'ils se présentent dans leur ordre alpha-
bétique.
Au point de vue de l'administration, les bâ-
timents sont encore aujourd'hui placés en
première ligne sous le régime des anciens
règlements, qui, confirmés provisoirement par
la loi des 19-22 juillet 1791, sont devenus défi-
nitifs, en l'absence d'aucune autre disposition
nouvelle et fondamentale. « Sont confirmés
provisoirement, porte l'art. 29 de cette loi, les
règlements qui subsistent touchant la voirie,
ainsi que ceux actuellement existants à l'égard
de la construction des bâtiments, et relatifs à
leur solidité et sûreté. «La juridiction chargée
d'appliquer ces anciens règlements s'est seule
trouvée changée par l'effet des lois des 7-1 1
septembre et 7-11 octobre 1790, qui déjà avaient
fait passer dans les attributions des Corps ad-
ministratifs (aujourd'hui les préfets) celles
dont étaient précédemment investis le grand
voyer, les trésoriers de France et les commis-
saires des ponts et chaussées. Il faut ajouter
à ces lois, comme base du pouvoir qu'à dans
notre nouveau droit, en matière de voirie et
de bâtiments, l'autorité municipale, la loi des
16-24 août 1790, laquelle déclare (titre XI,
art. 3) que « les objets de police confiés à
la vigilance et à l'autorité des corps munici-
paux, sont : 1° tout ce qui intéresse la sûreté
et la commodité du passage dans les rues,
quais, places et voies publiques... 5° le soin
de prévenir par des précautions convenables...
les accidents et fléaux calamiteux, tels que
les incendies, etc.. • De l'ensemble de ces
diverses dispositions, combinées avec les an-
ciens règlements, il est.passé aujourd'hui en
principe qu'au nombre de ses principales attri-
butions, 1 autorité administrative a pour mis-
sion d'intervenir, en matière de bâtiments :
lo pour régler leur alignement sur la voie pu-
blique, ainsi que la disposition des accessoires
qui peuvent s y rattacher; 2° pour surveiller
le mode de leur construction et, au besoin,
désigner l«\s matériaux à y employer, de ma-
nière à ce que les bâtiments aient toute la so-
lidité désirable, et afin de prévenir toute cause
d'accident, comme, par exemple, les écroule-
ments ouïes incendies; 3° pour régler, dans
l'intérêt de la salubrité comme dans celui de
la sûreté publique, la hauteur des maisons ;
4° enfin, pour ordonner la démolition des bâti-
ments menaçant ruine.
Seulement, il importe d'observer préalable-
ment que, dans l'application de ces différentes
règles, l'autorité chargée de statuer varie,
d'après notre organisation administrative ac-
tuelle, selon la nature de la voie publique à
laquelle appartiennent ou à laquelle doivent
appartenir les bâtiments. La grande voirie, qui
comprend les routes impériales et les routes
départementales, ce qu'on appelait autrefois
les chemins du roi, réglementée par l'autorité
supérieure, est sous la juridiction immédiate
du préfet. Cest à ce haut fonctionnaire qu'il
appartient, en conséquence, de statuer sur tout
ce qui tient au régime des bâtiments situés
sur ces routes. Aux termes de la loi du 15 juil-
let 1845, il en est de même des bâtiments con-
struits le long des chemins de fer. La voirie
vicinale, dans laquelle viennent se ranger les
chemins de grande communication, ceux d'in-
térêt commun ou de moyenne communication
et les chemins vicinaux ordinaires, a un carac-
tère mixte, qui la fait relever tantôt de la juri-
diction du préfet, tantôt seulement de l'autorité
municipale. La réglementation appartient,
dans tous les cas, au préfet (loi du 21 mai
183G, art. 21 ; instr. du min. de l'intérieur, du
21 juin 1854). Mais, en ce qui concerne le ré-
gime des bâtiments, et notamment les autori-
sations de construire ou de réparer, et les
différentes mesures qui peuvent en découler,
il n'a autorité directe que sur les chemins de
grande communication. Sur les chemins d'in-
térêt commun et sur les chemins vicinaux or-
dinaires, les mêmes autorisations sont don-
nées par les maires (loi du 21 mai 1836, art, 9,
Jtc'gl. gén. du min. de l'intérieur, art. 283 et
2S6). Enfin, la voirie urbaine, qui comprend les
rues et places publiques des villes , bourgs et
villages (autres que celles qui forment la con-
tinuation des différentes voies dont nous ve-
nons de parler) reste entièrement dans les,
attributions de l'autoritémunicipale,àlaquelle,
dès lors, il appartient uniquement de statuer,
soit par voie de règlement, soit par décisions
spéciales, sur tout ce qui se rattache au ré-
gime des bâtiments. Observons toutefois en-
core, quant à ce dernier point, qu'à Paris et
par exception, toutes les rues et places publi-
ques étant placées sous le régime de la grande
voirie, l'autorité, en cette matière, appartient
au préfet de la Seine (décl. du roi du-10 avril
1783 ; décret imp. des 26 mars 1851 et 27 juil-
let 1859).
Voici , en ce qui concerne l'alignement ,
comment s'exprime l'arrêt du conseil d'Etat
du 27 février 1765 • concernant les permissions
de construire et les alignements sur les routes
entretenues aux frais au roi, > arrêt qai, ré-
sumant tous les règlements antérieurs , est
généralement accepté comme base de la légis-
lation en cette matière : « Fait Sa Majesté
défenses à tous particuliers, propriétaires ou
autres, de construire, reconstruire ou réparer
aucuns édifices , poser échoppes ou choses
saillantes le long des routes, sans en avoir
obtenu les alignements ou permissions à
peine de démolition desdits ouvrages, confis-
cation des matériaux, et de 300 livres d'a-
mende; et, contre les maçons, charpentiers et
ouvriers, de pareille amende, et même de plus
grande peine, en cas de récidive. Fait pareil-
lement Sa Majesté défenses h tous autres
(qu'aux fonctionnaires ayant qualité) , sous
quelque prétexte et à quelque titre que ce soit,
de donner lesdits alignements et permissions,
à peine de répondre, en leur propre et privé
nom, des condamnations prononcées contre
les particuliers, propriétaires, locataires et
ouvriers, qui seront, en cas de contravention,
poursuivis à la requête des procureurs de Sa
Majesté, et punis suivant l'exigence des cas...»
Cet arrêt du conseil confirme d'ailleurs en
termes exprès, dans son préambule, et étend
à tout le royaume, une ordonnance précédente
du bureau des finances de la généralité de
Paris, en date du 29 mars 1754, laquelle, après
des dispositions analogues à celles ci-dessus ,
explique formellement que ces dispositions
s'appliquent indistinctement à toutes les mai-
sons ou bâtiments quelconques situés le long
des routes, soit dans les traverses des villes,
bourgs ou villages, soit en pleine campagne.
Cette législation s'applique aujourd'hui jour-
nellement à toutes les constructions sur les
routes impériales et sur les routes départe-
mentales, conformément à ce que nous avons
dit plus haut, à l'exception de l'amende, tou-
tefois, qui, aux termes de la loi du 23 mars
1842, est aujourd'hui susceptible de réduction
jusqu'au vingtième. Elle a été adoptée pour
les chemins vicinaux par le règlement général
du ministère de l'intérieur (art. 2Sl et suiv.).
Dans beaucoup de villes et bourgs , elle a
Servi de modèle aux règlements de voirie ur-
baine édictés par les maires, en vertu de la
loi des 16-24 août 1790.
La question a été soulevée, de savoir si les
particuliers pouvaient être tenus à demander
l'alignement pour bâtir, ou pour réparer leurs
bâtiments, le long des simples chemins ruraux,
qui, n'étant pas légalement classés, échappent
au régime de la vicinalité, et ne sont, à bien
dire, que de simples propïiétés communales,
au profit desquelles on ne peut imposer aux
citoyens d'autres obligations que celles qui ré-
sultent du droit ordinaire. Après quelques hési-
tations dans la jurisprudence du conseil d'Etat
et de la cour de cassation, voici le système au-
quel on s'est arrêté. On a reconnu que, quel que
fût le caractère légal des chemins dont il s'agit,
ils n'en constituaient pas moins des voies pu-
bliques, et que dès lors le maire, qui tient de
la loi des 16-24 août 1790 le droit de veiller à
la commodité et à la sûreté du passage sur
toutes les voies publiques, a parfaitement le
droit de prohiber, par voie de règlement, sur
les chemins ruraux comme sur tous les autres
chemins, toute construction sans l'autorisation
municipale. On décide donc que là où il existe
un règlement de cette nature, les particuliers
sont obligés de s'y conformer. Mais lorsque
ce règlement n'existe pas, la jurisprudence
refuse aujourd'hui invariablement de voir une
contravention dans le fait de ne pas avoir de-
mandé l'autorisation de construire.
Pour garantir les citoyens contre l'arbi-
traire dans la délivrance de l'alignement ou
permission de bâtir , comme dans l'intérêt
même de l'édilité, il a été de tout temps dans .
les vues du pouvoir supérieur, qu'il soit dressé
partout des plans généraux, obligatoires pour
les différentes autorités chargées de délivrer
des alignements, comme pour les particuliers.
L'arrêt du 17 février 1765, la loi du 16 sep~
364
BAT
tembre 1807, et différentes instructions mini-
stérielles le prescrivent formellement. Lors-
que ces plans généraux d'alignement, qui ne
sont établis et ne reçoivent force d'exécution
qu'après une instruction et dans des formes
solennelles, existent, les maires et les préfets
sont tenus de s'y conformer. Mais cette œuvre
considérable n'a pu, on le comprend facile-
ment, être accomplie dans toutes les com-
munes, surtout dans les petites localités. A
défaut de plan général, le droit, conféré aux
maires par la loi de 1790, de prendre des ar-
rêtés pour assurer la sûreté et la commodité
du passage sur les voies publiques, subsiste
dans toute sa force, et les alignements qu'ils
donnent, conformément aux anciens règle-
ments, sont toujours obligatoires; du reste,
en cette matière, comme généralement en
tout ce qui est réglé par l'administration, le
droit des maires n est pas rigoureusement ab-
solu, non plus que celui des préfets. On peut
toujours recourir du maire au préfet, du préfet
au ministre de l'intérieur, et de celui-ci même
au conseil d'Etat, pour tout ce qui, dans la
délivrance d'un alignement, constituerait un
abus de pouvoir. Si l'arrêté d'alignement tou-
chait à des droits préexistants de propriété ou
autres, ou a des droits acquis à des tiers, la
voie des tribunaux resterait toujours ouverte
à la partie lésée.
Les règles de l'alignement s'appliquent non-
seulement à la façade même des bâtiments,
mais à tous les accessoires, saillies ou orne-
mentations quelconques qui s'y rattacheraient.
Généralement, toutes ces saillies sont prohi-
bées. — « Dépendons à notre grand voyer et à
ses commis, porte l'édit de décembre 1607, de
permettre qu il soit fait aucunes saillies, avan-
ces et pans de bois estre aux bastiments neufs, et
mesme à ceux où il y en a à présent, de con-
traindre les réédifier, n'y faire ouvrages qui
les puissent conforter, conserver et soutenir,
n'y faire aucun encorbellement en avance pour
porter aucun mur, pan de bois ou autres choses
en saillie, et porter à faux sur lesdites rues,
ains faire le tout continuer à plomb, depuis le
res-de-ckoMssée tout eontremont, et pourvoir à
ce que les rues s'embellissent et élargissent, en
mieux que faire se pourra... » — Ces disposi-
tions sont toujours légalement en vigueur.
Toutefois, en raison des progrès survenus
dans l'art de la construction, on s'attache gé-
néralement, aujourd'hui, plutôt a régler les
ouvrages dont il s'agit de manière à les main-
tenir dans des conditions acceptables, qu'à les
" empêcher d'une manière absolue. — Une or-
donnance royale du 24 décembre 1823, règle
tout ce qui concerne les saillies, auvents et
constructions semblables, à permettre dans Pa-
ris, et les dimensions qui doivent être données
aux ouvrages permis. Ce règlement comprend
dans ses dispositions principales : les saillies
fixes; telles que "les pilastres et les colonnes
en pierre, etc. — et tes saillies mobiles, telles
que les lanternes, volets et contrevents, etc. ;
— les barrières au-devant des maisons; —
les bancs, pas, marches, perrons, bornes; —
les balcons ; — les constructions provisoi-
res, les échoppes ; — les auvents et corniches
de boutiques ; — les enseignes ; — les tuyaux
de poêlé et de cheminée ; — les bannes ;
— les perches ; — les éviers ; — les cuvettes ;
— les constructions en encorbellement ; —
— les corniches ou entablements; — les gout-
tières saillantes; — les devantures de bouti-
ques. De nombreuses ordonnances de police
ont été depuis rendues dans les mêmes vues.
Il n'est pas douteux que, dans les villes autres
que Paris, et même dans les simples com-
munes, les maires, qui sont chargés de la po-
lice et de la voirie municipale (ib. 16-24 août
1790; 18 juillet 1837, art. 10), n'aient le droit
de faire des règlements analogues, sauf à de-
mander, lorsqu'il, y a lieu, 1 approbation du
préfet.
Les demandes eu alignement ou en auto-
risation de réparer des bâtiments, adressées,
suivant les cas, au maire ou au préfet, ainsi
qu'on l'a vu plus haut, doivent contenir tous
les détails de nature à bien faire apprécier les
conditions dans lesquelles les travaux doivent
être exécutés, et être accompagnées, au be-
soin, du plan des lieux et des plana de détail
qui seraient à cet effet nécessaires. — À
Paris, tout constructeur de maisons, avant de
se mettre à l'œuvre, doit demander l'aligne-
ment et le nivellement de la voie publique au-
devant de son terrain, et s'y conformer. Il
doit pareillement adresser à l'administration
un plan et des coupes cotés des constructions
qu'il projette, et se soumettre aux prescrip-
tions qui lui seraient faites dans l'intérêt de
la sûreté publique et de la salubrité. "Vingt
jours après le dépôt de ces plans et coupes au
secrétariat de la préfecture de la Seine, le
constructeur peut commencer les travaux d'a-
près son plan, s'il ne lui a été notifié aucune
injonction. Une coupe géologique dos fouilles
pour fondation de bâtiments doit être dressée
par l'architecte ou le constructeur, et remise à
la préfecture de la Seine (décret du 26 mars
1852, art. 3 et h).
Les alignements et les autorisations de ré-
parer des bâtiments peuvent donner lieu, au
profit des communes, à la perception de droits
de voirie, lorsqu'elles ont, à ce sujet, des
tarifs dûment approuvés (loi du 18 juillet 1837,
art. 31 ; lois annuelles de finances). — Le ta- •
rif appliqué à Paris a été arrêté par un dé-
cret impérial du 27 octobre 1808. — Mais il
n'existe aucune disposition qui autorise la
BAT
perception des mêmes droits au profit de l'Etat
ou des départements. C'est, du reste, ce qu'in-
terdisaient formellement les anciens règle-
ments en matière de grande voirie, et notam-
ment l'ordonnance du bureau des finances de
la généralité de Paris, du 17 juillet 1781 :
toutes lesdites permissions et aligne-
ments, porte cette dernière ordonnance, con-
tinueront à être donnés sans frais I •
Le droit de l'autorité, de veiller au mode de
construction des bâtiments, et au choix même
des matériaux employés, comme à leur dispo-
sition, dérive nécessairement de la législation
qui la charge de veiller à la sûreté de la voie
publique, et de prendre les précautions con-
venables pour prévenir les accidents, les in-
cendies, etc. (Ib. 16-24 août 1790). — Ainsi,
l'emploi, dans la construction des façades ou
dans les toitures, de matières combustibles
qui peuvent augmenter les chances d'incendie,
— ; la mauvaise assise des fondations, — le
défaut d'épaisseur des murs, ou la mauvaise
qualité des matériaux employés à leur éléva-
tion, et, en général, tout ce qui pourrait être
une cause d écroulement, — la trop grande
dimension ou la mauvaise disposition de cer-
tains matériaux, qui en laisseraient à craindre
la chute, etc., etc., — sont autant de causes
d'accidents que l'administration doit s'attacher
à prévenir. — Le droit de l'autorité munici-
pale à cet égard est, au surplus, constant, et il
existe, dans un grand nombre de villes, des
règlements généraux qui prescrivent toutes
les dispositions de détail à observer par les
constructeurs, dans le choix des matériaux
comme dans leur emploi. — A Paris, ces dis-
positions ont été réglées par trois arrêtés du
préfet de la Seine, en date des 24 nivôse an IX,
23 brumaire an Xlt, et 22 août 1809. Il y a,
en outre, un nouveau projet préparé par le
préfet, de concert avec le ministre de l'inté-
rieur.
Des motifs de salubrité et de convenance
publique ont porté l'autorité supérieure à
prendre une mesure analogue à celles dont
nous venons de parler, dans le but d'assurer
la propreté extérieure des bâtiments. Aux
termes du décret du 26 mars 1852, spéciale-
ment relatif aux rués de Paris, la façade des
maisons doit être constamment tenue en bon
état de propreté. Elles doivent être repeintes
et badigeonnées au moins une fois tous les
dix ans, sur l'injonction de l'autorité munici-
pale. — Ces dispositions ont été déclarées ap-
plicables à toutes les viiles qui en feraient la
demande (décret du 20 mars 1852, art. 9). — Des
décrets spéciaux les ont déjà étendues, par
suite, à un grand nombre de villes, sur la de-
mande des administrations locales.
La hauteur des maisons à Paris, réglée
primitivement par la déclaration du roi du
10 avril 1783, et par des lettres patentes du
25 août 1784, est aujourd'hui régie par un dé-
cret impérial du 27 juillet 1859, qui a réglé en
même temps la hauteur et la disposition des
combles, celles des cheminées, et la disposition
des lucarnes. — Aux termes de ce décret, la
hauteur des façades des maisons bordant les
voies publiques dans la ville de Paris est dé-
terminée par la largeur légale de ces voies
publiques. — Cette hauteur, mesurée du trot-
toir ou du pavé au pied dos façades des bâti-
ments, et prise, dans tous les cas, au milieu de
ces façades, ne peut excéder, y compris les
entablements, attiques, et toutes les construc-
tions à plomb du mur de face, savoir : —
il m. 70 pour les voies publiques au-dessous
de 7 m. 80 de largeur; — 14 m. 60 pour les
voies publiques de 7 m. 80 et au-dessus, jus-
qu'à 9 m. 75; — 17 m. 55 pour les voies pu-
bliques de g m. 75 et au-dessus. — Toutefois,
dans les rues ou boulevards de 20 m. et au-
dessus, la hauteur des bâtiments peut être
portée jusqu'à 20 in., mais, à la charge, par les
constructeurs, de ne faire en aucun cas, au-
dessus du rez-de-chaussée, plus de cinq étages
carrés, entre-sol compris (décret, 27 juillet 1859,
art. l"). — Des dispositions subséquentes,
règlent en détail ce qui concerne la hauteur
des bâtiments situés a l'encoignure de deux
rues d'inégale largeur (Ib. art, 3 et 4). — Los
bâtiments situés en dehors des voies publiques,
dans les cours et espaces intérieurs, ne peu-
vent excéder, sur aucune de leurs Faces, la
hauteur de 17 m. 55, mesurée du sol. — L'ad-
ministration peut toutefois autoriser, par ex-
ception, des constructions plus élevées pour
des besoins d'art, de science ou d'industrie. —
Dans ces cas exceptionnels, elle fixe les di-
mensions, la forme et le mode de construc-
tion de ces élévations (fb. art. 5). — Par
d'autres dispositions, Je décret règle la hau-
teur et la disposition des combles et des che-
minées, ainsi que les dispositions des lucarnes
(Ib. art. 7 à 14). — Ces dernières dispositions
sont déclarées applicables à tous les bâtiments
placés ou non Eur la voie publique (art. 14).
— Le décret n'est, du reste, pas applicable
aux édifices publics (Ib. art. is).)
Partout ailleurs qn'à Paris, ce décret tout
spécial ne saurait être applicable. — On com-
prend, d'ailleurs, l'impossibilité qu'il y aurait
a fixer d'une manière générale, dans toutes
les villes de France, pour l'élévation des bâ-
timents, une hauteur," nécessairement suscep-
tible de varier suivant le climat et les dispo-
sitions topographiques de chaque pays, comme
en raison même du plus ou moins d'importance
des localités. — Mais il est universellement
reconnu que l'autorité municipale tient, à cet
égard, des lois qui l'ont investie du droit derô-
BAT
tlementer tout ce qui intéresse la solidité des
aliments et la sûreté de la voie publique
(lois 16-24 août 1790; 19-22 juillet 1791), le
pouvoir de faire tous les règlements qui lui
paraissent utiles. — C'est ainsi qu'il existe •
a Lyon un règlement général de voirie ,
en date du 13 mai 1855, dans lequel le
maire a fixé la hauteur des maisons de
cette ville ; règlement dont la force obliga-
toire a été formellement reconnue par un ar-
rêt de la cour de cassation, du 30 mars 1827,
précisément à l'occasion d'une difficulté sou-
levée sur la légalité de cette hauteur, et cette
jurisprudence est encore consacrée par d'au-
tres arrêts de la même cour, en date des 7 dé-
cembre 1827, 2 et 8 août 1833. — Nous voyons
également, dans un arrêt du conseil d'Etat, du
21 mars 1861, qu'à Montpellier, la hauteur des
constructions a été fixée par arrêts du con-
seil, en date des 4 février 1775 et 31 octo-
bre 1779.
Lorsqu'un bâtiment en mauvais état, soit
par vétusté, soit par vice de construction ou
autre circonstance, menace de compromettre,
par sa ruine, la sûreté des citoyens, l'autorité
serait désarmée des moyens d'apporter là une
protection que tous attendent d'elle, si elle
n'avait le droit de faire disparaître aussitôt
toute cause de danger, en ordonnant soit la
réparation, soit même, au besoin, la démoli-
tion de l'édifice en péril. — Aussi, ce droit lui
est-il reconnu par notre nouvelle législation
comme par l'ancienne. C'est un principe hors
de toute discussion, qu'en pareil cas, l'autorité
administrative (maire ou préfet, selon qu'il
s'agit de la petite ou de la grande voirie) a
plein pouvoir d'intervenir, même d'urgence et
sans constatations contradictoires, pour or-
donner toutes les mesures qui seraient néces-
saires. Comme en pareille matière, toutefois,
on touche aux droits de la propriété, l'admi-
nistration ne doit agir, lorsqu'il y a le temps
suffisant, qu'après avoir appelé le propriétaire
à une expertise contradictoire, sur le résultat
de laquelle il est statué définitivement. — Mais
le propriétaire, bien qu'ayant son recours de-
vant l'autorité supérieure, doit exécuter la
décision dès qu'elle lui est notifiée. Faute par
lui de s'y conformer, la réparation ou la démo-
lition peut être faite d'office à ses frais, par
les soins de l'administration (déclaration du
roi du 18 juillet 1729).
A quels signes peut-on reconnaître la né-
cessité de démolir un bâtiment pour cause de
péril ? — C'est ce qu'il serait assez difficile de
déterminer, les causes de danger pouvant va-
rier à l'infini. — Voici, d'après M. Frémy-Li-
gneville (Législation des bâtiments, tome II,
no 844), les caractères les plus saisissables de
cette nécessité. « Il y a lieu, dit cet auteur,
de démolir un bâtiment pour cause de péril :
1° lorsque , par vétusté , une ou plusieurs
jambes etrières, trumeaux ou pieds-droits sont
en mauvais état (conseil d'Etat, 26 décem-
bre 1827) ; 20 lorsque le mur de face sur
rue est en surplomb de la moitié de son épais-
seur, dans quelque état que se trouvent les
jambes etrières, les trumeaux et pieds-droits
(conseil d'Etat, 19 mars 1823; Davenne, t. II,
p. 123) ; 3» si le mur sur rue est à fruit, et
qu'il ait occasionné sur la face opposée un
surplomb égal au fruit de la face sur rue ;
4° chaque fois que les fondations sont mau-
vaises, quand il ne se serait manifesté dans la
hauteur du bâtiment aucun fruit de surplomb ;
50 s'il y a un bombement égal au surplomb
dans les parties inférieures du mur de face.
L'administration ne doit pas d'indemnité au
propriétaire dont le bâtiment est démoli pour
cause de péril, lorsque la nécessité de la dé-
molition a été amenée, soit par la négligence
du propriétaire à faire les réparations qui au-
raient été nécessaires, soit par le fait de la
construction vicieuse de l'édifice , soit enfin
par l'effet de. toute circonstance dommageable
qui serait imputable au propriétaire lui-même
ou à des tiers. Dans ces divers cas, ou le pro-
priétaire ne fait que subir les conséquences
de sa propre faute, ou c'est à lui à exercer
tel recours que de droit, soit contre l'archi-
tecte ou l'entrepreneur, soit contre son ven-
deur, soit enfin contre tous ceux à qui le
dommage pourrait être reproché, — Mais une
indemnité serait évidemment due par l'admi-
nistration, s'il était reconnu, après la démoli-
tion, qu'elle a été ordonnée à tort (conseil
d'Etat, 2 juillet 1820).
Indépendamment de !a démolition et des
conséquences qui peuvent s'en suivre, comme
de la réparation du dommage que la ruine du
bâtiment aurait pu causer à des tiers (code
Napoléon, art. 1386), le propriétaire reste
passible, s'il y a lieu, des peines portées par
les articles 471 et 479 du Code pénal, aux
termes des'quels sont punis d'une amende.....
de un franc jusqu'à cinq ceux qui ont négligé
ou refusé d'obéir à la sommation, émanée de
l'autorité administrative, de réparer ou démo-
lir les édifices menaçant ruine (Code pénal ,
art. 471)... et de onze à quinze francs, ceux
qui auraient occasionné la mort ou la blessure
des animaux ou bestiaux appartenant à autrui,
par la vétusté, la dégradation, le défaut de
réparation ou d'entretien des maisons ou édi-
fices (Code pénal, art. 479).
— Techuol, Les bâtiments de graduation
sont des hangars très-longs, assez élevés, et
ouverts à tous les vents, que l'on dispose de
manière à obtenir la plus grande surface d'é-
vaporation possible. Ils portent, à la partie
supérieure, un canal qui en occupa toute la
BAT
longueur, et dans lequel on amène l'eau au
moyen de pompes. Dans les bâtiments h cordes,
l'intérieur de la construction est rempli de
cordes tendues verticalement de haut en bas.
Dans les bâtiments à tables^ il est muni de
tablettes légèrement inclinées , les unes dans
un sens et Tes autres en sens contraire alter-
nativement, et placées les unes au-dessus
des autres. Enfin, dans les bâtiments à fagots,
les corde3 et les tablettes sont remplacée:
par des fagots d'épines, disposés en couches
minces : c'est ce dernier système qui est le
plus employé. Dans tous les cas, l'eau salée,
on tombant du canal supérieur, se divise à
l'infini, et perd au contact de l'air une portion
de ses parties aqueuses. On renouvelle l'opé-
ration jusqu'à ce que la liqueur soit arrivée à
un degré de concentration qui correspond à
une salure de 14 à 22 pour 100, après quoi,
on la dirige dans des réservoirs en maçonne-
rie appelés baissoirs, d'où elle passe dans des
chaudières de fer, larges et peu profondes,
pour y achever son évaporation au moyen du
feu. Pendant les premiers temps de l'ébulli-
tion, il se précipite une matière saline, nom-
mée scklot (v. ce mot), qu'on enlève avec
soin. On continue de chauffer et, au bout de
quelques heures, le sel commence à se dé-
poser. On le recueille avec des écumoircs,on
le fait égoutter dans des trémies, enfin, on
le porte dans des séchoirs, et on le livre au
commerce.
BÂTINE s. f. (bâ-ti-no — dim. do bât).
Selle recouverte do grosso toile, et rembour-
rée de poils ou de paille : Il jeta la bâtinu
sur la jument, sauta dessus et partit au galop.
(G. Sand.)
BATINSKOF ou BATIUSKOF (Constantin-
Nicolaewitch), écrivain russe, né a Vologda
en 17S7. Il avait été soldat dans sa jeunesse;
mais une grave blessure, qu'il reçut à la
jambe, le força à prendre sa retraite. Il a pu-
blié : Critique des œuvres de Lamonosof et de
Mouravief) Une soirée avec le prince Kante-
mir ; Visite à l'Académie des beaux-arts;
Critiques du Tasse, de l'Arioste et de Pétrar-
que, et un certain nombre de Poésies, impri-
mées dans Y Anthologie russe de Bowring.
BATINUM, rivière de l'Italie ancienne, qui
coulait dans le Picenum (Marche d'Ancône),
et qui porte aujourd'hui le nom de Salinello.
BATIPORTE s. m. (ba-ti-por-to — rad.
bâti et porte). Mar. Bordage do chêne qui
empêche l'entrée de l'eau dans la cale.
BÂTIR v. a. ou tr. (bâ-tir. — L'origine de
ce mot a été vivement discutée; les uns ont
voulu y reconnaître une racine celtique;
d'autres, avec plus de vraisemblance, une
expression germanique. M. Delâtre, qui par-
tage cette dernière opinion, donne, sur la
filiation de ce mot et de toute la famille qu'on
peut grouper autour de lui, des détails inté-
ressants. Il le rattache au thème déjà si
fécond band, qui se retrouve dans la plupart
des idiomes indo-européens, avec lo sens do
lier, attacher. La forme zende du participe
passif de cette racine, baskta, est restée,
comme il le montre, dans les langues germa-
niques. Ainsi, en allemand moderne, bast si-
gnifie proprement l'écorce intérieure, le liber
dos arbres, littéralement ce qui est lié ou ce
qui lie. M. Delâtre fait dériver directement
de bast l'italien bastô (selle), pour les bêtes
de somme, et, médiatement, le français bast
(bât) ; bâter, débâter. Le mot allemand bast
se prend encore dans l'acception plus spéciale
do filasse; le suédois se sort même du verbe
basta pour dire lier avec de l'écorce d'arbre.
De là viendrait l'italien bastire (mettre en-
semble) ; l'espagnol bastire (préparer, dispo-
ser): le vieux français bastir, bâtir (assembler
les diverses parties d'un vêtement, les cou-
dre à grands points). Ainsi, ce serait avec
cotte signification, qui aujourd'hui nous sem-
blerait a priori dérivée, que ce vocable a
pénétré dans notre langue. Nous ferons, du
reste, remarquer combien l'idco do lier (cou-
dre) est voisine de celle de bâtir; c'est ainsi
qu'en allemand le nom générique du ciment
est bindemittel (moyen, matière pour lier).
Bâtir finit donc par vouloir dire construire,
et c'est dans cette nouvelle acception qu'il a
donné naissance aux nombreux dérivés ; bâ-
tisse, bâtiment^ édifice ou navire; rebâtir, dé-
bâtir une étoffe ; bastide, maison do campa-
gne dans le Midi, participe régulièrement
formé du verbe bastir; bastille, sorte de di-
minutif; bastille, qui a des créneaux renver-
sés,terme de blason; bastion, bastionner, etc..
La forme italienne bastinga a produit le
français bastingue, toile matelassée dont on
se servait autrefois pour bastinguer ou faire
un bastingage, espèce de retranchement
qu'on forme autour du pont supérieur d'un
vaisseau avec Ios hamacs de l'équipage, pour
se garantir de la mousqueterie de l'ennemi.
M. Delâtre rattache encore à la même famille
bastringue, qui lui paraît identique à bastin-
gue, et où r serait une lettre épenthétique ;
bastringue aurait signifié d'abord une cahute,
une guinguette; puis, par métonymio, un bai
de guinguette. Avec les mots bâtard, batar-
deau, espèce de digue faite de pieux, d'ais et
de terre, pour détourner un cours d'eau, nous
entrons dans une nouvelle série d'idées ; lo
mot italien bastone, forme d'augmentatif, qui
semble appartenir à cette série, signifia
d'abord une grosse branche d'arbre, un gour-
din; d'où le français baston et bâton, et la
riche dérivation : bâtonner, bâtonnier, bâton-
BAT
BAT
BAT
BAT
365
net, bâtonniste, bastonnade, calqué, peut-être
immédiatement sur l'italien bastonala. Il faut
nrobablement encore rapprocher de ces déri-
vés l'italien baslare (remplir, suffire), d'où
l'exclamation si connue basta (suffit ! assez !)
expression qui a pénétré, par l'intermédiaire
de la langue franque, jusque dans l'arabe
moderne. Nousavouons, cependant, que nous
ne voyons pas très-nettement la transition
de ce sens dérivé aux différentes significa-
tions que nous avons vues plus haut. M. De-
lâtre voudrait encore rapporter à la même
racine le mot basterne, qui désigne une espèce
de litière ou char attelé de bœufs, en usage
chez d'anciens peuples du Nord et sous nos
rois de la première race. Mais cette étymo-
logie nous semble suspecte, surtout quand
nous pensons au mot grec bastazein (porter) ;
bastagma et basiagé (charge, fardeau), etc.
Enfin, M. Delâtre fait remarquer qu'en
vieux français bast et baste désignaient, par
métaphore, une prostituée; il rapproche,
comme analogie de significations, le latin
cortex (écorce), et scortum; l'allemand balg
(peau), et meretrix, etc. Ce sens spécial du
mot bast est une donnée précieuse pour l'étv-
mologie du mot bâtard; car on disait indiffé-
remment fils de bast, OU bastard, bâtard).
Construire, édifier : Bâtir une église, une
caserne. Bâtir un nid , une cabane de ro-
seaux. Abraham bâtit un autel au Seigneur.
(Sacy.) Les oiseaux n'aiment pas les orangers
et n'y bâtissent pas leurs nids. (A. Karr.) Le
débordement possible des Busses fait réparer
la muraille de Chine et bâtir la muraille de
Paris. (V. Hugo.) Aujourd'hui, on bâtit avec
de la boue et du plâtre une demeure d'un jour.
(E. Sue.) Quand on ne sait plus bâtie d'églises,
on restaure et on imite les anciennes. (Renan.)
Quelle savante main a bâti ce palais 7
Corneille.
Ces remparts, qu'oui jadis bâtis des mains divines'
Sous la ronce et la mousse ils sont ensevelis.
La Harpe.
Il Couvrir de constructions : Terrain à bâtie.
Bâtir un vaste terrain.
— Par ext. Faire bâtir, en payant ou en
dirigeant la construction : Ce millionnaire bâ-
tit un hôpital danssa ville natale. (***) Cen'est
pas un seul architecte qui A bâti le Louvre (*")
Cet entrepreneur bâtit bien et vite. ("") Les py-
ramides étaient des tombeaux, encore les t'ois
qui les ont oaties n'ont-ils pas eu le pouvoir
d'y être inhumés. (Boss.)
Alidor a ses frais bâtit un monastère.
Boileau.
— Fonder, commencer à construire ; Bâtir
une ville. Amri, roi d'Israël, bâtit Samarie.
(Boss.) Alexandre, dans l'âge fougueux des
plaisirs et dans l'ivresse des conquêtes, A bâti
plus de villes que tous les autres vainqueurs dé
l'Asie n'en ont détruit. (Voit.)
— Par anal. Construire, en parlant d'un
objet formé de pièces assemblées : Bâtir un
meuble.
Viens me voir en mon faubourg,
Où, vrai patriarche,
Contre les (lots de la cour
J'ai bâti mon arche. Colletet.
— Fig. Fonder, établir : Bâtir un système
sur un paradoxe. Bâtir sa fortune sur une
banqueroute. Si notre être, si notre substance
n'est rien, tout ce que nous bâtissons dessus
que peut-il être? (Boss.) Quand on veut bâtir-
un système sur une matière dont les détails
sont totalement inconnus, comment fixer l'éten-
due des principes? (Condillac.) On ne bâtit
aucun monument durable sur le déshonneur.
(Chateaub.) On ne peut immoler une victime
sans bâtir un autel. (H. Taine.) Il bâtit un
monde de suppositions dans sa tête. (G. Sand.)
Des républiques qui bâtissent la monarchie,
des monarchies qui bâtissent la république,
et le chaos après. (Ch. Nod.)
Le temps détruit bientôt ce qu'a bâti l'erreur.
Saur in.
11 verra comme il faut dompter les nations,
Et sur de grands exploits bâtir sa renommée.
Corneille.
... Jamais ma dépense, excédant ma recette,
Ne me force a bâtir un espoir mal fonde"
Sur le terrain mouvant du tiers consolidé.
C. Delaviohe.
il Préparer, jeter les fondements de : Le per-
pétuel ouvrage de la vie est de bâtir la mort,
(Montaigne.)
— Absol. Elever ou faire élever des con-
structions -. L'art de bâtir. Sion fut la de-
meure de David; il bâtit autour et la nomma
la cité de David. (Boss.) Le vrai chrétien ne
bâtit pas sur la terre, parce que sa cité n'est
pas de ce monde. (Boss.) On bâtit dans sa
vieillesse, et l'on meurt quand on est aux
peintres et aux vitriers. (La Bruy.) Bâtir est
beau, mais détruire est sublime. (Volt.) L'art
de bâtir fut le premier art pratique, art fé-
cond, art matrice de tous les autres arts.
(Lamenn.)
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seî-
s [gneurs.
La Fontaine.
Voulez-vous un conseil? Ne bâtissez jamais.
PONSARD.
Socrate un jour faisant bâtir.
Chacun censurait son ouvrage.
La Fontaine.
— Fig. Fonder quelque chose, l'établir :
On nous propose de décombrer avant de bâtir.
(Mirab.) Ce n'est pas toujours pour soi qu'on
bâtit dans cette vie. (Chateaub.)
— Bâtir de boue et de crachats, Faire une
construction très-peu solide. Il Bâtir sur le
sable, Commencer une entreprise, fonder une
opinion, un système, sur des bases, des prin-
cipes peu solides : Voilà le sable sur lequel
on bâtit. (Mine de Sév.)
Le bien de la fortune est un bien périssable.
Quand on bâtit sur elle, on bâtit sur le sable.
Racak.
J'accorde que je quitte un bien incomparable,
Pour semer sur du vent et bâtir sur au sable.
Botrou.
J'aurais voulu bâtir, sur l'arène mouvante.
Un monument hardi pour la gloire vivante ;
Pour la gloire morte, un tombeau.
De Banville.
Il Bâtir en l'air, Former des projets, imagi-
ner des systèmes chimériques : Fonder ses
projets de fortune sur l'honnêteté publique,
c'est bâtir en l'air. Il Bâtir des châteaux en
Espagne, V. Château.
— Bâtir à chaux et à ciment, Bâtir très-so-
lidement : Je veux bâtir ma maison à chaux
et À ciment, il Fig. Etablir sur des bases
solides : Nous bâtirons un bon traité À chaux
et à ciment.
— Pop. Bâtir sur le devant, Prendre du
ventre. Se dit aussi d'une femme enceinte.
— Techn. Assembler et faufiler, en parlant ]
d'un vêtement : Je n'ai encore pu bâtir votre
robe. Les jeunes ouvrières de la couturière bâ-
tissaient d'élégants canezous de motisseline.
(Balz.) Elle bâtissait alors les plis d'une robe î
lamée. (F. Soulié.) Il Façonner sur le bassin,
en parlant du feutre destiné à la confection T
d'un chapeau.
Se bâtir, v. pr. Etre bâti : Les maisons du
boulevard se bâtissent à vue d'œil. A un si-
gne de ma tête, des palais se bâtissent, et mon
architecte ne se trompe jamais. (Balz.)
— Bâtir pour son usage, bâtir pour soi ;
Le castor qui se bâtit une cabane, l'oiseau qui
se construit vn nid n'agissent que par instinct,
(Flourens.)
— Préparer'pour soi, acquérir graduelle-
ment : Se bâtir une petite fortune,
— Impers. Il s'est bâti cinquante maisons
en un an. Il ne se bâtissait point de maison,
?u'il ne présidât à la manière de la monter,
St-Sim.)
— Syn. B&lîr, construire, édifier. Bâtir est
le terme général; il se dit du maçon qui as-
semble les pierres, et il se dit aussi de celui
qui le paye, sans s'occuper autrement du tra-
vail. Construire emporte l'idée de l'ordre dans
lequel sont disposés les matériaux, de l'art
avec lequel on distribue les diverses parties ;
il s'emploie au figuré, pour marquer l'ordre
dans lequel on assemble les mots, quand on
veut composer des phrases. Edifier veut dire
proprement élever un édifice considérable;
mais il ne s'emploie plus guère qu'au figuré ou
en histoire naturelle , et presque toujours
d'une manière absolue, par opposition à l'idée
de destruction : Partout où les hommes sésoni
habitués, le castor perd son industrie et cesse
d'ÉDIPIER. (Buff,)
— Antonymes. Démolir, détruire, raser,
renverser, ruiner.
■ — Allus. littér. Fuie encor de bâlir;
mais planter à cet âge 1 vers tiré d'une des
fables les plus philosophiques et les plus belles
de La Fontaine , le Vieillard et les trois
Jeunes hommes :
Un octogénaire plantait.
Passe encore de bâtir; mais plantera cet âge!
Disaient trois jouvenceaux, enfants du voisinage ;
Assurément il radotait.
Car, au nom des dieux, je vous prie.
Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir?
Autant qu'un patriarche il vous faudrait vieillir.
A quoi bon charger votre vie
Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous ?
Ne songez désormais qu'à, vos erreurs passées;
Quittez le long espoir et les vastes pensées;
Tout cela ne convient'qu'à nous.
Le fabuliste donne raison à la prévoyance
du vieillard, qui répond sagement :
. . . . . . . Tout établissement
Vient tard, etdure peu. La maindes Parques blêmes
De vos jours et des miens se joue également.
Nos termes sont pareils par leur courte durée.
Qui de nous des clartés de la voûte azurée
Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment
Qui vous puisse assurer d'un second seulement?
Mes arriére-neveux me devront cet ombrage :
Eh bien! défendez-vous au sage
De se donner des soins pour le plaisir d'autrui?
Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui :
J'en puis jouir demain, et quelques jours encore;
Je puis enfin compter l'aurore
Plus d'une fois sur vos tombeaux.
Dans les applications que l'on fait de ce
vers, le côté philosophique disparaît entière-
ment, et on l'applique à tous ceux qui forment
des entreprises dont il ne semble pas que leur
âge leur permette d'attendre les fruits.
Bâtir (TRAITÉ BE L'ART De). V. ART.
batirolle s. f. (ba-ti-ro-le). Un des
noms de la batte à beurre.
BATIS s. m. (ba-tiss). Ornith. Un des noms
de l'oiseau appelé traquet.
Ichihyol. — Espèce de raie.
— Encycl. Ichthyol. Le bâtis, appelé aussi
enliart, raie blanche, raie cendrée ou raie on-
dée, se distingue facilement des autres espèces
du genre raie par son corps plutôt arrondi ou
ovalaire qu'en losange. Il a le museau allongé
et pointu; la partie de la tête voisine des yeux
est munie antérieurement de quelques aiguil-
lons ; le corps en est à peu près dépourvu, si
ce n'est sur la ligne médiane du dos, qui en
présente quelques-uns épars.; la queue en a
une rangée; mais il n'y en a pas sur son
extrémité, qui est effilée. Il paraîtrait, toute-
fois, que ces détails s'appliquent surtout à la
femelle, et que le mâle présente un grand
nombre d'aiguillons sur les deux faces du
corps et sur Tes nageoires latérales, avec trois
rangées sur la queue, où ils sont beaucoup
plus forts que chez la femelle. Ces différences
entre les deux sexes ont fait regarder ceux-ci
par les anciens auteurs comme appartenant
a deux espèces distinctes, qu'ils ont nommées
raie épineuse ou rampante {raia spinosa), et
raie lisse (raia levis). La couleur de la partie
supérieure du corps est cendrée, avec des ta-
ches ou des raies noires ondulées ; le dessous
est blanc et moucheté de très-petits points
noirs. C'est l'espèce de ce genre qui acquiert
les plus grandes dimensions; sa longueur va-
rie de l as mètres, et elle atteint quelquefois
le poids énorme de lOO kilo. Le bâtis est ré-
pandu dans presque toutes les mers ; mais il
abonde surtout dans l'Océan européen. 11 se
plaît dans les eaux fangeuses, voisines des ri-
vages ; il passe néanmoins pour tenir le pre-
mier rang dans son genre pour la bonté de sa
chair, qui est blanche, ferme et meilleure,
dit-on, en hiver qu'en été. On retire de son
foie une huile assez bonne pour remplacer
l'huile d'olive dans les usages culinaires.
BÂTISSABLE adj. (V>â-ti-sa-blft — rad. bâ-
tir). Qui peut être bâti; où l'on peut bâtir :
Eglise bâtissable. Emplacement bâtissable.
BÂTISSAGE s. m. (bâ-ti-sa-je— rad. bâtir).
Techn. Action de bâtir le feutre des cha-
peaux.
BÂTISSANT (bâ-ti-san). Part. prés, du v.
Bâtir : Autrefois, en bâtissant une demeure,
on travaillait, on croyait du moins travailler:
pour une famille éternelle. (Balz.)
BÂTISSE s, f. (bâ-ti-so — rad. bâtir).
Archit. Construction en maçonnerie : Une
belle bâtisse. Une. bâtisse solide. La ridicule
Bâtisse fut abandonnée, et l'ouvrage nommé
confusion. (Chateaub.) J'ai défriché un champ ;
je l'ai enclos, planté, arrosé, couvert de bâ-
tisses. (Thiers.)
— Passion ou action de bâtir : La bâtisse
est un mal contagieux. Il éprouvait ces mille
attractions de la bâtisse et du jardinage, qui.
vont du monarque au petit propriétaire. (Balz.)
BÂTISSEURS, m. (bà-ti-seur— rad. bâtir).
Celui qui bâtit, celui qui aime à bâtir : Tous
les empereurs oui été d'infatigables bâtisseurs.
(.lourn.) Tous les bâtisseurs avouent qu'il ne
se peut rien voir de mieux. (Voiture.) Je trem-
blais que le vieux Cœlus ne vît changer en
truelle de plomb la truelle d'or du bâtisseur
de Troie. (Chateaub.)
— Fig. Celui qui fait, qui élabore, qui pro-
duit quelque chose : Un bâtisseur de lois.
Cela regardait... une société de bâtisseurs
occultes, gui apportent, depuis une centaine
d'années, des matériaux à la Babel intellec-
tuelle. (Ch. Nod.) Dans ce sens, se prend tou-
jours en mauvaise part.
— Pop. Mauvais constructeur ou mauvais
architecte : Un détestable bâtisseus.
— Antonyme. Démolisseur.
BÀTISS1ER (Louis), archéologue français,
né à Bourbon-l'Archambault en 1813. Après
s'être fait recevoir docteur en médecine en
1842, il s'adonna presque* exclusivement à
l'étude de l'archéologie, et fut nommé consul
de France a Suez. On a de lui des ouvrages
estimés : le Mont-Dore et ses environs (1840) ;
Eléments à" archéoloqie nationale (1843) ; His-
toire de l'art mou /mental dans l'antiquité et
an moyen âge (1845). Il a, en outre, retouché
et continué YHistoire de Paris, par Dulaure,
et composé divers mémoires sur le Bourbon-
nais.
BÂTISSOIR s. m. (ba-ti-soir — rad. bâlir).
Techn. Appareil de tonnelier, pour tenir les
douves assemblées pendant la construction
du tonneau.
BATISTE s. f. (ba~ti-ste — du nom de l'in-
venteur). Comm. Toile de lin ou de chanvre,
très-fine et très-serrée : Un mouchoir, un ri-
deau de batiste. Nos larmes se tarirent dans
ta batiste embaumée de ce mouchoir. (G. Sand.)
On emploie, pour tisser la batiste, un fil-très-
blanc nommé rame, qu'on tire du Mainaut.
(Bouillet.)
— Batiste hollandée, Batiste très-forte, qui
ressemble à la toile de Hollande, n Batiste
d'Ecosse, Nom impropre d'une étoffe de coton
à tissu très-serré.
— Encycl. La batiste est une sorte de toile
blanche, très-fine et très-serrée, qui forme le
plus fin de tous les tissus de lin ; elle doit pré-
senter un aspect brillant ou soyeux, dû au
lustré du fil à la main qui entre dans sa fabri-
cation. Ce fil est le produit d'un lin très-fin,
qu'on appelle rame , et qui vient particulière-
ment dans le Hainaut français. La batiste doit
son nom à Baptiste Chambray, industriel du
xme siècle , qui fabriqua le premier cette
sorte de toile. Selon d'autres, ce nom lui au-
rait été donné par analogie avec une toile des
Indes, très-blanche et très-fine, qu'on appelle
bastas. Lorsque la batiste n'est pas tissée avec
encadrements pour mouchoirs, elle se fabri-
que le plus souvent à 0 m. 80 ou 0 m. 90 c.
de large. Quoiqu'elle s'imprime moins bien
que les étoffes de coton, elle reçoit néan-
moins, soit des impressions de vignettes, soit
des encadrements de couleur pour mouchoirs,
soit de petits dessins pour chemises. La fabri-
cation de la batiste, qui a été longtemps un
privilège exclusif de la France, s'est étendue
aujourd'hui en Angleterre, dans les Pays-
Bas, et même en Suisse, en Bohême et en
Silésie. Néanmoins, la France en exporte
encore annuellement une grande quantité.
BAT1STIN (Jean-Baptiste Struck, dit), mu-
sicien d'origine allemande, né à Florence,
mort à Paris en 1755. 11 fut musicien ordinaire
du duc d'Orléans et de l'Opéra, où, le premier
avec Labbé, il joua du violoncelle. Louis XIV
lui accorda deux pensions pour le retenir en
France et à Paris. Batistin a fait représenter
trois opéras à l'académie royale de musique :
Méléagre (1709); Manto ta fée (1711); et
Polydore (1720). '
Ses autres œuvres, ballets et opéras, com-
posés pour les spectacles de la cour, n'ont pas
été représentés à Paris. Il a laissé, en outre,
quatre livres de cantates et un recueil d'airs
nouveaux.
BATITURES s. f. pi. (ba-ti-ture). Techn.
Parcelles de fer rougi, qui jaillissent sous le
marteau du forgeron.
bat- l'eau s. m. Véner. Air qu'on fait en-
tendre lorsque le cerf est à l'eau : Sonner le
bat-l'eatt.
BATLEY, ville d'Angleterre, comté d'York,
dans le West-Riding, à 13 kil. S.-O. de Leeds ;
5,000 hab. Vaste exploitation de toutes les
branches de l'industrie des laines.
batman s. m. (batt-man). Métrol. Poids
usité en Orient, et variable suivant les loca-
lités : Le batman de Cherray vaut environ
4,592 grammes, et celui de Tauris 2,296 gram-
mes. (Complém. de l'Acad.)
BATMANSON (Jean), écrivain anglais, mort
en 1531. Il devint prieur d'un couvent de char-
treux, à Londres, et se fit surtout connaître
en publiant, contre Erasme et Luther, deux
ouvrages qu'il rétracta bientôt : Animadver-
siones in annotationes Erasmi, et Traité contre
quelques erreurs de Luther. On a également
de lui, en latin, un Traité du mépris du monde,
des Commentaires sur les Proverbes de Salo-
mon, etc.
BATNÀ. V. Bathna.
BATtLE ou BA.THN.fi, ville de l'Asie an-
cienne, dans la Mésopotamie, au S. d'Edesse ;
fondée par les Macédoniens et conquise par
Trajan; auj.,Batan ouSerudsen. || Autre ville
ancienne de Syrie, entre Berœa (auj., Aïep)
et Hierapolis (auj., Membidsch).
BATO s. m. (ba-to). Comm. Nom que les
Malais donnent aux graines du guilandina
bonducella. il On dit aussi batu.
BATOA, Ile de l'Océanie (Mélanésie), dans
l'archipel de Viti ; 9 kil. de circonférence ; peu
d'habitants; découverte par Cook. en 1773, et
reconnue par Dumont-Durville en 1827.
BATOCÈRE s. m. (ba-to-sè-re — du gr.
batos, buisson; keras, corne). Entom. Genre
d'insectes coléoptères tétramèros, de la fa-
mille des longicornos, voisin des cérambyx et
des lamies, et comprenant une douzaine d'es-
pèces, qui vivent, pour la plupart, aux Indes
orientales : Les batocères se trouvent, pen-
dant les mois de mai et juin, dans le voisinage
de Calcutta, sur le pipai, dont ils mangent les
bourgeons.
BATOGUES s. f. pi. (bato-ghe). V. Bat-
TOGUES.
BATOLITHE OU BATOLITE S. m. (ba-to-
li-te — du gr. batos, .buisson : lithos, pierre).
Moll. Genre de coquilles fossiles, syn. A'hip-
purite. V. ce mot.
BÂTON s. m. (bâ-ton — pour l'étym., v. Bâ-
tir). Morceau de bois cylindrique et assez
mince, dont on se sert comme appui en mar-
chant, et aussi comme moyen d'attaque ou de
défense : S'appuyer sur un bâton. Un bâton
d'aveugle, de berger, de voyageur. Un gros
bâton noueux. Faire mourir sous le bâton.
Mériter des coups de bâton. C'est une opinion
païenne, de dire qu'on puisse donner un coup de
bâton à qui a donné un soufflet. (Pasc.) Ces
coups de bâton me reviennent au cœur; je ne
saurais les digérer. (Mol.) Entre gens qui s'ai-
ment, cinq ou six coups de bâton ne font que
ragaillardir l'amitié. (Mol.) La correction par
les coups de bâton était la moins sévère que
les Romains exerçassent sur leurs esclaves.
(St-Evrem.) Le plus grand capitaine de la
Grèce fut-il déshonoré pour s'être laissé mena-
cer du bâton? (J.-J. Rouss.) Point de vol, ou
cent coups de bâton sur tes côtes; telle est ma
manière de voir. (G. Sand.)
Jamais coup de bâton ne cassa tête d'âne.
Ponsard.
Parbleu! je le ferais mourir sous le bâton,
S'il m'avait soutenu des faussetés pareilles.
Mot.iÉKJ.
366
BAT
BAT
BAT
BAT
Sous le bâton du paire et les crocs du malin,
Les troupeaux hébétés oubltraient leur chemin,
A, Barbier,
Dieu m'a dit : Je le veux, et, plein d'un saint courage.
J'ai pris, pour obéir, mon bâton de voyage.
C. Delavioue.
— Par ext. Bastonnade, coups de bâton :
Vous avez mérité le bâton. Vous aurez le
bâton pour avoir désobéi.
On n'en peut rien tirer qu'avecque le bâton-
La Fontaine.
— Par anal. Petit objet façonné, de forme
à peu près cylindrique : Un bâton de sucre
d'orge. Un bâton de réglisse. Un bâton de
cire d'Espagne.
— Hampo : Le bâton de la croix. Le bâton
d'une bannière. Le bâton d'une confrérie, de la
bannière d'une confrérie.
— Appui , soutien : Bâton de vieillesse.
L'analyse est le bâton que la nature a donné
aux aveugles. (Volt.) L'athéisme est un mau-
vais bâton de vieillesse. (M">e de Puizieux.)
Pour me soutenir dans le malheur, vous m'ap-
puyez sur le bâton de la philosophie. (Pourier.)
Bonne maman, consolez-vous;
Prenez un bâton de vieillesse.
BÉEANOER.
— Aveugle sans bâton, Personne qui man-
que des ressources dont elle a besoin pour
agir : Un auteur sans esprit, un industriel
sans argent, sont deux aveugles sans bâton.
— Bâton à deux bouts, Bâton armé de fer
par les deux bouts, et dont on se servait
comme d'une arme : Il faisait le moulinet
autour de moi avec une houssine qu'il avait
arrachée à un laquais, et il s'en escrimait
comme d'un bâton à deux bouts. (***) Le
bâton A deux bouts est une arme familière
aux Bas-Bretons. (Acad.)
— Bâton à signer ou main de justice, Bâton
surmonté d'une main de justice ou d'une main
qui fait le geste de bénir, que les rois por-
taient do la main gaucho dans les occasions
solennelles, en mémoire de la consécration
qu'ils avaient reçue. Il Bâton augurai, Bâton
recourbé par le haut, que les augures por-
taient dans l'exercice de leurs fonctions, et
que les évoques leur ont emprunté, il Bâton
pastoral, Crosse d'évêque : C'est du pied de
la croix que sont partis douze législateurs,
pauvres, nus, un bâton pastoral d la main.
(Chateaub.) L'origine de ce bâton remonte à
saint Pierre. C'était primitivement un bâton
surmonté d'une petite pièce transversale, qui
lui donnait l'apparence du tau ou de la croix
de saint Antoine. Quelquefois aussi, la partie
supérieure de ce bâton était.recourbee, ou
surmontée d'un globe en ivoire ou en os. Il
était fait en bois de cyprès ; mais cette sim-
plicité digne fut de courte durée : le goût des
ornements d'or et d'argent se développa, et le
bois disparut pour faire place au métal pré-
cieux. Ce bâton est l'insigne de la puissance
pastorale, et le prélat consécrateur, en le don-
nant au nouvel ôvèquc, lui dit : « Recevez
ce bâton, signe de votre gouvernement sacré,
et souvenez-vous de fortifier les faibles, d'af-
fermir ceux qui chancellent, de corriger les
méchants, do diriger les bons dans le che-
min du salut éternel. » C'est en parlant du
bâton pastoral que l'abbé Pascal a dit : « At-
tirez par le haut bout, gouvernez par le milieu,
corrigez par la pointe. » il Bâton du prieur,
Bâton qui était porté processionnellement
derrière l'écu d'un prieur de couvent, il Bâton
d'appui, Bâton sur lequel les clercs et les
fidèles s'appuyaient autrefois à l'office, lors-
qu'ils étaient debout, mais qu'ils devaient
léposcr pendant la lecture de l'Evangile, il
Bâton de chantre, Bâton orné, que les chan-
tres en chape portaient au chœur et dans les
processions : Les bâtons de chantre sont la
représentation des bâtons que portaient autre-
fois les Hébreux quand ils mangeaient l'agneau
pascal. (Trév.) il Bâton cantoral, Symbole de
l'autorité du premier chantre d'une cathé-
drale ou d'une grande paroisse. Il est habi-
tuellement en argent ou en bronze doré, et sur-
monté d'un petit dôme, dans lequel se trouve
la statuette au saint patron, il Bâton d'exempt,
Bâton que portait un exempt, comme marque
de distinction. Il Bâton de commandement, Ce-
lui que portent certains officiers, comme signe
de distinction et d'autorité.
— Bâton de maréchal ou simplement bâton,
Bâton orné que porte un maréchal, comme
signe do son autorité : En France, chaque
soldat porte dans son sac le bâton de maré-
chal de France. Nous avions tous bien envie
que le roi lui envoyât le nÂTON, après une si
belle action. (Mme de Sév.) Le grand Condé,
arrêtant Louis XIV prêt à pousser son cheval
dans le Ilhin, dit à ce monarque : Sire, axez-
vous besoin du bâton de maréchal? (Beau-
march.) Lorsque La Meilleraye prit d'assaut
la ville d'Hesdin, Louis XIII lui présenta sa
canne et lui dit : Je vous fais maréchal, et
voilà le bâton, (De Chesnel.)
Colonel à treize ans, je pense, avec raison,
Que l'on peut, a trente ans, m'honorer du bâton.
Voltaire.
Le bâton, ce n'est plus un hochet de faveur;
C'est le jalon qu'on plante au chemin de l'honneur.
L. Bouiluet.
il Fig. Dernier but de l'ambition, extrême
limite de la convoitise : Elle n'a point encore
quitté la rive gauche de la Seine pour la place
Saint-Georges, ce rêve de bonheur, ce bâton
»e maréchal des jeunes Aspasies de la rue de
La Harpe. (Mornand.) il On a quelquefois joué
sur cette expression, en confondant à dessein
le bâton de maréchal avec l'instrument vul-
gaire qui sert à appliquer des corrections
humiliantes : Le maréchal de Ségur, cet ex-
ministre, qui avait déclaré le tiers, c'est-à-dire
la presque totalité des Français, incapable de
porter l'épaulette , ce maréchal, qui a si bien
mérité le bâton, vient d'apprendre au public
qu'il est grandement étonné de voir publier le
livre rouge... (Cam. Desmoulins.)
— Bâton de longueur , Bâton très-long à
l'usago des bâtonnistes:Ce£ autre eïai'fpouruu,
selon la mode anglaise, d'une canne appelée
bâton de longueur, que connaissent les bâ-
tonnistes. (Balz.) Il Bâton de cage, Bâtonnet
qui sert de perchoir dans une cage, il Bâton
aeperroçwef, Perchoir de perroquet. On donne
fam. le môme nom à une maison très-haute,
et très-étroite dans toutes ses dimensions, il
Bâton de chasse, Bâton dont on se sert pour
la chasse à courre.
— Bâton de chaise, Nom que l'on donnait
aux morceaux de bois longs et forts avec les-
quels on portait les chaises dites chaises à
porteur, il Un des quatre montants d'une
chaise ordinaire.
— Loc. fam. Martin Bâton, Employé plai-
samment par La Fontaine :
Oh ! oh ! quelle caresse et quelle mélodie !
Dit le makre aussitôt; holà! Martin Bâton!
Martin Bâton accourt. . , ,
La Fontaine.
Il Volée de coups de bâton, Coups de bâton
donnés rapidement et en grand nombre : II
a reçu une bonne volée de coups de bâton.
— Tour de bâton) Tour d'adresse, il Profit
illégitime, détourne, ou non compris dans les
bénéfices d'une charge : Il a 12,000 francs, '
sans compter le tour du bâton.
Il n'est point dû coupable, un peu riche et puissant,
Dont le (oitr de bâton ne fasse un innocent.
Que l'on aille d'un grand imptorer une grâce :
Sans le tour du bâton, je doute qu'il la fasse.
Pour avoir un emploi de quelque financier.
C'est le tour du bâton qui marche le premier.
On ne veut rien prêter, quelques gages qu'on offre,
Si le tour du bâton ne fait ouvrir le coffre.
. Qu'est-ce que c'est encor que le tour du bâton ?
—Le tour du bâton?— Oui.— C'est un certain appas.
Un profit clandestin; vous ne l'ignorez pas.
BoURSAULT.
— Le bâton haut, D'autorité, impérieuse-
ment : Le chevalier de Lorraine mena Mon-
sieur le bâton haut toute sa vie. (St-Sim.)
Les consciences ne se gouvernent pas le bâton
haut. (De Choisy.)
— Peine du bâton. V. Bambou. Il A coups
de bâton, Brusquement, grossièrement, par
force : On ne doit pas recevoir les gens A coups
de bâton. Sa mère l'avait fait prêtre A coups
de bâton. (St-Sim. J
— Tirer au court bâton, Ancienne expres-
sion pour dire à la courte paille, il Fig. Con-
tester, disputer jusqu'au bout : Il ne faut pas
tirer au court bâton avec ses amis. (Acad.)
— Sortir le bâton blanc à la main, Sortir
d'une place do guerre sans armes ni bagages :
Il fut permis aux hommes d'armes, qui ne vou-
draient pas prêter serment au roi d'Angleterre,
de sortir de la ville sans rien emporter de leurs
biens, avec un bâton blanc à la main. (Ba-
rante.) Il Fig. Se retirer pauvre , dénué de
biens : Il est sorti de sa charge comme il y
était entré, le bâton blanc A la main.
— Jouer du bâton, Connaître l'art de manier
le bâton pour attaquer ou se défendre : Vous
joukz très-bien du bâton, il Signifie aussi, Se
servir d'un bâton pour donner des coups :
Enfermant au milieu de la troupe les deux
téméraires, ils se mirent à jouer du bâton sur
leurs reins , avec une merveilleuse diligence.
(L. Viardot.) Il Prendre un bâton, Agir avec
brusquerie, avec grossièreté :
... Lorsque, pour me voir, ils font de doux efforts,
Faut-il \rrcndre un bâton pour les mettre dehors ?
Molière.
— Sauter le bâton, Faire une chose malgré
soi, à contre-cœur, comme les animaux que
les bateleurs contraignent à sauter le bâton :
Il leur fallut sauter le bâton de mauvaise
grâce. (St-Sim.)
— Mettre des bâtons dans les roues, Cher-
cher à entraver uno affaire, à empocher
qu'elle n'aboutisse : Ne venez pas ici mettre
des bâtons dans les roues.
— Battre l'eau avec un bâton. Tenter dos
efforts inutiles : Ne lui demandez pas d'ar-
gent; c'est battre l'ëau avec un bâton.
— Prov. On peut jouer du bâton à deux
bouts dans cette chambre-là , Se dit d'une
chambre dégarnie de meubles, par la misère
de ceux qui l'occupent.
— Antiq. égypt. Fêtes des bâtons , Fêtes
que l'on célébrait à l'équinoxe d'automne, en
se livrant les uns aux autres des combats à
coups de bâton.
— Argot des coulisses. Perdre son bâton ,
Perdro contenance, ne savoir pas conserver
l'assurance, la rigidité de son maintien.
— Tochn. Nom commun à un grand nom-
bre d'objets de forme généralement cylin-
drique et de dimension maniable ; morceau
de bois sur lequel le planeur nettoie son mar-
teau, il Chacune des lames minces qui sou-
tiennent la fenille d'un éventail. On dit plus
souvent brin, il Portion de pâte que l'ouvrier
Sétrisseur prend à deux mains, élève au-
essus de sa tête et rejette ensuite dans le
pétrin. Il Bâton de semple , Pièce longue ,
mince , cylindrique , à laquelle on attache
toutes les cordes du semple. il Bâtonderame,
Appareil analogue auquel on fixe les cordes
de rame. Il Bâton de croisure, Bâton que l'on
emploie à croiser les fils de chaîne d'une ta-
pisserie. Il Bâton de gavassinière, Pièce d'our-
dissoir, n Bâton de preuve, Pièce de bois apla-
tie, avec laquelle le raffineur abat la matière
en ébullition et en fait l'essai, il Bâton à égri-
ser, Morceau de bois cylindrique, sur lequel
on cimente le diamant que l'on veut égriser.
Il Bâton à cire, Morceau do bois enduit de
mastic humide, avec lequel le metteur en
œuvre happe les petits diamants, n Bâton à
gant ou tournegant, Morceau de bois tourné
en fuseau, dont se sert le gantier, n Bâton à
dresser, Rouleau avec lequel l'orfèvre aplanît
certaines plaques fort minces et qui font res-
sort, ce qui les expose à sauter. Il Bâton à
frotter, Cylindre entouré de peau do chien
de mer, avec lequel le formier et l'orfèvre
polissent leur ouvrage. Il Bâton à tourner,
Cylindre mince et long, muni d'une rainure,
avec lequel on fait tourner l'ensuple. Il Bâton
rompu, Fer coudé à angle très-ouvert, dont
se servent les serruriers, il Ornement de ta-
pisserie, qui consiste en des bâtons entrelacés.
— Archit. Grosse moulure en saillie, à la
base d'un pilastre, il Bâtons rompus, Ornement
consistant en des sortes de bandes ou filets
entrelacés et brisés de distance en distance,
comme on en voit fréquemment dans les mo-
numents de l'époque romano-byzantine.
— Mus. milit. A bâtons rompus, Manière de
battre le tambour en donnant deux coups de
suite avec chaque main, et sans produire de
roulement proprement dit. il Fig. Sans suite,
par boutades : Crébillon travaillait À bâtons
rompus à ce Catilina. qu'il annonçait depuis
dix ans. (Marmontel.) Gui-Patin "est de ces
esprits À bâtons rompus qui ne vont point jus-
qu'au bout d'une conséquence. (Ste-Beuve.)
Madame Sand aura tenu, durant une huitaine
de jours, Amyot entr'ouvert ; elle l'aura lu À
bâtons rompus, et elle se l'est infusé plus
abondamment et plus au naturel que le docte
et exquis Courier durant des années de dégus-
tation et d'étude. (Stc-Beuvo.) Ne sois pas
trop sévère pour cette correspondance À bâtons
rompus. (Gér. de Nerv.) n On a même em-
ployé cette locution adjectivement, pour dé-
signer une personne qui n'a pas de suite dans
ses idées : Je suis comblé de joie, mais j'ai en
même temps une peur horrible ; attendez-vous
à me trouver bien bÂitons rompus. (Mme duDeff.)
— Mus. Barre qui coupe une ou plusieurs
portées et qui indique, a l'aide d'un chiffre
dont ello est surmontée, un certain nombre
de mesures à compter. C'était, autrefois, par
la longueur même do la ligne que l'on con-
naissait le nombre de ces portées, c'est-à-dire
qu'il fallait compter autant de mesures que
la barre occupait d'intervalles, il Bâton de
mesure, Sorte de baguette dont se sert un
chef d'orchestre pour battre .la mesure : Un
chef d'orchestre de l'Opéra, qui abusait du
bâton de mesure, avait été surnommé le Bû-
cheron. Les chœurs, se trouvant quelquefois
placés au fond du théâtre et fort éloignés de
l'orchestre, seraient à tout moment, sans le
secours du bâton de mesure, hors de tout
rapport avec les instruments qui les accompa-
gnent. (Millin.) Lulli , ne sachant comment
donner le sentiment de la mesure aux violons
de Louis XIV, s'était armé d'un bâton haut
de six pieds, dont il frappait rudement le plan-
cher. (Vitet.) Jusque vers la fin du dernier
siècle, on appelait bâton de mesure un simple
rouleau de papier; à l'Opéra seul, on se ser-
vait d'un bâton. Plus tard, cet usage fut
adopté par tous les théâtres. Lorsque Mcyer-
beer mourut, il légua au chef d'orchestre de
l'Opéra le bâton de mesure en argent massif,
qu il tenait de la libéralité d'un souverain
étranger.
— Mac Mâtcreau qui porte un pavillon ou
une flamme : Bâton de pavillon. Bâton de
flamme, il Bâton de commandement, Celui qui
porte le pavillon du commandant, il Bâton de
girouette, Mâtcreau qui porte la girouette, il
Bâton de foc, bâton de clin-foc , Bout dehors
de foc, de clin-foc. il Bâton de cornette, bâton
de flamme, Morceau do bois qu'on introduit
dans la gaine pratiquée à ces signaux flot-
tants, il Bâton de gaffe, Manche d'une gaffe, n
Il Bâton d'hiver, Mât do perroquet sans flèche,
pour les mauvais temps, n Bâton de vadel ou
de guipon, Morceau de bois qui porte le bou-
chon d'étoupe du calfat. il Bâton à pompe, Tige
de la pompe.
— Art milit. anc. Nom générique des ar-
mes droites, comme lances et épées, avant
l'invention de la poudre. Il Bâton à feu, Fusil,
après l'invention de la poudre. Il Gros bâtons,
Canons, à la même époque.
— Calligr. Barre un peu longue : Je lui fis
faire des bâtons sur le papier, comme d un
enfant. (Gér. de Nerv.) Il écrivit en gros bâ-
tons écrasés. (P. Fév.)
— Phys. Bâton électrique, Cylindre de bois
imbibé d'huile bouillante, doué de la pro-
priété de s'électriscr par le frottement.
— Mathôm. Bâtons ou baguettes de Néper,
Instrument de calcul inventé par le géomètre
anglais Jean Néper ou Napier, qui en publia
la description en 1617 : La manière de calcu-
ler au moyen des bâtons de Néper se nomme
rabdologie.
— Bâton de Jacob , Petite baguette en
ébène, à bouts d'ivoiro, et longue de 40 à
50 centimètres, que les escamoteurs tiennent
habituellement à la main lorsqu'ils exécutent
leurs tours d'adresse. Elle leur sert à frapper
et à renverser les gobelets, et, comme l'opé-
rateur la tient fréquemment dans la main où
il cache les muscades, elle favoriso cette sub-
tilité. Il existe de ces bâtons qui sont creux,
dont la cavité est fermée par un opercule que
l'on fait mouvoir à son gre, au moyen d'une
vis de rappel fixée à une tige intérieure.
On cache dans cetto cavité des muscades, des
graines ou d'autres corps que l'on fait passer
soit sous les gobelets, soit dans les poches
des spectateurs.
— Astron. Bâton de Jacob, bâton astro-
nomique , arbalète ou arbalestrille , Instru-
ment dont on se servait autrefois pour mesu-
rer la hauteur des astres en mer : On peint
les anciens astronomes avec un bâton de Jacob
d/amm'n. (Trév.) n Constellation, aussi connue
sous le nom de Baudrier d'Orion.
— Art culin. Bâton de Jacob, Petit gâteau
oblong, qui contient de la crème et qui est
souvent glacé.
— Bot. Bâton de Jacob, Asphodèle jaune, li
Bâton de saint Jean , Persicaire d'Orient, il
Bâton d'or, Giroflée jaune, il Bâton de saint
Jacques , Rose trémiere. Il Bâton de casse ,
Fruit de la casse à bâton, il Bâton royal, As-
phodèle rameux.
— Blas. Bâton royal, Lance ornée de ban-
deroles, u Bâton noueux, Branche d'arbre éco-
tée : Famille Thomassin : d'azur, à deux bâ-
tons noueux d'or en croix, il Bâton péri, Bande
ou barre raccourcie par les deux bouts et
n'ayant qu'un tiers de la largeur ordinaire. Il
Bâton en barre, Barre qui n'a qu'un tiers do
la largeur ordinaire, et qui désigno ordinaire-
ment une branche bâtarde, il Bâton en bande,
Bande qui n'a qu'un tiers de la largeur ordi-
naire, et qui désigne le plus souvent une
branche cadette. Il Bâton alaise, Bâton qui
n'atteint pas les bords de l'écu. Il Bâton péri
en bande, Bâton alaise placé de droite à gau-
che, comme la bande. Il Bâton péri en barre,
Bâton alaise, placé de gauche à droite, comme
la barre dans les armes de bâtards.
— Parfum. Bâton aromatique^ Pâte sous
forme de petits cylindres que l'on emploie pour
parfumer les appartements, et qui est formée
de substances dont le nombre et la nature
sont très-variables. Les bâtons aromatiques
russes, qui passent pour une des plus suaves
préparations de ce genre, contiennent les
matières suivantes : baume de tolu, baume
de la Mecque, baume du Pérou, storax cala-
mite, cannelle, cascarille, benjoin, girofle,
sucre, vanille, musc, ambre gris, succin,
laque carminée, esprit de roses; pour s'en
servir, on les frotte sur une pelle chauffée.
— Encycl. Arithm. Les bâtons de Néper ont
pour objet de faciliter les opérations de l'arith-
métique en réduisant les multiplications à des
additions, et les divisions a des soustractions.
Ils sont surtout utiles quand il s'agit d'opérer
sur de grands nombres. Ils consistent en uno
série de petites règles de bois, de corne, do
métal, d'ivoire ou de carton, dont la face an-
térieure est partagée en 9 carrés, chacun di-
visé en deux triangles par une ligne diago-
nale. Chaque règle porte une des colonnes de
la table de multiplication ; seulement, comme
on le voit ci-dessous, les carrés de ces co-
lonnes sont disposés de telle sorte que le
chiffre des unités occupe le triangle de droite
et le. chiffre des dizaines le triangle de gauche.
Voici maintenant comment on procède. Soit
à multiplier 5;978 par 937. Après tivoir assem-
blé l'une à coté de l'autre les règles 5, 9, 7
et s, de manière que la réunion de leurs qua-
tre premières cases forme le multiplicande
5,978, on place a leur gauche, ainsi que le
montre la deuxième ligure, la règle-index 1 :
cette règle, qui porte seulement les neuf ca-
ractères numéraux, est simplement destinée à
faciliter l'opération en montrant dans quelle
case horizontale il faut chercher les produits.
En faisant la multiplication suivant l'usage
ordinaire, on multiplierait d'abord tous les
chiffres du multiplicande par le dernier chif-
fre 7 du multiplicateur, et l'on obtiendrait
pour produit 41,846. Or, ce produit est tout
fait dans la série des cases horizontales pla-
cées en regard du chiffre 7 de la règle-index.
On écrit à part le 6, qui occupe le triangle do
droite de la dernière de ces cases; on addi-
tionne ensuite le 5 du triangle do gauche do
cette même case avec le 9 de la case précé-
dente, ce qui donne 14 : on pose 4 à la gauche
du 6 déjà écrit, et l'on retient 1. Cet l, ajouté
au 4 de la même case et au 3 de la case pré-
cédente, donne 8, que l'on pose à la gauche
du 4. Ajoutant alors le 6 de la même case au
5 de la case précédente, on obtient U. On
pose l à la gauche du 8, et l'on retient 1, qui,
ajouté au 3 de la même case, fournit 4, que
l'on pose à la gauche de L Tous les chiffres
écrits à côté les uns des autres forment ainsi
le produit partiel 41,846. Passant au second
chilfre 3 du multiplicateur, et, agissant de la
même manière, on trouve le second produit-
partiel 17,934, dans la troisième colonne ho-
rizontale. Enfin, la neuvième colonne hori-
zontale donne le troisième produit partiel
53,802, c'est-à-dire celui de tous les chiffres du
multiplicande par le chiffre des centaines du
BAT
BAT
BAT
BAT
367
multiplicateur. Pour avoir le produit total, il
ne reste plus qu'à disposer les trois produits
Fartiels comme à l'ordinaire, et à en faire
addition : on a pour résultat final le nombre
5,601,386.
41,846
179,34
5,380,2
5,601,386
Tout, dans cette multiplication, s'est donc ré-
duit à de simples additions. — Soit mainte-
nant à diviser 5,601,386 par 5,978. Après avoir
disposé, comme ci-dessus, les règles qui por-
tent en tète les chiffres du diviseur, on place
à leur gauche la règle-index, qui doit servir
à indiquer les quotients partiels, suivant les
cases horizontales où se trouvent les dividen-
des. En exécutant la division selon la mé-
thode vulgaire, on commence par chercher
combien de fois 5,978 est contenu dans 56,013.
Or, ce dernier nombre, ou du moins celui qui
en approche le plus, est dans une des colon-
nes horizontales. Quelques tâtonnements ap-
prennent que c'est dans la neuvième. Pour l'y
reconnaître, on procède comme pour la mul-
tiplication. Ecrivant à part 2, chiffre du trian-
gle de droite de la dernière case, on dit : 7 et
3, 10; je pose 0 et retiens 1, qui, ajouté ko et
à 1, donne 8; je pose donc 8; S et 5 font 13,
je pose 3 et retiens 1, qui, ajouté à 4, donne 5.
On a ainsi pour résultat 53,802, qui est le plus
grand nombre au-dessous de 56,013. Le quo-
tient est donc 9, mais il reste 2,211, différence
de 56,013 et de 53,802. Prenant donc ce reste
et écrivant à sa droite le chiffre 8 du divi-
dende, on a le nombre 22,118, que l'on cherche
dans une des colonnes horizontales. On re-
connaît que la troisième contient 17,934, qui
est le plus grand nombre au-dessous de 22,118.
On en conclut que 3 est le second chiffre du
quotient, et on récrit à la droite du 9 déjà
trouvé. Il reste 4,184, différence de 22,118 et
de 17,934. On place à la droite de ce reste 6,
dernier chiffre du dividende, et l'on trouve
que le nombre 41,846 ainsi formé est exacte-
ment contenu dans la septième colonne hori-
zontale. Ecrivant donc 7 à la droite des deux
chiffres déjà trouvés, on voit que 937 est le
quotient de 5,601,386 divisé par 5,978. — De-
puis leur invention, les bâtons de Néper ont
été modifiés de plusieurs manières, mais la
forme ci-dessous,qui est la forme primitive,
est la plus simple.
1
1
2
3
4
5
6
7
8
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0
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— Anecdotes. Voici une lettre énergique
d'une femme irritée : « Maraud, si les coups de
bâton pouvaient s'écrire, tu ne lirais ma lettre
que. sur ton dos. »
Un fanfaron avait reçu des coups de bâton
sans mot dire. Celui qui les lui avait adminis-
trés le craignait assez peu pour s'en être
vanté. Quelque temps après, le bâtonné me-
nace un poète, qui avait lâché quelque épi-
gramme à son sujet, de lui donner une volée
de coups de bâton : « Parbleu, répliqua le
poète, cela ne vous sera pas difficile, puisque
vous les avez reçus hier. »
Un auteur ayant fait une comédie, dans la-
quelle il avait glissé quelques traits équivo-
ques qui pouvaient désigner un grand person-
nage étranger, fort riche, fut assailli, sur la
brune, par trois spadassins qui vengèrent sur
son dos l'offense supposée. Comme la pièce
avait eu beaucoup, de succès, quelqu'un dit
qu'elle avait valu à l'auteur mille écus. —
Oui, répondit un autre, qui était dans le se-
cret, sans compter le tour du bâton.
♦ *
M. de Stainville menaçait Clairval, acteur
de la Comédie Italienne, qui vivait depuis
longtemps avec Mme de Stainville, de lui ad-
ministrer une correction, a M. de Stainville me
menace de cent coups de bâton si je vais chez
Sa femme, disait Clairval à ce propos; ma-
dame m'en offre deux cents si je ne me rends
pas à ses ordres. Que faire? — Parbleu, ré-
pondit Caillot, ami de Clairval, obéir à la
dame : il y a cent pour cent à gagner. »
*
Le marquis de Villette ayant écrit une lettre
d'injures à Sophie Arnould, sa maîtresse, avec
laquelle il s'était brouillé, reçut du comte de
Lauraguais, son successeur, un manche à balai
soigneusement empaqueté, et sur l'enveloppe
duquel étaient ces deux vers que "Voltaire avait
composés pour une statue de l'Amour : .
Qui que tu sois, voici ton maître :
Il l'est, le fut ou le doit être.
Le maréchal de Duras ayant menacé Lin-
guet de le faire périr sous le bâton, ce dernier
lui répondit : « Monsieur le maréchal , vous
n'avez pas coutume de vous en servir. » Cette
anecdote donna lieu aux vers suivants :
Monsieur le maréchal, pourquoi tant de réserve?
Quand Linguet le prend sur ce ton.
Que ne le faites-vous mourir sous le bâton,
Afin qu'une fois il vous serve ?
De noblesse à noblesse, on sait la différence,
Disait quelqu'un; sans me vanter,
Dans ma maison je puis compter
Jusqu'à douze hâtons de maréchal de France.
C'est bien honnête ! — Eh ! qu'est cela?
Dit un Gascon ; belle vétille!
Depuis cent ans et par delà,
Ce n'est qu'avec ces bâtons-lît.
Que l'on se chauffe ea ma famille.
— Allus. litt. Le» bâtons douant», allusion
à la fable de La Fontaine, le Chameau et les
Bâtons flottants.
On avait mis des gens au guet,
Qui, voyant sur, les eaux de loin certain objet,
Ne purent s'empêcher de dire
Que c'élait un puissant navire.
Quelques moments après, l'objet devint brûlot,
Et puis nacelle, et puis ballot,
Enfin bâtons flottants sur l'onde.
Et le fabuliste conclut par ce vers :
De loin c'est quelque chose, et de près ce n'est rien.
Quoique La Fontaine commette ici une hé-
résie d'optique, les bâtons flottants n'en sont
pas moins passés en proverbe, pour désigner
toute chose, ou plutôt toute personne qui perd
à être vue de près. C'est, dans un ordre d'i-
dées plus général, le major e longinquo reve-
renlia des Latins.
Bâtons flottant» (les), comédie en cinq ac-
tes et en vers, de M. Liadières, représentée à
Paris sur le théâtre de la République, le
2S juin 1851. Ces bâtons flottaient sur l'eau
depuis 1844, lorsqu'il fut donné enfin à l'au-
teur de les pousser au rivage, et au public de
les saisir. 1 De loin c'est quelque chose, et de
près ce n'est rien. «Jamais le vers du fabuliste
ne se trouva plus cruellement réalisé, L'auteur,
.quoique un des serviteurs les plus zélés du
trône de Juillet, officier d'ordonnance du roi,
député conservateur et-' familier des Tuileries,
avait eu quelque peu maille à partir avec la
censure. Sa pièce photographiait l'époque et
mettait en scène des ministres et des députés
qui, par la force même des choses, devenaient
de vivantes personnalités. M. Duchâte! au-
rait bien désiré ne pas laisser jouer cet ou-
vrage; d'un autre côté, il ne voulait pas dé-
sobliger l'auteur. On demanda à ce dernier
d'atténuer la vivacité de certains passages.
M. Liadières ne consentit qu'à ajourner la re-
présentation de sa comédie ; mais, dans le
public, tant qu'ils étaient hors de vue, on parlait
beaucoup de ces fameux bâtons flottants.
D atermoiements en atermoiements, ia révo-
lution de Février arriva. L'auteur put donner
librement sa comédie ; il la remania et la fit
jouer en 1851. Mais ses portraits et ses satires
avaient perdu de leur à-propos, et la versifi-
cation molle, flasque et filandreuse de cet
homme du monde improvisé poète, n'était pas
faite pour intéresser le spectateur. Aussi les
Bâtons flottants ne flottèrent-ils pas longtemps,
a Par quel bout prendre ces bâtons? écrivait,
en juin 1851, M. Théophile Gautier. Traiterons-
nous M. Liadières comme artiste ou comme
homme du monde ? Ce serait une rigueur inu-
tile et cruelle d'appliquer les règles sévères
de l'art à quelqu'un qui ne les soupçonne pas,
qui n'est pas du métier et n'a pas martelé sur
1 enclume, dès sa jeunesse, ce dur métal de la
langue, si rebelle à prendre les formes qu'on
veut lui donner; le regarder comme un ama-
teur agréable, abusant d'une facilité banale
de rimer à peu près de la prose coupée en
tranches d'alexandrins, et lui adresser quel-
ques-uns de ces éloges vagues dont on est
libéral envers les choses qui n'ont aucune
importance, ce serait peut-être blesser plus
vivement encore son amour-propre d'auteur
accidentel.. . Si de simples auteurs, Balzac,
Léon Gozlan, Méry, ou tout autre d'une litté-
rature avérée, eussent fait une pareille pièce,
comme on leur aurait dit que leurs personna-
ges étaient d'invention, que rien de semblable
ne se passait dans le monde, qu'ils ignoraient
les affaires et prenaient leurs songes creux
pour des réalités I M. Liadières, lui, a pratiqué
les hommes et les choses dont il parle ; il
était dans la coulisse, et bien placé pour
voir; ce n'était pas du fond de son cabinet
ou du haut de sa mansarde qu'il étudiait
ou plutôt qu'il supposait un monde formé pour
lui. Dans quel ministère, dans quel couloir de
la chambre, dans quelle rédaction de journal
l'auteur des Bâtons flottants a-t-il rencontré
Duvernay , Soligny et Montbrun , pâles sil-
houettes, incertaines découpures? Ministre,
député et journaliste, est-ce donc la peine
d'avoir trempé si longtemps dans la politique,
pour en savoir moins que les hommes d'Etat de
M. Scribe?» M. Liadières a fait, en effet, de ses
héros de tristes silhouettes qui flottent, nagent
et s'embarrassent à travers de plates péri-
phrases. Une versification contournée, sans
rhythme et sans rimes, détestable pastiche de
la plus pauvre des poésies, celle de l'em-
pire, enveloppe comme d'une brume opa-
que l'idée prétendue philosophique de l'ou-
vrage. Les Bâtons flottants, c'est le pouvoir
qui n'est rien de près, si de loin il semble
quelque chose. Après cela, l'auteur cherche
à prouver que nul n'est plus malheureux
qu un ministre, parce qu'on fait des articles
contre lui dans les journaux, qu'il est ca-
lomnié et que son bonheur conjugal est
troublé.
Le ciel de Duvernay n'est pas exempt d'orage.
Le pauvre homme ! L'auteur-député qui écri-
vait toutes ces jolies choses n'aurait pas
voulu être ministre, sans doute, à moins pour-
tant qu'on ne l'eût violenté ; car il n'y a, pour
sûr, a ses yeux que les .ministres qui soient
malheureux en ménage ; eux seuls entre les
hommes sont calomniés. Mais tirons le rideau
sur cette comédie, qui avait la prétention de
retracer les mœurs gouvernementales, et qui
ne retrace absolument rien. Nous ne la men-
tionnons ici que parce qu'oD en évoque encore
le souvenir de loin en loin, sorte de vitalité
posthume qu'elle doit à la quarantaine un peu
prolongée que lui a fait subir la censure.
Itûtoii (les coups de), dans les relations so-
ciales, la littérature et les arts. Qu'on ne rie
pas : ce titre est sérieux, et l'on renfermerait,
au besoin, dans ce chapitre l'histoire philoso-
phique de l'humanité. Lorsque le premier
nomme s'éveilla à la vie dans l'Bden, il étendit
les bras autour de lui, prit une branche d'arbre
et la brandit dans sa main puissante. Sans
doute, il y a loin de la canne d'Adam à la canne
de M. de Balzac, mais, par cela même, que de
faits curieux à tous les points de vue comblent
la distance qui sépare ces deux bâtons! Le
bâton fut la première arme de l'homme et fut
complice du premier meurtre. L'assassin et sa
victime étaient enfants du même père et de la
même mère. Aujourd'hui, Caïn dédaignerait la
classique massue et renoncerait à assommer
Abel. Est-ce donc que le fratricide a disparu
de nos mœurs? Non. Le crime est resté; les
moyens de le commettre se sont centuplés,
voila toute la différence. Grâce à la civilisa-
tion, Caïn n'aurait que l'embarras du choin
pour se défaire d'un frère incommode, soit en
lui brûlant la cervelle, soit en le poignardant,
soit en lui versant à dose calculée un lent, mais
sûr toxique. Toutefois notre intention n'est pas
d'écrire une monographie complète du bâton,
monographie tour à tour attristante et comique,
que nous laissons à d'autres le soin d'élaborer
à loisir. Il y a d'ailleurs coups de bâton et coups
de bâton, comme il y a fagots et fagots. Sga-
narelle s'apprétant à frapper sa femme .lui
dit : 1 Voila, ma douce moitié, le vrai moyen
de vous apaise»*,» et quand, aux cris de Martine,
M. Robert intervient, l'épouse, relevant le chi-
f non, déclare toutfièrementqu'illuiplait d'être
attue, ce qui induit certaines gens à prétendre
que la plus faible moitié du genre humain aime
a être battue par la plus forte ; on a même écrit
sur cet important sujet un livre intitulé ou à
peu près : De l'utilité de battre sa feï.ime. Les
coups de bâton, au dire de Sganarelle, qui
semble s'y connaître, « ce sont petites choses
de temps'en temps nécessaires dans l'amitié. •
Je ne sais si beaucoup de femmes partagent
cet avis. Plus d'une, qui a tâté du balai, ne s'en
est pas amendée pour cela, au contraire. Ainsi
le bon Montaigne nous conte l'histoire d'une
femme qui, « pour aucunes corrections, me-
naces et bastonnades, ne cessait d'appeler son
mari pouilleux, et qui, précipitée dans l'eau,
haussait encore, en étouffant, les mains, et
faisait, au-dessus de sa tête, signe de tuer
des... » nous n'osons dire le mot. Les femmes,
il est vrai, ont pris plus d'une fois leur re-
vanche, non à la façon de Martine, mais autre-
ment. Nous en avons pour preuve l'usage
établi dans la plupart des pays de l'Europe, au
moyen âge, de faire monter à rebours sur un
âne, et parcourir la ville ou le village en te-
nant l'âne par la queue, ia femme qui avait
battu son mari. Dans quelques endroits, les
maris qui battaient leurs femmes étaient ex-
posés au même châtiment. C'est du moins ce
que nous apprend un conseiller au parlement
de Dijon, Philibert Colin, qui a publié sur ce
sujet un poëme latin intitulé : De Majmna fes-
tiaitate quœ fit maio nïense in duros maritos
qui efferato trucique animo uxoribus plagas
tnfligunt. (Dijon, 1571, 1572, in-4°.)Ce n'est pas
de ces coups de bâton, échangés sous le toit
conjugal, que nous voulons parler, puisque en-
tre l'arbre et l'écorce,on ne doit pas mettre le
doigt ; mais seulement des coups de bâton qui
appartiennent à l'histoire. Certes, Chicaneau
disant, en frappant sur le dos de l'Intimé : «Oui-
da, je verrai bien s'il est sergent, » et l'Intimé
tendant l'échiné et s'écriant : » Frappez, j'ai
quatre enfants à nourrir » nous oflrent, au
point de vue des mœurs, des types aussi curieux
a étudier que celui de la Rissole, disant dans
une comédie de Boursault : ■ J'ai des déman-
geaisons de te casser la gueule, » ou bien en-
core « lorsqu'on me veut railler, je donne sur
la face; » nous les négligerons pourtant, ainsi
que tant d'autres dont le théâtre est plein, car
il nous est prescrit de nous borner. Qu'on songe
seulement, si l'on veut se reporter aux baston-
nades mémorables de la comédie, que le sabre
de bois du satyre grec et du bouffon romain,
devenus plus tard 1 arlequin italien, n'est autre
chose qu un bâton déguisé. Le paysan grec et
l'esclave romain , dont l'épaule est encore
meurtrie, viennent rire sur la scène de leur mi-
sérable condition , et se vengent sur un person-
nage fictif des châtiments que le maître leur
infligea. Ce maître, c'est peut-être Platon ou
Plutarque, car nous savons que Plutarque et
Platon ne se faisaient pas faute de corriger
leurs esclaves; c'est, si on l'aime mieux, Au-
guste, lequel fit fouetter Hylas, pantomime
qui s'était permis des personnalités dans Son
jeu, ni plus ni moins qu'un acteur du xixe siècle,
comme Dioclétien fit bâtonner l'acteur Genest,
qui, en jouant le chrétien, le devint et endura
le martyre. Chez nous , Arlequin se fuit
grand seigneur et rosse Pierrot, c'est-à-dire
le peuple; Pierrot, par sa gaucherie, faisait
briller Arlequin petit-maître; Arlequin, sous
le règne des Pompadour et des Du Barry,
a le sarcasme à la bouche, des vices nombreux
et de l'esprit à pleines mains; mais cet esprit
s'épuise dans les nuits de débauche, et pendant
qu'Arlequin s'enivre de Champagne entre les
bras des grandes dames qui se prostituent à
lui, Pierrot cultive son intelligence, lit les phi-
losophes au clair de la lune, apprend à dérober
le sabre de bois, et frappe celui qui l'a tant de
fois et si injustement frappé. Pierrot est le
maître maintenant, et Arlequin n'a laissé qje
des rejetons rachitiques.et impuissants. N'a-
vions-nous pas raison de dire au début que
l'histoire philosophique de l'humanité tien-
drait au besoin dans le titre de cet article? Qui
nous empêcherait, en effet, de montrer par des
exemples l'intelligence populaire, trop long-
temps abaissée, trop longtemps courbée sous
le bâton, et son émancipation progressive?
Que de fois le peuple dut, comme Esope, se
sauver du châtiment par quelque trait de sub-
tilité ! Ahl le bâton, éternel symbole du droit
du plus fort, où ne le retrouv<:-t-on pas? que
.de nobles épaules ont frémi à son brutal con-
tact: Molière, Voltaire, Racine, Beaumarchais,
et avant eux et après eux combien d'autres
encore qui sont la gloire du monde entier, ont
dû baisser la tête et dévorer l'outrage devant la
toute-puissance du bâton! Aujourd'hui, fort
heureusement, cette toute-puissance est singu-
lièrement amoindrie; mais il a fallu toute une
révolution pour proscrire de nos mœurs cette
ultima ratio des grands seigneurs de tous les
temps, devant laquelle s'inclinent encore, a
368
BAT
BAT
BAT
BAT
l'heure qu'il est, des nations qui se prétendent
civilisées.
Il existe un in-32 qui a pour titre : Du râle des
coups de bâton dans les relations sociales, et en
particulier dans l'histoire littéraire, Paris,
1858. Son auteur, M. Victor Pournel, n'a pas
fait une facétie à la manière anglaise, connus
cette Dissertation sur les coups de pied au der-
rière, que Fielding écrivit avec une finesse
mêlée d'amertume. Son livre, c'est lui qui lé
déclare, eût pu s'intituler : Histoire de la con-
dition sociale des gens de lettres, de leur abais-
sement et de leur émancipation progressive.
M. Fournel ne remonte pas plus naut que le
xvirc siècle; il s'attache aux hommes de lettres
français bâtonnés, et néglige ainsi une foule de
faits qui contiennent cependant leur enseigne-
ment; inutile d'ajouter que son étude n'exclut
ni les souffleta, ni les coups de poing-, ni les
coups de pied, • ni les autres gentillesses de
même nature, qu'on n'administrait guère aux
écrivains que lorsque l'instrument ordinaire de
ces corrections à 1 amiable venait à faire dé-
faut. » Le titre que nous avons pris indique
suffisamment que l'instrument ordinaire se re-
trouvera ici en sa compagnie obligée; nous
n'omettrons même pas la verge, et, si nous la
rencontrons, nous lui ferons notre humble sa-
lut; aussi bien elle ne nous est pas inconnue,
et nous savions ce qu'en vaut l'aune bien avant
d'avoir lu ces paroles barbares empruntées
aux Proverbes de Salomon : « N'épargne point
la correction au jeune enfant ; quand tu l'auras
frappé de la verge, il n'en mourra pas. — Tu
le frapperas avec la verge, mais tu délivreras
son âme du sépulcre .«Cette belle théorie, mise
en pratique par une douce main de femme, a
arraché a Jean-Jacques Rousseau une page
délicieuse; elle amène ici tout naturellement
une anecdote qu'il faut bien vite conter aux
grands enfants qui se sou viennent d'avoir été...
petits : Le jeune roi Louis XIII, ayant été
fouetté par ordre de la régente, alla peu après
trouver la reine; celle-ci, pour se conformer
aux usages de la cour, se leva et lui fit la
révérence. «J'aimerais mieux, dit le prince
tout brusquement, qu'on ne me fit point tant
de révérences, et qu on me fît moins fouetter. ■
Négligeons les anciens, et sautons tout d'un
coup en France, après avoir enregistré en
passant et pour mémoire, le soufflet que reçut
publiquement Démosthène sur le théâtre, au
milieu des fêtes de Bacchus, pendant qu'il
remplissait ses fonctions de chorégo. Ce fut
Midias qui le lui donna; Midias, citoyen riche
et puissant. Démosthène porta plainte devant
le peuple, qui condamna Midias; puis il com-
posa, pour être prononcé devant les juges, le
vigoureux discours que nous avons encore. Le
soufflet de Midias nous valut un chef-d'œuvre ;
le vaudeville moderne a donc raison d'affirmer
qu'un soufflet n'est jamais perdu; mais n'in-
troduisons pas la plaisanterie en de si graves
matières.
« Il est fort probable, dit M. Fournel, que des
poètes comme Gringore, Villon surtout, peut-
être même Clément Marot,que maint et maint
troubadour ou trouvère, maint enfant sans-
souci ou clerc de la basoche, durent, en plus
d'une circonstance, faire connaissance avec
le bâton, i Mis à la porte par Jehanneton,
Villon, tant il est vrai qu'amour rend les gens
bêtes, fut battu comme du linge h la rivière
par Catherine de Vaucelles et par bien d'autres
encore; quant à Gringore ou Gringoire et à
Clément Marot, ils eurent plus d'une fois maille
à partir avec le clergé, comme leur confrère
Jean de Pontalais, dont Bonaventure Des Per-
riers nous a transmis la plaisante lutte avec
le curé de Saint-Eustache.
Ne quittons pas le théâtre : Hardy, ce
Shakspeare, moins le génie, comme on l'a sur-
nommé, ce poète qui mérita, avant Corneille ,
le titre de fondateur de notre théâtre, Hardy,
acteur-auteur, s'était engagé dans la troupe
de comédiens qui succéda aux confrères de la
Passion. Il fut leur poëte à gages, s'il faut
en croire Scudéry dans sa Comédie des comé-
diens,et il composa huit cents pièces. Eh bien!
cet homme infatigable, qui soutint presque
seul la scène française pendant une longue
suite d'années, était le souffre-douleur de ceux
quj l'employaient, et, si vous voulez savoir ce
qu'il . eut à endurer dans ses pérégrinations
dramatiques, lisez le Roman comique de Scar-
ron : Hardy y est peint sous le nom de Roque-
brune. Un auteur aux gages des comédiens,
c'était quelque chose de pitoyable; mais un
auteur aux gages de gentilshommes, ce n'é-
tait pas beaucoup plus réjouissant Telle était,
en effet, surtout avant et pendant une grande
partie du xvne siècle, la condition sociale des
littérateurs, que presque tous étaient les do-
mestiques de quelque maison princière, dont ils
payaient la protection en bons mots et en dé-
dicaces. La mendicité littéraire fonctionnait du
haut en bas de l'échelle : Corneille adressait ses
épîtres au financier Montauron ; La Fontaine
payait ses quartiers de pension en vers. Le
profit que Rangouze tirait de ses dédicaces
était devenu proverbial, et la dédicace au car-
dinal Mazarin, de l'Art de faire de beaux '
enfants, valut à Quillet l'abbaye de Dou-
deauville. Pressés de la faim, les pauvres
auteurs allaient offrir leurs livres aux grands
seigneurs, qui, parfois, laissaient tomber
quelques pistoles; le plus souvent, ils s'at-
tiraient toutes sortes de déboires. Dans de
telles conditions, les écrivains ne pouvaient
être respectés. Elevés dans la servitude et le
parasitisme, ils en avaient contracté tous les
vices; aussi la dignité littéraire était-elle à
peu près inconnue, surtout avant Racine et
Boileau. L'écrivain payé par tel personnage
devait le flatter et le divertir; s'il dépassait
les limites de la plaisanterie et laissait poindre
par malheur l'épigramme au coin de sa lèvre,
les coups de bâton pleuvaient dru sur sa mai-
fre échine, et le pied des valets le poussait
ehors, c'est-à-dire dans les bras de la misère
et de la faim. « Si tu m'importunes davantage,
tu me déroberas un soufflet, » dit un person-
nage de la Comédie des proverbes d'Adrien de
Montluc, répétant ainsi un dicton populaire
que Molière a lui-même placé dans te Méde-
cin maigre' lui. Molière avait pu l'entendre
sortir de la bouche d'un Mécène de son temps,
à l'adresse de quelque pauvre hère quêtant
le pain quotidien. Pour la satisfaction des
gens de lettres d'aujourd'hui, la plupart si jus-
tement jaloux de leur dignité professionnelle,
disons bien vite que leurs devanciers n'étaient
pas seuls à tâter du cotret; ils seront agréa-
blement surpris, sans doute, d'apprendre que
Henri d'Escoubleau de Sourdu, archevêque
de Bordeaux, mort en 1641, passait pour le
prélat du monde qui avait été le plus battu.
Le duc d'Epernon lui fit donner des coups de
bâton à Bordeaux ; une autre fois, le maré-
chal de Vitry lui appliqua un coup de canne.
La gsnt bûtonnable avait donc des confrères
en haut lieu. Louis XIII ne voulait pas
que ses premiers valets de chambre fussent
gentilshommes, afin de pouvoir les battre à
son envie; son frère, Gaston d'Orléans, fit
jeter dans le canal, à Fontainebleau, un gen-
tilhomme qui l'avait offensé, pendant que Sa
Majesté faisait appliquer, de son côté, une
douzaine de coups de bâton à un de ses servi-
teurs. Le rot soleil s'oublia un jour jusqu'à
lever sa canne sur un gentilhomme de ser-
vice; une autre fois,, il la lança par la fenêtre,
pour se dérober à la tentation d'en châtier
Lauzun. Le même Louis XIV eût, sans Mm» de
Maintenon, frappé Louvoisavec des pincettes.
Un roi d'Angleterre, George II, imita, en
1737, ce bel exemple en le perfectionnant.
Peu satisfait de quelques représentations de
son ministre Waljwle, il mit ce dernier hors
de son cabinet à coups de pied, ce qui, joint à
l'emportement avec lequel il s'était livré pré-
cédemment au même geste, à rencontre de
son propre chapeau, inspira à Fielding l'idée
d'écrire sa Dissertation sur les coups de pied
au derrière. Le cardinal de Richelieu était
sujet aussi à battre les gens. Il a plus d'une
fois battu le chancelier Séguier de Bullion,
surintendant des finances. Ces procédés aris-
tocratiques étaient fort en usage â la cour el
s'étendaient à la province. Le moindre hobe-
reau croyait se donner les plus nobles allures,
en tranchant par le bâton toute question qui
s'élevait entre les gens de rien et lui. Mena-
cer quelqu'un du bâton devint du dernier bon
goût. Plus d'un duc endetté mit le bâton au
service de sa caisse, et le fit servir a acquitter
les mémoires de ses fournisseurs. Un certain
gentilhomme était a l'article de la mort; son
tailleur^ à qui il devait une assez forte somme,
le priait de lui donner une reconnaissance.
« Bon, mon ami, écrivez. » Il dicte, et met
cent coups de bâton au lieu de la somme. Voila
donc quelles étaient les façons d'agir de cette
belle société si policée, dit-on, si raffinée
dans ses goûts, et si spirituelle. Mais ne trou-
verons-nous pas sur notre route quelque ave-
nante physionomie de femme, étrangère à
tons ces beaux moyens de rosseries gens?
Hélas I la chronique fourmille de faits qui
prouvent que le bâton, les soufflets et le reste
n'étaient pas inconnus du beau sexe, même en
haut lieu.
On connaît les habitudes garçonnières de la
fameuse Christine de Suède, et certain soufflet
qu'Elisabeth d'Angleterre donna, avec toute
la délicatesse de son sexe, dans un moment de
dépit amoureux. Eh bien, nous aimons mieux
cela : qu'une maîtresse femme soufflette le
volage qui la trompe, c'est un soufflet où il y
a du moelleux, où il y a de l'âme, sans inten-
tion de calembour : un tel soufflet peut se
donner à Lovelace; il n'a jamais honoré la
joue de George-Dandin.
Ne quittons pas le monde féminin sans parler
de cette spirituelle marquise de Boufflers,
mère du poSte, et qui devint plus tard maré-
chale de Luxembourg. Elle était fort galante,
et le comte de Tressan fit sur elle une chanson
qu'elle récompensa par un soufflet :
Quand Boufflers parut à la cour,
On crut voir îa mire d'Amour;
Chacun essayait de lui plaire.
Et chacun l'avait à son tour.
Dans sa vieillesse, la maréchale se plaisait
cependant à fredonner cette chanson, où, s'il
n'était pas question de ses vertus, sa beauté
se trouvait du moins célébrée.
Le comte de Tressan nous ramène tout na-
turellement à ces petits grimauds, barbouil-
leurs de papier que l'on rossait pour un oui
ou un non, et qui parfois s'appelaient Mal-
herbe, Saint- Amand ou Voiture; Despréaux,
J.-B. Rousseau ou Voltaire. On comprend, en
lisant de tels noms, jusqu'où pouvaient aller
ces familiarités de Martin-Bâton , auxquelles
Régnier faisait allusion en parlant des Mécè-
nes de son temps, qui, disait- il,
Nous vuyent de bon œil, et tenant une gaule,
Ainsi qu'a leur» chevaux nous en flattent l'épaule...
• Il suffisait d'un moment de colère, fait
remarquer M. Fournel, pour que la caresse
amicale de la houssine, plus fortement ap-
puyée, se changeât en un coup de cravache. »
L'usage de frapper un poëte était si bien ad-
mis, QueMUe Ségur parlait ainsi à Bonseri.de,
qui 1 avait chansonnée sur ce qu'elle mettaii
les amants en fuite par son embonpoint ;
• Dans notre race, il n.y a point de poète (de-
puis lors il y en a eu, et d'assez mauvais, hé-
las [) pour vous rendre la pareille ; mais il y
a des gens qui vous traiteront en poëte si
vous y revenez. • Traiter en poëte était une
expression consacrée, aussi bien que celle-
ci : « Recevoir son brevet de poète. » Piron,
en 1722, dans son Arlequin- Deucalion, pou-
vait dire avec beaucoup d'àpropos : « Je
vais vous payer, mais en monnaie courante
du pays, » en faisant tomber une grêle de
coups de batte sur le dos d'Apollon, On
voit, par ce qui précède, ce qu'il faut penser de
la dignité des lettres à une époque où les pau-
vrettes portaient si haut la gloire de la France.
De loin en loin, une voix s'élevait pour pro-
tester, mais si timide, que personne n'y pre-
nait garde. Le premier écrivain que nous
voyons insister pour se faire rendre justice
est Boissat. Boissat était, il est vrai , gen-
tilhomme de la chambre de Gaston d'Or-
léans, comte palatin de par le vice-légat
d'Avignon, et ancien officier; mais, de tous
ses titres, celui qui lui montait le plus à la
tête , c'était le titre d'académicien. Bâtonné
par les laquais du comte de Saulx, pour avoir,
au bal, manqué de respect à la comtesse,
Boissat exigea une réparation, n'entendant
pas que l'Académie fût ainsi avilie dans sa
personne; cela fit un bruit énorme. L'affaire
dura treize mois, au bout desquels Boissat
obtint sa réparation. On lui mit un bâton
entre les mains, pour en user comme bon lui
semblerait sur le dos de3 valets du comte,
agenouillés à ses pieds, mais Boissat se mon-
tra généreux et n usa pas de la licence. Bau-
tru , gentilhomme et académicien comme
Boissat, se laissait battre plus volontiers,
« Mon Dieu, disait Anne d'Autriche au coad-
juteur, dont Bautru avaitri,ne ferez-vous pas
donner des coups de bâton à ce coquin?» Bau-
tru se contentait de riposter aux coups de
bâton par des coups de langue. M"»« des Ver-
tus lui fit administrer une rude volée par le
marquis de Sourdis; l'excellente dame s'était
mise, pour contempler cette exécution de haute
saveur, à l'une de ses fenêtres donnant sûr le
Pont-Neuf. Le Pont-Neuf était l'endroit clas-
sique des bastonnades, et c'est là que Saint-
Amand fut trouvé, un matin, presque mort,
tant les valets de M. le Prince avaient mis de
zèle à exécuter tes ordres de leur maître, mé-
content de quelques vers satiriques. N'est-ce
pas aussi au Pont-Neuf que Bautru fut encore
étrillé par les soins du duc d'Epernon, dont il
avait raillé la fuite clandestine de la ville de
Metz? A quelques jours de là, un des laquais
qui l'avaient frappé, l'apercevant, se mit â
contrefaire les cris que le malheureux avait
poussés : • Vraiment, dit Bautru sans s'émou-
voir, voilà un bon écho ; il répète longtemps
après. < Une autre fois, la reine, lui voyant
un bâton à la main, lui demanda s'il avait la
goutte; il répondit que non : « Voyez-vous,
dit alors le prince de Guéménée, il porte le
bâton comme Saint-Laurent porte son gril :
c'est la marque de son martyre. » Bautru était
le premier à rire de ses mésaventures. Le
marquis de Borbonne ayant mis ses épaules
en capilotade, il fit de l'accident une chanson :
Borbonne
Ne bat personne :
Cependant il me bltonnc ,
et, quelques jours après, se trouvant à l'Aca-
démie, et voyant l'embarras des assistants, il
s'écria: i Croit-on que je suis devenu sauvage
pour avoir passé par les bois? » La boutade
peint son homme; mais celle qui échappa dans
une circonstance à peu près semblable au
poète Chapelle nous paraît à la fois plus fine
et plus digne. Il se trouvait à dtner à côté d'un
marquis fort ridicule, qui saisissait toutes les
occasions de le molester, parlant de vers
satiriques dirigés contre les gens de qualité, et
disant que, s'il en connaissait les auteurs, il les
rouerait de coups de bâton ; il revint plusieurs
fois à la charge, haussant le ton, gesticulant
beaucoup et gênant de plus en plus Chapelle,
l'homme du monde qui aimait le plus ses aises.
Fatigué de l'importunitédu marôuis, Chapelle
se lève et lui dit, en présentant le dos : « Frappe,
mais va-t'en. » Le marquis baisse le ton, éloigne
son siège et comble le poète de politesses. Le
mot fameux de Thémistocle n'avait pas mieux
réussi.
Boisrobert fut aussi gourmé plus d'une fois.
Richelieu le protégeait pourtant, et prit même
son parti contre Servien, seaétaire d'Etat,
qui, piqué d'un propos plaisant du mordant
abbé, lui avait dit : « Monsieur de Boisrobert,
on vous appelle Le Bois, mais on vous en fera
tâter. » A Rouen, notamment,- Boisrobert fut
étrillé par un chanoine, son collègue; il reçut,
en outre, une volée complète à la comédie, et
courut grand risque d'être assommé pour une
satire contre LaVrillière.
Les grands seigneurs se commettaient rare-
ment eux-mêmes dans ces exécutions à la
mode; ils en confiaient le soin à leurs gens.
Plusieurs, comme le duc d'Epernon, le plus
grand oatteur du royaume, avaient leurs don-
neurs d'étrivières gagés, spécialement consa-
crés à cet emploi. Fïéchier, dans ses Grands
jours d'Auvergne, nous parle d'un certain mar-
quis de Cassignac,qui levait la taille à sa ma-
nière et faisait fructifier ses terres avec beau-
coup de talent. A cet effet, il entretenait douze
scélérats, qu'il appelait ses douze apôtres, et
qui catéchisaient avec l'épée ou avec le bâton
ceux qui étaient rebelles à sa loi. Un autre,
comme M. de Lamothe-Tintry, recrutait des
gens de journée. A Paris, les choses se pas-
saient plus galamment, et Martin-Bâton n'était
guère employé qu'à, laver des injures. Ainsi,
le duc de Guise, ayant àse plaindre de la muse
badine d'un médecin, qui, tranchant du pottte,
avait chansonné sesamoursavecMll^do Pons,
fit monter ses gens chez le pauvre diable, et
demeura à la porte tandis qu'on le bâtonnait.
En parcourant l'histoire littéraire, nous ne
voyons pas les écrivains bâtonnés seulement
par des personnages d'importance, nous les
voyons encore avoir maille à partir avec do
simples valets. Desbarreaux, par exemple, fut
rossé par un laquais, qui lui fit payer cher une
plaisanterie fort innocente. Desbarreaux était
d'ailleurs habitué aux horions. Battu à Venise
pour avoir levé la couverture d'une gondole ;
battu par des paysans tourangeaux, qui attri-
buaient la gelée de leurs vignes à ses propos
irréligieux, il avait, par-dessus le marché, reçu
de Villequier une bouteille sur la tête et des
coupsdepied dans un endroitqu'on ne nomme
pas; sans compter qu'un jour, se rendant à la
fête du Landit (juin 1G23), il fut meurtri de
coups sur le grand chemin de Saint-Denis, pour
avoir apostrophé la- femme d'un procureur au
Chàtelet. Il se vengea, il est vrai, sur les ser-
gents qui venaient l'arrêter, car Desbarreaux-
maniait lui-même le bâton d'une façon supé-
rieure, s'exerçant aux heures de loisir à battre
ou à être battu avec grâce; si bien qu'une
fois, ayant été rencontré par un seigneur dans
le plus pitoyable état, et ce seigneur s'étant
informé de ce qui lui était arrivé : « Moins que
rien, répondit-il ; c'est un coquin à qui j'avais
donné des coups de bâton, et qui vient de mo
les rendre. » Après tout, un laquais bâtonnant
Desbarreaux n a rien de plus surprenant que
ce fait de madame Marie, la servante du poète
Gombauld , menaçant Conrart de le faire
fouetter par les rues de Paris, pour n'avoir
pas garde à son endroit le silence prudent qui
est resté proverbial. Nous avons vu le vaillant
Voiture berné; un bon mot sauva ses épaules.
Balzac faillit, lui aussi, être bâtonné, et par
qui ? par les Anglais, pour avoir mal parlé d'Eli-
sabeth ; une autre fois, Théophile dut mettro
l'épée à la main pour le sauver du bâton. Ce
Théophile, qui sauvait les autres, aurait eu be-
soin d'être sauvé lui-même, et le duc de Luynes
le traita assez mal sur de simples soupçons.
Ce fut surtout pour leurs prétentions aux
bonnes fortunes que les poîtes se firent bâ-
tonner. Vauquelin des Yyeteaux, cet original
si célèbre par sa vie d'épicurien, fut cruelle-
ment bâtonné par M. de Saint-Germain, qui
l'avait surpris avec sa femme. M|1|e de La
Guette nous apprend que son fils avait promis
à Marigny, le chansonnier de la Fronde, cent
coups de canne pour certaines paroles adres-
sées à une dame de sa connaissance; et pour-
tant des Yveteaux et Marigny avaient qualité
de gentilshommes, mais ils étaient auteurs, et,
par cela seul, rentraient dans le droit com-
mun. Parmi les beaux esprits d'alors, le plus
à plaindre fut l'illustre Montmaur, professeur
de grec, pédant, poète et parasite. Il serait
impossible d'énumèrer les mésaventures de ce
personnage, dont l'intrépide gloutonnerie est
devenue historique. Qu'on lise la Requête de
Fainmort de Scarron, et l'on seraédifié. Fain-
mort, bien entendu, n çst autre que Montmaur.
Le siècle de Louis XIV est l'âge d'or des
coups de bâton ; nous voyons, malgré la pro-
tection royale accordée aux lettres, les bas-
tonnades se multiplier. Chaque couplet de
chanson, chaque trait plaisant, chaque échap-
pée de langue ou de plume, est aussitôt punie -•
« Mon petit ami, disait M. de Châtillon a Ben-
serade, s'il vous arrive jamais de parler de
M"" de Châtillon, je vous ferai rouer do
coups de bâton, i On sait que Scarron a daté
une da ses épîtres de
L'an que le sieur de Benscrade
Fut menacé de bastonnade.
Benserade avait chansonné Mme de Châtillon,
qui le méritait bien. Le dos de Richelet expia
plus d'une fois les méchancetés que son maître
avait introduites dans son dictionnaire, et
quelques vers de La Fontaine nous apprennent
que Furetière eut aussi do mauvais quarts
d'heure à passer. Le satirique, dans son second
factum, avait raillé le fabuliste de n'avoir pas
su faire la différence entre le bois en grume et
le bois marmenteau, ce qui était d'autant plus
piquant que La Fontaine avait exercé la charge
île maître des eaux et forêts ; à quoi le bon-
homme répondit par les vers suivants, qui
sont pour nous une révélation :
Toi qui de tout as connaissance entière,
Ecoute, ami Furetière :
Lorsque certaines gens.
Pour se venger de tes dits outrageants,
Frappaient sur toi, comme sur une enclume,
Avec un bois porté sous le manteau.
Bis-moi si c'était bois en grume.
Ou si c'était bois marmenteau.
Boileau n'eut rien 5 envier à Furetièrp. Ro-
gnard a dit de lui :
Son dos même, endurci, s'est fait aux bastonnades.
BAT
Il courut plus d'une fois des risques sérieux,
notamment à la représentation de la Phèdre
de Racine, qu'il défendait centre le prince ae
Couti. La protection de Cuùàè ne sauva cas
Despréaux, si l'on en croit certain sonnet tait
à cette occasion :
Dans un coin de Paris, Boileau, tremblant et blême,
Fut hier bien frotté, quoiqu'il n'en dise rien.
M. de Nemours l'avait aussi menacé. Le légis-
lateur du Parnasse faillit, en outre, s'attirer
une grosse affaire avec son vers fameux. :
J'appelle un chat un chat, et Rolet un fripon.
Cent coups de bâton lui furent adressés par la
poste, en attendant mieux, far un hôtelier
blaisois, qui portait le nom de Rolet, et qui se
crut insulté.
A l'étranger, le sort des satiriques n'était
pas plus enviable. Dryden, après la publication
d'un Essay on Satire, qu'on lui attribuait à
tort, fut roué de coups par ordre de Rochester
et de la duchesse de Portsmouth; le duc de
Buckingham se mit plus tard de la partie.
L'Arétin, qui, avant Dryden, avait reçu, pour
un sonnet amoureux... a une cuisinière, cinq
coups de poignard, fut bâtonné par l'ambas-
sadenr d'Angleterre à Venise. Nous ne par-
lerons pas de son aventure avec le Tintoret.
Rappellerons-nous que Molière fut menacé
du bâton par M. de Montausier, qui se recon-
naissait, dit-on , dans l' Alceste du Misanthrope.
Molière avait un double titre à l'insolence des
grands : il était auteur et comédien. Or, les
Humiliations que l'on faisait endurer aux gens
de lettres n'étaient rien en comparaison de
celles qu'essuyaient journellement les acteurs,
placés par l'opinion commune, et par l'Eglise
surtout, au dernier échelon de l'échelle sociale.
Le parterre ne se gênait pas pour les humi-
lier, et l'on connaît les paroles de cet ac-
teur, condamné à faire des excuses au par-
terre : ■ Je n'ai jamais mieux senti qu'en ce
moment la bassesse de mon état. » Les correc-
tions de toutes sortes ne leur manquèrent pas.
Le prince d'Harcourt, pour les empêcher de
jouer une pièce de Scarron, ne voyait pas
d'autre argument à mettre en avant que le bâ-
ton ; et Bellemore, dit le capitan Matamore,
quitta le théâtre pour avoir reçu un coup de
canne de la main du poète Desmarets, dont
il n'osa se venger, parce que celui-ci ap-
partenait au cardinal. L'Amadis gaulé, co-
médie, n'est que la mise au théâtre de ce
qui arriva à 1 un des acteurs de YAmadis de
Liante, qu'un homme de qualité, dont il osait
être le rival, avait battn comme plâtre. Le
comte de Livry ne se gênait pas davantage
avec Dancourt : » Je t'avertis, disait-il à
l'auteur-acteur, que si, d'ici à la fin du souper,
-tu as plus d'esprit que moi, je te donnerai cent
coups de bâton. » Notez que le comte de Livry
était l'amant en titre de Mm« Dancourt. On
sait que le même Dancourt fut souffleté en
plein théâtre par le marquis de Sablé ivre.
Les artistes, et entre tous les artistes les mu-
siciens, subirent la loi commune. Maugars,
l'excellent joueur de viole, et le chanteur Lam-
bert eurentde fréquents démêlésavec letricot.
Lulli, qui battait volontiers ses exécutants,
reçut aussi maintes caresses désagréables.
Le cotret jouait, on le voit, un rôle im-
mense dans les relations sociales; aussi ne
faut-il pas s'étonner qu'on l'ait employé si
souvent au théâtre. C'est ainsi que, dans les
Rodomontades, le duc Aymon dit a son fils : «Si
j'empoigne un bâton, je te feray plus sage. » Au
xvne siècle surtout, les coups de gaule pieu-
vent comme grêle dans les romans aussi bien
que sur la scène, et la poésie épigrammatique
joue partout le même air; c'est là un des ca-
chets curieux de la littérature de l'époque •-
Martin-Bâton est le héros principal de toutes
les intrigues en vers ou en prose. Cyrano de
Bergerac n'a qu'un refrain : échiner son
homme t C'était un de ces coupeurs d'oreilles,
toujours prêts à mettre flamberge au vent
contre ceux qui marchaient dans leur ombre.
Montlleury, menacé par lui, ayant osé paraître
sur la scène, notre matamore lui cria, du mi-
lieu du parterre, qu'il eût à se retirer au plus
vite, sinon qu'il pouvait faire son testament
et se regarder comme mort. Montileury obéit,
car Cyrano était homme à l'embrocher sur-
le-champ. Le poète Suint-Amand réserve de
son côté une correction à son libraire dans
Y Elégie au duc de Retz ; dans son Poète crotté,
il dépeint la condition de certains auteurs
« saouls de chiquenaudes et redoutant en diable
la gaule. « La menace du bâton est d'ailleurs
si bien dans les mœurs, qu'elle prend tous les
genres et tous les tons pour aller à son
adresse :
Quoi ! Nogaret se mêle
De faire des chansons?
Ne craint-il point la grêle
De cent coups de bâtons?
Cette menace prend même le mode lyrique
sous la plume du burlesque Scarron, criant
à Gilles Boileau :
Taisez-vous, Boileau !e critique :
On fait, pour votre hiver, grand amas de fagots;
On veut qu'un bras fort vous applique
Cent coups de bâton sur le dos.
Dans ses Imprécations, Scarron souhaite de
voir fustigé à tour de bras celui qui lui a volé
son Juvénal. Il termine ainsi une de ses satires :
■ Vous savez
BAT
. . . . Qu'entra les fléaux, famine, guerre, peste,
11 en est encore un, fatal au* rimailleurs,
Fort connu de tout temps, en France comme ailleurs:
C'est un mal qui se prend d'ordinaire aux épaules,
Causé par des bâtons, quelquefois par des gaules.
Il résulte suffisamment de ce qui précède :
îo que l'abbé Cotin était dans le vrai lorsqu[il
disait que les poètes satiriques ont pour destin
de mourir le cou cassé; 2° que les écrivains
ne dédaignaient pas de se briser entre eux
quelques côtes à l'occasion, comme si les coups
de bâton qui leur venaient d'en haut n'eussent
pas suffi, si bien que les discussions littéraires
se vidaient presque toujours d'une façon plus
ou moins analogue à celle que Boileau nous a
dépeinte à la fin de sa deuxième satire sur un
repas ridicule. On connaît l'ode burlesque de
Régnier, où se trouve le récit d'un combat
acharné qui eut lieu entre ce poète et Berthelot.
Berthelot se vit administrer une autre fois par
un gentilhomme de Caen, agissant pour le
compte de Malherbe, une volée de bois vert.
Malherbe avait d'ailleurs pour habitude de
rappeler de la sorte ses confrères^ au senti-
ment des convenances. Il fut lui-même moulu
à souhait par une main experte, qui lui fit lar-
gement payer une boutade agressive. Balzac
ne se gêna pas non plus pour frapper un avocat
d'Angoutéme, qui avait plaidé contre lui: On
connaît sa fameuse querelle avec dom Goulu,
général des feuillants : elle valut à un jeune
avocat de province une correction cruelle,
qui fut administrée a celui-ci, de la part dudit
Balzac, par un gentilhomme et deux valets.
Les écrivains, comme les grands seigneurs,
avaient donc déjà, en 1628, leur séides pour ces
sortes d'aventures. Un peu plus tard, nous
voyons Ménage en démêlé avec Bussy-Rabu- ,
tin; Ménage menaça son collègue, et s'en tint
heureusement aux menaces; Boisrobert lui
rendit la pareille, et chargea un de ses neveux
de lui frotter l'échiné ; Ménage esquiva la ven-
geance de l'abbé , qui n'y allait pas de main
morte.
Un des écrivains les plus maltraités du
xviii» siècle, ce fut La Harpe, contre qui on
fit cette épigramme, à. l'occasion d'un arrêt du
parlement qui le tança vertement, et du prix
d'éloquence qu'il remporta le même jour :
La Harpe, joyeux et chagrin
Vante et pleure sa destinée ;
11 est couronné le matin,
Et fouetté l'après-dlnée.
Son visage « appelle le soufflet, » disait-on.
« Il a reçu des croquignoles de tous ceux qui
ont voulu lui en donner, lit-on dans les Mé-
moires secrets, et ne s'est vengé que par sa
plume, qui ne l'a pas toujours bien servi. ■
En' butte à la haine, au mépris, aux sarcasmes
des gens de lettres , il est malmené par Sau-
vigny, qu'il a attaqué dans le Mercure (1773);
par Dorât, qu'il a âprement critiqué (1777), et
par Linguet surtout. Les menaces de Dorât
firent tant de bruit que l'Académie s'en émut;
elles donnèrent naissance à plusieurs facéties,
entre autres à celle-ci, renouvelée d'un calem-
bour du marquis de Bièvre sur Fréron : « Une
société d'amateurs, ayant proposé l'année der-
nière un prix à qui pincerait le mieux de la
harpe, a déclaré que ce prix avait été adjugé
à M. Dorât : elle se propose de donner l'année
prochaine un prix double a celui qui, à la
satisfaction du public, aura pu, par le moyen
des baguettes, tirer de la harpe des sons plus
doux et plus harmonieux. • Deux ans plus
tard, la querelle élevée entre les gluckistes et
les piccinistes faillit coûter les oreilles ànotre
Aristarque. Entre autres gentillesses qu'on lui
décocha, on peut lire les vers d'un homme qui
aime la musique et tous les instruments, excepté
la harpe, que nous avons cités à l'article
ARMiDE, Mais nous aurions fort à faire, de
rappeler toutes les corrections, avec ou sans
accompagnement de vers et de prose, qu'il
reçut. L'auteur du Bureau d'esprit, Rutlidge,
le soufflette et lui dit : « Mon petit monsieur,
c'est un dépôt que je confie à votre joue, pour
le faire passer à tous les impudents tels que
vous, i Blin de Sainmore, dont il avait vive-
ment critiqué la tragédie à'Orphanis, le ren-
contre dans une toilette éblouissante, et le
roule dans le ruisseau. Une plume de hêtre,
disait une épigramme d'une violence inouïe,
qu'on se passait de main en main en 1777,
voila tout ce qu'il fallait pour le réduire au
silence. * Vous remarquerez sûrement, ajoute
la Correspondance secrète , le ton avec lequel
on parle â ce fameux critique. L'un lui promet
des chiquenaudes ; l'autre lui reproche d'avoir
eu des soufflets ; celui-ci fait courir une quit-
tance do coups de bâton signée de lui, et enfin
celui-là propose de le transporter, comme
partisan de 1 antiquité, au milieu de la bataille
de Cannes. Cette anecdote nous en rappelle
une autre : Un jour que l'abbé de Veyrac
s'était rangé sous une porte pour attendre la
fin d'une pluie violente, un petit-maître, qui
l'aperçut couvert d'un mauvais chapeau, en-
voya fui demander à quelle bataille son cha-
peau avait été percé. « A celle de Cannes, »
répondit l'abbé, en appliquant au valet chargé
de la missive force coups de canne sur les
épaules. Pour en revenir a La Harpe, on ne
peut s'empêcher de convenir qu'il faut qu'un
homme soit bien généralement méprisé pour
qu'on puisse impunément se permettre avec
lui de pareilles plaisanteries. Un des partisans
de La Harpe, car La Harpe avait des parti-
sans, Desaintange, le traducteur d'Ovide, fut,
après son chef de file, l'un des écrivains les
plus favorisés du tricot. Ayant été gratifié de
BAT
quelques soufflets au café Procope, il reçut
une épée de bois, avec ces vers :
Petit roi des nains de Sologne,
De Bébé petit êcuyer,
Petit querelleur sans vergogne,
Petit poète sans laurier.
Au Parnasse petit rentier,
Petit brave, au bois de Boulogne
Tu veux, en combat singulier,
Exposer ta petite trogne :
Eh bien, nous t'armons chevalier.
La Chronique scandaleuse' nous parle d'un
combat assez singulier, qui eut lieu entre le
même Desaintange et un abbé paralytique •. Il
donna des coups de canne et reçut des coups
de béquille. Le métier de critique, si l'on en
juge par ce qui précède, n'était pas une siné-
cure. Tous les Aristarques n'avaient pas, il est
vrai, le sort de La Harpe, qui, d'ailleurs, s'avisa
une fois d'envoyer à son confrère Dussieux,
l'un des rédacteurs du Journal de Paris, une
promesse de coups de bâton en récompense
d'un article contre une de ses tragédies. Mais
notre homme réussit mal : Dussieux porta
plainte au eriminel, et, sur l'intervention de
l'Académie, La Harpe dut faire des excuses à
son critique. Décidément, La Harpe avait tous
les malheurs.
En réalité, le bâton, qui se rencontre à
chaque ' instant sur les lèvres, commence à
n'être plus employé que rarement. Les me-
naces sont fréquentes, mais ne s'exécutent
guère. J.-J. Rousseau écrit-il à Saint-Lambert
pour le régenter sur sa liaison avec M"1* d'Hou-
detot : « On ne répond à cette lettre que par
des coups de bâton, » dit l'auteur des Saisons
"à Diderot. Un critique se permet-il dans un
journal quelques réflexions a l'endroit du cho-
régraphe Noverre, celui-ci court le menacer
d'une correction : « Mais, monsieur, vous me
parlez comme le pourrait faire un maréchal
de France , s'écrie le journaliste. — Si j'étais
maréchal de France, riposte le danseur, je sais
bien à quoi me servirait mon bâton. » Et les
choses ne vont pas plus loin. Lebrun, qui
depuis fut Lebrun-Pindare, mécontent d'un
jugement de Fréron, se borne a déposer chez
celui-ci une carte de visite ainsi conçue :
« M. Lebrun a eu l'honneur de passer chez
M. Fréron pour lui donner quelque chose. »
Ce Fréron est, d'aiHeurs, un insolent, qui ne
craint pas, dans son n<> 22 (1764), de dire :
« Faute à corriger dans le no 20, page 200,
ligne 12 : François-Marie de Voltaire Arouet ;
lisez : François- Marie de Voltaire à rouer. »
Fréron, cette mauvaise plaisanterie en té-
moigne assez, fut l'ennemi acharné de Vol-
taire. C'était un bon homme au fond , mais
qui disait du mal pour vivre,
Grand écumeur des bourbiers d'Hélicon,
Cet animal se nommait Jean Fréron.
Le trait qu'il lançait à l'immortel écrivain
était d'autant plus perfide, qu'Arouet, depuis
longtemps, n'était plus à rouer. On connaît
l'histoire. Un jour qu'il dînait chez le duc de
Sully, une discussion s'éleva, et comme il ne
se trouvait pas de l'opinion d'un des convives,
le chevalier de Rohan-Chabot, celui-ci, nourri
dans les hal>itudes de l'ancienne cour, et ne
soupçonnant pas qu'un poète pût servir a autre
chose qu'a divertir les grands seigneurs qui
daignaient l'admettre en leur compagnie, laissa
tomber quelques allusions de mauvais goût sur
Voltaire, qui riposta avec esprit : « Quel est
donc, demanda-t-il alors, ce jeune homme qui
parle si haut? — Monsieur le chevalier, ré-
pondit Voltaire, c'est un homme qui ne traîne
pas un grand nom^mais qui honore celui qu'il
porte. » Quelques jours après, le poète dînait
de nouveau chez le duc de Sully. Un domesti-
que vint lui dire qu'on le demandait en bas
pour une bonne œuvre. A peine est-il dehors,
que des laquais se mettent à le frapper à
grands coups de bâton, jusqu'à ce que le che-
valier, qui présidait de loin à cette exécution
sauvage, assisté de quatre autres gredins, ait
dit : « C'est assez 1 » Cependant Voltaire re-
monte et supplie le duc de Sully de regarder
comme sien l'outrage fait h. un de ses hôtes.
Le duc se refuse à tout, même à venir déposer
chez le magistrat. Voltaire s'éloigne alors, et
pour toujours,- de cette maison plus souillée
que lui-même de l'affront qu'il a reçu, rentre
chez lui et biffe de la Henriade le nom de Sully,
en même temps que celui de Rohan, qui ve-
naient d'être déshonorés. Plus tard, Voltaire
adressa la plainte suivante au ministre : « Je
remontre très-humblement que j'ai été assas-
siné par le brave chevalier de Rohan, assisté
de six coupe-jarrets, derrière lesquels il était
hardiment posté. J'ai toujours cherché depuis
ce temps à réparer, non mon honneur, mais
le sien, ce qui était trop difficile... » Les tri-
bunaux restèrent muets ; mais Voltaire, qui
avait tout plein de sang français dans les
veines, voulut se faire justice lui-même. Il
s'enferme, et apprend l'escrime pour se battre,
et l'anglais, pour vivre hors de France après
le duel. Une fois en mesure de tenir une épée,
il défia son déloyal ennemi en termes si mé-
prisants, que le chevalier n'osa point refuser
le combat. Mais, dans la nuit, la famille de
Rohan fit enfermer le poète à la Bastille. Au
bout de six mois, il fut permis à Voltaire de
sortir... par la porte de l'exil. Au même mo-
ment, on condamnait à être rompus vifs un
juif hollandais et son complice, pour des coups
de bâton qu'ils avaient eu Yintention de don-
ner à M1'" Pélissier, actrice de l'Opéra, et à
Francœur, violon de ce théâtre. M"0 Pélissier
BAT
369
avait été la maltresse du juif, qui avait fait
pour elle de folles dépenses, et qu'elle trom-
pait. Rien de tout cela n'échappait à la cri-
tique du public :
Admirez combien l'on estime
Le coup d'archet plus que la rime :
Que Voltaire soit assommé, '
Thémis s'en tait, la cour s'en joue!
Que Francœur ne soit qu'alarmé.
Le seul complot mène a la roui.
Pourtant il devait être donné au duc de
Chaulnes, dans sa querelle avec Beaumar-
chais , de dépasser encore le chevalier de
Rohan. Le noble personnage, soupçonnant
l'écrivain d'être préféré par une actrice qu'il
protégeait , forma tout bonnement le projet
de le tuer. Il faut lire dans l'ouvrage de M. de
Loménie, Beaumarchais et son temps, les dé-
tails ignobles de la ba'taille. grossière, engagée
par ce grand seigneur contre l'écrivain , le3
soufflets et les coups qu'il donne tout d'abord
à Gudin de la Brunellerie, ami de ce dernier;
sa lutte corps à corps avec Beaumarchais, et
une foule d autres particularités qu'on a honte
de rapporter, tant elles inspirent de dégoût.
Mais tout cela allait changer. Quelques années
plus tard, en 1781, Mozart, que l'archevêque de
Saltzbourg traitait comme un laquais, jeté à la
porte à coups de pied par le comte d'Arco,
pouvait écrire à son père que, partout où il
rencontrerait le comte, il lui rendrait la pa-
reille, car les idées marchaient, et l'homme,
qui avait conscience de sa dignité, sentait bien
que le moment était proche où allait être pro-
clamée l'égalité civile entre les citoyens.
Désormais, nous ne nous étonnerons donc plus
si nous voyons Dugazon, valet de comédie,
bâtonner un maître des requêtes et souffleter
le marquis de Langeac. Dugazon vengea, une
autre fois encore, sur la joue d'un comte amou-
reux un des nombreux accrocs faits par sa
femme, actrice des Italiens, à la foi' conjugale.
Les annales dramatiques nous fournissent en-
core un autre genre de correction : Favart ve-
nait de donner la Chercheuse d'esprit (1741), qui
se terminait par treize couplets chantés par tous
les personnages. Un jeune auteur, dont le nom
ne nous est pas parvenu, parodia ces couplets,
en les retournant contre les actrices. Une de ces
dernières, M'ie-Brillant, vient s'asseoir a l'am-
phithéâtre à côté de notre bel esprit, qui se
pavanait tout fier de son exploit, le comble de
politesses, porte sa chanson aux nues : « Vous
ne m'avez pas ménagée , dit-elle, mais j'en-
tends raillerie. Il manque deux ou trois cou-
plets ; voulez-vous me faire l'amitié de venir
les écrire dans ma loge? • Le jeune homme la
suit. Mais à peine est-il entré, que toutes les
comédiennes, armées de verges , fondent sur
lui et l'étrillent impitojablement. L'officier de
police eut toutes les peines du monde à l'ar-
racher des mains de ces furies. Aussitôt dé-
livré, le malheureux auteur, sans prendre le
temps de se rajuster, fendit la foule attirée
parle bruit, et courut, toutes voiles dehors,
jusqu'à son logis. Quelques jours après, il s'em-
barquait pour les îles, et jamais depuis on n'en
eut de nouvelles. Traitée à peu près de la
même manière sur la terrasse des Feuillants,
cinquante-deux ans plus tard, la belle et infor-
tunée Théroigne de Méricourt, lorsqu'elle
échappa aux plus lâches violences qu'un
homme puisse exercer sur une femme, et aux
risées de la foule cynique, avait perdu l'esprit.
On le voit, comédiens et comédiennes se
mêlaient aussi de faire la guerre aux au-
teurs ; c'était encore là une guerre entre pro-
ches, sinon entre frères- Une certaine de-
moiselle de théâtre qui était, il est vrai, la
maîtresse du prince de Soubise, M"e La
Prairie, rompit plus d'une fois sa mignonne
cravache sur le dos des folliculaires assez
hardis pour l'offenser. Avant elle, la célèbre
Maupin fît mieux encore : elle obtenait à
l'Opéra une célébrité d'un genre particulier.
Ses mœurs, quelque peu lesbiennes, faisaient
l'objet d'assez vertes critiques. Mais l'actrice
imposait silence, a coups d'épée ou de bâton, à
ceux qui avaient l'imprudence de répéter tout
haut ce que chacun disait tout bas. Elle se
battit, une fois entre autres, contre trois
hommes qu'elle tua, dit-on. Insultée par son
camarade Dumesnil, elle l'attendit, déguisée
en homme, à la place des Victoires, et le bâ-
tonna d'importance ; puis elle lui prit sa montre
ainsi que sa tabatière, et s'éloigna. Le lende-
main, au foyer des acteurs, Dumesnil racon-
tait à qui voulait l'entendre comme quoi il
avait été attaqué par trois grands bandits, qui
l'avaient saisi à la gorge et l'avaient volé.
o Tu en as menti 1 lui dit la Maupin ; les trois
grands bandits c'était moi toute seule, qui t'ai
donné des coups de canne ; et, pour preuve de
ce que j'avance, voici ta montre et ta taba-
tière que je te rends. « Ainsi, les comédiens
entre eux faisaient volontiers appel à l'arbitre
suprême, la bâton. En Angleterre, les choses
allaient même jusqu'au tragique. Une discus-
sion qui s'éleva, le 10 mai 1735, entre Macklin
et un autre acteur nommé Hallam, au sujet
d'une perruque, eut un résultat des plus
malheureux. Macklin saisit une canne et en
frappa sqn camarade de telle sorte, que le
bout du bâton entra dans l'œil de Hallam et
pénétra dans le cerveau. Hallam mourut la
lendemain. Macklin, poursuivi comme meur-
trier, fut sauvé par la question intentionnelle.
Cela ne l'empêcha pas de boxer, en plein
foyer, quelque temps après, avec Quin, lequel
voulait le forcer de modifier son jeu dans la
Franc parleur. Il y a dans les Mémoires d$
47
370
BAT
Fleury une aventure du chevalier de Bouf-
flers, qui rappelle celle du jeune homme battu
de verges, citée plus haut. Une lettre avait
couru contre certaine dame à tabouret, fort
galante, et on l'avait attribuée a Boufflers,
ancien amant de l'infidèle. La dame écrivit a
Boufflers, lui demandant dp. venir sceller la
réconciliation a sa table. Le chevalier, en
homme prudent, se rendit chez son ancienne
maltresse à l'heure dite, avec des pistolets
dans sa poche. A peine est-il entré, que quatre
estafiersse jettent sur lui, le renversent, à
moitié déshabillé, sur un lit et lui meurtrissent
les reins de cinquante coups de verges. La
dame commande l'humiliante manœuvre, no-
tant sur son calepin, gravement, imperturba-
blement, les coups qui tombent en cadence.
La chose faite, le chevalier se lève avec le
plus grand sang-froid, se rajuste, puis, par un
mouvement inattendu , saisit ses pistolets ,
montre quatre gueules béantes, et ordonne
aux valets, en les couchant en joue, de rendre
à leur maîtresse ce qu'ils venaient de lui donner
à lui-même. La duchesse cria : o Grâce! » Il
fallut bien se résoudre pourtant, et le cheva-
lier compta scrupuleusement les coups. Après
quoi, mais c'est un mince deta.il, il força nos
quatre particuliers à se les repasser les uns
aux autres, exigea qu'on lui donnât un reçu
de deux cent cinquante coups de verges, dont
cinquante à Mm" la duchesse, salua avec grâce,
et sortit.
Barthe, auteur des Fausses Infidélités, ayant
eu une querelle littéraire avec le marquis de Vil-
lctte, se vit défier au combat, et n'échappa à la
colère du marquis qu'en se faisant passer pour
fou. Collé, dans son Journal de janvier 1751,
nous conte une anecdote curieuse. « Grotz,
gazetier d'Erlang, dans la principauté de Bai-
reuth, s'était avisé de publier quelques gaietés
contre le roi de Prusse Frédéric-Guillaume Ier,
celui qui corrigeait au besoin sa fille à coups
de canne, 'comme ses capitaines. Un bas offi-
cier des troupes de ce prince reçut ordre de
Sa Majesté de donner cent coups de bâton à
ce joyeux gazetier, et d'en tirer un reçu.
L'officier, pour s'acquitter plus sûrement de
sa commission, imagina de proposer à Grotz
une partie de plaisir hors de la ville. Après avoir
captivé sa confiance et s'être lié avec lui, il
lui exposa les ordres dont il était chargé, à
quoi le gazetier répliqua qu'ils étaient trop
amis pour qu'il les exécutât. L'officier lui té-
moigna, en apparence, sa répugnance à cet
égard; il lui dit qu'au moins fallait-il qu'il
parût qu'il lui eût donné les coups de bâton
en question, et que pour cela un reçu lui était
nécessaire. Grotz se laisse décider, non sans
peine, à signer un récépissé aussi extraordi-
naire. Dès que l'officier en fut nanti, il déclara
à Grotz qu'il était trop honnête homme pour
accepter le reçu d'une somme qu'il n'avait pas
remise, et, ayant appelé quelques soldats, u la
compta lui-même sur le dos du gazetier, à qui
il fit ensuite la révérence. »
Si les gens de lettres et les artistes se bâton-
naient entre eux, ou, cédant au pernicieux
exemple venu de haut, bâtonnaient leurs infé-
rieurs, les gentilshommes, en revanche, per-
daient peu à peu cette brutale habitude à leur
endroit. Les grands personnages avaient bien
encore leurs heures, où ils s'écriaient volon-
tiers à la moindre contradiction : « Un bâton
pour châtier ce drôle 1 » Mais , en général, ils
se bornaient aux menaces. L'impunité ne les
protégeait plus, et le peuple s'avisait main-
tenant de faire comme les gens de lettres ,
c'est-à-dire de relever la tète, parfois même
il se passait la fantaisie d'appliquer la loi du
talion. En 1783, M. de Cho'iseul-Meuze rouait
de coups de canne un malheureux cocher ; il
le lardait ensuite à coups de dard, pour le
punir d'avoir osé se défendre avec son fouet.
Mais le" peuple le fit repentir de son action.
A cette époque , le marquis de Lagrange
agit de même à l'égard d'un autre cocher, et
le blessa grièvement : il aurait été pendu sur-
le-champ par les passants, sans l'intervention
de la garde. On voit que, malgré certaines
réformes, les mœurs avaient encore plus d'un
pas à faire, et que le soleil de 1789 avait bon
besoin de luire sur cette caste insolente qui
tenait le haut du pavé, et clouait d'un coup
d'épée contre le mur un cocher qui ne se ran-
geait pas assez vite. Les artistes et les gens
de lettres, se souvenant trop de leur ancienne
domesticité, affectèrent longtemps encore des
allures, des vices et des ridicules, qu'il fallait
laisser à la noblesse oisive et vaniteuse. Heu-
reusement, la Révolution était proche, et le
bâton, comme bien d'autres abus de la force,
allait disparaître avec elle. La Révolution
n'emporta pas seulement toutes ces mains qui
avaient longuement et brutalement outragé'la
nature humaine, elle emporta aussi les têtes.
Sous la Révolution , avons-nous besoin de
le dire, un Rohan eût été mal venu en es-
sayant de bâtonner un des écrivains d'alors.
Eti France, aujourd'hui, nous le répétons, le
bâton est hors d'usage dans les relations so-
ciales, ou à peu près. Quelques coups de canne
s'échangent encore de loin en loin, mais si
timidement qu'il n'en faut point parler. Quant
aux soufflets, ils tiennent bon, et ne sont sou-
vent que la préface d'une tragédie qui va se
dénouer sur le terrain. Talma, poussé à bout
par les critiques de Geoffroy, se précipita un
soir dans la loge de celui-ci pour lui faire
cette rapide imposition des mains, qui fournit
au journaliste le sujetd'un de ses plus piquants
feuilletons. La joue de Geoffroy fit aussi con-
naissance, en pleine loge, avec l'éventail de
BAT
Mlle Contât. Ces inexcusables représailles
n'ont guère été imitées de notre temps que par
certaines créatures en dehors des mœurs gé-
nérales. Lola-Montès se permit de cravacher
tel journaliste, qui avait porté atteinte à sa
considération. Tout le monde connaît l'issue
du fameux soufflet donné en plein opéra à un
célèbre et courageux publiciste, en 1840. Mais,
encore une fois, ce sont là des faits isolés, qui
d'ailleurs ne placent plus l'offensé dans une
situation subalterne vis- a- vis de l'offenseur;
quelle que soit la violence avec laquelle on se
traite, c'est du moins d'égal à égal, et si la
morale en est parfois blessée, la dignité de
l'homme n'en souffre pas. Il faut aller loin
maintenant, pour retrouver la trace des abus
que nous signalions plus haut: il faut aller jus-
qu'en Russie pour assister, enj>lein xixe siècle,
à ce spectacle incroyable d'un poète comme
Pouschkine puni par le fouet ou le knout des
libertés de sa plume.
BATON , écuyer et parent d'Amphiaraùs ,
avec lequel il fut englouti dans les environs
de Thèbes, et reçut les honneurs héroïques.
On voyait sa statue à Delphes, et on le met au
nombre des personnages qui figuraient sur le
coffre de Cypsélos.
BATON, BATTON ou BATTO , statuaire
rangé par Pline au nombre de ceux qui ont
représenté des athlètes, des hommes armés,
des chasseurs et des sacrificateurs. On ne sait
rien de son origine, ni du temps où il vivait.
Le temple de la Concorde, à Rome, possédait
jadis un Apollon et une Junon de ce statuaire.
BATON, appelé à tort quelquefois Battus,
poète comique grec, contemporain d'Arcési-
las, vécut dans la dernière moitié du 111e siè-
cle avant notre ère. Parmi les pièces qu'il
avait composées, on en cite quatre, où il se
moquait des philosophes alors en réputation,
tels que les cyniques, les épicuriens et les
stoïciens. Ces pièces étaient intitulées : YEto-
lien,\o Meurtrier, les Bienfaiteurs et le Trom-
peur. On n'en connaît que des fragments con-
servés par Athénée et par Stobée.
BATOS DE S1NOPE, rhéteur postérieur a
Aratus de Sicyone, qui mourut l'an 213 av.
J.-C.,ou,du moins, son contemporain. Il avait
composé plusieurs ouvrages historiques :
Les Persiques, dont Strabon nous a conservé
un fragment; Des tyrans d'Ephèse, des tyrans
de Syracuse, sur la Thessalie et l'Hémonie,
une Histoire de l'Attiqua, et tur le Poète
Ion. Les fragments de Bâton de Sinope ont
été recueillis par M. Millier, dans la collection
des Fragments des historiens grecs de Didot,
t. IV, p. 347.
BATON (Henri), dit l'Aine, musicien fran-
çais, né à Paris vers 1710. Il s'acquit une
grande réputation par le talent avec lequel il
jouait de la musette. On a de lui trois livres
de sonates et deux livres de duos pour cet
instrument; — Son frère, Charles Bâton, dit
le Jeune, mort en 1758, excellait à jouer de la
vielle, à laquelle il apporta diverses amélio-
rations. On a de lui, outre des compositions
et des études sur cet instrument, un Mémoire
sur la vielle, publié dans le Mercure de 1757.
Il s'est également fait connaître par sa dé-
fense de l'ancienne musique française, dont il
se déclara le champion dans sa brochure
intitulée : Examen de la lettre de M. Rousseau
sur la musique française (Paris, 1754), l'une
des meilleures réponses qui aient été faites
aux innovations de Jean-Jacques Rousseau,
BATONI ou BATTONI (Pompefl'-Girolamo),
l'un des plus célèbres peintres italiens du siè-
cle dernier, né "h Lucques en 1708, mort à
Rome en 1787. Lanzi dit qu'il étudia les prin-
cipes de l'art dans sa ville natale, sous la
direction do Brugieri et de Gio-Domenico
Lombardi ; d'autres veulent qu'il ait reçu
des leçons de Conca, de Masucci et de Fer-
nandi. Si l'on en croit Mariette , il n'eut
fias de maître , et commença par exercer
a profession d'orfèvre. Il arriva qu'un jour
on lui donna une miniature, pour faire un
dessus de tabatière. •. Battoni regarde cette
miniature; il lui prend envie d'essayer do la
copier ; a force de soin, il réussit au point que
la copie est prise pour l'original. Encouragé,
il dessine, il peint; il s'aperçoit qu'il est né
peintre, que c'est sa vocation ; il s'y livre, et,
en peu de temps, il devient un des maîtres
les plus estimables de l'Italie. ■ Ce qu'il y a
do certain, c'est qu'il vint très-jeune a Rome ;
qu'il y étudia avec ardeur les œuvres de Ra-
phaël et des autres grands maîtres de l'école ro-
maine, et qu'iLpartagea, avec Raphaël Mengs,
la gloire de donner à cette école un dernier
lustre. Il fut créé chevalier, et jouit, jusqu'à
1e-, fin de sa longue carrière, d'une immense
réputation. Il peignit des sujets religieux, des
tableaux d'histoire, et fit un grand nombre de
portraits, entre autres ceux des papes Be-
noît XVI, Clément XII, Pie IV, de l'empereur
Joseph II et de son successeur Léopold II, du
grand-duc et de la grande-duchesse de Mos-
covie, etc. Le chevalier Boni, qui a écrit son
éloge 'Elogio del cavalière Pompeo Batoni,
Rome, 1787, in-8°), a dit : « Raphaël Mengs
fut le peintre de la philosophie, Batoni fut
celui de la nature. Celui-ci avait un goût na-
turel, qui le portait vers le beau sans qu'il s'en
aperçût ; celui-là y arriva par l'étude et par
la réflexion. » Suivant Lanzi, la nature fut le
véritable modèle dont s'inspira Batoni :"« C'est
à elle qu'il emprunta cette incroyable variété
de têtes de physionomies, de beautés de
BÂT
toute espèce, que les grands maîtres mêmes
laissent quelquefois à désirer, parce que l'en-
thousiasme du beau idéal les entraîne trop
loin. Ce fut d'elle encore qu'il prit les mouve-
ments et les expressions les plus analogues à
chaque sujet. Son coloris est net, vif, bril-
lant, et, même après un grand nombre d'an-
nées , il conserve sa fraîcheur. Batoni se
jouait avec son pinceau, et tout chemin était
sûr pour lui. Il peignit tantôt par empâte-
ments, tantôt par touches ; quelquefois il ter-
minait son travail par de simples traits; quel-
quefois il en résumait pour ainsi dire l'en-
semble, et lui donnait la vigueur nécessaire
avec une seule ligne. Il peignit en miniature
pendant quelque temps, et il appliqua le soin et
la précision que comportait ce genre aux
peintures d'une plus grande importance, sans
les affaiblir par de la sécheresse. » Le juge-
ment de la postérité n'a pas complètement
sanctionné ces louanges données à Batoni par
ses contemporains. 11 faut reconnaître, cepen-
dant, que les œuvres de cet artiste sont, en gé-
néral, d'un caractère très-gracieux, et qu'elles
ont conservé une grande fraîcheur de coloris.
Elles sont assez rares en France (le Louvre
n'a qu'une Madone), ce qui explique, jusqu'à
un certain point, pourquoi l'auteur n'y jouit
pas de toute l'estime qu'il mérite. C'est en
Italie qu'il faut l'étudier, car c'est là que sont
ses meilleures productions. Il nous suffira de
citer : à Rome, le Mariage de sainte Cathe-
rine au Quirinal ; la Chute de Simon le Ma-
gicien aux Chartreux; Sainte-Celse , dans
l'église de ce nom ; à Lucques, le Martyre de
saint Barthélémy, dans l'église des Olivétains;
à Florence, l'Education d'Achille et Achille
reconnu par les filles de Nicomède, au musée
des Offices, Hercule entre le Vice et la Vertu
et Hercule étouffant des serpents, au palais
Pitti; au musée de Parme, Vénus, l'Amour
et Chiron; au musée Brera, à Milan, une
Vierge entourée d'anges et de saints; au musée
de Turin, la Sainte Famille, Hercule entre le
Vice et la Vertu, Enée portant Anchise, le
Betour de l'enfant prodigue; à Venise, dans la
galerie Manbrini, le Triomphe de Venise. Le
musée de Munich possède le portrait de l'ar-
tiste ; le musée de Dresde, un Saint Jean-Bap-
tiste, la Madeleine pénitente et une allégorie
représentant les Arts plastiques.
BÀtonnable adj. (bâ-to-na-ble — rad.
bâton). Qui mérite des coups de bâton :
Le héros de son roman est /rès-BÂTONNAB'i.E.
(Scarron.) Il Peu usité.
bâtonnage s. m. (bâ-to-na-je — rad.
bâton). Art vétér. Opération qui consiste à
chatouiller, à l'aide d un bâton, le palais d'un
animal metéorisé , pour lui procurer des
éructations,
— Techn. Mise en bâtons de substances
fondues : Le bâtonnage de la réglisse, de la
cire d'Espagne.
BÂTONNANT (bâ-to-nan) part. prés, du v.
Bâtonner : Oui, j'accorde le bâton; je trouve
que cet ours bâtonnant contre des chiens sera
un spectacle réjouissant. (E. Sue.)
BÂTONNAT s. m. (bâ-to-na — - rad. bâton).
Dignité du bâtonnier; exercice de ces fonc-
tions : Etre honoré du bâtonnat. Son premier
bàtonnat. Ce grand avocat n'a pu obtenir les
honneurs du bâtonnat. Cette condition explique
pourquoi le nombre des candidats au bàtonnat
ne dépasse jamais le chiffre deux. (Alhoy.) Les
honneurs de l'empire allèrent chercher M. De-
lamalle dans l'exercice du bâtonnat. (O. Pi-
nard.)
BÂTOKNÉ, ÉE (bâ-to-né) part. pass. du v.
Bâtonner. Frappé à coups de bâton : Il a été
rudement bâtonné.
— BiKé, raturé : Trois lignes bâtonnées.
— Econ. dora. Linge bâtonné, Linge plié à
petits plis.
— Substantiv. Personne frappée à coups de
bâton : Quelque temps après, te bâtonné me-
naça un poète. (Journ.)
BÂTONNÉB s. f. (bà-to-né — rad. bâton).
Mar. Quantité d'eau fournie par un coup de
bâton ou tige de pompe.
BÂtonnement s. m. (bâ-to-ne-man —
rad. bâton). Art vétér. Coups de verge ré-
pétés sur le ventre d'un animal , pour dé-
terminer l'expulsion des gaz , dont la pré-
sence constitue la météorisation.
BÂTONNER v. a. ou tr. (bâ-to-né — rad.
bâton) . Frapper avee un bâton : Le duc d'E-
pernon fit rudement bâtonner Bautru pour
une plaisanterie qu'il s'était permis de lui faire.
("') Veux-tu deux de mes gens qui te bâton-
neront? (Mol.) Anglais, Suisses, Allemands,
Prussiens, tous bâtgnnent le soldat. (P.-L.
Cour.) Le chevalier de Rohan fit bâtonner
Voltaire ; Voltaire fut mis à la Bastille.
(Vacquerio.) Il était modestement juché sur
un due, dont un fellah bàtonnait la maigre
croupe. (Th. Gaut.) Si c'est un manant, qu'on
le bâtonné; si c'est un créancier, qu'on le
jette à la porte. (X. Marmier.)
— Rayer, biffer : Bâtonner un article dans
un compte.
— Jeux. Bâtonner une bille, Frapper une
seconds fois de la queue une bille qu'on avait
mal frappée d'abord.
— v. n. ou intr. Jouer, s'escrimer du bâton.
Il Peu usité.
bâtonnet s. m. (bâ-to-nè — dim. de
bâton). Petit bâton.
BAT
— Carrelet, règle à quatre faces.
— Jeu. Petit bâton aminci par les deua
bouts, o;ue les enfants s'amusent a faire sauter,
en le frappant avec un bâton ordinaire :
Faire sauter le bâtonnet. Le bâtonnet est
perdu, il Jeu où l'on se sert du bâtonnet : Le
bâtonnet n'est pas un jeu sans danger. •
— Prov. Il n'a pas de chance au bâtonnet,
Il est malheureux ou maladroit.
— Art vétér. Petit morceau de bois dont
on se sert, dans la saignée avec la flamme,
pour faire pénétrer brusquement la pointe
de l'instrument par un coup sec du bâtonnet.
— Moll. Nom vulgaire d'une espèce de côno.
— Encycl. Jeu. Le bâtonnet se joue à deux.
Celui que le sort a désigné se place au centre
d'un cercle tracé sur la terre : c'est le maître
du cercle. Il tient à la main une baguette assez
grosse, dont la longueur varie de 60 à 80 cent.
L'autre joueur, ou le servant, se poste en face
de son adversaire, à une certaine distance : il
a pour instrument un bâtonnet, c'est-à-dire un
petit bâton, long de 6 à 8 cent., qui est pointu
par les deux bouts comme une navette de tis-
serand. Voici maintenant en quoi consiste le
jeu. Le servant lance le bâtonnet dans la
direction du cercle, et s'efforce de le faire
entrer dans le cercle même. De son côté, le
maître s'étudie à repousser le bâtonnet en
l'arrêtant à la volée avec sa baguette, et soit
qu'il y réussisse ou que le bâtonnet tombe hors
du cercle, il sort du cercle et il a le droit de
frapper trois fois le bâtonnet sur l'un des bouts,
de manière à le faire sauter, et, chaque fois,
il peut encore l'éloigner davantage par un
second coup, avant qu'il ait touché la terre.
Mais aussitôt qu'il a donné le troisième coup,
il doit se hâter de regagner son cercle pour le
défendre, comme aussi le servant doit em-
ployer son adresse et sa vivacité à lancer
ledit bâtonnet dans le cercle, afin de ne pas
donner à son adversaire le temps de se mettre
en garde. Quand le servant parvient à faire
tomber le bâtonnet dans le cercle, il devient
maître à son tour, et se fait servir.
bâtonnier s. m. (bâ-to-nié — rad. bâton).
Membre d'une confrérie, qui porte le bâton
aux processions.
— Jurispr. Titre donné au chef de l'ordre
des avocats inscrits près d'une cour ou d'un
tribunal : Le bâtonnier a été réélu. Les avo-
cats sont convoqués pour l'élection du bâton-
nier. Le nom de bâtonnier apparaît pour ta
première fois en 1602, dans un arrêt du parle-
ment, qui mande à sa barre le bastonniee des
avocats. (M. Billecoq.) Ce parfait avocat nous
a donné de bons exemples et de bons écrits ; il
a été parmi nous le meilleur des confrères et le
modèle des bâtonniers. (Dupin.)
— Techn. Ouvrier qui s'occupo exclusive-
ment de la confection dos fauteuils, des chaises,
des tabourets et sièges mobiles, faits en gé-
néral do bois carré et contourné : Bans la
division des attributions, le tourneur en chaises
ne doit faire que les bois ronds assemblés car-
rément à trous et tenons ronds ; c'est te bâton-
nier gui fait les ceintures des chaises et des
fauteuils ouvragés. (Désormeaux.)
— Encycl. Hist. et législ. Les avocats au
parlement de Paris sentirent de bonne heure
le besoin d'avoir un chef, défenseur de leurs
intérêts, représentant de leur ordre et gardien
de la discipline. Ils confièrent ce mandat à
celui d'entre eux qui, en qualité de chef d'une
confrérie de Saint-Nicolas, établie à la cha-
pelle du Palais en 1342, portait, aux réunions
de cette confrérie, le bâton revêtu d'argent,
insigne de sa dignité, d'où le nom de bâton-
nier. La confrérie de Saint-Nicolas se com-
posait des procureurs établis prés du parle-
ment ; ils acceptèrent d'avoir à la tête de leur
communauté un avocat, qui devint en même
temps le chef de ses confrères. Ceux-ci don-
nèrent d'abord le bâton à leur doyen, c'est-à-
dire au plus ancien d'entre eux, d après l'ordre
du tableau ; plus tard, on procéda par voie
d'élection ; mais, en fait, le choix tomba pres-
que toujours sur le plus ancien des avocats.
Chaque année, le 9 mai, jour de la Saint-Ni-
colas d'été, on élisait le bâtonnier : cette fonc-
tion honorifique devint assez onéreuse ; car
l'usage imposait au nouvel élu l'obligation de
verser 1,000 livres à la caisse de la commu-
nauté, pour être employées à des secours de
charité. Les frais de l'office de Saint-Nicolas,
et d'autres dépenses, évaluées à environ
1,000 livres, étaient en outre mis à la charge
du bâtonnier. La mission principale de ce der-
nier était de dresser le tableau de l'ordre dé-
posé tous les ans, le 9 mai, au greffe du par-
lement de Paris. Le plus ancien bâtonnier dont
on ait gardé le souvenir est Denis Doujat, élu
eu 1617 ; le premier acte dans lequel il soit
parlé d'un bâtonnier est une relation du con-
seil secret du parlement (21 mai 1602), où il
est dit que le bastonnier des avocats avait été
mandé par le procureur général. On a la liste
complète de tous ceux qui furent élus depuis
1708 jusqu'à la suppression de l'ordre : uu
seul, le dernier, Tronchet, nommé en 1790, a
laissé un nom connu. Ses prédécesseurs
étaient sans doute, à l'époque de leur élection,
des avocats estimés, mais il n'est resté d'eux
qu'un nom sans célébrité.
Les usages du barreau de Paris furent sui-
vis dans les provinces, en ce qui touche l'é-
lection d'un chef de l'ordre et ses attributions;
mais le titre de bâtonnier ne fut pas admis
partout : à Rouen, notamment, il fut remplacé
par celui de syndic.
BAT
La loi du 23 ventôse an XII, qui prescrivit la
formation d'un tableau d'avocats, ne rétablit
pas l'institution du bâtonnat, mais le décret
du 14 décembre 1810 combla cette lacune, en
donnant pour chef à chaque barreau un bâ-
tonnier nommé par le procureur général. Plus
tard (1822), cette nomination fut attribuée au
conseil de discipline de l'ordre, ou au tribunal
de l ""» instance dans le cas où le nombre des
avocats inscrits serait inférieur à vingt. En
1 830, le gouvernement donna aux avocats le
droit, dont ils jouissaient, sans conteste, avant
1789, d'élire directement le bâtonnier, droit
dont ils ont été privés de nouveau en 1852 :
aujourd'hui, le bâtonnier est nommé par le
conseil de discipline, et doit être choisi parmi
les membres de ce conseil. Lorsque le nombre
des avocats est inférieur à six, le tribunal
remplit les fonctions de conseil de discipline,
et désigne comme bâtonnier un des avocats.
11 est d'usage, dans un grand nombre de bar-
reaux, d'élire le même Bâtonnier deux années
de suite. V. Avocat.
Le bâtonnier est chef de l'ordre, dépositaire
du tableau, président du conseil de discipline,
qu'il est chargé de convoquer, et il est tenu de
faire exécuter ses décisions : "il représente l'or-
dre vis-à-vis de ses confrères, sur lesquels il a
un droit de surveillance, et vis-à-vis des corps
judiciaires. C'est à lui que sont notifiées les
décisions prises par ces derniers à l'égard de
l'ordre. Il est le défenseur naturel de ses con-
frères: dans les conflits qui naissent quelque-
fois entre un avocat et la cour (ou le tribunal)
devant laquelle il plaide, le bâtonnier n'hésite
jamais à venir, seul ou assisté de membres du
conseil, prendre la parole en faveur de l'avo-
cat menacé. Dans les barreaux où sont éta-
blies des conférences de stagiaires, Se bâton-
nier en est le président-né : il les dirige, s'as-
socie à leurs travaux , et apporte à ces réunions
le concours de son expérience. A Paris, la
conférence est solennellement ouverte, chaque
année, par un discours du bâtonnier, qui est
moins une œuvre oratoire qu'une allocution
familière, pleine de bons conseils et de sages
réflexions sur l'exercice de la profession.
Quelques-uns sont restés comme des modèles
du genre . nous citerons ceux que M. Liou-
ville a prononcés pendant les deux années de
son bâtonnat, et dans lesquels il a envisagé le
barreau sous toutes ses faces ; histoire, légis-
lation, tradition, coutumes, droits, devoirs;
ils ont été publiés, avec notes, documents et
commentaires, sous ce titre : Devoirs, hon-
neurs, avantages, jouissances de la profession
d'avocat (1857, in-12).
Le bâtonnat est un honneur très-envié et
très-désiré : il est une attestation de talent,
d'indépendance et de probité. A Paris, sur-
tout, où le nombre des avocats est considéra-
ble, où l'ordre renferme des mérites si écla-
tants, il est honorable d'être appelé à porter
ce beau titre, d'autant plus qu'il est déféré à
l'avocat par ses pairs. Nous donnons ici la
liste, depuis 1810, des bâtonniers qui se sont
succédé à la tête de ce grand barreau :
Delamalle 1811
Delacroix-Frainville . . . 1812-1815
Fournel ' 1816
Bonnet . 1817
Archambault 1818-1819
Delahaye 1820
Bille.coq 1821-1823
Garral 1824-1825
Pantin. 1826-1827
Thévenin 1827-1828
Louis IS29
Dupin aîné 1830
Mauguin 1830-1832
Parquin 1833
Phil. Dupin 1834-1835
Delangle 1836-1837
Teste 1838
Paillet . . . . 1839
Marie 1840-1841
Chaix-d'Est-Ange .... 1842-1S43
Duvergier 1844-1845
Baroche 1846-1847
Boiiivilliers 1848-1849
Gaudry 1850-1851
Berryer 1852-1853
Bethmont ■. . 1854-1855
Liouville 185S-1857
Plocque 1858-1859
Jules Favre. 1860-1861
Dufaure 1862-1863
Desmarets 1864-1865
La date qui accompagne chaque nom est
selle de l'élection. Chaque exercice com-
prend, en général, une ou deux années ju-
diciaires, c'est-à-dire du mois d'août au mois
d'août.
Presque tous les noms que nous venons de
citer sont célèbres : de tous ces bâtonniers,
quelques-uns ont pris place au Sénat, au Con-
seil d'Etat et dans l'administration: M. Dupin
aîné, procureur général à la cour de cassa-
tion, président de l'Assemblée législative et
sénateur; M. Delangle, procureur général,
sénateur, garde des sceaux ; M. Chaix-d'Est-
Ange, procureur général, sénateur, vice-
président du Conseil d'Etat; M. Baroche, pré-
sident du Conseil d'Etat, ministre de la justice ;
MM. Boinvilliers et Duvergier, conseillers
BAT
d'Etat, sont des preuves éclatantes du discer-
nement avec lequel les avocats choisissent
leurs bâtonniers. D'autres, plus amoureux de
leur profession, plus soucieux de leur indé-
pendance, méritent également les sympathies
publiques, bien qu'ils aient pris moins de
part au gâteau officiel des rois. Les Mau-
guin, les Marie, les Liouville, les J. Favre,
les Berryer, ont trouvé leur récompense dans
la profession qu'ils aiment et dans l'estime
de leurs confrères, estime à laquelle toute la
France s'associe; et ici le Grand Dictionnaire
regrette un nom, Me Lachaud, l'orateur le
plus profondément sympathique du barreau
français.
r- Bibliog. Consulter les divers ouvrages
que nous avons indiqués, sous les rubriques
avocat et Barreau, et notamment le Barreau
au xix<= siècle, par M. O. Pinard.
BATONNISTE s. m. ( bâ-to-ni-stc — rad.
bâton). Personne qui sait manier le bâton et
s'en servir comme d'une arme : Max essaya
d'un moulinet, en manœuvrant son sabre avec
une dextérité de batonniste. (Balz.)
BÀTON-ROCGE, ville des Etats-Unis d'A-
mérique, capitale politique et siège de la lé-
gislature de l'Etat de la Louisiane, depuis
1848. C'est une jolie petite ville franco-espa-
gnole, construite sur le dernier morne qu'on
rencontre en descendant le Mississipi, à 81 k.
en avant de la Nouvelle-Orléans, par consé-
quent à près de 250 Tùl. des bouches du
fleuve. 5,625 hab. Collège, arsenal, pénitencier
de la Louisiane.
Des Français qui, dans la première moitié
du xviirc siècle, remontaient le cours du Mis-
sissipi, à la recherche d'un emplacement con-
venable, s'arrêtèrent en un lieu où se dres-
sait, tout à fait isolé, un énorme cyprès
complètement décortiqué et garni , à son
sommet seulement, d'un bouquet de feuilles.
On sait que, sous leur écorce, les arbres rési-
neux ont une apparence rougeâtre. De là le
nom de Bâton-Rouge jbnné à la nouvelle
ville.
Pendant la guerre de la sécession, cette
ville fut prise, le 25 avril 1862, par Farragut,
commandant les troupes fédérales , reprise
peu après par les sudistes, et soumise de nou-
veau par les soldats du Nord, sous les ordres
du général Banks.
batoqub s. f. (ba-to-ke). Syn. de bo-
toque.
batoscèle s. m. (ba-to-sè-le — du gr.
batos, buisson ; skélis, cuisse). Entotn. Genre
d'insectes coléoptères pentamères, de la fa-
mille des carabiques, ctont l'espèce type vit
au Bengale.
BATOOM, ville de la Turquie d'Asie, pa-
chalik et à 130 kil. N.-E. de Trébizonde, port
sur la mer Noire; 8,000 hab. Sol extrêmement
fertile, et produisant en abondance des gre-
nades, des oranges et des figues.
BATODBINE. V. Bathdrin.
BATOURNER v. a. ou tr. (ba-tour-né).
Techn. En parlant des douves d'un tonneau,
Les mesurer pour les égaliser aiTljesoin.
BATRACHIDÉE s. f. (ba-tra-ki-dé — du
gr. batrachos, grenouille ; idea, forme). En-
ton!. Genre d^insectes orthoptères, de la fa-
mille des sauterelles, démembré du genre
te tri x.
BATRACHION s. m. (ba-tra-ki-on — du gr.
batrachos, grenouille). Entom. Genre d'in-
sectes coléoptères pentamères , de la fa-
mille des carabiques, voisin des harpales, et
comprenant trois espèces , qui vivent au
Mexique.
— Bot. Ancien nom de la renoncule bul-
beuse, vulgairement appelée grenouillette.
BATRACHITE s. f. (ba-tra-ki-te — du gr.
batrachos, grenouille). Miner. Corps gris ver-
dâtre que l'on rencontre dans leTyrol,etqui
est une variété de péridot.
— Antiq. Pierre verdàtre, qui passait pour
provenir de la tête du crapaud, et qu'on disait
efficace contre toutes sortes de venins.
BATRACHOCÉphale adj. (ba-tra-ko-sé-
fa-le — du gr. batrachos, grenouille-, kephalé,
tête). Zool. Dont la tête ressemble à celle de
la grenouille.
BATRACHOGRAPHE s. m. fba-tra-ko-gra-fe
— du gr. batrachos^ grenouille ; graphe, j'é-
cris). Celui qui a écrit des traités spéciaux
sur les batraciens.
BATRACHOGRAPHIE s. f. (ba-tra-ko-gra-
fî — rad. batrachographe). Description des
grenouilles et des batraciens.
batrachoïde adj. (ba-tra-ko-i-de — du
gr. batrachos, grenouille; eidos, aspect). Zool.
Qui ressemble à la grenouille.
— s. m. Ichthyol. Genre de poissons acan-
thoptérygiens, voisin des baudroies, à tête
large et plate, qui rappellent la forme des
têtards de grenouilles : L'espèce de batra-
choïde vulyairement appelée tau habite les
mers" de l'Europe. L'appareil branchial des
batrachoïdes n'a que trois lames de' chaque
côté. (G. Bibron.)
Bntracboiïiyomaciito (la) , c'est-k-dire le
Combat des rats et des grenouilles, petit poème
burlesque , en un seul chant de deux cent
quatre-vingt-quatorze vers, communément
attribué à Homère, mais qui n'appartient évi-
demment pas à l'immortel auteur ds l'Iliade
BAT
et de l'Odyssée. Cette parodie de la poésie
dénote un état plus avancé de la civilisation.
Le sujet de la Batrachomyomachie est extrê-
mement simple.. Psicarpax (Pille-Miettes), fils
de Eodilard, roi des rats, après avoir échappé
aux poursuites d'un chat, vient rafraîchir sa
barbe et se désaltérer dans les eaux limpides
d'un lac. Pltysigitatlie (Joues-liouftiea), reine
des grenouilles, l'aperçoit et lui tient des dis-
cours flatteurs, pour l'attirer dans son empire.
L'imprudent Psicarpax s'élance sur le dos de
Physignate. Mais bientôt un serpent se montre,
et Physignate, plongeant dans les eaux pour
lui échapper, laisse le malheureux Psicarpax
se débattre sur l'onde : il meurt en invoquant
le courroux des dieux et la vengeance des
rats. Rodilard, instruit de la mort de son fils,
et après avoir gémi et pleuré sur le corps de
Psicarpax, comme Priain sur celui d'Hector,
appelle au combat tous les rats contre les
grenouilles.
Voilà les deux armées en présence. Jupiter
convoque les dieux dans le ciel étoile, et, leur
montrant cette multitude guerrière, demande
en souriant quels sont, parmi les immortels,
les protecteurs des grenouilles et ceux des
rats. «.Ma fille, dit-il à Minerve, iras-tu au se-
cours des rats ? Car ils ne cessent de former
dos chœurs de danse au milieu de ton temple,
réjouis par l'odeur des sacrifices. » Le fils de
Saturne parla ainsi, et Pallas répondit : « O
mon père, je n'irai jamais au secours des rats
dans leurs plus grands désastres ; ils m'ont
trop outragée en brisant mes couronnes, en
cassant mes lampes pour en avoir l'huile. Il
vit dans mon cœur le souvenir de leurs sacri-
lèges. Ce voile même que j'avais filé de mes
mains et tissé moi-même avec tant de com-
■plaisance, ce voile dont la trame déliée était
ouvragée avec tant d'art, ils l'ont rongé, ils y
ont fait mille trous. Celui gui l'a racommodé
me -poursuit et exige de gros intérêts; je n'ai
pu même encore payer la laine que j'avais prise
à crédit. » On remarquera que ce langage de
Minerve rappelle bien plutôt la licence d'Aris-
tophane que la simplicité d'Homère. Evidem-
ment, il y a ici intention flagrante de tourner
en dérision les interventions des dieux dans
les combats des hommes.
Minerve poursuit : « Je n'irai pas non plus
au secours des grenouilles, car elles n'ont au-
cune vénération pour moi. Tout récemment,
je revenais de la guerre, accablée de fatigue et'
de sommeil : leurs criailleries ne me permirent
pas de fermer l'œil ; je restai sur mon lit sans
dormir jusqu'au chant du coq. Dieux et déesses,
je vous en prie, qu'aucun de nous n'aille se-
courir les combattants, de peur que leurs traits
aigus ne nous déchirent. Ils sont si hardis, ces
héros, qu'ils attaqueraient même un dieu, s'ils
ie rencontraient dans la mêlée. Restons tous
ici, et, du haut du ciel, soyons tous spectateurs
de cette bataille. »
Minerve, on le voit, n'a pas oublié la bles-
sure que Vénus a reçue de Diomède ; elle re-
doute quelque Diomède rat ou grenouille. Per-
suadé par la déesse de la sagesse, l'Olympe
observe la neutralité. Cependant, deux hé-
rauts, s'avançant entre les deux camps, don-
nent le signal de l'attaque. Armées de longues
trompettes, des mouches sonnent avec ardeur
de l'instrument belliqueux, et Jupiter fait rou-
ler son tonnerre pour annoncer le moment
solennel. Le combat commence ; l'auteur nous
en fait une description tout à fait homérique -,
il nous dit les noms des héros, les coups ter-
ribles qu'ils portent, les blessures qu ils re-
çoivent, le sang qui coule et dont la terre
s'abreuve, les yeux qui se voilent d'éternelles
ténèbres, les âmes qui s'envolent. Pendant
quelque temps , la victoire paraît indécise.
Mais voici qu'un jeune rat, le brave Méridar-
pax {ravisseur de morceaux), s'empare d'une
éminence voisine de l'étang au bord duquel le
combat est engagé, et là, aux acclamations
de ses compagnons, jure d'exterminer la race
entière des grenouilles. Il l'eût fait, tant était
grande Sa force, si le père des dieux et des
hommes n'eût regardé d un œil de miséricorde
les grenouilles si près de leur lin. Le fils de
Saturne veut envoyer Mars et Pallas pour
éloigner du combat ce rat invincible, l'Achille
des rats. Mars répond que ni lui ni Pallas ne
pourront rien contre un bras si formidable ; il
faut ou que tous les dieux ensemble se réu-
nissent pour exterminer le héros, ou que Ju-
piter, secourant les grenouilles,- lance enfin
contre leurs ennemis ce redoutable tonnerre
dont il frappa la race sauvage des géants et
des Titans formidables. Mars parla ainsi, et
le fils de Saturne lança la foudre vengeresse.
Au bruit du céleste courroux, le vaste Olymrfe
s'ébranle, et le trait enflammé, terrible, s'é-
chappe en tournoyant de la main toute-puis-
sante du roi des dieux. Rats et grenouilles
tremblent de terreur-, mais les rats se rani-
ment, redoublent d'acharnement, frappent,
renversent, et font un carnage affreux. Jupi-
ter voit sa foudre impuissante; pour sauver
l'espèce vaincue d'une entière destruction, il
est forcé de recourir à un autre expédient. Il
lui envoie des défenseurs au dos armé d'en-
clumes, aux pinces recourbées, à la démarche
oblique, dont la gueule est armée de ciseaux,
le corps couvert d'écaillés, les jambes tortues,
qui ont huit pieds, etc., en un mot, des crabes.
Ces nouveaux combattants répandent une
terreur panique parmi les rats, qui prennent
tous la fuite. Mais déjà le soleil descendait au
couchant ; de sorte que la bataille finit avec
le jour.
BAT
371
Nous possédons dans notre langue, sous le
nom de Guerre comique, une imitation, en trois
chants, de la Batrachomyomachie. L'auteur en
est inconnu; son œuvre parut en 1768,. une
deuxième édition en 1S0S et une troisième en
1837, donnée par M. Berger de Xivrey, à la
suite de sa traduction de la Batrachopiyoma-
chie. Nous en citerons le fragment suivant,
qui comprend le récit de la rencontre du rat
et de la grenouille, sous d'autres noms que
ceux des héros du poëme grec.
Un rat venant de la campagne,
Altéré, pour un chat d'Espagne
Qui l'avait talonné de près,
Passait un jour dans un marais
Où, par hasard, une grenouille,
Qui faisait faire la patrouille.
Le vit comme il buvait un doigt.
Et, s'arrêtant au même endroit,
Lui dit : « Que lais-tu là, compère?
— Compère! dit-il en colère;
Peut-être bien Monsieur pour toi.
— Aussi, le cro'S-je en bonne foi,
Répartit l'autre; et, par la barbe!
On vous prendrait, a votre garbe,
Pour quelque rat de qualité,
Si vous n'étiez pas si crotté.
C'est pourquoi, Monsieur, si vous Têtes,
Sans vous fâcher comme vous faites,
Dites-nous un peu votre nom.
Avez-vous quelque affaire ou non
Qui vous retienne en cette terre?
Que nous buvions dans votre verre. •
Le rat regarda fièrement
La grenouille, à ce compliment,
Et, recoquiliant sa moustache :
• Je suis, dît-il d'un ton bravache,
Puisque tu veux savoir mon nom,
Le valeureux Croquelardon,
Dont l'immortelle renommée
"Par toute la terre est semée;
Il n'est pays si reculé
Où ce grand nom ne soit allé,
Province ni terre habitable
Où ma présence redoutable
Ne fasse pâlir l'usurier
Et trembler le lard au charnier. ■
La grenouille se fait connaître à son tour et
dit au rat :
. C'est moi qui commande à baguette
Sur le peuple à verte jaquette
Dans tout le pays du cresson.
Boursouflé, premier de ce nom.
M'a laissé, pour mon apanage,
Héritier de ce marécage. «
Elle invite ensuite le rat à visiter son palais,
et lui offre de le prendre sur son dos pour faire
la traversée.
Croquelardon, dont l'humeur flère
Rebutait tant les gens naguère,
Oyant ce discours obligeant.
Devint aussi souple qu'un gant.
Qu'en advint-il? Au bout du compte,
Le rat sur la grenouille monte,
A l'aide d'un rat «stafier
Qui lui vint tenir l'étrier;
Et, sans connaître la monture,
Il met son corps à l'aventure.
Ce ne fut, au commencement.
Que ria et divertissement.
Tant qu'il vogua près du rivage,
11 discourait du paysage.
En passant dessous les arceaux
Des grands cabinets de roseaux,
Il raisonnait sur les cascades,
Les nappes d'eau, les balconnades,
Prisait la grandeur des palais,
Parlait d'y danser des ballets,
Et cent autres contes pour rire
. Que l'enjouement lui faisait dire.
Mais quand ce vint en pleine mer.
Que le cœur lui devint amer!
Lorsqu'il vit derrière sa queue
La terre loin d'un quart de lieue,
Trois fois sa poitrine il frappa
D'un furieux mea culpa;
Et, se tirant par les moustaches *
• Il n'est que le plancher des vaches.
S'écria-t-il, pour voyager!
Sur mer, on court toujours danger;
Et, par ma foi, si j'en réchappe,
De ma vie on ne m'y rattrape.
La peste ! il faut être bien fou
D'aller courir le guilledou.
Au hasard de faire naufrage.
S'il fallait qu'il vint un orage,
Où diantre en serais-je réduit
Pour m'être embarqué sans biscuit? .
Comme i! disait ces belles choses,
Qu'on lit dans les Métamorphoses,
La grenouille vit un serpent.
Long de six pieds et d'un empan,
Qui s'en venait, la gueule ouverte,
La gober, comme une huître verte.
Aussitôt, baissant le menton,
Elle fit un saut de mouton,
Moyennant quoi la maie bête
Jeta le rat le cul sur tête.
Et puis, en criant au renard.
Fit le plongeon comme un canard.
Ainsi, le rat, faute d'adresse,
Fut contraint, en cette détresse,
Pour n'avoir appris à nager.
De boire beaucoup sans manger.
U plonge, il barbote, il patrouille,
Dit rage contre la grenouille,
Prend le ciel contre elle à témoin ;
Mais le ciel en était bien loin.
372 BAT
• Ses bottes à la cavalière
Avaient par trop de genouillère;
En remuant les paturons.
Il Be prenait aux éperons;
Tantôt il sortait hors de l'onde,
Tantôt rentrait; car sa rotonde,
Qui comme une éponge buvait,
De son propre poids l'aggravait.
Enfin, voyant l'heure fatale
Qu'il lui fallait plier sa malle.
Regardant tristement les cieux,
11 en cria vengeance aux dieux
Et fit, en ce triste accessoire,
Mainte oraison jaculatoire.
Que les dieux n'écoutèrent pas,
Car ils ont bien d'autre embarras.
Telle fut la fin déplorable
De ce héros incomparable,
Qui méritait que son roman
Se terminât bien autrement.
Son corps, flottant au gré de l'onde,
Fut longtemps errant par le monde;
On n'en revit jamais a bord
Ni pied ni patte après sa mort.
Bait-achomyonutchio (la) de Rollenhagen.
En allemand, ce poème satirique et politique
s'appelle Froschmaeusler . Rollenhagen , né
en 1542 à Berlin, était de son vivant recteur à
Magdebourg. Il s'occupa beaucoup de littéra-
ture, et composa nombre de comédies, que ses
élèves représentaient par toute la Saxe ; mais
il établit sa réputation, qui dure encore, par la
publication de son Froschmaeusler. Ce poSme,
qui a plus de dix. mille vers, peut être regardé
comme le pendant deRenieke le Renard. Déjà,
en 1566, Rollenhagen, avait assisté, à Witten-
berg, à des conférences sur la Datrachomyo-
machie d'Homère , faites par le docteur
Winsheim.
L'œuvre d'Homère lui plut , il occupa ses
loisirs à la traduire en allemand , et il soumit
plusieurs fragments de son travail à son pro-
fesseur, qui lui donna l'idée d'appliquer la
même forme aux événements du jour. Le dis-
ciple, enchanté de ce conseil, se mit à l'œuvre;
mais la mort de Winsheim vint refroidir son
enthousiasme , et ce ne fut qu'en 1595 , après
de mûres réflexions, qu'il publia cette con-
ception de sa jeunesse , que l'âge avait dû
modifier. Durant toute sa vie, il s'était préoc-
cupé des événements politiques et, pendant
deux années, il avait publié' le Messager
boiteux, une espèce de journal en vers , dans
lequel il comparait les éternelles dissensions
des calvinistes et des luthériens à la guerre
des grenouilles et des rats , à laquelle la ci-
gogne espagnole mettait un terme en ava-
lant les combattants des deux camps. L'idée
mère poursuivait constamment Rollenhagen.
Son but était le même que celui de tous les
esprits satiriques qui l'avaient précédé : dire
la vérité à l'humanité en riant , puisqu'elle ne
voulait pas l'entendre ou ne savait plus la
comprendre quand elle se présentait sous une
forme sérieuse. Jusqu'à lui, la poésie didacti-
que ne s'était occupée que de sujets religieux
ou moraux ; elle étendit son empire sur les
matières mondaines et- politiques. Moschen-
rosch, dont notre poète prépara si admirable-
ment la voie, devait achever l'œuvre com-
mencée, et conquérir pour le genre didactique
le droit de toucher à tous les domaines.
Rollenhagen expose lui-même le contenu do
son poème de la manière suivante : « Puisque,
dit-il , on n'écoute paa les conseils de la sa-
gesse , soit qu'ils viennent de Dieu , soit qu'ils
viennent des hommes, on les appréciera peut-
être quand ils seront mis dans la bouche des
grenouilles ou des rats. Si je réussis , ce sera
grâce à Dieu; sinon, c'est que j'aurai bien
pensé, mais mal parlé. Dans le premier livre,
le rat dira ce qui se passo dans son monde ;
dans le deuxième, la .grenouille exposera ce
qui se fait dans sa société, et dans le troisième,
le rat et la grenouille se feront la guerre. C'est
ainsi que finit le poème, et l'on y apprend
comment il faut vivre, gouverner, et quelle
conduite on doit tenir en temps de guerre.
Celui qui fera sur tout cela des réflexions sa-
ges aura bien profité de ses loisirs; mais ce-
lui qui n'y cherchera qu'une occasion de rire
fera mieux de s'endormir, car un pareil effet
n'a pas été le but de l'auteur. »
Nous ne parlerons pas de l'action, qui est
tout a fait insignifiante, et complètement étouf-
fée par les nombreuses échappées didactiques
du poëte ; il n'est pas davantage nécessaire de
s'occuper des emprunts faits à l'œuvre d'Ho-
mère; ceux-ci sont sans aucune importance.
L'élément germanique domine, et le ton de la
fable de l'antiquité , tel que Phèdre et Esope
nous l'ont transmis , est abandonné, pour faire
place au langage vigoureux que Luther avait
mis a la mode. La valeur poétique de l'ou-
vrage est presque nulle ; des longueurs insup-
portables, des digressions oiseuses, des inéga-
lités dans la composition, sont a noter a chaque
instant; mais le tout n'en reste pas moins une
œuvre originale, qui touche à toutes les ques-
tions brûlantes de l'époque , et donne un ta-
bleau fort exact, et par cela même pour nous
très-précieux, des mœurs du jour. Du premier
livre ressort la leçon que tout ici-bas a son
ennemi naturel ; le renard même, malgré toute
sa ruse, est trompé par ceux qui exploitent sa
cupidité. Sous la-forme des scarabées et des
dauphins , le poète se moque avec beaucoup
d'esprit des alchimistes et des chercheurs de
trésors. Dans le second livre , il expose les
idées d'Hérodote sur les différentes formes
de gouvernement, et les avantages que eha-
BAT
cune présente, et il rattache cette partie didac-
tique à la fable du roi des grenouilles. D'ordi-
naire, dit l'auteur, après un changement dans
la religion et les coutumes du pays, arrive une
révolution politique; il serait a désirer, selon
lui , que les prêtres s'en tinssent à répandre
leurs célestes doctrines, et ne se mêlassent pas
de l'autorité temporelle, et que le roi gouver-
nât, non suivant son bon plaisir, mais d'après
des lois écrites et immuables.
Dans plus d'un passage , l'allusion aux évé-
nements du jour laisse percer le bout de l'o-
reille, et la satire ,sur le pouvoir temporel du
pape se rencontre presque à chaque ligne.
Le prêtre Beisskopf (une grenouille), après
avoir inondé le pays de ses créatures et avoir
abusé de son pouvoir , a occasionné une ré-
volte. On Ta dépossédé , et les grenouilles
tiennent conseil sur le choix du maître qu'el-
les vont se donner.
Tout ce qui est dit dans ce passage sur le
gouvernement des peuples dénote chez l'au-
teur un profond bon sens et un esprit des plus
judicieux. On est tout étonné de rencontrer là
les idées que Montesquieu a développées plus
tard sur l'application de la république. Dans
tous les discours que les membres du conseil
prononcent, on vante la république; mais dans
plusieurs on cherche à prouver, par les faits
de l'histoire, qu'on ne peut la pratiquer comme
formede gouvernement; que jadisles hommes
étaient pleins de loyauté et de franchise , que
le sentiment de la justice les animait ; qu ils
pouvaient donc bénéficier de tous les bienfaits
de la liberté la plus complète ; mais que les
temps sont bien changés. Il vaut donc mieux
n'avoir qu'un maître, qui, animé des meilleures
intentions et inamovible à son poste, apprend
à connaître peu à peu les besoins de ses sujets, .
et ne s'occupe tous les jours qu'à améliorer
leur sort. Si l'on peut exiger de lui qu'il pro-
tège la religion , la justice et la liberté , par
contre , le peuple doit avoir de l'indulgence
pour lui, et ne pas oublier qu'il est plus facile
de critiquer que de mieux faire. Mais les gre-
nouilles commettent des fautes , et Rollenha-
gen énumère toutes les causes de la décadence
de l'Allemagne. On recommande fort, dans le
conseil, de conserver comme régent le célèbre
et peu dangereux soliveau (l'empereur); les
lois seules doivent gouverner, et sept princes
(les électeurs) doivent veiller a leur exécution.
On remet aussi sur le tapis la question du main-
tien du pouvoir clérical en faveur de Beiss-
kopf. On fait appel à la superstition, à la puis-
sance des choses établies, à la piété, au dés-
intéressement , à la générosità . à la nécessité
de contre-balancer la cigogne ou le héron,
c'est-à-dire l'empereur Charles-Quint et son
despotisme espagnol. Mais enfin le prince
Mortz, sur le conseil d'un animal fort sage,
qu'on appelle homme (l'auteur avait Melan-
chthon en vue) , se range à l'avis de la gre-
nouille d'Elbmarx (Martin Luther), et déclare
le pouvoir de Beisskopf (le pape) déchu à tout
jamais. » Qu'il règne, s'écrie-t-il, dans les pays
du Sud , et comme nous reconnaissons qu'on
ne peut forcer la conscience de personne et
encore moins lui imposer la foi, nous ne cher-
cherons pas à lui enlever ses partisans. » C'est
là, il faut l'avouer, une déclaration de liberté
de conscience, comme on ne saurait la souhai-
ter plus large et plus complète. Le troisième
livre, enfin, n'est qu'une série de tableaux et
de scènes militaires, qui n'ont aucune portée
politique.
BalracbomyomBCblfl d'Homère (LES PARA-
lipoménes de la) , poème italien en huit
chants, de Leopardi, publié pour la première
fois à Paris, chez Baudry, en 1842, sous le
titre de : / Paralipomeni délia Batracomioma-
tkia d'Omero. Dans cet opuscule, écrit en ex-
cellents vers, limpides, coulants et contenus,
Leopardi, à propos de rats, de grenouilles et
d'écrevisses, raconte les derniers événements
de son pays. Un commentaire fort laconique
eri explique l'allégorie : les écrevisses (gran-
chi) sont les Allemands; les rats {topi) sont
les Italiens et spécialement les Napolitains de
1820 ; quant aux grenouilles (rane), ce sont les
prêtres.
Ajoutons que Leopardi, philologue aussi re-
marquable par la science que par la précocité
de l'intelligence, avait publié déjà, en 1816
(c'est-à-dire à l'âge de dix-huit ans) une tra-
duction, en sixains, de la Batrachomyomachie
d'Homère , accompagnée d'une dissertation
célèbre en Allemagne, et même en France,
(ions laquelle il combat savamment l'opinion
qui attribue ce poSme à Homère. Cette disser-
tation a été traduite en allemand par Bothe, et
publiée à Leipzig en 1835. Quant à la traduc-
tion, Leopardi la refaite presque en entier
quelques années plus tard, et a publié cette
seconde version à Bologne, en 1826.
BATRACHOPHIDE adj. (ba-tra-ko-fi-de —
du gr. batrachos, grenouille; ophis, ophidos,
serpent). Erpét. Dont la peau ressemble à
celle de la grenouille, en parlant d'un ophi-
dien.
BATRACHORINE s. f. fba-tra-ko-ri-ne —
du gr. batrachos, grenouille; rhin, nez). En-
tom. Genre d'insectes coléoptères tétramères,
de la famille des longicornes , comprenant
une espèce, qui vit aux îles de France et de
la Réunion.
batrachosperme s. m. (lia-tra-ko-spèr-
mo — du gr. batrachos, grenouille ; sperma,
semence). Bot. Genre de conferves des eaux
douces, dont l'espèce type forme des sortes
BAT
de chapelets, analogues au frai des gre-
nouilles.
— Encycl. Le genre batrachosperme , établi
par RotK pour le conferva gelatinosa de Linné,
a été subdivisé depuis en plusieurs autres. On
le distingue aujourd'hui par les caractères
suivants : fronde entourée d'un mucus épais,
formée de filaments le plus souvent rameux,
pellucides , articulés , striés longitudinale-
ment, chargés, au sommet de chaque article,
de faisceaux verticillés, de ramules articulés,
moniliformes, colorés ; fructifications placées
au milieu des ramules. Ce genre comprend
une dizaine d'espèces, qui croissent dans les
eaux douces, surtout au milieu des eaux vives
et courantes. L'espèce la plus commune est
le batrachosperme moniliforme. Cette algue,
d'une couleur brunâtre plus ou moins foncée ,
est remarquable par sa consistance gélati-
neuse, et par les paquets globuleux oe ses
ramules ; elle adhère fortement au papier sur
lequel on prépare des échantillons pour l'her-
bier, et prend, dans cet état, sous l'influence
de la lumière, une teinte d'un beau violet.
BATRACHOSPERME, ÉE, adj (ba-tra-ko-
spèr-mé — rad. batrachosperme). Bot. Sem-
blable au batrachosperme.
— s. f. pi. Tribu do la famille des algues,
ayant pour type le genre batrachosperme.
— Encycl. Les caractères généraux de la
tribu des batrachospermées peuvent se résu-
mer ainsi : fronde filamenteuse ou globulaire,
formée de filaments articulés, rameux, enve-
loppés d'un mucus gélatineux ; filament prin-
cipal un peu différent des filaments acces-
soires. Les loges de ceux-ci sont pourvues
d'un endochrome abondant, coloré, tandis que
les articulations du filament central qui a
atteint tout son développement sont presque
toujours diaphanes et a peine marquées de
taches ou zones endochroiniques. Les ramules
articulés sont souvent terminés par des pro-
longements capillaires diaphanes, qui parais-
sent inarticulés. Les gemmes fructifères sont
situées au milieu des .rameaux ; elles sont for-
mées de corpuscules agrégés, entourés de ra-
mules. Cette tribu comprend six genres : deux
renferment des algues marines ; les quatre
autres ne représentent que des espèces d'eau
douce.
BATRACHOSTOME s, m. (ba-tra-ko-sto-me
— du gr. batrachos, grenouille; stoma, bou-
che). Ornilh. Genre d'oiseaux, formé aux dé-
pens des podarges.
BATRACHOTÉTRIX s. m. (ba-tra-ko-té-
triks — du gr. batrachos, grenouille; tetrix,
nom d'un oiseau). Entom. Genre d'insectes
orthoptères, de la famille des sauterelles,
comprenant deux espèces exotiques, toutes
deux dépourvues d'ailes.
BATRACIEN , IENNE adj. (ba-tra-si-ain,
i-è-ne — du gr. batrachos, grenouille). Erpét.
Qui tient de la grenouille; qui ressemble à
une grenouille.
— Fam. Qui rappelle la forme d'une gre-
nouille : Il eût pu voir la tête batracienne de
Mathieu, qui s'allongeait hors de la hutte, les
yeux fixes et ardents. (Al. Dum.)
— s. m. pi. Grand groupe d'animaux ver-
tébrés, regardé jadis comme le quatrième
ordre de la classe des reptiles, et dont pres-
que tous les zoologistes font aujourd'hui une
classe à part : La durée de la vie des batra-
ciens n'est pas connue. (T. Cocteau.) La plu-
part des batraciens 'ont ovipares ; ces animaux
sont les seuls, parmi les reptiles, gui offrent
des métamorphoses. (Richard.) Les batra-
ciens sont en réalité des reptiles, mais des
reptiles qui commencent par être poissons. (J.
M ace.)
— Encycl. La classe des batraciens ren-
ferme tous les animaux dont l'organisation
est analogue à celle de la grenouille. Long-
temps rangés dans la classe des reptiles, ces
vertébrés sont considérés aujourd'hui comme
formant, sous le nom d'amphibiens ou batra-
ciens, une classe entièrement distincte , qui se
place naturellement entre celle des reptiles et
celle des poissons. En effet, d'un côté, les ba-
traciens diffèrent par des caractères très-tran-
chés de tous les ordres de reptiles : 1° des ché-
loniens, par le défaut d'ongles aux pattes, par
l'absence ou le peu de développement des cotes,
par le mode d'accouplement et l'enveloppe des
œufs; 2° des sauriens, par la plupart des
mêmes caractères, et, en outre, par la forme
de leur cloaque; 3° enfin, des ophidiens, par la
présence des pattes dans le plus grand nombre
des espèces, ainsi que par les paupières, la
présence d'un sternum, l'absence d'un pénis
double, etc. D'un autre côté, ils ont des liai-
sons évidentes avec les poissons. Ainsi, de
grandes analogies de forme existent certaine-
ment entre les têtards des anoures et certains
poissons, tels que le séchot et plusieurs es-
pèces des genres batrachus , chironecte et
lépadogastère. De même, parmi les derniers
genres des batraciens, quelques-uns, tels que
les amphiumeSjles céciliés et les protées,ont,
dans leurs formes générales, dans leur ma-
nière de nager, dans la disposition de leur
queue, dans le mode d'articulation de leurs
vertèbres, des ressemblances frappantes avec
les aptérichtes, les gastrobranches et les mu-
rénophis. Les batraciens, tels qu'ils sont divi-
sés aujourd'hui , présentent entre eux des
différences marquées ; cependant, ils se réu-
nissent par les caractères suivants : tronc
BAT
déprimé, trapu, arrondi ou allongé; sternum .
généralement très-développé ; côtes rudimen-
taires ou nulles ; vertèbres dorsales en nombre
variable, depuis dix seulement, comme dans
les anoures, jusqu'à quatre-vingt-dix, comme
chez les sirènes; peau nue, mince, souvent
visqueuse, sans aucune apparence d'écaillés,
excepté chez les ichthyobatraciens et les céci-
liés; corps terminé par une queue ou privé
de ce membre ; tête déprimée, a contour anté-
rieur semi-circulaire , articulée avec l'atlas
par deux condyles occipitaux; cou presque
nul ; pattes nulles, ou au nombre de deux à
quatre; doigts dépourvus d'ongles, ou munis
tout au plus de petits étuis cornés. Les batra-
ciens sont des animaux à sang rouge et froid
et à circulation incomplète ; le cœur a deux
oreillettes et un seul ventricule, et le liquide
qui passe dans l'aorte est un mélange de sang
artériel et de sang veineux. Chez quelques
espèces, l'œil se rapproche de celui des pois-
sons; chez d'autres, il est petit ou nul. Dans
le premier âge, les petits, connus sous le nom
de têtards, sont dépourvus de membres et
munis d'une queue ; ils sont herbivores, et res-
pirent au moyen de branchies, comme les
poissons. Plus tard, cette organisation se mo-
difie , les membres se développent, la queuo
disparaît souvent, les branchies s'atrophient,
et l'animal respire par des poumons, comme
les reptiles. Cependant, chez quelques genres,
les branchies persistent concurremment avec
les poumons : ainsi, les sirènes, les protées et
les ménobranches ont à la fois les deux modes
de respiration.
La plupart des batraciens vivent dans l'eau
ou dans les lieux humides ; ils sont tous plus
ou moins amphibies. A l'état adulte, ils sont
carnivores, mais ne se nourrissent jamais de
débris d'animaux. L'accouplement a lieu par
simple contact et se prolonge souvent pen-
dant plusieurs jours. Les œufs, protégés seu-
lement par une enveloppe membraneuse, sont
pondus le plus souvent avant la fécondation ;
ils grossissent après la ponte.
La classe des batraciens comprend .quatre
ordres : l» Les ophidiobatraciens (céciliés ,
rhinatrèmes) ; 2° les batraciens anoures (gre-
nouilles, crapauds) ; 3» les batraciens urodèles
(salamandres, tritons, etc.); 4» les ichthyoba-
traciens V. ces mots. V. aussi, pour d'autres
détails, le mot Amphibiens.
— Batraciens fossiles. Dans les terrains ter-
tiaires, formés par les eaux douces, on trouve
assez souvent des os et même des squelettes
à peu près complets de batraciens. Parmi ces
fossiles, les uns appartiennent à des espèces
encore existantes, d'autres semblent indiquer
des genres maintenant disparus. Presque tous
se distinguent par des proportions gigantes-
ques. M. Jaeger en a découvert un dont la
tête présente un disque aplati, demi-elliptique,
qui n'a pas moins de 0 in. 72 centimètres de
long sur 0 m. 57 de large. Un autre, trouvé
au commencement du xvme siècle dans les
carrières schisteuses tertiaires d'Œningen,
mesure 1 m. 50 de longueur. Cette pétrifica-
tion a donné lieu à une méprise célèbre.
Scheuchzer crut y reconnaître le squelette
d'un homme, et il développa son opinion dans
une dissertation intitulée : Homo diluvii testis.
La plupart des savants ne furent pas de cet
avis, et l'homme témoin du déluge devint un
poisson du genre silure. Enfin, après bien des
années, Cuvier, grâce à la précision qu'il avait
introduite dans la distinction des caractères
paléontologiques, reconnut ce fossile pour être
le squelette d'une salamandre, qu'en raison
de sa taille il surnomma gigantesque. Espé-
rons que ce sera là sa dernière transforma-
tion. C'est dans les schistes d'CEningen, dans
le lignite schisteux des environs de Bonn,
dans les terrains tertiaires du Wurtemberg,
du Brabant méridional et du département du
Gers , qu'ont eu lieu les principales décou-
vertes d'ossements de batraciens. Au-dessus
des terrains tertiaires, la période diluvienne
ne présente guère de restes d'animaux de
cette classe que dans des fentes de rochers ou
dans des cavernes. On peut présumer que les
mouvements violents des eaux et des maté-
riaux qu'elles entraînaient à l'époque du grand
cataclysme ont anéanti leurs restes fragiles,
excepté dans quelques endroits à l'abri des
grands courants.
BATRACUS et SADBUS, architectes grecs,
natifs de Sparte, et qui vivaient au i", siècle
de notre ère. Après avoir construit divers édi-
fices à Rome, ils y élevèrent, à leurs frais,
un des temples situés à l'intérieur des porti-
ques d'Octavie. Ayant vainement demandé de
graver leurs noms sur le frontispice, ils signè-
rent néanmoins leur œuvre d'une façon sym-
bolique, en faisant sculpter dans les orne-
ments des colonnes des grenouilles (en grec,
batrachos) et des lézards (en grec, sauras) ,
animaux dont, ainsi qu'on le voit, ils portaient
les noms. Le couvent de Saint-Eusôbe possé-
dait, vers 1771, quelques-unes de ces colonnes.
Un chapiteau d'ordre ionique, où l'on voit
sculptés ces deux animaux, se trouve à l'é-
glise Saint-Laurent hors des murs, à Rome.
Selon toute probabilité , c'est un débris du
temple élevé par les deux Lacédémoniens.
BATRATHÈRE s. f. (ba-tra-tè-re — du gr.
batér, marcheur; athêr, épi). Bot. Genre de
plantes monocotylédones, de la famille des
graminées, forme aux dépens des andropo-
gons ou barbons, et comprenant une seule
espèce, qui croit dans l'Inde.
BAT
BAT
BAT
BAT
373
batriace s. f. fba-tri-a-se). Techn. Outil
du fabricant de tuiles, il On dit aussi batriau
et BATRIAVO.
BATB.ISE s. m. (ba-tri-ze). Entom. Genre
d'insectes coléoptères dimères, de la famille
des psélaphiens, comprenant une dizaine
d'espèces, dont la plupart habitent la France ;
Les batrises sont de très-petits 'insectes, gui
vivent, pour la plupart, en société avec les four-
mis, et dont quelques-uns habitent sous les
écorces et dans les bois en décomposition. (Du-
ponchel.)
BATROUN, autrefois Botrys, bourg de la
Turquie, en Syrie, à 24 kil. S- de Tripoli-de-
Syrie, sur le bord de la Méditerranée, avec
un port sur, et très-fréquenté par les bâtiments
d'un faible tonnage.
BATSCH (Auguste-Jean-Georges-Charles) ,
naturaliste allemand, né à léna en 1761, mort
en 1802. Il se fixa à Weimar en 1781, pour y
exercer la médecine, mais il s'adonna plus
particulièrement à l'étude de l'histoire natu-
relle. Après avoir été chargé de l'organisation
et du classement du beau muséum zoologique
etminéralogiquede Kœstriz, il devint, en 1792,
professeur de philosophie dans sa ville natale,
où il fonda la Société pour l'avancement des
sciences naturelles. Ce savant distingué a
laissé un grand nombre d'ouvrages, dont les
plus importants sont : Elenchus fungorum
(Halle, 1783) ; Essai d'une histoire des doc-
trines naturelles (1789-91, 2 vol.)-, Analyse
botanique des /leurs des divers genres de plan-
tes (1790); Essai d'une doctrine de la matière
médicale (1790); Botanique des dames (1797),
ouvrage écrit en allemand comme les précé-
dents, mais qui a été traduit en français par
Bourgoing. Citons enfin un essai de classifi-
cation en botanique, sous le titre de Tabulœ
affinilatum regni vegetabilis (Weimar, 1802).
BATSCHIE s. f. (batt-schî — do Batsch,
botaniste allemand). Bot. Nom donné succes-
sivement à divers genres ou sous - genres
(gremil, humboldtie, eupatoire), et qui ne
sert plus aujourd'hui que comme synonyme.
BATT (Corneille), médecin zélandais, né a
Tervière en 1470, mort en 1517, fut un mé-
decin distingué. Il a écrit en flamand : Des-
cription du monde, et d'autres ouvrages des-
tinés à l'éducation de son élève Adolphe de
Bourgogne, notamment une Cosmologie (1512).
BATT (Barthélémy), luthérien flamand, né à
Alost en 1512, mort a Rostock, en 1559. Il fut
persécuté par l'inquisition, pour avoir embrassé
le luthéranisme. On a de lui : De Œconomia
christiana libri duo (Anvers, 1558, in-12). —
Son fils, Lievin Batt, né à Gand, en 1535,
mort en 1591, se fit recevoir maître es arts à
Wittemberg en 1559, enseigna les mathéma-
tiques à Rostock, et, après avoir pris le grade
de docteur en médecine à Venise, il vint pro-
fesser cette science à l'université de Rostock.
Il a écrit : Epistolœ aliqunt medica tractantes,
insérées dans les Miscellanea de H. Smetius
(Francfort, 1611).
BATT (Charles), médecin flamand qui vi-
vait à la fin du xvic siècle. Il exerça son
art, de 1593 à 1598, à Dordrecht, et il s'est fait
connaître comme traducteur de plusieurs ou-
vrages médicaux, notamment : Livre de méde-
cine, où sont décrites toutes les parties du corps
humain et leurs maladies, depuis la tête jus-
qu'aux pieds, avec la manière de les guérir
traduit de l'allemand (2c édit., Dordrecht,
in-fol.) ; Pratique de la chirurgie, traduit du
français de JeanGuillemeau (Dordrecht, 1598,
in-fol.) ; La chirurgie et toutes les œuvres d'Am-
braise Paré, en 28 livres, avec figures (Am-
sterdam, 1615, in-fol.), etc.
BATT (Guillaume), médecin anglais, né à
Collingham en 1744 , mort en 1812. Il Se fit
recevoir docteur à Montpellier en 1770, pro-
fessa la chimie à- Gènes, et se distingua par
son courage et son activité lors de l'épidémie
de typhus qui ravagea cette ville en 1800. Il
a laissé des mémoires insérés dans : Memoria
délia Societa medica di emulazione di Genova.
BATTA (Alexandre), violoncelliste hollan-
dais, né en 1816, à Maestricht, est fils d'un
musicien de talent, qui professa pendant long-
temps an Conservatoire de Bruxelles. Elève
de Platel, il se fit remarquer, dès l'âge de dix
ans, dans les soirées musicales et concerts
donnés par ce dernier. Parcourant ensuite les
principales villes d'Europe , il s'acquit une
grande réputation d'exécutant. C'est à Paris
surtout que, pendant plus de vingt ans, il
a donné un grand nombre de concerts , tou-
jours suivis avec beaucoup d'intérêt par
les amateurs, qui se plaisaient à admirer la
grâce, le sentiment et la légèreté de son jeu.
Il a fréquemment paru à la cour de La Haye,
où son talent a joui d'une faveur exception-
nelle. On lui doit des fantaisies, des airs variés
et divers morceaux pour le violon. Des juges
sérieux reprocheront à M. Batta son amour
des petites compositions de salon, ses transi-
tions perpétuelles du forte au piano, son jeu
efféminé , ses mièvreries et fadeurs instru-
mentales, enfin l'absence de virilité de l'ar-
chet. Comme Alfred Quidant, M. Batta est un
musicien pour dames ; il est à Servais ce que
Quidant est à Listz.
BATTAGE s. m. (ba-ta-je — Les différents
noms que les langues européennes ont donnés
à cette opération, ainsi qu'a l'aire où elle s'exé-
cute, présentent généralement assez peu
d'analogie. M. A. Pictet explique d'une ma-
nière satisfaisante cette diversité assez rare
dans les idiomes de notre race. La récolte,
enlevée sur le char, était, dit-il, amenée à
l'aire ou mise en réserve pour le moment du
battage. On sait que cette opération s'exécu-
tait de différentes manières, suivant les
temps et les Lieux. On pilait les épis dans un
mortier, on les battait avec le fléau, ou bien
on les faisait fouler sur l'aire par des bœufs
ou des chevaux qui tournaient en cercle. Ce
dernier procédé a été surtout en usage chez
les peuples de l'Orient, ainsi qu'en Grèce, où
l'usage du fléau était inconnu. Aussi ce der-
nier n'a-l-il de nom ni en grec, ni en sans-
crit. Dans le nord de l'Europe, et par suite du
climat, c'est le battage en grange qui était
généralement usité. On comprend que, par
l'effet même de cette diversité de procédés,
les ternies qui se rapportent au battage ont
dû varier considérablement. Il ne faut donc
s'attendre qu'à des rapprochements isolés et
par conséquent douteux. La série étymolo-
gique la plus intéressante pour nous, qui ait ■
rapport a l'opération du battage, c'est celle
que nous ouvre le latin. Nous trouvons tri-
tura, forme redoublée de tero, d'où tribulum,
fléau à battre, et même le nom du blé, tri-
ticum. A tero (broyer , fouler) répondent ,
ajoute M. A. Pictet, legr., leiro ; l'anc. slav.
trieti; le lithuan. triti; le cym. tori; l'ar-
mor. terri, etc. Au sens plus spécial se rat-
tache l'irland. tiomrah, le battage du blé. Les
langues germaniques s'y rattachent de plus
loin par leur verbe gothique thriskan ; en
angl.-sax., therscan; enscandin., threskia, en
anc. allem. dreskan, d'où le goth. gathrask,
aire, et l'angl.-sax. , iherskol, anc. allem., dris-
kil, fléau, et l'allem. mod. dreschel., employé
concurremment avec flégel, dans lequel il est
difficile de méconnaître le latin fiagellum.)
— Agric. Opération par laquelle on sépare
le grain de la paille, les graines de leurs cap-
sules : Le battagb du blé. Battage au fléau.
Battage mécanique. Battage au tonneau. Le
battage des graines est une des opérations les
plus importantes de l'agriculture. (Darblay).
Le BATTAGKse fait toujours en plein air, ce qui
a de grands inconvénients. (Moroges.) Les blés
ne manquaient pas en 1792; mais la récolte
avait été retardée par la saison, et, en outre,
le battage des grains avait été différé par le
défaut de bras. (Thiers.) Lorsqu'on n'opère pas
tout de suite le battage, on loge les gerbes
dans des granges. (Math, de Dombâsle.) Les
semences de toute espèce doivent être remuées
fréquemment pendant quelques mois après le
battage. (Math, de Dombâsle.)
— Econ. rur. Action d'agiter la crème du
lait, pour y déterminer la formation du
beurre : Le meilleur moment pour le battage
du beurre, pendant la belle saison, est le ma-
tin de bonne heure, avant que le soleil ait beau-
coup d'action. (Moroges.) Une température de
quinze' à seize degrés de chaleur est favorable
au battage du beurre. (Joigneaux.)
— Techn. Pulvérisation : Le battage de la
poudre ne peut s'opérer qu'avec des pilotis en
bois, dans des mortiers de bois. Il Opération
consistant à comprimer les pâtes du potier,
à l'aide d'une percussion violente, exercée,
soit avec les forces seules de l'ouvrier, soit
avec des machines diversement disposées ,
afin d'augmenter l'homogénéité que lui ont
donnée les manipulations précédentes : Bat-
tage à la main. Battage mécanique. Il Opéra-
tion ayant pour objet de réduire les métaux,
spécialement l'or, l'argent et le cuivre, en
feuilles d'une extrême ténuité, au mojen
du marteau. On dit aussi batterie, h Prépa-
ration donnée à la laine, au moyen de hous-
sines dont on la frappe sur des claies de
corde. Il Opération par laquelle, dans le tirage
de la soie, on dégage la bourrette ou frison
qui garnit la surface des cocons : Le battage
consiste à agiter les cocons dans de l'eau
chaude, afin de dissoudre la matière gommeuse
dont ils sont enduits, il Opération qui a pour
but d'enfoncer des pilots, en les frappant sur
la partie supérieure, il Battage du fil, Opéra-
tion à laquelle on soumet le 61 à coudre, pour
en obtenir le lissage. Cette opération est
confiée à des ouvriers appelés flliers ou fil-
triers, et s'exécute avec des appareils nommés
baltes, qui, dans les grands établissements,
sont mis en mouvement par une machine à
vapeur.
— Mar. Abordage agressif : Il s'attaque
aux chétives et inoffensives embarcations des
promeneurs; alors son battage, c'est-à-dire
son attaque, a toute la férocité d'un abordage
de corsaire. (E. Briffault.)
— Argot. Supercherie, feinte.
— Encycl. Agric. Le moyen le plus simple
qui se soit présenté à l'esprit pour séparer le
grain de ses enveloppes a dû être de saisir les
tiges et de frapper les épis contre un corps
dur et résistant. C'est l'égrenage, qui est en-
core usité pour les plantes potagères, le maïs
et le seigle. Mais, ce moyen devenant trop
long et trop dispendieux dès qu'il s'agissait de
récoltes un peu considérables, on l'a remplacé
par le battage au fléau. Voulant ensuite sub-
stituer au travail de l'homme l'action plus ra-
pide des animaux, quelques cultivateurs' ingé-
nieux ont inventé le dépiquage. Enfin, de nos
jours, le génie de la mécanique a cherché à
régulariser ces diverses opérations , à les
combiner, à réduire le temps et l'espace qu'on
y employait : il a produit la machine à battre.
Les trois premières méthodes, l'égrenage
simple, le battage au fléau et le dépiquage,
ont été simultanément employées dès la plus
haute antiquité. Ainsi, les Egyptiens égre-
naient le lin en le faisant passer entre les
dents d'un peigne mû par les pieds de l'ou-
vrier. Nous savons aussi que les Chinois
égrènent le riz et quelquefois même le blé.
Le prophète Isaïe nous montre les différentes
méthodes dont nous venons de parler comme
étant d'un usage général de son temps, parmi
les Hébreux : « On ne foule pas, dit-il, la vesce
avec des traîneaux, on ne fait point passer la
roue des chariots sur le cumin ; mais on bat la
vesce avec la verge, et le cumin avec le
fléau. » Déjà Moïse, dans te Deutéronome,
avait prescrit de ne pas emmuseler le bœuf
qui foulait le grain, afin qu'il pût profiter, lui
aussi, de l'abondance de la récolte : Non alli-
gabis os bovis triturantis.
Les Grecs dépiquaient le blé en le faisant
fouler aux pieds des bœufs, comme on le voit
par ce passage de Ylliade : « Lorsqu'un la-
boureur a réuni sous le joug deux taureaux au
large front pour fouler l'orge blanche dans
une aire spacieuse, la paille légère s'envole
sous les pieds dés taureaux mugissants ;
ainsi les deux coursiers d'Achille fbulent à
leurs pieds les cadavres et les boucliers ; l'es-
sieu, le siège arrondi, sont couverts d'une
rosée sanglante, que font jaillir les pieds des
chevaux et les roues du char. « Les Romains
employaient à la fois le battage au fléau et le
dépiquage. Varron décrit fort exactement ce
dernier : « Le grain, dit-il, est quelquefois
battu dans l'aire par des bœufs attachés au
joug d'un tribulum. Cette machine est faite
de planches hérissées de pierres ou de fer.
Elle supporte le conducteur ou tout autre
poids considérable. On la promène sur les
épis pour détacher le grain qu'ils contiennent.
Ailleurs, on se sert d'un traîneau formé de
cylindres armés de dents, et divisés en plu-
sieurs sections orbiculaires. On lui donne le
nom de chariot phénicien ou carthaginois (plos-
tellum posnicum). Ce traîneau est usité dans
l'Espagne citérieure et en d'autres lieux.
Parfois aussi, on fait battre le blé par des
bestiaux non assujettis au joug et qui, par le
frottement de leurs sabots, contraignent le
grain à sortir de l'épi. » Suivant Columelle,
lorsque les épis sont seuls moissonnés, on peut
immédiatement les porter a la grange et en
remettre le battage à l'hiver. On peut alors
l'exécuter au moyen des fléaux, ou en faisant
fouler les épis aux pieds des bestiaux : le bat-
tage au fléau est préférable. Si, au contraire,
la paille reste unie à l'épi, le blé doit être
battu, quelque temps après la récolte, par le
moyen du dépiquage. En général, les che-
vaux valent mieux que les boeufs pour cette
dernière opération. On peut ajouter un rou-
leau ou un traîneau, quand on n'a pas un
nombre suffisant d'attelages.
Les différents moyens employés dans l'an-
tiquité pour extraire le grain de l'épi sont en-
core usités de nos jours. En conséquence,
pour diviser convenablement cet article et Je
mettre au niveau de la science moderne, nous
allons traiter successivement du battage au
fléau, du chaubage ou battage au tonneau et à
la vache, du dépiquage, et enfin, de Végrenatje
au moyen des machines à battre proprement
dites.
— Du battage au fléau. Ce battage s'exé-
cute avec le fléau, instrument très-simple,
mais dont les formes varient beaucoup selon
les pays. Plusieurs manœuvres battent en-
semble, en se mettant deux par deux, à quel-
que distance. Ils frappent alternativement et
en mesure sur les gerbes placées devant eux.
Lorsqu'un côté est battu, on retourne les ger-
bes; on les bat de nouveau, puis on les délie
ou on les ouvre, afin d'atteindre les épis ca-
chés dans l'intérieur. La puille est ensuite
battue de nouveau à plusieurs reprises. Ce
n'est qu'après avoir passé six^ou même huit
fois sous le fléau, qu'elle est définitivement
mise en bottes pour les divers usages auxquels
on la fait servir.
On appelle aurons, blé chape, blé vêtu, les
grains que l'on ne peut débarrasser de leur
balle florale. Ces grains sont mis h part pour
la nourriture des volailles.
Le battage au fléau présente des inconvé-
nients assez graves, parmi lesquels nous nous
contenterons de signaler son excessive lenteur
et son imperfection.
D'un autre côté, le battage effectué au
moyen du fléau est, pour les ouvriers qui en
sont chargés, une occupation des plus fati-
gantes. On a calculé qu'une gerbe pesant
8 à 9 kilo, exige environ 150 coups de fléau.
Or, chacun de ces coups éprouvé au dynamo-
mètre, sur une largeur de 0ln 01, le fait en-
foncer de 6 kil. 25. Les épis d'une gerbe oc-
cupant on> 40 de surperficie sur le plancher de
la grange, les 150 coups de fléau produisent
930 kil. 50. D'où il résulte qu'un homme
battant , par exemple , dans sa journée ,
35 gerbes produit un travail mécanique de
79,687 kil. Dans les pays où l'on ne se sert
de la paille que pour la nourriture des bes-
tiaux, le battage au fléau présente encore un
autre inconvénient : les chaumes ne sont pas
brisés suffisamment, et souvent les animaux
refusent de les manger. Cependant, malgré
les désavantages qui viennent d'être signalés,
ce mode d'égrenage est encore préférable h
tout autre dans le centre et au nord de la
France, surtout pour les cultivateurs peu aisés,
à cause de la facilité qu'il présente de limiter
ses résultats aux. besoins et aux travaux de
la ferme. C'est ainsi que la petite propriété
est demeurée jusqu'ici son domaine exclusif.
Dans les grandes exploitations, ce système
tend de plus en plus il disparaître : toutefois,
dans la plupart de nos départements du cen-
tre, il n'a pas cessé d'être en usage, aussi
bien pour la grande que pour la petite culture.
Les inconvénients du battage au fléau ont
engagé différents agronomes à recourir à un
système de fléaux mécaniques , capables
d'exécuter le même travail en moins de temps
et avec moins de fatigue ou de dépense. Plu-
sieurs combinaisons ont été essayées; mais
aucun de ces appareils n'a réussi assez com-
plètement pour obtenir une supériorité incon-
testable. Nous citerons seulement, pour mé-
moire, les machines de Fœster.de Hansen,de
Rey de Planazu et de M. de Marofles. Cette
dernière est la plus remarquable, tant à cause
de son bas prix, que pour son mécanisme peu
compliqué.
— Du chaubage. Ce procédé de battage
s'applique surtout au seigle, et quelquefois
au blé et à l'avoine longue, dont la paille doit
servir à faire des liens. Il s'opère au moyen
d'un tonneau et d'un cadre en bois appelé
vache, traversé par des barres et supporté
sur quatre pieds. L'ouvrier prend dans ses
mains environ le quart d'une gerbe de 10 kilo.-,
il le serre avec une corde, afin que les épis ne
se dérangent pas, et frappe avec force sur la
vache ou le tonneau qu'il a devant lui; quand
il ne sort plus de grain, il retourne sa poignée
et frappe de nouveau, puis il l'ouvre, place
en dehors les épis qui étaient au centre, et
recommence à frapper. Quand il a battu un
certain nombre de poignées, il en forme une
botte de paille, qu il lie avant d'entamer de
nouvelles gerbes.
— Du dépiquage. On entend par dépiquage
l'égrenage fait au moyen du piétinement des
animaux. Comme il convient de donner, avant
tout, une idée exacte de cette opération, nous
allons citer ce qu'en dit l'abbé Rozier dans
son Cours complet d'agriculture : « On com-
mence par garnir le centre de l'aire par qua-
tre gerbes, sans les délier ; l'épi regarde le
ciel, et la paille porte sur la terre; elles sont
droites. A mesure qu'on garnit un des côtés
des quatre gerbes, une femme coupe les liens
des premières et suit toujours ceux qui ap-
portent les gerbes ; mais elle a soin de leur
laisser garnir tout un côté avant de couper
les liens. Les gerbes sont pressées les unes
contre les autres de manière que la paille ne
tombe point en avant; si cela arrive, on a
soin de la relever lorsqu'on place de nouvel-
les gerbes ; enfin, de rang en rang, on par-
vient à couvrir presque toute la surface de
l'aire. Les mules, dont le nombre est toujours
en raison de la quantité de froment que l'on
doit battre et du temps qu'on doit sacrifier
pour cette opération, sont attachées deux à
deux, c'est-à-dire, que le bridon de celle qui
décrit le côté extérieur du cercle est lié au
bridon de celle qui décrit l'intérieur du cercle ;
enfin, une corde part du bridon de celle-ci et
va répondre à' la main du conducteur, qui oc-
cupe toujours lé centre, de manière qu'on
prendrait cet homme pour le moyeu d'une
roue, les cordes pour ses rayons, et les mules
pour les bandes. Un seul homme conduit
quelquefois jusqu'à six paires de mules, et,
armé d'un fouet, il les fait toujours trotter,
pendant que les valets poussent sous les pieds
de ces animaux la paille qui n'est pas encore
bien brisée et l'épi qui n'est pas assez froissé.
On prend pour cette opération des mules oudes
chevaux légers, afin que, battant et pressant
moins la paille, elle reçoive des contre-coups
qui fassent sortir le grain de sa balle. Chaque
paire de mules marche de front, et elles dé-
crivent ainsi huit cercles concentriques. Ces
pauvres animaux vont toujours en tournant
sur une circonférence d'un assez large dia-
mètre, il est vrai; mais cette marche circu-
laire les aurait cependant bientôt étourdis, si
on n'avait la précaution de leur boucher les
yeux avec des lunettes faites exprès ou avec
un linge . c'est ainsi qu'ils trottent du soleil
levant au soleil cou hant, excepté pendant les
heures des repas. Le conducteur, en lâchant
la corde ou en la resserrant, conduit ses
mules où il veut, mais toujours circulaire-
ment, de manière que, lorsque toutes les ger-
bes sont aplaties, les animaux passent "et re-
passent sur toutes les parties. Le dépiquage
se fait toujours en plein air, ce qui a de grands
inconvénients, à cause de la pluie et surtout
des orages. Dans ce cas, on perd beaucoup
de blé et de paille, quelques précautions qu'on
prenne. Outre les mules, on emploie aussi les
chevaux, les ânes, et même les boeufs. Les
chevaux de la Camargue, à demi sauvages,
petits et vifs, sont préférés à tous les autres. »
Un des principaux avantages du dépiquage,
c'est la célérité de l'exécution. Suivant
M. Jaubert de Passa, vingt-quatre chevaux
peuvent battre, en une seule journée, près de
six mille gerbes pesant chacune 7 kilo. 50. Ce
procédé paraîtrait donc, au premier abord,
deux fois plus économique que le battage au
fléau. Mais cette proportion est loin d'être
exacte, parce que le battage est un travail
continu, tandis que le dépiquage, nécessitant
un temps sec, laisse de longues journées de
chômage, pendant lesquelles les animaux sont
oisifs et les hommes peu occupés. En général,
la journée d'un cheval- ne produit que cinq
hectolitres. En somme, le dépiquage, s'il est
374
BAT
plus expéditif que le battage au fléau, n'est
pas assurément plus économique. Il entraîne,
en outre, d'assez grands inconvénients. Ainsi,
devant toujours avoir lieu en plein air, il est
inapplicable aux contrées du centre et du nord
de l'Europe ; les pailles sont souvent salies par
les animaux, qui refusent ensuite de les man-
ger ; enfin, sous le rapport du rendement, il est
encore moins parfait que le battage au fléau.
On trouve toujours du grain dans la paille de
l'ouvrage considéré comme le mieux fait.
« Quand le blé est cher, dit M. de Gasparin, il
vient des gens des montagnes, qui rebattent
toujours les pailles au fléau, pour en retirer le
grain qui y reste : le terme moyen de ce qu'ils
y trouvent est 21/2 pour 100 de la récolte
totale ; dans les années humides, où le blé se
dépouille moins bien, cette proportion peut
s'élever jusqu'à 6 pour 100. » Ce sont sans
doute ces inconvénients qui, dès les temps les
plus reculés, ont donné lieu à l'invention de
divers procédés de dépiquage mécanique.
Nous avons déjà parlé du chariot phénicien
ou carthaginois, que l'on retrouve encore de .
nos jours en Andalousie. L'Italie centrale se
sert d'un rouleau assez répandu, qui porte le
nom de ritolo. Cette machine, que l'on a in-
troduite, au commencement de ce siècle, dans
les environs d'Agen, de Toulouse et de Mont-
pellier, a été l'objet de divers perfectionne-
ments; La machine suédoise, que M. de Las-
teyrie nous a fait connaître, est construite sur
un autre modèle. Elle se compose de deux cy-
lindres, en forme de cône tronqué, fixés dans
un châssis courbe qui se rattache a un fort
levier par le moyen d'une chaîne ou d'un
crochet. Ce levier est ensuite agrafé à un ar-
bre vertical, autour duquel se fait le mouve-
ment circulaire. On attelle les chevaux aux
chevilles du levier, et on les force de marcher
toujours dans la même direction, en leur atta-
chant un bâton devant le poitrail. Lejs rou-
leaux portent treize rangées de dents, lon-
gues de 0 m. 05 et également espacées. Cet
appareil peut être considéré comme l'une des
meilleures machines à dépiquer qui existent.
Le battidore, en usage dans quelques parties
des Apennins, le trillo, dont on se sert dans
presque toute l'Espagne, le trity de la Corse,
sont des appareils extrêmement imparfaits,
que les progrès de l'industrie agricole ne tar-
deront pas à faire disparaître. Quant aux
rouleaux usités dans le midi de la France,
leur supériorité sur le dépiquage au moyen
du piétinement est incontestable : ils permet-
tent de niieux utiliser les forces des animaux,
et opèrent un égrenage bien plus parfait.
Toutefois, ils sont loin de posséder les avan-
tages des véritables machines à battre, qui,
dans un avenir plus ou moins prochain, sont
destinées à les remplacer. Nous citerons,
parmi les, meilleurs appareils de ce genre,
ceux de M", de Puymaunn, de M. de Lajous et
du comte Dupac-Bellegarde.
— Des machines à battre. Nous avons vu
les procédés mécaniques appliqués au dépi-
quage et au battage par le moyen du fléau;
il nous reste maintenant à examiner les ma-
chines à battre proprement dites. Mais comme
ce sujet exige des développements considéra-
bles, nous renvoyons le lecteur au mot bat-
teuse, où il sera traité dans toute son étendue.
BATTAGLIA, ville de l'empire d'Autriche,
dans la Vénétie, province et à U kil. S.-O. de
Padoue, sur le canal de son nom, qui unit le
canal de Moncelice au Bacchiglione ; 2,700 hab.
Bains d'eau minérale très-fréquentés ; aux en-
virons, belles maisons de campagne.
BATTAGLIA (François), patriote vénitien,
mort en 1799. Il embrassa.avec enthousiasme
les grandes idées de la Révolution française,
et, lorsque notre armée entraen Italie en 1796,
il se prononça énergiquement, dans le_ sénat.
de Venise, pour qu'un traité d'alliance fut con-
tracté entre les deux républiques. Bien que
sa motion eût été repoussée, il fut nommé, à
la place de Foscarini, provéditeur des Etats
de terre ferme, et bientôt après appelé à la
dignité à'avogadore, c'est-à-dire de tribun de
la république. Cependant la situation de la
Vénétie devenait de plus en plus critique, car
Bonaparte se disposait à fondre sur elle. Bat-
taglia fut envoyé avec Dandola vers le géné-
ra., pour conjurer l'orage, mais il ne put em-
pêcher celui-ci de s'emparer de Vérone, ainsi
que des autres villes de terre ferme. Sur ces
entrefaites, parut un manifeste, appelant à la
guerre contre les Français, et signé du nom
de Battaglia. Vavogadore démenttt formelle-
ment cette pièce, qui avait été fabriquée à
Milan par un nomme Salvadori ; il continua à
se prononcer pour les Français, nej)ouvant
croire qu'une armée envoyée par une répu-
blique libératrice pût attenter aux droits d'une
autre république ; et il était tellement plein
de cette conviction, qu'il fit partir une flottille
pour chercher la division du général Bara-
guay d'Hilliers et l'amener à Venise. Lorsque
Battaglia vit Bonaparte supprimer d'un trait
de plume la république de Venise, et la livrer
à l'empereur d'Autriche par le traité de Campo-
Fonnio (1797), il en ressentit une si grande
douleur, qu'il mourut de chagrin peu de jours
après la prise de possession de Venise par les
Autrichiens.
BATTAGLIA, architecte italien, qui vivait au
xvine siècle. Il doit surtout sa réputation aux
travaux qu'il exécuta dans le couvent de Ca-
tane, terminé par ses soins. Ce magnifique
édifice, dans lequel 104 colonnes de marbre
BAT
de Carrare soutenaient les cloîtres, était en-
richi de bas-reliefs, de sculptures, d'arabes-
ques, possédait, outre une bibliothèque, un
riche musée, et présentait dans toutes ses
parties l'aspect somptueux d'un riche palais.
Situé en face de l'Etna, le couvent de Catane
eut à souffrir de ce dangereux voisinage, et
fut détruit en partie dans une des iruptions
du volcan.
BATTAGLINI (Marc), antiquaire italien, né
en 1645 près de Rimini, mort àCésèneen 1717.
Il fut successivement évoque de Nocera et de
Césène. Il s'est fait connaître par deux ouvra-
ges écrits en un style qui, selon l'usage du
temps, n'est pas exempt d'affectation et d'en-
flure. Ce sont : Jstoria universale di tutti i
concilj generali e particolari di sancta Cliiese
(1686, in-folio. Dans une seconde édition, pu-
bliée en 1689, il ajouta l'histoire de quatre cent
trois autres conciles), et Annali del Sacerdozio
e dell' Imperio intorno ail' intero secolo de-
cimo-settimo di nostra sainte (Venise, 4 vol.
in-folio, 1701).
BATTAILLE ( Charles - Amable ) , chanteur
français, né à Nantes le 30 septembre 1822,
d'un père médecin, qui le desttna de bonne
heure à suivre la même carrière que lui. Il
étudia la médecine à Nantes pendant cinq ans,
fut reçu interne au concours de cette ville, et
pendant quatre ans exerça les fonctions de
prosecteur d'anatomie. Il fut reçu bachelier
es sciences à Caen, et passa à Paris ses quatre
premiers examens pour le doctorat. Cependant
un penchant irrésistible l'entraînait vers le
théâtre; il se destina d'abord au drame et à la
tragédie, mais, encouragé par le célèbre pro-
fesseur Garcia, il se fit recevoir au Conser-
vatoire, où il emporta, après deux ans d'études,
les trois premiers prix de chant, d'opéra et
d'opéra-comique, succès presque sans précé-
dent au Conservatoire.
Basset, alors directeur de l'Opéra-Comique,
devina le jeune artiste et l'engagea à de bril-
lantes conditions. Son début eut lieu le 22 juin
1848, dans le rôle de Sulpice do la Fille du
régiment, opéra de Donizetti; malheureuse-
menthes tristes journées de juin commencèrent
le lendemain de cette représentation, et les
chants cessèrent... M. Battaille avait été re-
marqué et se signala à la lin de cette même
année 1848, en créant, d'une façon magistrale,
le rôle du vieux chevrier du Val d'Andorre,
d'Halévy. 11 obtint ensuite les plus brillants
succès dans le Carillonneur de Bruges, la Fée
aux roses, le Toréador, le Songe d'une nuit
d'été. Marco Spada, etc. , etc. ; sa plus belle
création fut celle de Pierre le Grand, dans
l'Etoile du Nord, opéra de Meyerbeer, ou-
vrage dans lequel il déploya, en même temps
qu'une grande science de chant, son art de
comédien, auquel il dut toujours la' moitié de
ses succès.
Après s'être éloigné quelque temps de la
scène, M. Battaille reparut au Théâtre-Lyrique,
où il se fit de nouveau applaudir dans divers
rôles, entre autres celui d'Osmin de l'Enlëve-
mént au sérail, de Mozart. Il y reprit aussi le
rôle du chevrier dans le Val d'Andorre, son pre-
mier triomphe. M. Battaille s'est depuis quel-
que temps retiré définitivement du théâtre,
et se consacre entièrement au professorat. Il
est, depuis 1851, professeur de chant au Con-
servatoire, et on lui doit un mémoire intitulé :
Nouvelles recherches sur la phonation (1861,
in-8°), suivi d'un second qui le complète : De
l'enseignement du chant; deuxième partie :
De la physiologie appliquée à l'élude du méca-
nisme vocal (1863, in-8°). Ces différents ou-
vrages, ainsi que ses savantes créations, ont
valu à M. Battaille diverses décorations étran-
gères, entre autres celle de Saints-Maurice et
Lazare. Ses études sur la phonation lui ont
valu aussi un prix de physiologie de l'Académie
des sciences. La voix de M. Battaille est celle
de la basse-taille, elle est d'une agilité mer-
veilleuse et d'uae gravité vraiment exception-
nelle- on a pu 1 entendre, dans Y Etoile du
Nord, donner le contre-mi bémol grave avec
beaucoup de puissance, et dans l'Enlèvement
au sérail le contre-rè grave; ce ne sont là,
sans doute, que des curiosités vocales; mais
unies à cette science et à ce tempérament
d'artiste qui distinguent M. Battaille, elles con-
stituent un ensemble rare de qualités pré-
cieuses.
BATTAISON s. f. (ba-tè-zon — rad. battre}.
Agric. Action de battre le blé ; époque où il
est battu. 11 On dit plutôt battage.
BATTAJASSE s. f. (batt-ta-ja-se). Ornith.
V. Lavandière.
BATTALDS ou BATALCS, joueur de flûte,
natifd'Ephèse, vivait vers l'an 408 avant notre
ère. Il jouissait d'une grande célébrité en
Grèce, à cause de son talent, et peut-être plus
encore à cause de sa mollesse, qui était de-
venue proverbiale et dont le poète Antiphane
avait fait le sujet d'une de ses comédies, au-
jourd'hui perdues. Démosthène , qui, avant
de devenir le premier orateur du monde,
avait eu dans sa jeunesse des mœurs très-
efféminées, avait reçu pour ce motif le sur-
nom de Battalus.
BATTANT (ba-tan) part. prés, du v. Battre :
Il est peu d'enfants que l'on corrige en les
BATTANT.
Par l'ouragan fouettée, et battant les vitraux,
La pluie, en ruisselant, obscurcit les carraux.
Lamartine.
— Mener battant, Mener rondement; no
BAT
pas cesser de poursuivre, en parlant de l'en-
nemi : Nous menâmes l'ennemi battant jus-
qu'à deux lieues du champ de bataille. Cette
mousgueterie nous mena battant jusqu'à notre
grand'garde. (St-Sim.)
Nous les menons battant jusqu'à la fin du jour.
Corneille.
il Fig. Presser vivement et sans relâche, soit
au jeu, soit dans une discussion : L'opposition
a mené battant le gouvernement jusqu'à la fin
de la session. Nous menâmes nos deux parte-
naires battant tout le soir.
BATTANT, ANTE adj. (ba-tan, an-te —
rad. battre). Qui bat, qui aime à battre :
Je ne suis point battant, de peur d'être battu.
Molière.
Je suis loin de parler pour les maris battants;
On ne doit maltraiter personne.
Fr. de Nëufchateau.
— Porte battante, Porte qui n'est pas ar-
rêtée et que le vent fait battre. Il Double
porte placée au-devant d'un appartement, et
qui se referme d'elle-même.
— Pluie battante, Averse, grande pluie :
Je reçus pendant vingt minutes une pluie bat-
tante. (Berlioz.) Quelle imprudence, dit Va-
lentine, de s'exposer ainsi à une pluie bat-
tante 1 (Ad. Paul.)
— Tambour battant, Au son du tambour :
La garnison est sortie avec armes et bagages,
tambouh battant, enseignes déployées; elle a
eu les honneurs de la guerre. Un régiment d'in-
fanterie a traversé la ville, tambour battant
et enseignes déployées. (Scribe.) il Fig. Ronde-
ment, sévèrement : Ce maître mène sa classe
TAMBOUR BATTANT.
— Loc. fam. Tout battant neuf, toute bat-
tante neuve, Complètement neuf : Un habit
TOUT BATTANT NEUF. Une maison TOUTE BAT-
TANTE neuve. On a" fait à Paris une constitu-
tion TOUTE BATTANTE NEUVE. (J. de Maistre.) Il
Fig. Ingénu, en parlant des personnes ou des
qualités de l'âme : Nous avons toujours la 1
petite personne; c'est un esprit vif et tout
battant neuf, que nous prenons plaisir d'é-
clairer. (Mme de Sév.} Il Mme de Sévigné l'a
dit aussi d'une personne complètement in-
connue : Mademoiselle Amelot fut mariée
dimanche, sans que personne l'ait su, avec un
M. de Vaubecourt tout battant neuf.
— Techn. Métier battant^ Métier d'ourdis-
seur et dé tisseur, en activité.
— Mar. Vaisseau battant ou bien battant,
Vaisseau dont l'artillerie est bien Installée,
fonctionne bien. •■
— Substantiv. Personne qui bat ou qui a
battu : Les battants ont attaqué en justice,
et les battus ont payé l'amende.
battant s. m. (ba-tan — rad. battre)
Pièce de métal, le plus souvent en fer, sus-
pendue librement au sommet intérieur d'une
cloche, contre les parois de laquelle elle frappe
quand la cloche est mise en branle : Agiter
le battant d'une cloche. Le battant de la
grosse cloche de Paris pèse mille trois cents
livres. (Trév.)
Chaque coup du battant Bonore
Me semble jeter des sanglots.
Lamartine.
L'esprit de minuit passe, et répandant l'effroi,
Douze fois se balance au battant du beffroi.
V. Huoo.
— Chacun des vantaux d'une porte : Ouvrir
une porte à deux battants. Un des battants
de la porte cochêre restait ouvert et garni d'une
porte basse, à claire-voie et à sonnette. (Balz.)
Les châteaux des Dardanelles ferment cette
mer, comme les deux battants d'une porte.
(Lamart.) Ce personnage venait de disparaître,
lorsque les deux battants de la porte du fond
s'ouvrirent. (E. Sue.)
La porte, & son aspect, s'ouvre à deux grands battants.
Reonard.
On ferme à deux battants les portes da l'église.
Lamartine.
. . , On vient fermer la divine demeure.
Et sur les gonds sacras, les deux battants d'airain
Tournent, en ébranlant le caveau souterrain.
Lamartine.
II Chacun des volets d'une fenêtre : Il va la
voir... Fermez un des deux battants. (Scribe.)
Il Peu usité.
— Par anal. Sorte de volet, qu'on soulève
pour ouvrir un comptoir, u Ce sens a vieilli.
— Loc. fam. Ouvrir à quelqu'un à deux
battants ou les deux battants, Le recevoir avec
un grand empressement : Venez me voir, et
je vous ouvrirai ma porte A deux battants,
La prime! devant elle il n'est point d'inhumaine.
La prime, tenant lieu d'antique parchemin,
Nous ouvre d deux battants le faubourg St-Germain.
C. Delaviqne.
Un avare est damné ; mais pour un riche aimable,
Qui partage galment ses plaisirs et sa table,
Les portes de là-haut s'ouvrent d deux battants.
— Argot. Cœur : Mets la main sur mon
BATTANT.
— Techn. Chacun des montants d'une port'i
auxquels sont assemblées les traverses. Il
Pièce principale d'un loquet ; celle qu'on
soulève, et qui ferme en retombant. Il Pièce
de bois qui balaye le grain et le pousse sous
lameuledu moulin. Il Châssis qui bat la trame
dans les métiers à tisser, c'est-à-dire dans ceux
du tisserand, du gazier et du rubunier.
— Armur. Battant de la grenadière ou d'en
haut, Anneau de fer fixé à la grenadière. il
BAT
Battant de sous-garde ou d'en bas, Anneau de
fer fixé en avant du pontet, et qui sert, avec
le précédent, à recevoir les deux extrémités
de la bretelle, c'est-à-dire de la bande de cuir
au moyen de laquelle on porte un fusil en
bandoulière.
— Chass. Petit piège d'oiseleur.
— Mar. Partie flottante d'un pavillon, par
opposition à la partie fixe, qu'on appelle guin-
dant : Ce pavillon a huit pteds de battant et
deux pieds de guindant.
— Erpét. Pièce mobile qui, chez certaines
tortues, ferme hermétiquement la carapace
lorsque l'animal y retire son corps.
— Moll. Nom que l'on donnait autrefois
aux valves.
— Bot. Chacune des deux valves qui forment
les siliques.
BATTANT-BROCHEUR s. m. Techn. Ma-
chine au moyen de laquelle on tisse les
étoffes brochées, c'est-à-dire ornées de bou-
quets ou de dessins isolés, en n'employant
que la guantité do matière rigoureusement
nécessaire à l'exécution de ces ornements, u
PI. Battants-brocheurs. '
— Encycl. Autrefois, les dessins des étoffes
brochées s'obtenaient en faisant passer le til
destiné à les former sur certains fils de la
trame et en dessous de tous les autres. Il arri-
vait de là que, pour une très-petite partie de
fil utilisée, tout ce qui passait en dessous de
la trame était perdu, et que le plus souvent,
le poids du tissu devenant trop considérable
ou les longs fils de l'envers trop gênants, on
était obligé de couper ces derniers. Or, cette
opération donnait lieu à un grand inconvé-
nient : c'est que les fils du dessin n'étaient plus
alors retenus que par le serrement de ceux
entre lesquels passaient leurs extrémités, ser-
rage presque toujours insuffisant pour la soie,
en sorte que si quelques-uns d'entre eux ve-
naient à s'échapper par suite de l'usure, l'étoffe
elle-même se trouvait rapidement mise hors de
service. C'est pour remédier à ce défaut ca-
pital de l'ancienne fabrication des tissus bro-
chés que le battMnt-brocheuf a été inventé.
Cette ingénieuse machine a été créée, en 1838,
par le mécanicien lyonnais Prosper Meynier.
On la considère comme une des plus remar-
quables inventions dont on a de nos jours doté
la fabrication des étoiles brochées, et son ap-
plication au tissage des châles a tellement
révolutionné cette industrie, qu'à prix égal,
les châliers français peuvent faire aussi bien
que ceux de Cachemire.
BATTANT-BRODEUR s. m. Techn. Machine
à broder les étoffes. H PI. Battants-brodeurs.
BATTANT-LANCEUR s. m. Techn. Pièce
d'un métier à tisser, munie de deux coulis-
seaux qui chassent alternativement la na-
vette. 11 PI. Battants-lanceurs.
battant-l'œil s. m. Bonnet de femme
en négligé, portant deux avancements qui se
rabattent facilement sur le visage et surtout
sur les yeux : La fruitière était en battant-
l'œil, et le fort de la halle en chapeau gris.
(Jouy.)
BATTARA (Jean-Antoine), savant italien,
né à Rimini, mort en 1798. Il était curé dans
sa ville natale, ce qui ne l'empêcha pas de se
livrer en même temps à la médecine, et surtout
de s'adonner à l'histoire naturelle, pour la-
quelle il avait une véritable passion. Il a écrit
plusieurs ouvrages, notamment : Fungorum
agri Ariminensis Uistoria (Faeriza, 1755-1759),
avec 200 figures, livre estimé dans lequel il
traite des champignons , dont il donne une
classification , et qu'il considère comme de
véritables plantes devant leur origine à des
graines, et non à la putréfaction, comme on
le croyait alors; Pratica agraria distributa
in varii dialoghi (Rome, 1778, 2 vol.) ; Epistola
selecta de re naturali, etc. (1774).
battarée s. f. (ba-ta-ré — du nom du
botaniste Battara). Bot. Genre de champi-
gnons de la famille des lycorperdacées, com-
prenant trois espèces exotiques.
— Encycl. • Ce genre, dit M. Léveillé, est
caractérisé par une valve qui renferme dans
les deux feuillets dont elle se compose une
matière gélatineuse. Cette valve se rompt, et
il en sort un pédicule creux, presque ligneux,
qui supporte un chapeau campaniforme, lisse
en dessous , filamenteux et pulvérulent en
dessus. La membrane interne de la valve re-
couvre toute cette partie, comme le ferait un
capuchon. » On connaît trois espèces du genre
battarée : 1° La battarée phalloïde, dont la
valve, enfoncée en terre de 18 à 20 cent., est
blanche, ovale, et formée de deux membranes
qui renferment une matière mucilagineuse. Le
Îiédicule est nu, cylindrique, fendillé et écail-
eux à la surface, et d environ 30 cent, de
long. Des filaments et des spores roux cou-
vrent la face supérieure. 2° La battarée de
Stéven, qui croît dans les sables des bords du
Volga, et atteint jusqu'à 35 cent, de haut.
Chapeau coriace, mince, celluleux en dessus et
recouvert d'une grande quantité de spores
d'un jaune brun, diaphanes sous le micros-
cope. 3° La battarée de Gaudichaud, décou-
verte au Pérou, près de Lima, sur les bords
desséchés du Rimac en 1831, et encore peu
connue.
BATTAS (pays des). Contrée de l'Ile de Su-
matra, dans la Malaisie, s'étendant le long de
la côte occidentale et dans l'intérieur de "lie.
BAT
BAT
BAT
BAT
375
bornée au N. par le royaume d'Achera, au
S.-E. par le royaume de Siak et au S.-O. par
les possessions hollandaises de Padang. Ce
pays, traversé par les monts Sampouans et
arrosé par le Sinkel, est couvert en grande
partie d'impénétrables forêts ; dans le centre,
on trouve des plaines et des vallées fertiles,
où l'on récolte du benjoin et du camphre. Il
est divisé en cinq grands territoires, gouvernés
par cinqs rajahs, auxquels obéissent des chefs
tributaires.
Les Battas sont plus petits que les autres
Malais, ont le teint moins foncé, et s'habillent
d'une étoffe de coton qu'ils fabriquent eux-
mêmes. Pour armes, ils ont le fusil, la lance et
l'épée ; ils n'ont point de monnaie, et ils entre-
tiennent très-peu de relations avec les étran-
gers. Leurs maisons, faites de bambous, n'ont
qu'une seule chambre ; les villages, entourés
de fossés, sont défendus par des haies de
bambous. Bien qu'éminemment hospitaliers,
les Battas sont le peuple le plus barbare de
l'île de Sumatra ; chez eux, l'individu coupable
d'adultère est dévoré par les hommes de sa
tribu. D'autres crimes Sont punis par le
même supplice. Ils mangent aussi des prison-
niers, mais ils ont abandonné l'ancien usage
de manger leurs parents devenus vieux et in-
capables de travailler : dans ce cas, le vieillard
allait lui-même se suspendre par les mains a
une branche d'arbre; les enfants et les voi-
sins dansaient autour de lui en chantant
« Quand le fruit est mûr, il faut qu'il tombe. »
Dès que la fatigue faisait détacher les mains
de la victime, on se précipitait sur elle, et on la
dévorait. Un mari achète sa femme, et il peut
la revendre avec ses enfants. A ces coutumes
barbares et sauvages, ce peuple joint quel-
ques indices de civilisation ; il possède une
langue et un alphabet particulier; la littéra-
ture des Battas est, dit-on, riche et originale;
mais ils tiennent avec opiniâtreté à leur reli-
gion, qui leur enseigne l'existence d'un dieu
supérieur et de trois dieux subalternes.
BATTE s. î. (ba-te ~ Tad. battre). Agric. et
Techn. Plateau de bois muni d'un manche,
dont on se sert-pour aplanir ou écraser, u
Organe principal du batteur à coton et de la
batteuse pour les céréales, formé de deux ou
plusieurs lames à distance d'un axe central,
auquel elles sont rattachées par des bras, il
Plaque d'étain qu'on jette en moule toute
plate.
— <Batte de tapissier, Baguette pour échar-
per la laine et la bourre. Il Balte de tonnelier,
Maillet pour faire sauter le fcondon, en frap-
pant autour. C'est aussi une sorte de maillet
pour enfoncer les bouchons dans les bouteilles,
il Batte de marbrier, Rouleau pour broyer les
couleurs, il Batte de palier, Instrument en
plâtre, qui sert à faire la croûte propre au mou-
lage des assiettes, dès plats, des compotiers,
et autres pièces du même genre : il ressemble
à une bouteille à vin qui serait tronquée
dans le milieu, et dont le goulot représente-
rait la partie qu'on tient à la main pour le
maniement. "|| Batte de blanchisseuse, Banc
sur lequel la blanchisseuse bat son linge, u
Batte de jardinier , pour aplanir les allées.
Il Batte de maçon, pour écraser le plâtre ou
le ciment, n Batte des chemins de fer, pour
tasser le sable sous les traverses, n Batte de
carreleur, pour tasser et niveler les carreaux.
U Batte à bœuf, Rondin dont le boucher se
sert pour battre et mortifier la chair des ani-
maux, avant de les écorcher.
— Constr. Masse en pierre ou en bois, mu-
nie d'un manche, avec lequel on la roule sur
des morceaux de plâtre cuit, pour les ré-
duire en poudre. On l'appelle aussi dame. Il
— Théâtr. Sabre de bois d'Arlequin, dans
la comédie italienne, il Fig. Moyen comique
ou satirique : Pendant quinze ans, la batte
de l'épigrarnme ouvrit la brèche par où passa
l'insurrection. (Balz.)~
— Manég. Partie saillante d'une selle à
piqueur, qui soutient les cuisses du cavalier.
— Jeu. Partie du battoir qui frappe la
balle, au jeu de paume.
— Encycl. On distingue trois' sortes de
battes : i« La batte commune ou batte à aires,
employée pour solidifier le sol des allées, des
orangeries, des aires de grange, etc. ; c'est
un morceau de bois long de o m. 50, sur une
largeur moitié moindre, et une épaisseur d'en-
viron o m. 15; il est emmanché obliquement
dans le milieu, de manière qu'un homme de-
bout puisse frapper aisément le sol à plat et
d'aplomb ; eo La batte-gazon , dont on se
sert pour fixer les plaques de gazon que l'on
veut appliquer sur les talus ou pentes rapides.
C'est un espèce de billot, ayant quelque ana-
logie avec le battoir des blanchisseuses; 30 on
emploie aussi une espèce de batte, beaucoup
}ilus lourde que les précédentes, pour solidi-
ier les terrains nouvellement remués, tasser
la terre autour de certains arbres plantés de-
puis peu du broyer certains matériaux pour
les constructions rurales. On donne à cet ins-
trument des formes et des dimensions diverses,
suivant l'usage auquel on le destine.
BATTE s. f. (ba-te = rad. battre). Techn.
Action de battre l'or : La batte de l'or.
BATTE-BEURRE OU BATTE - À - BEURRE
s. m. Econ. agr. Sorte de cône tronqué,
armé d'un manche et percé de trous, qui sert
à battre le beurre : C'est en souleoant et
abaissant pendant ~un espace de temps assez
considérable, le bâton et le batte-beurre que
le petit-lait se sépare de la crème et que la
crème forme le beurre.
BATTE-CUL s. m. Art. milit. anc. Partie
de l'armure d'un chevalier qui lui couvrait
les fesses, n PI. Batte-cul.
BAttée s. f. (ba-té — rad. battre). Techn.
Terre battue à la fois par le fabricant de
glaces. Il Ciment pétri, battu à la fois dans
une auge. 11 Paquet de feuilles à relier qu'on
bat à la fois : Les battébs sont composées
de d'autant moins de feuilles que la reliure du
volume doit être plus soignée. Ij Laine battue
à la fois sur une claie, et qui pèse de 6 à
7 kilo.
— Ccnstr. Endroit du dormant où bat une
porte que l'on ferme.
BATTE-GAZON s. f. Hortic. Instrument
pour tasser le gazon nouvellement trans-
planté, ou appliqué en mottes, n PI. Batte-
gazon.
BATTEL (André), voyageur anglais, né à
Leigh vers 1565, mort vers 1640. Ayant quitté
l'Angleterre en 1589, il ne put atteindre Bue-
nos-Ayres, le but de son voyage, et, forcé de
suivre, ainsi que l'équipage affamé, la côte
du Brésil, il tomba entre les mains des indi-
gènes, qui le livrèrent aux Portugais. Comme
l'Angleterre se trouvait alors en guerre avec
l'Espagne et le Portugal, Battel Tut regardé
comme prisonnier, envoyé à Loanda, sur la
côte d'Afrique, et chargé bientôt après, par
le gouverneur portugais, de conduire dans le
Zaïre une péniche, pour rapporter de l'ivoire,
du blé, etc. 11 s'acquitta fort habilement, à
plusieurs reprises, de cette mission ; mais un
jour, ayant aperçu un navire hollandais, il
tenta de s'évader, fut pris et dirigé dans l'in-
térieur des terres, à Massangano, où il passa
six ans. Une seconde tentative de fuite, qui
réussit aussi peu que la première, le rit con-
damner a servir dans une troupe chargée de 0
combattre les nègres du Congo. Dans une de
ces expéditions, d'où les Portugais rappor-
tèrent un riche butin, Battel fut laissé en
otage chez les sauvages habitants de cette
contrée, et il profita de cette circonstance
pour la visiter avec attention. Son courage
et la fermeté de son attitude lui avaient valu
le grade de sergent dans la petite troupe
dont il faisait partie, lorsqu'en 1603, à la mort
d'Elisabeth, la pais fut signée entre l'Angle-
terre et le Portugal. Battel demanda à reve-
nir dans sa patrie ; mais le gouverneur portu-
gais ayant fait quelques difficultés, il s'enfuit
dans les bois, vécut encore trois ans chez les
nègres, et regagna enfin sa ville natale, où il
termina paisiblement sa vie. Il publia la rela-
tion de son voyage , sous le titre de : les
Etranges Aventures d'André Battel de Leigh,
en Essex. , ■
BAttelée adj. f. (ba-te-lé — rad. battre,
à cause de l'espèce de battement produit).
Prosod.; Qualification donnée à une rime fi-
nale, repétée :au milieu du vers suivant.
Voici un exemple de rimes battelées :
A jeune cœur qu'Amour asservira
Ne servira jamais de se débattre.
Car qui do battre Amour dessein aura,
Battu sera, mais battu comme plâtre. L. P.
En voici un autre plus connu :
Quand Neptunus, puissant dieu de la mer.
Cessa d'armer caraques et galères,
Les Gallicans bien le durent aimer,
Et réclamer ses grand's ondes salées.
Cl. Marot.
BATTE-LESSIVE s. f. Ornith. Nom vul-
gaire de la bergeronnette lavandière. Il PI.
Batte-lessive.
BATTELLEMENT s. m. (ba-tè-le-man).
Constr. Double rang de tuiles formant la
partie la plus basse d'un toit. 11 On l'appelle
aussi égoot ou avant-toit.
BATTE-MARE s. f. Ornith. Nom vulgaire
de la bergeronnette lavandière et de l'hiron-
delle de rivage. |] PI. Batte-mahe.
BATTEMENT s. m. ( ba-te-mau — rad.
battre). Action de battre : Des battements
de mains, Des battements d'ailes. Les batte-
ments du tambour. Les endroits qui avaient
été le plus siffles ont été ceux qui ont eu le
plus de battements de mains. (Volt.) Si les
sifflets sont pour moi, les battements de mains
sont pour elles. (Volt.) La compagnie m'honora
d'un battement de mains général. (Le Sage.)
— Battement du cil, Clignement de la pau-
pière : Non ! non ! il n'était pas digne du bat-
tement du cil d'une Romaine. (Lamart.)
— Physiol. et pathol. Pulsation : Les bat-
tements du cœur. Le battement du pouls, des
artères, d'une tumeur. Ce Qu'il y a déplus re-
marquable dans le cœur est le battement con-
tinuel, par lequel il se resserre et se dilate.
(Boss.) Les battements du cœur d'un moineau
se suivent si promptement, qu'à peine peut-on
les compter. (Buff.) Mes artères se mirent à
battre d'une si grande force, que non-seulement
je sentais leur battement, mais^que je l'en-
tendis même, et surtout celui des carotides.
(J.-J. Rouss.) Elle avait le bruit d'un torrent
dans les oreilles, mais centuplé par le batte-
ment de ses artères. (G. Sand.)
Comptez les battements de ce cœur oppressé,
Qui s'élève et retombe, et languit dans l'attente.
C. Delavigne.
Il Fig. Emotion, sentiment vif ou tendre :
Toutes les palpitations, tous les battements
de ce cœur, c'est la charité qui les produit.
(Boss.)
— Artill. Nom donné aux ricochets succes-
sifs que les projectiles font dans l'âme des
pièces, parce que leur calibre extérieur n'est
pas rigoureusement égal à celui de l'âme,
et qu'ils ne reçoivent pas d'une manière par-
faitement symétrique l'action des gaz de la
poudre : Les battements produisent , aux
points où ils ont lieu, des dépressions ou af-
fouillements qui nuisent à la justesse du tir,
et finissent par mettre la bouche à feu hors de
service.
— Mar. Sorte de frémissement imprimé à
une voile brassée en ralingue.
— Littér. Repos qui divise un vers. Un
même vers peut avoir plusieurs battements ;
notre alexandrin n'en a qu'un, qui est la cé-
sure ; le vers suivant en a trois :
Afœcenas — atavis — édite — reijibia.'
Horace.
— Mus. Tremblement alternatif produit par
des sons dissonants émis à la fois .- Les bat-
tements deviennent d'autant plus fréquents
que l'intervalle approche plus de la justesse.
(Millin.) C'est dans l'instrument lui-même ,
beaucoup plus que dans l'oreille, et par l'in-
fluence réciproque des deux mouvements vibra-
toires , que les battements sont engendrés.
(Marié-Davy.) 11 Trille exécuté sur une note
commencée uniment, par exemple, lorsque,
étant donnés les sons successifs do ré, on
chante do mi ré, en prenant mi sur la valeur
de do. il Division d'une mesure : Il y a trois
battements dans la mesure à trois temps,
quatre battements dans la mesure à quatre
temps. (Millin.)
— Chorégr. Mouvement qui consiste à se
placer à la troisième position et à faire mou-
voir l'une des jambes en l'air, pendant que
l'autre supporte tout le poids du corps, n
Grands battements, Ceux ou le pied qui agit
s'élève à une certaine hauteur et vient se
placer alternativement devant et derrière
celui qui pose à terre. 11 Petits battements,
Ceux où le pied exécute les mêmes mouve-
ments, mais sans presque quitter le sol.
— Escrim. Mouvement exécuté de pied
ferme, et qui consiste à frapper du faible de
son épée le faible de l'épée de l'adversaire,
pour l'obliger à quitter la ligne : Battement
de tierce. Battement de quarte.
— Mocan. Course simple du piston d'une
machine à vapeur.
— Techn. Secousse imprimée par l'oscilla-
tion du pendule d'une horloge ou d'une mon-
tre : Une horloge est d'autant plus parfaite
que le battement y est moins sensible, tl Pièce
qui couvre la ligne suivant laquelle se joi-
gnent les battants d'une porte ou les volets
d'une croisée. Il Partie de ta lame d'un cou-
teau, qui porte sur le ressort. Il Partie du pavé,
qui se trouve au droit de l'embrasement
d'une porte cochère.
BATTENBURGISTES. Hist. relig. Anabap-
tistes partisans de Jean de Battenburg, suc-
cesseur de Jean de Leyde : Quelques sectaires,
réunis par Jean de Battenburg , prirent le nom
de battenburgistes. (Gary.)
BATTENDIER s. m. (ba-tan-dié — rad.
battre). Techn. Celai qui exploite un moulin
à battre le chanvre.
BATTE-PLATE s. f. Techn. Outil de plom-
bier. Il PI. BATTES-PLATËS.
BATTE-QUEUE s. £. Nom vulgaire de la
bergeronnette lavandière, qui a été ainsi ap-
pelée à cause des mouvements de sa queue,
qui sont en quelçuo sorte perpétuels. Il PI.
Batte-queue.
BAtter s, m. ( ba-tcur, mot angl. dérivé
lui-même do bat, battoir). Jeux. Joueur
chargé de recevoir la balle avec le bai, dans
le jeu de cricket.
BATTERAND s. m. (ba-te-ran — rad. bat-
tre). Techn. Sorte de masse de fer, à manche
flexible, pour casser les pierres, n Marteau de
carrier pour enfoncer des coins dans la roche.
li On dit aussi battrant.
BATTERIE s. f. (ba-te-rï — rad. battre)'.
Bataille qui suit une querelle : Une batterie
d'ivrognes. Près du corps de garde allemand,
c'était un enfer! On s'y tuait en enragés! —
Bah! des riens, des gourmades, des batteries
de cabaret! (Lemercier.) Il y eut des batte-
ries, et l'on en tua plus de soixante. (Miche-
let.) Il ne s'agit plus d'une batterie mainte-
nant ; c'est un duel, une affaire d'honneur, et
c'est bien différent. (Fr. Soulié.) Tu n'as pas
eu de batteries ; tu deviens donesage ? (E. Sue.)
— Artill. Bouches à feu placées pour tirer
ensemble : Une batterie de douze canons. Une
batterie de gros mortiers. Batterie de côte.
Batterie de campagne. Les batteries fouet-
taient étrangement notre Cavalerie. (St-Sim.)
Monsieur, jetez les yeux sur cette batterie
que je viens de faire placer là. (Mme de Sév.)
Il tenait dans un défilé les ennemis, entre deux
batteries qui plongeaient sur eux. (Volt.) Ga-
rantir les batteribs contre les courses impré-
vues d'un ennemi audacieux est une des pre-
mières précautions de l'art de la guerre. (Gén.
Bardin.) Ma foi! j'ai soutenu le feu des Bat-
teries ennemies; eh bien! jamais je n'ai trem-
blé. (Balz.) *
— Les batteries prennent diverses déno-
minations, suivant la nature des pièces, le
mode ou le heu de leur installation : Batte-
rie de canons, d'obusiers, de mortiers. Il Batte-
ries croisées, Celles dont les boulets se croi-
sent dans leur parcours, il Batteries blindées,
Celles qui sont couvertes d'un toit qui pro-
tège contre les feux plongeants. 11 Batteries
découvertes, Celles sur lesquelles le feu en-
nemi a des vues directes, et qui ne sont point
protégées par quelque ouvrage. Il Batteries
rasantes, Celles qui sont établies presque à
fleur d'eau, contre les vaisseaux ennemis, il
Batteries directes, Celles qui battent perpen-
diculairement la face d'un ouvrage ou le front
d'une troupe, il Batteries d'écharpe, Celles qui
battent obliquement le point attaqué. Il Bat-
teries de revers, Celles qui le battent par der-
rière. Il Batteries d'enfilade, Celles qui le bat-
tent dans toute sa langueur, quand c'est une
partie d'ouvrage, ou dans toute sa profon-
deur, quand c'est une troupe : Les batteries
de revers et d'enfilade tirent ordinairement à
ricochet, en ligne brisée. Il Batterie à ricochet,
Celle dont les projectiles, lancés par une fai-
ble charge de poudre, ricochent contre le but
et le labourent sur une certaine étendue, u
Batterie par camarade, Batterie dont toutes
les pièces tirent ensemble du même point et
dans la même direction, n Batteries de posi-
tion , Batteries fixes : Deux batteries de
position commencèrent aussitôt leur feu contre
nous, (Baron de Bazancourt.) 11 Batteries de
plein fouet, Celles qui tirent directement sur
le but. 11 Batteries dt campagne, Celles qui se
composent de six cai^ons obusiers de 12, pour
les circonstances ordinaires de la guerre. Il
Batteries de montagne, Celles qui compren-
nent six obusiers de 12, pour les opérations
en pays fortement accidenté. 11 Batteries de
divisioni Celles qui accompagnent les divi-
sions d'infanterie et de cavalerie, il Batteries
de réserve, Celles qui marchent à la suite,
pour remplacer au besoin les précédentes ou
les renforcer, u Batteries de côte, Batteries
établies sur le bord de la mer, pour en défen-
dre l'approche. Il Batteries de place, Batteries
établies dans une place pour la défendre. Il
Batteries de siège ou d'attaque, Batteries éta-
blies devant une place, pour l'attaquer. Il
Batteries à barbette, Celles dont le tir a lieu
par-dessus le parapet, il Batteries à embrasure,
Celles qui tirent par des coupures pratiquées
' dans le parapet, tl Batterie à redans, Celle qui
est couverte par un ouvrage à redans.
— Par ext. Lieu préparé pour recevoir une
batterie de canons : Construire une batterie.
Se promener dans la batterie. Henri IV pas-
sait les jours et les nuits à visiter les batte-
ries ef les tranchées. (Ste-Beuve.)
On l'a mis à la guerre en une batterie
D'où le canon tirait avec tant de furie...
Reonakd.
— Compagnio d'artillerie, avec son maté-
riel : Les régiments d'artillerie sont divisés en
batteries , composées chacune d'un certain
nombre de pièces.' (Gén. Bardin.)
— Mar. Canons qui arment chacun dos ponts
d'un navire de guerre : Cette batterie éteinte,
l'équipage remonte à la BATTERffi supérieure,
et la décharge sur l'ennemi. (Lamart.) il Pont
d'un navire de guerre, destiné à être armé de
canons : La batterie basse. Le mot batterie,
dans le langage ordinaire des marins, désigne
aussi bien un étage de navire qu'wie partie de
son armement. On va, on loge dans la batte-
rie. (A. Jal.) II Batterie découverte ou à bar-
bette, Batterie découverte, qui occupe le pont
supérieur. Il Batterie basse ou première batte-
rie, Batterie la plus voisine de la cale, il Se-
conde batterie, Celle qui est au-dessus do la
première. Il Troisième batterie ou balteri»
haute, Celle qui est au-dessus de la seconde.
Il Batteries couvertes , Batteries des entre-
ponts': On compte les vaisseaux par le nombre
de leurs batteries couvertes : tes vaisseaux
à trois ponts ont trois de ces batteries, les vais-
seaux à deux ponts n'en ont que deux, les fré-
gates et les corvettes n'en ont qu'une. (A. Jal.)
Il Batterie flottante, Autrefois, radeau ou
ponton chargé de canons : Le dernier bucen-
taure de Venise fut transformé par les Fran-
çais en une batterie flottante. (A. Jal.) Et
aujourd'hui, Sorte de ponton en fer destiné
au même usage.
— En batterie, En parlant des bouches à
feu, En position pour tirer : Mettre des ca-
noris en batterie. Ils mirent en batterie qua-
tre cents pièces de canon.
— Par anal. Série d'objets alignés : Les
orgues, d'une grandeur formidable, ont des
batteries de tuyaux disposés sur un plan trans-
versal. (Th. Gaut.)
— Fig. Moyens d'action combinés : Dresser,
préparer ses batteries. Changer de batte-
ries. Démonter les batteries de quelqu'un. A
la cour, il faut arranger ses pièces et ses bat-
teries, avoir un dessein, le suivre, parer celui
de son adversaire. (La Bruy.) Voilà donc les
deux batteries que le monde dresse contre
nous ; il veut l'emporter de gré ou de force :
s'il ne peut se faire aimer, il tâche de se faire
craindre. (Boss.) Nous avons préparé un bon
nombre de batteries pour renverser ce dessein
ridicule. (Mol.) Mademoiselle Henriette mit
ses charmes en batterie contre le fils du bou-
langer. (E. About.) Avant de tourner contre
Pie IX la batterie de leurs vœux persévé-
rants, ils auraient dû examiner d'abord si
son pontificat a péché par défaut de réformes.
(Poujoulat.)
Sans chaDger de discours, changeons de batteria»
Corneille.
376
BAT
Ou!, l'on tient grand conseil ; de fortes batteries
Pour le coup vont, ce soir, agir aux Tuileries ;
Tous les hommes puissants, nos illustres amis,
Vont en notre faveur se trouver réunis.
Al. Duval.
— Techn. Pièce de fer aciérée par-dessous,
qui, dans l'ancienne platine à pi&rre, recou-
vrait le bassinet et produisait^ slus le choc
du silex, les étincelles nécessaires pour en-
flammer la poudre d'amorce. Un ressort d'a-
cier, dit ressort de batterie, pressait le pied
de cette pièce et la tenait appliquée sur le
bassinet : La batterie s'appelait primitive-
ment fusil. Il y avait là, dans un coin, à sa
portée, un fusil de chasse dont il fit jouer la
batterie. (Ad. Paul.) il Série de pilons ou de
marteaux ordinairement disposés on ligne :
Batterie de pilons des raffineries de poudre
et des papeteries. Batterie de marteaux des
fabricants de cuivre jaune. Il Appareil à enfon-
cer des pieux, il Chaudière à battre le sirop,
dans les raffineries do sucre, il Cuve où les
chapeliers foulent les chapeaux, il Cuve pour
opérer la séparation de la fécule et de l'in-
digo, il Fond d'un bassin à ciment, il Pond de
tamis.
— Métall. Usine où l'on bat et étire le fer,
pour en faire de la tôle.
— Phys. Batterie électrique, Réunion de
plusieurs bouteilles ,de Lcydo disposées de
façon à pouvoir être chargées et déchargées
à la fois : Franklin inventa la charge par cas-
cade, qui devint la première batterie élec-
trique. (Mignet.)
— Pyrotechn. Réunion de plusieurs pièces,
qui sont disposées ordinairement en ligne
droite, et destinées à partir simultanément :
On fait des batteries de chandelles romaines,
de pots à feu, etc. Les bouquets qui terminent
les feux d artifice ne sont autre chose que de
gigantesques batteries de fusées volantes.
— Jeu. Chacun des petits murs construits
le long du couvert, dans un jeu de paume, il
Action de réunir, sous un gobelet d'escamo-
teur, des muscades éparses sous les autres
gobelets, il Au jeu de l'ambigu. Quantité de
jetons qu'un joueur propose déjouer.
— Franc - maç. Rhythme des coups frap-
pés avec le maillet ou avec les mains, en si-
gne d'approbation , de sanction , de bienve-
nue, etc., dans le cours des travaux d'une
tenue maçonnique. Chaque grade a une bat-
terie spéciale. Elle s'indique, sur les rituels,
par des points d'exclamation (!), et les in-
tervalles sont marqués par des tirets ( — ).
Ainsi : Ut — llll, signifient qu'il faut frapper
sept coups, avec un intervalle du 3° au 4<s.
BAT
— Littêr. Batterie de mots, Sorte de choc
produit par l'opposition de certains mots réu-
nis à dessein : Chercher un détour, pour trou-
ver une batterie de mots, cela est puéril.
(Fén.)
— Mus. Ensemble' des instruments à per-
cussion, comme tambour, grosse caisse, cym-
bales, etc. Il Manière do battre le tambour :
Les batteries diverses sont autant d'avertis-
sements différents. Dans le siècle dernier, les
modes disparates des batteries ont occasionné
plus d'une altercation de régiment à régiment.
(Gén. Bardin.) il Manière de battre les cordes
d'une guitare, au lieu de les pincer comme
à l'ordinaire. Il Passage composé de notes d'un
accord qu'on fait entendre successivement
sur un instrument, et qu'on répète plusieurs
fois dans un mouvement plus ou moins ra-
pide : Les batteries sur le violon sont souvent
difficiles, et souvent aussi produisent un effet
désagréable.
— Eoon. domest. Batterie de cuisine, En-
semble des ustensiles de métal employés dans
une cuisine : Une batterie de cuisine relui-
sante de propreté. Madame de Graffigny ra-
contait quelquefois que sa mère, ennuyée d'avoir
chez elle une grande quantité de planches en
cuivre gravées par Callot , fit un jour venir un
chaudronnier et les livra toutes, pour qu'il lui
en fit une belle batterie de cuisine. (*") M. de
Bièvre , rentrant chez lui en compagnie d'un
de ses amis et voyant deux de ses marmitons
aux prises, lui dit : « Ne faites pas attention,
c'est une batterie de cuisine. » {"*)
— Encycl. Art. milit. Le mot batterie sert
à. désigner soit un ensemble de plusieurs bou-
ches à feu et le personnel correspondant, soit
une position où ces bouches à feu sont dispo-
sées pour agir, et où elles sont, ainsi que les
hommes qui les servent, le mieux possible ga-
ranties des feux de l'ennemi.
Le personnel d'une batterie est différent ,
suivant que la batterie est à cheval , montée
on à pied : les batteries à cheval sont celles
où tous les servants sont à cheval; les batte-
ries montées ont leurs servants à pied ou
montés sur • les caissons pour les évolutions
rapides; les batteries à pied sont celles dont
tous les hommes sont a pied. Ces dernières
servent dans les places fortes, sur les côtes et
dans les sièges. Le personnel de chacune de
ces batteries est encore variable suivant
qu'elles sont établies sur le pied de paix, le
pied de rassemblement ou le pied de guerre.
D'après les décrets du 14 février 1854 et du
20 décembre 1855, elles sont ainsi constituées :
OFFICIERS.
Effectif commun aux trois
genres de batteries.
i de lr* classe.
CAPITAINES..! de2e c]asse
!de in-' classe.
de 2* classe.
Totaux.
BATTERIE A PIED.
Maréchal des logis chef
Maréchaux des logis.
Fourrier
| Brigadiers
, Artificiers
Canonniers ( ire cl
servants ( 2c cl.
Ouvriers en fer et en bois
^Trompettes
Totaux
BATTERIE MONTEE.
Adjudant sous-officior..
Maréchal des logis chef.
Maréchaux dps logis. .
Fourriers
i Brigadiers
Artificiers.
Canonniers j lr<s cl.
servants I 2e cl.
Canonniers j lr& cl.
conduct. i 2» cl.
I Ouvriers en fer eten bois
Maréchaux ferrants. .
Bourreliers
Trompettes
Totaux
BATTERIE A CHEVAL.
Adjudant sous-officier
Maréchal des logis chef
Maréchaux des logis
Fourriers
Brigadiers
Artificiers
Canonniers ( lre cl.
servants \ 2= cl.
Canonniers ( I" cl.
conduct. j 2e cl
Ouvriers en fer et en bois
Maréchaux ferrants.
Bourreliers
Trompettes
Totaux.
PIED DE PAIX
PIED
DE RASSEMBLEMENT
PIED
DE GUERRE
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BAT
L'armement des batteries dépend de leur
destination : il n'est pas le même pour les bat-
teries appropriées à la défense des places for-
tes, pour les batteries do côtes, pour les batte-
ries de siège , pour les batteries de campagne
et pour les batteries de montagne.
L'armement des deux dernières est seul in-
variablement fixé ; en ne considérant que les
bouches à feu, il est ■ pour les batteries de
campagne, de quatre canons de 12, de deux
obusiers de 16 et de six canons obusiers de 12
légers pour les divisions de cavalerie; pour
les batteries de montagne, l'armement est, en
principe, de six obusiers de 12, répartis dans
trois sections; il y a cependant des batteries
de montagne qui sont composées de quatre
sections de deux obusiers chacune.
Les batteries, considérées comme ouvrages
propres à couvrir les bouches à feu des feux
de 1 ennemi, reçoiventdes noms différents sui-
vant leur destination, le mode de leur con-
struction, l'espèce des bouches à feu qui les
arment, le genre de tir auquel elles sont pro-
pres, et la direction de leurs feux par rapport
a l'objet battu.
En raison de leurs destinations différentes,
on distingue des batteries de place, de siège,
de cote, de campagne.
Le mode de construction établit la différence
entre les batteries à barbette, d embrasures,
blindées, casematées, etc. (V. Barbette, Em-
brasures.) On nomme merlan la partie de la
masse de terre qui protège les bouches a feu
comprise entre deux embrasures centiguës.
Une batterie blindée est protégée contre les
BAT
feux ennemis par un blindage; une batterio
casematée est établie dans les casemates.
On désigne une batterie sous le nom de bat-
terie de canons, batterie d'obusiers, batterie
de mortiers, suivant qu'elle est armée de
canons, d'obusiers ou de mortiers.
Une batterie est dite de plein fouet, lorsque
les projectiles qui partent de ses pièces ont
une grande vitesse et suivent une trajectoire
très-peu courbe, depuis leur point de départ
jusqu'au moment où ils choquent directement
l'objet à battre; à ricochet, lorsque les projec-
tiles ont une faible vitesse, parcourent des tra-
jectoires très-courbes, et viennent frapper
derrière une masse couvrante, par un seul
choc, ou après plusieurs ricochets. Une bat-
terie est dite directe, lorsque les lignes de tir
des projectiles sont à peu près perpendicu-
laires à la face de l'ouvrage ou au front des
troupes à battre ; d'écharpe, lorsque le tir de ses
pièces est oblique à cette face ou à ce front.
Une batterie d'enfilade est disposée de façon
que les pièces qui l'arment tirent leurs boulets
parallèlement a la face ou au front à battre ;
les boulets partis d'une pareille batterie pren-
nent en flanc un corps de troupe, et en rouage
une batterie. Une batterie prend à revers, lors-
qu'elle est placée en arrière du prolongement
du front à battre. On distingue dans toute
batterie : le terre-plein sur lequel reposent les
bouches à feu ; la masse couvrante , dite épau-
lement (dans les ouvrages de fortification, le
parapet sert d'épaulement).
La figure ci-dessous représente un profil do
batterie de siège pour canous et obusiers, dont
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le terre-plein est à niveau du sol ; ce profil ne
diffère que par les dimensions de celui des re-
tranchements établis en campagne ; ses di-
verses parties portent les mêmes noms que
celles de ce dernier; cependant ceux de terre-
plein et à'épaulement remplacent ceux de
banquette et de parapet. On nomme genouil-
lère la partie du talus intérieur située au-
dessous des embrasures. Toutes les batteries
ont des profils analogues, les dimensions seules
diffèrent; le terre-plein peut être au-dessus
ou au-dessorçs du niveau du sol. La batterie
dont le profil est représenté ci-dessus est à em-
brasures, c'est-à-dire que le terre-plein est
percé, de distance en distance, d'ouvertures
analogues à des créneaux, où s'engagent les
âmes des bouches à feu; quelquefois ce3 ou-
vertures sont supprimées, et le tir se fait par-
dessus l'épaulement. Le talus intérieur et les
jours de l'embrasure sont revêtus en fascines.
On emploie aussi des saucissons, des gabions,
des claies. La pièce repose sur une plate-
forme en bois légèrement inclinée sur l'épau-
lement.
— Batteries de siège. Les batteries de siège
se divisent en batteries établies près de la pa-
rallèle, et en batteries de brèches et contre-
batteries. Les premières batteries de siège sont
ordinairement établies en avant de la parallèle,
à 20 ou 25 m. de distance; il arrive cependant
quelquefois que l'on est obligé de les reculer
jusqu'à la parallèle, et même jusqu'en arrière.
Lorsque la batterie est en dehors de la paral-
lèle, on la relie à cette dernière par des
boyaux de communication ; lorsqu'elle est éta-
blie dans la parallèle, on construit en arrière
une portion de parallèle, et dans l'espace in-
termédiaire entre celle-ci et les batteries, on
établit les magasins à poudre. Les batteries
sont établies soit à niveau du sol, soit au-
dessous ; toutes les fois que le sol le permet,
et lorsqu'il n'y a pas nécessité pour le tir h
commander les travaux faits en avant de la
batterie, on doit employer le second mode d'é-
tablissement comme plus prompt et plus solide.
Quelquefois le terre-plein est en remblais :
cette disposition s'emploie lorsqu'il y a à
craindre des inondations, ou pour tirerde plein
fouet; mais la solidité est alors fortement di-
minuée.
Il est nécessaire, pour régler le tir et pour
tracer les batteries, d'effectuer les opérations
préliminaires qui suivent : prendre les pro-
longements des faces des ouvrages, ens'aidant
des maisons, des arbres, etc.; marquer ces
prolongements avec des piquets garnis de pa-
pier blanc ; mesurer la distance dj la batterie
au saillant de l'ouvrage (v. Triangulation) ;
mesurer la distance entre deux points inacces-
sibles pour obtenir les longueurs que l'on veut
battre ; mener une parallèle à la face d'un
ouvrage, pour obtenir la direction des crêtes
de l'épaulement; mesurer la hauteur de l'ou-
vrage au-dessus du sol de la batterie; recon-
naître les ouvrages qui peuvent voir la batte-
rie ; déterminer les traverses , retours et
communications qui peuvent être nécessaires;
la hauteur d'épaulement, l'emplacement des
magasins à poudre ; faire sur les lieux le cro-
quis coté de la batterie.
Ces opérations effectuées , le tracé de la
batterie se fait de nuit. S'il s'agit d'une batte-
rie dont le terre-plein est à niveau^ du sol,
on établit d'abord, au moyen de l'équerre
et du cordeau, le pied du talus intérieur, do
manière que son extrémité la plus rapprochée
soit à 20 ou 25 m. du pied du talus extérieur
de la parallèle. On marque le point où doit
commencer l'épaulement, et les directrices des
pièces. On élève, aux deux extrémités du pied
du talus intérieur, des perpendiculaires que
l'on indique au moyen de piquets, et sur les-
quelles on compte les dimensions horizontales
du profil de la batterie. Toutes ces opérations
sont répétées pour les traverses, communica-
tions et magasins à poudre.
Le tracé précédent est fait par un officier
aidé de quelques sous-officiers et canonniers ;
lorsqu'il est terminé, la plus grande partie des
travailleurs, composés de soldats de la ligne
et de canonniers, qui sont restés dans la tran-
chée, prêts à partir, en sortent munis de tous
les instruments nécessaires au terrassement
qu'ils doivent effectuer. A la fin de la première
nuit, à moins d'accidents imprévus, d'empêche-
ments causés par des attaques, le terre-plein
est préparé, l'épaulement élevé au-dessus de
la genouillère du côté intérieur et sur 2 m.
d'épaisseur, le revêtement commencé et quel-
quefois élevé jusqu'à la genouillère, les com-
munications et magasins à établir dans l'épaule-
ment terminés. Pendant le jour, les travailleurs
du fossé continuent à creuser et à amonceler
les terres sur la berme et au pied de l'escarpe,
afin qu'elles soient toutes prêtes pour le tra-
vail de la nuità venir. Le travail de revêtement
se continue derrière la partie déjà construite
de l'épaulement. On construit les magasins et
les communications en arrière de la batterie;
enfin on fait les transports des bois à plates-
formes, établies sur le terre-plein, pour rece-
voir les pièces et les empêcher de s'enfoncer.
Pendant la seconde nuit; on amène les ga-
bions nécessaires aux revêtements et tout ce
qu'il faut pour finir le travail. On jette aux
endroits des nierions les terres accumulées
pendant le jour et qui doivent servira l'achève»
ment de 1 épaulement. On trace les embra-
sures, on les revêt, on achève les plates-formes
si elles ne sont pas terminées; enfin on arme
et on pourvoit la batterie de tout ce qui lui est
nécessaire pour qu'elle puisse commencer le
feu avec le jour. Pour que le travail puisso
ainsi être complètement terminé en deux nuits,
il faut que celles-ci aient au moins de dix h
onze heures : dans le cas où elles seraient plus
courtes, ou bien dans le cas où le travail au-
rait dû être interrompu, sans rien changer à
l'ordre des opérations précédentes, il faudrait
employer trois ou peut-être quatre nuits.
Les dimensions relatives aux batteries dont
le terre-plein est enfoncé sont différentes des
précédentes ; leur tracé est encore exécuté de
nuit par un officier aidé de quelques Canon-
DÏers ; ce tracé se fait d'ailleurs, à très-peu de
chose près, comme pour les batteries dont le
terre-plein est à niveau du sol. Le travail do
terrassement se fait des deux côtés de l'épau-
lement; en d'autres termes, on creuseà la fois
le fossé et le terre-plein ; il en résulte une plus
grande rapidité d'exécution. En dix ou onze
heures, une pareille batterie peut être com-
plètement construite et armée.
Les batteries dont l'épaulement est en terre
BAT
ne sont pas les seules employées dans les
sièges ; on en construit aussi très-rapidement
et sans bruit avec des sacs à terre ; il est sou-
vent nécessaire d'employer de pareilles batte-
ries lorsque le sol est impropre, par sa nature,
à fournir les terres nécessaires à l'épaulement ;
dans ce cas, on construit aussi des batteries
identiques à celles que nous avons représen-
tées flg. l , moins le fossé ; les terres sont
apportées de la tranchée dans des sacs à
terre ; les travailleurs sont abrités par un
masque construit en sacs à terre fermés.
Les batteries de mortiers s'établissent à une ■
grande distance en arrière de la parallèle;
elles sont mieux garanties sur le prolonge-
ment de la capitale; il y a toujours avantage
à enfoncer leur terre-plein.
Les batteries de brèche s'établissent dans la.
sape du couronnement du chemin couvert, ou
dans le chemin couvert lui-même; le meilleur
emplacement est au saillant du chemin cou-
vert. Leur tir peut être très-oblique et pro-
duire des brèches très-praticables.
Les contre-batteries se construisent sur le
prolongement de la trouée du fossé de demi-
lune ou du bastion qui se trouve en avant de
la batterie de brèche, et dans le couronnement
du chemin couvert. Dans certains cas, on est
obligé de construire des batteries dites flot-
tantes, que l'on amène dans leur position sur
des radeaux ou des bateaux : les-radeauxsont
toujours préférables, parce qu'ils ne peuvent
être submergés par l'effet des projectiles
ennemis.
— Batteries de place. Les batteries de place
ont pour épaulement le parapet même de
l'ouvrage; la hauteur du parapet est ordi-
nairement de S m. 50 au-dessus du terre-plein
du rempart; le minimum de cette hauteur est
de 2 m. 10. La hauteur de la crête intérieure,
au-dessus de la banquette d'artillerie, est d«
2 m. ; la largeur minimum de la banquette
d'artillerie est de 5 m.
Les batteries de place peuvent être établies
sur affûts de place et avec embrasures de
place, ou sur affûts de place et avec embra-
sures de siège, ou sur affûts de siège et avec
embrasures de siège ; souvent les embrasures
sont remplacées par des barbettes, qui se pla-
cent généralement aux saillants des bastions.
Dans bien des cas, on est obligé de séparer
les pièces par des traverses élevées de 0 m. 50
au-dessus de la crête intérieure, afin d'éviter
les coups d'écharpe.
Enfin, on emploie pour la défense des places
des batteries blindées et casematées.
Les batteries blindées doivent être établies
dans des points où elles ne soient pas en prise
aux feux directs des ennemis ; les blindages
sont, en effet, établis pour résister aux bombes ;
le meilleur emplacement à donner à ces bat-
teries est au saillant des bastions. Les batte-
ries casematées sont armées de pièces de
campagne.
— Batteries de côtes. Les batteries de côtes
sont disposées de façon que le tir de leurs
pièces se fasse par ricochet sur l'eau; les ri- ,
cochets se produisent de 0° à S"; l'angle de 50
est le plus favorable; cet angle de 5° donne
à la batterie un commandement de 15 m., et le
premier point de chute est à 200 m.de l'épaule-
ment; le projectile se porte ensuite par bonds
successifs jusqu'à 1,200 ou 1,300 mètres.
La hauteur de la batterie au-dessus du ni-
veau de la mer se compte à partir de la crête
dn parapet; elle se compose d'un élément
fixe, la hauteur au-dessus du niveau corres-
pondant aux marées, et de la hauteur variable
de ce dernier au-dessus du niveau de la mer.
Pour pouvoir établir convenablement la bat-
terie et régler le tir, il convient de connaître par-
faitement la loi de variation de cette hauteur
pour la côte où l'on s'établit. On doit toujours
éviter d'adosser la batterie à des rochers, dont
les éclats seraient dangereux.
Les batteries de côtes doivent presque tou-
jours être couvertes par des retours, et quel-
quefois par des traverses.
Le tir devant avoir un champ très-étendu,
le plus souvent les batteries de côtes sont sans
embrasures ; cependant les batteries casema-
tées en sont munies ; mais ces embrasures sont
alors élargies vers l'extérieur, de manière à
donner encore un champ suffisant au tir.
L'affût est monté sur un châssis qui se meut
cireulairement.
— Batteries de campagne. Les batteries de
campagne se construisent à embrasures ou à
barbettes, et à niveau du sol, pour découvrir le
terrain en avant; si le sol-est assez élevé, on
les enterre a la hauteur de la genouillère. Gé-
néralement, on ne construit pas de plates-
fonnes pour supporter les pièces; leurs roues
reposent simplement sur deux madriers.
Dans la marine militaire, on appelle batterie
l'ensemble des bouches à feu établies sur le
pont d'un navire. On donne aussi le même
nom au pont lui-même, ainsi qu'à la rangée de
sabords par lesquels les pièces font feu. Le
mot batterie a ce dernier sens dans les expres-
sions : vaisseau à deux batteries, vaisseau à
trois batteries, qui sont synonymes de vaisseau
à deux ponts, vaisseau à trois ponts, locations
dans lesquelles on ne tient pas compte des
bouches a feu situées sur le pont supérieur.
Batterie est également employé dans le même
sens quand on dit : ouvrir une batterie, fermer
une batterie, expressions qui signifient relever,
abaisser les mantetets des sabords de cette
BAT
batterie. Toute batterie établie entre deux
ponts est une batterie couverte. Les pièces du
plus fort calibre sont placées dans la première
batterie, et ainsi de suite jusqu'à la barbette,
qui a les canons les plus faibles.
— Phys. Batterie électrique. Pour former
une batterie' électrique, on réunit plusieurs
bouteilles de Leyde ou jarres électriques, au
nombre ordinairement de 4.6, S ou 9, dont on
met en communication, d'une part, toutes les
armatures extérieures, et, de l'autre, toutes
les armatures intérieures. Cette communica-
tion s'établit, pour les premières, au moyen
d'une feuille d étain doublant le fond de la
caisse dans laquelle les bouteilles sont placées,
et qui se prolonge latéralement jusqu'à la
rencontre de deux poignées métalliques ; pour
les secondes , à 1 aide d'un conducteur qui
réunit toutes les tiges des armatures inté-
rieures. Pour charger une batterie, on met
en rapport les armatures intérieures avec une
machine, et les armatures extérieures avec le
sol par une chaîne métallique fixée à l'une
des poignées de la caisse. Sur les jarres est
placé un électroscope à cadran qui permet de
juger la charge que contient la batterie. La
décharge ne doit se faire qu'avec beaucoup
de précautions, surtout quand ces puissants
appareils contiennent une quantité notable de
fluide électrique. Pour opérer cette décharge,
on se sert d'un excitateur à manche de verre ;
l'une des boules est mise en communication
avec les armatures extérieures , tandis que
l'on approche l'autre des boutons intérieurs.
On peut aussi former une batterie électrique
en disposant plusieurs bouteilles de la manière
suivante : On suspend au conducteur d'une
machine une première bouteille sous laquelle
est placé un crochet; on se sert de ce crochet
pour suspendre une seconde bouteille à la
première, et la série est continuée à l'aide du
même moyen jusqu'à une dernière bouteille, à
laquelle est fixée une chaîne communiquant
avec le sol. Le plateau de la machine étant
mis en mouvement, l'électricité positive s'ac-
cumule sur la garniture intérieure de la pre-
mière bouteille, décompose le fluide naturel
de la garniture extérieure, et repousse la partie
positive de ce fluide dans la garniture inté-
rieure de la seconde bouteille. Il en résulte
que toutes se chargeront d'électricité positive
a fintérieur, et d'électricité négative à l'exté-
rieur. On peut les décharger successivement
comme si chacune était seule, ou toutes en-
semble, en établissant un circuit conducteur,
de l'extérieur de la dernière au crochet de la
première. Cette manière de charger plusieurs
bouteilles suspendues l'une à l'autre est appe-
lée charge par cascade; elle est aujourd'hui
peu employée.
Les batteries électriques produisent des effets
identiques à ceux de la bouteille de Leyde,
mais portés à un degré d'énergie d'autant plus
considérable que le nombre des bouteilles est
plus grand.
Lorsqu'on se propose de soumettre un objet
particulier à la puissante action d'une batterie,
on fait habituellement usage d'un petit instru-
ment appelé excitateur universel; cet appareil
se compose de deux verges de cuivre, mobiles
au moyen de deux charnières disposées autour
des extrémités de deux tiges isolantes en
verre. Ces verges, qui communiquent à l'aide
d'une chaîne et par une de leurs extrémités,
chacune avec une des armatures de la batterie,
reposent, par l'autre extrémité, sur une petite
tablette de bois disposée de manière à ce que
les deux étincelles jaillissent sur l'objet soumis
à l'expérimentation et qui est placé sur cette
petite tablette. Une batterie de trois à quatre
décimètres carrés, et chargée par une machine
de moyenne force, donne lieu à une décharge
qu'un homme robuste ne pourrait recevoir
sans danger. Priestley a foudroyé ainsi des
rats, des oiseaux, et même des chats. Sous une
forte décharge, un fil de fer devient incan-
descent et jaillit en une infinité. de petits
grains;, une feuille d'étain se volatilise, et l'or
qui recouvre un fil de soie disparaît instanta-
nément sans que celle-ci ait eu le temps d'être
.attaquée, malgré la vive chaleur qui se dégage.
BÀTTERSEA, ville d'Angleterre, comté de
Surrey, à 5 kil. S.-O. de Londres, dont elle est
comme un faubourg, sur la Tamise; 5,540 hab.
Grande récolte d'asperges, pour l'approvision-
nement de Londres.
BATTEUR, euse s. m. (ba-teur, eu-ze —
rad. battre). Personne qui aime à donner des
coups : Il n'est pas de batteurs qui ne finissent
par être battus.
Oui, je te ferai voir, batteur que Dieu confonde,
Que ce n'est pas pour rien qu'il faut rouer le monde.
Molière.
— Fam. Batteur de fer, Spadassin^ ferrail-
leur : Monsieur le batteur de fer, je vous
apprendrai votre métier. (Mol.) Il Batteur de
pavéj Homme oisif, et qui passe son temps à
courir les rues :
Un de ces batteurs de pavé
Sur le front desquels est gravé
Qu'ils ont menti toute leur "rie.
LEFRANC DE POMPIQNAN.
— Pop. Batteur de vaches liées, Bravache,
vantard, celui qui se glorifie des choses les
plus simples et les plus faciles.
— Agric. Batteur en grange ou simplement
batteur, Ouvrier qui bat les gerbes pour en
faire sortir le grain : Les batteurs déliaien t les
javelles sur l'aire de la métairie. (Souvestre.)
Les batteurs, armés de leurs fléaux, frappent
BAT
sur le grain à coups précipités. (Math, de Dom-
basle.) Les batteurs de grains trouvent moyen
d'égayer leur travail en infligeant des peines à
ceux qui enfreignent les règlements de la police
de l'aire. (A. Hugo.)
Ah ! pourquoi Pierre a-t-il cet argent qui le change,
Et que n'est-il encor pauvre batteur en grange!
— Techn. Ouvrier qui bat certaines ma-
tières pour les pulvériser ou les écraser :
Batteur de plâtre. Batteur de soude. Il Ou~
vrier qui pétrit, qui prépare la terre de
pipes. 11 Ouvrier qui "bat des métaux pour les
étirer, pour les amincir : Batteur d'étain.
Batteur d'or. Il ne veut pas oublier que je
suis capitaine, et me traiter en simple batteur
d'enclume , comme nous nous traitions jadis.
(E. Sue.) il Ouvrier relieur chargé de battre
les livres.
— Mus. Batteur de mesure, Musicien qui
bat la mesure, dans un chœur ou un orchestre.
— Art milit. Batteurs d'estrade, Cavaliers
isolés de l'armée, dans un but spécial de
surveillance ou d'espionnage : Une centaine
d'hommes mal accommodés étaient restés aux
mains des Français, de sorte que les batteurs
d'estrade avaient perdu la moitié de leur
monde. (A. Achard.) il Parext. Vagabond plus
ou moins suspect : Aux premiers mots qu'il
entendit, Jacques comprit qu'une troupe de
batteurs d'estrade avait pénétré dans le
pays. (A. Achard.)
— Argot. Batteur de dig dig, Malfaiteur
habituellement accompagné d'une femme,
avec l'aide de laquelle il vole. Tous les deux
se présentent dans un magasin ; tandis que la
dame examine les marchandises, l'homme
simule une attaque d'épilepsie, on accourt
pour lui porter secours, .et pendant ce temps
sa compagne fait main basse sur tous les
objets qui se trouvent à sa portée.
— Véner. Homme chargé de battre le bois
pour faire lever le gibier.
— Ornith. Batteur d'ailes, Oiseau de mer
indéterminé : Il est fort douteux que ta déno-
mination de batteur d'ailes doive s'appliquer
aux alouettes de mer. (Dum. de Sainte-Croix.)
— Encycl. Techn. Quatre opérations prin-
cipales constituent l'art du batteur d'or : la
fonte, le forgeage, le laminage et le battage.
Après avoir été fondu et coulé en lingot par
les moyens ordinaires, l'or est recuit à une
douce chaleur, pour l'adoucir. On le forge en-
suite en le recuisant à diverses reprises, puis
on le lamine de manière à le réduire en un
ruban d'un millimètre environ d'épaisseur,
Découpant alors ce ruban en morceaux ou
quartiers, de 27 millim. de largeur sur 40 de
longueur, on assemble ces quartiers par pa-
quets de 24, que l'on bat sur une enclume
jusqu'à ce qu'ils aient atteint les dimensions
d'un carré de S0 millim. de côté, et que leur
épaisseur soit égale à celle d'une feuille du
papier le plus mince. On prend 56 des feuilles
ainsi battues, et on les place les unes sur les
autres en les séparant par des carrés de vélin,
appelés outils, qui ont 10 à 12 centimètres de
coté. On met au-dessus du premier quartier
et au-dessous du dernier un cahier de vingt
feuilles de vélin, nommées emplures. Enfin,
on enferme le tout, ou premier caucher} dans
deux fourreaux de fort parchemin, qui sont
disposés de telle sorte que l'ouverture de l'un
corresponde au fond de l'autre. Ces préparatifs
terminés, on porte le caucher sur unbloc de
marbre poli, et on le bat, en allant du centre
à la circonférence, avec un lourd marteau à
manche très-court et à panne circulaire, lé-
gèrement convexe. Quand, sous l'action du
marteau, les feuilles d'or se sont étendues au
point de désaftleurer les outils, on les retire
et on les coupe en quatre parties égales, ce
qui donne de nouveaux quartiers, que l'on
assemble, au nombre de 112, pour former un
second caucher. Ce caucher, battu comme le
précédent, fournit de nouvelles feuilles qui,
coupées en quatre, servent à faire un troisième
assemblage, dans lequel les carrés de vélin
sont remplacés par des carrés de baudruche,
et auquel on donne le nom de chaudret. Après
le battage, les feuilles du chaudret sont encore
partagées en quatre et assemblées, au nombre
de 800 , pour former un moule. Enfin , les
feuilles du moule, convenablement battues,
sont divisées en quatre et placées dans de
petits cahiers appelés quarterons, dont le pa-
pier, de couleur rouge orangé, a été préala-
blement frotté avec.un peu de terre uolaire,
afin de prévenir toute adhérence de la part du
métal. Chaque cahier ou livret renferme ordi-
nairement 25 feuilles. En résumé , chaque
quartier d'un millimètre d'épaisseur s est
étendu sur une surface 832 fois plus grande,
de sorte qu'il se trouve réduit à une épaisseur
d'environ un huit-centième de millimètre.
Le batteur d'or ne travaille pas seulement
ce métal : il transforme aussi l'argent, le pla-
tine, le ouivre, le zinc, le cadmium et l'étain
en feuilles excessivement minces, et cela par
les mêmes procédés qu'il emploie pour l'or. Il
fabrique également les diverses poudres mé-
talliques, principalement celles d'or et d'ar-
gent, dont se servent les miniaturistes, les
chromolithographes, etc. Dans ces dernières
années, Favrel, batteur d'or à Paris, a Imaginé
de remplacer le battage à la main par le bat-
tage mécanique ; mais la machine qu'il a in-
ventée à cet effet ne parait pas être encore
arrivée au degré de perfection désirable.
Néanmoins, elle a déjà rendu d'utiles services.
BAT
377
— Ffist. Avant la Révolution, les bat-
teurs d'or et d'argent formaient, à Paris,
une communauté soumise à la juridiction do
la Cour des Monnaies. Henri II, en 1554,
Henri III, en 15S4 et 15S6, ont donné plusieurs
édits et ordonnances pour la régie, l'adminis-
tration et la police de cette communauté. Les
batteurs d'or emploient le métal pur de tout
alliage, en raison de la difficulté que pré-
senterait pour leur travail la présence d'un
métal étranger : l'alliage aigrit l'or, le rend
moins ductile, et l'ouvrier qui l'allierait
s'exposerait à perdre beaucoup plus par la
difficulté de son travail qu'il ne gagnerait par
le bas aloi de la matière.
L'art du batteur d'or est fort ancien. Pline
rapporte qu'il fut employé à Rome pour dorer
les planchers des maisons, à l'époque de la ruine
de Carthage, lorsque Lucius Mummius était
censeur ; que les lambris du Capitule furent
les premiers que l'on dora, mais que, dans la
suite , le luxe s'accrut de telle sorte que de
simples particuliers firent dorer les plafonds
et les murs de leurs appartements. Les bat-
teurs, dit le même auteur, ne retiraient d'une
once d'or que cinq à six cents feuilles de
quatre doigts en carré; les plus épaisses s'ap-
pelaient bracteœ Prœnestinœ, parce qu'il y
avait à Préneste une statue de la Fortune qui
était dorée à l'aide de ces feuilles épaisses;
les feuilles de moindre épaisseur étaient appe-
lées bracteœ quwstoria;. Mats les procédés du
battage de l'or devaient, à cette époque, être
fort imparfaits, car Pline ajoute lui-même que
l'on pourrait obtenir d'une once d'or un plus
grand nombre de feuilles que celui quil a
indiqué.
BATTEUR s. m. (ba-teur — rad. battre).
Techn. Première machine préparatoire de la
filature du coton.
— Batteur éplucheur, Batteur de premier
passage. 11 Batteur étaleur, Batteur qui pré-
pare les nappes pour les carder.
batteuse s. f. (ba-teu-ze — rad. battre).
Agric. Machine à battre le grain : Batteuss
mécanique. Bans les pays de grande culture, la
batteuse mécanique ne s'est pas encore géné-
ralisée. (Belèze.) Les fermiers français com-
mencent à se servir de batteuses. (L.-J. Lar-
cher.)
— Techn. Appareil pour réduire les métaux
en feuilles : M. Favrel, batteur d'or, a ima-
giné une batteuse mécanique pour réduire les
métaux en feuilles. (Marié-Davy.)
— Encycl. On peut diviser les batteuses en
cinq catégories bien distinctes , suivant les
diverses espèces de plantes auxquelles ces
machines' sont destinées : batteuses pour plan-
tes fourragères ; batteuses spéciales pour
vesces, pois, féveroles et sarrasin ; batteuses
pour plantes oléagineuses ; batteuses à maïs;
batteuses proprement dites. Les machines
comprises dans les trois premières catégories
sont encore peu répandues ; les batteuses à
maïs, au contraire, sont très-usitées, particu-
lièrement dans le midi de la France ; quant
aux batteuses proprement dites, ce sont les
plus importantes, et les seules dont nous ayons
à nous occuper. Elles s'appliquent spéciale-
ment à l'égrenage du froment, de l'orge, du
seigle, de l'avoine; mais on s'en sert aussi,
par exception et après leur avoir fait subir
quelques changements, pour égrener d'autres
plantes. Sous le rapport de la construction,
on peut ranger toutes les batteuses employées
jusqu'à ce jour dans les trois classçs suivan-
tes : batteuses en bout ou par percussion ; bat-
teuses en travers ou à frottement ; batteuses
mixtes, dans lesquelles le frottement est com-
biné avec la percussion.
— Batteuses à percussion. Les principales
machines à percussion sont la batteuse à
fléaux, et la batteuse à battes du système écos-
sais. La première, dont divers modèles ont été
exposés en 1855 par MM. Bordier et Dela-
combe, présente de graves inconvénients, et
ne paraît pas destinée à un grand succès.
Dans cette batteuse, l'organe d'égrenage est
composé de battes de fléaux fixées par une
articulation sur la périphérie d'un cylindre
plein ou creux, suivant qu'il est construit en
fer ou en bois. Le cylindre est mis en mou-
vement par des manivelles ou par un ma-
nège ; en même temps, les fléaux se dressent
en rayon en vertu de la force centrifuge,
et, dans leur mouvement de rotation, vien-
nent frapper sur une plate-forme placée de-
vant le cylindre, à une hauteur convenable.
Dans la batteuse de M. Delacombe, le batteur
se compose d'un arbre en bois plein, sur lequel
sont attachés trois rangs hélicoïdaux de trois
fléaux chacun. Ces fléaux viennent frapper
tour à tour, et trois par trois, sur le tiers d'une
plate-forme pouvant tourner à la main autour
d'un axe vertical. Le batteur est mis en mou-
vement à l'aide d'une manivelle. Tandis que
les fléaux frappent sur un tiers de la plate-
forme, un ouvrier range les gerbes déliées
sur le second tiers ou en apporte sur le troi-
sième tiers. Le battage achevé sur le premier
tiers, on présente le troisième, et ainsi de suite.
Les batteuses à percussion du système écos-
sais reposent sur un principe tout différent.
Qu'on se figure un tambourin en bois, cylin-
drique et concave, dans l'intérieur duquel se
meut, avec une vitesse déterminée, un cylin-
dre portant des pièces de bois saillantes, que
l'on nomme battes. Si l'on présente une gerbe
à l'action de ce cylindre, elle est entraînée
sous les battes et successivement rejetée en
48
378
BAT
BAT
BAT
BAT
arrière. Le grain séparé de la paille s'échappe
en glissant sur un plan incliné, qui forme la
partie inférieure du tambour concave. Telle
est l'idée la plus simple que l'on puisse se
former de la batteuse écossaise. Des modifica-
tions sans nombre ont été introduites; nous
nous bornerons à signaler les principales.
D'abord, on a ajouté les cylindres alimentai-
res, qui saisissent la paille et la font passer
sur le cylindre batteur. Plus tard, on a rem-
placé le plan incliné, au moyen duquel le grain
est porté en dehors, par un grillage mobile,
qui remplit la même office ; le nombre des
batteurs a été aussi augmenté, et leur diamè-
tre plus ou moins agrandi. Enfin, le tambour,
auparavant lisse, a été garni de saillies qui
portent le nom de contre-battas. Mais la partie
de la machine qui a subi les plus grandes mo-
difications, c'est le cylindre batteur. Dans le
type écossais, les battes sont solidaires et
fixées sur des tourteaux en fonte ou des bras
tantôt en fer, tantôt en \iois. En outre, la face
battante des battes est située dans un plan
diamétral. Aujourd'hui, nombre de construc-
teurs adoptent des battes dont la face travail-
lante fait en arrière un angle plus ou moins
prononcé avec le plan diamétral. D'autres
remplacent les battes parallèles à l'axe du
cylindre batteur par des battes obliques à cet
axe, et par conséquent hélicoïdales. D'après
M. Térolle, qui en est l'inventeur, cette dis-
position aurait l'avantage d'économiser un
tiers de la force nécessaire au maniement de
la machine, et de rendre impossible l'engor-
gement, parce que les lames et la pression
n'opèrent que sur un cinquième dans la lon-
gueur des nervures du contre-batteur. Au
batteur écossais, toujours entièrement fermé,
on a aussi substitué des batteurs à claire-voie
ou non clos. Enfin, dans le but de ménager la
paille, on a fait des batteurs à battes indé-
pendantes, lesquelles se composent de cylin-
ares en bois ou en fer, attachés à l'axe du
batteur par des courroies que la force centri-
fuge tient écartées de cet axe lorsque le batteur
est en mouvement. Des constructeurs améri-
cains ont imaginé des battes en fer plat, fes-
tonnées à l'extérieur, et dont les festons en-
f'rènent avec ceux des contre-battes. D'autres
ont des batteurs ordinaires, dont les battes
sont armées de courtes chevilles alternant
avec celles des contre-batteurs. Les machines
de ce genre brisent beaucoup la paille, mais
elles sonttrès-expéditives. On en a conseillé
l'emploi dans les pays où le dépiquage est en-
core en usage.
— Batteuses à frottement. Dans la 'machine
écossaise, et dans toutes celles que nous ve-
nons de citer comme ayant été construites sur
son modèle, la- paille est battue en bout; dans
celles qui composent la deuxième classe, elle
est, au contraire, battue en travers. La bat-
teuse écossaise est encore le type des machi-
nes de cette classe; mais ces dernières s'éloi-
gnent beaucoup plus que les précédentes de
"exemplaire primitif. Les différences carac-
téristiques sont celles qui existent entre les
batteurs et les contre-batteurs. En général,
les batteurs des machines en travers ont un
plus grand diamètre et un plus grand nombre
de battes que ceux des machines en bout ou à
percussion. Le contre-batteur est mobile, sou-
tenu par des vis de rappel et des ressorts qui
cèdent plus ou moins, suivant l'épaisseur de
la paille engagée entre les battes et les con-
tre-battes. Do cette façon, on évite l'engor-
fement, et le grain ou la paille ne sont plus
royés, comme cela arrive trop souvent avec
' les batteuses privées d'un moyen de règle-
ment spontané de la pression ou de l'écarte-
ment du batteur. Ce perfectionnement est dû
à M. Duvoir, l'un de nos meilleurs construc-
teurs de batteuses en travers. Dans la batteuse
Lorriot, que l'on considère assez générale-
ment comme la plus parfaite sous tous les
rapports, le batteur se compose de quinze
battes en fer cornier, fixées sur quatre cer-
cles en fer plat, reliés a l'axe par des bras
partant de moyeux. Le contre-batteur, brisé
dans sa largeur en trois parties réunies par
articulations, est réglé avec des ressorts à
pompe, de telle façon qu'il reste toujours par-
faitement concentrique au batteur, soit qu'on
diminue, soit qu'on augmente l'intervalle laissé
entre eux.
Batteuses mixtes ou anglaises. Comme nous
venons de le voir, les batteuses en travers
ont le grand avantage de ménager le grain et
la paille, d'exécuter un travail plus régulier
et d'exiger moins de force motrice. Malheu-
reusement, dit M. Grandvoinnet, par cela
même que les cylindres alimentaires et les
régulateurs spontanés de batteurs ou de
contre-batteurs ont pour effet de donner un
travail régulier, fait avec peu d'effort et lais-
sant la paille intacte, ces dispositions ne per-
mettent guère de faire beaucoup de travail
dans un temps donné. Dans quelques machi-
nes en travers, on a supprimé les cylindres
alimentaires pour en faire des machines à
grand travail, en augmentant la vitesse du
batteur, qui s'alimente seul, comme dans la
presque généralité des batteuses en bout ; on
engrène nécessairement alors un peu en biais,
et c'est le premier pas fait vers le genre de
machines mixtes, que nous appellerons an-
glaises, battant presque en travers et donnant
de la paille bottelable, mais moins bien ména-
gée que celle qui sort des vraies machines en
travers. Dans ce genre de batteuses, qui tend
à prendre chaque jour plus d'extension, tout
a été fait dans le seul but de battre beaucoup
dans un temps donné. Comme conséquence
même de leur caractère mixte, les batteurs
de ces machines tiennent des deux systèmes
précédents : les battes sont en plus grand
nombre que dans les batteuses en bout, mais
moins nombreuses que r'ans les batteuses en
travers. Le contre-batteur est garni de plaques
en fonte, à cannelures parallèles ou obliques à
l'axe, ou à saillies de diverses formes^ ou en-
fin formées de barres saillantes et toujours en
partie à claire-voie, comme dans les batteuses
en bout. Plus de cylindres alimentaires; le
contre-batteur ne peut se régler qu'à la main,
et non spontanément pendant le travail, ainsi
que cela a lieu pour les vraies batteuses en
travers. L'intervalle entre le batteur et le
contre-batteur est très-grand a l'entrée, et
diminue successivement jusqu'à la sortie, La
gerbe à battre est déliée, puis étalée sur une
planche fortement inclinée, formant un plan
tangent au .batteur : la paille descend d'elle-
même jusqu'à ce qu'elle soit saisie au vol par
les battes, et entraînée dans le contre-batteur,
où elle est de plus en plus laminée et choquée
en parcourant près d'un demi- cercle.
Parmi les diverses espèces de batteuses
dont il vient d'être question, les unes se bor-
nent à accomplir une seule opération, l'égre-
nage; d'autres, en plus grand nombre, exé-
cutent en même temps le vannage et le
criblage. D'après M. de Gasparin, il n'est pas
bien certain qu'une telle complication d'opé-
rations soit avantageuse; cependant, lorsque
la vapeur est appelée à mettre en mouvement
les machines à battre, cette complication, tout
en permettant de réaliser de notables écono-
mies de temps et d'argent, n'offre pas d'in-
convénients sérieux. Il n'en est pas de même
avec une manivelle ou un manège, la force
motrice étant alors nécessairement renfermée
dans des limites restreintes.
Nous n'avons guère étudié jusqu'à présent
que les parties essentielles d'une machine à
battre, c est-à-dire le batteur et le contre-
batteur ; il nous reste à examiner deux autres
parties de cette même machine : les cylindres
alimentaires et le secoueur, qui, sans être ab-
solument indispensables, n'en ont pas moins
une grande importance. Beaucoup de batteu-
ses n'ont actuellement aucun appareil spécial
d'alimentation : la paille est placée sur un
plancher tantôt horizontal, tantôt légèrement
incliné; un homme la pousse jusqu'à ce que
les battes la saisissent et l'entraînent. Ce
mode d'alimentation est surtout employé avec
les machines où la paille est présentée en
bout. Cependant les batteuses du type écos-
sais s'alimentent par deux cylindres tournant
en sens contraire, qui saisissent la paille, la
laminent et la jettent au-devant des battes.
Le cylindre inférieur, conduit par une cour-
roie, ne peut ni s'élever ni s'abaisser; le su-
périeur repose sur le premier et peut se sou-
lever plus ou moins, suivant l'épaisseur de la
paille saisie. Le même appareil est en usage
dans les machines en travers proprement di-
tes, et dans les machines mixtes. Les cylin-
dres alimentaires rendent plus régulière, plus
continue l'introduction de la paille entre les
battes et les contre-battes ; malheureusement,
ils rendent aussi le travail moins expéditif. En
outre, si la paille estun peu humide, elle peut
s'enrouler autour d'eux. Pour éviter cet in-
convénient, divers constructeurs ont essayé
vainement d'en varier la forme; ils les ont
faits tour à tour unis, en bois ou en fonte ;
cannelés, en fonte ou en bois, ou bien encore
garnis de bandes de fer contournées en hé-
lices. Le fonctionnement régulier des cylindres
alimentaires dépend de la vitesse qu'on leur
imprime. Celle-ci varie suivant la longueur
de la paille, et suivant son état de sécheresse
ou d'humidité. Plus la paille est longue, plus
elle est humide, moins if faut de vitesse. Dans
les batteuses écossaises, on admet générale-
ment que les cylindres alimentaires doivent
faire un tour pour cinq du batteur au plus, si
la paille est humide, et un pour six au moins,
si la paille est longue et sèche. La paille doit
être secouée à sa sortie du batteur, afin d'en
séparer entièrement le grain qui, sans cette
précaution, y resterait emprisonné. Dans les
batteuses les plus simples, le secouage est
encore fait à la main; presque toujours, ce-
pendant, on adapte aux batteuses des se-
coueurs mécaniques, qui abrègent le travail et
la dépense. Les dispositions de ces appareils
sont très-diverses; néanmoins, on peut les
ranger tous en deux grandes classes : les se-
coueurs à mouvement de rotation continu, et
les secoueurs à mouvement alternatif. Les
premiers sont préférables. Parmi ceux de ce
genre, on distingue le secoueur écossais, le
secoueur à cames, de M, Lorriot, et le se-
coueur ou charrie-paille à toile sans fin. Le
meilleur des secoueurs à mouvement alter-
natif est le secoueur anglais, dit secoueur à
bielles alternées.
Que les batteuses soient préférables au bat-
tage au fléau, au dépiquage direct par -les
chevaux, et même aux rouleaux, c'est une
vérité désormais établie, et que nul no songe
sans doute à contester. D'où vient, cepen-
dant, que l'usage en est encore si peu ré-
pandu? Plusieurs causes, selon nous, s'oppo-
sent à l'emploi général des batteuses. En
premier lieu, la difficulté du choix. Entre les
divers modèles qui sollicitent l'agriculteur,
celui-ci hésite, parce qu'aucun de ces modèles
ne s'impose avec une supériorité évidente,
incontestable. D'un autre côté, le discerne-
ment a priori n'est pas seulement difficile, il
est presque toujours impossible. L'expérience
seule peut donc fournir des données certaines.
Mais ici l'expérience est tellement coûteuse,
qu'on n'ose presque jamais la tenter. Le prix
des batteuses bien faites est, en effet, très-
élevé, et les moins chères coûtent de S à
300 fr. La petite et la moyenne culture seront
donc obligées de s'en tenir au battage par le
moyen du fléau, jusqu'à ce qu'on soit parvenu
à établir des machines simples, peu coûteuses,
facilement transportables, et présentant assez
de résistance pour supporter le choc des bat-
toirs et le mouvement des cylindres. C'est
vers ce but que tendent maintenant avec per-
sévérance, mais, il faut l'avouer, sans beau-
coup de succès, les efforts d'un assez grand
nombre de constructeurs. En général, le bat-
tage exécuté par des machines de petites di-
mensions est loin d'offrir les avantages qui
résultent de l'emploi des puissants appareils,
dont l'usage, par la force même des choses,
n'est possible que dans les grandes exploita-
tions.
Voilà où nous en sommes aujourd'hui, sur
ce point comme sur beaucoup d autres : nous
savons où est le progrès sans pouvoir l'at-
teindre. Pourtant, les difficultés qui nous ar-
rêtent ne sont pas insurmontables; le principe
de l'association, si bien compris dans notre
siècle, nous offre le moyen de les vaincre.
Que tous les habitants d'un même village, ou
de plusieurs villages réunis, consentent a faire
en commun l'achat d'une bonne batteuse, et le
problème sera résolu.
BATTEUX (l'abbé Charles), littérateur et
humaniste français, né à Alland'huy, près de
Vouziers, en 1713, mort en 1780/Presque aus-
sitôt après avoir terminé ses études à Reims,
il fut chargé, à vingt ans, d'y professer la
rhétorique, et il embrassa en même temps la
carrière ecclésiastique. S'étant fait connaître
en 1739, par la publication d'une ode latine en
l'honneur de cette ville, il fut appelé à Paris,
où il enseigna successivement les humanités
au collège de Lisieux, la rhétorique au col-
lège de Navarre, et prononça, au nom do
^Université, deux discours latins qui le mirent
en évidence, l'un sur la naissance du duc de
Bourgogne, l'autre qu'il intitula De Gustu
veterum in studiis litterarum retinendo. Bientôt
après, Batteux occupa la chaire de philosophie
grecque et latine au Collège de France, fut
admis à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en 1754, et enfin à l'Académie fran-
çaise en 1761. Quelques années avant sa mort,
la chaire qu'il occupait au Collège de France
fut supprimée, ce qu'on a attribué à la publi-
cation de son Histoire des causes premières
(1709), Chargé par le comte de Saint-Germain
de composer un cours d'études pour l'Ecole
militaire, il s'adjoignit Chompré, Montcha-
blon, Pierre de Pretot, et publia, en moins d'un
an, les quarante-cinq volumes qui composent
son Cours élémentaire à l'usage de l'Ecole
militaire. La rapidité de ce travail ne nuisit
pas moins à la valeur de l'ouvrage qu'à la
santé de l'auteur, emporté bientôt après par
une hydropisie de poitrine. Littérateur estima-
ble , écrivain élégant, dissertateur ingénieux,
grammairien habile, et admirateur éclairé des
anciens, tel était, d'après Delille, ce savant
doublé d'un homme de bien. A des mœurs
pures et graves, il joignait une âme patrio-
tique, une probité rigoureuse, un caractère
bienveillant, une conversation instructive et
solide. Malgré son goût dominant pour les
anciens, il était loin de professer pour leurs
écrits un amour aveugle, et on le vit un jour,
dans une discussion qui s'éleva sur la ques-
tion de savoir de quelle langue il fallait se
servir dans les inscriptions monumentales, on
le vit se prononcer pour l'adoption de notre
idiome national. Batteux a composé un grand
nombre d'ouvrages; outre ceux que nous
avons mentionnés plus haut, nous citerons les
suivants : Parallèle de la Henriade et du Lu-
trin (Paris, 1746); les Beaux-arts réduits à un
seul principe ( 1746 ) , traité qu'on regarde
comme un des meilleurs de ses ouvrages. Il y
ramène tous les arts à l'imitation de la na-
ture, principe, dit Fétis, qui a peu d'utilité en
ce qui concerne la musique, de tous les arts
le moins positif; et il lui est arrivé, comme à
presque tous les savants qui ont écrit sur la
musique, de prouver, à chaque page, qu'il n'en
avait pas la moindre notion. Cet ouvrage sur
les beaux-arts a eu néanmoins plusieurs édi-
tions, et a été traduit en allemand. Cours de
belles-lettres (1750, 4 vol.), livre très-estimé,
surtout à l'époque où il parut; une traduction
ù'Korace, exacte, mais peu élégante (1750,
2 vol.) ; la Morale d'Epictète tirée de ses pro-
pres écrits (1758) ; Traité de la construction
oratoire (usa); \esQuatre poétiques d'Aristote,
d'Horace, de Vida et de Boileau (1771, 2 vol.) ;
des traductions de la Nature de l'univers, par
Ocellus Lucanus; de l'Ame du monde^ par
Timée de Locres, et d'une Lettre à Anstote
sur le système du monde (1768, 3 part., in-8°) ;
Recueil de chefs-d'œuvre d' éloquence poétique
(1780). Citons enfin ses Mémoires sur l'histoire
des Chinois (1776-1789, 15 vol.), collection
achevée par Bréquigny et Guignes.
BATTICE, bourg de Belgique, province de
Liège, arrond. et a 15 kil. N.-O. de Verviers ;
3,976 hab. Exploitation de houille, briquete-
ries, fabrique de draps.
BATT1E (Guillaume), médecin anglais, né
dans le Devonshire, mort en 1776. Après s'être
fait recevoir docteur à Cambridge^ il prati-
qua son art à Uxbridge, puis à Londres,
où il acquit en peu de temps une grande
réputation. S'étant vivement mêlé à la dispute
qui s'éleva, vers 1650, entre le docteur Schom-
berg et le collège des médecins de Londres, il
fut pris pour sujet d'un poème burlesque, inti-
tulé la Battiade. Quelques années après, sa
critique acerbe du système employé par le
docteur Monro, dans le traitement des mala-
dies mentales, lui valut une vive réponse du
fils de ce dernier, qui 'prit pour épigraphe de
son opuscule ce vers d Horace :
O major tandem parcas insane minori!
Depuis lors, les plaisants, au lieu d'appeler
Battie docteur, ne l'appelèrent plus que major.
Battie s'est beaucoup adonné à l'étude des ma-
ladies mentales, et il fut, à partir de 1757, méde-
cin à l'hospice des aliénés de Saint-Luc. On a de
lui : une édition d'Isocrate (Cambridge, 1749) ;
un Traité sur la manie (17571 : De p^incipiis
animalibusexercitationes(\7bi) ; Aphorismi de
cognoscendis et curandis morbis, etc. (1762).
BATTIFERRI (Laure), femme poëte ita-
lienne, née en 1525, morte à Florence en
1589. Fille naturelle d'un seigneur d'Urbin,
Antoine Battiferri, qui la légitima et lui fit
donner la plus brillante éducation, Laure de-
vint bientôt une jeune fille aussi remarquable
comme poète que par l'étendue de son savoir.
Elle épousa, en 1550, Barthélémy Ammanati,
éminent sculpteur et architecte de Florence,
et fut reçue au nombre des membres de l'aca-
démie des Intronati de Sienne; les plus beaux
esprits de son temps célébrèrent à l'envi son
rare talent. Au nombre de ces derniers, nous
citerons AnnibalCaro etBernardoTasso, père
de l'auteur de la Jérusalem, qui, dans son
poème à'Amadis, l'appelle l'honneur d'Urbin :
I.nt<ra Battiferri, onore d'Urbino.
On a d'elle, entre un grand nombre de vers
répandus dans divers recueils, un volume de
poésies : Il primo libro délie opère (Toscane,
15G0 , in-4û) et / sette Salmi penitenziali
(1564), traduction en toscan des Psaumes de
la pénitence.
BATT1KALA ou BATTICALA, lie de la mer
des Indes, près de la côte E. de Ceylan, par
7« 43' lat. N. et 79" 25' long. E.
BATTIMENTO s. m. (batt-ti-main-to —
mot ital.) Mus. Agrément do chant qui res-
semble au trille, mais dans lequel la première
note ost inférieure à la seconde.
battin s. m. (ba-tain). Bot. Nom vulgaire
du sparte ou jonc d'Espagne.
BATTINE s. f. (ba-ti-ne — rad. battre).
Econ. agric. Pot en terre, où se bat la crème
pour faire le beurro.
BATT1SH1LL (Jonathan), célèbre organiste
anglais, né à Londres en 1738, mort en 1801.
Après sa sortie de la maîtrise de Saint-Paul,
où il était entré comme enfant de chœur à
neuf ans, il fut nommé claveciniste du théâtre
de Covent-Garden, et organiste de plusieurs
églises. Deux opéras, qu'il composa pour
Drury-Lane, en 1764, n'eurent point de suc-
cès. C'est alors qu'il se livra à la composition
de la musique sacrée et à celle de chansons qui
obtinrent une grande vogue. Après la mort de
sa femme, la belle et célèbre cantatrice miss
Davies, il s'adonna à l'ivresse pour s'étourdir;
mais il ne tarda pas à en prendre l'habitude,
et tomba dans un complet abrutissement. Les
œuvres de Battishill sont remarquables, aussi
bien par la puissance de l'harmonie que par
l'appropriation parfaite des paroles avec l'ex-
pression mélodique. On a de lui deux collec-
tions de chansons, publiées en 1776.
BATT1STA (Vincent), compositeur italien
contemporain, né àNaples, où il fit ses études
musicales. Il débuta, en 1843, par un opéra
intitulé Anna la Prie, qui fut joué avec succès
sur le théâtre de San-Carlo, dans sa ville na-
tale, Depuis cette époque, M. Battista a fait
représenter dans plusieurs villes d'Italie un
assez grand nombre d'opéras, notamment
Bosvina de la Forêt (1845); Emo (1846); //
corsaro délia Guadalupa (1853), etc., qui ont
été diversement accueillis par le public. Bien
que ce compositeur montre une véritable ha-
bileté dans l'arrangement des idées mélodi-
ques et dans l'entente des effets, il manque
d'originalité propre ; il reproduit dans ses
œuvres les styles de Bellini, de Donizetti et
de Mcrcadante, qu'il s'est, du reste, parfaite-
ment assimilés.
BATTISTA D'AGNOLO, OU BATTISTA DEL
MORO, peintre italien, néà Vérone au xvie siè-
cle. Elève de Torbido, qui lui transmit son
surnom de el Moro, il appartient à l'école vé-
nitienne. Il a laissé un grand nombre d'œu-
vres, notamment à Vérone. Parmi ses meil-
leurs tableaux, nous citerons : la Conversion
de saint Paul, au-dessus de la porte de Sainte-
Euphémie: saint Nicolas avec saint Augustin
et saint François, abbé ; et la Madone avec
saint Pierre et plusieurs autres saints. Cet ar-
tiste travailla aussi à Venise, où l'on cite les
peintures décoratives qu'il exécuta sur la fa-
çade de quelques palais, et à Mantoue, dont la
cathédrale possède do lui une très-belle Made-
leine.— Marco, son fils, l'aida dans la plupart
de ses œuvres.
BATTISTA SPAGNDOLI, poste latin mo-
derne, né à Mantoue vers 1436, mort en 1516.
BÂT
BAT
BAT
BAT
379
Il était général des carmes, eut, de son vivant,
une renommée éclatante, et Erasme lui-même
va jusqu'à le comparer à Virgile. Cependant,
ses nombreuses poésies latines sont fort mé-
diocres, et les règles de la versification y sont
même souvent violées. Ses Œuvres complètes
ont été publiées à Paris en 1513,3 vol. in-fol.,
avec commentaires.
BATTISTI (Barthélémy), médecin italien,
. né à Roveredo en 1755, mort en 1831. Il étu-
diait la médecine à l'université d'Inspruck,
lorsqu'il traduisit, en 1767, de l'allemand en
italien : les Instructions médico-pratiques à
l'usage des chirurgiens civils et militaires, du
docteur Stbrk . Ce travail lui valut la protection .
de l'impératrice Marie-Thérèse^ et lui permit
d'aller suivre à Vienne les leçons du célèbre
docteur Stoll. Il se Ht recevoir docteur dans
cette ville, où il fut appelé, en 1784, au poste
de premier médecin du grand hôpital; fut
nommé, quatre ans plus tard, inspecteur des
hôpitaux de la Lombardie; puis, en 1801, con-
seiller du gouvernement et médecin délégué
de l'empereur pour la Dalmatie. Privé de ces
emplois, lorsque cette province tomba entre
les mains de la France, après 1809, il les re-
couvra en 1814, et conserva jusquà sa mort
la faveur de la cour,
BATTITURES s. f. (ba-ti-tu-re). V. Bati-
' TURES.
BATTLE, ville d'Angleterre, comté de Sus-
sex, à l'E. de Chichester et à 10 kil. N.-O. de
Hastings; 3,000 hab. ; sur l'emplacement du
champ de bataille de Hastings. Ruines de la
fameuse abbaye Battle- Abbey , bâtie par
Guillaume le Conquérant en mémoire de sa
victoire, et où Voa conservait le Doomsday-
Book, livre où furent inscrits les noms de
tous les chevaliers normands, ses compagnons
d'armes.
BATTOGUES OU BATOGUES S. f. pi. (ba-
to-ghe). Baguettes avec lesquelles on inflige
en Russie la peine de la .bastonnade, il Peine
qu'on inflige avec ces baguettes : Les batto-
gues et le knout sont deux supplices particu-
liers aux Russes ; les battogues sont regardées
comme une correction de police, et les seigneurs
ne peuvent l'in/liger eux-mêmes. (Comnlem. de
l'Acad.) .
battoir s. m. (ba-toir; de battre). Sorte
de palette armée d'un manche, dont on se
sert pour battre des objets de diverse nature :
Battoir de blanchisseuse. Battoir du fabri-
cant de pipes. Souvent le battoir déchire le
linge ; il serait à désirer que les blanchisseuses
en abandonnassent l'usage. (Lenormand.) On
entend, au milieu de la nuit, le battoir préci-
pité et le clapotement furieux des lavandières.
(G. Sand.)
— Pop. Main large et solide, il Par ext.
Main du claqueur, qui fonctionne avec la
même constance et le même bruit que le bat-
toir des blanchisseuses : Dieu, la belle tragé-
dienne.' En avant les battoirs! (L. Reybaud.)
Il Avoir des mains comme des battoirs, Avoir
des mains grosses et laides : Il cachait dans
ses poches des mains comme des battoirs.
En vain de l'amitié l'impuissante cabale,
Avec des mains telles (fie des battoirs.
Faisait au loin sonner la salle. Deliu.b.
— Agric. Partie principale du fléau, celle
qui frappe sur les gerbes : Le fléau pour
battre le blé se compose d'un manche et d'un
battoir. (Raspail.)
— Jeux. Sorte de palette avec laquelle on
lance la balle dans les jeux de paume, il
Jeu du battoir, Jeu de la grande paume, dans
lequel pn emploie des battoirs au lieu de ra-
quettes, et des balles de bois recouvertes
d'une étoffe de laine, au lieu des balles ordi-
naires. C'est aussi le nom d'un jeu d'enfants
qui se joue à deux, et qui consiste à se frapper
mutuellement les mains en cadence ; quel-
quefois, les joueurs chantent un couplet, qui
sert d'accompagnement à leurs mouvements.
BATTOIRE s. f. (ba-toi-re — rad. battre).
Syn. de Baratte.
battologie s. f. (ba-to-lo-jî — de Battos
ou Battus, roi de Cyrène; qui était bègue, et
que cette infirmité forçait a répéter souvent
le même mot plusieurs fois. On pourrait
aussi faire remonter l'étymologie de ce mot
à un autre Battus, simple berger, qui avait
vu Mercure voler les bœufs confiés à la garde
d'Apollon par Admète. On sait que Mercure,
pour engager ce Battus à lui garder le se-
cret, lui avait fait don d'une vache ; et qu'en-
suite il se déguisa pour éprouver Battus, et,
sous la figure d'un inconnu, lui promit deux
vaches s'il voulait découvrir le lieu où l'on
avait caché le troupeau d' Admète. L'appât -
de cette double récompense tenta le berger,
et, selon Ovide, il répondit : " ,
■ Sut itlis
Montibus, inquit, erunt,- et erant sub montibus illis.
Voilà une répétition qui est bien ce que nous
appelons une battologie; elle fit sourire Mer-
cure, qui répliqua par une autre répétition
du même genre :
...... » Me mihi, perfide, prodis!
Me mihi prodis, * ait.....
Ovide, à la vérité, ne dit pas que le berger
Battus, que Mercure changea en pierre de
touche, avait la ridicule habitude de répéter
les mois sans utilité ; mais son récit le fait
suffisamment entendre. Lui a-t-il prêté ce
défaut par réminiscence du roi de Cyrène, ou
ne serait-ce pas plutôt que le nom même
battos réveillait dans l'esprit une idée de ré-
pétition par la double consonne t, et peut-être
par quelque rapport d'origine avec la racine
de nos mots battre, rebattre? Nous posons
seulement la question, sans avoir la préten-
tion de la résoudre). Littér. Répétition oi-
seuse, et presque dans les mêmes termes, de
ce qu'on avait dit déjà. Voici un exemple de
battologie : Je ne crois pas que vous ayez rai-
son, et si vous y réfléchissez, vous verrez
bien que nous n'avez pas raison, car si vous
aviez raison, ce que je ne crois pas, etc. Les
premiers sermons de Bossuet sont pleins de
battologie et d'enflure de style (Chateaub.)
J'avais assez profité de mes inutiles études
pour posséder au moins quelques-uns des se-
crets du barreau, les apostrophes et les excla-
mations, les battoi.ogies de remplissage, les
redondances verbeuses, les gestes démantibulés
et les haut-te-corps spasmodiques. (Ch. Nod.)
— Syn, Battologie, tautologie Aucun syno-
nymie te n'a cherché, k notre connaissance, à
préciser les nuances qui distinguent ces deux
termes, et les dictionnaires, celui de l'Acadé-
mie entre autres, ne donnent à ce sujet que
des indications fort incertaines. Une battolo-
gie, d'après l'Académie, est la répétition inu-
tile d'une même chose; une tautologie est la
répétition inutile d'une même idée en différents
ternies. Faut-il chercher la nuance dans les
mots chose et idée? Non, évidemment, puis-
qu'il est impossible d'exprimer une chose sans
exprimer par cela même une idée. Est-ce la
différence des termes employés qui constitue
proprement la tautologie? Alors, l'Académie
aurait dû définir la battologie une répétition
de mots, et non pas une répétition de choses.
Nous sommes sûr, d'ailleurs, d'avoir entendu
désigner comme batlologies des répétitions
d'idées faites dans des termes très-différents.
Nous allons proposer une distinction que nos
lecteurs seront libres d'accepter ou de rejeter,
selon leur propre jugement. Toutes les fois
que, dans une conversation ou dans un livre,
nous sommes choqués de voir revenir, sans
nécessité et trop souvent, les mêmes mots ou
les mêmes idées, peu importe, si nous voulons
simplement faire entendre que cela nous en-
nuie, que nous y voyons la marque d'un
esprit pauvre ou distrait, qui ne sait pas se
rendre intéressant, ou dont on ne peut suivre
les idées sans fatigue, nous disons qu'il y a
battologie. Tout nous porte à croire, en effet,
que le mot battologie vient du nom propre
Battus, et Battus était un roi bègue, ou peut-
être un poète ennuyeux, qui fatiguait à l'excès
ses auditeurs ou ses lecteurs. Si, au contraire,
on a la prétention de nous expliquer une
chose dont nous n'avons pas 1 intelligence
bien claire, et si l'explicateur ne fait que
remplacer un mot par un autre ayant au fond
le même sens, et, par suite, la même obscurité,
nous disons que sa prétendue explication
n'est qu'une tautologie, et ce n'est pas seule-
ment parce que la même chose a été répétée
snus des termes différents, c'est surtout parce
que celui qui a commis cette bévue ne croyait
pas la commettre, parce qu'il avait la préten-
tion de nous apprendre quelque chose, et qu'en
réalité il ne nous apprenait rien. En d'autres
termes, le battologue nous ennuie; il ne sait
que répéter toujours la même chose, mais en
la répétant il sait au moins qu'il la répète, et
il peut se faire même qu'il croie avoir de
bonnes raisons pour la répéter ; le tautologue
est un pédant qui prétend nous apprendre
quelque chose et qui ne nous apprend rien, c'est
un esprit faux, il y a du sophisme dans son
fait, et ses explications taulologiques tiennent
beaucoup du cercle vicieux.
BATTOLOGIQUE, adj. (ba-to-lo-ji-ke —
rad. battologie). Qui tient de la battologie ;
qui a rapport a la battologie : Style batto-
LOGIQUE,
BATTOLOGUE s. m. (ba-to-lo-ghe — rad.
battologie). Ecrivain qui se répète, qui fait
de la battologie : Un battologue ennuyeux.
BATTON1 (Pompeo-Girolamo). V. Batoni.
BATTORI, nom d'une famille princière d'o-
rigine hongroise. V. Bathori.
battorie s- f. (ba-to-rî). Comm. Comp-
toir étranger des villes hanséatiques : Les
villes hanséatiques avaient des battories dans
les principaux centres de commerce.
BATTRANT s. m. (ba-tran — rad. battre).
Techn. Gros marteau carré dont on se sert,
dans l'exploitation des carrières etdes mines,
pour enfoncer les coins dans la roche. Il On
dit aussi Battbrand.
BATTON ( Désiré - Alexandre ) , musicien
français, né à Paris en 1797, mort à Versail-
les en 1855, était fils d'un fabricant de fleurs
artificielles. Admis au Conservatoire en oc-
tobre 1806, dans une classe de solfège, il de-
vint, en 1812, élève de Cherubini. Le jeune
Batton obtint, en 1816, le deuxième grand
prix de composition musicale, et, en 1817, sa
cantate, intitulée : la Mort d'Adonis, lui mé-
rita le premier grand prix. L'heureux lauréat
donna à l'Opéra-Comique, le 1 7 novembre 18is,
une Soirée à Madrid ou la Fenêtre secrète,
opéra en trois actes. Le poème, estimable au
point de vue, littéraire, était assez ingrat
comme inspiration musicale. On applaudit
une instrumentation pure et savante, et des
mélodies colorées, sinon originales. Marta'm-
ville rendit compte de cet ouvrage dans les
termes suivants : « Le sujet est fondé entiè-
rement sur une donnée comique, employée
déjà dans plusieurs pièces : uu époux volage
fait sa cour à une charmante inconnue, qui
se trouve, à la fin, être sa femme; une mysti-
fication conjugale est la seule punition du par-
jure, qui promet d'être plus fidèle à l'avenir,
tout en regrettant la peine qu'il a prise pour
conquérir ce qui lui appartenait... Comme le
style de la pièce est, en général, facile et na-
turel, on a été d'autant plus choqué d'entendre
ce vers, qui serait merveilleusement placé
dans la bouche du Mascarille des Précieuses
ridicules :
Le flambeau du plaisir n'a que des étincelles.
Le naturel, cette qualité qui tient lieu de tant
d'autres, et qu'aucune ne remplace, est pré-
cisément celle qui manque a ht musique du
nouvel opéra : on y reconnaît beaucoup d'art
et de travail, une distribution attentivement
combinée des effets d'orchestre, un soin labo-
rieux dans les accompagnements. Le finale du
premier acte et la sérénade du troisième
sont les morceaux les plus marquants de la
partition, et leur mérite est tout entier dans
une parfaite application de l'harmonie. C'est
de:la musique bien faite, ce n'est pas de la
musique trouvée, comme disait Grétry. Sans
l'inspiration, point de grâce; la musique est
un jeu dans lequel toute la science possible
ne remplace pas le bonheur; et le bonheur,
en musique, c est l'inspiration. » Batton par-
tit alors pour Rome. Il composa, dans la ville
sainte, un oratorio; puis, à Munich, sur l'in-
vitation de la Société des concerts, une sym-
phonie qui fut remarquée. De retour en
France, vers 1823, Batton, après bien des dé-
marches et des dégoûts de tout genre, parvint
à faire représenter à l'Opéra - Comique ,
en 1827, Ethelwina, opéra en 3 actes, qui ne
réussit guère ; les paroles étaient de M. Paul
de Kock. L'auteur de tant de joyeux romans,
subissant l'influence de sou collaborateur,
avait assombri son esprit pour se mettre au
niveau d'un sujet sérieux. La musique ne put
se soustraire à. l'obligation de la. similitude
exigée en pareil cas. Elle était donc monotone
et sans effet.
Deux autres pièces tombèrent au même
théâtre. Compositeur trop modeste pour attri-
buer ses échecs successifs aux poèmes ingrats
sur lesquels il travaillait, Batton abandonna la
carrière musicale, et succéda à son père dans
le commerce des fleurs. ■Batton, qui était déjà
membre du comité d'enseignement des études
au Conservatoire, fut nommé, «n 18-12, inspec-
teur général des écoles de musique des dé-
partements. 11 refit l'instrumentation de l'A-
mant jaloux, de Grétry, à l'occasion de la re-
prise de cet ouvrage, qui eut lieu à l'Opéra-
Comique, le 18 septembre 1850. Voici la liste
des autres ouvrages de ce compositeur esti-
mable : le- Prisonnier d'Etat, opéra-comique
en un acte, de feu Cuvelier, arrangé par
M. M.... (Opéra-Comique, 6 février 1858),
pièce jouée, le 9 avril 1803, au théâtre de la
Porte-Saint-Martin, sous le titre de l'Officier
cosaque. M. M..,, y avait fait quelques chan-
gements; succès éphémère et sans portée ;-
le Camp du drap d or, opéra en trois actes,
de Paul de Kock et L..., musique faite en
collaboration avec Rifaut et Leborne (Opéra-
Comique, 23 février 1828), chute à peine dé-
guisée ; la Marquise de Brinvilliers, drame
lyrique en trois actes, de Scribe et Castil-
Blaae (Opéra-Comique, 31 octobre 1831), la
musique de cet ouvrage était signée de noms
illustres : Auber, Carafa, Hérold, Berton,
Blangini , Cherubini et Paër ; la part de
M. Batton consistait en un finale remarquable
et plusieurs airs que la mélodie avait caressés
de son aile ; enfin, le Remplaçant, opéra-co-
mique en trois actes, de Scribe et Bayard, le-
quel fut joué sans aucun succès à l'Opéra-Co-
mique le 11 août 1837.
BATTRE v. a. ou tr. (ba-tre. — L'origine
immédiate du mot français battre semble
être l'italien battere, qui, lui-même, provient
du latin batuere. Batuere est un mot parfai-
tement latin, et n'appartient pas, comme on
pourrait le croire, à la basse latinité. On le
trouve, avec la signification de frapper, pous-
ser, piler, en particulier dans Plaute ; Cicé-
ron l'emploie dans le sens de comprimer,
serrer, et Suétone, dans le sens de se battre,
faire des armes, en parlant d'escrime. Le
mot iïattualia, battualium, exercices de com-
bat et d'escrime des soldats et des gladia-
teurs, appartient bien, par exemple, lui, à la
basse latinité ; de là viennent l'ital. baltaglia
et le franc, bataille. Si nous voulons main-
tenant chercher l'origine du lai. batuere,
nous verrons que ce mot se rattache à la
racine sanscr. badh, ou, avec l'insertion de la
nasale, bandh, frapper, souffrir, tourmenter,
d'où viennent le gr. paschô, le lat. patit
passus sum, etc. — C'est probablement aussi
dans la même famille qu'il faut faire rentrer
les formes german. but et bot, qu'on re-
trouve dans l'anc. haut allem. bôzen, et le
holland. bots, coup. M. Delâtre y rapporte
avec beaucoup de vraisemblance l'ital. botta,
coup, particulièrement coup de fleuret, et le
franc, botte, dans le sens de pousser une
botte. — Je bats, tu bats, il bat, nous battons,
vous battez, ils battent ; je battais, nous bat-
tions; je battis, nous battîmes; je battrai,
nous battrons; je battrais, nous battrions;
bats, battons, battez; que je batte, que nous
battions; que je battisse, que nous battissions;
battant, battre). Frapper, heurter directe-
ment ou àl'ak'e d'un instrument : Battre le
fer avec un nu 'tenu. Battre un arbre, pour
en secouer les fruits. Battre des chaises, des
habits, des livres, pour en secouer la poussière.
Battre la 'laine pour la carder. Battre le
linge pour le nettoyer. Battre le plâtre pour
le pulvériser. Battre des livres à relier, pour
en réduire l'épaisseur. Battre le sol pour
l'aplanir et le durcir. Battre les coutures
pour en réduire lasaillie. Les taupes pressent et
battent la terre, la mêlent avec des racines et
des herbes, pour faire la demeure de leurs
petits. (Buff.) Les servantes à jupons courts,
qui battaient le linge au bord des lavoirs, se
retournèrent. (V, Hugo.) Il Dans son sens Je
plus général, Frapper une personne ou un
animal pour leur faire du mal : Il loit bien à
l'homme battre sa femme... quand elle lui
méfoit, si comme quand elle est en voie de faire
folie de son corps. (Beaumanoir). Semblable
à ces enfants drus et forts, d'un bon lait, qui
battent leur nourrice... (La Bruy.) Gronde-
moi, querelle-moi, vins-moi, je souffrirai tout,
mais je n'en continuerai pas moins à. dire ce
que je pense. (J.-J. Rouss.) Comment! avoir
l'audace de battre un philosophe comme moi 1
(Mol.)
Elles
Battent, dan3 leurs enfants, l'époux qu'elles haïssent.
Bou.eau.
J'épouserais plutôt un vieux soldat
Qui joue et boit, bat sa femme qui l'aime,
Qu'un fat en robe, enivra de lui-même.
Voltaire.
Jean s'accusait un jour dVrt'Oîr battu su femme.
— Combien de fois, mon ûis, lui dit son confesseur 7
— Tous les matins. — Comment, tous les mn.tins,
(infâme!
D'un semblable péché sentez-vous la noirceur?
Sachez qu'il peut sur vous faire tomber la foudre!
Battre sa femme ! Ah ciel' — Mon père, je vous
[crois,
Et je vous fais serment, si vous voulez m'absoudre,
De la battre aujourd'hui pour la dernière fois,
Pons le Verdun.
— Absol. Donner des coups à une personne :
Celui qui veut battre, étant jeune, voudra tuer
étant grand. (J.-J. Rouss.)
— Par anal. Heurter, se ruer contre : Les
vagues battaient le rivage. Les volets bat-
tent le mur. Cette voile bat le mât. Les ondes
noires battaient le navire. (Fén.) Des tem-
pêtes extraordinaires battent les vaisseaux
d'Anson et les dispersent. (Volt.) Il y a encore
des vapeurs qui battent le visage, après que
le coup de vent a cessé de souffler. (Lamart.)
La pluie et le coup de vent battaient au dehors
le bois dépouillé. (Chateaub.)
Vous voyez que la mer en vient battre les murs.
Racine.
De rage elle battait les murs avec sa tête.
Regnard.
L'aurore se levait, la mer battait la plage.
L.4SIAKT1NE.
H Atteindre, heurter en se balançant : Il
portait un bel habit marron puce, dont les
longues basques lui battaient agréablement
les mollets. (L.-J. Larcher.)
— Mêler, brouiller, gâcher : Battre des
œufs. Battre le beurre. Battre de la terre et
de l'eau. Carême battait longtemps et vive-
ment sa pâle. (Cussy.)
— Vaincre : Nous avons battu les Busses.
Je veux vous battre au trictrac. On attend
tous les jours que M. de Luxembourg batte
les ennemis. (Mme de Sév. ) Rome battait
tous ses ennemis. (Boss.) Si vous battez M. le
Prince, vous n'aurez fait que votre devoir.
(Hamilton.) Il surprenait les ennemis, et les
battait en pleine campagne. (Fléch.) u Vaincre
l'armée de : Les Romains battirent Annibal.
il Fig. Triompher, être mis au-dessus de :
Le droit, d'abord battu par le fait, finit par
le battre. (Chateaub.) il Travailler à dé-
truire : La vapeur est le bélier qui bat, qui
perce et c"
VeuiUot.)
— Explorer, parcourir : Battre les bois.
Battre le pays. Battre la nier. En France,
quand on prend vingt hommes pour battre le
bois ou la plaine, on pense faire suffisamment
les choses ; en Russie, il faut, pour le même
objet, plus de dix fois autant de monde. (L.
Viardot.) Les carabiniers battirent le pays
dans des directions différentes. (Alex. Dum.)
— Battre l'air, Faire des mouvements
dans l'espace : Les oiseaux battent l'air de
leurs ailes.
Le malheureux lion se déchire lui-même,
Fait résonner sa queue à l'entour de ses lianes.
Bat l'air qui n'en peut mais. Le voila Siu' ses dents.
La Fontaine.
Il Fig. Faire une chose inutile :
Qu'on ne m'en parle plus, la chose est résolue,
— Seigneur, considérez... — C'est en vairi battre l'air.
Tristan.
On dit dans le même sens Battre le vent :
Monseigneur, voulez-vous que je vous disepour
toute conclusion et sansplus battre le vent ? je
ne veux pas cesser le service d'un roi de France
pour un comte de Charollais. (Chastellain.) il
On dit encore Battre l'eau, dans ces deux
sens :
Tu vois qu'à chaque instant il te fait déchanter.
Et que c'est battre l'eau de prétendre arrêter
Le torrent..,. Mouéke.
— Battre la caisse, Je tambour, Donner un
perce et démolit toutes les frontières, (h.
380
BAT
signal à l'aide du tambour : Je suis trop sen-
sible à la gloire militaire t et je raisonne mal
quand j'entends battrk un tambour (Cha-
teaub.) il On peutdonner pour régime au mot
battre le nom d'une batterie particulière de
tambour : Battre la diane, la charge, la re-
traite, le rappel, la générale, etc. (v. ces diffé-
rents mots.) Les tambours battaient la charge,
et nous allâmes en désordre à l'ennemi. (Cha-
teaub.) Ah! ah! que se passe-t-il donc dans
la ville? On bat la générale. {Alex. Dura.) l|
Fig. Faire grand bruit, user de beaucoup
de moyens bruyants : Il a battu la caisse
pour attirer les chalands.
— Battra tantôt les baguettes, tantôt le tam-
bour, Affirmer tantôt une chose, tantôt une
autre.
— Battre la breloque, Battre sur le tam-
bour des coups rompus et saccadés, il Fig.
Déraisonner : Je crois Qu'il commence à battre
LA BRELOQUE.
— Battre la chamade, Battre le tambour
d'une façon particulière, pour avertir l'as-
siégeant qu'on demande a capituler, il Fig.
Se retirer d'une discussion, faute d'arguments
pour répondre.
— Battre la campagne, Se mettre en quête
dans les champs : Les gendarmes battent la
campagne depuis trois jours. A la suite du
voleur, une demi-douzaine de serviteurs par-
tirent comme des limiers, pour battre la
campagne. (J. Sandeau.) Il Fig. Donner à
dessein des raisons vagues, pour gagner du
temps ou déguiser sa pensée : Je bats la
campagne pour me tirer d'à/faire. ( J. de
Maistre). Il Signifie plus souvent divaguer : Il
commença à battre la campagne quelques
heures avant d'expirer. Il n'a approché de la
raison que pour tromper celui qui l'écoute, et-
battre la campagne de plus belle. (Grimm.)
Je me sens un peu de fièvre ; autant vaut em-
ployer le babil qu'elle me donne à des sujets
utiles, qu'à battre sans raison la campagne.
(J.-J. Houss.) Il commençait, à force de boire,
à BATTRE LA CAMPAGNE. (G. Sand.)
Pauvres fous, battons fa campagne.
Béranoer.
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne lait châteaux en Espagne?
La Fontaine.
Quand le vin de Champagne
Aux convives joyeux fait battre la campagne.
Celui qui ne boit pas, de tous est fort mai vu.
Al. Ddval.
— Battre monnaie, Frapper les flans à l'aide
du balancier ou d'un appareil qui le rem-
place, pour y produire l'empreinte. Cctto
expression n'est plus juste, bien qu'elle soit
toujours restée; elle date de l'époque où les
monnaies se faisaient au marteau.
/
Fialtre monnaie est à mes yeux
Ce que l'on peut battre de mieux. ***
. — Par cxt. Faire fabriquer de la monnaie,
avoir le droit d'en faire fabriquer : Plusieurs
vassaux du roi battaient monnaie au moyen
âge. Le droit de battre monnaie n'appartient
qu'au souverain. Il Fig. Se procurer do l'ar-
gent : Me voilà réduite à battre monnaie en
vendant mes bijoux. Or, vos intentions sont,
d'après vos trop jeunes discours, de battre mon-
naie auec noire encrier. (Balz.) il Battremonnaie
sur la place de la Révolution, Phrase qui a joué
un certain rôle dans notre grande Révolu-
tion. A cette époque, les biens dos condam-
nés , mis à mort par jugement du tribunal
révolutionnaire, étaient confisqués au profit
de la République. Cet usage de la confisca-
tion, qui avait toujours été appliqué sous
l'ancien régime, et qui était le complément
obligé des condamnations capitales, ne fut,
comme on le sait, légalement aboli qu'à la
révolution de Février. On a prétendu que
Barère, par allusion aux nombreuses exécu-
tions de riches aristocrates , avait dit avec
une horrible çaieté que la guillotine battait
monnaie. Mais il convient de rapporter ici ses
dénégations énergiques contre cette asser-
tion de ses ennemis. Dans ses défenses, il
proteste contre les calomniateurs qui cher-
chent à le rendre odieux « en m'attribuant,
dit-il, des phrases fabriquées par mes dénon-
ciateurs, et que je les défie de trouver dans
mes rapports ou dans mes opinions à la Con-
vention nationale. J'ai cherché si ces expres-
sions avaient pu m'échapper au milieu du
mouvement et des crises révolutionnaires.
Non, je n'ai jamais prononcé ni écrit cette
phrase odieuse ; non, je n'ai jamais dit, en
parlant des condamnations à mort, que c'é-
tait battre monnaie à, la place de la Révolu-
tion. Ce n'est pas moi qui ai rapproché ces
idées de fortune publique des idées du sup-
plice, et qui ai établi un système de richesse
nationale sur les lois pénales contre les en-
nemis de la République. »
— Battre le fer, Frapper le fer sur l'en-
clume avec un marteau, il Fam. Faire des
armes :
11 n'était point d'adresse à. mon adresse égale,
Et l'ai battu le fer en mainte et mainte salle.
MOLIÈRE.
Il Fig. Travailler assidûment : C'est un rude
travailleur ; voilà quinze ans qu'il bat le fer.
H Battre le fer pendant qu'il est chaud, Saisir
l'occasion favorable; faire de nouveaux efforts
au moment où tout fait présager qu'ils doi-
vent réussir -.'Il n'y a pas de temps à perdre;
il faut, i-.om.me on dit, battre le fer- quand
BAT
il est chaud. (Scribe.) J'aime à battre le
fer quand il est chaud. (Th. Leclercq.)
— Battre à froid, Battre le fer sans l'avoir
fait chauffer, il Fig. Tenter une entreprise
difficile, impossible : C'est une affaire que
vous battez à froid, qui n'aboutira jamais.
— Battre en brèche. Battre de façon à ou-
vrir une brèche. Il Fig. Battre quelqu'un en
brèche, Ruiner son argumentation, ruiner
sa réputation, son crédit : L'opposition espère
battre en brèche le ministère.
— Battre en ruine , Battre de façon à dé-
molir complètement : Battre en ruine une
place de guerre, il Fig. Anéantir, réduire à.
rien : Il battit en ruine les arguments de
ses adversaires.
— Battre du pays, Voyager : Il a battu du
pays autant que le Juif Errant. Il Battre le
pavé, Vagabonder, errer par les rues : Je pris
plaisir à battre le pavé de Rome. (Le Sage.)
— Battre les buissons, Frapper dessus pour
faire lever le gibier. 11 On dit aussi quelque-
fois battre à route, il Par anal. Faire des
recherches actives : Pour prendre ce filou, il
y a six mois que la police bat les buissons. Il
Il a battu les buissons, un autre a pris les oi-
seaux, Un autre a profité des peines qu<il a
prises : Et dit le duc de Bedford au duc de
Bourgogne, qui - demandait Orléans, qu'il se-
roit bien marri d' avoir battu les buissons
ET QUE D'AUTRES EUSSENT LES OISILLONS. (Al.
Chartier.) Il comptait sans son hoste, battoit
LES BUISSONS SANS PRENDRE LES OISILLONS.
(Rabel.) ■
— Battre la semelle, Frapper le sol alter-
nativement avec les pieds, pour se les ré-
chauffer : Il était là, par une nuit glacée d'hi-
ver, BATTANT LA SEMELLE SOUS le balcon de
Rosita. (R. Cornut.)
— Battre le briquet, Heurter une pièce d'a-
cier contre un caillou, pour détacher des par-
celles de métal qui s'enflamment et allument
l'amadou : Leurnabillement est si râpé, si sec,
si inflammable, qu'on les trouve imprudents de
fumer et de battre le briquet. (Th. Gaut.)
il Pop. Marcher de telle manière que les che-
villes des deux jambes se touchent, se frois-
sent réciproquement.
— Se faire battre, Se dit de quelqu'un qui
fournit lui-môme à l'ennemi, ou à son adver-
saire, l'occasion de le vaincre.
r — Battre les oreilles , Assourdir par des
répétitions ennuyeuses : Entendrons-nous des
chrétiens nous battre les oreilles par cette
belle raison? (Boss.) Il Battre quelqu'un comme
un chien, Le frapper sans pitié, sans ména-
gement, comme on bat un chien : On m'A
battu comme un chien. 11 Battre quelqu'un
comme plâtre, Le battre fort et dru, comme
on bat le platro pour l'écraser : Madame
Paul s'est amourachée d'un grand benêt de
vingt-cinq ans; elle l'épouse; il est brutal, il la
battra comme plâtre. (Mme de Sév.) il Battre
quelqu'un à plate couture, Le battre comme
une couture qu'on aplatit, le vaincre complè-
tement : Nous les avons battus à plate cou-
ture, h Battre quelqu'un à terre, Battre quel-
qu'un qui ne saurait se défendre; et, fig.,
User de ses avantages avec quelqu'un qui
n'est pas en état de riposter : Je vous épargne
d'autres raisons plus fortes , parce que vous
êtes confondu, et qu'on ne bat pas les gens À
tErre. Ce n'est pas qu'on ne s'oublie de temps
en temps, et qu'on ne s'amuse à battre les gens
À terre. (Dider.) il Battre comme un sourd,
Battre quelqu'un sans plus de pitié que si on
n'entendait pas les plaintes du patient.
— Battre froid à quelqu'un, Lui montrer,
de la froideur : Du moment que mon hôte s'a-
perçut que je n'avais plus d'argent, il me bat-
tit froid. (Le Sage.) Mon hôte me battit
froid, me fit une querelle d'Allemand, et me
pria un beau matin de sortir de sa maison. (Le
Sage.) Oh! oh! on me bat froid; mauvais
signe pour mon neveu. (Scribe.) Eh bien) vi-
lain boudeur, dit gracieusement la dame, vous
me battez froid! (E. Sue.) [| Ne battre ni
froid ni chaud à quelqu'un^ Ne lui montrer
ni bienveillance ni mauvais vouloir : Com-
ment dois-je me conduire avec ces étranges
courtisans? — Ne leur battez ni froid ni
chaud. (Caaotte.)
— Prov. Battre le chien devant le loup ,
Feindre de se fâcher contre quelqu'un, pour
tromper une autre personne, il Battre le chien
devant le lion, Faire une réprimande à quel-
qu'un, pour qu'une personne présente et à
qui on n'ose s en prendre s'applique la leçon.
Il II fait bon battre un glorieux, Il est com-
mode de donner des coups à une personne
vainc, parce qu'elle aura honte de se plain-
dre d'avoir été battue.
— Agric. Battre des grains, Frapper des-
sus avec le fléau ou do toute autre manière,
pour les séparer de la paille : Bans le Midi,
l'usage est de battre les grains en plein air
après larécolle. (Math. deDombasle.) Il Battre
une faux, L'affûter en redressant les dents
qu'elle se fait dans l'opération du fauchage.
— Mus. Battre la mesure, Marquer, avec
des gestes, les temps de la mesure.
— Chorégr. Faire , avec les pieds élevés
en l'air, des mouvements rapides : L'homme
à genoux est presque aussi ridicule que celui
qui bat. un entrechat. (Proudh.) [I Battre des
six, des huit, Frapper trois, quatre fois un
pied contre l'autre avant de retomber.
— Artill. Attaquer avec une machine de
guerre : Battre des remparts avec un bélier.
BAT
n Frapper à coups de boulets : L'artillerie
ennemie battait notre flanc gauche. Mahomet
battait les otuos de Rhodes avec seize canons.
(Chateaub.) Il Etre en position pour battre :
On a construit deux forts qui Battent l'entrée
de la rade. (V. Batterie pour les diverses
manières de battre.) il Battre en salve, en
mine, en brèche, etc. (V. Salve, Mine, Brè-
che, etc.) Il Battre ta poudre, La presser de
huit ou dix coups de fouloir, pour éprouver
le canon.
— Typogr. Battre la lettre, Frapper les ca-
ractères avec les doigts pour les niveler, r/
Battre le briquet, Battre plusieurs fois la
lettre sur le composteur ; faire , en compo-
sant, des mouvements inutiles.
— Art. vétér. Battre les avives. V. Avives.
— Techn. Battre la pâte, Frapper l'argile
fortement avec un maillet de bois, afin de la
rendre plus malléable, et de lui donner une
espèce d'onctuosité qu'elle n'aurait pas sans
cette opération. Il Battre la chaude, Etirer
sur l'enclume des lames d'or et d'argent re-
cuites.
— Constr. Battre la ligne, Faire vibrer un
cordon tendu et colorié, pour imprimer une
ligne droite sur une surface unie.
— Ponts et chauss. Battre au large, Aug-
menter la section d'une galerie de tunnel ou
do mine en abattant leurs parois, à l'aide de
la mine ou du pic, selon la nature du terrain.
— Manég. Battre la poudre OU la pous-
sière, En parlant du cheval, marcher sur
place sans avancer, il Battre la poudre au pas,
Aller un pas trop court. Il Battre la poudre au
terre à terre, Faire tous ses pas très-courts.
Il Battre la poudre aux courbettes, Les faire
trop basses et trop précipitées.
— Véner. Battre l'eau, Battre le ruisseau,
Se jeter à l'eau, en parlant du cerf ou du
chevreuil poursuivi par une meute, il Se faire
battre, En parlant du gibier, se faire cher-
cher longtemps sans selever :
Une heure là dedans notre cerf se fait battre.
Molière.
— Pôch. Battre l'eau , Battre le ruisseau,
Agiter l'eau pour chasser le poisson dans les
filets.
— Mar. Battre tes coutures , Enfoncer des
étoupes dans les joints, il Battre pavillon, Ar-
borer pavillon : Il bat pavillon d'amiral au
grand .mât, bien qu'il ne soit que vice-amiral.
Il Battre la mer; Rester longtemps dans un
espace détermine, le parcourir dans plusieurs
sens.
— Jeux. Aux échecs, pouvoir atteindre en
un seul coup joué : Votre reine bat mon ca-
valier, mais il est défendu par mon roi. || Battre
le coin, Tomber, au trictrac, sur le coin de
son adversaire, à coups de dames, il Battre
une dame, Au môme jeu, mettre une dame
sur la flèche où était placée celle de l'adver-
saire. Il Battra à faux, Se dit, au même jeu,
quand l'un et l'autre des points du joueur
répondent à deux flèches, garnies de deux
dames ou cases, et que les deux points réu-
nis vont à une autre dame découverte. |]
Battre par passage ouvert, Au même jeu,
tomber, par le passage d'un dé au moins,
sur une lame qui a une dame au plus. « Battre
par passage fermé, Tomber, par le passage
des deux dés, sur des cases occupées par deux
dames au moins, il Battre les cartes, Les mê-
ler : Il n'y a que des fous et des malades qui
puissent trouver du bonheur à battre les
cartes tous les soirs. (Balz.)
— Argot. Feindre : Parmi ces hommes,
battre c'est feindre : on bat une maladie.
(V. Hugo.) Battre le dig dig; Simuler une
attaque d'epilepsie.
— v. n. Frapper : Battre du pied, de la
main. La grêle bat contre les vitres.
L'ardent coursier déjà sent tressaillir ses veines,
Bat dû pied, mord le frein, sollicite les renés.
Delille.
A ce discours, tous les bons citadins,
Pressés en foule à la porte, applaudirent,
Comme autrefois les chevaliers romains
Battaient des pieds et claquaient des deux mains.
Voltaire.
— Ballotter, être secoué , en parlant d'un
objet pendant ou mal assujetti : Cette fe-
nêtre bat, fermez-la mieux. ("*) Le fer de ce
cheval bat, et ne tardera pas à tomber. Ces
bouteilles sont mal emballées, elles battent.
('") Le fourreau de son sabre lui battait entre
les jambes. ("**) Le cheval devint de plus en
plus furieux, en sentant le brancard de la voi-
ture battée contre sou train de derrière. (***)
— Etre agité : Les ailes du troglodyte bat-
tent d'un mouvement si vif, que les vibrations
en échappent à l'œil. (Buff.) u Produire une
agitation : Cet oiseau bat des ailes.
— Etre animé de pulsations alternati-
ves : Je sentais dans sa poitrine brûlante
battre son cœur à coups redoublés. (B. de
St-P.) Le pouls me bat. Le cœur des petits
enfants bat de cent trente à cent quarante fois
par minute. (J. Macé.) On cite un vieillard de
quatre-vingt-quatre ans, dont le cœur ne bat-
tait plus que vingt-neuf fois par minute. (J.
Macé.) il Se dit aussi pour exprimer la circu-
lation du sang, et, par ext., la présence de
la vie : Son cœur ne bat plus , il est mort.
Tant que le cœur me battra, je me souvien-
drai de lui. (*") // faut prendre son parti
sans pusillanimité dans toutes les occasions
de la vie, tant que l'âme bat dans le corps.
(Volt.)
BAT
. . . L'homme ranimant une rage assouvie.
Cherche encor la douleur où ne bat plus la vie.
Lamartine.
Il Se dit encore pour exprimer quelque senti-
ment, quelque émotion que l'on éprouve :
Le cœur lui bat de peur, d'impatience, d'es-
poir. Le cœur m'en battait. (Mme de Sév.)
Il soupirait, il frissonnait, le cœur lui bat-
tait. (P.-L. Cour.) Le cœur me battait d'im-
patience de feuilleter ce nouveau livre. (J.-J.
Rouss.) Votre cœur n'A jamais battu pour les
rois. (Chateaub.) J'ai toujours senti battre
mon cœur, en voyant le facteur déposer une
lettre sur une table. (L'. Gozlan.) Le cœur me
bat comme à un oiseau qui se lance hors du
nid pour la première fois. (G. Sand.) Il n'est
pas un cœur français qui ne batte au récit
des exploits des Polonais. (L.-J. Larcher.)
Rien d'humain ne battait sous son épaisse armure.
Lamartine.
Le même sentiment battait dans nos deux cœurs.
Lamartine.
C'était sous des haillons que battaient des coeurs
[d'hommes.
A. 13ARB1ER.
Monseigneur, en ce triste état,
Confessez que le cœur vous bat.
Voltaire.
...... Je suis fils de mon père,
C'est son Sang généreux qui bat dans mon artère»
E. Auoier.
— Porter, en parlant des bouches à feu :
Ces nouveaux canons battent à douze cents
mètres, il Darder, en parlant du soleil : Nous
marchions sous un soleil qui battait d'aplomb.
Il Tomber vivement, en parlant de la pluie
ou de la grêle : Le vent soufflait , la pluie
BATTAIT.
— Etre battu, en parlant du tambour ;
Les tambours battent. Le tambour battait
dans les rues et sur le port. (Alex. Dura.) l)
Etre battu, en parlant d'un signal particu-
lier donné par le tambour : Partout battait
la générale.
— Battre du tambour, de la caisse, En ti-
rer des sons : Les enfants aiment à battre
du tambour, il Battre aux champs, Battre le
tambour pour faire rendre les honneurs à
quelqu'un : Chapeau bas, messieurs, dit gra-
vement le commandant en se découvrant, et
vous, tambours, battez aux champs. (E. Sue.)
il Signifie aussi, Etre battu aux champs, en
parlant des tambours : Vous prenez votre flâte,
lorsque vos tambours battent aux champs.
(Volt.)
— Battre en retraite, Abandonner son camp
ou le champ de bataille, en se retirant en
bon ordre : Nous attendions d'heure en heure
l'ordre de nous porter en avant; nous reçûmes
celui de battre en retraite. (Chateaub.)
Battre en retraite avec les honneurs de la
guerre a toujours été le chef-d'œuvre des
plus habiles généraux. (Balz.) Il Par ext. Se
retirer : La grande dame battit en retraite,
et le malheureux vit s'écrouler l'édifice de ses
espérances. (J. Sandeau.) il Fig. Céder : Il
commença à battre en retraite, et bientôt
garda le silence.
— Battre des mains, Les choquer l'une
contre l'autre, en signe d'approbation ou de
satisfaction : Je parus dans une loge; tout le
parterre me battit des mains. (Volt.) Je fus
si joyeuse, que je me mis à battre des mains
comme une folle. (Alex. Dum.)
Tout le beau sexe, aux fenêtres penché,
Dallait des mains, de tendresse touché.
Voltaire.
Lorsque l'un siffle à rompre le cerveau,
De ses deux mains l'autre B'obstine a battre.
De Gijf.rle.
Les animaux charmés,
A ce nom de Buffon, s'ils avaient eu des mains,
Des mains auraient battu, tout comme les humains.
F. de Neufciiateau.
Il Fig. Applaudir, approuver : Ils battent
des mains à l'idée des réformes, parce qu'ils
les considèrent comme leur propre ouvrage.
(Poujoulat.)
— Loc. fam. Battre de l'aile ou Ne battre
que d'une aile, Etre comme un oiseau qui a
une aile cassée, être en piteux état : Ce ban-
quier NE bat que d'une aile ; il n'est pas loin
d'une faillite. Ce pauvre malade bat de l'aile;
il va nous dire adieu. Cette affaire est coulée,
elle ne bat plus que d'une aile, il Battre des
ailes, En terme de coulisses, faire des gestes
fréquents, et frapper ses hanches à coups do
coudes, n Battre le job, Se dit d'un acteur qui
s'embrouille et ne sait ce qu'il dit. Cette ex-
pression s'emploie surtout en parlant d'un
vieil artiste dont la mémoire est affaiblie, il
On dit aussi faire de la toile. Il Rien ne lui
bat, Il est froid, il manque de passion, d'en-
thousiasme : Cet homme a du nombre, de l'é-
légance, du style, de la raison, de la sagesse,
mais rien ne lui bat au-dessous de la ma-
melle gauche. (Dider.)
— Argot. Battre comtois, Servir de com-
père à un marchand ambulant pour allécher
et attraper la pratique.
— Techn. En parlant d'un métier, être en
activité : Les métiers de nos rubahiers ne
battent plus depuis trois mois. Il Battre à la
terre, Fouler une étoffe avec de la terre dé-
trempée.
— Mus. En parlant de deux sons disso-
nants, produire certains renflements appelés
battements.
— Manég. Battre à la main, En parlant du
BAT
cheval, faire de brusques mouvements de
tête de haut en bas et de bas en haut, il
. Battre du flanc ou des flancs, En parlant d'un
cheval, être haletant.
— Jeux. Au trictrac, porter, d'une flèche
où l'on a deux dames, sur une flèche où l'ad-
versaire n'en a qu'une, il Battre à faux, Battre
par les doux tlèchos, dont l'une a deux dames
et l'autre une.
Se battre, v. pr. Se frapper mutuellement :
Se battre à coups de poing. Les enragés.' Il
me semble que je vois deux chiens gui se
battent pour un os. (Le Sage.) Ne vous
battez pas dans la rue, voilà les sols aux
fenêtres. (Chamf.) Sans la politesse, on ne se
réunirait que pour se battre. (A. Karr.)
Pour un âne enlevé deuï voleurs se battaient.
La Fontmne.
A table comptez-moi, si vous voulez, pour quatre;
Mais comptez-moi pour rien, s'il s'agit de se battre.
Molière.
ij Se dit particulièrement du combat singu-
lier appelé duel : Se battre à l'épée, au pis-
tolet. Je suis dans l'incertitude si je dois me
•battre avec mon homme, ou le faire assassiner.
(Mol,) Il y a, je l'avoue, une autre sorte d'af-
faires où la gentillesse se mêle à la cruauté, et
où l'on ne tue les gens que par hasard; c'est
celle où l'on se bat ait premier sang. (J.-J.
Rouss.) Il devait se battre avec un monsieur
qui n'a jamais manqué son homme, et qui était
sûr de son coup. (Scribe.) Je ne me bats pas
avec le fils d'un marchand ; si vous étiez noble
ou officier, je ne dis pas. (Scribe.) On proposait
à un joueur, que la fortune venait de favoriser,
de servir de second dans, un duel : « Je gagnai
hier huit cents louis, répondit-il , et je me
battrais fort mal; mais allez trouver celui à
qui je les ai gagnés, il su battra comme un
diable, car il n'a pas le sou.-*
Eh bien ! ils se battront, puisque vous le voulez.
Corneille.
De tout ce différend, je ne veux rien connaître,
Et je ne prétends point me battre contre toi.
Rehnard.
Il Se frapper soi-même :
On t'a battu! qui? — Moi. — Toi te battre! —
[Moi-même.
Molière.
I) Battre à soi-même : Se battre la tête con-
tre un mur. Le lion se bat les flancs avec sa
queue. (Buff.) il S'emploie avec le verbe faire,
avec suppression du pronom se : Faire battre
(pour se battre) des chiens et des chats. On
cherche à nous faire battre (pour nous battre).
— Par exagér. Se disputer quelque chose
avec acharnement : Oh se bat pour avoir des
billets de loterie. On Sis Bat à qui vous aura.
(La Font.)
— Par cxt. Se heurter, se ruer l'un sur
l'autre, en parlant dos éléments : Les vents
SE battaiknt avec furie. Les flots se bat-
taient, se choquaient avec un bruit affreux.
— Combattre : On ' s'est battu pendant
deux heures à l'arme blanche. On se battait
avec le même courage et ta, même fortune.
(Volt.) Il est cruel de se battre contre ses
concitoyens, mais il est bien plus horrible en-
core d'être opprimé par eux. (Mme de Staël.)
On sb bat dans tous les pays du monde, mais
il n'y a que les Français qui se battent en
riant. (Alex. Dum.) Le soldat, quelque coura-
geux qu'il soit, se bat mal lorsqu'il est à jeun.
(L. Cruvcilhier.) On se bat pour sa patrie,
mais on se bat aussi, passez-moi l'expression
vulgaire, pour sa peau. (Mich. Chev.) Se
battue en Europe, c'est faire la guerre ci-
vile. (Napol. le.) Se battre contre son pays
est toujours une chose grave. (Ste-Beuve.) L'art
de se battre a marché de progrès en progrès.
(E. de Gir.) Au Mexique, on vit des avocats,
militaires improvisés, se battre comme des
enragés. (L.-J. Larchcr.) C'est toujours par
le besoin d'exercer son activité, et surtout dans
le but d'améliorer sa condition que le peuple
se bat. (*")
Je prenais un peu de courage
Pour nos gens qui se battaient.
Molière.
..— Fig. Discuter : Battez-vous sur ces ma-
tières tant qu'il vous plaira; je ne veux point
en être le juge. (Boss.) Deux personnes se jet-
tent dans la tactique du sentiment, parlent au
lieu d'agir, et se battent en plein champ au
lieu de faire un siège. (Balz.)
— Loc. Fam. Se battre les flancs, S'animer,
s'exciter soi-même, faire des efforts exagé-
rés : Il se bat les flancs pour s'échauffer en
composant. (Beaumarch.) J'ai beau me battre
les flancs pour arriver à l'exaltation, j'y
perds ma peine. (Chateaub.) On ne connaissait
point alors l'art de se battre les FLtascspour
produire de l'effet. (Barante.) It S'en battre
l'œil, S'en moquer, s'en inquiéter peu : Je
m'en bats l'œil.
Je me bats PosiJ du Mercure et de toi.
Bouesadlt.
Il S'en battre les fesses, Même sens :
Mais, a ces discours d'ivrognesses,
Le roi dit : Je m'en bats les fesses.
Scarron.
Il Peu usité, il Se battre sur son palier, Etre
sur son terrain, parler ou s'occuper de choses
que l'on sait pertinemment : Pour s'entrete-
nir dignement soi-même et, les autres du senti-
tnent de l'immortalité et du respect de lapas-
BAT
térité, il faudrait y avoir plus de droit ; c'est
alors qu'on se battrait sur son palier,
— Mar. Se battre en ligne, En parlant des
navires de guerre, combattre après s'être
rangés sur une seule ligne, il Se battre en
chasse, Continuer à tirer sur son adversaire,
en cherchant à s'éloigner de lui.
— Fauconn. Se battre à la perche, En par-
lant de l'oiseau, s'agiter sur sa perche comme
pour s'envoler, il Fig, Se donner beaucoup de
mouvement inutile.
— Agric. Etre battu, en parlant des grains :
Le froment, le seigle, l'orge, l'avoine et la plu-
part des plantes fourragères se battent au
fléau. (Dict. de la conv.)
— Syn. Battre, frapper. Battre veut dire
donner des coups en grand nombre, et toujours
avec l'intention de faire mal. Frapper peut se
dire quand on ne porte qu'un seul coup, et même
quand il n'y aucune volonté de faire mal. Avec
battre on n'indique pas ordinairement la place
où tombent les coups ; on dit bien , au contraire,
frapper à la joue, au visage, dans le dos.
Battre emporte quelquefois l'idée d'être le plus
fort, de remporter la victoire. Enfin se battre
signifie ordinairement prendre part à un com-
bat; se frapper, signifie plus spécialement se
donner des coups à soi-même.
— Syn. Battre, défaire, vaincre. Battre
l'ennemi, c'est l'emporter sur lui dans la ba-
taille, être le plus fort dans une circonstance
donnée. Défaire, c'est rompre, désorganiser
une armée disposée en bataille, mettre le dé-
sordre dans ses rangs et les disperser. Vaincre
ajoute aux idées précédentes celle de la gloire,
et il suppose un résultat plus décisif; l'ennemi
vaincu n est plus à craindre,. et le vainqueur
peut lui imposer ses conditions.
— Antonymes. Caresser, flatter.
— Ail. litt. Se battre contre île* moulin* à
vent , allusion à l'un des épisodes les plus co-
miques du roman de Don Quichotte. Le cheva-
lier de la Manche, dont l'imagination exaltée
trouve partout du merveilleux, aperçoit des
moulins à vent qu'il prend pour des géants, et
contre lesquels il s'avance la lance au poing.
Mais la page est charmante ; passons la plume
à Cervantes. Les lecteurs en voudraient au
Grand Dictionnaire s'il leur donnait du chry-
socale alors qu'il a de l'or pur sous la main :
n Dans ce moment, don Quichotte aperçut
trente ou quarante moulins a vent; et regar-
dant son écuyer : » Ami, dit-il, la fortune
vient au-devant de nos souhaits. Vois-tu là-
bas ces géants terribles ? Ils sont plus de trente :
n'importe, je vais attaquer ces fiers ennemis
de Dieu et des hommes. Leurs dépouilles com-
menceront à nous enrichir. — Quels géants?
répondit Sancho. — Ceux que tu vois avec ces
grands bras qui ont peut-être deux lieues de
long. — Mais, monsieur, prenez-y garde ; ce
sont des moulins à vent ; et ce qui vous semble
des bras n'est autre chose que leurs ailes. —
Ah ! mon pauvre ami, l'on voit bien que tu n'es
pas encore expert en aventures. Ce sont des
géants, je m'y connais. Si tu as peur, éloigne-
toi ; va quelque part te mettre en prière, tandis
que j'entreprendrai cet inégal et dangereux
_combat. o
» En disant ces paroles, il pique des deux, saiis
écouter le pauvre Sancho, qui se tuait de lui
crier que ce n'étaient point des géants, mais
des moulins, sans se désabuser davantage à
mesure qu'il en approchait : « Attendez-moi,
disait-il, attendez-moi, lâches brigands; un seul
chevalier vous attaque. > A l'instant même un
peu de vent s'éleva, et les ailes se mirent à
tourner. « Oh! vous avez beau faire, ajouta
don Quichotte ; quand vous remueriez plus de
bras que le géant Briarée, vous n'en serez pas
moins punis. » Il dit, embrasse son écu; et, se
recommandant à Dulcinée, tombe, la lance en
arrêt, sur l'aile du premier moulin, qui l'enlève
lui et son cheval, et les jette à vingt pas l'un
de l'autre. Sancho se pressait d'accourir au
plus grand trot de son âne. Il eut de la peine
à relever son maître, tant la chute avait été
lourde. « Eh! Dieu me soit en aidel dit-il, je
vous crie depuis une heure que ce sont des
moulins à vent. Il faut en avoir d'autres dans
la tête pour ne pas le voir tout de suite. —
Paixl paix! répondit le héros; c'est dans le
métier de la guerre que l'on se voit le plus
dépendant des caprices de la fortune, surtout
lorsqu'on a pour ennemi ce redoutable enchan-
teur Freston, déjà voleur de ma bibliothèque.
Je vois bien ce qu'il vient de faire : il a changé
les géants en moulins, pour me dérober la
gloire de les vaincre. Patience 1 il faudra bien
à la fin que mon épée triomphe de sa malice.
— Dieu le veuille I » répondit Sancho en le
renîettant debout, et courant en faire autant
à Rossinante, dont l'épaule était à demi dé-
boîtée. »
De là est venue l'expression se battre contre
des moulins à vent, c'est-à-dire se forger des
chimères, se créer des fantômes pour les
combattre.
Un petit-maître ayant proposé un cartel à
un homme brave et sensé, par qui il se croyait
insulté, ce dernier lui dit : » Depuis deux siècles,
on rit de don Quichotte pour s'être battu contre
un moulin à vent; jugez de ce qu'on dirait de
moi, si j'allais me battre contre une girouette, i
■ D'Artagnan se trouvait, au moral comme
au physique, une copie exacte du héros de Cer-
vantes , auquel nous l'avons si heureusement
comparé tout à l'heure. Don Quichotte prenait
BAT
les moulins à vent pour des géants, et les mou-
tons pour des armées ; d'Artagnan prit chaque
sourire pour une insulte, et chaque regard pour
une provocation. » Alex. Dumas.
« M. d'Arlincourt affectionne par-dessus
tout, dans ses ouvrages, les allures chevale-
resques et les situations mélodramatiques. Ses
héros sont des matamores, faisant ordinaire-
ment beaucoup plus de bruit que de besogne,
des espèces de Don Quichotte toujours prêts à
se battre contre des moulins à vent. »
(Dictionnaire de la Conversation.)
• C'était un gaillard classique, philosophe,
constitutionnel, ironique et voltairien, qui se
plaisait à saper, comme il disait, les préjugés.
Il aimait à donner, c'était son expression, de
grands coups de lance dans les erreurs hu-
maines; et, quoiqu'il ne lui arrivât jamais
d'attaquer les véritables moulins à vent du
siècle, il s'appelait lui-même, dans ses gaietés,
Don Quichotte. Je l'appelais Don qui choque. »
V. Hugo.
• Lorsqu'en 1837, Béranger disait : Trem-
blez, Bourbons, je vais chanter! il est clair que
cette menace était purement rétrospectivo.
A huis clos, entre quatre murs, sur ce froid
papier destiné à une publication posthume, et
condamné au tiroir d'un notaire, se livrer à ces
gratuites démonstrations d'orgueil et de co-
lère, s'admirer ainsi dans sa vaillance, c'est
refaire pour son propre compte l'histoire du
héros de Cervantes, c'est livrer bataille à des
nioulins à vent! » Cuv. Fleury,
battu, UE (ba-tu) part. pass. du v. Battre.
Heurté, frappé, soit directement, soit à l'aide
d'un instrument : Fer battu <i chaud. Grains
battus avec le fléau. Pavés battus avec la
demoiselle. L'or, l'argent, le cuivre battus à
froid s'écrouissent. (Buff.) Quand les grains
sont battus; on doit les transporter immédia-
tement sur le plancher d'un grenier. (Math, do
Dombasle.) il Se dit surtout d'une personne
ou d'un animal à qui l'on a donné des coups :
Un enfant battu par ses camarades. Héliadore
fut bAttu de verges. Faut-il s'étonner de voir
les apôtres si-souvent battus, lapidés et laissés
pour morts? (Boss.) Je suis las d'être bien
battu et mal nourri; je suis las de passer la
nuit à la porte d'un lansquenet, et le jour à
vous détourner des grisettes. (Regnard.)
— Vaincu dans une lutte, dans un combat :
Etre battu en rase campagne. Le général
battu a toujours tort, quelque sage conduite
qu'il ait eue. (Volt.) n Par anal. Qui a eu le
dessous au jeu, dans une joute, etc. : Etre
battu aux échecs. Gladiateur n'a pas encore
été battu, il' Fig. Vaincu moralement ; Je ne
me crois pas battu par vos raisons. Il tient
que la France a été battue en ruine par la
plume de cet écrivain, et qu'il ne faut que ce
bel esprit pour détruire toutes nos troupes.
(Mol.) Le gouverneur était inquiet; il appar-
tenait à l'opinion battue. (Chateaub.) Il est
triste, à votre âge , de se résoudre à être tou-
jours du parti battu. (H. Beyle.) Arrive donc,
mon cher ami; si tu ne fais diversion en ma
faveur, je suis battu sur tous les points.
(Scribe.) Il Châtié, maltraité : Les fléaux sont
destinés d nous battre, et nous sommes battus
parce que nous le méritons. (J. de Maistre.)
— Atteint ou à portée d'être atteint par
l'artillerie : Un rempart battu en brèche. Une
position battue par l'artillerie ennemie.
— Heurté , secoué , ébranlé : Un rocher
battu par les flots. Un vaisseau battu par la
tempête. Il y a plaisir d'être dans un vaisseau
battu de l'orage, lorsqu'on est assuré qu'il ne
périra pas. (Pasc.) L'aigle, en s'élevant dans
les nuages, peut passer tout à coup de l'orage
dans le calme, tandis que les autres animaux
sont battus de la tempête. (Buff.) Les der-
■ nières cimes des montagnes sont froides et
battues des vents. (Lamart.)
Battu par la tempête, à la merci des vents.
Le pauvre pèlerin se trouble, perd courage.
Le Baillt.
Il Fig. en ce sens : Le vaisseau de l'Etat est
battu par la plus violente tempête, et il n'y a
personne'à la barre. (Mirab.) Battue par les
orages de la vie, la colombe éperdue se réfugia
dans la solitude. (Chateaub.)
ATeux de Malvina, du sein de vos nuages,
Veillez sur ses destins, battus par tant d'orages.
Ducis.
— Mêlé, gâché, brouillé : De la terre battue.
Du plâtre battu. Des œufs battus. Les mai-
sons sont construites avec des poteaux et des
claies, revêtues en dehors et en dedans de terre
battue. (H. Martin.)
— Foulé ; durci par une pression constante
ou souvent répétée : Chemin battu. Sol battu.
Terre battue, ii Fréquenté, en parlant d'un
chemin : Boute battue. Voie battue. Sentier
battu. Quand les herbes sont perlées de rosée,
il fait bon suivre les chemins battus. (L.-J.
Larchcr.) h Fig. Vulgaire, ordinaire, com-
mun, banal : Les routes battues ne conduisent
qu'à des erreurs universelles. (Dumarsais.) On
n'ose pas s'écarter du chemin battu. (Boss.)
Elle a quitté les voies battues de la vertu,
pour aller à Dieu par des routes inconnues et
nouvelles. (Fléch.) Prétendre faire mieux sans
BAT
381
faire autrement, c'est la voie battue. (E. de
Gir.) La voie battue , c'est celle qui consiste
à demander incessamment à la loi, sous forme
d'interdictions , des dispenses de capacités.
(E. de Gir.) Solidement assise sur la réalité,
elle avait conduit sa destinée par les routes
battues, évitant les cailloux que sème le ca-
price. (E. Souvestre.) Le succès était assuré
pour qui suivrait le sentier battu : David s'en
écarta. (Vitet.)
Loin des sentiers battus où se plaît le vulgaire,
Dans un sublime essor, ô Muse, emporte-moi.
**•
— Parcouru en tout sens, fréquenté :
Plaines battues par des chasseurs. Pays
battus par des maraudeurs.
— Feux battus, Yeux entourés d'un cercle
noir, comme s'ils avaient reçu un coup :
Vous avez les yeux bien battus ; je vous
trouve bien changée. (Th. Gaut.) il Avoir les
oreilles battues de quelque chose, Etre fatigué
de l'entendre répeter, n On dit mieux re-
battues, il Se tenir pour battu, Se regarder
comme vaincu, avouer sa défaite : Je ne me
tiens pas pour battu, et je peux en appeler.
— Prov. Autant vaut bien battu que mal
battu, Quand on à commencé une entrepriso
qui offre des dangers, autant vaut la pour-
suivre jusqu'au bout, n Cocu, battu et content,
Sorte de proverbe rabelaisien, dont le sens
est suffisamment clair par lui-même.
— Tochn. Etiré sur l'enclume ; Fer battu.
Or battu. Il mangeait chez lui dans l'étain et
avec des couverts de fer battu. (Balz.)
— Comm. Brocart battu d'or ou d'argent,
Brocart mêlé de beaucoup d'or ou d'argent.
— Art vétér. Sole battue ou Solbature, Ma-
ladie de la sole, causée par un accident
extérieur.
— Chorégr. Pas battu, Pas accompagné de
battements : Pas battu dessus et dessous.
— Fauconn. Battu de l'oiseau, Sur qui l'oi-
seau de proie a un avantage véritable et dé-
cidé : Héron battu de l'oiseau. Il Fig. Abattu,
découragé , et aussi Enervé , affaibli par la
maladie : Je suis mieux, mais je me sens en-
core battu de l'oiseau.
— s. m. Personne à qui l'on a donné des
coups : Les battus et les battants. Ce sont
ordinairement les battus qui payent l'amende.
— Tcclin. Trait d'or ou d'argent battu :
Employer du battu. Il Battu de feutre, Défaut
du papier, provenant d'une petite quantité
de pâte mal étalée.
— Hist. Nom donné aux flagellants.
— Alchim. Fortement poussé, exalté par
lo fou : Les esprits battus s'évanouissent
aisément.
— Homonyme. Battue. .
— Allus. littér. La femme de Sgnuarcllc qui
veut être battue, allusion à une des scènes les
plus comiques de Molière. Sganarelle a battu
sa femme, qui lui reprochait son ivrognerie.
Survient le voisin Robert, qui s'interpose entre
les deux époux, et met imprudemnTent le doigt
entre l'arbre et l'écorce :
Martine, Voyez un peu cet impertinent,
?ui veut empêcher les maris de battre leurs
emmes!
M. Robert. Je me rétracte.
Martine. Qu'avez- vous à voir là-dessus?
M. Robert. Rien.
Martine. Est-ce à vous d'y mettre le nez?
M. Robert. Non,
Martine. Mêlez-vous de vos affaires.
M. Robert. Je ne dis plus mot.
Martine. Il me plaît d'être battue.
M. Robert. D'accord.
Martine. Ce n'est pas à vos dépens.
M. Robert. Il est vrai.
Martine. Et vous êtes un sot, de venir vous
fourrer où vous n'avez que faire. (Elle lui donne
un soufflet.)
Les écrivains font souvent allusion à la
femme de Sganarelle, qui veut être battue :
« Expliquez-moi par quelle fatalité la phi-
losophie ne peut se résoudre à quitter les
bords de la Seine, malgré les dégoûts qu'elle
y éprouve, et le peu de prosélytes qu'elle y
fait. Les philosophes sont comme la femme du
Médecin malgré lui, qui veut que son mari la
batte. » D'Alembert.
«Tout peuple, en ce cas, et surtout une
nation fière comme les Anglais, veut être le
maître chez soi. Et quels que soient les vices
do sa constitution, si c'est un peuple rival qui
prétend les redresser et les démocratiser de
gré ou de force, il dit, comme la femme de
Sganarelle à M. Robert : « De quoi vous
» mêlez-vous? et moi je veux être battue. »
Camille Desmoulins.
« La femme de Sganarelle disait au voisin,
qui prenait sa défense contre son mari : De
quoi vous mêlez-vous? je veux qu'il me batte.
Il y a des peuples qui diront : Nous ne vou-
lons pas être libres ; et c'est peut-être un
grand problème à résoudre , que de savoir
jusqu'à, quel point cette liberté si vantée, qui
paraît innée dans le cœur de chaque individu,
est nécessaire au bonheur général. »
Grimm.
382
BAT
« Le ménage des moineaux francs n'est pas
toujours exempt de nuages. Madame est d'hu-
meur exigeante, et houspille fréquemment
Monsieur. Mais ces querelles durent peu, et
malheur en tout cas à l'officieux voisin qui
s'avise de s'interposer entre les parties belli-
gérantes pour mettre le holà! car nos deux
époux se raccommodent aussitôt, et profitent
de la circonstance pour tomber il grands coups
de bec sur l'intrus, et pour lui apprendre à se
mêler de ce qui le regarde. Ainsi procèdent les
époux Sganarelle. » Toussenel.
BATTU (Pierre), violoniste et compositeur,
né à Paris en 1799. Admis dans les classes pré-
paratoires du Conservatoire de Paris, il devint
élève de Rodolphe Kreutzer, et obtint le pre-
mier prix de violon au concours de 1822. De
tous les élèves du célèbre professeur, c'est lui
qui calque le moins servilement le style de
son maître. M. Battu,vqui s'est produit tou-
jours avec succès dans les concerts, fut atta-
ché, comme violon ; au théâtre de l'Opéra; il
a été nommé, en 1846, deuxième chef d'or-
chestre de ce théâtre. On a de lui deux con-
certos pour violons, trois duos concertants
pour deux violons, un thème varié pour le
violon, et des romances avec accompagnement
de piano.
BATTU (Léon), auteur dramatique fran-
çais, né à Paris en 1827, mort dans la même
ville en 1857 , fils du précédent. Après avoir
obtenu des succès faciles dans la petite presse
parisienne, grâce a de légères esquisses, où
l'humour et l'esprit se mariaient à souhait,
il ambitionna les triomphes du théâtre, où il
fut souvent heureux. Voici la liste des ouvra-
ges dramatiques de ce jeune et regrettable '
écrivain : les Extrêmes se touchent, comédie-
vaudeville en un acte, avec Adrien Decour-
celle (Variétés , 27 janvier 1848) ; les Deux
font la paire, vaudeville en un acte, avec Mi-
chel Carré (Variétés, 25 octobre 1348); les
Suites d'un feu d'artifice, vaudeville en un
acte, avec Clairville et Arthur de Beauplan
(Variétés, 14 novembre 1848); Jobin et Na-
nette , vaudeville en un acte , avec Michel
Carré (Vaudeville, 1849); Nisus et Euryale,
comédie-vaudeville en un acte, musique de Nar-
geot (Variétés, 1850) ; Madame Diogène, vaude-
ville en un acte (Variétés, 1852); les Quatre
coins, comédie en un acte et en prose (Odéon,
7 novembre 1852) ; l'Honneur de ta maison,
drame en cinq actes et en prose, avec Mau-
rice Desvignes (Porte-Saint-Martin, 6 juillet
1853), succès prolongé, dû à la moralité de
l'ouvrage et à son mérite littéraire ; Pepito,
opéra-comique en un acte, avec Jules Moi-
neaux, musique de Jacques Oifenbach (Va-
riétés, 3 septembre 1853); les Cheveux de ma
femme, vaudeville «n un acte, avec Labiche
(Variétés, 19 janvier 1855) ; Jacqueline, opéra-
comique en un acte, avec Scribe et. Edouard
Pournier, musique du comte d'Osmond et de
M. Jules Costé (Opéra-Comique, 8 juin 1855) :
cet ouvrage, joué au Théâtre-Italien, le 15 mai
1855, au profit de la Société des secours à do-
micile, fut représenté par ordre b, l'Opéra-
Comique, où il obtint deux représentations ; un
Verre de Champagne, comédie en un acte, avec
Adrien Decourcelle (1855) ; Lucie Didier, pièce
en trois actes et en prose, avec M. Ja'nne fils
(Vaudeville, 12 janvier 1856) : cette pièce
contenait tous les éléments de succès que peut
exiger un public plus blasé que délicat, et si
elle n'a pas obtenu la vogue des Filles de mar-
bre, des Faux Bonshommes, etc., on ne peut en
accuser que le caprice des spectateurs ; l'An-
neau d'argent, opéra-comique en un acte, avec
Jules Barbier, musique de Louis Deffès (Opéra-
Comique, 5 juillet 1855) ; Elo'die ou le Forfait
nocturne, quiproquo en un acte, avec Hector
Crémieux, musique de M. Amat (théâtre des
Bouffes-Pa. isiens, 185C) ; les Pantins de Vio-
lette, opéra-comique en un acte, musique d'A-
dolphe Adam (un petit chef-d'œuvre de grâce
et de fine raillerie musicale, dernier éclat de
rire du compositeur charmant auquel on doit
le Chalet et le Postillon de Lonjumcau) ; l'Im-
pressario, opéra-comique en un acte, avec
Ludovic Halévy, musique de Mozart (théâtre
des Bouffes-Parisiens, 1856) ; le Docteur Mi-
racle, opérette en un acte, avec Ludovic Ha.-
lévy, musique de M. Lecoq (théâtre des
Bouffes-Parisiens, 185G); le Cousin de Mari-
vaux, opéra-comique en deux actes, avec Lu-
dovic Halévy, musique de Victor Massé (théâ-
tre de Bade, août 1857). Léon Battu voulut
voir jouer sa dernière pièce, et, malade, épuisé,
se traînant à peine, il se mit en route et arriva
à Bade, où il dutsejnettre au lit. Il eut néan-
moins encore la force d'assister à la première
représentation et de revenir à Pans, où il
mourut quelques mois après.
BATTU (Marie), cantatrice française, sœur
du précédent, née à Paris, reçut de M. Du-
prez ses premières leçons de chant. Un an plus
tard, elle paraissait, à deux reprises succes-
sives, à la Société des concerts, et faisait en-
tendre le finale de Moïse, une scène à'Oberon
et un morceau des Noces de Figaro. Après
une saison passée au théâtre de Bade, elle fut,
lors de son retour à Paris, attachée au Théâ-
tre-Italien. Ses débuts sur cette scène eurent
lieu le 12 janvier 1880, dans la Sonnanbula,
avec un succès qui prit tout le caractère d'une
ovation, et qui fit dire que la jeune cantatrice
allait recueillir la succession de MIlie Persiani.
Lucia, qui continua ses débuts, offrit un ré-
sultat moins heureux ; mais Rigoletto lui fit
BAT
retrouver aussitôt sa vogue première. L'en-
thousiasme excité par l'apparition de Mlle Ma-
rie Battu sur une scène illustrée par tant d'ad-
mirables talents, fut tempéré, toutefois, par
l'opinion de certains critiques qui, résistant à
l'entraînement général, n'hésitèrent pas à dé-
clarer que les moyens, sous certains points de
vue si remarquables, de la nouvelle étoile, ne
leur paraissaient pas de nature à convenir au
répertoire de la salle Ventadour. Mlle Marie
Battu manquait, en effet, de cette chaleur
qu'il faut apporter dans l'interprétation des
opéras de Rossini, de Bellini, de Donizetti et
de Verdi, où éclate toute la fougue du génie
italien. Son chant, d'un charme infini, man-
quait de passion. C'est encore le reproche
qu'on lui fait aujourd'hui. Cinq jours après la
première apparition de M"e Battu à la salle
Ventadour, le directeur de Covent-Garden, à
Londres, lui fit offrir un engagement de trois
années; mais c'est seulement en 1862 qu'elle
s'est produite chez nos voisins, à qui elle a
donné, depuis lors, toutes ses saisons d'été.
En octobre 1863, l'Opéra-Italien de Paris ayant
changé de direction, Mlle Battu, qui se trou-
vait libre, signa un engagement avec l'Acadé-
mie de musique. Elle avait paru aux Italiens
dans la Sonnanbula, Lucia, Rigoletto, Il Ma-
trimonio segreto, Marta, Don Giovanni, Nozze
di Figaro, Don Pasquale, Anna Bolena, Un
Ballo in maschera, Il Furioso, Cosi fan tutte,
rôles qu'elle avait également interprétés à
Londres, en y joignant Robert le Diable, les
Huguenots, la Muette de Portici. M"» Battu
débuta à notre Grand-Opéra, le 28 décembre
1853, par le rôle créé par Mm<! Damoreau dans
Moïse, rôle qu'elle joua sans interruption jus-
qu'au mois d avril 1864, époque à laquelle un
précédent engagement la rappelait a Covent-
Garden. Au mois d'août de la même année,
elle est allée inaugurer le Théâtre-Italien à
Bade par Rigoletto, Un Ballo in maschera,
Lucia, I Puritani, Don Pasquale, la Gazza
Ladra. A son retour à Paris, elle reparut, le
7 novembre 1861, dans Moïse et, plus tard,
dans la Muette de Portici (Elvire). Elle a créé,
en avril 1805, le rôle, assez pâle et assez froid,
d'Inès dans la fameuse Africaine, de Meyer-
beer. M"e Marie Battu a peu de voix ; ses
sons, même dans les registres intermédiaires,
sont généralement faibles, et disparaissent à
demi dans les ensembles. Son organe veut
être ménagé ; mais, pour être délicat et faible,
il n'en est pas moins d'une admirable pureté.
Elle vocalise avec beaucoup de goût, mais le
sentiment lui fait défaut. Dans la Muette , -
comme expression et comme style, elle est
restée a une si grande distance de M"e Caro-
line Duprez, qu'on s'est demandé si réellement
les deux Elvire étaient sorties de la même
école. Dans l'Africaine, sa méthode correcte
l'a sauvée ; elle y a montré ce qu'elle tient
de son maître. Les passages où cette canta-
trice réussit le mieux sont, d'ailleurs, ceux qui
ne demandent qu'une exécution mécanique. ,
une sorte de perfection d'instrument; elle rend
faiblement ceux où la passion déborde, et c'est
pour cette raison qu'elle a sagement fait d'a-
bandonner le Théâtre-Italien, où, le premier
moment d'engouement passé, elle aurait peu
à peu fini par prendre dans l'opinion publique
un rang peu flatteur sans doute pour son
amour- propre d'artiste; car elle est douée, en
définitive, de qualités vraies et solides, sinon
de celles qu'exige le génie italien.
BATTUDE. V. BASTODB.
BATTUE s. f. (ba-tù — rad. battre). Chass.
Allées et venues faites en troupe, dans le but
de lever le gibier ou les bûtes fauves : Le sa-
medi 30, le Dauphin et te duc de Berri allè-
rent avec M. le Duc faire des battuks. (St-
Sim.) Dans les cantons conservés pour leplaisir
de la chasse, on tue quelquefois quatre ou cinq
cents lièvres dans une seule battue. (Buff.) Les
battues pour la destruction des loups, et la
manière d'y procéder sont indiquées par l'or-
donnance du 20 août 1814. (Baudrillart.) Les
sauvages s'attroupent pour la battue et la
poursuite du gibier. (E. Pelletan.)
— Faire la battue ou battre à route, Frap-
per les buissons avec un bâton ou une hous-
sine, pour en faire sortir le gibier.
— Par anal. Recherches faites dans le but
de découvrir ou déloger des ennemis ou des
malfaiteurs : Les tirailleurs firent une battue
dans le bois. Les gendarmes ont fait une battue
sans résultat. On assomma, comme des bêtes
fauves, tout ce qui se trouva dans la battue
du pacha; les brigands périrent, il est vrai,
mais avec trois cents paysans grecs qui n'étaient
pour rien dans l'affaire. (Chateaub.) Je prends
goût à la tuerie; c'est comme qui dirait une
battue à l'homme. (Alex. Dum.)
— Pêch. Creux fait dans la vase par le
poisson, qui s'y enfonce pendant l'hiver.
— Techn. Préparation des cocons dans les
bassines., pour dégager les bouts de la soie. Il
Quantité de cocons que l'on soumet ensem-
ble à l'opération du battage.
— Manég. Bruit du pas du cheval.
— Encycl. Chass. Les battues ont toujours
été regardées comme le meilleur moyen de
détruire les animaux nuisibles. Les anciennes
ordonnances prescrivaient d'en faire de temps
à autre dans les forêts dépendant du domaine
de la couronne, et même dans la campagne.
Un arrêté du Directoire, en date du 13 plu-
viôse an V (7 février 1797), a de nouveau pres-
crit cette mesure. Il ordonne de faire, tous les
BAT
trois mois et plus souvent, s'il est nécessaire,
des chasses et battues générales ou particu-
lières aux loups, aux renards, aux blaireaux
et autres animaux nuisibles. Si, depuis l'an V,
cette disposition de la loi eût été exécutée, il
est probable que la race des loups et celle des
renards auraient entièrement disparu du sol
de la France. De nouvelles prescriptions sur
les battues ont été édictées par une ordon-
nance du 20 août 1814, une instruction minis-
térielle du 9 juillet 1818, une instruction de
l'administration forestière du 23 mars 1821, et,
enfin, par la loi du 3 mai 1841 sur la police de
la chasse.
Les loups, et autres animaux nuisibles, ne
sont pas excessivement nombreux pendant
les années communes : cependant, il y a des
époques où, sans que Ion sache comment, ces
animaux se portent tout à coup en masse vers
une partie du territoire : il faut bien alors
avoir recours aux battues, et ce sont les lois
et règlements cités plus haut qui régissent la
matière.
Les battues sont ordonnées par le préfet,
sur la demande des agents forestiers, ou sur
celle de l'autorité municipale. Les maires et
officiers municipaux sont tenus d'y assister.
La liste des habitants de la commune qui doi-
vent y prendre part, soit comme rabatteurs,
soit comme tireurs, doit être fixée par le maire.
Si la battue doit s'étendre sur le territoire de
plusieurs communes, les maires doivent se
concerter pour choisir la personne à laquelle
sera donnée la direction générale.
On fixe de même le contingent de tireurs et
de rabatteurs que doit fournir chaque com-
mune. Du reste, aux termes de l'article 1 1 de
la loi de 1841 sur la police de la chasse, les
arrêtés préfectoraux sont souverains en ma-
tière de destruction d'animaux nuisibles.
Quand le lieu de la convocation a été fixé,
les tireurs et les rabatteurs doivent s'y rendre
à l'heure indiquée. Avant de commencer la
battue, le maire fait l'appel des habitants mis
en réquisition ; l'opération terminée , il doit
encore procéder au réappel, afin de s'assurer
que personne ne s'est retiré avant l'heure
marquée pour le départ. Il dresse ensuite pro-
cès-verbal, et transmet la liste des absents au
procureur impérial, chargé de les poursuivre
en police correctionnelle. Un arrêt du conseil
du 25 janvier 1797 prononçait une amende de
10 fr. contre chaque contrevenant; mais cette
pénalité a été modifiée par l'article il de la
loi de 1841, et ceux qui enfreignent les arrê-
tés des préfets sur la police des battues sont
aujourd'hui passibles dune amende de 16 à
100 francs. Cette peine ne s'applique pas seu-
lement a ceux qui négligent de se rendre à la
convocation, mais à quiconque enfreint une
des défenses de l'arrêté.
On distingue généralement quatre sortes de
battues : la battue sous bois, la battue en plaine,
la battue au chaudron et la battue au cordeau.
Nous trouvons, a ee sujet, dans le Diction-
naire universel de la vie pratique, de M. Be-
lèze, des détails que nous allons résumer.
— De la battue sous bois. La battue sous
bois est la plus ordinaire ; on la pratique soit
pour détruire les animaux nuisibles, soit pour
atteindre quelque belle pièce de gros gibier.
Dès la veille, ou de grand matin, celui qui di-
rige la chasse doit aller reconnaître le terrain.
11 plante des numéros d'ordre sur toute la ligne
où se placeront les tireurs, en ayant soin de
les poster toujours au-dessous du vent, et en
tenant compte de la nature du gibier que l'on
chasse : les bêtes douces suivent de préfé-
rence, dans leur fuite, les coulées, les sen-
tiers tout tracés; les animaux nuisibles, au
contraire, loups, renards, et bêtes puantes en
général, se plaisent à traverser les endroits
les plus fourrés. Il faut aussi apporter beau-
coup de soin dans la disposition des rabat-
teurs ou traqueurs; ils doivent se rendre au
lieu qui leur est désigné, en observant le plus
grand silence, car le moindre bruit suffirait
pour faire partir le gibier. Ils doivent être
munis de deux bâtons : l'un qu'ils ne quittent
Eas, et dont ils se servent pour frapper sur les
uissons, l'autre qu'ils jettent au-devant des
animaux lorsqu'ils en voient venir sur eux.
Lorsqu'il faut détruire des bêtes dangereu-
ses , quelque louve furieuse , des bétes de
compagnie, ou bien des ragots qui peuvent
charger les traqueurs, il est bon de faire mar-
cher devant eux quelques hommes armés de
fusils. On peut aussi conduire quelques chiens
en laisse pour les lancer à la poursuite des
animaux blessés; mais on ne doit jamais les
lâcher dans l'enceinte ; leurs aboiements accé-
lèrent la fuite du gibier, et le déterminent à
forcer la ligne des rabatteurs.
Quelquefois, les animaux délogés cherchent
à s'échapper, soit à droite, soit à gauche. Il
est bon de placer sur les ailes de la battue des
hommes qu en terme de chasse on appelle dé-
fenses.
Dès que tout le monde est à sa place, le
chef de la battue donne le signal par un coup
de feu ou par un coup de sifflet. Aussitôt, les
rabatteurs se mettent en route, en poussant de
grands cris et en frappant sur les buissons.
Ils doivent percer les halliers, et conserver
entre eux toujours la même distance, de peur
délaisser de trop grands espaces vides, par
lesquels le gibier s'échapperait.
— Des battues en plaine. Elles ont l'incon-
vénient de détruire tout le gibier d'un canton,
et, pour cette raison, elles sont d'un usage
BAT
assez rare. Elles ne diffèrent guère des battues
sous bois que par la nature du terrain.
Les chasseurs se placent au-dessous du
vent en se cachant dans des fossés, derrière
un tertre ou un buisson. Les traqueurs, pla-
cés sur une longue ligne et a une grande dis-
tance, poussent devant eux tout le gibier de
la plaine, et le ramènent au point où sont pla-
cés les tireurs.
— Battue au chaudron. On entoure une
grande plaine d'un cordon de tireurs, qui tous,
à un signal donné, partent en se dirigeant
vers un centre commun. Cette espèce de
chasse est très-usitée en Allemagne.
— Battue au cordeau. Elle se fait au moyen
de longues cordes, auxquelles sont attachées,
d'espace en espace, do petites cordelettes gar-
nies de grelots ou simplement de morceaux de
papier. Les hommes qui tiennent ces cordes
par les extrémités traversent le champ où
se trouve le gibier, qui, effrayé par le bruit
que font les grelots ou les morceaux de pa-
pier, se met à fuir lentement, et se trouva
bientôt réuni en grand nombre à la portée des
tireurs.
Nous empruntons à M. Lavallée les obser-
vations suivantes, qui sont applicables à toutes
les battues; n Quand une battue, dit-il, est
bien dirigée, le résultat est presque toujours
fructueux. Malheureusement, dans ces réu-
nions nombreuses, chacun veut presque tou-
jours faire à sa tête; chaque tireur, ne son-
geant qu'à lui-même et ambitionnant de se
signaler, quitte la place qu'on lui a donnée, et
en prend une meilleure ; il laisse ainsi un vide
sur la ligne, et c'est par là que le gibier se
sauve. Les rabatteurs, peu soucieux de tra-
verser les ronciers, s'écartent de la direction
qui leur est donnée, et les animaux qu'on vou-
lait atteindre peuvent tranquillement faire re-
traite Quelques chasseurs arrivent au ren-
dez-vous, les cheveux bien frisés, et répandent
autour d'eux une douce odeur d'ambre et de
benjoin. Les vêtements des autres exhalent la
parfum de la verveine ou de l'eau de rose, en
sorte que les aniinnux nuisibles les éventent à
deux lieues de distance. Ces beaux messieurs
se plaignent de n'avoir pas de chance en
battue; jamais rien ne vient de leur côté; à
qui la faute? Le directeur d'une battue qui
connaît son métier doit placer les tireurs par-
fumés aux deux extrémités de la ligne , ils
serviront de défense, et feront passer le gibier
au centre. »
Indépendamment des battues générales, fai-
tes dans l'intérêt de tous, chaque propriétaire
dont la récolte est menacée peut en faire de
particulières sur son propre domaine. Lorsque
la chasse est ouverte, et qu'il est muni d un
permis, il n'a pas besoin d autorisation. Si la
chasse est fermée, au contraire, il doit s'a-
dresser à l'autorité municipale, qui transmet
la demande au préfet. Ce fonctionnaire peut
accorder ou refuser l'autorisation. S'il l'ac-
corde, le propriétaire est libre d'exécuter la
battue, mais les frais qui en résultent sont à
sa charge ; les habitants ne peuvent pas être
mis en réquisition.
BATTUECAS (las), vallée d'Espagne, dans
la province d'Estramadure, intendance et à
60 kil. S.-O. de Salamanque, entourée de mon-
tagnes escarpées, et complètement inconnue,
dit-on, pendant plusieurs siècles. Le soleil,
dans les plus longs jours, ne s'y montre que
pendant quatre heures. C'est là que M»"-- de
Geniis a placé la scène d'un roman publié en
1816. C'est une histoire des plus romanesques,
semée d'une foule de réflexions, de monolo-
gues et de conversations, qui laissent' assez
peu de place aux événements. Ce roman est
peut-être, avec Mademoiselle de Clermont, un
des mieux écrits de l'auteur ; mais il faut dire
que c'est un de ceux où perce le plus sa mahie
continuelle de pédanterie et d'affectation pé-
dagogique.
BATTURE s. f. (ba-tu-re — rad. battre).
Techn. Dorure au miel, à la colle et au vi-
naigre. Il Opération du relieur, consistant à
battre les feuilles d'un volume avec un mar-
teau d'une forme particulière, sur un bloc de
pierre ou de fonte, afin de les aplanir ou d'en
diminuer l'épaisseur : On ne soumet à la bat-
turb ni les gravures, ni les cartes, ni lespluns,
— Mar. Ecueil à peu prés plat, formé de
roches ou de coraux, Fur lequel il est rare
que la mer brise. Il Eau pou profonde, en gé-
néral.
BATTURE s. f. (ba-tu-re). Mot employé
dans le Boulonais pour designer un phleg-
mon circonscrit : Je me suis blessé la paume
de la main avec un clou rouillé; j'en ai une
BATTURE.
BATTUS, personnage mythologique. C'était
un berger qui gardait les troupeaux de Nélée,
aux environs de Pylos, dans le Péloponèse.
Ayant été témoin d un vol de bœufs commis
par Mercure au préjudice d'Apollon, il promit
de garder le secret, à la condition qu'il rece-
vrait une belle vache. Mercure se retira; mais,
peu confiant dans la promesse du berger, il
revint bientôt, sous la forme d'un paysan, et
offrit à Battus un bœuf et une vache, s'il lui
indiquait où se trouvait le troupeau volé. Tenté
par l'appât du gain, le berger révéla tout ce
qu'il savait, et, pour le châtier de sa mauvaise
foi, le dieu voleur le changea en pierre de
touche, laquelle sert à éprouver la nature et
la pureté des métaux. Sabatier, qui a con-
BAT
BMJ
BAU
BAU
383
iacrê un long article à Battus, termine cet
article par les vers suivants :
Oh r. que dans le siècle où nous sommes,
Plein do vices et de vertus,
Il se trouve parmi les hommes
De Mercures et de Battus !
BATTUS ou BATTIADE, nom de quatre rois
de Cyrène, qui sont : Battus 1er, originaire de
Théra, et fondateur de la colonie de Cyrène,
vers l'an 631 avant notre ère. Descendant, par
son père, d'un des Argonautes, il portait d'a-
bord le nom d'Aristote, qui fut chan'gé en celui
de Battus, lequel, selon Hérodote, signifie roi
dans la langue des Lydiens, et, selon d'autres,
vient du grec battarizein (bégayer), parce
qu'il était atteint de ce vice de prononciation.
Il alla consulter l'oracle de Delphes sur la
cause de ce bégayeinent, et la Pythie lui or-
donna d'aller fonder une colonie en Libye, s'il
voulait se guérir. Battus négligea de suivre
ce conseilj qui était en même temps un ordre
divin ; mais il s'y'conforma lorsque, une peste
ayant ravagé les Théréens, l'oracle se pro-
nonça une seconde fois pour que ceux-ci fon-
dassent une colonie libyenne. Battus partit,
avec un certain nombre de ces derniers. Se-
lon la tradition, un lion s'étant montré à lui à
son arrivée dans le lieu où fut fondée Cyrène,
Battus poussa un cri d'épouvante, et son bé-
gayement cessa. Il paraît s'être habilement
tiré des difficultés que présente toujours une
colonie, à l'état déformation. Suivant Diodore
de Sicile, il fut un législateur d'un caractère
doux et modéré, et Pindare en fait un grand
éloge. Il régna environ quarante ans, et laissa
le trône à son fils, Arcésilas lUI. — Battus II,
surnommé l'Heureux, petit-fils du précédent
et (ils d'Arcésilas Ier, fut le troisième roi des
Cyrénéens, vers l'an 570 av. J.-C. Sous son
règne, la Pythie, par ses oracles, excita tous
les Grecs à s'embarquer pour aller habiter la
Libye. Ces derniers, s'étant rendus à Cyrène,
en grand nombre, s'emparèrent d'un canton
considérable. Les Libyens, leurs voisins, et
Adicran , leur roi, demandèrent le secours
d'Apriès, roi d'Egypte, auquel ils se soumi-
rent. Celui-ci envoya contre Cyrène une nom-
breuse armée, qui fut vaincue par Battus, dans
le voisinage d'Irasa. Il eut pour successeur
son lils Arcésilas II. — Battus III, le Boi-
teux, était fils d'Arcésilas II. Les Cyrénéens,
qui avaient beaucoup souffert de la tyrannie
sous le règne précédent envoyèrent à Del-
phes demander a l'oracle quelle forme de
gouvernement ils devaient adopter. D'après le
conseil de la Pythie, les Cyrénéens s'étant
adressés aux Mantinéens, ceux-ci leur en-
voyèrent un des hommes les plus estimés de
leur ville, Démonax, qui se rendit a Cyrène,
et partagea le territoire en trois parties :
l'une comprenait les Théréens et leurs voi-
sins , l'autre les Péloponésiens et les Cre-
tois, et la troisième tous les insulaires. On
avait mis en réserve, pour Battus, certaines
portions de terre et les sacrificatures. Toute
autorité réelle lui fut enlevée, et il ne conserva
de la royauté que le titre. Quant au peuple, il
rentra en possession de toutes les prérogati-
ves dont les rois avaient joui jusqu alors. Ces
règlements subsistèrent tant que Battus ré-
gna, mais ils furent abolis sous ses succes-
seurs. — Battus IV, surnommé le Beau, suc-
céda à Arcésilas III, au ve siècle avant notre
ère. On ne sait absolument rien du règne de ce
prince, et on ne trouve trace de son existence
que dans le passage suivant d'Hérodote : o Ar-
césilas avait assemblé à Samos une armée
nombreuse. Lorsqu'elle fut_ levée , il alla à
Delphes consulter l'oracle sur son retour. La
Pythie lui répondit : « Apollon accorda à ta
» famille la domination de Cyrène pour quatre
» Battus et quatre Arcésilas, c'est-à-dire pour
■ huit générations ; mais il t'exhorte à ne rien
• tenter de plus. Quant a toi, Arcésilas, il te
• conseille de rester tranquille, quand tu seras
. de retour dans ta patrie. ^
BATTUTA (A)r Loc. adv. (a-ba-tou-ta —
mois ital.) Mus. Ad libitum, sans observer la
mesure : Ce morceau se chante A battOTa.
3ATTYANI , nom d'une ancienne famille hon-
groise. V. Bathyani.
batuima s. f. (ba-tu-i-ni-a). Art culin.
Soupe russe au poisson, contenant des herbes
hachées, et dans laquelle on met de la glace.
BATU-KHAN ou BATHY-KHAN, souverain
du Kaptschak, mort en 1254. Petit-fils du cé-
lèbre Gengis-Khan, et fils de Touchy-Khan,
qui mourut six mois avant son père. Batu re-
çut, en 1223, de son grand-père, la souverai-
neté de Kaptschak, d Allan, de Rous, de Bul-
garie, suivit le grand khan Oktaïen Ch'ne, et,
de retour de cette expédition, fut chargé par
celui-ci de subjuguer toutes les contrées voi-
sines de la mer Caspienne. A la tète de ses
Mongols, Batu-Khan envahit la Russie, sac-
cagea ou livra aux flammes les villes ou villa-
ges qu'il trouva sur son passage , Rézan ,
Moscou , Souzdal , etc. ; puis , pénétrant en
Pologne, il brûla Cracovie, écrasa, à Wahl-
stadt, en 1241, l'armée du duc Henri de Bres-
lau, et continua sa marche dévastatrice à tra-
vers la Moldavie et !a Hongrie, dont le roi,
Bêla IV, se vit contraint de se retirer en Dal-
matie, ravagée bientôt après par Batu-Khan.
Pendant dix années, le terrible Mongol pour-
suivit son système d'invasion, défit, en 1252,
le grand-duc André Jaroslowitz , força les
princes russes à le reconnaître en qualité de
khan, et fit faire le recensement de la popula-
tion et relever le montant de l'impôt dans la
Russie, qui, jusqu'au xve siècle, ne fut plus
qu'une province du vaste empire mongol. Se
retournant alors vers l'Asie, il apporta l'aide
de ses hordes à Mangou-Klian, déjà maître do
la Perse, et qui voulait conquérir la Chine.
Bien qu'il fûtaussi puissant que ce prince, Batu
le reconnut comme khan suprême, en sa qua-
lité de chef de la famille de Gengis-Khan, et il
mourut en laissant pour successeur son pa-
rent, Berki.
batyn s. m. (ba-tain). Astron. Constella-
tion formée de trois petites étoiles, voisines
du Bélier,
BATYNITE s. m. (ba-ti-ni-te) . Hist. relig,
Membre d'une seete musulmane, qui parût
en 1163. s
batz s. m. (batss — de l'ail, batzen, même
sens). Métrol. Monnaie d'Allemagne et de
Suisse, valant, selon les pays, de 13 à n cen-
times : Moyennant 15 batz, nous passions en
revue trois services complets. (Brill.-Sav.) il
Monnaie suisse de 10 centimes; frappée depuis
l'introduction du système décimal dans ce
pays.
BATZ, comm. du dép. de la Loire-Inférieure,
arrond. de Savenay; pop. aggl. 1,178 hab. —
pop. tôt. 3,003 hab. Petit port pour la pêche ;
exploitation de vastes marais salants, qui sont
la source d'un revenu considérable ; église re-
marquable ; ruines de Notre-Dame-du-Mou-
riès; entre le bourg et la mer, peulven de
3 m. hors de terre.
BATZ (île de), petite île de France (Finis-
tère), dans la Manche, vis-k-vis de Roscoff,
arrond. et à 28 k. N.-O. de Morlaix; 1,210 h.
Cette île forme une commune du canton de
Saint-Pol-de-Léon; ses habitants se livrent
surtout à la pêche et au cabotage.
BATZ (Manaub III, baron de), se trouvait,
avec Henri de Béarn, au siège d'Eause, en
1577, lorsque le roi, séparé du gros de son
armée par une trahison, se vit tout à coup
entouré d'ennemis dont les chefs criaient :
Tires à la braye verte! désignant ainsi le cos-
tume porté par le futur Henri IV. De Batz fit,
avec trois intrépides compagnons, un rempart
de son corps au roi blessé, et, à eux quatre,
ils le défendirent jusqu'au moment où ses
troupes purent pénétrer dans la ville, et le dé-
livrer. Henri IV ne fut pas ingrat'envers celui
qui lui avait sauvé la vie, et il parlait souvent
du danger qu'ils avaient couru ensemble.
BATZ (Jean, baron de), arrière-petit-fils du
précédent, conspirateur royaliste, né près de
Tartas en 1760, mort en 1822. Député de la
noblesse aux états généraux de 1789, il siégea
au côté droit, et montra quelque connaissance
des matières de finances. Lors du procès du
roi, il organisa une conjuration pour enlever
ce prince pendant le trajet du Temple à l'é-
chaf&ud ; mais la plupart des conjurés ayant
manqué au rendez-vous, tout se borna à une
démonstration insignifiante à la hauteur du
boulevard Bonne-Nouvelle. L'infatigable Batz
consacra alors tous ses efforts à la délivrance
de la reine, du dauphin et des princesses, noua
des intelligences de tous côtés, et, avec la
complicité de l'officier municipal Michoijis,
pénétra même auTémple,àla tête d'une fausse
patrouille. Il était sur le point d'exécuter ses
plans, lorsqu'il en fut empêché par la sur-
veillance de Simon. Toutes ces mésaventures,
les poursuites dont il était l'objet, n'arrêtè-
rent pas un moment ses entreprises. Il se
lança dans mille intrigues nouvelles, entra en
relation avec quelques conventionnels qui ne
passaient point pour incorruptibles, Delaunay
d'Angers, Julien, Chabot, etc., et fut lui-même
activement mêlé à de honteux tripotages sur
les fonds publics. Toutes ces affaires sont de-
meurées assez obscures, d'autant plus qu'elles
ont été exagérées et mêlées de choses absur-
des et fausses, pour envelopper une foule de
victimes dans la conspiration dite de Batz ou
de l'étranger. Ce qui n'est pas douteux, c'est
l'incroyable audace et l'activité de Cet intri-
gant royaliste, qui échappa à toutes les re-
cherches quand tous ses complices étaient
successivement arrêtés, et qui, suivant un
rapport de la police que nous avons eu sous
les yeux, se vanta même un moment de tenir
le comité de sûreté générale par la barbe
(allusion à ses liaisons avec l'ex-capucin Cha-
bot, qui était alors membre de ce comité). Il
continua à s'agiter jusque sous l'Empire, et fut
nommé, à la Restauration, maréchal de camp.
batzen s. m, (mot allemand). Métrol.
Monnaie d'Allemagne, qui avait cours sur les
bords du Rhin et en Souabe; sa valeur était
un peu supérieure à quinze centimes de notre
monnaie; il en fallait vingt-deux et demi
pour faire un florin et demi de l'empire, Tso
qui revenait à trois livres quinze sous de
France environ.
bau s. m. (bo). En Provence, Sorte de
grand filet pour la pêche : Tirer le bau. h Pè-
che que l'on fait avec ce filet : Faire le bau.
Il On écrit aussi, mais à tort, bœuf.
BAU S. m. (bo — du holland. balfe, poutre;
en tud. balco, en island. bielka, en ail. balke,
en dan. et en suéd. biellce). Mar. Chacune des
poutres transversales qui soutiennent un pont
de navire ; Les baux sont de fortes solives dont
la fonction est double : ils maintiennent contre
toute tendance à l'écartement ou au rapproche-
ment les deux flancs du navire, et ils portent
les bovdages gui forment les ponts, (A. Jal.)
— Maître bau, Bau central, il Bau dt dalle,
Le premier vers l'arrière, n Bau de collis, Le
plus voisin du mât de beaupré, il Bau de lof,
Le premier à l'avant, il Faux baux, Baux du
faux pont.
— Homonymes. Baud, beau, baux (pi. de
bail), bot.
— Encycl. Les baux ne servent pas seule-
ment à soutenir les ponts des navires, mais
encore à lier les deux murailles, c'e^t-à-dire
les deux flancs, et a les maintenir dans l'écar-
tement voulu : ce sont des pièces de première
nécessité pour donner de la solidité aux na-
vires. Le grand bau, ou maître bau, est plus
long et plus fort que tous les autres ; mais il
n'est pas toujours placé exactement au milieu,
et il se trouve ordinairement un peu en avant
du milieu de la longueur. Les baux sont un
peu renflés vers le milieu de leur partie supé-
rieure ; ce renflement porte le nom de bauge
et sert à favoriser l'écoulement des eaux,
comme à modérer le recul des bouches à feu ;
leurs extrémités reposent sur une saillie nom-
mée bauquiêre, et formant, dans le navire, une
ceinture intérieure.
Les baux de nos anciens navires étaient
toujours en bois ; depuis quelques années, on
les a quelquefois remplacés par des baux de
fer, et ceux-ci, naturellement, sont seuls em-
ployés quand les navires eux-mêmes sont en
fer. On appelle baux de' force, dans les ba-
teaux à vapeur, deux baux placés l'un à l'a-
vant, l'autre à l'arrière des roues, et destinés
à soutenir le demi-cylindre ou tambour qui
. enveloppe chaque roue. Ils sont fortifiés par
des élongis obliques ou courbes, et pourtant
ils s'affaissent souvent sous le poids des roues
et sous les ébranlements produits par leur
mouvement continuel.
BAUBELTHOUAP, île de l;Océanie, la plus
importante du groupe Pelew, qui fait partie
des Carolines (Micronésie). Lat. N. 7» 40',
long. E. 132° 30'; environ 45 kil. de long, sur
20 kil. de large. Découverte, en 1797, par
James Wilson.
baubis ou Baubi s. m, (bô-bi — onoma-
topée, à cause de l'aboiement). Variété de
chiens anglais, à corps épais, qu'on dresse
pour la chasse au lièvre, au renard et au
sanglier.
BAUBOLA. V. Bilbilis.
BAUCIIAHT (Alexandre-Quentin), homme
politique, né à Villers-ie-Sec en 1809, avocat à
Saint-Quentin, et membre du conseil général,
au moment où fut proclamée la république de
184S. Nommé, avec l'appui du National, re-
présentant a la Constituante, il vota toutes
les mesures de réaction et d'hostilité contre la
république. Rapporteur de la commission d'en-
quête sur les événements de mai et de juin
184S, il a laissé son nom à ce fameux rapport,
qui n'était que l'acte d'accusation des fonda-
teurs de la république et de la révolution
elle-même, mais qui est d'ailieurs conçu avec
habileté, et où les matériaux sont groupés
avec art. Réélu à la Législative, M. Bauchart
adhéra à la politique présidentielle, et, après
le coup d'Etat du 2 décembre, il entra au con-
seil d'Etat.
BAUCHE s. f. (bô-che). V. Bauge (mortier).
BAUCHER, écuyer français, né en 1805.
Il s'est fait connaître à divers titres, d'abord
comme écuyer du Cirque, puis comme pro-
fesseur d'éuuitation, et, plus tard, comme
inventeur d une méthode qu'il a développée
dans divers ouvrages, et plus particulièrement
dans celui qui a pour titre : Méthode d'équita-
tion basée sur' de nouveaux principes (1842,
in-8°; llc édit., 1859). Cet ouvrage fait partie
de ceux qui ont été réunis sous le titre a Œu-
vres complètes (grand in-8°, 1854 et 1859) et
qui sont : Dictionnaire d'éguitation ( 1833 ,
in-s0; 3« édit., 1859); Dialogues sur l'équita-
tion (1834, in-so\, avec M. Peltier; Passe-
temps équestre (1840, in-s») ; Réponse à des
observations de M, iZ'Aure (1812).
BAUCHÉRISME s. m. (bo~ché-ri-sme — de
Boucher, célèbre écuyer). Manég. Méthode
particulière pour dresser les chevaux, il Peu
usité.
BAUCHERY (Francis-Roland), romancier et
auteur dramatique, né à Paris en 1798. Il a
i donné des romans qui ont eu un succès de ca-
■ binet de lecture : Mémoires d'un homme du
j peuple (1838); Didier ou le Borgne et le Bossu
(1836), etc., et des drames, entre autres, Beau-
\ marchais, représenté en 1846.
j BAUCIS, femme pauvre et âgée, épouse de
j Philémon. Ils habitaient un bourg de Phrygie,
lorsque Jupiter et Mercure, en visitant cette
..contrée, furent repoussés de tous les habi-
! tants et accueillis avec hospitalité par Philé-
j mon et Baucis, quoiqu'ils n'eussent pas fait
1 connaître leur divinité. Jupiter, ayant inondé
tout ce pays, changea la cabane des deux
époux en un temple. Ceux-ci demandèrent à
en être les ministres, et à ne point mourir l'un
sans l'autre. Parvenus à la plus grande vieil-
lesse, Phitémon fut changé en chêne, et Bau-
cis en tilleul. Tout le inonde connaît la jolie
fable mythologique de La Fontaine,, sur le
sujet de Philémon et Baucis. Le nom de ces
deux époux, et surtout celui de Baucis, a passé
dans la langue : Une bonne vieille Baucis.
Mais on s'en sert principalement par compa-
; raison directe : Vieux, unis, heureux comme
1 Philémon et Baucis.
BAUCIUM, nom latin de Baux.
BAUD s. m. (bo — du v. fr. baud, hardi).
Chien courant do Barbarie , aussi appelé
chien muet, parce qu'il cesse d'aboyer quand
le cerf vient au change, il On lui donne encore
le nom de chien-cebf.
— adj. Joyeux, gaillard, hardi.
— Homonymes. Bau, baux (pi. de bail),
beau, bot.
BAUD, bourg de France (Morbihan), ch.-I.
de cant., arrond. et à 25 kil. S. de Napoléon-
ville, au bord du Blavet; pop. aggl. 1,357 hab.
— pop. toi 5,470 hab. Minoteries; commerce
de céréales et fourrages. Près' du bourg, on
remarque la chapelle de Notre-Dame de la
Clarette, construction très-ancienne, érigée
au bord d'une fontaine, et au sanctuaire de la-
quelle on parvient par une longue galerie cou-
verte, que soutiennent des arceaux, gothiques.
Sur un monticule, près de Baud, et sur rem-
placement de l'antique château de Quinipily,
on voit une grossière statue en pierre, repré-
sentant une remme, de 2 m. 20 de hauteur; la
coiffure, de style égyptien, porte l'inscription
lit, où l'on veut voir le nom d'une divinité
arabe, mentionnée dans le Coran comme pré-
sidant aux mystères de la nuit. Quelques au-
teurs la nomment Vénus armoricaine, ou Vénus
de Quinipily; malgré les efforts du clergé, elle
est, de la part des femmes du pays, l'objet
d'un culte peu chrétien.
BAUD, industriel français, trouva, en 1796}
une nouvelle manière de fabriquer des cordes
de soie torses, qu'il prétendait devoir rem-
i placer avec avantage les cordes en boyau,
dont on se sert pour les instruments de musique.
Dans un rapport de Gossec à l'Institut, ce sa-
vant s'exprime ainsi : « Ces cordes peuvent
se substituer avec avantage aux cordes de
boyau pour la harpe et la guitare; mais elles
sont moins sonores pour les instruments à ar-
chet. » Baud soumit également à l'Institut, en
1810, un violon construit sur un nouveau mo-
dèle et qui, prétendait-il, avait sur les autres
violons l'avantage de ne pas créer d'obstacle
aux vibrations longitudinales. Cette seconde
invention de Baud n'eut pas plus de succès
qua la première. Il a publié une brochure in-
titulée Observations . sur les cordes à instru-
ments de musique, etc. (Versailles, 1S03).
BAUDART (Guillaume), l'un des auteurs de
la version hollandaise de l'Ancien Testament,
né en 1564, mort en 1640. Il a laissé, en outre,
une Description des combats, sièges et événe-
ments survenus dans les Pays-Bas (de 1 589 à
1614), ainsi que divers autres écrits.
Baudau s. m. (bo-do), Pèch. Corde en
sparte pour les bourdigues.'
baude s. f. (bô-de). Pèch. Nom que l'on
donne, dans certains pays, aux câblicres ou
grosses pierres auxquelles on fixe Ses cordes
et les filets au fond de l'eau.
BAUDE (Henri), poète français, né à Mou-
lins vers 1430, mort vers 1495. Il s'attira la
faveur de Charles VII , qui lui donna une
charge d'élu en bas Limousin. Grâce à cette
fonction assez lucrative, qui avait pour objet
de répartir l'impôt, et qui était délêgable ,
Baude put vivre presque constamment à Paris,
où il s'abandonna à ses goûts littéraires. Con-
temporain de Villon, Baude a écrit plusieurs
moralités satiriques et des poésies, dans un
style vif, prime-sautier, assaisonné de sel gau-
lois, dans une manière pittoresque, malicieu-
sement naïve et souvent sarcastique. Clément
Marot, qui connut les œuvres de Baude,
comme il connaissait celles de Villon, se permit
de copier textuellement, à plus d'une reprise,
le poste de Moulins; mais il se garda bien de
le nommer, ce qui ne contribua pas peu à
l'oubli qui enveloppa bientôt la mémoire de
Baude. Une moralité, qu'il fit jouer sur la ta-
ble de marbre du Palais-de-Justice, au début
du règne de Charles VIII, lui valut d'être jeté
en prison. Il y représentait le jeune roi sous la
figure d'une Fontaine d'eau vive, image de la
pureté de ses intentions, gâtée et obstruée par
une multitude « d'herbes , racines ; roches ,
pierres, houe et gravois, » désignant par là
tous ceux qui vivent aux dépens de la nation,
les courtisans, les parasites de cour, les pro-
cureurs, etc. Ceux qu'il avait mis en scène
furent très-irrités, ainsi que nous l'apprend
Baude dans une pièce de vers, où il dit aussi
ce qu'il lui en coûta :
Les uns se veulent appliquer - ■
A herbes, autres à gravois;
Et disent que, pour Us moquer,
' On a ce fait Riens n'y congnois.
Sauf leur honneur. Mais, toutefois,
Baude n'a tant sceu buissonner,
N'alléguer coutumes ne droiz
Qu'on ne l'ait fait emprisonner.
Baude, après brisement de portes,
En effet, a mynuict fut pris
Et au petit Chastellet mis.
Fort heureusement pour le poëte , iT fut
élargi par ordre du parlement, après une cap-
tivité de trois mois. Les œuvres de Baude, qui
sont parvenues jusqu'à nous, grâce à Jacques
Robertet , consistent en épigranmies , ron-
deaux, ballades, pièces de vers, entre autres,
J)ict moral sur Je maintien de la justice ,
adressé à Charles VII, et une moralité intitu-
lée Pragmatique entre gens de cour et la salle
du Palais. M. Vallet de Viriville lui attribue
un morceau de poésie intitulé Regrets et com-
plaintes de la mort de Charles V//,et un opus>
384
BAU
cnle en prose, inséré par Godefroy en tête de
ses Historiens de Charles VII.
BAUDE (Jean-Jacques, baron), homme po-
litique et publiciste, né à Valence (Drôme)
en 1792, mort en 1862. II occupa diverses sous-
Eréfectures à la fin de l'Empire, publia des
rochures politiques sous la Restauration ,
collabora au Temps, signa, en 1S30, la protes-
tation des journalistes contre les ordonnances
de Juillet, et devint, après la révolution, Se-
crétaire de la commission de l'Hôtel de ville,
préfet de la Manche, sous-secrétaire d'Etat,
enfin, préfet de police. C'est sous son adminis-
tration qu'eut lieu la cérémonie carliste de
Saint-Germain-l'Auxerrois (1831) et la dévas-
tation de l'archevêché par le peuple. Pendant
tout le règne de Louis-Philippe, il fit partie de
la Chambre des députés et du conseil d'Etat.
Ses écrits l'ont fait admettre a l'Académie des
sciences morales et politiques, d'abord comme
membre libre, en 1856, puis comme titulaire,
trois ans après. Parmi les écrits de Baude,
nous citerons : ses Mémoires Sur la naviga-
tion de la Loire au-dessus de Briare (1826);
Sur les câtes de France de l'Océan et de la
Méditerranée ; Sur l'empoissonnement des eaux
douces; Sur l'isthme de Suez et son percement;
Sur la puissance de l'Autriche, etc., et d'eux
ouvrages : l'Algérie (1841, 2 vol. in-8°), les
Côtes de la Manche (Cherbourg, 1859, in-8").
BAUDEAU (Nicolas), économiste de l'école
physiocratique, né à Amboise en 1730, mort
en 1792. Destiné par sa famille à l'état ecclé-
siastique, il se livra d'abord aux études qu'exige
cette carrière, et commença même à la par-
courir : de là le titre d'abbé qu'il conserva
toujours, ainsi que Morellet, Mably et d'autres
écrivains du xvme siècle, qui ne participaient
que par cette qualification au caractère de la
prêtrise. Devenu chanoine régulier de Chan-
celade et professeur de théologie dans cette
abbaye, .il s'y occupait d'une analyse de l'ou-
vrage de Benoît XIV sur les Béatifications,
quand il fut appelé à Paris par l'archevêque
de Beaumont. Ce voyage, auquel on ne saurait
assigner d'époque bien précise, décida Bandeau
à renoncer à la position qu'il occupait. 11 fonda
à Paris , vers la fin de 1765 , sous le titre
à' Ephémérides du citoyen ou Chronique de
l'esprit national, un recueil périodique, dans
lequel il combattit d'abord les principes do
l'école de Quesnay, dont il devait être ensuite
un des plus habiles et des plus enthousiastes
■vulgarisateurs. La circonstance qui détermina
sa conversion nous est rapportée par M. Dairo
(Collection des principaux économistes) ; elle
fait le plus grand honneur au caractère de
l'abbé Baudeau; elle offre un trait de bonne
foi dont les exemples ne sont pas et n'ont
jamais été très-communs dans les polémiques.
Le Journal de l'agriculture, du commerce et
des finances, dont la publication datait aussi
de 1765, et qui avait pour rédacteur en chef
Dupont de Nemours, servait de champ de ba-
taille aux adversaires et aux partisans du
système mercanfde. Le Trosne, avocat du roi
au bailliage d'Orléans, qui s'était rallié de
très-bonne heure à la doctrine des écono-
mistes, s'y étant élevé contre quelques opi-
nions contraires, soutenues par l'abbé Baudeau
dans ses Ephémérides, celui-ci, pour les dé-
fendre, prépara une série de lettres, dont il fit
admettre la première dans le Journal de l'agri-
culture. Mais le rédacteur, en consentant à
cette insertion, s'était réservé le droit, dont il
usa, de joindre des observations au travail de
Bandeau. Or, il paraît que ces observations,
quoique très-courtes, produisirent sur l'esprit
de ce dernier, qui cherchait la vérité de bonne
foi , une impression telle , qu'avouant s'être
engagé dans les voies de l'erreur, il déclara
aussitôt vouloir se rattacher à la doctrine de
Quesnay. En effet, dès 1767, lorsque le crédit
des partisans du système mercantile fut par-
venu à éloigner Dupont de Nemours de la
rédaction du Journal de l'agriculture, et à
fermer cette feuille aux doctrines physioora-
tiques, Baudeau, lié dès lors avec le marquis
de Mirabeau, leur offrit un refuge dans ses
Ephémérides du citoyen, qui changèrent leur
second titre en celui de Bibliothèque raisonnëe
des sciences morales et politiques
Au mois de mars 1708 , l'abbé Baudeau
abandonna la direction des Ephémérides à
Dupont de Nemours , mais sans cesser d'y
écrire. Il fit paraître, en 1771, un ouvrage de
doctrine intitulé : Première introduction à la
philosophie économique, ou Analyse des Etats
policés. C'est le plus remarquable et le plus
important de ses écrits. Il contient une expo-
sition très-claire et très-méthodique de la
doctrine physiocratique. L'auteur distingue
d'abord deux grands agents économiques, la
nature et l'art. Il y a dans les Etats policés
trois espèces d'arts : l'art fécond ou productif,
l'art stérile ou non productif et l'art social.
L'art fécond ou productif travaille directement
et immédiatement à opérer la plus grande
fécondité de la nature, à tirer du sein de la
terre une plus abondante récolte de produc-
tions. Il s'exerce sur les trois règnes et peut,
par conséquent, être subdivisé en trois arts,
suivant ces trois règnes. La chasse et la pêche
plus ou moins raisonnées et préparées., l'édu-
cation et la multiplication des animaux plus
ou moins domestiques, est le premier. L'agri-
culture proprement dite forme le second. L'art
de tirer les minéraux du aein du 1^ terre con-
stitue le troisième. Toutes les richesses, c'est-
à-dire tous les biens susceptibles de s'échanger
contre d'autres biens ont leur origine dans
BAU
l'art productif. Saisies en quelque sorte dans
leur source, les richesses se divisent en ri-
chesses de consommation subite ou subsis-
tances, et richesses de consommation lente ou
matières premières. L'art stérile s'empare des
subsistances et des matières premières, après
que la fécondité de la- nature, sollicitée par
1 art productif, les a données, et il se propose
uniquement de les façonner, afin que la jouis-
sance en devienne plus utile et plus agréable.
Pour que l'art productif et l'art Btérile, ou
industrie façonnante, fleurissent dans un Etat,
il faut que les hommes sachent, qu'ils veuillent,
qu'ils puissent se livrer aux. travaux de ces
deux arts ; de la un troisième art, l'art social,
qui répond à ce triple besoin par l'instruction,
la protection et l'administration. L'instruction,
la protection et l'administration constituent
l'exercice de l'autorité. L'instruction (dont le
culte fait partie) est le moyen de former le
cœur, l'esprit et les organes des hommes,
suivant les talents et là condition de chacun,
en un mot de développer leurs facultés le plus
avantageusement possible. La protection em-
brasse les fonctions judiciaire, militaire, poli-
cière ; elle prévient et réprime les attentats
de la violence ou de la fraude privée par une
justice exacte ; elle contient ou repousse les
usurpateurs du dehors par la force militaire
de l'Etat et par l'efficacité de ses relations
politiques avec de bons et fidèles alliés. L'ad-
ministration forme les grandes propriétés pu-
bliques qui font valoir celles des particuliers :
chemins, canaux, rivières navigables, ponts,
ports, édifices publics, etc. A chacun des trois
arts se rapporte un certain nombre de caté-
gories ou classes sociales : à l'art productif,
les propriétaires fonciers, les directeurs des
exploitations agricoles et minérales, les ou-
vriers agricoles; à l'art stérile, les industriels,
les voituriers, les commerçants; a l'art social,
les magistrats, les militaires, etc. La prospé-
rité de l'art social et de l'art productif entraîne
nécessairement celle de l'art stérile ; la pros-
périté de l'art stérile n'entraine pas nécessai-
rement celle des deux autres. De là, la négation
de ces maximes : il faut favoriser le commerce ;
il faut développer le luxe; de là, la condam-
nation du système mercantile et du préjugé
qui fait considérer comme la richesse même
la monnaie, qui n'est qu'un moyen de distribuer
les substances et les matières premières, soit
avant, soit après la façon qu'elles reçoivent
de l'art stérile. De là aussi, la substitution à
toutes les taxes indirectes d'un impôt unique
d'un tiers sur le revenu net des propriétés
foncières, substitution fondée sur le concours
nécessaire que l'art social apporte à l'art pro-
ductif par les trois fonctions d'instruction, de
protection et d'administration, et qui offre le
précieux avantage de lier d'une manière di-
recte et constante l'intérêt des dépositaires de
l'autorité au développement de l'art, qui est la
véritable source de la richesse publique. En
politique, Baudeau se soucie peu de la forme
et de l'origine du gouvernement ; il fait peu de
cas des divers systèmes de séparation et de
balance des pouvoirs. Son objectif n'est pas
dans les républiques de l'antiquité, mais dans
la Chine, telle qu'on se la représentait au
xvme siècle. Son idéal est une monarchie éco-
nomique, c'est-à-dire limitée uniquement par
la diffusion et la généralisation de l'instruction
économique.
L'abbé Baudeau mourut vers 1792. Les bio-
graphes s'accordent à dire que ses facultés
intellectuelles s'étaient altérées dans les der-
nières années de sa vie, jusqu'à le réduire à un
état de démence. Outre l'ouvrage que nous
venons d'analyser, et d'intéressants articles
insérés dans les Ephémérides, il a laissé :
Idées d'un citoyen sur l'administration des
finances du roi (1763); Idées d'un citoyen sur
les besoins, les droits et les devoirs des vrais
pauvres (1765); Lettres sur les émeutes popu-
laires que cause la cherté des grains et sur les
précautions du moment (1768); Lettres d'un
citoyen sur les vingtièmes et autres impôts
(1768) ; Principes économiques de Louis XII et
du cardinal d' Amboise, de Henri IV et du duc
de Sully sur l'administration des finances, op-
posés aux systèmes des docteurs modernes
( 1775) ; Charles V, Louis XII et Henri IV aux
Français (l"S7). ^
BAUDELAIRE s. m. (bô-de-lè-re). Blas.
V. Badklairb.
BAUDELAIRE (Pierre-Charles), poète fran-
çais, né à Paris en 1821, mort en 1867. Com-
6:au ont écrit des volumes sans parvenir à
une renommée égale même à leur talent- un
seul livre a suffi à M. Baudelaire pour lui faire
acquérir une notoriété qui, bien qu'elle puisse
être discutée, n'en est pas moins réelle. Quel-
ques articles de critique artistique avaient à
peine révélé son nom a un petit nombre d'amis
ou d'hommes spéciaux, quand parut, en 1857,
son fameux et unique volume de poésies : les
Fleurs du mal. (V. Flbtjrs.) Cet immense pa-
radoxe lyrique, ces rêves d'halluciné, ce bon-
quot de fleurs nauséabondes, mais d'où s'é-
chappe parfois quelque suave parfum; cet
entassement de couleurs criardes et d'images
horribles, mais qu'un rayon de pure lumière
vient par moments éclairer; ces grimaces
sataniques entremêlées de sourires; tout cela
était bien fait pour étonner, et pendant un
instant, bien court à la vérité, on se demanda
si le xix- siècle allait être appelé à voir re-
naître la poésie dantesque. Mais on s'aperçut
bientôt que l'horrible, le hideux et l'ignoble
étaient un parti pris chez ce poète, qui, dé-
BAU
sespérant sans doute d'émouvoir ses lecteurs,
s'était imaginé de les épouvanter par ses
excentricités et ses contorsions. Nul, à notre
avis, n'a déterminé la mesure et le caractère
du talent de M. Baudelaire mieux que M. de
Pontmartin. « Voilà, dit-il, en parlant de l'au-
teur des Fleurs du mal, voilà une nature fine,
nerveuse, prédestinée à la poésie; viennent
des souffles vivifiants, une lumière bienfai-
sante, une forte culture : la moisson pourra
germer et mûrir. Par malheur, ce cerveau
Souffre d'une disposition particulière qui altère
et envenime, à mesure qu'ils s'y réfléchissent,
les sentiments et les images ; cette coupe, af-
tistement ciselée, a cela de bizarre que la
liqueur fermente et s'aigrit en touchant au
fond. Pour tout dire, la poésie tourne dans
cette imagination poétique, comme ces vins
excellents, mais qui ne peuvent supporter cer-
taines conditions de localité ou d'atmosphère...
M. Baudelaire ne peut aspirer une gorgée de
poésie sans que cette gorgée s'imprègne de
venin ou d'amertume. Pour lui, les inonda
extérieurs ou invisibles sont hantés par le
mal comme par leur hôte naturel, infestés de
visions farouches, de laideurs gigantesques,
de corruptions étranges, de perversités inouïes,
de toutes les variétés de la souffrance, de la
scélératesse et du vice; les fleurs y sont vé-
néneuses et y exhalent un parfum pestilentiel ;
les sources y sont empoisonnées, et l'on ne
peut se pencher sur leur frais miroir sans y
voir la pâle figure d'un spectre ou d'un .con-
damné à mort; la nature est un tissu d'ironies
sanglantes ou funèbres, jetées à la face de
l'homme ; l'amour devient quelque chose d'in-
nommé, qui ne se plaît que dans le fumier et
dans le sang, un héritier des honteuses dé-
bauches de Lesbos ou de Caprée, cherchant
un assouvissement impossible dans ces vo-
luptés qui déshonorent le monde païen, et que
la civilisation moderne no devrait plus même
comprendre. Voilà jusqu'où peut arriver le
sens individuel quand il règne seul, quand ces
spécialistes de la poésie, livrés à tout le dé-
sordre de leur caprice, espèrent ramener la
foule, indifférente par ces friandises de haut
goût, et croient accentuer plus puissamment
leur physionomie de poste en prenant le
contre-pied de tout ce qui est vrai, bon, bien-
faisant et beau, ou, en d'autres termes, de
tout ce qui est poétique. » Nous ne croyons
pas qu'on puisse rendre plus de justice au
talent de M. Baudelaire, en même temps que
lo critiquer d'une façon plus ferme. Nous
n'entrerons. donc pas dans d'autres détails au
sujet des Fleurs du mal, que nous analyserons
à leur place. Contentons-nous de dire ici que,
si un tel volume a pu, par son étrangeté
même, valoir à son auteur une réputation si
grande, un second de même nature pourrait
bien la lui faire perdre : non bis in idem. Nous
avons omis de dire que les Fleurs du mal ont
été l'objet de poursuites judiciaires, et qu'un
jugement a condamné l'auteur à supprimer,
dans les nouvelles éditions, six pièces jugées
attentatoires à la morale publique. Une nou-
velle édition a paru en 1861, avec des poSmes
inédits.
II serait injuste de ne pas rappeler que c'est
à M. Baudelaireque nous devons la meilleure
traduction des Œuvres de l'Américain Edgar
Poë, et qu'il on a fait précéder la publication
d'une étnde extrêmement remarquable sur
l'auteur» des Histoires extraordinaires; des
Nouvelles histoires extraordinaires ; des Aven-
turcs d'Arthur Gordon Pyrn, etc.
Que conclure de tout cela, sinon qu'il y a
un talent, peut-être un génie caché dans
M. Baudelaire? Mais ce génie a été visité do
bonne heure par le souffle du mal, et le fruit
a coulé dans sa fleur ; ajoutons que cette fleur
a aujourd'hui quarante-cinq ans sonnés, et
qu'il est bien rare de voir se redresser une
branche de neuf lustres. Toutefois, ne déses-
pérons pas encore, et attendons. Les épis cou-
chés par l'orage se relèvent quand ils sont
caressés du soleil ; pourquoi un de ces rayons
vivifiants ne percerait-il pas jusqu'à l'àme du
poète ? Les anciens parlent de certaine lance
qui guérissait les blessures qu'elle avait faites :
donc, espérons les Fleurs du bien.
Au moment où nous traçons ces lignes
(1" mai 1866), nous lisons dans les feuilles
publiques que M. Baudelaire est h l'agonie ;
quelques-unes même, qui abusent d'un don de
prophétie qu'elles n'ont pas, assurent qu'elles
l'ont vu exhalant son dernier soupir; mais,
heureusement, des nouvelles plus rassurantes
nous arrivent. Espérons donc de nouveau que
le poète complétera, corrigera son œuvre : le
ciel n'a pas voulu qu'il meure, et le repentir
poétique est désormais pour lui une dette
d'honneur.
BAUDELOCQUE (Jean-Louis), célèbre chi-
rurgien et professeur d'obstétrique àl 'Ecole
de médecine de Paris , né à Heiily (Picar-
die) en 1746, mort en 1810. Après avoir reçu
de son père, chirurgien à Amiens, les pre-
miers principes de l'art médical , Baude-
locque vint étudier à Paris I'anatomie et la
chirurgie. Bientôt les leçons éloquentes de
Solayrès le tournèrent vers la pratique spé-
ciale des accouchements, et quittant, malgré
ses succès, le collège royal de chirurgie, il fut
choisi comme suppléant de Solayrès, lorsque
ce professeur, en proie à l'affreuse maladie
dont il devait mourir, fut forcé d'interrompre
sescours. Les qualités de Baudelocque l'avaient
fait promptement distinguer parmi ses col-
lègues; son esprit facile et pratique avait
BAU
attiré l'attention de Solayrès, et ce fut là le
premier degré de sa réputation. Il avait h peine
trente ans, que déjà il possédait une riche et
nombreuse clientèle. L'Académie de chirurgie
le reçut parmi ses membres, ainsi que plusieurs
autres sociétés savantes. En même temps, on
traduisait ses ouvrages, et l'Europe les accep-
tait dans ses écoles. Sa réputation était telle,
qu'occupé continuellement par des accouche-
ments en ville, des consultations venues de la
province et de l'étranger, il se vit bientôt
obligé d'abandonner ses cours. Ce n'est que
lors de la fondation de la faculté de médecine,
sous le nom d'Ecole de santé, qu'il fut appelé
à la place d'accoucheur de la Maternité, et
qu'il dut reprendre son glorieux enseignement.
Malheureusement, cette vie si utile à la science
et à l'humanité ne devait pas être longue.
L'envie s'attachait au célèbre praticien. Un
jeune rival, jaloux de ses succès, saisit le
prétexte de l'opération césarienne, dont le
public était peu partisan et que Baudelocque
soutenait et pratiquait avec talent, pour diri-
ger contre 1 accoucheur de la Maternité une
odieuse calomnie. Dans une couche laborieuse,
la mère et l'enfant étant morts entre les mains
de l'habile opérateur, le docteur Sacombe osa
soupçonner non-seulement son habileté, mais
ses intentions. Les tribunaux firent justice de
cette calomnie, et Marie- Louise le choisit pour
son accoucheur, fonctions que la mort ne lui
laissa pas le temps de remplir. Néanmoins, le
coup était porté : à partir de ce moment, Bau-
delocque fut en;proie à un chagrin mortel, qui
ne tarda pas à altérer profondément sa santé.
Le 2 mai 1810, il succombait à une affection
cérébrale.
Lorsque Baudelocque apparut, l'art des
accouchements était déjà fort avancé. Levret,
Smellie, Solayrès, avaient considérablement
agrandi cette science, et il serait inexact de
dire que Baudelocque lui ait ouvert de nou-
veaux horizons. Si l'on recherche quelle est sa
véritable part dans l'art des accouchements,
on verra qu'il détermina les mouvements
du fœtus dans le passage à travers le bassin,
qu'il fixa les diamètres de cette cavité et leurs
rapports-avec ceux de la tête du fœtus. Ce
qu on lui a reproche quelquefois, c'est d'avoir
reculé trop souvent devant la section de la
symphyse pubienne, dans les accouchements
laborieux. Doué d'un génie éminemment pra-
tique et vulgarisateur, le professeur de la
Maternité eut en quelque sorte le mérite,
exclusif entre ses collègues, de coordonner et
de répandre les principes des grands maîtres
qui l'avaient précédé. Sans être éloquente, sa
parole était claire, concise et facile. On a de
Baudelocque : An in partu propter angustiam
pelais impossibili, symphysis ossium pubis se-
canda. (En cas d'insuffisance des ouvertures
du bassin dans un accouchement, doit-on faire
la section de la symphyse pubienne?) (1776,
in-4°); les Principes de l Art des accouchements,
par demandes et par réponses, en faveur des
élèves sages-femmes (i"75, in-12), ouvrage qui
fut réimprimé aux frais du gouvernement, à
6,000,exemplaires; Moreau a donné, vers 1840,
une nouvelle édition de ce remarquable ou-
vrage; l'Art des accouchements (1781, in-so),
livre construit sur le même plan que le pré-
cédent, mais spécialement à l'usage des mé-
decins. On compte en outre, de Baudelocque,
quelques rapports et mémoires publiés pour
la plupart dans des revues et des encyclopé-
dies : Mémoire sur les hémorragies utérines
cachées; Rapport sur une observation de ren-
versement et d'amputation de la matrice (Re-
cueil de la Société de médecine de Paris,
t. IV) ; Rapport sur la rupture de la matrice
au terme de l'accouchement; Itéflexions sur
l'hydropisie de la matrice; Rapport sur l'opé-
ration césarienne.
BAUDELOCQUE (Louis-Auguste), neveu du
précédent, né vers la fin du siècle dernier. 11
termina en 1823 ses études de médecine à
Paris, et, comme son oncle, s'occupa surtout
de la pratique des accouchements. II a inventé
un instrument appelé céphalotribe (forceps
brise-tête), pour lequel l'Académie des sciences
lui a décerné un prix en 1833. On a de lui :
Compression de l'aorte ventrale (1835) ; Elytro-
tomie ou Section du vagin (1844).
BACDELOT DE DA1RVAL (Charles-César),
littérateur et antiquaire, né à Paris en 1648,
mort en 1722. Il exerça d'abord la profession
d'avocat, puis se livra exclusivement à son-
goût pour l'étude des antiquités. Il a publié
un livre intitulé : De l'utilité des voyages, et de
l'avantage que la recherche des antiques pro-
cure aux savants (1686), livre qui lui ouvrit les
portes de l'Académie des inscriptions. A la
mort du célèbre voyageur Thévenot, il fit
l'acquisition des Marbres de Nointel, qui for-
ment aujourd'hui l'un des objets les plus pré-
cieux du musée du Louvre. On sait que l'un
de ces marbres, qui a plus de deux mille ans
d'existence, reproduit les noms des officiers et
de quelques-uns des soldats morts au service
d'Athènes dans le cours d'une seule année.
Les héritiers de Thévenot étaient très-embar-
rassés de ces énormes pierres, lorsque survint
Baudelot, qui les leur acheta ; et sa joie fut si
grande, qu'elle lui donna les forces suffisantes
pour les porter lui-même sur une petite char-
rette, à laquelle il s'attela, ne voulant pas
confier h d'autres son précieux fardeau. Dans
: l'impossibilité où il était de les ranger sur-le-
I champ, il se contenta de les déposer dans la
Cour de la maison qu'il habitait, remettant ce
! travail au lendemain. Mais ayant appris qu«
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BAU
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le propriétaire de la maison avait donné des
ordres pour que ces décembres informes fus-
sent enlevés le lendemain matin par les
boueux, Baudelot se leva précipitamment et
passa toute la nuit à mettre en sûreté, sous
son propre toit, ces restes précienx de la
Grèce. C'était un homme doux, modeste, affa-
ble, et très-zélé, est-il besoin de le dire, pour
la science qu'il cultivait.
BAUDEMENT adv. (bô-de-man — rad.
baud). Joyeusement, gaillardement.
BAUDEMENT (Emile), naturaliste, né à
Paris en 1810, mort en 1864. Après avoir oc-
cupé une chaire à l'institut agronomique de
Versailles, il fut nommé professeur de zoologie
agricole au Conservatoire des arts et métiers.
Il a fourni beaucoup d'articles et de mémoires
a la lir.vue horticole et à la Collection de la
Société d'agriculture.
BAUDEN9 (Lucien-Jean-Baptiste), chirur-
gien français, né h Aire en 1804, mort en 1857.
Il fut aide-chirurgien dans divers hôpitaux
militaires, à partir de 1823; fit partie de 1 expé-
dition d'Alger; devint, en 1831, chirurgien-
major; fonda dans cette ville un hôpital d'in-
struction, où, pendant neuf ans, il professa
l'anatomie et la chirurgie, et il imagina, pen-
dant l'expédition de Constantine, en 183G, l'in-
génieux appareil à fractures auquel on a
donné son nom. Nommé, à son -retour en
France, successivement professeur de clinique
à Lille (1838), chirurgien des hôpitaux du
Gros-Caillou et du Val-de-Grâce (1838-42), il
fut mis k la tète du service" médical de l'armée
française à Constantinople et en Crimée (1854).
Il était, quand il mourut, chirurgien-inspec-
teur et membre du conseil de santé des armées.
On a de lui, outre plusieurs mémoires : Clinique
des plates d'armes à feu (1836); Nouvelle mé-
thode des amputations (1842, in-8°) ; Efficacité
de la glace, combinée à la compression, pour
réduire les hernies étranglées (1854).
BAUDEQUIN s. m. (bô-de-kain — corrupt.
de baldaquin). Métrol. Petite monnaie fran-
çaise de s à 6 deniers, qui avait cours au
xie siècle, et qui portait l'effigie du roi assis
sous un baldaquin.
BAUDER v. n. ou intr. (bô-dé — rad. baud).
Chass. Aboyer : Les chiens baudent sur la
bête. H On dit aussi baudir.
BAUDER (Jean-Frédéric), industriel et pa-
léontologue allemand, né à Hersbruck en 1713,
mort en 1791. Il était marchand ambulant de
pain d'épice lorsque, dans une de ses excur-
sions , il découvrit les carrières de marbre
d'Altdorf, en Bavière. Bientôt après^l se fixa
dans cette ville, fonda h Nuremberg une ma-
nufacture pour l'exploitation et le polissage
du marbre, perfectionnala culture du houblon,
et reçut de l'électeur de Bavière le titre de
conseiller de commune. Tout en se livrant à
ces travaux , Bauder s'occupa beaucoup de
recherchespaléontologiques, et il trouva, entre
autres fossiles, une tête d'alligator, déposée
au cabinet d'histoire naturelle de Manheim.
On a de Bauder quelques dissertations, no-
tamment : Relation des fossiles découverts de-
puis quelques années dans les environs d'Altdorf
(Altdorf, 1772, in-8°), traduite en français, et
un ouvrage Sur la meilleure manière de cul-
tiver le houblon, d'après les résultats de l'expé-
rience (Altdorf, 1776, in-4<>).
BADDERIE s. f. (bô-dc-rî — rad. baudir).
Joie, gaieté, il Vieux mot.
BAUDERON (Brice), médecin français, né
vers 1540, à Paray, dans le Charolais, mort à
Màcon eil 1623. Après avoir étudié la méde-
cine à Montpellier, il vint se fixer à Màcon,
où il exerça sou art jusqu'à sa mort. Il a
laissé : Praxis medica in duos tractatus dis-
tincta (Paris, 1620, in-4o), ouvrage qui a été
traduit en anglais, et une Pharmacopée (Lyon,
1588, in-8"), qui a eu de très-nombreuses édi-
tions, et qui, de son temps, était fort estimée;
— Gratien Bauderon, lils du précédent, né
en 1583, mort en 1615, embrassa la profession
paternelle, écrivit quelques traités qui sont
restés manuscrits, et publia des Notes sur la
Pharmacopée de Brice Bauderon (Lyon, 1623);
— Brice Bauderon, fils du précédent, né à
Màcon en 1613, mort en 1698, fut nommé lieu-
tenant général au présidiai de sa ville natale,
épousa Claudine Quiny, qui s'adonnait à la
poésie? et consacra lui-même tous les loisirs
que lui laissait sa charge a des travaux litté-
raires. Parmi ses ouvrages, nous citerons : la
Givre mystérieuse, ou Explication de la famille
de M. Colbert (1680), et Apollon français, ou
Parallèle des vertus héroïques avec les pro-
priétés du solciT, etc. (1681); — Antoine Bau-
deron, fils du précédent, né à Mâcon en 1G43,
mort en 1737, devint premier valet de chambre
de Marie-Thérèse, et composa un grand nombre
de morceaux de poésie, qui sont loin d'être
sans mérite. Nous citerons, parmi ses recueils
de vers : Nouvelles en vers (Paris, 1695) ; Epi-
grammes, etc. (Paris, 1717); Satires nouvelles.
Ses œuvres complètes ont été publiées par
Auger (Paris, an XÎU).
BAUDESSON (Nicolas), peintre français, né
à Troyes en 1609, exécuta plusieurs tableaux
au palais de Versailles, fut nommé conseiller
du roi en son Académie de peinture et de
sculpture, se rendit ensuite a Rome et y
mourut en 1CS0, après y avoir fait un long
séjour chez MM. de Saint-Genys. C'est par
erreur aue Florent Lecomte a fixé la date de
sa mort ,>n 1682. La Biographie universelle a
confondu cet artiste avec son fils François
Baudesson, qui fut aussi de l'Académie et qui
peignit les fleurs avec" succès. Le père de
Nicolas, menuisier et sculpteur en bois, à.
Troyes, a été le premier maître du célèbre,
sculpteur Girardon.
BAUDET s. m, fbô-dè — le vieux fr. nous
donne bald, baud, baut, signifiant hardi, au-
dacieux, gaillard, dispos, éveillé; d'où vien-
nent nos vieux mots baldement, baudement,
hardiment, gaillardement, joyeusement; nous
avions même baldet, baudé, baldoirie, har-
diesse, audace, gaillardise, gaieté. L'ital. a
trois mots pour ces trois sens : baldo, balda-
mente, baldanza. De baud, on a formé baudir
et s'ébaudir : le premier, qui est un terme de
chasse ; le second, qui signifie se réjouir en
chantant et en dansant. Ces différents mots,
un peu défigurés, se retrouvent avec le même
sens général dans toutes les branches germa-
niques : tud. bald; goth. baltha; angl.-sax.
bald, baldice ; island. baldur ; allem. bald;
angl. bold; dan. balstyrig ; holl. baldadig.
Dans nos vieux auteurs de fables, le bau-
det était appelé baudouin, d'où baudouiner,
employé par Rabelais dans le sens de saillir.
Il suit de cette explication que le radical
baud, qui veut dire gai, vif, content, hardi,
éveillé, a été appliqué comme diminutif au
jeune âne, dont tout le monde connaît la
gentillesse et la pétulance. Ménage trouve
un moyen beaucoup plus simple de se tirer
d'affaire. Selon lui, baudet vient de Baldus,
nom propre. Mais quel est ce Baldus? Les
dictionnaires biographiques n'enregistrent,
sous ce norn, qu'un jeune peintre contempo-
rain, qui déclinera certainement l'honneur
de cette antique origine). Ane : Me prend-il
pour un Lapon , de s'imaginer que je n'aie
jamais entendu braire un baudet? (G. Sand.)
Le baudet n'en peut plus, il mourra sous leurs coups.
La Fontaine.
A ces mots l'on cria haro! sur le baudet.
La Fontaine.
Maître baudet, ôtez-vous de l'esprit
Une vanité si folle. . La Fontaine.
Est-ce la mode
Que baudet aille à l'aise et meunier 8,'incommode?
La Fontaine.
Ayant au dos sa rhétorique,
Et les oreilles d'un baudet. La Fontaine.
Pendant.ce beau discours,
Seigneur loup étrangla le baudet sans remède.
La Fontaine.
Un baudet chargé de reliques
S'imagina qu'on l'adorait;
Dans ce penser, il se carrait. La Fontaine.
il Se dit particulièrement de l'âne mâle, des-
tiné à la reproduction.
— Fig. et par iron. Homme sot, stupide :
Beau trio de baudets! Le meunier repartit :
Je suis âne, il est vrai
La Fontaine.
— Techn. Tréteau sur lequel les scieurs de
long établissent lés pièces à débiter. On dit
aussi chevalet, n Chevalet qu'enjambe le
drousseur.
— Syn. Baudet, bourrique, âne. C'est le
même animal que ces trois mots désignent;
mais ils ne le désignent pas sous lemême
point de vue. L'âne, c'est 1 animal tel qu'il est
en lui-même, ou tel que nous l'avons rendu en
le plaçant parmi nos animaux domestiques, en
l'appliquant à tous les services auxquels ses
qualités naturelles le rendaient propre : c'est
la bête de somme qui porte sa charge; c'est
celle que le jardinier attelle à la petite voiture
sur laquelle il veut transporter ses légumes;
c'est la monture paisible des vieillards ou des
convalescents; c est l'animal utile, sobre, pa-
. tient, qui ne coûte presque rien à nourrir et
qui sert presque autant qu'un cheval ; c'est-
aussi l'être stupide, opiniâtre, que, par mo-
ments, on ne peut faire marcher qu'à, coups
de fouet ou de bâton. Ces défauts sont dans
sa nature, aussi bien que les qualités qui le
rendent précieux; à tous ces points de vue,
c'est toujours de Y âne qu'il s agit, et toute
autre expression serait impropre. Le baudet,
c'est l'animal considéré comme subissant les
conséquences de ses défauts, de sa stupidité
.et de sa laideur relative. On n'a qu'à se re-
porter à la préface du Grand Dictionnaire, on
y verra que notre bon La Fontaine ne s'y est
pas trompé, et qu'il a toujours remplacé âne
par baudet quand il a voulu peindre l'animal
comme servant de jouet, de risée, soit à
l'homme, soit aux autres animaux, quand il
lui faisait jouer le rôle de victime. La bour- '
rique, c'est proprement la femelle de l'âne;
mais ce mot n'est pourtant pas un synonyme
parfait de âiiesse, et il emporte toujours une
idée de stupidité risible, qui le rend tout à fait
impropre aux descriptions de l'histoire natu-
relle. Toutes ces distinctions subsistent au
sens figuré, qui ne s'applique d'ailleurs qu'aux
défauts que nous attribuons à l'animal i on
appelle âne l'homme qui réunit l'obstination à
la sottise, l'ignorant qui refuse de s'instruire;
bourrique éveille l'idée d'une stupidité com-
plète, mais sans y joindre celle d'obstination;
on plaint la bourrique, on se sent irrité contre
l'homme qu'on appelle âne; la dénomination
de baudet ne convient que lorsqu'on a en vue
une sottise dont les autres profitent pour s'a-
muser aux dépens de la victime, ou pour faire
retomber sur elle des maux qu'ils devraient
souffrir eux-mêmes.
— AlluB. llttér. Haro iur le baudet I Allu-
sion a un hémistiche de la fable des Animaux
malades de la peste. V. Animal.
BAUDET (Gui), chancelier de France sous
Philippe de Valois. Né à Beaune, il professa
d'abord le droit canon, et fut ensuite doyen du
chapitre de Paris. Dans un voyage qu il fît à
Rome, le pape -Benoît XII l'accueillit avec une
grande distinction. Il mourut en 1339.
BAUDET (Etienne), dessinateur et graveur
français, né à Blois en 1643, mort en 1716,
vint très-jeune à Paris, et apprit le dessin de
Sébastien Bourdon, qui l'engagea ensuite à
s'adonner à la gravure, et lui enseigna aussi
les premiers principes de cet art. Après avoir
gravé quelques ouvrages de son maître, Baudet
se rendit à Rome, où il se perfectionna sous la
direction de Cornelis Bloemaert et de François
Spierre, qui travaillaient dans cette ville avec
un grand succès. Il se fit bientôt remarquer
lui-même par l'habileté avec laquelle il grava,
pour les seigneurs Falconieri, tes Amours de
Vénus et d'Adonis, Tsuite de quatre pièces,
d'après l'Albane. Revenu à Paris, il obtint un
logement au Louvre, et fut nommé graveur du
roi. Admis à l'Académie de peirit«re, sculpture
et gravure, en 1675, il en fut élu conseiller
en 1685. Etienne Baudet exécuta pour le roi
un grand nombre d'ouvrages , entre autres
■43 pièces destinées à compléter la collection
de Statues et bustes antiques, commencée par
Cl. Mellan. Ces ouvrages lui font honneur;
mais son talent apparaît principalement dans
les estampes qu'il a faites d'après huit des
plus beaux paysages historiques de Poussin :
Polyphème et Galatée', Dioyène jetant son
écuelle, Eurydice piquée par un serpent, En-
lèvement du corps de Phocion, Femme recueil-
lant les cendres de Phocion, etc. Ces divers
sujets, a dit Mariette, sont rendus avec une
grandeur et une majesté dignes du peintre qui
en est l'auteur. Baudet a gravé aussi les ou-
vrages suivants : le Frappement du rocher,
l'Adoration du veau d'or, Moïse foulant aux
pieds la couronne de Pharaon, le Jugement de
Salomon, la Sainte Famille, Vénus sortant du
bain, VEnlèvement des Sabines, Coriolan, etc.,
d'après Poussin; la Vierge, l'Enfant Jésus,
saint Joseph et saint Jean, Y Enfant Jésus adoré
par les anges et saint Jean, et les Œuvres de
miséricorde (suite de six pièces), d'après Séb.
Bourdon; V Adoration des bergers, d'après
Gab. Blanchard; la Sainte Famille, Y Appa-
rition de l'Ange à saint Joseph, d'après Mi-
gnard; Allégorie en l'honneur de Clément X,
d'après Ciro Ferri; les Chevaux du Soleil,
d'après le sculpteur Gilles Guérin ; le Martyre
de saint Etienne, d'après A. Carrache; Saint
Augustin et saint Guillaume invoquant la
Vierge, d'après Lanfranc; le portrait, de
Ch. Perrault et le Plafond du grand escalier
de Versailles, d'après Ch. Le Brun ; le Denier
de César, d'après Valentin; divers sujets
d'après l'Albane, E. Villequin, René Houasse,
Ch. de La Fosse, L. de Boullongne, etc.
BAUDET -DULARY, médecin et socialiste
français, né vers 1790. Nommé député en 1831,
il donna sa démission pour travailler active-
ment à la réalisation du système de Fourier,
dont il avait adopté les idées. Il fit même un
essai pratique sur ses propriétés; mais cet
essai ne fut, en réalité, qu'une exploitation
agricole, à laquelle il essaya d'appliquer quel-
ques-unes des idées du maître. Il a laissé
quelques écrits, entre autres : Crise sociale
(1834) ; Essai sur les harmonies physiologiques
(1838-1845); Hygiène populaire (1856), etc.;
Principes et résumé de physionomie (1859).
BAUDET-LAFARGE, homme politique fran-
çais, né en 1765, mort vers 1840. Il avait, au
commencement de la Révolution, administré
le département du Puy-de-Dôme, qui l'envoya
au conseil des Cinq-Cents. Il y vota la dépor-
tation des émigrés naufragés à Calais, se pro-
nonça en faveur de la liberté de la presse, et
contribua à la chute des directeurs Merlin,
Treilhard et Laréveillère-Lepeaux. Lors du
coup d'Etat du 18 brumaire, Baudet-Lafarge
se trouvait en mission. Il déclara, à son retour,
qu'il éprouverait un regret éternel s'il avait la
certitude cjue l'émission de son vote eût manqué
pour empêcher le renversement de la consti-
tution et l'établissement du Consulat. Il fut
écarté en conséquence du Corps législatif, fut
nommé plus tard juge de paix et membre du
conseilde l'arrondissementaeThiers, etchargé
par le. collège électoral du Puy-de-Dôme,
en 1815, de présenter une adresse à Napoléon.
C'est à cette occasion qu'il porta ce toast, où
se montraient ses sentiments républicains :
« A la patrie I a la liberté ! puissent l'énergie
de la représentation nationale et l'union de
tous les Français en assurer le triomphe ! » —
Son fils, Jacques-Antoine Baudet, né à Ma-
ringues en 1803, embrassa les opinions politi-
ques de son père, fut quelque temps sous-pré-
fet d'Ambert après 1830, fut élu membre du
conseil général du Puy-de-Dôme après la mort
de son père, et représentant du peuple à la
Constituante en 1848. Il vota avec les répu-
blicains du National, et ne fut pas réélu à la
Législative.
BAUD1ER (Dominique), poëte. V. Baudius.
BACD1ER (Michel), historien français, né
en Languedoc vers 1589, mort en 1645. On
sait peu de chose de la vie de ce laborieux
écrivain, qui reçut le titre de gentilhomme de
la maison du roi et d'historiographe de France.
Ami du grand sculpteur Jean de Bologne, il
aimait beaucoup les arts , collectionnait des
médailles, et dépensait ses faibles revenus à
acheter des livres et des manuscrits. Il a com-
posé un grand nombre d'ouvrages écrits d'un
style lourd, remplis de digressions, dépourvus
de sens critique, mais <iui furent bien ac-
cueillis de ses contemporains, et dont quelques"
uns peuvent encore être consultés avec fruit.
Les principaux sont : Inventaire général de
l'histoire des Turcs (Paris, 1619); Histoire gé-
nérale de la religion des Turcs, avec la vie de
leur prophète, etc. (Paris, 1626); Histoire de
la cour du roi de Chine (Paris, 1626) ; Histoire
de l'administration du cardinal d'Amboise, etc.
(1634); Histoire de l'incomparable adminis-
tration de Jiomieu, grand ministre d'Etat de
Raymond Béranger, comte de Provence (Paris,
1635), le plus curieux de ses ouvrages ; His-
toire de l'administration del'abbé Suger (1645),
enfin Histoire de la vie du cardinal de Ximénès
(1635), qui est le plus intéressant et tout à la
fois le plus considérable de ses travaux histo-
riques. :
BAUDIN des Ardennes (Pierre-Cbarles-
Louis), homme politique français, né à Sedan
en 1748, mort en 1799. Il fut d'abord directeur
des postes de sa ville natale (1786), maire en
1790, député à l'Assemblée législative l'année
suivante, puis élu à la Convention. Il s'y pro-
nonça pour le bannissement de Louis XVI,
remplit. une mission à l'année du Nord, fut un
des rédacteurs de la constitution de l'an III,
présida la Convention pendantles journées de
vendémiaire, fit clore la session par ie vote
d'une amnistje générale, et devint membre de
l'Institut et du Conseil des anciens. Il prit une
part active au coup d'Etat du 18 fructidor,
mais s'éleva ensuite contre l'incapacité du
Directoire, et mourut de joie en apprenant le
retour de Bonaparte d'Egypte, ce qui ferait
croire qu'il était initié au projet du 18 brumaire.
Dans sa vie politique, Baudin suivit en général
le fameux système de bascule, qui consistait a
comprimer tour à tour les royalistes et les
révolutionnaires ardents. Sa modération ne
fut pas toujours exempte de versatilité. On a
de lui quelques écrits politiques, notamment :
Anecdotes et réflexions générales sur la consti-
tution (1795) ; Du fanatisme et des cultes (1795).
BAUDIN (Nicolas), navigateur, né à l'île de
Ré vers 1750, mort en 1803. Nommé sous-
lieutenant de vaisseau en 1786, il commanda
deux expéditions scientifiques dans l'Inde et
aux Antilles, revint en France à l'époque du
Directoire ,. rapportant de précieuses collec-
tions d'histoire naturelle, et reçut, en 1800,
comme capitaine de vaisseau, le commande-
ment de deux corvettes, le Géographe et le
Naturaliste, avec lesquelles il entreprit d'ex-
plorer les côtes de la Nouvelle-Hollande. Il
reconnut la baie des Chiens marins et les
terres voisines de la Nouvelle-Galles méridio-
nale; mais une grande partie des équipages
périt, et lui-même succomba à l'Ile de France.
Cette expédition, du moins, ne fut pas sans
utilité pour la science. Péron, qui en faisait
partie, en a publié les résultats sous ce titre :
Voyage aux Terres australes (1807, 3 vol. in-4°).
Les frères Freycinet succédèrent à Baudin
dans le commandement de l'expédition.
BAUDIN (Charles), amiral, fils de Baudïn des
Ardhknks, né à Sedan en 1874, mort eu 1S55.
Il entra dans lu marine à quinze ans et jouit,
jusqu'au moment où il fut nommé enseigne do
vaisseau, d'une pension de 1,000 IV. accordée
par les consuls. Il eut le bras droit emporté par
un boulet, dans un combat contre les Anglais
dans la mer des Indes (1808), devint lieutenant
en 1809, battit un brick anglais dans la Médi-
terranée en 1812, exploit qui lui valut le grade
de capitaine de frégate. Deux ans plus tard,
il était nommé capitaine de vaisseau; mais,
après les Cent-Jours, il donna sa démission,
ne voulant point servir le gouvernement des
Bourbons, et fonda au Havre une maison de
commerce. Des faillites considérables étant
venues jeteria perturbation dans ses affaires,
après la révolution de 1830, Baudin sortit de
cette crise en sauvant son honneur commercial,
et reprit du service dans la marine. Il fut
chargé, en 1838, de transporter à Saint-
Domingue les commissaires de l'indemnité
haïtienne ; reçut, peu après, le grade de contre-
amiral, avec la mission de tirer vengeance
des mauvais traitements exercés par " les
Mexicains sur les négociants français , et
s'empara, après un court et vigoureux bom-
bardement, de la forteresse de Saint-Jean-
d'Ulloa, le fait d'armes le plus éclatant de
notre marine à cette époque. Nommé succes-
sivement vice-amiral, a son retour, comman-
dant des forces navales de l'Amérique du
Sud (1840), préfet maritime de Toulon (1840-47),
et vice-président du bureau des longitudes
après 1848, il fut élevé à la dignité d amiral
peu de temps avant sa mort.
BAUDIN, vicaire êpiscopal de l'évêque con-
stitutionnel de Paris, Gobeî, et membre influent
de la société des jacobins. En décembre 93, il
fut envoyé en Vendée comme commissaire du
pouvoir exécutif, voulut s'opposer aux me-
sures énergiques, et fut arrêté par les ordres
des représentants Francastel et Hentz. Après
quelques mois de détention, il revint à Paris,
abjura solennellement la prêtrise uu sein da
la Convention, et fut ensuite utilement employé
par Hoche b, la pacification de la Vendée.
Commissaire du Directoire près le bureau
central de Paris, puis membre de l'adminis-
tration des hospices de Paris, il rentra dans
l'obscurité après le 18 brumaire.
49.
•>
386
BAU
BABD1N (J.-B.-Alph.-Vict.), médecin et
• homme politique, né a Nantua (Ain) en 1801,
mort en 1851. Il servit en Afrique comme
médecin militaire, s'occupa ensuite activement
de politique ou plutôt de réformes sociales, et
fut nommé représentant du peuple à l'Assem-
blée législative de 1849, où il siégea à la cime
de la montagne. Lors du coup d'Etat du 2 dé-
cembre, il se fit tuer sur une barricade du fau-
bourg Saint- Antoine, enveloppé de son écharpe
de représentant. Lorsque ce triste événement
arriva, celui qui écrit ces lignes — l'auteur
du Grand Dictionnaire — était à vingt pas de
la malheureuse victime de nos dissensions po-
litiques. Baudin a publié, entre autres écrits
estimés, un travail Sur l'inflammation des
intestins.
BAUDINIE s. f. (bô-di-nî — de Baudin,
marin français). Bot. Syn. de calot hamne.
BAUDIOT (Charles-Nicolas), violoncelliste
français, né à Nancy en 1773, mort en 1849.
Elève de Janson, il succéda à son maître, en
1802, comme professeur au Conservatoire, et
fut, peu de temps après son installation, chargé
avec Levasseur de rassembler les éléments
d'une méthode de violoncelle, qui fut rédigée
par Baillot. Baudiot fut un des professeurs
qui gardèrent leur emploi au Conservatoire,
lors de la réorganisation de cette institution
en 1816; il reçut, en outre, le titre de premier
violoncelle de la chapelle du roi. En 1822, il
demanda et obtint sa retraite avec une pension,
légitime récompense de ses services. Depuis
lors, il se mit à parcourir la France en donnant
des concerts. Les principales qualités du talent
de Baudiot consistaient dans la pureté du son,
la justesse d'attaque et la netteté des traits;
mais on pouvait lui reprocher la froideur et
surtout la monotonie de son exécution. Baudiot
a laissé un assez grand nombre de compositions
pour violoncelle, une Méthode complète de cet
instrument, et une Instruction pour les compo-
siteurs.
baudir v. a. ou tr. (bô-dir — de l'ancien
fr. baud, hardi). Fauconn. et véner. Encou-
rager de la voix : Baudir le faucon. Baudir
les chiens.
Se baudir, v. pr. Se réjouir, se donner du
plaisir.
BAODIS ou BAUDISSEN (Wolf- Heinrich
de), général danois qui a joué un rôle impor-
tant dans la guerre de Trente ans, combattit
Wallenstein, commanda la cavalerie de Gus-
tave-Adolphe, prit part aux actions les plus
importantes, servit plus tard la Saxe contre
les Suédois, et mourut en 1650.
BAUDISSÉRITE s. f. (bô-di-sé-ri-te). Miner.
Syn. de baldissérite.
BAUDISSIN (Wolf-Henri-Frédéric-Charles,
comte de), littérateur allemand, né en 1780 à
Rantzau, Fils d'un ambassadeur danois à la
cour de Berlin, il reçut une solide éducation,
qu'il compléta dans les principales universités
de l'Allemagne, entra en 1810 dans la diplo-
matie danoise, fut quelque temps secrétaire
de légation à Vienne et à Paris, puis se retira
dans la vie privée, et vint habiter Dresde en
1827, après avoir parcouru l'Italie, la France
et la Grèce. M. Baudissin a traduit en alle-
mand, avec son ami le poste Tieck, les œuvres
dramatiques de Shakspeare, Il a, en outre,
exhumé et traduit en allemand moderne d'an-
ciennes épopées germaniques, ainsi que de
vieux drames anglais. Cet écrivain a publié,
de son chef, une étude en deux volumes sur
Ben Jolmson et son école, avec des commen-
taires et un aperçu historique de la*scène
anglaise (Leipzig, 1836).
BAUDISSIN (Othon-Frédérie-Magnus de),
frère du précédent, né à Rantzau en 1792,
embrassa la carrière militaire. Lorsque éclata,
en 1848, entre le Danemark et les duchés du
Sleswig et du Holstein , une guerre qui dura
jusqu'en 1851, M. Baudissin prit le comman-
dement d'une brigade de l'armée des duchés;
soutint avec son corps, au combat de Bau,
tout l'effort de l'armée ennemie, afin de faciliter
la retraite des SIeswig- Holsteinois; ne se
montra pas moins intrépide à la bataille de
Kolding (1849), où il fut dangereusement
blessé, et refusa de prendre le commandement
en chef de l'armée lorsque Willisen donna sa
démission, pensant que la nomination d'un
général étranger était préférable dans l'intérêt
des duchés. Après la dissolution de l'armée,
M. Baudissin quitta le pays, où il s'était acquis
une grande popularité, et vécut dans la
retraite.
BAUDIT (Amédée) , peintre suisse con-
temporain, né à Genève en 1829, élève do
M.Diday, de Genève, a débuté en exposant au
Salon de 1852 une Vue du Mont-Blanc, prise
du Jura, au soleil couchant, tableau dans
lequel il s'est montré lidèle à la manière cor-
recte, châtiée , mais un peu trop minutieuse
des paysagistes suisses. Il a adopté depuis un
style plus large, plus hardi, et a envoyé aux
diverses expositons qui ont eu lieu de 1853
à 1866, des tableaux d'une facture élégante
et d'un sentiment très-poétique. Ce sont, pour
ia plupart, des vues prises en Auvergne, en
Bretagne, dans les Pyrénées, aux environs de
Paris. Son tableau intitulé le Viatique en Bre-
tagne, a été très-remarque au Salon de 1859,
et lui a valu une médaille de 3" classe. Un
rappel de la même médaille lui a été décerné
en 18G1, pour un Débarquement de fourrages
sur 1rs bords du Rhin. En général, les paysages
BAU
de M. Baudit sont d'un caractère austère, mé-
lancolique : l'âme du poète s'y fait sentir
autant que le talent du peintre.
BAUDIUS ou BAUDIER (Dominique), poète
et littérateur, ne à Lille en 1564 , mort en 1613.
Issu d'une famille protestante, forcé . par les
rigueurs du duc d'Albe de se réfugier à Aix-
la-Chapelle, il acheva ses études à Genève,
où il reçut les leçons de Bèze, prit le grade
de docteur en droit en 1585, fit partie, la même
année, de l'ambassade envoyée à la reine
Elisabeth par les états généraux, et, après
avoir été quelque temps avocat à La Ha3'e, il
partit pour Paris, où il resta dix ans. 11 s'y
lia . avec les hommes les plus éminents du
temps, Sully, Mornay, de Thou, du Harlay,
et, grâce à l'amitié de ce dernier, il devint
avocat au parlement de Paris. Etant allé se
fixer à Leyde vers 1602, il y fut nommé suc-
cessivement professeur d'éloquence et d'his-
toire, et historiographe des états généraux,
conjointement avec Meursius. Doué d'une
brillante imagination, possédant une érudition
prodigieuse, à la fois éloquent et passionné,
Baudius gâta ses belles qualités par les dé-
sordres de sa vie privée, par son amour désor-
donné du vin et des femmes, et mourut dans
la misère. Ses ouvrages en prose et ses poésies,
également en latin, ne sont pas seulement re-
marquables par la pureté du style;. ils sont
traversés par un souffle puissant de liberté,
par une chaleur communicative ; ses poésies
qui, ainsi que ses lettres, sont naturelles, élé-
gantes, pleines de sentiments élevés, portent
en même temps l'empreinte d'une misanthro-
pie un peu sauvage; qui fait songer à J.-J.
Rousseau. Ses principales œuvres sont : De
induciis belli Belgici; Epistolœ; Amores.
BAUDOBRIGA, BONTOBMCE ou BODO-
BRIA, ville de l'ancienne Germanie, au-
jourd'hui Boppart sur le Rhin, au S. de Con-
fluentes (Coblentz).
BAUDOCHE (les), ancienne famille qui a
fourni quatorze maîtres échevins à la ville de
Metz, à l'époque où elle formait une république
indépendante. Le premier Baudochb qui ar-
riva à cette fonction, la plus élevée de la cité,
est Nicole, élu en 1315; plusieurs Baudoche
furent réélus, par exemple Robert, qui con-
serva ses fonctions deux années de suite
(1449-1450), dérogation fort rare à l'habitude.
Un autre, Claude Baudoche, fit construire à
ses frais, vers 1526, l'église Sainte-Barbe-lès-
Metz, dont il ne reste que le choeur et de ma-
gnifiques vitraux, sur l'un desquels on voit le
?ortrait du fondateur. François Baudoche, qui
ut maître échevin en 1544, était un diplomate
habile, et fut sénéchal de Lorraine vers 1573.
Un autre, François Baudoche, était, vers le
même temps, abbé de Saint-Symphorien de
Metz, et passait pour un des hommes les plus
érudits de son temps. C'est surtout dans les
.armes que les Baudoche se distinguèrent.. Ils
prirent part à un grand nombre des expédi-
tions militaires du moyen âge, commandèrent
l'armée messine, firent des sièges, et guer-
royèrent, pendant environ trois siècles, non-
seulement en France et en Allemagne, mais
jusqu'en Palestine. Lorsque la France s'em-
para de Metz, la famille des Baudoche fut
écartée des affaires, et depuis lors, elle s'est
entièrement éteinte.
BAUDOIN ou BAUDU1N de Condé , poète
français, né dans cette ville, mort vers 1260.
Doué d'une imagination riche et facile, il quitta
les Flandres pour venir à Paris, où il tint un
rang distingué parmi les poëtes les plus esti-
més du règne de saint Louis, notamment Jehan
de Condé, son compatriote, et le célèbre Ru-
tebœuf. On a de lui des Fabliaux, des Dits et
Contes moralises, qui se trouvent en manus-
crit h la Bibliothèque impériale, Sous les nu-
méros 173, olim 256, fonds de Belgique; 2,736,
fonds La Vallière ; 7,218 et 7,632, ancien fonds.
On cite surtout son dit moralisé, intitulé les
Trois morts et les Trois vivants, dontVan Praet
a indiqué le sujet en ces quelques mots :
» Trois jeunes seigneurs, riches et puissants,
reçoivent de trois corps morts rongés de vers,
dont ils font rencontre, des leçons terribles
sur la vanité des grandeurs humaines. » Cette
pièce eut, de son temps, une vogue extraordi-
naire.
BAUDOT DE JUILLY (Nicolas), historien,
né à Paris en 1678, mort en 1750. Il est auteur
d'ouvrages historiques, dont les plus estimables
sont : Histoire de la Conquête de l'Angleterre
par Guillaume de Normandie (1701); Histoire
de Philippe - Auguste fl702); Histoire de
Charles VI (1753, 9 vol.), de Louis XI (1756,
G vol.); ces deux derniers sous le nom de
M'[e de Lussan, etc.
BACDOT ( Marc - Antoine ) , conventionnel
montagnard, était médecin à Charolles au
moment de la Révolution, et fut nommé dé-
fiuté suppléant à l'Assemblée législative par
e département de Saône-et-Loire, puis député
à la Convention. Il prit place sur les bancs de
la montagne, vota la mort du roi et son exé-
cution dans les vingfcquatre heures, et montra
autant de capacité que d'énergie dans les mis-
sions dont il fut chargé à Montauban, à Tou-
louse, dans les Pyrénées-Orientales, où il fit
exécuter la loi contre les émigrés, les prêtres
rebelles et les fédéralistes. Ce fut lui qui fit
décréter que les cloches seraient converties
en canons. Envoyé à l'armée de Rhin-et-Mo-
selle, avec Elie Lacoste, il donna aux sol-
dats l'exemple du courage et de la sobriété,
BAU
contint les royalistes et les traîtres dans
Strasbourg et dans Metz, et déploya la plus
grande intrépidité au combat de Kaiserslautern
(10 frim. an II). Compagnon de Saint-Just aux
lignes de Wissembourg, il contribua à agrandir
la France' jusqu'au Rhin, devina le génie de
Hoche, et se porta comme son défenseur contre
Saint-Just. De retour à la Convention, il fut
nommé secrétaire, puis envoyé de nouveau en
mission, après le 9 thermidor, à l'armée des
Pyrénées-Orientales. Persécuté par la réaction
thermidorienne, il fut enfin décrété d'arresta-
tion, sous l'accusation banale de terrorisme.
Il eut le bonheur d'échapper, et demeura caché
jusqu'à l'amnistie de brumaire an IV. Employé
au département de la guerre pendant le mi-
nistère de Bernadotte, il reprit ensuite l'exer-
cice de sa profession, et ne sortit de sa retraite
qu'un instant, pendant. les Cent-Jours, pour
remplir une mission en Bretagne. En 181 s, il
fut exilé, avec tous les conventionnels régi-
cides. Baudot a laissé des Mémoires, qu'il a
confiés en mourant à M. Edg;tr Quinet. L'il-
lustre publiciste s'en est beaucoup servi pour
son ouvrage la.' Révolution, et il en annonce la
publication comme prochaine.
BAUDOT (Pierre-Louis), archéologue fran-
çais , né en 1760 à Dijon, mort en 1810. Il
succéda d'abord à son père dans la charge de
substitut du procureur général au parlement
de Bourgogne. Il vint ensuite à Paris, pour
s'y perfectionner dans la science du droit;
mais son goût l'entraîna surtout vers l'étude
de la numismatique. Lorsque la Révolution
eut dispersé ses meilleurs amis, il se retira
dans ses propriétés , à Pagny, et ne s'occupa
plus que d archéologie. Plusieurs dissertations,
qu'il publia dans le Magasin encyclopédique,
suscitèrent une discussion très-vrye entre lui
et Girault, son confrère, à l'académie de Di-
jon. Il a publié, en outre, de nombreux mé-
moires dans le même Magasin encyclopédique
et quelques opuscules, la plupart relatifs a sa
science favorite.
BAUDOUIN ou BALDCIN, nom de neuf
comtes de Flandre, qui sont : Baudouin le,
surnommé Bras de fer, mort en 879. Il épousa
Judith, fille de Charles le Chauve, qui, à l'oc-
casion de ce mariage, érigea la Flandre en
comté, et en donna l'investiture à son gendre.
— Baudouin II, le Chauve, fils et successeur
du précédent, fit assassiner Foulque, arche-
vêque de Reims, et mourut en 918. Il fit sou-
vent la guerre à son suzerain, le roi de
France. — Baudouin III, dit le Jeune, petit-
fils du précédent, mourut en 962 de la petite
vérole. — Baudouin IV, le Barbu, fils d'Ar-
nold II, mort à Gand en 1030, enleva plu-
sieurs places de la basse Lorraine, et institua
les foires de Flandre. Il se fit céder par
Henri II, roi de Germante, et à titre de nef,
la ville de Valeneiennes, le château de Gand,
et toute la Zélande en deçà de l'Escaut; ces-
sion d'où devaient naître entre la Flandre et
la Hollande d'interminables discussions. Il fut
chassé de ses Etats par son fils ; mais Robert,
duc de Normandie, le rétablit les armes à )a
main. — Baudouin V, dit le Débonnaire ou de
Lille à cause des nombreux travaux qu'il fit
exécuter dans cette ville, était fils du précé-
dent et mourut en 1007. Il eut de sanglants
démêlés avec l'empereur Henri III, gendre du
roi Robert, dont il épousa la fille Adélaïde,
appelée la Comtesse reine. Il devint, en 1060,
régent de France pendant la minorité de Phi-
lippe I". Sa fille Mathilde épousa Guillaume
le Conquérant, dont il seconda l'expédition en
Angleterre en 1066. C'est lui qui fit creuser,
entre la Flandre et l'Artois, le canal connu
sous le nom de fossé neuf. — Baudouin VI,
dit de Mons ou le Bon, fils du précédent, mort
en 1070, porta en Hainaut le nom de Bau-
douin 1er, ut d'excellents règlements de po-
lice, et prit dans ses chartes le titre de Comte
palatin. — Baudouin Vit, a la ffaclie, ainsi
surnommé a cause de son extrême rigueur
dans l'application de la justice, fut l'allié fi-
dèle de Louis le Gros contre Henri 1er d'An-
gleterre, et périt frappé d'un coup de lance
au siège d'Eu en il 19. — Baudouin VIII, dit
le Courageux, et appelé Baudouin V en Hai-
naut, devint comte de Flandre en 1191, à la
mort de Philippe d'Alsace, dont il était beau-
frère. Il reconnut Philippe-Auguste pour su-
zerain, lui rendit hommage à Arras en 1192, et
mourut en 1195. — Baudouin IX. V. Bau-
douin le^ empereur latin de Constantinople.
BAUDOUIN ou BALDUIN, nom de cinq
rois de Jérusalem, appartenant a la famille
des comtes de Flandre. Le premier, qui des-
cendait du comte Baudouin V, est : Bau-
douin 1er, roi de Jérusalem, mort en 1118.
Fils d'Eustache, comte de Boulogne, il accom-
f>agna, en 1095, son frère God\;iroy de Bouil-
on, beaucoup moins pour contribuer à la dé-
livrance du tombeau du Christ, que dans
l'espoir de conquérir quelque principauté.
Envoyé en Cilicie avec Tancrède, prince de
Tarente, pour soumettre le pays, il eut avec
ce dernier de violents démêlés au sujet des
villes de Tarse et de Malmista, qui étaient
tombées en leur pouvoir ; il fît enlever la
bannière de Tancrède pour y planter la sienne,
et les deux chefs, oubliant quels ennemis ils
étaient venus combattre, en vinrent aux
mains avec leurs troupes. Bientôt après, ap-
pelé par le prince d'Edesse, il franchit le
Taurus, passa l'Euphrate, entra dans cette
ville, dont il chassa la garnison mahométane,
et trempa, dit-on, dans une sédition, où le
BAU
i prince d'Edesse, qui l'avait adopté, perdit la
! vie. Devenu comte d'Edesse «par la grâce de
j son épée (1097) p, il resta dans cette ville,
s'occupant de consolider son pouvoir, et fort
indifférent aux travaux des croisés, qui assié-
geaient et prenaient Jérusalem. Mais à la
mort de son frère Godefroy, il céda sa prin-
cipauté a son cousin Baudouin de Bourg, et
s'empressa de se rendre à Jérusalem pour y
recueillir l'héritage du chef de la croisade.
Moins scrupuleux que ce dernier, Baudouin
n'hésita pas à prendre le titre de roi de Jéru-
salem, recueillit les débris de l'armée croisée
conduite au secours des chrétiens de Pales-
tine par Hugues le Grand et Guillaume d'A-
quitaine en 1101, et les conduisit au combat
de Rama (27 mai 1102), où ils furent presque
tous massacrés. Assiégé dans Jafïa, le roi de
Jérusalem se dégagea et battit ses ennemis
dans une vigoureuse sortie; puis, profitant de
sa victoire, il s'empara de Saint-Jean-d'Acre
en 1104, de Beyrouth en 1109, et de Sidon en
1110. Après avoir vaincu les Sarrasins en
plusieurs rencontres et agrandi son royaume,
ce prince mourut de la dyssenterie à Lavis,
dans le désert, en revenant d'Egypte. Son
corps fut envoyé à Jérusalem, pour y être en-
terré près de celui de Godefroy de Bouillon,
pendant que ses entrailles étaient déposées
en un lieu, connu depuis lors sous le nom de
Hégiarat-Barduil, cest-à-dire le sépulcre ou
la pierre de Baudouin; — Baudouin II, cou-
sin du précédent, lui succéda en lus sur le
trône de Jérusalem, comme il lui avait suc-
cédé, dix-huit ans auparavant, dans sa prin-
cipauté d'Edesse. Il s'était acquis, parmi ses
compagnons d'armes, une grande réputation
par son courage, ses talents militaires, sa
prudence, son désintéressement, sa piété; et
nui pius que lui n'était digne de prendre le
pouvoir en main. Un do ses premiers actes
fut d'aller délivrer Antioche, menacée par les
musulmans. Aprèsles avoir battus en plusieurs
rencontres, il revint à Jérusalem, où il apprit
que le comte d'Edesse, Josselin deCourtenay,
venait de tomber au pouvoir des Sarrasins. Il
partit aussitôt pour le délivrer; mais il tomba
dans une embuscade, et fut fait prisonnier par
Balak, en 1124. La régence du royaume fut
alors déférée par les principaux croisés à
Eustache Garnier, seigneur de Césarée et de
Sidon, qui eut à la fois à combattre les Turcs
de la Syrie et les Sarrasins d'Egypte, et qui,
cependant, grâce à des secours amenés par
les Vénitiens, put s'emparer de Tyr après un
siège de cinq mois. Bientôt après, Josselin do
Courtenay ayant pu s'échapper du château de
Khortobert, où il était prisonnier, rassembla
une armée, fondit sur les musulmans, et déli-
vra Baudouin (1125), qui revint à Jérusalem
pour guerroyer de nouveau. Après un règne
de douze ans, pendant lequel les ordres mili-
taires de Saint-Jean et du Temple avaient été
approuvés par ie pape, Baudouin mourut en
1131, laissant son royaume très-agrandi à son
gendre Foulques d'Anjou ; — Baudouin III,
petit-fils du précédent par sa mère Mélisande,
succéda, en 1142, à son père Foulques d'An-
jou, et mourut en 1162. Zcnghi, sultan d'Alep,
s'étant emparé de la principauté d'Edesse, les
chrétiens d'Orient jetèrent un cri d'alarme, qui
fut entendu eu Occident. Une nouvelle croi-
sade, ayant à sa tête Conrad, empereur d'Al-
lemagne, et Louis VIII, roi de France, fut or-
ganisée ; les deux souverains arrivèrent en
Palestine en 1148; Baudouin alla les rejoindre,
et leurs armées réunies firent le siège de Da-
mas. (V. Damas [Siège dc.~\) Mais les princes
croisés , n'ayant pu réussir à s'emparer do
cette ville , revinrent en Europe , laissant
Baudouin aux prises avec les ennemis les
plus redoutables. Le roi de Jérusalem ne so
découragea pas. Il accepta la lutte que lui
offrait Nour-Eddyn , fit relever et fortifier
Gaza^l^), s'empara d'Ascalon (l 153) pour
son propre compte, et de Césarée (1159) pour
celui de Renaud, prince d'Antioche. Baudouin
mourut, âgé seulement de trente-trois ans,
empoisonné, dit-on, et sans laisser de posté-
rité. Il eut pour successeur Amaury ; — Bau-
douin IV, né en 1160, mort en 1185, succéda,
en 1173, à son frère Amaury sur le trône de
Jérusalem. Mis, à cause de son jeune âge, sous
la tutelle de Milon de Planci, puis du comte
de Tripoli, il était, de plus, accablé d'infirmi-
tés qui devaient le rendre à jamais incapable
de gouverner par lui-même. Baudouin vit son
règne troublé par les attaques continuelles
des musulmans d'Egypte et d'Asie, en même
temps que par les prétentions des nobles et
du clergé. Saladin, à la tête d'une puissante
armée, envahit la Palestine, battit les croisés
près de Sidon (1178), et les défit de nouveau
l'année suivante; mais en 1182, Baudouin',
devenu majeur, marcha contre le sultan, le
battit près d'Ascalon et le força à se reth'er
en Egypte. Cette victoire, toutefois, ne put
amener Saladin a demander la paix, et bien-
tôt on le vit recommencer les hostilités. Bau-
douin, devenu aveugle, rongé par la lèpre,
laissa le commandement de son armée a Guy
de Lusignan, qu'il avait fait marier avec sa
sœur Sibylle et nommé régent du royaume.
Mais celui-ci, dépourvu de talents militaires,
ne sut pas profiter d'une circonstance favora-
ble qui s'offrait pour écraser l'ennemi, et dut
résigner le commandement devant les mur-
mures de l'armée. Saladin, ayant consenti à
accorder une trêve, Baudouin envoya , en
1184, le patriarche de Jérusalem en Occident,
pour implorer le secours des chrétiens et
prêcher 'une nouvelle croisade. Mais il mourut
BÀU
BAU
BAU
BAU
387
dans cet intervalle, désignant son neveu Bau-
douin pour lui succéder ; — Baudouin V, ne-
veu du précédent, était fils de Sibylle et de
son premier époux, Guillaume de Montferrat.
Ce n était qu'un enfant, qui mourut au bout de
sept mois de règne, en 1185. Il fut empoi-
sonné, dit-on, par sa propre mère, qui espé-
rait, par ce crime, assurer le trône à son se-
cond mari, Guy de Lusignan. Un an après
(1180), Jérusalem tombait au pouvoir de Sa-
ladin.
BAUDOUIN l^r, empereur de Constanttno-
ple, né à Valenciennes en 1171, mort vers
1206, était fils de Baudouin, comte de Hai-
naut, et de Marguerite, sœur de Philippe,
comte de Flandre. 11 épousa Marie de Cham-
pagne, nièce du roi de France. Par la mort
de son père et par celle de son oncle, le jeune
Baudouin réunit entre ses mains, en 1195, la
souveraineté des deux comtés de Flandre et
Hainaut. Réconcilié avec Philippe-Auguste,
après une courte guerre, il convoqua, en
1200, une grande assemblée de ses vassaux,
et promulgua un ensemble de lois qui, pen-
dant plusieurs siècles, ont été la législation
fondamentale des comtés. Cette année même,
il prit la croix dans l'église Saint-Donatien
de Bruges, avec sa femme, son neveuThierry,
son frère Henri, et partit pour Venise en
1202, après avoir laissé la régence de ses
Etats à son frère Philippe, à son oncle Guil-
laume et au sage Bouchard d'Avesnes. S'é-
tant embarqué avec Dandolo sur la flotte vé-
nitienne, il se dirigea, sur les instances
d'Alexis l'Ange, vers Constantinople, pour y
renverser l'usurpateur Murzulphe. Baudouin
s'empara de cette ville avec son armée de
croisés (1204^, mit en fuite Murzulphe, et
Comme le trône se trouvait vacant par la
mort d'Alexis, les croisés élurent Baudouin
empereur de Constantinople ; il fut couronné
à Sainte-Sophie le 16 mai 1204. En même
temps, les principaux chefs croisés procédaient
au partage de ce qu'ils regardaient comme
leur conquête. Le marquis de Montferrat eutle
' royaume de Thessalomque; le comte deBlois,
le duché de Bithynie; le gentilhomme bour-
guignon la Roche, la seigneurie d'Athènes;
le Franc-Comtois Guillaume de Champlitte re-
çut le fief d'Achaïe, etc., enfin les Vénitiens
se firent céder les îles de l'Archipel, ainsi que
plusieurs faubourgs de Constantinople. Lors-
que les Grecs virent ce partage s effectuer,
ils se jetèrent dans les Tbras des Bulgares,
leurs anciens ennemis, et prirent parti pour
Murzulphe. Celui-ci, poursuivi par le frère de
Baudouin, se réfugia en Thrace; mais il fut
pris à Lagos et conduit au nouvel empereur,
qui le lit précipiter du haut de la colonne de
Théodose. Cependant, les Latins devenant
de plus en plus insolents, traitaient en pays
conquis leurs nouvelles possessions, et affi-
chaient un souverain mépris pour les Grecs.
Ces derniers finirent par se révolter, chassè-
rent le comte de Saint-Pol de la ville de Di-
dymatique, les Vénitiens d'Andrinople, et ap-
pelèrent à leur secours Joannice , roi des
3ulgares,qui s'empressa d'attaquer Baudouin,
le vainquit et le fit prisonnier près d'Andrino-'
pie, le H avril 1205, après une sanglante
mêlée, où tombèrent un grand nombre de
chevaliers latins. Depuis lors, Baudouin ne
reparut plus. Selon les uns, il mourut des
suites de ses blessurts; selon d'autres, il fut
enfermé par Joannice dans un cachot, où il
périt au bout d'un an. S'il faut en croire Nioé-
tas Chômâtes, Baudouin, qui était un des che-
valiers les plus beaux et les plus accomplis
de son temps, inspira à la reine des Bulgares
une passion à laquelle il ne répondit que par
le dédain. Celle-ci, pour se venger, le dénonça
a Joannice comme ayant voulu la séduire.
Joannice furieux fit couper à Baudouin les
bras et les jambes; et, ainsi mutilé, le mal-
heureux empereur fut exposé au milieu d'un
champ, où il fut dévoré par les oiseaux de
proie. Enfin, d'après une autre version, il re-
vint en Flandre ; mais sa fille Jeanne refusa
de le reconnaître.
BAUDOUIN II, dernier empereur latin de
Constantinople; né en 1217, mort en 1273, était
iils de Pierre de Courtenay et d'Yolande.
Ayant succédé, en 1228, à son frère Robert,
il associa à l'empire son beau-père, Jean de
Brienne, un des chefs les plus célèbres de la
cinquième croisade, et tenta de's'opposer aux
progrès de Vatace, empereur de Nicée, et
d'Azari,roi des Bulgares; il parvint à repous-
ser ses ennemis, qui l'assiégèrent deux fois
dans Constantinople, pendant que la flotte vé-
nitienne battait la flotte grecque (1234). Va-
tace et Azan cherchèrent de nouveau , en
1236, à s'emparer de la capitale de l'empire;
mais ils furent encore une fois repoussés,
grâce à la valeur de Jean de Brienne, de Geof-
froy de Villehardouin et des chevaliers fran-
çais. Ces victoires, en épuisant les vainqueurs,
portaient en elles-mêmes leur avertissement.
Baudouin résolut d'aller demander des secours
en Europe. Parfaitement accueilli par saint
Louis, à qui il fit cadeau de la couronne d'é-
pines, l'empereur de Constantinople rentra en
possession des biens patrimoniaux des Cour-
tenay, et obtint des secours. Jean de Brienne
étant mort à Constantinople, Baudouin avait
hâte de revenir dans ses Etats; mais les com-
pagnons d'armes qu'il avait si péniblement
recrutés (1239) le quittèrent en route et ga-
gnèrent la Palestine. Sans se décourager ,
l'empereur revint en France, visita l'Angle-
terre et l'Italie, et, avec quelques soldat», il
regagna Constantinople. Ayant forcé Vatace
à conclure une trêve de trois ans, Baudouin
se hâta de revenir en Occident, espérant y
organiser de nouveaux secours. En vain dé-
montra-t-il au concile de Lyon (1244) l'inté-
rêt qu'avait la France à soutenir l'empire
latin de Constantinople; l'expédition de saint
Louis en Egypte était résolue, et Baudouin
dut se résoudre à essayer de se défendre avec
ses seules forces; mais, en 1251, effrayé des
progrès toujours croissants de Vatace, il par-
courut de nouveau l'Europe, demandant par-
tout des secours, et ne trouvant partout qu'in-
différence. Sous le successeur de Vatace ,
Lascaris, le dernier empereur latin, décou-
ragé, presque seul au milieu d'un pays en-
nemi, se retira au fond de son palais, atten-
dant les événements qu'il n'était plus en son
pouvoir de diriger. Michel Paléologue, qui
s'était fait associer fe. l'empire de Nicée, vint
mettre le siège devant Constantinople, y pé-
nétra par un souterrain, le 29 juillet 1261, et
força, sans combat, Ja faible garnison à se
rendre. De son palais, Baudouin put contem-
pler l'incendie de la ville; il se fit porter par
une barque à Négrepont, puis se retira en
Italie. En 1270, Baudouin fut sur le point de
conduire une nouvelle croisade à Constanti-
nople; mais les désastres de saint Louis lui
enlevèrent sa dernière espérance, et il mou-
rut bientôt après.
BAUDOUIN (François), théologien et juris-.
consulte, né à Arras en 1520, mort en 1573.
Après avoir achevé ses études à Paris, il
voyagea en Allemagne, et ensuite entra en
relation avec Bucer, Mélanchthon et Calvin,
dont il fut quelque temps le secrétaire, puis il
enseigna successivement le droit à Bourges,
(1548), à Strasbourg et a Heidelberg (155S),
où il resta cinq ans. Dans ces diverses chai-
res, il s'acquit une grande réputation par sa
science profonde et son éloquence. Le chan-
celier de l'Hôpital, qui connaissait son extrême
modération, lui demanda de l'aider dans l'en-
treprise difficile qu'il avait formée de récon-
cilier les partis religieux , et d'éviter la guerre
civile. Dans ce but, Baudouin publia un ou-
vrage Sur les devoirs des vrais amis de la re-
ligion et de la patrie dans les troubles reli-
gieux, livre qui, loin d'amener le résultat
poursuivi, irrita les deux partis extrêmes.
Baudouin se vit de toutes parts accablé de
pamphlets et d'injures, et n'obtint pas plus
de succès en Flandre, où il tenta la même
œuvre de rapprochement. Antoine de Bour-
bon, roi de Navarre, le chargea de l'éduca-
tion d'un de ses fils naturels, et le nomma son
orateur au concile de Trente. Le roi de Na-
varre étant mort, Baudouin donna, avec le
plus grand succès, des .leçons publiques de
droit à Paris, puis à Angers, et fut nommé
conseiller du duc d'Anjou. Lorsque les ambas-
sadeurs polonais vinrent offrir la couronne à
ce dernier, Baudouin fut jugé seul capable de
leur répondre, de façon h faire honneur à l'é-
loquence française. Il était sur le point de se
rendre en Pologne, lorsqu'il fut emporté par
une fièvre chaude. Comme tous les hommes
de modération dans les temps de trouble,
Baudouin fut mal jugé par ses comtempo-
rains. On l'accusa d'être tantôt catholique,
tantôt calviniste ; tandis qu'il ne condamnait
que les abus et les excès qu'il voyait se pro-
duire de chaque côté. Le duc d'Anjou, depuis
Henri III, lui proposa une somme considéra-
ble pour écrire en faveur de la Saint-Barthé-
lémy j Baudouin refusa noblement. Savant du
premier ordre, il prétendait que, sans l'his-
toire, la jurisprudence n'est qu'une science
aveugle, idée qui fait l'objet de son traité de
l'Institution de l'histoire et de son union avec
la jurisprudence. Ses œuvres de jurispru-
dence , d'histoire , de théologie , de contro-
verse, etc., écrites en un excellent style, ont
été publiées par Heineccius dans le premier
volume de la Jurisprudentia attica et romana
(Leyde, 1778, in-fol.).
BAUDOUIN ou BAUDOIN (Jean), littérateur
fiançais, né à Pradelle, dans le Vivarais,vers
1590, mort en 1650. 11 se rendit à Paris, de-
vint lecteur de la reine Marguerite, et fut l'un
des premiers membres de l'Académie fran-
çaise. Doué d'une grande facilité naturelle, il
a laissé plus de soixante ouvrages, où l'on sent
beaucoup trop qu'il écrivait propter famem,
nonfamam.La. plupart de ces productions sont
de médiocres traductions d'auteurs anciens.
Pourtant, on recherche encore son Iconologie
(Paris, 1836, in-fol.) et son Recueil d'Emblè-
mes (Paris, 1638, in-fol.).
BAUDOUIN, BAUDUIN, BAUDUINS ou
BOUDEWVNS (Antoine ou Adrien-François),
peintre et graveur flamand, vivait dans la
seconde moitié du xvuc siècle. La plus grande
confusion règne dans la biographie de cet
artiste, qu'on fait naître tantôt à Bruxelles
en 1660, tantôt à Dixmude en 1640, ou même
en 1676. Descamps dit que le nom de son
maître est inconnu, et qu'il a eu deux fils pein-
tres, qui ne méritent pas de lui être comparés.
M. Ch. Blanc pense qu'il travailla d'abord a
Anvers et qu'il fut élève d'Abraham Genoels.
Il fut ensuite amené a Paris par van der
Meulen, que quelques auteurs lui donnent
pour maître; il devint son beau-frère et grava
plusieurs de ses tableaux, entre autres : la
Vue de l'armée du roi campée devant Douai,
en 16G7 ; la Prise de Dole en 1668 ; une Marche
de troupes; deux Chasses au cerf, plusieurs
paysages, les Vues d'Ardres, de Bétbune, de
Calais, de Courtray, de Salins, de Gray, des
châteaux de Fontainebleau, de Versailles, de
Joux, etc. « Baudouin était lui-même un fort
bon peintre de paysages, dit Mariette ; après la
mort de van der Meulen (1690), il retourna à
Anvers, où il s'associa avec Pierre Bout, et ils
faisaient ensemble des tableaux où l'un pei-
gnait les figures et l'autre le paysage. » Le
Louvre, la galerie des Offices à Florence, les
musées de Dresde, de Rotterdam, de Dijon, et
plusieurs galeries particulières renferment des
tableaux dus à cette collaboration. Nsegler
prétend, mais à tort, qu'il ne faut pas con-
fondre Baudouin, le graveur, avecBaudewyns,
le peintre. La plupart des biographes donnent
à cet artiste les prénoms d'Antoine-François,
quelques-uns l'appellent Nicolas; il a signé
lui-même en toutes lettres une de ses estampes
(la Lisière de bois) : Ad rien -François Bau-
duims.
BAUDOUIN (l'abbé Gabriel), né à Avesnes
(Flandre) en 1689, mort en 17C8, à Varsovie,
où il avait fondé l'hospice des Enfants trou-
vés, etoù il s'illustra pendantundemi-siècle par
la pratique de toutes les vertus évangéliques.
Entré un soir dans une grande maison où l'on
jouait, il y sollicitait des secours pour ses
pauvres abandonnés , lorsqu'un des joueurs,
impatienté, lui donna un soufflet : Ceci est
pour moi, dit-il, avec une douceur sublime;
mais maintenant, qu'y aura-t-il pour mes pau-
vres orphelins?
BAUDOUIN (Pierre-Antoine), peintre fran-
çais, né à Paris en 1723, mort dans la même
ville, en 1769. Il eut pour maître Boucher,
dont U'épousa la fille cadette en 1758. L'in-
fluence de son beau-père le fit admettre à
l'Académie en 1763. I! présenta, pour son
morceau de réception , Phryné accusée d'im-
piété devant l'aréopage, miniature qui fait par-
tie de la collection de dessins du Louvre. Il
peignit aussi des tableaux à l'huile, mais il
réussit particulièrement dans la gouache.
» Soit qu'il fût aidé par Boucher, a dit Ma-
riette, soit que ses compositions fussent entiè-
rement à lui, il y jetait un agrément qui les
faisait fort rechercher. Pour piquer davan-
tage de goût de certaines gens, il ne s'est
malheureusement que trop permis de trai-
ter des sujets licencieux. Il eût aussi bien
fait de se renfermer dans des sujets ga-
lants; il n'aurait peut-être pas tant gagné
d'argent, mais il aurait mis sa conscience à
couvert, et ne se serait pas préparé des re-
mords. » Grimm et Diderot ne se montraient
pas moins sévères, lorsqu'ils écrivaient, le
premier : « Baudouin s'est fait un petit genre
lascif et malhonnête, qui plaît fort à notre jeu-
nesse libertine ; » le second : « Toujours petits
tableaux, petites idées, compositions frivoles,
propres au boudoir d'une petite-maltresse , à
la petite maison d'un petit-maître, faites pour
de petits abbés, de petits robins, de gros finan-
ciers, ou autres personnages sans mœurs et
d'un petit goût. » Baudouin a exposé aux Sa-
lons de 1761, 1763, 1765, 1767 et 1769. Il y
avait dé lui, à cette dernière exposition, un
tableau intitulé le Modèle hqnnête, quelques
gouaches, et, qui le croirait? une suite de
Feuillets d'un liore'd'épitres et d'évangiles,
pour la chapelle du roi. Nous ne pouvons
mieux faire que de citer encore Diderot, qui
s'est exprimé dans les termes suivants à pro-
pos de ces différents ouvrages : « L'ami Bau-
douin, vous regardez trop votre beau-père,
et ce beau-père est le plus dangereux des
modèles... A votre place, j'aimerais mieux
être un pauvre petit original qu'un grand co-
piste, maître dans ma chaumière qu'esclave
dans un palais. Vous n'êtes pas sans éclat,
vos Feuillets d'évangiles ce manquent pas de
couleur ; mais il n'y a dans vos figures ni en-
semble, ni dessin, pas UDe qui n'ait quelque
membre disloqué...; ce sont ici des têtes trop
grosses, là des cuisses trop courtes... Et puis,
votre couleur, qui appelle d'abord, paraît en-
suite dure et sèche. Ce Modèle honnête est
plus vôtre, il y a plus de correction ; mais la
couleur en est fade... Vous courez à toutes
jambes après l'expression, que vous n'attei-
gnez pas ; vous êtes minaudier, maniéré, et
puis c'est tout I Pour s'allonger, on n'est pus
grand. » On ne peut que reconnaître la jus-
tesse de cette appréciation ; ce qui n'empêche
pas que ces compositions graveleuses et ma-
niérées n'aient eu un succès extraordinaire,
et ne trouvent encore aujourd'hui de nom-
breux admirateurs. A la vérité, Baudouin a
beaucoup du peintre , comme le fait obser-
ver M. Charles Blanc. « S'il manque souvent,
faute de mœurs, aux convenances morales,
en revanche, il n'oublie jamais les convenan-
ces pittoresques ; il dispose ses tableaux à
merveille et les orne avec goût; toutes les
lignes s'y agencent et s'y rachètent; toutes
les masses s'y pondèrent pour l'agrément des
yeux, et cela naturellement, sans effort. Il
tient de Boucher ce fouillis charmant, cet
heureux désordre, qui ont ravi tout le
xviiie siècle. » Plusieurs de ses compositions
ont été gravées p^r Nicolas Delaunay, Nico-
las Ponce, Choffard, Simonet, Moreau le
Jeune, etc. On remarque, dans le nombre,
l'Enlèvement, le Jardinier galant, la Fille sur-
prise et querellée par sa mère, le Carquois
épuisé , la Sentinelle en défaut, le Coucher de
la Mariée, les Amants éveillés, l'Epouse indis-
crète, le Confessionnal , etc. Cette dernière
composition, exposée en 1765, fut retirée du
Salon sur la demande de l'archevêque de
Paris. Baudouin na pouvait suffire aux com-
mandes ; il mourut jeune encore, épuisé à la
fois, dit-on, par le travail et par le plaisir.
BAUDOUIN (Simon-René), graveur fran-
çais, né en 1723, mort vers 1761. Il entra dans
la carrière militaire, fut nommé lieutenant
des gardes-françaises, puis colonel d'infante-
rie, et reçut la croix de Saint-Louis. Il avait
un goût prononcé pour les arts, et il réunit
une assez belle collection de tableaux. Il pu-
blia, en 1757, un recueil intitulé : Exercice de
l'infanterie française... dessiné d'après nature
dans toutes ses positions (64 pi. in-fol. et deux
culs-de-lampe). Il grava aussi : deux Batailles,
d'après Jos. Parrocel ; les Frileux , d'après
Téniers; le portrait du duc L. de Gontaut-
Biron; divers paysages d'après Molenaer,
Michault, Wattelet, etc.
BAUDOUIN (François - Jean) , imprimeur-
libraire, né à Paris en 1759, mort en 1838.
Elu député suppléant du tiers aux états gé-
néraux, il dut à cette circonstance d'être
nommé imprimeur de l'Assemblée nationale,
privilège qu'il conserva jusqu'en 1809. Il fut
aussi propriétaire du Logoyraphe, journal
dont il envoyait tous les jours le premier
exemplaire à Louis XVI. 11 suivit, d'ailleurs,
avec souplesse, les fluctuations de l'opinion, et
s'avança même assez pour être emprisonné,
après le 9 thermidor, sous raccusaWi de
terrorisme. Mais si sa position l'obligea de se
plier aux circonstances, -il n'en montra pas
moins le caractère le plus généreux, sauva
de la fureur du peuple l'archevêque de Paris,
en 1789, et fut un des gardes nationaux qui
tentèrent vainement d'arracher Foulon à la
mort. Ayant été chargé, en 1805, de fonder
une imprimerie à Saint-Pétersbourg, il quitta
la Russie en 1809, lors de la rupture de cette
puissance avec la France. Il publia, en 1810,
son Projet de règlement pour l'imprimerie et
la librairie, et fut appelé à exercer un poste
dans les droits réunis à Groningue, Sous la
Restauration, il obtint un emploi dans les
bureaux de 1 imprimerie et de la librairie, au
ministère de la police, et coopéra à la rédac-
tion des séances de la chambre, dans le Mo-
niteur. Ses fils exercèrent le commerce de la
librairie, et se sont fait connaître par de belles
publications, notamment la collection des mé-
moires sur la Révolution. On doit à Alexandre
Baudouin, qui fut secrétaire de la présidence
de lu chambre pendant les Cent-Jours, un
livre intéressant, intitulé : Notice sur la police
de la presse et de la librairie sous la monar-
chie, la république et l'empire (1852).
BÀudouinage s. m. (bô-doui-na-je —
rad. baudouiner). Econ. agr. Accouplement
de baudets.
BAUDOUINER v. n. ou intr. (po-doui-né
— rad. baudet). Econ. agr. Se dit de l'âno
qui saillit l'ânesse.
BAUDBAIS (Jean), littérateur et homme
politique, né à Tours en 1749, mort en 1832.
Etant venu se fixer à Paris en 1769, il fit re-
présenter divers ouvrages dramatiques, pu-
blia dans les recueils littéraires un grand
nombre de morceaux en prose ou en vers, et
fit paraître, en 1782, un poème héroï-comique,
intitulé la Vanité bonne à quelque chose. Par-
tisan zélé des idées glorifiées par la Révolu-
tion, il se jeta avec enthousiasme dans le
mouvement, remplit diverses fonctions, et
reçut, comme commissaire de la commune au
Temple, le testament de Louis XVI, qu'il con-
tre-signa. Envoyé comme juge à la Guade-
loupe en 1797, il se vit, à sa grande surprise,
placé sur la liste des complices de la conspi-
ration de la machine infernale (1800), bien
qu'il habitât depuis trois ans à 1 ,500 lieues de
Paris, et fut déporté à Cayenne, où il obtint
cependant les emplois de greffier du tribunal
et de notaire chargé de 1 état civil. Destitué
pour refus de serment à l'empereur, il put so
rendre aux Etats-Unis, y vécut du travail de
ses mains pendant treize années, et revint en
France en 1817. Baudrais y revit d'anciens
collègues plus souples, et qui étaient parvenus
aux plus hautes dignités, et il se contenta de
solliciter son admission à Bicêtre. Il fut em-
porté parle choléra, a quatre-vingt-trois ans.
Après tant de malheurs et d'aventures, il était
resté constant dans ses opinions. Ses princi-
paux ouvrages sont : Etrennes de Polymnie ;
Choix de chansons, etc. (Paris, 1785-1789,
5 vol.) ; et Essai sur l'origine et les progrès de
l'art dranmtir/ue en France (Paris, 179 1 , 3 vol.) ,
11 fut un des éditeurs de la Petite Bibliothèque
des théâtres, (1783-1790, 72 vol.).
BAUDRAN (Barthélémy), jésuite, né vers
1730 a Vienne en Dauphiné, mort à Lyon vers
la fin du siècle. Il a composé un grand nombre
d'ouvrages de piété, qui, pour la plupart, ont
pour titre l'Ame avec diverses qualifications,
comme l'Ame contemplant les grandeurs de
Dieu, l'Ame élevée à Dieu, l'Ame affermie dans
la foi, etc. Il ne signait aucun de ses ouvrages,
qui se trouvaient entre les mains de toutes les
personnes pieuses, et dont plusieurs s'impri-
ment encore de nos jours.
BAUDHAN (Mathieu), homme politique fran-
çais, mort à Vienne en Dauphiné, en 1812.
Avocat à Vienne quand éclata la Révolution,
il fut nommé juge au tribunal de cette ville, et
env.'yé par le département de l'Isère a la
Convention nationale. Il y vota la mort du roi,
sans appel et sans sursis, se rangea, an 9 ther-
midor, parmi les adversaires de Robespierre,
et remplit ensuite une mission pacificatrice
dans l'Ouest. A la séance du 27 germinal,
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an III, on lut une lettre de ce représentant, an-
nonçant que deux cents soldats de la Répu-
blique avaient rais en fuite quinze cents
chouans. Très-modéré, bien qu'ardent répu-
blicain, Baudran fut chargé d'instruire l'affaire
de Carrier, et il s'éleva avec énergie contre
les atrocités de ce scélérat. A l'expiration de
son mandat, il retourna siéger au tribunal de
Vienne; mais, quelque temps après, il reprit
sa profession d'avocat, qu il exerça jusqu'à
sa mort.
BAUDRAN (Auguste- Alexandre), graveur
français contemporain, né à Paris. Il a exposé,
en 1859, plusieurs planches d'animaux d'après
Rosa Bonheur, MM. Mélin et Van.Marcke,
pour l'Atlas de l'histoire des races bovines, pu-
blié par le ministère de l'agriculture; en 1861,
dix gravures d'après les peintures murales
exécutées par M. Claudius Jacquand, dans la
chapelle de la Vierge, à Saint-Philippe-du-
Roule; en 1863, Judas rendant le prix du sang
et un Homme armé, fac-similé de dessins de
Rembrandt; en 1865, la Ronde, fac-similé de
Campagnola, et trois fac-similé d'études d'H.
Flandrin; en 1866, le Christ expirant, d'après
Michel-Ange.
BAUDRAND (Michel-Antoine), géographe
français, né à Paris en 1633, mort en 17(70.
Elève du collège de Clermont, où il suivit les
leçons du père Briet, Baudrand devint secré-
taire des cardinaux Antoine Barberin et Le
Camus, ce qui lui permit d'assister aux con-
claves de 1655, 1667 et 1691, où furent nom-
més les papes Alexandre VII, Clément IX et
Innocent XII. Il voyagea beaucoup, et laissa
plusieurs ouvrages de géographie, notamment:
Dictionnaire géographique et historique (Paris,
1705, 2 vol.); une édition augmentée de moitié
du Lexicon geographicum.ûe Ph. Ferrarius,
(1670, in-fo); une édition du livre de Papiro
Masson, Descriptio/luminumGalliœ (1688), etc.
BAUDRAND (Marie-Etienne-François-Henri,
comte), général, né a Besançon en 1774, mort
en 1848. Il fit avec distinction les guerres de
la République et de l'Empire, fut directeur des
fortifications de Corfou de 1808 à 1813, chef
de l'état-major du génie de l'armée du nord,
en 1815, avec le grade de colonel, et, après
s'être battu à Mont-Saint-Jean, il suivit l'ar-
mée de la Loire. Nommé général de brigade
en 1821, lieutenant général en 1830, il fut at-
taché à la personne au duc d'Orléans, prit part
avec lui au siège d'Anvers en 1832, tut élevé
à la pairie cette même année, et choisi, en 183S,
pour être le gouverneur du comte de Paris.
Le portrait de ce général, peint par Ary
Scheifer, a été offert au musée de Besancon
par sa veuve, qui s'était remariée avec ^il-
lustre artiste.
Le général est en uniforme, les bras croisés,
tourné à droite et vu à mi-corps. Suivant
M. Clément de Ris, ce portrait est bien le plus
charmant et le meilleur qui soit jamais sorti
de la brosse d'Ary Scheffer. La tète est un
véritable chef-d'œuvre do vie, de solidité de
ton, de fermeté de touche.
BAUDRICOURT (Robert de), bailli de Chau-
mont et capitaine de Vaucouleurs. Ce fut lui
qui adressa Jeanne Darc à Charles VII.
BAUDRICOCRT (Jean de), maréchal de
France, mort à Blois en 1499, était fils du pré-
cédent. Après la mort du roi Charles VII, il
entra dans la ligue du Bien public , et prit
parti pour Charles le Téméraire; mais il revint
par la suite au service de Louis XI, qui lui
donna le cordon de Saint-Michel, et le chargea,
en 1477, d'une mission diplomatique en Suisse,
où il obtint du gouvernement des cantons une
déclaration par laquelle défense expresse était
faite aux citoyens, sous peine de mort, de porter
les armes contre la France. Nommé, en 1481,
gouverneur de Besançon et de la Bourgogne,
fl se rangea, après la mort du roi, dans le parti
de la régente, Anne de Beaujeu, reçut le bâton
de maréchal en 1486, et contribua à la victoire
de Saint-Aubin-du-Cormier. Le maréchal de
Baudricourt suivit Charles VIII en Italie, en
1494, et mourut sans postérité.
BAUDRIER s. m. (bo-dri-é — du v, fr.
baudre, morceau de cuir). Bande ordinaire-
ment do cuir, qui se porte en sautoir, et qui
soutient un sabre ou une épéc : N'avez-vous un
si beau baudrier d'or que pour y suspendre une
épée de paille? (Alex. Dum.)
Un baudrier noué d'un crêpe tortillé.
Reonard.
— Asir. Baudrier d'Orion, Etoiles brillantes,
au nombre de trois, disposées en ligne à peu
près droite, dans la constellation d'Orion.
— Bot. Baudrier de Neptune, Nom vulgaire
de la laminaire sucrée, ainsi appelée à cause
de sa longueur et de sa forme aplatie.
— Encycl. L'usage àuiaudrier remonte à une
haute antiquité. Virgile raconte qu'Euryale en-
leva h Rhamnès, pendant son sommeil, un
baudrier orné de clous dorés, et qu'Enée re-
connut sur l'épaule de Turnus le baudrier de
Pallas, fils d'tvandre. On voit aussi des bau-
driers dans les bas-reliefs de la colonne An-
tonine et de la colonne Trajane. Au moyen
âge, les chevaliers en avaient pour soutenir
l'écu sur la cuisse gauche, et aussi quelquefois
pour porter l'épée. L'habit que portaitTurenue,
les jours de combat, était ceint d'une écharpe,
et croisé d'un baudrier semblable a la bandou-
lière de nos suisses d'église. Une ordonnance
de 1616 doiroa a chaque fantassin un baudrier
ue cuir très-fort, et large de 0 m. 16 à 0 m. 18;
Louis XIV le supprima, mais une ordonnance
de 1779 le fit revivre, eu réduisant sa largeur
k 0 m. 05 ; il se composait de trois parties : la
bande, le passant et les boucles. Nos officiers
ont longtemps porté le baudrier par-dessus
l'habit, et c'est pour le retenir sur l'épaule
qu'on a créé l'épaulette et la contre-épaulette.
Il en résultait que l'officier en marche pouvait
rejeter l'épée en arrière, afin qu'elle ne gênâf,
pas ses mouvements, et que, lorsqu'il était de
garde, il pouvait se coucher sans quitter l'épée.
Plus tard, nos officiers ne portèrent plus que
des baudriers de dessous, qui ne présentent
aucun de ces avantages.
BAUDR1LLART (Jacques- Joseph) , agro-
nome français, né à Givron en 1774, mort en
1832. Fils de simples cultivateurs, il lit partie,
en 1792, du bataillon des Ardennes? entra dans
l'administration de l'armée, qu'il quitta en 1801,
pour entrer l'année suivante dans l'adminis-
tration forestière, où il obtint, en 1819, le grade
de chef de division. On lui doit un grand
nombre d'ouvrages très-estimés, sur la cul-
ture des arbres, les matières forestières, etc.
Les principaux sont : Plantations des routes et
avenues (1809) ; Mémoires sur la pesanteur spé-
cifique des bois, etc. (1815); Dictionnaire de la
culture des arbres (1821); Code forestier, avec
un commentaire (1827); Code de la pèche flu-
viale, avec un commentaire (1829, 2 vol.) ; et
surtout son Traité général des eaux et forets,
chasses et pèches (182 1-1834, 10 vol. in-4"), avec
trois atlas, ouvrage qui fait encore aujourd'hui
autorité. On lui doit, en outre, les traductions
de l'allemand de l'Instruction sur la culture
des bois par Hartig, du Manuel forestier par
Burgsdorff, et la publication de deux recueils :
le Mémorial forestier (1801 à 1807, 6 vol.) ; et
le Mémorial forestier (1808-1816).
BAUDR1LLART (Henri-Joseph-Léon), éco-
nomiste français, fils du précédent, né à Paris
en 1821, fit d'excellentes études au collège
Bourbon. Plusieurs fois lauréat du grand con-
cours, il préparait son agrégation de philoso-
phie, lorsque la révolution de Février éclata.
Initié aux études ardues, il s'appliqua k la
solution des questions sociales, dont 1848 ve-
nait de soulever le redoutable problème. Elles
ne lui étaient d'ailleurs pas complètement
étrangères, car il avait obtenu, en 1846, le prix
d'éloquence à l'Académie française pour son
Eloge de Turgot, ouvrage dans lequel la gra-
vité du fond était habilement voilée sous l'élé-
gance de la forme.'
Bien que doué d'un talent littéraire reconnu,
il sembla se trouver dans son élément dès qu'il
eut abordé les questions d'économie politique,
et il se distingua dans cette branche de connais-
sances d'une manière si spéciale, qu'en 1850
M. Michel Chevalier le désigna comme le plus
digne de le suppléer dans sa chaire au Collège
de France. Malgré le peu d'ornements que
comporte le développement de semblables ma-
tières, il sut rendre son enseignement at-
trayant, en le relevant par les grâces d'une
diction claire et élégante. Lorsqu'en 1855, le
départ de M. Joseph Garnier laissa vacante la
place de rédacteur en chef du Journal des
Economistes, elle lui fut offerte, et il s'y établit
assez solidement, pour qu'on ne regrettât pas
trop vivement son prédécesseur.
En 1856, M. Henri Baudrillart épousa la fille
de M. Silvestre de Saoy, et son beau-père,
heureux de pouvoir légitimer le népotisme par
le talent de son gendre, le fit admettre au
nombre des rédacteurs des Débats. Cette fa-
veur était méritée, car, depuis longtemps, le
nouveau venu avait fait ses preuves et terminé
son noviciat; il était passé maître.
Professeurau Collège de France, possesseur
de deux organes de publicité fort accrédités à
l'âge de trente-cinq ans, M. Baudrillart n'a
cessé depuis ce jour- d'augmenter par de re-
marquables travaux sa réputation d'habile
économiste , marchant sur les traces de
MM. Say et Edouard Laboulaye. Plusieurs
fois, l'Académie a couronné ses oeuvres. Son
étude sur Jean Bodin et son temps (1853), ta-
bleau des théories politiques et des idées éco-
nomiques du xvic siècle, qui se recommande
Par la solidité de l'érudition et l'exactitude do
analyse, lui valut le grand prix Montyon. La
même distinction fut accordée plus tard à son
Manuel d'économie politique (1857), ouvrage
très-estimé. M. Baudrillart a vu couronner suc-
cessivement, par l'Académie française et par
l'Académie des sciences morales et politiques,
sç^s leçons du Collège de France, qu'il avait
reunies- sous le titre de : Rapports de la mo-
rale et de l'économie politique (1860), deux
sciences essentiellement et étroitement liées
l'une à l'autre.
Chargé de traiter, dans le Journal des Débats,
toutes les questions relatives à l'économie po-
litique, il s acquitte de cette tâche en homme
qui possède parfaitement son sujet. Nul écri-
vain n'a mieux apprécié la question du libre
échange, qu'il a puissamment contribué à po-
pulariser.
M. Baudrillart se délasse de ses graves et
sérieux travaux, par de fréquentes excursions
dans le champ de la littérature. Sous le titre de
Variétés, il a publié une série d'articles sur
MM. Royer-Collard, Cousin, Maine de Biran,
etc., études réunies en volume sous le titre de
Publicistes modernes (1862). Il a donné à la
Revue des Deux-Mondes- quelques comptes
rendus bibliographiques.
Comme écrivain, M. Henri Baudrillart se
distingue par la clarté qu'il a su répandre sur
les questions si obscures de l'économie poli-
tiques, par l'élégance et l'ampleur de son style.
On pourrait désirer de trouver dans ses articles
un peu plus d'abandon, une plus grande viva-
cité d'allure, surtout pour les sujets littéraires ;
mais il est naturel qu'un esprit toujours préoc-
cupé des problèmes les plus ardus ne puisse
pas revêtir subitement une physionomie riante
et badine. L'habitude de la réflexion commu-
nique une certaine lenteur au style ; aussi,
M. Baudrillart sait mieux creuser un sillon'
qu'effleurer un sujet.
Depuis longtemps, dès la mort de M. de
Tocqueville, l'Académie des sciences morales
avait réclamé M. Baudrillart comme sien, se
distinguant de l'Académie française en ce point,
qu'en fait de titres, elle n'a d'égard qu'aux
titres scientifiques. 11 était juste qu'un écrivain
accoutumé aux couronnes académiques fût
appelé à les décerner à son tour.
BAODRIMONT (Alexandre-Edouard), chi-
miste, né à Compiègne en 1806. 11 est aujour-
d'hui professeur de chimie à la faculté des
sciences de Bordeaux. Ses principaux ou-
vrages sont : Introduction à l'étude de la chi-
mie par la théorie atomique (1834) ; Du sucre
et de sa fabrication (1841); Traité de chimie
générale et expérimentale (1845) ; De l'exis-
tence descourants interstitiels dans le sol arable
(1851) ; et une grande quantité d'articles dans
les recueils scientifiques, etc.
BAUDROIE s. f. (bo-droî — du fr. baudrier).
Ichthyol. Genre de poissons acanthoptéry-
giens; à pectorales pédiculées, remarquable
Sar la grosseur de leur têic et la grandeur
e leur gueule.
— Encycl. La baudroie est un poisson de
grande taille, il atteint jusqu'à 1 m. 70 de lon-
gueur ; il est remarquable aussi par sa confor-
mation bizarre et par sa voracité. Il appartient
à l'ordre des acanthoptérygiens, famille des
pectorales pédiculées, et présente les carac-
tères suivants : tête énorme, déprimée, épi-
neuse ; gueule très-fendue, armée de dents sur
les mâchoires, les palatins et le vomer ; ab-
sence de sous-orbitaire; six rayons à la mem-
brane branchiostége, recouvrant trois arceaux
branchiaux ; deux dorsales. Les branchies
n'ont que trois feuillets seulement de chaque
côté, tandis que les autres acanthoptérygiens
en ont quatre. La baudroie se tient ordinaire-
ment sur le sable, ou s'enfonce dans la vase, et
elle fait flotter au-dessus les longs filets armés
de pelotes charnues, qui garnissent sa tête; ces
pelotes servent d'appât pour attirer les petits
poissons, qu'elle engloutit dans sa gueule. Elle
est douée d'une grande force et peut vivre
longtemps hors de l'eau. Rondelet affirme
qu'une baudroie, abandonnée pendant deux
jours dans les herbes du rivage, saisit la patte
d'un jeune renard, qui ne put se dégager
qu'avec beaucoup de peine. Parmi les espèces
qui habitent nos mers, nous citerons la bau-
droie commune, appelée aussi raie pécheresse
et diable de mer (lophius piscatorius de Linné),
et la baudroie a petites nageoires (lophius
paroipennis de Cuvier).
BAUDRON. (Antoine-Laurent), premier vio-
lon du Théâtre-Français, né à Amiens en
1743, mort en 1834. Elève de Gavinés pour le
violon, il fut admis à l'orchestre du Théâtre-
Français en 1763, et devint le chef de cet or-
chestre en 1766. C'est lui qui composa la
nouvelle musique du Pygmalion de J.-J. Rous-
seau et les airs du Mariage de Figaro, à
l'exception du vaudeville final, qui est -de
Beaumarchais. Baudron écrivit, en outre, un
grand nombre de morceaux, et la musique du
troisième acte à'Athalie, remplacée tout ré-
cemment par la symphonie avec chœurs écrite
par M. Jules Cohen, pour ajouter a la pompe
de cette tragédie. Les ouvrages de Baudron
n'ont pas été publiés.
baudroyer v. a. ou tr. (bô-droi-iô — du
v. fr. baudre, morceau de cuir). Corroyer.
Il V. mot.
baudroyeur s. m. (bô-droi-ieur — rad.
baudroyer). Corroyeur. 11 V. mot.
BAUDRUCHE s. f. (bô-dru-che — du v. fr.
baudre, morceau de cuir). Pellicule mince et
légère, qu'on fabrique avec le cœcum du bœuf
et du mouton, et qui est spécialement em-
ployée par les batteurs d'or ■. Une feuille de
baudruche. Un petit ballon en baudruche, il
On l'appelle peau divine, lorsqu'on l'emploie
pour la guérison des coupures.
— Encycl. V. Batteur d'or.
BAUDRUCHEUR s. m. (bô-dru-chour —
rad. baudruche). Techn, Ouvrier batteur d'or,
oui emploie la baudruche : Les ouvriers se
divisent en mouleurs, baudrucheurs et fon-
deurs. (Vinçard.)
BAUDRY. V. Baldéiîic.
BAUDRY (Paul- Jacques- Aimé), peintre
français, né a Napoléon-Vendée en 1828, vint
étudier à Paris aux frais de sa ville natale,
entra dans l'atelier du classique Drolling, et
remporta, en 1850, le premier grand prix de
Rome : le sujet du concours était Zènobie re-
trouvée sur les bords de l'Araxe. Pendant son
séjour à la villa Médicis, le jeune artiste se
livra à l'étude approfondie des chefs-d'œuvre
de l'art italien. Parmi les envois qu'il fit de
Rome, on remarqua, en 1855, une excellente
copie de la Jurisprudence de Raphaël, et une
petite esquisse originale, pleine de promesses,
représentant César mort au pied de la statue
de Pompée. Mais ce fut par son envoi de der-
nière année (1857) que M. Baudry commença
à attirer sérieusement l'attention du public;
cet envoi se composait de deux tableaux
le Supplice d'une vestale et la Fortune et le
jeune enfant, qui ont pris place l'un et l'autre
au musée du Luxembourg, après avoir été
exposés au Salon de 1857. Indépendamment
de ces deux ouvrages, qui furent très-applau-
dis, mais où la critique signala néanmoins des
imitations trop peu déguisées de certains
maîtres italiens, M. Baudry exposa une Léda,
inspiration gracieuse et originale, d'une cou-
leur très-séduisante; un Saint Jean- Baptiste
enfant, et un très-beau portrait de M. Beulé.
A propos de cette brillante exposition , qui
valut a l'artiste une médaille de lr<s classe,
M. Maxime du Camp écrivit les lignes sui-
vantes dans la Revue de Paris : « M. Baudry
a certaines vertus innées, qui font les bons
peintres et leur permettent, par le travail et
la réflexion, de devenir grands artistes. Mieux
q_ue personne, il possède la valeur des tons,
1 harmonie générale, le charme des colora-
tions, et ce je ne sais quoi de doux et d'at-
trayant, qui est comme l'émanation spéciulo
d'une âme s'interprétant elle-même. A côté de
ces qualités, qui, seules, suffiraient à le placer
hors du vulgaire, il a quelques défauts, que sa
jeunesse explique amplement. Le jour ou il se
sera complètement assimilé les maîtres, le
jour où l'étude sérieuse qu'il en a faite sera
en lui à l'état d'expérience, et non plus de ré-
miniscence, nous aurons un véritable artiste,
propre aux grandes conceptions de l'esprit et
aux exécutions savantes de la main. »
Au Salon de 1859, M. Baudry soutint faible-
ment sa réputation naissante : il exposa une
Madeleine pénitente, figure mollement peinte,
et d'un caractère plus mondain que religieux,
et une Toilette de Vénus, composition d'un
coloris agréable, mais d'une élégance mêlée
d'afféterie ; il fit preuve d'un talent plus ferme,
plus mâle dans ses portraits de M. le baron
Jard-Panvillier, de M. de Vilgruy, de Mme de
L.-B., et surtout dans une délicieuse tête
d'enfant, Guillemette, esquisse puissante, rap-
pelant, par le charme de la couleur et de
l'expression, la célèbre infante de Velasquez.
Pour répondre a ceux qui lui reprochaient de
ne pas avoir encore produit d œuvres bien
personnelles, M. Baudry peignit et exposa, en
1861, Charlotte Cordny venant de hier Marat,
peinture fort discutée et très- diversement
appréciée par les critiques parisiens, mais qui
fut, sans contredit, le tableau le plus populaire
du Salon. Il envoya, en outre, deux tableautins
d'une grande finesse de coloris, Cybèle et
Amphitrite, esquisses des décorations exécu-
tées par lui dans le salon de M» la comtesse
de Nadillac; le portrait du Fils de madame la
comtesse Swieytowska en petit saint Jean, toile
des plus séduisantes; un portrait magistral do
M. Guizot, et trois autres portraits d'un mérite
secondaire, ceux de M. le baron Charles Du-
pin, de M"e Madeleine Brohan et do M. le
marquis B.-C. de la F. M, Baudry obtint un
rappel de médaille de lr<= classe et fat décoré
à la suite de cette exposition. Toutefois, loin
de se faire illusion sur le succès de sa Char-
lotte Corday, il comprit qu'il ne possédait pas
les qualités requises pour l'expression des
hautes passions du draine, et il en revint aux
sujets de la Fable, dans lesquels il lui était
permis de déployer toutes les séductions de sa
brillante manière. Son principal tableau du
Salon de 1863, la Perle et la Vague, une femme
nue couchée au bord de la mer, montra, sui-
vant un critique, « jusqu'où l'on peut arriver
lorsque, ne cherchant que la grâce, on ne sait
pas la contenir dans les limites au delà des-,
quelles elle change de nom. » Cette Océanide,
aux yeux brillants et limpides, au torse vo-
luptueusement arrondi, obtint un grand succès
près de certains amateurs; mais des critiques
sévères blâmèrent, dans cette figure, le défaut
de style, la mollesse du modelé, la couleur
Elâtreuse des carnations. On reconnut du moins
is qualités du coloriste, sa facilite étonnante,
son habileté, son esprit dans le portrait do
M. Giraud et dans celui de M»e E.
M. Baudry n'a pas exposé au Salon de 1864 ;
il a envoyé a celui de 1885 une Diane chassant
à coups de gaule un Amour, qui est venu es-
sayer contre elle la vigueur de ses traits,
composition d'une jolie couleur, mais d'une
élégance un peu affectée, et un excellent petit
portrait d'homme peint dans la manière d'I-lol-
bein. Ces deux ouvrages, malgré leur mérite,
n'ont assurément rien ajouté à la réputation
de |M. Baudry ; on attend encore que cet ar-
tiste, qui s'est placé, dès son début, parmi les,
maîtres de notre école contemporaine, réalise
les grandes espérances qu'avaient fait conce-
voir la Léda et la Fortune; il ne suffit pas, en
effet, qu'il se maintienne à la hauteur de ces
premières œuvres, auxquelles on a donné
d'autant plus d'éloges qu'on les savait être do
la main d'un élève; le public, qui lui a fait si
bon accueil, et les nombreux admirateurs de
son talent sont en droit de lui demander da-
vantage ; il faut qu'il renonce aux puérilités
de la peinture erotique, dans lesquelles son
pinceau finirait par s'affadir et s'énerver, et
qu'il s'efforce d atteindre aux grandes con-
ceptions, au grand art : il est assez jeune
encore, et il a assez de qualités pour y pré-
tendre.
Au moment où nous écrivons ces lignes, lo
Salon de 1866 est ouvert au public. C'est avec
le plus grand regret que nous y constatons
l'absence de M. Baudry. Les nombreux tra-
vaux décoratifs dont cet artiste a été chargé
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dans ces derniers temps ne lui ont sans doute
pas laissé le temps de peindre pour l'exposi-
tion. C'est à lui qu'a été confiée la décoration
du foyer du nouvel Opéra. Parmi les peintures
décoratives qu'il a déjà exécutées, outre celles
du salon de Mme la comtesse de Nadillac, nous
citerons : les Douze dieux, avec des groupes
d'enfants portant leurs attributs; Venus et
Diane ( dessus de porte ) , dans l'hôtel de
M. Achille Fould(186l); cinq tableaux pour
dessus de portes : Rome, Venise, Gênes, Na-
ples et Florence, dans le grand salon de
l'hôtel du duc de Galliera (1S62); cinq tableaux-
cartons pour tapisseries, représentant les cinq
sens, en voie d'exécution aux Gobelins, pour
le palais de l'Elysée, etc.
BAUDRY D'ASSON (Antoine), théologien
français, morte. Paris en 1668. Issu d'une très-
ancienne famille du Poitou, il y possédait
un prieuré, lorsque, entraîné par ses convic-
tions jansénistes, il vint se retirer, en 1647, h
Port-Royal-des-Champs. Après la suppression
de ce monastère, en 1662, il alla demeurer près
de Popincourt, où il termina sa vie. On lui attri-
bue divers écrits, notamment : Placet pour les
abbesse, prieure et religieuses de Port-Royal
(1664) ; Lettre à la mère Dorothée (1667) ; Let-
tre au P. Annat, jésuite, etc. ; et une part de
collaboration dans l'ouvrage intitulé Morale
pratique des jésuites.
.BAUDRY D'ASSON (Gabriel), chef vendéen,
né près de la Châtaigneraie vers 1755, mort
en 1793, appartenait à la famille du précédent.
Il avait quitté le service militaire avant la
Révolution, et vivait à sa terre de Bracham,
lorsqu'il fut nommé, en 1789, commandant de
la garde nationale de son canton. En 1792,
lors des premiers mouvements insurrection-
nels, il se mit à la tête des paysans, s'empara
de Châtillon, attaqua Mortagne, mais fut dé-
fait, et vécut six mois caché dans un souter-
rain. Lors de la grande explosion vendéenne,
en mars 1793, il reparut à la tête de nouvelles
bandes, commanda une division de l'armée du
centre, figura avec éclat dans plusieurs affai-
res, et fut tué à la bataille de Luçon. — Son
frère, Esprit Baudry, servait dans les rangs
républicains, et l'on prétend que les hasards
de la guerre les mirent souvent en présence.
Son fils fut tué à la bataille du Mans, et l'un
de ses parents signa le traité de paix de la
Jaunaye, en 1795.
BAUDRY DES LOZIERES (Louis-Narcisse),
voyageur et littérateur français, né à Paris en
1761, mort en 184!. Il fut successivement
avocat, colonel inspecteur des dragons à
Saint-Domingue, et conseiller au Port-au-
Prince. A son'retour en-France, il entra dans
les bureaux de la marine, et devint historio-
graphe de ce ministère. Il fut grand admira-
teur de Napoléon, et il a publié plusieurs ou-
vrages dontle but était surtout d affirmer son
admiration, notamment ; Aithès ou le Héros
chéri des dieux, une des plus anciennes histoi-
res imitées des Grecs, contenant les hauts faits
d'un grand homme, son enfance, sesplaisirs, sa
politique, son élévation et la récompense de ses
vertus (Paris, 1804, 2 vol. in-12). Ainsi qu'on
le devine, le héros de ce livre, était Napoléon.
Baudry des Lozières, malgré ses intentions
peu douteuses, fut moins heureux avec les
Soirées d'hiver du faubourg Saint-Germain
(Paris, 1809, in-S°), ouvrage qui fut saisi par
la police impériale, à cause de la préface, où
l'auteur n'avait pas craint de donner son opi-
nion sur la conscription. Il a écrit aussi la re-
lation de ses Voyages à la Louisiane. .
Baudry (Jean), drame en quatre actes et en
prose, par M. Auguste Vacquerie, représenté
f>our la première fois sur le Théâtre-Français
e 19 octobre 1863. Jean Baudry, riche négo-
ciant du Havre, se trouvait un jour au milieu
d'une foule, quand, en se retournant, il saisit
une main qui laissa tomber son portefeuille.
C'était la main d'un enfant en guenilles, mai-
gre et chétif. Au lieu de livrer le voleur à la
justice, Baudry l'emmena chez lui et se voua
à la rédemption de cette âme si jeune et déjà
pervertie. Il la purifia par l'affection, et l'enno-
blit si bien par l'étude, que, onze ans après, le
jeune Olivier était devenu un homme, un être
moral, et qu'il put entrer dans la vie, l'âme en-
tourée de cette triple armure qui s'appelle
l'instruction. C'est à ce moment que s'engage
l'action, et, dès le premier acte, qui se passe à
Paris, nous connaissons déjà 1 amour d'Oli-
vier pour Andrée, la fille d'un riche armateur
du Havre, M. Bruel, intime ami de Jean Bau-
dry. Mais Olivier s'irrite contre sa pauvreté,
qui ne lui permet pas d'être heureux en épou-
sant celle qu'il aime ; il lance des imprécations
contre l'or, son rival, et il se décide à deman-
der au jeu la fortune, que sa profession lui
ferait attendre trop longtemps. En vain, Jean
Baudry s'oppose de toutes les forces de son
affection à un projet aussi insensé; ni ten-
dresse ni sévérité n'obtiennent rien de cette
âme en proie à la tentation, et, le soir même,
le malheureux doit jeter sur une carte ou sur
un dé une somme de 20,000 francs qu'il a em-
pruntée à un usurier. Mais une fatale nou-
velle arrive à Bruel. Un sinistre maritime l'a
complètement ruiné; il faut qu'il retourne en
toute hâte au Havre, car il ne s'agit de rien
moins que d'une faillite. Heureusement, Jean
Baudry est là, et propose à Bruel de partager
sa fortune. Le négociant ne veut pas ac-
cepter un bienfait dont il ne peut espérer, dé-
sormais, de pouvoir jamais s'acquitter; alors,
Jean Baudry lui demande la main d'Andrée.
lia toujours aimé la fille de Bruel, mais il ne
s'était jamais déclaré, par une sorte de pudeur
naturelle à un homme de quarante-six ans en-
vers une jeune fille : ce mariage forcera Bruel
à accepter les moyens de parer aux désastres
qui le menacent. Celui-ci accueille avec re-
connaissance la demande que lui fait son ami;
quant à Andrée, bien que, dans son cœur, ce
soit Olivier qu'elle aime, elle n'a pas le droit de
repousser l'offre généreuse que lui fait un
'homme loyal et sincère; et d'ailleurs, le salut
de son père en dépend; elle n'hésite donc pas
à accepter la main de Jean Baudry : « Il me
semble que tous les jeunes gens vont être
jaloux de moi, • s'écrie alors celui-ci, sacs se
douter qu'en effet, il a déjà un rival auquel il
devra disputer son bonheur, et que ce rival
s'appelle Olivier. En effet, averti de la ruine
d'Andrée, 01ivier-#st venu en toute hâte au
Havre, sûr, désormais, d'obtenir ce que sa
pauvreté lui eût fait refuser auparavant. Mais
Andrée lui apprend ce qu'elle a fait au nom
du bonheur de son père ; alors reparaît, dans
toute son âpreté sauvage, la nature ingrate et
encore mal redressée d'Olivier. Il s'indigne
contre son bienfaiteur ; il le méconnaît, et ose
blasphémer contre son nom. Cependant, il
promet de se contenir; mais un quiproquo ré-
vèle bientôt à Jean Baudry la rivalité de son
fils adoptif. Quoi I celui qu il a sauvé de l'ab-
jection- et de la honte, alors qu'il voulait lui
voler son or, a-t-il donc le droit de lui voler
son bonheur? Le pauvre homme se révolte à
cette pensée, et enjoint à Olivier de retourner
à Paris. « Ah ! l'on me chasse, ■ dit Olivier, en
qui le naturel revient alors plus brutal que
jamais 1 A l'instant même, son 'parti est pris.
Il s'en ira ; mais auparavant il veut voir encore
Andrée et lui parler. Il lui ordonne de l'at-
tendre chez elle à minuit, et de lui ouvrir sa
porte; mais Andrée, effrayée, confie ses pres-
sentiments à Jean Baudry, et lorsque, la nuit
venue, Olivier arrive, comme un voleur, frap-
per à la porte d'Andrée et la sommer de lui
ouvrir, c'est Jean Baudry qui lui apparaît,
pour l'accabler du souvenir des bienfaits dont
il l'a comblé. Il lui reproche amèrement d'être
venu le dépouiller, la nuit, de la seule joie
qui souriait encore à son existence : « Misé-
rable, lui dit-il, tu viens lutter avec ton pro-
tecteur. Soit; luttons. Mais viens avec ta
jeunesse toute seule ; commence par ôter cet
habit qui m'appartient et par remettre tes
guenilles ; et nous verrons si mes rides ne va-
lent pas tes haillons. » A cette insulte/Olivier
bondit sur son père adoptif : Jean Baudry,
impassible, croise les bras et le regarde. Alors,
cette nature abrupte se retourne brusquement
vers le bien et s'humilie. Olivier n'implore pas
son pardon; il n'en veut pas. Ce qu'il lui faut,
c'est une expiation, et il attend l'arrêt qui
décidera de son sort. Mais Baudry n'a pas été
sans s'apercevoir qu'Andrée aime Olivier,
bien qu'elle se le cache à elle-même ; aussi
son sacrifice est-il résolu. Il quittera cette
maison, pour n'y plus rentrer jamais, et il ira
traîner son cœur vide "dans le monde désert.
Le paquebot va partir; le moment des adieux
est arrivé; il veut prendre la main d'Andrée
pour la mettre dans celle d'Olivier ; mais Oli-
vier s'arrache par la fuite à un bienfait aussi
écrasant.
Jean Baudry est la première victoire que
M. Auguste Vacquerie ait remportée au théâ-
tre, victoire d'autant plus éclatante que les
précédents échecs avaient été plus bruyants.
Ses. caractères sont tracés de main de maître,
et l'écrivain a su les amener jusqu'à l'extrême
limite de l'idéal, sans les faire tomber dans
l'invraisemblance ou le surhumain. Certes,
les Jean Baudry sont rares; tant de vertu,
d'amour, de dévouement et d'abnégation sont
difficilement rassemblés dans un homme; mais
M. Vacquerie a eu soin de ne pas en faire un
modèle d'infaillibilité impossible ; Jean Baudry
n'est étranger à rien d'humain, et c'est préci-
sément ce qui nous le fait aimer. Quant à
Olivier, c'est le caractère le plus profondé-
ment fouillé qui soit dans la pièce. Il est vrai
de tous points, et il faut savoir gré à M. Vac-
querie d'un dénoûment qui laisse dans le
cœur plus de pitié que de haine pour cet être
sauvago , que l'éducation n'a pu amender
complètement. Andrée et son père sont des
ombres au tableau, qui le mettent en lumière
et le font habilement ressortir II n'est pas
enfin jusqu'à la vieille tante, dont les inno-
centes manies ne nous intéressent, en nous
reposant des grandes passions qui agitent les
autres personnages.
BAUDUEN, en latin Bauduenyium, village
et commune de France (Var), canton d'Aups,
arrond. et à 42 kil. N.-O. de Draguignan, sur
la rive gauche du Verdon; 772 nab. Ce vil-
lage, autrefois station romaine, porte encore
les traces de l'ancienne civilisation latine ; sur
le territoire de la commune, on trouve des
vestiges d'une voie romaine, qui allait deFré-
jus à Fiiez. Près de Bauduen, le Verdon coule
dans une gorge étroite, coupée à pic, et sur
laquelle on voit les restes d'un pont romain ;
à peu de distance de ces ruines, naît la fon-
taine de l'Evêque, dont les eaux abondantes
font mouvoir plusieurs moulins et vont se
perdre dans le Verdon. Cette source débite
près de 5 mètres cubes d'eau par seconde.
BAUDUER (Gilles-Arnaud), théologien fran-
çais, né à Peyrusse-Massas, près d'Audi, en
1744, mort en 1787. Il étudia avec ardeur la
langue hébraïque, et donna une version fran-
çaise des Psaumes (Paris, 1783, î vol. in-12).
Ce théologien entreprit aussi la traduction du
Cantique des cantiques et de quelques autres
livres du Nouveau et de l'Ancien Testament,
travail qui resta inachevé. Il a laissé un cu-
rieux Traité, en forme de conférence, où l'on
discute si l'Église pourrait aujourd'hui, sans
inconvénient, faire l'office diuiu en langue vul-
gaire.
BAUDUIN (Dominique), prêtre de l'Ora-
toire, né à Liège en 1742, mort en 1809. Il fut
longtemps professeur d'histoire à Maêstricht.
Ses principaux ouvrages sont : Essai sur l'im-
mortalité de l'âme (Dijon, 1781), réimprimé en
1805, à Liège, sous ce titre : De l'immortalité
de l'homme, ou Essai 'sur l'excellence de sa
nature (Liège, 1805, in-12); la Religion chré-
tienne justifiée au tribunal de la politique et
de la philosophie (Liège, 1788 et 1797, in-12);
Discours sur l'importance du ministère pasto-
ral, etc.
BAUDUINS (Adrien-François). V. Baudouin.
BAUDUS (Jean-Louis-Amable de), publi-
ciste français, né à Cahors on 1761, mort à
Paris en 1822. Avocat du roi au présidial de
Cahors, lors de la publication des fameuses
ordonnances de 1788, il se refusa à leur enregis-
trement et se prononça pour les parlements ;
cette conduite lui valut, malgré sa jeunesse,
dès les premiers jours de la Révolution, la
place de procureur général syndic du dépar-
tement du Lot. Mais, ayant refusé d'appuyer
l'obligation qu'on fit aux ecclésiastiques de
prêter serment à la constitution civile du
clergé, il donna sa démission et émigra en
1791. Baudus fit avec l'armée des princes la
campagne de 1792, se fixa à Hambourg et y
fonda le Spectateur du Nord, une des feuilles
les plus réactionnaires du temps. Cependant,
lorsque la puissance de Bonaparte sembla
définitivement assise, malgré les articles
plus que violents que Baudus avait écrits
contre le premier consul, il demanda à ren-
trer en France, ce qu'on ne lui accorda
qu'en 1802. Nommé archiviste du ministère
des affaires étrangères, il fut appelé, en 1808,
à Naples, par- le roi Murât, qui voulait lui
confier l'éducation de son fils. On raconte, à
ce sujet, que l'empereur, dont l'excellente
mémoire conservait toujours le nom de ceux
qui l'avaient offensé, ne voulut y consentir
qu'à la condition expresse que Baudus ne
prendrait pas le titre de gouverneur des en-
fants du roi de Naples. En apprenant la pre-
mière abdication de Napoléon, en 1814, et le
retour des Bourbons à Paris, Baudus s'em-
pressa de s'y rendre. Lors de la seconde
restauration, bien que royaliste exalté, il prit
une part active à l'évasion de Lavalette, en-
fermé à la Conciergerie, en juillet 1815, et
avec lequel il s'était lié en Allemagne. Ce fut
lui qui, la veille du jour fixé pour l'exécution,
attendit le fugitif au moment où il s'échappait
de la prison, Te fit entrer dans sa chaise à por-
teurs, le conduisit jusqu'à un cabriolet, dont le
cocher était un ami déguisé, et le remit, après
une course rapide, entre les mains de Bresson,
chef de division au ministère des affaires
étrangères, qui le cacha dans le ministère
même jusqu'au 9 janvier 1816, c'est-à-dire
pendant dix-huit jours. Attaché quelque temps
-après à ce même ministère, Baudus fut chargé
d'une mission en Allemagne et en Suisse, puis
mis à la tête d'un bureau établi pour exercer
la censure sur les journaux étrangers et les
nouvelles politiques extérieures, afin d'exa-
miner s'il convenait de les laisser se répandre
en France. Lorsque le duc de Richelieu reprit
le ministère, après l'assassinat du duc de
Berri, Baudus accepta une part dans la cen-
sure des écrits périodiques à l'intérieur;
mais, dans cette fonction si profondément anti-
libérale, il ne tarda pas à être violemment
attaqué, et l'on prétend que les attaques dont
il devint l'objet abrégèrent sa vie.
BAUER (Adolphe-Félix), général au service
de la Russie, né dans le Holstein vers 1667,
mort vers 1717. Il combattit d'abord avec dis-
tinction dans les rangs de l'armée suédoise,
puis passa en 1700 dans celle de Pierre le
Grand, à qui il rendit les plus signalés services
dans la guerre que ce prince soutint contre
Charles XII. Il contribua à la prise de Marien-
bourg, s'empara de Mittau en 1705, et, l'année
suivante, de concert avec Mentschikoff, vain-
quit les Suédois à Kalisch, en Pologne. A
Pultava (1709), il commanda l'aile gauche de
l'armée. Il apporta de grands perfectionne-
ments à la cavalerie russe.
BACER (Chrysostome), habile facteur d'or-
gues, qui vivait dans le Wurtemberg au com-
mencement du xviite siècle. Il est connu par
le perfectionnement qu'il apporta dans le mé-
canisme de l'orgue. Aux petits soufflets qu'on
multipliait pour augmenter la sonorité, il sub-
stitua les grands soufflets. Son invention fut
mise en pratique, pour la première fois, lorsque
fut réparé l'orgue de la cathédrale d'Ulm, où
il remplaça par huit soufflets de grande force
les seize soufflets anciens, qui avaient tou-
jours été insuffisants.
BAUER (Jean-Jacob), libraire allemand, né
à Strasbourg en 1706, mort en 1772 à Nurem-
berg, où il exerça sa profession. On lui doit
un ouvrage intéressant pour les bibliophiles :
Bibliotheca librorum rariorum universalis (Nu-
remberg, 1770-1772), auquel Will et Humell
ont ajouté deux 'volumes de supplément en
1778, augmentés d'un troisième en 1791.
BAUER (Charles-Louis), philologue alle-
mand, né à Leipzig en 1730, mort en 1799.
Elève du célèbre Ernesti, il étudia à fond les
langues anciennes, surtout le latin ; professa
la littérature classique, et devint, en 1766,
recteur du gymnase de Hirschberg, en Silésie.
On a de lui, outre un grand nombre de disser-
tations, des ouvrages de philologie estimés ;
Glossarium Theodoreleurn (Halle, 1769); Ex-
cerpta £iuïana.(l80l) ; Dictionnaire allemand-
latin, etc.
BAUER (Ferdinand), peintre autrichien, nA
à Feldsperg en 1744, mort en 1SÎ0, Porté par
ses goûts vers l'étude de la nature, Bauer,
tout jeune encore, se mit à dessiner et à
peindre des fleurs et des plantes, dont l'en-
semble formait, en 1782, soixante volumes
in-folio, achetés par le prince de Lichtenstein.
Ayant accompagné en Grèce le docteur Sib-
thorp, en 1787, il y dessina les magnifiques
planches qui ornent la Flora grœca, publiée par
Smith; puis il fit partie de l'expédition en Aus-
tralie du capitaine Flinders, expédition à la-
5uelle on doit- le plus bel ouvrage de Bauer :
llustraliones florœ Novœ Hollandiœ (Londres,
1813, in-fol.).
BAUER (Georges-Laurent), antiquaire alle-
mand, né à Heidelberg en 1754, mort en 1806.
Successivement professeur de morale et de
littérature orientale à Altdorf, en Bavière, et
de théologie à Heidelberg, Bauer se livra pen-
dant toute sa vie à l'étude des antiquités bi-
bliques. On a de cet infatigable travailleur un
grand nombre d'ouvrages d'exégèse, de théo-
logie, de grammaire, dont M. Mensel a donné
la longue liste dans son Gelchrte Teutschland.
BAUER (Antoine), jurisconsulte allemand,
né à Marbourg en 1772, mort en 1843. Après
avoir été professeur de droit à Goettingue, il
devint conseiller de justice. Après 1813, il fit
partie de la commission chargée de rédiger
les projets de code pénal et d'instruction cri-
minelle. Il est auteur de plusieurs ouvrages
de droit, et; entre autres, d'un Manuel de droit
naturel, ou les principes sont traités d'une
manière toute philosophique.
BAUER (Bruno), critique, historien et philo-
sophe allemand, né à Eisenberg dans le duché
de Saxe-AItenbourg, le 6 septembre 1809.
Après avoir fait ses études à l'université de
Berlin, il fut reçu docteur en théologie en
1834. Disciple de Hegel, il sembla d'abord
poursuivre la conciliation de la philosophie et
de la théologie. C'est la pensée qu'on voit
dominer dans ses premières œuvres : Critique
de la Vie de Jésus de Strauss, publiée dans les
Annales de critique scientifique de Berlin (1835-
1836) ; Journal de théologie spéculative (1838) ;
Exposé critique de la religion de l'Ancien Tes-
tament (1838). En 1839, il fut nommé profes-
seur à Bonn (Prusse Rhénane). Ses études
bibliques et la nature de ses doctrines et de
son esprit, en l'engageant de plus en plus dans
une voie qui aboutissait à la négation radicale
de tout christianisme et de toute théologie, ne
devaient pas tarder à amener la rupture de cette
attache officielle. Devenu un des chefs de la
jeune école hégélienne, il avait fait paraître suc-
cessivement : le Docteur Hengstenberg (1839);
l'Eglise évangélique de la Prusse, et la science
(1S40) ; Critique des faits contenus dans l'Evan-
gile de saint Jean (1840); Critique de l'histoire
évangélique des synoptiques (184 1), lorsque
l'autorité, émue de la hardiesse de ses néga-
tions, lui interdit de faire son cours (1842). Il
se retira alors à Berlin, et rompit d'une ma-
nière éclatante avec l'Eglise de son pays, en
publiant: la Question de la liberté et ma propre
affaire (1843). Le gouvernement suisse fit
saisir, avant l'impression, son Christianisme
dévoilé (Zurich, 1843), où il résumait ses opi-
nions sur la religion, et qu'il avait fait pré-
céder de deux pamphlets : Hegel l'athée et les
trompettes du Jugement dernier, et la Théorie
de Hegel sur l'art et la religion.
A partir de 1843, nous voyons M. Bruno
Bauer aborder la politique et 1 histoire, en une
suite d'ouvrages qui ne manquent ni de vi-
gueur ni d'originalité : la Question juive (1Z4&) ,
brochure où, se séparant de ses amis, il sou-
tient que les juifs n'ont pas le droit de reven-
diquer leur émancipation politique s'ils ne
commencent par s'émanciper eux-mêmes de
leurs propres croyances ; Faits de l'histoire
des temps modernes depuis la Révolution fran-
çaise (1843-1844) ; Histoire de la politique, de
la civilisation et des lumières du xvme siècle
(1843-1845); Histoire de l'Allemagne pendant
la Révolution française et le règne de Napoléon
(1846); Histoire de la Révolution française
jusqu'à l'établissement de la République (1847);
Histoire complète des agitations politiques de
l'Allemagne de 1842 à 1845(1847) ;\a Révolution
nationale en Allemagne (1849); la Chutedupar-
lement de Francfort (1849) ; De la dictature
occidentale (1855): Situation actuelle de la
Russie (1855); V Allemagne et la Russie (1855);
la Russie et l'Angleterre (1855), De IS50 à 1852,
M. Bauer est revenu à la critique théologique,
et a donné les ouvrages suivants, qui forment
une sorte de complément de ses premiers tra-
vaux : Critique des Evangiles et histoire de leur
origine (1850-1851) ; Histoire des apôtres (1850) ;
Critique des Epitres de saint Paul (1852) .
Arrêtons-nous à examiner la situation par-
ticulière que M. Bruno Bauer a prise dans
l'exégèse allemande.
Strauss avait cherché à établir, d'abord, <;ue
la vie de Jésus-Christ, telle qu'elle est rappoi tée
dans les Evangiles, en sa plus grande partie
du moins, n'a rien d'historique, que c'est un
390
BAU
poëme religieux; en second liea, que ce poGme
n'est pas un ouvrage entrepris à dessein par
un seul ou par plusieurs, mais un tissu de
mythes populaires , produits spontanés des
pensées, des sentiments, des préoccupations
de la communauté chrétienne des premiers
temps ; enfin, que la direction de ces pensées ,
de ces sentiments, de ces préoccupations a été
déterminée surtout par l'idéal que, selon la
croyance traditionnelle, on s'était faite du
Messie. En un mot, selon Strauss, Jésus ayant
inspiré pendant sa vie, et laissé après sa mort
la croyance qu'il était le Messie, et le type du
Messie existant déjà dans les livres sacrés, il
en résulta l'histoire évangélique de Jésus telle
que nous la possédons, histoire qui présente
les particularités de la doctrine et de la des-
tinée du Jésus réel combinées avec le type
messianique, transfigurées par ce type. Pres-
que toute cette histoire évangélique est sortie
de ce syllogisme : Le Messie, d'après les
croyances et les espérances juives, doit accom-
plir telle œuvre; or, Jésus est le Messie; donc,
il a accompli telle œuore. Dans cette hypo-
thèse d'une christologie juive, d'un type mes-
sianique préexistant chez les Juifs, de l'action
lente et cachée d'une tradition non consciente
d'elle-même, la révélation ne doit plus être
considérée comme une inspiration du dehors,
comme un acte isolé. Elle apparaît comme le
produit de Yespril humain, comme l'ouvrage
de la pensée universelle ; elle est une seule et
même chose avec le développement historique.
« L'apparition de Jésus-Christ, dit Strauss,
n'est plus l'implantation d'un principe nouveau
et divin; c'est un rejeton sorti de la moelle la
plus intime de l'humanité dotée divinement. »
Tel est le point où Strauss avait amené la
critique évangélique. Le caractère saillant de
l'exégèse du célèbre auteur de la Vie de Jésus,
c'est, comme on le voit, de sacrifier l'influence
personnelle, l'action et l'invention particu-
lières, réfléchies, à la mystérieuse et féconde
spontanéité, au travail anonyme et collectif
du sentiment et de l'imagination populaire, au
développement inconscient de l'idée ; c'est de
substituer à la révélation divine miraculeuse
une sorte de révélation divine immanente. Ce
système de panthéisme réaliste, appliqué à
l'histoire des origines du christianisme, semble
effacer complètement le rôle de Jésus, celui
des apôtres, celui des auteurs des Evangiles ;
les initiatives particulières disparaissent dans
le mouvement général et spontané des masses ;
les idées s'associent, se combinent, comme en
vertu d'affinités naturelles; elles se dévelop-
pent, tendent à se compléter et à prendre une
forme définitive, par une sorte de travail orga-
nique. « Au fond, dit M. Renan, l'hypothèse
de Strauss, qui se présentait d'abord comme
attentatoire aux dogmes les plus sacrés, lais-
sait une large part au mystère. L'école my-
thologique, tout en niant le miracle et l'ordre
surnaturel, conservait une sorte de miracle
apparition. On savait que la nature seule avait
agi sous ce voile, mais on n'avait rien vu de
ses actes; l'imagination était libre d'entourer
de respect et d'admiration le berceau du Dieu
naissant. Il y avait la encore quelque chose
de divin, comme à l'origine de tous les grands
poèmes dont la génération est inconnue, et
qui, nés dans les profondeurs de l'humanité,
se montrent tout formés au grand jour. »
Tout autre est la critique de M. Bruno Bauer.
Ce miracle psychologique, ce berceau voilé,
cette mystérieuse intervention de Vesprit hu-
main, qui ressemble à l'inspiration du Saint-
Esprit, cette obscurité divine de l'inconscience,
qui laisse a l'adoration un refuge, cette région
souterraine où plongent, fuyant la lumière,
les racines de ta plante-religion : M. Bruno
Bauer entend démolir tout cela. « L'hypothèse
de Strauss, dit-il, est tautologique. Expliquer
l'histoire évangélique par la tradition, c'est
s'obliger à expliquer la tradition elle-même
et à lui trouver une base antérieure. La mé-
thode de Strauss est embarrassée, et cela
devait être. La critique a, dans récrit de
Strauss, livré son dernier combat à la théo-
logie, tout en restant sur le terrain théologique.
Toutes les fois que deux adversaires sont aux
prises l'un avec l'autre, le vaincu fait toujours
un peu fléchir le vainqueur. Lorsque nous de-
mandons comment l'histoire évangélique s'est
produite, il revient au même de répondre que
les évangélistes l'ont écrite par inspiration du
souffle de Dieu, ou de dire qu'elle s'est formée
par voie de tradition. Ces deux réponses
font également appel au mystère, au trans-
cendant, au surnaturel. Comme Weisse l'a
montré, on est fondé à nier cette tradition, qui
aurait porté dans ses flancs toute l'histoire
évangélique, renftrmée dans un cadre déter-
minée II n'est pas vrai que le christianisme
ait trouvé dans la théologie juive un type
messianique sur lequel le caractère de Jésus
aurait été calqué. L'idée du Messie ne date
que de Jean-Baptiste, et elle n'a achevé de se
préciser que vers le temps de la composition
de nos Evangiles. Tous les actes par lesquels
on nous montre Jésus accomplissant l'idéal
messianique, et cet idéal lui-même, sont des
inventions de la première communauté chré-
tienne. En un mot, l'idée du Messie n'est pas
le noyau primitif autour duquel s'est faite la
cri tallisatîon chrétienne; née dans le milieu
chrétien, cette idée a passé dans la théologie
juive par suite du contact et du conflit entre
l'EgUse et la Synagogue; elle est <i<rve*iue le
BAU
centre des espérances et des aspirations juives;
ce n'est pas la théologie juive, ce ne sont pas
les espérances juives qui l'ont fournie au
christianisme. Pas de christologie juive précé-
dant la christologie évangélique et lui servant
de modèle : voilà la proposition qui; seule, est
capable d'émanciper la critique biblique. Cette
proposition coupe les ponts et brûle la flotte ;
cette proposition détruit à jamais toute com-
munication avec l'ancienne opinion orthodoxe.
Les Evangiles ne sont pas l'œuvre imperson-
nelle et anonyme de la foule ; chacun d'eux a
été composé par un seul homme, est une
œuvre d'art, une composition littéraire. Parmi
ces Evangiles, il y en a un qui a précédé les
autres, qui a servi, pour ainsi dire, de matière
première aux rédacteurs des autres. Weisse
et Wilke ont prouvé que cet Evangile primitif
était le deuxième, celui de Marc. C'est à cet
Evangile de Marc que la critique doit donc
désormais s'adresser. Quelle en est l'origiue?
Suivant Weisse, l'évangéliste Marc a composé
son écrit de ce qui lui fut raconté de temps à
autre par l'apôtre Pierre, qu'il avait accom-
pagné dans ses voyages. Voilà le rôle des per-
sonnes restitué ; nous sortons de l'anonyme,
du spontané, de l'abstraction, du nuage my-
thique. Mais en nous faisant remonter de Marc
à Pierre et de Pierre à Jésus, Weisse fait de
Marc un historien, et, en faisant de Marc un
historien, nous ramène à l'orthodoxie. La vé-
rité est que Marc est un artiste, un romancier,
et que son récit est, non-seulement pour la
forme, mais encore pour le contenu, un produit
purement littéraire. Avant l'Evangile écrit
de Marc, il n'y a pas d'Evangile transmis
oralement. Marc a trouvé quelques éléments
vagues, épars, flottant dans l'atmosphère spi-
rituelle de la jeune communauté chrétienne;
il s'est emparé de ces éléments, les a enrichis
largement du travail de son imagination, et,
les coordonnant, les combinant d'après ses
vues propres et sa libre inspiration, en a fait
l'œuvre qui s'appelle le deuxième Evangile. Il
est impossible, d'ailleurs, de voir une histoire
dans le récit de Marc, si l'on réfléchit à l'in-
compatibilité radicale qui existe entre l'esprit
théologique et l'esprit historique. L'esprit théo-
logique, égaré par la passion, marche à son
but sans souci de la réalité historique, et tout
moyen lui paraît bon pour atteindre ce but.
Ainsi, au delà de ce fait, Marc composant avec
réflexion, inventant en grande partie l'Evan-
gile primitif, il ne faut plus chercher d'action
personnelle sur laquelle l'histoire ait quelque
prise. Il n'y a pas d'histoire possible de Jésus.
Qui ne voit, en effet, que le Christ évangélique
appartient complètement à l'idéal, et n'a rien
à démêler avec le monde réel? S'il y a eu un
homme auquel on puisse attribuer la révolu-
tion extraordinaire qui a ébranlé le monde, il
y a dix-huit siècles, on peut affirmer au moins
qu'il n'a pas dû être enchaîné dans les formes
étroites du Christ évangélique. Le Christ évan-
gélique, considéré comme un phénomène Jiis-
torique, nous échappe. Il ne naît pas comme
un homme, il ne vit pas comme un homme, il
ne meurt pas comme un homme. »
Nous devons dire que les résultats auxquels
M. Bruno Bauer est arrivé sont contestés par
la plupart des critiques allemands et français.
Ce prétendu progrès sur Strauss a paru d' assez-
mauvais aloi à bon nombre d'esprits. On a
vu généralement un excessif amour du para-
doxe dans cette négation de toute idée mes- i
sianique antérieure a l'apparition du principe I
chrétien, et dans cette large part faite à l'in-
vention individuelle, à Vœuvre d'art, tranchons
le mot, à l'imposture, pour expliquer les ori-
gines du christianisme. Quant à la forme, la
critique évangélique de M. Bauer encourt
le reproche de ne pas habiter la région calme
et élevée de la science, et d'apparaître trop
souvent comme une œuvre de polémique vio-
lente. « On chercherait vainement, dit M. Re-
nan, dans l'ouvrage de M. Bauer (l'ouvrage
dont M. Renan parle ici est la Critique de
l'histoire évangélique des synoptiques), ce grand
caractère d'élévation et de calme qui tait la
beauté du livre de Strauss. Le blasphème se
comprend et s'excuse presque aux époques où,
la science n'étant pas libre, le penseur se
venge des entraves qu'il subit par de secrètes
colères. Mais nous ne croyons pas que M. Bauer
ait eu à souffrir assez de persécutions pour
avoir le droit d'être, dans la forme, aussi dé-
clamatoire qu'il l'est parfois. » « M. Bruno
Bauer, dit M. Saint-René Taillandier, retombe
dans le voltairianisme le plus vulgaire, dans
l'étroit point de vue aussi pardonnable, il y a
cent ans, que ridicule aujourd'hui ; seulement,
le théologien de Bonn n'oublie pas d'envelop-
per ses doctrines dans la phraséologie' hégé-
lienne, ce qui donne toujours un air de pro-
fondeur, et suppose je ne sais quelle supériorité
dont un écrivain français est incapable. Pour
nous, que l'exégèse allemande regarde de si
haut, pouvons-nous voir ici autre chose que
Voltaire, moins son esprit agile et son âme
ardente ; Voltaire, affublé d'une perruque et
d'un gros bonnet? »
BAUER (Edgar) , publiciste allemand, né à
Charlottenbourg en 1821. Versé dans la con-
naissance du droit et de la théologie, il dé-
fendit les écrits et les doctrines de son frère,
et fut condamné à quatre ans de prison pour
une brochure intitulée : la Querelle de ta cri-
tique avec l'Eglise et avec l'Etat (1843). On a
encore de lui beaucoup d'écrits purement po-
litiques dans le sens du nouveau libéralisme
allemand, qu'il publia, soit pendant, soit depuis
BATI.
sa détention à Magdebourg. Les principaux
sont : Histoire de Vaqitation constitutionnelle
dans l'Allemagne du Sud de 1831 à 1834 (Char-
lottenbourg, 1845-1846) ; les Tendances libé-
rales en Allemagne (Zurich, 1843); Histoire
du luthéranisme (Leipzig, 1845-1847) ;• De
l'art d'écrire l'histoire et de l'Histoire de la
Révolution française par Dallmann (1846);
Du mariage au point de vue du luthéranisme
(Leipzig, 1849). Cette même année, M. Bauer
fit paraître une revue politique, sous le titre
de Les Partis. Tous ces ouvrages sont écrits
en allemand.
BAUÉRACÉ, ÉE adj. (bo-é-ra-sô — rad.
bauère). Bot. Semblable à la bauère.
— s. f. pi. Section de la famille des saxt-
fragées, d après les uns; famille particulière,
d'après les autres, ayant jpour type le genre
bauère. il On dit aussi bauerées.
BAUÈRE s. f. (bo-è-re — de Bauer, bota-
niste allemand). Bot. Genre de plantes dico-
tylédones, type de la famille des bauéracées,
ou bien rangée parmi les saxifragées et com-
prenant cinq espèces d'arbrisseaux, qui crois-
sent en Australie.
BAUERLE (Adolphe), auteur dramatique et
romancier allemand, né à Vienne en 1786. Il
commença, dès sa première jeunesse, à pro-
duire sur la scène des comédies pleines d'ani-
mation et d'entrain , mais péchant assez sou-
vent par le manque d'originalité, de bon goût,
et offrant d'une façon trop exclusive la repro-
duction de types grotesques particuliers a la
capitale de 1 Autriche. Quoi qu'il en soit, les
nombreuses pièces de M. Bauerle obtinrent,
pour la plupart, en Allemagne, une vogue
soutenue, notamment celles qui ont pour titre :
Y Hôtellerie moderne, Léopold,\a. Fausse prima
donna, VAmi dans l'embarras. En 1808, il fonda
le Journal théâtral de Vienne, qui ne fut pas
sans influence sur la littérature spéciale dont
il était l'organe. Enfin, en 1852, après une
longue éclipse , l'auteur comique reparut
comme romancier dans l'arène littéraire, et,
dans ce genre, il a fait également preuve de
fécondité. Publiés sous le pseudonyme d'Otto
Horn, ses deux premiers romans, Thérèse
Kroncs (1854), et Ferdinand Raimund (1855),
n'en réussirent pas moins; ces œuvres pré-
sentent de l'intérêt et de l'originalité , aussi
bien que les Notes secrètes d'un avocat vien-
nois (1854); le Directeur Charles (1856);
Zehlheim (1856), etc.
BAUERNFELD (Edouard de), poète comique
allemand, né à Vienne en 1804. 11 s'est créé
un rang distingué dans la littérature drama-
tique et dans la société de la capitale autri-
chienne, par des comédies où l'on reconnaît
des qualités toutes françaises , l'esprit et l'en-
train, le dialogue facile et naturel, un heureux
choix de mots, et un intérêt soutenu dans l'en-
chaînementdes scènes. Sa verve intarissable,
son aptitude à saisir les ridicules sans trop
creuser les caractères, enfin, sa fécondité, en
ont fait en quelque sorte le Scribe du théâtre
viennois. Par une innovation heureuse, il a
mis parfois, mais discrètement, la politique sur
la scène. Il a publié, sous le titre de Lusts-
pielen (Vienne, 1833), et AeTheater (Manheim,
1836-1837), un choix de comédies, parmi les-
quelles nous citerons : les Confessions, Bour-
geoisie et romantisme , Industrie et cœur, etc.
Parmi ses drames , nous mentionnerons un
Guerrier allemand, Franz de Sickingen, etc.
Enfin, on doit à M. de Bauernfeld une traduc-
tion des Œuvres poétiques de Shakspeare
(Vienne, 1827), en collaboration avec Schu-
macher, et des Pensées fugitives sur le théâtre
allemand (Vienne, 1849).
BAUERW1TZ, ville de Prusse, province de
Silésie, régence et à 25 kil. S. d'Oppelu, sur
le chemin de fer de Ratibor à Leobschùtz ;
2,275 hab. Filatures de lin; brasseries; fabri-
cation de chaussures.
BAUFPE s. m. (bô-fe). Pêch. Longue et
grosso corde à laquelle on attache des hame-
çons, et qu'on enterre ensuite dans le sable,
ou qu'on maintient entre deux eaux.
BAUFFREMONT , BEAUFFREMONT ou
BEAUFREMONT, nom d'une ancienne famille
originaire de Lorraine, qui tire son nom du
bourg de Beaufremont (Vosges). Cette maison
acquit de grandes possessions en Bourgogne,
hérita successivement de la principauté de
Listenais, du duché de Pont-de-Vaux, du mar-
quisat de Mornay- la- Ville, et jouit d'une
grande considération, ainsi que le prouve cet
adage populaire : li Bauffremont li bons ba-
rons. Bien qu'elle n'ait produit ni grands poli-
tiques ni grands capitaines, cette famille joua
' néanmoins un assez grand rôle, soit par son
crédit, soit par ses alliances. Au milieu du
xve siècle , elle était représentée par Pierre
de Bauffremont, qui épousa, en 1448, une fille
naturelle légitimée du duc de Bourgogne,
Philippe le Bon. Guillaume db Bauffremont,
frère puîné du précédent, fut la souche des
différentes branches de cette maison qui se
sont illustrées pendant les quatre derniers
siècles. Il eut pour fils Pierre de Bauffre-
mont, baron de Senecey, de Soey, etc., père
de Nicolas de Bauffremont, bailli de Chalon
et gouverneur d'Auxonne, mort en 1582. Il
laissa deux fils : l'aîné, Claude, baron de Se-
necey , a continué la filiation directe de sa
branche, éteinte au milieu du xviie siècle,
laissant pour héritière Marie-Claire de Bauf-
fremont, marquise de Senecey, première dame
d'honneur de la reine Anne d Autriche, mariée
BATI
en 1637 k Jean-Baptiste Gaston de Poix. Le fils
puîné, Georges, est l'auteur de la branche colla-
térale des marquis de Scey, à laquelle apparte-
nait Claude de Bauffremont, gouverneur de la
Franche-Comté, marié à Antoinette devienne,
dame de Listenais, dont il eut, entre autres
enfants, Charles-Louis, qui a continué ta ligne,
et Claude, évêque de Troyes. Charles-Louis
de Bauffremont , marquis de Messimieux,
grand d'Espagne, eut pour fils et successeur
Pierre de Bauffremont^ enfant d'honneur du
roi d'Espagne, colonel de dragons au service
de France, qui recueillit le titre de marquis de
Listenais, a la mort de son cousin, fils du frère
aîné de son père. Le fils aîné de Pierre, grand
bailli d'Aval, colonel de dragons , puis maré-
chal de camp, fut tué au siège d'Aire en 1710,
et ne laissa qu'une fille. Le fils cadet, Louis-
Bénigne, marquis de Bauffremont, puis mar-
quis de Listenais, après la mort de son aîné,
se distingua à la bataille de Malplaquet (1709).
Il eut pour successeur, Louis, marquis de Lis-
tenais, à qui l'empereur d'Allemagne Fran-
çois I" conféra, en 1757, le titre de prince du
Saint-Empire. Le petit-fils du dernier, Alexan-
dre-Emmanuel-Louis , prince de Bauffre-
mont, fut fait pair de France, à la Restaura-
tion. Le fils de celui-ci, Alphonse, a servi avec
distinction dans l'armée française, pendant les
guerres de l'Empire.
Nous allons compléter la notice qui précède,
par la biographie des principaux membres de
cette famille, en faisant de chacun l'objet d'un
article spécial.
BAUFFREMONT (Nicolas de, baron de Se-
necev), né en 1520, mort en 1582, fut nommé
par Charles IX grand prévôt de France. Il se
conduisit vaillamment à la bataille de Jarnac
(1569), où il fut laissé pour mort, et à celle de
Moncontour, où il portait le guidon du duc de
Guise ; mais pendant la Saint-Barthélémy, il
flétrit son nom en se conduisant en bourreau
plutôt qu'en soldat. C'est ainsi qu'à la tête
d'une bande de fanatiques, il alla s'emparer de
l'intègre La Place, premier président de la
cour des aides, et que, sous prétexte de le con-
duire au Louvre , il le remit entre les mains
des assassins. Député aux états généraux de
Blois (157G), Nicolas de Bauffremont harangua
le roi, en qualité d'orateur de la noblesse, et,
par une singulière contradiction avec sa con-
duite, se montra favorable à l'esprit de tolé-
rance. Sa mémoire est plus recommandable
comme savant que comme homme politique ;
il a laissé •- une traduction du traité De Ouoer-
natione Dei, de Salvien (Lyon, 1573, in-go);
Harangue pour la noblesse (i56i) ; Proposition
pour toute la noblesse de France, faite en 1577
aux états de Blois (Paris, 1577, in-S°).
BAUFFREMONNT (Claude de), fils du pré-
cédent, né en 1542, mort en 1596, fut, comme
son père , baron de Senecey , gouverneur
d'Auxonne et ardent catholique. Il prononça,
aux états de Blois, en 1588, une harangue
qu'on trouve dans le tome III des Mémoires
de la Ligue. On lui attribue les Miracles de la
Ligue, et le Recueil de ce qui s'est négocié en
la compagnie du tiers état aux états de Blois,
de 1576 a. 1577.
BAUFFREMONT (Henri de), fils du précé-
dent, mort en 1622, fut gouverneur d'Auxonne,
lieutenant du roi dans Te Maçonnais, et prési-
dent de la chambre de la noblessa aux états
généraux de Paris (1614). En cette qualité, il
demanda l'abolition de la paulette (vénalité
des charges), et s'opposa à la publication du
concile de Trente, soutenu du reste en cela par
le tiers état, désireux de s'opposer, autant
qu'il était en lui, aux prétentions de la cour
de Rome. On sait que ces. états, assemblés
pour le bien du royaume, se terminèrent sans
amener aucune réforme. Les harangues pro-
noncées par Henri de Bauffremont sont insé-
rées dans le Recueil général des états tenus en
France (Paris, 1651, in-4<>).
BAUFFREMONT ( Claude - Charles - Roger
de) , frère du précédent, mort en 1593, entra
dans les ordres, et fut nommé, en 15C2, évêque
de Troyes, en remplacement d'Antoine Carac-
. cioli, qui abandonna son siège pour embrasser
le protestantisme. Toutefois, Claude de Bauf-
fremont s'engagea à payer à ce dernier, sur
les revenus de son éveché, une pension de
4,500 livres.
BAUFFREMONT ( Alexandre - Emmanuel-
Louis, prince de), duc et pair de France, na
à Paris en 1773, mort en 1833, était fils du
prince de Listenais. Gendre du duc de La Van
guyon, ambassadeur en Espagne , il émign.
pendant la Révolution, prit part avec les
princes à l'invasion de la Champagne, se battit
en 1793 et 1794 contre la France, et n'en fut
pas moins rayé de la liste des émigrés en 1795.
Fait comte par Napoléon, et appelé par lui à
présider le collège électoral de la Haute-
Saône, il lui adressa une harangue (1812),
dans laquelle il proclamait les sentiments
d'amour, d'admiration et de respect, dont il
était animé pour sa personne, ainsi que tous
les habitants de son département. L'ordon-
nance de 1814, qui rétablissait l'ancienne no-
blesse, lui permit de reprendre son titre de
duc, et, après les Cent-Jours, il fut appelé à
la Chambre des pairs (1815).
BAUFFREMONT (Alphonse -Charles-Jean,
duc de), fils aîné du précédent, né en 1795.
mort en 18G0, fut. aide de camp de Munit
pendant la campagne de Russie. Il accom-
pagna, en 1814, le comte d'Artois, comme coin-
BAU
mandant de la garde d'honneur de Vesoul;
mais bientôt se rendit à Naples, et, pendant les
Cent Jours, apporta à Napoléon des dépêches
confidentielles de Murât. A son retour en.
Italie, il fut arrêté par la police autrichienne
et envoyé à Paris. Mais le crédit de son père
assoupit cette fâcheuse affaire. Depuis , il
servit quelque temps en Russie. Napoléon III
lui donna, en 1852, un siège au sénat. Le chef
actuel de cette maison est Anne-Antoine Gon-
tran, prince de Bauffremont-Courtenay, né
en 1822.
BAUFFRER, BAUFFRERIE, BAUFFREUR,
Se disent pour Bâfrer, etc.
BAUGE s. t. {bô-je — bas lat. baugium,
jnème sens). Véner. Lieu fangeux où le san-
glier se retire : Un sanglier dans sa bauge.
Ce sanglier était sale et couvert de la boue de
sa bauge, où il s'était vautré. (Fén.) Les bau-
dets, haletants comme prie meute qui force un
sanglier dans sa bauge, se pressaient en tu-
multe. (V. Hugo.) La comtesse gisait, le corps
affaissé, les bras pendants, sur un fauteuil
sale, dans cette chambre gui ressemblait à la
BAUGE d'un sanglier. (Balz.) On lance le cerf
de la reposée, le loup du liteau, le lièvre du
gîte, les bêtes noires de la bauge. (E. Chapus.)
— Par ext. Loge de cochons domestiques :
Jamais de porc ft porc on ne vit d'injustice;
Notre bauge est pour nous le temple de la paix.
Voltaire.
— Par anal. Habitation sale et misérable :
La vieille sorcière se montra hors de sa badge.
Le propriétaire enfoncé dans sa badge campa-
gnarde... (Balz.) il V. Hugo a désigné sous ce
nom le château des comtes de Lamark, à
cause du surnom do Sanglier des Ardennes, qui
a été donné à l'un des membres de cette fa-
mille : Le déboisement , ce fils bâtard de la
civilisation, a fort tristement dévasté la vieille
bauge du Sanglier des Ardennes. (V. Hugo.)
— Nid de l'écureuil ; Pour peu qu'on touche
au pied de l'arbre sur lequel il repose, l'ani-
mal sort de sa petite badge, fuit sur un autre
arbre, ou se cache à l'abri d'une branche, (Buff.)
La bauge est une cabane artistement couverte
avec des branches d'arbres, et garnie à l'inté-
rieur d'un moelleux tapis d'herbes sèches.
(Toussenel.)
— Loc. fam. Avoir tout à bauge, Avoir tout
à profusion, jouir d'une abondance excessive.
— Constr. Mortier de terre grasse mêlée
de paille, qu'on emploie pour enduire les
murs, il Mortier terreux, employé dans les
constructions en pisé : Presque tous les vil-
lages et hameaux de la Beauce sont construits
en baugb, couverts en chaume et en paille.
(Guide pittoresque )
— Agrio. Tas d'échalas debout et inclinés.
— Comm. Sorte de droguet de gros fil et
de laine grossière, qui- se fabriquait en Bour-
gogne.
— Econ. dom. Sac court et' large, en toile
grossière : Badge de sel, de farine.
— Enoycl. Constr. On se sert de la bauge
pour lier les pierres d'un mur, pour enduire
des constructions en menu bois, en paille, en
roseaux, ou pour combler les intervalles entre
les pièces de bois qui forment la carcasse des
bâtiments. Toutes les terres grasses peuvent
servir à faire de la bauge; elles y sont d'au-
tant plus propres qu'elles sont plus homo-
gènes et qu'elles ont plus de ductilité et de
Jant. Ce mortier a le grand avantage d'être
économique; malheureusement, l'humidité le
détruit très-vite, et, même lorsqu'il est sec,
il n'offre pas une grande résistance. Dans l'in-
térieur des maisons et des étables, on peut
l'employer à construire des cloisons fort lé-
gères et d'une grande durée.
BAUGÉ, ÉE (bô-jé), part. pass. du v. Bau-
ger : Un sanglier bauge dans un bois.
BAUGÉ (BalGiacum), ville de France (Maine-
et-Loire), ch.-l. d'arrond., à 40 kil. N.-E.
d'Angers, 274 kil. S.-O. de Paris, sur la rive
droite du Couesnon ; pop. aggl. 3,104 hab. —
pop. tôt. 3,546 hab. L'arrond. comprend 6 can-
tons, 66 communes ; 78,041 hab. Tribunal de
ire instance et justice de paix ; collège libre,
hôpital. Fabriques d'étoftes de laine et de
toiles communes ; ouvrages en corne, huile-
rie, saboterie. Commerce de fruits cuits, porcs
gras, huiles de noix et de chènevis, toiles,
bois de charpente.
Cette petite ville, située dans une belle val-
lée arrosée par le Couesnon, que l'on y passe
sur un beau pont, est construite très-irrégu-
lièrement; elle possède néanmoins plusieurs
belles habitations et un château, œuvre du
xv« siècle, occupé par la mairie actuelle. Ce
château, bâti par René d'Anjou, a perdu tout
son caractère, sauf un admirable escalier en
encorbellement, couronné par un palmier à
nervures, aux écussons d'Anjou-Sicile. On voit
aussi à Baugé le bel hospice de la Provi-
dence, dont 1 église prétend posséder un Van
Dyck et un Philippe de Champaigne. Près de
cette petite ville, au lieu nommé Champ de
bataille, le maréchal de La Fayette vainquit
les Anglais en 1421.
• BAUGÉ (Sires, comtes et marquis de). Ce
fut vers 830 que Louis le Débonnaire donna
la sirerie de Baugé à Hugues, qu'on croit être
un fils cadet d'un comte de Bresse. Les suc-
cesseurs de Hugues , parmi lesquels on re-
marque plusieurs évêques, acquirent la Bresse
au commencement du xic siècle, et conser-
BAU
vèrent la souveraineté jusqu'à l'extinction de
la famille dans les mâles , vers la seconde
moitié du xine siècle. Sibylle, fille unique et
héritière de Gui, dernier sire de Baugé et de
Bresse, porta ces domaines dans la maison de
Savoie, en épousant, en 1272, Amédée V,
comte de Savoie. Louis, duc de Savoie, érigea
le Baugé en comté, en faveur de Philippe,
son cinquième fils, en 1460. Conquis par Fran-
çois 1er en 1535, il passa entre diverses mains,
jusqu'en 1559, époque où le duc de Savoie
rentra en possession de ses Etats. Dans la
suite, le Baugé devint un des apanages de la
maison d'Urfé, avec titre de marquisat, en
échange de certaines autres terres, cédées à
Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, par Re-
née de Savoie, comtesse de Tende, veuve de
Jacques, marquis d'Urfé. 0
BAUGEAN (Jean-Jérôme), graveur fran-
çais, né à Marseille en 1764, a travaillé en
Italie, a Marseille et a Paris, où il a obtenu
le titre de graveur du roi, sous la Restaura-
tion. On a de lui près de trois cents vues de
différents ports et monuments de France, d'a-
près Bourgeois, Michallon, Goblain, Rémond,
Aug. Aubert, Guyot, Délavai, d'Orchwiller,
Veyrenc, Chapuy, Leblanc, Bence, Fon-
taine, etc.; un Recueil de petites marines, re-
présentant des navires de diverses nations, in-
térieurs d'arsenaux , travaux des ports t cos-
tumes de pécheurs, barques de rivière, etc.
(Paris, 1817, in-4°, contenant 120 pièces nu-
mérotées). Baugean a gravé aussi quelques
sujets historiques, entre autres le Combat de
Navarin, l'Embarquement de Bonaparte à bord
du Bellérophon, le Rétablissement de la statue
de Henri IV sur le Pont-Neuf, etc. Ces di-
vers ouvrages sont exécutés à l'eau-forte.
BAUGER v. n. ou intr. (bô-jé — rad. bauge).
Véner. Gîter, en parlant du sanglier : Ber-
nard savait, à cinquante pas près, où batj-
gkaient tous les sangliers de sa garderie.
(Alex. Dum.)
BAUGES (les), contre-fort de la chaîne des
Alpes, qui couvre de ses ramifications le pays
compris entre l'Isère et le Rhône. On donne
aussi le nom de Bauges au pays sur lequel
s'étendent ces montagnes.
BAUGIN (Lubin), peintre français, fut ad-
mis dans la' corporation des maîtres peintres
de Paris en 1645, reçu à l'Académie royale de
peinture le 4 août 165 1 , nommé ancien le
24 août de la même année, à la place de van
Opstal, et destitué le 2 janvier 1655. On n'a
pas d'autres renseignements sur sa vie. Il
avait fait une étude particulière xles maîtres
italiens, principalement du Guide, dont il s'ef-
força de reproduire la manière, ce qui le fit
surnommer par ses contemporains le Petit
Guide. Il exécuta un grand nombre de des-
sins destinés à être reproduits en tapisserie.
Ses peintures sont .d'un style plus bizarre
qu'original ; les plus remarquables sont : une
Sainte Famille, au Louvre ; la Vierge et l'En-
fant, au musée de Rennes ; le même sujet, au
musée de Nancy; le Martyre de saint Bar-
thélémy, au musée de Rouen; une Sainte Fa-
mille, au musée de Dijon.
BAUGIN (J.), graveur français, travaillait
vers 1660. M. Charles Blanc cite de lui la
Vue des arènes d'Orange, la Vue du grand
aqueduc romain, de la même ville, le portrait
de Henri de la Mothe-Houdancourt, etc.
BAUGNIET (Charles), peintre belge con-
temporain, né à Bruxelles, a travaillé pen-
dant quelque temps dans ceite ville où il a ex-
posé, en 1860, une Jeune fille à sa toilette. Il
s'est fixé à Paris depuis plusieurs années, et
s'est fait remarquer aux dernières expositions
par des tableaux de genre consciencieusement
étudiés et soigneusement peints, parmi les-
quels nous citerons : la Fille ainée (Salon de
18G3); le Retour de la fille ainée (1864); la
Conscience troublée et Visite à la Veuve {1865);
la Toilette de la Mariée et Visite de la Mar-
raine (1866).
BAUGUE. V. BAUOUE.
BAUGV, bourg de France (Cher), ch.-l. de
cant., arrond. et à 28 kil. E. de Bourges;
pop. aggl. 845 hab. — pop. tôt. 1,486 hab.
Commerce de chevaux, poulains, bceufs, etc.
Vestiges d'un ancien château fort, pris en
1412 par Charles VI. On a trouvé, aux environs,
un grand nombre d'antiquités gallo-romaines.
. BAUHIN s. m. (bo-ain — nom d'homme ).-
Anat. Usité seulement dans la locution val-
vule de Bauhin, Nom d'une valvule située
entre l'iléon et le ccecum.
BAUHIN (Jean), médecin français, né à
Amiens en 1511, mort en 1582. Il exerça son
art avec distinction, se fit une grande réputa-
tion en France et à f'étranger, surtout dans
les Pays-Bas, et devint premier médecin de
Marguerite de Valois. S'étant converti au
protestantisme en 1582, il se vit contraint,
pour échapper aux persécutions, de se ré-
fugier à Baie , où il mourut.
BAUHIN (Jean), médecin et naturaliste, né
à Bàle en 1541, mort en 1613, fils aîné du pré-
cédent. Il fut initié par son père â la connais-
sance de l'art médical, et s adonna avec une
ardeur passionnée & l'étude de la botanique,
sous la direction de Fuchs, à. Tubingue. S'é-
tant rendu à Zurich, où se trouvait l'illustre
Conrad Gesner, celui-ci, frappé de sa science
précoce, en fit le compagnon de ses excur-
sions scientifiques à travers les Alpes et la
Suisse. Bientôt après, Bauhin parcourut l'Ai-
BAU
sace, la Bourgogne, la Lombardie, en collec-
tionnant des plantes; suivit les cours d'Al-
drovande à Bologne, de Rondelet à Montpel-
lier, se lia .d'amitié avec Dalechamps a Lyon,
et, après avoir parcouru, en herborisant, l.e
Lyonnais et le Dauphiné, il alla s'établir dans
sa ville natale, où, tout en exerçant la mé-
decine, il professa la rhétorique (1566). Sa
grande renommée, comme praticien et comme
naturaliste, lui valut d'être appelé en 1570 à
Montbéliard, par le duc Ulrich de Wurtem-
berg, qui en fit son médecin, et qui, grand
amateur des sciences naturelles , avait ras-
semblé dans ses jardins les plantes les plus
rares. Bauhin resta dans cette ville pendant
quarante-trois ans, c'est-à-dire jusquà la fin
de sa vie. Il composa plusieurs ouvrages qui
l'ont placé au premier rang des naturalistes
de son siècle. Les principaux sont les sui-
vants : Memorabilis historia luporum aliquot
rabidorum, etc. (1591), histoire de la rage,
traduite en français en 1593 ; De plantis absin-
thii nomen habentibus (1593); Traité des ani-
mauls aians aisles, qui nuisent par leurs pi-
queures, etc. (1595); De aquis medicalis nova
methodus (1605): Historim plantarum genera-
lis novœ et absolutœ prodromus (1619, in-40);
enfin, le plus considérable de ses ouvrages,
Historia universalis plantarum nova et aoso-
lutissima (Yverdun, 1650-1651, 3 vol. in-fol.).
Cette vaste compilation, publiée après la mort
de Bauhin, contient la description d'environ
5,000 plantes, avec 3,577 figures, renferme
tout ce qui avait été dit antérieurement sur
la matière, et coûta, pour frais de publica-
tion, 40,000 florins à François-Louis Graffen-
ried, patrice de Berne, qui avait entrepris de
faire paraître l'ouvrage, avec Chabrée, de Ge-
nève. Ce dernier a publié, sous le titre de
Sciagraphia (Genève, 1666), unabrégé de cette
histoire des plantes, dans lequel il a réuni en
un volume toutes les figures, et donné tout ce
qu'il y a d'important sur la nomenclature et
le nombre des espèces, dans le grand ouvrage
de Bauhin.
BAUHIN (Gaspard), botaniste et anatomiste,
frère du précédent, né à Bàle en 1560, mort
en 1624. Doué, comme ce dernier, de remar-
quables aptitudes pour les sciences naturelles,
il commença ses études sous la direction de
son père, de Zwinger et de Félix Plater, fut
envoyé à Padoue en 1577, où il reçut les lo-
çons d'anatomie d'Aquapendeiite, et de bota-
nique de Guilandini; puis il parcourut l'Italie
pour se former des herbiers, séjourna à Mont-
pellier (1579), visita Paris, ainsi que les prin-
cipales universités de l'Allemagne, et entra
partout en relation avec les savants les plus
distingués. De retour à Bâle en 1580, il se
maria, se fit recevoir docteur (1585), professa
tour à tour le grec, la botanique et l'anato-
mie (1588); fut nommé, en 1596, médecin du
duc Frédéric de Wurtemberg, et enfin pre-
mier professeur de médecine et premier mé-
decin de la ville de Bàle, en remplacement de
Félix Plater, qui mourut en 1614. Anatomiste
distingué et botaniste éminent, Gaspard Bau-
hin ne fut pas seulement un compilateur sa-
gace, comme son frère Jean, son collabora-
teur dans plusieurs ouvrages. Il tenta d'ap-
porter l'ordre dans ses deux sciences de
prédilection, en introduisant de nouvelles no-
menclatures, qui'ont fait longtemps autorité.
Comme son frère, il résolut de réunir en un
seul ouvrage tout ce qui avait été écrit jus-
qu'alors sur les plantes, de faire concorder
les noms donnés a la même plante par les di-
vers auteurs, et il consacra à ce travail plus
de quarante ans. Bauhin a joui longtemps
d'une réputation considérable ; son nom a été
fréquemment cité près de ceux de Tournefort
et de Linné, et il a été rangé au premier rang
des botanistes de son siècle. Cette réputation
exagérée a beaucoup perdu aujourd'hui, et
Bauhin est considéré surtout comme un éru-
dit, dont le plus grand mérite est d'avoir su
fondre ensemble toutes les connaissances ac-
quises antérieurement en anatomie et en bo-
tanique. Bauhin a composé un nombre consi-
dérable d'ouvrages. Parmi ceux qui ont rap-
port à l'anatomie , nous citerons : Franc.
Rousseti de partu cmsareo (Bàle, 1582) ; De
humani corporis partibus externis (Bâle, 15S8);
De corporis humani fabrica (Bâle, 1590); In-
stitutiones anatomicœ (1592), et Theatrum ana-
tomicum, infinitis locis auctum (Bâle, 1592).
C'est dans cet ouvrage que Bauhin s'attribue
la découverte de la valvule iléo-ccecale, qui
porte son nom et qui avait été antérieurement
signalée par Rondelet. Ses principaux ou-
vrages en botanique sont : Phytopinax, seu
enumeratio plantarum, etc. (Bâle, 1596),
ouvrage où l'on trouve la description de
2,700 plantes, notamment de la -pomme de
terre, alors cultivée comme objet de curio-
sité par quelques amateurs, et qu'il rangea,
avec une rare sagacité, parmi les solanées ;
Pinax theatri botanici, etc. (Bâle, 1596, in-4°),
son œuvre capitale, qui a été longtemps clas-
sique, et où l'on trouve les premières tenta-
tives d'une classification naturelle des plantes ;
Animadversiones in historiam generaleni plan-
tarum (Francfort, 1601); De compositione
medicamentorum (1610); De hermaphrodito-
rum monstrosorumque partuum natura (1614);
Prodromos theatri botanici, etc. (Francfort,
1620); Theatrum botanicum, sive historia plan-
tarum (Bâle, 1658, in-fol.), etc. —Son fils,
Jean-Gaspard, né à Bàle en 1606, mort en
1685, suivit la profession paternelle, enseigna
la botanique à l'université de sa ville natale,
BAU
391
et fut nommé, en 1656, médecin de Louis XIV,
qui lui donna une pension. Il publia divers
ouvrages de son père, entre autres le dernier
cité, et quelques-uns de lui, notamment une
Dissertation de la peste (Bàle, 1628) ; Disscr-
tatio de morborum differentiis et causis (1670).
BAUHINIE s. f. (bo-i-nî — de Bauhin, nom
de-deux botanistes). Genrede plantes, do la
famille des légumineuses, tribu des césalpi-
niées, comprenant une soixantaine d'espèces,
qui croissent dans les régions tropicales : Les
bauhinies forment des arbrisseaux élégants. Il
On dit aussi bauhine.
— Encycl. Le genre bauhinie, dédié aux
frères Jean et Gaspard Bauhin, célèbres bo-
tanistes du xvie siècle, est l'un des glus re-
marquables de la famille des légumineuses,
tribu des césalpiniées. 11 renferme une soixan-
taine d'espèces, répandues dans les régions
tropicales des deux continents. Ce sont des
arbres ou des arbrisseaux, souvent grimpants,
dont la tige présente, dans certaines espèces,
une forme et une structure toutes particu-
lières. Dans les lianes du genre bauhinie, la
tige est, non plus cylindrique, mais compri-
mée de telle sorte, que sa coupe représente,
■non un cercle, mais un ovale plus ou moins
allongé. Le corps ligneux Se développe seu-
lement dans deux directions diamétralement
opposées, où l'épaisseur est considérable, tan-
dis qu'elle est très-faible ou presque nulle
dans les autres directions. Cet aplatissement
n'est pas dû, comme on l'a cru d'abord, à
l'obstacle mécanique qu'oppose à l'accroisse-
ment de la tige, 1 arbre ou le corps étranger
contre lequel elle grimpe ; il tient à la nature
même du végétal, et persiste, soit dans les
parties qui sont pressées contre un autre corps,
soit dans celles qui végètent librement. Il est
même des espèces chez lesquelles la struc-
ture de la tige devient des plus bizarres ;
ainsi, dans celle qui porte plus spécialement
le nom de bauhinie grimpante (bauhinia seau-
dens), la tige n'est pas seulement aplatie;
mais, par sa flexion alternative dans un sens,
puis dans l'autre, elle présente une disposi-
tion en zigzag tout à fait étrange. On peut la
comparer à une immense lanière, ou bien à
deux engrenages accolés par le dos, de telle
sorte que les dents de l'un sont placées en
face des vides de l'autre. Les feuilles alternes
sont plus ou moins profondément bilobées au
sommet, ou, si l'on veut, elles se composent
de deux folioles opposées et soudées dans
leur partie inférieure. Plumier, qui a créé le
genre bauhinie, a vu dans cette disposition
des feuilles une touchante allusion à l'étroite
et indissoluble amitié qui a uni les deux frères
Bauhin. Les fleurs des bauhinies sont grou-
pées en grappes terminales ; elles présentent
un calice caduc, fendu latéralement, à cinq
divisions ; une corolle à, cinq pétales oblongs,
inégaux, onguiculés, étalés ; dix étamines
libres ou diadelphes, inégales, inclinées, dont
une beaucoup plus longue que les autres, et
quelquefois seule fertile ; un ovaire stipité, à
une seule loge pluriovulée. Le fruit est
une gousse allongée , très - aplatie , à une
seule loge, contenant plusieurs graines apla-
ties, ovalaires ou rénitormes. Toutes les bau-
hinies se font remarquer par l'élégance de
leur port ou par la beauté de leurs fleurs, et
quelques-unes par des propriétés médicales
souvent réelles, souvent aussi fort exagérées.
La bauhinie grimpante [bauhiniascandens) est
un grand arbrisseau sarmenteux, à tige et
à rameaux munis de vrilles préhensiles, por-
tant de petites grappes de fleurs jaunes. Cette
espèce croit aux Indes orientales et dans
quelques parties de l'Amérique du Sud. D'a-
près Rumphius, les habitants d'Amboine at-
tribuent à ses feuilles la propriété d'accélérer,
chez les enfants, l'usage de la parole, et, chose
plus merveilleuse encore, de faire parler les
muets. La bauhinie dioariquée (bauhinia diva-
ricata) a des feuilles cordiformes, dont les deux
folioles aiguës sont à peine soudées à la base ;
ses grandes fleurs blanches se succèdent
toute l'année, et ne se montrent guère dans "
toute leur splendeur que par les temps de
, pluie. La bauhinie cotonneuse (tomentosa) a
des fleurs d'un blanc jaunâtre, dont les Indiens
se servent pour parer leurs idoles; toutes les
parties de cette plante, et particulièrement
ses racines, sont préconisées comme un ex-
cellent vermifuge. On distingue encore, parmi
les espèces ornementales, les bauhinies pour-
prée (purpurea), épineuse {aculeata), acu-
minée (acuminata), panachée (variegata) ,
à grappes {racemosa) et à petites fleurs (par-
vi/lora). Du reste, toutes les bauhinies sont
très-remarquables sous ce rapport; mais, sous
nos climats, on ne peut les élever qu'en serre
chaude. Elles exigent un sol substantiel, et
se multiplient de boutures, mais avec assez
de difficulté ; on a conseillé de marcotter les
tiges. Quelques espèces se prêtent à la cul-
ture en pots.
BAUHC1S (Bernard), jésuite, né à Anvers
en 1575, mort en 1629. Il professa les huma-
nités au collège de Bruges, et quitta ensuite
la carrière de l'enseignement pour se livrer à
la prédication. Mais ce qui l'a surtout rendu
célèbre c'est un recueil d épigrammes latines,
ou plutôt un vers de l'une de ces épigrammes.
Ce vers est adressé à la Vierge et il est ainsi
conçu :
Tôt tibi sunt dotes, Virgo, quoi sidéra cœlo.
On calcula que les mots de cet hexamètre,
un instant fameux, pouvaient être combinés
392
BAU
BAU
BAU
BAU
de mille vingt-deux manières, ce qui était
précisément le nombre des étoiles alors con-
nues. Plusieurs mathématiciens célèbres ne
dédaignèrent pas d'arrêter leur attention sur
cette étrange propriété, et Jacques Bernouilli
a prouvé que le nombre des combinaisons
possibles s'élevait à un chiffre beaucoup plus
considérable.
I? AU LACHE (Léonard), littérateur et érudit,
néàGenèveen 1670, morten 1761. Udevintpas-
teur protestant dans sa ville natale, en 1704, fut
sur le point d'être nommé précepteur du prince
de Nassau, et obtint la place de bibliothécaire
de Genève en 1728. Profondément versé dans
la connaissance de l'histoire, de la théologie
et de l'antiquité, Baulacre a écrit un grand
nombre de dissertations, où se révèle le sa-
vant et le critique salace , notammjnt :
Eclaircissements sur l'histoire de Genève ;
Lettre sur l'histoire de Genève et sur les grands
hommes qu'elle a produits, etc.
BAULDRI ou BACLDRY (Paul), érudit fran-
çais, né a Rouen en 1629, mort en 1716. Issu
d'une famille protestante, il abandonna la
France après la révocation de l'édit de Nantes,
s'établit en Hollande, où il épousa la fille du
célèbre Henri Basnage, et enseigna l'histoire,
sacrée, à l'université d'Utrecht. Ce savant
distingué a fait paraître une édition du traité
de Lactance, intitulé De Mortibus persecuto-
rum (Utrecht 1602), accompagné de notes
estimées ; des tablettes chronologiques, sous
le titre de Syntagma calendariorum (1706), un
éloge de Mathieu de Larroque, et de nom-
breuses dissertations.
HAUI.I, village ancien de l'Italie méridio-
nale, dans le voisinage de Baies, près du
cap Misène, dans la Campanie, célèbre par
ses villas romaines. Néron y avait une mai-
son de campagne, qui avait appartenu à
Hortensius. C'est aujourd'hui le village de
Bacolo.
BAUL1TE s. f. (bô-li-te — de Baula, nom
d'une montagne). Miner. Silicate naturel d'a-
lumine et de potasse, considéré par plusieurs
minéralogistes comme une variété du feld-
spathorthose.
— Encycl. La, baulite est intéressante à
cause de sa très-grande richesse en silice,
dont la proportion est double de celle qui
existe dans l'orthose. Mais il y a lieu de se
demander si toute cette silice est à l'état de
combinaison. M. Delafosse la regarde comme
de l'orthose renfermant des grains de quartz,
à l'état de liberté. La baulite se rencontre en'
masses cristallines grenues et en agrégats de
petits cristaux. Elle a été trouvée en Islande,
associée à l'oxyde magnétique de fer.
BAULME-SAINT-AMOtIR (Jean de la), sei-
gneur de Martorey, littérateur et philologue
français, né en Franche -Comté en 1539,
mort en 1578. Son étonnante précocité lui
assigne une place parmi les enfants célèbres.
Non-seulement, en effet, il savait, à douze
ans, le grec, le latin et l'italien, mais encore
il avait composé des poésies latines, qui pa-
rurent sous le titre de Primitice quœdam,
(1551). Deux ans plus tard, il publia un re-
cueil de morceaux divers, sous le titre de
Miscellanea (1553). Grappin lui attribue un
ouvrage intitulé Epicedia (1559), et Duverdier
deux traductions, celle du Polyhistorde Solin
et celle de la Vie de Charles- Quint, par Dolce.
BAULOT ou BAULIEU (Jacques), plus con-
nu sous le nom de frère Jacques, lithotomiste
français, né en 1651 à l'Etendonne, petit vil-
lage de la Franche-Comté, mort en 1720. Fils
de pauvres cultivateurs, incapables de lui
donner aucune instruction, Baulot quitta ses
parents a seize ans et s'engagea dans un ré-
giment de cavalerie, où un opérateur ambu-
lant, nommé Pauloni, lui enseigna la saignée,
l'opération de la taillé par .le grand et le petit
appareil, et l'opération de la hernie, mais
avec la castration. Il suivit Pauloni pendant
cinq ou six ans, et apprit ainsi assez de con-
naissances anatomiques et chirurgicales pour
pratiquer les opérations qu'il lui avait vu
faire. Cependant, quand' Pauloni quitta la
France pour aller s'établir à Venise, Baulot
préféra rester dans son pays. Ce fut en Pro-
vence que Baulot commença à exercer, sous
le costume des frères du tiers ordre de Saint-
François, dans lequel il s'était fait recevoir.
Depuis lors, il prit le nom de frère Jacques,
qui lui est toujours resté. Voyageant dans la
Provence, le Languedoc, le Roussillon, il
augmentait chaque jour sa réputation par des
cures nouvelles. En 1697, poussé par un cha-
noine de la métropole de Besançon, qui lui
donna une lettre de recommandation pour un
chanoine de Notre-Dame, il vint à Paris. Là,
il fut présenté au premier président du parle-
ment, alors M. de Harlay, qui, après avoir
vu ses certificats, fit examiner son procédé
par les chirurgiens de l'Hôtel-Dieu, Un ma-
lade fut amené de la Bourgogne, et opéré en
présence de tous les gens de l'art. Le succès
fut complet ; cependant les résultats ne pa-
rurent pas concluants. I.a Faculté, mettant
un peu de lenteur à terminer son enquête et
à faire son rapport, Baulot alla trouver Félix
et Fagon, médecins de Louis XIV, et se fit
recommander par eux à plusieurs personnes
de la cour, qui le soutinrent vigoureusement.
Une salle de quatre-vingt-deux calculeux lui
fut confiée; mais, d'après un écrit qui -parut
deux ans plus tard, les opérations qu'il prati-
qua furent moins heureuses, et le frère Jacques
perdit vingt-cinq malades. Craignant qu'un
séjour plus long et des expériences aussi dé-
sastreuses ne lui enlevassent sa réputation,
il résolut de retourner en province, et il alla
successivement à Orléans, Aix-la-Chapelle
et Cologne, où il fit de nombreuses cures. Il
revint ensuite a Paris, où, sur trente-huit cal-
culeux qu'il avait rassemblés à Versailles, il
n'eut pas un seul décès. Appelé auprès d.u
maréchal de Lorges pour l'opérer, il l'avait
guéri également, quand celui-ci succomba
aux suites d'une altération organique de la
vessie. Frappé par cotte sorte de fatalité qui
semblait le poursuivre à Paris, frère Jacques
reprit sa course vagabonde à travers la Suisse,
la Hollande, la Bretagne, les Pays-Bas, l'Al-
lemagne et l'Italie. Il mourut à Besançon, où
il venait de se fixer depuis quelque temps. Il
était âgé de soixante-neuf ans. Si l'on recher-
che les perfectionnements que le frère Jacques
apporta dans l'opération de la taille, on s'a-
perçoit qu'ils étaient singulièrement élémen-
taires et prouvaient peu de connaissances
anatomiques. Il latéralisa l'incision, qu'il com-
mençait à la hauteur où finit celle qu'on pra-
tiquait par le grand appareil. Ce changement
avait l'avantage de faciliter l'extraction de la
pierre, l'ouverture correspondant à l'écarte-
ment le plus large du détroit inférieur du
bassin. Ce fut donc, comme on le voit, un
habile praticien; mais il est difficile de lui ac-
corder aucun autre mérite scientifique, puis-
qu'il abandonna l'opération de la hernie, par
ignorance des régions. Il n'a laissé aucun ou-
vrage ou mémoire. Baulot avait autant de
désintéressement que de modestie, et, bien
qu'il eût gagné beaucoup d'argent, il mourut
dans un état voisin de l'indigence. Pendant
le séjour qu'il fit à- Amsterdam, le lithotomiste
Rau désapprouva publiquement sa méthode ,
tout en se l'appropriant. Cette méthode porte
encore aujourd'hui la désignation doublement
fausse de taille de Rau ou taille anglaise.
BAULX (Clarette et non Clairette, dame
de) ou de Balz, du nom de l'ancienne maison
provençale à laquelle elle appartenait, ou en-
core de Berre, son père étant seigneur de ce
lieu. CestNostradamus,le biographe des trou-
badours, l'historien naïf des tribunaux d'amour,
qui nous a conservé le nom de Clarette de
Baulx ; il la cite quatrième dans la liste des
douze nobles dames tenant cour ouverte et
plénière au château de Romanin, près de
Saint-Remy, en Provence, et sous la prési-
dence d'Estéphanette de Gantelme, la tante
de la belle Laure de Nove, de la muse de
Pétrarque.
Quelques historiens ont prétendu que Cla-
rette avait elle-même présidé la cour de Ro-
manin ; mais on l'a confondue avec une autre
dame de Baulx, Jehanne, qui, durant quelque
temps, présida le célèbre tribunal d'Avignon.
Voici, du reste, les noms donnés par Nostra-
damus en son Almanach royal du Palais d'a-
mour : Phanette de Gantelme, présidente; la
marquise de Malespine; la marquise de Sa-
luées; Clarette, dame de Baulx; Laurette de
Saint-Laurens ; Cécile Rascasse ; Hugonne de
Sabran, fille du comte de Forcalquier ; Hélène,
dame de Mont-Pahon ; Isabelle de J3orrilhons,
dame d'Aix; Ursine des Ursiêres, dame de
Montpellier; Alaette de Meolhon, dame de
Curban ; Elys, dame de Meyragues. Les noms
de ces galantes conseillères, qui ont promulgué
lous arrêtés d'amour, sontseuls parvenus jus-
qu'à nous ; nous ne savons rien ou presque rien
de leur vie. Le temps a, de son aile, effacé
ce gracieux pastel, et c'est dommage. Cla-
rette de Baulx, cependant, méritait d'être
un peu épargnée, non a cause de sa haute
naissance (elle était de la maison de Berre, et
avait des droits sur le comté de Provence et
la principauté d'Orange), non parce qu'elle
appartint au tribunal d'amour de Romanin,
mais au même titre qu'Estéphanette de Gan-
telme, au même titre que Laure de Nove.
Elle inspira un poète, Pierre d'Auvergne, dit
l'ancien ou le vieux à cause du grand âge
auquel il parvint. Or, « Pierre d'Auvergne,
dit son biographe, fut le premier bon trouba-
dour qu'il y eût outre-monts, et fut réputé,
presque aussitôt, le meilleur troubadour du
monde jusqu'à l'apparition de Giraud de Bor-
neil. » Pierre d Auvergne avait visité les
cours des rois de Castille, des ducs de Nor-
mandie, celles de Narbonne et de Melgueul ;
partout il avait été fort applaudi et fêté, plus
encore pour ses poésies satiriques et reli-
gieuses que pour ses poésies amoureuses ; ses
sirventes l'avaient rendu célèbre encore plus
que ses tensons, lorsqu'il vint à la cour des
comtes de Provence. A la vue de Clarette, il
s'écria :
« Puisque l'air se renouvelle et s'adoucit,
aussi faut-il que mon cœur se renouvelle et
s'adoucisse, et que ce qui a germé en lui
bourgeonne et fleurisse en dehors. »
Un de nos grands poëtes contemporains,
qui en est aussi un des plus charmants, un
des plus fins, Alfred de Musset a dit :
Si tous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais pour un empire
Vous la nommer.
Victor Hugo dit la même chose dans une
poésie intitulée Son nom. Les troubadours,
eux aussi, se faisaient une loi d'envelopper
de mystère leurs chevaleresques amours. Et
voilà pourquoi, si Pierre d'Auvergne nous a
laissé deviner qui fut la dame de sa pensée,
sa muse, il ne nous a dit rien autre chose
d'elle.
Pierre d'Auvergne naquit vers 1125, et mou-
rut en 12U. Entre ces deux dates, nous de-
vons placer aussi la naissance et la mort de
celle qu'il aima, de Clarette de Baulx.
BAULX (Huguette de), nommée encore
Baulzetie, c'est-à-dire petite Baulx, de même
que Huguette veut dire petite Hugues. Elle
était fille, en effet, de Hugues de Baulx, et de
la même maison que Clarette, dont nous ve-
nons de parler. Huguette , toute jeune en-
core, fut placée en qualité de tille d'honneur
auprès de la vicomtesse Hermengarde de
Narbonne, femme du comte de Foix, et
qu'André nomme comme présidant une cour
d'amour. Huguette, non-seulement était belle,
mais avait de l'esprit aussi et faisait des vers
agréables ; ces qualités la firent bientôt dis-
tinguer et aimer du tfoubadour Pierre Roger,
qui, aimable et beau, ne soupira pas longtemps
en vain.
Mais les deux amoureux s'aperçurent bien-
tôt qu'on avait deviné leur secret. Pour dé-
tourner les soupçons des jaloux, Huguette
écrivit alors une chanson ou celui qu'elle ai-
mait était moqué, raillé, et, à son tour, celui-
ci composa des vers dont le titre était Contra
la dama di mala rnerce (Contre la dame sans
merci).
On fit semblant de croire au dédain de la
demoiselle, à l'insuccès du poète. Au reste, ces
liaisons entre troubadours et dames de haut
rang étaient communes, tolérées, acceptées
même, parce que le plus souvent, elles étaient
toutes chevaleresques, platoniques ; c'était une
sorte de vasselage imploré par lainoureux,
qui, pour toute faveur, ambitionnait de s'age-
nouiller au pied du lit de sa suzeraine, pour
« délier ses bien charmants souliers. •
Ainsi parle Bernard de Ventadour à Adé-
laïde, ainsi devait parler Bertrand d'Alamanon
à Estéphanette, ainsi Pierre d'Auvergne à
Clarette, ainsi Pétrarque à Laure.
Pierre Roger, moins discret, plus vaniteux,
voulut apprendre à tous que son amante n'a-
vait su rien lui refuser et il composa des vers
dont voici le sens : « Celui qui n'a point vu
mon amante ne concevra jamais qu'on puisse
trouver une femme aussi parfaite ; on ne la
voit point sans être ravi d'admiration; sa
beauté a un tel éclat, qu'autour d'elle la nuit
même s'embellit des brillantes couleurs du
jour. Heureux qui a des yeux dignes de dis-
cerner et d'apprécier tant d'attraits 1 ■
Pierre Roger avait, en son orgueil, oublié
cette loi du -tarneux code d'amour, rédigé par
une main mystérieuse et découvert par un
chevalier errant dans le palais du roi Arthur :
« qui ne sait celer, ne peut aimer. » Il en fut
cruellement puni : à quelques jours de là, on
le trouva assassiné.
Huguette de Baulx se consola vite, du reste,
de la perte de son indiscret amant, et nous
la retrouvons, bientôt après, mariée à Blacasse
de Beaudiner, seigneur d'Aulps en Provence.
BAUMA, village de Suisse, cant. et à 28 kil.
E. de Zurich, district de Pfefrikon, sur la
Tœss, 3,410 hab. protestants. Ruines du châ-
teau d'Alt-Landenberg.
BAUMAN (îles), groupe d'îles de la Poly-
nésie, dans le Pacifique, au N.-O. des îles de
la Société, par 157» 50' long. O. et 13» lat. S,
découvertes par Roggeween en 1722.
BAUMANN (Nicolas), docteur en droit, se-
crétaire d'Etat du duché de Juliers et profes-
seur d'histoire à Rostock, né vers U50 à Wis-
mar ou à Emdem , mort en 152G. Quelques
érudits lui ont attribué le poème satirique in-
titulé Bainier le Ilenard; mais on s'accorde
plus généralement à dire que ce poëme a eu
pour auteur Henri d'Alkmaor ou d'Alkmar.
BAUMAISN (Jean -Frédéric), peintre alle-
mand, né'à Ghera en 1784, mort à Dresde en
1830. Fils d'un sculpteur, il fut élève de
Schoenau, et devint très-habile peintre de
portraits. Il fut professeur adjoint à l'Acadé-
mie de peinture de Dresde, et se fit aimer de
tous ses élèves, qui se disputèrent l'honneur
de porter ses dépouilles mortelles à sa der-
nière demeure.
BAUMANNIE s. f. (bo-ma-nî — de Bau-
mawi, nom d'homme). Bot. Syn. des genres
anogre et cassandre.
BAUMBACII (Frédéric-Auguste), composi-
teur et théoricien allemand, né en 1753, mort*»
en 1813. Il était chef d'orchestre du théâtre
de Hambourg depuis 1778, lorsqu'il donna, en
1789, sa démission pour pouvoir se livrer plus
complètement à la composition. Parmi les
œuvres, en assez grand nombre, qu'il écrivit,
tant pour la voix que pour le piano, le violon
et mémo la guitare, on remarque les mor-
ceaux suivants : Complainte de Thérèse sur
la mort de sa mère infortunée, Marie-Antoi-
nette, cantate avec accompagnement de piano
(Leipzig, 1794); le Songe de La Fayette, pour
piano (Paris, 1795), et enfin Marie-Thérèse
quittant la France, rondeau pour piano.
BAUME s. f. (bô-me). En Provence, Grotte,
caverne : On prétend que sainte Madeleine a
fini ses jours à la sainte Baume en Provence.
Il On dit aussi Balme.
BAUME s. m. (bô-me — du gr. balsamon,
même sens). Nom commun à plusieurs ré-
sines odorantes, fournies par des végétaux :
Les chimistes extraient l'acide benzoïque de
l'espèce de baume appelé benjoin. (Acad.)
— Par cxt. Parfum aromatique : Dans la
Nord, les fleurs sentent l'herbe; aux baumes,
comme aux vins, il faut un soleil qui brûle et
concentre. (M«"c L. Collet.)
Le baume, heureux Jourdain, parfume tes rivages.
Deluxe.
Le vase d'or qui renferma le baume.
Apres qu'il s'est brisé, garde encor son arôme.
A. Barbier.
— Fig. Consolation, adoucissement, douce
satisfaction : Vous croyez donc... qu'un royaume
est un remède naturel à tous les maux, un
baume qui les adoucit, un charme gui les en-
chante? (Boss.) La date de votre lettre me mit
du baume dans le sang. (M"io de Simianc.) Vos
lettres versent du baume sur mes blessures.
(Volt.) La tolérance sera regardée, dans quel-
ques années, comme un baume essentiel au
genre humain. (Volt.) Le pardon est un baume
pour les blessures faites par la méchanceté,
tandis que la rancune ne sert qu'à les alimen-
ter. (Mm<: de Blessington.) Dormir la nuit et
rêver le jour est le baume des douleurs. (Mme
de Blessington.) L'espérance est un baume qui
rafraîchit le sang. (G. Droz.) Jamais une femme
ne m'a versé le baume de ses consolations.
(Balz.) Le christianisme est surtout un baume
pour les plaies du cœur. (Chatcaub.) Im bonté
a des baumes salutaires pour toutes les peines
de l'âme. (De Gérando.) Ah! monsieur, vous
me mettez véritablement du baume dans le
sang. (Alex. Dum.) C'est tout au plus si les
discours de la morale et de la religion par-
viennent à égaler le baume à la blessure.
(Thiers.)
Partout je porte un peu de baume à la souffrance.
Lamartine.
Ah! voila qui vous met du baume dans le sang.
C. Delavione.
Ainsi donc, comme un baume en notre affliction,
Le ciel nous envoya la consolation.
C. d'Harleville.
Un mot a travers ces barreaux
A versé quelque baume en mon ame flétrie.
A. CuÊNlER.
Que sa liqueur soit un baume de plus
Versé sur nos blessurus.
BÉRANOEE.
J'adoucirai ta peine en écoutant ta plainte,
Et mon cceur versera du baume dans ton cœur.
Lamartine.
•. Il est dans la nature,
Dans les riches trésors de la création,
Il est des baumes sûrs a toute affliction.
Brizeux.
— Loc pop. Fleurer comme baume, Exhaler
une odeur suave : Ce bouquet fleure comme
baume, il Sa réputation fleure comme baume,
Il a une excellente réputation.
— Prov. Je n'ai pas foi dans son baume, Je
n'ai pas confiance en cet homme; il est pour
moi comme un charlatan dont le baume no
vaut rien.
— Pharm. Nom commun à plusieurs pré-
parations pharmaceutiques très - diverses :
On ne voit pas un charlatan qui n'ait un baume
pour toutes les maladies.
... Un frater s'écria: Place! place!
J'ai pour ce mal un baume souverain.
J.-I3. Rousseau.
— On compte un assez grand nombre de
baumes : Baume copalme, copaline, baume
d'ambre, ambre liquide, liquidambar, Noms
différents sous lesquels on connaît une ma-
tière liquide ou semi-liquide qu'on obtient
par incision du liquidambar styraciflua. Elle
a une odeur forte et tend à cristalliser à zéro
et au-dessous. On y a découvert, entro.autrcs
principes : 1° une huile volatile très-odo-
rante, composée en gronde partie d'hydro-
gène et de carbone; 2" do l'acide benzoïque ;
30 une matière cristallisablc; soluble dans
l'eau; 4° une espèce de sous-resine analogue
à la styracine. Il Baume de Calaba ou de Ma-
rie, Suc résineux fourni par une plante do
la famille des guttiferes, le calophyllum ca-
laba ou galba des Antilles; il est employé
comme vulnéraire. Il Baume de Tolu ou d'A-
mérique, Baume fourni par un myroxyle. On
l'appelle encore baume dur, de Sain£-Thomas7
de Carthapène. Il Baume du Pérou, Baume qui
provient également d'un myroxylo, et qu'on
appelle aussi baume brun, en coque, d'incision.
il Baume de Judée, ou de La Mecque, ou baume
blanc, de Syr-ie, de Constantinople,de Galéad,
du grand Caire, d'Egypte, Baume fourni par
un balsamier. il Baume de co]:ahu ou du Bré-
sil, Baume d'un grand usage en médecine. Il
Baume du Canada, Baume fourni par un sa-
pin. Il Baume de Carpathie ou Baume de Hon-
grie, Baume fourni par le pin sylvestre. 11
Baume vulnéraire, Mélange do vin, d'huile et
d'eau-de-vie, dans lequel on fait macérer les
'plantes dites vulnéraires. Il Baume hystérique,
Mélange presque solide d'huiles essentielles
et de substances résineuses fétides, que l'on
faisait flairer ou qu'on appliquait sur l'ombi-
lic, dans les accès hystériques, n Baumenerval
ou tiervin, baume anodin de Bath, Mélange
de plusieures huiles essentielles, de graisses
et d'huile fixe de muscade, que l'on emploie en
frictions contre les entorses et contre certaines
douleurs rhumatismales, il Baume trariquille,
Infusion de plantes narcotiques et d'un grand
nombre de plantes aromatiques dans l'huile
d'olive, que l'on emploie en frictions comme
calmant. 11 Baume hypnotique, qui a beaucoup
d'analogie avec le précédent. 11 Baume de La-
borde ou de Fourcroy , employé contre les
BAU
BAU
BAU
BAU
393
gerçures, et pour hâter la cicatrisation des
plaies, il Baume acétique, Solution de savon
dans l'éther acétique,, à laquelle on ajoute
souvent un peu de camphre, et que l'on em-
ploie en frictions contre les douleurs rhuma-
tismales, il Baume apoplectique, Composé em-
plastique formé do baumes proprement dits,
de résines et d'huiles volatiles, il Baume vert
de Metz ou de Feuillet, Dissolution de vert-
de-gris, de sulfate de zinc, de térébenthine,
d'aloès, d'essence de genièvre et de girofle,
dans un mélange d'huiles d'olive, de lin et de
laurier. Ce baume est liquide, d'un beau vert
et un peu phagédénique ; on l'emploie dans
le traitement des ulcères fongueux. H Baume
de soufre, Dissolution de 1 gramme de fleurs
de soufre dans 4 parties d'une huile essen-
tielle. Cette dissolution prend différents noms
suivant l'espèce d'huile employée ; c'est ainsi
que nous avons le baume de soufre anisé, le
baume de soufre térébenthine , etc. Il Baume
d'acier ou d'aiguilles , Sorte d'onguent d'un
rouge brun, que l'on emploie quelquefois
dans les douleurs articulaires. Pour le com-
poser, on fait dissoudre à chaud 8 grammes
de ljmaille d'acier dans 32 grammes d'acide
azotique, puis on ajoute 32 grammes d'al-
cool rectifié et autant d'huile d'olive, il On
désigne plaisamment par la même expres-
sion l'instrument de chirurgie qui sert à
l'extraction des dents-: Pour guérir le mal
de dents, je ne connais que le baume d'acier.
Il Baume d'ArcœuSj Sorte d'onguent que l'on
emploie quelquefois dans le pansement des
ulcères atoniques, et qu'on obtient en liqué-
fiant, à une douce chaleur, 2 parties de suif de
mouton, l partie de graisse de porc, l partie
et demie de térébenthine pure, et autant de
résine élémi. il Baume de Geneviève et baume
de Lucatel, employés comme le précédent, h
Baume de Chiron, Baume tonique et adou-
cissant, ainsi nommé du centaure Chiron. il
Baume Opodeldoch, employé contre les con-
tusions et les douleurs rhumatismales. Il
Baume de Sanchez ou anti-arthritique, em-
ployé en frictions contre les douleurs articu-
laires, il Baume saxon, employé contre ta dys-
pepsie, il Baume de Fioraeanti, Nom commun
a divers produits obtenus en distillant plu-
sieurs substances résineuses et balsamiques,
et un très-grand nombre de matières végé-
tales, préalablement macérées dans de l'al-
cool. On distingue le baume de Fioravanti
Sropremont dit, ou spiritueux, et les baumes
e Fioravanti noir et huileux. Le premier
est un stimulant très-énergique, c'est le seul
qu'on emploie aujourd'hui, les deux autres
n'étant que la décomposition plus ou moins
grande des substances organiques sur les-
quelles agit l'alcool, n Baume de Lecloure, de
Condom ou de Vinceguère, Mélange stimulant
et sudorifique de camphre, de safran, de
musc et d'ambre gris, dissous dans des huiles
essentielles. On le prend par gouttes sur du
sucre , on le porte sur soi comme aromate,
ou on le brûle dans les appartements, il
Baume du Samaritain , Mélange de vin et
d'huile employé dans le traitement des plaies,
et qui est ainsi nommé à cause du Samari-
tain de l'Evangile, qui s'en servit pour gué-
rir un blessé (v. ci-après.) il Baume du com-
mandeur de Fermes, ou simplement baume du
commandeur. Alcool composé, dont l'oliban,
la myrrhe, le baume de Tolu et le benjoin
font la base; on y joint l'aloès, l'angélique,
le millepertuis, il Baume de vie d'Bojfmann,
Teinture alcoolique et excitante, composée
d'ambre gris et de plusieurs huiles volatiles,
que l'on dissout dans l'alcool. Il Baume de vie
aeLelièvre.{Y.ELixiRDE longue vie.) Il Baume
acoustique, Composé d'huiles, d'essences et
de teintures, que l'on emploie dans certains
cas de surdités accidentelles et atoniques. il
Baume de fier-à-bras, Baume légendaire et
merveilleux, fameux dans les romances de
chevalerie, et qui avait la vertu de guérir
toutes les blessures. Don Quichotte l'invoque,
à chaque horion qu'il a reçu.
— Liturg. Saint baume , Baume que l'é-
voque mêle à l'huile, pour la composition du
saint chrême : Le pape se sert encore du saint
baume pour bénir les Agnus Dei et la Rose
d'or.
— Alchim. Baume universelou baume de vie,
Elixir composé par les alchimistes. De même
que la pierre phiiosophalc devait changer tout
en or, le baume de vie devait guérir toutes les
maladies, et même au besoin ressusciter les
morts.
— Miner. Baume des funérailles, de So-
dome, des momies, ou baume momie, Espèce de
bitume que les Egyptiens employaient dans
la préparation des momies.
— Bût. Baume des champs ou sauvage, Espèce
de menthe, d'un parfum très-agréable : Des ro-
ches tapissées de sauge et de baumes sauvages.
(Chateaub.) il Baume des chasseurs, Le piper
rotundifolium. Il Baume à cochon ou baume su-
crier, l'hedwigie. Il Baume focot, baume vert
de Madagascar, le tacamaque. Il Baume de la
grande terre, la lanterna involucrata. Il Baume
des jardins, la balsamite. il Baume de Marie,
baume vert, le calophylle. Il Petit baume, le
croton balsamifère.
— Encycl. Le nom de baume était donné
autrefois à des compositions onguentaires,
auxquelles on attribuait de merveilleuses pro-
priétés. Plus tard, ce nom fut étendu à des
préparations liquides , odorantes , générale-
ment alcooliques, et qui étaient quelquefois
fort différentes les unes des autres. Aujour-
n.
d'hui, cette dénomination doit être restreinte
à des substances résineuses qui contiennent
de l'acide benzoïque ou de l'acide cinnamique
et une huile volatile. Les baumes découlent
naturellement de certains arbres, ou bien on
les obtient au moyen d'incisions; ils exhalent
tous une odeur agréable et pénélrante. D'une
consistance plus ou moins liquide, ils se dis-
solvent, comme les résines, dans l'alcool, les
huiles essentielles, l'éther, et ils sont complè-
tement insolubles dans l'eau. On peut les di-
viser en deux classes : ceux qui renferment
de l'acide benzoïque, et ceux qui renferment
de l'acide cinnamique. Le benjoin est au nom-
bre des premiers ; le styrax, le tolu, et le
baume du Pérou sont au nombre des seconds.
Quelques-uns, tels que le liquidainbar, con-
tiennent les deux acides. Les baumes de co-
pahu, du Canada, de La Mecque, etc., ne sont
que des résines liquides ou térébenthinées.
Outre ces baumes proprement dits ou natu-
rels, on a établi un ordre de baumes factices
ou pharmaceutiques ; ce sont des teintures
alcooliques, des huiles médicinales, des on-
guents, etc.
Nous ne reprendrons pas ici toute la série
des baumes dont nous avons déjà donné les
noms ; nous nous arrêterons seulement à dire
quelques mots de ceux qui peuvent donner
heu à des développements scientifiques.
— Baume du Pérou. A la fin du xvmc siè-
cle, Hernandez reconnut que ce baume, dont
on doit la connaissance à Monard (15S0), pro-
venait du myroxylum perniferum, grand arbre
de l'Amérique méridionale, qui croît principa-
lement au Guatemala, et qui appartient a la
famille naturelle des légumineuses.
On en connaît deux sortes dans le com-
merce : 10 le baume du Pérou solide, demi-
fluide, transparent, d'un jaune pâle, d'une
odeur suave et d'une saveur acre et pi-
quante. Cette variété est aujourd'hui très-
rare ; 2° le baume du Pérou noir ou liquide,
qui serait contenu, d'après Salle, voyageur
français, dans le noyau du myroxylum perni-
ferum, de consistance sirupeuse, d'une odeur
forte, mais agréable, d'une saveur amère, on
l'obtiendrait, suivant quelques auteurs, par la
décoction de l'écorce et des racines de liane.
• Le baume du Pérou se compose: « l° decin-
naméine, corps liquide, volatil à une tempéra-
ture élevée, peu odorant; 2° de métacinna-
méine, corps cristallisable (C"H'*0*) ; 3° d'un
acide cinnamique; 4° d'une partie résineuse
(C"*H"0") qui ne préexiste pas, selon toutes
probabilités, mais qui, au contact de l'air, se
produit aux dépens de la cinnaméine en ab-
sorbant de l'eau. La résine est d'autant plus
abondante que le baume a été plus longtemps
exposé à l'air. • (Nysten.) Le baume du Pérou
est un excitant, qui est surtout employé dans
les catarrhes chroniques ; il entre dans la com-
position de latliériaque et des pilules de Mor-
ton; on le dit diurétique, et quelques médecins
en ont recommandé 1 usage dans les maladies
des voies urinaires. Autrefois, il était très-
fréqueinment employé à la cicatrisation des
plaies récentes.
— Baume de Tolu. Il provient du loluifera
. balsamum, arbre de la famille des légumineu-
ses, qui croît dans l'Amérique méridionale, et
notamment dans les environs de Tolu, non
loin de Carthagène, ce qui lui fait donner aussi
quelquefois le nom de baume de Carthagène.
Ce baume découle d'incisions faites au tronc
de l'arbre, et, ainsi obtenu, il est renfermé soit
dans de grandes bouteilles de terre cuite, ap-
pelées potiches, soit dans de petites cale-
basses. Ordinairement solide, sec et cassant,
il est d'un fauve clair, d'une odeur très-agréa-
ble et d'une saveur douce. Projeté sur des
charbons ardents, il brûle, en répandant des
vapeurs blanchâtres très-aromatiques. Cette
substance contient : 1° du tolène ; 2° de
la cinnaméine ; 3° une petite quantité d'acide
cinnamique ; 41* de l'acide benzoïque en grande
quantité ; 5° une résine particulière.
Les propriétés médicales du baume de Tolu
sont identiques à celles du baume du Pérou ;
cependant, on le préfère généralement à ce
dernier, et il constitue plusieurs préparations
pharmaceutiques , un sirop, des pastilles et
une teinture très-fréquemment employés.
— Baumes factices ou pharmaceutiques. Ces
baumes sont extrêmement nombreux ; ils dif-
fèrent entre eux, autant par leur composition
et leurs usages que par leurs propriétés médi-
cales et leur mode d emploi; les uns ont pour
base l'alcool ou les huiles essentielles ; les au-
tres de la cire, des résines ou du savon. Nous
devons nous borner ici à indiquer les princi-
paux, parmi ceux qui sont encore en usage :
Baume acétique, Solution de savon dans l'é-
ther acétique, à laquelle on ajouta quelquefois
du camphre et de 1 huile volatile de thym; il
est employé en frictions dans les affections
rhumatismales. Baume d'Arcœi.s, composé de
suif, de graisse et de térébenthine, que l'on
fait fondre ensemble; préparation excitante,
qui produit de bons effets dans le pansement
des ulcères atoniques. Baume du commandeur.
C'est une teinture alcoolique, très-chargée de
substances résineuses et balsamiques , l'oli-
ban, le myrrhe, le tolu, le benjoin, ausquels
il faut ajouter de l'aloès, de l'angélique et du
millepertuis ; stimulant administré a l'inté-
rieur, à la dose de 10 à 40 gouttes, et qui, à
l'extérieur, s'emploie comme le baume a'Ar-
cœus. Baume de Fioravanti. Cette préparation
est également appelée alcool de térébenthine
composée ; on l'obtient par la distillation, après
macération alcoolique, d'un très-grand nombre
de substances résineuses et aromatiques, telles
que la térébenthine , la myrrhe , la résine
élémi, le girofle, le gingembre, la cannelle, etc.
Le premier produit de la distillation est ce
que l'on nomme baume de Fioravanti spiri-
tueux:. Le baume de Fioravanti huileux est une
huile citrine, que l'on obtient en faisant dis-
tiller, dans une cucurbite de terre vernissée
ou de fer, le marc resté dans l'alambic; en
prolongeant cette opération et en augmentant
la chaleur, il se produit une liqueur noirâtre,
en partie huileuse et en partie aqueuse, que
l'on nomme baume de Fioravanti noir. La pre-
mière de ces préparations est la seule aujour-
d'hui employée ; c'est un stimulant énergique,
qui produit de bons effets contre certaines
ophtnalmies ; dans ce cas, on l'emploie sous
forme de vapeur, en en versant quelques
gouttes dans le creux de la main, que 1 on rap-
proche du globe oculaire affecté. Baume ner-
val ou nervin, Préparation onguentaire, com-
posée d'huiles essentielles, de camphre, de
baume du Pérou, d'axonge et d'esprit-de-vin.
Autrefois, ce baume contenait de la moelle de
cerf et de bœuf, de la graisse de vipère, d'ours
et de blaireau. 11 n'est employé qu'à l'exté-
rieur, dans le pansement des plaies et des ul-
cères. Baume Opodeldoch, Solution de savon
animal dans de l'alcool chargé de camphre et
d'huile volatile. A cette solution faite au bain-
marie, on ajoute, après le refroidissement, de
l'ammoniaque liquide , et on enferme le mé-
lange dans des flacons à large ouverture exac-
tement bouchée. Le baume Opodeldoch, en se
solidifiant, acquiert une transparence opaline,
très-souvent interrompue par des arborisa-
tions dues à la formation de stéarate de soude.
Cette préparation est un des baumes les plus
, usités ; il est stimulant et constitue un bon
remède contre les contusions, les entorses
et les douleurs rhumatismales. Baume tran-
quille, Infusion huileuse de belladone, de jus-
quiame, de morelle, de stramonium et d'un
grand nombre de- plantes aromatiques. Ou
l'obtient par macération, au soleil et en vais-
seau clos ; il est d'une couleur vert foncé et
exhale une odeur aromatique. Il est très-fré-
quemment conseillé comme calmant, ou seul,
ou uni h d'autres narcotiques.
Tels sont aujourd'hui les principaux baumes
employés par nos médecins et nos chirurgiens.
L'ancienne pharmacopée en avait beaucoup
d'autres, dont elle vantait les effets prodigieux.
Nous les avons nommés, et c'est tout ce qu'ils
méritent.
— Miner. Baume momie. C'est une sorte de
bitume liquide ou plutôt visqueux, devenant
presque solide dans les temps froids. Il est
noir, dégage l'odeur ordinaire des bitumes, et
brûle, comme eux, avec flamme et fumée
abondante. On le trouve en France, dans les
environs de Clermont-Ferrand, Il forme sui-
te sol un vernis visqueux qui s'attache assez
fortement aux pieds des voyageurs. On le ren-
contre aussi en Perse, sur la route de Schi-
ras à Bender-Congo, dans une montagne ap-
pelée Darap ; il y est recueilli avec soin, et
envoyé au roi de Perse comme un baume effi-
cace pour la guérison des blessures. On l'em-
ploie, sous le nom de mallhe, pour enduire les
câbles et les bois qui servent clans l'eau ; aussi
l'appelle-t-on quelquefois goudron minéral. Il
est employé en Suisse pour enduire les bois
des maisons et des charrettes et il entre dans
la composition de certains vernis qui servent
à préserver le fer de la rouille, ainsi que dans
celle de la cire à cacheter noire.
— Liturg. Le saint baume est celui que l'E-
glise mêle à l'huile pour la composition du
saint chrême servant aux onctions, dans l'ad-
ministration de certains sacrements. Cet em-
ploi du baume dans les cérémonies religieuses
ne remonte pas au delà du vie siècle ; du moins
n'en trouve-t-on aucune trace avant cette
époque. Les Arméniens composaient autrefois
leur chrême avec du beurre plutôt qu'avec du
baume.- Les théologiens sont encore à se dis-
puter pour savoir si le mélange du baume avec
l'huile est nécessaire à la validité des sacre-
ments, pour l'administration desquels on em-
ploie le chrême. Ce n'est pas nous qui nous
chargerons de résoudre cette question. On
veut voir dans le baume, ainsi marié à l'huile,
le parfum de la grâce ou la bonne odeur que
doivent, pour ainsi dire, répandre les vertus
du chrétien qui a dignement reçu les sacre-
ments.
— AlltlS blst. Le baume du bon Samaritain.
Un docteur de la loi, qui voulait passer pour
juste, dit à Jésus : « Qui est mon prochain? »
Jésus répondit : « Un homme descendait de
Jérusalem à Jéricho ; il tomba entre les mains
des voleurs, qui le dépouillèrent et le laissè-
rent à demi mort. Un prêtre, qui suivait le
même chemin, vit cet homme et passa outre ;
un lévite, qui survint, le vit et passa de même.
Mais un Samaritain, qui suivait la même route,
fut ému de compassion, et, s'approchant, il
versa de l'huile et du vin sur ses plaies et les
banda ; puis, le mettant sur son cheval, il le
conduisit dans une hôtellerie et en prit soin.
Le lendemain, il tira deux deniers de sa bourse
et, les donnant à l'hôte, il lui dit : « Ayez soin
» de cet homme, et tout ce que vous dépense-
» rez de plus, je vous le rendrai à mon re-
■ tour. » Lequel des trois vous semble le pro--
chain de celui qui tomba entre les mains des
voleurs? — C'est, répondit le docteur, celui
qui a usé de miséricorde envers lui. » Jésus
lui dit : «Allez donc, et faites de même. »
(Saint Luc, chap. x. } Jamais le dogme de la
fraternité humaine n'a été enseigné aussi élo-
quemment que dans cette simple et touchante
parabole. La morale évangélique éclate ici
dans toute sa divine nouveauté ; elle répudie
hard iment les traditions du monde ancien, cette
législation barbare qui établissait des degrés
infranchissables entre les différentes classes
de citoyens, et elle appelle au même titra
d'homme, de prochain, tous les déshérités de
la naissance ; elle relève tous ceux qui ont
vécu jusque-là courbés sous d'orgueilleux pré-
jugés, et leur restitue l'égalité, qu'ils ont reçue
en sortant des mains du Créateur. La para-
bole du Samaritain, c'est le préambule d'une
nouvelle constitution qui devra régir le monde :
faire jouir tous les hommes des mêmes droits,
et apporter à tous les peuples l'immense bien-
fait de la liberté.
Les écrivains font souvent allusion au baume,
à l'huile du bon Samaritain. Hégésippc Moreau
le rappelle d'une manière touchante, dans les
vers suivants du Myosotis :
Mon cœur, ivre à seize ans de volupté céleste,
S'emplit d'un chaste amour dont le parfum lui reste.
J'ai rêvé le bonheur, mais le rêve fut court.....
L'ange qui me berçait trouva le fardeau lourd,
Et, pour monter à Dieu dans son vol'solitaire,
Me laissa retomber tout meurtri sur la terre.
Où, depuis, mon regard dans l'horizon lointain
Plongeait sans voir venir le bon Samaritain.
• On voit avec quelle délicatesse de senti-
ment et d'expression Pierre le Vénérable ra-
mène, jusque dans la mort, l'image de ces
noces éternelles, impérissable aspiration d'Hé-
loïse ! L'huile du Samaritain ne coulait pas
plus onctueusement sur les blessures du corps
que la parole de ce saint homme sur celles du
cœur. » Lamartine.
» Dans les premières années du xvne siècle,
le cardinal Frédéric Borromée étant archevê-
que de Milan-, deu* femmes assassinées et à
demi mortes furent trouvées sur la route de
Monza, en Milanais... Telle était, à cette épo-
que, la terreur causée dans ce pays et dans
toute l'Italie par la domination espagnole, que
les paysans n'osèrent d'abord recueillir les
infortunées. Deux fions Samaritains se pré-
sentèrent enfin. » Asselineau.
« La douleur impitoyable qui brisait Mou-
geot n'éveillait plus en lui de jaloux ressenti-
ments; c'était un compagnon de misère qu'il
visitait. L'organisation du jeune homme, sa
nature modeste, candide, rencontraient dans
son cœur de merveilleuses sympathies. Au-
dessus de ces lois vulgaires de l'honneur, qui
entravent dans le monde l'élan des plus belles
âmes, il venait lui-même apporter le baume
du Samaritain aux blessures saignantes de
son ennemi. » Roger de Beauvoir.
« On force l'exilé à continuer sa roule
vers de nouveaux déserts : le ban qui l'a mis
hors de son pays semble l'avoir mis hors du
monde. Il meurt, et il n'a personne pour l'en-
sevelir. Son corps git délaissé sur un grabat,
d'où le juge est obligé de le faire enlever, non
comme le corps d'un homme, mais comme un
immondice dangereux aux vivants! Ah! plus
heureux lorsqu'il expire dans quelque fossé
au bord d'une grande route, et que la charité
du Samaritain jette en passant un peu de terre
étrangère sur ce cadavre. ■
Chateaubriand.
BACME (Nicolas-Auguste de La), marquis
de Montrevel, maréchal de France, né en
1646, mort en 171C. Ayant embrassé fort jeune
la carrière des armes, il arriva au premier
grade de l'armée, par une série d'actions d'é-
clat et par la valeur brillante dont il fit suc-
cessivement preuve au siège de Lille, au pas-
sage du Rhin, qu'il traversa un des premiers
en 1672, à Senef, à Namur, h Luxembourg, à
Cassel, à Fleurus. Nommé maréchal de France,
en 1703, et, bientôt après, gouverneur du
Languedoc, il fit la guerre aux camisards et
mourut à l'âge de soixante-dix ans. Beau,
bien fait, élégant, aimant le jeu et les femmes,
jouissant de toute la faveur de Louis XIV, le
brillant maréchal joignait à la plus grande
présomption l'ignorance la plus étonnante.
C'est au point que Saint-Simon, qui en a tracé
un piquant portrait, prétend, avec une exagé-
ration évidente, mais toutefois caractéristi-
que, que de La Baume était hors d'état de
distinguer sa main droite de sa main gaucho.
La cause de sa mort donne, du reste, une idéo
de la faiblesse de son esprit. Se trouvant h
dîner chez le duc de Biron, une salière se ren-
versa sur lui. A cette vue, cet homme, qui
avait montré tant de courage devant l'ennemi,
se sentit saisi d'une superstitieuse frayeur. Il
pâlit, en criant : « Je suis mortl » et, pris de
la fièvre en rentrant chez lui, il mourut au
bout de quatre jours. La maison de La Baume
s'est éteinte dans la personne de François-
Antoine-Melchior de La Baume , maréchal do
camp , qui fut député de la noblesse aux états
généraux de 1789, et qui périt sur l'échafaud,
en 1794.
BAUME (Edmond), avocat, publiciste et
homme politique, né à Toulon en 1803, mort
50
394
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h Paris en 1863. Son père était simple com-
positeur d'imprimerie, et ne put lui donner
qu'une instruction très-bornée. A dix ans ,
il entra dans la marine et servit comme
mousse. Il travailla ensuite comme char-
pentier dans le port de Toulon ; mais il em-
ployait k lire toutes les heures de liberté
que lui laissait son pénible travail, et il eut le
oonheur de rencontrer un homme généreux
qui lui fournit les moyens de compléter son
instruction au collège de Toulon. Ses progrès
furent rapides ; il put ensuite faire son droit à
Paris, et, en 1829, il se fit inscrire au tableau
des avocats de cette ville. Après la révolu-
tion , il retourna à Toulon, où il fonda un jour-
nal d'opinions très-avancées : l'Aviso de la
Méditerranée, journal des patriotes de Toulon
et du Var. Pendant quatre ans, la vivacité de
ses attaques contre le gouvernement lui valut
un grand nombre de procès, et bientôt les lois
de septembre l'obligèrent à cesser d'écrire. Il
vint alors reprendre son rang parmi les avo-
cats de la capitale ; son talent, son zèle à dé-
fendre les intérêts de ses clients, ne tardèrent
pas à lui assurer une position très-honorable.
A la chute de Louis-Philippe et lorsque la
France se fut donné la forme de gouverne-
ment qui avait toujours été le rêve favori de
Baume, il se* présenta devant los électeurs de
Toulon et sollicita l'honneur de les représen-
ter à la Constituante. On n'avait pas oublié
les luttes qu'avait soutenues le jeune rédac-
teur du Journal des patriotes : il en recueillit
la récompense et fut élu. Il alla prendre place
sur les bancs ds l'extrême gauche, soutint de
sa parole et de ses votes toutes les mesures
libérales, et vota notamment pour le droit au
travail et pour l'amendement Grévy. Pendant
les néfastes journées de juin, il paya de sa
personne et s'exposa aux plus grands dangers,
pour montrer à tous que les vrais républicains
réprouvaient une insurrection qui portait un
coup funeste à la république. Non réélu à la
Législative, il reprit sa profession, d'avocat
jusqu'au jour de sa mort^qui fut un jour de
deuil pour tous les amis de fa liberté. Mc Mou-
lin prononça sur sa tombe, en présence du
nombreux cortège d'hommes éminents qui
avait suivi Sa dépouille mortelle, un discours
que tous les journaux démocratiques s'em-
pressèrent de reproduire.
BAUME-DESDOSSÀT (Jacques-François de
La), littérateur français, né a Carpentras en
nos, mort a Paris en 1750. Il fut chanoine de
la collégiale de Saint-Agricol d'Avignon, et
composa plusieurs ouvrages , notamment :
Eloge de la paix (Paris, 1736) ; la Christiade
ou le Paradis reconquis (Paris, 1753, 6 vol.
in-I2), ouvrage curieux, mais mal écrit, où l'on
voit la Madeleine essayant de séduire le Christ,
et qui valut à son auteur une amende infligée
par le parlement de Paris ; les Saturnales fran-
çaises (Paris, 1736, 2 vol, in-12), publiées sous
le nom de M. Croquet, et où se trouvent qua-
tre comédies en prose : le Médisant, Iqs Effets
de la prévention, le Triomphe de l'amitié et
V Inégal.
BAUME-MONTREVEL (Claude de La), prélat
français, né en 1521, mort en 1584. Choisi, à
l'Age de douze ans, comme coadjuteurpar son
oncle , Pierre de La Baume , nommé par
Paul III cardinal-archevêque de Besançon ,
Claude lui succéda sur ce siège en 1545, et
se signala par son ardeur intolérante contre
les protestants. Il tit nommer des commissions
chargées d'examiner la conduite de quiconque
paraîtrait plus ou moins entaché d'hérésie,
expulsa de Besançon un certain nombre de
citoyens, et prit contre les familles des banais
des mesures rigoureuses. Trois cents de ces
derniers résolurent de revenir dans Besançon
et d'en chasser l'archevêque; mais leur tenta-
tive échoua (1575), et quarante jeunes gens de
la ville, accusés de complicité dans le mouve-
ment, furent condamnés à périr dans les sup-
plices. En souvenir de son triomphe, l'arche-
vêque institua une fête commémorative qu'on
eéièbre encore à Besançon , le 21 juin , et
reçut, peu de temps après, le chapeau de car-
dinal. Claude de La Baume avait pris pour vi-
caire général un parent du célèbre Raymond
Lulle, Antoine Lulle, professeur à Dôle, qui
réunit et publia les statuts synodaux du dio-
cèse, sous le titre de Slatuta synodalîa Bi-
sunt., etc. (Lyon, 1560, in-4°).
BAUME (la), petite rivière de France (Ar-
dèche), prend sa source près de Loubarès,
cant. de Valgorge, arrond. de Largentière,
passe à Valgorge, Joyeuse, La Baume, et tombe
dans l'Ardèche, au-dessous de ce dernier vil-
lage, après un cours de 40 k. du N.-O. au N.-E.
BAUME (LA SAINTE-), montagne de France
(Var), dans l'arrond. et à 24 kil. S.-D. de Bri-
gnolles, cant. de Saint-Maximin, à 35 kil. E.
de Marseille; altitude 870 m. Près du sommet,
grotte de Sainte-Madeleine, dans laquelle cette
sainte passa, dit-on, les trente dernières an-
nées de sa vie dans la pénitence et la prière ;
but d'un pèlerinage célèbre dans le pays.
BAUME -LES- 'DAMES , ville de France
(Doubs), ch.-l. d'arrond., à 29 kil. N.-E. de
Besançon, 435 kil. S.-E. de Paris, sur le Doubs
et le canal du Rhône au Rhin: pop. aggl.
2,174 hab. — pop. tôt. 2,577 hab. L arrond.
comprend 7 cant., 187 comm. ; 64,834 hab.
Tribunal de ire instance et justice de paix;
coliége communal , bibliothèque. Carrières
de gypse et de marbre rouge ; moulins, tan-
neries; commerce de bestiaux. Baume-les-
Dames, dont on admire la belle église parois-
siale, possédait autrefois une abbaye de cha-
noinesses, dont l'église sert actuellement de
halle ; c'est à cette abbaye, enrichie par Char-
lemagne et Louis le Débonnaire, que fait allu-
sion la dénomination de Baume-les-Dames 'ou
les Nonnes. On y voit encore les ruines d'un
château fort, détruit par les Suisses en 1 476,
à la suite des défaites qu'éprouva Charles le
Téméraire à Granson et à Morat.
BAUME-LES-MESSIEURS , petite ville de
France (Jura), arrond. et à 11 kil. N.-E. de
Lons-le-Sauoier; 950 hab. Doit son nom à une
ancienne abbaye de bénédictins de la congré-
gation de Cluny ; elle est bâtie au fond d^ine
tosse étroite, entre des montagnes immenses et
des rochers arides, qui s'élèvent à plus de
200 m. au-dessus des habitations, ne laissant
voir que le ciel. On arrive'dans ce lieu cu-
rieux et sauvage, par la charmante vallée de
la Seille.
BAUME (Antoine), chimiste français, né en
1728, mort en 1804. Fils d'un aubergiste de
Senlis, il n'eut d'autre instruction, pendant les
quinze premières années de sa vie, que celle
qu'il put puiser dans sa ville natale, au sein
de sa famille. Après deux ans d'apprentissage
chez un apothicaire de Compiègne, il vint à
Paris à l'âge de dix-sept ans, et entra dans la
pharmacie du célèbre Geoffroy. A vingt-quatre
ans (1752), il fut reçu maître apothicaire, avec
une grande distinction. • Peu de ses contem-
porains, dit M. Chevreul, ont autant écrit que
lui; peu ont autant travaillé dans le labora-
toire, et c'est grâce à ces travaux que plu-
sieurs de ses écrits ont une valeur réelle. ■
De nombreux et intéressants mémoires sur la
cristallisation des sels, sur les phénomènes de
la congélation et de la fermentation, sur les
combinaisons et les préparations des corps-
gras, du soufre, de l'opium, du mercure, de
l'acide borique, du platine, du quinquina, etc.,
lui ouvrirent les portes de 1 Académie des
sciences en 1773 ; et, lorsque le succès de l'En-
cyclopédie fit concevoir le plan du Dictionnaire
des arts et métiers, Baume se chargea d'écrire
plus de cent articles, qui font partie de cette
collection. Les divers mémoires qu'il avait
déjà fait paraître, avant de publier ces articles
technologiques, prouvent que les procédés des
manufactures lui étaient familiers. On lui de-
vait une méthode pour teindre les draps, un
procédé pour dorer les pièces d'horlogerie, des
moyens pour éteindre les incendies, d'autres
pour conserver le blé. Il avait aussi fait de
bonnes observations sur les constructions en
plâtre ou en ciment, sur les argiles et sur la
nature des terres arables. Avec Macquer, il fit
de nombreuses expériences pour élever la fa-
brication de notre porcelaine au niveau de celle
de la Chine. Le premier, il établit en France
une fabrique de sel ammoniac, et parvint à
blanchir les soies jaunes par un procédé chi-
mique. Il perfectionna la teinture écarlate des
Gobelins, et indiqua un procédé économique
pour purifier le salpêtre. Il se livra à un long
travail pour rendre les thermomètres compa-
rables et perfectionner l'aréomètre qui porte
son nom. Enfin, il enseigna les moyens de fa-
briquer avec le marron d'Inde une fécule
douce et propre à faire du pain.
Ruiné par la Révolution, il rentra dans la
carrière commerciale, qu'il avait abandonnée
en 1780 pour donner tout son temps aux re-
cherches de chimie appliquée. Il avait été pen-
sionnaire de l'Académie des sciences en 1785 ;
il fut élu associé à l'Institut en 1796.
Voici la liste des principaux ouvrages de
Baume : Dissertation sur Véther, dans laquelle
on examine les différents produits du mélange
de l'esprit-de-vin avec les acides minéraux
(1 vol. in-12, 1787) ; Eléments de pharmacie
théorique et pratique (1 vol. iu-8°, 1762;
2e édit., 1769 ; 3« édit., 1773, etc.) ; Manuel de
chimie ou Exposé des opérations et des pro-
duits d'un cours de chimie (1 vol. in-12, 1765) ;
Mémoire sur les argiles ou Recherches et expé-
riences chimiques et physiques sur la valeur des
terres les plus propres à l'agriculture, et sur les
moyens de fertiliser celles qui sont stériles
(1 vol. in-12, 1770); Chimie expérimentale et
raisonnée (3 vol. în-8°, 1773) ; Mémoire sur la
meilleure manière de construire les alambics et
fourneaux propres à la distillation des vins
(1778) ; Mémoire sur les marrons d'Inde (nsi).
Des ouvrages que nous venons de citer, les
plus importants sont : les Eléments de phar-
macie et la Chimie expérimentale et raisonnée.
Baume s'y montre attaché au phlogistique, et
repousse la nouvelle nomenclature chimique
et la théorie de la combustion de Lavoisier.
Les opinions qu'il émet s'éloignent notable-
ment de celles de Stahl. Il adopte la théorie
des quatre éléments : « Le feu, dit-il, est une
matière essentiellement fluide, principe de la
fluidité des autres corps, et toujours en mou-
vement... Le phlogistique est ts principe des
odeurs, des couleurs et de l'opacité des corps...
Le phlogistique est de la plus grande fixité au
feu, tant qu'il n'a pas de contact avec l'air;...
lorsqu'il se combine avec les chaux métal-
liques, il les ressuscite en métal ;...il augmente
même leur pesanteur spécifique... Tout ceci
prouve, ajoute-t-il, que le phlogistique est fixe
quand il entre beaucoup de terre dans sa com-
position, et qu'il est au contraire très-volatil
quand c est le feu élémentaire qui prédomine
sur le principe terrestre. » Comme le fait re-
marquer M. Chevreul, Stahl admettait la fixité
absolue du phlogistique, et ne concevait la ma-
nifestation du feu que là où il y avait mouve-
ment. Dans la théorie du chimiste allemand, la
combustion consistait en un mouvement de
verticille communiqué par l'air aux particules
très-divisées du phlogistique, mouvement qui
séparait ce dernier du combustible, sous la
forme lumineuse.
BAUMÉE s. f. (bo-mé — de Baume, chi-
miste français). Bot. Genre de plantes mono-
cotylédones, de la famille des cypéracéos,
comprenant deux espèces herbacées, qui crois-
sent l'une aux Moluques, l'autre aux îles
Mariannes.
BAUMEISTER. (Frédéric-Chrétien), philo-
sophe allemand, l'un des disciples les plus dis-
tingués de Wolf, né à Grossenkœrner (Saxe-
Gotha) en 1709, mort en 1785. Il devint en 1736
recteur du gymnase de Goerlitz, et il a laissé
des ouvrages importants, dont les principaux
sont : Philosopnia definitiva (Wittemberg,
1735, in-4°); Institutiones philosophiœ ratio-
nalis, methodo Wolfiana conscriptœ (Wittem-
berg, 1736) ; Institutiones metaphysicœ (Wit-
temberg, 1738) ; Elementa philosophiœ recen-
tioris (Leipzig, 1747), etc.
BAUMEISTER (Jean-Guillaume), vétérinaire
allemand, né en 1804, mort en 1846. Après
avoir étudié quelque temps lapeinture, et s être
essayé surtout avec succès dans la représen-
tation des animaux, il s'adonna à l'étude de
l'art vétérinaire, qu'il apprit a Stuttgard vers
1825, et qu'il enseigna successivement à Ho-
henheim et à Stuttgard. On a de lui quelques ou-
vrages estimés, parmi lesquels nous citerons :
Guide abrégé de l'élève du cheval (1843) ; Ma-
nuel général de l'art vétérinaire, en collabo-
ration avec Duttenhoser (1843-1844); Manuel
de l'élève et de la connaissance des animaux
(1843-1847). Tous en allemand.
BAUMEH (Jean-Guillaume), médecin alle-
mand, né à Rehweiler en 1719, mort en 1788.
D'abord pastenr protestant ;i Krautheim , il
abandonna, au bout de quatre ans, en 1746,
ses fonctions ainsi que la théologie, se livra
à l'étude de la médecine h Huile et professa
cette science successivement à Erfurt et à
Giessen, où il futappelé en 1764. Ses princi-
paux ouvrages sont : Imité des minéraux
(Gotha 1763-1764) ; Historia nnliiralis lapi-
dwn pretiosorum omnium (Francfort. 177ll;
Fundamenta géographie et hydmqraphix sub-
terranex (1779); Ilislnria naturalis regni mi-
neralis (1780); Anthropologia anatonomico-
physica (1784), etc.
BAUMES, bourgde France (Vnuclu^e), ch.-l.
de canton, arrond. et à 20 kil. E. d'Orange;
pnp. aggl., 1,089 hab. — pop. lot., 1,774 hab.
Fabriques de plâtre. On y voit les ruines
d'un vieux château, dont quelques pans sont
encore debout. Près do ce bourg, ii l'O-, s'é-
lève la jolie chapelle romane de' Notre-Dame
d'Aubnùne.
BAUMES (Jean-Baptiste-Timothêe), méde-
cin français, né àLunel en 1777, mort en 1828.
Il était médecin à Nîmes, lorsque sa réputa-
tion lui valut d'être appelé à une chaire de la
faculté de Montpellier. Doué d'une imagina-
tion vive et mobile, il se signala par son anti-
pathie contre la plupart des hommes et des
livres qui appartenaient à la faculté de Paris,
et par ses incessantes querelles doctrinales ,
même avec ses collègues. Il est l'auteur d'une
théorie médicale qui fit du bruit, mais qui n'eut
à peu près que lui seul pour partisan. Dans son
système , il subordonne toule la médecine à
la chimie, et il y a tout lieu de s'étonner que
cettejdoctrinesoit sortie de l'école de Montpel-
lier, après les écrits de Bordeu et de Burinez,
qui avaient si vivement combattu les idées em-
pruntées parla médecine a la mécanique et à
la chimie, et qui a vident fuit revivre la doctrine
primitivement établie par Hippocrate, renou-
velée depuis par Stahl. Praticien distingué et
observateur exact, Baumes a laissé un grand
nombre d'ouvrages, dont les principaux sont:
De l'usage du quinquina dans les fièvres rémit-
tentes (Paris, 1787); Traité des convulsions des
enfants (1789); Mémoire sur les maladies qui
résultent des émanations des eaux stagnantes
(1789); Traité de la phthisie pulmonaire (1789,
2 vol.); Fondement de la science méthodique
des maladies (1802, 4 vol.); Essai d'un système
chimique de la science de l'homme (17B8);
Traité élémentaire de nosologie (1801, 4 vol.) ;
De l'instruction publique dans ses rapports avec
l'enseignement des sciences et arts, etc. (1814).
Ajoutons qu'aux yeux de Baumes les chirur-
giens ne devaient être que de simples ma-
nœuvres, et qu'il ne cessait de déclamer con-
tre la place importante que les chirurgiens
avuient prise dans l'art de guérir.
BAUMflARTEN (Sigismond-Jacques), théo-
logien protestant, né à Wolmirstaedt en 1706,
mort en 1755, enseigna la théologie à Halle.
Ce fut lui qui commença, en 1744, la publica-
tion en langue allemande de la grande Histoire
universelle dite de Halle, d'abord traduite do
l'anglais, et à laquelle Semler, Schoelzer,
Engel, etc., imprimèrent une direction nou-
velle. Entre autres ouvrages, on lui doit :
Notices sur la bibliothèque de Halle (1748-
1751 ) ; Renseignements sur des livres curieux;
Histoire d'Espagne, de Ferreras, avec les ad-
ditions de la traduction française (1753-1757) ;
des traités de morale religieuse, etc. Il ex-
cella surtout dans la dogmatique et dans la
morale religieuse.
BAUMGAHTE1V (Alexandre-Gottlieb), philo-
sophe allemand, né en 17U k Berlin, mort à
Franafort-sur-1'Oder en 1762. Après avoir
étudié la théologie et la philosophie à Halle,
il obtint, en 1740. une chaire de philosophie à
Francfort-sur-l'Oder. Partisan de la monade-
logieetde l'harmonie préétablie, il appartient
à l'école philosophique de Leibniz, et de Wolf.
Son principal titre est d'avoir, le premier, sé-
paré, sous le nom à'esthé:ique, lu science du
beau des sciences philosophiques, avec les-
quelles elle avaitété confondue jusqu'alors, et
d'avoir tenté de la consti tuer à l'état de science
distincte. On peut dire, toutefois, qu'il a posé le
problème esthétique plutôt qu'il ne l'a résolu.
Baumgarten définit l'esthétique la science de
la connaissance sensible ou gnoséologie infé-
rieure. Qu'est-ce que c'est que cette connais-
sance sensible, cette connaissance inférieure?
Il faut se rappeler que , d'après Wolf , nous
avons deux espèces de facultés de connaître,
les facultés supérieures, coin prises sous le nom
d'entendement, et les facultés inférieures, qui
ne dépassent pa3 la sphère des sens. Les idées
claires, les idées logiques appartiennent aux
premières; les perceptions confuses, les re-
présentations qui n'arrivent jamais jusqu'il la
clarté distincte relèvent des secondes. Selon
Baumgarten, l'idée du beau doit être placée
dans cette seconde catégorie; ce sont les fa-
cultés inférieures qu'elle met en jeu.. Comme
il y a deux connaissances, une connaissance
sensible, obscure, confuse, inférieure ; une
connaissance rationnelle .claire et supérieure,
il y a aussi deux perfections, la perfection ra-
tionnelle, qui constitue le bien et qui est l'ob-
jet de la morale, et la perfection sensible, qui
constitue le beau et qui est l'objet de l'esthé-
tique, L'esihétique, on le voit, repose, comme
la morale, sur 1 idée de perfection; toute la
différence entre l'une et l'autre est dans l'or-
dre de représentations auxquelles cette idée
de perfection est appliquée. En quoi consiste
la perfection sensible? Elle consiste en un
triple accord : 1» accord entre les pensées et
les choses; 2° accord entre les pensées et les
pensées ; 3» accord entre les pensées et leurs
signes extérieurs. Cet ordre triple constitue
la perfection de la connaissance sensible,
c'est-à-dire la beauté; le contraire de cet or-
dre est l'imperfection, la laideur.
On doit remarquer les limites pou tranchées
qui séparent, dans la conception de Baumgar-
ten, l'esthétique des sciences philosophiques
voisines. Le beau, tel que Baumgarten 1 en-
tend, se rapproche singulièrement du bien et
du vrai, tellement cpa'il paraît les confundro
l'un avec l'autre. Où estla li^ne de démarca-
tion précise entre les facultés supérieures et
les facultés inférieures, entre la connaissance
rationnelle et la connaissance sensible, entre
la perfection saisie par l'entendement et celle
que perçoivent les sens? N'y a-t-il d'autre
beauté que celle qui est l'objet de la connais-
sance sensible? Le mot bien ne peut-il, no
doit-il s'entendre que de la perfection ration-
nelle? En réalité, dans la théorie de Baum-
garten , le beau ne forme pus une catégorie
spéciale, distincte par sa nature de celle du
bien; le bien est le genre, le beau est l'espèce,
et une espèce inférieure. D'autre part, les
conditions de la perfection sensible, telles que
nous les présente l'analyse de Baumgarten,
ne sontôvideinnient, comme l'u fait remarquer
M. Làvéquo, que les conditions logiques de
la perception pur les sens. Que je perçoive
exactement un tas de boue, il y aura accord
entre ma connaissance et son objet; mais où
sera la beauté de nia connaissance? En se-
cond lieu, que les perceptionsdiverses que me
fournit le spectacle d'un tas de boue soient
entre elles dans un parfait accord, la percep-
tion totale de cet objet de viendra-t-elle, grâce
à cet accord, digne d'être nommée belle? Eu
troisième lieu, que je sache exprimer fidèle-
ment la perception exacte que j'ai acquise du
même tas de boue, cet accord partait entre
ma connaissance et son signe i'era-l-il que ma
pensée soit belle? De ce triple accord, l'uni-
que conséquence sera la vérité, c'est-à-dire le
mérite logique, et nullement la valeur esthé-
tique de ma connaissance.
Baumgarten est conduit par sa théorie du
beau a définir le génie : l'élan de nos facultés
inférieures. L'inspirution, ou impetus xsthe-
ticus , lui paraît être la concentration et la
surexcitation de ces mêmes facultés, qu'il
nomme quelquefois d'un seul mot significatif,
caro (la chair).
« Au total, dit M. Lévêque, quoique Baum-
garten ait eu l'intention louable de donner à
la science du beau une existence distincte;
quoiqu'il l'ait baptisée du nom d'esthétique,
qu'elle a gardé; quoique, enfin, il ait vague-
ment compris que l'ordre entre comme élé-
ment dans ia nature essentielle du beau, c'est
à tort qu'on le regarderait comme le fon-
dateur de la science du beau. Le vrai père
de cette science, c'est Platon. Baumgarten
n'en a été que le parrain médiocrement in-
spiré, D
Outre l'ouvrage intitulé JEsthetica (1750),
où se trouvent ses vues sur la science du beau,
Baumgarten a laissé : Philosophia yeueralis
cum dissertatione proxmiali de dubitatione et
certitudine (1730); Miilapliijsica(lTi<}) ;Ethica
philosophica (1740); Jus nutwm (1705); De
nonnulin ad Poemu pertineitiibus (1735).
BAUMGARTÉNIE s. f. (boinm-gar-té-nî —
de Baumgarten , bot. allem.). Bot. Syn. de
borye.
BAUMGARTIE s. f. (bomm-gar-tî — du nom
BAU
de Baumgarten). Bot. Genre réuni aujour-
d'hui aux cocculus.
BAUMGARTNER {André, baron de), savant
physicien et homme d'Etat autrichien, né k
Friedberg (Bohême) en 1793. Sorti de l'Ecole
de Linz , il professa lu physique à Olinuta en
1817, puis à Vienne en 1823, où il ouvrit des
cours de mécanique industrielle, à l'usage du
peuple. En 1820, il fonda le Journal de phy-
sique et de mathématiques, dont il dirigea les
quatorze premiers volumes. Placé ultérieure-
ment à la tête de diverses fabriques, il devint
en 1848, dans le cabinet Pillersdorf, ministre
des travaux publics, puis chef <te division des
finances sous le ministère Dobbhof, commis-
saire du gouvernement dans le congrès doua-
nier réuni à Vienne en 1851, et fut appelé do
nouveau à prendre le portefeuille des travaux
publics en remplacement ;le M. de Bruck. Il
quitta le ministère en 1855 et alla siéger en
1861 dans la chambre haute. On doit à M. Baum-
gartner plusieurs ouvrages scientifiques dis-
tingués : Aréométrig (\&20);\a. Mécanique dans
sas applications aux arts et à l'industrie (1823);
Histoire naturelle (plus. édit. ); Guide du
chauffeur des machinesà vapeur (1841).
BAUMGARTNER (Gallus- Jacques), publi-
ciste suisse, né à Saint-Gall en 1797. Membre
du conseil de son canton et représentant à la
diète, il se fit connaître par ses opinions dé-
mocratiques'dans la première partie de sa car-
rière, mais changea brusquement de drapeau
dans l'affaire des couvents d'Argovie. Il dut
se retirer du conseil en 1841 et fonda la Nou-
velle gazette suisse, où il ne tarda pas à ex-
primer ses sympathies pour les jésuites et le
Sonderbund. On a de lui : Evénements sur le
champ de bataille de la politique (1844) , ou-
vrage dans lequel il cherche à justifier sa
conduite politique, et on lui attribue un écrit
intitulé la Suisse en 1852.
BAUMGAUTNER (Charles-Henri), médecin
allemand, né à Pforzheim en 1798. Après avoir
exercé pendant quatre ans les fonctions de
chirurgien-major, il professa la clinique mé-
dicale k l'université de Fribourg, puis devint
conseiller intime du grand-duché de Bade.
M. Bautngartner est auteur de nombreuses
publications, toutes relatives a la médecine.
On cite surtout son Système dualistique de ta
médecine (1835-1E37), ouvrage important qui
a eu plusieurs éditions, et De la Physiologie
des malades (1839), avec atlas de 80 planches
coloriées. Bien que moins importants, nous
mentionnerons aussi les ouvrages suivants :
Des fièvresetde la manièredeles traiter (\%il);
Observations sur les nerfs et sur le sang (1830) ;
Instructions populaires sur le choléra (1832);
Nouvelles recherches de physiologie et de mé-
decine pratique (1845) ; entin, Nouveau trai-
tement de la pneumonie et autres maladies de
poitrine (1850).
BAUM1AN. V. Bamian.
baumier s. m. (bo-mié — rad. baume).
Bot. Genre de plantes de la famille des tére-
binthacées, connu aussi sous le nom à'amyride
et de balsamier, renfermant un certain nom-
bre d'espèces d'arbres et d'arbrisseaux, qui
croissent dans les régions chaudes, et qui
fournissent des produits assez variés, confon-
dus dans le commerce sous le nonide baume.
— En général, Arbre à baume, n Baumier
du Canada. ( V. Sapin baumier.) tl Baumier-
peuplier. (V. Peuplier-baumier.) Il Baumier
à cochons, Nom vulgaire de l'hedwigie.
BAUMSTARK (Antoine), philologue alle-
mand, né en 1800 à Sinzheim, près de Bade, est
devenu en 1836 professeur de philologie k
l'université de Fribourg, et directeur du sémi-
naire philologique. Outre un grand nombre
d'articles et de dissertations, il a donné des
Commentaires sur les poésies d'Horace (2 vol.,
1841), et des Etudes sur l'antiquité pour servir
de commentaires aux poésies d'Horace (1841),
ainsi qu'une Anthologie grecque (1840, 6 vol.)
et une Anthologie romaine (1841, i vol.). Il
a traduit en allemand les œuvres de César
(8 vol.). On lui doit également une édition de
Quinte-Curce (3 vol.).
BAUMSTARK (Edouard), économiste alle-
mand, frère du précédent, né en 1807, devint,
en 1838, professeur al'université de Greifswald,
et, en 1843, premier directeur de l'académie
des sciences économiques d'Eldena. Les évé-
nements de 1848 l'appelèrent sur la scène po-
litique. Membre de 1 Assemblée nationale de
Prusse, puis de la première chambre, il y ac-
quit une grande autorité, défendit les prin-
cipes constitutionnels, devint le chef de la
gauche, et attaqua la politique du cabinet
Manteuffel. Il a publié des Essais sur le cré-
dit national (1833); une Encyclopédie des
sciences économiques et administratives (1835);
les Académies d'économie politique et d'éco-
nomie rurale (1839); De la taxe sur les revenus
(1849); l'Histoire des classes ouvrières (1853),
qui est un de ses meilleurs ouvrages. On lui doit
également une traduction en allemand des
Principes d'économie politique de Ricardo
(J837).
BAUN'E (Jacques de la), littérateur, né à
Paris en 1649, mort en 1726. 11 entra dans
l'ordre des jésuites, et professa les humanités
dans sa ville natale. On a de lui un recueil
des ouvrages latins du P.Sirmond(Paris, 169G,
5 vol.) ; Panegyrici veteres ad usum Delphini
(1676, in-4°), et des poésies et harangues en
latin (1682-1684). L'une de ses harangues est
un Eloge du parlement de Paris (1S84), qui
BAU
donna lieu, ainsi que nous l'apprend, dans ses
Mémoires, l'abbé d'Artigny, a l'anecdote que
voici : Jacques de la Baune lisait, en audience
publique du parlement, son Eloge sur cette
compagnie, et Boileau assistait à la lecture.
Ce dernier ne put s'empêcher de rire de la
singulière figure de tous ces graves person-
nages qui, leur mortier enfoncé sur les yeux,
écoutaient sans sourciller les belles choses
qu'on leur débitait sur leur propre compte. Le
malin poëte fit part de sa gaieté au président
Talon, qui accueillit cette confidence en sou-
riant du bout des lèvres. Mais lorsque le dis-
cours du jésuite fut achevé, et que Boileau vit
messieurs du parlement entourer l'orateur et
le féliciter à son tour, il ne put y tenir plus
longtemps, et récita au président ces vers de
Furetière :
Comme un curé faisant sa ronde
Encense à vêpres tout le monde,
Puis se tient droit, ayant cessé,
i Pour être à son tour encensé.
i BAUNE (Eugène), homme politique, né à
Montbrison (Loire) en 1800. Fils d'un ancien
officier de la République, il se jeta de bonne
heure dans les agitations politiques, fut un
des chefs de la grande insurrection lyonnaise
de 1834, et fut condamné par la Cour des pairs
à la déportation , mais s'évada de Sainte-
Pélagie et vécut à l'étranger jusqu'à l'amnistie
de 1837. Il collabora ensuite à la Réforme,
combattit en février 1848, et fut nommé par
son département représentant du peuple à la
Constituante et à l'Assemblée législative. Il
siégea k la nouvelle montagne, fit partie du
comité des affaires étrangères, déploya beau-
coup d'activité, et fit une opposition énergique
au gouvernement de Louis-Napoléon. Il fut
arrêté et expulsé de France après le coup
d'Etat du S décembre. — Son frère, Aimé
Baune, né k Montbrison vers 1800. figura aussi
dans les rangs du parti républicain dès 1830.
Il a rédigé plusieurs journaux de province, et
s'est occupé activement de l'organisation des
clubs en 1848. Compromis dans l'affaire du
13 juin 1849, il a été banni après le 2 décembre.
- BAUNV (Etienne), jésuite et théologien fran-
çais, né à Mouzon en 1564, mort à. SainA-Pol
de Léon en 1649. Il a laissé de nombreux ou-
vrages, les uns en français, les autres en la-
tin, où l'on .trouve tous les défauts que Pascal
reprochait aux jésuites dans ses Lettres pro-
vinciales. Au reste, les œuvres morales du
P. Bauny furent condamnées à Rome par dé-
cret du 26 octobre 1640, et censurées par l'as-
semblée du clergé à Mantes, en 1642.
BAUQUE s. f. (bô-ke). Bot. et agrie. Nom
vulgaire de la zostère, plante marine em-
ployée comme engrais et comme matière
d'emballage. Il Quelques-uns écrivent baugue.
bauquière s. f. (bo-ki-è-re — rad. ban).
Mar. Nom donné aux bordages d'épaisseur
qui supportent les baux et les barrots d'un
navire.
BAUQUIN s. m. (bo-kain — corrup. de
bouquin, tuyau de pipe). Techn. Bout de la
canne à souffler le verre, celui sur lequel on
appuie les lèvres.
BAÙR.BAUERou BAWER (Jean-Guillaume),
peintre et graveur français, né à Strasbourg
en 1600, ou, suivant quelques auteurs, en 1610 ;
se forma sous la direction de son compatriote
Fréd. Brentel, et partit, fort jeune encore,
pour l'Italie. Il travailla pendant plusieurs an-
nées à Naples, k Venise. et à Rome, où il obtint
la protection des ducs deBraccianoetColonna.
Appelé ensuite k Vienne par l'empereur Fer-
dinand, qui le nomma peintre de la cour, il
s'établit dans cette ville, et y mourut en 1640.
Baûr excella k peindre k la gouache, sur
vélin, des paysages, des vues architecturales,
des cavalcades, des marches de troupes, des
processions, etc. Suivant l'abbé de Fontenay,
« ses compositions sont d'une beauté qui va
souvent jusqu'au sublime; sa touche est lé-
gère et très-spirituelle ; ses figures sont petites
et un peu lourdes, mais elles paraissent être
en mouvement et ont une grande expression. »
L'éloge paraît fort exagéré. A dire vrai, les
peintures de Baùr sont assez rares, et cet ar-
tiste est surtout connu comme graveur. Il a
laissé environ 270 estampes à l'eau-forte, dont
quelques-unes sont signées de son mono-
gramme, et d'autres de ses initiales : Io. W. B.
(Johann- Wilhelm Baùr). Nous citerons , dans
le nombre : le Baptême de Jésus ; la Gicérison
de l'aveugle-né; Saint Jean préchant dans le
désert ; le Jugement de Midas ; les Divinités du
Ciel, des Eaux, de la Terre et des Enfers
(4 pièces) ; une Assemblée de philosophes; les
Habillements des différentes nations du monde
(suite de 16 pièces); diverses Vues de Borne;
une trentaine de Batailles; le portrait de l'au-
teur, celui du duc de Bracciano ; 20 planches
pour l'ouvrage de Strada, De bello Belgico
(Rome, in-fol., 1632-1647); 150 vignettes pour
une édition allemande des Métamorphoses
d'Ovide (Vienne, in-fol., 1641). Melchior-Ky-
sell a gravé d'après Baûr une suite d'estampes
intitulée : Iconographia complectens vitam
Christi, etc. (Augsbourg, in-fol., 1670 et 1682,
4 part.). Baûr a été le maître de Fr. Gouban..
BAUR (Frédéric-Guillaume), général alle-
mand, né k Bieber(Hesse électorale) en 1735,
mort à Saint-Pétersbourg en 1783. Il se dis-
tingua pendant la guerre de Sept ans, sous les
ordres du duc de Brunswick. Il entra ensuite
au service de la Russie, et fut nommé lieute-
nant général en 1773. L'impératrice Catherine
J.
BAU
lui confia le soin de plusieurs entreprises im-
portantes, telles .que les mesures a prendre
pour distribuer l'eau dans tous les quartiers de
Moscou, la construction d'un arsenal, le curage
du port de Cronstadt. Baur avait pour secré-
taire le célèbre auteur dramatique Kotzebue,
ui dirigeait en son nom le théâtre allemand
e Saint-Pétersbourg.
BAUR ou BAUER (Nicolas), peintre hollan-
dais, né à Harlingen en 1767, mort dans la
même ville en 1845: Il a peint avec talent la
marine et le paysage. On cite, comme son
meilleur ouvrage, le Bombardement d'Alger.
Le musée de Rotterdam a de lui une Mer agi-
tée. — Son fils, J.-A. Baur, né à Harlingen,'
s'est distingué comme portraitiste : le musée
de Rotterdam possède le portrait qu'il a fait
de M. Boymans, amateur qui a légué à ce
musée une riche collection de tableaux.
BAUR (Samuel), publiciste allemand, né k
Ulm en 1768, mort en 1832. Après avoir étudié,
à léna et à Tubingen, la théologie, l'histoire et
les belles-lettres, il entra dans le ministère
ecclésiastique et devint pasteur k Burlenbcrg,
k Gœttingue et k Alpek. Les principaux ou-
vrages de Baur, un des écrivains les plus fé-
conds de l'Allemagne, sont les suivants, qui
appartiennent à la classe des compilations :
Archives d'esquisses relatives aux principes de
la religion (1790) ; Tableaux intéressants de la
vie des personnages mémorables du xvme siècle
(1803-1821, 7 vol.); Nouveau dictionnaire ma-
nuel historique, biographique et littéraire (l 807-
1816, 7 vol.), ouvrage estimé; Tableaux des
révolutions, soulèvements, etc. (1810-1818,
10 vol.); Faits mémorables de l'histoire des
hommes, des peuples, etc. (1819-1829) ; Cabinet
historique de raretés (1826-1831, 6 vol.), etc.,
et plusieurs traductions. Tous ces ouvrages
sont écrits en allemand.
BAUR (Ferdinand - Chrétien Dis), célèbre
théologien et critique allemand, né le 21 juin
1792, mort le 2 décembre 1860. D'abord profes-
seur au séminaire de Bla'\beuren, il occupa,
depuis 1826 jusqu'à sa mort, une chaire de
théologie éVangélique k l'université de Tu-
bingue. • Par l'étendue de sa science, par
l'alliance peu commune de la pensée spécu-
lative et d'une érudition universelle, par un
instinct merveilleux de divination qui , de
données isolées, obscures et jusqu'alors ina-
perçues, parvient à tirer les résultats les plus
considérables,' Baur, dit le docteur Schwarz,
se place incontestablement, depuis la mort de
Schleiermacher, k la tête des théologiens et
des critiques allemands. » Il est le chef d'une
école théologique très-importante, dite école
de Tubingue, dont l'originalité consiste à ap-
pliquer à l'histoire des trois premiers siècles
de l'Eglise le principe de l'autonomie de la
critique, à déterminer, d'après ce principe,
c'est-à-dire indépendamment de toute consi-
dération subjective et apriorique , religieuse
ou philosophique, le caractère, la tendance et
l'âge de chacun des écrits qui composent le
Nouveau Testament, en un mot, k faire ren-
trer tous ces livres dans le cours général de
l'histoire, en replaçant, en quelque sorte, cha-
cun d'eux dans le milieu qui l'a produit et qui
l'explique. Cette qualification à' école de lu-
bingue a besoin de quelque explication. Elle
désigne un mouvement scientifique plutôt
qu'un enseignement déterminé. Comme le fait
très-bien remarquer M. Stap , les écrivains
qui, en Allemagne, partagent les vues histo-
riques de Baur, MM. Zeller, Schwegler, Kœst-
lin, Planck", Schnitzer, Georgii, Hilgenfeld,
etc., ne sont pas ses disciples dans le sens ri-
goureux du mot, c'est-k-dire qu'ils ne prennent
point pour règle de suivre ou de développer
ses opinions particulières. Fidèles k leur tache
d'historiens critiques, ils remontent directe-
ment aux sources, et se préoccupent généra-
lement assez peu de savoir si les résultats
auxquels ils arrivent s'accordent ou non avec
ceux que Baur a obtenus lui-même. A propre-
ment parler, ils constituent moins une école
qu'un groupe de travailleurs indépendants, qui
reconnaissent pour point de départ le même
principe, la liberté absolue de la critique, et
qui, employant la morne méthode, sont con-
duits k un ensemble d'idées k peu près con-
cordantes sur l'histoire des premiers âges de
l'Eglise. Baur n'en a pas moins droit au titre
de maître, parce qu'il est le génie créateur qui
a ouvert la voie et donné l'impulsion générale.
Les ouvrages de Baur forment deux séries
distinctes : les uns s'occupent du dogme chré-
tien, de son développement et de son histoire;
les autres concernent la critique. Enumérons-
les, en cbmmençant par la série des ouvrages
dogmatiques. La première œuvre importante
du célèbre théologien est Symbolique et my-
thologie ou la religion naturelle de l'antiquité
(1824-1825, 3 vol.), qu'il écrivit sous l'inspi-
ration de Schleiermacher. La seconde, qui a
pour titre Différence entre le catholicisme et le
protestantisme (1833), est une réfutation de la
Symbolique du théologien catholique Mœhler.
Nous passons ensuite à de remarquables mo-
nographies sur l'histoire des dogmes. Le livre
intitulé Gnosis chrétienne ou Philosophie de la
religion chrétienne, parut d'aoord (1835). L'au-
teur y suit la filiation des doctrines gnos-
tiques à travers les siècles, et rattache ces
doctrines, par une suite d'anneaux intermé-
diaires, au panthéisme de Schelling, de Hegel
et de Schleiermacher. Bientôt après, parut
l'ouvrage sur la Rédemption (1838), puis les
trois énormes volumes de l'Histoire de la doc-
trine chrétienne, de la Trinité et de l'Incarna
BAU
395
tiondivine (1841-1843), Si.k ces monographies,
nous ajoutons le Traité d histoire dogmatique
chrétienne (1847), qui embrasse l'ensemble de
l'histoire des dogmes, et l'écrit sur l'Eglise
chrétienne des trois premiers siècles (1853),
nous aurons nommé les principaux ouvrages
dogmatiques de Baur. Baur voulait publier
toute l'histoire de l'Eglise chrétienne, d'après
le point de vue philosophique et critique qu'il
avait déjà appliqué aux premiers siècles. Mais
il ne put voir que la publication du second vo-
lume, l'Eglise chrétienne depuis le commen-
cement du ivo jusqu'k la fin du vie siècle
(1859). Les trois derniers volumes qui com-
plètent l'ouvrage ont été publiée d'après les
manuscrits do Baur par son gendre, M. Zel-
ler, professeur k Heidelberg , et son fils ,
M. F.-J. Baur. En voici les titres : l'Eglise
chrétienne au moyen âge (1861); Histoire ec-
clésiastique des temps modernes , depuis la
Réforme jusqu'à la fin du xvm« siècle (1863) ;
Histoire ecclésiastique du xixe siècle (1802).
Le dernier volume, un des chefs-d'œuvre de
Baur, fit une immense sensation.
Le caractère distinctif de tous ces travaux
consiste en ce que le développement du dogme
chrétien y est présenté comme une évolution
nécessaire de la pensée, et que les particula-
rités réelles de ce développement, si nom-
I breuses qu'elles soient, y apparaissent sou-
mises à une loi rationnelle, engendrées par
' une loi rationnelle. On reconnaît ici la philo-
, Sophie hégélienne. Pour Baur, qui professe les
j principes de cette philosophie, le divin s'iden-
i tifie avec le nécessaire et le généra! ; c'est le
I fond d'où sort le particulier, le réel. Ainsi,
plus d'antinomie entre le divin et le naturel ;
i le surnaturel n'a pas de sens : rien ne peut
■ venir, ne peut tomber tout k coup du dehors
dans la nature, dans le monde, dans l'histoire,
par une raison bien simple, c'est qu'il n'y a
pas de dehors quant k la nature, au monde et
a l'histoire. Considéré à ce point de vue pan-
théiste, le christianisme cesse d'être surnaturel^
sans cesser d'être divin. L'idée chrétienne a
subi la loi commune des idées en voie de réa-
lisation; elle a germé, s'est développée et s'est
diversifiée, et la tâche de l'histoire est de la
suivre dans ses phases successives. Mais voief
l'écueil de cette philosophie dans l'histoire. Si
la logique, comme le veut Hegel, donne le
général, et si le général engendre le particu-
lier, l'histoire peut se déduire, se deviner; on
peut la tirer, avec tous ses détails, de quelques
concepts : de là, une tendance k tourmenter
les faits, à les appauvrir, k les amaigrir en
quelque sorte, pour les enfermer dans le cadre
théorique, et pour faire mieux éclater l'idée
dont ils sont 1 expression. Malgré l'étendue de
ses connaissances positives, Baur ne paraît
pas avoir échappé à cet écueil. « On ne peut
s'empêcher de retrouver aussi chez lui, dit le
docteur Schwarz, un certain dualisme, un
manque de fusion entre le général et le parti-
culier, l'un n'étant trop souvent qu'une caté-
gorie logique disposée d'avance, sous laquelle
1 autre est rangé par force et dont on lui im-
pose simplement l'étiquette.
Entre les travaux de Baur sur le dogme et
ses travaux concernant la critique, il y a un
lien très- naturel. Ces derniers ne sont, en
réalité, que l'application au canou de l'Ecri-
ture de ses recherches sur les progrès de la
conscience chrétienne pendant les premiers
siècles. Le point de départ de la critique de
Baur n'est point dans les Evangiles, mais dans
les écrits de Paul. En 1831, nous le voyons dé-
buter par deux dissertations, l'une Sur les ori-
gines de l'ébionitisme et sur sa dérivation de la
secte essénienne: l'autre. Sur le parti du Christ
à Corinthe. Cette dernière est la plus impor- _
tante ; elle offre un intérêt tout particulier, en '
ce qu elle exprime déjk clairement, au moins
dans leurs lignes fondamentales, les vues de
Baur sur le christianisme primitif. Déjà ici,
l'opposition entre l'ébionitisme ou pétrinismo
et le paulinisme est envisagée comme le trait
dominant de la physionomie des tera\ apos-
toliques. En 1835, parut l'écrit Sur les réten-
dues Epitr.es pastorales de l'apôtre Paul. Baur
ne se contente pas d'y affirmer l'inauthenticité
de ces EpUres, comme l'avait fait Eichliorn ; il
s'efforce de déterminer les idées qui les ont
inspirées, et par là même le temps de leur
rédaction, qu'il fait descendre jusqu'au milieu
du us siècle ; il y découvre une opposition in-
tentionnelle contre la Gnose, ainsi que le des-
sein formel de favoriser le régime épiscopal, qui
prenait alors naissance au sein de l'Eglise. On
vit paraître ensuite la dissertation Sur le but
et loccasion de l'Epitre aux Romains fl836),
et un écrit Sur l'origine de l'épiscopat (i838),
dirigé surtout contre les Origines de l'Eglise
chrétienne, de Rothe, et contre l'authenticité
des épitres d'Ignace, qui y était défendue. Mais
les deux principales oeuvres critiques de Baur,
celles où bien des points, qui n'avaient été
qu'indiqués ou effleurés ailleurs, se trouvèrent
groupés et mis en pleine lumière, furent -.Paul,
l'apôtre de Jésus-Christ, sa vie et ses œuvres,
ses Epitres et sa doctrine, étude critique-histo-
rique du christianisme primitif (1845); et
Recherches critiques sur les Evangiles cano-
niques, leurs rapports, leur origine et leurs
caractères (1847). Citons encore 1 ouvrage sur
les Evangiles de Marc et de Màrcion (1851),
la'brochure remarquable intitulée L'Ecole de
TttMuyue et sa situation présente (1859), dans
laquelle Baur répond k ses adversaires de
toutes nuances, et les Leçons sur la théologie
du Nuuveau Testament qui ont paru après sa
mort (1864).
398
BAU
BAtî
BAt)
BAU
Baur repose dans le cimetière de Tubingue,
non loin du poète Uhland. Le promeneur s'ar-
rête involontairement devant un bloc de ro-
cher, irrégulier, entouré de lierre et portant
sur une de ses faces cette simple inscription:
K.-C. BAUR, THÉOLOGIEN.
21 juin 1792. — 2 décembre 1860.
Il nous reste à faire connaître la méthode
de Baur, et les résultats auxquels cette mé-
thode l'a conduit.
Nous avons vu que Baur est un discip,e de
Hegel; c'est à la lumière de la philosophie
hégélienne qu'il' étudie l'histoire du christia-
nisme. C'est en vertu des principes de cette
philosophie, qu'au lieu de voir dans le fait un
agrégat fortuit de circonstances simplement
réunies dans le temps, juxtaposées dans l'es-
pace, il s'applique avant tout a saisir les causes
intérieures, le général d'où procède le parti-
culier, les idées qui dominent le tout. Au re-
proche fait à ce point de vue d'exalter l'idée
aux dépens du fait, le général aux dépens de
l'individuel et du personnel, il répond qu'il
n'est jamais possible de séparer les deux fac-
teurs, n De même, ditril, que le particulier
sans le général, le fait sans l'idée qu'il mani-
feste, serait un corps sans âme; de même l'i-
■ dée n'arrive h l'existence réelle, a la vie con-
crète que dans l'individualité des personnages
historiques. Ce qui donne à ceux-ci leur signi-
fication, c'est l'énergie avec laquelle, repré-
sentants de leur temps, expression.vivante de
la conscience de leur époque, ils saisissent et
incarnent les idées générales du moment.
Quels noms vides seraient pour nous tous les
grands hommes de l'histoire, s'ils ne nous ap-
paraissaient comme animés d'une idée qui
domine leur individualité, et dans laquelle ils
trouvent précisément le point d'appui de leur
existence historique [ Aussi peu on s'explique,
il est vrai, pourquoi ce sont justement tels et
tels individus qui dépassent de si haut tous
leurs contemporains, autant il est nécessaire,
d'un autre côté, l'esprit général du temps une
fois donné, que ce soit telle idée et non telle
autre qui entre par eux dans l'histoire. Mais
c'est là la différence et le rapport entre le
particulier et le général, entre 1 accidentel et
le nécessaire. S'il est vrai que le général ne
peut se réaliser que dans le particulier et dans
l'individuel, il n'est pas moins vrai que si un
Charlemagne, un Grégoire VII n'eussent pas
existé, d'autres eussent accompli leur œuvre
avec cette libre détermination où se confondent
la liberté et la nécessité dans le grand enchaî-
nement de l'histoire; ils l'eussent fait sous
d'autres noms et à leur manière, dans la me-
sure de leur individualité, mais finalement avec
le même résultat. «Baur, on le voit, est nette-
ment déterministe en histoire, ou plutôt l'idée
d'histoire se confond, à ses yeux, avec celle
même de déterminisme. De la, la négation du
libre arbitre en Dieu comme en l'homme ; de
là , l'incompatibilité essentielle de la méthode
historique, telle qu'il la comprend, avec le mi-
racle, cette manifestation du libre arbitre de
Dieu. «La méthode historique, dit-il, cherche la
relation naturelle des causes et des effets ; le
miracle, au contraire, pris dans son sens absolu,
supprime cette relation, et suppose un point
où il serait impossible de la saisir, non pas
faute d'informations suffisantes, mais parce
qu'elle aurait cessé d'exister. Mais comment
prouver une telle suspension, si ce n'est histo-
riquement? Or, pour la méthode historique, ce
serait une pétition de principe d'admettre un
fait qui serait en contradiction avec les ana-
logies générales de l'histoire. L'existence d'un
tel fait ne peut pas fournir la matière d'un
débat historique ; elle ne peut être que l'objet
d'une controverse dogmatique sur la notion
du miracle, et sur la question de savoir si, en
dépit do toutes les analogies de l'histoire, c'est
un besoin absolu de la'conscience religieuse
de considérer certains faits comme des mi-
racles, au sens absolu du mot. »
Comment Baur a-t-il appliqué ces principes
généraux do la méthode historique à la cri-
tique des écrits du Nouveau Testament, , et
quels résultats en a-t-il obtenus? Il part de ce
fait, que l'enseignement chrétien général se
donnait, à l'origine du christianisme, par la
prédication ; que les livres du Nouveau Tes-
tament ont été composés, non pour un public
indéterminé et plus ou moins inconnu , dans
un but d'instruction générale, mais en vue de
certains besoins du moment et dans une in-
tention toute spéciale; qu'il n'est aucun d'eux
qui ne soit un écrit de circonstance. De là
cette conclusion, que ces livres portent l'em-
preinte des événements en vue desquels ils
ont été mis au jour ; qu'ils rendent témoignage
de l'état des esprits, soit de ceux qui les ont
écrits, soit de ceux auxquels ils ont été adres-
sés, et qu'ils peuvent ainsi nous faire connaître
eux-mêmes a quel moment, dans quel but, et
par quels auteurs ils ont été composés. Autre
conséquence : si chacun des écrits du Nouveau
Testament est un écrit de circonstance, il
faut réduire considérablement le rôle que fait
jouer Strauss, dans la formation des récits
évangéliques , à l'action spontanée et incon-
sciente de la première communauté chrétienne.
Aussi Baur, sans exclure absolument le mythe
de l'histoire évangélique, repousse-t-il l'ex-
tension donnée à la théorie mythique, etrem-
place-t-il cette théorie par celle des tendances,
qui fait une grande part à la fiction voulue et
réfléchie, et qui refuse de voir dans les évan-
gélistes des poëtes naïfs recueillant sans but
déterminé les produits de l'imagination et du
sentiment populaires. La théorie du mythe n'a-
boutissait qu'à démolir l'historicité des Evan-
giles, sans rien nous apprendre sur l'origine
et l'âge de ces mêmes Evangiles. La théorie
des tendances ne se borne pas à ce résultat
négatif; elle permet de déterminer l'ordre
d'apparition des divers écrits qui composent
la littérature primitive de l'Eglise, d'après l'or-
dre de succession logique et nécessaire des ten-
dances qui se sont manifestées par ces écrits.
Pour procéder à cette détermination, il im-
portait d'avoir un point de repère bien fixé.
Baur le trouva dans quatre Epîtres de saint
Paul dont l'authenticité n'est pas contestée :
. l'Epitre aux Romains, les deux aux Corinthiens,
et celle aux Galates. Ces écrits nous font pé-
nétrer dans les temps apostoliques. Ils nous
révèlent un fait bien remarquable : c'est que
les premiers prédicateurs de l'Evangile étaient
loin de s'entendre sur le caractère même du
christianisme. Pierre, Jacques, Jean, et en
général avec eux les apôtres qui avaient vécu
auprès de Jésus-Christ, ne voyaient dans la
foi nouvelle qu'un judaïsme spiritualisé et ac-
compli. Ils conservaient les cérémonies juives,
et n'ajoutaient guère à l'ancienne loi que cet
article de foi : Jésus est le Messie, l'accom-
plissement de la parole des prophètes. Aux
yeux de Paul, au contraire, le christianisme
était autre chose qu'un judaïsme modifié ou
complété ; c'était une religion nouvelle, une
religion universelle, appelant à elle tous les
hommes sans distinction de nationalité. La
lutte entre le judéo-christianisme des apôtres
de la circoncision et le christianisme univer-
saliste de l'apôtre des Gentils fut bien plus
vive et plus longue que la tradition subsé-
quente de l'Eglise , et notamment les Actes
des apôtres, se plurent à la représenter. Elle
survécut à Paul; elle ne cessa pas avec la
ruine de Jérusalem ; elle se prolongea jusqu'au
milieu du ne siècle. Tous les écrits contem-
porains en portent la trace et ne s'expliquent
que par elle. En un mot, elle nous donne la
clef de la littérature des deux premiers siècles,
et, par suite, le véritable moyen de comprendre
les livres canoniques, d'en déterminer l'âge et
l'origine. Ces écrits se divisent en deux caté-
gories principales : ou ils participent de la
première ardeur d'une hostilité directe et im-
médiate, comme les Epttres de Paul d'une part,
et l'Apocalypse, de l'autre ; ou ils s'inspirent
de la disposition ultérieure qui consistait à
calmer cette irritation même, a en effacer les
motifs, et à la recuuvrir du voile de l'oubli,
tels que le troisième Evangile et les Actes des
apôtres. On ne peut douter que les plus an-
ciens Evangiles n'aient été empreints d'une
couleur judaïsante bien prononcée. Ces Evan-
giles n'ont pas pris place dans le canon ; ils
ont disparu depuis longtemps; quelques-uns
d'entre eux nous sont connus uniquement par
leurs titres; mais leur tendance générale se
retrouve, à un certain degré, dans celui de
Matthieu. L'Evangile de Luc vit le jour indé-
pendamment de celui de Matthieu, et à une
époque plus récente ; il est l'Evangile du pau-
linisme, mais d'un paulinisme adouci et con-
ciliant. L'Evangile de Marc est plus jeune
encore, aux yeux de Baur, que celui de Luc. Il
appartient aux derniers temps de la lutte entre
l'ébionitisme et le paulinisme, à l'époque où
cette lutte était à peu près éteinte. Le livre
des Actes des apôtres a très-probablement le
même auteur que l'Evangile canonique de Luc.
Il est l'œuvre d'un adhérentdu paulinisme, qui,
pour rapprocher et réunir les deux partis op-
posés, s'efforce défaire ressembler autant que
possible Paul à Pierre et Pierre à Paul, et de
substituer à l'image de leurs différences réelles
celle d'un accord idéal. Parmi les Epîtres de
Paul, il n'y a d'authentiques, selon Baur, que
les grandes Epîtres (Epîtres aux Romains, aux
Galates, aux Corinthiens); toutes les autres
doivent être rejetées dans le ne siècle. U Apo-
calypse et le quatrième Evangile ne sauraient
appartenir au même auteur, h' Apocalypse est
un écrit judaïsant, qu'il est très-naturel d'attri-
buer à l'apôtre Jean. Mais le quatrième Evan-
gile ne saurait être l'œuvre de cet apôtre. Le
caractère infiniment plus dogmatique qu'histo-
rique de cet Evangile, le développement qu'y
reçoit la christologie, les expressions gnos-
tiques dont elle s'y revêt ne permettent pas de
le faire remonter au delà du milieu du ne siècle.
« On a comparé, et non sans raison, dit le
docteur Schwarz, l'importance de Baur pour
la critique du Nouveau Testament à celle de
Niebuhr et de Wolf sur le terrain de la litté-
rature classique. De même que Niebuhr ruina
de sa critique impitoyable les récits de Tite-
Live sur les origines de Rome, pour en re-
construire ensuite lui-même, au moyen d'ingé-
nieuses combinaisons, la véritable histoire; de
même que Wolf montre les chants homériques
naissant progressivement et naturellement de
la vie et de la poésie de la Grèce ; ainsi Baur,
do son côté, essaya le premier de comprendre
la genèse historique des livres canoniques de
l'Eglise, et de leur assigner une place dans le
développement du christianisme. »
BAUR (Wilhelm de), ecclésiastique allemand
contemporain, est l'auteur d'une biographie du
baron Frédéric de Stein, travail qui est un
abrégé de la volumineuse biographie écrite
sur le célèbre et énergique adversaire de
l'empereur Napoléon 1er. Les circonstances
au milieu desquelles cette petite biographie
fut publiée sont dignes d'être remarquées.
Ce fut pendant la guerre d'Italie de 1859 ;
au moment où bon nombre de gens pen-
saient que la guerre allait devenir générale,
M. de Baur ne trouva rien de mieux, pour
réveiller la haine de ses compatriotes contre
les Français, que de faire une édition popu-
laire de la vie de l'homme d'Etat qui, sous le
premier empire, avait été la personnification la
plus forte de cette haine.
BAURACHS.s. m. (bô-rakss). Miner. Nom
que les mineurs arabes donnent au tinckal;
ils réservent ce dernier nom pour désigner
une matière grasse qui enduit toujours le
baurachs.
BAURANS, littérateur et musicien français,
né à Toulouse en 1710, mort en 1764. Doué
d'un goût très-vif pour les arts, et surtout pour
la musique, il s'adonna à l'étude de la juris-
prudence pour complaire à sa famille, devint
substitut du procureur général au parlement
de Toulouse, puis se rendit à Paris et y vécut
d'une pension de 1,200 livres que lui fit M. de
la Porte, conseiller d'Etat. Baurans avait fait
d'excellentes études musicales, et était un ad-
mirateur passionné des belles compositions de
Pergolèse. Il résolut de populariser en France
la musique de ce maître. Dans ce but, il com-
posa des paroles françaises sur lamusique de la
Serva padrona, et fit représenter sur le théâtre
italien, en 1754, la Servante maîtresse, opéra-
comique en deux actes, qui eut cent cinquante
représentations consécutives. En dépit des pré-
jugés qu'on avait alors contre la musique ita-
lienne , les cinq airs de Pergolèse furent
chantés à la cour et à la ville ; et, si quelque
chose a jamais dû nous faire croire au délire
des Abdérites après la représentation de l'An-
dromanue d'Euripide, c'est l'enthousiasme qui
s'empara des Français pour la musique de la
Servante maîtresse. Baurans dédia son œuvre
à jVI«le Favart, qui avait interprété le principal
rôle, par un quatrain resté célèbre :
Nature, un jour, épousa l'art;
De leurs amours naquit Favart,
Qui semble tenir de sa mère
Tout ce qu'elle doit h son père.
Après ce chef-d'œuvre, qui est resté depuis
lors au répertoire, Baurans fit représenter, en
1755, le Maître de musique, comédie en deux
actes, mêlée d'ariettes prises dans la musique
italienne ; mais cette pièce eut peu de succès,
A la suite d'une attaque d'apoplexie, Baurans
resta paralysé de la moitié du corps. Il quitta
alors Paris, pour retourner dans sa ville natale,
où il s'éteignit philosophiquement, regretté des
siens. Un poète de ses amis lui a consacré le
quatrain suivant :
Amateur éclairé des muses d'Ausonie,
Plaidant en leur faveur, Baurans, pour arguments,
Sut nous faire écouter leurs sublimes accents;
Et, sûr de son triomphe, abandonna la vie.
Baurans a publié des Lettres sur l'électricité
médicale, traduites de l'italien.
BAURD MANETJES s. m. Mamm. V. Ta-
LAPOIN.
BAUREINFE1ND (Georges-Guillaume), des-
sinateur et graveur danois, né à Nyrnberg,
mort en 1763. Elève de Preisler, il remporta
en 1759 le grand prix de gravure à l'académie
de peinture de Copenhague, et fut désigné
l'année suivante, par Frédéric V, pour faire
partie de l'expédition organisée, en 1760, par la
Société littéraire pour parcourir l'Arabie. Il
mourut en mer, après avoir exécuté plusieurs
dessins de cette partie de l'Asie, d'après les-
quels on a gravé les planches de la description
de l'Arabie de Niebuhr. On a également de lui
les dessins des Icônes rerum naturalium de
Farskal.
BAURES, rivière de l'Amérique du Sud, dans
la république de la Bolivie, prend sa source
aux monts Guarayos, dans le pays des Chi-
quitos, reçoit le Rio Blanco et se jette dans le
Guapore, après un cours de 590 kil.
BAURSCHE1T (I. P. van), sculpteur fla-
mand, né à Anvers, florissait dans cette viile
au commencement du xvmc siècle. Il vivait
encore en 1741, et il fut au nombre des artistes
qui s'engagèrent alors à donner des leçons
gratuites à l'académie. Le musée d'Anvers a
de lui le buste en marbre d'un chevalier de la
Toison d'or, ouvrage signé et daté de 1700.
BAUSAN (Jean), marin célèbre, né à GaSte
en 1757, mort en 1821. Il servit d'abord dans
la marine anglaise, et fut blessé dans divers
combats contre les corsaires africains. Devenu
capitaine de frégate en 1806, il coopéra au
siège .de Gaëte, sous les ordres de Masséna.
En 1808, il dégagea la frégate la Cerere en
perçant les lignes anglaises, et le roi Murât
monta lui-même à bord de la frégate, embrassa
le brave commandant sur le pont, au milieu
des morts et des blessés, le nomma capitaine
de vaisseau et commandeur de l'ordre des
Deux-Siciles. Ce fut Bausan qui, en 1820, diri-
gea l'expédition maritime chargée de tenir en
respect ta population de Palerme.
BAUSCH (Jean-Laurent), médecin allemand,
né à Schweinfurt en 1605, mort en 1665, Il vi-
sita l'Allemagne et l'Italie pour compléter ses
études, se fit recevoir docteur à Altorf en 1630,
et, dans le but de donner une plus vive impul-
sion aux recherches médicales et scientifiques,
il fonda en 1652 l'Académie des curieux de la
nature, dont il devint le président, sous le nom
de Jason. On a de lui quelques écrits, notam-
ment : Schediasmata bina curiosa de lapide
hœmatite et œtite ( 1665 ) ; Schediasma cwiosum
de unicorni fossili ( 1666 ) ; Schediasma posthu-
mum de cœruleo et chrysocolla ( 1668 ). Quant à
l'académie fondée par lui, elle fut approuvée
par l'empereur d'Allemagne et, sous le nom
d'Académie impériale, elle rendit de très-
grands services a la science. Wolkamer, Dil-
len, Trew en firent partie, et Buchner, mé-
decin du roi de Prusse, et l'un des présidents
de l'Académie des curieux, en a écrit V/Iis-
toire (Halle, 1756, in-8°).
BATJSE (Jean- Frédéric), dessinateur et gra-
veur allemand, né à Halle en 1738, travailla
dans sa viile natale, à Paris, à Augsbourg, à
Leipzig, et moujut à Weimar, en 1814. Il a
"exécuté, à l'eau-forte, au burin, au pointillé, à
la manière du crayon et à la manière noire,
environ 265 pièces, parmi lesquelles nous ci-
terons : Noé et ses trois fils, Isaac et Esaù, le
bon Samaritain, etc., d'après Frédéric Oeser;
saint Pierre en prison, d'après Bloemaert; les
Trois Apôtres, d'après le Caravage; Vénus, et
l'Amour, d'après Carlo Cignani; 1 Amour, d'a-
près Mengs ; Artémise, d après le Guide; la
Guerre de Sept ans, allégorie d'après Nilson ;
les Musiciens ambulants, l'Homme à. la perle,
l'Oriental, etc., d'après Dietrich ; la Petite
rusée, la Petite fille au chien endormi, d'après
Reynolds; Serena (tête déjeune fille), d'après
Greuze; un Vieillard (buste), une Vieille
femme (buste), d'après Rembrandt: Rosetta,
d'après Netscher; des paysages, d après G.
Wagner, Samuel Bach, Frédéric Reclam ; des
vignettes pour différents ouvrages, entre
autras pour les œuvres de Wieland (Leipzig,
1794), d'après Ramberg, Oeser, Bach, Meil,
Gravelot, etc., et plus de cent trente portraits
de personnages du tempi., souverains, princes,
princesses, jurisconsultes, philosophes, poëtes,
archéologues, artistes, savants, négociants,
banquiers, d'Autriche, de Prusse, de Saxe, de
Danemark, de Suède, de Pologne, de Russie,
d'Angleterre, etc. — Julienne- Wilhelmine
Bausk, fille et élève du précédent, née vers
1770, a publié à Leipzig, en 1791, une suite de
dix paysages, d'après J. Both , A. Waterlo,
H. Saftloven, S. Bach, Ferdinand Kobell,
\V. Horîges et George Wagner.
BAUSKE, ville de la Russie d'Europe, gou-
vernement de Courlande, à 42 kil. S.-E. de
Mittau, sur l'Aa. 2,000 hab. Ancien château
bâti par les chevaliers teutoniques en 1442.
hausse, eresses. (bo-se, e-rè-sc). Argot.
Patron et patronne de la plus haute volce, de
première distinction, au marché du Temple,
a Paris.
BAUSSET - ROQUEFORT (Pierre-Franç.-
Gabr.-Raymond de), archevêque d'Aix, né à
Béziers en 1757, mort en 1829, était cousin
du cardinal de Bausset. U fut successivement
grand vicaire d'Aix et d'Orléans; il émigra
en 1791 pour ne pas prêter serment à la con-
stitution civile du clergé, revint en France
après le concordat, et fut nommé évêque de
Vannes en 1808, puis archevêque d'Aix en Pro-
vence en 1817, et pair de France en 1825.
— Son frère, le chevalier de Bausset, fut,
en 1790, massacré par le peuple de Marseille,
à qui il ne voulait pas rendre le fort Saint-
Jean, qu'il commandait.
BAUSSET (Louis-François de), cardinal
français, né à Pondichéry en 1748, mort à
Paris en 1824. Envoyé à l'âge de douze ans
en France par son père, qui occupait un poste
important dans les Indes françaises , le jeune
de Bausset fut élevé par les jésuites du col-
lège de La Flèche, d'où il passa au séminaire
de Saint-Sulpice pour y recevoir les ordres.
En sortant du séminaire, il obtint dans le dio-
cèse de Fréjus un bénéfice, qui lui valut d'être
député à l'assemblée du clergé en 1770, et il
connut, cette année même , M. de Boisgelin,
archevêque d'Aix, qui le nomma aussitôt son
grand vicaire. Après s'être formé à l'école de
cet éminent prélat, il fut sacré, en 1784, évoque
d'Alais, fît partie, en 17S7 et 1788, des deux
assemblées des notables du Languedoc, et fut
chargé par le duc de Bourbon , lors de la se-
conde, d'en rédiger les délibérations ; mais il
ne fut point nommé membre des états géné-
raux. Lorsque ceux-ci, devenus l'Assemblée
constituante, supprimèrent le siège d'Alais et
imposèrent le serment de fidélité au clergé,
Bausset protesta, adhéra à l'Exposition de
principes sur la constitution civile du clergé,
rédigée par M. de Boisgelin, et émigra en 1791 ;
mais, dès l'année suivante , il revenait en
France. Arrêté bientôt après, il fut enfermé
dans l'ancien couvent de Port-Royal, où il
resta jusqu'à la chute de Robespierre. Rendu
alors à la liberté, il se retira à Villeraaison,
près de Mme de Bassompierre, sa parente,
consacrant son temps à l'étude et visitant do
temps à autre ses amis de Paris, au nombre
desquels se trouvait le supérieur de Saint-
Sulpice, l'abbé Emery. Lorsque, à l'époque du
concordat, Pie VII demanda à tous les anciens
évèques de France leur démission, de Bausset
s'empressa de lui envoyer la sienne, et, en 1806,
Napoléon le nomma chanoine de Saint-Denis
et conseiller titulaire de l'Université. C'est
vers cette époque que l'abbé Emery, posses
seur des manuscrits de Fénelon, engagea de
Bausset à écrire l'histoire de l'illustre arche-
vêque de Cambrai. Bien qu'atteint de violentes
douleurs causées par !a goutte, Bausset suivit
son conseil et fit paraître son Histoire de Féne-
lon (1808-1809, 3 vol.). Cet ouvrage, quieut un
grand succès, fut désigné par l'Institut, en 18 1 0,
comme digne du second grand prix décennal
de deuxième classe pour le meilleur livre bio-
graphique. « L'ouvrage, disait le jury, est
écrit partout avec le ton de noblesse et de
dignité propre à l'histoire. On y désirerait
seuletîî'ot ir. peu plus de cette onction douce
BAU
ot pénétrante qui convient à l'histoire de Fé-
r.clon; le style en est pur, correct, élégant,
quoiqu'on puisse y remarquer quelques taches ;
l:t narration manque quelquefois de rapidité,
mais jamais de clarté, rarement d'intérêt; elle
est semée de réflexions toujours justes, et
jamais ambitieuses, qui servent à relever les
détails et à jeter du jour sur les faits. » En-
couragé par ce succès, de Bausset entreprit
d'élever à l'aigle de Meaux un monument
pareil à celui de Fénelon ; mais son Histoire
de Bossuet, qui parut en 1814, 4 vol., ne reçut
point un aussi favorable accueil que la pré-
cédente. Moins travaillée, elle contient plus
de longueurs, l'intérêt y est moins soutenu, et
queiques-unes des opinions que l'auteur avait
puisées à Saint - Sulpice devinrent l'objet
d'assez vives attaques, auxquelles de Bausset
ne répondit point. Lors de la première res-
tauration, il fut nommé président du conseil
royal de 1 instruction publique. Napoléon, pen-
dant les Cent-Jours, le mit sur la liste des
conseillers titulaires ; mais il se retira à la
campagne, pour ne pas en exercer les fonc-
tions. Après le retour de Louis XVIII, de
Bausset reprit la présidence du conseil de
l'Université, fut appelé, au mois d'août 1815,
à siéger dans la Chambre des pairs, admis
par ordre à l'Académie française en 1816, et
reçut le chapeau de cardinal en 1817; enfin, le
roi le nomma duc, commandeur de l'ordre du
Saint-Esprit, ministre d'Etat après la mort
du cardinal de la Luzerne, et membre du con-
seil privé. Outre les ouvrages précités, le
cardinal de Bausset a publié diverses bro-
chures et des notices : Réflexions sur la dé-
claration exigée des ministres du culte, etc.
(Paris, 1796), en collaboration avec l'abbé
Emery ; des notices sur le cardinal de Boisge-
lin (1804); sur l'abbé Legris-Duval et sur
Talleyrand, archevêque de Paris (1821), etc.
Il s'occupa, pendant ses dernières années,
d'écrire une histoire du cardinal de Fleury ;
mais ses accès de goutte, devenus de plus en
plus fréquents, lui enlevèrent l'usage de ses
mains et l'obligèrent de renoncer à ce travail.
BAUSSET (Louis-François-Joseph de), neveu
du précédent, né à Béziers en 1770, mort vers
1835. Entraîné par goût vers l'art dramatique,
il lit jouer à Lyon , en 1803 , une comédie
intitulée les Projets de sagesse ou le Memnon
de Valatri, qui lui valut d'être élu membre de
l'académie de cette ville en 1804- Nommé,
l'année suivante, préfet du palais et cham-
bellan de Napoléon, il suivit l'empereur dans
ses expéditions d'Espagne, d'Allemagne, de
Russie , fut appelé à. la surintendance du
Théâtre-Français en 1812 et en 1813, et, après
la seconde abdication de Napoléon, il suivit à
Vienne l'impératrice Marie-Louise, près de
laquelle il remplit, jusqu'en 18 16, les fonctions
de grand maître de sa maison. Depuis cette
époque, M. de Bausset se retira dans sa terré
de Sauvian dans l'Hérault, où il acheva sa
vie, à peu près exclusivement occupé de tra-
vaux agricoles. Il s'était marié avec une Irlan-
daise, dont la mère, Mme Lawless, vint habiter
près de lui et rendit d'éminents services a la
contrée, en faisant dessécher et rendre a l'agri-
culture l'étang de Marseillette, marais infect
qui, par ses exhalaisons contagieuses, rendait
• toute la contrée extrêmement insalubre. M. de
Bausset a laissé des Mémoires sur la cour de
Napoléon.
BAUSSONNET (Guillaume) , dessinateur et
noëte français, né à Reims vers 1580 , d'une
tamille notable de la bourgeoisie. En 1602, il
dessina la porte Basée de Reims, que grava
Edme Moreau, et depuis cette époque com-
posa de nombreux travaux, dont les deux plus
remarquables sont le frontispice du grand
ouvrage de Nicolas Bergier, les Grands che-
mins de l'empire romain, et le Tombeau de
saint Remy, gravé également par Moreau. La
bibliothèque municipale de Reims possède un
volume in-folio de dessins originaux de tous
les genres, portant ce titre : Dessins de pein-
ture, gravure, orfèvrerie, maçonnerie, menui-
serie, tournerie, ferrure et autres arts, de la
main et invention de G. Baussonnet, de Reims,
On trouve dans ce précieux recueil de nom-
breux motifs exécutés depuis, et qui existent
encore dans quelques édifices rémois, et la
suite des décorations employées à l'occasion
du sacre de Louis XIII. Baussonnet était à Ja
fois un dessinateur distingué et un bel esprit
émérite. On lui demandait aussi bien de se
charger des vers et des compliments à adresser
aux princes, que d'inventer les ornements des
fêtes qu'on leur donnait. Parmi les vers de ce
genre, produits par Baussonnet, nous cite-
rons les suivants, qui attirèrent l'attention de
Louis XIII et de sa cour, à l'occasion du sacre
de ce prince. Un arbuste avait poussé entre
les pierres du pilastre de la porte de Paris,
n'ayant pour toute nourriture que l'eau du
ciel et le peu de ciment qui reliait ces pierres
entre elles. Lors do l'entrée du roi, on lut sur
l'arbre cette inscription de Baussonnet :
Assis sur cette pierre dure,
Je via de la fraîcheur de l'eau,
Et Phébus nuit à ma verdure,
Quand il prend son plus chaud flambeau.
Mais aujourd'hui j'ai d'aventure
Un heureux change en ma nature;
Car si la trop cruelle ardeur
De Phébus me tue et m'offense,
Je revis, voyant la splendeur
De Louis, soleil de la France.
On a ae lui d'autres inscriptions de la même
BAU
nature courtisanesque, et des sonnets publiés
sous le titre de Sylvie.
BAUSSONNET (Jean-Baptiste, dom), savant
bénédictin, né à Reims en 1700, mort en 1780.
Il fit ses vœux dans l'abbaye de Saint-Remy
dans sa ville natale, professa les humanités,
et s'occupa à réunir un nombre considérable
de matériaux destinés à la composition d'une
Histoire générale de Champagne et de Brie.
Mais, le plan seul de cet' ouvrage a été im-
primé à Reims en 1738. Baussonnet a collaboré
avec dom Tassin au nouveau Traité de diplo-
matique, dit des bénédictins.
BAUT\âS, nom latin d'Annecy-le-Vieux.
BAUTAIN (l'abbé Louis-Eugène-Marie),
philosophe et théologien français, né à Paris
le 17 février 1786. Il entra en 1813 à l'Ecole
normale, où il se distingua par son aptitude
pour les sciences philosophiques ; il y eut pour
maître M. Cousin, et pour condisciple Jouftroy.
En 1816, il fut nommé professeur de philoso-
phie au collège de Strasbourg, et chargé,
en 1817, du même cours à la faculté des lettres
de cette ville. Ne trouvant pas dans les doc-
trines philosophiques du temps, condillacisme,
philosophie écossaise, éclectisme, la satisfac-
tion de ses aspirations religieuses; dégoûté,
selon son expression, du vague, de l'incerti-
tude et de l'incohérence des théories humaines ;
avide de solutions définitives et de convictions
fixes et absolues , il se jeta dans les bras du
catholicisme, à peu près à la même époque où
Jouffroy voyait mélancoliquement se briser
dans son âme les derniers liens qui le ratta-
chaient à la religion de son berceau. Ordonné
prêtre en 1828, M. Bautain devint successive-
ment chanoine de la cathédrale, directeur 'du
petit séminaire de Strasbourg, supérieur de la
maison de Juilly. En 1838, il fut nommé doyen
de la faculté des lettres de Strasbourg, et garda
ce titre jusqu'en 1849, époque à laquelle l'ar-
chevêque Sibour l'appela à Paris et le nomma
vicaire général et promoteur de son diocèse.
Il fut chargé, en 1854, de professer le cours de
théologie morale, à la faculté de théologie de
Paris. M. Bautain a cultivé presque toutes les
branches des connaissances humaines; il pos-
sède les cinq diplômes de docteur en méde-
cine, docteur es lettres , docteur es sciences,
docteur en droit, docteur en théologie. Il a été
décoré de la Légion d'honneur en 1840.
L'enseignement philosophique de l'abbé
Bautain à la faculté de Strasbourg lui suscita,
en 1834, des démêlés avec son évêque, M. Le-
gappe de Trévern, sur la question des limites
de la raison et de la foi. L'ancien disciple de
M. Cousin, qui avait passé des agitations de la
libre pensée à la tranquillité de l'obéissance
intellectuelle, paraissait condamner .la raison
à une impuissance essentielle, à un scepti-
cisme incurable, et placer dans la révélation
seule le critérium de la certitude. L'autorité
dut ramener à la raison ce croyant trop zélé
qui compromettait l'édifice de la foi, en lui
enlevant toute base naturelle et en le suspen-
dant, pour ainsi dire, en l'air. L'abbé Bautain
consentit en 1840 à reconnaître : Que le rai- .
sonnement peut prouver avec certitude l'exis-
tence de Dieu et l'infinité de ses perfections ;
Que la divinité de la révélation mosaïque se
prouve avec certitude par la tradition orale et
écrite de la synagogue et du christianisme;
Que nous n'avons pas le droit de demander a
un inciédule d'admettre la résurrection de
notre divin Sauveur avant que des preuves
certaines lui en aient été données, et que ces
preuves sont déduites parle raisonnement;
Que l'usage de la raison précède' la foi, et y
conduit l'homme, avec le secours de la révé-
lation et de la grâce ; Qu'il reste encore à la
raison , malgré l'affaiblissement de la dé-
chéance, assez de clarté et de force pour nous
guider avec certitude à l'existence de Dieu, à
la révélation faite aux Juifs par Moïse ut aux
chrétiens par Jésus-Christ.
M. Bautain a écrit un assez grand nombre
d'ouvrages. Les plus importants sont :
îo Psychologie expérimentale (1339). C'est
une étude de l'esprit humain et de ses facultés,
où lu philosophie prétend s'éclairer des scien-
ces positives et surtout de la physiologie, et
ne leur demande le plus souvent que des
analogies bizarres et puériles. L'auteur nous
apprend, par exemple, que nous ne devons
pas confondre Yâme avec l'esprit: Car, dit-il,
l'àrae appartient à l'une des deux natures, des
deux -substances qui composent l'univers;
tandis que l'esprit rayonne de toute nature,
de toute substance, aussi bien de la substance
physique que de la substance psychique.
L'esprit est le premier produit de la nature,
le résultat immédiat de l'action par laquelle
elle se pose au dehors. Le produit de la na-
ture céleste, de l'àme , est un esprit céleste,
une intelligence pure, qui se connaît elle-
même, qui a la conscience de son existence
personnelle et de ce qui agit sur elle ; et le
produit de la nature terrestre est un esprit
terrestre, animal, végétal, minéral, un esprit •
physique tendant à se développer, à se mani-
fester , mais ne pouvant jamais revenir sur
lui-même, et ainsi n'ayant ni la conscience du
moi, ni l'intelligence du non-moi. L'esprit,
considéré en lui-même, est quelque chose de
mobile, de vif, de pénétrant, de volatil. Il ne
peut trouver de repos et de fixité qu'en s'atta-
chant à une base, où il s'organise et prend
forme. 11 en est de même, sous ce rapport, de
l'esprit physique et de l'esprit intelligent.
L'esprit, en chimie, s'appelle gaz ; les acides ne
BAU
sont que de l'esprit dilué et étendu. Si l'esprit
a besoin de la base et s'agite pour la trouverT
s'y fixant partout où il la rencontre, la base
n a pas moins besoin de l'esprit, et elle l'attire
d'autant plus puissamment qu'elle est plus
vide, plus desséchée et plus ardente. (Quelle
chimie 1 ) Cette conception de l'esprit et de la
base explique les sexes chez les végétaux,
chez les animaux et dans l'esprit humain.
L'homme est esprit, la femme est base : c'est
pour cela que l'homme cherche la femme , a
besoin de la femme pour avoir un centre au-
tour duquel il gravite; que la femme attire
l'homme, l'absorbe, maintient son expansion,
règle son mouvement et le force de s exercer
d'une manière régulière et vers un but mar-
qué : de la, nécessité du mariage. L'indissolu-
bilité de l'union conjugale est la conséquence
nécessaire de la nature même du mariage;
« car, dit M. Bautain, si un esprit nouveau
vient s'attacher à une base qui a déjà le sien,
il y aura lutte et désordre ; ou si l'esprit qui
appartient à une base s'en détache pour en
chercher une autre, il reprend sa vie inquiète
et agitée, et laisse sa base vide et en souf-
france. » (Quelle psychologie!) On voit que
M. Bautain est doué d'un esprit foncièrement
raisonneur, qu'il a passé par l'école, et qu'il
aurait été volontiers le créateur de cette mé-
taphysique' qu'a définie si spirituellement
Voltaire.
2o La Religion et la Liberté (1848, 2« édit,
1862). C'est la reproduction de conférences
faites en 1848 à Notre-Dame. M. Bautain
s'efforce d'y démontrer que,- non-seulement
la religion catholique n'est pas hostile à la
liberté des peuples , mais qu'au contraire
l'institution de l'Eglise a été l'institution même
de la liberté moderne , que son dogme en est
le véritable principe, sa morale la plus sûre
garantie, et qu'elle en a toujours favorisé le
développement par sa constitution et sa disci-
pline. Un article spécial sera consacré à cet
ouvrage dans le Grand Dictionnaire. V. Reli-
gion ET LA LIBERTE [la).
3° La Morale de l'Evangile comparée aux
divers' systèmes de morale (1855). C'est la
reproduction des leçons faites en 1854 à la
Sorbonne ( faculté de théologie , cours de
théologie morale). L'auteur y met en face les
uns des autres les divers systèmes de morale,
morale du sensualisme, morale du sentiment,
morale de l'intérêt, morale du rationalisme,
morale du platonisme, morale chrétienne, et il
s'attache à faire ressortir de cet examen com-
paratif la prééminence de cette dernière. Cette
prééminence de la morale évangélique, il' la
reconnaît aux quatre Caractères qui sont,
dit-il, les conditions de la morale véritable et
qu'elle seule présente : 1" elle nous donne une
connaissance exacte, claire et précise de ce
qui est bien ou mal, juste ou injuste, et nous
enseigne nos obligations et nos devoirs par
des commandements nettement formulés et
suffisamment autorisés ; 2° elle nous fournit
le vrai motif, le motif sûr, constant et indé-
fectible de vouloir le bien ; 3° elle nous assiste
efficacement dans la pratique, en nous donnant
la force nécessaire pour effectuer le bien
reconnu et voulu ; 4° elle est à la portée de
tous les hommes, des ignorants comme des
savants, des faibles comme des forts; elle se
fait toute à tous pour les diriger, pour les amé-
liorer tous.
4° Philosophie des lois au point de vue
chrétien (1860). Cet ouvrage, résumé d'un
cours fait à la Sorbonne, traite successive-
ment de ta loi naturelle, de la loi révélée, des
lois faites par les hommes, du pouvoir légis-
latif dans l'Eglise , des conditions du pacte
social, de la promulgation des lois, de la cou-
tume et de l'usage dans la législation , de
l'obligation des lois humaines, des qualités de
la loi civile, de l'objet et de l'observation de
la loi, de la cessation des lois. La véritable
notion du droit, telle que la Révolution l'a
fait entrer dans la conscience moderne , est
complètement absente de cette philosophie
chrétienne des lois. Nous remarquons un pas-
Sage où M. Bautain reconnaît le droit du
maître sur l'esclave. « Je sais bien, dit-il, qu'à
ce mot esclavage, nos cœurs émus sont portés
à se révolter. Des hommes esclaves! Et s'ils
consentent, voulez -vous contrarier leur
iberté? Si un homme, par exemple, veut en-
gager sa vie entière au service d'un autre par
un contrat? » Nous répondons, nous, sans hé-
siter, que ce contrat, radicalement immoral,
ne saurait jamais être valide devant la con-
science. Ce n'est pas l'avis de M. Bautain.
«Les faits sont les faits, dit-il; l'esclavage
existe encore, et puisque l'Eglise l'a toléré ou
ne l'a jamais combattu que d'une manière
indirecte, il faut bien qu'il y ait là un droit. »
Admirez ce syllogisme : Majeure : L'Eglise
ne peut se tromper sur ce qui est essentielle-
ment, radicalement, injuste et illégitime. Mi-
neure : Or, elle n'a jamais traité l'esclavage
comme tel. Conclusion : Ergo, il faut recon-
naître un droit dans l'esclavage. Ohl Monsieur
Bautain, ne craignez-vous pas que la conclusion
ne fasse tort à la majeure? M. Bautain, qui
admet Yaliénabilité de la liberté de l'individu,
professe également celle de la souveraineté
nationale. Les droits de liberté et de souve-
raineté se confondent, dans son esprit, avec
celui de propriété ; nulle différence , à ses
yeux, entre les contrats personnels et les con-
trats qui portent sur les choses. « En certains
cas, dit-il, la souveraineté d'un peuple peut
être aliénée entre les mains d'un homme, qui
alors devient le maître de ce peuple par son
BAU
397
î
consentement. C'est ce qui se voit après les ré-
volutions entreprises pour conquérir la liberté,
et qui amènent la servitude par l'anarchie.
Quand la société a été violemment troublée et
désorganisée, il lui faut une tête forte et un
bras de fer pour la reconstituer et la remettre
en ordre. Dans ce cas, le peuple aliène sa
souveraineté pour retrouver l'ordre. » Inutile
d'insister sur la distance qui sépare la Philo-
sophie des lois au point de vue chrétien des
principes de 1789.
Tout bien examiné, nous croyons que
M. Bautain a peut-être eu tort de déserter le
champ clos de la philosophie laïque. Dans les
thèses qu'il soutient, sa plume ou son élo-
quence perd toute chance de succès si elle n'a
pas, à une forte dose, le bon droit de son côté.
Le célèbre professeur catholique tient par
quelque endroit de l'abbé Maury : » Quand j'ai
raison, disait Mirabeau, je le bats ; quand il a
raison, nous nous battons, p M. Bautain s'est
fait une philosophie religieuse qui se claque-
mure et voit le inonde a travers une fissure.
Alors il s'écrie douloureusement : Que de té-
nèbres là-bas dans la vallée I Et il termine eu
formant le souhait de Goethe mourant.
Les autres ouvrages de M. Bautain sont ;
Réponse d'un chrétien aux Paroles d'un croyant
(1834); Philosophie du christianisme (1835);
Philosophie morale (1842) ; la Belle saison à
la campagne (1858) ; la Chrétienne de nos jours
(1859); la Conscience, ou la Renie des actions
humaines (1861); Manuel de philosophie mo-
rale (1866).
baute s. f. (bô-te). Ancien mantelet de
femme : Elle se tenait enveloppée de la baute
vénitienne, espèce de mantelet qui revenait à la
mode. (Balz.)
BAUTES (Charles), poète dramatique fran-
çais, né à Paris vers 1580, mort vers 1630. Il
s'adonna de bonne heure à la poésie, et se fit
connaître pour la première fois en 1600, par
une pièce de vers sur le mariage d'Henri IV
et de Marie de Médicis; puis, devenu amou-
reux d'une belle fille de Bayeux, Catherine
Scelles, il célébra ses charmes dans des poé-
sies qu'il publia sous le titre des Amours de
Catherine (Paris, 1605, in-8°) , en joignant à
ce recueil deux tragédies tirées de l'Arioste :
la Rodomontade et la Mort de Roger. Bautes
publia ce volume sous le pseudonyme de Mé-
liglosse (langue de miel), qui semble assez
mal choisi quand on connaît la rudesse de ses
vers.
BAUTES, BAUTIS ou BAUTiSUS, nom an-
cien du fleuve Hoang-Ho, dans la Sérique.
BAUTOIS. V. Bauptois.
BAUTRU (Guillaume de), comte de Serrant,
conseiller d'Etat, chancelier de Gaston, duc
d'Orléans , poëte et membre de l'Académie
française, né en 1588, mort à Paris le 7 mai
1665. Arrivé à la cour d'Anne d'Autriche avec
800 livres de rente , il en laissa 50,000 à ses
héritiers. Il s'était démis de sa charge au
grand conseil pour suivre la cour, et avait
joué, auprès de Richelieu, le rôle de L'Angely,
mais d'un L'Angely déridé. Personne n'a com-
mis plus de bons mots, en revanche, personne
n'a plus reçu de coups de bâton. Marigny
disait de lui : « Il a été baptisé avec du faux sel,
il ne loge jamais que dans des faubourgs, il
passe toujours par de fausses portes, il cherche
toujours les faux-fuyants et ne chante jamais
qu'en faux-bourdon. » Il diuait a Mlle d'Au-
chy, fille d'honneur de la reine mère ; « Vous
n'êtes pas trop mal fine, avec votre sévérité ;
vous avez si bien fait que vous pourrez ,
quand vous voudrez, vous divertir deux ans
sans qu'on vous soupçonne. » Nous ne parle-
rons pas ici des désagréments que causa à
Bautru son esprit critique , c'est une odyssée
que nous avons racontée au mot Bâton. Con-
tontons-nous de citer quelques-unes de ses
saillies. Il ne se piquait pas de dévotion.
Comme on le voyait ôter son chapeau de-
vant un crucifix qui précédait un enterre-
ment : » Ahl lui dit -on, voilà qui est de
bon exemple 1 — Nous nous saluons, répon-
dit-il , mais nous ne nous parlons pas. » Il
disait que Rome était une chimère aposto-
lique ; et, le pape Urbain ayant fait une pro-
motion de dix cardinaux qui sentaient plus ou
moins la roture, il dit, lorsqu'on les énuméra
en sa présence : « Je n'en ai compté que neuf.
— Eh! vous oubliez Sacripanti, lui objecta-
t-on. — Excusez, répondit-il, je pensais que
c'était le titre. • Il réjouissait Mazarin par ses
saillies, comme il avait réjoui Richelieu. Il
avait licence de se jouer de tout. Lorsque nos
plénipotentiaires, à Munster, prirent la qua-
lité de comtes : » Je me doutais bien, dit-il,
que cette assemblée-là nous ferait des comtes
borgnes. » Abel Servien, qui était de ce con-
grès, n'avait qu'un œil. Bautru remplit lui-
même les fonctions de ministre plénipoten-
tiaire en Flandre, en Espagne et en Angleterre,
et, de plus, celle d'introducteur des ambassa-
deurs. On voit qu'il ne perdait pas son temps à
blasonner les gens. Mais s'il dépensait beau-
coup d'esprit en reparties, il en était avare
dans ses vers. Les bibliographes ne citent do
lui qu'une pièce, qui est d'une platitude remar-
quable : VOnosandre, ou la Croyance du gros-
sier. Cette pièce, qui parut d'abord en 7 pages
in-80, sans date, fut ensuite insérée dans le
second volume du Cabinet satyrique. C'est une
satire contre le duc de Montbazon. « La meil-
leure chose qu'il ait faite, dit Tallcmant des
Réaux, c'est un impromptu pour répondre à
398
BAU
un autre, que lui avait envoyé M. Le Clerc,
intendant des finances, qui était de Montreuil-
Bellay. Or, on dit en proverbe : Les clercs de
M ontreuil- Bellay, qui boivent mieux qu'ils ne
avent écrire. Voici cet impromptu :
Une autre foia pTenez plus de délai ;
Votre impromptu n'a pas le mot pour rire.
Voua êtes elero et de Montreuil-lBellay,
Qui buvez mieux que ne savez écrire.
Bautru n'a été qu'un bouffon lettré ; il lui a
toujours manqué ce qui distingue- si éminem-
ment aujourd'hui l'écrivain et l'homme d'es-
prit : la dignité du caractère. Mais il faut être
indulgent pour ce L'Angely académicien : il
vivait à une époque ou une vieille épée rouillée
exerçait une plus grande fascination que la
plume la plus brillante. De nos jours peut-être,
il eût fait un Méry. Citons encore quelques
traits de cette originale individualité. Bautru
disait qu'au cabaret on vendait la folie par
bouteilles. Présentant un poète au surinten-
dant des finances d'Emery : « Voila , lui dit-il,
un homme qui vous donnera l'immortalité;
mais il faut que voua lui donniez de quoi
vivre. » Sa maxime favorite était qu'il ne
fallait point s'abandonner aux plaisirs , mais
seulement les côtoyer. Considérant un jour
un morceau de sculpture représentant la Jus-
tice et la Paix qui s'embrassaient : « Voyez-
vous, dit-il, elles s'embrassent et se disent
adieu pour ne se revoir jamais. » Nous venons
de parler de L'Angely. Cet illustre fou se trou-
vant dans une compagnie, où il commençait
à se lasser de son rôle de bouffon, vit tout à
coup entrer Bautru : « Ah ! lui dit-il , vous
venez bien a propos pour me seconder, je me
lassais d'être seul. » Le Dictionnaire des grands
hommes fait de ce personnage une espèce de
Gorgibus, soignant avec une égale sollicitude
sa cave et sa bibliothèque. Mais l'influence de
celle-ci neutralisait l'épicurisme produit par
l'autre. Visitant un jour la bibliothèque de
l'Escurial , dont le bibliothécaire était fort
ignorant, il dit au roi d'Espagne: «Vous
devriez plutôt, Sire, lui donner l'administra-
tion de vos finances; c'est un homme qui ne
touche pas au dépôt qui lui est confié. »
Saint-Amand a dit de lui :
Si vous oyez une équivoque,
Vous jetez d'aise votre toque,
Et prenez son sens malotru
Pour un des beaux mots de Bautru.
BAUTZEN ou BUDISSIN , ville du royaume
de Saxe, ch.-l. du cercle de son nom, sur la
Sprée, à 50 kil. N.-E. de Dresde, dans une
belle et fertile contrée ; 12,950 hab. Consis-
toire apostolique , cour d'appel , belle cathé-
drale de Saint-Pierre, fondée en 927 par
Henri II; château royal d'Ortenbourg. C'est une
des villes les plus industrieuses du royaume :
fabrication de bas, de draps, de toiles ; pape-
teries, blanchisseries et impressions de tissus ;
poudre, tabacs, etc. Victoire de Napoléon 1er
sur les Prussiens et les Russes, le 20 et le
21 mai 1813; mort du général Duroc.
Bnuiicn (bataille db). Le 2 mai 1813, Na-
poléon venait de remporter sur les souve-
rains alliés la victoire de Lutzen; il avait été
rendu aussitôt qu'eux sur le champ de ba-
taille, et ils purent s'apercevoir que, si le lion
était blessé, il était imprudent néanmoins de
venir braver de si près ses redoutables at-
teintes. Et cependant le désastre de Moscou
commençait a porter ses fruits : faute de ca-
valerie, Napoléon ne put poursuivre l'armée
vaincue et ta désorganiser; de plus, ie senti-
ment national, surexcité au plus haut point
chez nos ennemis, rendait la lutte plus san-
glante, plus opiniâtre. Suivant la poétique
expression de Lacordaire, « nos aigles, ra-
menés à plein vol des bords de la Vistule,
s'étonnaient de ne plus ramasser dans leurs
serres puissantes que des victoires blessées à
mort. » Cependant, les Russes et les Prus-
siens précipitaient leur fuite vers l'Elbe, *t
peut-être jusqu'à l'Oder, tandis que le vain-
queur s'élançait sur leurs traces en trois co-
lonnes : la principale, composée de Marmont,
de Macdonald, de la garde, et dirigée par le
prince Eugène en personne ; la seconde, com-
posée de Bertrand et d'Oudinot ; la troisième,
formée du corps de Lauriston seulement.
Cette dernière devait relier Napoléon avec le
maréchal Ney, qui, à la tête d'un corps de
60,000 hommes, avait ordre de manœuvrer de
manière à prendre les alliés en flanc s'ils
affrontaient les chances d'une seconde ba-
taille, ou à prendre possession de Berlin si les
circonstances se prêtaient a cette occupation.
Après avoir porté au delà de l'Elbe le corps
du prince Eugène, l'empereur reçut des rap-
ports précis sur la position qu'occupaient les
ennemis entre ce dernier fleuve et 1 Oder. Ils
s'étaient arrêtés au pied des montagnes de la
Bohême, à Bautzen, ville arrosée par la Sprée,
et qui leur offrait deux champs de bataille des
plus avantageux, l'un en avant de cette ri-
vière, l'autre en arrière, à Hochkirch, position
rendue célèbre par le grand Frédéric pendant
la guerre de Sept ans. 100,000 Prussiens et
Russes s'étaient donc rassemblés autour de
Bautzen, le ion» de la Sprée, sous la protec-
tion de vastes abatis et de puissantes redoutes.
Mais Napoléon allait dissiper une fois encore
les fumées dont s'enivrait l'orgueil des coali-
sés. Déjà le maréchal Macdonald était en vue
de Bautzen, appuyé, à droite et le long des mon-
tagnes, par le maréchal Oudinot, avec deux
divisions françaises et une bavaroise; à gau-
che parle maréchal Marmont, avec deux divi-
BAU
sions françaises et une allemande; et plus à
gauche encore, par le général Bertrand, avec
une division française, une italienne et une
wurtembergeoise. En avant de l'Elbe se te-
naient le maréchal Ney et le général Lau-
riston, prêts à se porter au secours de la
grande armée par la droite, ou sur Berlin par
la gauche. Ces deux derniers reçurent en
même temps l'ordre de manœuvrer de ma-
nière à déboucher sur le flanc et les derrières
de la position de Bautzen, afin de tourner les
ennemis. Cette manœuvre valait toutes les
positions du monde, et, quelque redoutable que
fût celle des coalises, Napoléon, avec 160 ou
170,000 hommes, ne conservait aucun doute
sur le résultat.
Le 19 mai, il arriva devant Bautzen, où ses
troupes et sa garde l'attendaient avec impa-
tience. Il monta aussitôt a cheval, et opéra la
reconnaissance des lieux où il allait se ren-
contrer de nouveau avec l'Europe coalisée. Il
résolut de forcer, dès le lendemain 20 mai, la
première ligne, celle de la Sprée, défendue
par des troupes nombreuses et habilement
disposées, puis de livrer une autre bataille
pour forcer la seconde ligne, qui s'apercevait
derrière la première, et qui paraissait formi-
dable. Dans la journée et vers le soir du 19,
on entendit au loin une vive canonnade sur la
gauche. Les ennemis ayant appris qu'un
corps assez considérable arrivait sur eux par
Hoyerswerda, se doutèrent que le dessein de
Napoléon était de tourner les positions par la
droite, de changer le champ de bataille et de
faire tomber ainsi tous ces retranchements
élevés avec tant de peines, et l'objet de tant
d'espérances ; mais tandis que le pressentiment "
du danger leur faisait entrevoir la vérité, ils
prêtaient à Napoléon des fautes qu'il n'avait
pas l'habitude de commettre. Supposant donc
que Ney s'avançait a la tête de 25,000 hom-
mes seulement, ils détachèrent à sa rencontre
le général russe Barclay de Tolly, avec 23 ou
24,000 combattants. Celui-ci surprit une divi-
sion italienne et lui fit essuyer une perte assez
considérable ; mais au même instant, le géné-
ral prussien d'York, qui cherchait le corps de
Ney avec 8,000 hommes, faisait la fâcheuse
rencontre de son lieutenant Lauriston, qui
s'avançait à la tête de 20,000, et qui le rejeta
en désordre sur la.Sprée après lui avoir tué
2,000 combattants. Le soir du 19, chacun était
revenu à son poste. Le lendemain, Napoléon
mesurant ce qu'il lui fallait de temps pour for-
cer la première ligne, résolut de ne commen-
cer l'action qu'à midi, afin que la nuit fût une
limite obligée entre les deux actions. Placé de
sa personne en face de Bautzen, il donna le
signal de l'attaque à l'heure qu'il avait fixée.
A droite, le maréchal Oudinot franchit la
Sprée vers le village de Sinkwitz , malgré les
efforts du général russe Miloradovitch, et
s'avança pour gravir les montagnes, aux-
quelles s'appuyait la gauche des alliés. Au
centre, Macdonald abordait de front la ville
de Bautzen, qui avait été fortifiée et crénelée,
et l'enveloppait après avoir traversé la Sprée
sur un pont de pierre et sur quelques cheva-
lets. Un peu au-dessus de Bautzen, Marmont
avait également exécuté le passage de la ri-
vière, et s'était porté entre le centre et la
gauche de la position générale, après avoir
fait enlever par les divisions Bonnet et Com-
pahs le village de Burk, défendu par le g.i;ié-
ral prussien Kleist. Au delà commençait la
, seconde position des coalisés, dont un ruisseau
fangeux et profond formait la première dé-
fense, ainsi que les trois villages de Na-
delwitz, de Nieder-Kayne et de Bakanwitz,
qui en occupaient le bord. Marmont se main-
tint énergiquement dans cette position, malgré
tous les efforts des généraux Kleist et d'York
pour l'en chasser, et ceux de Blùcher lui-
même, qui , établi avec 20,000 hommes sur
quelques mamelons boisés, détacha sa cava-
lerie pour la lancer au secours de ses lieute-
nants. Marmont put même porter la division
Conipans sur BauUen, dont cette intrépide
division escalada les murs, et dont elle ouvrit
les portes aux troupes de Macdonald. Pendant
ce temps-là, le général Bertrand, au-dessous
du maréchal Marmont, franchissait la Sprée
au pied des mamelons où étaitcampé Blùcher,
ce qui complétait, avec le plus heureux succès,
la série des opérations ordonnées par Napo-
léon. Au même moment, Ney arrivait à Klix,
position qui lui avait été désignée, et nous
pûmes, dès lors, concevoir pour ie lendemain
tes plus brillantes et les plus légitimes espé-
rances.
Napoléon entra dans Bautzen à huit heures
du soir, et prit toutes ses dispositions pour le
lendemain 21. Les coalisés présentaient un
ensemble formidable de positions à enlever.
La gauche des Russes s'était repliée sur une
haute montagne, du pied de laquelle sortait le
Bloesaer-Wasser, ordinairement appelé Ruis-
seau du Moulin, qui allait se jeter dans la
Sprée après de longues sinuosités à travers la
plaine. Le centre, composé des gardes et des
réserves russes, s était placé en arrière de ce
ruisseau, sous la protection de plusieurs re-
doutes et d'une forte artillerie, présentant un
amphithéâtre hérissé de canons. Vers leur
droite, les coalisés s'étaient postés en avant
du Bloesaer-Wasser. C'est là, sur des mame-
lons boisés, que s'était établi Blùcher avec
20,000 Prussiens. Il avait juré que, grâce à
eux, ces mamelons deviendraient les Thermo-
pyles de l'Allemagne. Enfin, dans la plaine
qui s'étendait au delà, sur une légère émi-
nence. se tenait Barclay de Tollv avec ses
BAU
15,000 Russes; il devait s'opposer aux tenta-
tives de Ney, dont les ennemis n'avaient pu
apprécier encore la véritable force. De notre
coté, la droite, sous le maréchal Oudinot, de-
vait se maintenir sur les hauteurs du Tron-
berg, qu'elle avait conquis la veille ; notre
centre, sous Macdonald et Marmont, appuyé
par la garde, avait ordre de franchir le
Bloesaer-Wasser et d'enlever les redoutes du
centre russe, tandis que notre gauche, sous
le général Bertrand, avait la tâche difficile de
gravir les mamelons occupés par Blùcher et
de les lui arracher. Attaquer ainsi de front
100,000 Russes et Prussiens presque fanatisés
et admirablement retranchés, était une tenta-
tive hasardeuse ; mais Ney était arrivé dans
la soirée même a Klix, avec ses 60,000 hom-
mes, et allait prendre Blùcher à revers, ce
qui changeait complètement la physionomie
de l'attaque. Dès que le jour parut (21 mai),
chacun se rendit à son poste; Napoléon, en
effet, y appelait tout le monde, et était lui-
même au sien de grand matin. De la position
où se trouvaient les souverains alliés, on le
voyait, sur le plateau de Bautzen, à cheval,
donnant des ordres et tout à fait à portée du
canon ennemi. L'ambassadeur britannique,
lord Cathcart, ayant une excellente lunette
anglaise, avec laquelle on apercevait tous les
mouvements de Napoléon, chacun l'emprun-
tait pour voir ce terrible adversaire, et aurait
voulu deviner se qui se passait dans son es- -
prit, comme on discernait ce qui se passait
autour de sa personne.
Mais déjà une effroyable canonnade rem-
plissait de ses retentissements la vaste éten-
due de ce champ de bataille. Le maréchal Ou-
dinot disputait les hauteurs du Tronberg aux
Russes, qu'ils s'efforçaient de lui reprendre.
Au centre, Macdonald et Marmont, immobiles,
ayant entre eux les carrés de la garde, et
derrière eux la cavalerie de Latour-Maubourg,
attendaient les ordres de Napoléon, qui atten-
dait lui-même impatiemment le succès de la
manœuvre confiée au maréchal Ney. A gau-
che, le général Bertrand, après avoir achevé
le passage de la Sprée, gravissait avec ses
trois divisions l'escarpement de la rive droite.
Mais c'était à Klix, à deux lieues au-dessous,
que se passait l'événement décisif de la jour-
née. Le maréchal Ney venait de franchir la
Sprée sur ce point, et de refouler les avant-
postes de Barclay de Tolly. Il eut alors à
droite le revers des mamelons occupés par les
20,000 Prussiens de Blùcher, devant lui Bar-
clay de Tolly posté près d'un moulin à vent,
et a sa gauche les bords marécageux du Bloe-
saer-Wasser. 11 manœuvra aussitôt pour dé-
border la position de l'ennemi, et fit attaquer
résolument Barclay, qui déchaîna sur lui un vé-
ritable ouragan de boulets. Mais, ditM. Thiers,
des boulets n'arrêtaient pas le maréchal Nejr :
il continua son mouvement, culbuta le général
russe, remonta un peu à droite pour prendre à
revers les mamelons où il avai t aperçu la masse
des troupes prussiennes, et se trouva devant
le village de Preititz, qu'il fit emporter par la
division Souham. Apercevant alors devant lui
des masses profondes de cavalerie, ayant à sa
gauche Barclay et à sa droite Blùcher, ce
héros, qui éprouvait quelquefois des hésita-
tions d'esprit, jamais de 'cœur, s'arrêta pour
écouter le canon du reste de l'armée et ne pas
s'engager définitivement.
Pendant ce temps-là, Blùcher débitait des
harangues patriotiques à ses Prussiens, refu-
sant d'ajouter foi au récit de ceux qui accou-
raient le prévenir du danger d'être pris à re-
vers, dont il était menacé. Il dut bientôt,
néanmoins, se rendre à l'évidence, et il déta-
cha à Barclay un secours au moyen duquel ce
général put inquiéter Ney pendant quelque
temps. Mais déjà celui-ci en avait fait assez
pour que la position ne fût plus tenable. Dès
que son canon avait retenti sur les derrières
de Blùcher, Napoléon avait donné le signal
de l'attaque. Aussitôt, Marmont avait ouvert
un feu épouvantable sur les redoutes du cen-
tre, tandis que le général Bertrand s'était mis
en mouvement pour aborder la ligne prus-
sienne. Blùcher fit demander du renfort; mais
on lui répondit que les troupes qu'il appelait
à son secours étaient occupées à disputer
Preititz sur ses derrières, et que, s'il ne bat-
tait bien vite en retraite, il allait être pris
avec son corps d'armée par le maréchal Ney.
Le désespoir au cœur, Blùcher descendit de
ces mamelons qu'il venait d'appeler les Ther-
mopyles de l'Allemagne, et où il avait promis
de résister à tous les efforts des Français,
tandis que Ney les gravissait d'un autre côté.
11 put donc opérer sa retraite sans rencontre
fâcheuse, en traversant les lignes de la ca-
valerie russe et prussienne. Déjà la vic-
toire était assurée; Bertrand se lança à la
poursuite du général prussien, et Marmont,
avec son corps, Mortier, avec la jeune garde,
se jetèrent en avant du Bloesaer-Wasser.
Bientôt le mouvement de retraite imprimé à
la droite des coalisés se communiqua au reste
de leur année, et Oudinot, qui s'était vu
pressé, reprit vivement l'offensive contre les
Russes. Sur une étendue de 12 kil., on se
mit alors à poursuivre les alliés ; mais faute
de cavalerie, on ne put recueillir, en prison-
niers et en canons, que des trophées incom-
plets. Si l'heureuse audace des temps passés
eût animé le maréchal Ney, s'il avait été cette
fois aussi téméraire qu'il était intrépide, la
journée de Bautzen eût été aussi brillante que
celle d'Austerlitz, d'Iéna et de Friedland ; car
on aurait pris toute la droite de l'armée enne-
BAU
mie, et notamment Blùcher, notre adversaire
le plus fanatique. Néanmoins, la victoire sem-
blait ramener les beaux jours de la grande
armée ; elle renversait une position formidable,
défendue par près de 100,000 hommes, le der-
nier espoir des coalisés, du moins pour cette
partie de la campagne. Quant aux pertes mu-
tuelles, quoi qu'en aient dit les écrivains alle-
mands, elles étaient, de notre côté, inférieures
à celles des ennemis. Ceux-ci ont avoué, pour
les deux journées, 15,000 hommes en morts ol
blessés, quoique leur perte ait été beaucoup
plus considérable ; la nôtre, au contraire,
d'après des états fort précis, ne peut pas être
évaluée à plus de 13,000 hommes, tant morts
que blessés, bien que nous fussions les assail-
lants et que notre tâche fût la plus meurtrière.
BACVAIS (Louis-Jacques), général haïtien,
né à la Croix-des-Bouquets en 1759, mort en
1800. Homme de couleur, il fit ses études en
France, à l'école militaire de La Flèche, et se
mit le premier à la tète des esclaves soulevés
à Saint-Domingue en 1790. Fidèle à la mère
patrie, il refusa de prendre part au mouve-
ment séparatiste de 1799, partit pour la France
et mourut en mer.
BABVIN (Jean-Grégoire), littérateur fran-
çais, né a Arras en 1714, mort en 1776. Il
exerça la profession d'avocat dans sa ville na-
tale , où il fut nommé professeur à l'Ecole
militaire, devint un des collaborateurs du
Mercure et du Journal encyclopédique, et fit
paraître, en 1779, une tragédie intitulée Armi-
nius, représentée sans succès à Paris sous le
titre des Chcrusques, en 1772. On a également
de lui une traduction en vers des Sentences de
Publius Syrus.
BAUWENS (Liéven), industrie! belge, qui a
puissamment contribué à introduire la fila-
ture de coton en France, né à Gand en 1769,
mort en 1822. Fils d'un tanneur, il suivit la
profession de son père, qui l'envoya, à l'âge
de dix-sept ans , en Angleterre, pour y étu-
dier les perfectionnements introduits dans
cette industrie. De retour dans sa ville natale
en 1789, le jeune Bauwens y fonda un établis-
sement qui ne contenait pas moins de cinq
cent cinquante cuves énormes, et bientôt il
put expédier sur le marché de Londres d'im-
menses quantités de cuirs, qui s'y vendaient
plus cher que les meilleurs cuirs anglais. A
vingt-six ans, Bauwens se trouvait, par suite
de la mort de son père, à la tête de la tanne-
rie de Nieuwland, et possesseur d'une fortune
déjà considérable, lorsqu'il songea à doter la
France d'une industrie dont l'état florissant
l'avait frappé lorsqu'il se trouvait en Angle-
terre, nous voulons parler de la filature de
coton. Cette industrie , dans l'enfance sous
Louis XVI, où elle ne comptait pas plus de
six cent vingt broches sur tout notre terri-
. toire, avait été complètement anéantie pen-
dant les troubles de la Révolution. Malgré les
dangers et les difficultés de tout genre qui se
dressaient devant lui, Bauwens se rendit en
Angleterre en 1790, pour y prendre des ou-
vriers et des machines ; mais, comme la sortie
des ustensiles et oies mécaniques était prohi-
bée sous les peines les plus sévères, il se fit
négociant en denrées coloniales, afin de pou-
voir loger des parties de machines dans des
balles de café et des caisses de sucre. Grâce
à ce stratagème, il parvint à réaliser son en-
treprise. Toutefois, dans une de ses dernières
expéditions, il faillit être pris; une grande
quantité de machines furent saisies ; il fut
condamné à mort par contumace, et son agent
en Angleterre garda une somme considérable
qu'il avait entre ses mains. Bien qu'il eût perdu,
dans cette tentative, une grande partie de sa
fortune , Bauwens établit à Passy, en 1798,
une filature de coton , dans laquelle il em-
ploya l'appareil dit mull Jenny , une autre
a Gand l'année suivante , et une troisième
à Tronchiennes en 1804. Loin do garder pour
lui les procédés qui lui avaient coûté si cher,
il ouvrit ses ateliers à qui voulut y chercher
les connaissances nécessaires à la formation
de nouveaux établissements de ce genre. Bien-
tôt on y accourut de tous les points de la
France, de la Suisse et de l'Allemagne, et,
grâce à lui, cette industrie nouvelle se pro-
pagea avec une rapidité prodigieuse sur te
continent. En même temps, Bauwens intro-
duisait le blanchiment des toiles de coton par
la méthode de Berthollet, et plus tard il fut
le premier en Belgique qui adopta l'emploi
des machines à vapeur appliquées aux ma-
nufactures. Nommé maire de sa ville natale,
décoré de la Légion d'honneur, Bauwens était
à la tête d'une fortune immense, lorsque les
événements de 1814 ébranlèrent sa prospérité,
qui fut détruite tout à coup par les secousses
les plus violentes et les plus imprévues. Ses
manufactures et ses biens furent vendus pout
le dixième de leur valeur. Dépouillé de tout
mais encore plein d'énergie, il parvint, aprèe
cinq ans d'efforts, à établir à Paris la pre-
mière filature de bourre de soie qui ait été
fondée en France ; mais les chagrins causés
par son désastre, les nombreux travaux qu'i
avait entrepris, sans parler de ses trente-deux
voyages en Angleterre, avaient profondément
altère sa santé. 11 mourut tout à coup, à l'âge
de cinquante - trois ans, d'un anévrisme
Bauwens ne fut pas seulement un grand in-
dustriel, qui la réputation de Richard Lenoii
a fait injustement oublier j il fut; comme
homme, bon, généreux, toujours prêt à obb-
fer, et ne cessa de faire le plus nable usa j;o
e sa fortune.
BAU
BAV
BAV
BAV
399
BAUX, nom d'une des plus anciennes fa-
milles de Provence , connue depuis Hugues,
baron de Baux, qui vivait au milieu du xiu siè-
cle. Raymond de Baux, son fils, épousa, vers
1110, Êtiennette de Provence, ce qui déter-
mina ses successeurs à revendiquer ce comté
et" à. faire valoir leurs prétentions par les
armes. Renaud de. Baux , petit-fils de Ray-
mond, devint coseigneur de Marseille par
son mariage avec Alix, dans la seconde moi-
tié du xii»*siècle. Bertrand de Baux, troi-
sième fils de Raymond, devint prince d'Orange
par son mariage avec Tiburge, héritière de
cette principauté, et mourut assassiné en 1181.
Il laissa trois fils, dont l'aîné, Guillaume II,
prit, en 1214, le titre de roi d'Arles, que lui
avait octroyé l'empereur Frédéric II. Le se-
cond fils fut l'auteur d'une branche qui, dans
la suite, passa en Italie. La postérité de Guil-
laume forma un rameau qui s'établit à Naples
et qui porta les titres de ducs d'Andrie, de
princes de Tarente, etc. Ce rameau a produit
Jacques de Baux, prince de Tarente et d'A-
cha'ie, qui, en 1382, épousa Agnès de Duras,
petite-iille de Jean de Sicile, et qui prit le
titre d'empereur de Constantinople et de des-
pote de Roumanie. La ligne des barons de
Baux, restée en France, eut pour dernier re-
présentant mâle Raymond IV de Baux, prince
d'Orange, qui mourut vers 1393, ne laissant
que deux filles. Marie, l'aînée, porta la prin-
cipauté d'Orange dans la maison de Châlons,
d'où elle patisa par la suite dans celle de
Nassau; la cadette, Alix, n'ayant pas de pos-
térité, légua, en 1426, la baronnie de Baux à
ses parents, établis dans le royaume de Naples.
Ce legs n'ayant pas été reconnu valable, la
baronnie de Baux fut réunie au domaine com-
tal de Louis III de Provence. En 1641, elle
en fut détachée, érigée en marquisat et don-
née avec la ville de Saint-Remi à Honoré
Grimaldi, prince de Monaco, qui venait de se
mettre sous la protection de la France.
BAUX (Guillaume II de), de la famille des
seigneurs de Baux, succéda, en 1182, à son
père Bertrand 1er, comme prince d'Orange, et
reçut de l'empereur Frédéric II, en 1214, le
titre de roi d'Arles et de Vienne. Il prit rang
parmi les poëtes troubadours du temps, mais
il s'est surtout fait connaître par son extrême
vanité, par ses rapines et ses exactions. Un
marchand français, qui traversait ses Etats,
ayant été rançonné et dépouillé par lui, de-
manda justice à son souverain, Philippe-Au-
guste. Celui-ci ne pouvant la lui faire rendre,
l'autorisa à se la faire lui-même. Fort de cette
autorisation, le marchand contrefit le sceau
de Philippe et invita, au nom du roi, Guil-
laume de Baux à visiter la cour de Frunce.
Guillaume de Baux s'empressa de partir sur
cette invitation; mais en traversant la ville
où résidait le marchand, il fut a son tour saisi
par celui-ci avec l'aide de ses amis, dépouillé et
renvoyé dans ses terres, honteux et humilié,
Guillaume étant allé quelque temps après
piller une propriété du comte de Valentinois,
fut pris par des pêcheurs, dépouillé selon l'u-
sage, et de plus rançonné. Ces mésuventures
firent la joie des troubadours du temps, et
deux d'entre eux, Gui de Cavaillon et Ram-
baud de Vaqueiras, les mirent en vers, qu'on
chanta dans toute la Provence. Guillaume
leur répondit, également en vers. Sa réponse,
où il se désigne sous le nom d'Inglès, est par-
venue jusqu'à nous. Ce prince eut une fin
terrible, vers 1218. Il s'était montré un des
ennemis les plus implacables des Albigeois ,
lorsque, dans une embuscade, il fut pris par
les Avignonnais. Ceux-ci l'écorchèrent vif, et
coupèrent son corps en morceaux. Le pape
Honorius saisit ce prétexte pour exciter les
croisés à la vengeance, et ce fut une des rai-
sons pour lesquelles Louis VIII vint mettre le
siège devant Avignon en 1226.
BAUX (Clarette et Huguette de). V. Baulx.
BAUX (Pierre), médecin français, né à
Nîmes en 1G79, mort en 1732. Membre d'une
famille qui exerça la médecine pendant plu-
sieurs générations, il étudia à Montpellier, à
Orange et à Paris, puis il vint se fixer à Nîmes,
et fit preuve d'autant de science que de dé-
vouement lorsque la peste vint ravager la
Provence et une partie du Languedoc. C'est
à ce' sujet qu'il composa son Traité de la
peste, etc. (Toulouse, 1722). On a également
de lui divers articles publiés dans le Journal
des savants, et un ouvrage, fruit de longues
études, mais resté manuscrit, sous le titre de
Observations sur divers points de la médecine
théorique et pratique.
BAUX (les) liaucium, bourg, autrefois ville
assez importante de France (Bouches-du-
Rhône), arrond. et à 15 kil. N.-E. d'Arles,
bâti sur un rocher escarpé, accessible d'un
seul côté et dominé par les ruines imposantes
d'un ancien château fort qui formait, au moyen
âge, une seigneurie libre très - importante ;
-404 hab. Récolte et commerce de grains", huile
et vin. Les remparts du bourg, les maisons,
le château ont été en grande partie taillés
dans une pierre calcaire, d'une nature friable,
qui présente aujourd'hui les ruines les plus
étranges. Beaucoup de maisons ont des fa-
çades élégantes dans le dtyle de la Renais-
sance ou du xve siècle. Le bourg entier, mu-
railles , château , maisons particulières , est
classé parmi les monuments historiques. M. J.
Canonge, de Nîmes , a publié, il y a quelques
années, une très-intéressante notice sur les
Baux.
bauxie s. f. (bok-sî). Bot. Syn. de cipure.
BAUZA (don Filipo), géographe espagnol,
né vers le milieu du xvme siècle , mort en
Angleterre en 1833. Dès l'âge de vingt ans,
il accompagna Malaspina dans ses inspections
navales. A son retour, il fut nommé directeur
du dépôt hydrographique à Madrid. Les belles
cartes de l'Amérique méridionale, qui furent
tracées sous sa surveillance et par ses soins,
sont supérieures à toutes celles qui avaient
,été tracées jusque-là. En 1823 , les événe-
ments politiques le forcèrent à quitter l'Es-
pagne et à se retirer en Angleterre.
BAUZANUM, ville de l'ancienne Rhétie, au-
jourd'hui Botzen, dans le Tyrol.
BAUZILLE DU PUTOIS (SAINT-), bourg de
France (Hérault),, arrond. et à 32 kil. N.-O.
de Montpellier, sur l'Hérault; 2,027 hab. Dans
le voisinage, à l'entrée d'un bois qui couronne
le rocher de Thourac, se trouve une grotte
appelée Baouma de las Doumaisellas , ou grotte
des fées, remplie de curiosités naturelles et
digne de l'attention du touriste et du géo-
logue.
BAVA (Gaétan-Emmanuel), comte de San-
Paolo, savant piémontais, né à Fossano en
1737, mort en 1829. Après avoir servi parmi
les pages du roi Charles-Emmanuel 111, il en-
tra dans l'armée avec le grade de capitaine.
Mais il quitta bientôt la profession des armes,
pour se livrer tout entier à la culture des
lettres et des sciences. Il fut un des fonda-
teurs de l'académie Fossanèse, et dut surtout
sa célébrité a la publication de son Tableau
historique et philosophique des vicissitudes et
des progrès des sciences, des arts et des mœurs,
depuis le xie jusqu'au xvme siècle (Turin,
1816, 5 vol. in-S«).
BAVA (Jean-Baptiste-Eusèbe , baron), gé-
néral italien, né à Verceil en 1790, mort en
1855. Ancien élève du Prytanée militaire de
Saint-Cyr, il fit les dernières campagnes de
l'Empire avec la grande armée, et se retira
en Piémont après 1814, avec le grade de ca-
pitaine. Nommé lieutenant général et créé
baron en 1840, il fut appelé au commande-
ment de la place et de la province d'Alexan-
drie en 1847. Placé, en 1848, à la tête d'un
corps d'armée qui entra en ligne contre les
Autrichiens, il fit une heureuse diversion qui
ne fut pas sans influence sur le gain de la ba-
taille de Goïto, et fut promu au rang de gé-
néral d'armée (maréchal). En 1849, il dirigea
quelque temps le ministère de la guerre , et
contribua beaucoup en 1855, comme inspec-
teur général d'infanterie, à l'organisation de
la petite armée envoyée en Crimée par le Pié-
mont, qui retira de cette coopération un grand
résultat, politique. Il mourut la même année,
et sa statue en marbre blanc a été érigée de-
puis lors au Jardin public, à Turin.
BAVALITE s. f. £ba-va-Ii-te — de Bavalon,
nom de lieu). Miné*. Substance ferrugineuse,
à structure oolitique, qui a été ainsi appelée
parce qu'on la trouve à Bavalon , en Bre-
tagne. C'est une variété de silicate de for,
analogue à la chamoisite, mais d'une couleur
un peu plus foncée.
BAV AN G s. m. (ba-vangh). Bot. Grand
arbre' des Moluques , .très-remarquable par
l'odeur d'ail qu'exhalent presque toutes ses
parties, et dont les fruits étaient autrefois
employés comme condiment : Le ukvimg. sem-
ble avoir des rapports avec les crotons. (En-
cycl. méth.)
BAVANT (ba-van), part. prés, du v. Ba-
ver : Un vieillard toussant, crachant, bavant.
BAVARD, arde adj. (ba-var, ar-de — rad.
bave). Qui parle beaucoup, qui aime à par-
ler : Une femme bavarde. Un avocat bavard.
N'es-lu pas grande menteuse, fort avare, très-
bavarde, jalouse à l'excès, même sans te sou-
cier de moi? (Piron.)
— Qui est relatif aux bavards ou au bavar-
dage : Cette agitation se traduisait, comme c'est
la coutume en ces pays bavards et bruyants,
par un besoin désordonné de mouvement. (P.
Fcval.)
— Par ext. Indiscret, qui ne peut garder
aucun, secret : Une femme bavarde n'a aucun
droit à notre confiance. Il faut se défier d'une
voisine trop bavarde. Il Qui trahit certaines
pensées qu'il faudrait cacher : Mathéo avait
une fille, une brune sémillante, aux yeux ba-
vards, que son père tenait cloîtrée. (Ad. Paul.)
— Par anal. Qui fait un bruit continuel :
Le sentier que je suivais était côtoyé d'un ruis-
seau bavard, qui sautait dans les cailloux. (A.
Vacquerie.) Les Romains appelaient les eaux
thermales de Baden les eaux bavardes. (V.
Hugo.)
— Fig. Qui aime à s'épancher : Je vous
écrirais bien au long, si j'en croyais mon cœur,
qui est bavard de son naturel. (Volt.) Les
vieilles amitiés sont bavardes. (V. Hugo.)
Vous en ai-je assez conté, vous ai-je assez en-
nuyé, suis-je assez bavard? (Volt.)
— Chass. Chien bavard, Celui qui crie d'ar-
deur, le nez en l'air et hors la voie. Il On dit
plutôt BABILLARD.
— Substantif. Personne qui parle beau-
coup : Les bavards sont toujours bonnes gens.
(Gresset.) Madame Geoffrin disait des ba-
vards : Je m'en accommode assez, pourvu que
ce soient des bavards tout court, qui ne veulent
que parler et qui ne demandent pas qu'on leur
réponde. (Micnelet.) Le nez d'un bavard res-
semble ordinairement à un bec. (Thoré.) Le
bavard n'est pas celui qui oense et parle beau-
coup, mais celui qui parle plus qu'il ne pense.
(Joubort.) Ces bavardes de femmes, que l'on
entend caqueter à travers les portes, ne fini-
ront-elles pas par se taire? (G. Sand.) Les ba-
vards sont les plus discrets des hommes: ils
parlent pour ne rien dire. (A. d'Houdetot.)
Monsieur l'auteur, pue Dieu confonde,
Vous êtes un maudit bavard.
J.-B. Rousseau.
Gardons-nous des bavards qui, parlant sans ver-
[gogne,
Pont plus de bruit que de besogne.
VlENSET.
... Au bal il faut bien qu'on babille;
Je fis donc de mon mieux le métier de bavard.
A. de Musset.
Il Personne indiscrète : Les bavardes 1 dès
qu'on leur a dit un mot à l'oreille, elles ont une
furieuse démangeaison déparier; elles étouffent,
elles crèvent si elles ne parlent pas. (Bouhours.)
Le bavard n'est pas seulement indiscret, il est
presque toujours méchant. (Mariés.) C'est un
bavard qui m'a défloré le plaisir de vous ap-
prendre une grande nouvelle. (E. Augier.)
— s. f. Argot. Langue, bouche : Se mordre
la bavarde.
— Syn. Bavard, babillard. V. Babillard.
— Antonymes. Discret, muet, silencieux,
sobre de paroles, taciturne.
Bavardi (i.bs), opéra bouffe en deux actes,
paroles de M. Nuitter, musique de M. Often-
bach , représenté à Paris sur le théâtre des
Bouffes-Parisiens, le 20 février 1J63.
Le poème des Bavards est tiré d'un inter-
mède de Michel Cervantes, pétillant de sel et
d'esprit local. La griffe du maître sillonne
cette pochade lestement troussée, sur laquelle
M. Nuitter a brodé habilement. Au lever du
rideau, nous sommes dans le pays des coups
de soleil et des coups de rapière. Les bret-
teurs poussent çà et là comme des grenades,
et, pour peu que vous regardiez un peu trop
la lune à l'heure où ronfle l'alcade, il vous
pleut toutes sortes d'estafilades fort mal-
saines. Un certain seigneur Sarmiento est
condamné à 200 ducats d'amende, pour une
écorchure faite à un voisin , et le juge qui
a prononcé la sentence nous offre un type
parfait de sagacité et de discernement. « Vous
avez agi en gentilhomme, en donnant cette
estafilade à votre voisin , dit-il à Sarmiento ;
en la payant, vous agissez en chrétien; moi,
en prenant cet argent, je suis satisfait, et
vous hors de peine. » Quant au battu, qu'il
s'arrange I Un bachelier sans sou ni maille,
appelé Roland, entend sonner les ducats que
l'homme de loi fourre en son escarcelle, et il
accourt a ce tintement alléchant, comme un
parasite au bruit des plats. Il s'enquiert de ce
qui se passe, puis, s'approchant de Sarmiento,
il lui propose, en tendant sa joue, une estafi-
lade au rabais. « Monseigneur, je suis un
pauvre hidalgo, quoique j.aie vu des temps
meilleurs, je suis nécessiteux , et j'ai vu que
Votre Grâce a donné 200 ducats à un homme
qu'elle avait blessé ; si c'est pour vous un di--
vertissementj je viens me mettre à votre dis-
position, et je demanderai pour cela 50 du-
cats de moins que l'autre. » Notre gentilhomme
s'imagine que le pauvre diable a perdu la
tête, il veut réconduire, mais autant vaudrait
chasser une mouche qui s'obstine à s'abattre
sur le nez d'un honnête homme. S'il lui parle
de sa balafre, le bachelier, aussi tenace qu'é-
rudit, s'écrie aussitôt que « c'est ce que donna
Caïn à son frère Abel, quoique, à cette épo-
que, on ne connue pas les épéesjque cest
aussi ce que donna Alexandre le Grand à la
reine Penthésilée, en lui enlevant Amora, la
ville bien murée ; et Jules César au comte don
Pedro Anzuces, en jouant aux dames avec
Gaiferos, entre Cavanas et Olias. » Sarmiento,
que ce bourdonnement agace, déclare que le
pauvre hidalgo a quelque démon dans la bou-
che, sur quoi Roland reprend que « Qui a le
démon en bouche va à Rome, et qu'il a été à
Rome, dans la Manche , en Transylvanie et
dans la ville de Montauban ; que Montauban
est un château dont Renaud était le seigneur;
que Renaud était un des douze pairs de
France, de ceux qui mangeaient avec l'em-
pereur Charlemagne, autour de la table ronde,
laquelle n'était pas carrée ni octogone. » N'y
tenant plus, Sarmiento envoie au diable l'en-
ragé bavard ; mais aussitôt ce dernier lui fait
savoir que « le diable a plusieurs manières de
nous buter ; que la plus dangereuse est celle
de la chair ; que chair n'est pas poisson ; que
le poisson est flegmoneux ; que les flegmati-
ques ne sont pas adonnés à la colère ; que
1 homme se compose de quatre éléments : de
colère, de sang, de flegme, de méchanceté;
que la mélancolie n'est pas la joie, parce que
la joie consiste à avoir de l'argent, que l'ar-
gent fait l'homme, que les hommes ne sont
pas des bêtes, que les bêtes pâturent, etc. »
L'idée vient au seigneur Sarmiento d'utiliser
cette langue infatigable. Sa femme, Béatrix,
est bavarde comme une paire de castagnettes
entre les mains d'une danseuse; Roland est
le perroquet qui fera taire cette pie borgne;
il va mettre aux prises ces deux animaux do-
mestiques, et, d'avance, il parie pour le ba-
chelier. C'est en effet le preux Roland qui
l'emporte dans le duel singulier qu'il engage
avec dame Béatrix. Il parle, il parle, il parle
encore ; et lorsque la femipe de Sarmiento
veut répliquer, il élève le ton, il gesticule.
Pas une pause et pas un silence ; un quart de
mot ne passerait pas entre les intervalles de
ses phrases effrénées. « Il enchaîne, dit M. P.
de Saint-Victor, des kyrielles de lazzis à des
chapelets de proverbes, des ribambelles de
coq-à-1'âne à des festons de billevesées. C'est
le salmigondis faisant le bruit d'un charivari. »
Béatrix tient bon d'abord; a la fin, elle tombe
stupéfiée, paralysée, inerte, sous cette douche
de paroles qui ne tarit pas. Lorsqu'elle se re-
lève, elle est guérie à jamais de l'intempé-
rance de sa glotte. A bavarde, bavard et demi.
Au scénario de Michel Cervantes, M. Nuitter
a ajouté un alcade à grandes manches et à
grande baguette, avec une perruque qui tombe
ébouriffée sur ses gros yeux écarquillés , un
de ces alcades qui, ainsi que le fait spirituel-
lement remarquer le critique de la Presse,
perchent sur leurs fauteuils comme les épou-
vantails sur les cerisiers, et qui se passent,
de pièce en pièce, les dés du Bridoye de Ra-
belais, et le bégayement du Brid'oison de Beau-
marchais. Cet alcade fait l'amusement de la
pièce, car si le type n'est pas neuf, /il est du
moins de ceux qui sont toujours applaudis.
Dans les Bavards, il est complété par la lon-
gue et blême figure d'un greffier qui suit à
pas comptés son doux maître, comme le spec-
tre de la maigreur talonnant le dieu de l'obé-
sité. Sarmiento a de plus une pupille dont
Roland est amoureux, et que le oavard finit
par épouser à force de ruses et de strata-
gèmes. Une scène délicieuse, et qui appartient
aussi au librettiste français, est celle où daine
Béatrix feint d'être muette pour se venger du
complot ourdi contre son babil. Son mari l'in-
terroge sur un cas urgent; point de réponse,
mais en revanche une pantomime animée et
vive : « Il pleut des soufflets, Sarmiento! »
Ses valets et ses servantes, l'alcade et le gref-
fier « imitent son silence autour d'elle ran-
fés, » et le bonhomme se débat, stupéfait et
agard, au milieu de ces statues vivantes, qui
grimacent et qui gesticulent. « Sur ce joli
poëme, dit M. P. de Saint-Victor, M. Ofien-
bach a jeté des airs à faire damner l'alcade
de la pièce et à défrayer toutes les sérénades
de Paris. Ce n'est plus de la caricature mu-
sicale, mais un tableau de genre plein de cou-
leur et d'esprit. La bouffonnerie en est élé-
gante ; le musicien reste léger dans sa charge ;
ses coq-à-l'âne même ont des ailes. Le verre
d'Offenbach n'est pas grand, mais il boit tou-
jours dans son verre, et la liqueur qu'il y
verse gagne et s'épure tous les jours. » Parmi
les airs que l'on a le plus applaudis dans les
Bavards, nous citerons le chœur de créan-
ciers et le petit trio bouffe du premier acte,
qui trotte si joliment sur sa mesure syllabi-
que. Le second acte contient un charmant
quintette , une valse ■ entraînante et des cou-
plets de table qui feraient mousser le Cham-
pagne dans les coupes. Les Bavards, avant
de paraître aux Bouffes - Parisiens , avaient
fait les délices de la belle compagnie à Bade,
pendant la saison de 1863. Ils ont fourni à
Mme Ugalde un des triomphes de sa carrière
artistique, et ont été repris avec beaucoup de
succès.
BAVARDAGE s. m. (ba-var-da-je — rad.
bavarder). Action, habitude de bavarder, fa-
cilité à bavarder : Le silence d'un homme
connu pour bien parler impose beaucoup plus
que le bavardage d'un homme qui ne parle
pas mal: (Chamf.) La sottise et la fatuité qui
ne doutent de rien produisent le bavardage.
(Latena.) il avait une cravate irréprochable,
une tournure exquise , et celte espèce de ba-
vardage insignifiant, qui rend un homme ado-
rable dans le monde. (G. Sand.) Or ça, petit
drôle, où as-tu pris cette facilité de bavar-
dage et cette assurance que rien ne trouble?
(Laboulaye.) Il Discours, propos de bavards :
Puisque mes amis ont curiosité de moi, lisez-
leur ce bavardage. (M">e d'Epînay.) Là, les
bavardages deviennent souvent de solennels
arrêts. (Balz.) Dans cette sombre cour se croise
et se- mêle perpétuellement la double et inta-
rissable parole de l'avocat et de la commère,
te bavardage et le babil. (V. Hugo.)
Peste soit du faquin et de son bavardage..
G. Bonjour.
— Par anal. Discours prolixes et superfi-
ciels : Voilà bien du bavardage sur la bota-
nique , dont je vois , avec grand regret, que
vous avez tout à fait perdu le goût. (J.-J.
Rouss.)
— Par ext. Caquet des oiseaux : Partout
le bavardage impertinent des merles, qui se
réjouissent de voir pousser la vigne. (E. About.)
— ■ Syn. Bavardage , loquacité. Il y a de
l'indiscrétion dans le bavardage; le bavard
dit tout ce qu'il sait, et, quand il ne sait rien,
il invente ; l'homme sensé n'attache aucune
importance au bavardage des gens oisifs. La
loquacité consiste à dire beaucoup de mots
lorsqu'un petit nombre pourrait suffire ; c'est
souvent le défaut des avocats dans leurs plai-
doyers, ils fatiguent les juges par l'abon-
dance excessive de leurs paroles, mais ils plai-
sent aux clients dont l'amour-propre est llatté
de voir qu'on trouve tant de choses à dite
sur l'affaire qui les concerne.
— Antonymes. Discrétion, mutisme, silence,
taciturnité.
— Anecdotes. Quelqu'un, à qui l'on avait
demandé quel était le mois pendant lequel les
femmes bavardent le moins, répondit : « C'est
le mois de février, parce qu'il est plus court
que les autres. >
400
BAT
Un célibataire conçut le dessein de se ma-
rier, parce qu'il s'ennuyait le soir; quelqu'un
lui amena une femme en lui disant : « Tenez,
monsieur, vous trouverez à qui parler. »
* »
Un bavard désirait apprendre ia rhétorique
sous Socrate ; ce philosophe exigea le double
de ce qu'il prenait aux autres. Le babillard
lui en demanda la raison. « C'est répondit So-
crate, qu'il faut que je vous apprenne à par-
ler et à vous taire. »
Un bavard , après s'être épuisé en vains
propos, voyant qu'Aristote ne lui répondait
rien : « Je vous incommode peut-être, lui dit-
il, ces bagatelles vous détournent de quel-
ques pensées plus sérieuses ? — Non, répondit
Aristote, vous pouvez continuer; je n'écoute
pas. »
» *
« Savez -vous pourquoi, demandait quel-
qu'un, Notre Seigneur Jésus-Christ apparut
d'abord à des femmes après sa résurrection?
C'est que, sachant la pente naturelle qu'elles
ont à bavarder, il .ne pouvait faire mieux que
de leur apprendre promptement un mystère
qu'il voulait rendre public.
Une jeune fille étant sur le point de se ma-
rier, le notaire lui lut le contrat : tout était h
son gré; mais à la fin, lorsque le notaire,
arrivant à une dernière clause où se trou-
vaient encore une fois tous les noms et titras
de la jeune fille, dit : a Ladite demoiselle une
telle, et cœtera, » la future ne voulut plus se
marier, croyant qu'on avait fait entrer dans
les clauses et se taira.
Dans certaines églises de campagne , un
côté est réservé aux hommes, et un autre aux
femmes. Un bon curé était monté en chaire ;
il s'interrompit tout à coup pour se plaindre
qu'on bavardait trop haut : » Pour le coup,
Monsieur le curé, vous ne direz pas que c'est
de notre côté. — Tant mieux , ma bonne, tant
mieux ; comme cela, ce sera plus tôt fini. •
Mm« de Sévigné était fort liée avec M"" de
Lavardin, un peu encline au bavardage. Elle
appelait aller chez cette dame aller en Bavar-
dinerie, au lieu de Lavardinerie. « J'ai diné
en Ilavardin, écrivait-elle à sa tille, mais si
purement, que j'en ai pensé mourir. Tous nos
commensaux nous ont fait faux bond ; nous
n'avons fait que bavardiner, et nous n'avons
point causé comme les autres jours. »
On sait que Mme du Deffant, devenue aveu-
fle sur la fin de sa vie, tenait chez elle un
ureau d'esprit, où les absents n'étaient pas
toujours ménagés. Un jour que quelques ba-
vards ennuyeux avaient accaparé la conver-
sation : o Quel est donc, demanda-elle tout k
coup, le mauvais livre qu'on lit ici? » C'était
abuser trop spirituellement de son infirmité.
Qu'une femme parle sans langue
Et fasse même une harangue,
Je le crois bien.
Qu'ayant une langue, nu contraire,
Une femme puisse se taire,
Je n'en crois rien.
Eh mais! je crois que notre ami sommeille !
Disait devant Damon, voulant le persifler.
Certain bavard qui lui choquait l'oreille :
■ Quand voulez -vous, monsieur, qu'on vous
[éveille?
— Quanti vous cesserez de parler. »
BAVARDASSER v. a. ou tr. (ba-var-da-sé
— fréquent, de bavarder). Pop. Bavarder
beaucoup : Faites-moi le plaisir d'aller mettre
la batterie en ordre, au lieu de venir bavar-
dasskr ici. (E. Sue.)
bavarder v. n. ou intr, (ba-var-dé —
rad. bavard). Parler beaucoup, faire des ba-
vardages : Cette petite bavarde du matin jus-
qu'au soir. Dans le pays où, l'on fait les choses,
il ne reste point de temps pour en bavarder.
(Grimm.) Plutôt que d'écouter et de se taire,
chacun bavarde de ce qu'il ignore. (Dider.)
Je veui, moi, qu'en aimant l'on bavarde, Von rie.
Dorât.
Nous autres, gens de cour, on nous croit têtes folles,
Médisants, curieux, indiscrets, brouillons, mais
Nous bavardons toujours, et ne parlons jamais.
V. Huoo.
— Parler indiscrètement : // aurait bien
pu retenir sa langue, et ne pas perdre une
payse comme moi, pour le plaisir de bavarder.
(Lamart.)
— Activ. Dire en bavardant : Le duc de
Béthune bavardait des misères. (St.-Sim.)
C'est le portier qui m'A bavardé cela. (Dider.)
On n'est pas religieux parce qu'on bavarde
religion. (S. do Sacy.)
— Syn. Bavarder, babiller, caqueter, ja-
boter, jaser. V, BABILLER.
BAVARDERIE s. f. (ba-var-de-rî — rad.
bavarder). Passion pour le bavardage : Vous
« verrez souvent une philosophie qui semble
hardie, mais non cette bavarderie atroce et
extravagante, que deux ou trois fous ont ap-
BAV
pelée philosophie. (Volt.) En vérité, j'abuse de
votre patience ; je me laisse aller à une bavar-
derie très-propre à vous ennuyer. (Mme du
Deff.) il Propos de bavard : Je n'ai jamais rien
écrit de particulier sur la Bretagne, dans mes
bavarderies historiques. (Volt.) Que Voire
Majesté Impériale daigne agréer les bavar-
deries de l'ermite du mont jura. (Volt.)
BAVARDIN, INE S.; BAVARDINAGE S. m.;
BAVARDINER v. n. Mots dont M'ne de Sé-
vigné se servait en plaisantant, pour expri-
mer l'action de bavarder. Elle dérivait ces
diverses formes du nom des lavardin , fa-
mille de bavards, avec laquelle elle avait de
fréquents rapports. C'est ainsi qu'elle disait:
Xai diné en bavardin, pour dire chez les La-
vardin. Nous n'avons fait que bavardiner,
pour dire bavarder comme les Lavardin. Ces
mots avaient un sens trop spécial pour passer
dans la langue ; ils n'ont pas été adoptés.
BAVARDISE s. f. (ba-var-di-ze — rad . ba-
varder). Bavardage, discours, propos de ba-
vard : Si Votre Majesté était curieuse de voir
le commencement de ma bavaroise historique,
■j'aurais l'honneur de la lui envoyer. (Volt.)
Echauffez votre zèle et travaillez, vous aurez
bientôt oublié ces bavaroises de société. (J.-J.
Rouas.) Le conseil n'était plus qu'un café où
l'on s'amusait à des bavaroises. (M1"» Roland.)
BAVAROIS, OISE s. et adj. (ba-va-roi, oi-
ze). Qui est né, qui habite en Bavière; qui a
rapport à ce pays ou à ses habitants : Un
Bavarois. Une Bavaroise. La constitution
bavaroise. L'armée bavaroise. Les chemins de
fer bavarois. Le dialecte bavarois.
— Encycl. Dialecte bavarois. Le dialecte
bavarois (baïerisch) est un dialecte allemand,
qui fait partie des idiomes danubiens. La pro-
nonciation du bavarois consiste dans la sup-
pression de certaines voyelles et la transfor-
mation de certaines autres en diphthongues.
Le bavarois se subdivise lui-même en diffé-
rents patois, tels que ceux de Munich, de
Hohenschwangen et de Saltzbourg. Plus on
avance vers les régions montagneuses du Tyr
roi , plus la prononciation prend un accent
rauque et bref; c'est ainsi qu'au lieu de dire
gefragt (interrogé), l'on dit g f rate; au lieu de
gehabl, eu, gehab, etc.. En même temps, on
remarque un certain nasillement et une cer-
taine cadence monotone, qui rappellent les
patois des bords du Rhin. Conrad Wake, qui
voulait à touie force voir dans les langues
germaniques des Allés du chaldaïque, s'obsti-
nait à considérer le bavarois comme du sy-
riaque presque pur. Inutile d'ajouter que cette
hypothèse n'a pas le moindre fondement sé-
rieux. Dans les ouvrages imprimés en bava-
rois, il faut observer que h, que l'on trouve
souvent intercalé après une voyelle, est une
simple marque de prolongation, que le son de
a est intermédiaire entre a et o, comme en
suédois et dans certains mots anglais, et que
l doit être extrêmement mouillé et souvent
même presque insensible, comme dans Schul-
diger , prononcez "à peu près Schuidigcr , et
dans afin, prononcez oin.
BAVAROISE s. f. (ba-va-roi-ze — rad. ba-
varois. Pendant un séjour que les princes de
Bavière firent à Paris, au commencement du
siècle dernier, ils allaient souvent prendre
du thé au café Procope. Leurs Altesses avaient
demandé qu'on le leur servît dans des ca-
rafes de cristal, et, au lieu de sucre, elles y
faisaient mettre du sirop de capillaire. Cette
boisson nouvelle (ut appelée bavaroise , du
nom des princes). Boisson faite d'une infu-
sion de thé, à laquelle on ajoute du sirop de
capillaire, et du lait qu'on peut supprimer
ou remplacer par du chocolat ou du café :
Bavaroise à l'eau, au lait, au café, au choco-
lat. Il entra dans un café pour prendre une
bavaroise. (Kessler. ) Le prince Eugène de
Bcauharnais, qui avait épousé une princesse de
Bavière, était un des plus beaux hommes de
l'armée. « C'est dommage qu'il n'ait plus de
dents, disait un jour un vieux grognard à un
camarade. — Farceur! répondit ccluijd , tu
sais bien qu'on n'a pas besoin de dents pour
prendre une bavaroise. »
— Bavaroise de gelée, Entremets sucré qui
se prépare avec du lait, du sucre, des jaunes
d'oeufs, etc., et que l'on fait cuire jusqu'à
consistance de gelée.
BAVASSE s. f. (ba-va-se). Bavarde im-
modérée.
BAVASSER v. n. ou intr. (ba-va-sô — rad,
bave). Bavarder : // semble que la coutume
concède à la vieillesse plus de liberté de baj
vasser et d'indiscrétion à parler de soi. (Mon-
taigne.) il V. mot.
BAVASSON s. m. (ba-va-son — rad. ba-
vasser). Petit bavard, dans quelques patois
de la France.
BAVAY s. m. (ba-vè — nom de lieu). Mi-
ner. Nom d'un marbre qui se tire des envi-
rons de Bavay, et qui est un calcaire noirâtre,
moucheté de blanc, traversé quelquefois par
des veines blanches. On lui reproche de pren-
dre difficilement le poli ; aussi ne l'emploie-
t-on que pour des ouvrages communs.
BAVAY, en latin Bagacum, bourg de France
(Nord), ch.-l. de cant., arrond. et à 21 kil.
N.-O. d'Avesnes, près de l'Hognieau; pop.
aggl. 1,575 hab. — pop. tôt. 1,646 hab. Bras-
series, salines, tanneries, corroieries, cloute-
rie, platinerie, peignage de laines, fabrique
de sucre. Bavay*'est une ville très-ancienne,
BAV
qui commença, sous Auguste, à prendre de
1 importance; mais, détruite par les Vandales
en 451 , elle ne se releva jamais complètement.
Elle rit longtemps paitie des Pays-Bas, et fut
définitivement cédée à la France par le traité
de Nimègue , en 1678. I/armée française y
campa après la bataille indécise de Malpla-
quet, en 1709. Louis XIV en fit démolir les
fortifications.
— Antiq. Jacques de Guyse, dans ses Chro-
niques et annales de Naynnau, attribue' la fon-
dation de Bavay à, un roi de Phrygie, con- ■
temporain et parent de Priam ; il ajoute qu'elle
fut d'abord nommée Belgis et gouvernée par
des princes qui avaient le titre d arebidruides ;
que, plus tard, à l'époque de la domination ro-
maine? elle fut appelée Octavie, et qu'elle ren-
fermait alors, dans une enceinte immense, un
magnifique palais et une foule de temples et
d'autres édifices. Aucun document ne justifie
les assertions du vieil historien touchant ces
origines légendaires. Il est bien possible que
Bavay existât avant l'occupation romaine ;
mais César n'en fait pas mention dans ses
Commentaires. Cette ville se développa rapi-
dement après la conquête et devint fa capi-
tale des IS'erviens : elle est nommée Baganum
Ncrviorum par Ptolémée, Bagacum dans Vlti-
néraire d'Antonin, Bagaco Nerviorum dans
la table Théodosienne. Elle avait déjà assez
d'importance sous Auguste, pour que Tibère
y fît une entrée solennelle, lorsque, après son
adoption, il se porta vers le Rhin. La quantité
vraiment extraordinaire de débris d'antiquités
qui ont été trouvés dans cette ville et aux en-
virons atteste la pospérité dont Bavay jouis-
sait pendant les premiers siècles de notre ère.
Mais cette prospérité a été singulièrement
exagérée par quelques auteurs. Aubert Le-
mire, dans ses Annales de la Belgique {Be-
r'um Belgicarum annales), appelle Bavay la
Home des Belges. On a été jusqu'à prétendre
que Posthume forma le projet d'établir dans
cette ville le siège de l'empire. Ce qui est cer-
tain , c'est que, d'après les ruines considéra-
bles qui ont été explorées, on a reconnu que
Bavay avait eu un forum, un cirque, des
théâtres, des thermes, des temples, des basi-
liques, etc. Tous ces monuments périrent,
croit-on, à l'époque de la grande invasion des
Vandales, sous le règne d'Honorius. Ruinée
de fond en comble par les barbares, Bavay
paraît avoir repris quelque importance au
moyen âge. En 1301, elle fut entourée de rem-
parts; mais ces remparts ne suffirent pas pour
la protéger contre les Normands, qui l'incen-
dièrent en 1340. Saccagée par Louis XI, brûlée
par Henri II en 1554, brûlée de nouveau en
1572, occupée par Turenne en 1C54, et l'année
suivante par le mestre de camp Espanee, ce
n'était plus qu'un village désolé quand elle fut
cédée à la France en 1678, par le traité de Ni-
mègue. On n'y comptait que cent dix feux au
commencement du xvme siècle.
On a peine à concevoir qu'après avoir subi
d'aussi cruelles vicissitudes, Bavay ait con-
servé des restes aussi nombreux d'antiquités.
L'emplacement du forum, auquel venaient
aboutir sept voies militaires, est encore parfai-
tement reeonnaissable. Il est marqué par une
large pierre, dite la pierre aux sept coins, qui
fut substituée, au xme siècle, à une autre
beaucoup plus ancienne. Les habitants de
Bavay donnent le nom de mur des Aldus aux
restes d'un aqueduc qui allait prendre l'eau
à 20 kil. de distance, du côté de Floursie et
d'Avesnes. A l'endroit où cet aqueduc débou-
chait dans la ville, on a reconnu les vestiges
de bâtiments spacieux qui formaient les ther-
mes. Les ruines du cirque sont fort remar-
quables. Cet édifice , converti en forteresse
au moyen âge, et désigné encore aujourd'hui
sous le nom de château, mesurait, suivant le
calcul de M. Isidore Beau, 277 m. de long sur
92 m. 33 de large, l'enceinte étant disposée
en forme d'hémicycle. L'arène, de forme rec-
tangulaire, avait une longueur de 180 m. et
une largeur de 86; elle était bordée à l'E. par
un bâtiment formant le derrière du frontis-
pice, et, sur les trois autres côtés, par une
galerie double dont la voûte était soutenue
par des piliers carrés. Les murs du cirque
étaient doubles jusqu'à une certaine hauteur:
l'entre-deux était assez large pour qu'on pût
y circuler. Tout près de cet édifice, on a dé-
couvert, en 1716, une plaque de marbre de
couleur cendrée, provenant d'un arc de triom-
phe élevé en l'honneur de Tibère par un cer-
tain Ch. Licinius, comme l'atteste l'inscription
latine que porte ce précieux débris. On a
trouvé en même temps des statues que quel-
ques auteurs croient être celles de Tibère et
de Livie, et qui, suivant d'autres, seraient des
figures de divinités. De nombreux tombeaux
ont été explorés à Bavay et dans les envi-
rons : on en a retiré beaucoup d'objets anti-
ques, tels que médailles , anneaux , fers de
lance, dards, clefs, styles, fibules. Plusieurs
de ces objets figurent au musée de Douai.
BAVAY (Charles-Victor de), magistrat belge,
né à Bruxelles en 1801, occupe, depuis 1844, le
poste de procureur général près de la cour
d'appel de sa ville natale. Il a publié plusieurs
mémoires intéressants et curieux.
BAVAY (Georges de), homme politique,
frère du précédent, né vers 1802, reçut en
1846 le portefeuille des travaux publies dans
le ministère catholique, formé à cette époque
par M. de Theux, et s'appliqua au développe-
ment de la prospérité matérielle du pays, sur-
tout à celui des chemins de fer et des canaux
BAV
belges. Le cabinet dont il faisait partie resta
au pouvoir jusqu'aux élections de 1S47, époque
où les libéraux obtinrent une telle majorité,
que le ministère dut se retirer. M. de Bavay,
qui est un homme pratique beaucoup plus
qu'un homme de parti, quitta cependant le
pouvoir avec ses collègues, remit son porte-
feuille à M. Arban-Frère, et fut nommé direc-
teur du trésor publie k Hasselt.
BAVE s. f. (ba-ve — mot qui peut être
une onomatopée pour exprimer là salive qui
accompagne le premier babil des petits en-
fants). Salive visqueuse, mais non écumeuse :
Essuyer ta bave d'un enfant, il Salivo écu-
meuse, sécrétée par la bouche de certains
animaux : La bave d'un cheval, d'un chien en-
ragé, d'un crapaud.
Cerbère l'a versé : jadis ce monstre esclave
Fit écumer sur lui sa venimeuse bave.
Rotrou.
— Par anal. Liquide lubrifiant que sécrètent
les hélices terrestres, et qui les aide à se glis-
ser pour avancer : La bave des limaçons, des
escargots.
— Fig. Venin : La calomnie dénature les
plus belles actions, en les infectant de sa bave.
— Techn. Fil très-délié que le ver à soie
dispose d'abord autour de 1 endroit où il va
faire son .cocon, il On dit aussi Araignée ,
Bourrëtte, Frison.
BAVENT (Magdeleine), née à Rouen en
1607 ; religieuse au couvent de Louviers, et la
triste héroïne de la tragi-comédie dont ce cou-
vent fut le théâtre au xvne siècle. Cette tra-
gi-comédie, avec celle d'Aix et de Loudun,
Forme une sorte de trilogie monstrueusement
diabolique, mettant en pleine lumière l'inté-
rieur mystérieux des cloîtres, la vie scanda-
leuse des religieuses et des religieux au xv
et au xvie siècle.
Pour l'affaire de Louviers, plus encore que
pour celles d'Aix et de Loudun, et, en dépit de
Richelieu, qui avait refusé l'enquête deman-
dée par le P. Joseph, les documents abondent.
Le plus instructif, le plus important entre
tous, c'est, à coup sûr, l'Histoire de Magde-
leine Bavent (IG52, in-4°, Rouen, Biblioth.
imp., ancien 1016). On peut consulter encoro
les deux pamphlets du chirurgien Yvelin :
l'Examen et Y Apologie (Biblioth. Sainte-Ge-
neviève, sous le titre impropre de Eloges de
Richelieu, lettre X, 550) ; enfin, la Piété affli-
gée du capucin Esprit de Bosroger, livre im-
mortel, dit Michelet dans les Annales de la
bêtise humaine.
L'éminent historien moraliste que nous ve-
nons de nommer a écrit l'histoire de Magde-
leine de Bavent ; cette histoire fait partie
des pièces justificatives, placées à la fin du
deuxième volume que l'auteur a consacré au
siècle de Louis XIV ; elle se retrouve aussi
au huitième chapitre de son livre intitulé : la
Sorcière.
A notre tour, nous allons esquisser la vie
singulière et folle de cette religieuse, mais à
grands traits, renvoyant, pour les détails, a
Michelet lui-même et aux documents que nous
venons d'indiquer.
Orpheline, lorsqu'elle était tout enfant en-
core, a neuf ans, Magdeleine fut recueillie par
une lingère qui fabriquait, des vêtements de
religieuses, et, conséquemment, dépendait de
l'Eglise. Un moine surtout, un franciscain du
nom de David, régnait dans la maison en con-
fesseur, en maître absolu. • Ce moine, dit
Michelet, faisait croire aux jeunes apprenties
(enivrées sans doute par la belladone et au-
tres breuvages de sorciers), qu'il les menait
au sabbat et les mariait au diable Dagon. Il
en possédait trois, et Magdeleine, h quatorze
ans, fut la quatrième. »
Cette pauvre enfant, subjuguée bientôt,
fascinée, se laissa entraîner et enfermer dans
le couvent que dirigeait le prêtre. Ce couvent
avait été fondé par la veuve d'un procureur
nommé Hennequin, pendu comme escroc , et
pour reprendre au démon l'âme du criminel.
Ce prêtre était réputé saint, et il avait même,
par un livre intitulé le Fouet des paillards,
fustigé la luxure des moines de son temps. La
pure jeune fille croyait entrer dans un asile
de pureté... Elle fut tout à coup bien étonnée,
effrayée.
En ce monastère se passaient de bien sin-
gulières choses, -se pratiquait une singulière
religion, l'illuminisme. « Le corps ne peut
souiller l'âme, prêchait le vieux moine David.
Il faut, par le péché qui rend humble et gué-
rit de l'orgueil, tuer le péché... » Et les reii-
fieuses, dociles à ses leçons, s'abandonnaient
la plus monstrueuse dépravation, allaient
nues par les jardins, qui étaient entourés de
hautes murailles, s'aimaient entre elles, fai-
saient l'amour à la façon des Lesbiennes.
Cette vie étrange révolta d'abord l'inno-
cente novice, souleva de dégoût son cœur
Sur. A la communion, où l'on se présentait
ans l'état de nudité, elle essaya de cacher
son sein avec la nappe de l'autel ; on la gronda
fort, elle ne voulut pas se confier à la supé-
rieure, on la punit; elle laissa voir sa répu-
gnance pour les vices étalés sans vergogno
par ses compagnes, on la gronda de nouveau,
on la punit. Alors, le vieux David, qui, sans
doute, voulait la dompter, la garder pour lui
seul , l'éloigna un peu et la lit tourière -du
couvent.
Sur ces entrefaites, le prêtre David mourut.
« Son grand âge ne lui avait guère permis
BAV
d'aller loin avec Magdeleine.» Il fut remplacé
par un nommé Picart; celui-ci, jeune, ardent,
amoureux, poursuivit à son tour la jeune fille,
l'attaqua par tous les moyens : par la peur, en
lui faisant croire que David lui avait transmis
son pouvoir diabolique ; par la pitié, en se di-
sant malade et ne voulant être soigné que par
elle; il la fit sacristine pour la voir seule et
plus souvent ; au confessionnal, il ne lui parla
que d'amour.
La pauvre enfant succomba. Elle devint
enceinte. Elle avorta , plusieurs fois même,
avouait-elle dans son interrogatoire (p. 13).
Dès lors, Magdeleine ne fut plus qu'une vic-
time , un instrument inconscient , un jouet
entre les mains de l'exécrable prêtre qui usait
d'elle, en abusait, la brisait. On jour, iHui rit
faire un testament par lequel elle promettait
de mourir quand son amant mourrait, d'être
où il serait. Grande terreur pour ce pauvre
esprit. Devait-il, avec lui, l'entraîner dans sa
fosse? Devait-il la mettre en enfer? elle se
crut à jamais perdue. » Un autre jour, « il la
prostitua dans un sabbat à quatre, avec son
vicaire Boullé et une autre femme. ■ Il alla
plus loin encore, ce fils de l'Eglise; il se ser-
vit de Magdeleine, devenue son âme damnée,
pour gagner les autres religieuses.
Or, en ce temps-là, se déroulait le terrible
drame deLoudun; en cette même année avait
été brûlé le héros de cette abominable tragé-
die. On ne parlait dans toute la France, dans
les couvents surtout, que d'Urbain Grandier,
que de charmes, de magie, de diables. Il n'en
fallait pas davantage pour porter le dernier
coup à la raison chancelante de la pauvre
.fille dont nous rapportons ici la triste vie.
Tout h coup « Magdeleine se sentit, possédée
des diables ; un chat aux yeux de feu la pour-
suivait d'amour. Peu à peu d'autres religieu-
ses, par un mouvement contagieux, éprou-
vèrent des agitations bizarres, surnaturelles. »
La diablerie avait donné de la gloire et ap-
porté des richesses aux couvents d'Aix et de
Loudun; ce fut avec joie que la supérieure
de Louviers se vit en possession de cet élé-
ment de renommée et do fortune. Mais, en ce
temps-là, Richelieu tentait une réforme des
cloîtres, dont son oeil perçant avait deviné
toutes les horreurs : il fallutattendre.
Six ans après était mort le ministre Riche-
lieu ; alors tut reprise la guerre avec le dia-
ble. « Pour combattre les visions de Magde-
leine, on chercha, on trouva une visionnaire :
on fit entrer au couvent une certaine sœur
Anne de la Nativité, sanguine et hystérique ,
/au besoin furieuse et folle, jusqu'à croire ses
propres mensonges. Le duel fut organisé
comme entre dogues. Elles se lardaient de
calomnies. Anne voyait le diable tout nu à
côté de Magdeleine (le curé Picart était mort).
Magdeleine jurait qu'elle avait vu Anne au
sabbat, avec la supérieure, la mère vicaire et
la mère des novices. « Rien de nouveau, du
reste, dit Michelet, c'était un réchauffé des
deux grands procès d'Aix et de Loudun. Elles
avaient et suivaient les relations imprimées.
Nul esprit, nulle invention. »
Aussi ne raconterons-nous pas, dans tous
ses détails, ce drame dont les héros étaient,
d'un côté,l'évêque d'Evreux,le pénitencier, la
supéi^êure du couvent; de l'autre, la pauvre
jeune fille devenue épileptique, folle ; d'un
côté des bourreaux, de l'autre une victime.
Magdeleine fut mise toute nue, visitée, piquée
d'aiguilles ; nulle part on ne trouva l'insensi-
bilité qui aurait dépoté en elle la présence du
diable. Elle n'en fut pas moins condamnée et
jetée dans un éternel in-paee.
Alors entre en scène un nouvel acteur, le
chirurgien Yvelin. Homme savant et clair-
voyant, il devina vite la vérité dans toute
cette affaire ; homme honnête, intrépide, il osa
la dire à la face du peuple assemblé en foule,
pendant la nuit, dans les jardins du couvent,
pour assister aux diableries des possédées, à
la face des prêtres et des capucins confus.
Ainsi se résume son pamphlet. « Sur cin-
quante-deux religieuses, il y en avait six pos-
sédées, qui eussent mérité correction ; dix-sept
autres, les charmées, étaient des victimes, un
troupeau de filles agitées du mal du cloître;
elles sont réglées, mais hystériques, gonflées
d'orages à la matrice, lunatiques surtout et
déréglées d'esprit. La contagion nerveuse les
a perdues. La première chose à faire est de
les séparer. »
Longue fut la lutte entre le courageux chi-
rurgien et les moines, entre le mensonge et
la vérité. Celle-ci succomba. Mais revenons
à Magdeleine, qui, pendant ce temps, crou-
pissait au fond d'une fosse, dans Vin-pace du
palais épiscopal d'Evreux. On pensait qu'elle
allait mourir là, étant sans air, sans lumière,
et on oubliait de lui donner des vêtements
pour la couvrir; souvent on oubliait de lui
descendre sa cruche d'eau, de lui jeter son
morceau de pain noir. Couchée sur la terre hu-
mide, dans son ordure, elle fut bientôt cou -
verte d'ulcères que, faute d'un peu de linge,
elle ne pouvait panser. Désespérée, folle,
la misérable jeune fille voulut mourir : elle
avala des araignées, elle avala du verre pilé ;
tout cela en vain ; elle essaya de se couper la
gorge avec un morceau de fer qu'elle avait
trouvé sous sa main, et ne put pas y réussir;
plus elle désirait mourir, plus semblait s'atta-
cher à elle la vie horrible. Suprême honte I
les geôliers de la prison s'amusaient d'elle
comme d'un jouet, se croyaient tout permis sur
la malheureuse, tout, inéme le crime qui l'a-
BAV
vait conduite où elle était. Puis, c'était le pé-
nitencier qui, à son tour, venait tourmenter
sa victime, la confesser malgré elle, la faire
mentir. Lâche, vile, abêtie, stupide, elle ser-
vait de faux témoin. Toutes les fois qu'on
voulait perdre un homme, on la traînait à
Louviers , à Evreux ; ombre maudite d'une
morte, qui ne vivait plus que pour faire des
morts. On l'amena ainsi pour tuer de sa lan-
gue un pauvre homme nommé Duval. Le pé-
nitencier lui dicta sa leçonj elle la répéta
docilement; il lui dit à quel signe elle recon-
naîtrait Duval, qu'elle n'avait-jamais vu : elle
le reconnut et dit l'avoir vu au sabbat. Par
elle, ce malheureux fut brûlé vif!
Bientôt survint la révolution, « premier
souffle de liberté •, qu'on nomma la Fronde. Le
parlement prit en main toutes ces affaires
diaboliques et y mit bon ordre, ordonnant :
l° qu'on détruisît la Sodome de Louviers;
2° que les filles fussent rendues à leurs pa-
rents; 3° que désormais les évêques de la
province envoyassent quatre fois par an des
confesseurs extraordinaires aux maisons reli-
gieuses, pour rechercher si ces abus immondes
ne se renouvelaient point (1647).
Cependant, et ce fut peut-être le coup le plus
sensible qu'on porta au clergé, confus et
vaincu, le corps de Picart fut déterré et brûlé :
son successeur Boullé lit amende honorable,
puis' fut traîné sur la claie, enfin, monta sui-
te bûcher (21 août 1647).
Magdeleine, elle, resta ensevelie au fond
de son cachot, n'osant plus en sortir. Dans les
derniers jours de sa vie misérable, un moment
de repentir descendit au fond de son cœur,
une lueur de raison éclaira son esprit; elle
dicta le livre, horrible à lire, d'après lequel
nous avons écrit cette courte biographie, et
auquel nous renvoyons le lecteur. Il a pour
titre, nous l'-avons dit en commençant, His-
toire de Magdeleine Bavent, religieuse de
Louviers, avec son interrogatoire, etc. (1652,
in-4°, Rouen), et il se trouve à la Bibliothèque
impériale (Z, ancien 1016).
Et voilà comment, avant 1789, était mis en
Pratique, dans certains lieux réputés saints,
Evangile du Christ, ce sublime sursum corda.
De pareilles abominations, et il faut en re-
mercier Dieu, n'existent plus au sein de l'E-
glise ; aujourd'hui et depuis longtemps, le
clergé catholique donne le précepte et l'exem-
ple des plus admirables vertus. A quoi de-
vons-nous cette réforme d'un mal qui, alors
qu'il n'aurait empesté que quelques membres
du nombreux troupeau, n'en eût pas moins
été abominable; à quoi devons-nous ces heu-
reuses réformes? A la Révolution de 1789
(et, en disant cela, nous ne fermons pas les
yeux sur de déplorables excès) ; aux cris ,
quelquefois sauvages ; aux attaques , quel-
quefois brutales, des philosophes. Mais,. nous
1 avons déjà dit avec Chamfort, et c'est ici le
cas de le répéter, on ne nettoie pas les écu-
ries d'Augias avec un plumeau.
BAVÉOLE s. f. (ba-vé-o-le). Bot. Nom vul-
gaire de la centaurée-bluet.
BAVÈQUE s. f. (ba-vè-ko — vad. bave).
Ichthyol. Syn. de blennie : La couleur de la
bavèque varie beaucoup. (V. de Bomare.) Il On
dit aussi baveuse: il Nom commun à plusieurs
espèces du genre gobie.
baver v. n. ou intr. (ba-vé — rad. bave).
Laisser couler de la bave par la bouche :
Cet enfant ne cesse de baver. Le chien en-
ragé bave beaucoup. Les escargots ne peuvent
se manger que lorsqu'ils ont bavé. Si jamais
on vit un spectacle indécent, odieux,, risible,
c'est un corps de magistrats — le parlement ,
— le chef en tête, en habits de cérémonie, pros-
ternés devant un enfant au maillot — le dau-
phin nouveau-né, — qu'ils haranguent en ter-
mes pompeux, et qui, pour toute réponse, crie
et bave. (J. J. Rouss.)
— Par anal. Couler en souillant, au lieu de
jaillir à distance : Ce sang ne jaillit pas, il
•bave.
— Fig. Baver sur, Infecter, souiller, calom-
nier : H se plait à baver sua les talents et
sur les caractères chez lesquels il pressent de
la force et de la sève. (Balz.)
Rentre dans l'ombre où sont tous les monstres flétris
Qui. depuis quarante ans, bavent sur nos débris.
V. Iluao.
— Activ. Souiller de bave ; Votre fille est
une petite beauté brune fort jolie : la voilà,
elle me baise et me bave. (M"»o'de Sév.) ||
Inusité.
BAVEREL (Jean-Pierre), littérateur fran-
çais, né à Paris en 1744, mort en 1822. Il fit
ses études à Besançon, où il se fixa, après
être entré dans les ordres, et put se livrer à
ses goûts littéraires, grâce à un modeste béné-
fice qui lui fut conféré. Baverel, fort instruit,
et doué surtout de l'esprit le plus caustique et
le plus mordant, se fit connaître à propos d'un
prix proposé en 1777 par l'académie de Be-
sançon, sur cette question : Déterminer la
cause d'une maladie qui menace de détruire les
vignobles de la Franche-Comté. Le prix fut dé-
cerné au P. capucin Prudent. L'abbé Baverel
fit aussitôt paraître, sous le titre de Réflexion
d'un vigneron de Besançon, etc. (1778), une
brochure anonyme des plus mordantes, dans
laquelle, après avoir signalé plusieurs erreurs
commises par le P. Prudent, il se moquait
spirituellement de l'académie de Besançon, et
surtout de la crasse ignorance des capucins.
Cette brochure fit le plus grand bruit; le nom
BAV
de son auteur ne fut bientôt plus un secret
pour personne, et le pamphlet fut dénoncé au
parlement, qui eut le bon sens de décliner sa
compétence. Se voyant découvert, Baverel,
qui était irrité de la dénonciation du P. Pru-
dent, écrivit contre le capucin et son ordre
une seconde brochure, dont le retentissement
fut extrême et qui lui valut les félicitations
de l'abbé Raynal et de Mercier, l'auteur du
Tableau de Paris, qui se trouvait alors à
Neuchâtel. Baverel s'occupait d'écrire une
histoire de la Franche-Comté lorsque la Révo-
lution éclata. Il en adopta avec ardeur les prin-
cipes, prêta le serment exigé des ecclésiasti-
ques, et se fit affilier à la Société populaire.
Cependant il fut un des fondateurs d'un jour-
nal réactionnaire, qui n'eut que vingt-huit
numéros, la Feuille hebdomadaire ; il se ren-
dit ainsi suspect, et fut enfermé au château de
Dijon en 1793. Baverel fut ensuite chargé, en
1S07, de la description des anciens châteaux
et des monuments debout dans la province de
Franche-Comté, et il obtint de nombreuses
gratifications du ministère. Il allait partir pour
Paris, avec une grande quantité de manuscrits,
lorsqu'il mourut subitement. La ville de Be-
sançon a acheté ses manuscrits, où sont réu-
nis une masse de documents très-intéressants
sur la Franche-Comté. On a publié de lui :
Observations sur l'ouvrage du P. Prudent tou-
chant les maladies de la vigne (1779); Coup
d'anl philosophique et politique sur la main-
morte (1785) ; Notice sur les graveurs qui nous
ont laissé des estampes marquées de mono-
grammes, chiffres, etc. (180S, 2 vol.)
BAVERETTE s. f. (ba-ve-rè-te — dim. de
bavette). Partio d'un tablier qui couvre la
poitrine : Cette baverette me produisait
l'effet que le mouchoir brodé produit sur les
nerfs de M. Alph. Karr (Pontmartin.)
BAVEROLLE s. f. (ba-ve-ro-le — rad. ba-
ver). Autref. Mentonnière de casque, il Pièce
d'étoffe attachée à une trompette do guerre.
bavette s. f. (ba-vè-te~ — rad. baver).
Pièce du vêtement des petits enfants, que
l'on attache sous leur menton, pour les em-
pêcher de se salir en bavant : Bavette en pi-
qué. Bavette de toile cirée. Porter encore la
bavette.
Les enfants de votre pays
Ont, ce me semble, des bavettes
Que je trouve plaisamment faites.
La Foktaine.
— Par anal. Linge dont se servent des per-
sonnes de tout âge, pour ne pas salir leurs
vêtements sur le devant de la poitrine : La
sœur de madame de Montespan avait les yeux
fort chassieux, avec du taffetas vert dessus, et
une grande bavette de linge qui lui prenait
sous le menton. (St-Sim.) il Baverette : File
portait un tablier de soie violet-pensée, avec la
bavette, que nos villageoises ont eu le tort de
supprimer, et qui donnait tant d'élégance et de
modestie à la poitrine. (G. Sand.) Un ample
fichu de mousseline blanche se croisait sur son
sein, et disparaissait à demi sous la haute ba-
vette carrée d'un petit tablier de taffetas
changeant. (E. Sue.)
— Etre à la bavette, Etre en âge do porter
la bavette : Cet enfant est encore a la ba-
vette, il Par ext. Etre très-jeune :
Le temps coule : on n'est pas sitôt à la bavette.
Qu'on trotte, qu'on raisonne; on devient grandelette,
Puis grande tout à fait.
La Fontaine.
— Fam. Tailler des bavettes, Bavarder :
Après une si longue absence, j'éprouve le be-
soin de tailler une bavette. (Mélesv.)
— Archit. Lame de plomb dont on couvre
les bords des chéneaux établis sur les cou-
vertures d'ardoises.
— Techn. Plastron de boyaudier.
— Pôch. Construction en terre, pour don-
ner issue à la fumée dans la préparation des
harengs.
— Art culin. Bavette d'aloyau, Partie du
bœuf comprise entre l'aloyau et le pis.
bavedle s. f. (ba-veu-le). Bot. Nom vul-
gaire de la centaurée-bluet,
baveux, eu SE, adj. : Qui laisse couler de
la bave ; Un enfant baveux. Une bouche ba-
veuse. Une limace baveuse. Il est facile de
reconnaître les fumeurs, à leur air hébété, à
leurs lèvres baveuses. (Blanqui.)
La limace baveuse argenté la muraille,
Dont la pierre se gerce et dont l'enduit s'6rai!le.
Théophile Gautier.
— Chairs baveuses, Bords d'une plaie hu-
mectés d'un liquide séreux, ce qui empêche
la cicatrisation.
— Art culin. Omelette baveuse, Omelette peu
cuite , do consistanco assez molle, et qui
suinte.
— Typogr. Lettre baveuse; Lettre dont l'en-
cre a maculé les bords.
BAVIÈRE s. f. (ba-viè-re— rad. baver). Art
milit. Pièce d'armure qui servait à défendre
la partio inférieure du visage, et qui tantôt
se vissait au plastron de la cuirasse, tantôt
faisait partie du casque et se levait ou s'a-
baissait au moven de doux pivots placés à
gauche et à droite du timbre, il On l'appelait
aussi mentonnière. ,
— Encycl. La plaque de fer ou d'acier qui
se trouvait vissée à la partie supérieure du
BAV 401
plastron de la cuirasse était le complément
nécessaire de l'armure de tête connue autre-
fois sous le nom de salade. Elle couvrait le
cou et le menton et se terminait au-dessus de
la bouche. « Elle était arrondie, dit M. Belle-
val, et se modelait sur la forme du visage.
Lorsqu'on la portait avec la salade, elle était
vissée -à la cuirasse , comme on vient de le
dire ; lorsque, au contraire, on la portait avec
un chapeau de Montauban, elle était accom-
pagnée d'un colletin forgé d'une seule pièce,
qui couvrait le cou aussi bien par devant que
par derrière, et venait sur les épaules recou-
vrir la jointure de l'épaulière.
Il y avait encore des bavières faites de deux
lames réunies, et dont l'une, celle du haut,
pouvait se baisser sur celle du bas, pour lais-
ser respirer plus facilement. Olivier de la
Manche rapporte qu'il n'était pas rare de
voir, dans les tournois, des chevaliers faire
déclouer la visière de leurs bassinets ou sala-
des, et ils prenaient aussitôt une grande ba-
vière. » Etoit armé d'un armet à la façon d'I-
talie et de sa grande bavière... A voit un capel
de fer et une haute bavière, tellement que de
son visage il n'apparaissoit que les yeux , »
lisons-nous dans la chronique de J. de Lalain.
La bavière a été aussi appelée quelquefois
barbute ou barbuce, et Ducange a commis uno
erreur en pensant que la barbute était une es-
pèce de casque ; ce n'était que la bavière, et
rien de plus.
BAVIÈRE (royaume de), en allem. Baient,
Etat de l'Europe centrale, faisant partie de la
Confédération germanique. Cap. Munich. Ce
royaume se compose de deux parties de terri-
toire situées l'une en deçà, l'autre au delà du
Rhin, et séparées par une distance de 55 kil.,
qu'occupent le Wurtemberg et le grand-duché
de Bade. La plus considérable de ces deux
parties, à l'E. du Rhin, comprise entre 470 20'
et 50« 41' de lat. N. et entre 6° 31' et ll° 24'
de long. E., est bornée au N. par le royaume
de Saxe" les principautés de Reuss, les duchés
de Saxe-Gotha et Saxe-Meiningen, le grand-
duché de Saxe-Weimar et la- Hesse-Cassel;
à l'O. par la ville de Francfort-sur-le-Mein,
les grands-duchés de Hesse-Darmstadt, de
Bade et le royaume de Wurtemberg; au S.
par la Suisse et les Etats autrichiens et à l'E.
par l'empire d'Autriche. L'autre partie, à l'O.
du Rhin et sur ce fleuve, forme la Bavière
Rhénane ou le Palatinat, comprise entre 4 b° 57'
et 49" 50' de lat. N. et entre 4» 45' et 6» 11' de
long. E. ; elle est limitée au N. par la Hesse
et la Prusse Rhénane, à l'E. par le Rhin, qui
la sépare du grand-duché de Bade; au S. par-
la France, et à l'O. par la Prusse Rhénane et
la seigneurie de Meisenheim,qui appartient à
Hesse-Hombourg. Superficie totale, 76,000 k.
carrés, dont 540 pour le Palatinat; pop. d'a-
près la statistique dernière, 4,559,452 h., dont
3,176,338 catholiques, 1,233,894 protestants et
56,033 Israélites, répandus dans 222 villes,
401 bourgs, 94 terres nobles et 11,075 villages.
La Bavière est divisée en huit cercles ou
provinces (en allem. kreis), savoir :
Cercles Chefs-lieux.
Bavière (Haute) Munich.
Bavière (Basse) Passau.
Franconie (Haute). . . Bayreuth,
Franconie (Basse). . . Wurtzbourg.
Franconie (Moyenne). . Anspach.
Palatinat Spire.
Palatinat (Haut) Ratisbonne.
SouabeetNeubourg. . . Augsbourg.
— Orogr. et hydrogr. La Bavière est ua
pays élevé et montagneux, appuyé au S.
aux Alpes 'Noriques ou Bavaroises, à l'E.
au Bœhmerwald, au N.-E. à l'Erzgebirge et
au Fichtelberg, et sillonné dans une partie de
sa région centrale par les Alpes de la Souabe.
La Bavière Rhénane est traversée dans son
milieu par la chaîne du Hardt, dépendance
des Vosges, et dont le point culminant est le
Donnersberg. Toutes ces montagnes ne dé-
passent pas une altitude moyenne : le Hoch-
kampen, dans les Alpes Bavaroises, ne s'élève
pas au-dessus de 3,125 m., et le Rachel, dans
le Boehmerwald, n'atteint que 1,390 m. Les
différents cours d'eau qui descendent de ces
montagnes, ou qui traversent le pays, appar-
tiennent au bassin du Rhin et au bassin du
Danube. Le Palatinat tout entier fait partie
du bassin du Rhin, et est arrosé par ce fleuve,
par la Lauter, la Queich, la Blies, la Nahe et
son affluent la Glan. Le massif oriental du
territoire est situé dans le bassin du Rhin et
dans le bassin du Danube. Ce dernier traverse
la Bavière sur une longueur de 430 kil., et y
reçoit, à droite: Piller, le Lech, Viser et l'Inn,
avec leurs nombreux affluents; à gauche, la
Wornitz, l'Altmlilol, la Naab, la Regen et
l'Ilz. Le Rhin, au S.-O., par le lac de Con-
stance, marque une petite étendue de la fron-
tière ; mais au N. toutes les eaux de son bas-
sin affluent dans le Mein, qui a sa source en
Bavière et y reçoit la Taulier, la Rodach, la
Saale de Franconie et la Regnitz. Les lacs
sont communs, surtout dans la partie méridio-
nale; les plus importants sont : le Chiem, le
Starnberg et l'Ammer, dans le lit de la ri-
vière du même nom. Mais tous ces nombreux
cours d'eau serpentent dans des vallées étroi-
tes et tortueuses; les seules plaines considé-
rables sont celles que forme Va vallée du Lech,
au-dessus et au-dessous d'Aug"sbourg, et celle
de la vallée de l'Isar, entre Munich et Frei-
sing.
— Climat, productions. Le climat est sain ;
51
402
BAV
mais en raison de l'élévation du plateau ba-
varois (la plus grande dépression du sol étant
de 108 m. au-dessus du niveau de la mer), il
est froid comparativement a celui des autres
parties de l'Allemagne. Sol fertile, industrie
agricole très-dé veloppée; houblon et céréales
en abondance ; vins très-estimés, et en parti-
culier ceux du Rhin , de Franconie , de la
vallée du Mein, de la Saale et de la Tauber.
Prairies très-vastes, qui donnent des fourrages
de qualité supérieure, et permettent en grand
l'élève du gros bétail, des moutons et des
chèvres ; volaille ; arbres fruitiers ; près de
250,000 ruches d'abeilles, qui produisent un
miel très-recherché; dans les étants, les lacs
et les rivières, pêche abondante de poissons
et d'écrevisses.
Les grandes forêts qui couvrent le versant
des montagnes fournissent de beaux bois de
construction ; elles occupent le tiers de la su-
perficie totale du royaume ; les plus importan-
tes sont celles de Kempt et de Mittenwald,
dans la Bavière supérieure; celles do Rotz et
deLaurenzi, dans la Franconie centrale ; celle
de Kulmen, dans la Franconie supérieure. Le
gibier y est abondant; on y trouve beaucoup
de loups, de chamois et de marmottes. Les
richesses minérales de la Bavière sont un peu
abandonnées ; on n'en a recherché jusqu'à pré-
sent que le sel et le fer ; cependant, on y a
découvert des mines de plomb argentifère
et des houillères; l'Inn et Viser charrient
des paillettes d'or. Nombreuses et belles es-
pèces de marbre, albâtre, gypse, calcaires à
chaux et à bâtir, ardoises, graphites, terre à
porcelaine réputée la meilleure d'Europe ,
serpentine et grenats ; plusieurs sources mi-
nérales avec établissements de bains, dont les
plus fréquentés sont ceux de Kissingen, de
Brukenau et de Rosheneim. L'industrie manu-
facturière est peu développée en Bavière : par
suite, malgré la grande quantité de voies de
communication, en mauvais état, il est vrai;
malgré les nombreuses rivières navigables et
le canal Louis, qui joint le Mein au Danube ;
malgré un réseau de chemins de fer qui fait
communiquer les grands centres de population
avec le reste de l'Europe, le commerce est
très-restreinfc, à l'exception, cependant, de ce-
lui de transit. Les deux places d'Augsbourg
et de Nuremberg le résument tout entier, et
sont célèbres par la beauté et la qualité de
quelques-uns des produits de leur industrie,
tels que la joaillerie et la bijouterie de la pre-
mière, lès jouets et le tabac de la seconde,
qui sont exportés dans toute l'Europe; ajou-
tons que la bière de Bavière, dont il se fabri-
que annuellement 8 millions de tonneaux dans
6,000 brasseries, est la plus recherchée d'Alle-
magne.
— Gouvernement, admin., budget, etc. Le
gouvernement bavarois est une monarchie
constitutionnelle ; le trône est héréditaire par
ordre de primogéniture dans la ligne mascu-
line, et, a défaut d'héritiers mâles, dans la
ligne féminine. Le pouvoir exécutif appartient
au roi ; les ministres sont responsables. Le
pouvoir législatif, quoique exercé concurrem-
ment par le roi et les deux chambres, la pre-
mière, le sénat, composée de membres héré-
ditaires ou viagers; la seconde, celle des
députés, formée par cinq catégories de mem-
bres élus par le suffrage restreint, se mani-
feste souvent par des ordonnances royales,
dont le domaine est assez étendu. Le Palatinat
est régi par le code Napoléon ; les autres
cercles, par le code de Bavière. La cour su-
prême de justice du royaume est la haute
cour d'appel civile et criminelle siégeant à
Munich; chaque cercle possède une cour cri-
minelle et d'appel civil, et est administré par
une régence composée d'un président et de
conseillers; en outre, un conseil provincial
électif, de 24 membres, s'y assemble une fois
par an pour délibérer sur les affaires qui l'in-
téressent et pour répartir l'impôt. Les subdi-
visions administratives des régences, a la fois
civiles et judiciaires, sont les arrondissements
des justices royales et des justices seigneu-
riales. La Bavière posstde deux archevêchés
et six évêchés catholiques; ces diocèses se di-
visent en 171 doyennés et comprennent 2,756
paroisses; les luthériens et les réformés, sous
la direction d'un consistoire général, forment
ensemble 920 paroisses, et, bien que l'exercice
des cultes soit libre, les confessions chrétien-
nes seules jouissent de tous les droits civils et
politiques. Le clergé bavarois possède une
juridiction privilégiée. Le ministre de l'inté-
rieur dirige l'instruction publique; chaque
paroisse possède une école élémentaire, dont
la fréquentation est obligatoire pour tous les
enfants jusqu'à l'âge de 14 ans ; l'ensei-
gnement secondaire comprend les gymnases,
les lycées, les écoles industrielles et techni-
ques, et trois universités, dont deux catholi-
ques, Munich et Wurtzbourg, et une protes-
tante à Erlangen. D'après la loi de finances
adoptée par la Chambre des députés pour
1855, les dépenses se sont élevées a 37,325,510
florins ou S0,349,859 francs, et les recettes à
34,785,685 florins ou 74,780,222 fr. Le déficit
doit être couvert par le produit de la loterie
et par une augmentation des impôts directs.
La dette publique est de 130,995,620 florins ou
294,640,683 fr.
La force armée de la Bavière comprend
l'armée permanente, l'armée de réserve et
la landwehr : l'armée permanente se compose
de 172,571 hommes. infanterie ; 22,874 hommes,
cavalerie, et 18,079 artilleurs pouvant des-
BAV
servir 1,628 bouches à feu ; l'armée de réserve
se compose des troupes sortant du service
actif, la durée du service y est de deux ans ;
la landwehr comprend tous les habitants de 17
à 60 ans propres au service militaire, et est te-
nue, en temps de guerre, au service militaire
dans l'intérieur du royaume. L'armée active se
recrute par conscription, le service dure 4 ans,
le remplacement est permis. La Bavière a
1 voix dans les assemblées ordinaires de la
Diète, et 4 voix dans les assemblées plénières ;
son contingent fédéral est de 53,400 hommes,
et sa contribution fédérale de 195,996 florins
ou 411,391 fr.
— Histoire. Les Bavarois sont généralement
regardés comme les descendants des anciens
Boïens, peuple celte établi en Germanie, et
auquel la Bohème (Boeheim, demeure des
Boîens) doit son nom. Cependant Lang, Man-
nert et d'autres historiens bavarois nient ce
mélange des Celtes et des Germains ; une
circonstance importante parle en faveur de
cette dernière opinion : la langue bavaroise,
dialecte particulier do l'allemand, ne renferme
rien qui trahisse une origine celtique. Ce qu'il
y a de certain, c'est que la Vindélicie, le No-
ricum, provinces romaines correspondant à
la Bavière méridionale d'aujourd'hui, étaient
habitées, vers la fin du ve siècle, par la fédé-
ratton des Boïoares ou Bavarois, qui tiraient
leur origine des Suèves, des Rugiens, des
Thuringiens , des Hernies et d'autres tribus
germaniques, et qu'elles prirent, dès lors, le
nom de Boïoaria, transformé plus tard en
Baïern, Baoaria, Après la destruction de l'em-
pire romain, les Bavarois se trouvèrent en
partie sous la domination des Ostrogoths, et
plus tard sous celle des Francs Austrasiens;
>ls conservèrent cependant jusqu'à la lin du
vme siècle leurs ducs héréditaires, appelés
Agilolfinyiens, parce que le premier d'entre
eux portait le nom d'Agilulphe (vers 530).
L'histoire mentionne, vers l'an 556, cette fa-
mille, qui se maintint dans cette dignité jus-
qu'au règne de Charlemagne. Le règne de
Thassilon 1er (590) est mémorable par le
commencement de la guerre contre les tribus
slaves et leurs alliés, les Avares. Sous Gari-
bald II, les Bavarois reçurent, vers 630, du
roi franc Dagobert leurs premières lois écri-
tes. A peu près vers la même époque, des
missionnaires francs introduisirent le chris-
tianisme dans cette contrée, saint Emmerond
à Ratisbonne, et Rupert à Salzbourg. Sous le
règne d'Odilon, gendre de Charles Martel,
l'archevêque Boniface divisa l'église de Ba-
vière en quatre évêchés : Salzbourg, Passau,
Ratisbonne et Freisingen. En 743, Odilon
prit le titre de roi et tenta de se soustraire a
la suzeraineté des Francs ; mais il fut vaincu
par ses beaux-frères Carloman et Pépin , et
contraint de subir le joug qu'il avait voulu
secouer. Thassilon II, successeur d'Odilon,
dut venir, en 748 , à la diète de Compiègne,
prêter, comme vassal, serment de fidélité au
roi Pépin le Bref; plus tard, il déclara son
serment nul et se ligua avec son beau-père
Desiderius (Didier), roi des Lombards, etavec
les ducs d'Aquitaine. Après la chute de la dy-
nastie des Lombards, préparant sa perte et
celle de sa famille, il fit alliance avec les
Avares contre le nouvel empereur d'Occident.
Vaincu par Charlemagne, Thassilon et tous les
siens furent enfermés dans des monastères, où
ils moururent ignorés. A la diète convoquée à
Ratisbonne en 788, Charlemagne abolit la di-
gnité de duc de Bavière, quoique ce pays con-
servât toujours la dénomination de duché;
il nomma gouverneur de cette contrée son
gendre , le comte Gérold de Souabe, et y intro-
duisit l'administration franque. Vers 799, l'em-
bouchure de la Naab dans le Danube forma la
limite de la Bavière, qui comprenait alors,
indépendamment de la Bavière proprement
dite, le Tyrol, le pays de Salzbourg, la plus
grande partie de 1 Autriche, le haut Palatinat,
les villes de Neubourg, Anspach, Bayreuth,
Bamberg, Nuremberg, Weissembourg et Din-
kelsbourg.
A la mort de Charlemagne, Louis le Débon-
naire fit donde laBavièreàLothaire,et quand
celui-ci eut été associé par son père à l'empire,
Louis l'Allemand mit le titre de Iteso Boioario-
rum , en 817. Louis le Débonnaire étant mort
(840), son fils Carloman fut couronné roi de
Bavière, royaume qui comprenait en outre la
Carinthie, la Carniole, l'istrie, le Frioul, la
Pannonie, la Bohême et la Moravie. Après ce
prince, et jusqu'au commencement du xe siè-
cle, ta couronne de Bavière passa successive-
ment à Louis III, Charles le Gros, Arnould et
Louis IV, en la personne duquel s'éteignit la
race carlovingienne j9u). Arnould le Mauvais,
fils, du Bavarois Luitpold, célèbre chef d'ar-
mée, s'arrogea, avec le consentement du peu-
ple, l'autorité suprême, et la Bavière devint
de nouveau un duché distinct ; c'est de cette
époque que date proprement son existence,
comme Etat souverain. Cinq ans après sa
mort (939), le duché sortit de sa maison, de-
vint le théâtre de guerres continuelles, tant
intérieures qu'avec l'étranger, et fut gouverné
par les ducs des maisons de Saxe et de Fran-
conie jusqu'en 1180, où, après la proscription
du guelfe Henri le Lion, de la maison d'Esté,
l'empereur Frédéric Ier le conféra, en 1180, à
Othon , comte de Wittelsbaeh , descendant
d'Arnoulf et souche de la maison qui règne
actuellement en Bavière. Ce prince et son
entreprenant successeur Louis Ier accrurent
considérableineiitleurs domaines héréditaires.
BAV
Ce dernier obtint même de l'empereur Frédé-
ric II (1215) le Palatinat du Rhin à titre de
fief. Il périt assassiné en 1231, et eut pour suc-
cesseur Othon II l'Illustre, son fils, comte
palatin du Rhin. Sous le règne d'Othon II,
que le pape excommunia à cause de l'attache-
ment de ce prince aux intérêts de l'empereur,
la Bavière reçut encore de notables accrois-
sements ; mais ces vastes possessions ne
restèrent pas longtemps dans les mêmes
mains. Othon mourut en 1253, et ses fils Louis
et Henri, qui régnèrent